Université Paul
Valéry - Montpellier III
Master 1 Sciences de l'Homme, des Territoires et de
la Société
Mention Histoire moderne et
contemporaine
Spécialité Sociétés et
religions du XVIe au XXIe siècle
La naissance de l'intellectuel musulman dans les
médias français (1989-2005)
Mémoire présenté par Tristan
WALECKX
Sous la direction de M. Michel FOURCADE
2004-2005
Remerciements
Je tiens à remercier M. Michel FOURCADE pour sa
disponibilité sans faille, pour ses conseils avisés et pour son
sens critique aigu.
Je remercie également M. Dominique AVON qui, en
pleine épopée libanaise, a pris le temps de répondre
à mes sollicitations.
Je rends hommage à l'aide de M. Amine BESSAOUD,
(que je n'aurais jamais rencontré sans l'action indirecte de fanatiques
d'une certaine conception peu recommandable de l'islam) avec qui les
échanges sur mon sujet furent aussi passionnants
qu'enrichissants.
Quant à M. Robert LAZENNEC, sa vision d'expert
de la laïcité ainsi que sa documentation d'une diversité
exemplaire me furent d'une aide précieuse.
Enfin, nul besoin de rappeler à mes amis et ma
famille que je leur sais gré de leur patience, de leurs conseils, et de
leurs quelques retouches orthographiques.
« Comment des penseurs vivant en contexte
islamique, solidaires de la trajectoire historique de pays, demeurés
longtemps en dehors des travaux préparatoires à cette raison
universalisable, peuvent se situer dans la même perspective de
connaissance critique, tout en respectant le rythme lent, les obstacles
épistémologiques nombreux qui maintiennent la pensée
islamique dans des combats à la fois désuets et sans
portée cognitive généralisable? C'est ainsi que pour ma
part, j'envisage la tâche de l'intellectuel qui pratique sans concession
l'analyse critique, sans pour autant rompre les solidarités historiques
imposées par ses origines, ses attaches familiales, villageoises,
culturelles, émotionnelles... Notez que je n'ai pas dit
immédiatement, comme on pouvait s'y attendre, l'intellectuel musulman.
Ce qualificatif rattache aujourd'hui à des solidarités trop
idéologisées pour qu'un intellectuel critique, engagé pour
la raison universalisable, s'en réclame sans incohérence, ni
errance. »
Mohamed Arkoun1(*)
Introduction
Nous proposons d'étudier la figure de l'intellectuel
musulman en France durant la période allant de 1989 à nos jours.
Cet intervalle de temps paraît pertinent pour plusieurs raisons.
L'année 1989 est en effet une date-clé dans l'histoire
récente de l'islam. C'est au mois de février de cette
année-là qu'une fatwa est lancée par l'ayatollah
Khomeiny à l'encontre de l'écrivain Salman Rushdie, accusé
de blasphème pour son livre Les Versets Sataniques2(*). A la rentrée scolaire
suivante, trois jeunes filles voilées sont expulsées de leur
lycée de Creil. Succédant à « l'affaire
Rushdie », cette « affaire du foulard » propulse
l'islam sur le champ médiatique. Dès 1990, le ministre des cultes
Pierre Joxe lance la consultation des musulmans par les pouvoirs publics en
instaurant le CORIF (Conseil d'Orientation et de Réflexion sur l'Islam
en France). Ces événements sont autant d'occasions de
réactions publiques, de prises de positions, de mises en perspective de
l'objet « islam » par des intervenants extérieurs
mais aussi intérieurs à celui-ci.
A l'avènement des années 1990, se crée
donc une conjoncture extrêmement favorable à la naissance - certes
complexe - d'une nouvelle posture intellectuelle, comme le note
déjà à l'époque Mohamed Arkoun, souvent
considéré comme le vétéran de ces intellectuels
musulmans, à propos des conséquences de l'affaire Rushdie :
« Pour moi, c'est plus que l'affaire Dreyfus, car
c'est la conscience mondiale qui est interpellée. La tempête
actuelle montre que l'Occident n'est pas du tout préparé à
entendre la voix de l'islam comme elle s'exprime. Je m'explique :
réagir seulement en invoquant Voltaire, Rousseau, les droits de l'homme,
la liberté de l'artiste et de l'écrivain, c'est se
référer à des thèmes connus et à des
conquêtes de l'esprit précieuses pour tous les hommes, mais vous
ne pouvez pas demander à toutes les cultures de suivre la trajectoire
tracée depuis deux siècles par la France et
l'Europe 3(*).
»
Si l'on admet que le terme
« intellectuel » a été utilisé sous sa
forme substantivée pour la première fois au moment de l'affaire
Dreyfus4(*), c'est bien
à cette occasion que des penseurs se sont manifestés en tant que
groupe social, cosignant le texte J'accuse de Zola. De la même
façon, depuis quinze ans, la récente visibilité et la
nouvelle conjoncture entourant l'islam ont permis à une certaine
intelligentsia musulmane d'émerger au moins
médiatiquement en France. En effet, l'affaire Rushdie en 1989, la guerre
du Golfe de 1991 ou encore le problème du foulard représentent
autant d'événements appelant à la nécessaire
coordination des musulmans de France : la volonté d'adopter des
positions concertées se manifeste dès lors parmi les principaux
acteurs du champ islamique.
Ainsi que le suggère la réflexion de Mohamed
Arkoun en avant-propos, nous nous demanderons donc le long de notre
étude comment l'intellectuel musulman crée sa singularité
pour exister en tant que tel. Les intellectuels qui nous intéressent ici
sont ceux qui se définissent publiquement comme musulmans. Il serait en
effet absurde de procéder à une définition ethnique de la
religion et d'insérer dans notre étude des personnalités
qui sont simplement de culture musulmane ou bien musulmanes dans leur vie
privée, bien que la distinction soit parfois floue, certains individus
affichant publiquement ou non leur foi selon les circonstances.
Nos recherches se basent essentiellement sur la presse et
l'image que celle-ci renvoie du paysage islamique français. La plupart
de la presse écrite généraliste française ayant
traité de l'islam durant ces quinze dernières années a
été consultée. Bien entendu, nous devons admettre les
limites d'une recherche se fondant sur des sources au prisme parfois
déformant. Mais force est de reconnaître que la
« médiacratie » est entrain de supplanter
l' « intellocratie »5(*), et que, a fortiori, les relais
médiatiques de telle personnalité sont un bon moyen de juger son
impact en tant qu'intellectuel. De la même façon, il ne saurait
être question ici de tirer des conséquences trop larges d'une
étude fondée sur des supports limités. La presse
étudiée a certes servi de source qu'il faut remettre en question,
mais il ne s'agit pas d'une étude de la presse en tant que telle. Pour
cela, une analyse plus approfondie serait nécessaire6(*). Nous nous intéresserons
donc aux médias non pas comme sujet unique mais comme un moyen de
connaissance d'une partie du monde intellectuel islamique.
Si nous nous sommes appliqués à définir
les termes du sujet, il est encore indispensable de préciser un certain
nombre de concepts se référant à l'islam qui seront
employés. En effet, le grand public étant peu familier avec le
sujet, la plupart de ces notions sont bien souvent déformées,
notamment dans les médias, qui constituent de surcroît notre
principale source. Beaucoup de termes y sont utilisés
indifféremment comme synonymes pour décrire de manière
binaire une réalité qui ne l'est pas. Ainsi, est souvent
opposé le musulman « réformiste, moderne,
républicain, apaisé » au musulman
« traditionaliste, fondamentaliste, intégriste, obscurantiste,
islamiste ». Certes, il est impossible de définir rapidement
en introduction ces notions floues et fluctuantes, d'autant qu'une des
pertinences de notre travail dans sa globalité est de pouvoir exprimer
les subtilités qui se cachent derrière.
Mais si les significations précises de ces termes
seront mises en lumière au cours de notre propos, il convient tout de
même ici de fixer un cadre en évacuant quelques idées
reçues. Les médias véhiculant en majorité une
vision manichéenne de l'islam, il est indispensable de marquer les
différences entre tous les mots désignant le « bon
islam » d'une part et le « mauvais islam »
d'autre part.
Par exemple, il faut éviter la confusion qui est faite
bien souvent dans la presse entre réformateur et moderniste. Un
réformateur musulman, par définition, a pour but de
réformer l'interprétation du texte coranique. Or même le
salafisme7(*),
littéralement « imitation des anciens », est une
théorie visant à réformer la lecture du Coran. Un des
intérêts de notre devoir sera donc de montrer comment les
médias ont transformé cette définition du
réformateur pour lui substituer celle de moderniste.
De l'autre côté, les termes employés
indifféremment pour désigner « l'islam tel que nous le
rejetons » ont, de la même façon, des significations
bien distinctes et il est intellectuellement inacceptable de les confondre. En
effet, pour prendre un exemple courant, l'islamisme, qui désigne une
théorie prônant la subordination de la vie politique et sociale
aux principes de l'islam, n'a rien à voir avec le traditionalisme ou le
fondamentalisme, qui ne sont pas des idéologies politiques. Un des
intérêts de notre travail sera donc de clarifier ce brouillage
sémantique dû à une simplification excessive de la
réalité de l'islam par la presse.
Des précautions s'imposent également concernant
l'emploi en opposition des concepts d'islam et d'Occident. Cette idée de
confrontation, popularisée par un désormais célèbre
livre de Samuel Huntington8(*), pose un problème de fond puisqu'elle met face
à face une religion et un espace géographique et culturel. Bien
sûr, la confusion vient du fait que le mot « islam »
recouvre en réalité deux notions : celle de religion
islamique et celle de civilisation islamique9(*). Nous tâcherons donc d'être explicite afin
de dissocier la « culture islam » et la
« religion islam ».
Au cours de nos lectures, une hypothèse a
émergé : cette période de 1989 à nos jours ne
marquerait-elle pas la naissance de l'intellectuel musulman en France ? En
effet, comme le souligne le sociologue Vincent Geisser, il est bien possible
que l'objet « islam » se soit
« francisé » et
« intellectualisé10(*) ». Quelques indices nous permettent de le
croire. Il nous est également apparu que cette naissance serait
multiforme : quatre catégories d'intellectuels musulmans
émergeraient sur la scène médiatique française
depuis 1989. Elles correspondraient à quatre nouveaux domaines de
légitimation. Ces catégories ne seraient donc pas des champs
sociologiques bornés, mais elles traduiraient quatre moyens
d' « adoubement » intellectuel bien distincts. Les
frontières entre ces champs étant mouvantes, un même acteur
de la scène musulmane serait susceptible d'intervenir dans plusieurs de
ces catégories. Nous posons ainsi les quatre grands
domaines suivants :
L'intellectuel avant-gardiste musulman : c'est un
intellectuel avant-gardiste avant d'être un intellectuel musulman. Son
statut d'intellectuel a été acquis indépendamment d'une
islamité pourtant bien affirmée.
L'intellectuel réformateur de l'islam :
c'est un intellectuel au rôle de théologien qui se propose de
réformer la lecture du Coran. Cette figure en France, bien
qu'héritant partiellement d'une longue tradition réformiste, est
bel est bien neuve et singulière.
L'intellectuel représentant de l'islam de
France : c'est un intellectuel organique, officiel. Son apparition est
nouvelle également puisqu'elle est liée à
l'émergence toute récente d'un islam de France.
Le leader socio-politique musulman : c'est un
intellectuel engagé dans les combats sociaux et politiques, qui met en
avant son appartenance à la oumma pour expliquer ses choix.
L'émergence de cette figure est étroitement liée au
tournant islamique des débats autour de l'intégration.
C'est selon cette typologie que nous allons articuler notre
travail, en tentant, pour chaque catégorie, de cerner
précisément les caractéristiques des individus qui s'y
rattachent et l'image qu'en renvoient les médias. Ce sera l'occasion de
démontrer les rapports complexes et les interactions multiformes qui se
produisent entre l'opinion publique française au sens large et
l'élite musulmane naissante.
I.
L'intellectuel d'avant-garde musulman
La première figure de l'intellectuel musulman qui peut
être distinguée est celle de l'intellectuel avant-gardiste. Sur
les quatre catégories que nous avons définies, celle-ci est sans
doute la plus ancienne. Nous retrouvons dans ce champ des personnalités
ayant acquis une légitimité intellectuelle de manière
diverse - en général par le truchement d'une activité
artistique ou politique - mais dont l'attachement à l'islam n'a pas
été le tremplin vers la notoriété. Leur foi
affichée est juste une de leurs identités. Nous pouvons
séparer parmi eux les Français convertis et les intellectuels
originaires du monde musulman. Regroupés sous la même
catégorie, ces deux peuvent paraître opposés. En effet, les
premiers sont allés de l'avant-gardisme vers l'islam, les seconds, au
contraire, de l'islam vers l'avant-gardisme. Mais ils se rejoignent car pour
chacun, leur avant-gardisme prime sur leur islamité. C'est ce qui les
distingue des trois autres figures que nous étudierons par la suite.
A) L'intellectuel français converti à l'islam
Paradoxalement, l'intellectuel français converti
à l'islam, bien que souvent présenté de façon
exotique, voire marginale, est sûrement la figure la plus ancienne de
l'intellectuel musulman palpable dans les médias. Il est
fréquemment exposé comme l'unique chaînon possible entre la
communauté musulmane et la société française.
Néanmoins, la représentation est partielle car ces convertis ont
acquis le statut d'intellectuel indépendamment de leur appartenance
à l'islam. Voilà sans doute pourquoi ces intellectuels musulmans
tendent à voir leur rôle médiatique se restreindre au
profit de ce que l'on pourrait qualifier par contraste des
« musulmans intellectuels ».
1) Des intellectuels avant d'être des
convertis.
Les intellectuels musulmans convertis ont obtenu la posture
d'intellectuel indépendamment de leurs croyances, leur
« adoubement » étant généralement
antérieur à leur changement de foi. Plusieurs traits font de ces
convertis à l'islam des intellectuels avant-gardistes : ils le sont
notamment par leur sphère d'activité, mais aussi par le
caractère mystique de leur conversion ainsi que par leur attrait pour le
soufisme, branche spirituelle de la religion musulmane.
Sociologiquement d'abord, c'est parmi les catégories
sociales élevées qu'ont été essentiellement
ancrées les conversions à l'islam jusqu'au début des
années 1990. Parmi ces grandes figures de convertis, beaucoup ont un
domaine d'activités qui fait d'eux des personnalités
avant-gardistes. Nous y trouvons par exemple le chorégraphe Maurice
Béjart (né en 1927) ou beaucoup d'universitaires
« orientalistes » tels Eva de Vitray (1909-1999), Roger
Garaudy (né en 1913), Michel Chodkiewicz (né en 1929) et Eric
Geoffroy. Quant à Vincent Monteil (1913-2005), avant de devenir le
« dernier des grands orientalistes11(*) », il est décrit par la presse comme
un « Lawrence d'Arabie français12(*) ». Il est vrai que
Mansour Monteil, par son nom de conversion, ancien officier des affaires
indigènes, voue une grande admiration pour le colonel britannique, lui
consacrant notamment une biographie13(*). Mais à la différence de son
héros, il se convertit à l'islam en 1977 à Nouakchott
(Mauritanie), rendant un peu plus cohérent son attachement avec les
populations indigènes et ses divers engagements auprès
d'elles.
Si ces convertis appartiennent socialement à des
sphères intellectuelles élevées, leurs conversions
paraissent d'autant plus avant-gardistes que la justification spirituelle du
choix d'entrer dans la oumma prime généralement. Maurice
Béjart récuse d'ailleurs le terme de
« conversion », lui préférant celui
d' « initiation 14(*)». Notons aussi qu'il y a chez ces convertis une
sorte d'attirance pour la continuité de la révélation
prophétique. Le philosophe Roger Garaudy, devenu Roger Raja Garaudy en
1982, présente son choix comme un énième changement de foi
après être passé par le catholicisme et le communisme. De
la même façon, Michel Chodkiewicz explique sa conversion comme
l'« aboutissement d'une recherche personnelle commencée
dès l'adolescence (...) parce que le catholicisme ne [lui] apportait pas
de réponses satisfaisantes15(*) ». Eric Younès Geoffroy, aujourd'hui
professeur d'islamologie à Strasbourg, a longuement
fréquenté des temples tibétains avant de faire sa
profession de foi. L'islam étant chronologiquement le dernier grand
monothéisme, il n'est pas étonnant de trouver parmi ses
fidèles de nombreuses personnes se trouvant à la fin d'une longue
quête spirituelle. La conversion à l'islam n'est donc pas
forcément le fruit d'une déception vis-à-vis de la
religion ou de la culture religieuse d'origine, mais plutôt celle de la
recherche d'une révélation qui soit complète et totale.
Eva de Vitray explique d'ailleurs ainsi son changement de foi
opéré en 1950 :
« De toute façon, l'islam oblige à
reconnaître toutes les communautés spirituelles, tous les
prophètes antérieurs. L'islam est le dénominateur commun
à toutes les religions. On ne se convertit pas à l'islam. On
embrasse une religion qui contient toutes les autres 16(*). »
Remarquons aussi qu'un certain nombre des intellectuels
convertis sont des chercheurs dont l'objet d'études est le monde
musulman ou l'islam. Nous pouvons donc suggérer qu'une certaine
attirance pour l'objet étudié a opéré chez ces
érudits. Cet attrait a pu être politique ou mystique. Roger
Garaudy et Jean-Loup Herbert (1941-2005) par exemple, ont eux été
séduits par le militantisme pro-arabe et le tiers-mondisme avant de se
convertir. D'autres en revanche ont eu une approche plus métaphysique et
esthétique de l'islam. C'est le cas notamment parmi les
spécialistes du soufisme qui, dans la lignée d'intellectuels
orientalistes tel René Guenon (1886-1951) converti en 1912, ont
embrassé l'islam après l'étude de textes spirituels et
philosophiques musulmans. Michel Chodkiewicz, expliquant qu'« il y a
eu combinaison de l'intérêt intellectuel pour la richesse de la
tradition islamique avec la rencontre de gens exceptionnels17(*) », a consacré un
ouvrage à Ibn Arabi, grand penseur soufi de l'Andalousie du XIIIe
siècle18(*). Le
même mécanisme a opéré chez Eva de Vitray, à
qui des rencontres ont « fait connaître Ibn Arabi, Rumi et
d'autres grands penseurs de l'islam du Moyen Age 19(*)». Elle est d'ailleurs
l'auteure d'une quarantaine d'ouvrages sur cette branche mystique de l'islam et
sur le maître spirituel de la confrérie des derviches tourneurs
Rumi (XIIIe siècle) 20(*).
Le modèle du converti à la religion islamique
à la fin des années 1980 est donc celui d'une personnalité
de catégorie sociale élevée et au questionnement spirituel
et métaphysique complexe. C'est ce qui fait de lui un intellectuel
avant-gardiste. Nous pouvons tout de même nous demander si, sous les
motifs spirituels affichés, d'autres intérêts
destinés à relancer une image peuvent exister. Rocher Cherqaoui,
auteur d'un livre sur les convertis à l'islam en terre occidentale,
explique que « si la conversion s'avère payante dans ce milieu
[intellectuel], c'est qu'obéissant aux lois des médias, il
accorde quelque prix aux déplacements et revirements idéologiques
et spirituels propres à redorer une image de marque21(*) ».
Enfin, nous pouvons suggérer un dernier argument
confortant l'idée d'avant-gardisme de ces changements de foi. Ces
conversions sont en effet précoces et paraissent en décalage avec
une opinion encore bien frileuse à l'égard d'une religion source
de tous les fantasmes. Il peut être ressenti dans la presse comme
antinomique de se présenter à la fois comme intellectuel et comme
converti à l'islam. Ainsi, réagissant à la défense
de Khomeini par Vincent Monteil, Vincent Roux écrit dans Le
Monde :
« Un tel contresens n'est pas digne de
l'intellectuel éminent que fut Monteil. C'est le propre des fanatiques
de tout poil de se substituer arbitrairement à la justice de Dieu.
Vincent Monteil ne l'admettait sans doute pas, mais Vincent Mansour...
hélas ! 22(*) »
Que le changement de foi soit motivé par des facteurs
spirituels, politiques ou purement matériels, tout concorde en tout cas
pour faire de ces convertis des intellectuels avant-gardistes et en
décalage sur leur temps. Mais, force est de constater que leur
rôle médiatique en tant qu'intellectuel musulman est partiel et
tend même à se restreindre.
2) Un rôle médiatique assez restreint et
en essoufflement
Etant, au début de notre période, presque les
seules figures importantes d'intellectuels musulmans dans les médias,
ces convertis avant-gardistes ont forcément un rôle de
représentants de la communauté musulmane, mais ce rôle
reste très limité.
Leur intervention dans la presse permet néanmoins de
présenter un point de vue original sur l'actualité. Les convertis
séduits entre autres par le tiers-mondisme se sont parfois fait
remarquer par quelques débordements dans leurs analyses. Si Jean-Loup
Abdelhalim Herbert soutient dans un premier temps la révolution
iranienne23(*), Roger
Garaudy est condamné en 1998 pour contestation de crimes contre
l'humanité à cause de son livre Les mythes fondateurs de la
politique israélienne. De la même façon, Vincent
Monteil, fasciné par le personnage de l'imam Khomeiny, se distingue de
la plupart des autres convertis en défendant ce dernier quand il lance
une fatwa condamnant Salman Rushdie :
« Le Monde consacre à `l'affaire Rushdie'
une place qui se justifierait si la parole était donnée, de
façon équitable, aux arguments de ceux - dont je suis - qui
pensent que la liberté d'expression ne permet pas de défendre et
de répandre un livre dont les blasphèmes troublent l'ordre public
et incitent à la haine et à la discrimination raciale et
religieuse24(*). »
Cette intransigeance de certains néophytes se retrouve
également dans les débats sur la République et l'islam.
Youssouf Leclerc, ancien président de la Fédération
nationale des musulmans de France (FNMF), créée initialement pour
donner une visibilité aux Français convertis, dénonce
en 1990 « les modérés qui déforment
l'islam, en invoquant l'islam25(*) ». Cette figure du converti intransigeant a
maintenant été remplacée par celle de Thomas Milcent,
très médiatisé sous le pseudonyme de « Docteur
Abdallah », devenu le symbole de la lutte contre la loi interdisant
le port de signes religieux à l'école.
Mais ces partisans d'un islam dur constituent une
minorité des intellectuels français séduits par l'islam.
Comme nous l'avons vu précédemment, beaucoup sont attirés
par les valeurs mystiques de cette religion. Ils sont donc en
général présentés comme les partisans d'un islam
apaisé. Michel Chodkiewicz, surnommé « converti contre
les intégristes », dont la femme « n'est pas
voilée », explique que c'est la « vocation
même » de l'islam d'être
« ouvert 26(*)». Au moment de l'affaire Rushdie, alors qu'il
est PDG des éditions du Seuil, il apporte publiquement, et à
plusieurs reprises, son soutien à Christian Bourgeois, éditeur
des Versets Sataniques. Avec Eric Geoffroy, Michel Chodkiewicz est
même sollicité pour représenter les courants soufis dans la
mise en place de l'islam de France afin de contrebalancer le poids des
fédérations jugées trop rétrogrades dans la
consultation.
Michel Renard, avec sa revue Islam de France, est
également un ardent promoteur d'un assouplissement du message coranique
pour l'adapter à la modernité occidentale : « Le
temps est venu de choisir entre l'islam religion, enraciné dans une
séculaire sagesse musulmane, et l'islam politique apparu au début
du XXe siècle27(*). » Opposant « islam politique et
islam religion », Michel Renard estime que « l'islam de
France ne peut s'exonérer d'une nécessaire clarification
théologique28(*) ». Si les intellectuels convertis à
l'islam appellent donc majoritairement à un aggiornamento, ils
ne peuvent que l'accompagner car ils ne sont pas présentés comme
légitimes pour réaliser eux-mêmes une réforme qui
doit se faire de l'intérieur, leur statut de converti les refoulant dans
une posture éternellement extérieure en partie à la
tradition islamique29(*).
A l'heure où la pression médiatique exige de l'islam une
réforme concrète, ils ne sont donc plus des interlocuteurs
indispensables.
De ce fait, les intellectuels convertis sont le plus souvent
l'objet d'enquêtes sur leur choix qui intrigue, comme l'indiquent la
plupart des titres des dossiers qui leur sont consacrés :
« voyages parmi les convertis30(*) », « les secrets des
convertis31(*) ». Ainsi, le livre d'entretiens de Eva de
Vitray-Meyerovitch, démarre comme suit :
« Avant même d'avoir eu le temps de
réfléchir, la première question qui s'est levée en
nous, Eva de Vitray-Meyerovitch, est la suivante : comment une jeune femme
née dans l'aristocratie française et élevée chez
les religieuses a-t-elle pu se faire musulmane ? Que s'est-il passé
et pourquoi32(*) ? »
Les convertis sont donc davantage sollicités pour
expliquer leur choix que pour exprimer une opinion de musulman. Mais ce
rôle déjà restreint en tant qu'intellectuel musulman se
tasse encore un peu plus du fait que les changements de foi, qui se
pratiquaient autrefois majoritairement dans l'élite, tendent à se
populariser dans les franges les plus basses de la société. Pour
Xavier Ternisien, auteur d'une étude sur le panorama de l'islam en
France, nous sommes passés des « convertis
intellectuels » aux « convertis de
proximité33(*) ». Bien sûr, la constatation est
à relativiser, les chiffres donnés par les médias en la
matière étant pour le moins problématiques. En effet,
dès 1986, Le Nouvel Observateur nous indique le chiffre de
« deux cent mille Français convertis à l'islam34(*) ». En 1999, Le
Monde en annonce « cinquante mille35(*) ». Il est donc
manifestement complexe de dénombrer les convertis. Mais ce
supposé essoufflement des conversions à l'islam, notamment parmi
l'élite française, est peut-être une autre explication,
sociologique cette fois, de l'effacement médiatique de l'intellectuel
avant-gardiste converti, laissant peu à peu la place à
l'intellectuel musulman d'origine musulmane.
L'intellectuel converti à l'islam a toujours eu un
rôle médiatique partiel en tant qu'intellectuel musulman de par sa
légitimité acquise avant tout par son avant-gardisme. Cependant
son influence ne cesse de se réduire comme une peau de chagrin pour des
raisons qui sont aussi bien médiatiques - l'attente de la presse et de
la société française à l'égard de l'islam
changeant - que sociologiques - les convertis, moins nombreux, se retrouvant
dans les franges les plus basses de la sociétés tandis que, nous
le verrons, une élite issue du monde musulman prend au contraire
forme.
B) L'intellectuel avant-gardiste du monde musulman
Si la posture de l'intellectuel converti est assez ancienne et
tend à décliner, nous émettons maintenant
l'hypothèse qu'il y a bien eu ces dernières années
naissance de la figure de l'intellectuel avant-gardiste du monde musulman.
L'affaire Rushdie marque un véritable tournant dans l'image en Occident
qui est faite de l'intellectuel musulman.
1) Construction de cette figure médiatique au
tournant des années 1990
Jusqu'à la fin des années 1980, le portrait de
la vie intellectuelle en terre musulmane dressé par les médias
occidentaux est globalement caricatural. Afin d'être
« adoubé » intellectuel du monde musulman, il faut
forcément être, sinon en avance, du moins en décalage par
rapport aux autorités conservatrices. C'est donc en
général politiquement que certaines figures accèdent au
statut d'intellectuel pour nos médias occidentaux. Ces provocateurs sont
en général communistes, donc athées, ou bien islamistes.
Etre islamiste et intellectuel étant incompatible pour la
majorité des penseurs occidentaux, seules ont été
élevé au rang d'intellectuel des personnalités dont la
grille de pensée est peu éloignée de nos traditions
intellectuelles. Ce furent donc pour beaucoup des intellectuels rationalistes,
comme les auteurs marxistes algériens Kateb Yacine (1929-1989) ou
Mohamed Dib (1920-2003) par exemple. Les médias présentent des
artistes, notamment des écrivains, le plus souvent arabes, mais presque
jamais musulmans. Pour définir l'intellectuel du monde arabo-musulman,
les identités de libre-penseur et de provocateur sont alors
présentées comme indispensables et liées. Plus
généralement, la presse française véhicule
l'idée que le monde musulman est scindé entre un peuple fanatique
et croyant, et une élite éclairée et non croyante :
il n'est possible d'être intellectuel dans le monde musulman que si l'on
est athée36(*).
