E-Presse : Presse en danger ou complément de l'informationpar Thierry Schiltz Université de Bordeaux 3 - Maà®trise de communication sociale 2002 |
Mémoire de maîtriseTHIERRYSCHILTZ@HOTMAIL.COM Directeur de recherche : Christian Laguerre
« E-Presse : Presse en danger ou complément de l'information »
2001-2002 REMERCIEMENTS Je tiens tout d'abord à remercier Monsieur Frédéric Saler de la façon dont il m'a reçu et du temps qu'il a consacré à notre entretien effectué. Il m'a permis de bien comprendre comment fonctionne le site Sudouest.com. En second lieu, je tiens à remercier Monsieur Laguerre pour m'avoir suivi et orienté lors de la constitution de ce mémoire. Et enfin, je tiens à remercier toutes les personnes qui ont bien voulu répondre à mon questionnaire sur la presse quotidienne régionale sur Internet TABLE DES MATIERES INTRODUCTION GENERALE Méthodologie de ce mémoire P 07 Introduction première partie P 09 I.INTERNET, REVOLUTION CULTURELLE ET SOCIALE OU SIMPLEMENT REVOLUTION TECHNIQUE 1. La révolution d'Internet 1.1 Les origines et le développement d'Internet P 10 1.2 Lien entre progrès technique et changement social p 11
1.3 Des atouts incontestables P 14 1.4 La transparence P 16 1.5 Cyber-rencontre P 17 1.6 Inégalités P 19 1.7 Liberté P 20 1.8 Impact sur la société P 21 1.9 Analyse d'hypothèse P 23 Conclusion première partie P 25 Introduction deuxième partie P 26 II. DU SUPPORT PAPIER AU SUPPORT ELECTRONIQUE 1. Concurrence ou complémentarité 1.1 Les débuts de la presse en ligne P 27 1.2 Chiffres clés P 29 1.3 Des lectorats différents P 32 1.4 Convergence des deux supports P 33 1.5 Interactivité P 34 1.6 Personnalisation de l'offre P 34 1.7 Analyse de l'hypothèse P 35 2. La fonction journaliste est-elle crédible sur Internet ? 2.1 La démonopolisation de l'information P 36 2.2 Libre accès aux sources P 37 2.3 Diffusion de l'information P 37 2.4 Perte de crédibilité P 38 2.5 Ou hyper-crédibilité P 40 2.6 Analyse de l'hypothèse P 41 3. Du journaliste aux cyber-journalistes 3.1 Une forte déontologie P 41 3.2 L'écriture sur le web P 43 3.3 Une lecture plus fatigante P 44 3.4 Une nouvelle écriture du fait d'une nouvelle lecture P 45 3.5 Formation P 46 3.6 Analyse de l'hypothèse P 48 4.Rentabilité de la presse sur support électronique 4.1 Principe de la gratuité P 49 4.2 Publicité sur le web P 50 4.3 L'E-espionnage P 52 4.4 L'E-publipostage P 52 4.5 Presse électronique et commerce électronique P 53 4.6 Les petites annonces P 54 4.7Etat actuel de la rentabilité des quotidiens sur la toile P 56 4.8 Analyse de l'hypothèse P 60 5. Statut de la presse sur Internet 5.1Historique du droit de la presse P 61 5.2 Le statut de la presse en ligne P 61 5.3 Droits d'auteur P 67 5.4 Carte de journaliste P 69 5.5 Analyse de l'hypothèse P 71 Conclusion deuxième partie P 72 Introduction troisième partie P 73 III. LA PRESSE QUOTIDIENNE REGIONALE SUR INTERNET 1. Groupe Sud-Ouest 1.1 Présentation du quotidien P 74 1.2 Entretien avec Frédéric Saler P 78 1.3 Analyse de l'entretien en rapport avec les hypothèses P 81 2. Enquête sur la presse quotidienne régionale 2.1 Méthodologie de l'enquête P 82 2.2 Résultat P 83 2.3 Analyse de l'enquête en rapport avec les hypotheses P 96 Conclusion troisième partie P 99 Autres pistes à explorer P 100 Conclusion générale P 103 Bibliographie P 105 Annexes P 109 INTRODUCTION GENERALE En un siècle, les technologies de la communication ont fait des progrès rapides et vertigineux. On a pu constater comment la radio et la télévision ont réussi à s'intégrer dans la société sans pour autant faire disparaître les autres médias existants. Internet est un nouveau media qui vient d'apparaître dans notre société. Beaucoup de personnes lui destinent un avenir glorieux et des promesses fortes à son égard. On ne sait pas encore exactement comment il va s'intégrer dans notre société et il est donc sujet à de nombreuses hypothèses probables dans son avenir. Notre population a un besoin d'informations concernant le monde où il se situe. Cela peut être de l'actualité générale, économique, sportive ou autres qui sont liées en fonction de ses intérêts personnels. Les médias assument ce rôle et on peut dire jusque là que l'apparition des nouveaux médias comme la radio et la télévision se sont complémentarisés