SOMMAIRE
CONCLUSION GENERALE Erreur ! Signet non
défini.
BIBLIOGRAPHIE Erreur ! Signet non
défini.
DÉDICACE ii
REMERCIEMENTS iii
SIGLES ET ABREVIATIONS iv
LISTE DES TABLEAUX ET FIGURES vi
RESUME vii
ABSTRACT 0
INTRODUCTION GENERALE Erreur ! Signet non
défini.
PREMIERE PARTIE L'ACTION DES ONG AU TCHAD : UNE
DYNAMIQUE
UNIVERSELLE 26
CHAPITRE I : LES FONDEMENTS ET L'ETAT DES LIEUX DU
DEPLOIEMENT
HUMANITAIRE DES ONG INTERNATIONALES AU TCHAD
28
SECTION I : LES FONDEMENTS DE L'ACTION DES ONG
INTERNATIONALES AU
TCHAD 28
SECTION II : L'ETAT DES LIEUX DE L'ACTION DES ONG
INTERNATIONALES
DANS LES CAMPS DE GORE 48
CHAPITRE II : L'OPERATIONNALISATION DES ONG
INTERNATIONALES DANS
LES CAMPS DE REFUGIES DE GORE Erreur ! Signet
non défini.
SECTION I : LE CADRE OPERATIONNEL 57
SECTION II : L'EFFECTIVITE DES ONG INTERNATIONALES DANS
LES CAMPS DE
REFUGIES DE GORE 64
CONCLUSION PARTIELLE 71
DEUXIEME PARTIE Erreur ! Signet non
défini.
IMPACTS DE L'ACTION DES ONG INTERNATIONALES DANS LES
CAMPS DE
REFUGIES DE GORE Erreur ! Signet non
défini.
CHAPITRE III : L'IMPACT POSITIF DE L'ACTION DES ONG
INTERNATIONALES
DANS LES CAMPS DE REFUGIES DE GORE Erreur !
Signet non défini.
SECTION I : L'IMPACT DE L'ACTION DES ONG INTERNATIONALES
SUR LA VIE
DES REFUGIES DE GORE 75
SECTION II : L'IMPACT DE L'ACTION DES ONG
INTERNATIONALES POUR LE
TCHAD 85
CHAPITRE IV : LIMITES DE L'AIDE HUMANITAIRE AU
TCHADET
PERSPECTIVES D'AMELIORATION Erreur ! Signet
non défini.
SECTION I : LES LIMITES DE L'ACTION DES ONG
INTERNATIONALES DANS LES
CAMPS DE GORE 96
SECTION II : PERSPECTIVES D'AMELIORATION DE L'ACTION
DES ONG
INTERNATIONALES A GORE 105
DÉDICACE
II
Á
V' DJIMTINGAR DIMNGAR, notre admirable père.
Pour tous ses sacrifices, son éducation et toutes ces
valeurs humaines respectables qu'il nous a inculquées ;
V' NGUEMNODJI MANNRO Elizabeth, notre adorable
mère.
Pour cet amour inconditionnel et indéfectible, tous ses
encouragements et réconfort dans des moments de doute et de tourment.
REMERCIEMENTS
III
A l'issue de ce travail, nous tenons à exprimer notre
reconnaissance et notre gratitude à tous ceux qui ont contribué
d'une manière ou d'une autre à son aboutissement.
Nos remerciements s'adressent en particulier :
- Au Pr Paul Elvic BATCHOM pour la qualité de la
formation qu'il nous a donnée, pour sa disponibilité et son
encadrement tout au long de ce travail ;
- A la Direction de l'Institut des Relations Internationales
du Cameroun (IRIC) et l'ensemble de tout le corps enseignant pour la
qualité de la formation reçue ;
- A tous nos camarades de la 7e promotion CA2D pour
cette convivialité et ces encouragements mutuels qui désormais
ont fait de nous une famille ;
- A notre Oncle ALDINGANGAR ALNGAR DIMNGAR pour ses riches
conseils, son soutien et ses encouragements ;
- A notre grande soeur OMMEL NADJI Rosine, nos petits
frères KOUMNDE NADJI Clotaire, NGUETOG Gérard, MBAINDIGUIM NADJI
Ampère, MBAIAM NADJI Macaire et notre nièce KEINODJI Djemima
Velázquez ;
- A NGABO MBAIADE Emmanuel, RONDOUBA LAOUMBATNA, Mikail
MAHAMAT, DJELASSEM KOUMDE Armand, ALLARAMADJI Alfred, BERAL NODJITELRE
Wilfried, DINGAMADJI OUNITANGAR Firmin, DJASRABE Bruno, LABA ALLO, Abakar
Mahamat DJIDDA, MEMTOLOUM Gloria, MBAIRAMADJI Kevin, Assanié BOURZABE
;
- A ABAKAYE Aristide Bertrand, DJINA RANGAR Ibraker, GOLBE
Jean MAOBELEDE, BALNODJI Elyse, TAHA NANGAR, NENODJI DJIMTOINGAR Carole,
NERIBAR Carélie, NAITOROUM GUELMIAN Prosper.
SIGLES ET ABREVIATIONS
iv
ACF Action Contre la Faim
ACRA Association de la Coopération
Rurale en Afrique et en Amérique Latine
ADES Agence de Développement
Economique et Social
AGR Activités
Génératrices de Revenus
APD Aide Publique au Développement
BM Banque Mondiale
CARE Cooperative for American Remittance to
Europe
CCO Comité de Coordination des ONG
CDCJ Comité Européen de
Coopération Juridique
CEFOD Centre d'Etude et de la Formation pour
le Développement
CH Coordonnateur Humanitaire
CRT Croix Rouge Tchadienne
CNAR Centre National d'Accueil et de la
Réinsertion des Réfugiés
DONGAH Direction des ONG et des Affaires
Humanitaires
DPHR Détachement pour la Protection
des Humanitaires et des Réfugiés
DUDH Déclaration Universelle des
Droits de l'Homme
ECOSOC Conseil Economique et Social des
Nations Unies
EMV Enquête Multisectorielle de
vulnérabilité
FICR Fédération Internationale
des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant Rouge
FLM Fédération
Luthérienne Mondiale
HCR Haut-commissariat des
Réfugiés
HEA Household Economy Approach
HIAS Hebrew Immigrant Aid Society
IDO International Developpement
Organisation
IFT Institut Français du Tchad
IRIC Institut des Relations Internationales
du Cameroun
MEPD Ministère de l'Economie et de la
Planification du Développement
MEU Mission Evangélique Unie
MSF Médecins Sans Frontière
ODD Objectifs du Développement
Durable
ONAPE Office National de Promotion de
l'Emploi
V
ONG Organisation Non Gouvernementale
ONU Organisation des Nations Unies
OUA Organisation de L'Unité Africaine
OXFAM Oxford Committee for Famine Relief
PAM Programme Alimentaire Mondial
PCA Poste de Contrôle Administratif
PNUD Programme des Nations Unies pour le
Développement
PPTE Pays Pauvres Très Endettés
PSLCP Programme de Soutien et de Lutte Contre le
Paludisme
RCA République Centrafricaine
RI Relations Internationales
ROCARE Réseau Ouest et Centre Africain de
Recherche en Education
SCF Sahara Conservation Fund
SECADEV Secours Catholique pour le
Développement
SIF Secours Islamique France
SGBV Sexual and Gender Based Violence
UCAC Université Catholique d'Afrique
Centrale
UNHCR United Nations High Commissionner for
Refugees (Haut-commissariat des Nations Unies pour les
Réfugiés)
UNICEF United Nations Children's Fund (Fonds des
Nations Unies pour l'Enfance)
USAID United State Agency for International
Developpement
LISTE DES TABLEAU ET FIGURES
vi
Tableau 1 : Représentation des ONG
internationales dans les différents camps de Goré 51
Tableau 2 : Revenus moyens en FCFA
générés au cours 10 derniers mois pour les ménages
par
activité principale 70
Figure 1 Les réfugiés
centrafricains à Amboko 54
Figure 2 : Réalisations sectorielles
des ONG internationales dans les camps de Goré 67
RESUME
En 2013 la Centrafrique s'est retrouvée enlisée
dans une crise militaro-civile ayant causé beaucoup de morts des
populations civiles. Face à cette situation, ces dernières
étaient obligées de se mettre à l'abri trouvant refuge
hors des frontières de leur pays notamment au Tchad. Ce
déferlement s'est effectué au sud du Tchad dans plusieurs
localités dont Goré. Cependant, un tel déferlement dans un
pays provoque conséquemment des interrogations et des
préoccupations mais surtout des actions. Ces actions proviennent de
différents acteurs à savoir l'Etat Tchadien, les acteurs de la
société civile mais surtout les ONG plus particulièrement
celles internationales. Ces ONG affluent au Sud du Tchad pour assister les
milliers de réfugiés centrafricains. Suite à ce constat,
nous avons intitulé notre étude « L'action des
ONG internationales dans les camps de réfugiés de Goré au
Tchad ». Cette étude se veut à la fois un
travail théorique et pratique. Théoriquement, il vise à
asseoir une réflexion sur la situation que traversent les
réfugiés centrafricains dans cette zone du pays et aussi
l'étude des actions menées par les différents acteurs
humanitaires notamment les ONG internationales. Sur le plan pratique, l'on veut
dresser un constat sur les conséquences de ces actions pour les
réfugiés et pour le Tchad. Ainsi, ces préoccupations sont
centrées autour d'une question principale qui constitue la ridelle de
cette étude, elle est formulée comme suit : «
Comment appréhender l'action des ONG internationales dans les camps de
réfugiés de Goré? ». Pour mieux
satisfaire cette interrogation, nous avons structuré ce travail sur deux
axes qui sont la première et la seconde partie. Compte tenu de la
réglementation en vigueur au Tchad, toute action entreprise dans les
frontières du Tchad par une quelconque entité ou structure doit
suivre un certain canal administratif qui est considéré comme
fondement. Ces fondements sont gage de mécanisme de suivi et
d'encadrement juridique préalablement aux éventuels écarts
que peuvent engendrer les actions des ONG. Au-delà des fondements, l'on
a effectué un état des lieux de la situation que vivent les
réfugiés avant l'intervention des ONG internationales
(Première partie). Puis, s'en suit l'étude des
impacts des actions de ces ONG d'abord dans la vie des réfugiés,
ensuite les impacts pour le Tchad. Toutefois, il est important de souligner que
toutes ces actions ne sont pas dénuées de limites, ainsi, il a
été question de suggérer quelques pistes de solutions afin
d'y remédier ou du moins atténuer ces limites pour
prétendre mener des actions beaucoup plus optimales
(Deuxième part).
ABSTRACT
In 2013, the Central African Republic was mired in a
military-civil crisis that caused many deaths among the civilian population. In
the face of this situation, they were obliged to take shelteroutside their
borders, particulary in chad. This surge took place in southern Chad in several
localities, including Goré. However, such a surge in a country is
causing questions and concerns, but above all, action. These actions come from
different actors, namely the Chadian state, civil society actors, but
especially NGOs, especially international ones. These NGOs flock to southern
Chad to help the thousands of Central African refugees.
As a result of this finding, we titled our study « The
work of international NGOs in the Goré refugee camps in Chad ».
This study is both theoretical and pratical. Theoretically, it aims to reflect
on the situation of Central African refugees in this part ofthe country and
also to study the actions of various humanitarian actors, including
international NGOs. In pratical terms, we want to make a statement about the
consequences of these actions for refugees and Chad. Thus, these concerns are
centererd around a main issue that is the rationale for this study, and it is
stated as follows : « How can we understand the work of international NGOs
in the Goré refugee camps ? ». To better satisfy this question, we
have structured this work on two axes, which are part one and part two. In view
of the regulations in force in Chad, any action taken within the borders of
Chad by any entity or structure must follow a certain administrative channel
wich is considered to be the basis. These foundations provide a mechanis for
monotoring and legal guidance inadvance of any discrepancies that may arise
from NGO actions. Beyond the foundations, an assessment of the situation of
refugees was made prior to the intervention of international NGOs (Part I).
Then there is the study of the impact to these NGOs' actions first in the lives
of refugees, the the impact on Chad. However, it is important to point out
thatall these actions are not without limits, for example, i twas suggested to
suggest some solutions in order to remedy them or at least to milgate those
limits in order to claim to carry out much more optimal actions (Part two).
1
INTRODUCTION GENERALE
2
I- CONTEXTE DE L'ETUDE
Depuis la première guerre mondiale, la scène
internationale est marquée par des crises humanitaires avec pour causes
les conflits et les catastrophes naturelles. Les premières années
post-guerre froide semblaient apporter l'espoir de paix internationale comme
l'a affirmé Francis Fukuyama dans son livre la fin de
l'histoire1. Toutefois, cet espoir était de courte
durée. Aujourd'hui, nous assistons à une
accélération et à la multipolarisation des zones des
crises humanitaires dans le monde, avec les nouvelles mutations des guerres. Il
s'agit d'une transformation extraordinaire du passage des guerres classiques
aux guerres asymétriques2. A partir de 1960, l'Etat
postcolonial en Afrique connait des défis sociopolitiques en termes de
stabilité et manque à jouer le rôle du pouvoir
régulateur, l'on ne cesse de voir la recrudescence des conflits et des
guerres, entrainant ainsi des déplacements et des fuites des
populations. Le continent africain, à la différence des autres
continents, est devenu le terreau fertile des guerres et des crises
humanitaires. Sous ce rapport, l'on peut répertorier la crise
humanitaire au Darfour3, en République Centrafricaine (RCA),
et récemment dans la zone du Bassin du Lac Tchad depuis la montée
en puissance du groupe terroriste Boko Haram4 et les
conséquences des dérèglements climatiques avec le
tarissement du Lac-Tchad.
Ce nouveau climat d'insécurité
généralisée, place le Tchad au coeur d'une région
conflictogène et une terre d'accueil des réfugiés.
D'ailleurs, les chiffres donnés par le Haut-commissariat aux
Réfugiés (HCR)5ont fourni un cadre d'illustration.
Et si l'on peut parler des crises humanitaires à
travers le monde, il faut toutefois rappeler que pour répondre aux
questions qui minent l'humanité, des mécanismes processuels et
institutionnels ont été conçus et mis en oeuvre par les
acteurs de la scène passant par les
1 Francis FUKUYAMA, La fin de l'histoire, et le dernier
homme, Paris, Flammarion 1992. p.452
2 Barthélemy COURMONT, Darko RIBNIKAR, Les guerres
asymétriques : Conflits d'hier et d'aujourd'hui, terrorisme et nouvelles
menaces, Paris, Presses Universitaires de France, 2002. p.22
3 Marc FRONTIER, Le Darfour, Organisations Internationales
et crise régionale 2003-2008, Paris, L'Harmattan, 2009, p.312.
4Pauline GUIBBAUD. BOKO HARAM, Histoire d'un
islamisme sahélien. Paris, L'Harmattan mai 2014. p.208. Quelle est
donc cette secte Boko Haram ? Fait-elle partie intégrante de ce que l'on
appelle communément »l'arc islamique sahélien » ? Il
semble en effet que ce groupe ait tissé des liens avec d'autres
organisations islamistes sahéliennes notamment AQMI. Elle pose
aujourd'hui de graves problèmes sécuritaires et humanitaires au
Nigeria, dans les pays voisins et au niveau international. Les civils sont les
premières victimes des attentats islamistes et de la violence
armée.
5 Rapport de HCR Tchad, « La population totale de
réfugiés et demandeurs d'asile est passée de 393161 en
Décembre 2016 à 394279 personnes en janvier 2017. Ceci
représente une augmentation globale de 1118 personnes composées
de 957 nouveaux nés, de 19 nouveaux arrivants et de 142 personnes
régularisées au travers des procédures mises en place dans
le cadre de l'enregistrement continu », janvier 2017.
3
Organisations Non Gouvernementales qui ont pour vocation la
gestion et l'assistance humanitaire. Il s'agit des ONG
répertoriées dans le registre des ONG internationales au Tchad
telles que : Hebrew Immigrant Aid Society (HIAS), Sahara Conservation Fund
(SCF) et biens d'autres. Tenant compte de la nécessité, les ONG
ont des prérogatives qui leur permettent d'agir dans les camps, mais
parfois leurs actions ne sont pas rationnellement contrôlées et
ceci pose un problème de délimitation de leur champ d'action.
Partant de ce postulat, la thématique suivante a
été construite : « L'Action des Organisations Non
Gouvernementales Internationales dans les camps de réfugiés de
Goré au Tchad ». Sur les fondations d'une étude
scientifiquement rigoureuse, il est essentiellement important d'identifier les
mots clés et de faire la présentation de
l'opérationnalisation conceptuelle.
II- DELIMITATION DU CHAMP DE LA RECHERCHE
Tout travail scientifique doit obéir à une
certaine délimitation au risque de créer un manque de
connaissance approfondie sur la question. Ainsi, de peur de tomber dans un
imbroglio sans détour, ce travail ne dérogera pas à la
règle et s'inscrit dans la logique de la délimitation tant
spatiale que temporelle.
1- Délimitation spatiale
La question des réfugiés est une question qui
touche le Tchad dans sa plus grande partie, notamment à l'Est avec les
réfugiés du Soudan, dans la région du Lac, puis plusieurs
camps au Sud parmi lesquels les camps de Goré qui font l'objet de notre
étude. Ainsi, le cadre spatial de l'étude consiste à
présenter l'espace géographique dans lequel va être
menée l'étude. Comme nous l'avons précédemment
énoncé, nous situerons Goré géographiquement et
historiquement par rapport au Tchad.
Le canton de Goré est situé à une dizaine
de kilomètres de la frontière. Par sa situation
géographique, il sert de refuge aux milliers de centrafricains qui sont
en quête d'abri suite aux violences perpétrées en RCA.
Appelé jadis poste de Goré, la ville de Goré fut
créée en 1909 par le capitaine Mercier. En 1992, elle devient la
circonscription de la Pendé dépendant de l'Oubangui et un canton
en 1926. Par arrêté du 30 avril 1950, Goré est devenu Poste
de Contrôle Administratif (PCA). Par décret n°132 du 12 Aout
1964, elle est transformée en sous-préfecture, puis le 23 Octobre
1997, Goré est érigée en commune et devient fonctionnel
en
4
Février 1999. Enfin, avec le nouveau découpage
lié à la politique de décentralisation, la commune de
Goré est devenue chef-lieu du département de la Nya Pendé
par décret n°419/PR/PM/MAT/02 du 17 Octobre 2002. Ce
département compte 4 sous-préfectures à savoir : Donia,
Bekan, Yamodo et Goré rural.
Goré abrite plus de 42.000 réfugiés
centrafricains chassés par les violents combats qui ont
débuté depuis 2003. Ces réfugiés sont
installés dans les camps d'Amboko, de Gondjé, de Dosseye et de
Doholo, ils vivent grâce aux nombreuses ONG humanitaires qui les
assistent dans le cadre de leur prise en charge. Cependant leur présence
influence considérablement l'environnement socioéconomique et a
des répercussions sur le développement économique de la
localité. La commune de Goré est limitée au Nord par le
Département de la Pendé, au Sud par la RCA, à l'Est par le
Mandoul et à l'Ouest par les Monts de Lam. La majorité de la
population de Goré est chrétienne ou animiste. On note
également la présence des musulmans (commerçants et
éleveurs) dans cette circonscription. La ville de Goré est
animée par des échanges commerciaux internes, facilités
par un réseau dense des marchés hebdomadaires et quotidiens mis
en place par les autorités traditionnelles et administratives locales.
Au niveau national, ces échanges sont développés avec les
marchés de Moundou, Doba, Bébedja, Bodo, ainsi que dans les pays
voisins notamment M'baimboum au Cameroun et Betoko en RCA. Les principales
voies de communication sont le tronçon qui relie la ville de Goré
à Moundou construit à base de latérite sur une distance de
112km, qui continue jusqu'en RCA. Depuis plus d'une décennie par sa
situation géographique, cette localité a servi de refuge à
des milliers des réfugiés centrafricains qui ont fuis les
violents combats répétitifs du Nord de la RCA.
2- Délimitation temporelle
Notre étude couvre la période allant de 2013
à 2018. En effet, l'année 2013 est le point de départ du
véritable enlisement de la crise centrafricaine. Allant de coups d'Etat
en coups d'Etat, engendrant des crises économiques et crises
humanitaires. Occasionnant l'instabilité chronique de la RCA, cette
situation conduit à l'émergence d'une multitude de groupes
armés rebelles. Et depuis 2013, une nouvelle crise politique a surgi,
prenant rapidement des dimensions ethniques et religieuses dont les civils sont
les premières victimes. Cette prise à partie de la population
civile pousse les habitants à fuir les exactions et les
représailles pour se réfugier au Tchad précisément
au Sud. Alors depuis 2013 jusqu'à 2018 période couvrant notre
étude, il y'a eu plus de 42.000 réfugiés qui sont
arrivés à Goré. C'est cette affluence qui oblige
5
les ONG internationales à se ruer dans ces camps afin
de secourir les réfugiés d'où l'étude de leur
action qui fait l'objet de ce travail.
III- CLARIFICATION CONCEPTUELLE
Pour Madeleine GRAWITZ6, « Le savant doit
d'abord définir les choses dont il traite afin que l'on sache bien de
quoi il est question... ». Quant à PLOUFFE et
GUILLEMETTE7, ils pensent que « ces concepts sensibilisateurs
favorisent une plus grande acuité dans la lecture des données et
permettent au chercheur de reconnaitre ce qui émerge des données
». Pour ce faire, il est impératif de clarifier quelques concepts
nécessaires à l'appréhension de notre étude au
premier rang desquels on a les concepts d'ONG et de réfugié.
1- Organisation Non Gouvernementale (ONG)
L'Organisation Non Gouvernementale ayant pour acronyme
ONG8 est une association à but non lucratif
d'intérêt public qui ne relève ni de l'Etat ni
d'organisations internationales. Elles n'ont pas le statut de sujet de droit
international. Les ONG ont une histoire qui remonte au XIVème
siècle. Cependant, l'expression « organisation non gouvernementale
» n'est entrée dans le langage courant qu'avec la création
de l'Organisation des Nations Unies en 1945 avec les dispositions de l'article
71 du chapitre 10 de la charte des Nations Unies qui donne un rôle
consultatif à des organisations qui ne sont ni les gouvernements ni les
Etats. Elles sont des entités d'intérêt public à
initiative sociale et aux fins humanitaires, qui sont indépendantes de
l'administration publique et qui n'ont pas de but lucratif. Elles peuvent avoir
plusieurs formes juridiques : association, fondation, coopérative.
L'essentiel, c'est de ne jamais chercher à se faire de l'argent,
étant donné que ce sont des entités de la
société civile qui se basent sur le bénévolat et
qui visent à améliorer un aspect donné de la
société. Les ONG sont généralement financées
au moyen de la collaboration des citoyens, des aides de l'Etat, des revenus,
des donations et des legs de la part des membres et des sympathisants. Leur
champ d'action peut être local, national ou international. L'assistance
sanitaire, la protection de l'environnement, le développement
économique, la promotion de l'éducation et le transfert
technologique, et biens d'autres domaines. La charte des Nations-Unies
reconnaissait déjà à l'époque, en 1945,
6 Madeleine GRAWITZ, Méthodes des sciences
sociales, Paris, L'Harmattan, 1986, p. 398
7 PLOUFFE et GUILLEMETTE, MTE comme apport au
développement de la recherche en art, Université de
Québec, 2012, p.96
8 Helen CLARK, 8e Administrateur du Programme des
Nations Unies pour le développement (PNUD) a félicité la
journée mondiale des ONG.
6
l'importance des ONG à plusieurs niveaux. Toutefois, il
faut retenir que les ONG ne cherchent surtout pas à remplacer ni l'Etat,
ni les organismes internationaux. En effet, le but est d'aider à
complémenter leurs fonctions9.
Le terme ONG, malgré qu'il soit consacré par
l'article 71 du chapitre de la Charte des Nations Unies pose un problème
de définition. Marcel MERLE le définit comme « tout
groupement, association ou mouvement constitué de façon durable
par de particuliers appartenant à divers pays en vue de la poursuite
d'objectifs non lucratifs »10. Cette définition
semble plus légère ainsi, par la résolution 1996/31, le
Conseil Economique et Social des Nations Unies (ECOSOC) a pour sa part
défini l'ONG comme : « une organisation qui n'a pas
été constituée par une entité publique ou par voie
d'accord intergouvernemental, même si elle accepte les membres
désignés par les autorités publiques mais à
condition que la présence de tels membres ne nuise pas à sa
liberté d'expression »11. La définition
donnée par l'ECOSOC reste une définition institutionnelle
provenant de l'organe des Nations-Unies en charge des ONG en question. Alors,
dans un souci de cohérence et du respect des bases juridiques qu'exige
ce travail nous retiendront la définition de l'ECOSOC.
2- Refugié
Selon le rapport conjoint du Haut-commissariat aux
Réfugiés et du Centre National d'Accueil et de la
Réinsertion des Réfugiés (CNARR) du 31 janvier 2017, il
y'a en ce jour 391.610 réfugiés au Tchad. Ainsi, pour mieux
appréhender la notion, nous retiendrons d'abord la définition de
la convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés
qui définit un réfugié comme étant : « une
personne qui se trouve hors du pays dont elle a la nationalité ou dans
lequel elle a sa résidence »12. Cette
définition est très restreinte et prête à amalgame
avec d'autres termes tels que les migrants. Etymologiquement, réfugier
vient du latin refugere qui signifie fuir en rebroussant chemin,
reculer, chercher un refuge, s'enfuir. Un réfugié est une
personne qui a quitté son pays d'origine par crainte de danger
(catastrophe naturelle, guerre, persécutions politiques, raciales,
religieuses) et qui a trouvé refuge dans un autre pays.
9 Professeur Laurent ZANG, « cours d'Histoire,
architecture organisationnelle et gouvernance des ONG » IRIC Master
CA2D, 2018.
10 Marcel MERLE, Sociologie des relations
internationales, Paris, Dalloz, 4e édition 1988,
p.362
11 ECOSOC, Relations aux fins de consultations entre
l'Organisation des Nations Unies et les ONG. Résolution 1996/31 du
25juillet 1996.
