UNIVERSITE D'ETAT D'HAITI
FACULTE DE DROIT ET DES SCIENCES ECONOMIQUES
PORT-AU-PRINCE, HAITI
DES REGLEMENTS INTERIEURS POUR LE PARLEMENT
HAITIEN
DES REGLEMENTS INTERIEURS POUR
LE PARLEMENT HAITIEN
Mémoire présenté et soutenu par
l'étudiant :
Gineaud LOUIS
En vue de l'obtention du grade de licencié en
droit .
Sous la direction du Professeur Henri M.
DORLEANS
Juin 1998
Promotion 1991-1995
TABLES DES MATIERES
Pages
Liste des Abréviations vii
Avant-propos viii
Introduction 1
Première Partie : Apports des règlements
intérieurs dans l'organisation et le
fonctionnement du Parlement 5
Chapitre Premier : Rôles des règlements
intérieurs dans les Assemblées Parlementaires
6
Section 1. Genèse et Evolution des Assemblées
parlementaires 6
A- Aperçus des premières Assemblées
parlementaires 7
a) Les Assemblées d'Athènes 7
b) Le Sénat Romain 8
c) Le Parlement Anglais 7
d)- L'Assemblée Nationale française sous
l'Ancien Régime 9
B- Les Assemblées parlementaires modernes 11
a) Les Assemblées parlementaires dans le
régime parlementaire 11
b) L'Assemblée parlementaire dans le régime
présidentiel américain 15
c) L'Assemblée parlementaire dans les Régimes
Mixtes 16
Section 2. Règles de base pour le fonctionnement
d'un Parlement 19
A- Quelques considérations générales sur
les règlements intérieurs 19
a) Le projet de règlement
19
1. Le comité de préparation 19
2. L'élaboration et la contexture du projet 20
3. Le rapport à l'Assemblée
plénière 20
b) L'entrée en vigueur du règlement 20
1. Le vote du règlement 20
2. L'adoption du règlement 20
3. La publication du règlement 21
c) La valeur juridique du règlement 21
1. La valeur pour le Parlement 21
2. La place du règlement dans la hiérarchie des
normes 21
B- Le contenu du Règlement Intérieur 23
a) Des règles sur l'organisation interne du Parlement
23
1. Les organes du Parlement 23
1.1 Le bureau de l'Assemblée parlementaire 23
1.2 Les commissions parlementaires 25
1.3 Les groupes parlementaires 26
1.4 Le personnel parlementaire 26
2. La discipline parlementaire 27
2.1. Le statut parlementaire 27
2.2. Les séances 28
2.3 Le quorum 28
2.4 Les Sanctions 28
b) Des règles sur la procédure 29
1. De la présentation de la loi 29
2. L'initiative de la loi 29
3. L'examen de la loi 29
4. Le débat et l'adoption de la loi 30
Chapitre II : Le Parlement Haïtien et ses
Règlements 31
Section 1. Les Structures parlementaires en Haïti
31
A- L'organisation du Parlement dans le passé 31
a) le monocaméralisme en Haïti
31
1. De l'organisation du Pouvoir Législatif dans le
monocaméralisme haïtien 32
1.1 Le Sénat de 1806 à 1816 32
1.2 La Chambre des Députés de 1964 à 1986
33
2. Rapports entre le Législatif et l'Exécutif
33
2.1 Les rapports sous la République de Pétion
33
2.2 Les rapports sous le régime des Duvalier 34
b) Le bicaméralisme haïtien 35
1. Le Pouvoir Législatif bicaméral 35
1.1 Composition 35
1.2 Elections et Mandats 36
1.3 Attributions et fonctionnement 36
2. Relations entre le Parlement et les
Gouvernements 37
2.1 Le pouvoir Législatif au profit de
l'Exécutif 37
B- Le Parlement au regard de la Constitution de 1987
38
a) Du Pouvoir Législatif haïtien
38
1.De la Chambre des Députés 38
1.1 Elections et Mandats 38
1.2 Conditions d'éligibilité 39
2. Du Sénat de la République 39
2.1 Elections et Mandats 40
2.2 Conditions d'éligibilité 40
b) De l'exercice du Pouvoir Législatif 40
1. De la Chambre des Députés 41
2. Du Sénat de la République 41
3. De l'Assemblée Nationale 42
Section 2. Les règlements intérieurs du
Parlement depuis 1987 43
A- Les premiers règlements 43
a) Les règlements du Sénat 43
1. Le cadre de référence du
Sénat de la République 44
2. Des pratiques de l'assemblée
sénatoriale 44
b) Les règlements de la Chambre des
Députés 44
1. Le cadre de référence des règlements
intérieurs de la Chambre des
Députés 45
2. Le règlement des députés de la
45ème Législature 45
B-Les règlements de la 46ème Législature
47
a)La loi de juin 1996 portant nouveau
règlement intérieur du Sénat 47
1. Les innovations apportées au Sénat par le
texte de 1996 48
1.1 De l'institution sénatoriale 48
1.2 Des privilèges des Sénateurs 48
1.3 De la conférence des présidents 49
1.4 Des groupes parlementaires 49
1.5 Des commissions 49
2. Les retraits ou abrogations du règlement
intérieur du Sénat 50
2.1 Des employés du Sénat 51
2.2 Des députations 51
2.3 Du mode de votation 51
b) Le projet de règlement intérieur de la
Chambre des Députés 51 1. Les innovations dans l'organisation
et le
fonctionnement de la Chambre des Députés
52
1.1 Les organes de la Chambre des Députés
52
1.2 Des rapports avec l'Exécutif 52
1.3 Le conseil d'encadrement technique 53
1.4 Du bureau du Député 53
Deuxième Partie: Des règlements adaptés
aux
exigences du système politique haïtien 55
Chapitre I : Considérations sur les problèmes
posés par les imperfections
et les lacunes du règlement intérieur de la
46ème Législature 56 Section 1. Problèmes
rencontrés dans le
fonctionnement interne du Parlement haïtien 56
A- Faiblesses dans les structures internes 57
a) Mauvais fonctionnement des organes du Parlement 57
1. Le bureau de l'Assemblée 58
2. Les commissions permanentes 58
3. La conférence des
présidents 59
b)L'inexistence de certaines structures fondamentales 60
1. La commission de conciliation 61
2. La commission de presse et de relations publiques 61
B- Problèmes rencontrés dans la
procédure législative 62
a) Difficultés dans l'application des règles de
procédure 63
b) Problèmes dans le fonctionnement de
l'Assemblée 64
1. Les séances de l'Assemblée 64
2. Le vote 65
3. Le quorum 66
4. La validité du vote de l'Assemblée
66
Section 2. Problèmes rencontrés dans les
relations
entre le Parlement et les autres Pouvoirs
67
A- La gestion des rapports entre le
Législatif et l'Exécutif 68
a) La ratification du Premier Ministre 68
1o) Le cas d'Ericq PIERRE 69
2o) Le cas d'Hervé DENIS 69
b)Le contrôle de l'action gouvernementale 70
1o) Les questions 71
2o) Les interpellations 71
3o) Les enquêtes préliminaires 72
c) La définition des règles de protocole et de
préséance 72
B- La gestion des rapports entre le Législatif et le
Pouvoir Juridictionnel 73
a) Le Pouvoir Législatif et la Cour de Cassation
73
b)Le Pouvoir Législatif et la Cour Supérieure
des Comptes et du Contentieux Administratif 74
Chapitre II: Une nouvelle approche de l'organisation du
Pouvoir Législatif haïtien 77
Section 1. Une organisation par des règlements
78
A- Des règlements tenant mieux compte des
réalités haïtiennes 78
a) Le contenu d'un texte idéal 78
b) Le contenu d'un texte adapté à Haïti
80
B-Des règlements tenant mieux comte du système
politique haïtien 83
a) Les contraintes constitutionnelles du système
politique haïtien 83
b) Des règlements adaptés aux contraintes
constitutionnelles 85
Section 2. Une organisation par la loi parlementaire 88
A- Les avantages d'une loi parlementaire 89
a) La valeur juridique d'une loi parlementaire 89
b) L'étendue de la loi par rapport aux
règlements 89
B- Aperçu sur le contenu d'une loi parlementaire
90
a) Questions relatives aux relations
interparlementaires 91
b) Questions relatives aux relations entre le Parlement
et le Pouvoir Exécutif 93
Conclusion 96
Bibliographie 99
Liste des Abréviations
BPOPL : Bloc Parlementaire Organisation Politique Lavalas
CEP : Conseil Electoral Provisoire
GPI : Groupe Parlementaire Indépendant
FDSE : Faculté de Droit et des Sciences Economiques
FDSEG : Faculté de Droit et des Sciences Economiques
des Gonaïves
L.G.D.J : Librairie Général de Droit et de
Jurisprudence
PNUD : Programme des Nations Unies pour le
Développement
P.U.F : Presses Universitaires de France
U.S.A : Etats-Unis d'Amérique
USAID : Agence Américaine pour le Développement
Internationale
AVANT-PROPOS
Pendant notre cycle d'études en Sciences Juridiques
à la Faculté de droit et des Sciences Economiques, nous avons
envisagé de préparer un sujet sur les Droits de l'Homme et
l'Education Civique en Haïti. Mais en mai 1996, nous étions
appelé au Bureau du Premier Ministre comme Chargé de Mission aux
affaires législatives. C'est à ce titre que nous avions
participé à un Atelier de Réflexion Exécutif
Législatif, sous le patronage du PNUD et de la USAID.
Nous étions stupéfait de la façon dont
les Parlementaires Canadiens, Belges, Français... exposaient avec
aisance leurs systèmes politiques et leurs procédures
parlementaires. Tout était bien agencé pour que les Pouvoirs
entretiennent des rapports harmonieux. Tandis que, les Représentants
haïtiens étaient dans l'embarras pour approcher la situation
actuelle parce qu'ils ne s'entendaient pas sur les questions fondamentales et
élémentaires relatives aux rapports entre le Pouvoir
Législatif et le Pouvoir Exécutif dans le système
politique établi par la constitution de 1987.
Constatant ces difficultés, nous avons
décidé de choisir plutôt de considérer l'importance
des règlements intérieurs dans l'organisation et le
fonctionnement du Parlement haïtien.
Le Parlement a un rôle prépondérant dans
le processus démocratique haïtien. C'est lui qui peut faire
contrepoids au pouvoir exécutif. Aussi croyons-nous qu'il est opportun
de jeter des bases réglementaires et légales pour une meilleure
gestion de l'exercice du pouvoir législatif.
Nous n'avons nullement la prétention de
présenter un travail parfait. Les difficultés dans les travaux de
recherche pour une documentation adéquate ont failli nous
décourager. Ce mémoire est le résultat de nombreux efforts
et sacrifices que nous avons consentis en vue de présenter un ouvrage
utile à toute personne intéressée à l'exercice du
pouvoir législatif haïtien dans le nouveau système politique
de la constitution de 1987.
Sans le concours et l'assistance d'autres gens nous serions
loin d'atteindre notre but. Nous voulons témoigner nos gratitudes envers
notre directeur de mémoire, l'honorable professeur Henri M. DORLEANS,
qui a mis à notre disposition son savoir-faire et son esprit critique.
C'est l'occasion de remercier nos professeurs de la FDSE qui, dans des
conditions difficiles, ont su faire montre de professionnalisme en toute
objectivité pour nous guider sur le sentier du droit et de la loi.
Nous remercions papy Louis Honoré PIERRE et Me Alix
RICHARD qui nous ont beaucoup encouragé et soutenu, sans oublier Me
Philippe CANTAVE qui nous a accompagné dans nos recherches.
Nous remercions également notre tendre mère, Mme
Branche LOUIS, née Marie Viergine NOEL qui s'est sacrifiée pour
que nous soyons ce que nous sommes aujourd'hui. Nous ne pouvons pas oublier nos
frères : Guy Robert, Roosevelt et Jean Patrick.
Enfin, nous dédions ce mémoire à tous les
Parlementaires de la 46ème Législature du Parlement haïtien,
ainsi qu'à toute personne désireuse de devenir membre du Corps
Législatif haïtien.
INTRODUCTION
L'absence d'une culture démocratique en Haïti et
l'originalité du système politique établi par la
constitution de 1987 rendent très difficile le fonctionnement du
Parlement. Qui pis est, le pouvoir législatif ne peut prétendre
avoir réussi à se donner un statut particulier lui permettant de
remplir avec efficacité et cohérence ses tâches
constitutionnelles.
Aujourd'hui le pays est à sa troisième
Législature sous l'égide de la Constitution de 1987. L'un des
problèmes fondamentaux du Parlement haïtien reste la question des
règlements intérieurs. Toute structure organisée a besoin
d'un cadre minimal pour son bon fonctionnement. C'est dans ses dispositifs que
sont inscrits tous les principes, les normes, les procédures à
suivre pour l'harmonisation du travail de l'institution.
L'une des premières tâches de toute institution
comme le Parlement c'est de se doter d'un règlement intérieur. Au
fait, la 44ème Législature a siégé seulement
pendant cinq (5) mois et n'a pas laissé un règlement acceptable
compte tenu des controverses soulevées autour de sa
légitimité politique. La 45ème a, pour sa part,
élaboré un texte, mais la conjoncture politique d'alors avait
contraint les parlementaires à ne pas les appliquer. Pour se
défendre, ils ont soutenu en maintes occasions que le Coup d'Etat de
1991 avait créé une situation spéciale et qu'il fallait
diriger par des décisions spéciales. Les règlements
intérieurs n'ont, en fait, pas été respectés par la
45ème Législature.
La 46ème Législature, quant à elle,
bénéficie d'une manière ou d'une autre d'une
stabilité politique qui lui permet non seulement d'avoir ses
règlements intérieurs mais également de les appliquer.
Cependant, nous nous approchons vers la fin de cette Législature et le
Parlement fonctionne sur la base des règlements de la 45ème
Législature avec toutes ses lacunes et ses faiblesses.
L'inexistence de règlements intérieurs au
Parlement haïtien ou leur non application peuvent handicaper son
organisation administrative et porter préjudice à l'exercice du
pouvoir législatif tel définit par la Constitution de 1987. Ceci
crée un désordre dans l'organisation du travail parlementaire et
empêche l'Etat de remplir avec efficacité les missions qui lui
sont assignées par la Constitution et les lois de la
République.
Les hésitations, les improvisations, l'indiscipline,
l'incohérence constatées dans la pratique parlementaire en
Haïti depuis 1988 constituent la motivation principale de notre
questionnement sur l'importance des règlements intérieurs. Faute
de ceux-ci le Parlement ne pourra pas répondre convenablement à
sa mission première : légiférer.
Le faible bilan du travail parlementaire ainsi que les
imperfections déjà enregistrées dans la production
législative nous invitent à étudier le rôle et
l'importance des règlements intérieurs dans les relations
interparlementaires et les rapports entre le Pouvoir Exécutif et le
Pouvoir Législatif.
Pour la réalisation de notre travail nous avons
considéré comme hypothèses de départ que :
- l'absence ou l'inadéquation des règlements
intérieurs nuit au travail parlementaire et ne facilite pas la
résolution des conflits au sein du Parlement.
- l'inefficacité du travail parlementaire et les
écarts enregistrés dans les procédures législatives
sont causés par l'absence de règlements intérieurs ou leur
non application.
- l'inadéquation avec le système politique
préconisé par la Constitution de 1987 est un handicap majeur pour
l'avenir du processus démocratique.
Ces hypothèses seront étudiées
minutieusement en considérant le fonctionnement, l'organisation des
Parlements étrangers et celui de la République d'Haïti.
Ainsi, notre travail comprend deux parties. La première consiste dans la
présentation d'un cadre général d'institutionnalisation
des Assemblées parlementaires et des éléments fondamentaux
de tout règlement intérieur : (Chapitre Premier).
Une autre considération toute particulière sera
faite sur les différentes Assemblées parlementaires
haïtiennes monocamérales et bicamérales, ainsi que sur les
règlements intérieurs des trois (3) dernières
Législatures : (Chapitre deuxième).
Ces deux chapitres sont divisés en deux sections qui
correspondent directement au choix que nous avions fait dans le titre de notre
première partie, à savoir ; «Apports des
règlements intérieurs dans l'organisation et le fonctionnement du
Parlement».
La deuxième partie de ce mémoire portera sur
l'urgence d'avoir : « Des règlements adaptés aux
exigences du système politique Haïtien». En
réalité, la Constitution de 1987 donne naissance à un
nouveau régime politique où un grand nombre de pouvoirs de
l'Exécutif est transféré au Législatif. Cependant,
depuis 1988 nos trois (3) Législatures n'ont pas su donner des moyens
pour l'exercice du pouvoir Législatif, faute entre autre de
règles et de procédures appropriées.
L'analyse critique des règlements de la 46ème
Législature révèle des lacunes et des faiblesses notoires
compromettant le bon fonctionnement du Parlement. Les questions relatives aux
organes de l'Assemblée, aux procédures législatives, aux
rapports avec les autres pouvoirs... seront traitées dans les deux
sections du premier chapitre de la deuxième partie.
Le deuxième chapitre de cette partie abordera la
question du fonctionnement de la 46ème Législature dans une
perspective de refonte des règlements intérieurs en vue de les
adapter au système politique préconisé par la Constitution
de 1987 en mettant en rapport les réalités haïtiennes avec
les contraintes constitutionnelles. Elle considèrera également la
loi parlementaire comme cadre institutionnel du pouvoir législatif
pouvant aborder toute question qui échappe au domaine des
règlements intérieurs.
