Titre : l'existence d'une conception des droits de
l'homme propre aux états musulmans
DEA de droit international Faculté de droit de
Montpellier I
Directeur de mémoire : Mr Michel
Levinet
Introduction
Les droits de l'Homme définissent et consacrent, en
termes juridiques, la liberté de l'individu. Ils sont le fruit d'un long
cheminement historique de plusieurs siècles. Mais l'historique
diffère selon qu'il est présenté par un Européen ou
par un non Européen. Sami A.Aldeeb Abu-Sahlieh explique que, dans le
chapitre "Fondements historiques et développement des droits de
l'Homme", écrit par Imre Szabo, nous lisons que " Pour certains
auteurs, l'origine des droits de l'Homme remonte à l'Antiquité
grecque". Du côté musulman, il cite Muhammad Hamad Hader qui
écrit : " les principes actuels des droits de l'Homme
mentionnés dans l'Islam proviennent forcément de l'Islam. En
fait, personne ne peut nier l'influence exercée par l'Islam sur
l'Occident par la voie de l'Andalousie et les Croisés. Par contre, les
principes qui ne figurent pas dans l'Islam ne sont que des slogans vains et
futiles ne présentant aucun intérêt pour la dignité
de l'homme"1(*). Un
premier malentendu apparaît quant aux origines historiques des droits de
l'Homme. Sans doute que chaque époque et chaque civilisation doivent
quelque chose à celles qui les précèdent, sans doute que
les plus grands courants religieux et idéologiques ont contribué
au développement du respect de ces droits.
L'homme a toujours cherché à
réglementer ses rapports avec l'autre et les fondements de ces
règles sont toujours sujets à discussion. Certains croient que se
sont des règles établies par l'homme, d'autres prétendent
que se sont des règles établies par la volonté divine.
"Il est vrai que les droits de l'Homme ont pour fondement des valeurs
essentielles, intrinsèquement inhérents à tous les hommes
et à toutes les cultures, il n'en demeure pas moins qu'elles se
déclinent différemment et relèvent de civilisations qui
ont des conceptions forts différentes"2(*). Un deuxième malentendu
apparaît quant aux fondements des droits de l'Homme.
Les droits de l'Homme, qui ont prétendu dès le
départ à une portée universelle, sans frontières,
mobilisatrice, ont vu apparaître des définitions
régionales, qui en principe devaient s'inscrire dans le cadre universel
et être compatibles avec lui. Nombreux sont les problèmes
posés aux Etats musulmans par les droits de l'Homme conçus par
les Nations-Unies. Sami Abu Sahlieh rappelle que " les droits de l'Homme,
dans la déclaration universelle des droits de l'Homme n'ont pas leur
raison d'être dans un commandement divin, mais dans ma volonté de
l'Assemblée générale des Nations-Unies basée sur
des considérations d'intérêt général. Il
s'agit de créer des conditions de vie sociale à l'échelle
internationale, le respect des droits de l'Homme ayant été
jugé comme nécessaire pour que l'homme ne soit contraint, en
suprême recours, à la révolte contre la tyrannie et
l'oppression."3(*).
L'universalité des droits de l'Homme est encore fragile et elle ne tend
pas à la diffusion d'un modèle unique mais à
l'émergence en divers points, d'une même volonté de
reconnaître ces droits. C'est un enrichissement par le partage des
cultures, c'est ne pas une unification mais une harmonisation des
systèmes de droit dans la mesure où les différences sont
admises4(*).
Vu ce qui précède, on ne peut reprocher aux
Etats musulmans de vouloir représenter la réalité d'une
conception des droits de l'Homme, en proclamant que ces droits se fondent sur
la volonté divine. Ce n'est pas un débat essentiellement
juridique car il y a beaucoup de considérations sociaux-culturelles.
Néanmoins il peut y avoir des risques d'éclatement car il
n'existe pas de mémoire collective des droits de l'Homme. A travers les
particularismes, il peut y avoir fragmentation des droits de l'Homme; elle
marque la réticence à l'acceptation de l'universalité des
droits de l'Homme. Mais il ne faut pas négliger ce caractère
évolutif du processus5(*). Les droits de l'Homme se sont toujours définis
par le manque car il existe un compromis entre l'existence des plusieurs
conceptions. Plutôt que d'essayer de défendre et de prouver
l'universalité des droits de l'Homme comme postulat, il faut analyser
les obstacles et les défis qui ont jalonné cette marche afin de
pouvoir mieux les surmonter.
Force est de constater que dans une bonne partie de la
doctrine occidentale, l'Islam est considéré comme une menace pour
les droits de l'Homme. Témoignent-ils d'une telle hostilité
à cause de vieux complexes, tels ceux de la décolonisation ou
d'une phobie que suscite le renouveau de l'Islam ?
Ce travail peut parfois sembler critique à
l'égard des Etats musulmans ; ce ne sont pas des critiques de l'Islam en
tant que religion, mais elles sont orientées contre les régimes
oppressants et corrompus contre lesquels, l'Islam lui-même s'insurge. Le
cadrage de la connaissance que l'on peut avoir de la religion islamique peut
paraître relativement aisé, pour peu que l'on prenne la peine d'un
minimum de rigueur analytique et d'objectivité propres à
éloigner les idées reçues, ou carrément fausses.
Même si quelques considérations méthodologiques, somme
toute assez simples, suffisent "l'Islam est une religion, une
spiritualité et un culte"6(*), le terme, Islam, recouvre également "une
identité sociale et communautaire vécue au sein d'une multitude
de sociétés et de groupes culturels"7(*). Ce sont des facteurs qui
alimentent les confusions ; l'imaginaire collectif des Occidentaux est
imprégné de préjugés et d'images
stéréotypées sur l'Islam, dont il est difficile de se
défèrent car leur développement est souvent bien trop
sommaire. Mais l'intérêt de ce travail n'est pas de porter un
jugement sur l'Islam en tant que religion, mais d'analyser ses
répercussions sur l'organisation politique et législative des
Etats musulmans en matière de droits de l'Homme.
Ce travail ne peut prétendre d'éclairer
totalement le lecteur sur le rapport entre la religion et le droit dans les
Etats musulmans. Une différence doit être établie entre les
références à l'Islam et l'application du droit musulman.
Ce travail s'est heurté aux difficultés d'accès aux
sources écrites dans d'autres langues que le français et
l'anglais. Mais cela n'a pas empêcher la référence à
quelques auteurs musulmans.
De plus l'ampleur et la complexité du sujet,
l'étendue du champ historique couvert, et le nombre d'écrits
nouveaux touchant à la problématique en question ont
obligé à des choix qui peuvent parfois paraître
arbitraires: on pourra légitimement reprocher la négligence de
telle ou telle référence, de tel ou tel auteur, de telle ou telle
expérience socio-politique et historique qui auraient été
plus intéressants que ceux qui ont été retenus dans ce
développement. Il faut donc prendre conscience que ce travail est loin
de pouvoir rendre compte de la complexité du débat sur
l'existence d'une conception des droits de l'Homme propre aux Etats musulmans.
Malgré ces limites, cette recherche a pour objectif la
compréhension de la logique générale qui a commandé
les différents discours des auteurs occidentaux et musulmans sur le
sujet en question.
Ce travail se veut plus une approche conceptuelle et
problématique, qu'une étude historique des droits de l'Homme dans
les Etats musulmans. Une telle approche risque de confronter deux séries
de normes, celles des Etats musulmans d'un côté et celle des
Nations-Unies de l'autre. "La pensée juridique s'accommode
mal de la pluralité des normes imprécises."8(*). Il a fallu adopter une position
intermédiaire entre l'opposition et la compatibilité de ces deux
séries de normes, qui tente d'éviter un discours destructeur
d'une impossible conception des droits de l'Homme propre aux Etats musulmans.
Néanmoins, on constate que les Etats musulmans garantissent certains
droits et libertés, en contredisent d'autres et en ignorent certains.
De grandes avancées ont été visibles ces
trente dernières années dans le domaine des droits de l'Homme.
Les Etats savent qu'ils ne peuvent bafouer indéfiniment et
impunément les droits de l'Homme, car ils sont devenus l'affaire de tous
et de chacun. C'est sur la notion d'universalité que se sont
reposés et élaborés l'ensemble des textes,
procédures et mécanismes qui, aujourd'hui fondent la protection
internationale des droits de l'Homme.
Mais ce système de protection est fragile ; il est
bien trop discuter pour être réellement effectif. On ne peut
reprocher aux seuls Etats musulmans de débattre sur une conception des
droits de l'Homme qui leur est propre. "L'Occident est le premier à
fausser compagnie à cette conception universaliste"9(*), par la création
d'instruments régionaux comme l'Europe occidentale avec la Convention
européenne des droits de l'Homme et des libertés fondamentales
signée en 1950, ainsi que la Charte sociale européenne
signée en 1961. L'Amérique agit de même avec sa Convention
interaméricaine des droits de l'Homme signée en 1969.
Les Etats musulmans ont " le sentiment que l'Occident leur
impose une déclaration universelle programmée par ses
juristes."10(*). Ce
qui se passe, c'est l'expression systématique d'une stratégie
défensive, qui refuse ce qu'on lui impose. Aussi longtemps que les Etats
musulmans n'accepteront pas la conception universelle des droits de l'Homme, il
est nécessaire de faire exister une conception des droits de l'Homme qui
leur est propre. L'essentiel est d'établir des règles communes,
légitimes et de parvenir au respect effectif des droits de l'Homme ;
ceci ne peut-être que le fruit d'un changement social, culturel et
politique en profondeur. En identifiant les valeurs qui leur sont propres, les
Etats musulmans doivent adopter une toute autre conception des droits de
l'Homme. Ils prennent comme objectif la revendication de leur
particularisme en matière de droits de l'Homme (Titre I). Il s'agit
ici de justifier ce particularisme et de s'interroger sur la conception des
droits de l'Homme qu'expriment les Etats musulmans.
Mais il subsiste un malaise. En adhérant à la
conception universelle des droits de l'Homme, les Etats musulmans sont
liés par ces normes. Ils sont bien trop impliquer de tout
côté pour pouvoir y renoncer. Néanmoins, les Etats
musulmans dynamiques, s'adaptent à des environnements très
différents et à des circonstances historiques changeantes. Ils se
sont révélés compatibles avec les principaux types d'Etat
et les formes diverses d'organisation sociale que l'histoire
a produit. Une nouvelle fois, comme souvent au cours de
l'histoire, les Etats musulmans sont appelés à s'adapter à
une situation inédite en limitant la portée de la conception
universelle des droits de l'Homme ( Titre II). Les résultats (du respect
des droits de l'Homme) devraient être meilleurs puisque les Etats
musulmans prennent comme objectif leur problème majeur: la lutte contre
la laïcité, invention religieuse, qui se trouve au coeur de
l'histoire politique et culturelle des Etats musulmans. C'est pour la contrer
que les Etats musulmans débattent de l'existence d'une conception des
droits de l'Homme qui leur est propre.
Sommaire:
Titre I :
La revendication d'un particularisme en
matière des droits de l'Homme par les Etats musulmans
Chapitre I / La justification du
particularisme
Section I - Le fondement
Section II - Le contenu
Section III - La place de la Loi islamique dans la
législation des Etats musulmans
Chapitre II / L'expression du particularisme
Section I - L'altération inévitable de la
conception universelle des droits de l'Homme
Section II - Les contradictions dans les documents
Titre II :
La limitation de la portée universelle des
droits de l'Homme par les Etats musulmans
Chapitre I / Une hostilité de principe
Section I - L'élaboration du corpus juridique de
l'universalité des droits de l'Homme
Section II - La relativisation du corpus juridique de
l'universalité des droits de l'Homme
Chapitre II / Une acceptation
problématique
Section I - L'acceptation progressive de la conception
universelle des droits de l'Homme
Section II - Les incidences de cette acceptation
TITRE I : La revendication d'un particularisme en
matière de droits de l'Homme par les Etats musulmans
Les Etats musulmans ne se tournent vers le passé que
pour y chercher un modèle et non un mode de vie quotidienne à
imiter tous les jours. Ils veulent conserver les normes qui ont vocation
à rythmer la vie des individus et à régir le
fonctionnement de la société.
Quand, en Occident, les normes relatives aux droits de l'Homme
sont dérivées de la Magna Carta britannique, de la
Révolution française ou des principes de la Déclaration
américaine d'indépendance, dans les Etats musulmans, elles
s'appuient sur le Coran et sur les faits et gestes du Prophète ; ce sont
là les sources, le langage et le vocabulaire normaux de la pensée
musulmane.
C'est en s'appuyant sur ces sources que les Etats musulmans
font voire que leur particularisme est bien-fondé, légitime,
qu'ils justifient leur particularisme en matière de droits de l'Homme et
manifestent leur désir de protéger ces valeurs suprêmes. (
Chapitre I)
Mais comment traduire ce modèle, ces règles de
conduite dans la vie contemporaine propre à la société
musulmane ? Les Etats musulmans sont déterminés à
interpréter les textes et la Loi d'une façon compatible avec la
société contemporaine. ( Chapitre II)
Chapitre I : la justification du
particularisme
L'Islam est un ensemble universel de devoirs religieux, la
totalité des commandements de Dieu, qui règlent la vie de chaque
musulman dans tous les domaines. Les Etats musulmans veulent conserver les
normes qui ont vocation à rythmer la vie des individus et à
régir le fonctionnement de la société. Ces normes
précisent ce qui est permis et ce qui ne l'est pas. Elles
délimitent ainsi le droit des individus et leur espace de
liberté. D'après cette logique les " droits de Dieu" priment sur
les droits de l'Homme.
Afin de justifier ce particularisme, il faut délimiter
son champ et garantir sa validité en étudiant les
éléments essentiels qui lui servent de base ( Section I), et les
idées qui sont exprimées dans ces normes. ( Section II)
Section I : Le fondement
Tenter de séparer la religion et le droit dans les
Etats musulmans, et de laisser de côté les textes religieux est
impossible. L'Islam reconnaît un droit musulman et le contenu juridique
proprement dit fait partie intégrante d'un système de
règles religieuses et morales.
Le fondement même du particularisme, dans les Etats
musulmans, se trouve dans la compréhension de la religion islamique et
dans la relation qui existe entre la religion, le droit et l'Etat.
§ 1 : La compréhension de la religion
islamique
La Loi islamique est le coeur et le noyau de l'Islam. Il est
impossible de comprendre l'Islam si l'on ne comprend pas la Loi islamique,
comme il est impossible de comprendre la Loi islamique sans identifier pas les
textes fondateurs de l'Islam.
A- L'identification des textes fondateurs de
l'Islam
1- L'universalité de
l'Islam
En langue arabe, le mot Islam
signifie Paix, Soumission et Obéissance. La religion islamique consiste
à accepter sans réserve les enseignements et la règle de
Dieu, tels qu'ils furent révélés è Mahomet, son
Prophète.
L'Islam n'est pas une nouvelle religion. C'est le même
message et la même règle que Dieu a révélé
à chacun de ses prophètes. Le message que Dieu a
révélé à Mahomet constitue l'Islam, sous sa forme
la plus complète et définitive.
Ses possibilités d'adaptation à tous les peuples
explique l'universalité de son message. L'Islam aux yeux de tous
apparaît comme la «communauté » (l'Umma)
des croyants auxquels Dieu dit :
« Vous formez la meilleure Communauté
suscitée par les hommes :
Vous ordonnez ce qui est concevable,
Vous interdisez ce qui est blâmable,
Vous croyez en Dieu. »
( Sourate III ;
verset 110)
« Nous avons fait de vous une Communauté
éloignée des extrêmes »11(*)
( Sourate
II ; verset 143)
Le croyant doit tout sacrifier pour
sa Communauté et mourir pour elle, s'il le faut, dans la lutte pour la
défense et l'expansion de l'Islam dans le monde. La Loi divine est
souveraine en toutes circonstances. Elle s'applique aux grands de ce monde
comme aux plus humbles, à celui qui commande comme à celui qui
obéit. La Loi divine est énoncée par le Coran et
illustrée par la vie du Prophète.
2- Le retour aux textes
fondateurs
Les sources égales originelles, le Coran et la Sunna
constituent la Loi islamique ou Shari'à.
- Le Coran
Le Coran est l'ultime révélation de Dieu, car
Mahomet, est considérée comme le dernier des prophètes, le
dernier messager de Dieu. Il est la source fondamentale de l'enseignement et
des Lois islamiques. Le Coran traite des croyances, de la moralité, de
l'histoire de l'humanité, de culte, de la connaissance, de la sagesse,
de la relation entre Dieu et l'homme ainsi que des rapports humains sous tous
leurs aspects. Une part importante est consacrée à des
enseignements de la justice sociale, de l'économie, de la politique, de
la législation, de la jurisprudence, du droit et des relations
internationales.
Dans son ensemble, le Coran a été jugé
par Dieu lui-même comme une oeuvre parfaite :
« Aujourd'hui, j'ai rendu votre religion
parfaite. J'ai parachevé ma grâce sur vous ; j'agrée
l'Islam comme étant votre religion » (Sourate V ;
Verset 3)12(*).
Tel est le Coran, vision du monde selon la conception de
Mahomet, créatrice d'une unité que ni les différences
d'interprétation ni les diversités ethniques ne sauraient
rompre.
Code de vie sociale et religieuse, il a tout prévu,
tout réglementé, implicitement ou explicitement. Ces principes
énoncés d'intangible manière, sont immuables et toute
réforme qui leur sera apportée constituerait une nouveauté
blâmable, c'est-à-dire une hérésie.
A vrai dire, il est le fondement du droit musulman. Six cents
versets relèvent du droit proprement dit qui règlent les rapports
de l'individu avec la société.
- La Sunnah
C'est la description de la manière d'agir, le
comportement de l'Envoyé de Dieu indiqué par la parole, l'action,
le silence. Témoins de la vie du Prophète, les Compagnons
étaient les plus qualifiés pour rapporter ses paroles et ses
gestes. Ils sont censés avoir consciencieusement observé sa
conduite. Les Suivants s'appliquèrent à recueillir, consigner
avec soin et communiquer tout ce qu'ils estimaient comme authentique. Une masse
énorme de notations, ainsi réunies, va préciser, expliquer
et compléter le Coran.
Les textes sacrés de l'Islam réglementent la vie
de chaque musulman sous tous ces aspects ; il faut cependant comprendre
que le droit reste l'élément le plus important dans la
compréhension de la religion islamique.
B- L'intérêt de la Loi islamique
Deux importants changements sont intervenus dans l'histoire
de la Loi islamique.
L'un fut l'introduction d'une théorie juridique qui ne
se contentait pas d'ignorer, mais niait l'existence de la Loi de tous les
éléments qui n'étaient pas islamiques au sens strict, et
qui limitait les sources matérielles au Coran et à l'exemple du
Prophète, la Sunnah.
L'autre qui a débuté en cette fin de
siècle, est la législation moderniste promulguée par des
gouvernements islamiques contemporains, qui restreignent le domaine
d'application de la Loi islamique, mais intervient dans la forme traditionnelle
de la Loi elle-même.
1-D'un point de vue historique
La Loi islamique naquit et se développa dans un
contexte politique et administratif confus de l'époque
pré-islamique. Elle apparaît en 610, en même temps que la
première révélation du Prophète. A la mort du
Prophète en 632, la période qui suit est agitée. Avant de
mourir, Mohamed n'avait pas relever le problème de sa succession. La Loi
islamique n'avait pas réglementé le fondement du pouvoir
après sa disparition. C'est la période des califes de
Médine ou « califes justes » de 632 à 661 qui
étaient les Compagnons du Prophète.
Ce n'est que sous le règne des Omeyades, la
première dynastie de l'Islam (661-750), que les cadres d'une nouvelle
société musulmane furent crées, et au sein de cette
société, un nouveau mode d'administration de la justice, une
jurisprudence islamique, et la Loi islamique elle-même, virent le jour.
Les Omeyades furent renversées par les Abassides, et ceux-ci
tentèrent de faire de la Loi islamique, qui était encore en
formation, la seule Loi de l'Etat.
Ils n'arriveront pas tout à fait à faire
coïncider la théorie et l'application pratique. La Loi
maintînt sa stabilité et fournit le principal lieu unitaire dans
le monde musulman divisé.
La période moderne, comme l'entendent les Occidentaux,
vit le développement de deux grands Etats musulmans sur les ruines de
l'ordre antérieur : l'Empire Ottoman de Moyen-Orient et l'Empire
Mongol en Inde. Dans les deux, à l'époque de leur apogée
(respectivement aux XVI e et au XVII e Siècles), la Loi islamique
atteint son plus haut degré d'efficacité réelle. Lors de
la domination politique occidentale, la symbiose de la Loi islamique et du
droit occidental dans l'Inde britannique et en Algérie produisit deux
systèmes légaux autonomes.
Finalement, l'influence des idées politiques
occidentales dans les Etats musulmans au XXème siècle a
provoqué, en notre siècle, une modernisation de la
législation sans précédent.
2- D'un point de vue théorique
La Loi fut établie par une interprétation
rationnelle et méthodique, et les normes religieuses et morales qui
furent introduites dans le contenu juridique fournirent le cadre de sa
cohésion interne. Elle ne se prête pas facilement aux traitements
techniques ; les juristes modernes dans la majorité des Etats
musulmans contemporains, tentent un amalgame des normes islamiques et des
normes laïques occidentales.
Le but du Prophète n'était pas de créer
un nouveau système juridique, mais d'enseigner aux hommes comment agir,
que faire, et ce qu'il fallait éviter pour se présenter au
Jugement dernier, et entrer au Paradis. C'est pourquoi l'Islam en
général, et la Loi islamique en particulier, sont un
système de devoirs comprenant des obligations rituelles, morales et
légales mises sur le même plan, et toutes soumises à
l'impératif religieux. C'était l'idée primitive de Mahomet
et on en trouve les traces dans le Coran.
Ce n'est que plus tard, lors des premières
décennies des Abbassides que le droit s'est imprégné des
normes religieuses et morales propres à l'Islam. Les domaines de la
religion, de droit et du politique peuvent difficilement être
détachés les uns des autres dans les Etats musulmans.
§ 2 : Les relations entre la religion, le droit et
l'Etat
Tous les Etats musulmans, y compris ceux qui se
réclament de la Shari'à, découvrent que
l'utilisation politique de la religion va trop Loin et cherchent des voies et
des moyens pour circonscrire les domaines respectifs du politique et du
religieux. Ainsi tous les Etats musulmans sont appelés à
s'expliquer sur les relations entre la religion, le droit et l'Etat.
A- La clarification de la notion d'Etat musulman
L'Etat musulman est une des questions fondamentales dans
le monde musulman. Il faut revenir sur quelques notions traditionnelles de
l'avènement de l'Islam.
Selon les sources islamiques, Dieu unique a créé
les hommes dans une unique communauté (Umma). Le
khilâfa de l'homme sur terre signifie en langue arabe
l'établissement d'un calife à la place de la personne authentique
(«vicaire du messager »). C'est-à-dire que Dieu a fait
des hommes (al-nâs) ses califes sur terre. Le califat de l'homme
sur terre prend alors dans la doctrine musulmane deux aspects : califat
général, c'est-à-dire que tout homme est un calife sur
terre. Et le califat privé, c'est-à-dire le califat du pouvoir.
On constate que les juristes musulmans dans leur définition du terme
"Umma" utilisent la notion de califat. Cette communauté peut
avoir deux sens l'Umma humaine et l'Umma islamique.
L'Umma, dans sa dimension métaphysique
universelle ( l'Umma humaine) signifie l'unité. Cette
idée de l'unicité de la Communauté humaine trouve son
explication dans la notion de califat de l'Homme sur terre. Tous les
prophètes d'Abraham à Mahomet sont les prophètes d'une
communauté unique. C'est-à-dire que tous ceux qui reconnaissent
la Vérité métaphysique (l'Unicité de Dieu) sont des
musulmans. L'Umma inclut tous les hommes sur terre. La
communauté est ainsi le lieu de la foi, de l'Islam. Cette
communauté est fondée sur la foi en un Dieu unique,
Allah13(*).
Il s'agit bien d'une fraternité dans laquelle toutes
les personnes sont égales, puisqu'elles sont égales devant Dieu
et la Loi divine. D'après ce sens concret de l'Umma est une
communauté déterminée par la terre, l'Arabie ou les terres
conquises hors de l'Arabie. En somme, se sont les terres de l'Islam ou comme
les appellent les juristes musulmans
« Dar-al-islam », opposé au monde de la
guerre qui refuse l'Islam, « Dar-el-harb ».
Ainsi la communauté musulmane est celle qui
réside sur la terre soumise à l'Islam, l'Etat musulman. Mais
l'existence de l'Umma concrète ôtait la cause de la
nécessité de l'Etat (l'organisation politique). Cet Etat exige le
pouvoir : le califat ou le gouvernement musulman.
En 1924, on a officiellement mis fin au régime du
Califat qui symbolisait l'unité de l'Umma.
Depuis la fin du régime du Califat, c'est la
multitude qui prévaut, de manière officielle et quotidienne.
Faute de pouvoir s'unir autour de ce qui est constant- le message du
prophète- les Etats tentent de coordonner, épisodiquement, leurs
efforts autour de variables politiques dans le cadre d'une organisation
internationale : l'Organisation da la Conférence Islamique (
O.C.I) .
Comment définir l'Etat musulman :
- Est-ce l'Etat qui affirme à
travers sa dénonciation officielle son caractère musulman ?
La République d'Iran, la République Islamique de
Mauritanie, la république des Comores...
- Est-ce l'Etat qui se qualifie
Constitutionnellement comme tel ? Le Maroc, l'Arabie Saoudite.
- Est-ce l'état dont la
population ou la majorité de la population se réclame de
l'Islam ? Le Pakistan, l'Inde...
Le premier constat est de montrer que les Etats musulmans
seraient membres d'une Organisation Internationale se réclamant de
l'Islam, l'Organisation de la Conférence Islamique ( O.C.I), qui est
fondée sur les buts suivants :
- La consolidation de la solidarité islamique
- Le soutien de la lutte de tous les
peuples islamiques en vue de sauvegarder leur dignité, leur
indépendance et leurs droits nationaux.
