La république populaire de Chine comme partenaire au développement de la république du Sénégal: Enjeux et perspectives( Télécharger le fichier original )par Moustapha Sokhn A DIOP ENA - BREVET ENA 2007 |
2. LES MENACES POUR LE SÉNÉGAL2.1. L'INVASION DU MARCHÉ SÉNÉGALAIS
Dans le port de Dakar, le nombre de containers chinois, débarqués chaque jour des cargos, a ces deux dernières années. Et, dans les pays voisins, les chiffres sont à l'avenant. Les échanges commerciaux entre la Chine et l'Afrique ont atteint la somme record de 29 milliards d'euros en 2005. Trois fois plus qu'en 2000. Il y aurait, officiellement, 820 entreprises et 130 000 ressortissants chinois (le double d'ici à cinq ans selon les prévisions) installés sur le continent. Pékin investit désormais autant en Afrique que dans le Sud-est asiatique, selon une étude de l'Union européenne, et il est devenu le deuxième fournisseur de l'ensemble des pays francophones. Derrière la France, mais devant les Etats-Unis et la Grande-Bretagne. Ceci explique qu'on ne compte plus les visites officielles de dignitaires de l'Empire du Milieu en Afrique. Photo 5 : Des touristes français viennent acheter des articles sur les étaux sénégalais. (Photo M.S. Diop ; 2007). Photo 6 : D'autres font leurs achats dans les boutiques chinoises. (Photo M.S. Diop ; 2007). Ce constat justifie l'inquiétude des commerçants qui affirment être concurrencés par les chinois à tous les niveaux. Photo 3 et 4 : Une véritable économie de marché a été créée dans l'avenue Charles De Gaulle, autours des boutiques chinoises. Les propriétaires des maisons riveraines ont modifié leur devanture en construisant des boutiques qu'ils louent aux chinois. Les jeunes marchands Sénégalais revendent, sur des étaux, les mêmes articles que ceux trouvés dans les commerces chinois. (Photos M.S. Diop ; 2007). Photo 1 : cette photo montre l'un des premiers centres commerciaux chinois à Dakar, situé sur le prolongement de l'avenue Faidherbe. (Photo M.S. Diop ; 2007). Photo 2 : celle-ci montre l'une des rares boutiques d'habillement, sénégalais, qui restent dans l'avenue Charles De Gaulle. Ce commerce souffre de la concurrence chinoise, au plan des articles et du coût de la location qui doublé. (Photo M.S. Diop ; 2007). Photo 1 Photo 2 Photo 3 Photo 5 Photo 2 Photo 6 Dans leur nouveau Chinatown (Allée Papa Gueye Fall, en prolongement de l'avenue Charles De Gaulle), nous avons rencontré Jan Liam Jan, après beaucoup de réticence, il nous confie qu'il est spécialisé dans les portraits de marabouts africains. Posters géants, en couleurs, en noir et blanc, en version luxe avec liseré d'or... Il est connu pour avoir l'un des meilleurs choix de Dakar. Dans sa boutique, les photos des marabouts sont alignées en rang, à côté des soutiens-gorge et des ceintures « Nike ». C'est en Chine, non loin de Shanghai, que Jan Liam Jan les fait fabriquer. La consigne ? Ils doivent être la copie conforme des portraits que l'on trouve depuis des décennies à Sandaga. Sauf que dans sa boutique, un « faux » coûte seulement 3 000 francs CFA, dix fois moins cher qu'un « vrai ». Le comptoir de Jan Liam Jan ne désemplit pas. Et ses deux employés sénégalais n'ont pas une minute à eux. Assis au fond de sa boutique, devant la télévision, qui diffuse les images de la chaîne chinoise CCTV-4, il surveille ses affaires du coin de l'oeil. Cela fait quatre ans qu'il a débarqué avec femme, enfants et compte en banque de son Pékin natal. Mais il ne parle toujours pas un mot de français, ni de wolof, mais se débrouille avec l'Anglais. Comme lui, environ 300 de ses compatriotes ont parcouru 15 000 kilomètres pour ouvrir un commerce autour du boulevard du Général-de-Gaulle. Vêtements, chaussures, jouets en plastique, ventilateurs, savons, vélos, parfums, sacs... Les arguments de vente des Chinois sont imparables : leurs prix sont cinq à dix fois inférieurs à ceux des Sénégalais. Et cela compte dans notre pays de 11 millions d'habitants, classé 157e sur 177, selon