Nous avons utilisé plusieurs méthodes pour la
réalisation de notre travail. Dans la première partie nous avons
combiné la méthode historique avec la méthode
systémique. Tandis que dans la deuxième partie nous avons
procédé par une approche analytique et comparative. Tout
démontre que le Parlement haïtien n'est pas au mieux de son
organisation et de son fonctionnement. Trop d'écarts ont
été relevés entre le Parlement haïtien et les autres
Parlements qui évoluent dans le système de démocratie
représentative.
PREMIERE PARTIE :
APPORTS DES REGLEMENTS INTERIEURS DANS
L'ORGANISATION ET LE FONCTIONNEMENT DU PARLEMENT
Chapitre premier : Rôle des Règlements
intérieurs dans les Assemblées Parlementaires
La théorie de la séparation des pouvoirs confie
l'exercice de la fonction législative à un organe distinct de
l'Exécutif. Le Parlement est investi de la souveraineté
nationale. Il exerce une double fonction : celle d'Assemblée
législative et celle d'Autorité de contrôle du pouvoir
exécutif.
Dans ce chapitre nous nous intéressons à faire
une considération évolutive des Assemblées du peuple au
Parlement et nous montrerons l'importance des règles dans l'organisation
et le fonctionnement des Assemblées parlementaires.
Section 1. Genèse et Evolution des
Assemblées parlementaires
L'assemblée parlementaire est codépositaire de
la souveraineté nationale. Comment a-t-elle été
établie parmi les Nations ? Quels sont ses pouvoirs ? Quelle est
donc sa place dans le système démocratique contemporain ?
Voilà des questions pertinentes et d'autres encore que cette section
tentera d'aborder.
A- Aperçu des premières
Assemblées parlementaires
a) Les Assemblées d'Athènes
De toutes les anciennes Républiques, Athènes
peut-être considérée comme la plus démocratique par
son mode d'organisation sociopolitique. A Athènes, il n'existait pas de
véritables institutions législatives. Le pouvoir
législatif était délégué au peuple par le
biais des Assemblées : le peuple, réunissant toutes les
composantes sociales, délibérait sur presque toute chose.
Cependant le manque d'organisation de ce pouvoir a conduit le peuple à
prendre des décisions compromettantes au respect des droits fondamentaux
de l'homme vue que tout ce qu'il décidait n'était susceptible
d'aucun recours.
Ainsi, dans le souci de régler et de limiter le pouvoir
des Assemblées, Solon a crée l'Aréopage, une cour
suprême ayant le pouvoir d'entendre toutes les
affaires du peuple et le rôle de faire observer les lois (1). Il a
ensuite établi le Sénat. Celui-ci avait pour tâches de
préparer les projets de loi et les autres actes sur lesquels le peuple
pouvait être appelé à délibérer. La
création du Sénat et de l'Aréopage, la modification des
conditions de l'exercice du droit de vote qui autorisait seulement les citoyens
athéniens âgés à voter dans les Assemblées
ont pu réglementer le pouvoir du peuple et institutionnaliser le pouvoir
législatif à Athènes.
________________
1. M.D. DALLOZ, Ainé : Répertoire de
législation, de doctrine et de jurisprudence, t. 18è ed.
Dalloz, Paris, 1870, p 246
b) Le Sénat Romain
Dans la Rome antique la division des Assemblées
délibérantes se faisait en classes, tribus, centuries, curies...
Le peuple traitait toutes les affaires qu'on ne manquait pas de lui soumettre
dans ces Assemblées.
La création du Sénat par Romulus a
renforcé considérablement l'autorité de l'Assemblée
législative. Son organisation, sa puissance, le statut de ses membres
ont fait de Rome le phare des Nations en ce qui a trait au développement
de la théorie de la séparation des trois pouvoirs.
Dès l'an 625, presque toutes les catégories
sociales sont représentées au Sénat. Le Sénat
était renouvelé tous les cinq ans et les Sénateurs
étaient soumis à des lois spéciales qui
réglementaient les incompatibilités à leurs fonctions en
tant que pouvoir de l'Etat. Ainsi toute la puissance du peuple ou tout le
pouvoir des Assemblées était transféré au
Sénat.
c) Le Parlement Anglais
L'organisation politique de l'Angleterre favorisait
l'émergence du Parlement, organe représentatif des
assemblées du peuple. Dès le début, presque tous les
Comtés y étaient représentés. Le Parlement anglais
se divisait en deux chambres : les pairs laïcs et
ecclésiastiques, et les représentants des Comtés (1).
_______________
1. GICQUEL, Jean : Droit Constitutionnel et institutions
politiques, Paris, ed Montchrestien, 1985, p 184
Le régime féodal implanté par Guillaume
le Conquérant en 1066 a beaucoup influé sur l'évolution du
Parlement. En 1265, grâce à la coalition de la noblesse et de la
classe moyenne contre les abus du pouvoir royal, les Anglais ont
institué le pouvoir parlementaire. Le Parlement fut convoqué par
Edouard Ier en 1295. En 1642 la guerre civile éclata et le Parlement a
dû attendre l'avènement de Guillaume III au trône pour
exercer effectivement ses fonctions dans un vrai régime
représentatif (1).
Vers la fin du XVIIème siècle, le Parlement
intervient de façon régulière dans la marche du pays par
le vote des lois et par le contrôle exercé sur les Ministres (2).
A partir de 1640-1649, la séparation des pouvoirs commença
à devenir une règle en Angleterre. L'exercice du pouvoir
législatif est assuré complètement par le Parlement. Aussi
devient-il un contrepoids à la puissance royale.
d) L'Assemblée nationale française sous
l'Ancien Régime
En France, les Assemblées ne représentaient
qu'une faible partie de la population. Elles ont été
convoquées à partir de 1302 afin d'instituer le régime
représentatif. Au début il n'y avait pas la participation du
peuple dans les grandes décisions du pays comme nous l'avons vu dans les
autres anciennes Républiques. Les Assemblées
générales de la nation étaient convoquées par le
Roi et comprenaient les Comtes, les évêques et les
autorités les plus considérables de la Cité.
__________________
1. GICQUEL, Jean : op . cité, p 184
2. DUVERGER, Maurice : Institutions politiques et droit
constitutionnel, 1- Les grands systèmes politiques, 16è ed. PUF,
Paris, coll. Thémis, 1980, p 48
L'irrégularité dans le fonctionnement de
l'Assemblée représentative oblige le Roi à créer le
Parlement. Au fait, ce sont les représentants des villes et des villages
élus dans les Assemblées primaires à titre de
délégués qui se réunissaient en Assemblée
électorale pour élire les Députés du Parlement. Le
règlement de cette Assemblée était rédigé
par le Roi qui du même coup détermine les conditions
d'éligibilité des Députés, le processus du vote, le
statut et les attributions du Député, etc. (1).
Les actes du Parlement français vont être
déterminants pour la construction du système
représentatif : le principe de la séparation des pouvoirs de
l'Etat fut établi. Le pouvoir législatif est exercé par le
Parlement et le Roi n'a sur lui aucun pouvoir de dissolution.
De tout ce qui précède, nous voyons que les
Assemblées du peuple dans les anciennes Républiques jouaient un
rôle important dans la gestion de la chose publique. Leurs
lumières ont guidé à juste titre les politicologues et les
philosophes dans la définition et l'élaboration d'un nouveau
régime démocratique appelé : régime parlementaire.
Dans ce nouveau système politique leur rôle est devenu plus
prépondérant.
____________
1. M.D. Dalloz, Ainé : op, cité p 257
B- Les Assemblées Parlementaires
Modernes
Le principe de la séparation des pouvoirs a
été mis en évidence dans toutes les constitutions
modernes. Le pouvoir législatif est exercé exclusivement par les
Assemblées parlementaires. Cependant, les caractéristiques des
Assemblées parlementaires sont assujettis au régime dans lequel
elles évoluent. Ainsi dans les régimes parlementaires, le
régime présidentialiste et les régimes mixtes,
l'Assemblée parlementaire est un contre pouvoir.
a) Les Asssemblées parlementaires dans le
régime parlementaire
Le régime parlementaire répond à la
nécessité pour la démocratie libérale de se
développer. Il préconise la séparation du pouvoir
exécutif en deux éléments : Chef de l'Etat et Chef du
Gouvernement. L'Assemblée parlementaire peut-être
monocamérale ou bicamérale. Ce qui caractérise ce
régime, c'est la manière dont sont organisés les rapports
entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif.
Les régimes parlementaires à partir du
XIXème siècle ont évolué suivant deux tendances
:
1o) Le Dualisme où l'Exécutif a un droit de
dissolution sur le Parlement, et à l'inverse le gouvernement n'est pas
responsable devant le Parlement;
2o) Le Monisme préconise un équilibre entre la
majorité parlementaire et le gouvernement qui en découle : le
gouvernement est responsable collectivement devant le Parlement et celui-ci
peut être dissout par l'Exécutif quand le gouvernement est mis en
minorité par la Chambre.
Aujourd'hui le parlementarisme moniste se confirme de plus en
plus dans presque tous les Etats d'Europe. Cependant, la répartition
des pouvoirs entre le Chef de l'Etat et le Gouvernement précise la
nature du régime parlementaire. Il en est de même de la
responsabilité du gouvernement devant le Chef de l'Etat. Prenons
quelques exemples : en Angleterre, en Allemagne, au Canada, aux U.S.A, en
France, en Italie...
1. L'Assemblée dans le régime
parlementaire majoritaire anglais
Le Parlement anglais est issu du scrutin majoritaire à
un tour. Il comprend la chambre des Communes , élue au suffrage
universel direct et secret et la chambre des Lords, aristocratiques et
créée par le Roi. Le pouvoir législatif est exercé
exclusivement par le Parlement. Sa puissance n'a pas de bornes, aussi dit-on de
lui : « Il peut tout changer, sauf un homme en une femme ».
En Angleterre, le Chef de la majorité parlementaire
devient automatiquement Premier Ministre. Il choisit ses ministres au sein du
Parlement. Tous les ministres sont donc des parlementaires. Cependant, les
ministres n'ont accès qu'à la chambre dont ils font partie.
Le Premier Ministre dispose d'une majorité
homogène et stable au Parlement qui renforce sa puissance. Mais
l'Assemblée parlementaire ne remplit pas seulement les fonctions
traditionnelles du pouvoir législatif, elle fournit aussi le cadre dans
lequel l'Opposition exerce pleinement son rôle. Le Chef de l'Opposition
d'aujourd'hui peut devenir le Chef de la majorité parlementaire de
demain (1).
1. DUVERGER, M : op, cité, p 276
Ainsi le bipartisme préconisé par l'Angleterre
établit une concentration des pouvoirs au profit du gouvernement qui ne
peut recourir qu'à la dissolution de la Chambre des Communes quand il se
retrouve en minorité.
Si la dissolution est un moyen pour le Gouvernement de faire
procéder à un renouvellement de la Chambre au moment qu'il juge
le plus favorable, l'Assemblée parlementaire, dans l'exercice de ses
prérogatives constitutionnelles, demeure un contrôleur permanent
des actes de l'Exécutif par la mise en cause du Gouvernement sur sa
politique devant la Chambre des Communes.
2. Le fonctionnement de l'Assemblée
parlementaire dans la Démocratie contrôlée de
l'Allemagne
La République allemande pratiquait un régime
parlementaire classique dans une démocratie majoritaire et
proportionnelle. Le Parlement est composé de deux chambres : le
Bundestag qui représente la Fédération et le Bundesrat qui
représente les Etats.
Les Députés sont élus au Bundestag pour
un mandat de quatre ans au scrutin mixte : selon le principe de la
proportionnalité, les électeurs disposent de deux voix sur le
bulletin de vote (1). La moitié des Députés sont
élus au scrutin majoritaire à un tour; et l'autre moitié
sur une liste de partis présentée pour chaque Land.
________________
1. DUHAMEL, Olivier : Les démocraties, Paris,
ed. Du Seuil, 1993, p 144
Le Parlement est bicaméral, il y a un partage
inégal du pouvoir entre le Bundestag et le Bundesrat. Ce dernier n'a
aucun pouvoir sur le Chancelier et ne peut faire valoir son droit de veto en
matière législative (1). La responsabilité du Gouvernement
n'est mise en question que devant le Bundestag qui lui donne son vote de
confiance ou sa motion de censure (2).
L' Assemblée parlementaire allemande accorde de
sérieux pouvoirs au Chancelier qui est aussi le Chef de la
majorité parlementaire. Elle se réunit en Assemblée
spéciale composé en partie égale de Députés
du Bundestag et des membres élus à la proportionnelle des
Diètes provinciales pour élire le Président de la
République.
La fonction législative est partagée suivant une
répartition de compétences. Ainsi le Bund détient la
législation exclusive dans les matières qui relèvent de la
souveraineté de l'Etat; les Länder sont complètement
compétents pour les affaires locales. Cependant, en vertu du principe
selon laquelle le droit fédéral brise le droit
fédéré, le Bund a un droit de veto sur les lois des
Länder.
3. L'Assemblée parlementaire du
Canada
Le Canada est une Fédération de provinces.
Chaque province est gouvernée suivant un système parlementaire.
L'Assemblée Nationale du Canada est élue au suffrage universel.
Elle est la réunion de tous les Députés de la
Fédération.
____________
1. DUVERGER, M : op,cité, p 307
2. DUHAMEL, O : op, cité, p 149
L'Assemblée parlementaire du Canada se compose de
l'Assemblée Nationale et du Lieutenant Gouverneur qui représente
la Couronne. L'Assemblée nationale possède un pouvoir de
surveillance sur tous les actes du gouvernement. Elle exerce exclusivement le
pouvoir législatif. Le Chef du parti majoritaire au Parlement canadien
devient le Premier Ministre et choisit ses ministres au sein de
l'Assemblée.
Le Canada pratique un régime parlementaire moniste. Le
Premier Ministre et son gouvernement sont collectivement responsables devant le
Parlement, et le Chef du gouvernement peut trancher par la dissolution de
l'Assemblée Nationale.
Dans le régime parlementaire, l'Assemblée
parlementaire assume le pouvoir législatif en collaboration avec le
Gouvernement qu'elle a elle-même institué. Le Gouvernement est
assuré d'une majorité stable au Parlement de telle sorte qu'il
dure normalement pendant la législature. L'assemblée
parlementaire est élue par les citoyens. Elle est garante de la
souveraineté nationale. Elle exerce le pouvoir législatif et un
pouvoir de contrôle sur le Gouvernement.
b) L'Assemblée parlementaire dans le
régime présidentiel américain
Les Etats Unis d'Amérique sont le principal exemple de
définition du régime présidentiel. Dans ce système
le Président est le plus important dans la répartition du
pouvoir. Le régime présidentiel des Etats-Unis est
consacré depuis 1787 par la constitution. Le président cumule la
fonction de Chef d'Etat et Chef de Gouvernement (1).
____________
1. BURDEAU, Georges : Droit constitutionnel, 24
è ed. Paris, coll Manuel, L.G.D.J, E.J.A, 1995, p 119
Le pouvoir législatif est exercé par le
Congrès composé de la Chambre des Représentants et du
Sénat. Les membres de la Chambre des Représentants sont
élus au scrutin majoritaire à un seul tour pour une durée
de deux ans, tandis que les Sénateurs sont élus pour six ans
à raison de deux représentants par Etats.
Le Congrès américain est investi d'attributions
importantes. Il vote la loi et le budget en toute autonomie. Le
président détient un droit de veto sur les lois qui ne peut
être surmonté que par un vote à la majorité de deux
tiers dans chaque Chambre. Ainsi l'on qualifie le régime
présidentiel des Etats-Unis comme une concentration de l'autorité
au bénéfice du chef de l'Etat (1). Toutefois, le Gouvernement est
irresponsable et le Parlement indissoluble.
Dans le régime présidentiel l'Exécutif
est monosépale. Il tire son autorité d'une investiture populaire.
A ce titre il est indépendant du Parlement qui ne peut pas mettre en
cause sa responsabilité politique et celle de son cabinet. Le
président et le Parlement assument une collaboration d'autant plus
indispensable que, élus par le peuple, ils détiennent tous les
deux une délégation directe de la souveraineté
nationale.
c) L'Assemblée parlementaire dans les
Régimes Mixtes
1. L'Assemblée parlementaire dans le
système présidentialiste de la France
Les conditions particulières de l'attribution du
pouvoir et les contraintes que le régime français établit
dans les rapports entre le pouvoir législatif et le pouvoir
exécutif nous obligent à le présenter comme un
régime mixte.
________________
1. GICQUEL, Jean : op, cité, p 209
Le régime français préconise un
présidentialisme majoritaire. Le gouvernement est dirigé par le
Chef de la majorité parlementaire. En France le gouvernement est
responsable devant l'Assemblée Nationale. Cependant le régime est
asymétrique. Le président peut dissoudre l'Assemblée
Nationale, tandis que celle-ci ne peut révoquer le président.
C'est un Exécutif tout puissant qui dispose d'armes pour faire voter la
loi dans les conditions qui lui conviennent : le Chef du gouvernement
détient une majorité stable au Parlement.