Les membres de l'O.C.I sont les Etats fondateurs, dont les
chefs du gouvernement ou chefs spirituels ont participé au somment de
Rabat en 1969 à la suite de l'incendie de la mosquée
« Al-aqsa » à Jérusalem. Les Etats dont la
population musulmane est supérieure à 20 % de la population,
avaient été invités. Par la suite, lors des
réunions des ministres des affaires étrangères tenues
à Djerba et à Karachi en 1970, une trentaine d'Etats ont
signé le projet de Déclaration : par ordre alphabétique-
l'Afghanistan, l'Algérie, l'Arabie Saoudite, les Emirats arabes unis, le
Bahreïn, l'Egypte, la Guinée, l'Indonésie, l'Iran, la
Jordanie, le Koweït, le Liban, la Libye, la Malaisie, le Mali, la
Mauritanie, le Maroc, le Niger, l'Oman , le Pakistan, le Qatar, la Somalie, le
Soudan, la Syrie, le Tchad, la Tunisie, la Turquie, et le Yémen.
Les Etats non-fondateurs ont été admis en
application de la procédure d'adhésion : l'Irak, le
Bangladesh, le Cameroun, la République des Comores, le Gabon, la
Guinée-Bissau, la Gambie, le Burkina Faso, les Maldives, l'Ouganda... En
juillet 1994, l'O.C.I comptait 21 Etats membres dont certains se
réclamaient du marxisme comme l'Albanie et l'Ouzbékistan.
Il existe trois critères d'adhésion pour
être membre de l'Organisation de la Conférence Islamique :
Le critère quantitatif : les Etats dont la
population musulmane est supérieure ou égale à 50% de la
population totale du pays. Mais certains Etats n'ont pas été
considérés comme musulmans, bien qu'ils remplissent la condition
de 50%. Ce fut le cas du Nigeria et de l'Ethiopie.
Le critère Constitutionnel : est Etat
musulman tout Etat qualifié comme tel par sa Constitution. Est Etat
musulman tout Etat dont l'Islam est, Constitutionnellement, la religion d'Etat
ou religion de l'Etat. Ce critère n'a pas été toujours
appliqué. Des Etats dont les Constitutions ne font pas
référence à l'Islam ou qui se proclament franchement
laïcs ou qui établissent la séparation entre la religion et
l'Etat sont membres de l'O.C.I. L'illustration en est donnée par la
Turquie, le Sénégal, le Niger et le Burkina Faso.
Le critère personnel : il a
été retenu par l'O.C.I pour répondre à quelques
sollicitations particulières venant d'Etats qui ne remplissaient ni la
condition quantitative, ni le critère Constitutionnel, mais dont les
chefs sont ou sont devenus musulmans. Il en est ainsi de l'Ouganda, du Gabon,
du Cameroun.
Ce premier constat sur la question de l'Etat musulman montre
qu'il n'y a ni conception, ni pratique cohérente susceptible de proposer
une définition précise de l'Etat musulman14(*).
En définitive, la réalité la moins
discutable est fournie par l'idée qui affirme que les Etats musulmans
sont les Etats membres de l'O.C.I et que les Etats membres de l'O.C.I sont les
Etats musulmans.
L'on peut être tenté de dire que la notion
d'Etat musulman semble s'appliquer, principalement, aux Etats qui,
au-delà de la croyance, font de l'Islam une idéologie. Il y a
indiscutablement un usage politique de l'Islam dans des pays comme l'Arabie
Saoudite, l'Iran, le Pakistan, l'Afghanistan ou le Soudan.
La réalité qu'offre l'O.C.I est la seule
possible parce qu'elle traduit, précisément la diversité.
Le monde musulman est un monde de la diversité et non de
l'uniformité. Il n'y a pas en d'autres termes, d'essence de l'Etat
musulman ; il y a, tout simplement, existence d'Etats musulmans. La
question reste de savoir comment discuter de la nature du pouvoir lorsque le
facteur religieux fait irruption et influe sur les conceptions et les
perceptions du pouvoir et du droit ?
B- Le débat sur le fondement du pouvoir et du droit
L'Etat musulman se présente comme un tout, où se
confondent la religion, la société et l'Etat ; dès
lors que l'Etat musulman est proclamé islamique, il dispose de pouvoirs
absolus pour l'application de la Loi islamique contre laquelle aucune autre
norme ne peut être invoquée, notamment celles qui se fondent sur
les droits de l'Homme.
On a cherché à justifier des
phénomènes historiques comme l'exaltation de la soumission au
chef puisqu'il est censé être le meilleur guide de la
communauté en tant qu'homme le plus pieux, le mieux inspiré,
à l'image des quatre premiers Califes (les Califes justes, Abubakr,
Omar, Othman et Ali) qui constituent le modèle de
référence.
En somme la seule piété suffirait pour garantir
le bon exercice du pouvoir puisque la conformité aux préceptes
religieux introduit des limites et permet de trouver une solution satisfaisante
à tout problème de relation entre le croyant et le
détenteur de l'autorité.
Logiquement aucune revendication, contestation ou
révolte n'est légitime dans un Etat musulman, puisque celui-ci
est supposé répondre à tous les besoins individuels et
collectifs des membres de la communauté des croyants ; toute opposition
ne peut être qu'un danger que l'Etat doit réprimer avec la plus
grande vigueur.
C'est pourtant l'inverse que l'on constate en Iran, où
les étudiants manifestent et se révoltent avec pour leitmotiv,
non pas comme en 1979 «Indépendance, Liberté et
République islamique », mais « République
iranienne ». Le mouvement qui a été entamé de
façon spontanée le 8 juillet 1999, ne semblait pas
structuré. Les revendications des étudiants ressemblent au
programme du président modéré Khatami, qui reste leur
héros : pas de censure pour la presse, libertés
individuelles, civiles et politiques, détente culturelle. De tels
événements vont en totale contradiction avec la logique
imposée dans les Etats musulmans.
Il est inquiétant de constater qu'en cette fin de
siècle- qui connaît un regain et une expansion de l'idée
démocratique, de la valeur des droits de l'Homme et de la notion d'Etat
de droit- que des hommes sont soumis aux menaces, humiliations et mises
à mort pour simplement avoir voulu engager un vrai débat sur le
fondement du pouvoir en Islam.
Beaucoup de penseurs musulmans, qui ont discuter de la nature
du pouvoir islamique pour suggérer de nouvelles pistes de
réflexion, ont encouru des risques en cherchant à concilier
l'Islam et la démocratie.
Deux penseurs méritent un réexamen de leurs
conceptions ; ils se sont heurtés à l'opprobre de
l'establishment religieux dans le monde musulman, parce qu'ils ont eu
le courage de mettre en doute les interdits pour montrer que l'on ne peut pas
faire l'économie d'un débat sur le pouvoir et le droit en
Islam.
Le premier penseur est l'Egyptien Ali Abderraziq qui a
écrit un ouvrage en 1925 sur "l'Islam et les fondements du
pouvoir"15(*)
à un moment névralgique puisque la Turquie kémaliste
venait d'abolir le califat en 1922 et d'instaurer la République.
Jusqu'à cet ouvrage, il y avait une vulgate islamique, recueillant le
consensus des ulémas sur la nature et l'organisation du pouvoir.
L'accord s'était fait sur une sorte de Constitution implicite
découlant du Coran ou de la Sunnah, définissant les
conditions d'exercice du pouvoir dans un Etat islamique, établissant un
lien direct et étroit entre les règles religieuses et les
règles de gouvernement, sacralisant ainsi ces dernières et
obligeant tout croyant à se rallier aux détenteurs du pouvoir.
C'est toute la théorie de l'institution califale dont la justification
s'appuie, à défaut de bases claires dans le Coran lui-même,
sur la pratique des quatre premiers Califes. Or c'est cette théorie que
va ébranler Ali Abderrazik par une réfutation argumentée
qui parvient à la conclusion suivante : « Rien
n'empêche les musulmans d'édifier leur Etat ou leur système
de gouvernement sur la base des dernières créations de la raison
humaine et sur la base des systèmes dont la solidité a
été prouvée, ceux que l'expérience des nations
à désignés comme étant parmi les
meilleures »16(*). Il a posé l'idée que le califat ne
peut se fonder que sur l'argument de l'autorité.
Le deuxième penseur est Mahmud Muhamad Taha
d'origine soudanaise dont la réflexion et l'apport ont consisté
en une relecture du Coran dont il oppose deux moments et deux messages pour
aboutir à des conclusions forts surprenantes17(*). Il estime, en effet, que les
quelques règles de droit coranique, avec leurs aspects discriminatoires,
coercitif ou violent, datent de la période médinoise du
prophète (l'Hégire, exile du prophète rejeté de La
Mecque) et correspondent à l'état manifestement déficient
la société islamique de cette époque. Or, il convient
de revenir au message de la période mecquoise qui serait celle du vrai
message divin pour redécouvrir toute la signification spirituelle de
l'Islam authentique occulté par un Islam historique que les musulmans
ont été contraints de vivre depuis le VIIème
siècle. Cet Islam authentique humaniste, qui repose sur la
réconciliation de l'individu avec lui-même, avec la
société et avec l'Etat, est en mesure de féconder non
seulement la civilisation musulmane mais aussi la civilisation occidentale.
Pour avoir soutenu ces thèses Taha s'est retrouvé au banc de
l'Infamie : poursuivi une première fois en 1968 sous l'accusation
d'apostasie, d'athéisme et de subversion, il fût condamné
à la peine de mort en 1985 et exécuté.
Ces deux exemples montrent que toute réflexion sur le
fondement du pouvoir en Islam qui refuse de s'insérer dans une logique
dogmatique et qui recherche de nouvelles voies pour explorer les relations
entre la religion, le droit et l'Etat, a peu de chance de prospérer dans
le monde musulman actuel.
L'Islam reconnaît un droit musulman et le contenu
juridique fait partie intégrante d'un système de règles
religieuses et morales.
Section II : Le Contenu
Après avoir indiqué le fondement du
particularisme propre aux Etats musulmans, il reste à classer les
éléments qui constituent la signification objective de ce
particularisme. Notre analyse porte sur les questions essentielles qui sont
exprimées dans le contenu du particularisme : la question du statut de
l'homme dans la pensée islamique ( § 1) ainsi que la question de la
notion de liberté ( § 2).
§ 1 : La question du statut de l'homme
Comment l'homme se situe par rapport
à la société, dans Etats musulmans ? En vue de discerner
les diverses parties du statut de l'homme, il faut décomposer l'ensemble
de la question.
A- La nature de l'homme
La pensée islamique sur la
nature de l'homme s'affronte à la philosophie des droits de l'Homme. La
théorie des droits de l'Homme développée par Locke,
Rousseau et surtout par Saint Thomas d'Aquin, suppose une nature humaine c'est
à dire une connaissance de soi, de l'essence même de l'homme.
Cette nature est la reconnaissance de l'existence d'une nature des choses et
donc de l'homme, et de l'aptitude de la raison humaine à la
découvrir.
En Islam, selon un strict
volontarisme divin, l'homme ne peut découvrir la nature des
choses : elle n'existe pas. Un droit de la nature humaine est une
absurdité car les actes humains ne sont beaux et laids que parce que
Dieu les a voulus tels. Slim Laghmani dit clairement qu' «une
théorie des droits de l'Homme est impossible. L'homme a strictement
parlé, n'est pas un sujet de droit. » 18(*). Dans l'islam traditionaliste,
l'homme n'est pas le référant des normes qui s'appliquent
à lui, il n'en est que l'objet.
« Dans cet Islam
traditionaliste, aucune théorie des droits de l'Homme ne peut
dériver, pour la simple raison que l'homme en est
absent » 19(*)
B- La personne : sujet de la Loi
islamique
La Loi islamique parvient par le moyen des droits et des
obligations a rendre l'homme sujet. Toute personne est douée de la
qualité qui lui permet de faire ce à quoi elle a droit ou est
obligée. C'est la capacité qui est inséparable de la
nature humaine. Dans le droit musulman, la capacité juridique,
capacité d'obligation, est envisagée sous le double aspect, actif
et passif, du droit aussi bien que de l'obligation.
Dans l'exposé relatif au consentement selon la
théorie musulmane, on retrouve le problème de la
prédestination ou du libre arbitre. Selon l'orthodoxie musulmane,
l'action humaine dépend, à la fois de l'homme et de Dieu. Elle
dépend de l'homme, car celui-ci est libre de choisir entre l'action
et l'abstention. Mais si l'acte voulu par l'homme se réalise ce n'est
pas un effet de la volonté humaine, mais de l'intervention divine.
La volonté doit non seulement être
envisagée dans ses rapports avec l'acte en soi et son objet, mais encore
avec les effets légaux de l'acte qui sont donnés par la Loi
islamique. Celui qui amène un homme à agir, grâce à
ses paroles ou des actes contraires à la vérité, c'est
à dire contraire à la volonté divine, est coupable de
fraude. Si l'homme est source de droit, les libertés et les droits de
l'Homme existent-ils dans la pensée des Etats musulmans ?
§ 2 : La question sur la notion de
liberté
La notion de liberté est essentielle dans
l'étude du contenu du particularisme. Elle permet de comprendre comment
les Etats musulmans justifient le pouvoir de la Loi islamique sur les droits de
l'Homme.
A- Le contenu de la liberté
1- La revendication traditionaliste
de la liberté
La liberté est un concept qui occupe une place de choix
parmi les valeurs qui structurent le monde musulman. L'idée de
liberté est tellement importante que les musulmans l'associent aux
notions d'honneur, de dignité et à la valeur fondamentale d'un
être humain.
De même pour les notions de justice,
d'égalité, de solidarité et toutes les valeurs qui fondent
les droits de l'Homme ; des textes les plus anciens aux discours les plus
contemporains, la référence à ces valeurs est tellement
présente qu'on a du mal à imaginer que les droits de l'Homme
pouvait rencontrer le rejet, l'hostilité et les violations dont les
gouvernements et les sociétés musulmanes sont accusés.
Cependant, il faut dépasser la simple
référence à ces valeurs et rechercher la signification
réelle de la liberté et de la Loi. En effet, comme les Anciens
Grecs, les Romains, les Egyptiens ou les Judéo-chrétiens, les
Musulmans se sont toujours référés à ces valeurs
tout en pratiquant l'esclavage, le despotisme, les guerres de religions...
Parler du contenu de la liberté revient à parler
de l'Islam comme mode de vie.
L'Islam indique des lignes de conduite précises qui
s'appliquent à tous les hommes et qu'il s'agit de respecter dans toutes
les situations de l'existence. La règle qu'il donne est d'une
portée large : elle inclut les domaines sociaux, économiques,
politiques, moraux et spirituels. Le Coran rappelle à l'homme le but de
son existence terrestre ainsi que ses devoirs et obligations envers
lui-même, ses parents, ses proches, sa Communauté, ses semblables
et son Créateur. L'existence se présente alors à lui comme
un défi qui lui permet de mettre en pratique ces idéaux
élevés.
Les conceptions traditionalistes islamiques ne donnent pas de
définition de la liberté, mais des règles de conduite que
l'homme se doit de suivre car elles sont enseignées par Dieu et à
travers lui. Lorsque nous parlons de droits ou de libertés en Islam,
nous pensons que ces droits ont été octroyés par Dieu, et
non par un roi ou une assemblée législative. Personne n'a le
droit d'abroger ces droits et libertés.
Les Chartes, les proclamations et les résolutions (et
autres textes...) des Nations Unies ne peuvent être comparées aux
droits que Dieu sanctionnent : car alors que les premières
s'appliquent à n'importe qui, les seconds s'appliquent à chaque
musulman. Ces droits font partie intégrante de la foi islamique. Tous
les musulmans ou les administrateurs qui se disent musulmans, devront les
accepter, les reconnaître et les appliquer. S'ils négligent les
droits que Dieu a attribué, s'ils apportent des modifications voir les
violent tout en affirmant verbalement les respecter, le verdict du Coran est
clair et sans équivoque :
« Les incrédules sont ceux qui ne jugent
pas les hommes d'après ce que Dieu a
révélé » (Sourate 5 : Verset 44)20(*)
A titre d'exemple, la liberté d'expression. L'Islam
reconnaît le droit à la liberté de pensée et
d'expression pour tous les croyants, à condition qu'elle soit pour
propager la vérité et la vertu, et non pour répandre la
méchanceté et le mal. Il est interdit à quiconque
d'utiliser un langage offensant ou injurieux sous prétexte de critique.
Les Musulmans avaient l'habitude de demander au Prophète si une
injonction divine lui avait été révélée sur
tel ou tel sujet. Lorsqu'il répondait qu'il n'en avait reçu
aucune, les Musulmans exprimaient alors librement leur opinion sur le sujet en
question.
2- La critique de la conception moderne de la
liberté
Les droits de l'Homme et les libertés sont
inséparables de la modernité. En effet les libertés
relèvent des sociabilités modernes où l'individualisme,
comme repli sur le sphère privée et désertion de l'espace
public, peut-être dépassé dans l'intersubjectivité
qui ne procède pas de la soumission à des autorités
fondées sur la servilité et l'ignorance, mais de
l'adhésion d'individus libres, égaux et solidaires par
nécessité ou par humanisme.
Dans la modernité, la société, comme
l'individu ont pour principe de base : l'autodétermination et le
refus de la soumission aveugle à n'importe quelle autorité. A
l'inverse les conceptions « anté » et
« anti » modernes se caractérisent par la
contestation de ce principe de base au nom de nécessaires
stabilité, pérennité et universalité des valeurs
morales et juridiques ; c'est l'argument suprême, contre la
modernité, de tous ceux qui comme les musulmans donnent la
primauté à la religion et la tradition .
3- Les limites au principe de
liberté
Durant la période pré-islamique, la
société était fondée sur des relations
inter-tribales. La liberté était l'acceptation constante de la
hiérarchie de l'ordre tribal et de sa place dans cet ordre. Un homme
libre est un homme heureux de servir ceux qui lui sont hiérarchiquement
supérieurs en sachant éloigner de lui l'idée
«pécheresse » de leur désobéir, de discuter
leurs ordres ou de contester d'une quelconque manière leur
autorité.
Avec l'avènement de l'Islam, le cadre de
référence a changé, il n'est plus la tribu mais la
«communauté des musulmans ». L'Islam va défendre
une conception de la liberté définie comme étant celle
d'un groupe, hiérarchisé selon la Loi qui s'impose à lui
et à ses membres, contre tous ceux qui n'en font pas parti.
Il est légitime aux yeux de tous les musulmans qu'ils
se doivent de porter leur message à toute la terre, y compris par la
force. Les autres pays doivent s'ouvrir à leurs principes. Par contre le
prosélytisme des non musulmans est interdit dans les pays musulmans,
même quand ils sont citoyens de ces pays, comme c'est le cas pour les
coptes en Egypte.
Les musulmans ont le droit de tenir des meetings, d'organiser
des manifestations, de constituer des associations, de publier des journaux, de
disposer de radios et tout réseau de diffusion comme Internet en France,
en Angleterre, en Allemagne, aux Etats-Unis, en Italie etc.... .
Dans la première acceptation de la liberté, qui
est celle du droit des peuples à l'indépendance, les musulmans ne
conçoivent la liberté que pour les musulmans à l'exclusion
des autres qui ne peuvent y prétendre qu'en devenant membres de la
communauté musulmane.
B- L'identité d'un lien entre la liberté
et la Loi.
A travers l'analyse du contenu de la liberté, il est
possible de conclure à l'existence d'un point commun essentiel aux
deux : ce point concerne l'identité d'un lien établi entre
la Loi et la liberté :
1- La conception traditionaliste
Pour les traditionalistes musulmans, la Loi est la
première ; la liberté consiste à ne faire que ce
qu'elle permet (ou mieux ce qu'elle n'interdit pas). Il n'y a de droits
légitimes pour la personne que dans le cadre des droits de Dieu, dans -
ou par rapport à- la communauté des croyants selon les
critères de piété, de savoir, de sexe, de capacité,
etc....
La liberté, et les droits qui en découlent, ne
sont concevables qu'à l'intérieur de ce que permet la soumission
à l'ordre qui s'impose au nom de Dieu. Si la priorité est
accordée à la Loi, si la liberté n'est qu'une fonction qui
s'étend et se rétrécit selon la volonté de la Loi
et le pouvoir qui l'incarne et en a la charge, il n'y a rien qui puisse limiter
le pouvoir de la Loi sur la liberté et les droits des personnes, rien
qui puisse empêcher la Loi, c'est à dire l'Etat, d'étendre
ses pouvoirs à tous les secteurs de la vie publique ou privée des
personnes au nom de Dieu.
L'histoire montre que quel que soit le régime,
même le plus de démocratique, si sa Loi n'est pas limitée,
il ne peut que tendre à l'extension de ses pouvoirs. C'est cette
structure fondamentale de subordination de la liberté à la Loi
qui est à la base des régimes totalitaires, qu'ils se
réclament ouvertement traditionalistes ou qu'ils se réclament de
telle ou telle idéologie moderne.
C'est ainsi que cette subordination apparente les
régimes "modernes, progressistes et laïques" comme ceux de
la Syrie et de l'Irak à des régimes comme ceux de Khomeiny ou de
la Dynastie saoudienne : la liberté et les droits de l'Homme sont
niés et violés au nom de la «loi laïque » des
premiers et de la « Loi religieuse » des seconds21(*).
2- La conception moderniste
A l'opposé de cette structure traditionaliste, la
modernité se définit, précisément, par le rapport
inverse entre la liberté et la Loi ; c'est la liberté qui
est première. La Loi n'a «le droit » d'interdire
que ce qui entrave la possibilité, pour tous et pour chacun, sans
discrimination, de jouir de la liberté et des droits qui en
découlent. La modernité n'accepte la limitation, de la
liberté et des droits qui lui sont inhérents, qu'au titre de la
limitation des abus par lesquels certains empiètent sur la
liberté et les droits des autres. Les seuls qui peuvent être
exclus de ces droits sont ceux qui ne les respectent pas pour les autres, et
seulement dans les limites nécessaires et suffisantes pour
empêcher cet empiétement. La fonction d'une Loi moderne n'est pas
la vengeance mais seulement la protection contre les atteintes à
l'intégrité, aux libertés et aux droits d'autrui.
La liberté et les droits de l'Homme sont, dans une
conception authentiquement moderne du droit, le principe directeur et la raison
de la Loi : celle-ci n'a pour fonction que de les garantir et de les
protéger. Elle n'a pas pour fonction de les définir ou de les
limiter au nom de Dieu ou d'une autre raison qui leur est supérieur
comme dans les Etats musulmans.
Cette dimension essentielle des droits de l'Homme que la Loi
doit respecter, sous peine d'être discriminatoire, est un principe
laïque et provocateur pour les Etats musulmans.
Section III : La place de la Loi islamique dans la
législation des Etats musulmans
Les relations entre l'Etat et la religion dans les Etats
musulmans ont suscité des controverses. Il est difficile
d'appréhender la problématique de la cohabitation et de
l'intégration de deux ordres normatifs fondés sur des sources
différentes ; en l'espèce celles du droit positif et du droit
coranique.
Notre réflexion sur le sujet rejoint celle d'Olivier
Roy22(*), qui avance
l'idée d'un processus de ré-islamisation par le haut et par le
bas. Par le haut, c'est-à-dire une réponse des régimes des
Etats musulmans à la poussée des mouvements islamistes, par le
bas par l'avancée de ces mouvements islamistes. En examinant les
législations des différents Etats musulmans, on observe que ces
processus de ré-islamisation par le haut se traduisent par une
ré-introduction progressive des référents islamiques dans
l'espace juridique musulman.
Cette réflexion nous permet de dégager trois
situations bien distinctes : celle de la législation subordonnée
à la Loi islamique (§ 1), celle de la législation affranchie
de la Loi islamique (§ 2), celle de la législation inspirée
de la Loi islamique (§ 3). Ces situations doivent constituer les axes
autour desquels sont construits les échafaudages juridiques dans les
Etats musulmans. Après avoir exposé ces trois axes, notre
réflexion s'orientera sur la confrontation des différents
courants de pensée, qui influencent la structure législative dans
les Etats musulmans (§ 4).
§ 1 : La législation inspirée de la Loi
islamique
Cette inspiration n'est ni générale ni absolue.
De manière générale, elle est beaucoup plus
évidente dans les Etats arabes que dans les Etats musulmans et
spécialement ceux d'Afrique... . L'inspiration trouve, dans la plupart
des cas, son fondement dans la Constitution. Les Constitutions des Etats
musulmans proclament une forme de relation entre la Loi islamique en tant que
source de droit et le droit positif en subordonnant le second au premier.
Parfois il est indiqué, de manière très
évasive, comme c'est le cas en Somalie, que la législation
s'inspire de la Loi islamique, ou comme c'est le cas dans la Constitution des
Comores, qu'il s'agit de " puiser dans l'Islam l'inspiration
permanente des principes et règles qui régissent l'Etat et ses
attributions"23(*).
La Loi islamique est parfois considérée comme
"une des sources principales de la législation"
(koweït)24(*).
La Constitution de la Mauritanie qualifie la Loi islamique,
dans son préambule, de source unique de la législation.
Dans certains cas, la Loi islamique est retenue, non pas en
tant que source de normes, mais en tant qu'ensemble de normes directement
applicables dans certains domaines. C'est ainsi que la Constitution jordanienne
énonce que "les tribunaux sharaïques appliquent les
règles de la Loi religieuse"25(*). Il arrive, cependant, que les Constitutions d'Etats
musulmans ne s'y réfèrent guère comme source de la
législation, mais que les Lois s'en inspirent, malgré tout et de
manière nette parfois.
La Loi islamique en tant que source d'inspiration de la
législation positive, dans certains Etats musulmans, appelle les
remarques suivantes :
1- "Les Etats qui accordent une
grande importance à la Loi islamique en tant que source d'inspiration de
la législation sont, en fait en nombre limité. On citera
l'Egypte, le Yémen et Oman.
2- La Loi islamique comporte, il
est vrai, un certain nombre de règles précises et
impératives mais aussi, des principes généraux,
susceptibles d'être diversement interprétés.
3- Le droit positif est,
généralement, en harmonie avec la réalité sociale.
Et l'écho que trouve la Loi islamique au sein de la législation
positive constitue un phénomène tout à fait normal qui
témoigne de l'assise sociologique de la règle de droit et qui n'a
pas besoin d'être Constitutionnellement prévu.
4- Enfin, et surtout, la Loi
islamique n'est jamais retenue comme source exclusive de la législation
(à moins que la législation soit subordonnée). Elle
constitue soit une source, soit une source principale de la
législation."26(*)
§ 2 : La législation affranchie de la
Loi islamique
De nombreux Etats musulmans ne prévoient pas dans leur
Constitution, de rapport entre la Loi islamique et la législation. Il en
est ainsi en Algérie, au Cameroun, à Djibouti, au Burkina Faso,
en Gambie, en Guinée Bissau, en Irak, au Mali, au Maroc, au Niger, au
Sénégal, au Tchad, en Tunisie, en Turquie. La législation
dans ces Etats est juridiquement libérée de toutes
références islamiques, implicites ou explicites. Il faut
préciser que tout affranchissement à la Loi islamique dans les
Etats musulmans demeure relatif. Afin de limiter notre étude nous
mettrons l'accent dans nos références sur deux Etats musulmans
particuliers qui font partis du Maghreb.