12 Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des
réfugiés
7
Une définition complète est donnée par la
convention de Genève du 24 juillet 1951 selon laquelle un
réfugié est une personne « craignant avec raison
d'être persécuté du fait de sa race, sa religion, de sa
nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou
ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la
nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se
réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n'a pas de
nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa
résidence habituelle à la suite de tels événements,
ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner
»13. Cette clarification a été
consolidée par d'autres textes juridiques, comme la convention de l'OUA
de 1969 sur les réfugiés. Ces textes demeurent les pierres
angulaires de la protection des réfugiés. Les principes
juridiques de ces documents énoncés ont été
intégrés à d'innombrables autres législations et
pratiques internationales, régionales et nationales. La convention de
Genève de 1951 définit ce qu'est un réfugié et
rappelle les droits fondamentaux que les Etats devraient leur garantir. L'un
des principes essentiels énoncés par le droit international
humanitaire est celui voulant que les réfugiés ne doivent pas
être expulsés ni renvoyés vers une situation où leur
vie et leur liberté seraient menacées. La protection des
réfugiés revêt de nombreux aspects. Ceux-ci comprennent
l'assurance de ne pas être renvoyés chez eux face aux dangers
qu'ils ont fuis ; l'accès à des procédures d'asile justes
et efficaces et des mesures visant à assurer que leurs droits
fondamentaux sont respectés afin de leur permettre de vivre dans la
dignité et la sécurité tout en les aidant à trouver
une solution à long terme. Les Etats assument la responsabilité
de les protéger. En ce qui concerne les réfugiés
centrafricains, il est important de rappeler que le Tchad est limité au
sud par la Centrafrique. De ce fait, il reçoit dans la zone Sud un grand
nombre de réfugiés centrafricains. En effet la crise
centrafricaine a entrainé la migration forcée des milliers de
personnes vers le Tchad notamment à Goré.
IV- REVUE DE LA LITTERATURE
La revue de la littérature permet de consigner le
condensé des lectures sur les travaux qui traitent notre thème ou
des sujets similaires. Elle permet d'avoir une vision plus large et
intellectuellement consistante sur le thème de l'étude ainsi que
des thèmes connexes. Selon Olivier LAWRENCE, « la revue de la
littérature consiste à identifier les auteurs, les ouvrages et
les articles scientifiques qui ont façonné la connaissance dans
la discipline donnée sur ce
13 Convention de Genève du 24 juillet 1951 relative au
statut des réfugiés et son protocole additionnel de 1967.
8
sujet précis »14. La revue de la
littérature consiste à saisir l'état des connaissances sur
un sujet dans un espace cognitif donné, (la science politique,
l'histoire, la psychologie, la sociologie, le travail social, etc.). Il faut
évidemment connaître les fondements théoriques des
problèmes qui ont déjà fait l'objet de recherche et ceux
qui restent à résoudre.
De ce fait, un certain nombre de travaux traitent d'une
manière ou d'une autre notre thème. Compte tenu du champ vaste et
varié de la notion d'ONG ainsi que leurs actions, nous aborderons les
travaux précédemment effectués par différents
auteurs et qui traitent de la littérature relative à l'action
humanitaire des ONG.
? Littérature relative aux ONG en
général.
Bon nombre de chercheurs ont abordé les pistes de
réflexion sur les ONG. Parmi eux, nous avons François RUBIO dans
son ouvrage Les ONG acteurs de la mondialisation15,
souligne l'existence officielle et la consécration universelle des ONG
par la Charte des Nations Unies. Il mentionne l'intérêt
porté par les Nations-Unies (UNHCR, UNICEF, PNUD), et d'autres
institutions internationales (Conseil de l'Europe, Organisation des Etats
américains, Union Africaine) pour les ONG. Les ONG vont devenir des
acteurs ou des partenaires incontournables du paysage politique contemporain
dans le domaine du développement, de l'humanitaire, de la défense
des droits de l'homme. Elles sont devenues des interlocuteurs des institutions
internationales et des gouvernements, des populations et territoires en guerre,
drainant à leur compte un portefeuille financier colossal. Cet ouvrage
aborde la consécration et le rôle des ONG sur les terrains
d'intervention ainsi que leur contribution en tant que partenaires des Etats
dans le processus de développement, mais l'on mentionne que l'auteur ne
touche que l'aspect lissant des ONG tout en omettant leurs dérives qui
souvent font couler beaucoup d'encre notamment sur la question des
détournements des fonds et des vivres destinés aux
réfugiés sans oublier l'enrichissement abusif des dirigeants de
ces ONG. Mais plus précisément en ce qui concerne ce travail,
l'auteur n'a pas abordé succinctement la question des
réfugiés. Ainsi, le travail se veut un complément à
ces manquements énumérés plus particulièrement sur
l'aspect de leurs actions dans les camps des réfugiés.
Philippe RYFMAN dans son ouvrage intitulé Les ONG
16 nous fait comprendre que les ONG font quotidiennement
l'objet d'une certaine médiatisation en fonction des diverses causes
14 Olivier LAWRENCE, Ferron JULIE, Bedard GUY,
L'élaboration d'une problématique de recherche, sources,
outils et méthodes, Paris, L'Harmattan, 2005, p.10
15 François RUBIOT, Les ONG, acteurs de la
mondialisation, Paris, Scientifique, 2002, p.135
16 Philippe RYFMAN, Les ONG, Paris, La
Découverte, 2009, p.128
9
qui sont par exemple le domaine humanitaire, le
développement, les droits humains, l'environnement, la santé, le
commerce équitable, ainsi que l'éducation. Malgré cette
médiatisation et cet activisme quotidien suscitant une large
littérature, les ONG restent mal connues. Cet ouvrage met
préalablement en exergue l'ancrage historique de ces dernières
avant de traiter de l'amalgame que peut causer ce terme pour son
appréhension en dépit d'une présence continuelle dans des
champs divers et nouveaux. Cependant, il s'efforce à apporter des
éléments de réponse à quelques questions
primordiales et récurrentes à savoir leur définition, les
domaines de compétence, leur financement, la sociologie, leur gestion,
leur gouvernance, la concurrence à leur égard, la
professionnalisation, les ressources humaines, leur légitimité,
la transparence, leur place dans la « société civile »,
la transnationalisation et les réseaux internationaux. Enfin, il
martèle que, si la croissance exponentielle des ONG des pays du (sud) et
des pays émergents redessine le paysage non gouvernemental, ces
organisations sont désormais en butte à l'hostilité d'un
nombre significatif d'Etats, tout en étant plus que jamais partenaires
d'autres Etats, d'organisations internationales, de l'Union européenne,
de fondations ou d`entreprises17. L'auteur traite des ONG sous tous
les angles néanmoins, il souffre d'un regard critique sur ces
dernières car il n'aborde pas de l'influence qu'elles peuvent avoir sur
le fonctionnement d'un Etat étant donné leur rôle
incontesté dans le processus de développement des Etats notamment
ceux du sud. S'inscrivant sur la même lancée que l'auteur ce
travail a pour but de contextualiser cet ouvrage tout en l'adaptant à la
question de recherche qui est la nôtre et concerne
particulièrement les camps de réfugié de Goré. Dans
un contexte plus restreint le présent travail traitera de la question
des ONG allant de leur historique à la délimitation de leur champ
d'action tout en énumérant leurs limites et faire des suggestions
pour une amélioration de leur assistance aux réfugiés.
Michel DOUCIN dans son ouvrage intitulé, Les ONG :
le contre-pouvoir ?18 propose une réflexion approfondie
en ce qui concerne leur rôle dans le jeu des acteurs multiples, qu'il
s'agisse du rôle qu'elles jouent dans la construction des Etats, de leur
légitimité face aux droits de l'homme, ou de bien d'autres
aspects de leurs relations avec les autres acteurs de la vie internationale
comme dans la vie intérieure des Etats. L'essentiel des
témoignages et réflexions porte ainsi sur leur
légitimité, notamment en rapport avec les droits de l'homme, et
sur leur place dans un jeu à plusieurs acteurs. En ce qui concerne les
Etats en développement, l'auteur retient par exemple que la gestion des
politiques de développement est souvent devenue un
17
Www.amozon.fr
18 Michel DOUCIN, Les ONG : Le contre-pouvoir ?, Paris,
Toogezer, 2007, p360
10
ménage à quatre : Etats, donateurs,
multinationaux et bilatéraux, société civile locale et ONG
internationale. La masse foisonnante de faits et de réflexions
puisée à la source d'une expérience assez unique,
confère de fait à l'ouvrage un caractère et une
qualité de somme qui le rendent pratiquement incontournable pour celui
qui s'intéresse de près aux ONG, et pour le militant, qui entend
porter chaque jour un peu plus loin son action. Si cet ouvrage peut être
un guide pour quelqu'un qui s'intéresse aux ONG, l'on peut
déplorer cependant un manque de concision et de précision qui
peut engendrer tout une confusion notamment dans le domaine de leurs actions.
Même si l'ouvrage évoque le rôle des ONG dans le
développement des pays, il l'évoque d'une manière
générale alors le souci de ce travail est de l'aborder dans un
cadre succinct à savoir le cas du Tchad très
particulièrement.
Henri ROUILLE D'ORFEUIL, dans son ouvrage La Diplomatie
Non Gouvernementale, les ONG peuvent-elles changer le monde
?19, s'interroge sur les questions relatives à la survie
de la planète et une vie habitable pour tous en son sein. Ensuite
prolonge cette interrogation comme suit : Comment atteindre les objectifs du
millénaire pour le développement qui visent à
réduire de moitié la pauvreté et la malnutrition qui
minent les sociétés ? Dans cet ouvrage, il évoque un bon
nombre de points allant des questions environnementales aux guerres, il touche
du doigt les problèmes qui mettent à mal le bon fonctionnement de
notre planète notamment la pauvreté. S'il recouvre un
intérêt particulier pour nous en ce qui concerne la
réflexion sur le bon fonctionnement de notre monde par l'entremise des
ONG, ce livre ne se penche pas véritablement sur la question des
réfugiés qui constitue la mamelle nourricière de notre
étude ainsi nous nous servirons des quelques réponses
apportées aux questions énumérées par R. O. HENRI
pour les adapter à notre étude qui concerne les camps de
réfugiés, et ceci constituerait une complémentarité
entre ces travaux.
Dans son analyse, l'auteur suggère d'inclure l'action
des citoyens dans la gestion gouvernementale pour la rendre plus efficace, et
l'intervention des ONG dans l'espace publique mondial. L'auteur jette les bases
d'une participation plus active des citoyens aux gouvernements du monde, et
décrit l'étonnant pouvoir d'influence des ONG au regard de leurs
modestes moyens. Cependant, il est vrai qu'il serait envisageable d'inclure les
populations dans la gestion gouvernementale mais l'auteur n'a pas
élucidé comment faire participer plus précisément
un réfugié dans ce processus. Cet ouvrage met en exergue une
participation plus
19Henri ROUILLE-D'ORFEUIL, La Diplomatie Non
Gouvernementale, Les ONG peuvent-elles changer le monde, Paris,
édition de l'atelier, 2006. p. 38
11
globale or, contextuellement l'on doit prendre en compte les
réfugiés qui généralement font l'objet de la
principale préoccupation des ONG. L'objectif visé par ce travail
est de trouver les réponses adéquates à une participation
active des réfugiés dans le processus de développement par
le biais des ONG internationales.
Laetitia ATLANI-DUAULT et Vidal LAURENT dans le livre
Anthropologie de l'aide humanitaire et du développement. Des
pratiques aux savoirs, des savoirs aux pratiques20, placent au
centre de leurs préoccupations, les hommes et les femmes en action qui
font au quotidien leurs sociétés, culture et
développement. Ces auteurs relèvent le défi de mettre en
relation, les mondes souvent divergents, conflictuels et leur donner un sens,
une forme sur lesquels il est possible d'agir. Ainsi, en s'appuyant sur les
anthropologues de nationalités diverses penchés, chacun sur un
domaine d'intervention : les réfugiés, le monde rural,
l'environnement, l'assainissement urbain, la santé, l'alimentation ou le
genre, les auteurs nous aident à découvrir comment se
déploie l'aide humanitaire et les interventions de développement
sur le terrain. L'on déplore dans ce livre l'aspect lissant des ONG sans
invoquer une fois encore les dérives de ces ONG qui prennent aujourd'hui
de plus en plus de l'ampleur dans les territoires en état de guerre
faisant de ces territoires des points stratégiques dans le jeu des
puissances.
Laetitia ATLANI-DUAULT dans son ouvrage Les ONG à
l'heure de la bonne gouvernance 21a bien démontré
cet aspect peu glorieux des ONG dans les Etats où elles interviennent et
servant de tremplin aux grandes puissances comme moyen de pression sur les pays
pauvres. L'auteure soutient qu'au nom de la « Gouvernance », les pays
du Nord et les ONG internationales maintiennent les pays du sud dans un
état de dépendance par le canal de l'Aide Publique au
Développement (APD). Pour mieux comprendre ce phénomène,
elle procède par un ensemble d'interrogations. La première
interrogation est de savoir « dans quel sens le terme gouvernance
est-il porteur dans les politiques d'Aide Publique au Développement
? »22. Pour mieux satisfaire cette préoccupation,
l'auteure procède par l'historique de la notion de «
Gouvernance », après l'historique L. ATLANI-DUAULT passe
au décryptage du concept avant de le contextualiser dans le domaine des
APD. Mais, pour finir, elle pose une question très importante qui
constitue le point focal de notre recherche à savoir, la
20 Laetitia ATLANI-DUAULT et Vidal LAURENT, Anthropologie
de l'aide humanitaire et du développement, des pratiques aux savoirs,
des savoirs aux pratiques. Paris, Armand colin, 2009, p.311.
21 Laetitia ATLANI-DUAULT, Les ONG à l'heure de la
bonne gouvernance, Paris, Presses de Sciences Po , 2005, p.3-17
22Ibid, p.04
12
« gouvernance constitue-t-elle une réelle
opportunité de changement des pratiques et de la culture politique, ou
se réduit-elle à une simple légitimation d'un
système mondial voué à la préservation des
intérêts du secteur privé des pays du Nord ? ». Cette
interrogation, comme susmentionnée porte un intérêt capital
pour ce travail. Ainsi, l'on ne se contentera pas de s'interroger mais aussi de
proposer des éléments de réponses tout en proposant des
pistes de solution.
Jean-Daniel MULLER, dans son livre Les ONG ambiguës,
aide aux Etats, aides aux populations,23 mentionne le
caractère hétérogène de l'aide non gouvernementale
qui suscite bien des déconvenues sur le terrain, à partir des
recherches effectuées au Mali et en Mauritanie. Il propose comme
solution à l'aide des ONG, des actions coordonnées. Pour lui, la
coordination est bon révélateur de la nature paradoxale des
relations entre les ONG du Nord et les sociétés du Sud. Cet
ouvrage, contrairement aux autres aborde les dérives des ONG mais ne
fait pas mention explicitement du cas du Tchad. Pour ce faire notre travail ne
consistera pas à aborder les ONG sur leurs aspects pervers mais
plutôt de parler de leurs réalisations dans les camps de
réfugiés, d'en déceler leurs limites et proposer des
idées nouvelles en vue du peaufinage de leurs taches.
Alain PIVETEAU dans son livre Evaluer les ONG
24démontre qu'à partir des années 1980, il
y'a eu un déclin institutionnel et économique des Etats, cette
situation a renforcé la mise en place de politiques d'inspirations
libérales, qui ont mis en lumière une série de projets
alternatifs portés par les nombreuses ONG. Mais, étonnamment, la
question de l'évaluation reste surprenante en comparaison de la
réputation que les ONG ont par ailleurs acquise, tant auprès d'un
large public que des acteurs traditionnels de la coopération. Pourquoi
procèderait-on à leur évaluation et comment ? Sous quelles
conditions les petites opérations de développement des ONG
peuvent-elles se prêter à cet exercice critique ? Sont-elles
justiciables d'une approche économique, même si elles y sont
irréductibles et appellent une pluralité de regards
disciplinaires ? En définitive, est-ce qu'une évaluation
économique peut contribuer à améliorer les projets des ONG
? L'Ouvrage traite des enjeux d'une évaluation organisationnelle.
L'évaluation peut difficilement se réduire à un calcul
économique dès lors qu'est reconnu le caractère
conflictuel et les effets de cette décision restent soumis à
l'incertitude. L'ouvrage conclut aux liens étroits qui existent au sein
des organisations, telles
23 Jean-Daniel MULLER, Les ONG ambiguës, aide aux
Etats, aides aux populations, Paris, l'Harmattan, 1989. p.250
24 Alain PIVETEAU, Evaluer les ONG, Paris, Kartala,
2004, p.384
13
que les ONG et leurs projets, entre l'évaluation, les
dynamiques d'apprentissage et la performance socio-économique. Si
l'ouvrage soulève quelques interrogations qui se résument
à comment procéder à l'évaluation des ONG pour que
leurs actions soient adaptées aux besoins des
bénéficiaires, ce travail quant à lui se veut un
complément car il envisage proposer des solutions pour un agencement de
l'action des ONG plus précisément dans les camps de
réfugiés de Goré. Cela pourrait être un parangon
pour les actions des ONG en général et dans d'autres camps de
réfugiés en particulier.
? Littérature sur l'action des ONG dans les
Etats.
Richard BATLEY et Pauline ROSE25, évoquent
la collaboration entre les Etats et les prestataires non publics de services de
base à savoir les ONG qui retiennent l'attention croissante des agences
internationales et des décideurs nationaux. Elle vise à soutenir
des objectifs communs pour parvenir à une prestation de service
universelle. En se basant sur des recherches menées au Bangladesh, en
Inde et au Pakistan. Cet article montre que la collaboration peut porter ses
fruits lorsque les ONG ne dépendent pas des sources limitées pour
leur financement, et investissement du temps dans la construction d'une
relation informelle avec les gouvernements. Non seulement la collaboration peut
renforcer la prestation de service par les ONG, mais elle donne
également l'occasion à celles-ci de s'engager dans des
activités de plaidoyer plus large. L'article donne l'impression que les
auteurs parlent des entreprises privées à buts lucratifs, or il
serait judicieux de préciser le caractère onéreux de ces
prestations notamment en fonction des nécessités des domaines
d'intervention de ces ONG. Dans notre contexte, les ONG internationales qui
s'installent au Tchad ont pour mission de l'accompagner étroitement dans
le processus de développement. Pour ce faire, l'assistance aux
réfugiés faisant partie de ce processus et que le Tchad ne
disposant pas de moyens nécessaires pour assister les
réfugiés de manière efficace compte tenu de sa
pauvreté, le concours des ONG est incontournable pour une assistance
adéquate. Le présent travail s'inscrit dans le cadre de
réflexion sur la question de l'intervention des ONG internationales dans
les camps de Goré afin de servir d'exemple sur tout le territoire
national et dans divers domaines.
Dans l'ouvrage d'Inger ULLEBERG26, l'auteur scrute
le cas des ONG qui sont devenues l'un des principaux prestataires de service
public dans les pays où l'Etat n'est pas en mesure de fournir les
services nécessaires. Désormais le discours international de
25 Richard BATLEY et Pauline ROSE, « Collaboration in
delivering education : relations between governements and NGOs in South Asia
», Birmingham, Developpement and practice, p. 579-585
26
www.iiep.unesco.org
14
développement est dirigé de plus en plus vers
l'amélioration de compétence et de moyen pour renforcer la
société, de ce fait les ONG sont contraintes de s'adapter
à cette nouvelle donne. Ce travail fait un examen sur le rôle des
ONG dans le développement international à travers
l'amélioration des capacités, domaine où les ONG sont de
plus en plus impliquées. Les activités de développement
des capacités complètent les fonctions principales des ONG. La
nouvelle interprétation du développement des capacités
peut affaiblir l'Etat central, mais peut également le renforcer sur le
long terme. Les ONG pouvant apporter des changements s'adaptent plus
aisément que les Etats ; elles peuvent parfois faire obstacle aux
efforts de l'Etat. Si les ONG ont un impact non négligeable sur le
processus de développement des capacités, elles continuent de
souffrir du manque de ressources et de l'éloignement de l'Etat. Dans
tous les cas, les activités des ONG sont de plus en plus diverses. Dans
ce travail, l'on constate que les ONG se substituent à l'Etat, ce qui
leur accorde plus de force qui leur permettra de le maintenir dans une
situation de dépendance et si l'auteur évoque les avantages de
l'Etat à long terme dans cette situation, il ne faut pas oublier que
cela peut être un couteau à double tranchants et donc la
dépendance risquerait d'être pérenne.
? Littérature relative à l'action des ONG
en Afrique.
Mikako NISHIMUKO dans son article intitulé « The
role of non-governemental organisations in achieving education for all : the
case of Sierra Leone »27, aborde le cas de la Sierra Leone qui
est l'un des pays les plus pauvres du monde, qui a connu la guerre civile de
1991 à 2002. Les efforts de ce gouvernement à améliorer le
secteur de l'éducation restent faibles et 30% des enfants n'ont pas
accès à l'enseignement primaire. Ce document traite du rôle
des ONG et des organisations confessionnelles dans ce secteur et notamment de
leur appui au gouvernement. L'auteur conclut que le travail mené en
collaboration entre le gouvernement, les ONG et les organisations
confessionnelles a permis des progrès vers la réalisation de
l'éducation pour tous. Dans un premier temps, ce document n'est que
descriptif comme si c'était un rapport d'activité, l'auteur n'a
pas lui-même préconisé des pistes de solutions ou
proposé des idées afin d'améliorer davantage ce travail
conjoint entre l'Etat et les ONG. Et dans un second temps, il n'a
malheureusement évoqué que le domaine éducatif pourtant
après la guerre, il y'a eu l'intervention des ONG dans plusieurs
secteurs que l'auteur pourrait aborder, surtout les besoins fondamentaux des
réfugiés qui sont entre autre la question de
27Mikako NISHIMUKO, « The role of
non-governemental organisations in achieving education for all : the case of
Sierra Leone », journal de comparaison et de l'éducation
internationale, 2009, p.281-285
15
l'alimentation, d'abris, de sécurité. Alors, ces
manquements recouvrant un intérêt particulier, feront l'objet de
notre étude.
Brehima TOUNKARA dans son travail intitulé, « le
rôle des ONG dans l'éducation de base au Mali »28,
indique qu'au Mali, souvent cité en exemple pour l'implication des ONG
dans le développement de l'éducation, le rôle des ONG est
apprécié de diverses manières. La nature des relations
entre les bailleurs de fonds, les représentants de l'Etat et les ONG
fluctue selon l'envergure nationale ou internationale de ces dernières.
La problématique de l'intervention des ONG dans le secteur de
l'éducation, essentiellement axée sur le développement des
écoles communautaires, aboutit à un certain nombre de constats
souvent controversés. Les ONG sont en mesure de s'implanter dans le
secteur quand une politique de tolérance est mise en oeuvre tôt.
L'auteur préconise de légiférer et de définir les
cadres et les modalités d'intervention dans le développement de
l'éducation. Ce travail nous permet effectivement de comprendre l'un des
secteurs d'intervention des ONG en Afrique mais l'on déplore son
caractère restreint car le secteur de l'éducation n'est qu'une
infime partie d'intervention et d'action des ONG internationales en Afrique.
? Littérature relative à l'action des ONG
au Tchad
Dans son article, « Darfour : Des réfugiés
indésirables au Sud comme au Nord ? »29,
Marc-André LAGRANGE explique qu'en 2003 le conflit du Darfour a
regagné en intensité et en retentissement sur la scène
internationale. Ce regain de violence a provoqué l'exode de 200 000
Soudanais, principalement issus des ethnies Massalite et For, dans l'Est du
Tchad. Ces réfugiés sont accueillis dans 12 camps où ils
sont sous la protection des Nations unies. Cette opération humanitaire
sous l'égide du Haut-commissariat aux Réfugiés (HCR) et
financée par la communauté internationale est mise en oeuvre par
des ONG nationales et internationales. Dans un premier temps, les
autorités administratives locales firent face à une intrusion
d'acteurs étrangers (le HCR et les ONG internationales, qui
interviennent dans son sillage) dans leur espace de pouvoir, avec bienveillance
malgré la perte de contrôle (théoriquement temporaire) que
cette intrusion induisait. À cette restriction officielle
d'autorité s'ajoute l'apport dans la région d'une population
allogène qui, malgré sa nationalité tchadienne, ne fut pas
forcément la bienvenue. Les ONG internationales amenèrent, en
effet, du
28Brehima TOUNKARA, « Le rôle des ONG
dans l'éducation de base au Mali », USAID, ROCARE, Bamako, 2001,
p.40
29Marc-André LAGRANGE, « Darfour : Des
réfugiés indésirables au Sud comme au Nord ? »,
Paris, Afrique contemporaine, 2006, P.151 à 161.
16
personnel tchadien et en partie originaire du sud, donc non
musulman. Ne pouvant trouver du personnel qualifié sur le lieu
d'intervention, les ONG internationales font appel à du personnel
recruté dans les capitales, sur la base de leurs compétences et
ce sans tenir compte des particularismes locaux. Or au Tchad le clivage
Nord/Sud étant très affirmé, ce personnel fit souvent
figure d'« étrangers de l'intérieur » pour les
autorités locales
L'arrivée massive de réfugiés a bien
évidemment déséquilibré l'économie
précaire des populations hôtes en accroissant la concurrence pour
l'accès à la terre et à l'eau. Dans cet environnement de
pauvreté, les tensions entre hôtes et réfugiés ne
tardèrent pas à se manifester en dépit des liens
ethniques. Cette cohabitation tendue et forcée engendre une
interrogation à savoir le retour ou le rejet des réfugiés
? Mais dans son plan d'action pour 2006, le HCR prévoit le retour d'au
moins 20 000 réfugiés soudanais au Darfour. Pour l'administration
tchadienne, au-delà des considérations de sécurité,
l'objectif est le même.
V- OBJECTIFS D'ETUDE
Dans le souci de rester dans les limites de l'exigence de la
recherche scientifique, notre travail se fixe des objectifs dont un objectif
général et des objectifs spécifiques.
1- Objectif général
Le présent travail vise à comprendre les
modalités d'action des ONG internationales dans les camps de
réfugiés au Tchad et d'en déceler les limites car dans bon
nombre de cas, les ONG internationales débarquent sur leurs terrains
d'opération, notamment au Tchad avec une puissance financière
colossale leur ouvrant toutes les portes et bénéficient des
autorisations avec une facilité déconcertante qui souvent nous
amène à nous interroger sur les limites de leur champ d'action
ainsi que leur efficience.
2- Objectifs spécifiques
En ce qui concerne les objectifs spécifiques, ils visent
entre autres à :
- Analyser les modalités tant administratives que
légales d'autorisation de fonctionnement des ONG internationales au
Tchad ;
- Délimiter les champs d'actions des ONG internationales
;
- Appréhender les mécanismes de
suivi-évaluation des projets de ces ONG ;
17
- Déceler les limites de ces actions et d'en proposer
des solutions pour l'accomplissement d'une mission efficiente au service des
bénéficiaires à savoir les réfugiés.
VI- PROBLEMATIQUE ET HYPOTHESES
La problématique est définie selon Robert PINTO
et madeleine GRAWITZ comme étant« l'approche ou la perspective
théorique que l'on décide d'adopter pour traiter le
problème posé par la question de
départ»30.Cette clarification est bien en
adéquation avec notre travail car pour l'aborder avec diligence, il
serait judicieux de procéder par un certain nombre d'interrogations qui
nous permettront de mieux orienter notre étude.