D'aucuns qualifient le régime mixte de la France comme
étant le plus fort qui soit en démocratie (1). Cela est dû
à l'étendu du pouvoir du Chef de l'Etat qui recourt au
référendum lorsque le gouvernement lui est subordonné,
dissout l'Assemblée Nationale et contrôle le Conseil
Constitutionnel par la désignation de ses membres.
2. L'Assemblée parlementaire dans le
Parlementarisme Partitocratique de la 1ère République
Italienne
La Partitocratie se définit comme le règne des
partis, les uns au gouvernement, les autres en dehors du gouvernement mais
associés à l'élaboration de la politique et au partage des
postes (2).
C'est un régime qui reconnaît au Chef de l'Etat
presque les mêmes attributions que dans un régime
parlementaire : choix du président du Conseil qui devra être
ratifié au Parlement.
____________
1. DUHAMEL, O : op, cité, p 182
2. Idem, p 198
L'Assemblée parlementaire est composée de deux
chambres : la chambre des Députés et le Sénat. Elles
partagent les mêmes attributions et chacune d'entre elles peut renverser
le Gouvernement. Le recrutement de l'une ou de l'autre se fait au suffrage
universel direct. Les Députés sont élus au scrutin de
liste à la représentation proportionnelle dans chaque
circonscription et les Sénateurs au scrutin uninominal et proportionnel
sur base régionale.
Le Parlement légifère dans un système
bicamériste strictement égalitaire. Les deux Chambres ont une
même durée de mandat et sont renouvelées conjointement,
sauf en cas de dissolution. Le parlement donne investiture au gouvernement qui
est responsable devant lui. Il contrôle activement les actes de
l'Exécutif par l'établissement des commissions. Le
président de la République peut dissoudre l'une des Chambres ou
tout le Parlement. Il est donc conforté dans son pouvoir comme dans un
système présidentiel à l'américaine.
3. L'ASSEMBLÉE parlementaire dans le
Régime Conventionnel
Ce régime fait du droit de dissolution un corps
étranger. C'est un contraste absolu avec le régime parlementaire.
Ici l'Exécutif est soumis et le Législatif est exalté : le
gouvernement rend compte à l'Assemblée comme le serviteur
à son maître. Le Parlement se substitue à l'Exécutif
dans la direction des affaires publiques.
En somme, le fonctionnement des Assemblées
parlementaires dans les différents régimes jusqu'ici
évoqués répond à la nécessité pour la
démocratie de se développer. Toutefois, ce développement
ne peut être réaliste que dans la définition d'un cadre de
fonctionnement arrêté par les Assemblées : le
règlement, qui oriente et simplifie le travail parlementaire en
conformité à la constitution de l'Etat et du régime
politique qu'elle préconise.
Section 2. Règles de base pour le
fonctionnement d'un Parlement
Malgré les dispositions relatives au fonctionnement du
pouvoir législatif édictées par les constitutions, il
demeure évident que le travail parlementaire, pour être plus
efficace et bien coordonné, doit être réglementé par
des dispositions arrêtées par l'Assemblée.
A- Quelques considérations
générales sur les Règlements
Intérieurs.
Dans son livre de droit constitutionnel, Georges BURDEAU
reprend la définition de RUZIE concernant le règlement à
savoir : « Une résolution par laquelle la Chambre qui l'a
votée fixe les principes du travail parlementaire...» (1). Cela
sous-entend que l'absence de règlement intérieur est un handicap
au bon fonctionnement du Parlement. Mais comment se présente-t-il dans
l'Assemblée ? Quand entre-t-il en vigueur et quelle est sa valeur
juridique. Voilà trois considérations que nous allons faire dans
le développement de cette partie.
a) Le projet de Règlement
1. Le Comité de préparation
A la rentrée d'une législature, le Parlement est
appelé à s'auto organiser. Qu'il y ait règlement ou non,
l'Assemblée doit s'arrêter sur un mode d'organisation et de
fonctionnement. Ainsi on crée une commission chargée de
rédiger un projet de règlement ou de présenter des
amendements au règlement initial.
_____________
1. BURDEAU, G : op, cité, p 577
2. L'élaboration et la contexture du
projet
Le règlement se présente ordinairement comme un
projet de loi. Il est divisé en chapitres, titres, sections et articles,
avec un préambule qui exprime les idées directrices.
3. Le rapport à l'Assemblée
plénière
La commission chargée de travailler sur le
règlement, présente son rapport à l'Assemblée
parlementaire et lui demande de voter le règlement par une
résolution. En effet, le règlement est mis en discussion comme on
procède pour les projets de loi avant leur mise au vote.
b) L'entrée en vigueur du
règlement
1. Le Vote
Après les recommandations de la commission
préparatoire du règlement, le président de
l'Assemblée le met en discussion. Les débats se font sur la forme
et sur le fond jusqu'à l'édification de l'Assemblée. Le
règlement est voté article par article et les membres de
l'Assemblée peuvent en proposer des amendements.
2. L'adoption du règlement
Le règlement intérieur est adopté par le
vote à la majorité des suffrages exprimés par les membres
de l'Assemblée. Cependant pour son amendement cette majorité peut
être précisée par le texte lui-même.
3. La publication du règlement
Le règlement intérieur n'est pas soumis à
la volonté du Pouvoir Exécutif pour sa publication. Cependant
dans certains pays le Conseil Constitutionnel donne son avis sur sa
conformité à la Constitution sans quoi il ne saurait être
applicable, donc sa publication ne pourrait se faire. Le règlement est
publié dans le journal officiel sous forme de résolution comme un
acte du pouvoir législatif.
c) La valeur juridique du règlement
1. La valeur pour le Parlement
Le règlement intérieur est
l'élément primordial de l'autonomie des Assemblées. Chaque
Assemblée est maîtresse de son règlement intérieur.
Il précise de façon rationnelle l'organisation du travail
parlementaire et de ses organes. Il constitue un cadre de
référence. L'établissement du règlement
intérieur se fait en conformité avec la constitution et les
lois.
2. La place du règlement dans la
hiérarchie des normes
L'expérience de la France sous le régime des
lois constitutionnelles de 1875 avait montré que par le biais de son
règlement qu'une Assemblée pouvait s'octroyer d'énormes
pouvoirs que la constitution ne lui avait pas accordés.
Jusqu'en 1958, chaque Assemblée parlementaire
était maîtresse de son règlement. Le 27 juillet 1947,
Vincent Auriol déclara à Edouard Herriot :
« J'ai
étudié les moyens de donner satisfaction à
l'Assemblée, malheureusement, la constitution ne prévoit
absolument aucun moyen pour faire abroger les articles d'un règlement
d'une Assemblée parlementaire. Ni l'Assemblée Nationale, ni le
Gouvernement, ni le Président de la République ne peuvent
intervenir en cette matière; chaque Assemblée est maîtresse
de son règlement » (1).
Cette indépendance excessive et compromettante est donc
précisé par l'article 61 de la constitution française de
1958 : « Les règlements des Assemblées
parlementaires, avant leur mise en application, doivent être soumis au
conseil constitutionnel, qui se prononce sur leur conformité à la
constitution ». Ainsi le règlement précise les
modalités d'application des dispositions constitutionnelles. Il n'est
pas au dessus de la loi, au contraire il est à son service en fixant les
principes de sa préparation jusqu'à sa promulgation.
L'établissement du règlement intérieur
tient compte du régime politique préconisé par la
Constitution. Il est le rempart des procédures devant conduire à
l'adoption d'un acte du pouvoir législatif. Il empêche aux
Chambres de se démarquer des exigences constitutionnelles et de la loi.
Ainsi l'Assemblée est obligée de modifier profondément ses
règlements intérieurs chaque fois qu'il y en a des points
d'ombres avec les lois du pays.
____________
1. GICQUEL, Jean : op. cité, p 863
B- Le Contenu du Règlement Intérieur
Le règlement intérieur de chaque
Assemblée organise le travail parlementaire et fixe des règles de
procédures. C'est par lui que le Parlement est appelé à
s'auto-organiser. Il a un caractère permanent et lie la Chambre aussi
longtemps qu'il n'a pas été amendé (1). Il
détermine non seulement les organes du Parlement en précisant
leurs compétences mais aussi des règles relatives aux
procédures législatives.
a) Des règles sur l'organisation interne du
Parlement
1. Les organes du Parlement
Les organes du Parlement sont présentés par le
règlement. Ils sont considérés comme une
répartition de pouvoir délégué pour la bonne marche
de l'institution parlementaire. On distingue généralement : le
Bureau de l'Assemblée, les Commissions, les Groupes politiques et le
Personnel parlementaire.
1.1 Le Bureau de l'Assemblée parlementaire
Le Bureau est l'autorité qui assure la direction des
débats de l'Assemblée et son administration
générale.
1o) Election du Bureau
Le Bureau est élu dès le début de chaque
législature pour une durée déterminée. Ses membres
sont élus à la majorité du suffrage exprimé.
_______________
1. TURPIN, Dominique: Droit constitutionnel, Paris,
coll. Premier cycle, PUF, 3è ed, 1997, p 345
2o) Composition du Bureau
Le Bureau de l'Assemblée parlementaire est
généralement composé de :
- un président
- un ou des vice- présidents
- des secrétaires
- un ou de plusieurs questeurs
3o) Rôles et fonctions des membres du Bureau
- Le président de l'Assemblée parlementaire est
la plus haute autorité qui réunit en sa personne les pouvoirs,
fonctions et dignités de la Chambre. Il représente le Parlement
auprès du pouvoir exécutif et des autres institutions nationales
et internationales. C'est lui qui dirige les séances de
l'Assemblée et assume la responsabilité administrative de ses
services. Le président est le porte-parole de la chambre. Il est le
garant de l'ordre et du décorum et décide des questions de
règlement.
- Le vice-président assiste le président dans
l'exercice de ses fonctions. En cas d'empêchement du président ou
à sa demande, le vice-président le remplace.
- Les secrétaires du bureau sont les premiers
conseillers du président et des parlementaires sur toute question se
rapportant à la procédure et à l'administration. Ils sont
chargés de dresser les procès-verbaux des
délibérations et s'occupent de la tenue des votes.
- Le questeur est chargé de la gestion des services
financiers et administratifs de la chambre sous la haute supervision ou
direction du Bureau.
1.2. Les Commissions parlementaires
En général, la gestion du travail parlementaire
au cours d'une législature est organisée en commissions.
L'étude détaillée des projets de loi, de certaines
questions d'ordre public et l'examen minutieux des politiques et programmes de
gouvernement sont l'oeuvre de ces commissions. Le statut de celles-ci est
expressément défini dans les règlements intérieurs.
Il existe différentes types de commissions telles que :
permanentes, mixtes, spéciales, etc.
1o) Commissions permanentes
Elles sont créées pour la durée de la
législature afin d'examiner les questions relatives aux activités
ministérielles. Elles convoquent à cet effet le titulaire desdits
organismes sur toutes questions relevant de leurs compétences. Elles se
partagent la préparation du travail législatif. Le rapport
présenté par une commission permanente à la suite d'une
convocation peut conduire à l'interpellation du titulaire en question
à la Chambre et à une motion de censure.
2o) Commission spéciales
Les commissions spéciales sont des groupes de travail
constitués par l'Assemblée pour faire des études sur des
sujets spécifiques. Chaque commission spéciale est
créée aux termes d'une motion de l'Assemblée qui
définit sa durée et son mandat. Toutefois, elle peut solliciter
des pouvoirs supplémentaires par le biais d'un rapport à
l'Assemblée.
3o) Commissions mixtes
Les commissions mixtes se composent de représentants
des deux Chambres : Députés et Sénateurs. Elles sont aussi
connues sous l'appellation de commissions bicamérales. Elles sont
constituées lorsqu'il y a mésentente entre les Assemblées
sur le vote d'une loi ou sur une question d'intérêt public. Elles
favorisent la prise de décision rapide quand il y a
célérité.
1.3. Les Groupes parlementaires
Le groupe parlementaire est la réunion des élus
appartenant à un même parti ou à une même tendance
politique. Il représente l'organe du parti dans l'Assemblée. Son
importance est surtout remarquée à travers la conférence
des présidents qui est le deuxième organe de l'Assemblée
(1).
1.4. Le Personnel parlementaire
La chambre reste et demeure dans tous les pays une
institution. En tant que telle, elle ne comprend pas seulement des élus.
Il y a un personnel à son service. Le bureau détermine par des
règlements l'organisation et le fonctionnement du personnel. Il
établit son statut et les rapports entre l'administration de
l'Assemblée et les organes professionnels du personnel parlementaire.
___________
1. GICQUEL, J : op. cité, p 866
Le personnel parlementaire se compose d'employés et de
cadres techniques. Ces derniers sont des contractuels qui apportent leurs
appuis dans la préparation des propositions de loi et dans
l'étude des projets envoyés par l'Exécutif. Ils donnent
des consultations aux parlementaires ainsi qu'aux commissions parlementaires
sur des questions économiques, juridiques, sociopolitiques, et
autres...
2. La Discipline parlementaire
Le règlement intérieur de chaque
Assemblée définit un certain nombre de règles de conduite
du parlementaire en ce qui concerne sa personne et son comportement dans les
travaux de l'Assemblée. Elles traitent les questions de droits et
d'obligations de ses membres.
2.1 Le Statut parlementaire
Les vielles et les plus anciennes traditions confèrent
au Parlement et à ses membres un statut privilégié qui
leur permet d'exercer leurs fonctions constitutionnelles en toute
indépendance et en toute quiétude, à l'abri de toutes
pressions hormis celles qu'organise la constitution :
1o) De l'irresponsabilité du parlementaire
Le parlementaire est à l'abri de toutes poursuites pour
les actes accomplis dans l'exercice de son mandat. Il est donc libre de donner
son opinion au cours des débats. Il ne peut être poursuivi en
diffamation à partir des accusations qu'il a émises à la
tribune (1).
____________
1. DUVERGER, M : op. cité, p 154
2o) De l'immunité parlementaire
Le parlementaire est inviolable pendant l'exercice de son
mandat. Il ne peut être ni arrêté, ni détenu, ni
même poursuivi pour les infractions pénales qu'il aurait commises,
sauf dans le cas du flagrant délit. Le Bureau est la seule
autorité pouvant autoriser l'arrestation d'un parlementaire après
un examen sérieux du caractère de la poursuite à condition
qu'une demande de levée d'immunité ait été
demandée et votée par l'Assemblée.
2.2. Les Séances
L'Assemblée vote la loi dans les séances
publiques. Le règlement intérieur fixe l'horaire des
séances. Le président de l'assemblée dirige les
séances en appliquant et en interprétant l'usage et les
traditions de la chambre.
2.3. Le Quorum
Il ne peut pas y avoir de séances sans que le quorum
exigé par le règlement intérieur n`ait constaté.
Le quorum est le minimum de présences que requiert le règlement
pour que l`assemblée puisse exercer ses pouvoirs.
2.4. Les Sanctions
Les mesures disciplinaires sont prononcées par le
président de l'Assemblée. Elles peuvent être un rappel
à l'ordre avec inscription au procès-verbal, qui prive le
parlementaire pendant un certain temps une partie de son indemnité; ou
encore une suspension temporaire qui est prononcée par
l'assemblée interdisant le parlementaire de prendre part aux
séances et aux débats.
b) Des Règles sur la
procédure
En matière de travail législatif, l'adoption des
règles de procédure établit un cadre adéquat dans
l'orientation de la présentation et l'adoption de la loi ainsi que dans
les rapports entre le Législatif et l'Exécutif.
1. De la présentation de la loi
Le pouvoir législatif est exercé exclusivement
par l'assemblée parlementaire. C'est de l'organisation constitutionnelle
qu'elle obtient cette compétence que le règlement vient
rétablir dans des normes précises pour que la loi puisse produire
ses effets.
2. L'initiative de la loi
En général, l'initiative des lois appartient aux
deux pouvoirs : Exécutif et Législatif. Carré de Malberg a
écrit : L'initiative de la loi n'est pas par elle seule un
acte de puissance législative, elle est une opération essentielle
de la procédure législative qui ne peut s'ouvrir que par elle
seule, elle n'est pas un acte de décision législative; elle n'est
qu'une condition préliminaire à la formation de la loi et non une
partie intégrante de son adoption.
Même si différentes autorités peuvent
être appelées à intervenir dans l'initiative des lois, il
n'appartient qu'à la Chambre de donner naissance à la loi.
3. L'examen de la loi
Tout projet de loi ou proposition de loi est examiné
avant son inscription à l`ordre du jour pour son adoption. Cet examen
est fait par une commission unicamérale ou bicamérale du
Parlement. La constitution détermine la priorité de chaque
Assemblée et leur compétence dans l'examen et le vote de la
loi.
4. Le débat et l'adoption de la loi
Le règlement intérieur de l'Assemblée
établit la discipline des débats. Suivant un certain ordre, le
président de l'assemblée dirige les débats et assure la
police de séance. Quand l'Assemblée est suffisamment
édifiée, il met fin à la discussion et passe au vote.
Le vote exprime la décision de l'Assemblée. Il
est pris à la majorité des voix. Le vote a lieu suivant les
indications du règlement intérieur. Ces indications sont de cinq
ordres :
- Le vote à mains levées
- Le vote par assis et levés
- Le scrutin public ordinaire
- Le vote à bulletin secret
- Le scrutin à la tribune
Les règlements intérieurs constituent un cadre
d'orientation et de simplification du travail parlementaire. Ils apportent des
précisions sur tout ce qui peut être source de conflits dans les
procédures législatives et dans l'organisation interne de
l'institution.