A- Le cas de la Tunisie
La Tunisie, tout en reconnaissant un
statut Constitutionnel à l'Islam n'en tire aucune conséquence au
niveau de la législation et sa Constitution observe un mutisme total par
rapport à la Loi islamique. Dès l'indépendance de la
Tunisie, les constituants ont veillé à écarter la formule
de la religion d'Etat au profit du simple constat que l'Islam est la religion
du pays.
L'article 1er de la Constitution tunisienne de 1956
stipule :
" La Tunisie est un Etat libre,
indépendant, souverain, sa religion est l'Islam, sa langue est l'arabe
et son régime la République".
Il paraît intéressant de
s'attarder sur le cas de la Tunisie où le code du statut personnel a
cette double particularité d'être inspiré de la Loi
islamique d'un côté et de s'en écarter de l'autre.
La spécificité du cas
tunisien nous ramène également à la personnalité de
Bourguiba et à ses réformes qui l'ont amené ponctuellement
à malmener la symbolique religieuse, faisant apparaître la Tunisie
comme un Etat laïque en contexte musulman. Un réajustement du
système législatif par rapport au système religieux s'est
opéré dans les dix dernières années de
présidence de Bourguiba, avant de voir la Tunisie s'inscrire dans une
perspective fidèle aux traditions arabo-islamiques et néanmoins
ouverte à la modernité27(*).
Rompant avec l'attitude
jusque-là libérale, la ré-inscription de l'Islam s'est
prolongée au niveau de la législation. C'est ainsi que l'article
5 de Code du statut personnel relatif aux conditions de mariage fit
l'objet d'une interprétation plus restrictive, dans le courant des
années soixante-dix. Une circulaire ministérielle datée du
5 novembre 1973 invita les magistrats à refuser tout mariage d'une
musulmane avec un non-musulman. Cette circulaire heurte de front la
liberté au mariage telle qu'est définie par la Convention de New
York sur le consentement au mariage de 1962 dont la Tunisie est partie. On
ajoutera que les réserves à l'égard de certaines
dispositions de la Convention sur les droits de l'enfant de 1989 sont
dictées par des considérations en relation avec la Loi islamique
et que dans bien des domaines, l'affranchissement à l'égard de la
Loi islamique connaît des limites.
Le successeur de Bourghiba, Ben Ali a
voulu inscrire la Tunisie dans une perspective fidèle aux traditions
islamiques et néanmoins ouverte à la modernité.
La nouvelle ère s'ouvre en
1987 avec l'accession ou pouvoir de Zine el Abidine Ben Ali. Le premier signe
visible du changement opéré: le fait que la déclaration du
7 novembre 1957 débute par la traditionnelle invocation: " Au nom de
Dieu le Clément le Miséricordieux". C'est ainsi que le
régime de 1987 redore le blason de la religion28(*).
Sur le plan international, la Tunisie
a adhéré aux principales conventions internationales protectrices
des droits de l'Homme dont, les Pactes des Nations-Unies des Droits Civils et
Politiques d'une part et sur les Droits Economiques, Sociaux et Culturels
d'autre part. Plus spécifiquement, en ce qui concerne les femmes, la
Tunisie a ratifié la Convention sur les droits politiques de la femme de
1952, la Convention sur la nationalité de la femme mariée de
1957, et la Convention de New York sur le consentement au mariage de 1962. Mais
l'affranchissement à l'égard de la Loi islamique demeure relatif.
B- Le cas du Maroc
Le règne du nouveau monarque du Maroc, Mohamed VI se
retrouve face au défi de la modernité. Après la mort de
Hassan II, le nouveau roi du Maroc doit rapidement s'atteler à des
problèmes complexes, dont font partis les droits de l'Homme. La
légitimation du système législatif du Maroc oscille entre
un système moderne et un système qui, au fond, reste
traditionnel, donc opposé aux principes modernes de la
démocratie. La Constitution confère au Monarque des pouvoirs
quasi-absolus, mais par ses prises de positions en faveur d'une monarchie
inspirée des modèles anglo-saxons ou espagnols, le roi Mohamed VI
est devenu, la référence de ceux qui veulent moderniser le
régime.
Selon une première interprétation, Le Maroc se
serait donné une Constitution moderne et occidentale, plus ou moins
calquée sur celle de la Vème République française.
Cette Constitution romprait avec le passé et introduirait de nouvelles
procédures ; l'influence occidentale serait importante, surtout en ce
qui concerne l'affranchissement à l'égard de la Loi islamique.
La deuxième interprétation donnée, serait
que la Constitution marocaine resterait dans la ligne des anciennes traditions
: le sommet de l'Etat est conforme au modèle du califat et le
système juridique du califat imprègne les normes juridiques
"modernes". En un mot, la question est de savoir si la législation
actuelle du Maroc repose sur une base islamique ou sur une base
démocratique à l'occidentale ?
Il est impossible de trancher cette controverse en partant du
texte de la Constitution, car la contradiction décrite ici se trouve
dans les formulations même du texte. L'article 1er de la
Constitution dit que le Maroc est une " une monarchie Constitutionnelle,
démocratique et sociale", l'article 29 dit que " la
souveraineté appartient au peuple"29(*).
Il reste que de nombreux problèmes internes et externes
attendent le nouveau souverain, qui devra jongler entre ces deux visions du
système législatif et politique de son pays. En exemple, sur le
plan interne, le Maroc souffre des maux qui frappent les pays en
développement sans distinction de régime. L'indépendance
de la justice est encore un voeu pieux. La corruption salit le système
social à tous les étages, les prisons marocaines regorgent encore
des pensionnaires condamnés dans des conditions obscures, à
l'image de Mohamed Serehane, journaliste qui réclame justice depuis des
années. Le responsable de la Ligue de droits de l'Homme, après
des nombreuses enquêtes sur place, dénonce au Maroc du non-respect
des droits de l'Homme et appelle de ses voeux l'instauration d'une
réelle démocratie.
On en revient à la même conclusion que pour la
Tunisie, à savoir que tout affranchissement à l'égard de
la Loi islamique demeure relatif.
§ 3 : Les Etats musulmans subordonnés
à la Loi islamique
La Loi imposée par la volonté divine s'impose et
prévaut sur celle posée par l'homme. La Loi posée n'est
légale et légitime que dans la mesure où elle traduit la
Loi islamique, se conforme à ses prescriptions ou est compatible avec
elle. Tous les pouvoirs publics sont, donc, limités dans leur
volonté et dans leur action par la Shari'à, Loi
islamique. C'est dire que le droit étatique n'a pas d'autonomie ou de
légitimité propre.
Cette situation est, de manière générale,
celle des législations en Arabie saoudite, en Iran, au Soudan et au
Pakistan.
A- Le cas de l'Arabie saoudite
Il n'y a pratiquement pas dans le statut fondamental du
pouvoir ou dans le texte instituant le Conseil consultatif- qui datent tous
deux du 1er mars 1992- de dispositions qui s'éloignent, de
par leur contenu ou leur portée, de la Loi islamique. Selon le statut,
la Constitution de l'Arabie saoudite est le Coran et la Sunnah
(article 1er). Selon l'article 7, la source du pouvoir est
constituée par le Coran et la Sunnah. Cette disposition
prévaut sur toutes les autres dispositions du statut ainsi que sur
l'ensemble des autres règles.
Les fondements de la société saoudienne et des
droits de l'Homme sont déterminés par la Loi islamique et le
droit positif ne peut y déroger. La justice indique l'article 6 se
conforme à la Loi islamique.
Contrairement aux Etats dont la législation est
affranchie de la Loi islamique, les Etats subordonnés à la Loi
islamique gouverne tout le système législatif du pays. La
subordination n'est en rien relative, comme le demeure l'affranchissement de
certains Etats musulmans
B- Le cas de l'Iran
Le concept de laïcité, que les livres saints
ignorent, est jugé par le pouvoir en place en République
islamique d'Iran, comme étant la négation tout à la fois
de l'Islam et de la Constitution de la République d'Iran.
Le Cheik Mohamed Shabistari, professeur de philosophie
islamique à l'université de Téhéran s'exprime en
choisissant ses mots : " En Islam, il n'existe aucune forme contraignante
d'institutions étatiques. Autant un gouvernement s'inspirant des valeurs
suprêmes de l'Islam est légitime, surtout dans un pays
profondément croyant et traditionnel comme le nôtre, autant un
Etat islamique est un non-sens au regard des textes sacrés. Notre
Constitution, à laquelle j'adhère par devoir civique, juxtapose
les droits divins et les devoirs des citoyens. Ce mélange des genres est
la source de nombre de nos problèmes. Il faudra bien un jour
échapper à ces contradictions en nous adaptant à la
modernité...".30(*)
On observe que l'oscillation entre l'ouverture à la
modernité et la fidélité à la Loi islamique
caractérisent les Etats musulmans affranchis de la Loi islamique, se
retrouve dans un Etat musulman se disant subordonné à la Loi
islamique. Il convient tout bonnement de rendre compatible les enseignements de
la démocratie, et des droits humains, avec les enseignements de l'Islam.
Mais comment?
Le philosophe musulman Abdel Kerim Souroush, dont les
idées, dit-on " sont au pouvoir" depuis l'élection du
Président Mohamed Khatami, qui est un rénovateur audacieux
puisqu'il s'écarte résolument des textes saints,
précisément au nom de la modernité. " Il nous revient
à nous, intellectuels du tiers-monde, de les rendre compatibles". "
Tout simplement en essayant d'imaginer ce que seraient les prises de
position du Prophète s'il devait revenir sur terre pour vivre parmi nos
contemporains. Il saura, lui, faire la distinction entre les principes
fondamentaux du Coran, très peu nombreux, et la foule de jugements
conjoncturels qui correspondaient, il y a quatorze siècles à une
société bien différente de la nôtre".31(*) D'après Souroush, sont
caduques les institutions de droit divin (le Velayat Faguih), les sanctions
pénales dites islamiques, la mise à mort des apostats (allusion
entre autre, au cas de Salman Rushdie), l'inégalité entre les
hommes et les femmes, les discriminations exprimées à
l'égard des non-musulmans ( les Dhimmis) au sein de l'Etat
musulman.
La "cohabitation à l'iranienne" entre le
président Kathami, figure de chef de l'opposition libérale et
l'ayatollah Khamenei, chef du gouvernement, est la source des nombreux
problèmes que rencontre la République Islamique d'Iran. Elle a
pris les allures d'une guerre de positions dans laquelle les
interprétations contradictoires de l'Islam ne sont que l'un des aspects.
Les médias constituent l'arène centrale de la
confrontation. Face à la radio, à la télévision,
aux nombreuses publications, contrôlées par les conservateurs, une
multitude de revues et de quotidiens militent pour un aggiornamento.
La riposte du pouvoir à ces défis a pris
diverses formes : suppression de publications, qui renaissent aussitôt
sous de nouvelles appellations, arrestations de journalistes et de
chroniqueurs, qui reviennent à la charge dès leur
libération, campagnes médiatiques d'intimidation, agressions
physiques...
En juillet 1999, le régime iranien est pris de court
par la révolte étudiante en faveur de la démocratie.
Chronologiquement, ce sont la fermeture du quotidien réformiste
Salam , l'accusation par le tribunal du clergé de son
directeur Mahammad Mousavi-khoeiniha (reconnu coupable selon divers chef
d'accusation dont ceux de diffamation, de désinformation, de publication
de document confidentiel), proche du Président réformateur
Mohamed Khatami, et l'adoption concomitante par le Parlement des grandes lignes
d'un projet de Loi très restrictif sur la presse, qui furent à
l'origine de cette révolte.
Force est de constater que suite à ces
événements, "la cohabitation à l'iranienne" se
caractérise plutôt par un déséquilibre structurel
qui oppose un pouvoir absolu à une légitimité
populaire.
Quant aux Lois, nombre d'entre elles sont d'une
ambiguïté qui permet toutes manipulations. La liberté
d'expression, par exemple, est garantie à condition qu'elle " ne porte
pas atteinte à l'Islam", ou mieux encore, qu'elle ne soit pas "
utilisée pour semer la confusion dans les esprits".
La législation iranienne est gouvernée par la
Loi islamique. Mais la double victoire remportée par les
réformistes aux élections présidentielles et municipales
reflète de profondes mutations intervenues dans la
société. 75 % de la population n'a pas participé à
la Révolution de 1969. Elle a grandi à l'ère des
satellites et d'Internet ; elle aspire à des moeurs modernes,
européennes ou américaines, avec toutes les libertés
publiques que celles-ci comportent. Cette volonté d'ouverture vers la
modernité leur apparaît compatible avec leur
fidélité à l'Islam.
§ 4 : La confrontation des différents courants
de pensée dans les Etats musulmans
La législation dans les Etats
musulmans est régie en partie par la Loi islamique, et en partie par le
droit positif d'origine occidentale. C'est pourquoi le courant islamiste et le
courant moderniste s'affrontent.
A- La position du courant moderniste (les
réformateurs laïcs et positivistes)
Face à la radicalisation du discours islamiste
traditionaliste, le courant qui se veut moderne est fasciné par
l'Occident. Il a suivi l'exemple de Mustapha Kemal Ataturk qui dans un de ces
célèbres discours de 1928
déclare : « les peuples non civilisés
sont condamnés à rester dans la dépendance de ceux qui le
sont. Et la civilisation, c'est l'Occident, le Monde Moderne, dont la Turquie
doit faire partie si elle veut survivre ». Il existe deux formes
de courants modernistes : le courant positiviste et le courant
laïcisant.
1- Le courant positiviste
Ce courant de pensée estime
qu'il faut s'en tenir à la Loi positiviste telle qu'établie par
l'Etat. Les arguments de ce courant peuvent être résumés
comme suit :
Les argument religieux.
Le courant considère que les
versets coraniques et les récits du Prophète cités par le
courant islamiste sont souvent troqués, manipulés, pris hors
contexte ou mal interprétés. Le Coran et la Sunnah ne
comportent pas de normes juridiques en nombre suffisant pour régir la
société. Le système juridique musulman construit sur ces
deux sources est d'origine humaine. On a le droit de la modifier selon les
besoins de la société.
Les autres normes juridiques que comportent le Coran et la
Sunnah visaient à protéger les intérêts de
la société ; elles doivent donc être
interprétées à la lumière de ces
intérêts.
Les arguments juridiques
Deux arguments juridiques ont
été avancés par le courant positiviste opposé au
retour à la Loi islamique :
- La Loi islamique n'est pas
d'application directe. Le législateur n'est pas tenu de modifier les
Lois précédentes en les amendant pour les harmoniser avec elle,
moins encore d'entreprendre la codification de la Loi islamique.
- Peu de Lois sont contraires
à la Loi islamique et il ne convient pas de rejeter toutes les Lois
positives d'origine occidentale. Les Lois relatives au statut personnel sont
conformes à la Loi islamique et en découlent directement. La
majorité des autres Lois, comme le code civil, le code de commerce, le
code de procédure pénal et le code pénal même s'ils
ne procèdent pas directement de la Loi islamique, ne sont pas en
contradiction avec elle. Ce qui compte, ce n'est pas l'origine de la Loi, mais
sa conformité ou sa non-opposition avec la Loi islamique.
2- Le courant laïcisant
Ce courant rejoint le précédent dans sa position
face à la non ré-introduction des normes islamiques. Il
dépasse cependant le courant positiviste en souhaitant
l'élimination des normes islamiques en vigueur. Le courant moderniste a
une fascination pour le monde occidentale et les libertés publiques.
L'idée est que l'Islam n'est pas contre la raison, ni
contre les découvertes scientifiques. L'Islam présente un appel
à la réflexion et à la recherche dans tous les domaines de
la vie sociale des musulmans. Ce courant a réussi, par exemple en Iran,
à populariser certains concepts d'origine occidentale, comme l'extension
des libertés publiques et la victoire remportée par les
réformistes reflète l'expression de cette mutation profonde.
La modernisation économique, sociale et culturelle
conduisent à un recul de la religion. Ceux qui y sont favorables veulent
une société tolérante, rationnelle, progressiste,
humaniste et laïque. Ceux qui déplorent cette modernité, les
conservateurs s'inquiètent des conséquences de la disparition des
croyances religieuses, des institutions et des orientations morales
données par la religion au comportement humain individuel et
collectif.
B- La position du courant islamiste (les
conservateurs)
1- Les raisons
Ce processus de modernisation a
poussé les musulmans à quitter les campagnes pour se rendre vers
les grandes villes et ils sont amenés a y rencontrés de nouveaux
gens. Ils ont donc besoin de nouvelles sources d'identité, de nouvelles
formes stables de communauté, d'un nouvel ensemble de préceptes
moraux pour retrouver du sens et de la finalité. La religion satisfait
à ces besoins.
Selon l'auteur Samuel Hundington, la
résurgence de la religion à travers le monde est une
réaction à la laïcisation, au relativisme moral et à
la tolérance individuelle, une réaffirmation des valeurs d'ordre,
de discipline, de travail, d'entraide et de solidarité humaine32(*). Outre les traumatismes
affectifs et sociaux liés à la modernité, le recul de
l'Occident et la fin de la guerre froide constituent également d'autres
facteurs favorisant le renouveau religieux. Les courants de pensée en
faveur de ce renouveau sont anti-laïcs, anti-universels,
anti-occidentaux.
Les courants auxquels nous nous
intéressons ne rejettent pas l'urbanisation, l'industrialisation, le
développement, la science et la technologie. Ils ne rejettent non pas la
modernité mais le «modernisme » selon
Hundington33(*). Le
renouveau de l'Islam est la manifestation la plus puissante de
l'antioccidentalisme dans les sociétés musulmanes ; ce n'est
pas un rejet de la modernité mais de l'Occident, de la culture
laïque. Rejet appelé
«l'Occidentoxication ». Sorte de déclaration
d'indépendance culturelle vis à vis de l'Occident, mais une
affirmation claire : « Nous serons modernes, mais nous ne
serons pas vous ».
2- Les conséquences
Partant de la conception de la Loi, le courant islamiste
souhaite se débarrasser des normes occidentales pour n'appliquer que les
normes musulmanes. Il invoque notamment les deux passages du Coran
suivants :
« Ceux qui ne jugent pas les hommes
d'après ce que Dieu a révélé sont des
mécréants, [...] des injustes, [...] des pervers
«(5:44, 45, 47).
Lorsque Dieu a pris une décision, il ne convient pas
pour un croyant de maintenir un chois opposé à sa volonté.
Celui qui désobéit à Dieu et à son Prophète
s'égare totalement et manifestement (33 : 36)34(*).
Ce courant de pensée est sans doute le
dernier-né. Il prêche la rupture radicale avec la dialectique
moderniste. On aboutit inévitablement au rejet de tout ce qui menace
l'identité de l'Islam, surtout la laïcité. Pour parvenir
à ses fins, Abu-Sahlieh explique que ce mouvement utilise
différents moyens :
- Il utilise l'opposition législative qui
s'exprime dans les textes de Lois, dans la rédaction des Constitutions.
Les Etats musulmans subordonnés à la Loi islamique ne laissent
pas de place au droit étranger. La législation doit se baser
uniquement sur les normes coraniques. La politique et la religion ne se
séparent pas. Vouloir séparer les droits de l'Homme et les droits
de Dieu, c'est contester le droit de Dieu à être le seul
maître du monde.
- Cette opposition au droit occidental se retrouve dans de
nombreux ouvrages, et articles de presse. Il est plus facile pour les
islamistes de répandre leur conviction que pour les réformateurs
libéraux, cibles d'un gouvernement trop ferme et trop conservateur, de
publier des articles qui remettent en cause certaines des positions
conservatrices. En Iran, où les médias constituent l'arène
centrale de la confrontation entre conservateurs et révisionnistes, les
journalistes restent dorénavant prudents ; même s'ils contestent
certaines des dispositions de la Constitution iranienne, le fonctionnement du
système du Velaya Faguih, les institutions de droit divin, la
personne du Faguih l'ayatollah Ali Khamenei demeure infaillible et
hors d'atteinte.
- Dans l'arène de la confrontation, l'institution
judiciaire occupe une place de choix. Certains juges islamistes
n'hésitent pas à adopter une attitude hostile à
l'égard de la Loi positive d'origine occidentale et n'hésitent
pas à appliquer la Loi islamique dans leurs jugements. C'est le cas du
juge égyptien Ghurab, décédé en 1994, qui a
publié un recueil de ses jugements sous le titre significatif :
« Jugements musulmans comme condamnation des Lois
positives »35(*). Le Dr hassan Ghafoorifaard, membre de la
présidence du Parlement de la République islamique d'Iran, proche
des conservateurs, tenants du pouvoir dit «nous avons le devoir
de lutter contre les ennemis intérieurs et
extérieurs de la République, notamment
contre l'invasion culturelle de l'Occident. »
Les Etats musulmans sont les seuls avec l'Asie à
s'affirmer face à l'Occident. Les musulmans se tournent vers l'Islam
comme source d'identité, de sens, de stabilité, de
légitimité, de développement, de puissance et d'espoir. La
justification du particularisme propre aux Etats musulmans sert de base
à l'expression de leur identité et des problèmes
posés à l'Islam contemporain par les droits de l'Homme tels
qu'ils ont été conçus par les Nations-Unies.
Chapitre II : L'expression du particularisme
L'héritage culturel, la puissance de la religion,
l'hétérogénéité des Etats musulmans, la
méfiance à l'égard de tout ce qui provient de l'Occident
sont autant de facteurs qui altèrent inévitablement la conception
universelle des droits de l'Homme ( Section I) et qui ont donné
naissance à plusieurs documents contradictoires de protection des
droits de l'Homme (Section II).
Section I : L'altération inévitable de
la conception universelle des droits de l'Homme
La démarcation des Etats musulmans par rapport
à la conception universelle des droits de l'Homme, se concrétise
dans l'adaptation des droits de l'Homme au cadre musulman ( § 1). Les
Etats musulmans affirment la nécessité d'élaborer des
documents de protection des droits de l'Homme qui leur sont propres (§ 2).
§ 1 : La démarcation des Etats
musulmans
L'Islam cherche à limiter les droits de l'Homme par
l'expression de son particularisme. Il établit certains droits
fondamentaux universels pour l'humanité tout entière, droits qui
doivent être observés et être respectés en toutes
circonstances.
Le Coran dit clairement :
« O, vous qui croyez ! Tenez-vous fermes
comme témoins devant Dieu, en pratiquant la justice. Que la haine
envers un peuple ne vous incite pas à commettre des injustices. Soyez
justes ! La justice est proche du respect de Dieu » (
Sourate V ; Verset 8)
« Les droits de l'Homme dans la
Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, n'ont pas leur raison
d'être dans un commandement divin, mais dans la volonté de
l'Assemblée générale des Nations-Unies basée sur
des considérations d'intérêt
général »36(*). En Islam, les droits de l'Homme sont
conférés par Dieu, et par conséquent, aucune
autorité sur terre, n'a le droit d'y adapter de modification. Personne
n'a le droit de les abroger. Le raisonnement fondateur des droits de l'Homme
selon l'Islam ne peut donc procéder que par référence
à des indications du Coran ou, éventuellement, «par leur
application à des situations qui se sont produites effectivement dans la
mesure où elles se sont cristallisées comme conduites
exemplaires »37(*).
La charte, les proclamations, les résolutions des
Nations-Unies ne peuvent être comparées aux droits que Dieu
sanctionne. Ces droits font partie intégrante de la foi islamique. Les
problèmes que posent l'Islam en matière des droits de l'Homme
dérivent du fait que l'homme musulman se sent lié par des normes
qu'il n'a pas faites et sur lesquelles il n'a aucun pouvoir en raison de sa
fidélité à l'Islam.
Il n'y a pas de doute : l'universalité des droits de
l'Homme est contestée par les Etats musulmans. René Cassin, dans
sa rédaction de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme
n'avait pas prévu que le réveil de la religion islamique
représenterait un danger sérieux pour l'universalité des
droits de l'Homme, souvent liée à sa source d'inspiration
laïque.
L'impératif de l'universalité risque de devoir
supporter un coup fatal dans la mesure où l'Islam, tout en se proclamant
tolérante, est «totalitaire » puisqu'elle vise à
gouverner la totalité de la vie des hommes sur les plans spirituel et
matériel, religieux et politique. En effet, en droit positif, il n'y a
pas de hiérarchie entre les normes juridiques internationales. Il y a
une hiérarchie dans les Etats musulmans telle que la Loi islamique qui
l'emporte sur toute norme obligatoire de droit international.
De plus, l'affirmation de cette nécessité
montre que l'Islam revendique à son profit l'universalisme. Tous en se
ralliant à l'universalisme onusien, ces documents doivent être lus
à la lumière des préceptes du Coran. C'est dire que
même si la formulation des droits peut paraître très
classique et rejoindre celle des textes universels, en réalité
ils doivent être interprétés dans un sens qui risque fort
de contredire celui qui est admis sur le plan universel. En effet, les Etats
musulmans refusent la préséance des normes universelles sur les
normes divines ; ce qui serait blasphématoire à l'égard de
leur auteur divin, Allah.
Sinaceur explique que cette démarcation des Etats
musulmans par rapport à la conception universelle des droits de l'Homme
est bienveillante et qu'elle réglera la question des droits de l'Homme.
«C'est dans la mesure où chaque culture permet à chaque
nation, ou ensemble de nations qui s'en réclament, de préserver
le respect des droits, que les nations trouveront elles-mêmes les
ressources et les moyens d'une vie à l'unisson de la communauté
mondiale, d'une libre conformité aux valeurs universelles qui fondent
les relations entre les pays et les Etats et donne tout son sens à
l'idée de communauté internationale. »38(*). C'est dans la mesure
où les différences sont acceptées, que les Etats musulmans
peuvent apporter leur propre éclairage et leur propre justification
à la théorie des droits de l'Homme.
L'affirmation de l'universalité des droits de l'Homme
semblait reposer sur des bases solides ; elle s'est enrichit
régulièrement. Toutefois depuis quelques années, les
fondements de l'universalité ont été remis en cause. Les
Etats musulmans affirmèrent rapidement la nécessité
d'élaborer des documents de protection des droits de l'Homme qui leur
sont propres. Ils affirment cette nécessité au nom tout d'abord
d'un régionalisme modéré, mais cela cache en
réalité une contestation plus profonde de l'universalisme ;
une contestation menée au nom de leur particularisme.
