Vers un système arabe unifié d'arbitrage commercial (L'apport de la convention d'Amman)par AdeL BsiLi Faculté de Droit de Tunis - DEA Droit privé général 1989 |
UNIVERSITE DE DROIT, ECONOMIE ET GESTION DE TUNIS Faculté De Droit Et Des Sciences Politiques De Tunis Vers un système arabe unifié d'arbitrage commercial (L'apport de la convention d'Amman) Mémoire présenté par BsiLi AdeL Pour l'obtention du Diplôme D'études Approfondies (Option : Droit Privé Général) Juin 1989 Membres de Jury : Président : Mr Mohamed Larbi Hachem Membres : Farhat Horchani Moncef chafaï La faculté n'entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions et idée émises dans les mémoires. Ces opinions doivent être considérées comme propres à leurs auteurs PRINCIPALES ABREVIATIONSA.F.D.I. : Annuaire Français de Droit International C.A.A C. : Centre Arabe d'Arbitrage Commercial C.C.I. : Chambre de Commerce International CIRD.I : Centre International pour le règlement des Différends relatif aux Investissements D.P.C.I. : Droit et Pratique du Commerce International I. C. L .Q. : International Comparative Law Quaterly I.L.M. : International Légal Materials J.D.I. : Journal de Droit International (Clunet) RA : Revue d'Arbitrage RC. : Revue Critique de Droit International Privé RCADI : Recueil des Cours de l'Académie de Droit International R.G.D.I.P. : Revue Générale de Droit International Public INTRODUCTIONLa prochaine décennie sera marquée par un évènement historique important : celui de l'union européenne sans frontières. Il est certain que les outils juridiques ont contribué efficacement à l'édifice d'une telle union et c'est pour cette raison que les juristes s'intéressent à l'étude des différentes étapes marquant la marche vers l'Europe Unie pour mettre en valeur la contribution du droit dans cette construction socio-politico-économique. Le juriste arabe doit-il analyser l'évènement à double niveau ? - interrogatif : Quelle réaction du monde arabe vis-à-vis de ce bloc régional géant ? - analytique : Tirer les conséquences de cette évolution vers la recherche de l'union européenne depuis 1957 jusqu'à nos jours ! C'est dans ce sens, que deux idées essentielles nous paraissent importantes et méritent d'être évoquées dès le départ : 1- la recherche de l'union arabe doit être orientée davantage vers une option économique plutôt que politique 2- La coopération économique arabe doit être favorisée par l'adoption de techniques juridiques appropriées. Parmi ces techniques, l'arbitrage commercial nous parait habilité à jouer un rôle primordial dans une telle coopération. D'ailleurs, c'est ce rôle qui lui a valu une haute considération dans les différents systèmes juridiques internationaux. Bien que la notion d'arbitrage commercial international soit loin d'être reçue définitivement dans son sens et dans sa portée1(*), certains auteurs ont essayé de la définir par « une technique visant à faire donner la solution d'une question, intéressant les rapports entre deux ou plusieurs personnes, par une ou plusieurs autres parties (les arbitres), lesquelles tiennent leur pouvoir d'une convention privée et statuent sur la base de cette convention »2(*). D'autres auteurs insistent à ce que l'arbitrage commercial international serait détaché de tous les cadres étatiques, soumis à des normes et à des autorités véritablement internationales3(*). Sur le plan conventionnel, plusieurs conventions internationales ont été adoptées : la convention européenne sur l'arbitrage commercial international, signée à Genève le 21 avril 1961 (dite convention de Genève de 19614(*)), la convention pour la règlementation, par voie arbitrale, des litiges de droit civil, découlant des rapports de collaboration économique et technico-scientifique, signée à Moscou le 26 mai 1972 (dite convention de Moscou5(*)) et la convention interaméricaine sur l'arbitrage commercial international, signée à Panam le 30 Janvier 1975 (dite convention de Panama). Sur le plan institutionnel, plusieurs institutions internationales ont été créées et ont contribué à l'essor de l'arbitrage telle que la chambre de commerce international (C.C.I) et l'American Arbitration Association (A.A.A)6(*). En outre, plusieurs institutions arbitrales ont 6t6 crées et ont contribué à l'essor de cette matière : -"la chambre de commerce internationale" (C.C.I), l'American Arbitration Association (AAA) et plusieurs autres institutions. Monsieur Fouchard a souligné que la notion recouvre « l'évolution d'un phénomène, celui de l'arbitrage dans les rapports économiques internationales, évolution dont les aspects sont multiples... »7(*). En revanche, l'évolution au niveau arabe était tardive. Les raisons Sont dues essentiellement à ce que les systèmes internationaux existant, n'ayant pas pris en