1- Problématique
Depuis 2013, le nombre des réfugiés
centrafricains dans les camps de Goré a considérablement
augmenté, cette situation pose un réel problème
d'assistance de ces derniers malgré les énormes efforts consentis
conjointement par l'Etat tchadien et les ONG internationales. Tenant compte du
nombre des réfugiés, il y'a également un nombre
pléthorique des ONG internationales qui interviennent dans ces camps
afin d'assister ces personnes. Cependant, pour qu'une ONG internationale puisse
s'implanter au Tchad et puisse mener des activités, elle est soumise
à un certain nombre de formalités administratives qui sont
assorties de conditions. Ces conditions font office de sureté et
procurent un caractère coercitif et contraignant à ces textes et
servent de ligne directrice aux ONG dans l'accomplissement de leurs
tâches.
Certes, les ONG sont présentes et actives dans les
camps de réfugiés de Goré, mais après des
enquêtes menées auprès des réfugiés, l'on
constate des plaintes en ce qui concerne le déploiement de l'aide, la
non prise en compte des réalités locales malgré des
multiples études et enquêtes consistant à s'enquérir
de la réalité et prendre connaissance des besoins des
réfugiés.
Ce constat a conduit à une réflexion qui aboutit
à un questionnement :
Question principale : Comment appréhender
l'action des ONG internationales dans les camps de réfugiés de
Goré?
De cette question principale découlent deux questions
secondaires
30Robert. PINTO et Madeleine GRAWITZ,
Méthodes de sciences sociales, Paris, Dalloz, 1964, p.54
18
Question secondaire 1 : Comment s'effectue le
déploiement des ONG internationales dans les camps de
réfugiés de Goré ?
Question secondaire 2 : Quels sont les impacts de ce
déploiement dans le quotidien des réfugiés ?
2- Hypothèses
L'hypothèse est définie par Madeleine GRAWITZ
comme « une proposition de réponse à la question
posée. Elle tend à formuler une relation entre des faits
significatifs »31. Nous dégagerons naturellement
une hypothèse centrale d'une part et des hypothèses secondaires
d'autre part.
Hypothèse principale : Les actions des
ONG internationales dans les camps de Goré sont animées par le
souci de la protection internationale conformément à la
Déclaration Universelle de Droit de l'Homme. Ces actions ont aussi pour
but d'assister les réfugiés notamment sur les questions d'ordre
alimentaire, sanitaire, et éducatif ; tout en identifiant les
défis auxquels l'assistance et la protection des réfugiés
sont confrontées afin d'explorer les possibilités de leur
renforcement au moyen de nouvelles approches, qui respectent les
préoccupations et les contraintes de l'État tchadien.
Hypothèse secondaire 1 : Le
déploiement des ONG internationales dans les camps de Goré
s'effectue sur la base d'un certain nombre de mécanisme administratif et
d'instruments juridiques qui l'encadrent, ensuite l'effectivité de ces
actions sur le terrain suit un canal précis propres aux ONG
internationales notamment par les programmes, les projets et les plans de
réponse.
Hypothèse secondaire 2 : Le
déploiement des ONG a des conséquences positives dans la vie des
réfugiés, car il permet non seulement d'assurer leur protection
mais aussi d'assurer les besoins vitaux à savoir la satisfaction des
besoins en eaux, en nourriture, en éducation, en santé et des
activités connexes telle que l'agriculture.
VII- CADRES THEORIQUE ET METHODOLOGIQUE
La mise en corrélation du cadre théorique et
méthodologique de ce travail permet de mieux assimiler les enjeux de
l'action des ONG internationales dans les camps de réfugiés au
31 Madeleine GRAWITZ, Op Cit, p.353
19
Tchad. La théorie, est une expression
systématique et cohérente de la
réalité32. Selon Madeleine GRAWITZ, la méthode
est « l'ensemble des opérations intellectuelles par lesquelles
une discipline cherche à atteindre qu'elle poursuit, les
dénombre, les vérifie »33. En principe, il
existe deux principales grilles théoriques, notamment celles relatives
aux droits de l'homme fondées sur le positivisme juridique. L'autre
grille repose sur les théories relations internationales (R.I). Dans le
cadre de ce travail, nous allons nous intéresser à quelques
théories des RI, à savoir l'approche Transnationaliste,
Réaliste, et Néolibéraliste.
A- CADRE THEORIQUE
Les Relations Internationales en tant que science sociale et
autonome se définissent par leur objet, ce par quoi la discipline se
constitue.
Les théories des Relations Internationales sont un
ensemble cohérent et systématique des propositions ayant pour but
d'éclairer la sphère des relations sociales que nous nommons
internationales34. Elles sont donc la simplification de la
réalité rendant compte des phénomènes
compliqués et servent à faire accepter une certaine lecture du
monde aux autres. Pierre-Marc DAIGNEAULT est éloquent lorsqu'il affirme
que « la théorie constitue une lentille conceptuelle qui permet de
simplifier le réel en distinguant ce qui est important de ce qui ne
l'est pas »35. C'est selon cette optique que notre étude
s'inscrit dans le registre des théories du transnationalisme (1), le
réalisme (2) et le néolibéralisme (3).
1- Le transnationalisme
Ce paradigme de transnationalisme est développé
par Robert KEHOANE et Joseph NYE pour qui, « le
phénomène des relations internationales n'est pas le seul fait
des entités étatiques, mais aussi celui des autres acteurs du
système international36 ». De plus ils poursuivent
en disant qu'il existe « des relations transnationales. Contacts,
conditions, et interactions transfrontalières qui ne sont pas
contrôlés par les organes centraux de la politique
32Philippe BRAILLARD, Théorie des Relations
Internationales, Paris, PUF, 1997, p13-14
33 Madeleine GRAWITZ, Méthodes des Sciences Sociales,
Paris, Dalloz, 11e édition, 2001 p.398
34 BRAILLARD, Théorie des Relations
Internationales, Paris, P.U.F, 1977. p.48
35 Pierre-Marc DAIGNEAULT, « Les approches
théoriques en évaluation », Incahiers de la performance
de l'évaluation Printemps, N°4, 2011, p.12
36 Robert KEHOANE, Joseph NYE, Transnational relations and
world politics, cités par D.BATTISTELLA, Théories des
relations internationales, Paris, Presses des sciences po, 4e
édition, 2012, p.225.
20
étrangère des gouvernements
»37. A cet effet, l'affluence des réfugiés
n'est pas encadrée par les normes étatiques. Elle est la
volonté des populations désireuses de s'établir ailleurs
que dans leur pays d'origine. Elle relève du transnationalisme car il
y'a à la base une traversée des limites d'une frontière
nationale indépendamment de la volonté de l'Etat hôte, mais
aussi l'intervention des autres acteurs en l'occurrence les ONG et les
individus.
Cette théorie nous permet de montrer la place
déterminante des nouveaux acteurs dans la politique
étrangère. Marie-Claude SMOUTS38 en est l'une des
principales théoriciennes. Sa mobilisation va permettre de comprendre
pourquoi l'Etat ne détient plus le monopole en matière des
relations internationales. Il s'agit d'analyser les actions des ONG
internationales dans un Etat à savoir le Tchad ainsi que le comportement
de ce dernier face à ces actions. La théorie du transnationalisme
permet de comprendre l'importance et la place des individus dans la
structuration des systèmes politiques mondiaux, particulièrement
dans les Etats en ce qui concerne le respect du droit à
l'établissement39 notamment des réfugiés.
Même si le traité de Westphalie consacre le principe de la
souveraineté étatique, les acteurs non étatiques jouent un
rôle déterminant sur la scène internationale. Il sied pour
cela de voir comment les rassemblements de personnes lors d'un colloque ou
après une décision prise par l'Etat, font fléchir les
politiques étatiques.
Certes, dans les relations internationales, il y'a des acteurs
non étatiques mais il serait judicieux de relativiser tout cela. L'Etat
est communément défini comme « une collectivité
qui se compose d'un territoire et d'une population soumise à un pouvoir
politique organisé »40 se caractérisant par
la souveraineté41. L'individu qui est le
réfugié et les ONG lui sont soumis, et l'Etat devient à la
fois leur mandataire. Mais avec le transnationalisme, dans le cadre de cette
étude, l'individu en l'occurrence s'émancipe de l'Etat, il viole
les règles de l'Etat en ne s'y soumettant pas ; puisqu'il décide
d'entrer dans un territoire sans la permission des autorités. En somme,
cette situation se transforme en un thème de sécurité par
excellence : crainte de l'invasion démographique, de la perte de
contrôle des frontières, des altérations de
l'identité culturelle, enfin de la déliquescence de l'Etat
providence.
37Robert KEHOANE, Joseph NYE, Transnational
relations and world politics, cités par D.BATTISTELLA,
Théories des relations internationales, Paris, Presses des
sciences po, 4e édition revue et argumentée, 2006,
p.194 38Marie-Claude SMOUTS, Les nouvelles relations
internationales. Pratiques et théories, Paris, Presses de sciences
po, 1998, p.410
39Convention des Nations Unies contre la
criminalité transnationale du 09 Janvier 2001
40Ch. ROUSSEAU, L'indépendance de l'Etat
dans l'ordre international, Paris, RCADI, 1948, p167-178. 41 P. DAILLIER,
M. FORTEAU, A. PELLET, Droit International Public, Paris, LGDJ, 2009,
p.450
21
2- Le réalisme
Le réalisme est un paradigme dominant des relations
internationales depuis la fin de la seconde guerre mondiale. Même s'il a
été l'objet d'attaques et de remises en cause, la plupart de
chercheurs ne peuvent s'empêcher de se reconnaître dans l'aveu
émis en son temps par Martin WIGHT : « De nos jours, nous sommes
tous réalistes42». Justement parce que le
réalisme a su s'adapter et maintenir sa suprématie sur la
discipline. Cette théorie a pour principaux auteurs : Thucydide
d'Athènes, Machiavel Nicolas, Thomas Hobbes, Raymond Aron, Hans
Morgenthau, etc. Pour Raymond ARON43, l'Etat est
considéré comme l'acteur unitaire et rationnel des relations
internationales. Ce paradigme admet l'existence d'autres acteurs, mais ces
derniers dérivent leur existence et leur importance relative des Etats,
car leurs actions ne peuvent être comprises que dans le contexte d'un
système composé d'Etats souverains44.
L'approche stato-centrée des relations internationales
fait de l'Etat le concepteur de toute politique nationale et
étrangère, le seul enclin à créer des
mécanismes de suivi, de gestion et de protection de sa population ainsi
que tous les résidents de son territoire. De même, le concept
d'intérêt national, comme motivation principale de toute politique
étrangère de l'Etat peut se voir dans la matérialisation
du souci de préserver ses ressortissants nationaux de l'affluence d'une
vague de population d'un pays voisin fuyant la guerre. Elle va permettre donc
de choisir les motivations de l'Etat tchadien dans l'exercice de la protection
de son territoire exposé à un envahissement d'une population
étrangère susceptible de lui créer des problèmes
d'ordre sécuritaire et socioéconomique.
La théorie réaliste est l'une des grilles
d'analyse qui rentre dans le moule de ce travail de recherche en ce sens que
nous aurons à étudier les ONG internationales intervenant au
Tchad. Cette théorie place l'Etat comme une entité animée
par la maximisation de ses intérêts tout en affirmant sa
suprématie et son hégémonie sur tout et tous ceux qui se
trouvent dans son espace. De ce fait, étant donné que les ONGI
interviennent au Tchad, bien que cela soit dans un but humanitaire, l'Etat
tchadien dans le souci de protéger ses populations, ce qui entre
effectivement dans le cadre de ses prérogatives, veille à
être épargné de toute éventualité de
42Raymond ARON, Paix et guerre entre les
Nations, Paris, Calmann-Lévy, 1984, cité par Dario
BATTISTELLA, Théorie des Relations Internationales, Paris,
Presses de la Fondation Nationale de Sciences Politiques, 2006, p. 113
43Dario BATTISTELLA, Théorie des
relations internationales, Paris, Presses de la fondation nationale des
sciences politiques, 2006, p.113
44 M-C SMOUTS, Dario BATTISTELLA, Pascal VENNESSON,
Dictionnaire des relations internationales, Paris, Dalloz, 2006,
p.453-454.
22
surprise de la part des ONG dans l'accomplissement de leur
mission. Motif qui anime le Tchad à contrôler et encadrer toutes
les actions des ONG internationales dans les camps de réfugiés de
Goré.
3- Le néolibéralisme
Le courant néolibéral a eu en France une vie
particulièrement brève avec le colloque Walter Lippmann de 1938
à la fin des années soixante45. Sa création
tient à une volonté de réagir à la domination des
idées planistes et dirigistes de la fin des années trente et de
montrer que la manière la meilleure de faire face aux problèmes
de l'heure résidait dans un libéralisme reconstruit. Parmi les
principaux auteurs de ce courant on compte Jacques RUEFF un disciple de
Clément COLSON, Maurice ALLAIS, Louis BAUDIN et Daniel VILLEY.
Ce faisant, Caroline BROUDIC46 pourrait bien nous
aider à comprendre, par un détour par les politiques de
développement, ce qui se joue dans la « libéralisation de
l'humanitaire » par l'entremise des ONG. L'aide humanitaire et le
développement sont fréquemment traversés par de nouvelles
sémantiques à l'apparence neutre. Elles s'inscrivent dans une
politique affichée de réduction de la pauvreté et/ou des
« vulnérabilités » et se structurent autour de termes
tels que « gouvernance », « réduction des risques »,
« changement climatique », « protection et assistance des
réfugiés ». Si, dans les années 1980-1990, des
mouvements alternatifs portés par la société civile
à l'image des altermondialistes émergeaient, laissant entrevoir
l'éventualité d'autres modèles économiques, force
est aujourd'hui d'admettre que la doctrine libérale est dominante. Le
modèle néolibéral se propage sans grande confrontation
idéologique et en s'appuyant même sur des acteurs tels que les
Organisations internationales et les ONG portant des valeurs parfois en
contradiction. Il s'agit d'apporter des éléments de
réponse aux deux questions suivantes : Les ONG ont-elles pleinement
conscience du modèle auquel elles participent et y adhèrent-elles
? N'y a-t-il pas une confrontation entre les valeurs et principes
défendus par les ONG et les actions auxquelles elles participent ?
La protection sociale et l'assistance aux vulnérables
font partie des mesures utilisées depuis une quinzaine d'années
par les institutions internationales, telle la Banque mondiale, dans les pays
en développement. Il pose également une question éthique
sur la légitimité des
45Francis Urbain CLAVE, Walter LIPMAN et le
Néolibéralisme de la cité libre, Paris, Cahiers
d'économie politique, 2005. p 79 à 110.
46 Caroline BROUDIC, « Les ONG, cheval de Troie du
Néolibéralisme ? », Humanitaire, Paris, 2014, p.64
à 75
23
ONG à réaliser des programmes de protection
sociale tandis que la redistribution est une des prérogatives de
l'État. Il ne s'agit pas de remettre en question le bien-fondé de
la protection sociale en général, mais au contraire de
défendre l'idée qu'il n'existe pas une approche unique
transposable à tous les pays et que la préférence pour un
modèle est politique et vient d'un choix de société. Il
relève en quelque sorte de la souveraineté de l'État.
Enfin, il s'agit de poser la question du rôle des ONG et notamment de
s'assurer qu'elles ont bien conscience du modèle auquel elles
participent, et ce d'autant plus qu'elles sont aujourd'hui l'un des principaux
acteurs de la mise en oeuvre de cette politique de développement des
Etats. La technicité grandissante de nombreuses ONG en réponse
à des programmes de plus en plus complexes a pu les détourner
d'une réflexion politique sur le sens de leur action. Plus qu'un
éloignement du champ politique des individus qui les constituent, la
dépolitisation des ONG est plus probablement le fait de leur forte
dépendance à des bailleurs institutionnels porteurs d'un
modèle uniformisé. La dépolitisation des ONG participe
également à leur instrumentalisation. Les exigences pour
évaluer la qualité des projets ont fortement augmenté ces
dernières années, mais ces évaluations ne disent rien du
modèle qui est promu à travers chacune de ces actions. En
plaçant les ONG hors du champ politique et sur le terrain de
l'universalité des valeurs, la critique reste possible, mais la
contestation devient embarrassante, voire suspecte. On ne saurait en effet
contester le bien-fondé de son action puisqu'elle repose sur des valeurs
humanistes et universelles : « Nés après la
Révolution française, les Droits de l'homme sont devenus depuis
les années 1980 l'antithèse même de tout engagement
révolutionnaire ». Le seul engagement valable et
désintéressé est alors une cause humanitaire. De ce point
de vue, l'humanitarisme est un peu l'idéologie d'une ère qui se
voudrait «post-idéologique».
Les ONG qui s'inscrivaient parfois dans une démarche
contestataire se retrouvent ainsi l'instrument du modèle qui
génère les tensions auxquelles elles tentent de répondre.
En prendre conscience permettra de s'en affranchir et de regagner en
indépendance.
Ainsi, les ONG internationales au Tchad, grâce à
leurs actions dans les camps de réfugiés jouent un rôle
prépondérant dans la stabilisation du Tchad et la maitrise du
flux des réfugiés dans son territoire. Ceci contribue
inéluctablement à sa politique de développement.
24
B- CADRE METHODOLOGIQUE
La méthodologie dans un sens plus large est «
l'ensemble des opérations intellectuelles par lesquelles une
discipline cherche à atteindre les vérités qu'elle
poursuit, les démontre, les vérifie47 ».
Plutôt qu'une fin en soi, les approches méthodologiques
constituent des plans d'observation, des moyens d'investigation auxquels est
subordonné l'objet étudié pour atteindre une
finalité qui est le but de la recherche. Le bon usage de la
méthode renforce à coup sur la fiabilité des
résultats d'une étude. Elle s'apparente alors à un moyen,
un outil permettant au chercheur de voir loin et clair. Ainsi, pour les
commodités de notre travail, nous procèderons à deux
méthodes qui sont celles de la technique de la collecte des
données (1) et l'analyse des données collectées (2).
1- La technique de collecte de
données
Appelée observation documentaire, cette méthode
consiste à consulter des documents dans le but d'extraire des
informations sur notre travail. Nous avons procédé
préalablement à la relecture de nos cours magistraux, ensuite
nous nous sommes ressourcés dans diverses bibliothèques tant
physiques que virtuelles. Pour ce qui est du physique, nous citerons en premier
lieu la bibliothèque de l'Institut des Relations Internationales du
Cameroun (IRIC) dans laquelle nous avons consulté des documents, des
ouvrages, des rapports ainsi que des mémoires qui font mention de notre
sujet d'étude, il en est de même avec la bibliothèque de
l'Université Catholique d'Afrique Centrale, Institut de Yaoundé
(UCAC), celle du Centre d'Etude et de Formation pour le Développement
(CEFOD) au Tchad ainsi que celle de l'Institut Français du Tchad (IFT).
Quant aux bibliothèques virtuelles, il s'agit des consultations de
différents sites appropriés. Elle nous a été d'une
grande utilité et a été l'occasion pour nous de
sélectionner des données pertinentes sur notre thème de
travail.
Ensuite des enquêtes sur le terrain selon la même
technique de collecte de données notamment avec l'entretien de
différentes personnes à savoir le Directeur et l'ensemble du
personnel de la Direction des ONG et affaires Humanitaires (DONGAH) du
Ministère de l'Economie et de la Planification du développement
du Tchad. Ensuite tour à tour les Représentants du MSF, de
ACF/France, de Secours Islamique/France car étant en stage à la
DONGAH l'on avait la possibilité ainsi que la facilité de
s'entretenir avec ces responsables
47 Madeleine GRAWITZ, Méthodes des sciences sociales,
Paris, Dalloz, 1979, p.34.
25
puisqu'ils ont été courtois et ouverts. Il y'a
aussi quelques témoignages des réfugiés des camps de
Goré. Puis l'observation directe qui nous a permis d'évaluer la
réalité des faits dans l'optique de la vérification des
informations collectées.
2- La technique d'analyse des
données
L'analyse des données est selon L. BARDIN est une
« technique mise au point par et pour les sciences humaines visant une
lecture seconde d'un message pour substituer à l'interprétation
intuitive ou interprétation construite48 ». Nous
avons appliqué une analyse de contenu à plusieurs ouvrages, ceci
nous a permis d'obtenir des données ayant contribué à la
réalisation de ce travail. Ainsi, les entretiens ont été
une très grande source d'information et ont participé tout en
jouant un rôle justificatif le long de ce travail. Néanmoins, il
serait prétentieux de dire que tout ceci a été
effectué dans la plus grande quiétude car justement l'on a fait
face à quelques difficultés. Pour ces difficultés, il y'a
en tête le contexte socioéconomique actuel du Tchad qui n'a pas du
tout facilité les taches notamment pour le voyage et le séjour
dans les camps mais avec ténacité et détermination nous
sommes parvenus à nous y rendre et collecter les informations
nécessaires. Ensuite, l'on soulignera la réticence voire la
méfiance des réfugiés qui d'ailleurs est justifiée
au vu de toutes les situations qu'ils ont subies d'une part et d'autre part les
représentations sociales49 qu'ils peuvent avoir sur le fait
qu'un individu puisse les interroger sur leur situation peu importe la
présentation personnelle au préalable de l'entretien.
VIII- ANNONCE DU PLAN
Le présent travail sur le thème «
l'action des ONG internationales dans les camps de
réfugiés de Goré au Tchad » sera
composé de deux grandes parties dont l'action des ONG : Une dynamique
universelle (Première partie) puis l'analyse de
l'impact de l'action des ONG internationales dans les camps de
réfugiés de Goré(Deuxième
partie).
48 Laurence BARDIN, « L'analyse de contenu »,In
communication et langages, vol35, N°1, 1977, p.123-124
49 Jean-Claude ABRIC, Méthodologie de recueil des
représentations sociales, Paris, PUF, 1994, p.21.
PREMIERE PARTIE
PREMIERE PARTIE
L'ACTION DES ONG AU TCHAD : UNE DYNAMIQUE LACTION DES
ONG AU TCHAD : UNE DYNAMIQUE UNIVERSELLE
26
27
Selon Jean-Jacques Rousseau, l'homme nait bon mais c'est la
société qui le corrompt50. Au vu de cette assertion,
l'on en déduit que la vie en société est une question de
solidarité, d'où l'histoire de la solidarité humaine est
aussi vielle que le monde. Cette solidarité a existé sous
diverses formes structurées ou non. En ce qui concerne la forme
structurée de la solidarité universelle l'on notera l'assistance
apportée aux membres d'une communauté ou un groupe précis
suite aux catastrophes telles que les guerres, la famine ou les catastrophes
naturelles. Cette solidarité évolua en franchissant le cap
restreint sur le plan local pour atteindre le niveau national ensuite
transnational ou international.
La fin des 1950 et le début des années 1960 sont
marqués par les indépendances de pays africains, dont le
Tchad51 qui entrent dans l'échiquier international. Ces Etats
qui viennent d'accéder à l'indépendance ne sont que des
pays pauvres et donc ont besoin de se développer notamment sur le plan
socio-économique. Ainsi, ils sollicitent l'aide ou l'assistance des pays
riches appelés pays du Nord52 afin de les aider à
sortir de cette situation de pauvreté. Les Nations Unies interviennent
par le biais de la création des programmes et Organisations ayant pour
but de combler ce déficit. La société civile des pays
développés manifeste un élan de solidarité à
l'égard des populations nécessiteuses et vulnérables des
pays africains, ainsi que des organisations non gouvernementales d'origine
occidentale affluent progressivement dans l'optique de porter secours aux
personnes défavorisées. Les premières ONG Internationales
s'installent au Tchad dans les années 1960 et y mènent des
activités à but non lucratif et d'intérêt
général comme inscrit dans leur feuille de route.
De nos jours, les ONG internationales représentent des
acteurs majeurs dans le processus du développement au Tchad en
général et très particulièrement dans les camps de
réfugiés de Goré. Alors il serait judicieux dans cette
partie d'élucider les fondements et l'état des lieux de l'action
des ONG internationales au Tchad (Chapitre I) avant de nous
pencher sur leur opérationnalisation (Chapitre II).
50Jean-Jacques ROUSSEAU, Du contrat social, ou
principes du droit politique, in Collection complète des
oeuvres, Genève, 1780-1789, vol. 1, in-4°, édition en
ligne
www.rousseauonline.ch,
version du 7 octobre 2012
51Roland COLIN, Au Tchad, mirages et
déboires d'une révolution démocratique
espérée : 1968-1972, Paris, Présence Africaine, 2015
p.33 à 53
52Moise TSAYEM DEMAZE, Le protocole de Kyoto, le
clivage Nord-Sud et le défi du développement durable, Paris,
l'Espace géographique, 2009, p.27
CHAPITRE I : LES FO T L'ETAT DES LIEUX DU
CHAPITRE I : LES FONDEMENTS ET L'ETAT DES LIEUX
DUDEPLOIEMNT HUMANIT S ONG INTERNATIONALES AU DEPLOIEMENT
HUMANITAIRE DES ONG INTERNATIONALES AU TCHAD TCHAD
28
La solidarité internationale a connu une
évolution singulière de même que les pratiques et les
méthodes liées à cette pratique. Ceci a permis de voir
apparaitre plusieurs sources qui vont des considérations historiques
à celles contemporaines qui mettent en valeur la philanthropie, la
religion, ainsi que les sciences sociales telles que la philosophie, la
sociologie, et le droit international. Une recherche efficiente de la
solidarité internationale signifie une organisation logique et
structurée de ces divers fondements. Ainsi, pour parler des fondements
de l'action des ONG, il est judicieux de prendre en compte les fondements
historiques et sociologiques mais aussi de considérer les instruments
juridiques qui encadrent ces actions et les mécanismes institutionnels
veillant à l'observation efficace de ces instruments juridiques.
Considérant la présence massive des ONG
internationales à Goré, l'on procédera à un
état de lieux pour s'enquérir des réalisations et des
réalités sur les terrains d'opérations à savoir les
divers camps de réfugié de la région.
Dans le souci d'une structuration pertinente nous
procéderons préalablement à l'étude des fondements
de l'action des ONG internationales au Tchad (Section I) avant
de nous pencher en second temps sur l'état des lieux des camps de
réfugiés de Goré (Section II).
SECTION I : LES FONDEMENTS DE L'ACTION DES ONG
INTERNATIONALES
AU TCHAD
Les ONG incarnent l'esprit de solidarité entre les
hommes. Pour aller à leur source, il faut rechercher dans le temps les
traces de la manifestation de cette solidarité. Elles apparaissent dans
le domaine religieux ; elles sont présentes sur les champs de bataille ;
elles viennent de la philosophie, elles s'observent dans le renforcement du
sentiment de coopération observé après les guerres et qui
donne naissance aux organisations internationales gouvernementales. Ensuite,
sociologiquement, face aux malheurs que sont les catastrophes naturelles et les
guerres, l'aide s'exerçait avant tout dans le cadre familial, patriarcal
ou professionnel53. Cette aide primordiale est instituée
dès l'organisation des premières sociétés et a
progressivement évolué vers d'autres formes d'assistance plus
visibles, car plus organisées et
53Gregor STANGHERLIN, « Les organisations non
gouvernementales de coopération au développement », Paris,
Courier hebdomadaire du Centre de recherche et d'information
sociopolitique, 2001, p.5 à 59
29
institutionnalisées. Partant de ces
considérations nous parlerons dans le premier paragraphe des fondements
historiques et sociologiques des ONG, puis dans le second des instruments
juridiques et les mécanismes institutionnels régulant l'action
des ONG au Tchad.