Chapitre II.- Le Parlement haïtien et ses
Règlements
Comme nous l'avons vu dans le premier chapitre, le Parlement
fait contre poids au Pouvoir exécutif et représente un pilier
fondamental dans l'établissement du principe de la séparation des
pouvoirs. Dans ce deuxième chapitre nous aborderons les
différentes structures des Assemblées parlementaires en
Haïti et ensuite nous présenterons quelques éléments
de l'organisation interne de ces assemblées.
Section 1 - Les Structures parlementaires en
Haïti.
L'existence de tout parlement répond à une
question fondamentale : faut-il une chambre unique ou un Parlement
bicaméral ? Un retour aux différentes constitutions de la
République d'Haïti nous permettra de dégager les
éléments essentiels qui ont marqué le
monocaméralisme et le bicaméralisme.
A.- L'organisation du Parlement dans le
Passé
Haïti a connu deux types d'assemblées
parlementaires dans son histoire : le monocaméralisme et le
bicaméralisme.
a) Le monocaméralisme en
Haïti
Le monocaméralisme c'est l'exercice du pouvoir
législatif par une chambre unique. Avant 1806 on ne pouvait pas parler
du monocaméralisme, car la constitution de 1805 ne comportait aucune
disposition relative au parlement. De plus, les articles 19 à 37 de
cette constitution légalisaient la concentration de tous les pouvoirs
exécutif et législatif entre les mains de Dessalines. Et le
Conseil d'Etat composé de tous les généraux de
l'Armée n'avait pas de fonction définie. Il fonctionnait suivant
les besoins du chef de l'Etat.
1. De l'organisation du pouvoir législatif
dans le monocaméralisme haïtien.
La République d'Haïti n'a eu que deux
Assemblées parlementaires monocamérales : Le Sénat
sous la présidence de Pétion et la chambre des
Députés sous le régime des Duvalier.
1.1. Le Sénat de 1806 à 1816.
La Constitution de 1806 avait crée une nouvelle
institution comme un contrepoids au pouvoir exécutif : le
Parlement. Ce Parlement était monocaméral. En effet le pouvoir
législatif était exercé par une chambre unique : Le
Sénat. Le Sénat était composé de 24 membres pour
un mandat de neuf ans renouvelable par tiers tous les trois ans. Les
Sénateurs étaient nommés par l'Assemblée
Constituante et exerçaient le pouvoir législatif en toute
indépendance. Omnipotent, tous les pouvoirs du président de la
République lui furent transférés. L'article 42 de la
constitution faisait du Sénat l'organe central du gouvernement,
dépositaire de tous les pouvoirs et responsable de la gestion de l'Etat.
En témoigne les dispositions de cet article de la constitution
de 1806 :
« Le Sénat a exclusivement le droit de
fixer les dépenses publiques, d'établir les contributions
publiques, d'en déterminer la nature, la quotité, la
durée, le mode de perception. De statuer sur l'Administration -
d'ordonner, quand il le juge convenable, l'aliénation des domaines
nationaux...»
1.2.- La Chambre des Députés de 1964 à
1986.
Entre 1964 à 1986, le Parlement haïtien a repris
son statut monocaméral. En effet, le Président François
Duvalier divorça d'avec le bicamérisme en faisant voter la
suppression du Sénat de la République. Le pouvoir
législatif fut exercé par une chambre unique : La Chambre
des Députés, qui demeura jusqu'au renversement des Duvalier.
Cette Chambre composée de 67 Députés prit le nom de Corps
Législatif.
2. Rapports entre le Législatif et
l'Exécutif.
Les rapports entre le Législatif et l'Exécutif
se sont révélés généralement conflictuels en
Haïti. Sous la République de Pétion le Parlement en a fait
les frais pas sa dissolution et l'établissement d'un pouvoir personnel
au Chef de l'Etat ; Sous le régime des Duvalier le pouvoir
législatif s'est confondu avec celui de l'exécutif sous la
dictée exclusive du Président de la République.
2.1. Les rapports dans la République de
Pétion.
Au point de vue Constitutionnel, le Sénat était
privilégié dans les rapports avec l'Exécutif. Il avait
des pouvoirs immenses au point que le Chef de l'Exécutif ne devient
qu'une figure politique. Cependant, très tôt un conflit
éclata entre le grand corps et le Président Pétion. Quand
le Parlement voulut remplir ses prérogatives constitutionnelles en
rappelant le Président Pétion à l'ordre, ce dernier le
menaça de le dissoudre et le Sénat cessa de siéger
jusqu'en 1811 pour transférer tout son pouvoir à
Pétion.
Devant le mépris de Pétion à
l'égard des recommandations constitutionnelles du Sénat, et
devant son ambition d'usurper toutes les prérogatives du pouvoir
législatif, les Sénateurs ont rédigé un texte
intitulé : « Remontrances du Sénat au
Chef de l'Etat », où l'on peut lire :
« ... La Constitution n'a point
été mesurée au caractère de tel ou tel
individu ; elle a été faite à la mesure des
principes ; elle est calculée de manière à couvrir la
liberté publique ; et si les attributions données au Pouvoir
Exécutif ne sont pas plus extensives, il doit vous en souvenir,
Président d'Haïti, vous les avez vous-même restreintes par
vos observations judicieuses.»(1)
2.2. Les rapports sous le régime des Duvalier.
De 1964 à 1986, le pouvoir législatif
haïtien fit corps avec l'Exécutif. En effet, les pressions
exercées contre le Parlement par les Duvalier font de ce dernier un
rempart pour légaliser les actes de l'Exécutif. La suppression
du Sénat a institué et consolidé le pouvoir dictatorial
des Duvalier. Ce retour au monocaméralisme a réduit
l'institution parlementaire à un simple bureau de fonctionnaires
législatifs nommés par le chef de l'Etat pour avaliser ses actes
et ses desseins.
Les membres du Cabinet ministériel étaient
certes responsables devant la Chambre. Cependant l'article 117 de la
constitution de 1983 reconnaît au Président de la
République le droit d'ajourner les sessions de la chambre
législative. De plus l'article 79 lui permettait de dissoudre le
Parlement en cas de conflit avec le pouvoir Exécutif.
_______________
1. CLAUDE, Moïse: Constitutions et luttes de
pouvoir en Haïti, t. 1, imp. Le Natal, P-a-P, 1997, pp 41-42
b) Le Bicaméralisme haïtien
La Constitution de 1816 a instauré le régime
présidentiel en Haïti. Elle déléguait l'exercice de
la fonction législative à deux Chambres : La Chambre des
représentants des Communes et le Sénat. C'est la naissance du
Bicaméralisme en Haïti. Celui-ci fut installé
définitivement en Haïti avec la publication de la Constitution de
1843 et ses structures se sont maintenues par toutes les Constitutions
suivantes jusqu'à celle de 1950.
1. Le Pouvoir Législatif Bicaméral
Comme nous l'avons mentionné, le pouvoir
législatif fut exercé par deux Chambres
indépendantes : Le Sénat de la République et la
Chambre des Communes. Chacune de ces Chambres était maîtresse de
son organisation. Cependant à chaque révision Constitutionnelle,
certaines modifications ont été apportées quant aux champs
de compétence du Parlement qu'à son statut en tant que pouvoir de
l'Etat.
1.1. Composition
Le Parlement est Composé de la Chambre des
représentants des communes et du Sénat.
1.2. Elections et Mandats
La Chambre est élu au suffrage universel direct dans
les assemblées primaires pour une durée de cinq ans. Le
Sénat est élu par la chambre sous la présentation d'une
liste de candidats par le Président de la République.
1.3. Attributions et fonctionnement
Le Parlement exerçait la fonction législative en
collaboration avec l'Exécutif. Cependant, aucune loi ne pourrait
être votée sans l'initiative du Président de la
République. (art. 55 de la Constitution de 1816).
Le pouvoir législatif était partagé de
façon inégale entre le Sénat et la Chambre des
Députés : En effet, l'article 125 de la constitution de
1816 stipule que :
« Les lois votées par la
Chambre des représentants doivent être
décrétées par le Sénat qui a en outre le
privilège d'élire le Président d'Haïti, de
Sanctionner les traités de paix, d'alliance ou de commerce avec les
puissances étrangères et d'approuver les déclarations de
guerre.»
Avec la révision de la Constitution en 1843, le pouvoir
législatif s'est donc renforcé et le Parlement partageait avec
l'Exécutif l'initiative des lois sur tous les objets d'ordre public.
Ainsi l'Exécutif est mis sous le contrôle permanent du
législatif. Les Ministres ou Secrétaires d'Etat étaient
responsables devant le Parlement et l'idée d'un Premier Ministre Chef du
Gouvernement est apparu, car il est prévu que le Cabinet
ministériel est dirigé par un ministre portant le titre de
Président du Conseil des Secrétaires d'Etat.
2. Relations entre le Parlement et les
Gouvernements
Les diverses révisions constitutionnelles
étaient le plus souvent une façon d'orienter la toute puissance
de l'autorité de l'Etat vers le pouvoir législatif au
détriment du Chef de l'Exécutif ou bien vers le chef de
l'Exécutif pour asservir le Parlement. Ainsi certaines constitutions
ont fait du Président de la République un véritable chef
omnipotent ayant l'initiative de la loi, le droit de Veto, le droit de
dissoudre le Parlement ..., d'autres ont renforcé l'autorité
parlementaire par le contrôle du pouvoir exécutif, la
responsabilité des Secrétaires d'Etat ou ministres devant le
Parlement, l'élection indirect du chef de l'Etat par la Chambre et la
non dissolution de Celle-ci.
2.1. Le Pouvoir Législatif au profit de
l'Exécutif.
L'autorité du Président de la République
dans l'initiative exclusive de la loi, son droit de veto et celui de dissoudre
la Chambre étaient consacrés dans diverses constitutions de la
République. L'élection du Sénat par la Chambre des
Députés sur une liste de candidats présentés par le
Président de la République fait de ce dernier un potentat au sein
du pouvoir législatif. Ainsi le Chef de l'Etat pourrait faire
échec à la Chambre par le biais du Sénat qui partageait
avec elle le pouvoir législatif. On retrouve dans les constitutions de
1816 et de 1874 un article qui accorde la puissance Législative en
même temps à l'Exécutif et au Corps Législatif.
Par le Sénat le Président contrôlait le pouvoir, il
pourrait faire échec au Parlement en décrétant la
grève des projets de Lois. (1)
________
1. CLAUDE, Moïse: op, cité, p 75
B- Le Parlement au Regard de la Constitution de
1987.
Après vingt deux ans de monocaméralisme en
Haïti, les mouvements révolutionnaires qui ont abouti au
départ du régime des Duvalier ont porté nos constituants
à adopter un nouvel système politique qui préconise le
retour au bicaméralisme. Dans cette partie nous allons aborder le
pouvoir Législatif et ses champs de compétence dans la
constitution du 29 mars 1987.
a) Du Pouvoir Législatif
haïtien
La Constitution de 1987 donne naissance à un Parlement
bicaméral composé de la Chambre des Députés et
du Sénat de la République.
1. De la Chambre des Députés.
La chambre des Députés se compose des
représentants du peuple élus au suffrage direct par les citoyens
dans chaque circonscription électorale et exerce avec le Sénat de
la République les attributions du Pouvoir Législatif.
1.1. Elections et Mandats
Chaque député est élu à la
majorité absolue des suffrages exprimés dans les
assemblées primaires. La durée du mandat du député
est de quatre ans renouvelable. Le mandat de la Chambre constitue une
Législature.
1.2. Conditions d`éligibilité
L'article 91 de la Constitution de 1987 stipule
que :
« Pour être membre de la Chambre
des Députés il faut :
1.- Etre haïtien d'origine et n'avoir jamais
renoncé à sa Nationalité ;
2.- Etre âgé de vingt cinq (25) ans
accomplis ;
3.- Jouir de ses Droits Civils et Politiques et
n'avoir jamais été condamné à une peine afflictive
ou infamante pour un crime de droit commun.
4.- Avoir résidé au moins deux (2)
années consécutives précédant la date des
élections dans la circonscription électorale à
représenter.
5.- Etre Propriétaire d'un immeuble au
moins dans la circonscription ou y exercer une profession ou une
Industrie ;
6.- Avoir reçu décharge, le cas
échéant, comme gestionnaire de fonds
publics. »
2. Du Sénat de la
République.
Le Sénat se compose des représentants des
départements de la République. Les membres du Sénat sont
élus au suffrage universel à la majorité absolue dans les
Assemblées primaires.
2.1. Elections et Mandats
Les Sénateurs exercent la fonction législative
avec les Députés. Ils sont élus pour six ans et sont
indéfiniment rééligibles. Le renouvellement du
Sénat se fait par tiers tous les deux ans.
2.2. Conditions d'éligibilité.
L'article 96 de la Constitution de 1987 reprend l'article 91
de cette même Constitution avec de légères modifications
relatives à l'âge et aux années de résidence du
Sénateur. Ainsi, le Sénateur doit être âgé de
trente ans accomplis. Il doit résider dans le Département
à représenter au moins quatre (4) années
Consécutives précédant la date des élections.
b) De l'exercice du Pouvoir
Législatif.
La constitution de 1987 consacre le principe de la
séparation des pouvoirs. Le pouvoir législatif est exercé
par le Parlement : La Chambre des Députés et le
Sénat. Chaque Chambre est indépendante et partage les
attributions suivantes :
1) le vote de la Loi (art 111, 120)
2) L'interprétation de la Loi (art 128)
3) L'interpellation du Gouvernement (art 129-2, 129-3,
172)
Cependant, la Constitution établit un certain domaine
exclusif en ce qui concerne les attributions respectives de la Chambre des
Députés, du Sénat et de l'Assemblée Nationale.
1. De la Chambre des Députés
L'article 90 stipule que :
« La Chambre des Députés, outre
les Attributions qui lui sont dévolues par la Constitution en tant que
branche du Pouvoir Législatif, a le privilège de mettre en
accusation le Chef de l'Etat, le Premier Ministre, les Ministres et les
Secrétaires d'Etat par devant la Haute Cour de Justice, par une
majorité des 2/3 de ses membres ... »(cf. art.
186)
2. Du Sénat de la
République.
L'article 97 stipule que :
« Le Sénat propose à
l'Exécutif la liste des juges de la Cour de Cassation selon les
prescriptions de la Constitution et peut s'ériger en Haute Cour de
Justice...»
Le Sénat donne son approbation au choix du
Commandant en Chef de la Police, à celui des ambassadeurs, Consuls
Généraux et conseils d'Administrations des organismes autonomes
(art 141,142). Le Sénat élit les membres de la Cour
Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif (art.200-6),
tandis qu'il soumet la Candidature de ceux de la Cour de Cassation sur la liste
de trois (3) personnes par Siège au Président de la
République (art.174)
3. De l'Assemblée Nationale
L'Assemblée Nationale c'est la réunion des deux
branches du pouvoir Législatif en une seule Assemblée. Elle a
pour attributions exclusives :
1) De recevoir le Serment Constitutionnel du
Président de la République ;
2) De ratifier toute décision, de
déclarer la guerre quand toutes les tentatives de Conciliation ont
échoué ;
3) D'approuver ou de rejeter les traités
et conventions internationaux ;
4) D'amender la constitution selon la
procédure qui y est indiquée
5) De ratifier la décision de
l'exécutif, de déplacer le siège du Gouvernement dans les
cas déterminés par l'article premier de la présente
Constitution ;
6) Se statuer sur l'opportunité de
l'état de siège, d'arrêter avec l'Exécutif les
garanties Constitutionnelles à suspendre et de se prononcer sur toute
demande de renouvellement de cette mesure.
7) Se concourir à la formation du Conseil
Electoral Permanent conformément à l'article 192 de la
Constitution.
8) De recevoir à l'ouverture de chaque
Session, le Bilan des activités du Gouvernement.
(art.98-3)
Section II - Les Règlements Intérieurs
du Parlement depuis 1987.
Depuis la nouvelle Constitution de 1987, le pays est à
sa troisième Législature. L'établissement des
règles intérieures à l'organisation et au fonctionnement
du Parlement demeure un problème non résolu. Dans cette section
nous allons passer en revue les règlements qui se sont
succédés depuis, et présenter le cadre de
référence du fonctionnement de la 46ème
Législature.
A- Les Premiers Règlements.
Les innovations apportées dans la fonction
législative par la Constitution de 1987 ont conduit nos parlementaires
à adopter de nouveaux règlements pour répondre aux
exigences du nouveau régime bicaméral. Chaque chambre est
indépendante et maîtresse de ses règlements. Ainsi, les
différentes législatures ont adopté des règles
générales relatives au fonctionnement et à l'organisation
de tout Parlement et ont tenté d'appliquer leurs propres règles
votées par l'assemblée.
a) Les Règlements du Sénat
Depuis le rétablissement de la Chambre haute par la
Constitution de 1987, le Sénat n'a jamais eu ses propres
règlements. Toutefois le Sénat organise ses travaux par des
dispositions tirées des règlements antérieurs, de la
coutume et de la jurisprudence parlementaire.
1. Le cadre de référence du Sénat
de la République.
L'organisation interne du Sénat de la République
est basée sur des textes réglementant les anciennes
assemblées sénatoriales et la Chambre des Députés.
Le Sénat adopte des théories générales pour la
formation de ses organes internes et la tenue des Séances.
2. Des pratiques de l'Assemblée
Sénatoriale.