La condamnation à mort de Salman Rushdie le 14
février 1989 par l'ayatollah Khomeiny constitue un tournant certain. Si
cette fatwa a pour but, selon Gilles Kepel, de « casser les
intellectuels assimilés37(*) », elle a permis de médiatiser toute
une génération d'intellectuels musulmans se revendiquant comme
tels. Un manifeste clamant « Au nom de l'islam (...), nous sommes
tous des Salman Rushdie », est immédiatement signé par
des penseurs musulmans exilés en France, comme l'Algérien Mohamed
Harbi, mais aussi l'Iranien Nasser Pakdaman, le Syrien Haytham Manna, le Turc
Shunsuddin Guzel, l'Egyptien Lotfallah Soliman38(*). De la même façon, des
personnalités musulmanes militent spontanément au sein du
Comité français de défense de Salman Rushdie.
Certes, la plupart des images qui restent de cette affaire
Rushdie sont celles de musulmans manifestant en bloc contre l'auteur
blasphématoire. Mais la réalité n'a pas été
si simple, comme le souligne Emilie René, auteure d'une étude sur
l'affaire :
« Un des effets importants de l'affaire Rushdie a
donc bien été, contrairement à ce que suppose l'argument
culturaliste, de rendre particulièrement visibles les profondes
différences de points de vue qui existent, non pas tant entre les
cultures occidentale et musulmane qu'au sein de cette dernière39(*). »
Si avant 1989, souligne le poète libanais Abbas
Baydoun, « les intellectuels [avaient] abandonné aux seuls
religieux le soin de traiter tout ce qui concerne la religion et l'histoire de
l'islam40(*) »,
l'affaire Rushdie constitue une opportunité unique pour ces-derniers de
réinvestir le champ islamique, érigeant pour la première
fois une barrière à l'intervention sans limites des
oulémas41(*),
notamment dans le domaine artistique. Les prises de positions concernant
Les Versets Sataniques ont donc été l'occasion pour un
certain nombre de penseurs représentant souvent un islam
modéré et réprimé de faire entendre leur voix
discordante et de former une ébauche de nouveau type
d'intelligentsia musulmane. En 1993, « cent intellectuels
arabes et musulmans pour la liberté d'expression » signent
ensemble le livre Pour Rushdie, qui illustre bien une volonté
de la part de personnalités, dont certaines se revendiquent croyantes,
de sortir de l'ombre et de condamner la censure religieuse :
« Ainsi, se soustrayant au silence, à
l'indifférence et à la division, s'est constitué un groupe
- on serait tenté de dire une communauté possible - faisant
sienne, par-delà toute réserve, la défense des
libertés de création et d'expression, le refus de la condamnation
à mort et de l'obscurantisme, et un salut à Salman
Rushdie42(*). »
Cette émergence de l'intellectuel à la fois
anti-islamiste et musulman est aidée lorsque Salman Rushdie revendique
son islamité. Au début de l'affaire, ce dernier, né
à Bombay en 1947 dans une famille musulmane, affiche son
athéisme : « Je ne croix en aucun dieu (...) Pour dire
les choses plus simplement : je ne suis pas musulman 43(*). » Quelques mois
plus tard, il explique dans le Times sa conversion :
« J'ai trouvé ma propre voie dans une compréhension
intellectuelle de la religion, et la religion a toujours été pour
moi l'Islam 44(*). » Ce choix est difficilement compris car
il brise le schéma binaire (peuple croyant / élite athée)
décrit ci-dessus. Beaucoup de soutiens à Rushdie se
déclarent surpris, voire méfiants à l'égard de
cette décision qui prouverait que « les terroristes religieux
ont apparemment gagné la partie45(*) ». « Il a embrassé la
religion fanatique de ceux qui se croient en droit de tuer un romancier en
raison de ce qu'il écrit », explique alors Arnold Wesker,
membre du comité de soutien de l'écrivain46(*).
Au risque de paraître paradoxale, l'affaire Rushdie
marque donc la cassure d'un système binaire (peuple fanatique /
élite athée) et le remplace par un schéma triangulaire
(peuple fanatique / élite athée ou
« modérément » musulmane). Ce nouveau
tableau, à peine moins rigide que le précédent, consacre
la naissance d'une nouvelle figure médiatique d'intellectuel musulman
avant-gardiste. Dès lors, il paraît possible d'être à
la fois provocateur et musulman, d'être persécuté par les
islamistes malgré sa foi. Comment cette image s'est-elle
développée ces quinze dernières années ?
2) Evolution de cette figure de l'intellectuel
musulman modéré
Bien qu'incomplète, il y a donc émergence de
l'intellectuel avant-gardiste du monde musulman et musulman
avec l'affaire Rushdie. Celle-ci a un écho tellement retentissant que
des écrivains, comme le prix Nobel 1988 Naguib Mahfouz (né en
1911), dont le livre Les Fils de la Médina47(*) avait
été mis à l'Index avant Les Versets Sataniques,
acquièrent une visibilité nouvelle. La plupart de ces
intellectuels avant-gardistes, de confession musulmane, modérés
et combattant l'extrémisme, illustrent régulièrement les
dossiers de journaux traitant de la censure religieuse dans le monde musulman.
D'autres « affaires Rushdie », au
retentissement médiatique certes plus limité mais ayant leur
importance, surviennent régulièrement au cours des années
1990. En 1992, les oulémas d'al-Azhar condamnent Farag Foda pour sa
pensée jugée trop laïque. Il est assassiné quelques
jours après. De la même façon, une vague d'attentats
débutant par la mort du journaliste Tahar Djaout s'abat sur les
intellectuels algériens à partir de 1993. Naguib Mahfouz
lui-même est poignardé en 1994 mais survit à ses blessures.
Il y a donc une image prolongée de l'intellectuel musulman
modéré persécuté dans son pays pour ses
idées jugées progressistes d'un point de vue occidental.
Et comme ces intellectuels « ne sont pas
prophètes en leur pays où l'on a plutôt peur de ceux qui
`pensent'48(*) »,
beaucoup de personnalités musulmanes opprimées dans leur pays
d'origine se sont exilées en France. Nous pouvons citer parmi eux
notamment les « nouveaux intellectuels
algériens » : Mohamed Sifaoui, journaliste à
Marianne, Latifa Ben Mansour, romancière, Hassan Zerrouky,
journaliste à L'Humanité ou encore Slimane Zeghidour,
désormais chroniqueur sur TV5. Ils apparaissant maintenant comme des
témoins privilégiés de l'islamisme, l'ayant combattu
malgré leur islamité. Dans le domaine, Mohamed Sifaoui s'est
montré l'analyste le plus prolifique, publiant notamment La France
malade de l'islamisme49(*), Lettre aux islamistes de France et de
Navarre50(*), Mes
frères assassins51(*), et Sur les traces de Ben Laden52(*). Mais les autres
intellectuels algériens devenus spécialistes ès
intégristes ne sont pas en reste : si Slimane Zeghidour, plus connu
sous le pseudonyme de dessinateur Saladin, fait figure d'islamologue dans
Le voile et la bannière53(*), Hassan Zerrouky livre aussi son enquête sur
La nébuleuse islamiste54(*). Quant à Latifa Ben Mansour, elle est
désormais davantage essayiste que romancière, ayant livré
elle-aussi un panel d'études sur les dangers de l'extrémisme
religieux, comme Les mensonges des intégristes55(*) et Frères
musulmans, frères féroces56(*). Pour retenir l'exemple de cette dernière, un
portrait, paru dans Le Monde, illustre un changement de
considération de la part d'une certaine presse française :
il est possible d'être intellectuel arabe et musulman :
« De sa culture familiale, de la lutte
émancipatrice de son peuple et de cette libération qu'apporte en
principe l'accès à la connaissance, Latifa Ben Mansour a
conservé la foi musulmane et le goût de la liberté - qui ne
sont pas incompatibles - ainsi que sa fierté
d'Algérienne57(*).»
Si nous pouvons parler de naissance de l'intellectuel du monde
musulman avant-gardiste, c'est donc parce qu'il y a une certaine
cohérence dans ce groupe social, notamment autour du combat contre
l'intégrisme religieux. Par exemple, l'année dernière,
c'est bien à l'appel d'un comité d'intellectuels musulmans
mené par l'écrivain mauritanien Beddy Ould Ebnou qu'avait
été organisée, à Paris, une manifestation de
soutien aux otages français enlevés en Irak. Encore une fois,
c'est l'adhésion à une manifestation collective qui est la
meilleure preuve de l'existence de ce groupe sociologique.
Il y a donc, depuis 1989, un certain tournant dans la
façon de présenter les intellectuels agitateurs du monde arabe,
qui tendent à supplanter les Français convertis dans le
rôle d'intellectuels avant-gardistes musulmans. Néanmoins, tous
ces intellectuels, bien que musulmans affirmés, n'ont pas acquis la
notoriété par l'affirmation de leur islamité. Slimane
Zeghidour, affirme qu' « il faut réagir, s'indigner, en
fonction de critères universels et non pas au nom de solidarités
nationales, ethniques ou religieuses58(*) ». D'ailleurs, Latifa Ben Mansour pointe
bien du doigt le paradoxe entre ce désir de ne pas se laisser enfermer
dans une identité islamique et le refus de laisser la
catégorisation de musulmans aux seuls extrémistes :
« L'islam bien vécu est serein, paisible,
nullement agressif, solidaire, partageur. Comme le dit l'adage, les gens
heureux n'ont pas d'histoire. Cet islam-là, vous ne le verrez jamais
dans la revendication hystérique et stérile; il est dans le
travail, la réflexion et provoque le respect. Malheureusement, on ne
voit pas ces gens sur les plateaux de télévision, on ne les
entend pas à la radio. D'ailleurs, ces personnes n'aiment pas être
désignées par leur religion, mais par l'ensemble des
paramètres qui les constituent et qui font d'elles des êtres
humains59(*). »
La qualification de musulman est donc plus une invention
médiatique que le résultat d'un but affiché de la part des
intéressés :
« En effet, je me suis rendu compte depuis quelques
années que je ne parlais plus en mon nom propre de citoyenne responsable
de mes actes et de mes prises de position qui peuvent certes déranger,
mais qui n'engagent que moi, je me suis aperçue aussi que je ne suis pas
considérée comme sujet de mon énonciation mais comme
faisant partie d'une communauté, non pas algérienne, (..), mais
MUSULMANE60(*). »
La naissance de l'intellectuel musulman avant-gardiste issu du
monde arabe est également difficile en raison de la perpétuation
de l'image traditionnelle du combattant de l'islamisme qui est forcément
athée. L'affaire Rushdie a en effet dans ce domaine montré ses
limites, comme le prouvent les scepticismes exprimés à
l'égard de sa foi affichée. Le cas de Talisma Nasreen est
également éloquent. Souvent présentée comme
« une nouvelle Rushdie », elle se dit ouvertement
« très, très athée » :
« Je n'ai jamais déclaré que je regrettais mes propos,
comme Salman Rushdie61(*). » Plus récemment encore, l'exemple
de Chattord Djavann, romancière iranienne non musulmane, auteure d'un
pamphlet contre le voile, nous montre que le cas Rushdie n'a pas
été totalement signifiant. Alors que celui-ci vit caché
depuis plus de quinze ans, elle déclare en 2004 :
« Il faudrait que les libres-penseurs d'origine
musulmane osent prendre la parole pour désacraliser l'islam et le Coran.
Les dignitaires islamiques seraient ainsi progressivement obligés
d'admettre que des individus de culture musulmane peuvent être
agnostiques ou athées, que les intellectuels d'origine musulmane sont
libres de critiquer l'islam et le Coran ou de s'en affranchir sans encourir les
accusations de blasphème ou de sacrilège62(*). »
A partir de 1989 donc, les médias français
commencent à présenter des avant-gardistes du monde
musulman comme musulmans. Mais c'est une image réduite. La foi
de ces intellectuels est plus une affaire privée qu'une réelle
identité. Souvent réfugiés politiques, porteurs d'un islam
réprimé, ils tendent à disparaître au profit de
leaders issus du contexte européen.
A côté de ce type d'intellectuels, une autre
catégorie émerge, celle des réformateurs de l'islam. Bien
qu'héritant d'une longue tradition réformiste, ces nouveaux
intellectuels bénéficient d'une conjoncture qui leur permet de se
manifester réellement sur la scène
« médiatico-intellectuelle » française.
II. L'intellectuel
réformateur de l'islam
Comme nous venons de l'étudier, la coordination d'un
certain nombre d'événements au tournant des années 1990
est l'occasion d'adopter une posture intellectuelle nouvelle. Des penseurs
commencent en France à avoir l'opportunité de s'exprimer et de
réagir en tant que musulmans. Ils doivent ainsi montrer leur
singularité par rapport à l'intellectuel
« occidental », historiquement bercé par les droits
de l'homme, tout en marquant leur compatibilité avec une grille de
pensée réputée dialectiquement opposée à la
leur. Cette adéquation à démontrer entre les traditions
islamique et jacobine passe donc par un devoir de pédagogie,
d'explication du texte, voire d'exégèse : voilà
comment est née une nouvelle catégorie de
« médiacrates » musulmans : les
réformateurs de l'islam. La plupart de ces intellectuels ne sont pas des
théologiens au sens strict du terme, mais ils se sont assignés un
rôle d'herméneutique du texte coranique afin de l'adapter au
contexte actuel. Qu'il s'agisse de la question du foulard islamique, de
l'affaire Rushdie ou du terrorisme islamiste, tous les prétextes sont
bons pour lancer ce que beaucoup nomment un aggiornamento de l'islam.
A l'égard de la République et des principes nés de
l'histoire occidentale, singularité et compatibilité de l'islam
forment donc un couple dialectique qu'essaient de satisfaire les
réformateurs musulmans.
A) Un nouveau champ intellectuel ?
Ce nouveau type d'intellectuel musulman fait irruption dans
les médias avec la visibilité nouvelle de questions de politique
intérieure (affaire du voile) et extérieure (terrorisme, guerre
du Golfe, affaire Rushdie) liées à l'islam. Mais il est
légitime de se demander si l'intellectuel réformateur de l'islam
est une nouvelle figure d'intellectuel musulman. En effet, il existe une
tradition réformiste en islam. Par exemple, dès le VIIIe
siècle, le courant mutazilite affirme la théorie du Coran
créé, opposée à celle du Coran
incréé, permettant ainsi de souligner l'historicité de la
révélation. Mais cette école de pensée est vite
rejetée et elle est interdite définitivement dès 1017. De
plus, se pose le problème de définition de ce qu'est une
réforme. Pour illustration, ibn Abd al-Wahhab (1703-1792), père
du wahhabisme, version très rigoriste de l'islam, se voulait
lui-même un grand réformateur dans la mesure où il
proposait de nouvelles grilles de lecture et d'interprétation, donc des
tentatives de réforme de l'islam. Comme nous l'avons
suggéré en introduction, la presse a donc eu tendance à
faire des notions de réformisme et de modernisme des synonymes qu'elles
ne sont pourtant pas.
En réalité, les nouveaux intellectuels
réformateurs se présentent en partie comme héritiers du
mouvement réformiste de la Nahda, qui va de la fin du XIXe au
début du XXe siècles. Ce mouvement de réforme, qui
tente de concilier islam et rationalité, a été
initié par plusieurs figures comme l'Indien Sayyed Ahmad Khan
(1817-1898), le Persan Jamal al-Din al-Afghani (1839-1897) et surtout
l'Egyptien Mohamed Abduh (1848-1905). L'héritage de ce dernier a ensuite
fait l'objet d'une controverse entre le Syrien Rachid Rida (1865-1935) et
l'Egyptien Ali Abderraziq (1888-1966). D'une matrice réformiste
commune, vont naître deux branches très distinctes
d'interprétation de ce que doit être l'adaptation de l'islam
à la modernité : le réformisme islamiste d'une part
et le réformisme critique d'autre part. Si, dès 1925, Ali
Abderraziq va très loin dans le réformisme critique, en
dénonçant l'illégitimité du système du
califat et en déclarant la séparation des pouvoirs temporel et
religieux dans son oeuvre L'islam et les Fondements du
pouvoir63(*), les
travaux de Rachid Rida inspireront Hassan al-Banna (1906-1949), fondateur
en 1928 des Frères musulmans, matrice de l'islamisme,
c'est-à-dire de l'islam politique.
En réalité, certains clivages actuels
s'expliquent par ce conflit d'interprétations historiographiques et
doctrinales entourant l'héritage de ce réformisme précoce.
Pour les réformistes critiques, Rachid Rida a, selon les mots de Rachid
Benzine, « dévié » la pensée de
Mohamed Abduh en la faisant passer d'un « réformisme
progressiste à un réformisme traditionaliste64(*) ». De la même
façon, Mohamed Arkoun distingue deux périodes dans l'islam
moderne : tout d'abord, la Nahda65(*), c'est-à-dire l'éveil des
lumières islamiques, puis la Thawra66(*), l'époque de
décadence et de la déviance islamiste. En revanche, Tariq
Ramadan, qui se revendique également réformateur moderniste,
prétend de son côté que Hassan al-Banna, en l'occurrence
son grand-père, est l'héritier naturel des idées
développées par Jamal al-din al-Afghani, Mohamed Abduh, et Rachid
Rida67(*). Pour lui, c'est
bien Ali Abderraziq qui aurait produit une pensée tronquée par
« la pression coloniale68(*) ».
Quoi qu'il en soit, il est intéressant de noter que
l'opposition forte, entre les deux principales écoles de
réformateurs prétendant à une place sur la scène
intellectuelle française contemporaine, a une explication historique
lointaine. Néanmoins, nous le verrons par la suite, la presse a
clairement tranché pour le soutien à la branche critique du
réformisme musulman.
Pour être accepté dans le club très
prisé des « réformateurs de l'islam » dans le
paysage médiatique français, il est donc nécessaire de se
réclamer d'anciennes figures réformistes, mais pas de toutes.
Ainsi, Tariq Ramadan explique :
« On aimerait que je renie mon grand-père,
Hassan Al-Banna, ou que `j'avoue' ma totale adhésion à sa
pensée. Soit je suis `un intellectuel éclairé', soit `un
obscurantiste', sous-entendu comme mon grand-père. Equation simple, mais
surtout simpliste : non, je ne renie pas ma filiation avec un homme qui a
résisté aux colonisations anglaise et sioniste, qui a
fondé 2 000 écoles, 500 centres sociaux, autant de
coopératives de développement, et qui n'a jamais, toutes les
études sérieuses le prouvent, commandité d'attentats
terroristes69(*). »
La filiation historique a donc son importance chez les
nouveaux intellectuels réformateurs de l'islam. Mais ils ne se veulent
pas simplement héritiers d'un courant de pensée, ils
prétendent également dépasser cet héritage. Il
existe donc chez eux une certaine volonté de se démarquer, comme
le suggère au niveau lexical le titre arrogé de
« nouveaux penseurs de l'islam » par Rachid
Benzine70(*) :
« Le projet dans lequel je m'inscris n'est pas un
projet de réforme de l'islam ni d'adapter l'islam à la
modernité. Il s'agit de penser l'islam avec les outils cognitifs
d'aujourd'hui et faire advenir une modernité qui soit endogène
aux sociétés dites musulmanes71(*). »
Si cette néo-catégorie d'intellectuels
émergents entend dépasser le strict cadre de la réforme de
leurs aïeux, elle s'en différencie aussi par le fait que les
réformateurs de la Nahda étaient essentiellement soufis
et qu' ils cherchaient à se modeler sur la modernité occidentale.
De leur côté, les nouveaux penseurs contemporains
prétendent se servir des outils de la modernité en essayant de ne
pas forcément copier l'Occident. De plus, la nouvelle visibilité
qui leur est offerte fait incontestablement qu'il s'agit d'un champ
intellectuel bien neuf puisque l'on attend désormais d'eux des
« résultats ». En effet, même si ce n'est pas
toujours explicite, les médias ont contribué à inventer la
catégorie des « nouveaux penseurs de l'islam » pour
instrumentaliser cette réforme, pour résoudre des
problèmes matériels contemporains. Cette réforme
théologique attendue n'est pas une fin en soi mais elle a pour but
d'adapter l'islam à son contexte nouveau, notamment dans ses points
d'accroches avec la civilisation occidentale.
B) Portrait de ces nouveaux intellectuels
réformateurs
Notre sujet concernant l'image renvoyée par la presse,
il s'agit de traiter dans cette partie les figures qui, parmi celles qui
prétendent à une place de réformateur, ont
accédé à ce statut dans le « paysage
médiatico-intellectuel français ». Ce sont donc
essentiellement des réformateurs rationalistes et libéraux,
héritiers en grande partie du réformisme critique,
regroupés autour du concept de « nouveau penseur »
forgé par Rachid Benzine. Cette nouvelle classe d'intellectuels,
improvisés rénovateurs du texte coranique par une conjoncture les
y encourageant, ont une double culture : islamique et occidentale.
L'apparente hétérogénéité des parcours
masque-t-elle une réelle uniformité de la nouvelle
interprétation du Coran proposée ?
1) Des parcours divers ?
A première vue, ces néo-réformateurs de
l'islam, dont la liste ici ne se prétend pas exhaustive, ont peu de
choses en commun. Chronologiquement, nous pouvons remarquer que Mohamed
Talbi (1921) et Mohamed Arkoun (1928) sont en quelque sorte les
précurseurs, les aînés des nouveaux penseurs. Les autres
sont nés dans les décennies 1940 et 1950 : Fatima Mernissi
(1940), Abdelmajid Charfi (1942), Nasr Abou-Zeid (1943), Youssef Seddik (1943),
Abdul Karim Soroush (1945), Abdou Filali-Ansary (1946), Abdelwahab Meddeb
(1946), Malek Chebel (1953), et Farid Esack (1957). Fédérateur du
groupe, Rachid Benzine (1971) en est le benjamin. Certaines autres figures,
comme le pakistanais Fazlur Rahman (1919-1988), sont
décédées mais tendent à être
présentées de façon rétroactive comme des figures
posthumes de ce nouveau réformisme musulman.
Géographiquement, ces intellectuels apparaissent comme
des réformateurs « de l'intérieur » de
l'islam par leur naissance. La quasi-totalité viennent de pays musulmans
anciennement colonisés. Les pays maghrébins sont largement
représentés, et l' « école de Tunis de
l'exégèse » est à la pointe du mouvement
(Mohamed Talbi, Abdelmajid Charfi, Mohamed Charfi, Youssef Seddik, Abdelwahab
Meddeb, Fethi Benslama,) : « La Tunisie est aujourd'hui une des
terres d'islam où se font entendre le plus de voix qui en appellent
à une nouvelle approche du phénomène religieux72(*). »
Mais l'Algérie a également produit ses penseurs
(Mohamed Arkoun, Malek Chebel), tout comme le Maroc (Abdou Filali-Ansary,
Fatima Mernissi, Rachid Benzine) ou l'Egypte (Nasr Hamid Abou-Zeid). Les
autres viennent de sphères géographiques différentes mais
ont pour point commun d'avoir vécu leur enfance au sein d'une
communauté de culture religieuse islamique, comme Abdul Karim Soroush
(Iran) ou Farid Esack (minorité indo-pakistanaise d'Afrique du
Sud).
D'autres figures fournissent un travail intellectuel important
pour une réforme libérale de l'islam et ont un profil
correspondant peu ou prou à celui des nouveaux penseurs. Mais leur
visibilité dans la presse, notamment en raison de la barrière de
la langue, est totalement insignifiante en France et ils ne peuvent donc
être assimilés à cette nouvelle caste d'intellectuels
médiatiques73(*).
S'ils se ressemblent donc peu par leurs origines, ces
réformateurs présentent une analogie certaine dans leur parcours
intellectuel. Beaucoup de ces personnages quittent leur pays natal pour aller
étudier en Occident. Nasr Abou-Zeid part étudier aux Etats-Unis
à Philadelphie, tandis que d'autres comme Fazlur Rahman et Abdoul Karim
Soroush se retrouvent en Angleterre.
Mais la France est également un gros foyer de formation
de ces nouveaux penseurs. Selon Mohamed Mestiri, président du bureau
français de l'IIIT (Institut International de la Pensée
Islamique), « l'UNESCO classe la France en deuxième position,
après les Etats-Unis, dans la capacité d'accueillir l'exil du
savoir musulman74(*) ». Voilà pourquoi Jamel-Eddine
Bencheikh va même jusqu'à affirmer que « l'islam moderne
naîtra en France », puisque « dans ce pays, il est
parfaitement possible de se choisir des formes de vie sociale,
économique et politique qui ne contreviennent pas fondamentalement
à l'inspiration de la prédication prophétique75(*) ». Ainsi, les
grandes figures de cette nouvelle caste d'intellectuels musulmans, comme
Mohamed Arkoun, Mohamed Talbi, Fethi Benslama, Malek Chebel, ou encore
Abdelwahab Meddeb, ont suivi des études dans l'Hexagone. Sans renier
leur foi, tous ces penseurs, qui ont été au contact de la
méthodologie universitaire occidentale, décident alors que la
connaissance des sciences humaines doit guider leur réforme de l'islam.
Si, pour ces réformateurs, l'aggionarmento de
l'islam viendra peut-être en France, il leur est en revanche inconcevable
qu'il vienne de chercheur français. Pour Mohamed Arkoun, le chercheur
occidental voit forcément sa pensée biaisée par sa
subjectivité, qu'elle soit positive ou négative :
« Je connais plus d'un islamologue, `ami de l'islam
et des Arabes', qui préfère se faire le chantre des
idéologies officielles, de la `grandeur' de l'islam, plutôt que de
contribuer au nécessaire combat de modernisation de la pensée
islamique. Il y a aussi ceux qui dénigrent systématiquement
l'islam et contraignent les intellectuels musulmans critiques à durcir
leur propre combat contre le modèle hégémonique de
l'Occident76(*). »
L'intellectuel français, fût-il converti, s'il
peut aider à diffuser la réforme, ne peut être
lui-même un réformateur de l'islam. C'est le cas de Michel Renard,
avec sa Revue Islam de France, qui n'est pas considéré
comme tel. En effet, ce n'est pas seulement à l'islam mais au monde
musulman dans son ensemble que l'on demande de se réformer. Or, comme
l'explique Malek Chebel, « il n'y a de critique valable que si elle est,
par essence, une autocritique77(*). »
Si le portrait type du réformateur de l'islam est donc
une personnalité issue du monde musulman dont une partie de la formation
intellectuelle s'est déroulée en Occident, il faut
également rajouter une autre caractéristique : le
réformateur médiatique a forcément été
à un moment de sa vie confronté à des oulémas
conservateurs. Fazlur Rahman et Abdoul Karim Soroush ont, sous la menace,
dû quitter respectivement le Pakistan et l'Iran pour rejoindre
définitivement les Etats-Unis, alors que Nasr Abou-Zeid est
déclaré apostat par l'université Al-Azhar en 1995 pour son
livre Critique du discours religieux78(*), et il est dès lors contraint de s'exiler aux
Pays-Bas. Au Maroc, Fatima Mernissi s'est vu interdire de publier son essai
moderniste, Le Harem politique79(*). Quant à l'historien tunisien Abdelmajid
Charfi, il est censuré dès qu'il traite de manière
critique des rapports entre science et islam80(*).
Le groupe de réformateurs de l'islam qui se constitue a
également ceci de remarquable qu'il rassemble des intellectuels qui
s'assignent un rôle d'exégèse sans être
théologien au sens organique du terme. « Je précise que
je suis historien et pas un faqîh81(*). Je ne fais pas de
déclaration au nom de l'islam car je n'ai pas mandat pour le faire ni
pour affirmer voilà ce qu'il dit sur telle ou telle
question », explique ainsi Mohamed Talbi82(*). En revanche, s'ils n'ont pas
tous reçu une formation en théologie, ils ont bel et bien la
prétention de faire évoluer l'interprétation du texte
coranique en expliquant son contexte. Le Coran qui a, pour ces intellectuels
croyants, une dimension à la fois « historique » et
« transcendantale83(*) », peut ainsi être analysé
avec les outils critiques de la modernité occidentale tout en ne
négligeant pas l'aspect sacral du message.
Ces intellectuels ont donc une même idée de la
réforme. Elle doit être selon eux réalisée à
la fois à l'intérieur de l'islam - faite par des gens de culture
et de religion musulmane - et à l'extérieur de celui-ci - par
l'utilisation des outils de la modernité
occidentale.
