PREMIERE PARTIE : COMPLEXITE DU DEVELOPPEMENT
AGRICOLE DANS LE BASSIN DE GOUDOMP
CHAPITRE I : UNE VALLÉE RICHE EN
POTENTIALITÉS AGROPÉDOLOGIQUES
Introduction
Le cadre physique de la région naturelle de Casamance
est de nos jours l'objet de plusieurs travaux de recherche de synthèses
réalisés par différents bureaux d'études et
universitaires. Les résultats de ces études dans les
domaines aussi variés que sont la Géologie et la
Géomorphologie, la végétation et les sols ont pour une
bonne part, contribué a une meilleure connaissance de cette
région a haute vocation agricole.
Avec des sols riches sur un relief a faible pente, de l'eau
disponible en surface et en profondeur (nappe phréatique), le bassin de
Goudomp offre toutes les opportunités pour un développement
agricole.
I- Un relief monotone simple à mettre en valeur
Le relief du bassin de Goudomp a l'instar du reste de la
Casamance se caractérise par sa monotonie. Il est formé par
des bas plateaux, des interfluves séparés par des plaines
alluviales. Il s'agit de terrains intermédiaires entre les plaines et
les zones a ondulation de terrain, assez imperméables avec des zones
perméables d'étendues notoires. Les pentes longitudinales et
transversales sont faibles dans l'ensemble du bassin, conséquence de la
monotonie du relief. Les pentes les plus fortes sont inférieures a 5%.
Les valeurs de la pente s'estompent au fur et a mesure que l'on va vers l'aval.
Cette faiblesse de la pente entraîne d'une part, un ralentissement de
la dynamique fluviale avec comme conséquence un alluvionnement au
sein du lit du marigot ; d'autre part, elle facilite la remontée des
biseaux
salés a l'intérieur des terres
rizicultivées.
Cette monotonie du relief facilite sa mise en culture
qui se fait avec un outillage rudimentaire. La faiblesse des pentes
amoindrit l'érosion par ruissellement et la perméabilité
des sols favorise l'infiltration qui alimente l'écoulement
souterrain.
II- De l'eau disponible mais sous- exploitée
Notre analyse sera orientée essentiellement sur
les bas-fonds (zones d'écoulement des eaux de surface) et sur les
ressources d'eau souterraine; les précipitations étant
étudiées dans le chapitre suivant.
II-1 Les bas- fonds : un espace humide
Les bas-fonds sont, selon RAUNET2, des fonds
plats ou concaves des vallons et axes déprimés ne
possédant pas de cours d'eau importants bien marqués,
submergés pendant une période de l'année par une nappe
d'eau qui s'écoule. Les sols sont d'origine colluviale.
Le bassin- versant a une surface variant entre 1 et 200
km2. Un bas-fond peut se découper
en trois parties : l'extrême amont ou tête de
bas-fond, le tronçon amont et le tronçon aval.
II- 1-1 Un écoulement de surface
maîtrisable
Le réseau hydrographique du bassin de Goudomp est
lâche et se réduit aux deux drains principaux (le marigot de
Goudomp et le marigot de Birkama) avec respectivement deux et
un affluents sans chevelu hydrographique. Mais il est
nettement enfoncé avec lits majeurs importants, découpé
par une multitude de diguettes de rizières et lits mineurs relativement
petits a peines creusés dans le lit majeur. C'est un réseau
radial formé d'un thalweg principal issu de la convergence dans son bief
aval de formateurs d'importance similaire, les points de confluence
étant reparties sur les deux rives. Avec la faiblesse de la pente, la
vitesse de l'eau dans le réseau et particulièrement dans les
cours principaux n'est pas suffisante pour entretenir un tracé net du
lit dont la forme se dégrade d'amont en aval pour aboutir a un
cheminement parfois difficile a identifier.
Le marigot de Goudomp reçoit sur sa gauche deux
affluents, celui de Birkama en reçoit un sur sa rive gauche qui
collectent les eaux de ruissellement de la partie haute du bassin. A quelques
mètres de l'exutoire, les deux marigots se joignent et forment un bras
unique qui se jette dans le fleuve Casamance.
Le régime des rivières suit celui des
précipitations. Elle correspond a une seule saison des pluies qui
survient durant l'été boréal.
L'écoulement, temporaire en amont et pérenne en
aval, se fait du sud vers le nord.
