3.2 Marketing et
toilettage éditorial
La discipline marketing appliquée au secteur de la
presse est une innovation qui provient une fois encore des méthodes
américaines de gestion des médias de masse. En France,
l'association presse / marketing date des années 1960, et fut pour deux
décennies au moins l'apanage de la seule presse magazine. En effet, la
PQN française considérait, fruit du déterminisme
historique auquel nous nous sommes maintes fois référés,
que la diffusion d'un journal était fonction de la qualité du
contenu rédactionnel et de sa sensibilité sociopolitique ;
le marketing cela valait pour les produits de grande consommation. Si
Libération produit chaque jour des articles de qualité,
avec le regard d'une gauche progressiste et dynamique, alors logiquement, les
individus qui se reconnaissent dans cette partie de l'échiquier
politique et sont en quête d'une presse haut de gamme, devraient acheter
le titre ou s'abonner. Force est de constater que la pratique contredit la
théorie. L'arrivée du marketing en PQN se fait contrainte et
forcée, dans l'urgence, lors d'opérations de redressement des
titres. Le changement est de taille, le marketing en arrive à influencer
le contenu rédactionnel même si les rédactions y compris
chez les gratuits s'en défendent. C'est dans ce même climat qu'on
assiste à une modification des ressources humaines au sein des
quotidiens, avec l'arrivés de cadres (financiers, contrôleurs de
gestion) rompus aux techniques managériales qui s'enseigne dans les
écoles de commerce.
3.2.1 La démarche marketing
appliquée à la PQN
La démarche marketing poursuit dans ce secteur un
double objectif : d'une part faire croître la diffusion et d'autre
part augmenter les recettes publicitaires. Elle débute tout
naturellement avec l'analyse du Two sided markets c'est-à-dire
le marché des lecteurs et celui des annonceurs. Les services marketing
se penchent ensuite sur l'adéquation entre le journal et son double
marché, en créant au besoin leurs propres indicateurs de mesure
de la performance. Ils interrogent des lecteurs pour recueillir leurs
impressions sur le fond mais également sur la forme, développent
des ratios comme le « vu / lu » où il s'agit de
comprendre pourquoi un texte vu n'a pas retenu l'attention du lecteur, ou
encore demandent un avis comparatif aux lecteurs avec un titre
positionné sur le même segment. Bien sûr, les annonceurs ne
sont pas oubliés et le département marketing cherche à
inciter les décideurs à utiliser la PQN comme vecteur de leurs
campagnes. La réflexion est menée en termes de formats
publicitaires mais aussi en termes de support : le quotidien classique
est-il suffisant à décider un annonceur ou bien faut-il
développer un supplément thématique ? De plus, des
stratégies classiques de promotion de la marque et de l'image pourront
être engagées sur le long terme. Le but est tout à la fois
précis et capital, faire en sorte que le positionnement
rédactionnel et l'image qu'en ont lecteurs et annonceurs
coïncident. Enfin, les services marketing se penchent sur les politiques
de ventes qui consistent à fidéliser e lecteur occasionnel et
mettre en contact le non lecteur avec le journal. En conséquence, des
interrogations sont menées sur les différents canaux de
distribution des journaux. En effet, il convient d'adapter le circuit de
distribution en fonction des modes de vie des lecteurs : ont-ils un point
de vente sur le chemin du travail ? Empruntent-ils les transports en
commun ? L'exemplaire est-il pris en main par les autres membres de la
famille ? Par ailleurs, une politique marketing s'intéresse
également à la fixation du prix de vente. Dans le contexte actuel
de la PQN, le prix de vente des journaux est une donnée quasi
exogène tant les marges de manoeuvre sont étroites en la
matière. Une fois les recettes publicitaires estimées, et compte
tenu de la diffusion moyenne du titre, le prix de vente s'impose presque de
lui-même pour parvenir à l'équilibre. Si en revanche le
seuil de rentabilité est franchi, alors chaque exemplaire
supplémentaire vendu fait augmenter significativement les revenus du
journal ; comme le montre le graphique ci-dessous.
Comportement du résultat d'exploitation par rapport
au seuil de rentabilité.
D'après Tendances économiques de la presse
quotidienne dans le monde, p.78.
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