WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

L'action des ong internationales dans les camps de refugies de Gore au Tchad


par Auriol DJEKODOUM NADJI
Institut des relations internationales du Cameroun/Université de Padoue - Master II en Relations Internationales Option« Coopération Internationale et Action Humanitaire  2019
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

VII- CADRES THEORIQUE ET METHODOLOGIQUE

La mise en corrélation du cadre théorique et méthodologique de ce travail permet de mieux assimiler les enjeux de l'action des ONG internationales dans les camps de réfugiés au

31 Madeleine GRAWITZ, Op Cit, p.353

19

Tchad. La théorie, est une expression systématique et cohérente de la réalité32. Selon Madeleine GRAWITZ, la méthode est « l'ensemble des opérations intellectuelles par lesquelles une discipline cherche à atteindre qu'elle poursuit, les dénombre, les vérifie »33. En principe, il existe deux principales grilles théoriques, notamment celles relatives aux droits de l'homme fondées sur le positivisme juridique. L'autre grille repose sur les théories relations internationales (R.I). Dans le cadre de ce travail, nous allons nous intéresser à quelques théories des RI, à savoir l'approche Transnationaliste, Réaliste, et Néolibéraliste.

A- CADRE THEORIQUE

Les Relations Internationales en tant que science sociale et autonome se définissent par leur objet, ce par quoi la discipline se constitue.

Les théories des Relations Internationales sont un ensemble cohérent et systématique des propositions ayant pour but d'éclairer la sphère des relations sociales que nous nommons internationales34. Elles sont donc la simplification de la réalité rendant compte des phénomènes compliqués et servent à faire accepter une certaine lecture du monde aux autres. Pierre-Marc DAIGNEAULT est éloquent lorsqu'il affirme que « la théorie constitue une lentille conceptuelle qui permet de simplifier le réel en distinguant ce qui est important de ce qui ne l'est pas »35. C'est selon cette optique que notre étude s'inscrit dans le registre des théories du transnationalisme (1), le réalisme (2) et le néolibéralisme (3).

1- Le transnationalisme

Ce paradigme de transnationalisme est développé par Robert KEHOANE et Joseph NYE pour qui, « le phénomène des relations internationales n'est pas le seul fait des entités étatiques, mais aussi celui des autres acteurs du système international36 ». De plus ils poursuivent en disant qu'il existe « des relations transnationales. Contacts, conditions, et interactions transfrontalières qui ne sont pas contrôlés par les organes centraux de la politique

32Philippe BRAILLARD, Théorie des Relations Internationales, Paris, PUF, 1997, p13-14

33 Madeleine GRAWITZ, Méthodes des Sciences Sociales, Paris, Dalloz, 11e édition, 2001 p.398

34 BRAILLARD, Théorie des Relations Internationales, Paris, P.U.F, 1977. p.48

35 Pierre-Marc DAIGNEAULT, « Les approches théoriques en évaluation », Incahiers de la performance de l'évaluation Printemps, N°4, 2011, p.12

36 Robert KEHOANE, Joseph NYE, Transnational relations and world politics, cités par D.BATTISTELLA, Théories des relations internationales, Paris, Presses des sciences po, 4e édition, 2012, p.225.

20

étrangère des gouvernements »37. A cet effet, l'affluence des réfugiés n'est pas encadrée par les normes étatiques. Elle est la volonté des populations désireuses de s'établir ailleurs que dans leur pays d'origine. Elle relève du transnationalisme car il y'a à la base une traversée des limites d'une frontière nationale indépendamment de la volonté de l'Etat hôte, mais aussi l'intervention des autres acteurs en l'occurrence les ONG et les individus.

Cette théorie nous permet de montrer la place déterminante des nouveaux acteurs dans la politique étrangère. Marie-Claude SMOUTS38 en est l'une des principales théoriciennes. Sa mobilisation va permettre de comprendre pourquoi l'Etat ne détient plus le monopole en matière des relations internationales. Il s'agit d'analyser les actions des ONG internationales dans un Etat à savoir le Tchad ainsi que le comportement de ce dernier face à ces actions. La théorie du transnationalisme permet de comprendre l'importance et la place des individus dans la structuration des systèmes politiques mondiaux, particulièrement dans les Etats en ce qui concerne le respect du droit à l'établissement39 notamment des réfugiés. Même si le traité de Westphalie consacre le principe de la souveraineté étatique, les acteurs non étatiques jouent un rôle déterminant sur la scène internationale. Il sied pour cela de voir comment les rassemblements de personnes lors d'un colloque ou après une décision prise par l'Etat, font fléchir les politiques étatiques.