§ 2 : L'élaboration de documents sur les
droits de l'Homme
Vu ce qui précède, on ne peut plus reprocher aux
Etats musulmans d`affirmer la nécessité d'élaborer leurs
propres documents de protection des droits de l'Homme. Mais comment les Etats
ont-ils accueilli les droits de l'Homme en élaborant ces
documents ?
A- Les documents arabes
Les documents arabes présentent une conception qui se
réfère à la fois aux préceptes islamiques et aux
documents onusiens. On peut signaler plusieurs de ces documents arabes:
- 1982 : Projet du Pacte arabe
des droits de l'Homme, préparé par la Ligue des Etats arabes en
1982.
- 1986 : Projet du Pacte des
droits de l'Homme et du peuple dans le monde arabe, Syracuse 1986
- 1988 : La Grande Charte verte
des droits de l'Homme de l'ère jamahirienne, adoptée par la Libye
le 12 juin 1988
- 1994 : Le Projet de la Charte
arabe des droits de l'Homme de la Ligue arabe, en 1994
Intéressons-nous au plus
récent de ces documents, à savoir la Charte de la Ligue arabe de
1994. La Charte n'est pas, à l'heure actuelle, entrée en
vigueur ; c'est une proclamation des droits civils et politiques, et de
certains droits économiques sociaux et culturels. La Commission arabe
permanente des droits de l'Homme de la Ligue arabe a recommandé à
la Ligue arabe d'approuver ce texte jugé comme non contraire à la
Déclaration du Caire, dont nous étudierons le contenu
ultérieurement.
Dans ces différents documents
arabes et plus spécifiquement dans le document de la Charte de la Ligue
arabe, la référence à l'Islam est moins prononcée
que dans les documents islamiques.
La Charte de la Ligue arabe exprime dans son
préambule :
« Sa volonté de
réaliser les principes éternels fondés par la
Shari'à islamique et les autres religions célestes, relatifs
à la fraternité et à l'égalité entre les
êtres humains. »39(*).
Par exemple, dans son article 22
relatif à la «liberté de croyance, de pensée et
d'opinion », aucune limite n'est faite au nom de la Loi ou autre
référence à l'Islam. Elle dit aussi dans son
préambule vouloir réaffirmer «les principes de la Charte
des Nations-Unies, de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme
et des deux Conventions des Nations-Unies relatives aux droits
économiques, sociaux et culturels et aux droits civils et
politiques... »40(*).
B- Les documents islamiques
Plusieurs documents sur le plan
islamique :
- 1979 : Projet de
Déclaration des droits de l'Homme et des obligations fondamentaux de
l'homme en islam, publié par la Ligue du Monde musulmans en 1979.
- 1980 : Déclaration
islamique universelle publiée par le Conseil islamique de Londres le 12
avril 1980.
- 1981 : Déclaration
islamique universelle des droits de l'Homme, publiée par le Conseil
islamique à Londres le 19 septembre 1981.
- 1981 : Projet de document sur
les droits de l'Homme en Islam, proposé au Sommet de l'organisation de
la Conférence Islamique à Taïf en janvier 1981.
- 1989 : Projet de
Déclaration islamique des droits de l'Homme qui a eu lieu à
Téhéran en décembre 1989.
- 1990 : Déclaration du
Caire des droits de l'Homme en Islam, publiée par l'Organisation de la
Conférence Islamique au Caire le 5 août 1990.
Tous ces documents ont en commun une référence
à l'Islam. Nous étudierons plus particulièrement la
Déclaration islamique universelle des droits de l'Homme de 1981, ainsi
que la Déclaration du Caire de 1990.
1- La Déclaration islamique universelle des droits de
l'Homme.
L'Islamic Council pour l'Europe à Londres, qui
dépend de la Ligue du Monde musulman, a publié le 19 septembre
1981 une Déclaration islamique universelle des droits de l'Homme,
proclamée à Paris dans les locaux de l'UNESCO, par M. Salem
Azzam, secrétaire général du conseil islamique. Cette
Déclaration est d'initiative privée. Les droits définis
dans cette Déclaration représentent un éventail
très large puisqu'ils englobent non seulement des droits de la
Déclaration universelle de 1948, mais également ceux des Pactes
internationaux de 1966 relatifs aux droits civils, politiques,
économiques, sociaux et culturels, ainsi que ceux envisagés dans
le projet du troisième Pacte relatif aux droits de solidarité.
Elle rappelle à plusieurs reprises dans son préambule, comme pour
se démarquer de la Déclaration universelle des droits de l'Homme,
que les droits de l'Homme se fondent sur la volonté divine.
Le premier passage de l'introduction dit :
« Les droits de l'Homme, dans l'Islam, sont
fortement enracinés dans la conviction de Dieu, et Dieu seul, est
l'auteur de la Loi et la source de tous les droits de
l'Homme. »
Un des considérants de cette introduction ajoute :
« ...Cette Déclaration des
droits de l'Homme donne une puissante impulsion aux populations
musulmanes pour ester fermes et défendre avec courage et
résolution les droits qui leur ont été
conférés par Dieu. »
Dans un des passages du préambule de cette
déclaration, on peut lire :
« Allah (Dieu) a donné à
l'humanité, par ses révélations dans le saint Coran et la
Sunnah de son saint prophète Mahomet, un cadre juridique et moral
durable permettant d'établir et de réglementer les institutions
et les rapports humains ; ... »
« Affirmons par les présentes, en tant
que serviteurs d'Allah et membres de la fraternité universelle de
l'Islam, nous engageons à promouvoir les droits inviolables et
inaliénables de l'homme définis ci-après, dont nous
considérons qu'ils sont prescrits par l'Islam. »41(*)
Cette manière de fonder les droits de l'Homme sur une
volonté divine dérive de la justification du particularisme
propre aux Etats musulmans qui dit que le bien et le mal, le bon et le mauvais
sont déterminés par la Loi divine. Les droits dont jouit le
musulman et les restrictions qui lui sont imposées trouvent leur source
dans le Coran et, subsidiairement dans la Sunnah . La
Déclaration affirme dès son introduction son attachement aux
préceptes de l'Islam. Son champ d'application est défini par une
appartenance religieuse. L'article XII relative au «droit à la
liberté de croyance, de pensée et de parole ».
« a) Toute personne a le droit d'exprimer ses
pensées et ses convictions dans la mesure où elle reste dans
les limites prescrites par la Loi ».
« d) Il ne doit y avoir aucun obstacle à
la propagation de l'information dans la mesure où elle ne met pas en
danger la sécurité de la société ou l'Etat et reste
dans les limites imposées par la Loi. »42(*)
Il ne fait aucun doute que "la Loi", est la Loi
islamique imposant la volonté de Dieu.
Le fait que dans cette Déclaration, les droits de
l'Homme en Islam se fondent sur la volonté divine, montre la
volonté de ces auteurs de se démarquer des autres textes
internationaux de protection universelle des droits de l'Homme. Les bases et
les objectifs de cette Déclaration islamique universelle des droits de
l'Homme se retrouvent dans les deux projets de déclaration de
l'Organisation de la Conférence islamique ainsi que dans la
Déclaration du Caire de 1990.
2- Les deux projets de déclarations de
l'Organisation de la Conférence islamique et la
Déclaration du Caire de 1990
Les Etats musulmans, regroupés dans une organisation
internationale régionale (l'Organisation de la conférence
islamique, appelée O.C.I, créée depuis 1970) n'ont pas
été insensibles à la valorisation des droits de l'Homme
sur le plan international.
C'est pourquoi l'O.C.I a entrepris aux cours des années
1980 des efforts pour élaborer une déclaration sur les droits de
l'Homme, d'autant plus «qu'une Déclaration Islamique
Universelle des Droits de l'Homme» a été adoptée
par une organisation non-gouvernementale le 19 septembre 1981 ; en
l'occurrence le Conseil islamique pour l'Europe. Afin d'éviter de
laisser le terrain des droits de l'Homme inoccupé par les Etats
musulmans, l'O.C.I a procédé à l'élaboration de
deux projets de déclarations avant d'adopter, lors de la réunion
de Caire, la Déclaration des droits de l'Homme en Islam.
Le premier projet est dénommé
«Déclaration des droits et des obligations fondamentaux de
l'Homme en Islam » publiée en 1979. Sa
caractéristique fondamentale est son attachement à la Loi
islamique. En effet dès le préambule, il est
écrit :
« Au nom de Dieu..., reconnaissant que les
droits et les obligations de l'homme en Islam sont régis par des textes
impératifs qu'à fournis le créateur, lui qui est le
législateur suprême, si bien que l'homme ne saurait jamais y
porter atteinte, ni feindre de les oublier, ni même d'y renoncer,
... »43(*)
Le deuxième projet est dénommé
« Déclaration sur les droits de l'Homme en
Islam » publié à Taïf en janvier 1981. Ce
projet proclame la spécificité de la Loi islamique et insiste sur
le rôle essentiel de la communauté musulmane ou la
« Nation est qualifiée pour guider l'humanité
perplexe entre les courants et les idéologies compétitifs et pour
proposer les solutions islamiques aptes à résoudre les
problèmes anachroniques de la civilisation
matérielle »44(*).
Ces deux projets ont donc précédé la
Déclaration du Caire adoptée le 5 août 1990 par la
conférence des ministres des affaires étrangères de
l'O.C.I . La Déclaration comporte un préambule et vingt-cinq
articles. Elle est essentiellement basée sur des convictions
religieuses. Elle reconnaît les droits civils et politiques, des droits
sociaux, économiques et culturels. Elle établit des règles
relatives au droit humanitaire, effleure le problème du droit au
développement et proclame des devoirs à la charge de certaines
personnes physiques et morales. On remarque que la dénomination
donnée à la Déclaration est moins ambitieuse que celle
formulée par le Conseil islamique pour l'Europe, puisque l'on a
évité de qualifier cette déclaration d'universelle.
En omettant volontairement la qualification d'universelle, les Etats membres de
l'O.C.I n'ont pas voulu réaliser «une relecture de
l'islam ».45(*)
Certains islamologues pensent que l'Islam est parfaitement
capable d'intégrer la théorie moderne des droits de l'Homme
à condition d'être interprétée à la
lumière de la société actuelle. Mais rien de tel dans la
Déclaration du Caire ; elle s'est limitée à rappeler le
cadre inviolable de la Loi islamique pour la plupart des droits
énoncés.
Il est important de signaler que ces documents se
réfèrent rarement aux documents des Nations-Unies. La
2ème déclaration de l'O.C.I dit qu'elle vise à
«accompagner les efforts déployés par l'humanité
pour faire valoir les droits de l'Homme dans les temps modernes, notamment la
proclamation et les conventions adoptées par l`Assemblé
générale des Nations-Unies, aux fins de protéger l'homme
contre les forces brutales et d'affirmer sa liberté et ses droits dans
la vie »46(*). La référence aux textes des
Nations-Unies a disparu dans la 3ème
Déclaration ; celle-ci vise à «contribuer aux
efforts de l'humanité visant à garantir les droits de l'Homme,
à le protéger de l'exploitation et de la persécution,
à affirmer sa liberté et son droit à la vie digne en
accord avec la Loi islamique »47(*). Ce désintéressement à
l'égard des textes onusiens découle de l'idée que l'Islam
se suffit à lui-même et n'a pas besoin de s'appuyer sur d'autres
systèmes pour protéger les droits de l'Homme.
A travers l'étude de ces documents, c'est la même
idée qui est ressortie de l'étude des autres documents propres
aux Etats musulmans ; le musulman n'a pas à chercher en dehors de
l'Islam des solutions à ses problèmes puisque l'Islam offre des
solutions éternelles et bonnes dans l'absolu. Les droits dont il jouit
et les restrictions qui lui sont imposées trouvent leur source dans le
Coran et, subsidiairement dans la Sunnah .
La conformité avec la Loi islamique n'est pas une
tâche facile. Les controverses et les divergences sont courantes. Le
document du Caire est une simple déclaration. Cela signifie que les
Etats musulmans n'ont pas réussi à adoper un instrument
conventionnel ayant un caractère obligatoire. La Déclaration de
Caire mérite une lecture attentive pour tenter d'identifier les
contradictions dans les textes car elle constitue l'une des manifestations les
plus marquée de l'irruption de l'Islam sur la scène
internationale.
Section II : Les contradictions dans les documents
Il est difficile aujourd'hui de dire non à l'Islam,
comme il est difficile de dire non aux droits de l'Homme. Des contradictions
pèsent sur le moderniste musulman, auteur des documents qui discutent
des droits de l'Homme en Islam. Dans l'ensemble, les droits de l'Homme ne sont
pas contestés quant à leur principe. Mais le refus des Etats
musulmans d'intégrer "pleinement" l'universalité des droits de
l'Homme semble s'exprimer à travers l'interprétation
contradictoire qui est faite des droits de l'Homme ( § 1). Ces
documents sont l'oeuvre des personnes qui voient dans l'Islam un
système parfait de protection des droits de l'Homme et qui, de ce fait,
cherchent à faire revaloriser sa conception en lieu et en place de la
conception du droit international contemporain. Mais ce système parfait
de protection des droits de l'Homme est-il applicable ? (§ 2)
§ 1 : Une interprétation
contradictoire des droits de l'Homme.
Les documents qui s'expriment sur les droits de l'Homme dans
les Etats musulmans contestent tous à des degrés
différents le principe de l'universalité des droits de l'Homme.
Jean-Claude Vatin estime que ces textes se caractérisent à la
fois par «une volonté de se placer dans le cadre universel
fixé par les Nations-Unies » et par «un
désir non moins évident de s'en démarquer par certains
traits pour insister non sur des particularités régionales sur
des différences culturelles, le caractère religieux de l'individu
et de son rapport à la divinité et aux textes et traditions
sacrés entraînant des dépendances et obligations d'une
essence spéciale »48(*) .
On peut constater à la lecture de ces documents, qu'il
n'y a pas de droits propres aux Etats musulmans qui n'auraient pas
d'équivalent dans les divers documents internationaux des droits de
l'Homme. Les contradictions viennent du fait que ces documents ne cherchent pas
obligatoirement une lecture islamique des droits de l'Homme, auquel cas, les
droits de l'Homme en général perdraient de leur
universalité. C'est parce que la plupart des droits de l'Homme reconnus
par le droit international semblent être marqués par une
connotation islamique (dans la mesure où l'Islam est le fondement et la
référence des droits de l'Homme) et que la Loi islamique (la
Shari'à) gouverne les droits de l'Homme que l'on constate
certaines contradictions quant à l'interprétation de ces
droits.
Ils reconnaissent les droits civils et politiques, des droits
sociaux, économiques et culturels. Ils établissent des
règles relatives au droit humanitaire, effleurent le problème du
droit au développement et proclament des devoirs à la charge de
certaines personnes physiques et morales. Tous ces droits sont universellement
proclamés dans les instruments internationaux relatifs aux droits de
l'Homme. Mais l'Islam reste la référence de ces droits
énoncés, et la Loi islamique transcende les droits de l'Homme qui
gardent leur formulation universelle. Ainsi les termes de Loi islamique, de
Shari'à sont utilisés dès le préambule et
pratiquement tous les droits sont reconnus dans la limite de la Loi islamique.
L'examen des différents articles de ces documents démontre le
souci de ses auteurs de reconnaître un ensemble de droits «dans
la limite » ou «en accord »
ou «dans le cadre » ou «en
respect » ou «sans
contradiction » avec la Loi islamique.
Ainsi la liberté d'expression est
énoncée, dans la Déclaration islamique universelle des
droits de l'Homme dans son article XII :
« a) Toute personne a le droit d'exprimer ses
pensées et ses convictions dans la mesure où elle reste dans
les limites prescrites par la Loi ».
« d) Il ne doit y avoir aucun obstacle à
la propagation de l'information dans la mesure où elle ne met pas en
danger la sécurité de la société ou l'Etat et reste
dans les limites imposées par la Loi. »49(*)
Dans la Déclaration du Caire dans son article 22 :
« a) Tout individu a le droit d'exprimer
librement son opinion d'une manière non contraire aux principes de la
Loi islamique. »50(*)
Dans ce dernier document, le rattachement à la Loi
islamique est encore plus explicite dans les deux derniers articles dans la
mesure où il est expressément prévu que «tous les
droits et libertés énoncés dans ce document sont
subordonnés aux dispositions de la Loi islamique »
(article 24)51(*). Et
l'article 25 pose que «la Loi islamique est la seule source de
référence pour expliquer ou clarifier tout article de cette
déclaration »52(*). Pour un juriste, cette dernière disposition
signifie que tout problème d'interprétation doit être
résolu à la lumière de la seule Loi islamique à
l'exclusion de toute autre norme positive y compris celles
élaborées par les Nations-Unies.
Ces documents ne peuvent pas être une simple relecture
de l'Islam. Car si les normes islamiques du droit musulman pouvaient avoir une
justification dans le passé, aujourd'hui certaines de ces normes sont un
danger pour les Etats musulmans. Il faut donc avouer que la lecture de ces
documents ne permet pas d'identifier un contenu uniquement islamique des droits
de l'Homme. Il fallait imaginer une lecture moderne de l'Islam à travers
les droits de l'Homme ou une lecture des droits de l'Homme à travers
l'Islam moderne.
Une autre contradiction est à relever. Ces
déclarations, chartes... sont en général des documents
équilibrés qui prennent en considération les droits
fondamentaux de l'homme et les libertés publiques. Mais il n'en reste
pas moins que ces documents semblent avoir leur propre conception des droits de
l'Homme et tous ces principes ne s`appliquent qu'aux musulmans. Donc les
solutions préconisées sont souvent contradictoires ; une
formulation universelle, mais une application limitée aux musulmans.
Il n'est pas non plus facile pour des Etats qui n'ont pas les
mêmes relations entre l'Etat et la religion d'appliquer
uniformément les principes énoncés dans ces documents.
Car il est difficile d'appréhender la
problématique de la cohabitation du droit positif et du droit coranique.
C'est peut-être pour cette raison que l'interprétation de ces
documents relatifs aux droits de l'Homme propres aux Etats musulmans est
contradictoire d'un Etat à l'autre.
En se référant aux préceptes de la
religion, les documents islamiques et arabes sont susceptibles de produire plus
d'effet que les documents internationaux laïques, car ils s'appuient sur
deux lectures, universaliste et islamique, qui donnent une double
autorité aux documents. Reste que ces documents ne prévoient
aucune mesure d'application concrète.
§ 2 : Un «système parfait de
protection » inapplicable.
Ces documents sont l'oeuvre des personnes qui voient dans
l'Islam un système parfait de protection des droits de l'Homme et qui,
de ce fait, cherchent à faire revaloriser sa conception en lieu et en
place de la conception du droit international contemporain. A l'heure actuelle,
aucun de ces documents n'est entré en vigueur. Sami A.Aldeeb Abu-Sahlieh
explique que : « Le fait que ces Déclarations ne
soient pas entrées en vigueur prouve qu'elles sont destinées non
pas au public arabo-musulmans, mais aux interlocuteurs occidentaux à
des fins publicitaires »53(*). A ce titre il signale que la déclaration
islamique universelle des droits de l'Homme de 1981 a été
«proclamée » à Paris, dans le cadre de
l'UNESCO.
Aucun de ces documents n'a de valeur juridique. Ils ne
prévoient donc aucune mesure d'application concrète et personne
ne peut les invoquer afin d'obtenir le respect de son droit. Cela explique que
les contradictions dans ces documents ne viennent pas du fait qu'ils cherchent
à faire un simple lecture islamique des droits de l'Homme, mais du fait
qu'ils ne consacrent aucune disposition ou institution spéciale à
la protection des droits de l'Homme.
La charte de la Ligue des droits de l'Homme prévoit un
Comité d'experts. Mais les seules compétences de ce Comité
sont «d'examiner les rapports que les Etats parties soumettent
dans l'année qui suit l'entrée en vigueur de la charte ou de
l'adhésion de l'Etat, les rapports périodiques remis par les
Etats concernant l'application de la Charte ainsi que les rapports reçus
des Etats sur requête du Comité » 54(*)(article 41 de la Charte). Les
auteurs de ces documents qui voient en eux un système parfait de
protection des droits de l'Homme ont omis l'essentiel, la garantie de cette
protection.
Il existe pourtant des systèmes de protection
régionaux. Le système européen de protection des droits de
l'Homme qui est fondé sur la Convention européenne des droits de
l'Homme, signée à Rome le 4 novembre 1950. L'individu se voit
reconnaître la possibilité de saisir une instance internationale
d'une plainte dirigée contre un Etat. Il existe un organe
juridictionnel, la Cour européenne des droits de l'Homme.
Le système interaméricain fondé sur la
Convention interaméricaine des droits de l'Homme de 1969, qui garantit
quelque douzaine de droits civils et politiques. La Convention donne
compétence à la Cour interaméricaine des droits de l'Homme
pour connaître des questions qui concernent le respect par les Etats de
leurs engagements.
Le système africain repose sur la Charte africaine des
droits de l'Homme et des peuples qui prévoit la création d'une
commission auprès de l'Organisation de l'unité africaine
chargée de promouvoir les droits de l'Homme et des peuples et
d'assurer leur protection en Afrique (article 30).
Il semble important compte tenu des efforts faits par les
autres institutions régionales de mettre en place un système qui
garantisse la protection des droits de l'Homme dans les Etats musulmans. Nous
savons qu'il existe un Islam ouvert, tolérant, cultivé qui, loin
de rejeter les apports positifs de la modernité, veut contribuer de
façon solidaire à tous les efforts déployés dans le
monde pour une avancée plus rapide des droits de l'Homme. La tâche
est immense.
Sami A.Aldeeb Abu-Sahlieh pense que cette tâche revient
aux intellectuels arabes et musulmans. Qu'il est de leur devoir de créer
un système politique, économique et juridique adéquat qui
puisse assurer le respect des droits de l'Homme en tenant des besoins et des
spécificités des Etats musulmans.
Ces documents affirment l'adhésion des Etats musulmans
à la « Charte des Nations-Unies, à la
Déclaration Universelle des Droits de l'Homme et des deux Conventions
des Natione-Unies relatives aux droits économiques, sociaux et
culturels, et aux droits civils et politiques» 55(*)(préambule de la Charte
de la Ligue arabe). En relavant le fait que ces documents n'aient aucune valeur
juridique, Abu-Sahlieh écrit : " Ce qu'il faut aujourd'hui c'est
l'adoption d'une Convention des droits de l'Homme propre aux monde
arabo-musulman qui prend en considération ses propres problèmes.
Il ne suffit pas ici de copier la Déclaration universelle des droits de
l'Homme en la saupoudrant de formules religieuses comme le font les
différentes Déclarations islamiques actuelles."56(*). Il n'y a rien qui puisse, en
principe, empêcher les Etats musulmans de s'adapter et de devenir
compatible avec l'universalité des droits de l'Homme, s'ils n'en
limitent pas la portée.
TITRE II : La limitation de la portée
universelle des droits de l'Homme par les Etats musulmans
L'Islam fondé sur des principes éternels, n'est
compatible avec rien d'autre qu'avec lui-même. En ce sens, il refuse,
rejette et combat jusqu'au bout l'universalité des droits de l'Homme -
conception laïque - ( Chapitre I).
Mais les Etats musulmans dynamiques, s'adaptent à des
environnements très différents et à des circonstances
historiques changeantes. Ils se sont révélés compatibles
avec les principaux types d'Etat et les formes diverses d'organisation sociale
que l'histoire a produit. De même que l'Islam en tant que religion
appartenant à l'histoire mondiale s'étendant sur quatorze
siècles, a incontestablement réussi à s'implanter dans une
grande diversité de société, de culture, de mode de vie.
Une nouvelle fois, comme souvent au cours de l'histoire, les
Etats musulmans sont appelés à s'adapter à une situation
inédite et aux défis de la modernisation. Ils sont prêts
à consentir à l'universalité des droits de l'Homme. (
Chapitre II).
Chapitre I : Une hostilité de principe
Les Etats musulmans vont pouvoir s'adapter et accepter
l'universalité des droits de l'Homme tout en observant un sentiment de
méfiance en toutes circonstances. S'ils en relativisent la
portée, il n'y a rien qui puisse empêcher les Etats musulmans de
consentir à l'élaboration du corpus juridique de
l'universalité des droits de l'Homme.
Section I : L'élaboration du corpus juridique
de l'universalité des droits de l'Homme
§ 1 : La difficile universalité
Les droits de l'Homme se sont forgés à travers
l'histoire et depuis la philosophie grecque. Il serait erroné de nier
l'apport du siècle des Lumières et de la Révolution
française de 1789, et par conséquent de nier l'apport de
l'Occident dans la formulation universaliste des droits de l'Homme. Il est
intéressant de relever que ce long processus d'universalisation a
avancé de façon lente sur le plan conceptuel ( A). Sur le plan de
l'effectivité, les droits de l'Homme ont connu des progrès ainsi
que des reculs qui ont marqué l'universalité qui reste encore
aujourd'hui inachevée (B).
A- La lente avancée de l'universalisation sur
le plan conceptuel
La définition des droits de
l'Homme en droit international contemporain prétend dès le
départ à une portée universelle, d'où le nom de la
Déclaration Universelle des Droits de l'Homme. Ceci repose sur la
conviction que l'être humain est partout le même et doit donc avoir
partout les mêmes droits. L'article premier de la Déclaration
universelle dit que : « Tous les hommes naissent libres et
égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de
conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de
fraternité ».
Ce qui se dit dans de la
Déclaration universelle est valable pour le reste des documents onusiens
en rapport avec les droits de l'Homme.
Mais la question de
l'universalité est comme le rappelle Pierre-Henri Imbert
«est l'une des plus difficile à traiter, lorsque l'on aborde le
sujet des droits de l'Homme»57(*). Difficile, mais importante car cette question
est au coeur de la problématique des droits de l'Homme. Ces droits
concernent tous les êtres humains au-delà de toutes distinctions
géographiques, politique, idéologique, sociale,
économique, culturelle...
Le caractère d'universalité des droits de
l'Homme doit prendre en considération les spécificités
culturelles ou nationales, historiques et sociales de chaque Etat, tout en
affirmant la transcendance des valeurs communes à tous les êtres
humains. L'expression universelle des droits fondamentaux est le produit de
plusieurs apports, d'enrichissements progressifs qui sont dû à la
montée d'une participation universalisée à l'oeuvre de
l'O.N.U et d'une régionalisation de la protection des droits de l'Homme,
c'est à dire l'expression du particularisme face à
l'universel.
Mais ce n'est pas parce que les
droits de l'Homme sont universels que cela oblige tous les Etats à
respecter absolument de la même manière, quelles que soient les
circonstances, tous les droits de l'Homme. A l'inverse ce n'est pas parce que
de profondes différences séparent les Etats que
l'universalité des droits de l'Homme n'a aucun sens.