Paragraphe I : Les fondements historiques et
sociologiques de l'action des ONG
internationales
Les prémices des ONG sont fondées sur les dogmes
religieux dominants et la philosophie (A), ainsi que les
valeurs morales de nos sociétés à savoir l'obligation
d'assistance aux personnes nécessiteuses (B).
A- Les fondements historiques
Sur le plan historique, si l'on voit les catastrophes
naturelles ou les guerres, l'aide a commencé dans le cadre familial
avant de s'étendre sur une échelle allant de la religion (A)
à la sociologie (B).
1- Bases religieuses
Dans les religions traditionnelles africaines se retrouvent
aussi la notion de partage. C'est donc avec le concept de la charité,
présent sous des appellations différentes mais similaires dans le
principe pour les grandes dénominations religieuses, que les
premières actions humanitaires de développement ont
été créées. En plus d'être une vertu
recommandée aux adeptes des différentes religions, la
charité a été pratiquée par les institutions qui
les gouvernaient. Aussi les églises assumaient la charge de nombreuses
activités telles que l'éducation mais aussi le soin aux malades
dans des dispensaires, les orphelinats. Elles aidaient les nécessiteux,
venaient au secours des victimes des catastrophes. Cependant, les religions
dominantes qui ont contribué aux fondements des ONG sont les trois plus
grandes religions54 à savoir le christianisme, l'islam et le
judaïsme. Le christianisme s'appuie sur le concept de charité ;
l'apôtre Paul en déclame la vertu comme étant le fondement
de l'être : « Si je n'ai pas la charité, je ne suis rien
», alors que l'Islam avec ses préceptes de zakat et sadaqa (une des
cinq obligations religieuses musulmanes) définit le principe du don aux
pauvres. Le judaïsme quant à lui prône la tsedaka à
l'égard du pauvre, de la veuve, de l'orphelin et de
l'étranger.
54Paul POUPARD, Les religions, Paris, PUF,
2007, p.128
30
2- L'apport de la philosophie
Pendant la période des Lumières, au
XVIIIe siècle, apparait la notion d'Humanité que
Diderot voit comme étant « un noble et sublime enthousiasme se
tourmente des peines des autres et du besoin de les soulager ; il voudrait
parcourir l'univers pour abolir l'esclavage, la superstition, le vice et le
malheur »55. Cette notion sort cette fois du cadre
religieux pour atteindre une portée philosophique. La réflexion
sur l'action humanitaire est désormais de plus en plus ancrée
dans les mentalités et, en 1755, lors du tremblement de terre de
Lisbonne56, la question de l'action de crise est réellement
abordée. C'est en effet grâce à la gestion de crise
reconnue comme excellente du premier ministre Sebastiaõ DEMELO que les
secours ont pu être administrés rapidement à la population
et que Lisbonne fut entièrement reconstruite en un an. Il faudra
cependant attendre le XIXe siècle pour que l'engagement
associatif prenne un réel essor et abandonne son aspect d'action
individuelle pour devenir collective. C'est au début de ce siècle
que vont apparaître les prémices du lobbying aux
États-Unis. En 1812, la guerre civile d'indépendance entre
Vénézuéliens et Espagnols fait rage à
Caracas57. C'est en plein milieu de ce conflit armé qu'un
tremblement de terre, suivi d'une série de raz de marée, ravagea
la ville, tuant entre 15000 et 20000 personnes. Le lobbying associatif
américain poussa le gouvernement fédéral à
prêter secours aux habitants de Caracas. Face au poids grandissant de ces
mouvements nouveaux, le gouvernement américain céda à ces
pressions humanitaires et envoya des denrées alimentaires sur le lieu de
la crise. Alexander VON HUMBOLDT58 écrira par la suite son
témoignage personnel de l'après crise lors de son voyage à
Caracas : « le congrès, assemblé à Washington,
décréta unanimement l'envoi de cinq navires chargés de
farines aux côtes de Venezuela, pour être distribués aux
habitants les plus indigents ». Cette action humanitaire internationale,
la première notoire, fut accueillie avec une forte reconnaissance et
permit de palier les besoins alimentaires d'un peuple en péril et de
surmonter cette situation de crise. Dès lors, le mouvement associatif
américain et mondial prit une ampleur toute nouvelle, portée par
le concept émergent de lobbying. En 1823, en Grande-Bretagne, est
créée la « British and Foreign Anti-Slavery Society »
qui est ce qu'on pourrait qualifier une ONG de nos jours et qui, comme son nom
l'indique, avait pour vocation de lutter
55Denis DIDEROT, Pensées
philosophiques, paris, princeps, 1746, p.200
56Jean-Paul POIRIER, Le tremblement de terre de
Lisbonne, Odile Jacob, Paris, 2005, p.284
57Dominique Jean LARREY, Mémoires de
chirurgie militaire et campagnes 1786-1840, Paris, Rémanences p.67
tome 5
58 Friedrich Karl, Wilhelm, Heinrich Alexander, baron Von
Humboldt, plus connu sous le nom d'Alexander Von Humboldt ou Alexandre de
Humboldt, est un naturaliste, géographe et explorateur allemand,
né le 14 septembre 1769 à Berlin et mort le 6 mai 1859 à
Potsdam
31
contre l'esclavage en Grande-Bretagne. Cet engouement
populaire est une fois de plus couronné de succès car
l'association obtient l'abolition de l'esclavage en 1833, soit seulement 10 ans
après sa création. Dès lors, nous voyons que l'action
humanitaire n'est plus simplement un mouvement isolé, l'action de
quelques hommes qui veulent faire progresser la société de leur
côté. Il s'agit désormais d'un réel élan
mondial dont les démocraties font office de terre fertile. De cette
volonté humaine et individuelle de coupler la charité pour les
plus démunis au soulagement des souffrances des blessés est
née une volonté collective, qui a gagné en puissance,
d'apporter un soutien aux peuples en péril. Ces fondements
philosophiques sont concrétisés par les pratiques militaires. De
ce fait, la pratique de l'action humanitaire urgentiste sur le terrain semble
remonter au médecin militaire de la légion romaine, DIOSCORIDE
D'ANAZARBA59, qui aurait créé une école de
médecine. Là encore, la prise en compte sur le terrain d'une
situation d'urgence (les blessés sur le champ de bataille) a
amené une réponse qu'on pourrait qualifier d'« humanitaire
». En effet, le fait de prodiguer des soins gratuits aux personnes dont
l'intégrité physique est en danger rejoint très clairement
les buts des ONG urgentistes modernes. Au fil des années, philosophie et
religions se mêlèrent afin d'imposer des normes en accord avec ces
préceptes. On remarque notamment de grands progrès en temps de
guerre où les prisonniers et parfois les civils blessés
étaient désormais protégés par des règles de
conduite sur le champ de bataille. On citera notamment l'aboutissement de ces
procédures que représente la convention de Genève
(première en 1864, complétée en 1949 et 1977) qui
édicte les règles fondamentales du droit humanitaire
international. Mais, bien que les prémices de l'activité
humanitaire dite « de développement » soient apparues dans les
premiers siècles de notre ère, il ne s'agit pas pour autant de
l'action telle que nous la connaissons aujourd'hui. Ses apports en termes de
médecine militaire ont permis de soigner de nombreux blessés,
mais surtout d'insuffler une réelle volonté de soutien aux
victimes dans un contexte où les guerres étaient
particulièrement violentes et le soutien aux blessés quasiment
inexistant.
B- Les fondements sociologiques de l'action des ONG
internationales
En effet, dès l'antiquité la première
assistance « étatique » est instaurée par l'empire
romain. Au moyen âge, dans les villes, émergea une
sociabilité professionnelle basée sur le
59Pedanius DIOSCORIDE, est né entre les
années 20 et 40 ap. J.-C., à Anazarbe en Cilicie et mort vers 90
ap. J.-C. C'est un médecin, pharmacologue et botaniste grec dont
l'oeuvre a été une source de connaissances majeures en
matière de remèdes de nature végétale, animale ou
minérale, durant les 1 500 ans que couvrent les époques de
l'Empire romain, de l'Empire byzantin, de la période arabe classique et
du Moyen Âge au début de l'époque moderne en Europe.
32
principe d'entraide entre les membres d'un corps de
métier. Progressivement cette sociabilité s'est étendue
au-delà du cadre familial ou professionnel pour s'intéresser aux
membres de famille des collègues, puis aux pauvres de la cité.
Bien qu'exceptionnel, ce lien entre assistance mutuelle et statut professionnel
fut le support essentiel de l'actuel système de solidarité
sociale.
Les philosophes des Lumières, qui fondent leur
réflexion sur la raison plus que sur la religion, disent qu'il est du
devoir de l'homme de combattre les inégalités sociales et de
défendre la solidarité et le progrès60. Il ne
s'agit plus alors de soulager les souffrances des démunis, mais de
contester l'ordre établi. Ainsi, l'obligation d'assister les pauvres n'a
plus de fondement exclusivement religieux, mais puise également son
origine dans l'humanisme et la philanthropie. Au XVIIIe
siècle, la pauvreté n'est désormais plus perçue
comme un vice individuel, mais comme une faille du « contrat social »
rousseauiste61. Fort de cette nouvelle orientation, durant le
XIXe siècle, des mouvements mutualistes instituèrent
la solidarité et la prévoyance avec pour principes, de distribuer
une aide aux plus démunis et d'apprendre à la population à
prévoir les catastrophes.
D'autre part, alors que l'industrialisation et l'urbanisation
s'accélèrent en Occident, convaincue de la
supériorité de sa civilisation, l'Europe du XIXe
siècle chercha à exporter les bienfaits de l'éducation, du
progrès technologique et la science, mettant en place des grands
programmes de développement dans les pays pauvres notamment en Afrique.
C'est ainsi que l'opinion publique occidentale construite par le «
fardeau de l'homme blanc » du poète et écrivain
britannique Rudyard KIPLING62, a contribué à
l'émergence de l'intervention des ONG internationales dans les camps de
réfugiés au Tchad.
Par ailleurs, à cause de sa complexité,
l'histoire de l'humanité n'est rectiligne. D'autres facteurs ont
contribué au cours des diverses périodes à une
modification de la structure internationale. Le mouvement de
décolonisation des années 1960 a soumis l'ordre international
à une nouvelle structuration, due à l'accès à
l'indépendance de nouveaux acteurs étatiques, dont les pays en
voie de développement et parmi lesquels le Tchad. Ces nouveaux sujets de
droit international intègrent la collectivité des nations
souveraines et au vu difficultés rencontrées, ils
réclament une participation de la société internationale
à leur processus de développement. Les
60Jean Jacques ROUSSEAU, Du contrat social et
Principes du droit politique, version numérique
rédigée par Jean-Marie TREMBLAY, Les classiques des sciences
sociales, l'Université de Québec, Chicoutimi, canada, 2002.
61ibid
62Rudyard KIPLING, « The white man's burden :
the United States and the Philippine Islands », in McClure's
Magazine, vol. 12, n 4, Février 1899, p. 290.
33
organismes des Nations Unies furent progressivement
créés à cet effet. L'expression d'Organisation Non
Gouvernementale (ONG) apparait alors dans le vocabulaire international
à l'article 71 de la charte des Nations Unies63, qui
reconnait au Conseil Economique et Social le pouvoir de consulter les
Organisation Non Gouvernementales qui s'occupent des questions
relevant de sa compétence.
Les organisations de la société civile des pays
du Nord expriment aussi un élan de solidarité à l'endroit
des populations de ces jeunes Etats. Les premières d'entre elles
s'installent au Tchad au cours des années 1960. Leur émergence
témoigne tout d'abord de la compassion de ces acteurs non
gouvernementaux, mais aussi du faible niveau de développement du jeune
Etat. Leurs actions couvrent des domaines variés et ont pour but commun
avoué, le développement. Depuis les indépendances des pays
africains parmi lesquels le Tchad, ont aussi contribué d'une
manière significative à l'émergence des ONG et à
leur déploiement au-delà des frontières de leurs pays
d'origine. L'action des ONG internationales dans les camps de
réfugiés de Goré au Tchad trouve en ces deux faits
socio-historiques ses fondements.
1- La conception occidentale de la
solidarité
Recommandation formelle à l'homme blanc, le devoir de
« civiliser » de venir en aide et d'administrer les populations
colonisées, une démonstration de la mentalité progressiste
des occidentaux d'alors, qui se considèrent être porteurs d'un
devoir de civilisation du reste du monde. Symbole de l'eurocentrisme de
l'époque précoloniale, le « Fardeau de l'homme
»64 n'a pas eu raison que la justification de la colonisation
en tant que mission civilisatrice. L'oeuvre de R. KIPLING est au centre de la
construction mentale de la supériorité de la race blanche par
rapport aux autres, car, plusieurs décennies après les
colonisations, animées par le même complexe de
supériorité, les occidentaux continuent de porter sur eux la
« croix » de l'humanité. Pour mieux illustrer cette
affirmation, le langage de Charles CONDAMINES en est le reflet : il faut en
finir avec la faim et la misère qui accablent des centaines de millions
d'habitants de notre petite planète. Il faut que ça change
!65
Au moment où l'occident accentuait son boum industriel
et urbain, convaincu de la supériorité de sa civilisation,
l'Europe du XIXe siècle chercha à exporter les
bienfaits de
63 Charte des Nations Unies.
64Rudyard KIPLING, « The White Man's
Burden: The United States and the Philippine Islands », McClure's
Magazine, vol. 12, no 4, 1899, p. 290.
65 Charles CONDAMINES, « L'aide humanitaire entre la
politique et les affaires », Paris, L'Harmattan, 1989, p.161
34
l'éducation, du progrès technologique et de la
science. L'action humanitaire des colonisateurs, si elle aboutit à une
soumission politique et culturelle, se prévalut d'un réel
progrès des maladies, de vaccination et de soins.
Le discours du président Truman lors de son investiture
au Congrès américain le 20 janvier 1949 va dans la même
logique. Il reconnait que l'hémisphère sud de la planète
est sous-développé et incapable d'améliorer la production.
Le président Truman affirma en effet qu'il était temps de lancer
un nouveau et audacieux programme mondial pour exploiter les avantages du
progrès technologique américain dans le but d'éliminer les
souffrances de nombreux peuples qualifiés de
sous-développés. Ce discours marqua également le
début de l'ère de la coopération internationale au
développement66.
Dans le souci de comprendre ce que pensent les occidentaux au
sujet de l'aide au développement, des relations Nord-Sud, des pays en
voie de développement et de la faim dans le monde, des sondages ont
été réalisés. Il en ressort un certain nombre
d'indications chiffrées à base desquelles l'on peut constater que
deux tiers d'européens pensent que dans dix ans, la faim et la
pauvreté n'auront pas reculé dans le Tiers-monde et que le
fossé entre les pays riches et les pays pauvres se sera
élargi67.
L'ambition de la prise en charge du sort de l'humanité
par les occidentaux est donc une évidence. Mais cette prise en charge
est davantage envisagée dans une nouvelle approche, celle qui consiste
à financer les « petits » projets de développement dans
les pays pauvres à travers les ONG internationales. Cette approche
semble mieux garantir l'atteinte de l'aide octroyée aux populations
pauvres des pays en développement. Grâce aux multiples critiques
et pressions des observateurs de l'aide au développement, il apparait
clairement dans l'opinion publique occidentale qu'il faille rompre avec la
forme d'aide qui conduit aux grands projets n'ayant que peu d'impact direct sur
le sort des plus démunis. Le manque de participation des
bénéficiaires de l'aide constituant un obstacle important
à la réussite des projets de développement qui se privent
ainsi d'apports multiples, il s'avère plus qu'impératif
d'impliquer des acteurs non gouvernementaux, c'est-à-dire les ONG
internationales, dans la définition et la mise en oeuvre
66 ELAME ESOH, « Histoire et fondements du concept de
développement durable » : Unité 6 Développement et
interculturalité : concepts et outils, Master Course «
Coopération internationale, Action humanitaire et Développement
Durable » Centro Interateneo per la Ricerca Didattica e la Formazione
Avanzata, Universita Cà Foscari di Venezia, 2011, p.4.
67 Sondage réalisé dans le CEE par European
Cooperation and Solidarity en 1983 et 1987. Dans chacun des pays membres de la
CEE, des questions identiques ont été posées à des
échantillons représentatifs de la population âgée de
plus de 15 ans
35
des politiques de développement. C'est ainsi que
l'opinion publique occidentale a contribué à l'émergence
des ONG internationales et leur déploiement en Afrique en
général et au Tchad en particulier, notamment à
Goré. Cependant, si l'opinion publique occidentale est un facteur
déterminant de l'oeuvre des ONG internationales dans cette
région, il y'a lieu de noter qu'elle n'est pas une exclusivité.
Il importe d'évoquer également le rôle «
communauté internationale » dans cette évolution.
2- De la conception occidentale à la carence des
politiques locales de développement depuis les indépendances en
Afrique
Après la période coloniale, l'ordre
international a été soumis à une nouvelle structuration.
Celle-ci est due à l'accès à l'indépendance de
nouveaux acteurs étatiques, dont plusieurs pays africains. Ces nouveaux
sujets de droit international intègrent la collectivité des
nations souveraines, mais pas sans difficultés. Par exemple, au vu des
multiples embuches qui jalonnent le processus de développement de ces
jeunes Etats, et de l'écart qui les distingue de la métropole, il
leur est successivement attribué des appellations de : « pays
du tiers-monde », « pays sous-développés », «
pays en voie de développement », ou même « pays pauvres
très endetté (PPTE) »68.
Dès leurs indépendances, les jeunes Etats ont
adopté des vastes projets dans les domaines de l'industrie et des
infrastructures, sur le modèle ultra-capitaliste occidental. Ayant
heurté de front les exigences socioculturelles locales, ces grands
investissements qui n'avaient pour but que la mise en oeuvre des politiques de
développement calquées sur le modèle des pays occidentaux,
les organismes internationaux et les programmes d'aide bilatéraux
Nord-Sud. Au profit des projets dont les pays occidentaux tiraient avantage et
qu'ils étaient les seuls à s'offrir, le développement
local a été négligé69. Quand il avait
même été démontré que les populations locales
étaient bénéficiaires d'une action, celle-ci avait
été réalisée soit en marge de leur participation ou
alors à travers une implication forcée, au mépris de la
dignité humaine. L'on peut prendre l'exemple du Cameroun voisin pour
signaler la construction du chemin de
68Le 20 janvier 1949, le président des
États-Unis Harry S. Truman prononce le discours d'investiture de son
deuxième mandat à la Maison Blanche. À cette occasion, il
désigne du doigt la grande pauvreté qui affecte la moitié
de l'humanité. C'est la première fois qu'est employée
l'expression « sous-développé » à
propos des pays qui n'ont pas encore atteint le stade industriel. Elle fait
florès de même que l'expression « tiers monde »
inventée peu après, en 1952, par le démographe Alfred
Sauvy.
69 Alexander KING et Bertrand SCHNEIDER, « Questions de
survie, la révolution mondiale a commencé »,
Calmann-Levy, 1991, p.147
36
fer par la REGIFERCAM en 196970. Ainsi que la
construction de l'oléoduc du projet Pipeline
Tchad-Cameroun71. Les conséquences directes de ces politiques
de développement ont été et ont encore aujourd'hui :
l'endettement de nombreux pays africains, l'importation des produits de
première nécessité, la crise alimentaire et le rejet des
projets par les populations locales pour ne citer que celles-là.
Ces projets que M.C. GUENEAU désigne sous le vocable
« non-sens économique »72 se sont
attiré beaucoup de critiques, car l''on peut dresser un catalogue des
désastres tels que les expropriations ou la destruction de
l'environnement local et dont les leçons semblent n'avoir pas
été apprises. Face à cette situation, les pays occidentaux
ont dû revoir leur politique d'aide au développement. Il semble
plus qu'impératif d'impliquer dans le processus de développement,
une nouvelle catégorie d'acteurs, parmi lesquels les ONG. Celles-ci se
positionnent comme des véritables accompagnateurs des populations,
qu'elles ont le mandat d'aider à s'organiser et à se poser en
interlocuteur des acteurs en place.
Conscientes de ce que facteur primordial de la réussite
d'un projet, de développement est la participation effective et la
responsabilisation des bénéficiaires à toutes les phases
de sa mise en oeuvre, les ONG trouvent en la promotion de cet idéal, un
fondement à leur oeuvre dans les pays en voie de développement.
La nouvelle conception de la solidarité humaine qui s'est construite
à travers l'opinion publique occidentale et renforcée par
l'insuffisance des politiques de développement semble universaliser et
légitimer toute action visant à soulager les souffrances et
lutter contre la pauvreté. Il convient à cet effet de nous
pencher sur les bases juridico-institutionnelles de l'action de ces
dernières au Tchad précisément à Goré dans
les camps de réfugiés.
Paragraphe II : Les instruments juridiques et les
mécanismes institutionnels de l'action des ONG internationales au
Tchad
Les ONG internationales sont des organisations dont le
siège et situé en dehors du pays dans lequel elles interviennent.
Autrement appelées « association étrangère »,
elles accompagnent l'Etat dans la conception et la mise en oeuvre des
politiques de développement
70 Bernard NKUISSI, « Nkongsamba, les années
obscures de la fondation », mémoire DES en histoire,
université de Lille, 1977, p.47.
71 Jean Hermann WAYA, « Analyse de la gestion
environnementale du projet Pipeline Tchad-Cameroun dans la localité de
Bélabo », monographie de DCJA en Sciences Techniques d'Animation,
INJS de Yaoundé, 2010, p.22. 72Marie-Christine GUENEAU,
« Les petits projets de développement sont-ils efficaces ? »,
Paris, L'Harmattan, 1986. P.25
37
conformément aux dispositions légales. Au vu de
leur tâche importante, l'on a besoin de mettre sur pied des structures et
mécanismes pouvant réguler leur fonctionnement d'où la
nécessité d'étudier les instruments pouvant encadrer ces
ONG (A) ainsi que les instances compétentes pour
veiller à l'observation de ces instruments
juridiques(B).
A- Les instruments juridiques
Pour mieux appréhender les instruments juridiques, nous
évoquerons ici les textes des principes généraux de droit
qui président la reconnaissance du statut et l'activité des ONG
internationales en édictant les règles de Droit International et
national reconnaissant sa personnalité juridique en tant qu'acteur non
étatique, garantissant leur exercice de la liberté d'association,
et partant légitimant leur déploiement au Tchad. Très
souvent le droit se heurte à la définition de cette
entité, qui côtoie les termes d'association, association
étrangère, organisation étrangère, organisation de
solidarité internationale. Loin d'être un concept aisément
saisissable dans l'espace et dans le temps, la notion d'ONG internationale
semble se conjuguer au pluriel. Ainsi nous procéderons
préalablement aux textes internationaux (1) avant de
nous pencher sur les textes nationaux (2).
1- Les textes internationaux
Les ONG internationales étant des acteurs oeuvrant hors
de leur cadre national ne font pas du seul droit interne qui doit reconnaitre
leur statut ou réguler leur action. Ainsi, il y'a un arsenal de textes
juridiques internationaux qui entre dans la délimitation de leur domaine
d'action.
a- La Déclaration Universelle des Droits de
l'Homme
La Déclaration universelle des droits de l'homme (DUDH)
est le document des droits humains le plus connu. Elle est la base de la
protection internationale des droits humains. Jusqu'à la deuxième
guerre mondiale, les droits humains n'étaient mentionnés que dans
les constitutions nationales. Il existait alors peu de règles
internationales. La terreur du national-socialisme et la cruauté de deux
guerres mondiales en un tiers de siècle ont provoqué ce
changement. On ne voulait plus répéter de telles
expériences. Tous les hommes et les femmes doivent pouvoir vivre en
paix, sans peur et sans faim. C'est pourquoi la Charte des Nations Unies de
1945 a inscrit que les états doivent garantir les droits humains.
38
La Déclaration énonce en quelque sorte le «
programme général des droits de l'homme». Elle pose les
bases des droits civils et politiques ainsi que des droits économiques,
sociaux et culturels. La Déclaration protège la dignité
humaine. Elle est valable pour tous les êtres humains dans le monde. Tous
les hommes et toutes les femmes sont nés égaux, ont la même
dignité et les mêmes droits. Tous les membres de l'ONU doivent
signer la Déclaration universelle des droits de l'homme.
La Déclaration n'est pas une loi. Elle a cependant une
grande signification. Toutes les autres conventions des droits humains
découlent de ce premier document. Elle a un rôle politique et
moral essentiel. Le préambule de ce document se fonde sur la
dignité humaine « La dignité est inhérente à
tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et
inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice
et de la paix dans le monde ».
Elle est l'un des premiers instruments juridiques de
portée universelle proclamant les droits de l'homme opposables à
tous et partout. Proclamé le 10 Décembre 194873, il a
pour but principal le respect de la dignité humaine à travers
« le respect universel des droits de l'homme et des libertés
fondamentales »74. L'article 20 de cette
déclaration stipule que « ... toute personne a droit à
la liberté de réunion et d'association pacifique. Nul ne peut
être obligé à faire partie d'une association ».
Même si elle n'a pas force obligatoire, la DUDH reste un pilier juridique
majeur des libertés dans leur généralité et la
liberté d'association plus spécifiquement.
b- Convention européenne (n°124) sur la
reconnaissance de la personnalité juridique des organisations non
gouvernementales et leur protection en Droit International
Depuis 1945, le nombre des organisations internationales non
gouvernementales a considérablement augmenté et la
diversité de leurs objectifs s'est accrue. Or les ONG exercent leur
action dans plusieurs pays, tiennent des réunions en des lieux divers,
emploient du personnel de différentes nationalités, etc., du fait
que leurs objectifs ont un caractère international. Toutes ces
activités « transnationales » étant naturellement
génératrices de problèmes, les ONG connaissent des
difficultés plus grandes et plus complexes que les associations ou
fondations nationales. Bien que plusieurs tentatives aient été
faites pour leur faciliter la tâche au plan national, il n'existe pas
encore d'instrument international en vigueur. Le Conseil de l'Europe a,
dès 1951, reconnu l'importance des ONG et leur contribution aux
activités de l'Organisation, chacune dans son domaine particulier. Il a
donc adopté une
73 Par l'Assemblée Générale de l'ONU
à New York dans sa résolution 271A(III)
74 Déclaration Universelle des Droits de L'homme,
préambule.