Certes, dans les relations internationales, il y'a des acteurs non étatiques mais il serait judicieux de relativiser tout cela. L'Etat est communément défini comme « une collectivité qui se compose d'un territoire et d'une population soumise à un pouvoir politique organisé »40 se caractérisant par la souveraineté41. L'individu qui est le réfugié et les ONG lui sont soumis, et l'Etat devient à la fois leur mandataire. Mais avec le transnationalisme, dans le cadre de cette étude, l'individu en l'occurrence s'émancipe de l'Etat, il viole les règles de l'Etat en ne s'y soumettant pas ; puisqu'il décide d'entrer dans un territoire sans la permission des autorités. En somme, cette situation se transforme en un thème de sécurité par excellence : crainte de l'invasion démographique, de la perte de contrôle des frontières, des altérations de l'identité culturelle, enfin de la déliquescence de l'Etat providence.

37Robert KEHOANE, Joseph NYE, Transnational relations and world politics, cités par D.BATTISTELLA, Théories des relations internationales, Paris, Presses des sciences po, 4e édition revue et argumentée, 2006, p.194 38Marie-Claude SMOUTS, Les nouvelles relations internationales. Pratiques et théories, Paris, Presses de sciences po, 1998, p.410

39Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale du 09 Janvier 2001

40Ch. ROUSSEAU, L'indépendance de l'Etat dans l'ordre international, Paris, RCADI, 1948, p167-178. 41 P. DAILLIER, M. FORTEAU, A. PELLET, Droit International Public, Paris, LGDJ, 2009, p.450

21

2- Le réalisme

Le réalisme est un paradigme dominant des relations internationales depuis la fin de la seconde guerre mondiale. Même s'il a été l'objet d'attaques et de remises en cause, la plupart de chercheurs ne peuvent s'empêcher de se reconnaître dans l'aveu émis en son temps par Martin WIGHT : « De nos jours, nous sommes tous réalistes42». Justement parce que le réalisme a su s'adapter et maintenir sa suprématie sur la discipline. Cette théorie a pour principaux auteurs : Thucydide d'Athènes, Machiavel Nicolas, Thomas Hobbes, Raymond Aron, Hans Morgenthau, etc. Pour Raymond ARON43, l'Etat est considéré comme l'acteur unitaire et rationnel des relations internationales. Ce paradigme admet l'existence d'autres acteurs, mais ces derniers dérivent leur existence et leur importance relative des Etats, car leurs actions ne peuvent être comprises que dans le contexte d'un système composé d'Etats souverains44.

L'approche stato-centrée des relations internationales fait de l'Etat le concepteur de toute politique nationale et étrangère, le seul enclin à créer des mécanismes de suivi, de gestion et de protection de sa population ainsi que tous les résidents de son territoire. De même, le concept d'intérêt national, comme motivation principale de toute politique étrangère de l'Etat peut se voir dans la matérialisation du souci de préserver ses ressortissants nationaux de l'affluence d'une vague de population d'un pays voisin fuyant la guerre. Elle va permettre donc de choisir les motivations de l'Etat tchadien dans l'exercice de la protection de son territoire exposé à un envahissement d'une population étrangère susceptible de lui créer des problèmes d'ordre sécuritaire et socioéconomique.

La théorie réaliste est l'une des grilles d'analyse qui rentre dans le moule de ce travail de recherche en ce sens que nous aurons à étudier les ONG internationales intervenant au Tchad. Cette théorie place l'Etat comme une entité animée par la maximisation de ses intérêts tout en affirmant sa suprématie et son hégémonie sur tout et tous ceux qui se trouvent dans son espace. De ce fait, étant donné que les ONGI interviennent au Tchad, bien que cela soit dans un but humanitaire, l'Etat tchadien dans le souci de protéger ses populations, ce qui entre effectivement dans le cadre de ses prérogatives, veille à être épargné de toute éventualité de

42Raymond ARON, Paix et guerre entre les Nations, Paris, Calmann-Lévy, 1984, cité par Dario BATTISTELLA, Théorie des Relations Internationales, Paris, Presses de la Fondation Nationale de Sciences Politiques, 2006, p. 113

43Dario BATTISTELLA, Théorie des relations internationales, Paris, Presses de la fondation nationale des sciences politiques, 2006, p.113

44 M-C SMOUTS, Dario BATTISTELLA, Pascal VENNESSON, Dictionnaire des relations internationales, Paris, Dalloz, 2006, p.453-454.

22

surprise de la part des ONG dans l'accomplissement de leur mission. Motif qui anime le Tchad à contrôler et encadrer toutes les actions des ONG internationales dans les camps de réfugiés de Goré.