Il n'est pas aisé d'aboutir
à une approche universelle des droits de l'Homme. Car cette
reconnaissance universelle doit affronter les différences ethniques et
culturelles, religieuses et sociales entre les peuples, des
variétés voir des oppositions de régimes politiques entre
les Etats, et des différences de niveau économique entre les
nations. Le droit international contemporain pose comme postulat dans la
Déclaration Universelle des Droits de l'Homme que les droits sont
communs à tous, en tous lieux, en temps, et constituent
«l'idéal commun à atteindre par tous les peuples et
toutes les nations ». Ces difficultés illustrent la lente
avancée des droits de l'Homme sur le plan conceptuel. Néanmoins,
dans les faits, il existe des aspects qui modèrent ces divergences.
B- L'universalité dans les
faits
Même si les développements conceptuels en
matière de droits de l'Homme ne sont pas véritablement parvenus
à une universalisation matérielle, il existe un consensus
international sur l'universalisation du noyau dur, un standard minimum
impératif en tout lieu et toutes circonstances. En dépit des
divergences qu'on a signaler plus haut, on a vu émerger progressivement
un noyau restreint de valeurs et de droits universellement admis par tous les
Etats. Le problème d'un noyau intangible des droits de l'Homme inclut la
question relative à une priorité de certains droits par rapport
à d'autre.
La définition de ce noyau intangible des droits de
l'Homme ne va pas pourtant sans difficulté. Existe-t-il des droits
auxquels les Etats ne peuvent déroger quelles que soient les
circonstances, droits qui seraient considérés- selon la
définition donnée par le professeur Frédéric Sudre
- comme les droits constituants «les attributs inaliénables de
la personne humaine, fondés comme tels sur des valeurs que l'on retrouve
en principe dans tous les patrimoines culturels et systèmes
sociaux »58(*), droits applicables à toute personne quelles
que soient les circonstances de temps et de lieu ?
La réponse est certainement négative en raison
de la cohérence et de l'indivisibilité des droits de l'Homme
liées à l'intégrité de la personne humaine. Cette
indivisibilité et cette unité des droits de l'Homme ont
d'ailleurs été consacrées dans la Proclamation de
Téhéran adoptée à l'unanimité par la
Conférence internationale des droits de l'Homme en 1968 annonçant
dans son article 13 que les droits de l'Homme et les libertés
fondamentales sont indivisibles. Il n'existe pas, en droit international des
droits de l'Homme, de hiérarchie des droits.
Mais la législation internationale relative aux droits
de l'Homme a été marquée par une séparation,
à la fois artificielle et trompeuse, entre les droits civils et
politiques, d'une part, et les droits économiques, sociaux et culturels,
d'autre part. Il est indéniable que les droits économiques
sociaux et culturels ont bénéficier de moins d'attention de la
part des Nations-Unies et de ses organes constitutifs. Les normes
adoptées dans ce domaine ainsi que les mécanismes destinés
à les faire appliquer sont beaucoup moins développés. Or
la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme appelle" tous les
individus et tous les organes de la société" à
apporter leur contribution au respect universel des droits de l'être
humain. Chaque pays n'a pas les mêmes priorités concernant les
droits de l'Homme. Il est difficile d'imaginer que dans un pays
sous-développé, les gouvernants vont proclamer un droit à
la liberté d'expression, alors que la presse et les autres moyens de
diffusion d'information n'existent pas réellement. Leur priorité
serait pour un droit en développement.
Apparaissent surtout sur le plan international, les obstacles
de l'application des droits de l'Homme. Comment tendre le mieux possible vers
cette universalisation des droits de l'Homme ? Pour cela, les
Nations-Unies ont élaboré des instruments internationaux
spécifiques aux droits de l'Homme.
§ 2 : La spécificité de la
construction onusienne
La protection des droits de l'Homme dans le cadre des
Nations-Unies a été imaginée dès l'adoption de la
Charte des Nations-Unies. Néanmoins, il était nécessaire
de concevoir et d'élaborer des traités définissant d'une
manière appropriée le concept même de droits de l'Homme
s'adressant sans distinction à tous les Etats et tous les individus de
la communauté internationale.
A- Les normes
C'est la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme
adoptée le 10 décembre 1948 qui servira de base à la
formulation, explicite des différents droits tant civils et politiques,
qu'économiques, sociaux, culturels dont les individus sont les
bénéficiaires. Par la suite, un certain nombre de Conventions
relatives, entre autres à la prévention et à la
répression du crime de génocide, à
l'imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes contre
l'humanité, et à l'abolition de l'esclavage
complétèrent la gamme déjà fort étendue des
droits protégés par la Déclaration.
La gamme des traités relatifs à la protection
des droits de l'Homme comprend d'une part la Charte internationale des droits
de l'Homme et, d'autre part, des traités plus spécifiques
élargissant et complétant les types des droits déjà
protégés. Outre la Déclaration universelle, la Charte
comprend le Pacte international relatif aux droits économiques sociaux
et culturels et le Pacte relatif aux droits civils et politiques, auxquels sont
rattachés deux Protocoles facultatifs relatifs, d'une part à
l'examen de communications individuelles et, d'autre part, à l'abolition
de la peine de mort. Les Pactes ont été adoptés par
l'Assemblée générale des Nations-Unies le 16
décembre 1966.
Certains des droits fondamentaux garantis par ces Pactes ont
été abordés par plusieurs autres traités
spécifiques tant le besoin s'était fait sentir de protéger
tout particulièrement certaines catégories de personnes ou de
droits. Il convient de citer, à titre indicatif, la Convention
internationale sur l'élimination de toutes formes de discrimination
raciale entrée en vigueur le 4 janvier 1969 et qui constitue
chronologiquement le premier instrument à avoir prévu un
mécanisme d'application assuré par le Comité pour
l'élimination de la discrimination raciale. La Convention contre le
crime d`Apartheid, la Convention contre la torture et autres peines ou
traitements cruels, inhumains et dégradants...
En effet Paul Tavernier écrit à propos des Etats
musulmans : « Ils étaient divisés au sujet de
la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme et se sont
ralliés peu à peu aux deux Pactes de 1966 et à
l'universalisme onusien, non sans réticence ou sans arrière
pensée »59(*). Au départ le texte de la Déclaration
universelle leur semblait incompatible avec les enseignements de l'Islam. Car
les droits de l'Homme, dans la Déclaration universelle n'ont pas leur
raison d'être dans un commandement divin, mais dans la volonté de
l'Assemblée générale des Nations-Unies.
L'exercice des droits proclamés dépend
étroitement des procédures mises en place pour permettre la
revendication. Les droits de premier degré, ou droit primaire- droit
à la vie, à la liberté, au travail... ne sont rien sans un
droit au second degré, le droit au droit, garantissant la protection des
droits de l'Homme.
B- Les mécanismes de
contrôle
Des mécanismes de contrôle de l'application des
traités internationaux en matière de protection des droits de
l'Homme ont été développés au sein du
système des Nations-Unies. Les Etats Parties aux dits traités,
ont l'obligation principale de mettre en application les droits fondamentaux
prévus par les textes.
En identifiant les techniques de protection mises en place
dans le cadre de l'O.N.U, on remarque qu'il est difficile d'organiser au niveau
international de véritables sanctions juridiques. Les techniques
politiques de contrôle et les mécanismes de protection
non-juridictionnels jouent un rôle plus important. De plus, il est
inutile de multiplier au sein des organisations internationales ou
régionales les techniques de contrôle, surtout lorsque les
sanctions qui sont prévues n'ont qu'un effet relativement modeste.
Plusieurs procédures ont été mises en
place permettant l'examen de communications inter-étatiques et de
communications individuelles. La procédure qui nous intéresse le
plus en l'espèce, est celle applicable aux deux Pactes internationaux de
1966 ; c'est à dire la procédure d'examen sur rapport
étatique qui procède de la notion de dialogue entre un ensemble
d'experts indépendants provenant de régions et de systèmes
juridiques différents et une délégation composée de
représentants de l'Etat Partie concerné. Une telle
procédure, délibérément non-accusatoire, permet
à la communauté internationale d'influencer directement sur la
rédaction de textes de Lois, de Règlements ou la mise en pratique
des normes nationales.
Plusieurs normes internationales affirment qu'il incombe aux
gouvernements de prévenir et de sanctionner les violations des droits de
l'Homme lorsqu'elles sont commises sur leur territoire. Elargir la
responsabilité implique non seulement de s'intéresser à ce
que font les gouvernements, mais aussi à ce qu'ils ne font pas pour
promouvoir les droits de l'Homme et pour prévenir les violations de ces
droits. Cet élargissement va expliquer la relativisation du corpus
juridique de l'universalité des droits de l'Homme.
Face à ce
«dérangeant » droit des droits, les Etats ont
finalement adopté une attitude de réticence et de
méfiance. Car la plupart des Etats, dont les Etats musulmans sont
persuadés que le corpus juridique de l'universalité des droits de
l'Homme sert d'instrument pour maintenir l'hégémonie des grandes
puissances occidentales au détriment du respect des droits de l'Homme.
Ainsi même si le particularisme propre aux Etats musulmans en
matière de droits de l'Homme, ne remet pas fondamentalement en cause le
corpus juridique de l'universalité des droits de l'Homme, cela ne les
empêche pas de le relativiser.
Section II : La relativisation du corpus juridique de
l'universalité des droits de l'Homme
En relativisant le corpus juridique de l'universalité
des droits de l'Homme, les Etats musulmans ne refusent pas
catégoriquement l'universalité, mais ils lui font perdre son
caractère absolu. Antonio Cassese rappelle que l'importance de la
Déclaration Universelle des Droits de l'Homme et de deux Pactes
internationaux n'est pas remise en cause en tant «qu'objectifs à
atteindre » (idéaux communs à atteindre, pour
reprendre les termes de la Déclaration), en dépit des
différences d'interprétation et d'application. Autrement dit, il
dit que " les Etats continuent à voir dans les trois documents
un ensemble de valeurs que l'on doit s'efforcer de réaliser."60(*) . Ils relativisent le
caractère absolu de la terminologie du corpus juridique de
l'universalité des droits de l'Homme (§ 1), ainsi que son
application (§ 2).
§ 1 : Le caractère absolu de la terminologie
La terminologie est l'ensemble des termes particuliers au
corpus juridique onusien de l'universalité des droits de l'Homme.
Relativiser le caractère absolu de l'universalité, revient
à dire que l'universalité reste pour l'instant "un
idéal commun à atteindre".
Non seulement les droits de l'Homme sont respectés
différemment dans les différents pays, mais ils sont
également conçus différemment. Antonio Cassese
relève les points sur lesquels «l'effort d'unification mondiale
n'a pas encore abouti »61(*) . En premier lieu, il existe de profondes
divergences dans la conception philosophique des droits de l'Homme. Une autre
divergence concerne les conceptions culturelles et religieuses
différentes. Une divergence importante, celle relative au
problème de la protection internationale des droits de l'Homme.
Hanna Saba explique «parce qu'à la
différence des autres parties du droit international la Charte
Internationale des droits de l'Homme concerne essentiellement la condition des
personnes, la conception et l'application des principes qu'elle définit
sont plus particulièrement conditionnés par les philosophies, les
religions, les traditions et les régimes sociaux des différents
Etats qui composent notre monde multiculturel. »62(*)
Pour cela l'Unesco, a convoqué une table ronde qui
s'est tenue à Oxford du 11 au 19 novembre 1965 et à laquelle ont
participé d'imminentes personnalités venues des pays les plus
divers et appartenant aux traditions les plus différentes (occidentales,
marxistes, bouddhistes, hindouistes, confucianistes, islamiques,
africaines...). Le mandat de ce colloque ne se limitait pas à mettre en
lumière les différences dans les conceptions; la question lui
était également posée de savoir " si, dans les
sociétés différentes dont les valeurs semblent divergentes
et même opposées, il n'existe pas cependant une base commune
à toute pensée ou du moins des équivalences susceptibles
d'être analysées"63(*).
L'une des principales conclusions du colloque d'Oxford est que
" la Déclaration universelle a été fortement
influencée par la tradition occidentale des droits de l'Homme et
notamment les Déclarations des droits qui furent proclamés en
Europe occidentale et aux Etats-Unies. La forme et la terminologie de la
Déclaration universelle, la place accordée au son sein aux droits
civils et politiques et aussi aux garanties de ces droits témoignent de
cette influence. On a pu penser aussi que la Déclaration universelle
serait fortement "occidentale" dans la mesure où les normes qu'elle
énonce ne reflètent pas toujours celles de certaines philosophies
ou religions et traditions ; parfois même elles reposent sur des valeurs
sinon opposées du moins différentes."64(*)
Le corpus juridique de l'universalité des droits de
l'Homme comporte des dispositions contraires aux préceptes, aux Lois et
aux coutumes des Etats musulmans. Les représentant des Etats musulmans
interviennent souvent dans le cadre des Nations-Unies pour rappeler que le
corpus juridique onusien des droits de l'Homme diffère de celui
préconisé par la Loi islamique. Ce malaise est bien
exprimé à travers l'intervention en 1982 du représentant
de l'Iran à la 3ème Commission de l'O.N.U où il
dit :
« La Déclaration et les Pactes sont en
grande partie le produit du libéralisme occidental ; au moment de
leur adoption, les régimes colonialistes et impérialistes
occidentaux représentaient la majorité de la communauté
internationale. Mais aujourd'hui cette majorité est formée par
les Etats nouvellement indépendants d'Asie et d'Afrique qui
possèdent un riche héritage philosophique, idéologique et
culturel. Par conséquent, la déclaration doit être
modifiée, le document laïc et occidental devant faire place un
instrument qui soit mieux accepté universellement et donc plus
facilement applicable universellement. Pour cela, le monde occidental doit se
départir de son chauvinisme culturel traditionnel et envisager de
nouvelles approches en matière de droits de
l'Homme. »65(*)
On pourrait accumuler les exemples des antinomies existant
entre la terminologie du corpus onusien et les principes, voire les
législations propres aux Etats musulmans. L'un des plus grands
défis à relever serait l'expression et la diffusion des valeurs
du corpus onusien sous une forme culturellement variée, sans pour autant
affaiblir les notions qu'elle proclame ni restreindre l'universalité de
leur application. A l'échelon le plus simple, cela signifie traduire les
textes dans toutes les langues parlées dans le monde et mettre ces
textes à la disposition des milliards de personnes qui en ignorent
l'existence. Plus concrètement, il sera nécessaire
d'élargir la connaissance et la compréhension de ces droits, en
faisant appel à différentes traditions culturelles,
philosophiques et religieuses. L'universalité doit
bénéficier de la diversité et non l'exclure.
Le particularisme, au lieu d'être un obstacle à
l'universalité des droits de l'Homme, lui est bénéfique.
Plutôt que l'unification, la diversité suggère
l'harmonisation des systèmes de droits (dans la mesure où ils
sont «admis » par la communauté internationale), à
condition d'être compatibles avec les principes fondateurs communs des
droits de l'Homme. Comme l'explique Mohammed-Allal Sinaceur «le
respect universel des droits de l'Homme ne pourrait être sauvegarder si
chaque culture et nation n'offrent, dans leurs racines mêmes, les
défenses qui les protègent. C'est dans la mesure où chaque
culture permet à chaque nation, ou ensemble de nations qui s'en
réclament, de préserver le respect de ces droits, que les nations
trouveront elles-mêmes les ressources et les moyens d'une vie à
l'unisson de la communauté mondiale, d'une libre conformité aux
valeurs universelles qui fondent les relations entre les pays et les
Etats et donne tout son sens à l'idée de communauté
internationale. »66(*). Ces documents qui restent avant tout, la principale
source des droits de l'Homme, ont du mal à être accepter dans leur
terminologie par les Etats musulmans forts imprégnés par leur
particularisme en matière des droits de l'Homme.
La terminologie du corpus juridique de l'universalité
des droits de l'Homme n'est pas l'unique raison de cette relativisation. Par
définition, l'universalité des droits de l'Homme implique un
droit de regard mutuel entre tous les Etats. Des mécanismes existent
afin de contrôler l'application du respect des droits de l'Homme dans
tous les Etats. C'est dire que les droits de l'Homme peuvent être un
droit d'action pour certains Etats contre d'autres.
§ 2 : Le caractère absolu de l'application
Est-il possible d'appliquer de façon absolue et
uniforme, le corpus juridique de l'universalité des droits de l'Homme,
dans tous les pays membres de la communauté internationale ? La
réponse est certainement négative. En effet, l'application de
toutes les dispositions du corpus juridique dans tous les Etats exige encore de
très importants changements dans les mentalités et dans les
législations. Il en est ainsi même dans les Etats occidentaux,
fondateurs de cette universalité.
Si les Etats musulmans relativisent l'application du corpus
juridique c'est afin d'éviter que les Nations-Unies transplantent dans
leurs systèmes légaux des normes universelles incompatibles avec
leur particularisme en matière des droits de l'Homme. Mais les droits de
l'Homme sont devenus une préoccupation dans la législation
contemporaine des Etats musulmans. Ils sont, en effet, intimement liés
à la modernité, et les Etats musulmans ne rejettent pas
fondamentalement cette modernité.
En 1948, lors de la rédaction de la Déclaration
Universelle des Droits de l'Homme, les Etats musulmans ont, pour la plupart,
considéré ce texte comme incompatible avec les préceptes
islamiques. Mais une adaptation réciproque s'est faite progressivement
sous le signe d'une double évolution qui affecte, d'une part,
l'étendue même et les conditions d'exercice des droits reconnus
et, d'autre part, les législations et les coutumes des différents
pays. Si l'on se reporte en 1966, année de l'adoption des Pactes
internationaux relatifs aux droits de l'Homme par l'Assemblée
générale des Nations-Unies, l'on constate plusieurs manifestation
de cette évolution.
Pour ne donner qu'un exemple, l'article 18 de la
Déclaration universelle proclamait le droit de changer de religion :
"...ce droit implique le droit de changer de religion ou de
conviction...". Ceci va totalement à l'encontre de l'Islam. Dans le
Pacte international des droits civils et politiques, l'article 18 relative
à la liberté de pensée, de conscience et de religion ne
fait pas mention du droit à changer de religion.
Pour ne donner qu'un autre exemple relatif aux Etats
musulmans, le principe de la liberté d'expression est affirmé par
les documents internationaux dont la valeur universelle est reconnue par la
plupart des Etats musulmans. ( Article 19 de la Déclaration Universelle
des Droits de l'Homme, et article 19 du Pacte Internationale des droits civils
et politiques). Des mesures législatives et administratives ont
été prises par les Etats musulmans pour assouplir les limitations
imposées au principe de la liberté d'expression, mais ces mesures
ne permettent pas encore de changer radicalement les mentalités et de
supprimer les préjugés face à l'application universelle
des droits de l'Homme. Des retours de bâton interviennent pour
anéantir en peu de temps l'effet des années de lutte et
d'efforts.
Une délégation de "Reporters sans
frontières" a relevé de multiples violations de ce principe ;
depuis l'assassinat de Tahar Djaout le 26 mai 1993, cinquante-sept journalistes
ont été tués. La plupart de ces meurtres ont
été revendiquées par les différents groupes
armés se réclamant de l'islamisme " qui considèrent
les professionnels algériens de l'information comme des "suppôts
du pouvoir" et des "ennemis de l'Islam"".67(*)
En acceptant formellement le corpus juridique de
l'universalité des droits de l'Homme, les Etats musulmans sont
liés par ces normes et leur application ; ils sont donc sujets à
être jugés à travers elles. Le caractère absolu de
l'application du corpus juridique de l'universalité des droits de
l'Homme fait redouter aux Etats musulmans le fait que certains Etats puissent
juger leurs pratiques en la matière, puissent s'immiscer dans leurs
affaires intérieures. Que la communauté internationale puisse
estimer que telle ou telle pratique est acceptable ou ne l'est pas, et juger de
l'adéquation de ces pratiques avec les normes de droit international des
droits de l'Homme à travers les mécanismes de contrôle mis
en place à cet effet par les Nations-Unies.
Ces mécanismes aussi faibles qu'ils soient,
contraignent l'Etat à rendre des comptes et à se justifier.
« Permettant un droit de regard extérieur sur ce qui
constitue le coeur même du régime politique de l'Etat, il peut
aboutir à porter atteinte à sa respectabilité- aussi bien
interne- qu'international »68(*) . Face à cet étrange droit des droits,
les Etats musulmans sont méfiants. Tout d'abord, parce que cela permet
un droit de regard mutuel entre tous les Etats qui peuvent s'en servir pour
intervenir dans les affaires intérieures de l'Etat.
Et si l'on tend à reconnaître aux droits de
l'Homme un caractère universel et absolu, la diversité des
instruments de protection pose problème. La limitation qu'impose les
Etats musulmans à la portée universelle des droits de l'Homme
vient de la multiplicité des instruments régionaux, universels,
déclaratoires ou conventionnels, de protection des droits de l'Homme,
qui pose le problème de leur harmonisation. On ne peut éviter les
imprécisions qui sont sans doute la cause de la difficile
universalité, car chaque Etat peut adopter sa propre définition
et apporter ses propres limitations.
Accepter l'universalité n'est pas un problème en
soi, car nous venons de le démontrer; il existe plusieurs façons
de l'aborder. Le problème réside dans le fait que cela impose une
certaine rigueur dans la pratique. Les Etats musulmans ne peuvent qu'être
hostiles par principe à se voir imposer des normes universelles absolues
qui sont inapplicables en pratique dans leur pays. Ce qui précède
montre qu'ils ne peuvent que penser que "l'ONU dans sa structure sert
d'instrument pour maintenir l'hégémonie des grandes puissances au
détriment du respect des droits de l'Homme"69(*), et que les droits de l'Homme
ne peuvent exister que dans un système positif et moderne. Pourtant,
tout en étant hostiles à l'universalité des droits de
l'Homme, les résistances face à la mise en place du corpus
juridique des droits de l'Homme sont de moins en moins visibles dans les Etats
musulmans, même si cette acceptation reste problématique
Chapitre II : Une acceptation
problématique
On souligne souvent la contradiction- voire
l'incompatibilité - qui existe entre l'universalité des droits de
l'Homme, d'origine essentiellement laïque et occidentale et la
revendication d'un particularisme propre aux Etats musulmans en la
matière, d'origine purement religieuse.
Par ailleurs, on peut considérer que le peu de
résistance opposée de la part de la majorité des Etats
musulmans d'accepter l'universalité des droits de l'Homme résulte
de l'enseignement islamique qui prédise leur reconnaissance.
Mohamed-Allal Sinaceur explique cela en disant que "la dignité
absolue reconnue à l'être humain par l'Islam ne peut permettre
à un musulman de s'opposer à l'adoption de l'article 1 de la
Déclaration Universelle des Droits de l'Homme et des dispositions de ce
texte qui vont dans le même sens"70(*). Du fait que les idées expriment les droits de
l'Homme soient de source islamique ou non, il n'en reste pas moins que les
Etats musulmans les acceptent même de façon
problématique.
Il s'agit d'un vaste débat qu'il sera difficile de
clore dans ce chapitre final. Toutefois, dans cette perspective, il est
intéressant de savoir comment les Etats musulmans ont accepté
progressivement la conception universelle des droits de l'Homme. (Section I) et
de montrer en quoi les conséquences de cette acceptation rappellent
cette contradiction entre l'universalité et le particularisme. (Section
II)
Section I : L'acceptation progressive de la conception
universelle des droits de l'Homme
Sur la base des Conventions protectrices des droits de
l'Homme, l'ONU a déployé une activité considérable
et les Etats musulmans ont été particulièrement attentifs
à la question des droits de l'Homme.
Sans pour autant reprendre tous les éléments de
cette discussion, il peut-être intéressant d'observer
l'évolution de l'attitude des Etats musulmans vis-à-vis de la
conception universelle des droits de l'Homme. (§ 1)
Nous nous bornerons à observer leur attitude à
l'égard de la "Charte Internationale des droits de l'Homme " qui est
constituée de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme,
du Pacte International relatif aux droits civils et politiques et du Pacte
International relatif aux droits sociaux, économiques et culturels. Bien
que cette étude puisse être compléter par un examen de
l'attitude des Etats musulmans à l'égard d'autres instruments
conventionnels ou non-conventionnels relatifs aux droits de l'Homme,
l'étude de la "Charte Internationale des droits de l'Homme" nous suffira
afin d'analyser et de préciser les difficultés d'application de
ces textes. ( § 2)
§ 1 : L'évolution de l'attitude des
Etats musulmans
Il peut-être intéressant de
montrer en quoi leur attitude " n'a été ni
monolithique, ni uniforme ; d'autre part, qu'elle a
évolué..." 71(*) et d'étudier leur degré
d'adhésion aux Conventions protectrices des droits de l'Homme (A.), et
leur attitude face à ces Conventions (B.)
A- Le degré d'adhésion aux
conventions protectrices des droits de l'Homme
1- La Déclaration Universelle
des Droits de l'Homme
Lors de la proclamation de la Déclaration Universelle
des Droits de l'Homme, les Etats musulmans étaient peu nombreux à
l'ONU. Ils étaient divisés en ce qui concerne les principes
énoncés dans la Déclaration, car certains de ces principes
étaient incompatibles avec les principes de l'Islam. On a
constaté une certaine évolution dans leur attitude et l'on peut
dès lors affirmer que la majorité d'entre eux a
adhéré aux textes de la " Charte internationale des droits de
l'Homme".
Comme l'écrit Mohamed-Chérif Ferjani " Par
delà les cultures, par delà les particularités
constitutives de l'identité d'un peuple ou d'une communauté
quelconque, et dont on peut être respectueux dans la mesure où
elles ne mettent pas en cause la dignité humaine et les droits qui lui
sont inhérents, il y a un principe universel qui nous permet
d'intervenir pour le respect de cette dignité et de ces droits, et nous
en fait même une obligation."72(*). Cela signifie que pris dans sa globalité,
"le discours de proclamation des droits de l'Homme s'adresse à tous
les hommes partout et a un champ planétaire" 73(*). Les Etats musulmans
réagissent en adhérant formellement à la conception
universelle des droits de l'Homme. Car même si les textes qui les ont
proclamés ont vus le jour en Occident, l'objectif n'en reste pas moins
le respect universel de ces droits.