considération les réalités économiques et les usages juridiques des pays en voie de développement, en général, et les pays arabes, en Particulier, ceux-ci ont éprouvé une méfiance, voir une hostilité, à l'arbitrage international, surtout après une expérience négative dans quelques affaires8(*). Cette expérience a engendré deux attitudes différentes : certains pays ont privilégié leurs institutions nationales d'arbitrage (L'Algérie), d'autres l'ont interdit expressément (l'Arabie Saoudite). Cependant, ces pays se sont confrontés, une autre fois, au problème de l'arbitrage à cause de l'évolution considérable de leurs échanges économiques avec les pays développés, spécialement les pays européens. Et c'est dans ce cadre qu'une coopération euro-arabe a vu le jour, visant la mise en place d'un système tenant compte des particularismes arabes et le « reposer sur des organismes si situant au point de convergences des systèmes économiques et juridiques »9(*). Cette coopération a aboutit le 1er juin 1982, à l'adoption d'un « règlement de conciliation, d'arbitrage et d'expertise des chambres de commerce euro-arabe » entrée en vigueur le 10 janvier 198310(*). Les caractéristiques du système mis en place sont multiples : D'abord, il a donné à la volonté des parties un rôle primordial dans la conduite de ses différentes phases de procédure. Ensuite, il a instauré le principe de parité des membres arabes et européens dans les institutions prévues par le règlement. Enfin, le système a cherché une certaine unicité par le biais d'un règlement unique et une liste commune des arbitres. En réalité, l'intérêt qu'ont éprouvé les pays arabes vis-à-vis de l'arbitrage commercial international remonte à une époque antérieure au système euro-arabe. En effet, plusieurs pays arabes ont adhéré à différentes conventions internationales : La convention de New York de 1958 sur la reconnaissance et l'exécution des sentences arbitrales étrangères ou la Convention « B.I.R.D » instituant le Centre International Pour Le Règlement Des Différends Relatifs Aux Investissements (CIRDI)11(*). En outre, Certaines institutions arabes d'arbitrage ont été mises en place tel le centre régional d'arbitrage en matière commerciale internationale du Caire, établie en 1978 sous les auspices du comité juridique consultatif afro-asiatique en coopération et avec l'assistance de l'Egypte. Ce centre avait pour but la promotion de l'arbitrage commercial international dans la région, la coordination des activités des institutions d'arbitrage y existantes et l'assistance dans l'exécution des sentences arbitrales12(*) et a traité quelques affaires arbitrales13(*). Mais tous ces cadres conventionnels et institutionnels intéressent les relations économiques Arabo-étrangère et paraissent peut commodes ou insuffisamment appropriés aux relations inter arabe. C'est la raison pour la quelle un cadre juridique approprié à de telle coopération a été ressenti et souligné14(*). Les tentatives pour trouver un système d'arbitrage inter-arabe datent du 1974 dans le cadre du Conseil économique de la ligue arabe. Ainsi, et dans un premier temps, on a adopté la convention pour le règlement des différends relatifs aux investissements entre les Etats hôtes arabes et ressortissants d'autres Etats 15(*). Cette convention à été, dans une large mesure, une transposition de la convention de Washington de 1965 sur un plan régional. Ayant été adoptée par un nombre limité des Etats (6), cette convention a été abandonnée en 1980 pour une autre Convention : la convention unifiée pour l'investissement des capitaux arabes dans les pays arabes16(*). Mais ces conventions ont eu pour objet les investissements inter-arabes qui n'englobent pas tous les domaines du commerce international et c'est dans ce cadre qu'on peut placer l'adoption de la convention de Tunis pour faciliter et développer les échanges commerciaux entre les pays arabes signée à Tunis en 1981 17(*) et dont l'apport sera évalué ultérieurement. La mise en place d'un système arabe d'arbitrage commercial global se ressentait de plus en plus et c'est ce sens que cette mission a été confiée au conseil des ministres arabes de la justice, organe dépendant de la ligue des Etats arabes, chargé de la consolidation et du développement de la coopération arabe dans les domaines juridiques et judiciaires (Article 2.1 de son statut) et de suivre l'action arabe commune pour l'unification des législations arabes (Article 2.2). Par deux décisions successives, Le conseil a ordonné la création d'une « commission arabe d'arbitrage commercial » 18(*) et une commission technique19(*), composée de 7 juristes arabes 20(*) chargée d'étudier le projet. Au vu des travaux de ces deux commissions, Le conseil adopta par une décision n° 80/S5 du 14 