2) Une réforme
uniforme ?
Il est, comme nous l'avons vu, possible de déceler une
certaine ressemblance des parcours de ces intellectuels dont le point commun
fondamental est le statut d'intellectuel mi-islamique, mi-occidental :
« Ces nouveaux penseurs se distinguent d'autres intellectuels par le
fait qu'ils ont acquis une bonne connaissance du patrimoine islamique et qu'ils
la confrontent aux données des sciences humaines - histoire, sociologie,
anthropologie, linguistique, sémiotique,
herméneutique... », explique Rachid Benzine84(*).
Cela se retrouve dans le type d'ijtihad85(*) qui est prôné,
même si, bien sûr, leurs idées et convictions ne sont pas
identiques. La pensée de ces réformistes se veut une
pensée musulmane agrémentée des outils de connaissance
développés en Occident. Ainsi Mohamed Talbi, par exemple, prend
bien soin de souligner qu'il est « à la fois, historien et
musulman86(*) »,
confrontant ainsi deux termes supposés antinomiques. Ce n'est rien
d'autre que veut faire comprendre Rachid Benzine lorsqu'il explique que, pour
les nouveaux penseurs de l'islam, « croire en la pertinence
éternelle du texte coranique ne veut pas dire pour autant croire en un
texte intemporel87(*) ». C'est un message divin transmis dans un
contexte culturel humain.
Ainsi, bien que, comme l'affirme Nasr Hamid
Abou-Zeid, « le Coran [soit] un texte linguistique, un texte
historique et un produit culturel88(*) », les nouveaux penseurs se refusent
à remettre en cause le dogme du ijaz89(*) : le Coran est
imitable en tant que texte arabe, mais il ne l'est pas en tant que fruit d'une
révélation divine renfermant un savoir divin. Sa
supériorité réside donc dans son contenu plutôt que
dans son style.
La subtilité réside donc dans la
cohérence dans le fait de considérer le message du Coran comme un
produit à la fois culturel et de nature divine. Puisque la nature
transcendantale de l'émetteur n'est pas remise en cause, c'est bien le
récepteur du message qui est analysée scientifiquement à
travers l'étude du contexte de la Révélation. Les nouveaux
penseurs soulèvent donc la problématique du rapport entre la foi
islamique et la raison en essayant de concilier les deux. C'est cette
délicate nuance qui donne son « air de famille »
à tous les nouveaux penseurs de l'islam. Elle peut être
synthétisée par cette pensée de Mohamed Talbi :
« Les rénovateurs dont je suis, ne rejettent
pas l'apport des sciences humaines comme l'histoire, la sociologie ou
l'anthropologie. Mais s'ils sont attachés au meilleur du monde moderne,
la liberté, la justice, la tolérance, ils adhèrent en
même temps à l'intégralité du message du Coran
qu'ils lisent en adéquation avec notre temps. En revanche, pour les
islamologues et ces intellectuels que j'appelle `désislamisés',
le Coran est une création humaine, un texte culturel totalement
désacralisé dont ils réduisent l'approche aux seules
sciences humaines. Leur pensée est respectable, mais ce n'est pas une
pensée croyante90(*). »
La balance est délicate donc entre la volonté de
se démarquer de la pensée occidentale et le besoin d'emprunter
certains de ses outils scientifiques : « Il faudrait que les
musulmans cessent de confondre les contentieux politiques avec l'Occident et
les avancées de la connaissance redevables essentiellement à ce
même Occident », explique Mohamed Arkoun91(*). Il est vrai que la grille de
pensée adoptée par les nouveaux penseurs, malgré une
prudence affichée, paraît très rationaliste, au risque de
friser parfois la caricature du positivisme. En distinguant ce qui peut
être analysé scientifiquement, les nouveaux penseurs font rentrer
l'islam dans un schéma interprétatif occidental. Par exemple,
alors que Fethi Benslama effectue une étude psychanalytique du
Coran92(*),
l'anthropologue Malek Chebel analyse la place de l'individu - concept au
centre de la philosophie humaniste européenne - dans la religion
musulmane93(*). Une des
vingt-sept propositions de son Manifeste pour islam des
Lumières consiste même à « affirmer la
supériorité de la raison sur toute autre forme de pensée
et de croyance94(*) ». Cette volonté d'analyser le Coran
avec les outils issus en grande partie de l'histoire occidentale se retrouve
chez tous les autres nouveaux penseurs, comme le philosophe Youssef Seddik, qui
étydue l'influence hellénistique sur le texte coranique95(*), ou encore Abdelmajid Charfi,
qui a beaucoup réfléchi sur l'historicité du message
divin96(*).
La vision très rationaliste de ces réformateurs,
malgré quelques points de divergence, est donc plutôt
homogène. Il est légitime qu'elle puisse être
contestée par des réformes se voulant plus endogènes
à l'islam et moins influencées par des grilles de pensées
proches de celles présentes en Occident. Si Rachid Benzine tente
d'évacuer une confusion sémantique en présentant une caste
nouvelle non pas de « réformateurs », mais de
« penseurs » de l'islam, force est de constater que cette
nuance de vocabulaire n'est pas retenue par la presse française. Seuls
sont présentés comme réformateurs potentiels de l'histoire
ceux qui, nous l'avons vu, prônent une vision positiviste de l'islam.
L'opinion publique française, dont les médias français
sont à la fois le reflet et le moteur, a la particularité
d'attendre de l'islam une évolution similaire à celle qui a pu se
produire dans sa propre histoire en terre chrétienne. Les
références à des événements historiques
marquants sont fréquentes. « L'islam n'a pas encore connu
178997(*) »,
nous dit-on. Calquant donc le futur idéal de l'islam sur le passé
du christianisme, les réformateurs, représentants de
« l'islam des lumières98(*) » , sont attendus de façon
messianique comme des « Galilée99(*) » des
« Erasme100(*) », des « Luther101(*) »,
des « Descartes102(*) », ou des « Spinoza103(*) » de l'islam. Oui,
l'islam doit faire son « Vatican II104(*) » !
Or, ce n'est qu'une partie des réformateurs musulmans
qui rentre dans ce moule préconçu. C'est pourquoi ce sont presque
toujours les mêmes acteurs qui illustrent les dossiers d'intellectuels
prétendant moderniser l'interprétation de l'islam. A partir
notamment du livre de Rachid Benzine, Les nouveaux penseurs de
l'islam, la globalité du discours médiatique a uniquement
accepté une caste de « bons réformateurs » :
«Les nouveaux penseurs de l'islam » dans Le Nouvel
Observateur105(*),
« Les rénovateurs de l'islam » dans Le Monde des
religions106(*),
les « nouveaux penseurs et vieux censeurs » dans Le
Figaro Magazine107(*). Les intellectuels qui en font partie
défendent une réforme, nous l'avons vu, très conciliante
avec les principes universels développés en Occident. Dans le
défi de l'adaptation de l'islam à la modernité
occidentale, ils privilégient, selon les données que nous avons
précédemment fournies , le critère de compatibilité
à celui de singularité. Pour eux, la réforme doit tendre
vers un universalisme par rattrapage de certaines idées modernistes
occidentales.
C) Rôle de ces intellectuels dans les médias
1) Une caste prestigieuse mais
fermée
Les réformateurs acceptés comme tels
prêchent donc une réforme peu hétérogène,
envisageant un aggiornamento de l'islam tel que le christianisme l'a
connu. Mais d'autres intellectuels rejettent cette volonté de vouloir
calquer de près ou de loin sur la civilisation islamique ce qu'il s'est
passé dans l'ère chrétienne. C'est le cas de Tariq
Ramadan, qui est partisan d'un islam
« intégraliste », c'est-à-dire qu'il puise
ses principes éthiques et moraux dans la religion plutôt que dans
d'autres principes universels jugés illégitimes car
supposés « occidentaux ». Pensant que c'est la
raison islamique qui doit pallier les imperfections de la modernité
née dans le monde extra-musulman, il ne cesse de dénoncer la
vision « simpliste et toujours occidentalo-centrée108(*) » que l'on peut
déceler chez les nouveaux penseurs :
« Pour être entendus, les musulmans
occidentaux devront être armés de solides connaissances
islamiques, faire preuve d'une rigueur et d'un courage prouvant à leur
coreligionnaires qu'ils parlent bien de l'intérieur, qu'ils ne sont pas
les promoteurs d'un `nouvel islam' vidé de sa substance qui
voudrait, au nom de `l'universalité de nos valeurs', imposer un
modèle unique de sociétés109(*) ».
Cependant ce genre de réforme n'est pas recevable en
tant que telle par la majorité des médias français. En
plus d'être doctrinairement proche des idées des Frères
Musulmans, cette idée de réislamisation paraît non
seulement mettre en péril notre modèle français de
laïcité en ce qu'elle promeut une vision englobante de la religion,
mais elle conteste un certain universalisme occidental finalement rarement
remis en cause. Ce type de réformateurs n'est d'ailleurs pas
désigné comme tel par les journaux en général.
L'exemple de Tariq Ramadan est extrêmement
intéressant car ce même personnage est passé du statut du
« bon réformateur » à celui d'interlocuteur
indésirable. Ayant tout d'abord l'image d'un musulman avant-gardiste
dans ses idées sur l'islam, il est l'objet de commentaires
élogieux. Lorsqu'en 1995, il est interdit de séjour en France,
Le Nouvel Observateur s'indigne du traitement réservé
à cet « intellectuel brillant110(*) ».
N'ayant sûrement pas la même conception de la
notion de modernisme que ce dernier, la presse a vite rejeté sa
réforme comme n'en n'étant pas une. Le problème de Tariq
Ramadan, c'est qu'il est, du point de vue médiatique, un
« mauvais réformateur » déguisé en
« bon réformateur » : «[Tariq
Ramadan] n'a pas la gueule de l'emploi. Un islamiste qui porte des gilets
de minets, parle avec l'accent suisse et joue avec un art consommé de sa
séduction de ténébreux oriental », décrit
Christophe Ayad dans Libération111(*). Voici venu le temps donc
pour les médias de découvrir « le vrai visage de Tariq
Ramadan112(*) ». Celui qui était encore en 2001
un « théologien musulman `réformiste'113(*) » pour Le
Nouvel Observateur devient plus tard un « prêcheur
genévois114(*) » , un « pigeon
voyageur islamiste115(*) », « un roturier
helvétique, un simple chargé de cours d'islamologie à
l'université de Fribourg116(*) » pour ce même journal.
Que l'on soit ou non d'accord avec la réforme de Tariq
Ramadan est parfaitement compréhensible117(*). Qu'on le conteste en tant
qu'intellectuel pour la simple raison qu'on ne partage pas ses idées est
une autre histoire. En effet, dans la grande majorité des articles le
concernant, ce n'est pas le contenu de la réforme qui est discuté
mais bien la qualité d'intellectuel qui est déniée au
petit-fils de Hassan al-Banna. En raison de ses prises de positions distinctes
de celles des « nouveaux penseurs de l'islam », celui-ci
devient un « intellectuel contesté118(*) »,
« `l'émir' des Frères musulmans francophones119(*) », voire une
« crapule intellectuelle120(*) ». « En fait, M. Ramadan n'est
pas un intellectuel, au mieux un prédicateur », explique
Esther Benbassa121(*).
De la même façon, Caroline Fourest, auteure d'un livre à
charge contre Tariq Ramadan, s'étend sur sa difficulté à
soutenir une thèse obtenue « sans honneurs ni
félicitations » et dont le but était « de
pouvoir se prévaloir d'une caution scientifique122(*) » :
« On l'a souvent présenté comme professeur
d'université. En réalité, (...) il n'était qu'un
modeste professeur de collège de Saussure123(*) »
Se détournant de ses thèses, qui
mériteraient discussions, la plupart des médias
s'intéressent à sa présupposée tactique. On
prête alors à « frère Tariq »,
« cet intellectuel rusé, champion toutes catégories du
double langage, et qui va, de plateau en plateau de télévision,
poser, main sur le coeur, au grand réformateur124(*) », une
stratégie d'entrisme. Le vocabulaire conspirationniste employé
dans les titres le concernant sont éloquents : « Le
mystère Tariq Ramadan125(*) », « La théologie au
service d'une stratégie politique126(*) », « Tariq Ramadan, sa famille,
ses réseaux, son idéologie127(*) »,
« l'énigmatique128(*) ».
L'entrée de l'islam dans l'ère moderne
proposée par Tariq Ramadan n'est donc même pas discutée car
supposée dangereuse dans son fondement. Par souci de clarté,
voire de simplicité, une certaine presse française a donc
largement réduit l'enjeu des réformateurs de l'islam à un
débat manichéen au lieu de questionner la pertinence d'une autre
réforme de l'islam. Il n'est d'ailleurs pas étonnant de constater
que d'autres intellectuels, de cette même mouvance, prônant une
vision maximaliste, voire totalisante, de l'islam, restent totalement absents
des médias généralistes. Penser la modernité
autrement que les nouveaux penseurs de l'islam est médiatiquement
rejeté. Ainsi, le travail de Mohamed Hamidullah (1908-2002), proche des
Frères musulmans, auteur de plus de 2000 articles traduits dans une
vingtaine de langues et d'une quarantaine de livres, est resté peu connu
du grand public. Ses idées sont maintenant reprises par Mohamed Mestiri,
à tavers l'IIIT, mais il est lui aussi un grand absent des
médias.
Enfin, si la place de réformateur de l'islam est
prestigieuse et convoitée, il faut brièvement noter à
l'opposé que certains qui, par leur travail, pourraient en être
membre de plein droit, rejettent cette étiquette. Ainsi, Adel Rifaat et
Bahgat Elnadi, qui publient sous le pseudonyme de Mahmoud Hussein, rejettent ce
label d' « intellectuels musulmans », que
l' « on colle aujourd'hui à tout ce qui pense en
arabe129(*) » .
La place de théologien moderniste n'est donc pas
donnée à tout le monde : le prétendant doit
obéir aux quelques critères étudiés ci-dessus. Ces
« nouveaux penseurs » ont tous une même idée
de la réforme, il s'agit de moderniser l'islam avec les moyens
apportés par la modernité occidentale et non pas l'inverse.
Sachant qu'ils sont nés pour répondre à certains
défis lancés à l'islam dans ses points d'accroche
contemporains, comment ceux-ci peuvent-ils apporter des solutions ?
2) Les réformateurs : la solution aux
problèmes contemporains ?
« Pour tous ces intellectuels, il faut sortir de
l'utilisation idéologique et pratique des textes - le texte comme
prétexte », explique Rachid Benzine130(*). Pourtant, il faut rappeler
que l'instrumentalisation de la religion est intrinsèquement une des
raisons d'être des nouveaux penseurs de l'islam. Nous l'avons vu, si
cette nouvelle caste d'intellectuels musulmans est apparue dans la presse
française, c'est parce que la conjoncture fait que l'opinion publique
attend de l'islam qu'il réponde à un certain nombre de questions
nouvelles. Le rôle médiatique des intellectuels
réformateurs est donc plus large que purement théologique. Il
s'agit surtout pour eux de montrer comment cette herméneutique coranique
peut aider à faire face à un certain nombre de défis
contemporains. C'est d'ailleurs en soulignant ceci que Catherine Farhi, du
Nouvel Observateur, livre sa définition du
réformateur :
« Est véritablement réformateur celui
qui tente de relire les textes fondateurs de l'islam, surtout le Coran, avec
les yeux d'un homme du XXIè siècle et qui aborde les
vrais problèmes posés à l'islam aujourd'hui, qui sont
entre autres: l'ouverture au monde et l'acceptation d'autrui - donc la
suppression du statut de dhimma, qui est celui des non-musulmans, juifs et
chrétiens, en pays d'islam -; la liberté de conscience - donc la
remise en cause de la peine de mort pour l'apostasie -; l'égalité
des sexes - donc le refus de la répudiation et des droits moindres
accordés à la femme en matière d'héritage. Ce
sont ceux qui s'attaquent à ces problèmes-là pour tenter
de conjuguer islam et modernité que j'appellerais
réformateurs131(*). »
C'est en conséquence de la peur d'une supposée
confrontation entre civilisations musulmane et occidentale que l'on impose
à l'islam de se réformer de l'intérieur, ceci afin qu'il
se mette en adéquation avec un certain nombre de principes
universalistes :
« On le savait depuis longtemps mais l'attentat de
New York a servi de révélateur. Beaucoup de musulmans avaient
peur de trahir leur religion ou simplement leur identité en critiquant
publiquement les excès ou les crimes de leurs coreligionnaires, mais
cette fois, trop c'est trop. Ils refusent de se reconnaître dans cette
image de haine qu'incarne Ben Laden. Maintenant, il faut prendre parti. Contre
le fanatisme, contre la violence et donc, si l'on veut aller au bout du
raisonnement, contre une lecture déviante de l'islam. (...)
Aujourd'hui, des penseurs musulmans s'interrogent, appellent à une
autocritique et ouvrent un débat longtemps gelé, celui de la
coexistence entre l'islam et la modernité. C'est un tournant qu'il ne
faut pas sous-estimer132(*).»
Le discours de ces réformateurs très
prisés des médias est en effet rassurant tant au niveau politique
que géopolitique. Sur le plan intérieur, les nouveaux penseurs de
l'islam développent une vision qui flatte son auditoire occidental.
Même si la laïcité française est parfois jugée
trop stricte, « voulant mouler les gens dans le jacobinisme133(*) », il y a un large
consensus autour des grands problèmes entre islam et
République : les réformateurs médiatiques sont par
exemple contre le port du voile. Sur le plan extérieur, les nouveaux
penseurs présentent un discours qui dépasse le « choc
des civilisations ». Les pratiques jugées archaïques
présentes dans le monde musulman (excision, lapidation...) sont
condamnées avec vigueur, tout comme l'est l'islamisme. Ghaleb
Bencheikh, ancien présentateur de l'émission
« Islam » sur France 2, synthétise de façon
un peu simpliste cette vision très libérale de l'islam, rejetant
tout ce qui pourrait apparaître comme régressif aux yeux
occidentaux comme n'étant pas islamique134(*).
Pour être efficace, encore faut-il que cette
réforme critique soit diffusée. La prolifération ces
dernières années de revues musulmanes est un signe évident
du dynamisme de la pensée islamique contemporaine. Parmi celles-ci, nous
pouvons citer Islam de France, créée en 1997 par
Saïd Branine et Michel Renard, ainsi que La Médina,
fondée un an plus tard par Hakim El-Ghissassi. Quant à
la revue trimestrielle Prologues, elle est lancée par Abdou
Filali-Ansary. Son objectif annoncé est la « rénovation
dans la pensée arabo-islamique contemporaine, (...) pour que la
pensée religieuse musulmane établisse un rapport intérieur
vivant avec l'éthique moderne, celle de la démocratie et des
droits de l'homme135(*) .»
Si la réforme doit, pour se diffuser, atteindre la
communauté scientifique, elle n'est efficace que si elle touche les
sociétés civiles. Voilà pourquoi Abdelmajid Charfi, par
exemple, développe ses propos en arabe. Même si cela le rend
moins visible au niveau médiatique en France, sa pensée a plus de
chance d'être efficace en atteignant des lecteurs unilingues. Pour avoir
un impact le plus large possible, d'autres médias sont également
utilisés. Par exemple, dans Cultures d'islam, émission
diffusée sur les ondes de France Culture, Abdelwahab Meddeb prône
pour un véritable ijtihad.
La réforme proposée par ces nouveaux penseurs a
donc pour objectif plus ou moins explicite de résoudre bon nombre de
problèmes actuels. Mais peut-elle être réellement efficace
sur les populations musulmanes malgré le fait qu'elle paraisse
accessible uniquement à une minorité de croyants
privilégiés par leur connaissance de la culture moderne
occidentale ? En effet, certains chercheurs ne croient pas que la
théologie critique aura un quelconque effet pour adapter l'islam
à la modernité, à l'instar de ce qu'explique Olivier
Roy :
« C'est une erreur de croire que la pratique change
quand la doctrine a changé. C'est l'inverse qui se produit. C'est comme
si l'on disait que sans le protestantisme, le catholicisme aurait
été incapable de la moindre adaptation à la
modernité. Appliquer à l'islam cette caricature de l'histoire
interne au christianisme occidental n'a pas de sens. Les changements ne se
feront pas sur des bases culturelles ou théologiques - cherchez le `bon
musulman'... - qui ne correspondent pas à la demande religieuse
aujourd'hui136(*). »
Est-ce l'évolution de la théologie qui induira
un changement dans les sociétés où est-ce les mutations
des sociétés qui entraîneront une nouvelle
théologie ? Pour Jean-Louis Schlegel aussi, la réponse est
claire :
« Plutôt que des principes intangibles de
l'islam des théologiens (et des chercheurs occidentaux), il faudrait
partir de cet islam vécu au quotidien, des compromis innombrables qu'il
a déjà opérés et qu'il opère tous les jours
avec les sociétés modernes où il vit, et où il ne
vit pas si mal qu'on voudrait le faire croire137(*) ».
Bien que la réforme engagée soit le fruit d'une
réflexion s'étalant sur plus grande durée historique, ces
dernières années ont véritablement vu se constituer un
tout nouveau groupe médiatico-intellectuel : celui du nouveau
penseur de l'islam. Cette figure médiatique obéit à
certains critères stricts et exclut donc les autres intellectuels, dont
ceux, à l'instar de Tariq Ramadan, qui veulent rendre l'islam moderne
en islamisant la modernité. Toujours en parallèle, le fait que
la France favorise la constitution d' un islam gallican pendant cette
période crée de la même façon un nouveau
champ : celui l'intellectuel musulman organique.
III.
L'intellectuel représentant de l'islam de France
Nous avons vu que les médias français pris dans
leur globalité ont tendance à calquer l'image d'une
évolution désirée de l'islam sur
« notre » propre histoire occidentale. Ils ont
été jusqu'à inventer un nouveau clan du parfait
intellectuel réformateur musulman. Parallèlement à
celui-ci, les années 1990 marquent la naissance d'une catégorie
d'intellectuels organiques de la religion musulmane, là encore en
établissant des ponts et des points de comparaison évidents avec
l'histoire du christianisme ou du judaïsme en France. L'islam étant
une religion sans Eglise, il faut créer un « islam
gallican », ce à quoi s'attellent plusieurs
« Napoléon de l'islam138(*) ». Néanmoins, à l'image de
la difficile naissance d'un islam de France, l'accouchement de ces
intellectuels musulmans officiels est bien complexe. Nous étudierons
donc dans cette partie comment se constitue une nouvelle place de
légitimation d'intellectuels musulmans organiques, avant de tirer un
bilan précoce des forces de ce tout nouveau paysage islamique
français. Enfin, le troisième point permettra de nous demander si
le rôle de ces intellectuels est plus large que purement organique.
A) Une nouvelle place de légitimation
intellectuelle
1) Bref historique de la mise en place de l'islam de
France
Passer d'un islam en France à un islam de France n'est
pas chose aisée. La communauté islamique prend conscience dans
les années 1980 de la nécessité d'organiser le culte
musulman dans l'Hexagone. Certaines difficultés apparaissent en effet
pour le choix de la date du ramadan, le marché de la viande
halal, le recrutement des imams, l'enseignement de l'arabe, ou encore
la gestion des lieux de prières. Le processus déclenché
par le ministre des cultes Pierre Joxe en 1989 lance réellement
l'impulsion qui aboutit finalement à l'élection du Conseil
Français du Culte Musulman (CFCM) en 2003. Mais le chemin n'a pas
été sans cahots.
De novembre 1989 à mars 1990, quinze
personnalités sont réunies à l'initiative de Pierre Joxe
au sein du CORIF (Conseil de Réflexion sur l'Islam en France). Ce
processus de consultation est stoppé par le retour de la droite au
pouvoir en 1993. Charles Pasqua, arrivé place Beauvau, s'appuie
à nouveau sur la Mosquée de Paris. Dalil Boubakeur, son recteur,
devient alors l'interlocuteur privilégié des pouvoirs publics,
tandis que le processus de création d'un l'islam de France
représentatif est en sommeil pour quelques années. En novembre
1999, c'est Jean-Pierre Chevènement qui relance une très large
consultation (7 fédérations, 5 grandes moquées et 6
personnalités). Ses efforts sont relayés par Daniel Vaillant et
aboutissent à la première élection d'un Conseil
Français du Culte Musulman (CFCM) sous l'ère Nicolas Sarkozy en
avril 2003.
En quinze ans donc, un long chemin est parcouru dans
l'instauration d'un islam de France. Et le processus reste
inachevé : le CFCM peine à s'assurer une réelle
légitimité, ses grands projets restant encore à
l'état d'ébauches. Sur la forme, le CFCM subit crise sur crise et
enregistre fréquemment la démission de ses membres les plus
influents. Sur le fond, il n'arrive pas à s'imposer sur tous les sujets
qui font partie de son champ d'attribution. Malgré cette naissance
encore partielle, comment ce nouvel islam de France a-t-il créé
une nouvelle posture de légitimation intellectuelle ?
2) Un marché complexe : la loi de l'offre
et de la demande
Grâce au processus de mise en place d'un islam de
France, celui qui devient interlocuteur privilégié de l'Etat
gagne en crédibilité. L'enjeu est de devenir un intellectuel
jouant le rôle de pont entre la République et la communauté
musulmane. Avec la création du Conseil des sages musulmans le 6 novembre
1989, quinze musulmans ont, selon les mots de Michel Kubler dans La
Croix, l'occasion d'ajouter une ligne à leur « carte de
visite139(*) ». La place est donc convoitée, le
marché est complexe : l'offre est précise, la demande
multiple.
L'offre de l'Etat français présente trois
exigences : la République réclame de ce futur
émissaire de la communauté musulmane qu'il soit à la fois
français, républicain et représentatif. La première
exigence des ministres des cultes successifs est donc de
« gallicaniser », de « franciser »
l'islam. Chaque interlocuteur entretient en général des relations
plus ou moins soutenues avec des pays du monde musulman, comme l'Algérie
pour les proches de la Mosquée de Paris, le Maroc pour ceux de la FNMF
(Fédération Nationale des Musulmans de France) ou l'Arabie
Saoudite pour ceux de l'UOIF (Union des Organisation Islamiques de France).
Pour effacer ces luttes d'influence étrangères, l'Etat va
s'efforcer de choisir des représentants français. L'Institut
Musulman de la Mosquée de Paris est le symbole de la lutte menée
par la France, qui ne parvient à imposer un recteur français
à sa tête qu'en 1992. A défaut de pouvoir couper totalement
ses interlocuteurs des pressions de l'étranger, l'Etat français
va donc s'efforcer d'annihiler les influences extérieures potentielles
de ceux-ci en les combinant et donc en les neutralisant.
La deuxième revendication de l'Etat est que le futur
représentant de l'islam de France montre patte blanche en matière
républicaine. La « Déclaration d'intention relative aux
droits et obligations des fidèles du culte musulman », que
Jean-Pierre Chevènement impose à ses interlocuteurs comme
préalable à toute négociation, en est l'illustre exemple.
Seront donc favorisés, dans la mesure du possible, les interlocuteurs
porteurs de l'islam le moins menaçant possible pour les grands principes
de la République française.
Français et républicain donc, le candidat doit
également être représentatif. Dès le départ
du dialogue, Pierre Joxe fait part de son souci d'encourager les personnes qui
ont une « expérience de terrain » :
« L'essentiel, pour moi, est de pouvoir dialoguer avec des gens qui
m'informeront par une expérience de première main sur l'islam
concret, vécu quotidiennement en France par des centaines de milliers
d'hommes et de femmes, français et étrangers140(*). » Pas question
donc pour l'intellectuel musulman potentiel de représenter un islam trop
éloigné de celui pratiqué à sa base.
Quant à la demande des leaders musulmans, elle est
hétérogène mais s'adapte à l'offre de l'Etat. Il
convient de distinguer trois types de « solliciteurs de
légitimité ». Il y a tout d'abord les leaders de
fédérations : la Mosquée de Paris (de Cheikh Abbas au
Docteur Boubakeur), l'UOIF ( Abdallah Ben Mansour, Lhaj Thami Breze, Fouad
Alaoui, ou encore Farid Abdelkrim), la FNMF ( Youssouf Leclerc, Mohamed
Bechari, Abdallah Boussouf), les autres leaders de fédérations
étant plus en retrait (le Tabligh par exemple). Ce trio de
fédérations constitue les partenaires les plus naturels pour les
pouvoirs publics, un privilège qui a d'ailleurs été
contesté par un « front de refus contre la bande des
trois141(*) ».