et ont convergé. Néanmoins la radio est composée de sons et la télévision d'un mariage sons et images alors qu'Internet diffuse essentiellement de l'écriture telle que la presse écrite. L'objectif de ce mémoire est de mesurer si cette nouvelle technique avec les promesses qui lui sont faites va prolonger l'histoire ou au contraire déstabiliser voire détruire un des premiers média apparu qui est l'imprimerie des journaux. Méthodologie de ce mémoire : Ce mémoire a pour objectif de répondre à six hypothèses essentielles qui tournent autour du thème de la presse électronique. Il me fallait donc trouver essentiellement des ouvrages théoriques afin de vérifier mes hypothèses. La première mesure à prendre est donc d'aller consulter les différentes bibliothèques et librairies de Bordeaux. De ce fait, plusieurs problèmes sont vite apparus. Le premier a été une faible quantité d'ouvrages qui traitaient ce sujet.
Le second problème, qui fut le plus contraignant, provient de par la nature du media Internet. Ce media est en perpétuelle évolution et les principaux ouvrages trouvés dans ces endroits étaient très vite obsolètes.
En effet un ouvrage qui a été écrit en 1998 comprenait certaines informations valables de nos jours mais la plupart étaient dépassées par l'évolution rapide de cet outil et des méthodes qui l'accompagnent. Néanmoins, un système de filtrage sur ces ouvrages pas très récent et la découverte d'autres ouvrages un peu plus récents ont permis de puiser les théories fondamentales pour valider ou annuler les hypothèses émises. Il faut noter que la théorie qui m'a servi à la non-validation de ma première hypothèse était issue presque exclusivement d'ouvrages. La deuxième méthode utilisée pour vérifier mes hypothèses a été d'aller prendre de l'information sur le réseau des réseaux à savoir Internet. Grâce aux moteurs de recherches et de liens en liens, il a été possible de me diriger vers les informations pertinentes pour vérifier les hypothèses. Cet outil a donné la possibilité de faire des recherches sur un plus grand territoire. Il y a des ouvrages et des rapports entiers de chercheurs, d'enseignants et de professionnels qui sont à la disposition de l'Internaute. De plus Internet m'a permis d'aller examiner les versions électroniques des quotidiens afin d'analyser si la théorie était bien appliquée par les quotidiens électroniques. La troisième méthode pour vérifier mes hypothèses a été d'ordre plus pratique. Cette méthode avait deux missions : - Donner un aperçu des comportements de la population concernant leurs accès à la presse régionale. - Compléter le théorique par deux études sur le terrain. Il a été, en premier lieu, effectué un entretien avec un journaliste multimédia au quotidien Sud-Ouest afin de m'expliquer les méthodes de son travail pour analyser si elles étaient bien en adéquation avec les théories puisées pour vérifier mes hypothèses. Dans un second lieu a été menée une enquête auprès de la population du Sud Bassin afin d'analyser le comportement de cette population pour accéder à l'information régionale mais là aussi pour permettre d'appuyer la théorie qui vérifie mes hypothèses. Ce mémoire est composé de trois parties. Chaque sous parties des deux premières parties a une hypothèse énoncée en début, une étude théorique lors de son déroulement et une validation ou une non-validation en fin. La Troisième partie concerne essentiellement les recherches sur le terrain qui ont permis d'appuyer la théorie et donner un aperçu de l'accès à l'information régionale dans notre région. INTRODUCTION PREMIERE PARTIE Cette première partie est consacrée non pas à la presse sur Internet mais à Internet dans sa globalité. Elle a pour but de donner des éléments théoriques afin de vérifier une seule hypothèse alors que la seconde partie aura pour objectif d'en vérifier cinq. Le choix de mettre une seule hypothèse dans cette partie provient d'une nécessité plus importante de théorie que pour les suivantes mais aussi parce qu'elle va traiter d'Internet dans sa globalité alors que par la suite ce sera la presse sur Internet. A lire la presse, à entendre la radio, à écouter la télévision, il semble que tout ce qui touche à Internet est valorisé par une promesse d'un monde meilleur. Internet devrait changer radicalement notre société pour aller vers un meilleur avenir. Cette partie a pour objectif de vérifier si ce nouvel outil est bien destiné à effectuer une révolution sociale. I.INTERNET, REVOLUTION CULTURELLE ET SOCIALE OU SIMPLEMENT REVOLUTION TECHNIQUE Ma première hypothèse, mise en avant dans cette partie, concerne Internet dans sa globalité. Elle émet qu'Internet est un outil de communication qui va dans l'avenir révolutionner notre société en y modifiant les activités et les relations de notre population mondiale. 1. La révolution d'Internet