39
résolution prévoyant la consultation des ONG sur
des questions relevant de sa compétence, puis, en 1954, des principes
directeurs pour l'octroi du statut consultatif à un groupe
d'ONG75; enfin, en 1972, son Comité des Ministres a
adopté la Résolution (72) 35 sur les relations du Conseil de
l'Europe avec les ONG, dotées ou non du statut consultatif. Le
Comité des Ministres, également conscient de l'absence de tout
instrument international visant à faciliter les activités des ONG
au niveau international, a chargé en 1981, sur proposition du
Comité européen de coopération juridique (CDCJ), un
comité d'experts d'un mandat exploratoire consistant à
étudier dans ce domaine la possibilité d'une action
intergouvernementale au niveau européen. Sur la base d'un rapport du
CDCJ inspiré des travaux dudit comité, le Comité des
Ministres a chargé le Comité restreint d'experts sur les
organisations non gouvernementales d'élaborer un instrument
approprié sur les ONG. Personnalité juridique des OING Le CJ-R-OR
a tenu trois réunions en 1982 et 1983 et soumis pour approbation au CDCJ
un projet de convention européenne sur la reconnaissance de la
personnalité juridique des organisations internationales non
gouvernementales. Ce projet de convention, avec quelques amendements par le
CDCJ, a été adopté par le Comité des Ministres le
24 octobre 1985 et la Convention a été ouverte à la
signature des Etats membres à Strasbourg le 24 avril 1986. Ainsi
l'article 1 a pour but de définir les conditions auxquelles une
organisation internationale non gouvernementale doit satisfaire pour
bénéficier des avantages prévus par la Convention. Quant
à l'article 2, il souligne que : « la personnalité et la
capacité juridique d'une ONG telles qu'elles sont acquises dans la
partie dans laquelle elle a son siège statutaire sont reconnues de plein
droit dans les autres Partie ». Entrée en vigueur le
1er Janvier 1991, son principe général veut que le
droit qui régit la personnalité et la capacité juridique
des ONG soit le droit de l'Etat où se trouve le siège
indiqué sur l'acte constitutif de l'ONG. Ce qui implique, selon
certains, que : « l'ONG aura dans tous les Etats contractants les
mêmes capacités et la même personnalité juridique que
celles obtenues dans l'Etat où se trouve son siège
».
2- Les textes nationaux
Le Tchad est un pays souverain disposant un bon nombre
d'instruments d'encadrement en ce qui concerne les ONG, cependant, vouloir les
aborder dans leur totalité risquerait de nous trainer loin des rivages
que nous nous sommes fixés. Ainsi dans ce travail il serait question
d'aborder les piliers des textes encadrant l'action des ONG internationales sur
le plan national.
75Marie-Odile WIEDERKEHR, La Convention du Conseil de
l'Europe sur le statut des Organisations non-gouvernementales, Paris, Editions
du CNRS, 1987, p.749-761
40
a- La constitution (article 28 de la constitution de
2018)
La constitution est le mode de fonctionnement d'un pays, d'un
état, c'est un document noble qui désigne principalement soit un
corps d'état, soit le texte qui les consacre, soit un acte juridique
établissant une situation. La constitution révèle son
importance dans la vie de tous les jours car elle garantit les droits et les
libertés des individus d'une société. La constitution
tchadienne de 2018 dans son article 28 dispose « Les libertés
d'opinion et d'expression, de communication, de conscience, de religion, de
presse, d'association, de réunion, de circulation, de manifestation sont
garanties à tous... »76. La constitution est la
norme suprême dans l'agencement juridique, de ce fait, ses dispositions
ont force obligatoire. Dans cette optique, l'article 28 est le fondement
principal des ONG car il dispose expressément et explicitement que les
libertés d'association, de réunion sont garanties. Il est
à noter que l'ONG est définie comme une association qui
fonctionne aussi par le biais des réunions. Ainsi comme norme
suprême, elle joue un rôle de garde-fou dans une République.
Au-delà de la reconnaissance, elle garantit et protège les
libertés fondamentales notamment la liberté associative.
La constitution est une garantie du peuple, en effet cette
dernière dispose de la façon où est organisé le
pouvoir, il nomme le plus souvent le peuple ou la nation comme chef qui
transmet ses compétences entre les mains d'un Homme ou de plusieurs afin
que ces personnes puissent les représenter eux et leurs
intérêts. Cette garantie du peuple par la constitution va de pair
avec le Droit, cette garantie est observable car la constitution est la source
principale du Droit, des lois ne peuvent être créées si ces
dernières ne sont pas conforment et en adéquation avec la
constitution. Ainsi les ONG tant nationales qu'internationales tirent leurs
fondements dans la constitution. Après la constitution, il y'a d'autres
lois, décrets et ordonnances qui viennent étayer et confirmer ces
fondements juridiques des ONG au Tchad.
b- L'ordonnance n°27/INT-SUR du 28 Juillet
1962
Le début des relations entre les ONG et le Tchad
remonte aux années 20 (plus précisément en 1926) avec
l'implantation de la Mission Evangélique Unie (MEU), qui tout en
s'occupant de la reconversion des populations autochtones menaient
également des actions humanitaires. Après la seconde grande
guerre, Le Tchad comme nombre de pays Africains va profiter de l'apport des ONG
sur le continent. En effet, après s'être regroupées
spontanément
76Article 28 de la constitution tchadienne de 2018
41
pour contribuer à la reconstruction de l'Europe, les
associations se sont tournées vers les pays du sud pour porter concours
à ces pays qui voient se profiler à l'horizon la fin de la
période coloniale et l'air des Indépendances. ONG caritatives et
humanitaires d'inspirations religieuses elles vont surtout oeuvrer au travers
d'actions d'urgences à l'occasion de catastrophes diverses (famines,
pandémies, conflits). C'est ainsi que compte tenu du rôle
important que jouent les ONG dans le développement et l'assistance de
tout genre, le Tchad a décidé de règlementer les ONG
notamment par le biais de l'ordonnance 62-27 du 28 juillet 1962 qui est l'une
des premières lois instituant et régissant les ONG au Tchad,
cette loi a été élaborée au lendemain des
indépendances et déjà dans l'article 1er il
consacre les ONG « L'association est la convention par laquelle deux
ou plusieurs personnes physiques ou morales mettent en commun de plein
gré et en connaissance de cause, d'une façon permanente et pour
un temps assez long, leurs connaissances ou leur activités dans un but
déterminé autre que de partager des bénéfices
». Pour ce qui est des ONG internationales, elles sont
définies aux termes de l'article 12 comme « Sont
considérées comme associations étrangères au Tchad
et par là même soumises à un régime et un
contrôle plus sévère, les associations qui ont leur
siège principal à l'étranger, ou qui ayant ce siège
au Tchad, sont en fait, dirigées par des étrangers. Sont
également considérées comme associations
étrangères, celles dont le président ou le quart au moins
des membres est étranger ». Quant à ce qui est de la
procédure pour l'autorisation de fonctionnement, elle est prévue
par l'article 13 de la même ordonnance. Ainsi, la présente
ordonnance constitue l'un des fondements majeurs des ONG aux Tchad.
c- Décrets n°166 du 25 Aout 1962
Dans le champ du régime juridique des ONG au Tchad, il
y'a le décret n°166 du 25 Aout 1962 qui vient étayer ce
champ très peu structuré et encadré par les textes
d'autant plus qu'il y'a une insuffisance cruelle des textes juridiques
encadrant les ONG au Tchad. Néanmoins parmi le peu des textes existant
l'on a ce décret qui régit aussi les ONG
étrangères, les fondations, les associations à
caractère religieux, associations de bienfaisance ou d'assistance,
associations créées dans le but de favoriser l'enseignement ou de
dispenser une aide culturelle et à toutes les associations en
général. Cependant, les associations fondées sur une cause
ou en vue d'un objet contraire aux lois, aux bonnes moeurs ou qui auraient pour
but ou porteraient atteinte à l'intégrité du territoire
national, à la constitution, ou à la forme du gouvernement, ne
peuvent être autorisées.
42
d- Ordonnance n°023/PR/2018 du 27 Juin
2018
À la suite de l'avènement de la quatrième
République du Tchad77 et après que le Tchad ait
promulgué une nouvelle Constitution en mai 201878, les
autorités tchadiennes ont modifié un certain nombre de lois, dont
l'Ordonnance n°023/PR/2018 du27 juin 2018 portant régime des
associations. Cette ordonnance vient s'inscrire dans le sillage du
régime juridique des ONG. L'article 1 de ladite ordonnance stipule que
« la liberté d'association proclamée par la Constitution et
régie par les dispositions de la présente Ordonnance »,
ensuite l'article 2 de la même ordonnance vient définir ce que
c'est une association. Pour ce qui est associations étrangères,
elles sont régies par l'article 23. Mais il en fait aussi mention
explicitement à l'article 27 des ONG. Cette ordonnance, non seulement,
vient compléter cet univers juridique peu dense mais vient restructurer
l'organisation et le fonctionnement des ONG car elle s'applique
également aux associations de défense des droits humains, aux
associations de jeunes, aux associations scolaires, aux associations sportives
et culturelles, aux associations étrangères, aux associations
religieuses, aux ONG, ainsi qu'aux unions ou fédérations
d'associations. L'Ordonnance comprend aussi des règles
particulières en ce qui concerne les associations
étrangères, qui doivent faire renouveler
régulièrement leur autorisation, mais elle ne précise pas
à quelle fréquence.
B- Les mécanismes institutionnels
Les mécanismes institutionnels chargés de la
promotion et de la réglementation des ONG sont multiples, ils sont
d'ordre international (1) et d'ordre national (2).
1- Les mécanismes institutionnels sur le plan
international a- Conseil économique et social des Nations Unies
(ECOSOC)
Les organisations non gouvernementales (ONG) sont actives
auprès de l'Organisation des Nations Unies (ONU) depuis la
création de cette dernière en 1945. Elles concourent de plusieurs
manières, aux côtés du Secrétariat des Nations
Unies, de ses programmes, fonds et agences, aux objectifs de l'Organisation.
Consultées par les Etats membres, les ONG participent à
quantité d'activités comprenant la diffusion d'information, la
sensibilisation et
77La République récemment
instituée au Tchad est la quatrième depuis que le pays est devenu
indépendant en 1960.
78En mai 2018, le Président a
promulgué la nouvelle Constitution, qui a étendu ses pouvoirs
avec un régime totalement présidentiel, supprimant le poste de
Premier ministre.
43
l'éducation, le plaidoyer politique, les projets
opérationnels, la participation aux processus intergouvernementaux et
l'offre de services et d'expertise technique. L'Article 71 de la Charte des
Nations Unies, créant le Conseil économique et social des Nations
Unies (ECOSOC), stipule ce qui suit :Le Conseil économique et social
peut prendre toutes à dispositions utiles pour consulter les
organisations non gouvernementales qui s'occupent de questions relevant de sa
compétence. Ces dispositions peuvent s'appliquer à des
organisations internationales et, s'il y a lieu, à des organisations
nationales après consultation du Membre intéressé de
l'Organisation. Charte des Nations Unies, Chapitre 10, Article
71.L'article 71 de la Charte des Nations Unies ouvrait ainsi la porte afin
d'établir les bases d'une consultation avec les organisations non
gouvernementales. Cette relation avec l'ECOSOC est encadrée aujourd'hui
par la Résolution 1996/31 du Conseil, qui établit les conditions
d'admissibilité au statut consultatif, les droits et les obligations des
ONG dans ce cadre, les procédures de retrait du statut consultatif ou de
sa suspension, le rôle et les fonctions du Comité pour les ONG de
l'ECOSOC, et les responsabilités du Secrétariat de l'ONU pour
appuyer ce processus. L'Organisation des Nations Unies a oeuvré afin de
renforcer la coopération avec les ONG à l'échelle du
système et dans toutes ses sphères d'activité. En
conséquence, des composantes des Nations Unies ont
développé de nouvelles modalités visant à
promouvoir et à accroître la participation stratégique des
ONG Plusieurs documents ont insisté sur le besoin de renforcer les
relations entre l'ONU et les ONG, en particulier La Déclaration du
Millénaire de septembre 2000. L'importance de l'engagement des
États membres visant à faciliter le travail des ONG a
été réaffirmé dans le Document final issu du Sommet
mondial de 2005 et dans la Résolution 68/1 de l'Assemblée
générale sur le renforcement de l'ECOSOC. Dès le
départ, le Conseil économique et social (ECOSOC) a
été la principale porte d'entrée des ONG au sein du
système onusien. L'ECOSOC demeure le seul organe de l'ONU ayant un
mécanisme officiel pour la participation des ONG. En 1946, 41 ONG ont
reçu le statut consultatif de la part du Conseil. En 1992, plus de 700
ONG avaient obtenu ce statut et ce nombre croît constamment depuis pour
atteindre près de 5000 organisations en 201879
Les fondements institutionnels des ONG sur le plan
régional ont en leur tête l'institution suprême
régionale à savoir l'UA
79csonet.org/content/documents/ecosoc
44
b- L'Union Africaine (UA)
En août 1999, la Conférence des chefs d'Etats et
de gouvernements de l'OUA a décrété par une
déclaration le remplacement de l'OUA par l'Union africaine (UA). L'UA a
été fondée en juillet 2002 par 53 Etats africains à
Durban en Afrique du Sud. L'UA compte 54 membres de l'UA, soit tous les pays
d'Afrique, à l'exception du Maroc (qui s'est retiré de l'OUA en
1984 pour protester contre l'admission de la République arabe sahraouie
démocratique en 1982), et du Somali land (qui n'est reconnu par aucun
État). Elle siège à Addis-Abeba, en Ethiopie. Le but de ce
changement institutionnel était l'accélération et
l'approfondissement du processus d'intégration régional sur un
plan socio-économique. Elle vise notamment à encourager la
coopération internationale en tenant compte de la Charte des Nations
unies et de la Déclaration universelle des droits de l'homme ; de
promouvoir la paix, la sécurité et la stabilité du
continent ; de promouvoir et protéger les droits des populations en
accord avec la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples et de
promouvoir la coopération dans tous les domaines d'activité
humaine pour élever le niveau de vie des peuples africains. L'UA est
constituée de plusieurs organes dont le Conseil économique,
social et culturel (ECOSOCC) qui est un organe consultatif dont les membres
sont issus des différentes couches socioprofessionnelles des
États membres. Il ressemble à son homologue européen, le
Comité économique et social. Outre son rôle consultatif,
l'ECOSOCC est chargé de règlementer les activités des ONG
sur le continent.
2- Les mécanismes institutionnels sur le plan
national
a- Le Ministère de l'économie et de la
planification du développement (La Direction des ONG et Affaires
Humanitaires)
Placée sous l'autorité d'un Directeur
assisté d'un Adjoint, la Direction des Organisations Non
Gouvernementales et des Affaires Humanitaires (DONGAH) a pour mission la
coordination et le suivi des affaires humanitaires et des activités des
Organisations Non Gouvernementales80 (ONG).
A ce titre, elle est chargée de :
80Le Ministère de l'économie et de la
planification du développement-La Direction des ONG et Affaires
Humanitaires, les statuts.
45
- Coordonner les politiques, stratégies et programmes
humanitaires et appuyer leur mise en oeuvre en collaboration avec le
ministère en charge des Affaires Etrangères, de l'Administration
du Territoire et de la Solidarité Nationale ;
- Assurer l'orientation et la coordination des
activités humanitaires en cohérence avec les plans d'urgence et
de développement ;
- Participer à l'élaboration des plans de
contingence, d'urgence et des réponses aux
situations de crises humanitaires en collaboration avec la
Direction en charge du plan ; - Coordonner et assurer le suivi de la mise en
oeuvre des plans de réponse et en faire des
rapports périodiques en collaboration avec la Direction
du Suivi - Evaluation ;
- Organiser et suivre les activités du forum des
urgences en collaboration avec le Coordonnateur Humanitaire, les
ministères concernés et les ONG ;
- Agréer en ONG nationales les associations remplissant
les missions de développement et remplissant les critères
requis;
- Instruire et faire approuver les programmes et projets
soumis par les ONG en fonction des priorités définies dans les
stratégies et plans nationaux de développement après avis
technique des ministères concernés ;
- Planifier, orienter et contrôler les interventions des
ONG en collaboration avec le Ministère en charge de la
Sécurité et les ministères techniques concernés
;
- Analyser les demandes de franchise et toutes les
requêtes introduites par les ONG
- Préparer et faire signer le protocole d'accord
d'établissement des ONG et en assurer éventuellement leur
renouvellement après évaluation de leurs activités;
- Veiller au respect du protocole d'accord de
coopération et des accords des projets et programmes qui lient les ONG
à l'Etat ;
- Assurer le suivi et l'évaluation des projets et
programmes des ONG ;
- Organiser des réunions périodiques
d'information et de coordination avec les ONG en collaboration avec les
ministères techniques concernés ;
- Produire des rapports périodiques sur l'impact des
interventions des ONG ;
- Créer une banque de données dans le domaine
des affaires humanitaires et des ONG au niveau du ministère;
- Coordonner et suivre les affaires humanitaires, les
programmes, projets activités des Organisations Non Gouvernementales
(ONG) en collaboration avec les ministères concernés ;
46
- Assurer l'orientation, la coordination et la cartographie des
activités des ONG nationales et internationales en cohérence avec
la politique nationale du développement - Produire les rapports annuels
de la direction
b- Le Ministère des Affaires Etrangères, de
l'Intégration Africaine et de la Coopération Internationale
(Direction Générale de la Coopération
Internationale)
Le Ministère des Affaires Etrangères, de
l'Intégration Africaine et de la Coopération Internationale est
une structure administrative publique en charge de la conduite de la politique
étrangère du Tchad. Il est créé depuis l'accession
de la république du Tchad à l'indépendance en 1960,
plusieurs ministres se sont renouvelés à la tête de ce
ministère qui l'on conduit à subir diverse mutation tant sur le
plan structurel que formel. Ainsi du secrétariat général
rattaché à la présidence de la république en 1960,
il devient par la suite Ministère des Affaires Etrangères et de
l'Intégration Africaine, puis Ministères des Relations
Extérieurs et prend la dénomination Affaires Etrangères,
de l'Intégration Africaine et de la Coopération Internationale
depuis avril 2008. Ce ministère est chargée de veiller à
la diligence de la politique extérieure du Tchad mais pour ce qui est
des ONG il est chargé de :
- Rechercher, identifier et mobiliser les financements
extérieurs des projets de développement conformément aux
priorités nationales ;
- Négocier et signer les Accords et Conventions
concernant tous les financements extérieurs et portant sur le
développement et la coopération économique, technique et
financière dont bénéficient l'Etat, les
établissements publics nationaux et les sociétés d'Etat
- Préparer et organiser avec les autres
départements concernés des tables rondes et autres concertations
des bailleurs de fonds sur le développement du Tchad ;
- Coordonner et suivre avec les départements
concernés les financements extérieurs ; - Préparer,
organiser et présider les réunions des commissions mixtes ;
- Centraliser les besoins en assistance technique, en faire la
demande et en assurer le suivi ;
- Etablir un rapport annuel sur la coopération au
développement entre le Tchad et ses partenaires extérieurs ;
- Elaborer et suivre la mise en application du programme de
coopération technique ;
- Suivre les activités des Organisations
Internationales à caractère Politique, Economique, Culturel,
Scientifique et Technique ainsi que leurs rapports avec le Tchad ;
47
- Suivre les activités bilatérales à
caractère politique, économique, culturel, scientifique et
technique ;
- Traiter toutes les questions relatives aux Organisations Non
Gouvernementales81 ;
c- Le CNARR
Le cadre institutionnel national d'accueil des
réfugiés au Tchad est constitué des acteurs
étatiques, des organisations de la société civile, des
travailleurs humanitaires nationaux et des populations hôtes. Le Tchad a
institué la Commission Nationale d'Accueil, de Réinsertion des
Réfugiés et des Rapatriés (CNARR) qui reste le principal
organe étatique en charge de la question des réfugiés et
de l'encadrement des activités des ONG82. L'importance
stratégique de cette commission est perceptible au niveau même
déjà de sa composition. Au terme de l'article 2, la Commission
Nationale d'Accueil, de Réinsertion des Réfugiés et des
Rapatriés est composée comme suit :
· Ministre en charge de l'Administration du Territoire,
Président ;
· Ministre en charge des Affaires Etrangères,
membre;
· Ministre en charge de la Sécurité Publique
et de l'Immigration, membre;
· Ministère en charge des Finances, membre ;
· Ministre en charge de l'Action Sociale;
· Ministre chargé des Droits de l'Homme et de la
Promotion des Libertés, membre ;
· Ministre en charge de l'Economie et du Plan, membre ;
· Ministre en charge de l'Education Nationale, membre ;
· Ministre en charge de la Santé Publique, membre
;
· Représentant du Haut-commissariat des Nations
Unies pour les Réfugiés auprès de la République du
Tchad, membre observateur.
Pour ce qui est des compétences de cette commission,
l'article 3 du décret l'instituant stipule que « La Commission
Nationale d'Accueil, de Réinsertion des Réfugiés et des
Rapatriés est rattachée au Ministère de l'Administration
du Territoire ».
81DECRET N" 1I53 PR/MAEIACID/2018 portant
l'Organigramme du Ministère des Affaires Etrangères, de
l'intégration Africaine, de la Coopération internationale et de
la Diaspora.
82Décret 11-839 2011-08-02/PR/PM/MAT/11,
portant création de la Commission Nationale d'Accueil, de
Réinsertion des Réfugiés et des Rapatriés (CNARR).
AU Tchad, cette institution est le principal orange de l'Etat en charge de la
question des réfugiés.
48
SECTION II : L'ETAT DES LIEUX DE L'ACTION DES ONG
INTERNATIONALES DANS LES CAMPS DE GORE
D'un point de vue général, les ONG
internationales dans les camps de Goré ont pour objectif d'assister les
réfugiés sur divers plans. Les actions qu'elles entreprennent
pour atteindre ces objectifs sont communément perceptibles à
travers des réalisations dans les différents camps. Elles
viennent en aide aux réfugiés en leur portant secours d'urgence
et de première nécessité par le biais de l'aide
médico-sanitaire, alimentaire, sécuritaire, logistique.
Cependant, il est certes important de s'interroger sur l'effectivité et
la pertinence de ces actions, mais avant, il serait judicieux que l'on fasse un
état de lieux efficient de toutes ces actions.
Malgré le caractère crucial de l'état des
lieux, il faut comprendre que l'action ne se limite pas seulement à la
seule aide humanitaire, encore moins l'humanitaire d'urgence. En effet, il
convient de dissocier ici « l'humanitaire d'urgence », «
l'humanitaire de reconstruction » et « l'humanitaire de
développement »83. Le premier renvoie à
l'assistance apportée aux victimes de crises diverses (crise
alimentaire, conflit armé, catastrophe naturelle...) en leur fournissant
les soins primaires, les premiers secours, les produits de première
nécessité, la logistique. Il est question de satisfaire
primordiaux des populations tant nécessiteuses que vulnérables,
ou rendues ainsi par le fait d'une situation de crise donnée. C'est une
aide qui se déploie dans l'extrême nécessité. Par
conséquent, sa durée dans le temps est assez limitée. Elle
prend fin dès lors que les risques représentés par la
situation d'urgence sont atténués voire éradiqués.
La deuxième forme d'aide humanitaire, renvoie à la
restructuration ou la réhabilitation des infrastructures
détruites lors des catastrophes et de grandes crises. Quant à la
dernière forme, la plupart des professionnels s'accordent à
réserver le substantif de « coopération au
développement », s'inscrit quant à elle dans une dynamique
de plus long terme. Elle renvoie généralement aux diverses
activités menées par les ONGI pour accompagner les Etats dans
leurs politiques de développement. Ces activités s'inscrivent
dans la lignée des programmes gouvernementaux et se consacrent à
un secteur de développement précis.
Pour ce qui est de notre étude, il s'agit de la
première forme d'aide à savoir l'humanitaire d'urgence. De ce
fait, il s'agira dans le premier paragraphe (I) de faire un
aperçu
83Nations Unies, Recueil des Traités,
vol. 189, n° 150 ; Nations Unies, Recueil des Traités,
vol. 606, n° 267.
49
général sur les camps de réfugiés
de Goré avant d'étudier leur situation initiale à leur
arrivée (II).
Paragraphe I : Aperçu général sur
les camps de réfugiés de Goré
Aujourd'hui, dans les camps de Goré on dénombre
42.975 réfugiés84. Sur la base des multiples rapports
du HCR et autres organisations internationales, l'on peut, sans risque de se
tromper, affirmer que la crise des réfugiés centrafricains n'est
pas une abstraction mais une réalité quotidienne. La question des
réfugiés étant un problème mondial, la situation du
Tchad, plus précisément celle de Goré ne saurait
être abordée de façon isolée. Ainsi nous
étudierons le dénombrement des réfugiés dans les
camps de Goré (A) avant d'aborder la question de la
pluralité des ONG intervenant dans les camps de Goré
(B).
A- Le dénombrement et organisation des
réfugiés dans camps de Goré
Les effectifs totaux des réfugiés centrafricains
ont diminué après la vérification biométrique
conduite entre juin et Aout 2018, malgré les afflux observés
suite aux conflits intercommunautaires. Les réfugiés
centrafricains appartiennent principalement aux ethnies Kaba, Peul, Arabes,
Mbaye, Runga et Baya. Les peuls sont majoritaires dans le camp de Dosseye. On
dénombre 16.188 dans le camp de Dosseye, 10.964 à Amboko, 9.168
à Gondjé et 6.655 à Doholo pour un total estimé
à 42.975 réfugiés à Goré85.
Chaque camp est subdivisé en blocs ou en zone à
la tête duquel les réfugiés élisent un Chef qui les
représente au niveau du comité central. Le comité central
est dirigé par un président et des membres issus des
différents comités dans lesquels les femmes sont
représentées. Des comités de relais sont également
mis en place pour gérer les différentes activités du camp
: comité des sages, comité mixte population
réfugiée et hôte ; comité de vigiles, comité
de femmes, comité de distribution, comité de jeunes,
comité pour la gestion de l'eau, comité des éleveurs,
comité des agriculteurs, comité de gestion des plaintes du
ciblage, comité de gestion des conflits, etc.) En outre, des points
focaux sectoriels et des groupes sont établis pour suivre les aspects
relatifs à la violence sexuelle basée sur le genre. La
responsabilité principale de la protection, de l'enregistrement et de
l'administration des refugiés revient à la CNARR et au HCR. Le
Détachement pour la Protection des Humanitaires et des
84Chiffre des personnes relevant de la
compétence du HCR au Tchad à la date du 31/10/2018
85Idem
50
Réfugiés (DPHR) a la responsabilité
d'assurer la sécurité des réfugiés dans les camps
et dans les environs, de même que celle des acteurs humanitaires. Les ONG
présentes dans ces zones couvrent divers domaines notamment :
l'assistance juridique, les services communautaires (assistance aux personnes
à besoin spécifique et le développement communautaire),les
activités génératrices de revenus (AGR), la gestion et la
mobilisation communautaire, la distribution de vivres, les secteurs de
l'éducation, de la santé, du WASH, des abris, de l'agriculture,
de l'élevage et de l'environnement.