Les recteurs des grandes mosquées ont en effet aussi l'intention de se
faire entendre (Kamel Katbane de la Grande Mosquée de Lyon, Khalil
Merroun de la Grande Mosquée d'Evry, Amar Lasfar de la Grande
Mosquée de Lille). Enfin, un troisième type d'acteur,
l'intellectuel indépendant, c'est-à-dire n'appartenant
officiellement ni aux fédérations, ni aux grandes
mosquées, complète ce panel de candidats. Il s'agit entre autres
des convertis Michel Chodkiewicz et Eric Geoffroy, du cheikh alawi Khaled
Bentounès, de l'anthropologue Dounia Bouzar, ou encore du mufti de
Marseille Soheib Bencheikh.
La mise en place de l'islam de France crée donc un
nouveau champ pour l'intellectuel musulman : celui d'interface avec les
pouvoirs publics. Des acteurs hétérogènes répondent
diversement aux critères exigés par l'Etat. Quel est donc le
portrait du paysage islamique français qui se dégage de ce jeu
complexe ?
B) Le nouveau visage de l'intelligentsia musulmane
organique
Un certain nombre d'acteurs émergent dans cette course
au leadership cultuel. Nous avons ici choisi d'en distinguer cinq
catégories. Les représentants de deux plus grandes
fédérations (Mosquée de Paris et UOIF) sont
analysés séparément, ceci en raison de leur importance.
Quant à la FNMF, troisième fédération de taille,
elle n'est pas traitée ici pour la bonne et simple raison que,
malgré ses bons résultats aux deux élections du CFCM, elle
est continuellement en pleine crise en son sommet. Ainsi, ses présidents
successifs ne se sont jamais imposés comme des interlocuteurs
médiatiques incontournables, à la différence de leurs
collègues des deux autres fédérations. A côté
de celles-ci, nous verrons que la création du CFCM a permis de mettre en
lumière non seulement des intellectuels indépendants collaborant
à la mise en place de l'islam de France, mais aussi des
personnalités emblématiques de l'islam local. Enfin, d'autres
personnages, les « anti-CFCM », ont également
amplement profité de la création de celui-ci pour asseoir leur
autorité intellectuelle.
1) Remise en cause de la prédominance du
recteur de la Mosquée de Paris.
Depuis sa construction en 1922 dans le cinquième
arrondissement de la capitale, la mosquée de Paris était,
à travers son recteur, l'unique visage du culte musulman de France. De
cette position historiquement hégémonique, elle hérite
d'un entêtement constant à essayer de fédérer la
communauté musulmane autour d'elle. C'est dans ce sens qu'elle
crée le Conseil Supérieur des Affaires Islamiques de France
(CSAIF) en 1981, la Coordination Nationale des Musulmans de France (CNMF) en
1993, et le Conseil Représentatif des Musulmans de France (CRMF) en
1994. Mais ces « prétentions à représenter
l'ensemble de la communauté, à la hussarde, que toute le monde
n'a pas appréciée142(*) », se sont révélées
vaines, voire contre-productives. A défaut d'imposer une
fédération de la communauté musulmane autour d'elle, la
Mosquée de Paris a dû se résigner au principe du dialogue
ouvert de l'Etat. Par ses recteurs successifs (Cheikh Abbas jusqu'en
1989 ; puis Tedjini Haddam, remplacé depuis 1992 par Dalil
Boubakeur), elle a dû accepter la perte de son hégémonie
dans une consultation par définition ouverte et
hétérogène. C'est pourquoi son dirigeant actuel voit dans
le processus engagé une perte de l'influence historique de sa
fédération : « Le rôle de la Mosquée
de Paris n'est pas même évoqué. Or il faut partir du
principe que la Grande Mosquée de Paris est la première en
France, symboliquement et historiquement143(*) .»
En réalité, aux trois critères retenus
par l'Etat français (islam républicain, français et
représentatif), la Mosquée de Paris répond plus ou moins
bien. La caractéristique faisant sa force est son parti pris pour un
islam très libéral, en parfaite adéquation avec le
modèle français de laïcité. Si Hamza Boubakeur
(1912-1995), recteur jusqu'en 1982 et auteur d'une traduction du Coran qui a
fait école, reste pour la presse « le héraut d'un islam
moderne relevant les défis de la rationalité144(*) ». Son fils Dalil
affiche quant à lui un discours sur mesure pour ne pas froisser les
opinions du Français moyen. Ce proche de Jacques Chirac, qui ne remarque
pas, « malgré les discours tenus, un racisme dans la
population française145(*) » n'hésite pas à conforter
une islamophobie146(*)
ambiante dans la société française en
dénonçant « l'entrisme de certaines organisations
islamistes147(*) ». Tout cela fait de lui, à
l'unisson des journaux généralistes français, un
« bon musulman148(*) », représentant un
« islam tranquille149(*) ».
Le deuxième critère, celui du caractère
français, pose déjà plus de problèmes. La
Mosquée de Paris est gérée depuis sa fondation par une
association algérienne, la société des
habous150(*) et
des lieux saints de l'islam. Après l'indépendance de
l'Algérie, Si Hamza Boubakeur fait transférer le siège de
cette dernière en France. Mais en 1982, l'Algérie finit par
gagner le bras de fer en parachutant un nouveau recteur non francophone, cheikh
Abbas151(*). Ce n'est
qu'en avril 1992 que la France gagne partiellement la partie en imposant un
recteur français, Dalil Boubakeur : « Un médecin
remplace un médecin, mais c'est un Français qui succède
à un Algérien », s'enthousiasme Michel Kubler dans
La Croix152(*).
Mais, ne nous leurrons pas, la Mosquée de Paris reste grandement
soumise aux intérêts de la communauté d'origine
algérienne, qui représente environ la moitié de la
population musulmane en France. Dalil Boubakeur a d'ailleurs le statut de
diplomate et est donc salarié du gouvernement algérien.
Le recteur de la Mosquée de Paris, s'il est bel et bien
avocat d'un islam apaisé, s'est donc plus ou moins mis en
conformité avec l'exigence de la nationalité française. En
revanche, il est un critère qu'il peine à remplir : celui de
la représentativité. La vitrine historique de l'islam
français est de façon récurrente accusée de
représenter « l'islam d'en haut »,
complètement coupé de « l'islam d'en bas ».
Franck Fregosi, sociologue, pointe du doigt « les clivages entre un
islam parisien paré de toutes les vertus républicaines
(libéral, moderne, français...) et un islam de base
affublé de tous les vices (fondamentaliste, sectaire,
radical...)153(*) ». Dalil Boubakeur s'est en effet
distingué par ses maladresses, pour ne pas dire son mépris,
à l'égard de la base musulmane. Pour Abderrahmane Dahmane,
président du Conseil des démocrates musulmans, «cet homme
est responsable de la plus cuisante défaite de l'islam moderne154(*) ». Sa condamnation
de « l'islam des excités des banlieues155(*) » a en
effet été très mal reçue sur le terrain,
confortant l'image de « coquille vide156(*) » de la
Mosquée de Paris, qui n'aurait aucune audience sur le terrain.
Un problème se pose alors : les trois
critères exigés par l'Etat français sont-ils
compatibles ? A regarder les choix de divers acteurs de l'islam de France,
se dégage l'idée qu'il y a antinomie entre le choix de la
modération et celui de la représentativité. Dès
l'affaire Rushdie, s'est dessiné l'impératif de conjuguer la
satisfaction de sa base tout en ne froissant pas l'Etat français :
« l'attentisme prudent de Cheikh Abbas, recteur de la mosquée
de Paris, s'enracine (...) dans le souci de maintenir un équilibre entre
tendances et de perpétuer une position d'interlocuteur »,
explique alors Vincent Hugeux dans La Croix157(*). Certains
observateurs estiment dès 1989 que c'est parce que la réaction du
recteur de la mosquée de Paris au livre de Salman Rushdie a
été trop molle que d'autres groupuscules radicaux, comme la Voix
de l'Islam, ont été légitimés par leurs prises de
position plus intransigeantes, mais également plus proches de celles de
la base musulmane.
Quel bilan alors tirer du rôle de la Mosquée de
Paris, et en particulier de son recteur, compte tenu de la composition de
l'islam de France ? Nul ne peut contester que sa suprématie
historique a été ébranlée. Car même si Dalil
Boubakeur est, depuis 2003, président du CFCM, il a été
non pas élu mais nommé à ce poste. De plus, la
Mosquée de Paris est apparue comme la grande perdante des
élections du CFCM, soulignant un peu plus le contraste entre sa
notoriété auprès des cercles politiques et
médiatiques et son impopularité à la base. Ce sont en
effet les tenants d'un islam beaucoup plus affirmé qui apparaissent
comme les vainqueurs de cette naissance d'un islam de France.
2) Une légitimation des
barbus ?
S'il est de grands vainqueurs déclarés à
la course au leadership cultuel français, ce sont bien les
« barbus de l'UOIF », comme la presse s'est
accoutumée à les nommer. Les caractéristiques des leaders
de cette fédération, une nébuleuse créée en
1983 et qui regroupe quelque deux cents associations de taille variable, sont
strictement opposées à celles de la Mosquée de Paris. La
représentativité, lacune de la Mosquée de Paris, semble
assurée aux partisans de cet islam plus radical.
Cela suffit-il à rendre cette fédération,
s'inspirant des Frères musulmans égyptiens, légitime dans
la représentation cultuelle ? En effet, quelle que soit la
direction que prend la consultation de l'islam de France, l'idée se
propage que « les barbus font leur chemin »158(*). Dès 1990, Abdallah
Ben Mansour, président fondateur de l'UOIF, fait partie du CORIF de
Pierre Joxe. Le dialogue entre l'Etat et cette organisation est donc
antérieur au CFCM. L'idée très répandue selon
laquelle elle aurait été « adoubée »
par Nicolas Sarkozy est donc fausse159(*). Il n'en reste pas moins que le processus
d'organisation de l'islam de France, basé sur des discussions les plus
larges possibles, est accusé de manière répétitive
de favoriser les islamistes. Mais si la consultation des partisans d'un islam
politique - qui est, qu'on le veuille ou non, une lecture de l'islam - est
légitime, il est en revanche étonnant que d'autres tendances de
l'islamisme, comme l'AEIF (Association des Etudiants Islamiques de France) ne
fassent pas contrepoids au sein la consultation, comme l'explique Xavier
Ternisien : « Présentement, le danger n'est pas
d'avoir introduit l'UOIF dans la représentation de l'islam. Il est
plutôt de ne pas lui avoir suscité une concurrence issue de la
même mouvance160(*). »
Pourtant, l'UOIF a multiplié les efforts ces
dernières années pour paraître comme une organisation des
plus fréquentables. Fouad Alaoui, vice-président du CFCM, a par
exemple tenté d'instaurer un dialogue avec la communauté
juive161(*), signe non
négligeable pour qui veut apparaître comme un interlocuteur
musulman respectable : « l'UOIF sait qu'un dialogue public avec
les juifs vaut brevet de respectabilité162(*). »
Autre exemple, en 2005, la 22e rencontre des
musulmans de France du Bourget, cérémonie annuelle
orchestrée par l'UOIF, est la première qui ne sépare pas
hommes et femmes dans l'assistance163(*). Mais l'événement qui sert de
scène idéale pour l'UOIF afin d'afficher son
républicanisme est l'affaire des otages en 2004. Implorant les
ravisseurs de libérer les deux journalistes français
officiellement enlevés en riposte à la loi française dite
« du foulard » du 15 mars 2004, l'UOIF a été
contrainte de « choisir son camp » sous la pression
médiatique et diplomatique, comme l'explique Jean Daniel dans Le
Nouvel Observateur :
« Les Français musulmans ont gagné ici
avec éclat leur brevet de républicanisme, c'est-à-dire,
aussi, de laïcité. Ensuite, les institutions incarnées par
le Conseil français du Culte musulman, qui ont été
très discutées du fait du radicalisme de certains de leurs
représentants, ces institutions légales ont désormais une
légitimité164(*). »
Néanmoins l'enthousiasme médiatique est partiel
et se retourne même parfois contre les représentants de l'UOIF.
« Armistice tactique ou paix des braves ? »,
questionne Claude Askolovitch dans ce même journal165(*). La situation de l'UOIF est
donc paradoxale puisque la fédération n'a jamais
été autant décriée que depuis qu'elle s'efforce de
se « normaliser ». C'est la fameuse crainte du
« double jeu » : les leaders de l'UOIF faisaient moins
peur en affichant leur intransigeance qu'en tentant d'esquisser un discours
plus moderne. Ainsi, ces « pompiers incendiaires166(*) », aux
« ambitions secrètes167(*) », ne sont rien d'autre que
« des maîtres tacticiens168(*)». Simple coquille ou lapsus
révélateur, les lettres UOIF sont d'ailleurs parfois faussement
présentées comme étant les initiales de
l' « Union des Organisations Islamistes de
France169(*) ». La
tentative de normalisation des leaders radicaux est donc perçue avec
méfiance comme étant une stratégie d'entrisme :
« Les dirigeants de l'UOIF ont des objectifs clairs
et une stratégie de conquête (...), l'UOIF a voulu faire de la
France une base arrière : un lieu où des militants islamistes
pouvaient trouver refuge et où l'on essaie de modifier le regard que
porte l'opinion publique sur leurs pays d'origine170(*) ».
A l'instar de l'image de la duplicité de Tariq Ramadan
qui est véhiculée, la presse appelle majoritairement à ne
pas se fier aux apparences trompeuses des membres de l'UOIF :
« Chaleureux, volubile, arborant costume
croisé et barbe taillée, titulaire d'un DEA de sciences
politiques, Lhaj Thami Breze incarne bien la fédération qu'il
préside et qui prétend promouvoir un islam `moderne', prêt
à s'adapter à la société française, tout en
se nourrissant de références théologiques
fondamentalistes, puisées notamment à la source des Frères
musulmans égyptiens, et de l'argent du Golfe171(*). »
La fédération, à travers ses quelques
visages, comme Fouad Alaoui, Lhaj Thami Breze, Farid Abdelkrim, a donc
réussi à se créer une place d'interlocuteur incontournable
des pouvoirs publics. Néanmoins ses tentatives pour combler des lacunes
en matière d'esprit républicain s'avèrent pour l'instant
contre-productives. D'autant que cette orientation peut paraître
dangereuse en interne. Dans une organisation qui a toujours
privilégié un islam assez proche de l'islam d'en bas, cette
standardisation du discours peut laisser sceptique. Comment la situation
va-t-elle évoluer dans le futur ? Déjà se dessinent
les prémisses d'une scission au sein de la fédération
entre les « pragmatiques » (Fouad Alaoui, Lhaj Thami Breze)
et les « orthodoxes » (Farid Abdelkrim), craignant que
l'UOIF devienne, à l'instar de la Mosquée de Paris, une
« coquille sans âme172(*) ».
3) L'émergence nouvelles personnalités
indépendantes
Plusieurs individus ont été choisis pour
représenter un avis indépendant sur l'islam de France dans la
mise en place de celui-ci. Certains n'ont pas profité de ce rôle
d'interface avec les pouvoirs publics pour acquérir une
visibilité intellectuelle nouvelle. Par exemple, Michel Chodkiewicz se
prévaut rarement de son statut de personnalité qualifiée
au sein du CFCM. En revanche, la consultation a permis à certains
individus d'émerger ou de rebondir sur la scène médiatique
en tant que personnalités semi-autonomes. Elles ont ainsi une position
tangente. Elles se veulent à la fois indépendantes, mais sont
tout de même associées au processus de consultation. Parmi
celles-ci, l'exemple le plus patent est celui de Soheib Bencheikh, fils de
Cheikh Abbas, devenu le véritable « chouchou des
médias173(*) ».
Soheib Bencheikh est né le 20 décembre 1961
à Djeddah en Arabie saoudite. Il est diplômé de
l'université Al-Azhar du Caire et docteur en sciences religieuses de
l'Ecole pratique des hautes études. Nommé mufti de Marseille en
1995 par Dalil Boubakeur, il défend un islam très moderne,
plutôt éloigné de celui enseigné dans les
mosquées. Déclarant lui-même s'inscrire dans le courant
réformiste, engagé pour un retour au texte et sa relecture avec
les attentes d'aujourd'hui, il a choisi un mode de légitimation distinct
des intellectuels réformateurs étudiés
précédemment, bien qu'il partage une conception de la religion
très proche de ceux-ci :
« Toute tentative de réformer l'islam - et le
droit musulman en particulier - passe donc par un travail de
désacralisation, par une relecture des textes à la lumière
de l'intelligence moderne, par la recherche d'une orientation, d'une courbe
comme on dirait en mathématiques, pour permettre au musulman de bien
vivre son islam aujourd'hui. Si cette désacralisation ne se fait pas,
c'est la sécularisation ou la laïcisation qui s'ensuivront, dans
les pires conditions. La sécularisation de la société dans
l'Europe chrétienne n'a pas attendu le concile Vatican II. L'islam n'est
pas différent à cet égard : ou il marche avec son
siècle, ou il reste à la marge de la société
moderne.»174(*)
Critiquant dans un premier temps « le principe et
les modalités de la consultation sur l'organisation du culte musulman en
France175(*) », Soheib Bencheikh choisit de rentrer
dedans en trouvant le compromis du « soutien critique176(*) »
à celle-ci. Comme toutes les personnalités
indépendantes de la consultation, il fait figure de contrepoids contre
les fédérations et grandes mosquées jugées trop
radicales. Il n'hésite pas à condamner certains de ses
collègues, en qualifiant l'UOIF « d'antichambre
fondamentaliste de l'islamisme le plus radical177(*) ».
Officiellement indépendant, Soheib Bencheikh est
pourtant très proche de la Mosquée de Paris. Il n'est donc pas
étonnant que son profil soit semblable au portrait de Dalil Boubakeur
évoqué plus haut. Ainsi, il fait figure de grand mufti, partisan
« d'un islam de progrès, d'ouverture et de civilisation178(*) », « reconnu
par l'Etat mais non pas l'ensemble de sa
communauté »179(*) , et qui tente avec insistance de
fédérer la communauté autour de lui. En plus de ces
caractéristiques, Soheib Bencheikh a les prédispositions
parfaites de la star médiatique. Il n'est d'ailleurs pour
Marianne rien d'autre qu'un « tendron à la
théologie rebelle », « bon cheikh, bon
genre180(*) » !
L'irruption médiatique du grand mufti de Marseille est
donc due à sa modernité tant dans le fond que dans la forme.
Contrepoids parfait des traditionalistes, c'est incontestablement lui qui
occupe la majorité du champ médiatique des personnalités
qualifiées du CFCM. Il y a donc peu de place à côté
de Soheib Bencheikh...à moins de se mettre en marge de la
consultation ?
4) La légitimation en marge, voire contre la
consultation
La naissance du CFCM crée une place de
légitimité intellectuelle. Mais la contestation de la
consultation est également un champ abondamment utilisé et
relativement porteur. Il a déjà été montré
combien Soheib Bencheikh profite de sa posture à la fois interne et
détachée du CFCM. Dans un hors-série de la revue
Cités, Franck Fregosi décrit comment le champ des
« anti-CFCM » est convoité181(*). Il y a non seulement ceux
qui ont démissionné du conseil, mais aussi ceux qui se sont
toujours présentés dans le combat contre celui-ci.
Le CFCM, malgré son jeune âge, a connu un grand
nombre de démissions. Presque toutes ses composantes ont
déjà usé du chantage à la démission. Les
départs de deux femmes ont été particulièrement
médiatiques : ceux de Betoule Fekkar-Lambiotte et de Dounia Bouzar.
Si Bétoule Fekkar-Lambiotte jette l'éponge « pour
défendre l'islam républicain », accusant Nicolas
Sarkozy de privilégier « un islam parfaitement
rétrograde182(*) », Dounia Bouzar explique quant à
elle que le CFCM n'est préoccupé que par ses propres
élections, occultant les débats de fond. L'anthropologue qui,
pour Nicolas Sarkozy, « a le profil idéal pour faire aimer
l'islam à tous les Français183(*) », a particulièrement gagné
en légitimité en participant puis en quittant le CFCM. Elle
est en effet désormais acceptée comme une intellectuelle à
part entière malgré une pensée a priori moins
conciliante que celle de Soheib Bencheikh par exemple184(*). La légitimité
de ces deux femmes démissionnaires est désormais double. Elles
ont non seulement essayé de participer activement à la
représentation du culte musulman, mais en en démissionnant, elles
se placent dans une posture de supériorité à
l'égard d'un Conseil qui ne les « mérite »
pas.
Parallèlement, un certain nombre de responsables
musulmans ont fait de la consultation sur l'islam de France leur cheval de
bataille. Il s'agit principalement des représentants des
fédérations de jeunes musulmans, comme l'Union des Jeunes
Musulmans (UJM), le CJM (Collectif des Jeunes Musulmans) et EMF (Etudiants
Musulmans de France). Ils reprochent en général la
non-représentation de l'islam des jeunes beurs, c'est-à-dire des
immigrés de la deuxième ou troisième
génération, au sein du CFCM. Ainsi, Yamin Makri, porte-parole du
CMF (Collectif des musulmans de France), estime qu'il se sent
« trop français pour [s'] y reconnaître185(*) ». Ces quelques
activistes ont en général choisi, au contraire des participants
du CFCM, le créneau de la lutte au sein d'association de
« jeunes musulmans », refusant ainsi de prendre part
à une organisation institutionnalisée, par définition
dépendante186(*).
En revanche, un autre type d'acteur a amplement profité de la mise en
place d'un islam de France en y participant. Il s'agit des représentants
de l' « islam d'en bas ».
5) La nouvelle visibilité de l'islam
local
Comme nous l'avons vu précédemment, la
consultation a pour objectif de représenter l'islam concret. Elle
constitue donc pour des représentants de l'islam local
l'opportunité d'acquérir une légitimité
médiatique. Grâce à l'organisation du culte musulman,
l' « islam des caves », source de toutes les peurs,
est en passe de disparaître. Par exemple, Mamadou Daffé, tout
d'abord étiqueté « islamiste » par les
Renseignements Généraux187(*) et « trop musulman pour être
français188(*) » par la presse, devient peu à peu
une de ces nouvelles stars médiatiques de l'islam local.
La naissance de leur image dans la presse permet ainsi de
diffuser des conceptions de l'islam moins communes, ne pouvant être
accusées de méconnaître les réalités de la
base musulmane, tout en dépassant le clivage binaire entre un islam d'en
haut modéré et un islam d'en bas radical. Tareq Oubrou, imam de
Bordeaux, a ainsi pu faire connaître sa théorie originale du
« fiqh de minorité », qui est une adaptation des
musulmans à leur situation minoritaire en dar al-harb189(*). Même s'il
apparaît comme conservateur sur bien des points, comme la morale
privée ou la place des femmes, la dynamique de légitimation de
l'islam local, créée par la naissance d'un islam de France
représentatif, a contribué à rendre ses thèses,
sinon recevables, du moins audibles. Cela crée une certaine
émulation intellectuelle dans la théorisation de l'islam. Ainsi,
Leila Babès, intellectuelle engagée pour un islam des
Lumières, a accepté de confronter son point de vue avec ce
dernier dans un livre d'entretiens190(*) :
« Je reste sans prise sur une communauté qui
fonctionne comme une organisation de masse. Mais je veux créer des ponts
avec elle, et c'est pourquoi je n'ai pas fait ce livre seule, mais avec un
homme de religion reconnu afin de susciter le débat191(*). ».
Un dialogue, bien qu'inégal, est bel est bien
né, comme le montre cette critique du livre de Marion Festraëts,
parue dans L'Express :
« Tenante de la critique scientifique des textes et
farouche militante de la liberté de penser, Leïla Babès
pousse le religieux, homme d'ouverture issu d'une lignée
traditionaliste, dans ses retranchements, le met face aux contradictions d'une
spiritualité difficile à dissocier du contexte historique de sa
révélation192(*). »
La consultation de l'islam de France par l'Etat
français constitue donc une chance inouïe pour quelques
personnalités réellement représentatives de l'islam
vécu qui peuvent ainsi sortir de l'ombre. Si toutes sortes
d'intellectuels ont donc émergé de la naissance d'un islam de
France, comment utilisent-ils ce rôle d'intellectuel musulman
organique ?
C) L'élargissement du rôle de ces
intellectuels
La mission principale de ces intellectuels certifiés
par l'Etat est tout d'abord celle qui leur est officiellement assignée,
à savoir l'organisation du culte musulman. Par exemple, dès 1990,
le CORIF décide pour la première fois collégialement d'une
date de ramadan commune. Depuis sa mise en place, le CFCM travaille sur
certains dossiers significatifs : tous les grands défis qui se
posent aux musulmans aujourd'hui comme la formation des imams, le
pèlerinage à La Mecque, le mois de Ramadan, la
célébration des fêtes religieuses, la viande
halal, le financement des lieux de culte ou encore l'aumônerie
musulmane en prison sont évoqués. Le CFCM peut ainsi continuer
une mise en place d'un islam de France restée incomplète.
Jouant sur la frontière floue entre culte et culture,
les membres du Conseil se veulent plus qu'un simple consistoire. Ils rejettent
l'idée d'un « CRIF musulman » à leurs
côtés. Par exemple, le CFCM prend régulièrement
position contre « l'islamophobie culturelle ». Ainsi, en
2003, réagissant aux propos de l'éditorialiste du Point
Claude Imbert, le Conseil à peine installé publie un texte
stipulant notamment :
« Le conseil français du culte musulman a
été mis en place par la loi, dans le cadre du jeu
républicain. Il ne pensait pas être si vite confronté
à la revendication de l'islamophobie. Soucieux de remplir pleinement sa
mission, le CFCM va demander à l'instar d'autres associations, à
être habilitée pour agir en justice dans le cadre des
procédures permettant de combattre les incitations à la haine ou
à la discrimination religieuse. Car en démocratie, le dernier mot
ne doit pas revenir aux provocateurs193(*). »
Les intellectuels musulmans organiques ont également
été vite contraints à exprimer leurs points de vue sur des
problèmes de société liés à l'islam, comme
le foulard islamique. Ces avis ne sont d'ailleurs pas à l'unisson. Les
voix divergent entre le président du CFCM, Dalil Boubakeur, estimant que
le port du voile « n'est pas une règle fondamentale de notre
religion194(*) » et Fouad Alaoui, qui affirme que c'est
une « prescription195(*) ». Mais la plupart de ces
représentants officiels du culte musulman, hormis ceux qui gardent une
certaine indépendance malgré leur statut, comme Soheib Bencheikh
par exemple, condamnent le principe d'une loi196(*). Même les plus modérés s'y
opposent, à l'instar de Dalil Boubakeur, clamant qu'elle «pourrait
être ressentie par [sa] communauté religieuse comme une
suspicion197(*)».
Malgré cette opposition majoritaire, il faut tout de même rappeler
que l'avis du CFCM reste purement « consultatif ».
Si le CFCM est donc sollicité pour des problèmes
intérieurs posés par l'islam, c'est surtout sur le plan
international que les intellectuels organiques, grâce à leur
symbolique place de représentant de la communauté musulmane
française, se sont montrés le plus uni et le plus
crédible. Ils sont censés, en cas de problèmes de
terrorisme, dispenser quelque paroles d'apaisement. Un rôle primordial,
estime Fouad Alaoui, qui juge au lendemain du 11 septembre que « les
attentats ont montré combien il était important, d'un point de
vue symbolique, qu'une instance représentative puisse se prononcer sur
des événements importants198(*) ».
Les interlocuteurs consultés n'ont d'ailleurs pas
attendu la mise en place définitive du CFCM pour se prononcer d'une
seule voix. Au début de l'intervention américaine en Irak de
2003, la provisoire Commission d'organisation de la consultation sur l'islam
(Comor) se met par exemple officiellement d'accord pour féliciter la
position pacifiste de la diplomatie française et appelle les
fidèles à « exprimer leur émotion dans le calme
et la dignité199(*) ». Egalement, comme nous l'avons vu
précédemment, la prise d'otages des deux journalistes
français à Bagdad à la fin 2004 correspond à un
autre grand test au niveau international du CFCM. Ce dernier envoie alors sur
place une délégation composée de Fouad Alaoui (UOIF),
d'Abdallah Zekri (Mosquée de Paris) et de Mohamed Bechari (FNMF) afin
d'intercéder auprès des ravisseurs irakiens. Ce rôle
géopolitique, bien qu'implicite, est bel et bien fondamental pour les
membres de l'islam de France.