Les règles de procédures sont
l'élément fondamental du processus législatif. Pour
pallier l'inexistence de ces règles, le Sénat de la
République applique la jurisprudence parlementaire et les doctrines du
droit parlementaire. Certes, on est témoin d'une certaine
négligence et incohérence dans le travail, mais les
Sénateurs ont pu voter des lois, arrêter des résolutions,
ratifier le Premier Ministre, exercer un contrôle sur le gouvernement et
contribuer à la formation d'autres institutions prévues par la
constitution telles que : la Cour Supérieur des Comptes et du
Contentieux Administratif, le Conseil Electoral Provisoire, La cour de
Cassation etc.
Par ailleurs, le Sénat a finalement adopté ses
premiers règlements intérieurs en juin 1996. Cependant faute de
règles de procédure et de son inadéquation aux normes en
vigueur les Sénateurs ont convenu de ne pas les appliquer. Nous en
apporterons quelques précisions dans notre prochaine subdivision.
b) Les règlements de la Chambre des
Députés
Contrairement au Sénat de la République, la
Chambre des Députés a adopté ses règlements
intérieurs. En effet, ses règlements étaient conçus
par la 44ème Législature qui malheureusement a été
dissoute en juin 1988 après cinq mois de fonctionnement. La 45ème
a reprit ses règlements et a apporté certains amendements.
1. Cadre de référence des
règlements intérieurs de la Chambre des
Députés
La 44ème Législature n'avait pas eu le temps
d'appliquer ses règlements intérieurs. De plus, le vote du
document final n'avait pas encore eu lieu et la Chambre fut dissoute.
Le 5 février 1988 la Chambre avait modifié
quelques articles des règlements de 1953 et établi ainsi son
cadre de référence pour son organisation et son mode de
fonctionnement. Ce règlement avait reprit les mêmes titres que
celui de 1951 et il n'y avait pas de règles de procédure. Les
Députés de la 44ème Législature ont adopté
les principes généraux de droit parlementaire et
créé de nouveaux organes de fonctionnement interne exigés
par la Constitution.
2. Le Règlement des Députés de la
45ème Législature
Le 11 juin 1991 la Chambre des Députés a
voté les premiers règlements intérieurs de la
45ème Législature. Ce règlement comporte de nouveaux
titres ou chapitres qui étaient jusqu'ici méconnus dans notre
culture parlementaire tels que: comme ceux créant les groupes
parlementaires ou la conférence des présidents.
L'article 41 stipule que :
« Les Députés peuvent se
rassembler par affinités politiques. Aucun groupe ne peut comprendre
moins de dix Députés. Les groupes se constituent en remettant au
président de la Chambre une déclaration politique signée
de leurs membres, accompagnée de la liste de ceux-ci. Ces documents sont
publiés au Moniteur.
Un Député ne peut faire partie que
d'un seul groupe politique. Les députés qui n'appartiennent
à aucun groupe peuvent adhérer au groupe de leur choix avec
l'agrément du bureau de ce groupe. Ils comptent pour la
répartition des sièges dans les commissions
».
La participation des groupes politiques est
déterminante dans le travail de l'Assemblée, ainsi l'article 45
stipule que :
« Une fois par semaine, à l'heure et
au jour prévu par le bureau de la chambre, le secrétariat
convoque les présidents des groupes politiques à la
conférence des présidents qui se tient sous la direction du
président du bureau, y participent aussi les présidents des
commissions avec voix consultative ».
L'article 45-1 statue sur le droit de vote à la
conférence des présidents. Ainsi, seuls les présidents des
groupes politiques ou leurs remplaçants éventuels dûment
mandatés ont un droit de vote proportionnel à l'effectif de leur
groupe.
Ces dispositions consacrent définitivement le
pluralisme politique et font place à l'émergence d'une opposition
parlementaire constructive.
B- Les règlements de la 46ème
Législature
Si les deux premières législatures pourraient
évoquer des alibis pour esquiver la question relative au vote de leurs
règlements intérieurs ou du moins leur non application, la
46ème pour sa part n'a pas le choix.
En réalité, elle a
bénéficié d'une manière ou d'une autre d'une
stabilité politique et d'une coopération technique de la
communauté internationale qui aurait dû la permettre non seulement
d'avoir ses propres règlements intérieurs mais aussi de les
appliquer. Pourtant, la réalité prouve le contraire. Le
Sénat de la République a adopté une nouvelle loi portant
nouveau règlement intérieur de la Chambre haute qui
jusqu'à présent n'est pas en vigueur ; et la Chambre des
Députés travaille sur son projet de règlement
intérieur.
a) La loi de Juin 1996 portant nouveau
règlement Intérieur du Sénat.
Dans son premier article il est dit :
« Les présents règlements
internes fixent le statut, l'organisation et le mode de fonctionnement du
Sénat de la République. Pour tout ce qui n'est pas prévu
au présent règlement ou ne fait pas objet d'un ordre
spécial de l'assemblée il sera tenu compte des coutumes,
formalités et procédures ordinaires ».
Voyons à présent les nouveautés qu'il y a
lieu de souligner dans ce règlement.
1. Les innovations apportées au Sénat
par le texte de 1996.
Le texte de 1996 est une première dans les annales du
Sénat de la République. Il reconsidère l'autorité
du Sénat dans l'exercice du pouvoir législatif en permettant au
grand corps ainsi qu'à ses membres de jouir de toutes les
prérogatives constitutionnelles.
1.1.De l'institution Sénatoriale
Le Sénat est une institution publique dotée de
la personnalité juridique qui peut ester en justice et qui gère
son patrimoine propre avec une autonomie administrative et budgétaire.
(art.1)
Ce règlement a défini clairement et d'une
manière précise les missions du grand corps en son article 4.
L'article 5 réitère sa souveraineté. Le bureau du
Sénat est désormais composé d'un Président, d'un
vice-Président, de deux Secrétaires et d'un questeur élus
pour deux ans renouvelable.
1.2. Des privilèges des Sénateurs
Des frais mensuels adéquats pour l'établissement
et le fonctionnement d'un bureau du Sénateur dans sa circonscription
sénatoriale et à la Capitale sont prévus , ainsi que la
prise en charge au budget du Sénat à titre de contractuel d'un
agent de sécurité, d'un chauffeur, et d'un expert attaché
à son cabinet particulier.
1.3 De la Conférence des Présidents
Le règlement intérieur du Sénat
crée un nouvel organe appelé Conférence des
Présidents. Cette conférence réunit les présidents
du bureau, les présidents des commissions permanentes et des groupes
parlementaires. Le bureau de la conférence des présidents se
compose du Président du Sénat (Président du bureau de la
conférence des Présidents) d'un vice-Président et d'un
Rapporteur - Ces derniers sont désignés pour une période
d'une année - (cf. art.1). La Conférence des Présidents
seconde le bureau du Sénat de la République. Elle a donc le
pouvoir de :
- allouer à chaque groupe parlementaire un temps
global de parole tout en tenant compte du Droit à la parole des
sénateurs indépendants ;
- décider de l'ordre de priorité à
accorder aux questions à débattre en assemblée;
- délibérer par vote majoritaire sur les
propositions soumises par ses membres et sur l'organisation de la discussion
générale des textes soumis à l'assemblée...
1.4. Des groupes parlementaires
Les Sénateurs peuvent se constituer des groupes
politiques à raison d'au moins trois Sénateurs par groupe. Aucun
Sénateur ne peut être membre de plus d'un groupe. (cf. Art 194)
1.5. Des Commissions
Au début de chaque législature et à
chaque renouvellement partiel du Sénat, l'Assemblée forme dix
commissions permanentes. Chaque commission est nommée pour un mandat de
deux ans. Le bureau de la commission comprend un président et un
rapporteur.
Les groupes parlementaires disposent aux commissions
permanentes d'un nombre de sièges proportionnel à leur importance
numérique sous réserve des droits des Sénateurs
indépendants.
Le quorum de chacune des commissions est la moitié de
ses membres et le sénateur absent trois fois sans excuse valable au
cours d'un mois, perd le 1/3 de son indemnité de base pour ce mois.
Les sénateurs adjoignent aux commissions permanentes
des commissions spéciales et mixtes. L'article 177 du règlement
crée une nouvelle commission appelée : Commission
spéciale d'immunités parlementaires , dont la
mission est d'intervenir auprès des autorités publiques pour
défendre les intérêts de tout Sénateur victime de
violation de leurs privilèges et immunités.
2. Les retraits ou abrogations du règlement
intérieur du Sénat
La loi de Juin 1996 apporte certaines modifications relatives
au fonctionnement des organes internes du Sénat de la République,
que ce soit au niveau du personnel ou des moyens d'organisation du processus
législatif.
2.1. Des employés du Sénat
Le règlement ne fixe pas le nombre d'employés du
Sénat et ne prévoit aucune rubrique relative à
l'organisation du personnel parlementaire. Cela est du ressort du bureau qui
est chargé de réglementer les services du Sénat
conformément aux règles administratives en vigueur et au besoin
du grand corps.
2.2. Des députations
La formation des députations n'est plus de la
compétence exclusive du président du Sénat. Il s'agit donc
d'une décision prise en Assemblée.
2.3. Du mode de votation
Les votes se font par mains levées ou par scrutin
public ordinaire. Le vote secret est abrogé.
b) Le projet de règlement intérieur de
la Chambre des Députés
Puisque la Chambre des Députés n'a pas encore
voté ses règlements intérieurs, nous présenterons
uniquement les innovations dans son organisation et le fonctionnement actuel
à partir du texte de référence qu'est ce projet de
règlements de la 46ème législature.
1. Les innovations dans l'organisation et le
fonctionnement de la Chambre des Députés
Le nouveau règlement de la chambre des
Députés a reprit les mêmes organes du Sénat avec de
légères modifications dans la composition des commissions. Il
établit également un cadre de communication formelle entre la
Chambre et le Gouvernement ainsi qu'une structure technique pour le bon
déroulement du travail des Députés.
1.1. Les organes de la Chambre des Députés
La Chambre des Députés se compose de :
- l'Assemblée des Députés ou
Assemblée plénière
- le bureau
- les groupes parlementaires
- les commissions permanentes
- la conférence des présidents
- les commissions
L'article 31 du projet prévoit que ces organes sont
assistés d'un service administratif dénommé le
Secrétariat Général de la Chambre des
Députés dirigé par un secrétaire
général dont le fonctionnement et l'organisation sont
définis par les règlements administratifs et financiers.
1.2. Des rapports avec l'Exécutif
Le projet accorde une place importante aux relations entre le
Législatif et l'Exécutif. Il définit la procédure
à suivre pour la ratification du Premier Ministre et l'exercice du
pouvoir de contrôle sur le gouvernement. Ce contrôle se fait par
des communications telles que:
1o) le bilan du Premier Ministre à l'ouverture de
chaque session parlementaire
2o) les déclarations du Gouvernement devant
l'Assemblée avec ou sans débat
3o) les questions orales organisées par la
conférence des présidents
4o) les questions écrites publiées, durant les
sessions et hors sessions, au journal officiel ainsi que les réponses
des Ministres
5o) l'interpellation d'un Ministre ou du Gouvernement
6o) la convocation des Ministres par des commissions
permanentes...
1.3. Le conseil d'encadrement technique
Le projet de règlement intérieur de la Chambre
des Députés prévoit un conseil de techniciens pouvant
accompagner les commissions et le bureau de l'Assemblée.
1.4. Du bureau du Député
Le 9 septembre 1992, la 45ème législature a
voté une résolution créant une entité
administrative dénommée bureau du Député dans
chaque circonscription électorale. Le projet de la 46ème
législature réglemente le fonctionnement de ce bureau et
prévoit une rémunération pour ses membres et un budget de
fonctionnement émanant du budget de la Chambre. Le chef du bureau du
Député pourrait être considéré comme son
assistant et assure la liaison avec les autres organes.
Nous avons montré jusqu'ici quelques modifications dans
les structures et le fonctionnement du Parlement haïtien depuis 1987. La
constitution de 1987 a réorganisé l'exercice du pouvoir
législatif et exécutif en faisant du Parlement l'autorité
exclusive en matière de législation et de contrôle du
Gouvernement. Cependant les imperfections dans la réglementation de ce
pouvoir constituent un handicap majeur pour l'institutionnalisation de la jeune
démocratie haïtienne. Aussi convient-il de souligner dans le
prochain chapitre les problèmes posés par l'application des
règles relatives au fonctionnement du système politique
haïtien.
DEUXIEME PARTIE :
DES REGLEMENTS ADAPTES AUX EXIGENCES DU SYSTEME
POLITIQUE HAITIEN.
Chapitre I : Considérations sur les
problèmes posés par les imperfections et les lacunes du
règlement intérieur de la 46 ème
Législature.
La constitution de la République d'Haïti
définit le cadre juridique de l'organisation du système politique
haïtien. Cependant, chaque pouvoir se doit de se doter de règles et
de procédures pour l'exercice de leurs mandats. Au Parlement
haïtien, non seulement il existe une carence en matière de
règlements, mais ceux existant présentent des imperfections
flagrantes qui méritent d'être analysées. Dans la
première section, notre analyse portera sur le fonctionnement interne de
l'Assemblée parlementaire et dans la deuxième section nous
aborderons la question des rapports entre le Législatif et les autres
pouvoirs.
Section 1. Problèmes rencontrés dans le
fonctionnement interne du Parlement haïtien
Dans la dynamique du travail parlementaire, il est
indispensable que le parlement se dote d'un cadre réglementant ses
conditions de fonctionnement. La 46ème législature fonctionne
avec un règlement intérieur dépassé qui ne tient
pas compte de la réalité du système politique
préconisé par la constitution de 1987. Ce qui entraîne des
faiblesses dans ses structures internes et de la méfiance dans les
rapports avec les autres pouvoirs.
A- Faiblesses dans les structures internes
Les structures internes des deux Chambres ne présentent
pas de différences l'une par rapport à l'autre quant à
leur dénomination, leur organisation et leur mode de fonctionnement.
Le manque de cohérence dans l'organisation des organes
du parlement et l'inexistence de certaines structures fondamentales relatives
aux exigences constitutionnelles et réglementaires sont les
éléments qu'il convient de souligner comme signes indicateurs de
lacunes et de problèmes pour la bonne gestion du travail de
l'Assemblée dans la 46ème législature.
En effet, le règlement présente un cadre dans
lequel doivent s'inscrire tous les organes parlementaires. Ceux-ci sont
constitués d'une manière proportionnelle à la
configuration politique du parlement et sont appelés à engager
l'institution, suivant leurs compétences, dans les affaires qui leur
sont soumises.
a) Mauvais fonctionnement des organes du Parlement
Les considérations sur le mauvais fonctionnement des
organes du parlement ne doivent pas être vues sous un angle
réducteur, c'est-à-dire en ne tenant compte de la pratique ou des
activités de ces organes à la 46ème législature,
mais également à partir d'une analyse en profondeur des
mécanismes de leur composition et de leurs attributions.
1. Le Bureau de l'Assemblée
La configuration du bureau de l'Assemblée n'est pas
définie. De plus, les conditions d'éligibilité de ses
membres ne sont pas réglementées. Au Parlement, le
président du bureau doit être au-dessus des partis. C'est pourquoi
en France comme au Canada la fonction de président est incompatible avec
celui de Chef de l'Opposition ou de Député remplissant une
fonction gouvernementale.
Le règlement de la 46ème législature ne
prévoit aucun mode de consensus dans le choix des membres du bureau de
l'Assemblée. Ce qui entraîne une absence de cadre
réglementaire pour la négociation entre les différentes
forces politiques représentées au parlement. Ainsi le bureau
peut-être contrôlé entièrement par le groupe
parlementaire majoritaire. Dans ce cas il devient très difficile de
faire une bonne gestion des conflits d'intérêts au sein de
l'Assemblée et on ne pourra pas établir un équilibre dans
les rapports avec les autres groupes minoritaires.
2. Les Commissions permanentes
La loi portant nouveau règlement intérieur de
l'Assemblée sénatoriale en son article 156 indique d'une
façon imprécise la répartition des sièges dans les
commissions permanentes. La Chambre des Députés pour sa part n'a
prévu aucun mode de cooptation entre les différents groupes
politiques dans les commissions.
Le critère proportionnel de l'article 156 des
règlements intérieurs du Sénat reste un voeu pieux
puisqu'il n'existe aucune règle de définition de cette
proportionnalité.
Les règlements de la 46ème législature ne
prévoient aucune disposition relative à la répartition des
présidences au sein des commissions permanentes et du même coup ne
favorisent pas l'implication directe et responsable des Députés
et Sénateurs du groupe majoritaire et de l'Opposition officielle dans la
conduite des affaires du Parlement.
3. La Conférence des Présidents
La configuration de la conférence des présidents
et ses attributions dans la gestion et l'organisation du travail parlementaire
nécessite une cooptation arrêtée entre les groupes
politiques dans la formation des commissions permanentes. Si le partage n'est
pas fait d'une manière rationnelle au niveau des présidences de
ces commissions on pourrait confronter un blocage au sein de l'Assemblée
qui a pour devoir d'entériner les décisions de la
conférence des présidents.