l'indice du développement humain des Nations unies. Même les Sénégalais n'en reviennent pas. Les commerçants de Dakar grincent de plus en plus des dents. En août 2004, ils ont organisé une journée « ville morte » et fermé tous leurs magasins pour protester contre la concurrence déloyale des Chinois. Et certains fabricants commencent à jeter l'éponge. «Avec 20 000 tee-shirts par jour, j'ai longtemps été le premier fournisseur du pays. Aujourd'hui, je n'en vends plus un seul », raconte Ibrahima Macodou Fall22(*). Les Chinois proposent des pièces à moins de 400 francs CFA l'unité [0,6 euro]. « A ce prix-là, je n'arrive pas à suivre. Il y a six mois, j'ai même arrêté la production de pagnes de tissu africain, parce que leurs fabricants ont commencé à produire les mêmes chez eux, avec rigoureusement les mêmes motifs traditionnels, mais à moitié prix. Comment font-ils alors que les salaires sont très bas chez nous et que nous n'avons pas de coût de transport à supporter? Je ne comprends toujours pas.» Beaucoup d'autres industries locales seraient menacées. Les piles, les savons, les allumettes, la colle, les chaussures etc... Le nombre de cordonniers à la Médina23(*), à Dakar, aurait ainsi diminué depuis 2000. Et c'est difficile aujourd'hui de trouver une moto ou une mobylette qui ne soit pas « made in China » sur le continent noir. En cinq ans à peine, entre 1995 et 2000, Pékin a raflé le marché. Sur 600 000 motos vendues chaque année, par exemple, au Nigeria, on ne trouve plus que 6 000 japonaises. Toutes les autres sont chinoises. Il faut être très vigilant, reconnaît Alain Viry24(*), « La Chine a une puissance de feu considérable. Elle va être, dans les années à venir, un concurrent redoutable pour les entreprises locales et occidentales, mais aussi un acteur majeur du développement en Afrique.» Yan Jun, quant à lui, accent mandarin nous dit avec un de français « débrouillé » : «Les affaires marchent bien.» Installé depuis dix ans au Sénégal, il préside l'Association des Ressortissants chinois à Dakar et tient le restaurant Xy, près de la place de l'Indépendance, où, le soir, les marins Chinois viennent s'entasser autour d'une bière Tsing Tao. Il a laissé à Henan, sa ville natale, une femme et deux enfants. L'invasion Chinoise a suscité pas mal de réactions. Selon Ibrahima Lô25(*), « La Chine, dont la population s'élève à 1 milliard 400 millions d'habitants, doit investir dans les secteurs primaires et secondaires et créer des emplois massifs. Mais pour nous, il n'est pas question que ses ressortissants viennent ici pour devenir des boutiquiers ou des tabliers, c'est-à-dire envahir le secteur informel et mener ainsi la vie dure aux « Goorgorlus » autochtones. Nous n'accepterons pas qu'ils viennent nous mener la concurrence dans ce secteur qui est à protéger ». Nicolas Pinaud renchérit en affirmant que « la diaspora chinoise, en investissant le secteur informel avec ses nombreux produits, crée une concurrence redoutable dans un secteur qui fait vivre 85% de la population africaine ». Face à cette situation, des commerçants ont fermé boutique a Dakar, à plusieurs, depuis 2002 pour protester contre «l'invasion massive des Chinois dans le secteur du commerce sénégalais», dénonçant l'arrivée de marchandises à bas prix et le non-respect de la fiscalité par leurs concurrents asiatiques. Tableau de la répartition des boutiques chinoises
Source : Direction du commerce extérieur * 21 Interview avec Dame Ndiaye, propriétaire d'une boutique d'alimentation et président de l'Unacois (Union nationale des Commerçants et Industriels du Sénégal). * 22 Président de la Nouvelle Société Textile Sénégalaise (NSTS). * 23 Quartier de Populaire de Dakar, situé à 1 kilomètre du centre ville. * 24 Président Directeur Général de la CFAO, filiale du groupe PPR spécialisée dans la distribution automobile et de médicaments en Afrique et dans les Dom-Tom. * 25 Un responsable de l'Unacois-Def. |
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