Forts de leur position de membres officiels de
l'intelligentsia musulmane, ces interlocuteurs de l'Etat ont pu
élargir leur rôle à de nombreux domaines de
compétence. Avec la multiplication des événements
médiatiques ayant un rapport direct ou non avec l'islam depuis 1989, les
représentants de ce qui est entrain de devenir l'islam de France ont
émergé comme des voix intellectuelles nouvelles. Quelques figures
sont apparues comme étant incontournables dans tout dialogue concernant
de près ou de loin la religion musulmane.
Néanmoins, leur position reste fragile. La constitution
de l'islam de France est encore en chantier. Les luttes d'influences à
l'intérieur du Conseil sont considérables et peuvent rapidement
faire basculer la délicate balance de ce paysage islamique
français. Le récent blocage par l'UOIF de la nomination de Moulay
el-Hassan el-Alaoui Talibi au poste d'aumônier général
musulman des prisons200(*), ainsi que la difficulté d'organiser des
élections dans les temps et sans contestations, ne sont que des exemples
parmi d'autres de la confusion et des combats fratricides qui règnent au
sein de l'islam de France. Dounia Bouzar explique d'ailleurs sa
démission comme la conséquence du fait que le CFCM « ne
parle que d'élections [internes], au lieu d'analyser ce que veut dire
être musulman dans une société laïque201(*).» Même si le
Conseil n'en est qu'à ses débuts, tout cela n'est pas très
bon pour l'image de marque de ces tout nouveaux intellectuels organiques.
De plus, contrairement à ce qui était attendu,
le CFCM n'est pas l'interlocuteur unique dans certains sujets rentrant pourtant
naturellement dans son champ d'attribution. Le dossier de la formation des
imams est un exemple frappant : la réunion du comité
d'experts autour de l'Institut International de la Pensée Islamique
(IIIT) et Mohamed Mestiri peut apparaître comme une tentative par le
ministère de l'intérieur, de contourner le CFCM 202(*). C'est donc la preuve que
ce dernier, bien qu'instance officielle de l'islam par définition, n'a
pas encore assis complètement son autorité.
Si les intellectuels musulmans organiques peinent à
répondre à tous les défis contemporains de l'islam, le
salut viendra-t-il de la société civile et d'un nouveau type
d'intellectuel musulman : le leader socio-politique ?
IV.
Le leader socio-politique musulman
La dernière catégorie d'intellectuels musulmans
qui émerge sur la scène médiatique française est
celle du leader musulman à la tête des luttes sociales et
politiques. Là encore, la date de 1989 apparaît comme un tournant
majeur, la première « affaire du voile » ayant
créé une scission au sein des associations antiracistes et
féministes. Depuis cette date, nous assistons à un clivage
nouveau et à un certain recentrage des débats sociaux
traditionnels, concernant notamment l'intégration, autour de la
problématique religieuse. Nous étudierons dans un premier temps
cette évolution constatée avant d'analyser comment celle-ci a
permis là encore la création d'une catégorie
d'intellectuels nouvelle, des intellectuels qui ont le point en commun avec les
trois autres types mis en lumière précédemment de pouvoir
être qualifiés d'intellectuels musulmans, mais qui s'en
distinguent par leur processus de légitimation. Enfin, nous pourrons
dans un troisième point observer qu'il s'effectue en parallèle,
depuis une quinzaine d'années, une « islamisation »
relative de la vie politique française, ces nouveaux hommes politiques
ou hauts-fonctionnaires définis comme islamiques contribuant à la
naissance médiatiquement visible d'une intelligentsia
musulmane.
A) Le tournant islamique des luttes sociales
La constatation du tournant religieux des luttes sociales de
la part des mouvements issus de l'immigration repose sur un certain nombre de
présupposés largement relayés par les médias.
D'après l'image abondamment répandue par la presse
française, les mouvements laïques de Beurs ont échoué
dans leur mission d'intégration dans les années 1980, notamment
en raison de l'oubli de la problématique religieuse. Voilà
pourquoi on assiste à une réislamisation des banlieues depuis
1990. Certes, cette vision n'est pas unanime et est parfois
contestée203(*).
Mais à défaut d'avoir le recul historique nécessaire pour
juger de la réalité sociale d'une telle évolution, nous
pouvons affirmer sans encombres que le tournant islamique des luttes sociales
est bel et bien une réalité médiatique. De la même
façon, il est incontestable que les principaux leaders associatifs des
années 1980 sont amenés la décennie suivante à
repenser leur engagement notamment autour de la problématique de
l'islam.
L'événement détonateur qui lance la
scission du mouvement beur est la première affaire du voile en 1989. Si
les associations antiracistes laïques avaient plus ou moins
évité la problématique religieuse à leurs
débuts, elles sont dès lors obligées de s'y confronter. Au
sein des associations de jeunes immigrés, se crée ne
première ligne de fracture entre « pro-foulards » et
« anti-foulards ». Harlem Désir, président de
SOS-Racisme et figure emblématique de la marche des Beurs, est un des
premiers à condamner l'exclusion des jeunes filles voilées. Avec
l'emballement médiatique, la prise de position de l'association
apparaît comme une remise en cause du modèle français
d'intégration républicaine au profit d'une intégration
communautaire de type anglo-saxon :
« Les responsables de l'association n'avaient pas
prévu que le débat prendrait une telle ampleur et focaliserait
les intérêts d'autant d'hommes politiques, de journalistes et
d'intellectuels ni que la tonalité générale du
débat dans la presse serait nettement contre le port du foulard et la
position de SOS. Alors que les arguments de SOS indiquaient que le but à
atteindre était l'intégration par l'école
des `immigrés de deuxième génération' et
relevaient donc d'un souci réaliste de l'éducation `laïque
et républicaine' de l'ensemble des élèves, l'association
est apparue comme défendant plus ou moins le `droit à la
différence ' des immigrés204(*) ».
L'éternelle controverse entre
« intégrationnistes » et
« assimilationnistes » se recentre dès lors
symboliquement autour d'un signe d'ordre religieux. Se dessinent ainsi les
prémisses d'un débat binaire entre les partisans d'une attitude
tolérante - laxiste diront certains - à l'égard de l'islam
et les tenants d'une laïcité ferme.
Mais l'autre événement qui fait figure de
donnée nouvelle et qui provoque de nouvelles divisions chez les figures
charismatiques des associations de défense des immigrés est la
guerre du Golfe. Là encore, SOS-Racisme va à contre-courant de
l'opinion majoritaire en condamnant l'intervention armée en Irak. Cette
prise de position améliore son image dans les banlieues mais
l'éloigne beaucoup de ses anciens soutiens. Pierre-André Taguieff
par exemple, qui avait longtemps été un grand appui de
SOS-Racisme205(*), prend
ses distances après la guerre et attaque alors « l'antiracisme
différentialiste206(*) ».
Au début des années 1990, la bienveillance quasi
unanime des de l'élite médiatique à l'égard des
mouvements antiracistes est donc rompue. Et la véritable ligne de
fracture, qui se cache bien souvent derrière la problématique du
droit à la différence, se trouve clairement autour de l'attitude
à adopter face à l'islam. Ce tournant religieux de la question de
l'intégration est également évident chez les mouvements
féministes. Contraintes de se prononcer sur le voile, certaines
prêchent la fermeté, d'autres invoquent la liberté de
choix. Emerge alors lentement une lignée de
« néoféministes »207(*), prônant un
féminisme musulman laïque désormais incarné par le
mouvement NPNS (Ni Putes Ni Soumises), qui fait du voile son cheval de bataille
et de l'islam le principal ennemi de l'égalité entre hommes et
femmes. En 2003, le journal Le Monde publie une tribune sous le titre
« `Laïcardes', puisque féministes208(*) ». Tout un
symbole : les deux problématiques sont désormais
liées.
L'exemple de Vénissieux, dans la
périphérie lyonnaise, illustre parfaitement dans les
médias toute cette évolution des banlieues dont les habitants
glissent d'un combat antiraciste laïque à une stratégie
d'intégration prenant en compte la religion. En 1983, c'est de son
quartier des Minguettes que part la célèbre marche des Beurs.
Deux décennies plus tard, cette cité ne fait parler d'elle que
pour relater les dérives de l'imam salafiste Abdelkader
Bouziane209(*). Si le
public occidental voyait avec sympathie la marche des Beurs, la cité des
Gaules est vite désignée comme « centre de
gravité de la nébuleuse islamiste210(*) » au début
des années 1990. Cet exemple local montre bien que, si le
problème de l'intégration était considéré
sous un angle social ou « ethnique » bienveillant dans les
années 1980, la décennie suivante voit se former une lecture des
problèmes sociaux à travers un prisme religieux beaucoup moins
condescendant. Cette évolution est même palpable dans la
façon dont l'Etat et les collectivités locales ont changé
de stratégie face à la question de l'intégration :
« La manière dont les pouvoirs publics ont
traité de l'intégration des immigrés, puis des beurs et
maintenant des musulmans a également contribué à
ériger cette identité en donnée dans le champ
sociopolitique. Pour nommer la population issue notamment du Maghreb, on est
ainsi passé de sa caractéristique sociale, `immigré',
à sa caractéristique ethnique, `beur', et enfin à sa
caractéristique religieuse, `musulman' (...) finalement les
identités ainsi produites par le discours en viennent à
être vécues par les individus désignés comme des
évidences211(*) ».
Par un glissement sémantique, la presse
caractérise désormais les jeunes en quête
d'intégration par le qualificatif ethno-religieux
d' «arabo-musulman », liant ainsi deux types
d'identités pourtant bien distincts. Est-ce un reflet réel de
l'évolution de la société ou une pure invention
« sociologico-médiatique » ? Quoi qu'il en
soit, comme le souligne Michel Wieviorka, « à force de
supputer l'existence d'un communautarisme arabo-musulman, on risque bien de le
créer et de l'encourager212(*) .»
Si le tournant religieux des luttes sociales est
médiatiquement évident, quelle en est l'incidence sur le
positionnement des leaders de ces mouvements ? Les réponses face
aux données nouvelles ayant varié suivant les personnes, les
associations de banlieues ont alors plus ou moins éclaté mais une
figure nouvelle, celle de l'intellectuel musulman pourfendeur des injustices
sociales naît en parallèle.
B) L'émergence de la figure du combattant musulman des
injustices sociales
Principalement autour de la question du voile donc, la
problématique de l'islam s'implante au centre des débats sur
l'intégration. Le paysage des leaders des mouvements luttant pour
l'intégration se voit dès lors considérablement
modifié en fonction de cette donnée nouvelle. D'une part,
apparaissent de nouvelles associations qui se définissent avant tout
comme islamiques, arguant pouvoir réussir là où les
anciens mouvements de revendications citoyennes ont échoué.
D'autre part, ces dernières sont par ricochet obligées de se
repositionner par rapport à la religion coranique. A partir de ces
nouvelles données émergent de nouvelles figures d'intellectuel
musulman : la référence à un islam, fût-il
laïque, devient porteuse.
1) Une nouvelle figure : le leader de la
réislamisation
Depuis le tournant des années 1990 et l'essoufflement
avéré de la popularité des associations antiracistes
traditionnelles, quelques associations religieuses tentent de s'engouffrer dans
la brèche, s'appuyant sur l'idée qu'un certain nombre de jeunes
musulmans présentent une volonté de se différencier de
l'attitude de leurs parents en revendiquant plus fortement leur foi, ceci afin
de renégocier leur insertion dans l'espace public
français. Des leaders de ces substituts à l'action
sociale des années 1980 émergent alors pour former une figure
médiatique inédite : l'intellectuel prédicateur.
Parmi ces activistes, il y en a un qui a véritablement
surpassé tous les autres médiatiquement, il s'agit de Tariq
Ramadan. Il est l'emblème du leader musulman qui a acquis une aura
certaine grâce à son travail de réislamisation des jeunes
immigrés ou fils d'immigrés dont l'insertion sociale a failli.
« Le grand frère des Beurs paumés, le sous-traitant
mystique de l'action sociale213(*) », se positionne clairement pour un
nouveau type d'intégration, considérant que le modèle
républicain à la française est un échec. Tariq
Ramadan réclame sans complexe, à la différence des
associations laïques plus ou moins déchirées sur le sujet,
un droit à la différence et une intégration communautaire
en rupture avec la tradition hexagonale :
« L'engouement dans les années 80
pour une intégration type SOS-Racisme ou pour la société
dite pluriculturelle semble marquer le pas (...) Il se pourrait bien que le
musulman le mieux `intégré' ne soit pas celui qui pratique le
moins sa religion ou encore qui s'habille comme tout le monde et dont on ne
mesure pas les tensions et les déchirements intérieurs. Bien au
contraire, celui à qui on a donné les moyens de se construire une
personnalité `de l'intérieur' sera mieux à même de
s'adapter à son environnement spécifique214(*). »
L'activité associative en faveur des jeunes d'origine
étrangère permet à Tariq Ramadan de tisser un
réseau intellectuel certain. Dès 1992, il crée le
mouvement des Musulmans et Musulmanes de Suisse. Il se rapproche au cours des
années 1990 de la fédération musulmane de l'UOIF (Union
des organisations islamiques de France), mais aussi et surtout d'associations
de jeunes musulmans, comme l'UJM (Union des jeunes musulmans), très
active dans la banlieue lyonnaise. Son travail de prêcheur sur le
terrain, notamment dans cette région, lui permet de tisser des relations
avec des personnalités d'autres confessions bénéficiant
alors d'une visibilité médiatique non négligeable, comme
le père Christian Delorme, le célèbre
« curé des Minguettes ». Tariq Ramadan
bénéficie également d'attaches dans les milieux
laïques qui lui ont notamment permis de faire partie de la commission
« Islam et laicité » au sein de la Ligue de
l'enseignement de 1995 à 2000.
Nous pouvons émettre l'hypothèse que
l'accusation de double discours à l'encontre de Tariq Ramadan s'explique
en partie par le fait qu'il joue en réalité sur deux
tableaux : celui, comme nous l'avons vu en partie II, du
réformateur musulman, mais également sur celui du guide d'une
intégration par la religion. C'est parce qu'il apparaît
publiquement dans ces deux rôles différents que son discours
paraît souvent adapté à son auditoire, comme le prouve ses
liens ambigus avec le mouvement des Frères musulmans :
« Tariq Ramadan préfère faire oublier son
grand-père quand il veut se faire passer notamment face aux
journalistes, comme un intellectuel musulman. Mais quand il se retrouve devant
les jeunes des banlieues, il veut convaincre qu'il est le digne héritier
d'al Banna215(*) .»
Si Tariq Ramadan a bien deux discours, c'est parce qu'il
s'appuie sur deux postures intellectuelles distinctes. Nous pouvons
également supposer qu'un certain scepticisme de l'opinion publique
à l'égard de la figure de l'intellectuel leader de la
réislamisation, vient du fait qu'un tel accompagnement social musulman
fait nécessairement penser à la stratégie des islamistes
au Maghreb.
Mais cette méfiance compréhensible,
démultipliée par un tapage médiatique hors du commun, a
paradoxalement permis à Tariq Ramadan de se créer une place,
certes contestée, mais incontournable dans le champ intellectuel
français. Car les médias finalement ne cessent de lui reprocher
une médiatisation dont ils sont à l'origine, et qu'ils
multiplient tel un cercle vicieux. A la fois omniprésent et
décrié par la presse traditionnelle, Tariq Ramadan trouve
également son salut médiatique sur Internet, ce qui renforce
d'ailleurs son image de champion des « musulmans d'en bas »
défendant la base face aux élites médiatiques et
musulmanes dont il fait pourtant partie. Le cyberjournal
Oumma216(*) est
son principal relais. C'est sur ce site, fondé en 1999, que Tariq
Ramadan publie son très polémique article Critique des
(nouveaux) intellectuels communautaires 217(*) en octobre 2003, après que les grands
journaux français ont refusé de le publier dans leurs pages.
A côté de ce« frère
Tariq » envahissant, Il ne reste donc logiquement que peu de place
dans le champ de l'intellectuel musulman aidant les jeunes à
s'intégrer par un plus grand respect de la tradition islamique. Hassan
Hiquioussen, qui est au Nord ce que Tariq Ramadan représente à la
région lyonnaise et qui aurait pu lui voler la vedette, est
sûrement moins adroit que son homologue suisse et s'est
définitivement mis hors du jeu
« médiatico-intellectuel » par des propos
ouvertement antisémites218(*). De plus, la plupart des prédicateurs
travaillent au niveau local et n'ont pas vocation à devenir des
icônes médiatiques fortes. Il n'en reste pas moins que certains
commencent à comprendre que la figure encombrante de Tariq Ramadan leur
fait peut-être de l'ombre. Voilà sans doute pourquoi
l'emblématique association UJM a décidé de renvoyer Yamin
Makri, accusé d'être trop proche de l'intellectuel
suisse219(*).
Si l'islamisation des débats sur l'intégration a
permis l'irruption médiatique d'acteurs musulmans inédits,
certaines anciennes figures des mouvements sociaux traditionnels se sont
reconverties en intellectuels musulmans de type également nouveau.
2) Des ex-Beurs devenus musulmans
Les anciens leaders des mouvements associatifs issus de
l'immigration maghrébine effectuent, au cours de années 90, des
choix différents face à la nouvelle problématique qui leur
est proposée. Certains contestent le tournant islamique de leur combat
en affirmant leur athéisme et leur refus de s'enfermer dans une
identité musulmane. C'est par exemple le cas de Malek Boutih, l'ancien
président de SOS Racisme, qui est même qualifié d'
« islamophobe220(*) » par le sociologue Vincent
Geisser.
D'autres font le chemin inverse. Il s'agit de la
stratégie choisie entre autres par Mouloud Aounit, secrétaire
général du MRAP (Mouvement contre le racisme et pour
l'amitié entre les peuples) depuis 1989, qui fait une priorité de
la lutte contre l'islamophobie, « derrière laquelle se
dissimule la haine des populations arabo-musulmanes221(*) ». Les
dernières sorties publiques de ce dernier, pour défendre des
filles voilées ou réclamer de la viande halal dans les
cantines scolaires soulignent ce changement de préoccupations. Ce choix
est globalement perçu avec scepticisme par la presse, qui juge que
« le MRAP s'apparente désormais moins à la lutte
antiraciste qu'au combat intégriste222(*) ». Il est vrai que l'appel à la
pénalisation du blasphème par cette association est une
donnée nouvelle puisque l'islamophobie n'est pas stricto sensu
une forme de racisme mais bien la critique d'une religion. Et c'est
derrière cette subtile distinction entre la phobie d'une religion et la
phobie de la population qui s'y identifie (ou que l'on stigmatise par ce moyen)
que se cache un profond clivage qui secoue les associations se battant pour
l'intégration des jeunes immigrés.
Car la majorité des stars antiracistes des
années 1980 ont bien choisi une option différente. Ni
publiquement athées comme Malek Boutih, ni pourfendeurs de
l'islamophobie comme Mouloud Aounit, beaucoup de personnalités mettent
en avant le fait qu'elles sont musulmanes, mais ceci afin de mieux montrer que
leur foi n'est pas incompatible avec une intégration
républicaine. Ces musulmans laïques réalisent donc à
la fois une acceptation de la nouvelle problématique religieuse -
puisqu'ils se présentent désormais comme musulmans - et une
négation de celle-ci - puisqu'ils se présentent comme
républicain avant tout. Afin de réorienter leur combat, ces
ex-Beurs convertis à la citoyenneté musulmane choisissent alors
de fonder des mouvements de musulmans laïques.
L'année 2003 est particulièrement fructueuse
dans le domaine. C'est le 26 mai de cette année-là que Tokia
Saïfi, Rachid Kaci et Amo Ferhati créent le Conseil Français
des Musulmans Laïques (CFML). Quinze jours plus tôt, l'entrepreneur
Yazid Sabeg lance la Convention Laïque pour l'égalité des
droits et la participation des musulmans de France (CLE). Quant à Aziz
Sahiri, qui en a « assez que l'on parle tout le temps des islamistes,
et jamais des musulmans citoyens223(*) », il devient en même temps
président du tout nouveau Mouvement des musulmans laïques de France
(MMLF). Au mois d'octobre 2003, c'est au tour du Conseil des démocrates
musulmans de France (CDMF) de voir le jour sous la houlette d'un conseiller
principal d'éducation, Abderrahmane Dahmane. Ce mouvement, bien qu'il ne
s'autoproclame pas «laïque», s'insère également
dans la mouvance républicaine.
Or ces musulmans laïques sont souvent des anciens du
mouvement beur des années 1980 reconvertis. Nous avions
évoqué précédemment le cas des banlieues
lyonnaises. Là encore, la figure de Djida Tazdaït présidente
à Lyon du mouvement JALB (Jeunes arabes de Lyon et sa banlieue), est
révélatrice. Celle-ci était une véritable
icône du mouvement beur des années 1980, participant notamment
à une médiatique grève de la faim en 1986 pour protester
contre les lois Pasqua. Mais le JALB finit par être totalement
marginalisé dans le département du Rhône par la concurrence
de son homologue islamique, l'Union des Jeunes Musulmans (UJM), qui voit le
jour en 1987. Consciente de l'évolution, Djida Tazdaït s'est donc
laissée convaincre de la nécessité d'agir en tant que
citoyenne musulmane et milite désormais au sein du CFML. Son objectif
premier n'est plus formulé comme la tentative d'intégrer les
jeunes immigrés à la société française, mais
de montrer que « la majorité des musulmans de ce pays ne
pensent qu'à adapter leur mode de vie aux règles
républicaines224(*) ». De la même façon, Rachid
Kaci fut membre de France Plus, tandis que Tokia Saïfi et Amo Ferhati,
anciens « marcheurs », étaient engagés au
sein de l'association citoyenne « Espace
Intégration » dans les années 1980.
Revendiquant un islam laïque, cette
intelligentsia maghrébine, devenue publiquement musulmane plus
par nécessité que par choix, multiplie les pétitions
depuis quelques années, ce qui décuple sa visibilité.
L' « Appel de mai 2003 », rédigé par le
MMLF, est signé par des « intellectuels musulmans
opposés à la légitimation du voile225(*) » . Le 16
février 2004 c'est au tour du « Manifeste des
libertés », du syndicaliste Tewfik Allal, d'être
paraphé par quelque six cents « femmes, hommes, de culture
musulmane, croyants, agnostiques ou athées226(*) ». Ce manifeste,
désormais constitué en association, cherche à devenir
«un vrai lieu de réflexion autour de l'islam, perçu comme un
ensemble géopolitique et culturel autant que religieux227(*)». Il essaie donc aussi
de bâtir des ponts avec les réformateurs libéraux issus du
monde arabo-musulman. Voilà pourquoi des rénovateurs de
l'islam228(*), comme le
psychanalyste Fethi Benslama ou l'anthropologue Malek Chebel, se retrouvent
souvent parties prenantes de ces engagements de musulmans laïques.
Cette « beurgeoisie » laïque s'est en
partie constituée afin de faire contrepoids à
l'intelligentsia musulmane organique née de la consultation sur
l'islam de France organisée par les pouvoirs publics Désirant
créer l'équivalent d'un « CRIF musulman »,
les musulmans laïques pensent ainsi minimiser le poids du CFCM. Mais en
donnant à toute personne « d'origine musulmane » une
étiquette identitaire globalisante, n'y a-t-il pas du coup un risque
d' « ethnicisation » de la religion, comme le note
Vincent Geisser ?
« Quand le ministère de l'intérieur
favorise l'émergence d'une instance représentative du culte comme
le CFCM, il limite la communauté musulmane à sa plus petite
expression : une communauté réduite aux croyants et
pratiquants. Tandis que lorsqu'une association prétend
représenter l'islam laïque, l'unité de base n'est plus le
musulman pratiquant, c'est toute personne d'origine arabo-musulmane229(*) ».
Les critiques sont vives y compris au sein de la
communauté musulmane dite modérée, comme le montre la
réaction d'Amar Dib, sociologue et président national du
« Club Convergences ».
« Ceux et celles qui, soudain, se présentent
comme musulmans, alors qu'hier ils ne voulaient pas entendre parler de cette
étiquette, voudraient-ils nous dire que l'islam est un danger pour la
République et qu'eux seuls pourraient nous protéger du
péril230(*) ? »
Bien que cherchant à lutter contre la
prédominance des religions, les initiatives de ces intellectuels
musulmans laïques contribuent à semer un peu plus la confusion en
donnant un caractère englobant à une identité religieuse.
A tel point que toutes personne « d'origine musulmane » qui
critique le CFCM se voit coller l'étiquette de « musulman
laïque ». De la sorte, même Malek Boutih, qui a pourtant
affiché maintes fois son athéisme, est parfois assimilé
à un « musulman laïque »231(*). Étrangement, par une
confusion conceptuelle, ils contribuent en quelque sorte à créer
un communautarisme qu'ils exècrent. Paradoxe qui fait même dire
à Rachid Kaci, quelques mois après avoir créé le
Mouvement des Musulmans Laïques de France, que l'« on fait tout
pour marginaliser une partie de la population française, les
Français d'origine maghrébine, en obligeant ceux-ci à se
déterminer comme musulmans et non comme citoyens232(*) » !
Il n'en reste pas moins que l'existence de cette nouvelle
caste de musulmans républicains paraît rassurante pour une opinion
plutôt sceptique à l'égard de l'islam et qu'elle est
grandement plébiscitée par beaucoup de journaux français.
Hanane Harrath explique même comment celle-ci est une construction
médiatique destinée à rassurer des craintes
éphémères de la société
française :
« L'appellation [musulmans laïques], selon eux,
n'est plus une fin ni l'aboutissement d'une revendication identitaire sur une
base religieuse, elle n'est que transitoire. Elle n'est opératoire que
parce qu'elle permet d'assumer le regard de l'autre et ensuite de le
dépasser : du statut du regardé qui subit, on
passerait ainsi à celui de regardé qui assume pour
parvenir au regardé qui dépasse 233(*) »
Si l'évolution des débats sur
l'intégration a abouti à la reconversion de beaucoup de Beurs des
années 1980 en musulmans laïques dans les années 1990, une
évolution très semblable se constate dans les mouvements
féministes. Il y a bien depuis 1989 et la première affaire
du voile de nouvelles figures qui apparaissent, arguant combattre au nom d'un
nouveau féminisme, le féminisme musulman.
3) Les
« néoféministes » musulmanes
C'est également autour de la problématique
religieuse que le mouvement féministe se scinde. Une figure de
féministe musulmane apparaît pour mieux montrer que l'islam est
compatible avec tous les engagements républicains, y compris le
féminisme. Quelques personnalités, comme Nadia Amiri, chercheuse
en sociologie à l'EHESS (Ecole des hautes études en sciences
sociales) et ancienne dirigeante de l'association France Plus, désormais
vice-présidente du Comité Laïcité République
de Paris, défendent cette particularité du féminisme
musulman républicain.
Mais les grandes gagnantes médiatiques du
créneau sont incontestablement les responsables du mouvement NPNS (Ni
Putes Ni Soumises). Surfant au début des années 2000 sur quelques
scandales médiatiques concernant les banlieues comme le retour du
problème du foulard et surtout celui des
« tournantes »234(*), l'association organise, à l'instar de la
marche des Beurs de 1983, une « marche des femmes pour
l'égalité et contre les ghettos » de février
à mars 2003. Elle tente de se démarquer du féminisme
traditionnel. Sous le slogan « Mixité, Egalité,
Laïcité », les leaders de NPNS organisent d'ailleurs leur
propre manifestation lors de la Journée de la Femme 2005 afin
d'éviter d'être confondues avec les féministes classiques,
et surtout, « parce qu'il n'y a pas de combat plus urgent pour
l'émancipation des femmes que celui de la lutte contre toutes les formes
d'intégrisme et d'obscurantisme235(*) ».
En vingt ans, Fadela Amara est ainsi passée du statut
de simple militante de SOS-Racisme au symbole par définition de la
féministe musulmane en prenant la tête de NPNS. Celle qui se
définit comme « musulmane pratiquante », mais pour
qui le voile est « un outil d'oppression imposé par les
sociétés patriarcales236(*) », voit une partie de ses efforts
consacrés en obtenant le Prix du Livre Politique 2004237(*). Quant à l'autre
figure de proue de NPNS, qui partage parfois avec tension le leadership du
collectif238(*), il
s'agit de Loubna Méliane, qui est également
vice-présidente de SOS-Racisme.