B- La pluralité des ONG internationales intervenant
dans les camps de Goré
Les ONG internationales oeuvrant à Goré
présentent quelques traits communs, mais ont en général
beaucoup de différences les unes des autres. Elles sont pour la plupart
d'origine occidentale. Quant aux divergences, elles sont plus nombreuses et
portent sur plusieurs aspects allant des objectifs principaux jusqu'aux
ressources humaines et financières en passant par les domaines
d'intervention, la nature et les catégories des personnes cibles. Cette
disparité d'éléments caractéristiques décrit
une mosaïque hétérogène qui s'avère
difficilement intelligible, si l'on dispose des repères et d'outils de
catégorisation pouvant nous servir de clé de lecture. A cet
effet, il nous revient d'une part d'effectuer une classification de ces
organisations en fonction des diverses caractéristiques propres à
chacune d'entre elles et d'autre, de donner une description panoramique de
l'environnement dans lequel elles évoluent, ainsi que du cadre des
différents partenariats mis en place. Dans le cadre de notre
étude, les données recueillies auprès des ONG
internationales présentes dans la région de Goré nous ont
permis d'élaborer une classification de ces dernières. En effet,
plusieurs critères peuvent être retenus pour distinguer ces
différentes organisations.
Ces ONG agissent dans les camps de Goré dans divers
domaines. Leurs initiatives répondent à des besoins
identifiés soit directement par les réfugiés auprès
desquelles elles interviennent, soit les ONG elles-mêmes ou encore en
fonction des priorités existants. Il s'agit notamment de
l'éducation, les droits de l'homme, le genre, la santé, l'eau et
l'assainissement. Le tableau ci-dessous récapitule les divers domaines
dans lesquels, interviennent les structures.
51
Tableau 1 : Représentation des ONG
internationales dans les différents camps de Goré
|
AMBOKO
|
GONDJE
|
DOSSEYE
|
DOHOLO
|
Education
|
ACRA, SIF,
RET
|
ACRA, SIF,
RET
|
ACRA, SIF,
RET
|
ACRA, SIF,
RET
|
Eau, hygiène,
assainissement
|
ADES, FICR,
SIF, IDO,
OXFAM
|
ADES, FICR,
SIF, IDO,
OXFAM
|
ADES, FICR,
SIF, IDO,
OXFAM
|
ADES, FICR,
SIF, IDO,
OXFAM
|
Moyens de
subsistance
|
ADES, CARE
|
ADES, CARE
|
ADES, CARE
|
ADES, CARE
|
Protection
|
ACCRA, ADES, FICR
|
ACCRA, ADES, FICR
|
ACCRA, ADES, FICR
|
ACCRA, ADES, FICR
|
Santé et
nutrition
|
ADES, CARE,
Jhpiego, MI,
MSF-France
|
ADES, CARE,
Jhpiego, MI,
MSF-France
|
ADES, CARE,
Jhpiego, MI,
MSF-France
|
ADES, CARE,
Jhpiego, MI,
MSF-France
|
Sécurité alimentaire
|
CARE, ADES
|
CARE, ADES
|
CARE, ADES
|
CARE, ADES
|
Abris
|
ADES, FLM,
FICR, OXFAM
|
ADES, FLM,
FICR, OXFAM
|
ADES, FLM,
FICR, OXFAM
|
ADES, FLM,
FICR, OXFAM
|
Source : HCR/PAM 2018
Paragraphe II : De la situation initiale aux conditions
actuelles des réfugiés
La solidarité humaine est le fondement de la vie en
société. Elle a toujours fait partie intégrante de la vie
en groupe. C'est dans ce sens que les actions visant à alléger
les souffrances et à améliorer les conditions de vie des
démunis ont toujours existé, et c'est ce qui anime l'action des
ONG internationales dans les camps de réfugiés de Goré.
Les ONG internationales exprimant ainsi un élan de solidarité
à l'endroit des populations vulnérables et nécessiteuses.
Cependant, avant que ces dernières n'assistent ces populations venues de
la RCA, les réfugiés
52
se trouvaient dans des situations
précaires(A) mais cette situation est passée
d'un niveau à un autre grâce à l'intervention des ONG
internationales (B).
A- La situation de précarité des
réfugiés
Pour mieux s'enquérir de la situation initiale, un
exercice conjoint d'étude entre le PAM et le HCR au Tchad avec
méthodologie participative et qualitative et largement inspirée
par l'approche «Wealth Ranking» du HEA (Household Economy Approach) a
permis de faire une typologie des ménages en fonction de leur niveau de
richesse. Cette méthodologie, appelée Enquête
Multisectorielle de Vulnérabilité (EMV), a été
menée dans plusieurs camps ciblés. Ainsi, quatre groupes de
richesse ou catégorie socio-économique ont été
définis et caractérisés (Très Pauvres, Pauvres,
Moyens et Nantis) dans les camps de réfugiés au sud du pays comme
établis dans les EMV. Lors des focus group dans les camps de
réfugiés non encore ciblés, des questions relatives
à cette catégorisation des ménages ont été
discutées et selon les réfugiés, en général
quatre groupes économiques peuvent être considérés
dans leurs camps (très pauvres, pauvres, moyens et aisés).
Cette différence entre les groupes réside dans
les biens possédés pour subvenir à leurs besoins, la
disponibilité alimentaire, le revenu journalier, la production agricole,
la possession de ruminants et le commerce. Ainsi :
Les plus aisés ont plusieurs sources des revenus, comme
le commerce, le maraichage, ils mènent des activités de transport
(charrette, moto ou même la voiture), ils disposent de bétail, et
certains ont des motopompes. Sur le plan social, ils sont bien
considérés dans la société et ont la
capacité d'inscrire tous leurs enfants à l'école
(écoles de fortune). Les activités principales des moyens sont le
petit commerce, l'élevage et l'agriculture. Les pauvres ne disposent pas
des moyens financiers et économiques, ils sont souvent employés
parles groupes les plus aisés. Ils dépendent principalement de
l'assistance humanitaire. Ils ne possèdent pas de véhicules et ne
pratiquent pas le commerce. Les ménages très pauvres n'ont pas de
ressources et dépendent presque principalement de l'assistance
alimentaire et de la solidarité pour vivre.
Toutefois, dans les camps de réfugiés il existe
des systèmes traditionnels d'octroi de prêts, basés sur la
confiance entre réfugiés et souvent par le biais d'un garant.
L'accord de prêt ou de crédit par les commerçants (externes
et internes aux camps) se fait sur la base des capacités à
rembourser du demandeur. La plupart des prêts se remboursent en
espèces ou en nature, ou parfois en échange d'un travail
domestique. La pratique de l'usure dans ces milieux
53
est très courante et le non-remboursement peut
engendrer certaines tensions entre les communautés et a des recours
à des stratégies de survie extrêmes.
Les réfugiés pratiquent des activités
diverses, mais très peu de ménages ont plus de deux sources de
revenus (7% des ménages). De manière globale, la vente des
produits agricoles, le petit commerce non alimentaire et le travail journalier
sont les trois activités principales génératrices de
revenus dans les camps de réfugiés.
Les activités économiques que les
réfugiés ont citées sont l'agriculture, l'élevage,
le petit commerce, la fabrication de briques et la maçonnerie, mais
aussi dans le travail journalier rémunéré chez les
familles autochtones (soit dans leurs champs soit à la maison comme
domestiques). La vente de poisson séché, de bois de chauffe et la
paille pour les animaux, constitue une source de revenu importante pour les
réfugiés. Il a été mis en exergue l'existence de
possibilités d'emploi dans les ONG, comme traducteurs, animateurs,
enseignants et agent de santé dans le camp. Certaines
opportunités se présentent en dehors des camps, comme
commerçants, gardiens, enseignants ou d'autres petits métiers
(forgerons, maçons, menuisiers, réparateurs de vélos et de
motos).L'artisanat, la cueillette et vente de miel sont les sources
génératrices des revenus pour les réfugiés.
Certains réfugiés reçoivent des transferts
monétaires de la part de certains membres de familles installées
à l'étranger. La population hôte est principalement active
dans les cultures pluviales et le maraichage, l'élevage, le petit
commerce ainsi que la collecte et vente de bois de chauffe. Les hommes
parcourent habituellement de longues distances à la recherche de
travail, pendant que les femmes cherchent habituellement une occupation autour
de la maison, de manière à pouvoir continuer à
gérer la famille et prendre soin des enfants. Unanimement les
réfugiés indiquent que la possibilité de trouver un
travail rémunéré reste très limitée.
L'insécurité aussi est une contrainte majeure pour trouver des
opportunités en dehors des camps, surtout pour les femmes qui peuvent
être confrontées à des violences ou des abus. Le manque de
moyens et de matériels, l'absence de microcrédit affectent le
commerce et d'autres petits métiers.
Le statut socio-économique des ménages influe
sur leurs dépenses et principalement sur l'alimentation et les autres
secteurs (santé, éducation, transport, habillement, etc.). Selon
les résultats des enquêtes, environ 60% des ménages
enquêtés consacrent au moins 75% de leurs ressources à
l'achat de nourriture avec une moyenne de 63%. Les discussions de groupe dans
les camps et la communauté hôte montrent aussi que les
ménages réfugiés consacrent essentiellement leurs
dépenses aux besoins alimentaires. En effet, les femmes du groupe des
54
pauvres et des très pauvres déclarent consacrer
60 % de leurs revenus à l'alimentation. Les 40 % restant des
dépenses permettent de couvrir divers autres besoins dont
l'éducation, la santé, l'habillement, les combustibles
domestiques, les abris, etc. L'accès au crédit formel pour les
populations réfugiées reste problématique à cause
de leur statut dans le pays d'accueil qui ne leur permet pas d'avoir
accès aux banques et institutions d'épargnes et de crédits
car ne remplissant pas les conditions d'éligibilité.
En effet, l'insécurité alimentaire touchait
22.6% des ménages contre 44.1% cette année. La dégradation
de la situation alimentaire est aussi en grande partie liée à la
mauvaise qualité de la campagne agricole qui affecte tant les
ménages réfugiés que ceux autochtones globalement dans le
pays et au niveau des zones qui abritent les camps de réfugiés.
L'insécurité alimentaire à globalement progressé,
quoi que légèrement, de 5% au niveau national et 1.5% dans les
régions du Logone Oriental et Moyen Chari. Dans les camps de Goré
56,2 % des ménages étaient en insécurité
alimentaire, en grande partie due à une consommation pauvre et à
un usage accru des stratégies qui érodent les moyens d'existence
des ménages.
Le nouvel afflux illustre le fait que des retours volontaires
massifs sont improbables dans le court terme. Lors du dernier afflux, une
approche de « villagisation » a été adoptée pour
intégrer les réfugiés au sein des populations
d'accueil86.
Figure 1 : Les réfugiés
centrafricains à Amboko
86Mission d'évaluation conjointe HCR/PAM de la
situation des réfugiés centrafricains au Tchad
55
Source : CNAR, Mars 2019
B- L'amélioration des conditions de vie des
réfugiés grâce à l'action des ONG internationales
à Goré
En 2015, le HCR et le PAM ont commencé à
développer un Programme conjoint pour l'autosuffisance des
réfugiés et des populations hôtes du Tchad dont l'objectif
est de réduire progressivement la dépendance des
réfugiés vis-à-vis de l'assistance humanitaire et de
renforcer proportionnellement les moyens d'existence dans une optique
d'autonomisation. L'approche proposée consiste à optimiser
l'utilisation des ressources à travers une assistance multisectorielle
ciblée fournie selon les besoins spécifiques de chaque
ménage d'une part et, d'autre part, un investissement dans les moyens
d'existence de sorte à favoriser l'auto prise en charge. A ce jour, le
plan de mise en oeuvre du programme est élaboré par le concours
des ONG internationales et les différents objectifs, bien qu'ils ne
soient pas atteints sont en cours d'exécution. On constate donc que des
liens entre les activités de renforcement des moyens d'existence et
d'assistance alimentaire sont établis et que les deux programmes
fonctionnent souvent en collaboration. Le programme conjoint pour
l'autosuffisance des réfugiés et des populations hôtes du
Tchad, 2015-2020 est péniblement en marche. Malgré cela, une
nouvelle stratégie nationale de promotion des moyens d'existence
durables 2015-2020 pour les réfugiés a été
récemment adoptée par le HCR. Pour la mise en oeuvre, le HCR et
ses partenaires à savoir les ONG internationales ont fait un effort pour
réaménager son budget interne afin d'accorder une part plus
importante aux activités d'autosuffisance. L'assistance alimentaire
continue du PAM est tout aussi cruciale car il a permis aux ménages de
maintenir ou renforcer leurs activités de subsistance. D'où la
pertinence toujours d'actualité du programme conjoint, surtout que le
PAM envisage des coupures imminentes de l'assistance alimentaire. Ici, il
convient de noter que certains réfugiés sont restés
toujours dépendants au moins en partie de l'assistance alimentaire,
étant donné l'environnement où ils vivent et les
activités de subsistance que leur permet leur statut ou leur
condition.
En partenariat avec les deux agences, les ONG ont
développé et utilisent plusieurs outils pour collecter des
données sur l'évaluation des besoins, le suivi et
l'évaluation dans le domaine de la sécurité alimentaire et
nutritionnel. Les réfugiés Centrafricains sont à
Goré depuis le début de la crise. Leur retour dans leur pays
d'origine n'est pas motivé par le fait de l'instabilité. Ils
reçoivent une assistance du Gouvernement appuyé par la
communauté humanitaire. Dans les différents secteurs les
avancées ont été notées, mais pour le moment il
n'existe pas des solutions durables pour la majorité
des réfugiés. Au niveau de renforcement de moyens de subsistance.
Dans les camps de Goré, le programme d'assistance des refugies et
population hôte dans le cadre des programmes de production agricole et
petit élevage a permis d'améliorer la situation
socio-économique des bénéficiaires. La situation de la
sécurité alimentaire des réfugiés est restée
quasiment stable à Goré. Par ailleurs l'afflux des nouveaux
réfugiés et des retournés Tchadiens venant de Centrafrique
a négativement influencé les disponibilités et
l'accès aux produits alimentaires dans les régions hôtes du
Sud. Faute des ressources les actions d'accompagnement de cette
catégorisation n'ont pas pu être mises en place. Ainsi un
programme conjoint pour renforcer les moyens de subsistance et les
opportunités des revenus a été élaboré.
Néanmoins, la situation de la malnutrition aigüe globale est
élevée dans la communauté hôte comparée aux
camps des réfugiés87.
56
87ibid
CHAPITRE II : L'OPERATIONNALISATION DES ONG
INTERNATIONALES DANS LES CAMPS DE REFUGIES DE
GORE
57
L'opérationnalisation des ONG internationales à
Goré est encadrée par un arsenal d'instruments juridiques et
mécanismes institutionnels, mais au-delà de ces mécanismes
et instruments il y'a le problème d'opérationnalisation qui
consiste à se déployer sur le terrain notamment dans les
différents camps de Goré afin d'assister au mieux les
réfugiés. Pour ce faire, cette phase suit un certain nombre de
stratégies bien spécifiques aux ONG (Section I)
ensuite il y'a l'effectivité qui consiste mettre en oeuvre les projets
à travers des réalisations tant visibles qu'appréciables
(Section II).
SECTION I : LE CADRE OPERATIONNEL
L'espace humanitaire doit être un espace de
liberté d'action. Cela ne doit pas être pour autant un espace de
désordre, sans coordination, responsabilité ou exigence de rendre
compte. Faire cohabiter ces différentes exigences est un enjeu
fondamental. Il se construit autour de trois grands axes à savoir : la
coordination (entre les agences ainsi qu'avec les autorités tchadiennes
pour la prise en compte de politiques nationales, etc.),la mise à
disposition des ressources et enfin la mise en oeuvre de la
responsabilité de chacun à rendre compte.
Entre « se coordonner avec » et « être
coordonné par », il y a la nuance entre indépendance et
subordination. Cette question, toujours sensible, a été rendue
plus complexe encore du fait de difficultés de coordination entre trois
grosses composantes : la composante Organes onusiens, celle autour des ONG et
celle du gouvernement. Les liens entre coordination opérationnelle,
coordination budgétaire et allocation des fonds occupent une place
centrale dans les débats sur l'indépendance des acteurs
humanitaires. Les expériences de Pool Funds laissent de nombreuses ONG
sur la défensive car ces mécanismes d'attribution des fonds
contrôlés par l'ONU induisent une perte d'indépendance des
ONG, les transformant en simples prestataires de service. Ce sujet de
préoccupation existe depuis longtemps parmi les ONG qui sont en forte
dépendance de financements du HCR, de l'UNICEF ou du PAM et qui voient
avec inquiétude les bailleurs de fonds transférer de plus en plus
de ressources aux mécanismes onusiens de type Trust Fund tout en
limitant les financements directs vers les ONG.
Paragraphe I- La mise en oeuvre de l'action des ONG
internationales à Goré
L'opérationnalisation de l'action des ONG est un
mécanisme suivant plusieurs canevas et nécessitant une certaine
exigence allant de l'état des lieux qui est une étude
préalable pour
58
s'enquérir de la situation avant tout
interventionnisme. Après l'étude des lieux, les acteurs
humanitaires, en l'occurrence les ONG internationales comme dans notre cas
précis procèdent à un déploiement ou encore une
opérationnalisation. Cette phase nécessite la coordination des
activités et la mise en place des partenariats avec différents
autres acteurs humanitaires (Organes onusiens, le gouvernement ou dans la
moindre mesure les ONG nationales) (A). L'étape
préénoncée est suivie par l'observation des
stratégies spécifiques pour l'effectivité des actions
à entreprendre (B).
A- Les partenariats entre les ONG internationales et les
organes des Nations Unies Collaboration et mise en oeuvre
La présence de l'ONU au Tchad est structurée
autour du Représentant Coordinateur (RC) et Représentant
Résident du PNUD, qui assume aussi la fonction de Coordinateur
Humanitaire (HC). Présentes au Tchad pour des programmes de
développement, les Nations Unies ont vu leur rôle se diversifier
avec la crise des réfugiés du Soudan à l'Est et de la RCA
au Sud (HCR, PAM) ainsi que celle des déplacés dans l'Est (HCR,
PAM, UNFPA, UNICEF, FAO, avec OCHA pour la coordination). La coordination reste
assez compliquée en raison d'une multiplication des instances,
réunions et mécanismes, ceci notamment suite à la mise en
place, dans le cadre de la Réforme Humanitaire des Nations Unies, du
système des Clusters. La famille des « ONG internationales »
comprend aussi bien des acteurs dotés d'une présence ancienne,
liés aux églises ou à des projets de développement,
que des nouveaux arrivés, les ONG humanitaires. A l'exception de
quelques grosses structures, les équipes des ONG sont souvent
relativement jeunes et parfois peu expérimentées pour le niveau
de complexité des tâches qui leur sont confiées. Les ONG
humanitaires sont souvent très dépendantes des financements des
Nations Unies et des grands bailleurs humanitaires classiques (ECHO, OFDA,
DFID). Face aux défis des dernières années, la majeure
partie des ONG humanitaires au Tchad se sont regroupées au sein d'une
instance de coordination, le Comité de Coordination des ONG (CCO), afin
de pouvoir mieux définir des positions communes face aux
autorités tchadiennes, aux Nations Unies. Les choses se sont
modifiées quand les ONG ont commencé à se déployer
dans la zone d'intervention.
La portée et les objectifs de la collaboration entre
les ONG internationales et les organes des Nations Unies sont décrits
dans la lettre d'entente de janvier 2011 ;
59
Au Tchad, la collaboration opérationnelle entre ces
acteurs est basée sur des mécanismes de coordination au niveau
central et des sous-délégations/bureaux. Des partenariats de mise
en oeuvre et opérationnels existent avec les organisations humanitaires
internationales, nationales et gouvernementales qui sont présentes dans
les camps et qui interviennent dans les différents domaines
(santé, nutrition, eau, assainissement et hygiène, protection,
services communautaires, etc.) Par ailleurs, il existe peu de contacts avec les
acteurs du développement (comme le FAO, le PNUD ou le secteur
privé par exemple), qui sont souvent absents des zones où les
réfugiés se trouvent, et où les structures
étatiques d'aide au développement n'ont elles-mêmes que
très peu de moyens.
B- Le partenariat entre les ONG internationales, l'Etat
tchadien
Pour ce qui du partenariat entre les ONG internationales et le
gouvernement tchadien, il faut noter que le gouvernement fonctionne en termes
de Plan de Réponse. Ce Plan de Réponse pour les
Réfugiés contribue à la mise en oeuvre du pacte mondial en
articulant des réponses multi-acteurs au profit des
réfugiés et des communautés d'accueil, tels que
définis par le gouvernement et ses partenaires. Dans l'application d'un
cadre global de réponse pour les réfugiés, en tant
qu'approche globale et inclusive de la société, un large
éventail de parties prenantes collaborera avec le Tchad pour l'aider
à faire face à l'impact de l'accueil des réfugiés
sur ses communautés hôtes, à renforcer la résilience
et à s'engager dans des programmes de développement au niveau
national et provincial. Dans ce contexte, le gouvernement du Tchad sera soutenu
par les agences des Nations Unies, la Banque mondiale à travers l'IDA,
l'Union européenne et d'autres donateurs importants, les acteurs du
développement, les organisations gouvernementales et
non-gouvernementales (ONG), les acteurs de la société civile, les
donateurs traditionnels et le secteur privé.
Lors de la table ronde des donateurs qui s'est tenue à
Paris en septembre 2017, le gouvernement, appuyé par les agences du
Système des Nations-Unies, a réussi à recueillir en
promesses environ 20 milliards de dollars. Le présent plan de
réponse aux réfugiés du Tchad (CRRP) s'aligne sur le PND
qui garantit l'inclusion progressive des réfugiés dans les
structures de développement nationales. À cette fin, les
partenaires humanitaires à savoir les ONG internationales collaboreront
étroitement avec les ministères et les institutions
gouvernementales, en particulier avec le ministère en charge de
l'Administration (y compris la CNARR et la DAPEC); le ministère en
charge de la Planification, le ministère en charge de la
60
Santé, le ministère en charge de
l'Éducation, le ministère en charge de la Formation
Professionnelle, le ministère en charge de l'Agriculture, le
ministère en charge de la Justice et des Droits de l'homme et le
ministère en charge de la Femme. Le Plan Cadre des Nations Unies
d'Assistance au Développement (UNDAF Tchad 2017-2021) et le Plan de
Réponse Humanitaire (HRP), dans lequel s'intègre ce Plan de
Réponse pour les Réfugiés. Comprennent plusieurs points
dont l'encadrement des réfugiés, la gouvernance, la paix et la
sécurité. Ce point est crucial car il comprend aussi la
protection de l'enfance, le système de protection sociale, la
préparation aux situations d'urgence, les interventions en cas de crise
et de catastrophes ainsi que le relèvement rapide.
La synergie entre les agences humanitaires se poursuivra en
2019-2020 pour répondre aux besoins des réfugiés (les
nouveaux arrivés comme les personnes en situation de déplacement
prolongé) à travers des actions en faveur de la protection,
l'assistance, la résilience et la recherche de solutions durables. Les
réponses aux situations prolongées sont basées sur un
ciblage plus différencié et des initiatives
complémentaires visant à améliorer la
sécurité alimentaire, la nutrition et la résilience des
réfugiés et de leurs communautés d'accueil. Un certain
nombre d'ONG internationales (ACF, ACS, ADRA, AIRD, Care Worldwide, COOPI, CRS,
HIAS, IRC, LWF, OXFAM, RET, WCDO, World Vision, World Concern) et nationales
(ADES, APLFT, CRT, SECADEV) ont confirmé leur engagement à
soutenir l'intégration socio-économique des
réfugiés, des rapatriés et des personnes
déplacées au Tchad. À cette fin, des partenariats sont
établis avec des acteurs clés du secteur privé et des
entreprises technologiques de premier plan. De ces partenariats peuvent
émerger des modèles pour donner aux réfugiés les
moyens de mettre en oeuvre des activités d'apprentissage et de
subsistance au sein des communautés. La Commission Nationale
d'Assistance aux Réfugiés (CNAR), dont tous les acteurs
soulignent l'engagement, a été en charge d'une triple fonction :
gérer les processus d'enregistrement des réfugiés
bonafide en appui au HCR (CNAR Civile), la sécurité des
camps (CNAR Gendarmerie) et enfin la mise en place, dans certaines zones, des
mécanismes de médiation entre réfugiés et
populations hôtes.
Paragraphe II : L'implantation des actions des ONG
internationales à travers des
stratégies spécifiques
Contrairement aux autres instances ou structures, les ONG
internationales fonctionnent à travers des stratégies
spécifiques qui sont entre autres les programmes et les projets (A)
d'une part et les plans de réponse (B) d'autre part.
61
A- Les programmes et projets des ONG
Un programme est un outil de planification visant à
financer les projets jugés pertinents pour atteindre les objectifs
spécifiques bien précis qu'on s'est fixé. Il s'agit de
fonds pouvant être publics ou privés visant à aider des
projets à but non lucratifs et dans certains cas des projets d'affaire
à prendre de l'envol à travers des subventions, contributions et
aides financières. Le programme s'appuie par conséquent sur les
objectifs généraux et spécifiques bien précis, une
combinaison d'instruments notamment les actes juridiques, les engagements
institutionnels, politiques et des financements bien précis. Le
financement dans un programme, est un outil important qui complète les
mesures législatives. Un programme a pour but de mieux répondre
aux besoins de la planification stratégique et de la gestion axée
sur les résultats (GAR), d'atteindre les objectifs spécifiques
qu'on s'est fixé en mobilisant plusieurs parties prenantes, de renforcer
le partenariat avec les parties prenantes. Il permet aussi de prendre en compte
l'environnement politique, social, économique en constante
évolution et d'optimiser le rendement d'un système. Il assure,
par un processus rigoureux, l'élaboration et la mise en oeuvre de
projets pertinents, cohérents et applicables ; en permettant une
responsabilisation accrue des institutions publiques et organisations
privées dans la gestion des projets.
Un programme normalement finance donc les projets qui
correspondent ou s'inscrivent dans les actions prévues dans son plan
d'action. Ainsi un bon programme de subvention est la résultante d'une
approche globale permettant de finaliser les actions prioritaires d'une
planification stratégique bien précise. Il est défini par
compétence. La compétence étant un pouvoir d'agir, de
réussir et de progresser qui permet de réaliser
adéquatement des tâches ou des activités et qui
résulte d'un ensemble intégré de connaissances,
d'habiletés, d'attitudes et de comportements. Le programme sert
justement à changer une situation de départ et exige pour cela
l'acquisition de compétences. A travers les actions qu'il va
réaliser via le financement des projets, il permet d'acquérir des
compétences fonctionnelles ou opérationnelles. Il permet aussi
d'exercer un changement dans le milieu d'intervention. Cela pourra se traduire
aussi par le transfert d'apprentissage et l'adaptation à des situations
nouvelles. Un programme répond à des objectifs spécifiques
sur des thèmes ou des domaines politiques précis.