Cependant, à la 46ème législature
haïtienne ce problème n'a pas été résolu. On
sait qu'au début de la législature il y avait un groupe politique
majoritaire appelé : LAVALAS et des Indépendants
qui n'en constituaient pas un. La formation des commissions permanentes
était faite d'une manière désintéressée sous
aucune base réglementaire mettant en question la
représentativité des divers horizons politiques au sein du
Parlement. Au contraire, les présidences desdites commissions
étaient reparties suivant les intérêts particuliers des
élus pour tel domaine. Par exemple, la présidence de la
commission de santé était attribuée à un
médecin, celle de l'agriculture à un agronome, etc.... Cette
situation est la même tant au niveau de la Chambre des
Députés que du Sénat de la République.
Aujourd'hui, les conflits au Parlement ont donné une
réalité à laquelle chaque Chambre devrait se conformer.
Ainsi trois blocs politiques sont constitués actuellement à la
Chambre des députés : le BPOPL, le groupe de concertation
anti-néolibéral et le GPI. Au Sénat de la
République on a le BPOPL et le Groupe
Indépendant. Pourtant, il n'y a pas eu de remaniement au sein
du bureau des commissions permanentes lors de cette nouvelle configuration
politique. Le règlement intérieur devrait exiger ce remaniement
à chaque fois qu'un nouveau bloc se constitue; à chaque fois
qu'il y a défection d'un membre d'un bloc qui occupait la
présidence de l'une des commissions permanentes.
b) L'inexistence de certaines structures
fondamentales
Le nouveau régime politique préconisé par
la constitution de 1987 crée un système semi parlementaire ou
semi-présidentiel qui donne lieu à de sérieuses
modifications dans la gestion des rapports entre le Gouvernement et le
Parlement.
D'autre part, les règlements intérieurs
prévoient certaines structures qui auraient pour rôle de dynamiser
la fonction parlementaire. Au fait, les questions d'ordre administratif des
différents services du Parlement sont régies par une loi
organique sur laquelle l'Assemblée est appelée à se
prononcer. Par ailleurs, quand il y a mésentente entre le pouvoir
législatif et le pouvoir exécutif, c'est un organe de
médiation qui en est saisi.
Enfin, le Parlement se doit d'établir un réseau
de communication avec la société civile. Ces points sont des
éléments fondamentaux dont le Parlement devrait oeuvrer à
la réalisation. Malheureusement la 46ème législature ne
bénéficie pas d'une telle organisation.
1. La Commission de conciliation
La commission de conciliation est créée au cas
où il y aurait un désaccord entre le pouvoir législatif et
le pouvoir exécutif. Dans sa composition, selon l'article 206 de la
constitution de 1987, il faut avoir le président et le
vice-président du Conseil Electoral Permanent. Le CEP n'étant pas
effectif, on ne dispose d'aucun moyen pour former cette commission.
La 46ème législature du parlement
haïtien a ratifié la déclaration de politique
générale du Gouvernement de Rosny SMARTH , cela implique
qu'il serait disposé à appuyer les réformes
économiques du Gouvernement comme il était question dans
l'énoncé du programme politique. Cependant le bras de fer
opposant le Gouvernement au Parlement conduit à la démission du
Premier Ministre. Voilà une question que cette commission aurait pu
trancher évitant ainsi au pays une crise de gouvernabilité et
toutes les retombées néfastes que celle-ci implique.
2. La Commission de presse et de relations
publiques
L'article 29-1 des règlements de la Chambre des
Députés stipule qu' : « Il est
créé au sein de l'Assemblée une commission permanente
dénommée : Commission de presse et de relations publiques dont le
but est de faire connaître au public les résultats des travaux de
la Chambre des Députés...». Au fait, le
Parlement pourrait profiter de cette commission pour se faire une image
à travers les médias et jouer pleinement son rôle dans le
système politique haïtien.
Arthur Siegel (1) a plaidé en faveur d'une tribune de
la presse parlementaire. Celle-ci devait être vue comme partie
intégrante du travail parlementaire et le Parlement devrait sauvegarder
ce service afin de renseigner le public sur les activités qui se
déroulent en son sein.
En outre, la commission de presse et de relations publiques
est un organe de diffusion d'informations sur les activités au
Parlement. Ainsi les citoyens auraient la connaissance des procédures
et des attributions législatives et pourraient voir si
l'Assemblée remplit bien ses fonctions en ce qui concerne
l'étude, l'amélioration et l'adoption de politiques et de mesures
législatives selon les prescriptions de la constitution et des
règlements en vigueur (2).
_______
1. SIEGEL, Arthur : Politics and the média in
Canada, Assemblée Nationale, Québec, 1996, p 206
2. LANDRY, Pierette : Le parlement et les médias
d'informations, colloque sur l'action parlementaire en démocratie,
P-a-P, 1997
B- Problèmes rencontrés dans la
procédure législative
L'absence de règles de procédures
législatrices handicape le bon fonctionnement du Parlement.
Députés et Sénateurs évoluent dans une
atmosphère de tension où à chaque situation
particulière ils n'ont aucune règle comme
référence. Aussi se sont-ils obligés de plagier dans les
coutumes extérieures ou dans la jurisprudence des autres
Assemblées.
a) Difficultés dans l'application des
règles de procédure
Tout le travail parlementaire repose sur des bases
procédurales. Les procédures de l'Assemblée sont
régies par la loi, son règlement, ses règles de
fonctionnement et les ordres qu'elle adopte.
A la 46ème législature, les procédures ne
font pas l'objet d'une loi, c'est-à-dire, ne sont pas contenues dans un
document de référence. La procédure est
déterminée en tenant compte des antécédents et des
usages de l'Assemblée. Certaines fois, les parlementaires ne retrouvent
pas le consensus sur la pratique des Assemblées antérieures faute
de recueils de décisions concernant les procédures
parlementaires.
On sait que le travail parlementaire consiste à faire
des lois et à contrôler l'Exécutif. Les règles de
procédure déterminent le délai entre les étapes de
l'élaboration et du vote de la loi ainsi que les décisions que
doivent prendre les commissions dans l'exercice du pouvoir de contrôle.
En Haïti, outre la carence de cadres techniques et de matériels au
Parlement, l'omission de délai dans les procédures
législatives constitue un manque à gagner pour tout le
système. Cette contrainte aurait renforcé la capacité
productrice de toute l'Assemblée. Ainsi, les heures de travail des
commissions, la régularité des séances
plénières de l'Assemblée, en un mot la gestion du travail
parlementaire pourrait être améliorée et l'institution
s'acquitterait avec beaucoup plus d'efficacité de la mission qui lui a
été dévolue par les lois et les règlements en
vigueur.
b) Problèmes dans le fonctionnement de
l'Assemblée
Le rôle de l'Assemblée c'est d'exercer un
contrôle sur l'action gouvernementale et de voter la loi. Toutes les
décisions de l'Assemblée sont prises par un vote à la
majorité de ses membres dans des séances plénières.
L'Assemblée est liée par son vote d'où la
nécessité de la participation de la majorité avant de
statuer définitivement sur la question. En effet, les procédures
législatives de la 46ème législature du parlement
haïtien ne sont pas différentes de celles des autres pays. Elles
font l'objet d'un cadre général qui contribue à une
meilleure organisation du travail parlementaire.
1. Les séances de l'Assemblée
Une séance correspond à chaque jour de travail
des parlementaires en Assemblée. Les députés et les
sénateurs haïtiens se réunissent pour trois séances
hebdomadaires : les mardis, mercredis et jeudis. Les travaux
débutent à 11 heures avec une pause entre 13 heures et 15 heures
pour se terminer à 18 heures. Toutefois, l'assemblée peut
décider de prolonger une séance jusqu'à épuisement
de la question en discussion.
Une séance de l'Assemblée n'est pas divisible.
Il n'y a pas d'agenda fixe, c'est-à-dire, un ordre
déterminé pour la conduite des débats. Le travail
parlementaire n'est donc pas chronométré. Le temps de parole,
l'ordre de préséance dans la prise de parole, le temps minimal
imparti à l'Assemblée pour se prononcer et bien d'autres points
importants pour la réussite d'une séance ne sont pas
respectés. Au Parlement haïtien il y a la promotion de la libre
expression à la tribune sans tenir compte de l'importance de la gestion
du temps et de la commande pour laquelle la séance a eu lieu.
2. Le vote
Les règlements intérieurs du Parlement
haïtien ne reconnaissent que trois types de votes :
- le Pour qui équivaut à un «OUI»
- le Contre qui équivaut à un
«NON»
- l'Abstention
Chaque parlementaire est libre de voter. Le vote est
personnel, mais la décision est collective. Le vote détermine la
décision de l'Assemblée. L'Assemblée est liée par
son vote et elle est la seule autorité compétente pour
l'interprétation de sa décision.
Selon les règlements en vigueur à la Chambre des
Députés et au Sénat de la République, les cas de
figure du vote sont :
- le vote à la majorité simple ou relative
- le vote à la majorité absolue des membres
présents
- le vote à la majorité absolue des membres du
Corps
- le vote à la majorité des deux tiers des
membres du corps
La détermination de ces majorités dépend
des effectifs de l'Assemblée, c'est-à-dire, le quorum.
3. Le quorum
Au Parlement haïtien le quorum n'est pas acquis une fois
que la séance ait débutée. L'Assemblée ne peut
prendre une décision qu'à la majorité des membres du Corps
réunie en séance. Cet état de fait handicape le travail
parlementaire puisque le quorum est fixe. Ce quorum est déterminé
en fonction du nombre de Députés ou de Sénateurs
prévu par la constitution. Ainsi, au Sénat de la
République le quorum est maintenu à 14 Sénateurs
présents sur 16 disponibles et à la Chambre des
Députés le quorum est fixé à 42
Députés présents sur 78 disponibles.
A la 46ème législature du Parlement
haïtien, il y a beaucoup de difficultés pour la tenue des
séances. Les parlementaires sont non seulement irréguliers, mais
ils pratiquent la politique de «la chaise vide» pour infirmer
le quorum. Les règlements intérieurs ne prévoient aucune
sanction pas même des dispositions pour réduire le quorum afin que
le Parlement puisse tenir séance en cas d'urgence.
4. La validité du vote de l'Assemblée
Le vote est valide si toutes les normes ont été
respectées. On entend ici par normes, les procédures et les
conditions dans lesquelles le vote a lieu.
L'article 64 des règlements intérieurs de la
Chambre des Députés fait injonction à tout
Député de voter sur toute question à la
délibération de laquelle il a participé. Le vote
n'étant pas nominal, comment vérifier l'application de cette
disposition ? Prenons à titre d'exemple le vote qui a lieu le 23
décembre 1997 lors de la séance de ratification de monsieur
Hervé Denis désigné Premier Ministre.
... En effet, il y avait 72 députés
présents; 34 avaient voté pour le rapport de la commission, 33
autres avaient voté contre ce rapport, 2 députés
s'étaient abstenus et 2 autres ne s'étaient pas prononcés.
Voilà une question de procédure apparemment insoluble.
A la question : « Oui ou non est-ce que monsieur
Hervé Denis est ratifié ?». Pas de réponse. Deux
semaines plus tard, ce même scénario se reproduisait quand il
fallait voter le procès-verbal de la séance de ratification du 23
décembre 1997 : 25 députés ne s'étaient pas
prononcés.
Les règlements intérieurs sont muets sur la
décision à adopter dans ce cas. Cette faiblesse crée la
confusion autour de la validité du vote puisqu'on ne peut pas
interpréter la position de ceux-là qui n'y ont pas
participé
Section 2. Problèmes rencontrés dans les
relations entre le Parlement et les autres Pouvoirs
La constitution de 1987 délègue la
souveraineté de la République d'Haïti à trois
pouvoirs: l'Exécutif, le Législatif et le Judiciaire. Dans son
préambule il est écrit que :
« Le peuple haïtien proclame la
présente constitution pour assurer la séparation des pouvoirs de
l'Etat au service des intérêts fondamentaux et prioritaires de la
Nation »
Dans cette section nous allons présenter au regard de
la constitution et des règles les rapports entre le Parlement et les
autres Pouvoirs.
A- La gestion des rapports entre le Législatif
et l'Exécutif
Bien que la constitution de 1987 établisse un
système semi parlementaire, elle accorde par ricochet de sérieux
pouvoirs au président de la République. Celui-ci, tout en
étant chef de l'Etat, a aussi des pouvoirs de Chef de Gouvernement : il
nomme avec son Premier Ministre les membres du Cabinet ministériel,
préside le Conseil des ministres et nomme les Directeurs
Généraux.
Le président de la République choisit le Premier
Ministre dans le parti majoritaire au parlement ou à défaut en
consultation avec les présidents des deux Chambres. Ce Premier Ministre
reçoit le vote de confiance du Parlement pour sa déclaration de
politique générale. Le Parlement quant à lui se doit
d'exercer un pouvoir de contrôle sur le gouvernement tout en maintenant
avec ce dernier des rapports harmonieux.
a) La ratification du Premier Ministre
La 46ème législature a fait l'expérience
de ratification de 3 Premiers Ministres : Rosny SMARTH, Ericq PIERRE et
Hervé DENIS.
La procédure mise en place pour ratifier le choix du
Premier Ministre est lourde et confuse. L'article 158 de la constitution fait
obligation à ce dernier de se présenter au Parlement pour avoir
son vote de confiance. Le Parlement est appelé à se prononcer sur
la déclaration de politique générale du Premier
Ministre.
Cependant, la jurisprudence parlementaire haïtienne
divise la ratification en deux étapes. Durant la première, une
commission chargée d'étudier les pièces du Premier
Ministre désigné suivant l'article 157 de la constitution
présente à l'Assemblée un rapport sur son
éligibilité. Ce rapport doit être voté à la
majorité des membres présents de l'Assemblée. Ensuite,
dans le cas d'un vote favorable, le Premier Ministre est donc invité
à faire sa déclaration de politique générale pour
recevoir le vote de confiance de l'Assemblée à la majorité
absolue des membres de ce Corps.
Cette situation rend complexe le processus de ratification vue
que le vote de l'Assemblée est à la fois technique et politique.
Deux cas de figure peuvent nous donner raison :
1o) Le cas d'Ericq PIERRE
L'Assemblée des Députés a rejeté
le choix d'Ericq PIERRE parce que « ce dernier n'avait pas soumis à
la commission l'acte de naissance de sa grand'mère». La commission
avait donné un rapport favorable au choix de monsieur PIERRE, pourtant
certains membres de ladite commission ont voté contre le rapport.
2o) Le cas d'Hervé DENIS
Le dossier de monsieur DENIS était conforme à
l'article 157 de la constitution et le rapport de la commission était
correct. Quoique l'Assemblée n'ait point relevé de failles, elle
a fait un vote politique plutôt que technique et rejeté le choix
d'Hervé DENIS. Lors du vote du rapport de la commission, alors que la
commission recommandait un vote positif, la majorité des membres de
cette même commission votait contre le rapport de ratification.
Le vote de ratification du choix d'un Premier Ministre ne doit
pas être considéré comme un vote politique. Il doit
être une application de l'article 157 de la constitution.
L'Assemblée aura le temps de faire valoir ses points de vue politique
dans la séance de présentation de la déclaration de
politique générale du Gouvernement.
b) Le contrôle de l'action gouvernementale
Dans son énoncé de politique
générale, le Premier Ministre présente les grandes lignes
de l'action de son gouvernement mais il ne dit pas comment il va
procéder. A partir de la ratification de l'énoncé de
politique générale du gouvernement, les deux pouvoirs s'engagent
l'un vis-à-vis de l'autre à travailler ensemble pour
l'application du programme du gouvernement.
L'énoncé de politique générale du
gouvernement sert de cadre de référence dans l'élaboration
des mesures ou lois déposées au Parlement. Cependant, avec la
46ème législature, les rapports entre le pouvoir exécutif
et le pouvoir législatif ne sont pas toujours au beau fixe. Le manque de
dynamisme de part et d'autre, l'incohérence des membres de groupes
parlementaires, la faiblesse ou l'absence de règles de procédures
législatives ainsi que la responsabilité attribuée au
Parlement dans la mise en place du gouvernement sont autant de
difficultés qui rendent difficile une collaboration harmonieuse entre
ces deux pouvoirs. De plus, dans ses prérogatives constitutionnelles le
Parlement peut exercer son pouvoir de contrôle sous trois formes : les
questions, les interpellations et les enquêtes préliminaires.
1o) Les questions
Les séances de questionnement ont lieu ou bien en
Assemblée ou bien en commission. Une commission peut demander à
entendre un membre du gouvernement sur une question relevant de sa
compétence.
Cette séance ne donne pas lieu à une motion de
censure. Cependant, la commission peut recommander à l'Assemblée
l'interpellation du concerné. A ce stade on applique l'article 129-3 de
la constitution.
2o) Les interpellations
Le Parlement exerce son pouvoir de contrôle par
l'interpellation d'un ministre ou du gouvernement en entier. L'article 129-3 de
la constitution stipule que :
«La demande d'interpellation doit être
appuyée par cinq (5) membres du Corps intéressé. Elle
aboutit à un vote de confiance ou une motion de censure pris à la
majorité de ce Corps».
Le vote de la motion de censure entraîne la
démission automatique du ministre interpellé ou du
Gouvernement.