En face, quelques rares icônes, comme Saida Kada,
responsable de l'association FFEME (Femmes françaises et musulmanes
engagées), apparaissent pour tenter de prouver que l'on peut être
une féministe voilée. Car comme l'explique Dounia Bouzar,
co-auteure avec elle de l'ouvrage L'une voilée, l'autre
non239(*) :
« Les femmes de référence musulmane
sont spécialement assignées à des places
prédéfinies : on leur donne le choix entre le
stéréotype de la musulmane soumise qui sera réduite
à l'infériorité et le stéréotype de la
femme `occidentale' moderne qui, pour acquérir sa liberté, son
autonomie, devrait rompre avec toute référence
religieuse240(*) .»
En effet, s'il est vrai que l'« on n'entend que les
voix des musulmans les plus radicaux, pourtant moins nombreux que les
modérés 241(*)», comme le soulignent deux journalistes de
L'Express d'ailleurs sûrement en partie responsables, ces
extrémistes se retrouvent dans les deux pôles d'un débat
présenté comme binaire. Entre ces deux choix tranchés, se
situent des positionnements tempérés, mais forcément moins
médiatiques, comme celui de la porte-parole du collectif « Une
école pour tous-tes », Hamida Ben Sadia, qui n'est pas
voilée mais dont la vision du féminisme préconise que la
femme soit libre de porter ou non le foulard, y compris dans les lieux publics.
Mais cette dernière ne rentrant ni dans la case de la féministe
voilée, ni dans celle de la féministe anti-voile, son discours
est resté marginal dans la presse.
Pour la seule question du foulard, la problématique est
complexe : être opposé à la loi ne signifie par
exemple pas que l'on adhère au principe de la prescription. Mais la
plupart des médias ont procédé à une simplification
exceptionnelle de la controverse, prolongeant cet aspect manichéen du
débat intra-musulmans dans tous les domaines soumis à
discussions.
4) Des figures multiples pour un débat
binaire
Parmi cette élite qui a émergé du monde
associatif luttant pour l'intégration, un certain nombre de clivages
médiatiques frisant la caricature sont nés et semblent se
rigidifier. Nous trouvons d'un côté un pôle de musulmans
intransigeants - intégristes pour certains - qui combattent
l'islamophobie comme un racisme ordinaire. De l'autre, se côtoient
pléthores de musulmans laïques - laïcistes pour leurs
adversaires - qualifiés même de « musulmans
islamophobes242(*) » par Vincent Geisser, sociologue
clairement affiché en soutien de l'autre tendance. Les deux camps
s'opposent systématiquement sur tous les débats contemporains
ayant un lien direct ou non avec la problématique de l'islam.
La distorsion naît, nous l'avons vu, autour de la
question du foulard islamique. Pour les musulmans laïques ayant
signé l'« Appel de mai », la condamnation du
voile est claire :
« Le débat surréaliste actuel sur le
foulard islamique, véritable étendard de l'islamisme politique,
la mise en cause de la laïcité française, ne doivent pas
faire perdre de vue qu'il s'agit là, pour la France et les
Français, de refuser et de résister à l'implantation sur
notre territoire d'une idéologie dangereuse, perverse et surtout
mortelle pour la République243(*). »
Les leaders musulmans qui ont choisi le combat de la
défense de la religion islamique, à l'instar de Mouloud Aounit,
dénoncent quant à eux une législation qualifiée de
liberticide : « Une loi interdisant les signes religieux, dans
le contexte actuel d'islamophobie, apparaît comme une loi d'exception
à l'égard de la seule religion musulmane 244(*).» Derrière le
problème du voile, c'est bel et bien la question du relativisme culturel
qui est facteur de clivage. Pour Vincent Geisser , « dans
l'idée des islamophobes [les musulmans laïques], cette jeune fille
[voilée] contredit l'universalisme, un désir de `porter de la
lumière' (...). Ils considèrent que les français
de culture ou de religion musulmanes sont encore porteurs d'une part
d'infériorité dont il faut les aider à se
délivrer245(*)».
Ce camp assimile en quelque sorte l'universalisme
républicain à du racisme alimentant la paranoïa
sécuritaire et rejette une assimilation supposée colonialiste.
Si le clivage est apparu avec le voile, il est sans cesse ravivé,
notamment avec le problème du Proche-Orient. Ainsi, les
« musulmans laïques » sont accusés, comme
l'illustrent les propos de Mouloud Aounit,
d'« ethniciser » le racisme, condamnant le fait que l'on
fasse de l'antisémitisme « un virus arabo-musulman246(*) ». Fadela Amara,
figure de prou du féminisme musulman laïque se fait
régulièrement traiter « d'Arabe
enjuivée247(*) ».
Nous pouvons noter également que, tel un cercle
vicieux, le discours de chacun se radicalise avec le temps. L'exemple de Tariq
Ramadan est patent. Celui-là même qui affirme en 2001
« que l'antisémitisme est inacceptable et
indéfendable248(*) » signe un texte en 2003 qui reprend tous
les vieux clichés antisémites249(*). De la même façon, s'il appelle en 2001
à « lutter contre le sentiment de victimisation qui colonise
de nombreux esprits parmi les citoyens français musulmans et notamment
parmi les plus marginalisés250(*) », il choisit quatre ans plus tard
d'investir le champ des frustrations mémorielles en signant
l' appel « Nous sommes les indigènes de la
République ! » 251(*).
Cet appel est d'ailleurs sans surprise condamné par les
musulmans laïques, qui le jugent « communautariste »
et « victimisant » :
« Le travail de mémoire doit se faire, mais
cela ne doit pas participer à la construction identitaire (...). Ceux
qui veulent nous faire assumer la posture de l'indigène
méconnaissent volontairement l'histoire. Ils instrumentalisent le
passé pour mettre à bas la liberté et
l'égalité, les valeurs de ce qu'ils osent appeler le `chauvinisme
universaliste'. Qui ne voit qu'en appelant à ce soulèvement moral
des `colonisés' ils préparent, pour les jeunes filles, le terreau
d'une sorte de `statut personnel', pour reprendre l'expression de Leïla
Sebbar ? Il se joue la légalisation du multiculturalisme. Et les
digues qui nous en protègent se nomment mixité et
laïcité252(*). »
Plus que jamais, les membres issus de la
« beurgeoisie » semblent sommés de choisir un camp,
quitte à accepter les dérives de celui-ci, ceci empêchant
l'instauration d'un débat sain et pluriel. Dès 1989, Djida
Tazdaït, emblème beur, déclarait : « depuis
l'affaire Rushdie, on nous somme de nous positionner comme `bons' ou `mauvais'
musulmans253(*). » Force est de constater que cette
naissance binaire de l'intellectuel musulman engagé dans la vie de la
cité n'a fait que s'accentuer au cours de cette dernière
quinzaine d'années. L'élite maghrébine des années
1980 s'est ainsi scindée en deux de manière caricaturale, entre
un camp national-républicain accusé d'islamophobie et un camp
« différentialiste » présumé
islamiste. Malgré la radicalisation des débats, quel que soit le
créneau qui a été choisi, la référence
islamique est en tout cas devenu presque un chemin obligé pour tout
militant d'origine maghrébine dans les années 1990. Cette
islamisation des leaders associatifs a-t-elle une répercussion dans la
vie politique française ?
C) Musulmans en politique : caution religieuse ou
égalité républicaine ?
En 2003, Nicolas Sarkozy remarque qu' « il y a 5 à
6 millions de musulmans en France, dont 2 millions sont susceptibles de
voter254(*) ».
Là encore, le ministre de l'Intérieur fait un amalgame en faisant
de l'adjectif musulman une identité englobante, puisque tous les
immigrés issus du monde musulman ne sont pas de foi musulmane255(*). Mais ceci est
révélateur d'un véritable changement de perception et de
traitement de la problématique de l'intégration, y compris au
plus haut niveau de la République. Alors que l'on tenait il y a peu
à s'attacher les faveurs d'un vote beur, c'est bien maintenant une
communauté musulmane, voire arabo-musulmane, qui est politiquement
courtisée. Depuis le tournant islamique de la question sociale de
l'intégration, certains hommes politiques sont présumés
musulmans, servant ainsi de caution. En effet, les figures que nous venons
d'étudier ne sont pas simplement des leaders de terrain. Leur charisme
étant politiquement intéressant, un certain nombre ont rejoint
les rangs des partis. A côté de cela, quelques
hauts-fonctionnaires récemment nommés ont été
présentés comme musulmans. Nous interrogerons alors la
légitimité de ce qualificatif.
1) L'instrumentalisation politique des leaders
associatifs
L'instrumentalisation des leaders associatifs ne peut
être qualifiée à proprement parler de
« récupération politique » puisque la plupart
de ces mouvements sont intrinsèquement de pures créations
politiques (SOS Racisme a toujours été proche du Parti
socialiste, tandis que France Plus a été créé par
la droite pour servir de contrepoids). Mais les partis politiques profitent en
tout cas de l'aura acquise par les leaders de ces mouvements. Dès 1989,
alors que le tournant islamique des débats sur l'immigration commence
à peine, de nombreux jeunes Français d'origine maghrébine
s'engagent en politique lors des élections municipales :
« pour la première fois, un nombre important d'entre eux (plus
de six cents, semble-t-il) s'étaient présentés sur des
listes électorales256(*)». Mais désormais, pour des raisons
déjà évoquée, c'est davantage un vote musulman
qu'un vote beur qui est sollicité. Ainsi, le FCCM (Forum des citoyens de
culture musulmane), créé par Hakim El-Ghissassi, est
l'illustration de la volonté de créer une sorte de lobby
musulman257(*). Mais
qu'en est-il des musulmans engagés à l'intérieur
même de partis ?
Le mouvement beur des années 1980 ayant
été essentiellement soutenu par la gauche, la plupart des figures
politiques maghrébines de cette époque se trouvent de ce
côté de l'échiquier politique. Il n'est donc pas
étonnant de retrouver un certain nombre de musulmans laïques au
sein du Parti socialiste la décennie suivante (Fadela Amara, Loubna
Méliane). Mais comme le tournant islamique des luttes sociales se fonde
sur un échec présumé de la politique d'intégration
des années 1980, la tradition « gauche-beur » des
années Mitterrand est en partie rompue chez certains de ces leaders
associatifs reconvertis en musulmans laïques. Ainsi, la présence de
Rachid Kaci, Abderrahmane Dahmane, Tokya Saïfi, ou encore Amo Ferhati, au
sein de l'UMP témoigne d'une certaine « droitisation
idéologique touchant certaines élites françaises d'origine
maghrébine déçues par le `grand projet' multiculturel de
la gauche socialiste258(*) ».
Si une partie de la « beurgeoisie »
reconvertie musulmane s'est donc retrouvée dans les partis traditionnels
de l'échiquier politique, nous pouvons également déceler
qu'il existe bien à ses côtés une alliance
« rouge-vert » de la part de certaines figures
charismatiques musulmanes. C'est le cas de Tariq Ramadan, dont les relations
avec les milieux altermondialistes démarrent assez tôt. Il avait
lancé dès les années 1980 une association d'aide au
tiers-monde, « Coopération coup de main ». Ce qui
n'empêche pas les médias de présenter ses liens avec
l'extrême gauche comme le fruit d'une tactique
« islamo-gauchiste» nouvelle259(*). Ainsi, les journaux semblent s'étonner de la
présence - logique au vu de son parcours - de Tariq Ramadan au Forum
social européen en 2003 : «Entrisme ou alliance
stratégique ?260(*) » , se demande alors Claude Askolovitch
dans Le Nouvel Observateur. Hamida Ben Sadia affirme en tout cas que
« ces associations musulmanes, c'est la JOC - Jeunesse
ouvrière chrétienne - de demain ! La gauche devra compter avec
elles261(*) ».
Enfin, seul Mohamed Latrèche brise le tabou de la
création d'un parti politique confessionnel, en fondant le Parti des
Musulmans de France (PMF) en 1997, afin de « libérer les
musulmans de l'influence du PS », qu'il qualifie de « parti
sionisé262(*) ». Mais son discours est tellement
outrancier qu'il reste très marginal. Même Tariq Ramadan fait
figure de modéré à ses côtés. Et il tient
clairement à se distinguer de cette mouvance avec qui il partage
certains points d'accords, notamment sur le voile :
«On voit aujourd'hui des groupes radicaux et sectaires
essayer de tirer profit du mécontentement des musulmans. Des
associations ou partis musulmans qui n'ont pas hésité à
s'associer à des mouvements d'extrême droite, à soutenir le
tyran Saddam Hussein, à développer des thèses radicales,
revendiquent une mainmise en capitalisant l'émotion blessée des
musulmans. Ils en font une affaire strictement musulmane et se contentent
d'alimenter le sentiment victimaire. Il ne peut s'agir de faire cause commune
avec ce type d'opportunisme263(*).»
De l'extrême gauche à l'extrême droite,
l'échiquier politique dans son ensemble récupère
implicitement au cours des années 1990 la caution de ces récentes
figures de l'intelligentsia musulmane. Cette visibilité
politique nouvelle de la part de figures charismatiques musulmanes contribue
sans aucun doute à la naissance de l'intellectuel musulman. Mais qu'une
partie des hommes politiques s'affichent ou se voient désignés
comme musulmans est-il en accord avec les idéaux républicains que
tous - ces politiques - prétendent défendre ?
2) La question des haut-fonctionnaires
musulmans
Depuis les années 1990, on a pu remarquer qu'un certain
nombre de haut-fonctionnaires désignés étaient originaires
du Maghreb. On y trouve pour illustration le préfet Aïssa
Dermouche, le recteur d'académie Ali Bencheneb, et même la
ministre Tokya Saïfi. Mais avec la nouvelle problématique
religieuse devenue incontournable dans tout traitement de la question de
l'intégration, le débat sur la discrimination positive s'est lui
aussi transformé en une discussion sur le communautarisme religieux.
Pour Ali Bencheneb, les choses sont claires. Interrogé
par Le Monde, il explique : « Moi, je suis
recteur ; oui, musulman, peut-être. Recteur musulman, certainement
pas264(*) ».
Il y aurait donc une séparation entre la fonction politique - publique -
et la conviction religieuse d'ordre privé. Mais lorsque Nicolas Sarkozy
annonce le 20 novembre 2003 sur France 2 la nomination d'un
« préfet musulman », il fait voler en éclat
ce fragile équilibre. Le ministre a alors vite été repris
par une large majorité de la classe médiatique ainsi que par le
chef de l'Etat, qui préfère parler de « préfet
issu de l'immigration265(*) ».
Il y a deux raisons à une telle dérive qui, bien
que vite étouffée, est appelée à ressurgir. D'une
part, certaines personnes ont tendance à faire de l'islam une
identité ethnique. Pour Nicolas Sarkozy en effet, « musulman
n'est pas un critère religieux. Pour moi, le terme désigne toutes
les personnes issues de l'immigration maghrébine, turque ou d'Afrique
noire, même si elles sont athées. Car on est musulman comme on est
juif : dans le regard de l'autre266(*). » D'autre part, il y a une tendance chez les
élus locaux à déléguer les questions d'ordre
public, autrefois remplies par des mouvements beurs laïques, à des
associations musulmanes. En instrumentalisant la religion comme facteur de paix
sociale, on la politise et on rend crédible une islamisation de la vie
politique française.
Néanmoins, de droite comme de gauche, la plupart des
intellectuels, responsables associatifs et élus, hormis quelques
exceptions comme Yazid Sabeg267(*), jugent pour l'instant que la nomination d'un
haut-fonctionnaire en fonction de sa religion est incompatible avec les valeurs
républicaines d'égalité entre tous les citoyens. En
l'état actuel des choses, Aïssa Dermouche est donc un
« préfet » et non pas un « préfet
musulman ». Cependant la question de la discrimination positive n'est
pas définitivement tranchée. Et si une conception semblable
à l'affirmative action à l'américaine triomphe en
même tant que continue la tendance à définir le
qualificatif de musulman comme une identité englobant religion, culture,
et origine ethnique, il ne sera plus totalement saugrenu de parler de
« hauts-fonctionnaires musulmans ».
Il y a donc bien eu ces dernières années la
création d'une nouvelle posture de l'intellectuel musulman politiquement
engagé. Même si cette évolution est condamnée et
refusée par certains, d'autres s'engagent politiquement en affichant
désormais leur islamité publiquement.
Conclusion
Après une étude dévoilée par
Le Monde en 2001, Franck Fregosi, sociologue de l'islam à
l'université Robert-Schuman de Strasbourg et chercheur au CNRS, tire les
conclusions suivantes :
« On pensait jusqu'ici que l'ascension sociale
entraînait presque inévitablement un détachement de la
religion. Or, ce que révèle ce sondage, c'est l'émergence
progressive d'une future élite musulmane en France. A rebours d'un
certain discours simplificateur, selon lequel les musulmans de France ne
pourraient s'intégrer qu'en renonçant à leur foi,
l'enquête montre qu'il est parfaitement possible d'être
intégré à la société française et
respectueux des prescriptions musulmanes268(*). »
Notre travail, qui a tenté de montré une
quadruple naissance médiatique de l'intellectuel musulman depuis une
quinzaine d'années, est peut-être une modeste illustration de
cette analyse. Il faut certes souligner les limites d'une telle classification
qui, non seulement est loin d'être étanche, mais traite de
surcroît d'une période trop proche de nous pour pouvoir affirmer
qu'elle restera pertinente dans la durée. De la même façon,
la catégorisation en champs peut paraître brutale et conforte une
vision probablement un peu machiavélique de l'élite musulmane.
Bien qu'il existe un « marché médiatique de
l'intellectuel musulman », il ne faut évidemment pas penser
que tout est matière à calculs et surtout ne pas oublier que la
plupart des intellectuels évoqués précédemment le
sont, faisons leur ce crédit, par conviction.
C'est bien avec la médiatisation nouvelle dès
1989 de sujets concernant directement ou non l'islam que des journalistes
entreprennent de rechercher un « avis musulman » sur des
thèmes bien précis. Comme l'explique Thomas Deltombe à
propos de l'affaire Rushdie, le monde médiatique n'est pas
préparé à s'adresser à ce nouveau type
d'intervenants : « Pressés de savoir ce qu'en pense la
`communauté islamique' en France, les journalistes ne se
préoccupent pas de savoir si une telle `communauté' existe
réellement ni d'en étudier les éventuels
contours269(*).»
Par conséquent, c'est sur une réalité virtuelle et
mouvante, tenant plus de la construction médiatique, que s'appuie depuis
sa naissance l'intellectuel musulman qui se veut représentatif.
Toujours est-il que dès son origine, l'intellectuel
musulman médiatique français a pour rôle de s'exprimer sur
des sujets « musulmans », des problématiques
impliquant plus ou moins directement l'islam. N'est-ce pas en contradiction
avec la vocation universaliste de l'intellectuel ? S'il veut subsister,
l'intellectuel musulman devra donc sortir de ce que Houari Bouïssa,
historien des idées, nomme la « ghettoïsation de la
pensée270(*) ». Il faudrait que cette figure
intellectuelle éclaire la communauté scientifique dans des
domaines autres que spécifiquement islamiques. Qu'aurait-on par exemple
retenu du philosophe protestant Paul Ricoeur, récemment disparu, s'il
s'était cantonné à ne traiter que des questions
spécifiques au protestantisme ?
Mais il est peut-être temps de revenir à
l'interrogation suscitée par la réflexion de Mohamed Arkoun en
avant-propos. Si l'intellectuel musulman est entrain de naître en tant
que tel dans les médias français depuis grosso modo
l'affaire Rushdie, nous ne pouvons nier que cette naissance est partielle. En
effet, cette catégorie d'intellectuel a pu apparaître parce
qu'elle proposait une manière de pensée nouvelle, distincte,
prête à concurrencer un relatif universalisme supposé
supérieur car instauré par l'Occident. Ainsi, Mohamed Arkoun
n'hésitait pas au début des années 1990 à soulever
violemment la controverse :
« Il faudrait aussi qu'un débat
sérieux s'instaure en Occident sur la légitimité d'une
disqualification brutale de toute une culture, de toute une religion à
partir de postulats à prétention philosophique qui n'ont
pas subi, en Occident même, toutes les épreuves d'une validation
intellectuelle, ou les tests d'une efficacité culturelle quand ils sont
transférés à d'autres contextes historiques, religieux et
psycho-sociaux271(*). »
Or que constate-t-on si l'on essaie de tirer le bilan des
quatre catégories que nous avons différencié ici ?
Tout d'abord, la première, celle de l'intellectuel avant-gardiste
musulman, est par définition une figure partielle puisque les individus
qui la composent n'affichent pas leur foi comme identité
première, encore moins comme brevet de notoriété.
Concernant la catégorie des intellectuels officiels, en sus des
problèmes inhérents au statut d'intellectuel organique, par
opposition à l'intellectuel critique, nous avons vu combien elle avait
du mal à instaurer sa légitimité.
Les deux autres catégories mises en lumière ici,
respectivement les réformateurs et les acteurs du monde social et
politique, posent également un problème. Comme nous l'avons vu,
les personnalités qui défendent un point de vue trop singulier
par rapport au « bien-penser » occidental sont
marginalisées et voient leur statut d'intellectuel souvent
contesté. Pour gagner leurs galons d'intellectuel musulman, ces derniers
sont sans cesse obligé de donner des gages de
républicanisme, de modération à l'égard de leur
culture présentée comme dialectiquement opposée à
celle de l'Occident, au détriment de la singularité, composante
essentielle de leur existence.
L'intellectuel musulman serait-il donc mort-né ?
Sans être prophète, cela paraît peu concevable. Au
contraire, la vigueur et la visibilité nouvelle des débats au
sein de la communauté musulmane dans la période allant de 1989
à aujourd'hui marque très certainement un tournant historique.
Cela ne nous empêche pas de soulever les limites voire les contradictions
de ce statut. Si l'intellectuel musulman doit se distinguer de l'intellectuel
occidental pour exister, il ne doit pas non plus trop s'en différencier,
au risque de se voir contester sa posture d'intellectuel. A l'inverse, à
trop se rapprocher du « politiquement correct », la
pensée intellectuelle musulmane peut vite être diluée dans
le reste du monde intellectuel. La perpétuation dans l'avenir ou non de
la figure de l'intellectuel musulman dépendra en réalité
de la question essentielle suivante : la France est-elle prête
à accepter le relativisme culturel, y compris dans le domaine
intellectuel ?
Index de noms cités
Abdelkrim, Farid, 49, 57
Abderraziq, Ali, 27, 28
Abduh, Muhamad, 27, 28
Abou-Zeid, Nasr, 30, 31, 32, 33, 35
Al-Afghani, Jamal al-Din, 28
Alaoui, Fouad, 49, 55, 57, 64, 65
Al-Banna, Hassan, 27, 28, 29
Allal, Tewfik, 77, 78
Al-Wahhab, Ibn Abd, 27
Amara, Fadela, 32, 81, 83, 84, 86,
Amiri, Nadia, 77, 80
Aounit, Mouloud, 75, 76, 83, 100
Arkoun, Mohamed, 3, 4, 5, 28, 30, 31, 32, 33, 36, 37, 92, 93
Babès, Leila, 62, 77
Bechari, Mohamed, 49, 65
Béjart, Maurice, 11, 12
Ben Sadia, Hamida, 81, 87
Bencheikh, Ghaleb, 43, 44
Bencheikh, Jamel-Eddine, 32
Bencheikh, Soheib, 37, 50, 58, 59, 60, 64, 73, 77
Bencheneb, Ali, 88
Benslama, Fethi, 31, 32, 36, 77, 78
Ben Mansour, Abdallah , 9, 55
Ben Mansour, Latifa, 22, 23, 24
Bentounès, Khaled, 50
Benzine, Rachid, 28, 29, 30, 31, 34, 35, 37, 42
Boubakeur, Dalil, 47, 49, 52, 53, 58, 59, 64
Boubakeur, Si Hamza, 52
Boussouf, Abdallah, 49
Boutih, Malek, 75, 76, 79
Bouzar, Dounia, 50, 60, 65, 81
Bouziane, Abdelkader, 70
Breze, Lhaj Thami, 49, 57
Charfi, Abdelmajid, 31, 33, 36, 44
Charfi, Mohamed, 31
Chebel, Malek, 30, 31, 32, 33, 36, 77, 78
Chevènement, Jean-Pierre, 47, 49
Chodkiewicz, Michel, 11, 12, 13, 15, 50, 58
Daffé, Mamadou, 61
Dahmane, Abderrhamane, 53, 76, 86
Dermouche, Aïssa, 88, 89
Désir, Harlem, 68
Djaout, Tahar, 22
Djavann, Chahdortt, 24
Dib, Amar, 78
El-Ghissassi, Hakim, 44, 86
Esack, Farid, 30, 31
Fekkar-Lambiotte, Bétoule, 60, 77
Ferhati, Amo, 76, 77, 86
Filali-Ansary, Abdou, 30, 31, 44
Foda, Foda, 21
Garaudy, Roger, 11, 12, 13, 15
Geisser, Vincent, 8, 75, 78, 82, 83, 87
Geoffroy, Eric, 11, 12, 16, 50
Guenon, René, 13
Haddam, Tedjini, 51
Hamidullah, Mohamed, 41
Harbi, Mohamed19, 77
Herbert, Jean-Loup, 13, 14, 15
Hiquioussen, Hassan, 74
Hussein, Mahmoud, 42
Joxe, Pierre, 4, 47, 49, 55
Kaci, Rachid, 76, 77, 79, 86
Kada, Saïda, 60, 81
Katbane, Kamel, 50
Khomeiny, Ruhollah, 4, 15, 19
Lasfar, Amar, 50
Latrèche, Mohamed, 87
Leclerc, Youssouf,15, 49
Mahfouz, Naguib, 21, 22
Makri, Yamin, 61, 75
Meddeb, Abdelwahab, 30, 31, 32, 37, 44
Méliane, Loubna, 81, 86
Mernissi, Fatima, 30, 31, 33
Merroun, Khalil, 50
Mestiri, Mohamed, 32, 41, 66
Milcent, Thomas, 15
Monteil, Vincent, 11, 14, 15
Nasreen, Talisma, 24
Oubrou, Tareq, 62
Pasqua, Charles, 47, 52, 77
Rahman, Fazlur, 30, 32, 33
Ramadan, Tariq, 6, 28, 29, 38, 39, 40, 41, 45, 57, 60, 72, 73,
74, 83, 87, 88
Renard, Michel,16, 33, 44, 77
Rida, Rachid, 27, 28
Rushdie, Salman, 4, 5, 15, 18, 19, 20, 21, 24, 26, 27, 54, 84,
91, 92, 93,
Sabeg, Yazid, 76, 89
Sahiri, Aziz, 76, 77
Saïfi, Tokia, 76, 77, 86, 88
Sarkozy, Nicolas, 46, 47, 55, 59, 60, 85, 88, 89
Seddik, Youssef, 30, 31, 36
Sifaoui, Mohamed, 22, 77
Soroush, Abdoul Karim, 30, 31, 32, 33
Talbi, Mohamed, 30, 31, 32, 34, 35, 36, 43
Tazdaït, Djida, 77, 84
Vitray (de), Eva, 11, 12, 13, 16, 17
Zeghidour, Slimane, 22, 23
Zerrouky, Hassan, 22, 77
Table des
matières
Remerciements
2
Introduction
4
I. L'intellectuel d'avant-garde musulman
10
A) L'intellectuel français converti à
l'islam
10
1) Des intellectuels avant d'être des
convertis.
11
2) Un rôle médiatique assez restreint
et en essoufflement
14
B) L'intellectuel avant-gardiste du monde
musulman
18
1) Construction de cette figure médiatique
au tournant des années 1990
18
2) Evolution de cette figure de l'intellectuel
musulman modéré
21
II. L'intellectuel réformateur de
l'islam
26
A) Un nouveau champ intellectuel ?
26
B) Portrait de ces nouveaux intellectuels
réformateurs
30
1) Des parcours divers ?
30
2) Une réforme uniforme ?
34
C) Rôle de ces intellectuels dans les
médias
38
1) Une caste prestigieuse mais fermée
38
2) Les réformateurs : la solution aux
problèmes contemporains ?