Avril 1987 « La Convention Arabe d'Amman D'arbitrage Commercial ». Cette convention représente un fait important marquant l'histoire de l'arbitrage commercial à l'échelle régionale arabe. D'après les travaux préparatoires, ses rédacteurs se sont inspirés du règlement de conciliation, d'arbitrage et d'expertise des chambres de commerce euro arabes, de la loi type CNUDCI d'arbitrage commercial international, de la convention BIRD de 1965 et du règlement de la Chambre du Commerce International. L'arbitrage prévu par cette convention est un arbitrage institutionnel qui se déroule dans le Cadre du « Centre Arabe d'Arbitrage commercial »21(*), crée par l'article 4 de la dite convention, et se caractérise par une unité organique et procédura1e dont l'autonomie et l'efficacité ne seront pas parfaites. Destinée à « trouver un système arabe unifié d'arbitrage commercial prenant place parmi les systèmes d'arbitrage internationaux et régionaux » (Paragraphe premier du préambule), la convention d'Amman peut en constituer la pierre angulaire. Cependant, un système est avant tout un ensemble cohérent d'institutions juridiques au sein desquelles sont mis en oeuvre certains mobiles dominants. Si la cohérence peut être vérifiée, l'unité du système nous parait loin d'être acquise au vu de la disparité marquant le cadre conventionnel arabe. Par conséquent, l'unification du système et sa mise en oeuvre restent tributaires du perfectionnement de ce droit régional conventionnel et la pratique du CAAC. C'est dans ce sens que notre étude sera menée à un triple niveau : - une étude prospective allant de ce qui existe à ce qui doit exister. - Ensuite, elle sera unificatrice allant de la disparité à l'unité et ce en conciliant les solutions des diverses conventions. - Enfin, elle sera comparative, par la référence aux conventions internationales, aux centres internationaux, à la pratique arbitrale la plus récente et à l'apport doctrinal le plus développé. Ce schéma sera respecté tout au long du travail et peut nous aider à clarifier la mise en place du système et à perfectionner son fonctionnement. En effet, la mise en place du système nécessite un cadre juridique cohérent tant dans son élément conventionnel que dans son élément institutionnel. Mais la mise en place du système n'a aucune signification si elle n'est pas suivie par sa mise en oeuvre. Ainsi, le fonctionnement du système sera tributaire d'une procédure équilibrée et d'une sentence efficace. C'est ainsi que notre étude portera, d'abord, sur le cadre juridique du système (1ere Partie) Pour s'intéresser, par la suite, à la recherche de son efficacité et de son équilibre (2ème partie). PREMIERE PARTIE : LE CADRE JURIDIQUE DU SYSTEME ARABE UNIFIE D'ARBITRAGE COMMERCIAL DEUXIEME PARTIE : LA RECHERCHE DE L'EQUILIBRE ET DE L'EFFICACITE DU SYSTEME RECHERCHE * 1 - Philip Fouchard : L'arbitrage commercial international. Sirey, 1960, p.4. * 2 - René David : L'arbitrage dans le commerce international. Economica, 1983, p.9. * 3 - Ph. Fouchard, Op.cit. p.......... * 4 - Voir texte et commentaire : J.Robert. D.1961, p. 33 et s. * 5 - Octave Capatina, l'arbitrage du commerce extérieur selon la convention de Moscou de 1972, J.D.I, 1975, p. 503 et s. * 6 - D'autres institutions ont vu le jour ; pour plus de détails, Voir René David, Op.Cit, p. 49 et s. * 7 - Ph. Fouchard, op.cit, p. 5. * 8 - Affaires Sheikh Abu Dhabi, 18 Aout 1951, I.C.L.Q, 1952, p. 247; Affaire Texaco Calasiatic, J.D.I, 1977, p. 350 et R.A, 1980, p. 3. * 9 - Michel Habib Belonde, Le règlement de conciliation, d'arbitrage et d'expertise des chambres de commerce euro-arabe, R.A, 1983, p. 217 et s. * 10 - idem * 11 - Mario Amadio, le contentieux international de l'investissement privé et la convention de la banque mondiale du 18 Mars 1965, Paris, LGDJ, 1967. * 12 - Pour plus de détails, Voir in R.A, 1986, p.487 et s. * 13 - Voir sentence publiée à la R.A, 1986, p. 469 et s. * 14 - Voir Rapport du cadre des investissements dans les pays arabes. C.I.A.G.I, 1987, p.16 et s. * 15 - Voir le commentaire de M. RAYCX in R.A, 1981, p.259. * 16 - F. Horchani, Les investissements inter-arabes : réflexion sur la contribution des conventions multilatérales à l'élaboration d'un droit régional d'investissement. Thèse, Tunis, 1988. * 17 - Elle sera appelée tout au long de notre étude par « La convention de Tunis ». * 18 - Décision n° 26/D2 du 18 Avril 1984. * 19 - Décision n° 44/D3 du 25 Avril 1985. * 20 - Dont les Noms sont : Président : A. Abdelwaheb (Iraq) ; rapporteur : R. Sabbagh (Tunisie) ; membres : A.Moumni (Jordanie), A.Sebai (Maroc), A. Abu Zghaya (Lybie) , S.R Dhaheri (E.A.U) et M. Hassen (Syrie). * 21 - Sera désigné tout au long de ce travail par le C.A.A.C |
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