La procédure d'interpellation du gouvernement n'est pas
définie. Le 26 mars 1997, la Chambre des Députés a
interpellé le Premier Ministre Rosny SMARTH. En réalité,
il n'y avait pas eu la majorité requise pour un vote de confiance ou une
motion de censure. Le fait de ne pas trouver une majorité pour le vote
de la motion de censure ne signifie pas que le Premier Ministre a eu un vote de
confiance. Or, les règlements intérieurs de la Chambre attribuent
le rejet de la motion de censure à un vote de confiance. Cependant, le
Premier Ministre n'avait aucun moyen pour prouver qu'il dispose d'une
majorité au Parlement. De fait, deux mois plus tard, soit le 9 juin
1997, il a dû présenter sa démission au Parlement.
3o) Les enquêtes préliminaires
Les enquêtes sont réalisées sur des
questions d'ordre public par des commissions spéciales. Malheureusement
ces enquêtes n'aboutissent jamais. On sait que le Sénat de la
République a ouvert plus d'une dizaine d'enquêtes. Citons par
exemple: ( l'Affaire TEVASA S.A; la vente des six avions de l'Etat, le
détournement des 20.000.000 de dollars de TAIWAN pour la construction de
la route de Carrefour, etc. ). Plusieurs personnes et responsables de l'Etat
ont été entendus au Sénat de la République. Aucune
décision n'a été prise et toutes ces affaires sont
restées pendantes.
D'un autre coté, le Parlement n'a pas les moyens
nécessaires pour exercer son contrôle sur les activités
financières du gouvernement. La commission bicamérale sur les
dépenses de l'Etat est dysfonctionnelle. Elle ne peut, à partir
d'une somme dépensée qui aurait dépassée le
barème , effectuer des études sur les engagements financiers de
l'Etat. De plus, il manque au Parlement son propre vérificateur qui
travaillerait sur des dossiers ou engagements financiers en cours
d'exercice.
c) La définition des règles de protocole
et de préséance
Très souvent, les légèretés
enregistrées dans les rapports entre l'Exécutif et le
Législatif proviennent du non respect des règles et protocoles.
En effet, ce problème se pose le plus souvent par rapport aux statuts
officiels des membres du Corps législatif.
Les rapports entre le Parlement et le Ministère des
Affaires Etrangères ne sont pas définis. Ils devraient toucher
des questions relatives à : l'encadrement des activités
diplomatiques du Parlement; de la gestion des missions étrangères
auprès du Parlement; l'appui aux parlementaires en mission et leurs
capacités et qualité dans la négociation d'accords ou de
conventions au nom de l'Etat haïtien.
Au regard de la législation haïtienne en la
matière, il n'existe pas de cadre réglementaire de ces rapports.
C'est pourquoi la nécessité pour qu'un cérémonial
protocolaire soit introduit se fait sentir. Il est aussi urgent que soit
dissipée toute forme de discrimination entre les membres de ces deux
pouvoirs.
B- La gestion des rapports entre le Législatif
et le Pouvoir Juridictionnel
a) Le Pouvoir Législatif et la Cour de
Cassation
La Cour de Cassation est la plus haute instance du pouvoir
judiciaire. Les membres de la Cour sont nommés par le Chef de l'Etat sur
recommandation du Sénat de la République.
L'article 180 de la constitution stipule que :
«La Cour de Cassation se prononce sur les conflits
d'attributions , d'après le mode réglé par la
loi».
Cet article manque de précision quant aux affaires
dont la Cour pourrait se saisir d'office. Car il y a deux autres instances qui
ont ces mêmes attributions : La Cour Supérieure des Comptes et du
Contentieux Administratif et la Commission de Conciliation.
De plus, les rapports entre le Législatif et le
Judiciaire ne sont pas réglementés. Dans notre système
judiciaire il n' y a pas de Cour Constitutionnelle; ainsi les problèmes
d'inconstitutionnalité des lois sont traités par la Cour de
Cassation suivant l'article 183 de la constitution. Cependant, l'article 183-1
de cette même constitution donne au Législatif la faculté
d'interpréter la loi.
b) Le Pouvoir Législatif et la Cour
Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif
Le Parlement joue un rôle important dans la formation de
la CSC/CA. En effet, les membres de ladite Cour sont nommés directement
par le Sénat de la République. (cf. Art 200-6). La Cour
Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif partage la
responsabilité du contrôle administratif et financier de l'Etat
avec le Parlement. Celui-ci, dans ses attributions constitutionnelles, examine
le rapport de la CSC/CA sur les comptes généraux et se prononce
définitivement sur toute question de décharge.
La CSC/CA fait un travail technique et dispose à cet
effet des cadres qui s'y connaissent. Cependant au Parlement haïtien, il
n'y a pas un organe de vérification des comptes et d'expertise. Le
rapport de la CSC/CA est soumis à la sanction de la commission des
finances et/ou à celle de la commission de décharge qui
présente à son tour , après une étude
détaillée, un rapport à l'Assemblée. La
décision de l'Assemblée étant souveraine, n'est
susceptible d'aucun recours. Cette situation accorde un pouvoir de
décision sur une question technique à un organe politique.
En réalité, le concept d'indépendance des
pouvoirs est mal compris et mal orienté dans notre système . La
carence de lois adaptées à notre nouveau régime politique
entrave considérablement le développement des rapports harmonieux
entre les pouvoirs.
En somme, les règlements intérieurs du Parlement
haïtien ont trop de lacunes et de faiblesses pour ne pas soulever de
problèmes en ce qui concerne le fonctionnement des organes internes, et
la gestion des rapports avec les autres pouvoirs. L'absence de
législation adaptée au nouveau système politique
haïtien et l'incohérence constatée dans les pratiques des
pouvoirs de l'Etat contribuent à l'émergence de conflits de part
et d'autre. Dans la perspective d'une meilleure organisation du travail
parlementaire et de l'institutionnalisation effective du Pouvoir
Législatif haïtien, le prochain chapitre considèrera les
options qui pourraient servir de pistes de solutions pour une nouvelle
conception de la réglementation et de l'exercice du Pouvoir
Législatif en Haïti.
Chapitre II: Une nouvelle approche de l'organisation
du Pouvoir Législatif haïtien
On est unanime à reconnaître que par peur d'un
Exécutif totalitariste, la constitution de 1987 établit un
Législatif fort et omnipotent : ayant un contrôle permanent sur le
pouvoir exécutif. De plus, celui-ci ne peut, en aucun cas
procéder à sa dissolution.
Les Législatures qui se sont succédées
depuis la charte de 1987 n'ont pas bénéficié d'une
culture démocratique qui favoriserait un mode d'organisation interne
adéquat, ainsi que des rapports harmonieux avec les pouvoirs
externes.
Pour ne pas trahir l'esprit des constituants de 1987, il nous
faut évidemment un mode d'organisation du Parlement qui répond
aux exigences de l'heure. Ainsi nous considèrerons dans ce chapitre deux
perspectives. La première tiendra compte des règlements
intérieurs comme cadre de référence indispensable au bon
fonctionnement du Parlement; et la seconde envisagera une loi parlementaire
comme complément aux règlements et guide de gestion et
d'orientation du pouvoir législatif.
Section 1. Une organisation par des
règlements
Certes, le Parlement haïtien exerce sa mission
constitutionnelle en vertu de certains règles et principes bien
déterminés qui traitent les questions relatives à son
organisation et à son fonctionnement. Cependant, les lacunes et les
problèmes enregistrés ou soulevés dans le
précédent chapitre nous permettent d'aborder cette section en
deux aspects qui pourraient servir de pistes dans le cas d'un nouveau
règlement intérieur pour le Parlement haïtien.
A- Des règlements tenant mieux compte des
réalités haïtiennes
Ici, il ne s'agit pas pour nous de faire une étude
à caractère sociologique, mais au contraire de porter nos
considérations sur des pratiques parlementaires au cours des trois
dernières législatures au regard des règlements
intérieurs. Ainsi, pour répondre aux réalités
haïtiennes, il faut tout d'abord se questionner sur la pertinence d'un
texte idéal et ensuite sur son adaptation au contexte haïtien.
a) Le contenu d'un texte idéal
On sait pertinemment qu'il n'y a pas de recette universelle
applicable dans tous les cas. Cependant, au point de vue doctrinal et suivant
le développement du système parlementaire, on peut s'entendre sur
certains points fondamentaux dont tout règlement intérieur ne
peut se passer.
Il est important de se rappeler que chaque Chambre est
maîtresse de ses règlements intérieurs. Ceux-ci ont un
caractère restrictif puisqu'ils ne sont applicables qu'à
l'Assemblée qui les a adoptés. En effet, le règlement
intérieur est le cadre indispensable qui définit dans des termes
clairs et précis toutes les questions relatives au fonctionnement et
à l'organisation de toutes les structures parlementaires.
Le règlement détermine les règles
d'organisation et de fonctionnement du bureau de l'Assemblée, celles des
commissions, des groupes politiques parlementaires et de tout autre organe du
pouvoir législatif. Il précise leurs attributions, leur mode de
composition, leur durée et leurs rapports avec l'assemblée et
l'extérieur.
C'est dans les règlements intérieurs qu'on
retrouve les procédures générales au processus
législatif, à l'organisation des séances et à la
détermination des dispositions de l'Assemblée parlementaire. Dans
l'exercice des prérogatives de contrôle ou de législation,
les règlements intérieurs établissent les
procédures à suivre pour chaque question particulière.
Les règlements intérieurs répondent aux
commandes constitutionnelles. C'est pourquoi en France , par exemple, ils sont
soumis à la Cour Constitutionnelle qui se prononce sur sa
conformité avec la loi mère.
Par ailleurs, les règlements intérieurs donnent
des directives sur l'organisation des services de l'Assemblée
parlementaire, c'est-à-dire, les services administratifs, les services
financiers et les services techniques. L'Assemblée parlementaire est
purement politique, il faut lui adjoindre des compétences
administratives et techniques. C'est le Secrétariat
général qui, de concert avec le bureau de l'Assemblée,
gère toutes les questions d'ordre administratif et financier. Pour le
personnel parlementaire, c'est-à-dire, les experts et hauts cadres
contractuels, leurs traitements relèvent directement du bureau de
l'Assemblée sous recommandation des commissions et/ou de
l'Assemblée.
Enfin, les règlements intérieurs organisent le
processus d'exercice du pouvoir de contrôle du Parlement sur le
Gouvernement. Toutes les questions concernant le programme ou la
déclaration de politique générale du gouvernement y sont
prises en considération pour la mise en jeu de la responsabilité
gouvernementale. Ainsi l'Assemblée procède par des questions
orales, écrites, des commissions d'enquêtes et des interpellations
qui pourraient conduire à des motions de censure qui aboutissent
à la démission du gouvernement. Cette compétence
s'élargit jusqu'à la saisine de la Haute Cour de Justice
où la responsabilité du Chef de l'Etat peut être mise en
cause et sa destitution prononcée conformément aux dispositions
constitutionnelles.
b) Le contenu d'un texte adapté à
Haïti
Outre les éléments fondamentaux
susmentionnés, le règlement intérieur doit refléter
les aspirations constitutionnelles et s'inscrire dans un cadre adéquat
tenant compte des réalités politiques, sociales et
économiques.
Il est important de se rappeler que les constituants de 1987
ne demandaient pas plus qu'un changement de régime en faisant du
parlement le véritable pouvoir représentatif du peuple. Ainsi ils
voulaient que le Parlement devienne le plus haut lieu des débats sur la
vie nationale (1).
Les conditions d'éligibilité
évoquées par les articles 91 et 96 de la constitution ne nous
habilitent pas à dresser le profil de la configuration du Parlement.
Pour cela des correctifs doivent être apportés dans l'organisation
et le fonctionnement de celui-ci.
_____________
1. CLAUDE, Moïse : op, cité, p 21
En effet, sur le plan politique, il faudra arriver à
mettre des structures adéquates pour le fonctionnement des blocs
politiques au sein du parlement. Le système de
représentativité proportionnelle doit intégrer les
règlements intérieurs . A l'instar de la constitution, le
règlement intérieur doit privilégier le dynamisme de la
coopération et de la participation des groupes organisés. La
représentativité proportionnelle des blocs politiques dans la
composition des organes de l'Assemblée doit être une règle
bien définie. Ainsi on aurait moins de difficultés dans le choix
des membres desdits organes, et on résoudrait du même coup la
question de leur dysfonctionnement pour faute de quorum ou celle des
irrégularités dans les horaires de travail.
Les parlementaires haïtiens sont issus en majeure partie
de la classe moyenne. Cependant, il existe entre eux trop d'écarts en
matière de formation. A la 46ème législature du parlement
haïtien , la majorité des élus sont des leaders de groupes
de base. Ce qui explique une certaine méconnaissance des règles
protocolaires parlementaires. Les règlements intérieurs doivent
être un canevas correspondant aux normes générales du
statut parlementaire. Ils doivent mettre en relief les disparités et
les contourner par l'établissement d'un service d'assistance aux
commissions parlementaires et aux élus : un service d'appui technique.
Les parlementaires doivent être soumis à des horaires fixes de
travail et à un agenda comprenant toutes les questions qui seront mises
en discussion dans les séances plénières.
En tant que représentant du peuple et de la
République, le parlementaire doit pouvoir se procurer de certains biens
nécessaires et convenables à son statut. Il est inconcevable que
le traitement réservé à un parlementaire soit
extrêmement minime au regard de son statut. Toutefois la fonction
parlementaire ne doit pas être un moyen sûr pour s'enrichir.
En Haïti, un élu est toujours en difficulté
quand il doit traiter avec ses mandants. C'est pourquoi , ne pouvant pas
répondre aux diverses demandes des habitants de sa localité, il
est obligé de rester à la capitale au lieu de se rendre dans sa
circonscription. Le Bureau du Député et du sénateur
créé par les règlements ne peut pas résoudre ces
problèmes. Au contraire, il va les augmenter. Le règlement doit
définir un régime financier adapté aux
réalités haïtiennes aux fins de contrôler les avoirs
et les dépenses des parlementaires.
B- Des règlements tenant mieux compte du
système politique haïtien
La Constitution de 1987 nous donne un système politique
ayant un Exécutif à deux têtes: un Président de la
République, chef de l'exécutif élu au suffrage universel
direct à la majorité absolue des voix et un Premier Ministre,
chef du gouvernement issu du partie majoritaire au Parlement , qui doit avoir
une majorité confortable pour l'application de son programme de
politique générale. Cependant, l'originalité de ce
système présente certains points d'ombres auxquels il faut
apporter des précisions par le biais des règlements.
a) Les contraintes constitutionnelles du
système politique haïtien
Outre les contraintes relevant du dynamisme des relations
entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif, il convient
de souligner celles qui sont issues de la constitution de 1987.
En effet, la constitution de 1987 fait injonction au Chef de
l'Etat de choisir son Premier Ministre au sein de la majorité
parlementaire. Cela sous-entend que tout Premier Ministre
bénéficiera d'une majorité fonctionnelle au Parlement qui
soutiendra son programme de gouvernement. Cependant, la loi n'est pas claire
sur la nature de cette majorité. De plus, le Premier Ministre est
responsable devant le Parlement. La cohabitation du Chef de l'Etat avec un Chef
de Gouvernement qui peut être d'un autre parti ou secteur politique
constitue un point fort du nouveau système politique haïtien et que
le parlement doit gérer avec perspicacité.
Le Chef de l'Etat est élu sous une base programmatique
qui pourra être désorientée dans le cas où le chef
du gouvernement n'est pas de son parti politique. Cependant, les deux partagent
les reines du pouvoir exécutif selon l'article 133 de la Constitution
:
« Le pouvoir exécutif est
exercé par:
a) Le Président de la République,
Chef de l'Etat
b) Le Gouvernement ayant à sa tête un
Premier Ministre »
L'article 161 quant à lui accorde au Premier Ministre
et aux Ministres le privilège d'entrer aux Chambres pour soutenir les
projets de lois et présenter les objections du Président de la
République. Dans les rapports au quotidien, le Président est un
personnage discret qui n'est pas responsable par devant le Parlement mais qui
veille au respect, à l'exécution des prescrits de la
constitution et à la stabilité des institutions.
La constitution de 1987 établit un mode de scrutin
unique pour tous les niveaux électoraux : le suffrage universel direct.
D'autre part, les structures et les postes sont élevés et
coûteux. La fréquence des élections polarise les
énergies et les moyens. Elle affaiblit les acteurs politiques qui
doivent tous les deux ans mobiliser l'électorat, laissant ainsi de
côté d'autres institutions fondamentales à la
démocratisation du pays.
Le Député ou le Sénateur doit sauvegarder
son mandat. Aussi exerce-t-il des pressions sur l'Exécutif pour la
réalisation de projets dans sa circonscription - C'est une garantie pour
un autre mandat puisqu'il est indéfiniment rééligible - Le
parlementaire doit trouver des moyens légaux pour s'en sortir. C'est
dans les règlements seuls qu'il peut chercher à résoudre
ces difficultés. Le règlement n'est pas un texte contradictoire
à la constitution mais il la complète en établissant un
cadre idéal de fonctionnement de l'Assemblée en tenant compte des
exigences du système politique préconisé par la
constitution.
b) Des règlements adaptés aux
contraintes constitutionnelles
La nouvelle réglementation du Parlement haïtien
doit apporter des réponses claires et nettes sur les
ambiguïtés du système politique haïtien. En effet, il
faut réorganiser les organes de l'Assemblée et créer de
nouvelles commissions aux fins d'alléger le travail parlementaire et de
rendre le Parlement beaucoup plus productif tout en exerçant avec
efficacité ses attributions constitutionnelles.