42
III. L'intellectuel représentant de l'islam
de France
46
A) Une nouvelle place de légitimation
intellectuelle
47
1) Bref historique de la mise en place de l'islam
de France
47
2) Un marché complexe : la loi de
l'offre et de la demande
48
B) Le nouveau visage de l'intelligentsia musulmane
organique
50
1) Remise en cause de la prédominance du
recteur de la Mosquée de Paris.
51
2) Une légitimation des barbus ?
54
3) L'émergence nouvelles
personnalités indépendantes
58
4) La légitimation en marge, voire contre la
consultation
60
5) La nouvelle visibilité de l'islam
local
61
C) L'élargissement du rôle de ces
intellectuels
63
IV. Le leader socio-politique musulman
67
A) Le tournant islamique des luttes sociales
67
B) L'émergence de la figure du combattant
musulman des injustices sociales
71
1) Une nouvelle figure : le leader de la
réislamisation
72
2) Des ex-Beurs devenus musulmans
75
3) Les
« néoféministes » musulmanes
80
4) Des figures multiples pour un débat
binaire
82
C) Musulmans en politique : caution religieuse
ou égalité républicaine ?
85
1) L'instrumentalisation politique des leaders
associatifs
86
2) La question des haut-fonctionnaires
musulmans
88
Conclusion
91
Index de noms cités
95
Bibliographie
98
Bibliographie
I) SOURCES
A) Ouvrages significatifs d'intellectuels
musulmans
- BENCHEIKH Ghaleb, Alors, c'est quoi l'islam ?,
Presses de la Renaissance, Paris, 2001, 105 p.
- BENZINE Rachid, Les nouveaux penseurs de l'islam,
Albin Michel, 2004, 289 p.
- CHEBEL, Manifeste pour un islam des Lumières,
Hachette, 2004, 215 p.
- FILALI-ANSARY Abdou, Réformer l'islam, La
Découverte, 2003, 284 p.
- MEDDEB Abdelwahab (entretien avec Philippe Petit), Face
à l'islam , Textuel, Paris, 2004, 216 p.
- Pour Rushdie, La Découverte, 1993, 307 p.
- RAMADAN Tariq & GRESH Alain, L'islam en question,
Actes Sud, 2002, 341 p.
- RAMADAN Tariq, Les musulmans d'Occident et l'avenir de
l'islam, Sindbad, 2003, 383 p.
- TALBI Mohamed , Plaidoyer pour un islam moderne,
Editions de l'aube, 2004 (1ère édition : 1998), 195 p.
B) Articles de presse concernant des
intellectuels musulmans au sens large
1) Tribunes d'intellectuels musulmans
- AMARA Fadela, « Moi, fille d'immigrés, pour
l'égalité et la laïcité »,
Libération, 2/3/2005.
- AOUNIT Mouloud, « Les dégâts de
l'islamophobie », Le Figaro, 18/10/2003.
- AOUNIT Mouloud, « Les véritables défis
de la laïcité », Marianne, 27/10/2003.
- AOUNIT Mouloud, « Le racisme, plaie
collective », Libération, 21/5/2004.
- ARKOUN Mohamed, « Islam et Europe : mortelle
amnésie », Le Monde, 14/12/2001.
- BEN MANSOUR Latifa, « Une fatwa contre les massacres
en Algérie », Le Monde, 12/11/1990.
- BENCHEIKH Soheib, « La laïcité, toute la
laïcité », Le Nouvel Observateur, 22/2/1996.
- BENCHEIKH Jamel-Eddine, « L'islam moderne
naîtra en France », Le Nouvel Observateur,
22/2/1996.
- BOUZAR Dounia, « Il est plus facile d'essentialiser
l'islam », Oumma, 16/12/2003.
- EL-GHISSASSI Hakim, « Les beurs ou l'apprentissage
douloureux de la realpolitik », Le Monde, 20/2/2004.
- EL-GHISSASSI Hakim, « Oui à un islam
occidentalisé », Libération, 7/9/2004.
- MAKRI Yamin, « Du sens et de la
cohérence », Oumma, 27/5/2005.
- RAMADAN Tariq, « Islam de France :
essayons ! », Le Monde, 21/8/2000.
- RAMADAN Tariq, « Etre musulman, être
entendu », Le Monde, 6/11/2000.
- RAMADAN Tariq, « Condamner et résister
ensemble », Le Monde, 30/10/2001.
- RAMADAN Tariq, « Existe-t-il un antisémitisme
islamique ? », Le Monde, 23/12/2001.
- RAMADAN Tariq, « Le renouveau viendra
d'Occident », Le Nouvel Observateur, 21/2/2002.
- RAMADAN Tariq, « Critique des (nouveaux)
intellectuels communautaires », Oumma, 3/10/2003.
- RAMADAN Tariq, « Antisémitisme et
communautarisme : des abcès à crever », Le
Monde, 29/10/2003.
- RAMADAN Tariq, « Quel double discours ? Quel
débat ? », Libération, 25/11/2003.
- RAMADAN Tariq, « Le piège du
communautarisme », Libération, 13/1/2004.
- RAMADAN Tariq, « Pour une laïcité
ouverte », Le Monde, 13/10/2004.
- RAMADAN Tariq, « Pour un moratoire sur l'application
de la charia dans le monde musulman », Le Monde,
31/3/2005.
- RENARD Michel, « Islam politique ou islam
religion », Libération, 2/10/2001.
- RUSHDIE Salman, « En toute bonne foi »,
Libération, 8/2/1990.
- RUSHDIE Salman, « Une victoire et une
défaite », Libération, 11/2/1993.
- RUSHDIE Salman, « Le dernier otage »,
Le Nouvel Observateur, 16/10/2003.
2) Portraits d'intellectuels musulmans
- ABOU ZEID Nasr, portrait par Catherine Farhi, « Le
martyr de la modernité », Le Nouvel Observateur,
4/7/2002.
- BEJART Maurice, portrait par Rosita Boisseau,
« Maurice Béjart, 50 ans d'enfance », Le
Monde, 27/11/2004.
- BENCHENEB Ali, portrait par Luc Bronner, « Un recteur
comme les autres », Le Monde, 29/1/2004.
- BENCHEIKH Soheib, portrait par Daniel Licht, « Au nom
d'Allah et de Marianne », Libération, 3/2/1998.
- BEN MANSOUR Latifa, « L'identité
ressentie », Le Monde, 12/11/1990.
- BENTOUNES Khaled, portrait par Henri Tincq, « Khaled
Bentounès, `pauvre en Dieu' du soufisme, Le Monde, 4/8/2001.
- BOUBAKEUR Dalil, portrait par
Ali Laidi,
« Boubakeur ou la déconfiture d'un
modéré », Le Nouvel Observateur, 26/06/2003.
- BOUZAR Dounia, portrait par Claire Chartier,
« Musulmane libre », L'Express, 17/1/2005.
- CHEBEL Malek, portrait par Robert Maggiori,
Libération, 1/6/1995.
- DAFFE Mamadou, portrait par Claude Weill, « Trop
musulman pour être français », Le Nouvel
Observateur, 20/11/1997.
- GARAUDY, portrait par Philippe Videlier, « Zones
d'ombre et coup monté », Le Monde diplomatique, juin
1996.
- LATRECHE Mohamed, portrait par Thomas Calinon & Catherine
Coroller, « Latrèche, l'infréquentable avocat du
voile », Libération, 15/1/2004.
- LATRECHE Mohamed, portrait par Xavier Ternisien,
« Latrèche, le trouble organisateur du défilé
pour le voile », Le Monde,19/1/2004.
- MEDDEB Abdelwahab, portrait par Christian Jambet, « De
quelle maladie l'islam est-il frappé ? »,
Marianne, 1/4/2002.
- MEDDEB Abdelwahab, portrait par Jean-Christophe Ploquin,
« Abdelwahhab Meddeb au chevet d'un islam malade », La
Croix, 10/9/2002.
- MONTEIL Vincent, portrait par Nicole Zand, « Lawrence
et Monteil d'Arabie », Le Monde, 31/7/1987.
- MONTEIL Vincent, portrait par Sadek Sellam, « Vincent
Mansour Monteil (1913-2005), le dernier des grands orientalistes
français », Oumma, 14/3/2005.
- RAMADAN, portrait de Xavier Ternisien, « Tariq
Ramadan l'énigmatique », Le Monde, 29/9/2000.
- RAMADAN, portrait de Martine Gozlan, « Le
mystère Tariq Ramadan », Marianne, 9/9/2002.
- RAMADAN, portrait par Christophe Ayad, « La langue
d'Aladin », Libération, 8/7/2003.
- RAMADAN Tariq, portrait par Claude Askolovitch,
« L'encombrant M. Ramadan », Le Nouvel
Observateur, 9/10/2003.
- RAMADAN, portrait par Xavier Ternisien, « Tariq
Ramadan, sa famille, ses réseaux, son idéologie »,
Le Monde, 22/12/2003
- RAMADAN, portrait par Antoine Menusier, « La
théologie au service d'une stratégie politique »,
Le Figaro Magazine, 31/1/2004
- RAMADAN, portrait par Serge Raffy, « Le vrai visage
de Tariq Ramadan », Le Nouvel Observateur, 29/1/2004
- RAMADAN, portrait par Christophe Ayad et Olivier Bertrand,
« Prédicateur tous terrains »,
Libération, 5/2/2004
- RUSHDIE Salman, portrait par Marie Guichoux, « Un
homme invisible », Libération, 20/6/1991
- RUSHDIE Salman, portrait par Josyane Savigeau,, « Un
écrivain banni de son oeuvre », Le Monde,
20/3/1993
- SEDDIK Youssef, portrait par Catherine Bédarida,
« Youssef Seddik, le Coran à livre ouvert », Le
Monde, 2/10/2002
3) Entretiens d'importance accordés par des
intellectuels musulmans à la presse
- ALAOUI Fouad, entretien avec Xavier Ternisien, Le
Monde, 4/5/2002
- AMARA Fadela, entretien avec Claire Chartier,
L'Express,
11/12/2003
- AMIRI Nadia, entretien avec Mina Kaci,
L'Humanité, 6/2/2004
- ARKOUN Mohamed, entretien avec Catherine David, Le Nouvel
Observateur, 7/2/1986
- ARKOUN Mohamed, entretien avec Henri Tincq, Le Monde,
15/3/1989
- ARKOUN Mohamed, entretien avec Henri Tincq, Le Monde,
5/5/1992
- ARKOUN Mohamed, entretien avec Jean-Christophe Ploquin et
Michel Kubler, La Croix, 1/6/1993
- ARKOUN Mohamed, entretien avec
Jean-Paul
Chagnollaud,
Bassma
Kodmani-Darwish et
Abderrahim
Lamchichi, Confluences Méditerranée, automne 1994
- ARKOUN Mohamed, entretien avec Djénane Kareh-Tager,
Actualités des religions, avril 2003
- BABES Leila, entretien avec Djénane Kareh-Tager,
Actualité des religions, n° 3, mars 1999
- BABES Leila, entretien avec Isabelle De Gaulmyn, La
Croix, 30/5/2002
- BABES, entretien avec Besma Lahouri & Eric Conan ,
L'Express, 18/9/2003.
- BENCHEIKH Soheib, entretien avec Bernard Gorce, La
Croix, 30/1/1998
- BENCHEIKH Soheib, entretien avec Henri Tincq, Le
Monde, 9/12/1999
- BENCHEIKH Soheib, entretien avec Henri Tincq, Le
Monde, 20/11/2001
- BENTOUNES Khaled, entretien avec Henri Tincq, Le
Monde, 4/8/2001
- BENZINE Rachid, entretien avec Martine de Sauto, La
Croix, 13/2/2004
- BOUBAKEUR Dalil, entretien avec Michel Kubler, La
Croix, 15/4/1992
- BOUBAKEUR Dalil, entretien avec Michel Kubler, La
Croix, 18/8/1994
- CHARFI Mohamed, entretien avec Catherine Farhi, Le Nouvel
Observateur, 4/7/2002
- CHODKIEWICZ Michel, entretien avec Claire Brière, Le
Nouvel Observateur , 7/2/1986
- HADDAM Tedjini, entretien avec Henri Tincq, Le Monde,
24/10/1989
- MEDDEB Abdelwahab, entretien avec Nicolas Truong, Le Monde
de l'éducation, janvier 2004
- NASREEN Talislam, entretien avec Jean-Michel Demetz,
L'Express, 17/2/1994
- RAMADAN Tariq, entretien avec Bernard Gorce, La Croix,
18/11/1995
- TALBI Mohamed, entretien avec Serge Lafitte,
Ecritures, 3e trimestre 2004
4) Articles concernant les intellectuels musulmans par
groupe sociologique
. Intellectuels avant-gardistes
- BRIERE Claire, « Le secret des convertis »,
Le Nouvel Observateur, 7/2/1986
- TINCQ Henri, « L'affaire des Versets sataniques. Un
mauvais coup pour l'islam en France », Le Monde, 23/2/1989
- TINCQ Henri, « Les musulmans de France et l'affaire
Rushdie », Le Monde, 20/3/1989
- DE GAUDEMAR Antoine, « Salam Salman »,
Libération, 7/10/1993
- PERONCEL-HUGOZ Jean-Pierre, « Intellectuels en
quête d'identité », Le Monde, 20/5/1994
- TINCQ Henri, « Voyage parmi les
convertis à l'islam », Le Monde, 9/12/1999
- SALAUN Tnagui, « La pasionaria du féminisme
égyptien », L'Express, 26/7/2001
. Intellectuels réformateurs
- KEPEL Gilles, « `Prologues' à une
pensée arabe contemporaine », Le Monde, 16/1/1998
- TERNISIEN Xavier, « L'islam peut-il être
critiqué comme n'importe quelle religion ? », Le
Monde, 23/4/2001
- TERNISIEN Xavier, « Intégrisme,
fondamentalisme et fanatisme : la guerre des mots », Le
Monde, 08/10/2001
- ROSSIGNOL Lorraine, « Coran,
ouvre-toi ! », Le Monde, 1/12/2001
- TERNISIEN Xavier, « Le Coran en question »,
Le Monde, 7/9/2001
- MAGGIORI Robert, « Freud en panne de
Coran », Libération, 17/10/2002
- DE SAUTO Martine, « Les voies d'un islam
moderne », La Croix, 20/2/2003
- KAREH-TAGER Djénane, « L'islam d'après
11 septembre », Actualités des religions, avril
2003
- TERNISIEN Xavier, « Au-delà de l'opposition
entre intégristes et modérés », Le
Monde, 1/7/2003
- Dossier « Les rénovateurs de
l'islam », Le Monde des religions, septembre-octobre 2003
- TERNISIEN Xavier, « Quelle troisième voie
entre islam officiel et islamisme ? », Le Monde,
14/11/2003
- MENUSIER Antoine, « Nouveaux penseurs et vieux
censeurs », Le Figaro Magazine, 31/1/2004
- TINCQ Henri, « Une
« Réforme » de l'islam est possible »,
Le Monde, 30/4/2004
. Intellectuels organiques
- ETIENNE Bruno, « Pour un islam
français », L'Express, 12/5/1989
- BOURDARIAS Jean, « Islam en France : le temps de
la concertation », Le Figaro, 25/3/1990
- MALAURIE Guillaume, « Islam français :
les barbus font leur chemin », L'Evénement du Jeudi,
22/4/1993
- TINCQ Henri, Une communauté fragmentée qui a du
mal à s'organiser, 13/10/1994
- KUBLER Miche, « L'unité improbable des
musulmans de France », La Croix, 27/12/1994
- WEILL Claude, « Ce que veulent les
musulmans », Le Nouvel Observateur, 22/2/1996
- GORCE Bernard, « Islam et République
s'interpellent et se cherchent », La Croix, 8/12/1999
- FREGOSI Franck, « Islam d'en haut contre islam d'en
bas », Le Figaro, 31/10/2002
- TERNISIEN Xavier, « Enquête sur ces musulmans
qui inquiètent l'islam de France », Le Monde,
13/12/2002
- TERNISIEN Xavier, « Sarkozy et l'islam de
France », Le Monde, 16/1/2003
- TRIBALAT Michèle, « Un Conseil français
du culte musulman, pour quoi faire ? », La Croix,
28/3/2003
- ETIENNE Bruno, « Pour une
« gallicanisation » de l'islam », La
Croix, 28/3/2003
- LAHOURI Besma & CONAN Eric, « La
laïcité face à l'islam », L'Express,
18/9/2003
- ASKOLOVITCH Claude, « Islam et République :
les noces d'août », Le Nouvel Observateur, 2/9/2004
- DANIEL Jean, « Le message de l'islam
français », Le Nouvel Observateur, 2/9/2004
- THILAY Boris & JACQUELINE Rémy, «La face
cachée de l'UOIF », L'Express, 2/5/2005
.Leaders sociopolitiques
- FINKIELKRAUT Alain, « A propos de
l'antiracisme », Le Monde, 14/11/1989
- MALAURIE Guillaume Malaurie & STEHLI Jean-Sébastien,
« France, terre d'islam », L'Express, 12/5/1989
- LICHT Daniel « Le Coran et la carte
d'électeur », Libération, 22/12/2001
- CHAMBON Frédéric, « La quête
identitaire de ces jeunes Lyonnais tournés vers l'islam »,
Le Monde, 12/2/2003
- TERNISIEN Xavier & BRONNER Luc, « Le mauvais
débat du communautarisme », Le Monde, 12/4/2003
- MMLF, «L'Appel de mai », Le Figaro,
12/5/2003
- TERNISIEN Xavier, « Les élites musulmanes
à la recherche d'une représentation laïque »,
Le Monde, 21/5/2003
- THIOLAY Boris, « Vingt ans après la Marche des
beurs », L'Express, 20/11/2003
- AESCHIMANN Eric, « Discrimination positive, une
alternative ? », Libération, 4/12/2003
- LE VAILLANT Luc, « Anti-racines »,
Libération, 8/12/2003
- BEZAT Jean-Michel, « Sarkozy, le préfet
musulman et le philosophe », Le Monde, 18/12/2003
- ALLA Tewfik, « Retrouver la force d'une
laïcité vivante », Libération,
16/2/2004
- TOMAS Ludovic, « Les nouveaux défis du
MRAP », L'Humanité, 6/12/2004
- CHARTIER Claire, « Musulmans mais
laïques », L'Express, 13/12/2004.
- KESSOUS Moustapha, « La longue dérive de
Vénissieux », Le Monde, 14/1/2005
- « Nous sommes les indigènes de la
République ! », Oumma, 18/1/2005
- DANIEL Jean, « Les damnés de la
République », Le Nouvel Observateur, 10/3/2005
II) ETUDES
A) ETUDES SUR L'ISLAM
1) Sur l'islam en général
- Arts & Vie, hors série,
« L'islam », 1992, 127 p.
- LEWIS Bernard & SCHNAPPER Dominique (dir.), Musulmans
en Europe, Actes Sud, 1992, 222 p.
- TERNISIEN Xavier, La France des mosquées, Albin
Michel, 2004 (1ère édition : 2002), 303 p.
- ZARKA Yves-Charles (dir.), Cités,
hors-série, PUF, 2004, 733 p.
2) Sur la médiatisation de l'islam
- DELTOMBE Thomas, « L'islam au miroir de la
télévision », Le Monde Diplomatique, mars
2004
- GEISSER Vincent, La nouvelle islamophobie, La
Découverte, 2003, 122 p.
3) Sur divers types d'intellectuels musulmans
- AVON Dominique, « Une réponse l' `islam
réformiste' de Tariq Ramadan, Nunc, Editions de Corlevour,
Clichy, octobre 2003
- CHERQAOUI Rocher, D'une foi à l'autre : les
conversions à l'islam en Occident, Seuil, 1986, 215 p.
- FOUREST Caroline, Frère Tariq. Discours,
stratégie et méthode de Tariq Ramadan, Grasset, 2004, 450
p.
- JUHEM Philippe, SOS-Racisme, histoire d'une mobilisation
« apolitique ». Contribution à une analyse des
transformations des représentations politiques après 1981,
Thèse de science politique, Université Paris X (dir. Bernard
Lacroix), 1998, 725 p.
- RENE Emilie, « L'affaire Rushdie. Protestation
mondiale et communauté d'interprétation », Les
Cahiers du CERI, 1997
- ZEMOURI Aziz, Faut-il faire taire Tariq
Ramadan ?, L'Archipel, Paris, 2005, 383 p.
B) SUR LES INTELLECTUELS EN GENERAL
- LEMIEUX Emmanuel, Pouvoir intellectuel, les nouveaux
réseaux, Denoël, 2003, 756 p.
- ORY Pascal & SIRINELLI Jean-François, Les
intellectuels en France. De l'affaire Dreyfus à nous jours ,
Perrin, 2004 (1ère édition : 1987), 435 p.
* 1 Entretien de Mohamed Arkoun
avec
Jean-Paul
Chagnollaud,
Bassma
Kodmani-Darwish et
Abderrahim
Lamchichi, « Le fait islamique : `Vers un nouvel espace
d'intelligibilité' », Confluences
Méditerranée, automne 1994.
* 2 Salman Rushdie,
Les Versets Sataniques (traduit de l'anglais), Christian
Bourgeois, 1989, 700 p.
* 3 Entretien de Mohamed Arkoun
avec Henri Tincq, , Le Monde, 15/3/1989.
* 4 Pascal Ory &
Jean-François Sirinelli, Les intellectuels en France. De l'affaire
Dreyfus à nous jours, Perrin, 2004 (1ère
édition : 1987), pp. 8-9.
* 5 Cf. Emmanuel
Lemieux, Pouvoir intellectuel, les nouveaux réseaux,
Denoël, 2003, 756 p.
* 6 Bien que la vision
médiatique de l'islam soit globalement unilatérale, certains
journalistes de poids vont régulièrement à contre-courant
de l'opinion majoritaire. Par exemple, malgré son lynchage
médiatique, Tariq Ramadan a trouvé un soutien de taille en la
personne de Xavier Ternisien, journaliste à la rubrique
« Religion » du Monde.
* 7 De salaf =
« ancêtre ».
* 8 Samuel Huntington, Le
Choc des Civilisations (traduit de l'anglais), Odile Jacob, 1997, 402
p.
* 9 A l'inverse, il existe par
exemple deux notions distinctes pour désigner la religion
chrétienne (christianisme) et la civilisation chrétienne
(chrétienté).
* 10 Vincent Geisser, La
Nouvelle Islamophobie, La Découverte, 2003, p. 29.
* 11 Sadek Sellam,
« Vincent Mansour Monteil (1913-2005), le dernier des grands
orientalistes français », Oumma, 14/3/2005.
* 12 Nicole Zand,
« Lawrence et Monteil d'Arabie », Le Monde,
31/7/1987.
* 13 Vincent Monteil,
Lawrence d'Arabie, le lévrier fatal (1888-1935), Hachette,
1987, 332 p.
* 14 Rosita Boisseau,
« Maurice Béjart, 50 ans d'enfance », Le
Monde, 27/11/2004.
* 15 Claire Brière,
« Un converti contre les intégristes », Le
Nouvel Observateur, 7/2/1986.
* 16 Rocher Cherqaoui,
D'une foi à l'autre : les conversions à l'islam en
Occident, Seuil, 1986, p. 20.
* 17 Claire Brière,
« Un converti contre les intégristes », op.
cit.
* 18 Michel Chodkiewicz, Le
sceau des saints, prophétie et sainteté dans la doctrine d'Ibn
Arabi, Gallimard, 1986, 231 p.
* 19 Henri Tincq,
« Les voies d'Allah sont impénétrables »,
Le Monde, 15/1/1990.
* 20 Elle est l'auteure
notamment d'une Anthologie du soufisme, (Albin Michel), 360 p.
* 21 Rocher Cherqaoui,
D'une foi à l'autre : les conversions à l'islam en
Occident, op. cit., p. 189.
* 22 Vincent Roux,
« Versets, réponse à Vincent Mansour
Monteil », Le Monde, 5/4/1989.
* 23 Cf. Jean-Loup
Herbert, « La force mobilisatrice d'une
spiritualité », Le Monde Diplomatique, septembre
1984.
* 24 Vincent Monteil,
« Arguments, versets bibliques », Le Monde,
23/3/1989.
* 25 Henri Tincq,
« Les voies d'Allah sont impénétrables »,
Le Monde, 15/1/1990.
* 26 Claire Brière,
« Un converti contre les intégristes », op.
cit.
* 27 Michel Renard,
« Islam politique ou islam religion »,
Libération, 2/10/2001.
* 28 Ibid.
* 29 Cf. partie II.
* 30 Henri Tincq,
« Voyage parmi les convertis à l'islam », Le
Monde, 8/12/1999.
* 31 Claire
Brière., « Le secret des convertis », Le
Nouvel Observateur, 7/2/1986.
* 32 Eva de Vitray-Meyerovitch
(Entretiens avec Rachel et Jean-Pierre Cartier), Islam, l'autre
visage, Albin Michel, 1995 (1ère édition :
1991), p. 11.
* 33 Xavier Ternisien, La
France des mosquées, Albin Michel, 2002, p194.
* 34 Claire Brière,
« Un converti contre les intégristes », op.
cit.
* 35 Henri Tincq,
« Voyage parmi les convertis à l'islam », op.
cit.
* 36 A titre d'illustration, un
dessin de Plantu, L'Express, 16/8/1993, met en scène la foule
assistant à une prière. Parmi eux, un seul ne prie pas et lit le
journal. « J'en vois un qui pense ! », s'écrie un
religieux en pointant d'un index synonyme de fatwa l'intellectuel
mécréant.
* 37 Chantal de Rudder,
« Le grand désintégrateur », Le Nouvel
Observateur, 23/3/1989.
* 38 Article anonyme, «Les
Versets Sataniques. Les intellectuels se mobilisent en France et à
l'étranger », Le Monde, 24/2/1989.
* 39 Emilie René,
« L'affaire Rushdie. Protestation mondiale et communauté
d'interprétation », Les Cahiers du CERI, 1997.
* 40 Antoine de Gaudemar,
« Salam Salman », Libération, 7/10/1993.
* 41 =
« savants », terme désignant les théologiens
garants de la tradition islamique en islam sunnite.
* 42 Les éditrices,
« Préface », in Pour Rushdie, La
Découverte, 1993, pp. 11-12.
* 43 Salman Rushdie,
« En toute bonne foi », Libération,
8/2/1990.
* 44 Marie Guichoux,
« Un homme invisible », Libération,
20/6/1991.
* 45 Dominique Dhombres,
« L'écrivain Salman Rushdie se rendra prochainement en
Egypte », Le Monde, 21/1/1992.
* 46 Arnold Wesker, cité
par Marie Guichoux, « Un homme invisible »,
Libération, 20/6/1991.
* 47 Naguib Mahfouz, trad
Jean-Patrick Guillaume, Les Fils de la Médina, Actes Sud, 1999,
528 p.
* 48 Jean-Pierre
Péroncel-Hugoz, « Intellectuels en quête
d'identité », Le Monde, 20/5/1994.
* 49 Mohamed Sifaoui, La
France malade de l'islamisme, Cherche-Midi, 2002, 240 p.
* 50 Id., Lettre
aux islamistes de France et de Navarre, Cherche-Midi, 2004, 120 p.
* 51 Id., Mes
frères assassins, Cherche-Midi, 2003, 176 p.
* 52 Id., Sur les
traces de Ben Laden, Cherche-Midi, 2004, 192 p.
* 53 Slimane Zeghidour, Le
Voile et la Bannière, Hachette, 1990, 156 p.
* 54 Hassan Zerrouky, La
nébuleuse islamiste, Numéro 1, 2002, 372 p.
* 55 Latifa Ben Mansour,
Les mensonges des intégristes, Rocher, 2004, 262 p.
* 56 Id.,
Frères musulmans, frères féroces, Ramsay, 2002,
266 p.
* 57 André Laurens,
« L'identité ressentie », Le Monde,
12/11/1990.
* 58 Forum avec Slimane
Zeghidour du 17/9/2004, disponible sur le site nouvelobs.com.
* 59 Entretien Besma Lahouri
& Eric Conan avec Latifa Ben Mansour, « L'islam bien vécu est
serein, paisible, nullement agressif », L'Express, 18/9/2003.
* 60 Latifa Ben Mansour,
Les mensonges des intégristes, op. cit., pp. 11-12.