3- Le néolibéralisme

Le courant néolibéral a eu en France une vie particulièrement brève avec le colloque Walter Lippmann de 1938 à la fin des années soixante45. Sa création tient à une volonté de réagir à la domination des idées planistes et dirigistes de la fin des années trente et de montrer que la manière la meilleure de faire face aux problèmes de l'heure résidait dans un libéralisme reconstruit. Parmi les principaux auteurs de ce courant on compte Jacques RUEFF un disciple de Clément COLSON, Maurice ALLAIS, Louis BAUDIN et Daniel VILLEY.

Ce faisant, Caroline BROUDIC46 pourrait bien nous aider à comprendre, par un détour par les politiques de développement, ce qui se joue dans la « libéralisation de l'humanitaire » par l'entremise des ONG. L'aide humanitaire et le développement sont fréquemment traversés par de nouvelles sémantiques à l'apparence neutre. Elles s'inscrivent dans une politique affichée de réduction de la pauvreté et/ou des « vulnérabilités » et se structurent autour de termes tels que « gouvernance », « réduction des risques », « changement climatique », « protection et assistance des réfugiés ». Si, dans les années 1980-1990, des mouvements alternatifs portés par la société civile à l'image des altermondialistes émergeaient, laissant entrevoir l'éventualité d'autres modèles économiques, force est aujourd'hui d'admettre que la doctrine libérale est dominante. Le modèle néolibéral se propage sans grande confrontation idéologique et en s'appuyant même sur des acteurs tels que les Organisations internationales et les ONG portant des valeurs parfois en contradiction. Il s'agit d'apporter des éléments de réponse aux deux questions suivantes : Les ONG ont-elles pleinement conscience du modèle auquel elles participent et y adhèrent-elles ? N'y a-t-il pas une confrontation entre les valeurs et principes défendus par les ONG et les actions auxquelles elles participent ?

La protection sociale et l'assistance aux vulnérables font partie des mesures utilisées depuis une quinzaine d'années par les institutions internationales, telle la Banque mondiale, dans les pays en développement. Il pose également une question éthique sur la légitimité des

45Francis Urbain CLAVE, Walter LIPMAN et le Néolibéralisme de la cité libre, Paris, Cahiers d'économie politique, 2005. p 79 à 110.

46 Caroline BROUDIC, « Les ONG, cheval de Troie du Néolibéralisme ? », Humanitaire, Paris, 2014, p.64 à 75

23

ONG à réaliser des programmes de protection sociale tandis que la redistribution est une des prérogatives de l'État. Il ne s'agit pas de remettre en question le bien-fondé de la protection sociale en général, mais au contraire de défendre l'idée qu'il n'existe pas une approche unique transposable à tous les pays et que la préférence pour un modèle est politique et vient d'un choix de société. Il relève en quelque sorte de la souveraineté de l'État. Enfin, il s'agit de poser la question du rôle des ONG et notamment de s'assurer qu'elles ont bien conscience du modèle auquel elles participent, et ce d'autant plus qu'elles sont aujourd'hui l'un des principaux acteurs de la mise en oeuvre de cette politique de développement des Etats. La technicité grandissante de nombreuses ONG en réponse à des programmes de plus en plus complexes a pu les détourner d'une réflexion politique sur le sens de leur action. Plus qu'un éloignement du champ politique des individus qui les constituent, la dépolitisation des ONG est plus probablement le fait de leur forte dépendance à des bailleurs institutionnels porteurs d'un modèle uniformisé. La dépolitisation des ONG participe également à leur instrumentalisation. Les exigences pour évaluer la qualité des projets ont fortement augmenté ces dernières années, mais ces évaluations ne disent rien du modèle qui est promu à travers chacune de ces actions. En plaçant les ONG hors du champ politique et sur le terrain de l'universalité des valeurs, la critique reste possible, mais la contestation devient embarrassante, voire suspecte. On ne saurait en effet contester le bien-fondé de son action puisqu'elle repose sur des valeurs humanistes et universelles : « Nés après la Révolution française, les Droits de l'homme sont devenus depuis les années 1980 l'antithèse même de tout engagement révolutionnaire ». Le seul engagement valable et désintéressé est alors une cause humanitaire. De ce point de vue, l'humanitarisme est un peu l'idéologie d'une ère qui se voudrait «post-idéologique».

Les ONG qui s'inscrivaient parfois dans une démarche contestataire se retrouvent ainsi l'instrument du modèle qui génère les tensions auxquelles elles tentent de répondre. En prendre conscience permettra de s'en affranchir et de regagner en indépendance.

Ainsi, les ONG internationales au Tchad, grâce à leurs actions dans les camps de réfugiés jouent un rôle prépondérant dans la stabilisation du Tchad et la maitrise du flux des réfugiés dans son territoire. Ceci contribue inéluctablement à sa politique de développement.

24

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand