La problematique de la fraude fiscale sur le développement de la république démocratique du congo( Télécharger le fichier original )par Ghislain Kavula Mwanangana Université de kinshasa - licencié en droit 2006 |
CHAPITRE I : ASPECT THEORIQUE SUR LA FRAUDE FISCALEDans ce chapitre, nous commencerons tout d'abord par définir la fraude fiscale ainsi qu'à donner les causes (section 1) ; ensuite nous étudierons les différentes formes de la fraude fiscale et leurs conséquences (section 2). SECTION 1 : DEFINITIONS ET LES CAUSES DE LA FRAUDE FISCALE§1. Définition de la fraude fiscaleA. En droit congolais (R.D.C.) Le législateur congolais n'a pas défini expressément la fraude fiscale. L'article 101 de la loi n°004/2003 du 13 mars 2003 portant réforme des procédures fiscales parle seulement de l'intention frauduleuse. Cet article dispose que l'intention frauduleuse consiste à poser des actes en vue de se soustraire ou de soustraire un tiers à l'établissement ou au paiement total ou partiel de l'impôt dû. Nous verrons très loin que cette définition de l'intention frauduleuse correspond avec celle que d'autres droits et doctrines donnent de la fraude fiscale. B. En droit comparé En droit français, la fraude fiscale est définie par l'article 1741 du code général des impôts qui dispose : « Quiconque s'est frauduleusement soustrait ou tenté de se soustraire frauduleusement à l'établissement ou au paiement total ou partiel de l'impôt ; soit qu'il ait volontairement omis de faire sa déclaration dans les délais prescrits ; soit qu'il ait volontairement dissimulé une partie des sommes sujettes à l'impôt ; soit qu'il ait organisé son insolvabilité ou mis obstacle par d'autres manoeuvres au recouvrement de l'impôt ; soit en agissant de toute autre manoeuvre frauduleuse... »(7(*)). En droit suisse, l'article 186 du livre d'impôts fédéraux directs la définit comme le fait que le contribuable, ou le tiers, ait agi dans le but de commettre une soustraction d'impôt. C. En doctrine Pour MARC DASSESSE et PASCAL MINNE, la fraude fiscale implique nécessairement une violation de la loi fiscale en vue d'échapper totalement ou partiellement à l'impôt, voire en vue d'obtenir des remboursements d'impôts auxquels on n'a pas droit (8(*)). Dans le même ordre d'idée, BELTRAME aborde aussi dans le même sens que les deux auteurs précités en disant que la fraude fiscale peut être définie comme une infraction à la loi commise dans le but d'échapper à l'imposition ou d'en réduire le montant(9(*)). D. Les éléments constitutifs de la fraude fiscale (10(*)) Le délit de la fraude fiscale est établi par la réunion des éléments suivants : 1° L'élément légal : En RDC bien que le législateur ne parle pas expressément de fraude fiscale, nous pouvons dire que l'élément légal est les articles 101 et 102 de la loi n°004/2003 du 13 mars 2003 portant réforme des procédures fiscales. En France c'est l'article 1741 du code général des impôts, en droit suisse c'est l'article 186 de livre d'impôt fédéral direct (LIFD). 2° L'élément moral ou intentionnel (11(*)) : c'est l'élément le plus important car le plus difficile à prouver. L'infraction est constituée lorsque le contribuable à qui l'on reproche la fraude l'a fait de manière délibérée, de manière intentionnelle. Pour être punissable, la fraude fiscale doit ainsi être commise avec conscience et volonté et dans le dessein de tromper l'administration fiscale. 3° L'élément matériel peut prendre les formes suivantes selon l'article 102 de la loi précitée : - soit l'omission volontaire de déclaration dans le délai prescrit ; - soit de la dissimulation volontaire des sommes sujettes à l'impôt ; - soit de la passation délibérée des écritures fictives ou inexactes dans les livres comptables ; - soit de l'incitation du public à refuser ou retarder le paiement de l'impôt ; - soit l'émission de fausses factures ; - soit de l'opposition à l'action de l'Administration des impôts ; - soit de l'agression ou de l'outrage envers un agent de l'Administration des impôts. 4° Les personnes punissables (12(*)). La fraude fiscale est un délit qui peut avoir pour auteur toute personne physique (y compris l'organe ou le représentant d'une personne morale, ou le représentant du contribuable). Néanmoins, l'auteur principal de la fraude fiscale est en principe le contribuable lui-même. Le tiers qui participe à une soustraction ou à une tentative de soustraction comme instigateur ou complice, y compris celui qui commet la soustraction en qualité de représentant de contribuable, peut être auteur, co-auteur, complice ou instigateur de la fraude fiscale. Il faut remarquer la complicité, c'est-à-dire les personnes qui ont aidé ou participé à la fraude fiscale, s'étend ici aux professionnels de la comptabilité (qu'ils soient salariés ou non) dans la mesure où ils ont utilisé leurs compétences techniques pour échapper à l'imposition par des irrégularités comptables. En cas d'omission volontaire de déclaration ou de signature de la déclaration, c'est la personne qui devait légalement souscrire ou signer la déclaration qui est pénalement responsable. Si le contribuable légal est une personne morale (cas d'impôt sur les sociétés par exemple), ce sont ses représentants légaux qui sont pénalement responsables. 5° Les sanctions 5°.1. En droit congolais En droit congolais, elles reposent sur la loi n°004/2003 du 13 mars 2003 portant réforme des procédures fiscales à son article 101 al. 1 qui dispose que sans préjudice des peines prévues aux articles 123 et 127 du code pénal, les auteurs d'infraction fiscale qui procèdent manifestement d'une intention frauduleuse sont passibles des peines ci-dessous : a) pour la première infraction : - un emprisonnement d'un à 30 jours ; - une amende égale au montant de l'impôt éludé ou non payé dans le délai ; - ou une de ces peines seulement. b) En cas de récidive : - un emprisonnement de 40 à 60 jours ; - une amende égale au double au montant de l'impôt éludé ou non payé dans le délai ; - ou l'une de ces peines seulement. 5°.2. En droit comparé En droit français (13(*)), il faut distinguer les peines principales des peines complémentaires et des peines accessoires. a) Les peines principales L'article 1741 du code général d'impôt français prévoit : emprisonnement d'un à 5 ans, amende de 750 à 37.500 Euro. Ces peines sont aggravées lorsque les faits ont été réalisés ou facilités au moyen soit d'achat et de vente sans facture, soit des factures ne se rapportant pas à des opérations réelles, ou qu'ils ont eu pour objet d'obtenir de l'Etat des remboursements injustifiés. L'auteur encourt alors les peines suivantes : - emprisonnement de 5 ans ; - amende de 75.000 Euro En cas de récidive : - emprisonnement de 4 à 10 ans ; - amende de 2.200 à 100.000 Euro. Il n'y a pas de circonstances atténuantes. Les peines d'amende et d'emprisonnement sont cumulatives. b) Les peines complémentaires Pour être appliquées, ces peines doivent avoir été prononcées par le tribunal en complément de la peine principale infligée. Il s'agit pour l'essentiel : - de la publication et de l'affichage du jugement (peine obligatoirement prononcée par le juge). La charge correspondante est supportée par la personne condamnée. L'affichage ne peut être d'une durée inférieure à trois mois ; - de l'interdiction d'exercer une profession industrielle, commerciale ou libérale ; - de la suspension du permis de conduire ; - de la privatisation des droits civiques. c) Les peines accessoires Ces peines sont automatiquement appliquées en accompagnement des peines principales sanctionnant le délit de fraude fiscale. Le juge n'a pas à les prononcer. Il s'agit : - de l'interdiction de participer aux travaux de certaines commissions (commission communale, départementale et centrale des impôts directs par exemple) ; - de l'interdiction relative à la direction (ou à la création) de centres de gestion agréés ; - de la radiation des listes électorales. En droit belge(14(*)), il existe également les peines principales prévues à l'article 449 du code d'impôt et les peines accessoires prévues à l'article 455 du même code. a) Peine principales L'article 449 dispose : « sans préjudice des sanctions administratives, sera puni d'un emprisonnement de huit jours à 2 ans et d'une amende de 10.000 à 500.000 FB ou de l'une des peines seulement, celui qui, dans une intention frauduleuse ou à dessein de nuire... ». b) Les peines accessoires (articles 455 à 459) : - L'interdiction professionnelle. Il s'agit de titulaire des professions suivantes : « conseil fiscal, agent d'affaires, expert en matière fiscale ou comptable ou toute autre profession qui a pour objet de tenir ou d'aider à tenir les écritures comptables d'un ou de plusieurs contribuables, que ce soit pour compte propre ou comme dirigeant, comme membre ou comme employé de société, association, groupement ou entreprise quelconque, ou plus généralement de la profession consistant à conseiller ou à aider un ou plusieurs contribuables dans l'exécution des obligations définies par le présent code ou par des arrêtés pris pour son exécution, du chef de l'une des infractions visées aux articles 449 à 453, le jugement pourra lui interdire, pour une durée de 3 mois à 5 ans d'exercer directement ou indirectement à quelque titre que ce soit, les professions susvisées » (article 455). - La fermeture des établissements et la confiscation (article 455 §1 dernier alinéa) : « Le juge pourra, en outre, en motivant sa décision sur ce point, ordonner la fermeture, pour une durée de 3 mois à 5 ans, des établissements, de la société, association, groupement ou entreprise dont le condamné est dirigeant ou employé ». - La publication des condamnations (article 459 : « Le juge pourra ordonner que tout jugement ou arrêt portant condamnation ... soit affiché dans le lieu qu'il détermine et soit publié... » - Obligation solidaire des co-auteurs ou complices au paiement de l'impôt (article 455 alinéas 1). - Responsabilité civile des commettants (article 458 alinéa 2) : « Les personnes physiques ou morales seront civilement et solidairement responsables des amendes et frais résultant des condamnations prononcées... contre leurs préposés ou administrateurs, gérants ou liquidateurs ». En droit Suisse (15(*)), pour les articles 186 LIFD et 59 LIHD, la fraude fiscale est un délit punissable de l'emprisonnement ou de l'amende jusqu'à 30.000 Frs, qui relève de la compétence du juge pénal, qui dispose dans la poursuite de l'infraction de toutes les mesures prévues par le code de procédure pénale. Signalons par ailleurs que en matière fiscale, il existe deux types de sanctions : a) Les sanctions fiscales qui sont des sanctions pécuniaires (pénalités, majoration de droits, intérêt de retard par exemple) et qui sont infligées directement par l'administration fiscale sous le contrôle du juge de l'impôt. Ces sanctions sont définies par la loi ; elles sont prévues par le code général des impôts et sont susceptibles d'être contestées devant les tribunaux. b) Les sanctions pénales, qui sont infligées par les tribunaux de l'ordre judiciaire uniquement à la suite d'infractions pénales. Les sanctions pénales ont la particularité d'être répertoriées non pas dans le code pénal mais dans le code général des impôts. Ces sanctions sont prononcées par les juridictions, à la demande de l'administration fiscale, contre les auteurs d'infractions fiscales graves considérées comme délits (comme la fraude fiscale par exemple) en complément des sanctions fiscales appliquées par l'administration. Par ailleurs, en France, le principe de cumul des sanctions fiscales et des sanctions pénales, en cas de fraude fiscale particulièrement, est admis tant parle conseil d'Etat que par la Cour de Cassation, qui considèrent que ni le pacte international de New York relatif aux droits civils et politiques ni la convention européenne des droits de l'homme n'y font obstacle. Cependant, le conseil constitutionnel a précisé que le montant global des sanctions éventuellement prononcées ne doit pas dépasser le montant le plus élevé de l'une des sanctions encourues (16(*)). 6° Le juge compétent en cas de fraude fiscale Il faut savoir que, en droit commun, l'initiative des poursuites appartient au parquet. En droit fiscal, cette initiative appartient à l'administration des impôts, dans la mesure où le parquet ne peut pas engager de poursuite sans une plainte préalable déposée par l'administration fiscale. L'administration se retrouve en fait seule juge de l'opportunité de l'exercice des poursuites et sélectionne les affaires qu'elle va soumettre au juge pénal sans autre arbitre qu'elle-même (17(*)). Le juge de la légalité en matière fiscale est le juge de l'impôt. Dans la généralité des cas, le juge de l'impôt est un magistrat de l'ordre administratif (18(*)). Il y a donc indépendance des instances pénales et fiscales. Selon un principe bien établi, les poursuites pénales pour fraude fiscale et la procédure administrative tendant à la fixation de l'assiette et de l'étendue des impositions sont par leur nature différentes et indépendantes l'une de l'autre. Il en résulte que le juge répressif n'a pas à surseoir, à statuer jusqu'à ce que le juge de l'impôt se soit prononcé. Cette indépendance se justifie par l'éventard plus large des preuves admises devant le juge pénal qui doit statuer selon son intime conviction (19(*)). * 7 -Mémento pratique Francis Lefebvre ; fiscal 2004, éd. Francis Lefebvre, Levallois, 2004, p. 627. -Jean-Jacques Bienvenu et Thierry Lambert, Droit Fiscal, éd. PUF, Paris, 2003, p. 212. * 8 Marc DASSESSE et Pascal MINNE, Droit Fiscal ; principes généraux et impôts sur les revenus, 4è éd., Bruxelles, Bruyant, 1996, p. 69. * 9 Amadou YARO N., Fraude et évasion fiscales : les sanctions encourues in www.lefaso.net/article * 10 Mémento Francis Lefebvre, op. cit. p. 627. * 11 Amadou YARO N., op. cit. * 12 Mémento Francis Lefebvre, op. cit., p. 628. * 13 DISLE E. et SARAF J., Droit fiscal, Manuel et application 2004/2005, Paris, éd. Dunod, 2004, pp. 628-629. * 14 MARC DASSESSE et PASCAL MINNE, op. cit, pp. 351-355. * 15 Conférence du 16 mars 2006 pour les stagiaires- notoires suisses * 16 Mémento pratique Francis Lefebvre, op. cit, p. 1094. * 17 Christian Troussier, la commission des infractions fiscales et dualité entre pénal et administratif, colloque, 20 juin 2003. * 18 Idem. * 19 Jean-Jacques Bienvenu et Thierry Lambert, op. cit., p. 220. |
|