* 61 Talisma Nasreen,
« Athée et laïque, comme Voltaire », Le
Monde 2, 26/2/2005.
* 62 Chahdortt Djavann,
« La Laïcité, garante de l'unité
nationale », Le Figaro, 6/1/2004.
* 63 Ali
Abderraziq L'Islam et les fondements du pouvoir (traduit de
l'arabe), La Découverte, 1994 (1ère
édition : 1925 ), 177 p.
* 64 Rachid Benzine, Les
nouveaux penseurs de l'islam, Albin Michel, 2004, p. 50.
* 65 =
« renaissance ».
* 66 = «
révolution ».
* 67 Cf. Taris
Ramadan, Aux sources du renouveau musulman. D'al-Afghani à Hassan
al-Banna, un siècle de réformisme islamique, Bayard, 1998,
479 p.
* 68 Aziz Zemouri, Faut-il
faire taire Tariq Ramadan?, L'Archipel, Paris, 2005, pp. 291-297.
* 69 Tariq Ramadan,
« Etre musulman, être entendu », Le Monde,
5/11/2000.
* 70 Cette dénomination
vient du titre de l'ouvrage de Rachid Benzine, Les nouveaux penseurs de
l'islam, op.cit.., un livre qui présente la plupart des
intellectuels musulmans acceptés comme réformateurs par la presse
française.
* 71 Rachid Benzine,
« Réflexion pour un islam du XXIe siècle »,
intervention aux Rencontres de Tanger, du 23 au 27 février 2005,
diffusée sur France Culture le 15/8/2005.
* 72 Rachid Benzine, Les
nouveaux penseurs de l'islam, Albin Michel, 2004, p. 215.
* 73 Parmi ces intellectuels de
l'ombre, nous pouvons entre autres citer le linguiste tunisien Moncef
Benabdeljalil, le philosophe égyptien Hassan Hanafi, le penseur indien
Asghar Ali Engineer, la malaisienne Amina Wadud, l'imam sud-africain Ebrahim
Moosa, ou encore le juriste soudanais Abdullahi An-Na'im,.
* 74 Entretien d'Amara Bamba
avec Mohamed Mestiri, Saphirnet, 19/5/2003.
* 75 Jamel Eddine Bencheikh,
« L'islam moderne naîtra en France », Le Nouvel
Observateur, 22/2/1996.
* 76 Entretien de Henri Tincq
avec Mohamed Arkoun, Le Monde, 5/5/1992.
* 77 Malek Chebel,
Manifeste pour un islam des Lumières, Hachette, 2004, p. 19.
* 78 Nasr Abou-Zeid,
Critique du discours religieux, Actes Sud, 1999, 220 p.
* 79 Fatima Mernissi, Le
Harem politique, Albin Michel, 1987, 293 p.
* 80 Catherine Simon,
« L'Etat et l'islam sous l'aile de la censure », Le
Monde, 18/10/1996.
* 81 =
« spécialiste en jurisprudence ».
* 82 Mohamed Talbi,
Plaidoyer pour un islam moderne, Editions de l'Aube, 2004
(1ère édition : 1998), p105.
* 83 Ibid., p75.
* 84 Rachid Benzine,
« Les axes de la recherche », Le Monde des
Religions, septembre-octobre 2003
* 85 = « effort
d'interprétation ».
* 86 Mohamed Talbi,
Plaidoyer pour un islam moderne, op.cit., p106.
* 87 Rachid Benzine,
« Une modernité islamique », in Le Nouvel
Observateur, hors-série, « Les nouveaux penseurs de
l'islam », avril/mai 2004.
* 88 Rachid Benzine, Les
nouveaux penseurs de l'islam, Albin Michel, 2004, p. 181.
* 89 =
« inimitabilité du Livre
révélé ».
* 90 Entretien de Serge Lafitte
avec Mohamed Talbi, Ecritures, Juillet 2004.
* 91 Mohamed Arkoun ,
« Un islam des Lumières », in Le Nouvel
Observateur, hors-série, « Les nouveaux penseurs de
l'islam », avril/mai 2004.
* 92 Fethi Benslama,
La psychanalyse à l'épreuve de l'islam, Flammarion,
2004, 334 p.
* 93 Malek Chebel, Le Sujet
en Islam, Seuil, 2002, 294 p.
* 94 Id.,
Manifeste pour un islam des Lumières, Hachette, 2004, pp
29-36.
* 95 Youssef Seddik, Nous
n'avons jamais lu le Coran, L'Aube, 2004, 298 p.
* 96 Abdelmajid Charfi,
L'islam entre le message et l'histoire (traduit de l'arabe), Albin
Michel, 2004, 230 p.
* 97 Edgar Weber et Kader
Jelali, L'islam en France ou la paix sainte, L'Harmattan, 1992, p.
180.
* 98 Mohamed Arkoun,
« Un islam des lumières », in Le Nouvel
Observateur, hors-série, op.cit.
* 99 Antoine Menusier,
« Nouveaux penseurs et vieux censeurs », Le Figaro
Magazine, 31/1/2004.
* 100 Guy Sorman,
« Le Coran et la pauvreté en partage », Le
Figaro, 29/9/2001.
* 101 Henri Tincq,
« Une `réforme' dans l'islam est possible », Le
Monde, 30/4/2004.
* 102 Qualificatif
employé par le politologue Gilles Kepel pour désigner Nasr Abou
Zeid, cité par Ursula Gauthier, « Islam contre
modernité ? », Le Nouvel Observateur,
11/9/2003.
* 103 Entretien de
Patricia Briel avec Abdelwahab Meddeb, Le Temps, 20/3/2004.
* 104 Bernard Gorce,
« Entretien avec Soheib Bencheikh », La Croix,
30/1/1998.
* 105 Le Nouvel
Observateur, hors-série, op.cit.
* 106 « Les
rénovateurs de l'islam », Le Monde des religions,
septembre-octobre 2003.
* 107 Antoine Menusier,
« Nouveaux penseurs et vieux censeurs »,
op.cit.
* 108 Aziz Zemouri,
Faut-il faire taire Tariq Ramadan?, L'Archipel, Paris, 2005, p.
245.
* 109 Tariq Ramadan,
« Le renouveau viendra d'Occident », Le Nouvel
Observateur, 21/2/2002.
* 110 Claude-François
Jullien, « L'affaire Ramadan », Le Nouvel
Observateur, 22/2/1996.
* 111 Christophe Ayad,
« La langue d'Aladin », Libération,
8/7/2003.
* 112 Serge Raffy,
« Le vrai visage de Tariq Ramadan », Le Nouvel
Observateur, 29/1/2004.
* 113 Josette Alia &
Claude Weill, « Islam : le temps de l'autocritique »,
Le Nouvel Observateur, 4/10/2001.
* 114 Claude Askolovitch,
« L'encombrant M. Ramadan », Le Nouvel Observateur,
9/10/2003.
* 115 Serge Raffy,
« Le vrai visage de Tariq Ramadan », op. cit.
* 116 Ibid.
* 117 Cf. Aziz
Zemouri, Faut-il faire taire Tariq Ramadan, op.cit., p 143 :
Tariq Ramadan lui-même trouve « légitime » de
se voir opposer une « lecture critique » avec laquelle il
est « en désaccord », faisant
référence à une rare réponse « sur le
fond » qui lui a été opposée : Dominique
Avon, « Une réponse l' `islam réformiste' de
Tariq Ramadan, Nunc, Editions de Corlevour, Clichy, octobre 2003.
* 118 Rémi Barroux et
Xavier Ternisien, « Tariq Ramadan, intellectuel contesté, en
vedette d'un jour », Le Monde, 16/11/2003.
* 119 Alexandre Adler,
« Epître à Tariq Ramadan », Le
Figaro, 16/10/2003.
* 120 Bernard Kouchner sur
RTL, rapporté sur nouvelobs.com, 31/10/2003.
* 121 Esther Benbassa,
« Tariq Ramadan et l'islam « mou » de
Turquie », Le Monde, 20/11/2003.
* 122 Caroline Fourest,
Frère Tariq. Discours, stratégie et méthode de Tariq
Ramadan, Grasset, 2004, pp. 28-29.
* 123Ibid., p. 66
* 124 Bernard Henry
Lévy, « L'autre visage de Tariq Ramadan », Le
Monde, 1/11/2003.
* 125 Martine Gozlan,
« Le mystère Tariq Ramadan », Marianne,
9/9/2002.
* 126 Antoine Menuisier,
« La théologie au service d'une stratégie
politique », Le Figaro Magazine, 31/1/2004
* 127 Xavier Ternisien,
« Tariq Ramadan, sa famille, ses réseaux, son
idéologie », Le Monde, 23/12/2003.
* 128 Id.,
« Tariq Ramadan, l'énigmatique », Le Monde
, 29/9/2000.
* 129 Pascal Galinier,
« De Marx à Mahomet... », Le Monde,
2/3/2005.
* 130 Rachid Benzine,
« Les axes de la recherche », Le Monde des
Religions, septembre-octobre 2003
* 131
Catherine Farhi, « Lire le
Coran avec les yeux du XXIe siècle », Le Nouvel
Observateur, 4/7/2002.
* 132 Josette Alia,
« Islam : le temps de l'autocritique », Le Nouvel
Observateur, 4/10/2001.
* 133 Mohamed Talbi,
Plaidoyer pour un islam moderne, Editions de l'Aube, 2004
(1ère édition : 1998), p73.
* 134 Cf. Ghaleb
Bencheikh, Alors, c'est quoi l'islam ?, Presses de la
Renaissance, Paris, 2001, 105 p.
* 135 Gilles Kepel,
« `Prologues' à une pensée arabe
contemporaine », Le Monde, 16/1/1998 .
* 136 Entretien de Henri Tincq
avec Olivier Roy, in Le Monde des religions, septembre 2003.
* 137 Jean-Louis Schlegel,
« La fable anti-islamique », Autrement,
décembre 1987.
* 138 Xavier Ternisien,
« Sarkozy et l'islam de France », Le Monde,
16/1/2003.
* 139 Michel Kubler,
« Quinze sages pour un islam en France », La
Croix, 20/3/1990.
* 140 Entretien de Henri
Tincq avec Pierre Joxe, Le Monde, 17/3/1990.
* 141 Xavier Ternisien,
« Accord sur la composition du futur Conseil du Culte
Musulman », Le Monde, 21/12/2002.
* 142 Michel Kubler,
« Une charte contestée du culte musulman », La
Croix, 13/12/1994.
* 143 Bernard Gorce,
« Islam et République s'interpellent et se
cherchent », La Croix, 8/12/1999.
* 144Id ,
« La parole d'Allah pour un monde moderne », La
Croix, 8/1/1995.
* 145 Id,
« Dalil Boubakeur en campagne pour l'islam », La
Croix, 5/3/1997.
* 146 Le mot est ici
à entendre au sens purement étymologique. Construit à
partir du grec phobos (= « crainte »), il
désigne plus une peur de l'islam qu'une véritable haine
raisonnée.
* 147 Xavier Ternisien,
« Les musulmans de France, entre affirmation identitaire et
inquiétudes », Le Monde, 13/5/2002.
* 148 Michel Kubler,
« Les `bons' musulmans de Charles Pasqua », La
Croix, 12/1/1995.
* 149 Jean Bourdarias,
« Islam en France : le temps de la concertation »,
Le Figaro, 25/3/1990.
* 150 = « biens
religieux ».
* 151 Henri Tincq,
« Soixante-dix ans de controverses », Le Monde,
8/2/1992.
* 152 Michel Kubler,
« Le Dr Boubakeur au chevet de la mosquée », La
Croix, 14/4/1992.
* 153 Franck Fregosi,
« Islam d'en haut contre islam d'en bas », Le
Figaro, 31/10/2002.
* 154 Ali Laïdi,
« Boubakeur ou la déconfiture d'un
modéré », Nouvel Observateur, 26/6/2003.
* 155 Entretien
accordé au journal 20 minutes, rapporté par Xavier
Ternisien, « Un entretien sur l'islam accordé par Dalil
Boubakeur provoque une levée de boucliers chez les
musulmans », Le Monde, 23/10/2002.
* 156 Farid Aichoune &
Marie-France Etchegoin, « Bataille pour un minaret »,
Le Nouvel Observateur, 21/03/1989.
* 157 Vincent Hugeux,
« Les enjeux d'une sentence », La Croix,
1/3/1989.
* 158 Guillaume Malaurie,
« Les barbus font leur chemin », L'Evénement du
Jeudi, 22/4/1993.
* 159 Cf. Xavier
Ternisien, « Enquête sur ces musulmans qui inquiètent
l'islam de France », Le Monde, 13/2/2002.
* 160 Xavier Ternisien,
« Sarkozy et l'islam de France », Le Monde,
16/1/2003.
* 161 Jean-Pierre Elkabbach
réunit le 13 juin 2004 sur Europe1 Roger Cuckierman et Fouad Alaoui, qui
explique que « l'antisémitisme est condamnable par l'islam et
les musulmans ».
* 162 Claude Askolovitch,
« Juifs et musulmans renouent le dialogue », Le Nouvel
Observateur, 16/9/2004.
* 163 Xavier Ternisien,
« Au Bourget, les musulmans ont donné des signes d'union et de
modération », Le Monde, 29/3/2005.
* 164 Jean Daniel,
« Le message de l'islam français », Le Nouvel
Observateur, 2/9/2004.
* 165Claude Askolovitch,
« Islam et République, les noces d'août »,
Le Nouvel Observateur, 2/9/2004.
* 166 Gilbert Charles,
Claire Chartier, Vincent Hugeux, Besma Lahouri, Alain Louyot, Eric Pelletier,
Jean-Marie Pontaut & Delphine Saubaber, « Les leçons d'
une épreuve », L'Express, 6/9/2004.
* 167 Fiametta Venner,
OPA sur l'islam de France, Les ambitions secrètes de l'UOIF,
Calmann-Lévy, 2004, 241 p.
* 168 Claude Askolovitch,
« Islam et République, les noces d'août »,
op. cit.
* 169 Cf. article
non signé, « L'UOIF vise à renforcer le
communautarisme en France », Le Figaro, 17/6/2003.
* 170 Rémy
Jacqueline & Boris Thiolay, « La face cachée de
l'UOIF », L'Express, 2/5/2005.
* 171 Besma Lahoury &
Boris Thiolay, « L'argent de l'islam en France »,
L'Express, 21/11/2002.
* 172 Xavier Ternisien,
« La Rencontre annuelle des musulmans de France s'ouvre sur fond de
discorde », Le Monde, 26/3/2005.
* 173 Portrait de Soheib
Bencheikh par l'AFP, 4/5/2002.
* 174Entretien de Henri
Tincq avec Soheib Bencheikh, Le Monde, 20/11/2001.
* 175 Josette Alia,
« Le vrai visage de l'islam français », Le
Nouvel Observateur, 21/2/2002.
* 176 Xavier Ternisien,
« Des personnalités musulmanes dénoncent la
manière dont Nicolas Sarkozy organise l'islam de France »,
Le Monde, 12/12/2002.
* 177 Jean-Marie
Guénois, « L'islam français reste
divisé », La Croix, 12/12/2002.
* 178 Elie Marechal,
« Un centre d'études de l'islam en gestation »,
Le Figaro, 21/5/1998.
* 179 Entretien de Delphine
Saubaber avec Soheib Bencheikh, L'Express, 9/4/1998.
* 180 Daniel Licht,
« Au nom d'Allah et de Marianne »,
Libération, 3/2/1998.
* 181 Franck Fregosi,
« Quelle organisation de l'islam dans la République :
institutionnalisation et/ou instrumentalisation ? », in (dir.
Yves-Charles Zarka), Cités, hors-série,
« L'islam en France », PUF, 2004, pp. 101-105.
* 182 Article anonyme,
« Bétoule Fekkar-Lambiotte a annoncé sa
démission de la Consultation sur le culte musulman », Le
Monde, 9/2/2003.
* 183 Xavier Ternisien,
« Dounia Bouzar, musulmane de France », Le Monde,
28/1/2005.
* 184 Elle est en effet une
des rares intellectuelles musulmanes reconnues comme telles qui refusent par
exemple de stigmatiser le port du voile (Cf. Dounia Bouzar &
Saïda Kada, L'une voilée, l'autre pas, Albin Michel, 2003,
200 p.), ou encore de diaboliser Tariq Ramadan (Cf. Dounia Bouzar,
L'islam des banlieues, Syros, Paris, 2001, 181 p.).
* 185 Entretien de Xavier
Ternisien avec Yamin Makri, Le Monde, 22/12/2002.
* 186 Cf. partie
IV. Tout comme ces « jeunes musulmans », nous verrons que
des « musulmans laïques » vont se servir d'un discours
anti-CFCM pour se créer une place médiatique.
* 187 Josette Alia,
« Le vrai visage de l'islam français », Le
Nouvel Observateur, 21/2/2002.
* 188 Claude Weill,
« Trop musulman pour être français », Le
Nouvel Observateur, 20/11/1997.
* 189 = « terre
non-musulmane ».
* 190 Leila Babès,
Loi d'Allah, loi des hommes, Albin Michel, 2002, 360 p.
* 191 Entretien de
Islabelle de Gaulmyn avec Leila Babès, La Croix, 30/5/2002.
* 192 Marion
Festraëts, « Le sociologue et le religieux »,
L'Express, 16/5/2002.
* 193 Communiqué du
CFCM du 5/11/2003.
* 194 Michel Kubler,
« Lever le malentendu islamo-français », La
Croix, 15/4/1992.
* 195 Catherine Coroller,
« Laïcité : le discours à peine voilé
de l'UOIF », Libération, 11/10/2003.
* 196 Bernard Jouanno, Martine
de Sauto et Nicolas Senèze, « Le voile unit chrétiens
et musulmans mais divise la communauté juive », La
Croix, 28/11/2003.
* 197 Josette Alia &
Carole Barjon, « Voile : une loi, mais
laquelle ? », Le Nouvel Observateur, 20/11/2003.
* 198 Xavier Ternisien,
« Pressés par les attentats, les musulmans se préparent
à élire leurs représentants », Le
Monde, 13/10/2001.
* 199 Xavier
Ternisien., « Les représentants musulmans appellent
au `calme' et à la `dignité' », Le Monde,
22/3/2003.
* 200 Cf. Xavier
Ternisien, « L'UOIF boude le Conseil français du culte
musulman », Le Monde, 10/5/2005.
* 201 Claire Chartier,
« Musulmane libre », L'Express, 17/1/2005.
* 202 Seuls deux membres du
CFCM font partie de ce « comité de sages ».
* 203 Cf. notamment
Antoine Sfeir, « Etre Maghrébins en France », in,
Cahiers de l'Orient, 3e trimestre 2003, qui affirme que
l'intégration de la communauté maghrébine, qui compte
près de 800 000 cadres supérieurs, fonctionne mieux que ne le
prétendent la plupart des discours « victimisants ».
Cf. également l'étude de Sylvain Brouard et Vincent
Tiberj, Rapport au politique des Français issus de
l'immigration, juin 2005, disponible sur
http://www.cevipof.msh-paris.fr/publications/enquetes/rapp_fi.pdf
, qui nie l'existence d'un phénomène de réislamisation
chez les populations immigrées.
* 204 Philippe Juhem,
SOS-Racisme, histoire d'une mobilisation
« apolitique ». Contribution à une analyse des
transformations des représentations politiques après 1981,
Thèse de science politique, Université Paris X (dir. Bernard
Lacroix), 1998, p. 51.
* 205 Il avait
participé au « brain-potes », structure de
parrainage de l'association.
* 206 Bertrand Legendre,
« Du racisme postmoderne », Le Monde,
12/3/1993.
* 207 Terme emprunté
à Jean Daniel, « Les damnés de la
République », Le Nouvel Observateur, 10/3/2005.
* 208 Anne Vigerie & Anne
Zelensky, « `Laïcardes', puisque féministes »,
Le Monde, 30/5/2003.
* 209 Voir notamment Mustapha
Kessous, « La longue dérive de Vénissieux »,
Le Monde, 14/1/2005.
* 210 Jacques Giraddon,
Vincent Hugeux & Sylviane Stein, « Les Islamistes »,
L'Express, 29/4/1993.
* 211 Hanane Harrath,
« Musulmans et citoyens comme les autres », in Le
Nouvel Observateur, hors-série, « Les nouveaux penseurs
de l'islam », avril/mai 2004.
* 212 Luc Bronner & Xavier
Ternisien, « Le mauvais débat du communautarisme »,
Le Monde, 12/4/2003.
* 213 Cynthia Fleury &
Emmanuel Lemieux, « L'entrisme de Tariq Ramadan »,
Libération, 19/11/2003.
* 214 Tariq Ramadan,
« Pour une laïcité ouverte », Le
Monde, 13/10/2004.
* 215 Soheib Bencheikh,
« Préface », in Lionel Favrot, Tariq Ramadan
dévoilé, Editions Lyon Mag', 2003, p. 41.
* 216 http://www.oumma.com.
* 217 Tariq Ramadan,
« Critique des (nouveaux) intellectuels communautaires »,
Oumma, 3/10/2003.
* 218 Cf.
Cécilia Gabizon, « Le prêcheur vedette des banlieues
professe un antisémitisme virulent », Le Figaro,
28/10/2004.
* 219 Cf. Xavier
Ternisien, « Les associations de jeunes musulmans prennent leurs
distances avec Tariq Ramadan », Le Monde, 24/5/2005.
* 220 Vincent Geisser, La
Nouvelle Islamophobie, La Découverte, 2003, p. 102.
* 221 « Claude Imbert l'islamophobe »,
communiqué de presse du MRAP, 24 octobre 2003.
* 222 Jacqueline Remy,
« Le Mrap dérape », L'Express,
24/1/2005.
* 223 Claire Chartier,
« Musulmans mais laïques », L'Express,
13/12/2004.
* 224 Dépêche
AFP, « Pro-voile contre pro-loi : la `majorité silencieuse'
des musulmans courtisée », 19/1/2004.
* 225 MMLF, «L'Appel de
mai », Le Figaro, 12/5/2003 : texte signé entre
autres par Nadia Amiri, Leila Babès, Soheib Bencheikh, Malek Chebel,
Bétoule Fekkar-Lambiotte, Rachid Kaci, Michel Renard, Aziz Sahiri,
Mohamed Sifaoui, Djida Tazdait.
* 226 Tewfik Allal,
« Retrouver la force d'une laïcité vivante »,
Libération, 16/2/2004 : texte signé entre autres
par Nadi Amiri, Jamel Eddine Bencheikh, Fethi Benslama, Mohamed Harbi,
Kébir Jbil, Michel Renard, Hassan Zerrouky.
* 227 Tewfik Allal,
cité par Claire Chartier, « Musulmans mais
laïques », L'Express, 13/12/2004.
* 228 Cf. partie
II.
* 229 Entretien de Xavier
Ternisien avec Vincent Geisser, Le Monde, T21/5/2003.
* 230 Xavier Ternisien,
« Les élites musulmanes à la recherche d'une
représentation laïque », Le Monde, 21/5/2003.
* 231 Cf. Gilbert
Charles, Claire Chartier, Vincent Hugeux, Besma Lahouri, Alain Louyot, Eric
Pelletier, Jean-Marie Pontaut, Delphine Saubaber, « Les leçons
d' une épreuve », L'Express, 6/9/2004.
* 232 Eric Conan et Besma
Lahouri , « La laïcité face à l'islam »,
L'Express, 18/9/2003.
* 233 Hanane Harrath,
« Musulmans et citoyens comme les autres » , in Le
Nouvel Observateur hors-série, « Les nouveaux penseurs de
l'islam », avril-mai 2004.
* 234 Cf. Laurent
Mucchielli, Le scandale des « tournantes », La
Découverte, 2005, qui explique comment de nouveaux mouvements
féministes ont profité de la construction purement
médiatique d'une vague de viols collectifs.
* 235 « L'Appel pour
un nouveau combat féministe », disponible sur le site de
NPNS : http://www.niputesnisoumises.com.
* 236 Fadela Amara
citée par Jean-Pierre Thibaudat, « Voile : flottements
autour d'une loi », Libération, 8/12/2003.
* 237 Fadela Amara &
Sylvia Zappi, Ni putes, ni soumises , La Découverte, 2003,
172 p.
* 238 Cf.
Stéphanie Marteau, « Mouvements d'humeur », Le
Point, 2/1/2004.
* 239 Saida Kada &
Dounia Bouzar, L'une voilée, l'autre pas, Albin Michel, 2003,
216 p.
* 240 Dounia Bouzar,
« Il est plus facile d'essentialiser l'islam »,
Oumma, 16/12/2003.
* 241 Besma Lahouri & Eric
Conan, « La laïcité face à l'islam »,
L'Express, 18/9/2003.
* 242 Vincent Geisser, La
Nouvelle Islamophobie, La Découverte, 2003, pp. 95-112.
* 243 MMLF, «L'Appel de
mai », Le Figaro, 12/5/2003 .
* 244 Mouloud Aounit,
« Les véritables défis de la
laïcité », Marianne, 27/10/2003.
* 245 Entretien de Amara Bamba
avec Vincent Geisser, Saphirnet, 5/1/2004.
* 246 Mouloud Aounit,
« Le racisme, plaie collective »,
Libération, 21/5/2004.
* 247 Claude Askolovich,
« Antisémitisme : le prétexte
palestinien », Le Nouvel Observateur, 9/6/2004.
* 248 Tariq Ramadan,
« Existe-t-il un antisémitisme
islamique ? », Le Monde, 24/12/2001.
* 249 Tariq Ramadan,
« Critique des (nouveaux) intellectuels communautaires »,
op. cit.
* 250 Id.,
« Existe-t-il un antisémitisme
islamique ? », op. cit.
* 251 « Nous
sommes les indigènes de la République ! »,
Oumma, 18/1/2005.
* 252 Fadela Amara,
« Moi, fille d'immigrés, pour l'égalité et la
laïcité », Libération, 2/3/2005.
* 253 Entretien de Sylviane
Stein avec Djida Tazdaït, L'Express, 27/10/1989.
* 254 Gilbert Charles &
Besma Lahouri, « Les vrais chiffres de l'islam en France »,
L'Express, 4/12/2003.
* 255 Cf. encore une
fois l'étude de Sylvain Brouard et Vincent Tiberj, Rapport au
politique des Français issus de l'immigration, op. cit.,
qui montre qu'il existe bien, contrairement aux idées reçues, un
processus de « sortie de la religion » chez les musulmans
français, phénomène comparable à celui
observé dans d'autres communautés religieuses de l'Hexagone.
* 256 Robert Solé,
« Les élus beurs soufflent leur première
bougie », Le Monde, 21/3/1990.
* 257 Cf. Daniel
Licht, « Le Coran et la carte d'électeur »,
Libération, 22/12/2001.
* 258 Vincent Geisser, La
Nouvelle Islamophobie, La Découverte, 2003, p101.
* 259 Cf. Claude
Askolovitch, « les gauchistes. d'Allah », Le Nouvel
Observateur, 22/10/2004.
* 260 Claude Askolovitch,
« L'encombrant M. Ramadan », Le Nouvel
Observateur, 9/10/2003.
* 261 Xavier Ternisien,
« L'alliance historique des foulards islamiques avec les drapeaux
rouges », Le Monde, 6/2/2004.
* 262 Ugo Rankl,
« Porte-parole des musulmans », Le Point,
24/5/2002.
* 263 Tariq Ramadan,
« Le piège du communautarisme »,
Libération, 14/1/2004.
* 264 Luc Bronner,
« Un recteur comme les autres », Le Monde,
29/1/2004.
* 265 Josette Alia,
« La fierté du préfet Dermouche », Le
Nouvel Observateur, 22/1/2004.
* 266 Eric Aeschimann,
« Discrimination positive, une alternative ? »,
Libération, 4/12/2003.
* 267 Cf. Entretien
de Etienne Gernelle et Patrick Bonazza avec Yazid Sabeg, Le Point,
14/10/2004.
* 268 Entretien de Xavier
Ternisien avec Franck Fregosi, Le Monde, 5/10/2001.
* 269 Thomas Deltombe,
« L'islam au miroir de la télévision »,
Le Monde Diplomatique, mars 2004.
* 270 Houari Bouissa,
« Pour une définition de l'intellectuel musulman »,
Oumma, 12/2/2005.
* 271 Mohamed Arkoun,
« Retour à l'affaire Rushdie », in Pour
Rushdie, La Découverte, 1993
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