Le réseau Internet a bientôt un quart de siècle. En effet, c'est en 1969 que le ministère de la défense américain entreprend de construire un réseau de communication informatique pouvant résister à une attaque nucléaire. C'est encore dans la période de la guerre froide et il importe donc pour le gouvernement et pour les militaires de pouvoir continuer à faire communiquer, dans tous les cas de figures, tous les organismes de la défense. L'architecture originale du réseau s'explique pour cette raison : il ne faut pas créer un noeud central, un centre de commande, qui risquerait, s'il était touché, de bloquer l'ensemble du système. Dans le système Internet, tous les ordinateurs se connectent à travers des milliers de réseaux. Aussi si un réseau ne fonctionne plus, s'il est anéanti par une puissance adverse ou si tout simplement, il souffre d'un engorgement d'appels, alors les informations suivent un autre cheminement pour parvenir à son destinataire. En un mot, Internet est un réseau de réseaux. Ce mode de construction a facilité le développement du système. Dés 1972 le réseau « ARPANET » est mis en place. Il permet la connexion d'une vingtaine de centres militaires et universitaires. Pour qu`Internet devienne un moyen de communication plus large, il faudra attendre 1982, date à laquelle, l'accès aux réseau est accordé gratuitement. L'année suivante la National Science Fondation (NSF) américaine finance la mise en réseau de soixante universités américaines et de trois européennes. En 1985, le réseau de la NSF est intégré à Internet. On estime alors à 5000 le nombre d'utilisateurs du réseau. Surtout la vitesse de transmission augmente progressivement et, en 1986, le réseau est branché sur les lignes publiques. Dés lors, Internet touche l'ensemble de la communauté scientifique. En 1987, 100 000 ordinateurs sont connectés et plus de 3000 centres de recherches dialoguent sur Internet. Progressivement Internet a été détourné de sa fonction militaire pour intéresser les chercheurs et les universitaires. Une communauté d'utilisateur est née, qui dispose de sa propre culture où se mêlent goût pour l'informatique, délire de chercheur et plaisir du dialogue. L'apparition de logiciels d'accès à Internet, sous Windows, pour les micro ordinateurs, facilite l'approche du net. Le plus connu, mosaïc, sera distribué gratuitement à tous les utilisateurs du réseau. En outre, avec le progrès de la compression numérique, la vidéo fait son entrée sur Internet. Les réseaux en ligne se rapprochent ainsi de la qualité graphique du CD-ROM. Mais, c'est surtout à partir de 1992, que le coup d'accélérateur est donné. Les conditions à Internet, pour les entreprises privées, s'assouplissent, de sorte que tous ceux qui possèdent l'équipement nécessaire peuvent proposer des services. Des sociétés commerciales s'installent sur le réseau pour vendre des services et du temps de connexion. Dés lors, de nouveaux acteurs apparaissent sur le réseau, des milliers de personnes se connectent. Internet devient un phénomène de société. 1.2 Lien entre progrès technique et changement social : Je tiens tout d'abord à préciser que ces réflexions faites pour vérifier cette hypothèse ont été théoriquement puisées dans les ouvrages de Dominique Wolton « Internet et après » mais aussi de Philippe Breton « Le culte de l'Internet. Depuis trente ans s'opère une valse de progrès des outils de communication. Les hommes face aux techniques de communication sont pressés, toujours en retard et cherchent le progrès rapide. On a donc, à présent, des moyens de communications qui sont rapides et sans frontière. Internet est depuis quelques années un outil qui est mis en avant. Beaucoup de