En 1948, les positions des Etats musulmans étaient
contrastées. Même si une forte majorité s'est
ralliée à la position dominante de l'Assemblée
Générale, l'abstention de certains comme l'Arabie Saoudite et
l'absence d'autres comme le Yémen, ont exprimé une opposition
fondamentale au texte de la Déclaration Universelle des Droits de
l'Homme. Il n'en reste pas moins que l'hommage rendu au texte est explicite. La
Charte de la Ligue arabe de 1994, dans son préambule cite : "
Réaffirmant les principes de la Charte des Nations-Unies, de la
Déclaration Universelle des Droits de l'Homme..."74(*)
Mais la Déclaration universelle n'est qu'un simple
document ; une résolution de l'Assemblée générale
des Nation-Unies, qui énonce des recommandations destinées aux
Etats. C'est donc un texte sans valeur obligatoire, qui ne crée aucune
obligation. Quel que soit le caractère obligatoire de ce texte, on
constate qu'il n'y a plus d'hostilité de principe de la part des Etats
musulmans à l'égard de ce texte, mais une acceptation progressive
qui continue néanmoins à leur poser quelques problèmes
pratiques. La Déclaration Universelle des Droits de l'Homme du 10
décembre 1948 est une déclaration de principe destinée
à l'origine à être complétée par d'autres
textes : ce furent les deux Pactes relatifs aux droits de l'Homme,
adoptés par l'Assemblée générale des Nations-Unies
le 16 décembre 1966.
2- Les Pactes de 1966 relatifs aux droits de l'Homme
"Les Pactes de 1966 traduisent des préoccupations
différentes de celles de la Déclaration universelle et un
infléchissement de l'idéologie des droits de l'Homme, qui tient
à deux chiffres : l'Assemblée générale des
Nations-Unies compte 58 membres en 1948 et 122 membres en 1966 ;
l'idéologie majoritaire n'est plus la même." 75(*). Les deux Pactes distinguent
les droits civils et politiques dans un instrument, des droits sociaux,
économiques et culturels dans un autre instrument. De plus les Pactes
s'adressent aux Etats et non aux individus (" les Etats s'engagent
à..") .
Les Pactes ont éviter de soulever les questions
délicates qui posaient problème aux Etats musulmans dans la
Déclaration universelle. Alors que le vote de la Déclaration
universelle en 1948 à montrer des positions contrastées,
l'adoption à la majorité des deux Pactes tend à approuver
le fait que les Etats musulmans aient accepté progressivement la
conception universelle des droits de l'Homme. Pour ne citer que certains
d'entre eux : l'Algérie, l'Egypte, l'Irak, la Jordanie, le Liban, la
Libye, la Guinée, le Maroc, la République islamique d'Iran, la
Somalie, la Syrie, le Tchad, la Tunisie, le Yémen ont
adhéré aux Pactes.
L'adhésion des Etats musulmans aux Pactes ne sert
à rien si on ne s'assure pas au préalable qu'ils sont
juridiquement liés par eux. Ces Pactes internationaux ne
présentent de réel intérêt que si des organes de
contrôle garantissent le respect effectif des droits de l'Homme
énoncés. Le Comité des droits de l'Homme est l'organe des
Nations-Unies chargé de contrôler et de superviser l'application
du Pacte de 1966 relatif aux droits civils et politiques. Il fonctionne depuis
1977 et a déployé une activité fort
intéressante.
Le Protocole " habilite le Comité des droits de
l'Homme... à recevoir et à examiner, des communication
émanant de particuliers qui prétendent être victimes d'une
violation d'un des droits énoncés dans le Pacte." (
Préambule). Les Etats Parties à ce Protocole doivent se
prêter au contrôle du Comité, ce qui signifie une
reconnaissance de sa compétence, et ils doivent donner suite à ce
contrôle. Les Etats musulmans ont soit en majorité voté en
faveur du Protocole (Irak, Jordanie, Liban, Libye, Soudan, Maroc, Tunisie,...),
soit ont préféré s'abstenir ( Algérie, Arabie
Saoudite, Iran, Mauritanie, Syrie, Oman, Bahreïn...).
L'article 40 du Pacte international relatif aux droits civils
et politiques invite les " Etats Parties au présent Pacte à
présenter des rapports sur les mesures prises qu'ils ont
arrêtées et qui donnent effet aux droits reconnus dans le
présent Pacte et sur les progrès réalisés dans la
jouissance de ces droits...".
On a observé une certaine méfiance de la part
des Etats musulmans par rapport au contenu et à la portée de ce
Protocole. En limitant cette étude aux textes des Pactes internationaux
relatifs aux droits de l'Homme, on examinera l'attitude des Etats musulmans
à l'égard de ces textes.
B- Leur conduite face à ces
Conventions
Si les deux Pactes ont eu un tel succès, c'est
probablement parce qu'ils n'ont pas mentionner les quelques points litigieux
qui figuraient dans la Déclaration universelle ; les passages
contestés par les Etats musulmans dans la Déclaration universelle
ont disparu. Ainsi, les Pactes ont supprimé les références
à la religion qui posaient problème pour les musulmans, notamment
dans l'article 16, relatif au droit de se marier et de fonder une famille, et
de l'article 18 qui reconnaît le droit de changer de religion. Pourtant
on décèle une certaine méfiance de la part des Etats
musulmans à l'égard des procédures de mises en oeuvre de
deux Pactes, notamment du Pacte relatif aux droits civils et politiques qui a
le mérite d'avoir prévu la création du Comité des
droits de l'Homme.
Les deux Pactes sont muets concernant la pratique des
réserves, mais ils ne les interdisent pas. Les hésitations ainsi
que les méfiances de la part des Etats Parties aux Pactes peuvent
disparaître par le jeu des réserves. Les Etats gardent un atout
dans leur poche : ils peuvent apporter leur propre limitation aux dispositions
qu'ils estiment contraires à leur pratique en matière de droits
de l'Homme.
Près de la moitié des Etats Parties au Pacte ont
formulé des réserves ou des déclarations, portant sur les
dispositions précises d'articles. Il est pourtant frappant de remarquer
que peu d'Etats musulmans qui ont ratifié les Pactes internationaux
relatifs aux droits de l'Homme, ont émis des réserves. La Syrie
ainsi que l'Irak ont émis des réserves ou des déclarations
au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (sans compter
les réserves relatives à la reconnaissance d'Israël).
Paul Tavernier relève que " l'attitude de
l'Algérie, qui il est vrai a ratifié plus récemment les
deux Pactes (12 septembre 1989), a été beaucoup plus prudente.
Elle a émis non pas des réserves mais des "déclarations
interprétatives"."76(*). La déclaration interprétative la plus
intéressante concerne les dispositions de l'alinéa 4 de l'article
23 du Pacte international sur les droits civils et politiques qui dispose que
:
"Les Etats Parties au présent Pacte prendront les
mesures appropriées pour assurer l'égalité de droits et de
responsabilités des époux au regard du mariage, durant le mariage
et lors de sa dissolution. N cas de dissolution, des dispositions seront prises
afin d'assurer aux enfants la protection nécessaire." Le
gouvernement algérien interprète cette disposition comme ne
portant en aucun cas atteinte aux fondements essentiels du système
juridique algérien, mais cela laisse entrevoir que dans le domaine du
droit de la famille, la Loi islamique est la source d'inspiration.
Le droit de la famille sous-entend, les droits de la femme. Le
statut de la femme dans les Etats musulmans reste en dessous de standard
établi par les documents de Nations-Unies. Ces Pays n'ont pas
hésité à faire des réserves chaque fois que les
documents onusiens visant à améliorer les droits de la femme.
L'article 23 du Pacte des droits civils et politiques engagent les Etats
à "assurer l'égalité de droits et de
responsabilités des époux au regard du mariage, durant le
mariage et lors de sa dissolution."
Mais nous ne pouvons nier que la condition de la femme
musulmane a connu un certain progrès selon les pays. Elle a obtenu le
droit de vote, le droit d'accéder aux fonctions politiques, judiciaires
et autres fonctions publiques, le droit au travail, le droit à
l'enseignement. Même si les Etats musulmans restent pour la plupart
hostiles à l'égard de cette forme de progrès, il n'en est
pas moins qu'ils l'acceptent progressivement.
On entrevoit dans l'attitude des Etats musulmans une
volonté plus grande d'adhérer à la Déclaration
Universelle des Droits de l'Homme et aux Pactes internationaux de 1966. On
pourrait penser que l'on arrive vers une acceptation progressive de la
conception universelle des droits de l'Homme. Mais cette universalisation est
plus facile à réaliser dans la proclamation des droits que dans
l'application concrète et effective de ces Conventions protectrices des
droits de l'Homme. L'Arabie saoudite ainsi que les Emirats arabes, Oman, la
Mauritanie, Djibouti, Bahreïn, Qatar n'ont adhéré à
aucun des deux Pactes, ni aux Protocoles.
Mme Khadija Chérif Ben Mahmoud, vice-présidente
chargée des droits de la femme à la Ligue tunisienne des droits
de l'Homme, Sidi Bou Said ( Tunisie), dit que "il s'agit là d'un
indice qui mérite d'être relevé et qui constitue un
obstacle à l'universalité et donc à
l'universalisation des valeurs et normes en matière de droits
de l'Homme."77(*).
§ 2 : Les difficultés d'application de
la "Charte Internationale des droits de l'Homme"
Les difficultés qui surgissent dans la mise en oeuvre
effective de la Charte Internationale des droits de l'Homme "tiennent pour
la large part à la difficile conciliation que les Etats musulmans
veulent opérer entre la Loi islamique et les normes onusiennes en
matière de droits de l'Homme"78(*). L'indice de ces difficultés est fourni par
les rapports que les Etats doivent soumettre au Comité des droits de
l'Homme, pour le Pacte international des droits civils et politiques et au
Comité des droits économiques, sociaux et culturels, crée
en 1985 pour l'autre Pacte. De 1977 à nos jours, le Comité des
droits de l'Homme a examiné les rapports de nombreux Etats musulmans. En
revanche, il a constaté que la plupart des Etats musulmans
étaient en retard pour la soumission de leurs rapports initiaux et
périodiques ce qui traduit l'existence de difficultés dans
l'application de ce Pacte.
Il n'est pas question de reprendre ici tous les
éléments de cette discussion et c'est pourquoi nous nous
bornerons à apporter quelques matériaux pour alimenter notre
étude. Notre développement s'arrêtera à l'examen des
rapports présentés par certains Etats musulmans au Comité
des droits de l'Homme dans le cadre de l'article 19 de Pacte relatif à
la liberté d'opinion et d'expression:
1. " Nul ne peut être
inquiété pour ses opinions
2. Toute personne a droit
à la liberté d'expression ; ce droit comprend la liberté
de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des
idées de toute espèce, sans considération de
frontières, sous forme orale, écrite, imprimée ou
artistique, ou par tout autre moyen de son choix.
3. L'exercice des libertés
prévues au paragraphe 2 du présent article comporte des devoirs
spéciaux et des responsabilités spéciales. Il peut en
conséquence être soumis à certaines restrictions qui
doivent toutefois être expressément fixées par la Loi et
qui sont nécessaires :
a) Au respect des droits ou de la
réputation d'autrui ;
b) A la sauvegarde de la
sécurité nationale, de l'ordre public, de la santé ou de
la moralité publique."
On constate que les Etats musulmans se sont lancés dans
un long processus de révision de leur législation. Ils n'ont
manifesté aucune mauvaise volonté pour l'harmoniser avec le Pacte
; des exemples fournis par les rapports présentés par les Etats
musulmans au Comité des droits de l'Homme montrent ces aspects positifs
dans l'application du Pacte(A). Cependant, il apparaît que ces Etats sont
confrontés à des obstacles particuliers lorsqu'ils doivent
appliquer les dispositions du Pacte. (B)
A- Les aspects positifs
Notre étude portera sur les rapports des Etats
musulmans qui ont rendu le dialogue plus fructueux entre les
délégations des Etats musulmans et le Comité des droits de
l'Homme. Ils fournissent les plus de renseignements précis, et ont
permis au Comité de mieux comprendre la situation des droits de l'Homme
dans les Etats musulmans.
q La Constitution égyptienne garantit la
liberté d'opinion, le droit pour les citoyens d'exprimer son opinion et
de la propager par la parole, par écrit, par l'image... Elle est plus
claire dans son énoncé quant aux garanties et restrictions
relatives à la liberté d'expression et d'opinion que la plupart
des pays arabo-musulmans. Notons que dans l'article 47 de la Constitution
"l'autocritique et la critique constitutive sont une garantie du bon
développement national"." La censure, l'avertissement, la suspension et
la suppression des journaux par voies administratives sont interdites.
Toutefois il est permis de soumettre les journaux, les imprimés et les
moyens d'information à une censure limitée aux questions se
rattachant à la sécurité générale ou aux
objectifs de la sécurité nationale, et ce, conformément
à la Loi"(article 48 )79(*). La législation en matière de
liberté d'expression en Egypte semble très inspirée par
les législations des pays démocratiques occidentaux. L'article
206 dit " : La presse est le pouvoir populaire autonome qui exerce sa
mission de manière prescrite par la Constitution et la Loi. La
presse exerce sa mission en toute liberté et indépendance au
service de la société ; elle exprime les différences
tendances de l'opinion publique..."80(*). La Loi n°148 de 1980 sur les organes de presse
précise dans son article 1 que la presse est un média
indépendant et libre, placé au service de la
société. Elle exprime et contribue à orienter les
tendances de l'opinion publique de diverses façons. Le système
législatif égyptien sur la liberté d'expression, est
véritablement complet et précisé dans diverses Lois ;
à titre de références, Loi sur les publications de 1936,
Loi de 1955 concernant la censure des oeuvres artistiques, Loi sur les droits
d'auteurs. Le Comité observe les efforts avec lesquels les
délégations égyptiennes ont harmonisé au mieux leur
législation sur la liberté d'expression avec les dispositions de
l'article 19, même s'il reste préoccuper par certaines
restrictions apportées à ce droit fondamental. Il n'apporte
aucune précisions quant à ces préoccupations81(*). La
législation égyptienne en matière de liberté
d'expression, pourrait être la référence par excellence
pour les autres Etats musulmans qu'en à sa quasi-harmonie avec les
garanties offertes par l'article 19 du Pacte.
q Les délégations
marocaines rappellent que "le droit à la liberté
d'opinion et d'expression contenu dans l'article 19 du Pacte est garanti par la
Constitution marocaine de 1972 qui dispose clairement dans son article 9 que :
" La Constitution garantit à tous les citoyens la liberté
d'opinion, la liberté d'expression sous toutes ses
formes""82(*). Elles ajoutent dans leurs
troisièmes rapports, que le Maroc a franchi des étapes
importantes dans le domaine de la liberté d'expression ; en effet, elles
relèvent que " le nombre d'organe de presse ne cesse de
s'accroître, que tout citoyen peut publier un journal, qu'il soit de
nature politique, culturelle, artistique, sportive ou professionnelle, et
aucune disposition légale ne prévoit la censure des
publications." 83(*)
q Les délégations du Soudan rappelle
dans leur deuxième rapport que la Loi sur la presse et les publications
garantit la liberté d'expression au sens de l'article 19 du Pacte : "
toute personne au Soudan a droit à la liberté d'expression ;
Ce droit comprend la liberté de rechercher, de recevoir et de
répandre des informations des idées de toute espèce sous
forme écrite ou imprimée. L'exercice de ces libertés
comporte des devoirs spéciaux et des responsabilités
spéciales, il est soumis à certaines restrictions
expressément fixées par la Loi sur la presse et les publications.
Ces restrictions sont nécessaires au respect des droits et de la
réputation d'autrui et à la sauvegarde de la
sécurité nationale, de l'ordre public, et de la santé et
de la moralité publiques"84(*). Le Comité des droits de l'Homme note dans ces
observations finales faites au Soudan en date du 19 novembre 1997, que la
législation et les décrets en vigueur méritent
d'être réviser " de façon à supprimer toute
restriction disproportionnée qui pèse sur les médias et a
pour effet de menacer la liberté d'expression"85(*).
q M.DIMITRIJEVIC, membre du Comité des droits de
l'Homme "note que le gouvernement tunisien déploie de
louables efforts pour empêcher que la vie politique et la liberté
d'opinion et de l'information ne soient faussés par le fanatisme
religieux ou autre et pour éviter que le droit de l'information ne soit
détourné de son but et ne soit utilisé pour
détruire toute forme de liberté"86(*). La délégation
tunisienne reconnaît que la notion "d'ordre public "est des plus
vagues tant qu'elle n'est pas délimitée par des critères
très stricts visant à n'autoriser aucune violation des droits de
l'Homme. Elle estime qu'il y a beaucoup à faire, mais des commissions
travaillent à modifier tous les cadres pour harmoniser d'avantage la
législation relative à la liberté d'expression avec les
dispositions de l'article 19 du Pacte. On notera que la Loi organique
n°88-89 modifiant la Loi sur la presse de 1975, est venue renforcer dans
la pratique le principe de la liberté d'expression en Tunisie. Les
délégations tunisiennes ne doutent pas que d'autres
améliorations pourront être apportées afin de garantir au
mieux la liberté d'expression, mais rappellent également que
l'interprétation et l'application de la législation restent
souples.
q Dans ses rapports initiaux du 24 avril 1989, le
Yémen démocratique déclare que "l'Etat garantit la
liberté d'expression orale, écrite, graphique ou autre".
Elle est réglementée par "la presse et autres moyens
d'information et de diffusion de manière à soutenir le
régime démocratique yéménite et à
protéger la morale publique et la sécurité nationale sans
porter atteinte à la liberté et à la dignité des
citoyens"87(*)
(article 44 de la Constitution). Le Comité note que de toute
évidence les délégations yéménites sont
restées trop sommaires dans le rapport initial concernant la
liberté d'expression garantie par l'article 19 du Pacte. S'il est vrai
qu'il n'existe pas de hiérarchie des droits fondamentaux, il n'en reste
pas moins que l'article 19 joue un rôle central dans l'exercice des
autres droits et libertés garanties par la Charte Internationale des
droits de l'Homme. Dans son deuxième rapport le Yémen a tenu
compte des recommandations du Comité ; il précise quelles sont
les garanties reconnues à la liberté d'expression, de
pensée et d'opinion, par la Loi n°25 de 1990 sur la presse et les
publications. (Article 3,4,5 et 6). Elle précise que les citoyens ont
libre accès à la connaissance et à l'information que ce
droit est garantie par la Constitution et la présente Loi. Elle
précise que les organes de presse sont indépendants et
"peuvent librement s'acquitter de leur responsabilité à
l'égard de la société, informer le public et exprimer les
tendances de l'opinion publique par divers moyens compatibles avec la religion
islamique, les principes consacrés dans la Constitution sur lesquels
sont fondés la société et l'Etat, les objectifs de la
révolution yéménite et le renforcement de l'unité
nationale"88(*).
q La législation algérienne en
matière de presse est strictement bridée par l'Etat, mais le
Comité note des efforts d'harmonisation avec le Pacte même si ces
efforts restent trop sommaires. " Le Comité accueille avec
satisfaction la suppression dans les imprimeries des "comités de lecture
placés sous le contrôle de l'Etat et le retrait des directives
interdisant la publication d'informations non autorisées touchant les
"questions de sécurité"".89(*)
q Le dernier processus de révision et d'harmonisation
que l'on peut donner concernant la législation en matière de
liberté d'expression dans les Etats musulmans est celui de la
Jamahiriya arabe libyenne : "A propos de l'article19, concernant la
liberté d'opinion et la liberté de rechercher, de recevoir... ,
la législation libyenne reconnaît ce principe et le Grand document
vert stipule que la société jamahiriyenne est une
société éclairée et créatrice dans laquelle
chacun jouit de la liberté de recherche, d'innovation et de
pensée."90(*)
Malgré ces efforts d'harmonisation et le début
de dialogue fructueux entre les délégations des Etats musulmans,
le Comité regrette de constater que des obstacles particuliers
apparaissent dans l'application du Pacte.
B - Les obstacles particuliers
Concernant le dialogue avec les Etats musulmans, le
Comité émet souvent les observations suivantes : "Le
comité regrette cependant de constater que, si le rapport contient des
renseignements détaillés sur la législation et la
réglementation donnant effet au Pacte, on n'y trouve pas suffisamment
d'informations sur l'application de cet instrument dans la pratique ne sur les
facteurs et les difficultés ayant une incidence sur cette
application"91(*). Dans l'intitulé de
l'article 19 du Pacte international des droits civils et politiques, les
notions "d'ordre public" et de "moralité publique"
posent un problème de définition dans la législation des
Etats musulmans ;
3- L'exercice des libertés prévues au
paragraphe 2 du présent article comporte des devoirs spéciaux et
des responsabilités spéciales. Il peut en conséquence
être soumis à certaines restrictions qui doivent toutefois
être expressément fixées par la Loi et qui sont
nécessaires :
a) Au respect des droits ou de la
réputation d'autrui ;
b) A la sauvegarde de la
sécurité nationale, de l'ordre public, de la santé ou de
la moralité publiques."
Des obstacles se dressent sur la voie de la promotion de ce
principe du fait des exigences de la Loi islamique, d'une part, et d'autre
part, du fait de la raison d'Etat.
1- L'obstacle du fait des exigences de la Loi
islamique
q L'article 23 de la Constitution iranienne
prévoit que le contrôle des opinions est interdit et que nul ne
peut-être attaqué ni réprimandé pour ses opinions ;
ceci reste une bonne interprétation de l'article 19 du Pacte même
si succinct. La Constitution de la République Islamique d'Iran est
certainement l'une des expressions les plus éloquentes de la
suprématie du dogme religieux sur le droit positif ; la religion est
présente au niveau de toutes les institutions et les autorités
qui sont législative, exécutive et judiciaire. La
République islamique d'Iran tire son origine de " la croyance du
peuple iranien au gouvernement du droit et de la justice prévue par le
Coran" annonce l'article 1er de la Constitution. Le
Comité des droits de l'Homme, lors de ses observations finales note que
les facteurs et les difficultés entravant l'application du Pacte, sont
dû à de nombreuses limitations ou restrictions, explicites ou
implicites, associées à la protection de valeurs religieuses, qui
ont aussi gêné sérieusement la jouissance de la
liberté d'expression protégée par le Pacte. Il
relève le fait que des membres de certains partis politiques qui n'ont
pas partagé les vues des autorités sur la pensée islamique
ou ont exprimé des opinions divergeant des positions officielles, ont
été victimes d'une discrimination ; l'autocensure paraît
être répandue dans les médias. Quoi de plus étonnant
de rencontrer de si fortes restrictions à la liberté d'expression
lorsque l'opinion exprimée diverge ou critique les autorités
exécutives, législatives ou judiciaire de la République
islamique d'Iran. L'Islam établit comme religion d'Etat (article 12 de
la Constitution ) ne peut être ni modifiée ni critiquée. Le
peuple musulman lui doit respect absolu et comme l'Iran est Etat de l'Islam, le
citoyen iranien doit respect absolu à la Constitution de l'Etat. Dans
leur deuxième rapport en date du 22 mai 1992, les autorités
iraniennes rappellent que " conformément à l'article 24 de la
Constitution, les maisons d'édition et de la presse jouissent de la
liberté d'expression, sauf si celle-ci va à l'encontre des
préceptes de l'Islam...". De même dans l'article
175 qui "prévoit qu'il faille veiller à garantir la
liberté d'expression et de diffusion de la pensée par
l'intermédiaire des médias (radio et télévision )
de la République islamique d'Iran, en conformité des
préceptes de l'Islam et au mieux des intérêts du
pays"92(*).
q La question que se posa le Comité de droits de
l'Homme, concernant la législation yéménite sur la
liberté d'expression, fut de connaître les motifs qui pourraient
pousser le Ministère de l'information, à restreindre la
liberté d'expression, quelles sont les limites apportées à
cette liberté fondamentale ? Y aurait-il une autocensure de la part de
la presse, de peur des représailles du gouvernement ? Les organes de
presse et de publications diverses sont libres de recevoir des informations de
les diffuser, "dans les limites autorisées par la Loi".
L'article 6 de la loi n° 25 de 1990 stipule que" la Loi garantit le
droit aux professionnels du journalisme de s'exprimer sans avoir à
rendre compte de leurs opinions de manière illégale, à
condition que cette expression ne soit pas contraire aux dispositions de la
Loi"93(*).
Les obstacles auxquels sont confrontés les Etats
musulmans dans l'application du Pacte viennent des exigences de la Loi
islamique. Mais des renseignements plus précis sur la question de
l'incompatibilité de la Loi islamique et de la conception onusienne des
droits de l'Homme, ont permis au Comité de mieux comprendre que ces
exigences n'étaient les seules à être un obstacle.
2- L'obstacle du fait de la raison d'Etat
Dans les Etats où la Loi islamique n'a pas de
répercussions sur l'organisation et le fonctionnement de l'Etat,
l'obstacle est celui de la raison d'Etat. Les autorités en place dans un
Etat musulman ne peuvent être critiquées par les citoyens. Quels
qu'ils soient, ils en subiront les conséquences.
q En Tunisie " le Code pénal réprime les
délits et les crimes par voies de presse tels que la diffamation et
l'injure. Ces infractions sont passibles de peines plus sévères
lorsqu'elles sont dirigées contre des corps constitués,
l'armée ou l'administration"94(*). M.WENNERGREN, membre du Comité se demande "
si les dispositions de la législation tunisienne sont conformes
à celles de l'article 19 du Pacte selon lesquelles l'exercice de la
liberté d'expression peut-être soumis à certaines
restrictions nécessaires à la sauvegarde de l'ordre public, et
quelle interprétation est donnée, en Tunisie, de la notion
d'ordre public."95(*). La question qui revient alors
souvent dans les comptes-rendus analytiques du Comité est celle de la
définition de "corps constitués" et celle "d'ordre
public". Le Comité des droits de l'Homme suggère et
recommande aux délégations tunisiennes qu'il reste des mesures
à prendre pour adapter la législation interne au Pacte en
particulier de prévoir un examen judiciaire indépendant, en
définissant de façon plus explicite la notion d'ordre public ; il
explique que l'Etat ne peut avoir totale mainmise sur la presse et autres
ouvrages, et qu'il doit organiser un droit de réponse dans la presse.
q En Algérie, le Comité des droits de l'Homme
" note que de nombreuses restrictions subsistent en pratique en ce qui
concerne la liberté d'expression, par exemple celles qui touchent la
diffusion d'informations portant sur les allégations de corruption et
l'examen de ce problème, ainsi que la critique des autorités,
et la diffusion de matériaux considérés comme une
manifestation de sympathie ou d'encouragement à la subversion, toutes
restrictions qui portent gravement atteinte au droit des médias
d'informer le public et au droit du public d'être informé. Le
Comité est aussi profondément préoccupé par les
menaces que reçoivent les journalistes, les militants des droits de
l'Homme et les avocats, et par les assassinats dont ils sont
victimes." 96(*)
q Le Comité est préoccupé par les
nombreuses restrictions dans la législation libyenne "tant
en droit et en fait, qui frappent le droit à la liberté
d'expression, en particulier le droit d'exprimer son opposition au
Gouvernement, au système politique, social et économique en place
et aux valeurs culturelles de la Libye ou celui de les
critiquer."97(*).
Dans ces observations finales de 1998 après examen du troisième
rapport du 27 septembre 1998, le Comité relève les mêmes
sujets de préoccupation que dans ces observations finales faisant suite
aux deuxièmes rapports périodiques présentés par la
Libye en 1993.
q Au Maroc il se déclare préoccuper
"par l'étendue des limitations apportées à la
liberté d'expression par le dahir de 1973, particulièrement
des limitations au droit de critiquer le gouvernement. Ainsi que le
contrôle des médias par le gouvernement ainsi que l'emprisonnement
de certains journalistes coupables d'avoir exprimé des
critiques."98(*). En
Effet le Code de la presse permet au gouvernement de censurer directement les
journaux en leur donnant l'ordre de ne pas traiter tel ou tel sujet. La Loi et
la tradition interdisent trois sujets de critique : la monarchie, la
revendication du Maroc sur le Sahara Occidental et le caractère
sacré de l'Islam.
Même si l'on entrevoit un important mouvement vers
l'acceptation de la conception universelle des droits de l'Homme, les
pratiques des Etats musulmans permettent d'ores et déjà de tirer
les conséquences de cette acceptation. Ira-t-on jusqu'à dire "
que le progrès des droits de l'Homme n'est jamais assuré et
que les débats sur la compatibilité et l'incompatibilité
de la Loi islamique et des textes relatifs aux droits de l'Homme se
poursuivront pendant encore longtemps"99(*) ?
Section II : Les incidences de cette acceptation
Des progrès ont été
réalisés par les Etats musulmans dans l'acceptation de
l'universalité des droits de l'Homme. Toutefois, l'expérience
montre que les incidences de cette acceptation restent fatales pour les droits
de l'Homme.
Elle se heurte à la formule laïque des droits de
l'Homme ; en analysant l'élaboration du corpus juridique de
l'universalité des droits de l'Homme, nous avons vu que la seule forme
de gouvernement dont les droits de l'Homme- dans leur dimension onusienne-
peuvent s'accommoder, est la démocratie moderne. De profondes
mutations interviennent, dès lors dans la société des
Etats musulmans. Elle aspire à des moeurs modernes,
européennes ou américaines, avec toutes les libertés
individuelles que celles-ci comportent. ( § 1) Des rapports de force
naissant entre le peuple et le pouvoir ; l'un veut pouvoir exprimer librement
des critiques contre le manque de libertés et de démocratie ;
l'autre veut limiter pour tous les moyens ces critiques. ( § 2).
§ 1 : les conséquences modernistes
A- La démocratie moderne.
La démocratie figure dans
quasiment toutes les Constitutions des Etats musulmans, mais elle n'a aucune
traduction dans la réalité. Gilbert Achcar écrit
"alors que partout ailleurs le modèle libéral et
parlementaire s'est imposé, au Proche-Orient et au Maghreb les
régimes autoritaires se maintiennent sans réformes
profondes."100(*)
Il explique qu'il n'y a pas la
moindre lueur d'espoir à l'horizon prévisible : les
progrès enregistrés au plus fort de l'impulsion
démocratique mondiale à la fin des années 80, en Jordanie
et au Yémen ont été balayés. Même le Liban
qui naguère se distinguait par une pratique électorale et
parlementaire relativement crédible et de réelles libertés
d'expression, est en voie d'être remis au pas.
Un des concepteurs de la politique
étrangère américaine, Amos Pelmutter, n'hésitait
pas à écrire dans le Washington Post : L'Islam, qu'il soit
intégriste ou pas, est-il compatible avec la démocratie
représentative de type occidental, orientée vers les droits de
l'Homme et libérale ? La réponse est clairement non."
101(*).
Mais lorsque l'on pose la question à Morad Saghafi, directeur
de la revue iranienne " Goftegou", de savoir s'il y a
incompatibilité entre "République" et "islamique", il
répond : " Si l'on se base davantage sur des réalités,
je ne vois pas pourquoi on ne pourrait définir une sorte d'islam
démocratique, comme on parle de démocratie chrétienne. En
Iran, au sein des mouvements religieux, tout le spectre existe. Pour certains,
islam et démocratie ne sont pas incompatibles, l'égalité
des citoyens est une donnée de l'islam, et c'est aux citoyens de choisir
leur destin. Pour d'autres, l'exégèse sacrée des textes
fonde la légitimité, et les personnes qui y ont accès ont
un droit supérieur aux autres."102(*)
Nous avons ici deux positions bien
distinctes auxquelles il peut-être intéressant de rajouter une
autre réalité. L'expérience des Etats musulmans en
matière de démocratie moderne ne tient pas à une
quelconque " spécificité culturelle", mais en partie, à la
politique occidentale soucieuse de maintenir un accès à bon
marché aux ressources pétrolière et inquiète de la
montée en puissance de l'opposition islamiste contre la
modernité. Les régimes politiques des Etats musulmans vont des
monarchies absolues "de jure" aux républiques "de
facto". Dans les pays qui se prétendent démocratiques, ce ne
sont qu'élections trompe-l'oeil et, dans le meilleur des cas, des
libertés octroyées aussi chichement que sélectivement, et
étroitement surveillées.
L'Occident semble s'accommoder de cet
état des choses. Un exemple : l'adhésion des Etats musulmans au
sein des Nations-Unies s'est faite sans consultation de leurs peuples. Ceci est
une violation des droits de l'Homme ; L'alinéa 1 de l'article 21 de la
Déclaration Universelle des Droits de l'Homme énonce que toute
personne a " le droit de prendre part à la direction des
affaires publiques de son pays." . D'autre part, le Coran, prescrit la
consultation des peuples dans les décisions les concernant. ( Verset 42;
Sourate 38, V 3; S 159).
B- L'aspiration à des moeurs
modernes.
En permettant aux adhérants comme aux opposants de
s'exprimer librement, les Etats musulmans consentiraient à accepter
l'aspiration des peuples aux moeurs modernes. Mais si le peuple est souverain
sur le papier, il n'a aucun moyen d'exprimer et d'exercer son droit à la
souveraineté.
Le peuple ne peut exercer son droit à la
souveraineté " ni par la participation à la formation de la
Loi, ni par le choix, le contrôle et la sanction des gouvernants, que ce
soit directement ou par des organes qui le représentent et qui sont
responsables devant lui. Pour ce qui est des libertés et des droits
individuels et collectifs, sans lesquels la démocratie ne serait qu'une
supercherie, ils sont garantis par la Constitution, mais dans "le cadre de la
Loi"".103(*)
Sans doute, la liberté d'expression pourrait
paraître plus précieuse dans une société
démocratique, car elle commande le libre débat d'idées et
d'opinion. Mais elle n'est pas seulement une liberté individuelle, elle
est aussi une valeur essentielle pour la société dans son
ensemble.
Même si les droits et libertés d'expression sont
reconnus dans les Etats musulmans, on ne peut pas les exercer librement. Avec
une telle conception des droits de l'Homme, les Etats musulmans peuvent
adhérer à toutes les Déclarations et à toutes les
Conventions internationales de protection des droits de l'Homme, sans que cela
les engagent à quoi que ce soit. C'est d'ailleurs ce qu'ils ont fait
systématiquement ou presque. Les Constitutions des républiques
arabes et islamiques, font toute référence à ces textes et
aux droits de l'Homme. Si l'on fait abstraction de la formule anodine : "dans
le cadre de la Loi", ces Constitutions peuvent compter parmi ce qu'il
y a de plus moderne.
C'est ce qu'à fait Khomeiny en Iran, comme ce qu'ont
fait les Frères musulmans au Soudan, en accélérant le
processus de modernisation. Ils ont aggravé la situation au profit d'une
emprise encore plus étendue de l'Etat sur la vie de la
société et des individus. Ces situations représentaient un
rêve dans lequel l'individu et ses libertés n'avaient pas de
place.
Comme la Loi est mise en dessus de la liberté et des
droits de l'Homme, on ne peut faire respecter l'ordre légal que par
l'usage de la force répressive (emprisonnements, assassinats, censure de
la presse, suppression des libertés individuelles et collectives...) et
par la sacralisation de la Loi au nom de la religion islamique
traditionaliste.
A l'intérieur de ces pays, l'écart entre le
discours des droits de l'Homme et la pratique de ces régimes est loin
d'être négligeable. La modernité engendre plus de
répression et plus d'arbitraire, et donc plus de violations des droits
de l'Homme.
§ 2 : la pratique des violations des droits de
l'Homme
L'expérience nous montre que la répression reste
l'arme principale pour se maintenir au pouvoir et soumettre son peuple.
"L'Algérie est certes une démocratie
imparfaite, mais dans laquelle l'opposition islamiste fait partie du
gouvernement : c'est le seul pays du monde arabe qui possède une presse
libre." Cette phrase est sans cesse répétée par les
diplomates et ministres algériens chaque fois que les organisations non
gouvernementales ( ONG) expriment des critiques contre le manque de
libertés et de démocratie dans ce pays. Marc Margenis explique
que par-là, le gouvernement d'Alger tente de convaincre, non sans
succès, que la " démocratisation suit son cours et que les
ONG les plus virulentes ( Reporters sans frontières, Amnesty
International...) interdites depuis plusieurs mois, ne font nullement preuve
d'objectivité." 104(*)
Alors comment expliquer qu'un journaliste algérien qui
veut garder l'anonymat, écrive, " Il n'y a plu de presse libre dans
ce pays ; à peine quelques concessions qui permettent au gouvernement,
pour améliorer son image de marque, de se vanter, à
l'étranger, d'autoriser la liberté de la presse. Par ailleurs,
les généraux savent parfaitement que, sans une petite
bouffée de liberté, le pays serait une bouilloire sous pression
et la situation deviendrait explosive".105(*). Selon un des derniers rapports de Reporters sans
frontières, depuis l'assassinat de Tahar Djaout, le premier journaliste
tué le 26 mai 1993, " cinquante-sept journalistes ont
été tués. La plupart de ces meurtres ont été
revendiqués par les différents groupes armés se
réclamant de l'islamisme."106(*). L'association précise que les circonstances
qui entourent certains des assassinats demeurent obscures et suscitent des
interrogations. De nombreux journalistes admettent, en privé, que le
pouvoir est à l'origine de certains de ces meurtres, mais tous
déclarent craindre pour leur vie s'ils rendent publiques ces
informations.
En octobre 1995, Omar Belhouchet, directeur du quotidien El
Watan confie dans une interview à la chaîne française
Canal + : " Il y a des journalistes qui gênent le pouvoir. Et je ne
serais pas étonné si j'apprenais demain que certains de mes
collègues ont été assassinés par des hommes du
pouvoir. "107(*).
Ces propos vaudront pour le journaliste d'être condamné à
un an de prison pour " outrage à corps constitué".
Rassemblés devant le palais du gouvernement, les
journalistes algériens ont manifesté pour la liberté
d'expression, le mercredi 11 novembre 1998, portant des pancartes hostiles aux
autorités ; ils ont demandé que la liberté d'expression ne
soit plus bafouée. Le conflit entre les autorités et les
journalistes a éclaté après les sociétés
publiques ont sommé quatre quotidiens ( El Wanta, Le Matin, La
Tribune, le Soir d'Algérie) de régler dans les quarante-huit
heures leur dette sous peine de suspension. Cet ultimatum intervenait
après une série d'articles mettant en cause le
ministre-conseiller à la présidence, et le ministre de la
justice. Pour bâillonner la presse, le pouvoir dispose du monopole de
l'imprimerie comme de l'importation du papier, mais aussi 85 % de la
publicité.
Il peut à la fois suspendre la parution des journaux,
réduire leur tirage ou les étrangler financièrement. Mais
son atout maître, c'est un dispositif législatif
particulièrement répressif doublé d'une
sécurité policière omniprésente.
D'après un des derniers rapports de Reporters sans
frontières, au moins dix journalistes seraient détenus
actuellement dans les prisons syriennes pour " activités non
violentes telles que l'appartenance présumée à des groupes
politiques ou de défense des droits de l'Homme non
autorisées."108(*). Des conditions d'hygiène lamentables
prévalent dans ces prisons et les détenus y sont soumis à
des tortures.
L'expérience de Salman Rushdie, auteur des
Versets sataniques, a sûrement été la plus
médiatisée. Pourquoi? Parce que l'Occident n'a cessé de
défendre Salman Rushdie au nom de la liberté d'expression. Le 14
février 1989 est la date noire dans l'histoire de la liberté
d'expression. Ce jour-là, un édit religieux de l'Ayatollah
Khomeini informe tous les musulmans du monde que l'auteur et toutes les
personnes impliquées dans la publication ou ayant eu connaissance du
contenu des Versets sataniques, un livre contre l'Islam, le Prophète et
le Coran, sont condamnés à mort.
Pendant près de dix ans, Salman Rushdie va devenir le
symbole de la liberté d'expression bafouée. Le Monde du 26
septembre 1998, publia un article s'intitulant, " l'Iran veut refermer le
dossier Salman Rushdie" , par Afsané Bassir Pour. Il explique qu'en
se désolidarisant de la fatwa qui pèse sur
l'écrivain, le gouvernement de Téhéran espère lever
une lourde hypothèque dans les relations avec l'Occident. Le ministre
iranien des affaires étrangères, Kamal Kharazi a annoncé
que " le gouvernement de la république islamique d'Iran n'a pas
l'intention de mener quelque action que ce soit pour attenter à la vie
de l'auteur des Versets sataniques ou des personnes associées à
son travail, et n'encourage ou n'aidera personne à le faire. En
conséquence le gouvernement se démarque de toute
récompense qui a été offerte et se dissocie de cette
initiative."109(*).
Son homologue britannique a exprimé à son tour sa "
satisfaction" devant "la clarification" par l'Iran de cette affaire qui
constituait le principal obstacle pour son pays, et bien d'autres, à une
normalisation complète des relations avec l'Iran.
Cette prise de position du gouvernement iranien confirme une
volonté d'ouverture de Téhéran vers l'Occident. Deux ans
après son élection à la présidence, M. Mohamed
Khatami a confirmé à plusieurs reprises sa volonté
d'imprimer un cours nouveau à la politique extérieure de son
pays. Récemment, le rédacteur en chef du journal
réformiste Salam, Abbas Abdi, poursuivi pour diffamation, a
été acquitté selon la presse iranienne du 23 août
1999. Il comparaissait pour avoir publiquement accusé l'an dernier les
conservateurs de jouer un double jeu avec les Etats-Unies. Son
quotidien Salam, a joué un rôle clé dans la
victoire du modéré président de la République
d'Iran. Même si ce président réformateur n'a pas pu
rééquilibrer les institutions, relancer l'économie,
améliorer les conditions sociales de son pays, l'opinion nationale et
internationale ne lui en tient pas rigueur pour autant. En effet, cet homme
semble faire preuve d'une fidélité tatillonne à ses
promesses électorales, modestes en apparence mais fondamentale pour
l'avenir démocratique de la République.
A travers cette illustration, l'Iran ne comprend-t-il pas
qu'aucune raison n'est supérieure à la liberté, et que
rien de valable ne peut-être entrepris sans le respect des droits de
l'Homme ? Il reste que dans le domaine des droits de l'Homme, les Etats
musulmans recommencent sans cesse le même combat idéologique. Ils
continuent à lutter pour faire accepter leur conception des droits de
l'Homme par la Communauté internationale.
Conclusion
Le résultat le plus important d'une recherche est de
sortir des limites de ce qui a été dit et fait, et de l'ampleur
de ce qu'il reste à faire sur le sujet. Le thème traité
étant d'une actualité brûlante, il était difficile
de résister à la tentation de prendre position par rapport aux
événements et aux problèmes qui ne peuvent laisser
indifférents que ceux qui ne se sentent pas concernés par les
problèmes du respect des droits de l'Homme dans ce monde. Il
était difficile de prendre le recul nécessaire pour satisfaire
à toutes les exigences d'objectivité et de rigueur alors que
l'objet de ce sujet connaît sans cesse des rebondissements.
L'engagement qui amène à rédiger cette
conclusion n'est ni plus, ni moins, celui de vouloir élargir notre
conception des droits de l'Homme conçue dorénavant d'une
manière indivisible et indissociable en intégrant la dimension
identitaire et culturelle au vaste débat sur l'universalité. "
Le discours sur les droits de l'Homme pèche l'excès
d'idéologie. Il est insaisissable parce que trop général,
atemporel et alocalisé, privé d'enveloppe spatio-temporelle,
incolore, timide, inodore, répétitif, imprécis, non
indicatif ( avec beaucoup de verbes au conditionnel)"110(*). On ressent le besoin
d'adopter une position intermédiaire entre l'universalité et le
particularisme, afin d'éviter de détruire les divers discours sur
le respect des droits de l'Homme.
"Les valeurs, religieuses ou idéologiques,
entretenant des pulsions qui tendent à l'hégémonie, se
prêtent mal à la coopération et n'acceptent le dialogue et
le compromis que comme une pause dans la lutte. Elles buttent
inévitablement dès que le droit international aborde des
problèmes de société, tels ceux des droits de
l'Homme."111(*). Il
existe pourtant des correspondances et des ressemblances multiples dans tous
les domaines entre les hommes, les civilisations, les cultures et les langues.
Alors pourquoi " le respect universel des droits de
l'Homme ne pourrait pas être sauvegardé si chaque culture et
nation n'offrent, dans leurs racines mêmes, les défenses qui les
protègent."112(*) ? La reconnaissance formelle des droits de l'Homme
date de très longtemps, issue chaque fois de circonstances historiques
particulières, propre à chaque culture.
Le Coran stipule en matière d'universalité
"Celui qui aura tué un homme sans que celui-ci ait commis un
meurtre, ou exercé de violence sur la terre, sera
regardé comme le meurtrier du genre humain; et celui qui aura rendu la
vie à un seul homme sera regardé comme s'il avait rendu la vie
à tout le genre humain. ( V-32)"113(*). C'est dans cette problématique que les
Etats musulmans à travers l'Islam comme religion, comme culture, comme
civilisation, apporte son propre éclairage et sa propre justification de
la conception des droits de l'Homme.
Il n'est pas nécessaire de remonter quatorze
siècles en arrière pour comprendre l'exception de la conception
des droits de l'Homme propre aux Etats musulmans; ces trente dernières
années suffissent à l'expliquer. Toute culture est universelle,
ou du moins, a des prétentions à l'universalité. Toute
civilisation ont leur vision singulière de l'homme selon leur conception
du monde, à la fois dans son indépendance et son
interdépendance.
L'on doit concevoir une nouvelle universalité des
droits de l'Homme enrichie de particularités. Aussi longtemps que les
Etats musulmans revendiqueront un particularisme en matière de droits de
l'Homme, ils ne pourront que limiter la portée de la conception
universelle des droits de l'Homme. Il leur suffit d'établir des
règles communes et légitimes, et de parvenir au respect effectif
des droits de l'Homme. Cela aura été, et continue à
être le fruit d'un changement social, culturel et politique en
profondeur. Parce qu'ils sont tout entier consacrés au changement, les
Etats musulmans sont modernes et peuvent fournir de meilleurs résultats
dans le domaine du respect des droits de l'Homme.
Bibliographie
Ouvrages:
Ouvrages généraux :
§ Cao-Huy (T.), Fenet (A.) ( sous la dir.), La
coexistence, enjeu européen, CRUCE (Centre de Recherche
Universitaire sur la Construction européenne Amiens), Puf, p.263
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un droit mondial, Ed. du Seuil, 1998
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novembre 1987 à Nayve Academy of International Law,
§ Huntington ( S-P), Le choc des civilisations,
(traduc.fr.), Odile Jacob, 1997
§ Lapeyre (A.), De Tinguy (F.), Vasak (K.) ( sous la
dir. de), Les dimensions universelles des droits de l'Homme, Vol I ( les
dimensions spirituelles et intellectuelles des droits de l'Homme),
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droits et les devoirs de l'homme, Bruylant, 1998
§ Sudre (F.), Droit international et européen
des droits de l'Homme, P.U.F 1997
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§ Yacoub ( J.), Réécrire la
Déclaration Universelle des droits de l'Homme, Provocation,
Desclée de Brouwer, 1998
§ Une société fragmentée ?
Le multculturalisme en débat, Wieviorka Michel (sous la dir.),
Essais, La Découverte/ Poche
Ouvrages spéciaux:
§ Abderaziq (Ali), L'Islam et le fondement du
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§ Aldeeb Abu-Sayed (Sami A.), les musulmans face aux
droits de l'Homme, religion § droit § politique. Etude et
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§ A.I.D.C 10ème session, Tunis 1994,
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1996
§ Blanc (François-Paul), le droit musulman,
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§ Conac (Gérard), Amor (Abdelfattah) (sous la
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§ Mbaye (Keba), Les droits de l'Homme en Afrique,
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§ Schacht ( Joseph), Introduction au droit musulman
( traduct. Kempf (P.) et Turki (A.), Maisonneuve et Larose, 1983
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Articles:
Articles de revue:
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§ Babadji ( Rambare), Henry ( Jean-Robert),
Universalité et identités juridiques: les droits de l'Homme
et le monde arabe, Annuaire de l'Afrique du Nord, XXXIII ( 1994), Ed.
C.N.R.S, pp. 77ss
§ Blanchot (Hervé), le jihad et les valeurs
universelles, Annuaire de l'Afrique du Nord, XXXIII ( 1994), Ed. C.N.R.S,
pp.25ss
§ Clément ( Jean-François), l'image
dans le monde arabe: interdits et possibilités, Annuaire de
l'Afrique du Nord, XXXII (1993), Ed. C.N.R.S, pp.11ss
§ Dupret ( Baudouin), la chari'à comme source
de la législation: interprétations jurisprudentielles et
théories juridiques, Annuaire de l'Afrique du Nord, XXXIII ( 1994),
Ed. C.N.R.S, pp.125ss
§ Flory (Maurice), le concept d'Etat de droit au
regard du droit international, Annuaire de l'Afrique du Nord, XXXIII (
1994), Ed. C.N.R.S, pp. 45ss
§ Frégosi ( Franck), les rapports entre
l'Islam et l'Etat en Algérie et en Tunisie: de la revalorisation
à leur contestation, Annuaire de l'Afrique du Nord, XXXIII ( 1994),
Ed. C.N.R.S, pp.103ss
§ Mahiou (Ahmed), l'Etat de droit dans le monde
arabe: rapport introductif, Annuaire de l'Afrique du Nord, XXXIII ( 1994),
Ed. C.N.R.S, pp.1ss
§ Miaille ( Michel), Etat de droit comme
paradigme, Annuaire de l'Afrique du Nord, XXXIII ( 1994), Ed. C.N.R.S, pp.
29ss
§ Sateh Agale (Pierre), l'Arabie Saoudite: quel
Etat, quel droits?, Annuaire de l'Afrique du Nord, XXXIII ( 1994), Ed.
C.N.R.S, pp. 357ss
§ Wolff ( Jurger H.), la pensée politique
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moderne: le cas du Maroc, Annuaire de l'Afrique du Nord, XXXII (1993), Ed.
C.N.R.S, pp. 361ss
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to the middle east : is there a human right discourse in Islam ? ,
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in the arab world, Arab Studies Quarterly, Vol.19, n°1 Winter1997,
published by the association of Arab American University Graduates and the
institute of Arab Studies,
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n°12, Ed. PUF, 1980
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n°62, Ed PUF, 1992
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des sciences juridiques économiques et politiques, Volume
XXXI-N°01/1993, pp. 43ss
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internationale des droit de l'homme et l'Islam, R.G.D.I.P, 1985, n°3,
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§ Aldeeb Abu-Sahlieh ( Sami.A), les mouvements
islamistes et les droits de l'Homme, Rev.Trim.Dr.H, 34, 1998, pp.
251-290
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Rev.Trim.Dr.H, 28, 1996, p. 541-553
§ Rigaux ( François), La conception
occidentale des droits de l'Homme face à l'Islam, Rev.Trim.Dr.H, 2,
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§ Tavernier ( Paul) , L'ONU et l'affirmation de
l'universalité des droits de l'Homme, Rev.Trim.Dr.H, 31, 1997,
pp.379-393
§ Vedel (Georges), les droit de l'homme; quels
droits? quel homme ?, in Humanité et Droit International,
mélanges René-Jean Dupuy, Pédone, 1991, pp.
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§ Dhommeaux (Jean), de l'universalité du
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A.F.D.I, 1984, pp. 398-423
§ Badinter ( Robert), l'universalité des
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et des idées, Rev.Uni.Dr.H, 1989, Vol.1, p.1-5
§ Bedjaoui (Mohamed), La difficile avancée
des droits de l'Homme vers l'universalité, , Rev.Uni.Dr.H, 1989,
Vol.1, p.5-12
§ Cassesse (Antonio), les droits de l'Homme sont-ils
véritablement universels ?, Rev.Uni.Dr.H, 1989, Vol.1, p.13-18
§ Imbert (Pierre-Henri), L'apparente
simplicité des droits de l'Homme, Rev.Uni.Dr.H, 1989, Vol.1, p.