En effet, en amont de la vallée, au
début de la saison des pluies jusqu'en février, les
réserves fournissent encore un peu d'eau, mais ensuite elles
sont taries avec néanmoins des sous- écoulements dans les
alluvions ; en aval par contre la présence du barrage maintient
les eaux durant toute l'année. L'aménagement de la digue
freine (dans une
2 RAUNET, 1992 cité par BADJI, 1998
moindre mesure) la remontée de la langue
salée a l'intérieur des rizières et permet le
maintient de l'eau durant la saison sèche. Cette eau peut constituer un
atout potentiel pour une agriculture irriguée.
II-1-2 Les sols des bas- fonds : entre salinité
et aptitude à la riziculture
Les bas-fonds de Goudomp et de Birkama recèlent une
diversité de types de sol. D'après une étude de
Sénagrosol-consult réalisée dans le cadre du
PROGES, les bas- fonds de Goudomp et Birkama renferment neuf types de sols
répartis sur cinq unités paysagiques a savoir : le lit mineur
inondé, le lit majeur inondable, les terrasses inférieures a
tanne nu et tanne herbacé et le bas-fonds inondable (terrasse
inférieure)
II-1-2-1. Typologie, caractéristiques et
répartition
Les sols de tanne (sols peu
évolués d'apport alluvial organique potentiellement
sulfatés acides, sols hydro morphes minéraux argilo
limoneux a gley salé, sols sulfatés acides a horizon de
jarosite peu profond, sols sulfatés acides argileux a
horizon de jarosite moyennement profond) couvrent une superficie de 160 ha
et se caractérisent par une forte acidité et une salinité
en aval suite a l'effet de digue créé par la piste
latéritique qui traverse
les deux bas-fonds et joint Goudomp a Birkama. Leur texture
argileuse favorise un drainage pauvre a imparfait. Les sols de tannes sont
identifiés principalement en amont de cette piste latéritique.
Les sols potentiellement sulfatés
acides ou acidifiés, identifiables dans le
thalweg, représentent les terres inondables situées en
dessous du point altimétrique 1,2
IGN. Il est noté par ailleurs une très
faible profondeur de sol au fur et a mesure qu'on descend vers
l'embouchure.
Quant aux sols sulfatés acides
matures situés dans les positions les plus
élevées du
lit majeur ou en bordure de bas- fonds, ils constituent 126 ha
des terres ; ils ont une texture argileuse.
Dans les zones médiane et amont du lit majeur non
atteintes par la marée, il existe
les sols hydromorphes à pseudo- gley
d'une superficie de 28 ha. Ils sont de couleur sombre
avec des nuances de gris en profondeur, leur texture argileuse en surface
repose sur un horizon poreux a peu poreux favorisant une remontée de
nappe et une saturation quasi permanente des unités a gley. Cette
situation reste propice pour la double culture dans certains endroits tels
qu'en haute vallée. Ces sols sont néanmoins pauvres en
azote et matières organiques. L'acidité mesurée varie
entre 4 et 4,8.
Sur les terrasses moyennes a haute savane, peuvent
être identifiés les sols profonds sur
matériaux d'ensemble sableux à sablo-argileux
(sols hydromorphes
minéraux a pseudo-gley argileux-sableux
alluvio-colluvionnaire) avec un bon drainage
interne par endroit excessif a cause de la pente moyenne
jugée élevée (supérieure a 5%) Ce sont des sols
acides avec des teneurs en matières organiques et azotées
médiocres.
II-1-2-2 Des sols aptes à la riziculture
malgré les contraintes de salinisation
A l'issue de cette étude menée par le
Sénagrosol- Consult la conclusion suivante fut tirée :
-76 ha soit 17,4% des terres constitués de tannes
nus ou engorgées ne sont pas cultivées. Les limitations
majeures concernent la forte acidité, la faible profondeur du sol, la
salinité qui n'affecte que les terres situées dans la partie
septentrionale du bassin en aval de
la piste latéritique Goudomp- Birkama. Après la
construction de la digue anti-sel en 1996, la récupération des
terres (encore timide) a permis une mise en valeur de quelques parcelles
a aptitude potentielle marginale.
-265 ha soit 60,6% des terres sont constituées
de tannes herbeuses et de sols a texture légère. Les
productions permises sont marginales. Les facteurs limitant sont entre
autres, la difficulté de drainage, la salinité et acidité
a faible profondeur, les risques d'érosion,
la pauvreté en matière organique. Ces terres
présentent une aptitude a la riziculture marginale a moyenne.
-96ha soit 23% des terres seulement sont
constituées de sols cultivables et a productivité moyenne a
bonne. Ces unités se rencontrent en amont des deux bras
(Goudomp et Birkama) Les principales contraintes sont les risques
d'inondation et la déficience en matière organique.