personnes le considèrent comme un outil qui va bouleverser positivement et radicalement la société. Il doit nous permettre par une meilleure communication d'être plus libre, plus solidaire et de diminuer les inégalités sociales. C'est un outil qui va augmenter le pouvoir de notre démocratie, de par son interactivité possible, mais c'est aussi une porte vers une unification mondiale. On assiste donc à une course du progrès technique pour arriver à une meilleure société. La presse, organe qui est facilement sceptique, est, lui aussi, dans cette optique de la course au progrès. Depuis une dizaine d'années, elle a publié un nombre incalculable de suppléments écrits ou audiovisuels sur les nouvelles technologies, citant constamment les Etats-Unis comme le modèle à suivre et dénonçant le retard des mentalités françaises. L'idée de Dominique Wolton1(*) est de relativiser cette révolution. Selon lui « ces visions technicistes du futur sont toutes fondées sur l'idée, dominante aux Etats-Unis, de la primauté de la technologie sur la société. Leur plus grand défaut est de méconnaître l'histoire... Obnubilés par la technologie, ils ne savent pas que les sociétés humaines ont toujours été plus compliquées que les technologies les plus sophistiquées. » En effet il pense que le progrès technique ne suffit pas à lui seul à faire apparaître une mutation de la communication et de la culture. Il pense que si une technique de communication joue un rôle essentiel, c'est parce qu'elle symbolise une rupture radicale existant simultanément dans l'ordre culturel dans la société. Ce n'est pas l'imprimerie, qui en soi a bouleversé l'Europe, mais c'est le lien entre l'imprimerie et le profond mouvement de remise en cause de l'église catholique. C'est la réforme qui a donné son sens à la révolution de l'imprimerie et non l'imprimerie qui a permis la réforme. De même la radio, puis la télévision n'ont eu cet impact que parce qu'elles étaient liées au profond mouvement en faveur de la démocratie de masse. Si les techniques sont l'élément visible de la communication, l'essentiel est le modèle culturel qu'elles véhiculent, et le projet concernant le rôle et l'organisation du système de communication d'une société. Un autre exemple qu'a cité Dominique Wolton2(*) dans sa théorie est ce qu'il appelle le désert européen de la communication. Il nous explique que s'interroger sur l'intercompréhension européenne ne se limite pas à une interrogation technique. En effet l'Europe est composée de 370 millions d'habitants et ce n'est pas en plaçant des ordinateurs et des télévisions interconnectés que l'on résoudra le problème de la cause européenne. Il va falloir réexaminer l'histoire, les symboles, les représentations, les idéologies, les stéréotypes... et la performance des outils paraît dérisoire. Les pays européens ont tous une forte culture et identité mais s'ils venaient à avoir une volonté de vraiment vivre en commun alors les techniques se joindraient pour effectuer ce lien mais on en revient à la dépendance des techniques par rapport à un modèle culturel et à un projet social. Internet n'est donc pas, à son analyse, une révolution comme beaucoup le déclarent mais il est clair que les nouvelles technologies ont des atouts qui sont incontestables et qui attirent un public essentiellement jeune. 1.3 Des atouts incontestables Il y a une certaine dimension psychologique qui, en effet, est essentielle dans l'attirance des nouvelles technologies car celles ci rejoignent le profond mouvement d'individualisation de notre société. Elles sont le symbole de la liberté et de la capacité à maîtriser le temps et l'espace, un peu comme la voiture dans les années 30. On peut résumer cette attirance en trois mots qui sont : autonomie, maîtrise et vitesse. Chacun peut agir, sans intermédiaire, quand il veut, sans filtre ni hiérarchie et en temps réel. Je n'attends pas, j'agis et le résultat est immédiat. Cela donne un sentiment de liberté absolue voire même de puissance, dont rend bien compte l'expression « surfer sur le net ». Un monde ouvert accessible à tous, et qui finalement donne une chance à chacun, quel que soit son itinéraire et ses diplômes. Et c'est pour une de ces raisons que les nouvelles technologies acquièrent une dimension