Quant à un projet, il peut être défini
comme une « entreprise» complexe, unique et ayant une durée
déterminée, orientée à l'atteinte d'un objectif
préfixé grâce à un processus continu de
planification, exécution, contrôle des différentes
ressources et avec des facteurs interdépendants
62
de objectifs-coûts-délais. Un projet est donc un
système dynamique à maintenir en équilibre car chaque
changement le déséquilibre. A l'origine d'un projet, se trouve
une situation problème qui se définit comme la
différence entre une situation initiale et une situation finale,
lorsqu'il n'y a pas de méthode préétablie pour atteindre
la situation finale. Le projet doit venir résoudre partiellement ou
totalement le problème identifié. Pour cela, le projet se doit de
proposer une solution valide qui ne peut être à un problème
suite à une analyse de la situation qui a été correctement
menée. L'analyse consiste à rassembler les données utiles
pour dresser un état des lieux de la situation pour rédiger
l'énoncé du problème. Elle débouche sur
l'identification de problèmes ou besoins qui ont les
caractéristiques suivantes : Un besoin est de nature matérielle
ou immatérielle. Un besoin doit être effectif, consistant,
palpable, il doit être futur doit être un besoin actuel et non pas
futur, il doit être caractérisé, précisé,
clairement identifié.
Partant de ces éclairages, les ONG, dans le souci d'une
efficience opérationnelle, mènent leurs actions par le biais des
programmes qui sont des structures regroupant plusieurs projets pouvant
être connexes ou distincts. Un projet suit un état de lieu ou un
diagnostic, une planification ensuite la matérialisation. Pour ce qui
est du programme, l'on peut citer les organes des Nations Unies à savoir
le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), le
Programme Alimentaire Mondial (PAM). Ceux-ci font généralement
des appels à projet et des ONG élaborent des projets afin de
gagner cet appel. Au-delà des appels, il y'a des relations de
coordination, de partenariat, des consortiums entre les ONG eux-mêmes ou
entre les Programmes, les Organes onusiens et les ONG. Outre cette
stratégie de fonctionnement des ONG, il y'a aussi les plans de
réponse.
B- Les plans de réponse
Dans le même élan du partenariat entre l'Etat et
les autres acteurs humanitaires, le plan de réponse s'inscrit dans le
cadre de la mise en oeuvre du Cadre d'Action Global pour les
Réfugiés (CRRF)88. Le Plan de Réponse pour les
Réfugiés est axé sur le renforcement des liens entre les
autorités tchadiennes, les acteurs humanitaires et de
développement afin d'améliorer
88L'assemblée générale des
Nations unies, Déclaration de New York pour les
réfugiés et les migrants, résolution adoptée par
l'Assemblée générale le 19 septembre 2016,
A/RES/71/1, 3 octobre 2016. Le Cadre d'action global pour les
réfugiés (« Comprehensive Refugee Response Framework »,
ou « CRRF » en anglais), l'une des deux annexes de la
Déclaration de New York pour les réfugiés et migrants,
trace les contours d'une réponse globale aux mouvements de
réfugiés à grande échelle, en s'appuyant sur une
démarche collective impliquant un éventail d'acteurs et
d'approches. Son objectif est « d'alléger les pressions
exercées sur les pays d'accueil concernés, d'accroître
l'autonomie des réfugiés, d'élargir l'accès
à des solutions faisant appel à des pays tiers et d'aider
à créer dans les pays d'origine les conditions nécessaires
au retour des réfugiés dans la sécurité et la
dignité
63
l'environnement de protection des réfugiés et
soutenir tant les réfugiés que les communautés
hôtes. Cela sous-entend un plaidoyer conjoint à l'endroit du
Gouvernement pour l'adoption d'une loi nationale d'asile garantissant les
droits socio-économiques des réfugiés au Tchad. Ceci entre
dans la logique des recommandations du forum national sur l'inclusion durable
et socio-économique des réfugiés de 201789. Par
ailleurs, des initiatives ciblées visant à renforcer
l'autosuffisance et la résilience seront essentielles dans les zones
d'accueil de réfugiés, ciblant à la fois et les
réfugiés et les communautés hôtes. Les partenaires
tels que la Banque mondiale et l'Union européenne seront
étroitement associés à la réponse aux
réfugiés dans la logique de leurs programmes respectifs pour les
zones d'accueil de réfugiés. L'inclusion des
réfugiés dans les programmes locaux et nationaux sont
prioritaires dans le cadre de la mise en oeuvre du CRRF afin que les
réfugiés bénéficient des services sociaux
existants. Ceci entre dans la logique des engagements pris par le Gouvernement
dans sa Lettre de Politique de Développement (annexée à la
demande de financement du Tchad adressée au Groupe de la Banque
Mondiale) ainsi que des recommandations issues du Forum sur l'inclusion
socio-économique durable des réfugiés organisés en
juillet 2017. Pour ce qui est du plan de réponse 2019-2020, il est
prévu :l'augmentation et le renforcement de la participation des acteurs
du développement du secteur privé et d'autres partenaires non
traditionnels à la réponse aux problèmes des
réfugiés :
1- L'engagement et l'accord des acteurs humanitaires et de
développement sur un ensemble de priorités communes visant
à renforcer le développement et le bien-être de la
communauté dans les zones d'accueil des réfugiés et
à améliorer la prestation de services aux réfugiés
et aux communautés d'accueil ;
2- La promotion de l'autonomie des réfugiés
dans le cadre d'une approche basée sur le développement
communautaire.
3- D'évaluer la situation et la capacité du
Gouvernement et des autres parties prenantes à fournir des services dans
les zones d'accueil afin de déterminer les besoins à couvrir ;
89Le ministère de l'administration du
territoire et de la gouvernance locale avec l'appui du HCR a organisé un
forum national sur l'intégration socio-économique et durable des
réfugiés au Tchad du 25 au 27 juillet 2017.Ce forum porte sur
l'échange des principaux acteurs sur des mesures qui pourraient
faciliter l'inclusion et réunit tous les représentants des
agences du système des Nations Unies et partenaires, refugiés,
les bailleurs et le gouvernement tchadien
4-
64
D'adopter, de manière consensuelle, une feuille de
route indiquant les actions à entreprendre et les responsabilités
clairement définies de chaque acteur afin d'atteindre un niveau optimal
de services dans les zones d'accueil ;
5- De mettre en place un mécanisme de suivi de la mise
en oeuvre des activités prévues dans le plan d'action CRRF avec
la participation des parties prenantes ;
6- De faire un suivi régulier de la mise en oeuvre des
actions convenues de manière consensuelle afin d'adapter la feuille de
route aux progrès accomplis.
Grace à ces stratégies, les ONG internationales
et leurs partenaires mènent leurs activités tout en respectant
leur cahier de charge. De ce fait, il est important de voir quelles sont
effectivement les réalisations des ONG dans les camps de Goré.
SECTION II : L'EFFECTIVITE DES ONG INTERNATIONALES DANS
LES CAMPS DE REFUGIES DE GORE
L'effectivité des ONG consiste à constater
toutes les réalisations des ONG dans les camps. Ces réalisations
vont des secteurs prioritaires aux besoins secondaires.
Paragraphe I : Les réalisations dans les secteurs
prioritaires A- La satisfaction des besoins vitaux
1- Éducation
Après une longue période de grève au
Tchad, les cours ont repris sur l'ensemble du Territoire. Dans les camps de
Goré, les réfugiés n'ont pas été
touchés par la grève, car les écoles situées dans
les camps ont continué à fonctionner. Au niveau national, des
mesures importantes ont été prises pour intégrer les
réfugiés dans le système éducatif national. Ainsi,
75 écoles primaires et 21 écoles secondaires situées dans
des camps de réfugiés ont été officialisées
par le ministère de l'Éducation. Dans le Sud, des milliers de
réfugiés nouvellement arrivés de République
centrafricaine ont été et continuent d'être
intégrés dans des écoles locales et des camps. Pour ce qui
est des chiffres, avec le concours des ONG comme ACRA, le Secours Islamique
France (SIF) et RET International. 16.712 enfants réfugiés sont
scolarisés. Il y'a eu 24 TLS et 3 salles de classes construites. 6880
élèves du primaire ont bénéficié des cours
d'été.
2- Eau, hygiène et assainissement
Le système d'approvisionnement en eau potable dans les
camps de réfugiés de Goré se fait avec du nouveau
matériel grâce à l'aide apportée par ADES, du SIF,
de la FICR,
65
d'OXFAM et de l'International Developpement Organisation (IDO)
et aussi avec les efforts fournis par le HCR et ses partenaires. Actuellement,
le taux d'approvisionnement est de 47 litres par personnes par jour. La
couverture des latrines familiales est de 71% à 58. Quant aux
réalisations, 977 latrines communautaires construites. 45 forages
réalisés et 22 autres réhabilités. 45 kits
d'assainissement fournis.
3- Moyens de subsistance
Selon le rapport d'évaluation de BEDRAT mené au
début de 2018, la production de sorgho (récolte) est
passée de 500 kg /ha à 900 kg /ha à Goré. 5019
personnes ont reçu une assistance en activités de subsistance.
Les réfugiés ont bénéficié des formations
professionnelles, l'on compte un total de 466 bénéficiaires.
Quant aux plants mis en terre ils sont au nombre 600 et 1199 hectares de terres
agricoles négociées pour les nouveaux réfugiés. Ce
secteur est géré par l'ADES et de CARE.
4- Protection
La protection est l'un des points cruciaux dans les camps de
réfugiés de Goré, car ils sont exposés aux
pillages, vols, agressions et des exactions de toute nature. Dans le souci de
leur garantir un certain standard de confort sécuritaire, les ONG
internationales, à savoir l'Association de la Coopération Rurale
en Afrique et en Amérique latine (ACRA), l'Agence de
Développement Economique et Social (ADES), la Fédération
Internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du
Croissant-Rouge (FICR)s'activent dans le domaine avec la collaboration de
l'OIM. Ainsi, pour mieux assurer cette protection il a été
effectué un enregistrement. 22010 réfugiés ont
été enregistrés et 513 cas de violence sexuelle
assistés. 728 incidents de protection enregistrés. 410
assistances juridiques offertes. 1668 enfants à risque, 19260 actes de
naissance délivrés aux enfants. 2600 enfants
bénéficiaires de la cantine scolaire. Et enfin 48 dossiers BID
conduits.
5- Santé et nutrition
La prévalence de malnutrition aigüe est
globalement en dessous du seuil d'alerte de 10% aussi dans les camps de
Goré (6,8%) mais cette tendance est baissière. Cette diminution
s'explique par les efforts multisectoriels des différents intervenants
dans les camps. Cependant ces efforts doivent être maintenus dans les
camps avec une prévalence acceptable. La
66
prévalence de malnutrition chronique globale,
malgré le fait qu'elle diminue, reste critique dans la
quasi-totalité des camps (la prévalence étant partout
supérieure à 40%). La prévalence globale de
l'anémie chez les enfants de 6 à 59 mois est élevée
(65%) et interpelle sur la poursuite des activités de diversification
alimentaire et de fortification. Les ONG comme l'ADES, CARE International, The
Johns Hopkins University (Jhpiego), Mentor Initiative (MI), Médecin Sans
Frontière France (MSF-F) conscients de la situation, ont construit 1
centre de santé et en ont réhabilité 3. Puis 9027 enfants
pris en charge dans les programmes de soins et prévention de la
malnutrition.
6- Sécurité alimentaire
La dégradation de la situation de
sécurité alimentaire des ménages réfugiés,
est liée au mauvais déroulement de la campagne agricole. La
situation de la sécurité alimentaire des réfugiés
s'est beaucoup détériorée. Les discussions avec les
réfugiés, la réduction des quantités de la ration a
entrainé une diminution de la fréquence des repas. Ainsi, pour
améliorer cette situation, les ONG à l'instar de l'ADES, et de
Cooperative for American Remittance to Europe (CARE International) en
collaboration avec le PAM et le FAO ont porté assistance à 10550
ménages sur les 42010 que comptent les camps de Goré.
7- Abris
Les ménages vulnérables ont
bénéficié chacune de 350 dollars américains pour la
construction de leurs abris. Au delà de cette somme, 5464 abris
d'urgence ont été construits avant que 1339 abris ne viennent
compléter. Ensuite 116941 articles ménagers essentiels ne
puissent être distribués par ADES, la Fédération
Luthérienne Mondiale (FLM), la FICR, l'Oxford, Committee for Famine
Relief (OXFAM).
B- L'assistance dans le secteur de développement et
de l'environnement
Le Tchad présente déjà une situation
précaire au niveau environnemental. L'exploitation des ressources
naturelles a exacerbé par le durcissement des conditions climatiques,
qui ont dû accueillir une charge démographique
supplémentaire. Les réfugiés en situation de survie n'ont
eu d'autres alternatives que de puiser abondamment dans la nature les
ressources nécessaires à leur subsistance. Ces mécanismes
amplifient considérablement la destruction de l'environnement et peuvent
agir comme facteurs déclencheurs de tensions sociales dans la mesure
où l'accès aux ressources hydriques, agricoles pastorales et
ligneuses
devient concurrentiel avec les populations hôtes. Ainsi
pour pouvoir préserver l'environnement et le protéger, des
activités ont été menées par les
réfugiés sous le pilotage des ONG internationales. Ces
activités vont de la sensibilisation sur les avantages de
préservation de l'environnement à la plantation des arbres dans
les camps. Les ONG chargées de ce pilotage sont assistées par le
FAO. Quant aux ONG en question, il s'agit de ADES et CARE.
67
Figure 2 : Réalisations sectorielles
des ONG internationales dans les camps de Goré
68
Source: UNHCR/2018 Juin, Réponse humanitaire.
69
Paragraphe II : Les stratégies d'adaptation et les
modalités de distribution A- Les stratégies
d'adaptation
Lors des discussions, les réfugiés ont
déclaré être contraints de réduire la
quantité et la fréquence des repas ou d'avoir recours à
des emprunts chez les commerçants ou chez les grossistes, bien que
d'habitude un grand esprit de solidarité caractérise la
communauté, quand les ménages n'ont pas assez à manger.
Les stratégies d'adaptation changent selon le groupe
socio-économique et le genre :
? Chez les pauvres les femmes s'endettent pour se procurer la
nourriture ou demandent aux voisins et aux parents de l'aide, tandis que les
hommes recherchent du travail ;
? Chez les moyens les femmes se consacrent à la vente
de bois ou de fourrage, tandis que les hommes vont à la recherche de
travail ou ont recours à l'endettement. Pendant la soudure les
stratégies les plus utilisées sont l'exploitation des ressources
naturelles (bois de chauffe, paille, collecte d'igname sauvage et de
karité, etc.) ainsi que la pratique du maraîchage et le travail
journalier. Les enfants sont également mis à contribution pour
augmenter les revenus, notamment comme travailleurs domestiques chez les
autochtones. Les mécanismes mis en place par les ménages moyens
pour couvrir les besoins alimentaires et non alimentaires en période de
soudure sont l'intensification de la main d'oeuvre et le crédit en
nature remboursable avec un taux d'intérêt élevé.
Les ménages ont déclaré réduire le nombre de repas
à un par jour. Au niveau des ménages pauvres ces
mécanismes vont de l'emprunt auprès des commerçants,
à l'artisanat et la vente des services chez les hommes tandis que chez
les femmes les travaux journaliers agricoles et non agricoles, la recherche de
bois pour la vente, la vente de légumes sauvages (roquette) sont les
stratégies les plus usitées. Par ailleurs, les ménages
dirigés par les femmes sont plus vulnérables, faisant plus
recours aux stratégies de survie par rapport à ceux
dirigés par les hommes. Les stratégies qui concernent la
sphère alimentaire sont mesurées avec l'indice des
stratégies de survie simplifié (Coping Strategy Index -CSI), qui
apprécie la fréquence de cinq comportements du ménage : la
consommation d'aliments moins préférés car moins chers,
l'emprunt de la nourriture, la diminution des portions, la réduction de
la consommation au profit des enfants et la réduction du nombre de repas
par jours. Plus le score est élevé plus les ménages font
recours à ces stratégies d'adaptation. Au niveau de la population
hôte, les ménages en insécurité alimentaire ont vu
leur consommation alimentaire se détériorer malgré le
recours aux stratégies d'adaptation, qui ont des effets négatifs
sur leurs moyens d'existence à court, moyen et long terme.. La soudure
agricole a été plus longue que d'habitude
en raison de l'arrivée tardive des pluies et cela a
poussé les ménages à recourir à ces
stratégies même en début des récoltes. En effet, 37%
ont, au moins une fois, limité la portion des repas, indiquant un
accès limité de tous les membres à une nourriture
suffisante. Les ménages qui n'avaient pas encore récolté
ont dû réduire le nombre de repas et emprunter la nourriture.
L'adoption de stratégies de survie qui peuvent entraver sur le long
terme la capacité des ménages à accéder à
une alimentation adéquate est très courante dans les zones
fortement déficitaires. Il s'agit en particulier de la vente de
femelles, de la vente d'animaux plus que d'habitude et de la réduction
des dépenses de santé.
Tableau 2 : Revenu moyen en FCFA
générés au cours 10 derniers mois pour les ménages
par activité principale
Rang de l'activité
|
Source de revenus
|
Revenus moyen
|
1
|
Vente d'animaux
|
201.500
|
2
|
Vente de produits de pêche
|
82.500
|
3
|
Vente produits agricoles autoproduits
|
60.507
|
4
|
Salaire/pension
|
59.333
|
5
|
Commerce de produits alimentaires ou animaux
|
42.398
|
6
|
Vente produits maraichers
|
36.609
|
7
|
Petits commerces de produits non alimentaires
|
33.456
|
8
|
Travail journalier
|
32.456
|
9
|
Artisanat/petits métiers
|
29.520
|
10
|
Transport
|
17.318
|
11
|
Aide/don ou Transfert
|
14.260
|
12
|
Autres
|
12.196
|
70
Source : HCR décembre 2018
71
B- Les modalités de distribution
En 2015, le HCR a complété un processus de
vérification d'enregistrement des réfugiés, incluant les
données biométriques aux données déjà
disponibles. En effet, l'enregistrement biométrique a mené
à une réduction moyenne de 18% du nombre de
réfugiés dans le pays, en passant à presque 42000. Ceci
est fait dans le cadre d'un programme conjoint pilote sur cinq ans,
lancé en 2014, qui vise à promouvoir l'autonomisation progressive
des réfugiés de longue durée. Ainsi un programme conjoint
pour renforcer les moyens de subsistance et les opportunités des revenus
a été élaboré. Une étude
socio-économique de base a été conçue pour
élaborer les critères des niveaux des richesses, identifier les
proportions de chaque catégorie socioéconomique par camp,
définir un modèle statistique pour les groupes de richesse
(Très Pauvres, Pauvres, Moyens et Nantis), établir les
indicateurs de base pour le ciblage et décrire la situation
socio-économique de base pour mieux comprendre les causes et ainsi
définir les opportunités d'intervention dans les camps et leurs
alentours. Cette étude comporte deux grandes parties : un volet
qualitatif et un volet quantitatif. Le volet qualitatif a été
conçu au même titre que le «Wealth Ranking» du HEA
(Household Economy Approach) pour permettre aussi de mieux connaitre la
situation socio-économique incluant les défis et
opportunités, dans les camps et autour des camps. Tous les indicateurs
des niveaux de richesse définis pendant l'enquête participative de
définition de niveaux de richesse sont obligatoirement inclus dans le
questionnaire utilisé pour l'enquête ménage pendant le
volet quantitatif. L'enquête de catégorisation des ménages
est un recensement exhaustif et quantitatif qui est mené au niveau de
tous les ménages dans le camp. Un questionnaire simple est
utilisé et porte sur les déterminants de richesse, et qui sont
modélisés et pondérés avec les données
collectées pendant l'enquête multisectorielle approfondie. A la
fin de l'exercice, les données sont analysées selon le
modèle statistique, cette étape aboutit à la
première liste de catégories selon le niveau de richesse
(Très Pauvres, Pauvres, Moyens et Nantis). Il est toutefois important de
souligner que les déterminants de richesse varient d'un camp à un
autre et doivent ainsi être considérés pour cas
spécifique. Les camps sont localisés dans des zones avec une
meilleure sécurité alimentaire, plus d'opportunités
d'exploitation agricole et des AGR.
CONCLUSION PARTIELLE
Le Tchad est devenu depuis quelques années une terre
d'accueil des réfugiés. L'accueil des réfugiés
centrafricains dans le sud du pays notamment dans les camps de
réfugiés de Goré
72
en est une parfaite illustration. Cette situation
nécessite des moyens importants pour un pays comme le Tchad qui sur le
plan interne, économiquement est au bord de l'asphyxie. De ce fait,
étant une obligation mondiale et un principe universel, l'assistance aux
réfugiés s'impose d'où la nécessité de
soutenir le Tchad dans ce processus. Les camps de réfugiés de
Goré font ainsi désormais l'objet d'une avalanche des ONG
internationales. Avant d'étudier les actions de ces ONG à
Goré il a été question d'étudier les divers
fondements des ONG car selon le dicton populaire, « pour savoir
où tu vas, il faut savoir d'où tu viens ». Ces
fondements vont de l'histoire à la sociologie. Après avoir
élucidé la question des fondements, l'on a procédé
à un état des lieux des camps de Goré car avant toute
étude qui se veut efficiente, il est important de s'enquérir de
la situation au préalable. Une fois l'état des lieux
effectué, nous avons procédé à l'étude de
l'opérationnalisation qui est une phase qui se déroule selon des
stratégies bien définies à savoir des programmes et
projets d'un coté et les plans de réponse de l'autre.
Cependant, ces stratégies aboutissent à des
actions concrètes sur le terrain qui nécessitent une étude
diligente. Cette étude a mis en évidence les réalisations
des ONG dans les camps de Goré, qui témoigne de la
nécessité d'assistance de ces populations vulnérables qui,
l'on le rappelle est un principe universel.
DEUXIEME PARTIE
IMPACTS DE L'ACTION DES ONG INTERNATIONALES DANS LES
CAMPS DE REFUGIES DE GORE
73
74
S'il est vrai que la présence des
réfugiés sur un territoire, lorsqu'elle n'est pas bien
organisée ou lorsqu'elle n'a pas fait l'objet d'une planification
stratégique au préalable, peut constituer un facteur important de
risque pour le pays d'accueil, elle ne constitue pas pour autant un fardeau. Au
contraire, elle peut, à plusieurs égards, positivement impacter
des leviers importants du processus du développement
socio-économique et politique du pays hôte et ceci ne peut se
faire diligemment que par le concours des ONG. C'est le sens de l'affirmation
du Haut-commissariat des Nations Unies selon laquelle «L'impact
économique des réfugiés sur les pays hôtes n'est
toutefois pas nécessairement négatif. La présence des
réfugiés peut stimuler l'économie et conduire à
l'ouverture et au développement de régions d'accueil
»90.Pour le cas du Tchad, les résultats des
recherches et des observations effectuées dans le cadre la
présente étude confirment que l'accueil des
réfugiés dans les camps de Goré avec la présence
massive des ONG internationales constitue un atout important pour le Tchad sur
plusieurs plans mais avant d'évoquer l'impact de ces actions pour le
Tchad, il serait judicieux d'aborder les impacts de ces actions dans le
quotidien des réfugiés eux-mêmes (Chapitre
III) , cependant, ces actions ne sont pas exempts de limites à
savoir des éventuelles difficultés qu'il serait rationnel
d'aborder et dans une moindre mesure suggérer des pistes
d'amélioration (Chapitre IV).
90UNHCR Standing Committee : « Impact social
et économique d'importantes populations réfugiées sur les
pays hôtes en développement », 1997. Source :
http://www.unhcr.org/fr/ le 27
février 2017
CHAPITRE III : L'IMPACT POSITIF DE L'ACTION DES
ONG INTERNATIONALES DANS LES CAMPS DE REFUGIES DE GORE
75
Le Tchad est un pays à faible revenu de l'Afrique
centrale91entouré par la Lybie au Nord, le Niger et la
Nigeria à l'Ouest, le Cameroun au Sud-ouest, la République
Centrafricaine (RCA) au sud et par le Soudan à l'est. Le
développement économique reste faible et les défis du pays
sont nombreux. Les pluies irrégulières, des sécheresses
cycliques, les invasions de criquets et des mauvaises pratiques agricoles
affectent négativement la production céréalière et
constituent les principales causes de l'insécurité alimentaire
chronique qui affecte le pays. En plus de l'insécurité
alimentaire, le Tchad est confronté à une malnutrition
endémique, un problème majeur à la fois de santé
publique et de développement qui affecte une forte proportion de la
population, particulièrement les enfants de moins de cinq ans, les
femmes enceintes et allaitantes. La malnutrition est la manifestation d'un
ensemble de déterminants multifactoriels: une insuffisance
d'accès à l'eau potable et à un assainissement et
hygiène adéquats, l'insécurité alimentaire,
l'accès difficile aux soins de santé et les pratiques
alimentaires inadéquates du nourrisson et du jeune enfant (ANJE).
Malgré cette situation économique délicate le Tchad fait
office de terre d'accueil des réfugiés notamment en provenance de
la RCA92. L'une des régions importantes qui accueille ces
réfugiés est la région de Goré.
Avec tous ces problèmes internes, le Tchad ne peut
à lui seul faire efficacement face à l'afflux des
réfugiés. Alors, avec l'appui des agences du système des
Nations Unies et les ONG internationales le Gouvernement du Tchad est
engagé dans l'assistance de ces derniers. Cependant, notre travail se
veut d'étudier l'impact des actions des ONG internationales sur la vie
des réfugiés (Section I) ensuite l'impact de ces
actions pour le Tchad dans son ensemble (Section II).
SECTION I : L'IMPACT DE L'ACTION DES ONG
INTERNATIONALES SUR LA VIE DES REFUGIES DE GORE
A ce jour, la situation politique et sécuritaire en RCA
demeure toujours assez précaire et personne ne peut véritablement
prédire quand un retour des réfugiés centrafricains
serait
91Pierre-George FERNAND, Raimi FASSASSI, «
Démographie et développement en Afrique : éléments
rétrospectifs et prospectifs », Québec, cahier
Québécquois de démographie, Volume 40, n°2,
automne 2011, p 33 92Propos rapportés par le Journal le Grand
Soir du 19 octobre 2016, dans un article intitulé : « Tradition
d'accueil des réfugiés : quand le Tchad donne une leçon
à l'Europe »
76
envisageable. Et même si le Tchad n'a pas encore
adopté le cadre légal national en faveur des
réfugiés, il se conforme à la plupart des dispositions de
la convention de Genève sur le statut du refugié93
tout en admettant le concours d'autres partenaires à savoir les ONG. De
ce fait, l'objectif de cette partie est d'évaluer l'efficacité
des interventions des ONG internationales dans les camps des
réfugiés de Goré. Plus spécifiquement il serait
question d'évaluer l'état de la sécurité
alimentaire et nutritionnelle, sanitaire, éducatif, et l'aspect
sécuritaire (Paragraphe I) et d'analyser les
activités de soutien aux moyens d'existence dans une perspective de
réduction progressive du besoin d'assistance (Paragraphe
II).