19-29
§ Rapport hors série de la lettre
bimensuelle, rapport de situation, F.I.D.H, février 1999,
n°274
Articles de presse:
§ Adieu à la révolution d'Iran,
Courrier International du 28 janvier 1999, n°430
§ Bassir (Afsané), l'Iran veut fermer le
dossier Salman Rushdie, le Monde du 28 septembre 1998
§ Belissa (Marc), Droits de Etats et droits humains,
Monde Diplomatique de novembre 1998, p.31
§ Naïm (Mouna), le régime iranien
est pris de court par la révolte étudiante, Le Monde du
mardi 13 juillet 1999, p.2
§ Sané (Pierre), Indivisibilité des
droits humains, Monde Diplomatique du mai 1998, p.32
§ Na (M), Indignation et hostilité dans les
pays arabes et musulmans, Le Monde du lundi 21 décembre 1998,
p.5
§ Rouleau ( Eric), En Iran, Islam contre Islam,
Le Monde Diplomatique de juin 1990, pp.20-21
§ Tuquoi ( Jean-Pierre), Le règne de Mohamed
VI face au défi de la modernité, Le Monde du mardi 27
juillet 1999, p.4
Documents:
Documents officiels:
§ CCPR/C/101/Add.1, 18 mai 1998, Examen des rapports
présentés par les Etats Parties en vertu de l'article 40 du
Pacte, Deuxièmes rapports périodiques devant être
présentés en 1998 par l'Algérie
§ CCPR/C/79/Add.95, 18 août 1998, Observations
finales du Comité des droits de l'Homme
§ CCPR/C/51/Add.7, 2 septembre 1992, Examen des rapports
présentés par les Etats Parties en vertu de l'article 40 du
Pacte, Deuxièmes rapports périodiques devant être
présentés en 1988 par l'Egypte
§ CCPR/C/79/Add.23, 9 août 1993, Observations
finales du Comité des droits de l'Homme
§ CCPR/C/SR.1246, 12 novembre 1993, Compte-rendu
analytique de la 1246ème séance
§ CCPR/C/28/Add.15, 22 mai 1992, Examen des rapports
présentés par les Etats Parties en vertu de l'article 40 du
Pacte, Deuxièmes rapports périodiques devant être
présentés en 1983 par la République islamique
d'Iran
§ CCPR/C/79/Add.25, 3 août 1993, Observations
finales du Comité des droits de l'Homme
§ CCPR/C/28/Add.16, 4 mai 1993, Examen des rapports
présentés par les Etats Parties en vertu de l'article 40 du
Pacte, Deuxièmes rapports périodiques devant être
présentés en 1993 par la Jamahiriya arabe libyenne
§ CCPR/C/79/Add.45, 23 novembre 1994, Observations
finales du Comité des droits de l'Homme
§ CCPR/C/42/Add.10, 3 mai 1990, Examen des rapports
présentés par les Etats Parties en vertu de l'article 40 du
Pacte, Deuxièmes rapports périodiques devant être
présentés en 1986 par le Maroc, additif
§ CCPR/C/SR.1095, 28 octobre 1991, Compte-rendu
analytique de la 1095ème séance
§ CCPR/C/76/Add.3, 27 août 1993,
Troisièmes rapports périodiques devant être
présentés en 1992 par le Maroc
§ CCPR/C/79/Add.44, 23 novembre 1994, Observations
finales du Comité des droits de l'Homme
§ CCPR/C/115/Add.1, 15 octobre 1997,
Quatrièmes rapports périodiques devant être
présentés en 1996
§ CCPR/C/75/Add.2, 13 mars 1997, Examen des rapports
présentés par les Etats Parties en vertu de l'article 40 du
Pacte, Deuxièmes rapports périodiques devant être
présentés en 1992 par le Soudan
§ CCPR/C/79/Add.85, 19 novembre 1997, Observations
finales du Comité des droits de l'Homme
§ CCPR/C/SR.715, 6 avril 1987, Compte-rendu
analytique de la 715ème séance, Tunisie
§ CCPR/C/52/Add.5, 12 juin 1989, Examen des rapports
présentés par les Etats Parties en vertu de l'article 40 du
Pacte, Troisièmes rapports périodiques devant être
présentés en 1988 par la Tunisie
§ CCPR/C/SR.992, 20 juillet 1990, Compte-rendu
analytique de la 992ème séance
§ CCPR/C/84/Add.1, 24 mai 1993, Quatrièmes
rapports périodiques devant être présentés en
1993
§ CCPR/C/SR.1362, 26 octobre 1994, Compte-rendu
analytique de la 1362ème séance
§ CCPR/C/50/Add.2, 24 avril 1989, Examen des rapports
présentés par les Etats Parties en vertu de l'article 40 du
Pacte, Rapports initiaux devant être présentés en 1988
par le Yémen démocratique
§ CCPR/C/SR.927, 31 octobre 1989, Compte-rendu
analytique de la 927ème séance
§ CCPR/C/82/Add.1, 12 octobre 1993, Deuxièmes
rapports périodiques devant être présentés en
1993
Autre documents:
§ Algérie , les violations de la
liberté d'expression de 1992 à 1998, Reporters sans
frontières,
http://www.rsf.fr
§ Droit à a liberté d'expression et
d'opinion, Résolution de la Commission des droits de l'Homme,
1997/27,
http://www.un.org
§ Marguerridas (Marc), L'information asservie en
Algérie, septembre 1998,
http://www.mondediplomatique.fr
§ Aghcar (Gilbert), le monde arabe orphelin de la
démocratie, juin 1997,
http://www.mondediplomatique.fr
§ Ibrahim ( Hamed), les libertés
envolées de la Tunisie, février 1997,
http://www.mondediplomatique.fr
§ Pacte International des droits civils et
politiques
§ "Déclaration islamique universelle des
droits de l'Homme", Aldeeb Abu-Sayed (Sami A.), les musulmans face
aux droits de l'Homme, religion § droit § politique. Etude et
documents, Bochum, Winkler, 1994
§ Déclarations de l'Organisation de la
Communauté Islamique de 1979; 1981 et 1990, Aldeeb Abu-Sayed
(Sami A.), les musulmans face aux droits de l'Homme, religion § droit
§ politique. Etude et documents, Bochum, Winkler, 1994
§ Charte de la Ligue arabe, 1993, Aldeeb
Abu-Sayed (Sami A.), les musulmans face aux droits de l'Homme, religion
§ droit § politique. Etude et documents, Bochum, Winkler, 1994,
p. 505s
Table des matières
Introduction...........................................................................................................1
Sommaire................................................................................................................6
Titre I - la revendication d'un particularisme en
matière
des droits de l'Homme par les Etats
musulmans..............................................................................................................7
Chapitre I / La justification du
particularisme........................................8
Section I - Le
fondement............................................................................................8
§ 1 - La compréhension de la religion
islamique...............................................8
A- L'identification des textes
fondateurs.....................................................................9
1/ L'universalité de l'Islam -
2/ Le retour aux textes fondateurs
B- L'intérêt de la Loi
islamique..................................................................................11
1/ D'un point de vue historique - 2 / D'un point de vue
théorique
§ 2 - Les relations entre la religion, le droit et
l'Etat........................................13
A- La clarification de la notion
d'Etat.........................................................................13
B- Le débat dur le fondement du
pouvoir et de l'Etat.................................................16
Section II - Le
contenu...............................................................................................19
§ 1 - La question du statut de
l'homme..............................................................19
A- La nature de
l'homme.............................................................................................19
B- La personne: sujet de la Loi
islamique...................................................................20
§ 2 - La question de la notion de
liberté..............................................................21
A- Le contenu de la
liberté...........................................................................................21
1 / La revendication traditionaliste -
2 / La critique de la conception moderniste
B- L'identité d'un lien entre la
liberté et la
Loi.............................................................24
1 / La conception traditionaliste - 2 / La conception
moderniste
Section III - La place de la Loi islamique dans la
législation
des Etats
musulmans.....................................................................................................26
§ 1 - La législation inspirée de la
Loi
islamique.....................................................26
§ 2 - La législation affranchie de la Loi
islamique.................................................28
A- Le cas de la
Tunisie....................................................................................................28
B- Le cas du
Maroc.........................................................................................................30
§ 3 - La législation subordonnée
à la Loi
islamique..............................................31
A- Le cas de l'Arabie
Saoudite........................................................................................31
B- Le cas de
l'Iran............................................................................................................32
§ 4 - La confrontation des différents
courants de pensée.....................................34
A- La position du courant
moderniste.............................................................................34
1 / Le courant positiviste - 2 / Le
courant laïcisant
B- La position du courant
islamiste.................................................................................36
1 / Les raisons - 2 / Les conséquences
Chapitre II / L'expression du
particularisme................................................39
Section I - L'altération inévitable de la
conception universelle
des droits de
l'Homme...................................................................................................39
§ 1 - La démarcation des Etats
musulmans.............................................................39
§ 2 - L'élaboration des documents sur les
droits de l'Homme...............................42
A- Les documents
arabes.................................................................................................42
B- Les documents
islamiques..........................................................................................43
1 / La Déclaration islamique universelle des droits de
l'Homme - 2 / Les deux projets
de déclaration de l'O.C.I et la Déclaration du
Caire
Section II - Les contradictions dans les
documents.....................................................48
§ 1 - Une interprétation contradictoire des
droits de
l'Homme............................................................................................................................48
§ 2 - " Un système parfait de protection"
inapplicable..........................................51
Titre II - la limitation de la portée universelle
des droits de
l'Homme..............................................................................................54
Chapitre I / Une hostilité de
principe.............................................................54
Section I - L'élaboration du corpus juridique de
l'universalité
des droits de
l'Homme....................................................................................................55
§ 1 - La difficile
universalité....................................................................................55
A- La lente avancée sur le plan
conceptuel.....................................................................55
B- L'universalité dans les
faits.........................................................................................56
§ 2 - La spécificité de la
construction
onusienne....................................................58
A- Les
normes..................................................................................................................58
B- Les mécanismes de
contrôle.......................................................................................59
Section II - La relativisation du corpus juridique de
l'universalité
des droits de
l'Homme.....................................................................................................61
§ 1 - Le caractère absolu de la
terminologie............................................................61
§ 2 - Le caractère absolu de
l'application
...............................................................64
Chapitre II / Une acceptation
progressive........................................................67
Section I - L'acceptation progressive de la conception
universelle
des droits de
l'Homme....................................................................................................68
§ 1 - l'évolution de l'attitude des Etats
musulmans...............................................68
A- Le degré d'adhésion aux
Conventions protectrices des droits de l'Homme.................69
1 / La Déclaration universelle
des Droits de l'Homme - 2 / Les Pactes de 1966 relatifs
aux droits de l'Homme
B- Leur conduite face à ces
Conventions........................................................................71
§ 2 - les difficultés d'application
de la "Charte internationale des droits de
l'Homme".................................................74
A- Les aspects positifs
....................................................................................................75
B- Les obstacles
particuliers............................................................................................79
1 / Les obstacles du fait des exigences de la Loi islamique - 2
/ Les obstacles du fait
de la raison d'Etats
Section II - les incidences de cette
acceptation.............................................................83
§ 1 - Les conséquences
modernistes........................................................................84
A- La démocratie
moderne..............................................................................................84
B- L'aspiration aux moeurs
modernes..............................................................................85
§ 2 - La pratique des violations des droits de
l'Homme........................................87
Conclusion....................................................................................................................91
Bibliographie...............................................................................................................93
* 1 S.A Abu-Sahlieh, La
définition internationale des droits de l'Homme et l'Islam, R.G.D.I.P
19985, n°3, p. 627
* 2 Yacoub (J.),
Réécirire la déclaration Universelle des Droits de
l'Homme, Provocation, Desclée de Brouwer, 1998, p.11
* 3 Ibid, p. 629
* 4 Delmas-Marty (Mireille),
Trois défis pour un droit mondial, Ed. du Seuil, 1998
* 5 Ibid
* 6 Lamchichi (A.),
maître de conférence à l'Université de Picardie
Jules Verne, " Islam-Occident, Islam-Europe: choc des civilisations ou
coexistence des cultures?", La coexistence, enjeu européen, CRUCE
(Centre de Recherche Universitaire sur la Construction européenne
Amiens), Cao-Huy (T.), Fenet (A.) ( sous la dir.), Puf, p.263
* 7 Ibid
* 8 Delmas-Marty ( M.), Pour
un droit commun, La librairie du XXe Siècle, Seuil, p.8
* 9 Abu-Sahlieh ( S.A.A),
les musulmans face aux droits de l'Homme, religion § droit §
politique. Etude et documents, Bochum, Winkler, 1994, p.17
* 10 Ibid, p. 18
* 11 " Au nom de Dieu
tout-puissant, clément et miséricordieux", Les droits de l'Homme
en Islam,
www.islam-droits.com
* 12 Abu-Sahlieh (S.A.A), "Les
mouvements islamistes et les droits de l'Homme", RT.D.H 34, 1998, pp.251-290
* 13 " La citoyenneté
entre l'Orient et l'Occident", Revue de l'association
Méditerranée n°9, 1996, L'Harmattan
* 14 A.I.D.C
10ème session, Tunis 1994, Constitution et religions,
Presse de l'université de Toulouse, 1996,pp.27-28
* 15 Abderraziq (Ali), Islam et
le fondement du pouvoir, (1925), La Découverte, 1994
* 16 Ibid, p.156
* 17 Khayati (M.), Introduction
à la pensée de M.M Taha, réformiste martyr, in BLEUCHOT
(H.) et Hopwood (D.), (eds.) : Soudan , histoire, identités,
idéologies, Ithaca Press, 1991, p. 297
* 18 Laghmani (Slim),
assistant la faculté de Sciences juridiques, politiques et sociales de
l'Université de Tunis II, " Islam et droits de l'Homme", les droits de
l'Homme en Afrique, Pédone 1992, p.12
* 19 Ibid, p. 14
* 20 Abu-Sahlieh (S.A.A.), "Les
mouvements islamistes et les droits de l'Homme", R.T.D.H n°34, 1998,
p.257
* 21 A.I.D.C
10ème session, Tunis 1994, Constitution et religions,
Presse de l'université de Toulouse, 1996
* 22 Roy Olivier, chercheur au
C.N.R.S-Strasbourg, "Société, Droit et religion en Europe", Les
voies de la ré-islamisation, in Pouvoirs, 1992 n° 62, L'islam dans
la cité, p. 81-92
* 23 A.I.D.C
10ème session, Tunis 1994, Constitution et religions,
Presse de l'université de Toulouse, 1996, p.64
* 24 Ibid
* 25 Ibid, p.65
* 26 Ibid
* 27 Frégosi ( Franck),
les rapports entre l'Islam et l'Etat en Algérie et en Tunisie: de la
revalorisation à leur contestation, Annuaire de l'Afrique du Nord,
XXXIII ( 1994), Ed. C.N.R.S, pp.103ss
* 28 Ibid
* 29 Wolff ( Jurger H.), la
pensée politique dans l'Islam, la légitimation du pouvoir et la
démocratie moderne: le cas du Maroc, Annuaire de l'Afrique du Nord,
XXXII (1993), Ed. C.N.R.S, pp. 361ss
* 30 Rouleau (Eric), En Iran
,islam contre Islam, Le Monde Diplomatique, juin 1999, pp.20-21
* 31 Rouleau (Eric), En Iran
,islam contre Islam, Le Monde Diplomatique, juin 1999, pp.20-21
* 32 Hundington (Samuel. P),
Le Choc des civilisations, ( traduc. Fr.), Odile Jacob, 1997
* 33 Ibid
* 34 Abu-Sahlieh (S.A.A)," les
mouvements islamistes et les droits de l'Homme", R.T.D.H 34, 1998, p.257
* 35 Mahmud' Abd-al-Hamid
GHURAB, Ahkam islamiyyad idanah lil-qawanin al-wad'iyyah, Dar
al-i'tissam, Le Caire, 1986
* 36 Abu-Sahlieh (Sami
A.Aldeeb), droits de l'Homme conflictuels entre l'occident et l'islam, Revue
algérienne des sciences juridiques économiques et politiques,
volume XXXO- n°01/1993, p.48
* 37 Sinaceur, mohamed-allal,
Islam et les droits de l'Homme dans les dimensions universelles des droits de
l'Homme, lapyre, Tincey et vask, Bruylant 1990.
* 38 Sinaceur (M-A), " Islam et
droits de l'Homme", Lapeyre (A.), De Tinguy ( F.), Vasak ( K.) ( sous la dir.),
Les dimensions universelles des droits de l'Homme, Vol I, Bruylant 1990, p.
149
* 39 Annexe 7, Charte
de la Ligue arabe, 1993, Aldeeb Abu-Sayed (Sami A.), les
musulmans face aux droits de l'Homme, religion § droit § politique.
Etude et documents, Bochum, Winkler, 1994, p.505
* 40 Ibid
* 41 Haquani (Z.), "La
déclaration islamique universelle des droits de l'Homme",
Universalité des droits de l'Homme dans un monde pluraliste,
Acte du colloque organisé par le Conseil de l'Europe,
Strasbourg, 17-19 avril 1989, éd. N-P Engel, 1990, p. 173
* 42 Ibid, p. 177
* 43 Annexe I,
1ère Déclaration de l'OCI, 1979, Aldeeb Abu-Sayed
(Sami A.), les musulmans face aux droits de l'Homme, religion § droit
§ politique. Etude et documents, Bochum, Winkler, 1994, p.462
* 44 Ibid, Annexe II, p.
265
* 45 Néji Baccouche,
« les droits de l'Homme à travers la déclaration
des droits de l'Homme de l'Organisation de la Conférence
Islamique », dans les cahiers de l'IDEDH n°5,
p.19.
* 46 Annexe II,
2ème Déclaration de l'OCI, 1981, Aldeeb Abu-Sayed
(Sami A.), les musulmans face aux droits de l'Homme, religion § droit
§ politique. Etude et documents, Bochum, Winkler, 1994, p.
265
* 47 Ibid, annexe 3,
3ème Déclaration de l'OCI, 1990, p.468
* 48 Jean-Claude Vatin,
« l'universel et les particularités. Remarques à propos
des droits de l'Homme dans le monde islamique », bulletin du
C.E.D.E.J ( Le Caire), n° 18, 2ème semestre 1985,
p.172.
* 49 Haquani (Z.), "La
déclaration islamique universelle des droits de l'Homme",
Universalité des droits de l'Homme dans un monde pluraliste,
Acte du colloque organisé par le Conseil de l'Europe,
Strasbourg, 17-19 avril 1989, éd. N-P Engel, 1990, p. 177
* 50 Annexe 3,
3ème Déclaration de l'OCI, 1990 Aldeeb Abu-Sayed (Sami
A.), les musulmans face aux droits de l'Homme, religion § droit §
politique. Etude et documents, Bochum, Winkler, 1994, p.470
* 51 Ibid, p.471
* 52 Ibid
* 53 Aldeeb Abu-Sahlieh
(Sami. A), " Les droits de l'Homme conflictuels entre l'Occident et l'Islam,
Revue algérienne des sciences juridiques économiques et
politiques, Volume XXXI-N°1/1993, p.47, note (15)
* 54 Annexe 7, Charte de
la Ligue arabe, 1993, Aldeeb Abu-Sayed (Sami A.), les musulmans
face aux droits de l'Homme, religion § droit § politique. Etude et
documents, Bochum, Winkler, 1994,p.507-508
* 55 Annexe 7, Charte de la
Ligue arabe, 1993, Aldeeb Abu-Sayed (Sami A.), les musulmans
face aux droits de l'Homme, religion § droit § politique. Etude et
documents, Bochum, Winkler, 1994,p.505
* 56 A.Aldeeb Abu-Sahlieh,
Droits de l'Homme conflictuels entre l'occident et l'Islam, Revue
Algérienne des Sciences juridiques économiques et politiques,
Volume XXXI- N°01/1993, p.72
* 57 Imbert, ( P-H),
L'apparente simplicité des droits de l'Homme , RUDH 1989,
pp.19-29
* 58 Sudre
(Frédéric), Droit international et européen des droits de
l'Homme, P.U.F, 1997, p.20
* 59 Tavernier Paul, "Les
Etats arabes, l'O.N.U et les droits de l'Homme", Cognac ( G.), Amor (A.), Islam
et les droits de l'Homme, Paris, Economica 1994 p.57
* 60 Cassese (Antonio), les
droits de l'Homme sont-ils véritablement universels?, R.U.D.H 1989, Vol
1, p. 18
* 61 Ibid p.14
* 62 Saba
( Hanna), "la Charte internationale des droits de l'Homme, son
élaboration et son application dans un monde multiculturel",
L'avenir du droit international dans un monde multiculturel, R-J Dupuy ( sous
la dir. de) Colloque du 17-19 novembre 1987 à Nayve Academy of
international Law, pp. 331-339
* 63 Ibid, p.333
* 64 Ibid
* 65 AG, 3ème
Commission, 26 nov. 1982, A/C.3/37/SR. 56, p.17
* 66 Sinaceur ( M-A),
« Islam et les droits de l'Homme », dans Les
dimensions universelles des droits de l'Homme, Lapeyre (A.), De Tinguy (F.),
Vasak (K.) ( sous la dir.), Vol. 1, Bruylant, 1990,
* 67 "les violations de la
presse de 1992 à 1998 en Algérie", www.rsf.fr
* 68 Imbert (P-H),
l'apparente simplicité des droits de l'Homme, R.U.D.H, 1989,
p.2.
* 69Abu-Sahlieh, "Droits
de l'Homme conflictuels entre l'Occident et l'Islam", Revue
algérienne des sciences juridiques économiques et politiques,
Volume XXXI- N° 01/1993, p.67
* 70 Sinaceur ( M-A),
Islam et les droits de l'Homme", Les dimensions universelles des
droits de l'Homme, Lapeyre (A.), Tinguy (F.), Vasak ( K.) (sous la dir.),
Bruylant Bruxelles, Volume I, 1990, p.161
* 71 Paul Tavernier, "Les
Etats arabes, l'ONU et les droits de l'Homme",», Cognac ( G.), Amor
(A.), Islam et les droits de l'Homme, Paris, Economica 1994, p.59,
* 72 Ferjani ( M-C),
Islamisme, laïcité et droits de l'Homme, comprendre l'Orient,
L'Harmattan, p.374:
* 73 Sudre (F.), Droit
intrenational et européen des droits de l'Homme, Puf 1997, p.89
* 74 Annexe 7, Charte de
la Ligue arabe, 1993, Aldeeb Abu-Sayed (Sami A.), les musulmans
face aux droits de l'Homme, religion § droit § politique. Etude et
documents, Bochum, Winkler, 1994, p.505
* 75 Ibid, p.91
* 76 Tavernier (P.),
professeur à l'Université de Rouen, Directeur du CREDHO (centre
de recherche et d'études sur les droits de l'Homme et le droit
humanitaire); les Etats arabes, l'ONU et les droits de l'Homme. La
Déclaration Universelle des Droits de l'Homme et les Pactes de 1966,
Conac (G.) (sous la dir), Islam et droits de l'Homme, Economica, 1994,
p.67
* 77 Ben Mahmoud ( K.C),
"Universalité des droits de l'Homme dans un monde pluraliste", Conseil
de l'Europe, Edition N. P. Engel, p.143
* 78 Tavernier (P.), les Etats
arabes, l'ONU et les droits de l'Homme..., Conac ( G.) (sous la dir.), Islam
et les droits de l'Homme, Economica, 1994, p.67
* 79 CCPR/C/51/Add.7, 2
septembre 1992, p.89, annexe II
* 80 CCPR/C/51/Add.7, 2
septembre 1992, p.90, annexe II
* 81 CCPR/C/79/Add.23, 9
août 1993,p.3, § 12
* 82 CCPR/C/42/Add.10, 3 mai
1990, p.16, § 72
* 83 CCPR/C/76/Add.3, 27
août 1993, p.21, § 74
* 84 CCPR/C/75/Add.2,
deuxième rapport périodique relatif au PIDCP, § 134
(observations concernant article 19 du Pacte), du Soudan en date du 13 mars
1997.
* 85 CCPR/C/79/Add.85,
observations finales du comité des droits de l'Homme après examen
du deuxième rapport du Soudan (19 novembre 1997)
* 86 CCPR/C/SR.715,
compte-rendu analytique de la 715ème séance du
comité des droits de l'Homme, §21, en date du 6 avril 1987.
* 87 CCPR/C/50/add.2, §
42, rapports initiaux du Yémen démocratique
présentés en vertu de l'article 40 du Pacte international des
droits civils et politiques.
* 88 CCPR/C/82/Add.1,
§83.
* 89 CCPR/C/79.Add.95, 18
août 1998, Observations finales du Comité des droits de l'Homme,
p.6, § 16
* 90 CCPR/C/28/Add.16, 4 mai
1993, Deuxièmes rapports périodiques, p.11, § 44
* 91 CCPR/C/79/Add.44,
observations finales du Comité des droits de l'Homme, Maroc, 23 novembre
1994, § 2
* 92 CCPR/C/28/Add.15,
deuxième rapport périodique relatif au PIDCP, de la
République islamique d'Iran en date du 22 mai 1992.
* 93 CCPR/C/Add.1, 12 octobre
1993, deuxièmes rapports périodiques des Etats parties qui
devaient être présentés en 1993, § 83
* 94 CCPR/C/52/Add.5 §121
b), et CCPR/C/84/Add.1 §180 c).
* 95 CCPR/C/SR.992, 20 juillet
1990, p.9, § 29
* 96 CCPR/C/79.Add.95, 18
août 1998, Observations finales du Comité des droits de l'Homme,
p.6, § 16
* 97 CCPR/C/79/Add.101, 6
novembre 1998, p.4, § 15
* 98 CCPR/C/79/Add.44, 23
novembre 1994, p.3, § 15
* 99 Paul Tavernier, Les
Etats arabes, l'ONU et les droits de l'Homme",», Cognac ( G.), Amor
(A.), Islam et les droits de l'Homme, Paris, Economica 1994, p.71
* 100 Achcar (Gilbert), "
le monde arabe orphelin de la démocratie moderne", Le Monde
Diplomatique, juin 1999, p. 7
* 101 Pelmutter (Amos)"
Islam et démocratie ne sont tout simplement pas compatibles",
International Herald Tribune, Paris, 21 janvier 1992
* 102
Saghafi ( Morad), " La revolution: un rêve dans lequel l'individu et
ses libertés n'avaient pas de place". Propos recueillis par Mouna
Naïm, Le Monde du dimanche 17 - lundi 18 janvier 1998, p. 12
* 103 Mohamed-Chérif
Ferjani, "Islamisme, laïcité et droits de l'Homme,
Comprendre le Moyen-Orient, L'Harmattan , p. 275
* 104
Marc Margenis, " L'information asservie en Algérie
", Le Monde Diplomatique, septembre 1998, p.9
* 105 Ibid
* 106 Reporters sans
frontières, " Algérie, les violations de la liberté de
la presse, de 1992 à 1998",
www.rsf.fr
* 107 Ibid
* 108" Des journalistes
torturés en Syrie d'après Reporters sans frontières", Le
Monde, lundi 21 décembre 1998, p.4
* 109 Bassir Pour ( A.), "
L'Iran veut refermer le dossier Salman Rushdie", Le Monde du 28
septembre 1998, p. 1 et 12
* 110 Yacoub ( J.),
Réécrire la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme,
Provocation, Desclée de Brouwer, 1998, p.40
* 111 Dupuy (R-J), Conclusions
du colloque, L'avenir du droit international dans un monde multiculturel,
R-J Dupuy ( sous la dir. de) Colloque du 17-19 novembre 1987
à Nayve Academy of International Law,p.454
* 112 Sinaceur (M.A),
"Islam et droits de l'Homme", dans Les dimensions universelles des droits de
l'Homme, Lapeyre (A.), De Tinguy (F.), Vasak (K.) ( sous la dir.), Vol. 1,
Bruylant, 1990
* 113 Yacoub ( J.),
Réécrire la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme,
Provocation, Desclée de Brouwer, 1998, p.47-48
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