sociale, car elles permettent de donner une nouvelle chance à ceux qui ont raté la première. Ce n'est pas seulement l'abondance, la liberté et l'absence de contrôle qui séduisent mais aussi la possibilité d'une auto-promotion possible sans école, sans maître et sans contrôle. On peut selon Philippe Breton3(*) distinguer trois positions concernant l'attirance pour Internet. Il y a les partisans du tout Internet, les partisans d'un usage raisonné et les technophobes. Les partisans du tout Internet vont déployer toute leur énergie pour essayer de faire développer Internet qu'ils voient comme l'avenir de l'homme et de notre société. Internet est pour eux un nouveau monde. Les partisans de l'usage raisonné voient Internet comme un outil doté d'atouts considérables à exploiter mais ils ne le placent pas dans l'optique de faire une révolution sociale. Les technophobes sont ceux qui s'opposent aux nouvelles techniques de communication et plus particulièrement à Internet. En effet il peut être lié à l'ignorance et à la frustration des nouvelles techniques. L'inégalité des situations personnelles et professionnelles, et l'inégalité de l'éducation peuvent provoquer ce phénomène. Après l'illettrisme s'ajoute l'i-électronisme. Il y a aussi ceux qui sont irrités par l'apologie faites par les médias sur Internet et qui préfèrent le refuser en bloc sans qu'ils aient vraiment de jugements de valeurs. Les partisans du tout Internet nous parlent de promesses d'un monde meilleur. Par exemple Bill Gates4(*) nous parle, dans son ouvrage « the road ahead », qu'Internet va pouvoir enrichir nos loisirs et nos cultures, qu'il va atténuer nos tensions urbaines puisque chacun travaillera chez lui ou dans une maison de campagne. Il promet que l'on apprendra à mieux maîtriser notre vie dans tous ces aspects grâce aux nouveaux réseaux de communication. Il fait, déjà là, une promesse assez considérable, mais on peut citer un autre personnage qui accentue ses propos. Pierre Lévy5(*)est auteur de multiples essais, sur ce thème, qui vont avoir une grande influence dans les milieux des nouvelles technologies de l'information et au-delà. Lévy n'hésite pas à évoquer la « reconnection globale de l'espèce humaine avec elle-même » qu'Internet va permettre. Il pense que la véritable destination de l'homme est d'être un planétaire, participant activement à l'intelligence collective de son espèce. Internet représente dans cette optique une « citadelle de lumière». Tous ses propos nous parlent de la véritable finalité des nouvelles technologies de l'information. Tout se passe comme si Internet avait le pouvoir de réduire les tensions, de construire un lien social plus harmonieux et moins conflictuel. Le monde imaginaire que nous proposent ses discours est calme, lumineux et pacifié. Il est aussi question de pouvoir tout faire de chez soi sans bouger de son fauteuil. On y trouvera donc toutes les activités que l'on exerce en ville ainsi que quelques autres nouvelles. 1.4 La transparence Le thème de la transparence revient fréquemment dans le milieux des nouvelles technologies. Cette valeur a même fait irruption dans le monde de la politique, qui certes sous l'ancien gouvernement, Lionel Jospin avait déclaré lors de la dix neuvième université d'été que « l'entrée de notre pays dans la société de l'information correspondait à plus d'accès au savoir et à la culture, plus d'emplois et de croissance, plus de service public et de transparence, plus de démocratie et de liberté ». La transparence est ici au même niveau que d'autres valeurs jugées fondamentales. La notion de transparence est parfois assimilée à l'utopie d'une harmonie sociale, sans secret ni mensonge, sans opposition ni conflit. Le fait de rendre plus harmonieux le monde par Internet implique de renoncer aux conflits, aux oppositions, à la division, à la critique, aux jeux de pouvoir. Pour cela, la poursuite d'un idéal de transparence implique qu'Internet soit un réseau totalement ouvert. Il faut qu'il y ait une interconnexion généralisée et que l'on laisse passer ce qui est de l'ordre du privé, de l'intime, du secret. Dans l'Ohio6(*), une expérience a été faite. Six amis sont dans une maison 24h sur 24 et tout ce qu'ils font est filmé sur le net et disponible dans le monde entier.
Pour les fondamentalistes d'Internet, l'idéal d'un monde transparent s'incarne dans un « village globale », sans frontière, sans loi, sans contrainte. La libre circulation en est impérative, et toute norme qui fait entrave à cette libre circulation est perçue telle un ennemi à cette transparence. Le piratage est aussi parfois assimilé à ce désir de transparence. Les attaques qui ont été faites en 2000 contre le portail de yahoo n'était pas pour détourner des données confidentielles mais c'était bien le culte actif de la transparence, de l'ouverture, de la suppression du secret qui peut expliquer de tels comportements. Selon Pascal nivelle7(*), auteur d'un article dans libération en février 2000, les bibliographies de pirates sont rares, mais le peu que l'on ait se ressemblent. Pour dire que dans leur jeunesse, ils démontaient tous les objets afin d'essayer de comprendre comment ils fonctionnaient. Même les passionnés d'Internet en général avait cette attitude étant enfants. 1.5 Cyber-rencontre Internet est un réseau des réseaux qui permet, si il été poussé à l'extrémité, de séparer les hommes et de les dispenser de toute rencontre directe. Les partisans les plus directs d'Internet affirment, que pour bénéficier des promesses qu'offre Internet pour accéder à ce nouveau monde, alors, il faudra y transférer la plupart des activités que jusque-là nous réalisions autrement : le travail, les loisirs, la télévision, le commerce, les relations avec autrui, la prière, et pour les plus extrémistes la sexualité. Toute communication, toute rencontre, toute relation doivent désormais passer par le réseau. Un concept qui est mis en parallèle est que le désir d'un monde meilleur peut provenir du fait que notre monde actuel est marqué par la violence. Le but est d'aller vers une pacification en s'éloignant de l'autre. Chacun d'entre nous veut s'enfermer dans une bulle et dans une communication universelle pacifiée : tous les avantages de la communication sans ses risques. Toutes les relations se feront depuis chez soi, ce seront des cybers-relations qui dispenseraient les relations directes et leurs inconvénients. Internet apporterait la paix dans un monde troublé qui ne voit pas comment faire la paix. Souvent les partisans d'Internet ont du mal à entrer en contact direct avec des personnes. Un Internaute peut passer des heures dans un cybercafé à communiquer sur le net et avoir une grosse difficulté à entrer en contact avec son voisin de gauche. Il faut faire attention à ce multi branchement, car quoi que disent les partisans d'Internet, il y aura toujours un moment où il faudra lâcher les machines et apprendre à parler à quelqu'un directement . Le cyber-monde est techniquement possible mais parait peu vraisemblable à s'appliquer. Les chefs d `état ont tous les moyens pour communiquer entre eux par les machines mais on voit qu'ils prennent l'avion pour faire des milliers de kilomètres afin d'avoir une relation directe. 1.6 Inégalités Une promesse d'Internet est que, de par son accès à la culture universelle, et de par sa possibilité de communication planétaire, il sera un outil qui va faire baisser les inégalités. Ceci reste à prouver et des études montrent le contraire. En effet selon Dominique Wolton8(*) et Philippe Breton9(*), Internet est un outil qui va renforcer les inégalités. Il y a déjà cinq millions d'illettrés en France auquel va s'ajouter l'i-electronisme. Tout le monde n'est pas familiarisé avec l'outil des nouvelles technologies et les écoles commencent tout juste à l'enseigner. Le problème est surtout dans les pays du tiers monde où la population a moins l'occasion de se familiariser à ces nouvelles technologies. Nous sommes très loin des discours de la « réunification de la conscience universelle » et plus proche de la figure classique de l'accroissement de la domination de certains, du fait de la maîtrise des outils de communication. De plus Internet, contrairement à la télévision et à la radio qui offrent la même information pour tout le monde, est un outil où la personne doit aller chercher sa propre information. Le problème est qu'il faut déjà avoir des acquis pour aller chercher de l'information. Quelqu'un qui arrive sur le site du musée du Louvre ou de la bibliothèque de Paris doit avoir un minimum de connaissances pour savoir quoi demander. Il va donc y avoir une différence d'utilisation d'Internet en fonction du niveau socioculturel. Ce n'est pas tout, l'information sur Internet, qui aura une valeur ajoutée, risque de plus en plus dans l'avenir de devenir payant alors s'ajoutera en plus une sélection financière. Jean-paul Fitoussi10(*) a écrit un ouvrage à ce propos, « le nouvel age des inégalités », qui représente bien cette pensée. 1.7 Liberté La liberté est une notion qui par l'utilisation d'Internet risque d'être menacée sous certains aspects. On parle souvent du réseau échelon dénoncé dans un rapport du parlement européen.11(*) La national sécurity agency est accusée de se livrer à une activité d'interception systématique des communications mondiales, notamment celles qui transitent par Internet. Les libertés sont également menacées par un développement des aspects du commerce électronique. Tel est le thème du rapport 1999 de la commission nationale pour l'informatique et les libertés (CNIL)12(*) en France qui s'inquiète du développement de la cyber-surveillance et des conditions du commerce électronique. La suppression des médiations dans le commerce rend les choses plus faciles. Un simple clique et on passe à la décision d'achat et au paiement en ligne, les impulsifs ont intérêt à se maîtriser. De plus et comme il est écrit un peu plus explicitement dans la suite de ce mémoire, les régies de publicités tentent avec un certain succés de violer la vie privée des Internautes. Le principe est simple et il n'a pas attendu les nouvelles technologies de l'information et de la communication pour cela. Plus le publicitaire connaît la vie, les goûts, les habitudes de celui à qui il s'adresse plus il pourra adapter son message et accroître les chances de séduire son interlocuteur et donc de vendre. Il y a par la atteinte à la liberté. Autre point, comme on l'a vu il faut se méfier du multi branchement afin qu'il ne diminue pas trop nos relations directes mais il y a une autre conséquence à prendre en compte. En effet, un homme qui a ses différents portables, ses courriers électroniques, ses fax et autres services prochainement commercialisés sera sans cesse joignable. Il suffit de voir déjà l'esclavagisme que représente un téléphone portable. Il y a là aussi une méfiance à avoir sur notre liberté. 1.8 Impact sur la société Il est difficile de savoir comment Internet va se développer que ce soit dans un avenir lointain ou proche. On a vu par ces différentes analyses qu'une propagande sur le thème de la « révolution Internet » a envahi les médias depuis fin 90. Celui ci annonce une révolution des modes de vie et de la société. Il semblerait que la réalité veuille relativiser cette révolution. En effet Internet est un outil qui, de par sa performance technique, est capable de révolutionner une société mais il faudrait pour cela que notre société ait une volonté forte et générale de modification pour aller dans ce sens. Si elle a cette volonté générale alors elle pourra prendre appui sur Internet pour faire ce que l'on appelle une révolution sociale. Même sous la pression sociale des médias et leurs promesses, il est très vraisemblable qu'une société tout Internet comme le voient les plus forts partisans ne soit possible. Il paraît clair que notre société ne désire pas numériser l'ensemble de ses activités. Par contre même si Internet n'est pas une révolution comme promis, il est très probable que la potentialité technique de cet outil va attirer une partie de la population. Elle ne va donc pas être une révolution sociale mais elle va modifier et créer une partie des activités économiques et sociales. Internet va provoquer des atouts positifs sociaux mais il risque aussi d'entraîner des effets pervers. Cette énorme base de données que constituent le réseau des réseaux peut être vue comme un formidable outil de transparence pour la population. Elle aura accès à de nombreuses informations mais un des risques est que, ce que l'on appelle, le « no man's land juridique » n'empiète sur le domaine intime et privé des personnes. On parle aussi de communication voire de pensée universelle. Internet peut permette à tout un chacun de communiquer avec qui on désire, en temps réel, et à l'autre bout du monde. Le problème est que cette technique n'enlèvera pas notre identité et notre culture qui est attachée à notre pays. Internet est aussi comme on l'a vu précédemment un outil qui permet de s'auto-promotionner. Le réseau des réseaux permet d'y circuler librement et à grande vitesse. C'est un nouveau monde où on peut se sentir maître. C'est un côté positif pour la reconnaissance de soi même. A côté de cela, on a vu aussi les entraves possibles où les libertés et le risque d'inégalités ont pour probabilité de s'accentuer avec Internet. Le défi n'est pas du coté du systeme de communication mais du coté des différences et de la cohabitation c'est à dire la capacité à gérer ses différences. La course aux nouvelles techniques risque d'être frustrante car l'enjeu de la communication n'est pas du coté de la performance technique mais du coté de l'épreuve de l'autrui. De plus les fondamentalistes et les médias nous poussent vers Internet tant vers un coté de l'être ensemble mondial mais aussi vers une singularisation. La vie idéale serait celle où nous serions séparés, où la rencontre directe serait réduite, il faut faire attention, parce que par-là, on menace un lien social déjà en difficulté. Une étude13(*) réalisée par l'équipe de Robert Kraut auprès de 256 personnes sur deux ans à Pittsburgh a montré que l'utilisation d'Internet diminue le cercle des relations sociales proches et lointaines, augmente la solitude, augmente les sentiments dépressifs. Des solitaires d'un genre nouveau apparaissent partout, qui n'entretiennent plus qu'un rapport informationnel et instrumentalisé au monde qui les entoure. Ces personnes construisent un lien social qui n'est plus tout à fait celui d'une société humaine. 1.9 Analyse d'hypothèse L'hypothèse était de vérifier que le media d'Internet allait dans l'avenir effectuer en plus de sa révolution technique actuelle, une révolution sociale. On entend par révolution sociale un bouleversement général des activités et des relations des personnes dans notre société. D'après ces analyses, il semble que cette hypothèse ne soit pas totalement vérifiée et il convient de dire qu'Internet ne sera probablement pas une révolution sociale mais qu'elle va tout de même s'insérer dans notre société et y déployer quelques points positifs et négatifs. Internet est tout de même un outil avec d'énormes potentialités qui vaut vraiment la peine de s'y intéresser. Sur un avenir proche, le développement d'accès à Internet est très difficilement calculable. On pourrait dire « qui vivra verra ». L'immense tapage qui se répercute partout, à la télévision, dans les médias, dans la publicité, dans les discours politiques aussi bien que dans les conversations quotidiennes, « il faut que je m'y mette », entend-on dans la bouche de nombreuses personnes, donnent plus l'impression de céder à une pression sociale que d'en avoir un réel besoin. Passé un certain seuil de diffusion, un objet technique devient indispensable, même s'il n'est pas souhaité et si son usage pose problème. Une fois atteint ce seuil, il deviendra difficile de se passer d'un ordinateur et d'Internet sous peine d'isoler socialement les récalcitrants. C'est pour atteindre ce seuil que la publicité vise d'abord les couches sensibles, notamment la jeunesse, cible privilégiée de la promesse d'un nouveau monde.
* 1 Dominique Wolton ; Internet et après ; ED. Flammarion ; 2000 * 2 Dominique Wolton ; Internet et après ; Ed. Flammarion ; 2000 * 3 Philippe Breton ; Le culte de l'Internet ; ED. La découverte ; 2000 * 4 Bill Gates ; La route du futur ; ED. Robert Laffont ; 1995 * 5 Pierre Lévy ; World philosophie * 6 Yves Etudes ; Le Monde ; 28 avril ; p16-17 * 7 Pascal Nivelle ; Libération ; 25 février 2000 * 8 Dominique Wolton ; Internet et après ; ED. Flammarion ; 2000 * 9 Philippe Breton ; Le culte de l'Internet ; ED. La découverte ; 2000 * 10 Jean Paul Fitoussi ; Le nouvel âge des inégalités ; Seuil ; 1996 * 11 Ce rapport est composé de cinq documents différents, dont celui rédigé par Ducan Campbell, le journaliste écossais qui a révélé l'existence du système Echelon dés 1998. * 12 www.cnil.fr * 13 Cité dans Sciences Humaines n° 108 ; août-septembre 2000 |
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