Les organes de l'Assemblée parlementaire constituent
l'épine dorsale du Parlement. Toutes les délégations du
pouvoir législatif sont attribuées à ses organes. Une
bonne organisation dans leur mode de composition et de fonctionnement est une
garantie pour la stabilité de l'institution.
Néanmoins, les règlements antérieurs du
Parlement haïtien n'avaient pas pris en considération les enjeux
que représentent ces organes dans le processus législatif. Ils
les avaient créés et de fait ils sont crées sans tenir
compte dans leur composition des différents courants politiques
présents au Parlement.
Le nouveau Règlement intérieur du Parlement
doit permettre aux partis politiques de jouer leur partition au sein des
organes de l'Assemblée conformément à la constitution. De
plus, la constitution de 1987 reconnaît la puissance des partis
politiques, qui doivent construire une majorité au Parlement. La
formation des blocs politiques est le premier pas devant conduire à une
représentativité au sein des organes du Parlement.
Le mode de composition des organes du parlement doit se faire
sous une base rationnelle : en fonction de la proportionnalité des
groupes parlementaires et en raison de l'importance de ces organes dans le
processus législatif. Ainsi le bureau de l'Assemblée sera
formé d'un président qui ne fait partie d'aucun groupe
parlementaire et d'autres membres reflétant la configuration des blocs
politiques.
Par ailleurs, le règlement doit déterminer
également les préséances en ce qui concerne la composition
des différentes commissions permanentes, ce pour éviter toute
confusion au moment du choix de ses membres. Avec cette nouvelle
réglementation, le choix des membres des commissions se fera en raison
de l'appartenance politique du parlementaire; et toute défection au sein
d'un bloc pourra conduire à une nouvelle composition de la commission
affectée. Cette composition doit refléter l'importance
numérique des groupes parlementaires et tenir compte de la
présence des indépendants à l'Assemblée.
Pour un bon fonctionnement des commissions parlementaires , la
répartition des présidences doit être arrêtée
par les règlements intérieurs et aucun parlementaire ne doit
être membre que d'une seule commission. Il faut procéder à
la refonte des commissions permanentes et définir expressément
leurs champs de compétence. Par exemple on pourra réduire les
commissions permanentes à six (6) au sein de chaque Assemblée
telles que:
1o) Commission permanente des Finances, Administrations et
Fonction Publique, Affaires Etrangères, Planification et
Coopération Externe;
2o) Commission permanente des Affaires Sociales,
Santé Publique et de la Population, Conditions Féminines, Droits
Humains, Haïtiens d'outre-mer;
3o) Commission permanente de l'Economie et du Travail,
Industrie, Commerce, Tourisme, Energie et Ressources
4o) Commission permanente d'Agriculture, Environnement,
Réforme Agraire, Travaux Publiques, Transports et Communication;
5o) Commission permanente de l'Intérieur,
Défense, Justice et Police
6o) Commission permanente de l'Education, Sports,
Jeunesse, Alphabétisation, Culture, Cultes et Information.
D'autre part, le règlement doit comporter certaines
clauses pouvant permettre un climat propice à une bonne gestion des
séances de l'Assemblée. Elles concerneraient :
1o) La durée des débats et du temps de
parole sur toute question;
2o) Le délai d'adoption de la loi
déposée au Parlement;
3o) Les horaires de travail des commissions;
4o) La fixation des affaires courantes et affaires du
jour: heures et ordre des affaires courantes et affaires du jour;
5o) Le décorum à
l'Assemblée;
6o) Les préséances dans les interventions
à la tribune...
Toutefois, le règlement intérieur ne peut
à lui seul résoudre tous les problèmes de fonctionnement
et d'organisation du pouvoir législatif. Chaque Chambre est
maîtresse de ses règlements. Ainsi les dispositions communes aux
deux Chambres ne peuvent pas se retrouver dans les règlements
intérieurs, d'où la nécessité d'avoir une loi cadre
relative à l'exercice du pouvoir législatif.
Section 2. Une organisation par la loi
parlementaire
Le domaine des règlements est trop restrictif pour la
réalisation du pouvoir législatif. L'article 120 de la
constitution de 1987 stipule qu': « ... Aucun projet de loi ne
devient loi qu'après avoir été voté dans la
même forme par les deux (2) Chambres ». Le
Sénat et la Chambre des Députés partagent les mêmes
attributions législatives. Il faut en conséquence harmoniser les
rapports interparlementaires entre les deux Chambres. Le régime
politique haïtien impose une collaboration entre le pouvoir
exécutif et le pouvoir législatif pour la démocratisation
de toutes les institutions du pays. La réglementation de ces rapports
nécessite alors une loi parlementaire comme cadre de
référence.
A- Les avantages d'une loi parlementaire
La loi parlementaire peut être considérée
sur deux aspects avantageux par rapport aux règlements
intérieurs: au point de vue réglementaire, elle va au-delà
des règlements intérieurs qui peuvent varier d'une Chambre
à l'autre.
a) La valeur juridique d'une loi
parlementaire
La loi parlementaire est l'oeuvre du Législatif.
Certes, mais l'Exécutif a un droit d'objection. Ces deux pouvoirs sont
donc impliqués directement dans la mise en oeuvre du processus
législatif. Avec sa portée générale et
impersonnelle, la loi parlementaire est supérieure aux règlements
intérieurs. Elle est imposable aux deux Chambres ainsi qu'à
l'Exécutif. Elle est quasi intangible. Tout amendement ou abrogation
doit avoir le consentement des deux pouvoirs ou du moins celui de la Chambre
des Députés et du sénat. Tandis que le règlement
intérieur ne concerne que la Chambre qui l'a adopté.
b) L'étendue de la loi par rapport au
règlement
La loi parlementaire peut s'inscrire dans un cadre global de
réglementation de l'exercice du pouvoir législatif. Elle pourra
aborder toute question qui échappe au domaine proprement
réglementaire dont les Assemblées sont appelées à
traiter, à savoir:
1o) l'organisation et le fonctionnement du Parlement:
composition, durée et pouvoir de l'Assemblée parlementaire; les
questions relatives aux élections législatives, des
vacances,...
2o) les procédures générales
relatives au vote de la loi et au contrôle parlementaire;
3o) le statut parlementaire : droits , privilèges
et immunités; les incompatibilités de fonction, les conflits
d'intérêts,...
4o) les dispositions pénales;
5o) les relations interparlementaires;
6o) le régime financier de l'Assemblée, le
traitement des différents groupes politiques au sein du Parlement,
notamment les indemnités des parlementaires,...
Toutefois, ces dispositions peuvent être reprises par
les règlements intérieurs. Mais compte tenu de ses
caractères généraux impliquant les deux pouvoirs,
Exécutif et Législatif, il est souhaitable qu'elles puissent
faire l'objet d'une loi parlementaire.
B- Aperçu sur le contenu d'une loi
parlementaire
Dans certains pays, au Canada par exemple, outre les
règlements intérieurs; l'Exécutif et le Législatif
arrêtent une loi institutionnalisant le pouvoir législatif. C'est
dans cette loi que l'on retrouve toutes les questions relatives aux rapports
interparlementaires et celles relatives aux rapports entre le pouvoir
exécutif et le pouvoir législatif en ce qui concerne la
législation et le contrôle parlementaire.
En Haïti, jusqu'à présent nous n'avons pas
ce cadre réglementaire qui pourrait permettre à une meilleure
harmonisation des rapports entre ces deux instances étatiques. Aussi
proposons-nous dans notre étude quelques éléments qui
pourraient être approfondis au cas où les autorités
constitutionnelles arriveraient à comprendre la nécessité
de légiférer sur l'exercice du pouvoir législatif
haïtien.
a) Questions relatives aux relations
interparlementaires
Le parlement haïtien est bicaméral. En
matière législatrice les deux Chambres ont la même
compétence. Aucune loi ne peut être promulguée si elle
n'avait pas été votée par les deux Chambres. La loi
parlementaire réglementerait le processus législatif au niveau
des deux chambres.
Tout le monde reconnaît que les va-et-vient de la loi
entre les deux Chambres ne facilitent pas une bonne gestion du travail de la
législature. Dans le but de respecter la constitution, il faut prendre
des mesures appropriées pour améliorer le processus
législatif. Ainsi nous préconisons la création de
plusieurs commissions bicamérales permanentes pour l'étude
détaillée de certains projets ou propositions de loi. Dans cette
perspective, on devrait avoir :
1o) une commission bicamérale permanente en vue
d'examiner tous traités, accords, conventions ou contrats soumis
à la ratification de l'Assemblée Nationale et intéressant
plusieurs commissions permanentes;
2o) une commission parlementaire bicamérale
permanente en vue d'examiner le budget de la République;
3o) une commission parlementaire bicamérale
spéciale en vue d'examiner les dossiers du Premier Ministre soumis
à la ratification...
La création de ces trois commissions ne trahirait en
rien l'esprit et la lettre de la constitution haïtienne de 1987 . Au
contraire, elle favoriserait un déblocage dans les travaux de la
législature et le processus législatif serait plus souple et
moins lourd.
Néanmoins, ce serait illusoire de croire que les
organes actuels du Parlement haïtien, que ce soit à la Chambre des
Députés ou au Sénat de la République, conviennent
pour l'application de telles mesures. Il faut créer un organe de liaison
entre les deux Chambres pour faciliter leurs rapports. La loi parlementaire
déterminerait le cadre de fonctionnement et d'organisation de cette
structure de liaison comme organe administratif de l'Assemblée
Nationale. Cet organe pourrait être appelé:
Secrétariat Général du Parlement.
Il aurait à sa tête un Secrétaire Général et
deux Secrétaires adjoints dont l'un sera attaché à la
Chambre basse et l'autre à la Chambre haute. Le mode de
désignation de ses membres et ses champs de compétence seraient
définis par la loi parlementaire et les règlements
intérieurs.
b) Questions relatives aux relations entre le
Parlement et le Pouvoir Exécutif
Le pouvoir législatif est appelé à faire
des lois et à exercer un contrôle sur la gestion des affaires
publiques. Il accompagne l'Exécutif dans le processus
démocratique. Les rapports entre l'Exécutif et le
Législatif ne sont pas des rapports de force et de confrontation. Ils
devraient plutôt traduire la franche collaboration exigée par la
constitution.
C'est illusoire de penser que le parlement haïtien a
toujours tenu son rôle dans le développement du processus
démocratique institué par le système politique
haïtien préconisé par la constitution de 1987. D'autre part,
les gouvernements qui se sont succédés depuis 1987 n'ont jamais
contribué à la création d'un espace favorisant le bon
fonctionnement du Parlement.
Notre apprentissage démocratique demande
d'énormes sacrifices pour sa survie. Les exigences constitutionnelles
sollicitent chaque jour la volonté de l'Exécutif et celle du
Législatif à développer des rapports harmonieux.
Le Gouvernement est issu d'une majorité parlementaire.
Celle-ci est élue au suffrage universel. Elle est porteuse des
desiderata du peuple. Il n'est pas évident que l'un profite de la
faiblesse de l'autre. Seule une parfaite coordination de leurs actions
apportera le changement tant souhaité et réclamé par la
nation.
L'harmonisation des rapports entre le pouvoir
législatif et le pouvoir exécutif nécessite un couloir de
communication entre ces pouvoirs. D'où l'importance d'une structure de
liaison entre le Parlement et le Gouvernement. Aussi recommandons-nous pour une
structure permanente de gestion des rapports entre l'Exécutif et le
Législatif les éléments suivants:
1o) la création d'une unité, au sein de
chaque ministère, chargée des affaires parlementaires;
2o) la création d'un bureau technico-administratif
des rapports Exécutif Législatif comprenant des membres
désignés par les trois entités de ces pouvoirs.
3o) la création d'une structure gouvernementale
chargée des relations avec le Parlement ayant à sa tête un
représentant officiel du Premier Ministre et du Gouvernement.
Nous préconisons que ces organes soient l'objet de la
loi parlementaire. En effet la mise en place de telles structures aurait la
vertu de mieux harmoniser les rapports entre le pouvoir exécutif et le
pouvoir législatif. Elle mettrait du dynamisme dans les travaux
parlementaires. Ces relations pourraient s'étendre jusqu'au
fonctionnement des différents organes de l'Assemblée: la
Conférence des présidents se réunirait ainsi
régulièrement avec le représentant officiel du Premier
Ministre. Les Ministres auraient la possibilité d'entrer chaque jour au
Parlement pour expliquer aux parlementaires leurs politiques et projets.
En somme, toutes ces considérations et recommandations
seraient des voeux pieux s'il n'y a pas une meilleure organisation interne du
Parlement haïtien. C'est pourquoi il est impératif de restructurer
le Parlement en le dotant d'une nouvelle réglementation qui
préciserait la composition et le mode de fonctionnement des organes de
l'Assemblée, le rôle des groupes politiques dans le processus
législatif et de contrôle du gouvernement. Cette
réglementation renforcerait les appuis techniques aux commissions et aux
parlementaires, favoriserait la cohésion du travail des deux Chambres et
harmoniserait les rapports entre le Pouvoir Législatif et le Pouvoir
Exécutif.
CONCLUSION
Deux courants ont alimenté le régime
parlementaire: l'un moniste, qui préconise une cohabitation souple entre
le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif; et l'autre
dualiste, qui opte pour un Exécutif fort au détriment du
Législatif.
Dans l'un ou l'autre des courants, le Parlement en tant
qu'institution nécessite un cadre légal de fonctionnement et
d'organisation. Le règlement intérieur est arrêté
par l'Assemblée parlementaire comme un instrument organisant toutes les
structures au sein de l'Assemblée en déterminant les
procédures à adopter sur toute question relevant de sa
compétence.
L'absence ou l'inadéquation des règlements
intérieurs au Parlement haïtien constitue un problème majeur
pour l'épanouissement du système politique établi par la
constitution de 1987. Le faible bilan des travaux du Parlement résulte
en grande partie de sa mauvaise gestion interne, des lacunes des
règlements intérieurs, de la non consolidation de blocs
politiques parlementaires, de l'absence de structures technico-administratives
et d'un couloir de communication officielle entre le pouvoir législatif
et le pouvoir exécutif.
Par conséquent, il faut non seulement un
règlement intérieur adapté aux réalités
haïtiennes et aux exigences constitutionnelles, mais également une
loi parlementaire pour la réglementation des rapports
interparlementaires, de ceux existant entre le Législatif et
l'Exécutif et de toute question ne pouvant faire partie des
règlements intérieurs du Parlement.
L'objectif de notre travail est de sensibiliser les
autorités compétentes sur la nécessité de prendre
des mesures pour qu'il y ait une nouvelle approche dans la
réglementation du pouvoir législatif haïtien aux fins
d'arriver à une bonne gestion du travail parlementaire et à une
harmonisation des rapports entre le Législatif et l'Exécutif.
L'incohérence répétée dans les
travaux de la 46ème Législature haïtienne est ainsi la
résultante des faiblesses et lacunes des règlements
intérieurs en ce qui concerne son adaptation aux réalités
sociopolitiques et économiques du pays. Pour un fonctionnement efficace
du Parlement haïtien, il faut la révision de ses règlements
et le vote d'une loi institutionnalisant le Pouvoir Législatif
haïtien.
En réalité, les règlements de la
46ème Législature du Parlement haïtien ont apporté
certaines modifications dans ses structures internes . Cependant, celles-ci ne
remplissent pas efficacement les missions qui leur ont été
assignées. La création du bureau du député dans sa
circonscription et celui du sénateur dans son département est une
charge considérable pour l'Etat. Ces bureaux ne contribuent pas à
la promotion du statut des parlementaires. Par contre, ils absorbent une large
partie du budget alloué au Parlement, tandis que le Parlement souffre
d'une carence d'experts et de cadres supérieurs pouvant aider les
commissions et les parlementaires à mieux appréhender les
questions qui leur sont soumises. Aussi demandons-nous pourquoi ne pas affecter
cet argent à un bureau de légistes et de conseillers
parlementaires, qui peut être prévu dans une organisation par des
règlements de l'institution parlementaire.
De plus, l'antipathie constatée dans les relations
entre le Parlement et Gouvernement handicape le développement du
système politique préconisé par la constitution de 1987.
Le principe de la séparation des pouvoirs doit devenir une
réalité. Les règlements intérieurs ne peuvent pas
résoudre ce problème. Il faut un instrument juridique ou
légal plus efficace pour la réglementation des rapports entre le
pouvoir législatif et le pouvoir exécutif, à savoir une
loi. La loi pourra approfondir toutes les questions échappant au domaine
des règlements intérieurs.
D'autre part, il faut améliorer le processus
législatif haïtien par la réorganisation des structures
internes de l'Assemblée. Dans leur composition, tous les organes de
l'Assemblée doivent être l'objet d'un compromis rationnel, en
fonction de la configuration politique et de la représentation
numérique des blocs politiques au sein du Parlement. Ainsi on
évitera les discussions stériles dans les séances
plénières, et l'assemblée pourra se prononcer avec
discipline et dans un bref délai sur une question pourvue qu'elle ait
été déjà discutée à la
Conférence des Présidents.
Enfin, le Pouvoir Législatif haïtien a besoin,
dans l'immédiat, d'une loi cadre de fonctionnement. Il est paradoxal de
constater que le Parlement n'ait pas appliqué ce vieil adage :
« Charité bien ordonnée commence par
soi-même ». Aussi préconisons-nous la
création d'une commission mixte (Exécutif Législatif) pour
l'élaboration d'un avant-projet de loi parlementaire.
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