Il ressort en analysant de prés cette conclusion
que dans l'ensemble, la vallée de Goudomp présente des sols
aptes a la riziculture malgré les contraintes liées a la
salinité. Ces contraintes ont été en partie circonscrites
par l'aménagement de la digue. Par ailleurs
un apport en matières organiques et un drainage
régulier augmenteraient le potentiel agricole de cette zone.
II-2 Un sous-sol riche en ressources
hydriques
Les potentialités hydriques du sous-sol ont
été mis en évidence par quelques sondages
pétroliers et de nombreux forages et piézomètres
réalisés dans le bassin casamançais (dont ceux de Goudomp
et Birkama) lors des grandes campagnes d'étude des différents
projets initiés dans la région.
Les ressources en eau souterraine intéressent trois
systèmes aquifères correspondant aux principales formations
géologiques de la région: le Continental Terminal,
l'Oligo-Miocène
et le Maastrichtien.
a) L'aquifère superficiel du Continental
Terminal
Il est mis en évidence a travers les multiples
puits réalisés a Goudomp, Birkama et
Bacoundi. En effet, la nappe phréatique se trouve a
quelques décimètres du sol aux abords
des marigots et a une vingtaine de mètres de profondeur
sous les plateaux. Elle est captée dans toutes les localités
par des puits traditionnels et joue un rôle très
important dans l'hydraulique villageoise.
L'aquifère du Continental Terminal (C.T) est
constitué de sables fins jaunes a gris beige uniformes ou
argilo-sableux avec de fréquentes variations latérales et
verticales de faciès. Le caractère
hétérogène de ces formations détritiques du
Continental Terminal a été mis en exergue par des études
basées essentiellement sur l'observation des puits. A cause
de sa faible transmissivité et du rabattement possible
très limité du niveau de l'eau, la nappe contenue dans les
formations du «C.T » ne permet qu'une exploitation par puits et non
par forages a grand débit (KRUGER, 1980)
L'épaisseur de la nappe du « C.T », fonction
de son mode de dépôt est très variable dans le bassin
de Goudomp. Le niveau statique se trouvant vers plus de 10m sous
les plateaux et vers 0m au niveau des bas- fonds.
L'étude des variations piézométriques a
montré que la nappe d'eau superficielle suit
un cycle d'évolution saisonnière qui se traduit par
une remontée pendant la saison des pluies
et une baisse au cours de la saison sèche. La
hausse du niveau piézométrique est significative d'une
recharge pluviale : elle est rapide et substantielle sous les terrasses mais
devient différée et peu marquée sous les plateaux (MALOU,
1992)
b) La nappe de l'Oligo-
Miocène
Les études réalisées a travers le forage de
Birkama ont montré l'importance de cet aquifère dans le bassin de
Goudomp.
Les formations de cette nappe sont essentiellement
sableuses et sablo-argileuses. La géométrie de
l'aquifère, liée au mode de dépôt des sables et aux
accidents tectoniques, est irrégulière. La limite
inférieure des formations Oligo-Miocènes est
déterminée par le toit de l'Eocène. Cet aquifère se
présente sous la forme d'un ou de plusieurs niveaux superposés
de sables.
c) La nappe profonde du
Maastrichtien
Les formations du Maastrichtien sont constituées
de faciès détritique littoral. Il s'agit de sables de
granulométrie variable alternant avec des passages argileux. La
formation générale du toit de l'aquifère est
très simple (LEPRIOL, 1984) Sa limite supérieure est
déterminée par le mur des formations marneuses et calcaires du
Paléocène- Eocène moyen. Sous le niveau de la mer,
le toit descend par gradins successifs d'est en ouest. Son
épaisseur est variable.
Conclusion
L'environnement physique du bassin de Goudomp malgré de
lourdes contraintes naturelles, regorge d'énormes potentialités
agropédologiques. Les sols offrent un cadre adéquat pour une
mise en valeur. Les différents aquifères mis en place
par la géologie sont richement
dotés en ressources hydriques. Le potentiel en eau
douce, très important, se concentre pour l'essentiel dans le bas-fond
où le réseau hydrographique est relativement dense et
creusé. Les rivières sont sémi-pérennes car
suffisamment profondes pour drainer la nappe phréatique.
L'aménagement du barrage anti-sel qui a permis d'abroger plusieurs
contraintes physiques, laisse entrevoir une lueur d'espoir quant a une
mise en valeur moderne des terres pour les années a venir.
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