Paragraphe I : Etude de l'impact dans les domaines
prioritaires
Les initiatives menées au profit des
réfugiés varient en fonction des besoins, des capacités
d'action prenant en compte les ressources disponibles et même des
domaines ciblés. S'agissant de ces domaines, la priorité qui leur
est accordée varie, ne serait-ce qu'en partie, en fonction de l'analyse
situationnelle faite par chaque structure et des priorités qu'elle s'est
définie.
A- La protection
Le secteur de la protection est concentré sur les
objectifs qui sont fondés sur des mécanismes de surveillance de
la protection et un système adéquat de collecte et d'analyse de
données. Ce secteur est assuré par les ONG internationales
à savoir l'Association de la Coopération Rurale en Afrique et en
Amérique latine (ACRA), l'Agence de Développement Economique et
Social (ADES), la Fédération Internationale des
Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (FICR). Ces ONG
actionnent en partenariat avec les agences Onusiennes à savoir l'UNICEF
et l'Organisation Internationale pour les Migrants (OIM) et les ONG locales
telles que l'Association des pour la Promotion des Libertés
Fondamentales au Tchad (APLFT), le Secours Catholique Développement
(SECADEV), la Croix-Rouge du Tchad (CRT), l'Initiative Humanitaire pour le
Développement Local (IHDL).
Il est compartimenté en différentes étapes
qui sont :
Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des
réfugiés93
77
1- Protection communautaire
La section a renforcé les capacités des ONG
internationales en matière de protection et d'appui aux personnes
à besoins spécifiques. L'accès aux recours juridiques et
à l'assistance seront également renforcés grâce
à la mise en place de tribunaux itinérants et à des
visites dans les centres de détention. Les ateliers de renforcement des
capacités visent à la fois les autorités administratives,
les forces de défense et de sécurité, les
représentants des tribunaux ainsi que les réfugiés et
leurs communautés d'accueil afin de faciliter l'accès à la
justice et de lutter contre l'impunité.
2- Enregistrement et documentation
Une vérification régulière des
réfugiés est organisée depuis 2018 dans les
différents camps. Les mécanismes de délivrance des
documents d'état civil sont renforcés en soutenant les
autorités tchadiennes compétentes et en plaidant pour un
enregistrement systématique des enfants réfugiés
nouvellement nés. Le plaidoyer qui porte sur la liberté de
circulation de tous les réfugiés dans les camps de Goré
est suivi tend à être effectif. La libre circulation et
l'accès à la terre sont des droits essentiels pour faciliter
l'inclusion socio-économique et l'accès aux opportunités
économiques.
3- Prévention et réponse aux violences
sexuelle et sexiste (SGBV): Action contre les violences sexuelles et
sexistes
Le secteur a renforcé les capacités des
autorités à se déployer de manière concrète
dans certaines zones et encouragé la mise en place de mécanismes
à base communautaire pour prévenir et traiter les incidents de
SGBV. Cela nécessite :
- Un partenariat solide avec les réfugiés dans
une approche Âge, Genre et Diversité ;
- L'appui à la mise en place de structures
communautaires ;
- La formation et l'autonomisation de la communauté
pour organiser la sensibilisation sur la prévention et la réponse
à la violence sexuelle et sexo-spécifique ;
- Le renforcement des mécanismes de soutien y compris
l'assistance médicale et juridique. Le secteur s'est employé
également à offrir des moyens de subsistance
78
et un accès à l'éducation et à la
formation professionnelle pour les femmes à risque et les survivantes de
la violence.
Globalement, l'aspect multisectoriel de la prévention
et de la riposte a été renforcé. Le Groupe de travail sur
la violence sexuelle et sexiste, créé en 2018 sous la direction
des autorités tchadiennes avec le soutien du HCR et de l'Association
pour la Promotion des Libertés Fondamentales au Tchad(APLFT), veille en
vue de la transversalité de la prévention, de la prise en compte
des questions de SGBV dans tous les aspects de la réponse aux
réfugiés. Il s'agit donc d'intégrer les violences
sexuelles et sexistes dans tous les secteurs humanitaires, en dispensant une
formation aux partenaires et en sensibilisant les réfugiés.
4- Protection de l'enfance
Le secteur s'est concentré sur la sensibilisation aux
droits des enfants dans les communautés afin de prévenir le
travail des enfants, les mariages précoces et la violence sur les
enfants. Les espaces amis d'enfants et le soutien socio-éducatif des
enfants ont été élargis et réhabilités. Il
s'est employé à réduire le nombre d'enfants à
risque en procédant à la détermination de leur
intérêt supérieur (BID) en vue de leur orientation et de
leur assistance.
Dans le cas des enfants non accompagnés et
séparés, le système de familles d'accueil temporaires a
été renforcé. En collaboration avec les partenaires
gouvernementaux notamment les ministères en charge de l'Action sociale,
de l'Administration du territoire ainsi que la CNARR, le secteur de la
protection a:
- Évaluation des structures de protection de l'enfance
disponibles au niveau central et régional ;
- Renforcé les capacités de la Direction en
charge de la Protection de l'enfance dans les provinces ;
- Identifié les enfants à risque pour une prise en
charge adéquate ;
- Renforcé la capacité des acteurs au sein des
réseaux de protection de l'enfance basés dans les
communautés ;
- Mis en place des mécanismes d'orientation pour la
prise en charge des enfants à risque.
79
5- Coexistence pacifique
Les ONG internationales et leurs partenaires ont
renforcé les capacités des comités mixtes de
règlement des conflits et soutiennent les activités conjointes au
niveau communautaire. Cela a inclus la promotion d'une utilisation rationnelle
des ressources locales, telles que la gestion communautaire de l'eau et la
gestion des conflits. De plus, les acteurs du secteur de la protection ont
travaillé conjointement avec toutes les parties prenantes pour
prévenir le risque d'apatridie et y faire face.
B- Education
En matière d'éducation, les ONG en charge sont
ACRA, le Secours Islamique France (SIF) et RET International en partenariat
avec l'IHDL, le SECADEV et l'UNICEF. Toutes ces structures travaillent à
aider les autorités centrales et locales à s'approprier
l'éducation des réfugiés suite à l'officialisation
des écoles des camps de réfugiés. Un appui continu
à la construction, à l'entretien et à la
réhabilitation des infrastructures scolaires, à la formation
d'enseignants et à la fourniture de matériel pédagogique
est essentiel pour consolider l'intégration des écoles de
réfugiés dans le système tchadien. Les acteurs de
l'éducation s'attèlent à faciliter l'accès à
l'éducation et à améliorer les taux de scolarisation et de
fréquentation. Une attention particulière est accordée aux
filles et aux enfants ayant des besoins spécifiques. Toutes les
activités éducatives ont pour cible la communauté locale,
que ce soit dans des camps ou dans des villages hôtes. En termes de
qualité de l'éducation, l'accent est mis sur la durabilité
des interventions en fonction du contexte local94. Ainsi, à
Goré, la priorité est la transformation d'espaces d'apprentissage
temporaires (TLS) en bâtiments scolaires durables afin de répondre
aux besoins du nombre croissant d'élèves. La qualité de
l'éducation est également améliorée notamment par
une formation adéquate et des motivations pour retenir les enseignants
qualifiés.
C- Sécurité alimentaire
Les efforts visant à pérenniser la situation
nutritionnelle des réfugiés ont été compromis par
la diminution des financements. Il convient de noter que la ration alimentaire
mensuelle couvre actuellement la moitié des besoins nutritionnels
quotidiens (2100 Kcal/personne/jour).
94Unité de coordination du partenariat
éducation pour la population rurale, les ONG françaises et le
programme FAO/UNESCO « Education pour les populations rurales
», 2005, p.76. Disponible sur le site http :
www.fao.org
80
Cette situation expose les réfugiés les plus
vulnérables à une insécurité alimentaire accrue et
à la malnutrition, surtout dans un contexte nutritionnel difficile que
connait la bande sahélienne.
Cela risque de compromettre les acquis enregistrés pour
stabiliser la situation nutritionnelle des réfugiés d'où
la nécessité d'accroître l'aide alimentaire pour les plus
vulnérables tout en investissant dans les moyens de subsistance et dans
la prévention des activités de malnutrition.
Le secteur Sécurité alimentaire a
élaboré, en collaboration avec les acteurs du
développement, un programme pluriannuel des moyens de subsistance et de
la résilience, fondé sur le profil socio-économique
CNARR-HCR-PAM avec l'appui de l'ADES, et de Cooperative for American Remittance
to Europe (CARE International) afin de garantir un cadre favorable à la
résilience. Une approche progressive visant à autonomiser les
ménages est mise en oeuvre depuis le début de l'année 2019
avec une assistance alimentaire qui cible les ménages
considérés les comme moins susceptibles de devenir autonomes.
Cette aide alimentaire est alors considérée comme un filet de
sécurité sociale pour une protection multisectorielle.
Les investissements dans les moyens de subsistance ont
été significatifs pour avoir un impact significatif et
éviter de laisser les catégories les moins vulnérables
retomber dans la pauvreté. La région de Goré offre de
nombreuses possibilités de développement des activités
agricoles grâce à un environnement favorable et sûr.
D- Santé et nutrition
La situation sanitaire et nutritionnelle dans les camps de
réfugiés de Goré est caractérisée par la
prévalence des maladies transmissibles, du paludisme, des infections
respiratoires, de la rougeole, de la diarrhée ainsi que par une
situation nutritionnelle instable et précaire. Les taux de malnutrition
sont en hausse sur l'ensemble des camps et une urgence nutritionnelle avait
été déclarée en 2018.
Cependant, il convient de noter que la situation est devenue
meilleure ces six derniers mois avec le concours des acteurs humanitaires qui
ont mis en place davantage de structures de santé. Ces acteurs sont
entre autre l'ADES, CARE International, The Johns Hopkins University (Jhpiego),
Mentor Initiative (MI), Médecin Sans Frontière France (MSF-F) en
partenariat avec le PNUD, l'UNFPA, l'UNICEF, le PAM. Ainsi, avec l'augmentation
de la population de réfugiés, les établissements de soins
de santé primaires sont constamment débordés. Les
centres
81
de santé existants fonctionnent souvent au-delà
de leur capacité en raison des ressources limitées. En moyenne,
24% des patients qui se rendent dans des centres de santé des camps de
réfugiés sont de la population hôte.
Le secteur santé nutrition s'est concentré sur
le renforcement des services de santé et l'appui au transfert progressif
des réfugiés dans le système de santé national. Une
attention particulière est accordée au renforcement des
capacités en termes de ressources humaines et techniques. Le secteur de
la santé passe de la fourniture gratuite de services de santé
dans les camps à une intégration dans le système national.
Un système de recouvrement des coûts est mis en place et les
réfugiés payent déjà une petite contribution (100
XAF soit 0,2 USD) pour avoir accès aux services de santé. Les
contributions sont gérées par un comité et permettent de
couvrir les petits travaux d'entretiens et de réparations. Cela permet
aux réfugiés d'avoir accès aux services de santé au
même titre que les communautés d'accueil.
Une attention particulière est accordée à
la santé maternelle et reproductive, à la santé mentale
ainsi qu'au programme de lutte contre le VIH / SIDA pour les communautés
en général et pour les femmes enceintes et les enfants de moins
de 5 ans en particulier. En termes de réponse nutritionnelle, le secteur
continue à soutenir le traitement de la malnutrition tout en mettant
l'accent sur une réponse multisectorielle afin de s'attaquer à
ses causes profondes de la malnutrition (accès limité à la
terre et à l'eau potable, précipitations imprévisibles,
absence d'habitudes alimentaires diversifiées et d'allaitement au sein
non exclusif des nourrissons). Cela se fait en étroite collaboration
avec les activités liées aux moyens de subsistance, la
sensibilisation de la communauté aux questions de santé et WASH
ainsi que l'autonomisation des femmes. La production alimentaire dans tous les
camps de réfugiés de Goré, est entravée par des
terres agricoles limitées, des régimes de précipitations
peu fiables, un accès limité aux semences, aux outils agricoles
et aux moyens de subsistance.
E- Moyens d'existence et environnement
Tout en continuant de fournir une assistance vitale, les
acteurs humanitaires se sont concentrés sur l'intégration
effective des réfugiés dans la sphère
socio-économique du Tchad. Un programme d'autonomisation
dépendant fortement de l'agriculture est mis en place malgré les
incertitudes liées aux changements climatiques, à la pression
démographique et à l'infertilité des sols. Des
mécanismes de sécurisation de l'accès aux terres arables
avec les autorités administratives et les dirigeants traditionnels ont
été mis en place. Les chaînes de valeur sont
82
explorées pour créer de nouvelles
opportunités tandis que les offres de formation professionnelles ont
augmenté. Les activités liées aux moyens de subsistance
ont visé simultanément le renforcement de la coexistence et la
cohésion sociale entre les réfugiés et les
communautés d'accueil.
L'objectif du secteur était de passer de l'aide
humanitaire à un plan de développement durable et à long
terme grâce à une collaboration étroite avec les acteurs du
développement. Cela a pris en compte la construction de systèmes
d'irrigation et de systèmes d'eau répondant aux besoins de
l'agriculture et de l'élevage, l'expansion des services
vétérinaires et le renforcement des capacités de formation
professionnelle.
L'inclusion financière a été promue en
tant que catalyseur essentiel de la croissance économique et de la
réduction de la pauvreté car l'accès au financement peut
stimuler la création d'emplois, réduire la
vulnérabilité aux chocs et augmenter les investissements dans le
capital humain. Pour atténuer l'impact des réfugiés sur
l'environnement, le secteur a continué à promouvoir les
mécanismes communautaires de gestion des bois, du reboisement ainsi que
les meilleures pratiques en agroforesterie et en agriculture. Des
comités de villages et des clubs de l'environnement ont
été mis en place pour sensibiliser le public aux défis
environnementaux. L'Inspection des Eaux et des Forêts a été
également étroitement associée afin de soutenir les
comités dans la production de plants, le reboisement, la
régénération naturelle et la gestion des sites de
défense. L'accès à l'énergie est une
préoccupation majeure pour les réfugiés.
L'approvisionnement en combustibles de substitution à la
dépendance au bois de chauffage. Des équipements permettant
d'économiser de l'énergie, tels que des poêles en banco et
les fours sont produits et distribués localement tandis que des
séances de sensibilisation à l'utilisation rationnelle et aux
pratiques d'économie d'énergie sont organisées. Ce secteur
est sous la houlette de l'ADES et de CARE en partenariat avec le FOA.
F- Abris et articles non alimentaires
Ce secteur a couvert les besoins en abris pour les nouveaux
réfugiés et amélioré ceux des refugiés
déjà installés en leur permettant de disposer d'abris
conformes aux standards. Ainsi, le secteur continuera de fournir aux
réfugiés nouvellement arrivés des abris d'urgence et des
articles de première nécessité. Il a également
passé des abris d'urgence vers des abris semi durables adaptés
aux conditions locales et similaires à ceux des populations hôtes.
La stratégie en matière d'abris vise à responsabiliser les
communautés en privilégiant les interventions en
83
espèces tout en veillant sur la qualité
technique des abris réalisés, la formation des
bénéficiaires sur la construction des abris et la distribution
des kits. Outre la distribution des kits d'urgences aux réfugiés
nouvellement arrivés et le remplacement de certains articles pour les
anciens réfugiés, le secteur se concentre, conformément
aux normes, sur la distribution de kits de dignité aux femmes en
âge de procréer. Les séances de sensibilisations et le
suivi post-distribution se poursuivent. Le secteur est assuré par ADES,
la Fédération Luthérienne Mondiale (FLM), la FICR,
l'Oxford, Committee for Famine Relief (OXFAM) en partenariat avec l'OIM,
l'UNICEF en ce qui concerne les organes onusiens et avec le SECADEV et la CRT
pour ce qui est des ONG nationales.
I- Eau, Hygiène et Assainissement
La quantité d'eau potable disponible par personne et
par jour varie considérablement d'un camp à un autre, certaines
zones étant bien en deçà des normes. L'objectif du secteur
était d'assurer la disponibilité d'un minimum de 20 litres par
personne et par jour dans toutes les zones d'accueil des réfugiés
de Goré.
À moyen et long termes, des infrastructures
hydrauliques durables telles que le système de mobilisation des eaux de
surface (mini barrages, seuils d'épandage, etc.), et les pompes à
motricité humaine, sont mises à disposition pour couvrir non
seulement la consommation pour les populations mais aussi pour les besoins des
animaux et des activités agricoles. Des investissements
conséquents ont permis de réaliser des économies à
long terme. A titre d'exemple, cela a permis de réduire le cout en
carburant pour la production d'eau, et de réduire les risques du
water-trucking qui consomme beaucoup de ressources. La préférence
est donnée à des systèmes de pompage solaire innovants,
afin de réduire les coûts de production et de maintenance. Le
secteur se concentrera également à l'assainissement, avec la
construction de latrines familiales et institutionnelles tout en tenant compte
des aspects protection (intimité, sécurité), ainsi que la
gestion des déchets ménagers et déchets médicaux,
afin de limiter les risques de propagation des maladies liées à
l'eau, l'hygiène et l'assainissement.
L'accent est aussi mis sur le renforcement de la gestion
communautaire de l'eau et des déchets solides par l'intermédiaire
des « Comités Eau, Hygiène et Assainissement ». Le
secteur oeuvre à cet effet pour le renforcement de la transition
effective vers un système de recouvrement des coûts d'ici 2020. Le
secteur veille également à promotion à l'hygiène
avec les sensibilisations sur les bonnes pratiques d'hygiène et la mise
à disposition des kits de gestion de
84
l'hygiène menstruelles (MHM). Enfin, sur le plan
coordination, un accent fort est mis sur le renforcement du partenariat avec
les services techniques de l'Etat et la mobilisation des partenaires
opérationnels. Le secteur veille également à la promotion
à l'hygiène avec les sensibilisations sur les bonnes pratiques
d'hygiène et la mise à disposition des kits de gestion de
l'hygiène menstruelles (MHM). Il est sous la responsabilité
d'ADES, du SIF, de la FICR, d'OXFAM et de l'International Developpement
Organisation (IDO) en collaboration avec l'UNICEF et le SECADEV.
Paragraphe II : Perspective de réduction
progressive du besoin d'assistance
En 2015, les acteurs humanitaires ont commencé à
développer un Programme commun pour l'autosuffisance des
réfugiés et des populations hôtes de Goré dont
l'objectif est de réduire progressivement la dépendance des
réfugiés vis-à-vis de l'assistance humanitaire et de
renforcer proportionnellement les moyens d'existence dans une optique
d'autonomisation95. L'approche proposée consiste à
optimiser l'utilisation des ressources à travers une assistance
multisectorielle ciblée fournie selon les besoins spécifiques de
chaque ménage d'une part et, d'autre part, un investissement dans les
moyens d'existence de sorte à favoriser l'auto prise en charge.
Cependant, jusqu'à présent, le plan de mise en oeuvre du
programme n'est toujours pas élaboré et des cibles pour les
différents objectifs n'ont pas encore été établies.
On constate donc que des liens entre les activités de renforcement des
moyens d'existence et d'assistance alimentaire ne sont pas établis et
que les deux programmes fonctionnent souvent en parallèle. Malgré
cela, une nouvelle stratégie nationale de promotion des moyens
d'existence durables 2015-2020 pour les réfugiés a
été récemment adoptée par le HCR. Pour la mise en
oeuvre, le HCR a fait un effort pour réaménager son budget
interne afin d'accorder une part plus importante aux activités
d'autosuffisance. L'assistance alimentaire continue du PAM est tout aussi
cruciale pour permettre aux ménages de maintenir ou renforcer leurs
activités de subsistance. D'où la pertinence toujours
d'actualité du programme conjoint, surtout que le PAM envisage des
coupures imminentes de l'assistance alimentaire. Ici, il convient de noter que
certains réfugiés resteront toujours dépendants au moins
en partie de l'assistance alimentaire, étant donné
l'environnement où ils vivent et/ou les activités de subsistance
que leur permet leur statut ou leur condition96.
95HCR et PAM. 2015. Draft: Programme conjoint pour
l'autosuffisance des réfugiés et des populations hôtes du
Tchad, 2015-2020.
96Mission d'évaluation conjointe HCR/PAM de la
situation des réfugiés centrafricains et soudanais au Tchad
85
SECTION II : L'IMPACT DE L'ACTION DES ONG
INTERNATIONALES POUR LE
TCHAD
La présence des ONG internationales et les
réfugiés à Goré a été d'un apport
certain sur le développement du Tchad dans bon nombre d'aspects. Il
renferme plusieurs avantages tant sur le plan interne (Paragraphe I)
que sur le plan international (Paragraphe II).
Paragraphe I : L'impact de l'action des ONG
internationales dans les camps de réfugiés de Goré sur
le plan interne
Les impacts de l'action des ONG internationales sur le plan
interne sont d'ordre socioéconomique (A) et politique
(B).
A- Les avantages socio-économiques
Par ONG, on entend des associations de droit privé qui
se spécialisent dans le plaidoyer aussi bien que dans le
développement ou les secours d'urgence. La thèse défendue
ici est que les chiffres sont intrinsèquement liés à
l'économie et favorisent les approches comptables du
développement. Dans cette partie, il sera question de scinder les
avantages sociaux (1) ensuite les avantages économiques
(2).
1- Les avantages sociaux
Les ONG internationales dans la région de Goré
ont développé des projets en faveur des populations locales, car,
même s'ils sont des autochtones, leur situation n'est pas pour autant
meilleure que celle des réfugiés.
Certaines localités bénéficiant de cette
aide n'abritent pas les réfugiés. Au bénéfice des
populations de Goré, les interventions humanitaires concernent
principalement les secteurs de la santé, de l'eau, hygiène et
assainissement, de la sécurité alimentaire et de la nutrition.
S'il faut considérer l'impact de la contribution du
secteur humanitaire au Tchad, l'on retiendra que son impact dans le processus
de développement socio-économique national se mesure par le
nombre impressionnant des bénéficiaires de son action. L'aide
humanitaire au Tchad concerne 2,3 millions de personnes parmi lesquelles, les
réfugiés (17%), déplacés internes (2%), les
retournés (3%) et les populations locales compris (78%) tel que
précisé dans
86
le document stratégique de l'Equipe Humanitaire Pays
201697. En agissant ainsi, les ONG internationales assistent l'Etat
du Tchad, voire se substituent à lui dans l'accomplissement de ses
obligations régaliennes qui sont celles de fournir des services sociaux
de base et plus généralement, de veiller au bien-être des
populations. En plus de l'aide directe donnée aux populations, les
opportunités d'affaires générées par d'importants
flux financiers humanitaires mobilisés pour l'assistance des
réfugiés au Tchad concourent également à la
promotion du développement socio-économique du pays.
L'affluence des organisations humanitaires internationales et
l'émergence des organisations locales est d'autant plus utile pour
l'émergence sociale et économique des populations et du pays tant
celles-ci contribuent fortement à son désenclavement aussi bien
sur le plan interne qu'externe, en plus de l'aide directe qu'elles apportent
aux populations et aux opportunités d'affaires qu'elles
créent.
2- Les débouchés
économiques
L'accueil des réfugiés à Goré et
l'action des ONG internationales ont des grands débouchés
économiques allant de la création et des opportunités
d'emploi (a) au flux financier comme opportunité
d'affaire pour les opérateurs économiques
(b).
a- Les créations d'emploi
Parlant des réfugiés et des ONG, en rapport avec
la question de l'emploi, Thibault Gajdos, directeur de recherche au Centre
National de la Recherche Scientifique (CNRS), affirme que les
réfugiés coutent cher au pays d'accueil. Mais, dit-il, à
long terme « ils permettent de créer de l'emploi et de pousser
les natifs vers des métiers qualifiés, donc mieux payés,
pointent les économistes»98. Cet avis
reflète la réalité de la situation du Tchad, tant il est
vrai qu'en dépit des risques encourus par le pays, la présence
des réfugiés sur le territoire national a
généré des milliers d'emplois directs et indirects au
profit des nationaux. En effet, même s'il n'y a eu d'études
spécifiques permettant de mesurer concrètement l'impact positif
de l'emploi du secteur humanitaire au Tchad, il va sans dire que pour la mise
en oeuvre de leurs énormes projets d'aides humanitaires en faveur des
dizaines de milliers de réfugiés de Goré, le gouvernement
de la République du Tchad et ses partenaires internationaux, notamment,
les
97
https://www.humanitarianresponse.info/system/files/documents/files/tchad_hno_2016
98
http://tempsreel.nouvelobs.com/economie/oui-les-migrants-et-refugies-representent-unechance-pour-l-economie-et-les-salaires.
87
agences des Nations Unies, les organisations internationales,
ONG internationales et nationales confondues, ont eu recours à des
milliers de tchadiens qu'ils ont employés sous différentes
formes, directement ou indirectement. Selon des données extraites de
l'annuaire statistique de la Division des Statistiques, Etudes et Evaluation de
l'Office National de Promotion de l'Emploi (ONAPE) de 2018. En 2018, le secteur
humanitaire représente 25,72% de l'emploi créé au Tchad et
occupe la troisième place, après l'Etat et le secteur
privé. Même s'il n'existe pas de statistiques disponibles
permettant de déterminer le nombre exact d'emplois
généré par l'accueil des réfugiés à
Goré, l'ampleur du déploiement perceptible à travers la
région et le nombre impressionnant d'acteurs humanitaires internationaux
et nationaux présents sur le terrain ainsi que le volume annuel du flux
financier humanitaire et la gigantesque logistique déployée
à cet effet permettent de se faire une idée. Selon le rapport du
bureau de Coordination Humanitaire des Nations Unies (OCHA) d'avril 2017, 127
acteurs humanitaires sont opérationnellement présents au Tchad.
Parmi ces 127 acteurs institutionnels, il y a 11 agences des Nations Unies, 3
mouvements de la Croix Rouge, 48 ONG internationales et 65 ONG nationales. Le
même rapport indique que ces institutions sont présentes dans
toutes les 23 régions du pays, avec une présence variant entre 2
et 41 organisations par région. Chaque organisation intervient en
moyenne dans 3 de 7 principaux domaines, à savoir : la santé, la
sécurité alimentaire, eau/hygiène et assainissement, la
nutrition, l'éducation, protection et l'abri. L'on voit clairement la
supériorité du niveau de traitement accordé aux
travailleurs du secteur des organisations internationales en termes d'avantages
salariaux et extra-salariaux. Au-delà de la qualité d'emplois que
le secteur humanitaire au Tchad offre au personnel local, il est aussi à
noter que des postes de hautes responsabilités sont de plus en plus
occupés par les tchadiens, tant il est vrai que ceux-ci ont
énormément gagné en expérience et ne sont pas moins
compétents que les employés venus d'ailleurs. En plus de la
compétence dont ilsfont preuve, les organisations humanitaires ont de
plus en plus recours aux tchadiens pour des postes de hautes
responsabilités parce qu'ils sont moins couteux et moins délicat
en terme de gestion.
En plus des emplois créés localement, l'accueil
des réfugiés au Tchad a permis aux travailleurs humanitaires
tchadiens qualifiés d'acquérir de l'expérience dans le
milieu, les exposant ainsi aux opportunités de carrière
internationale. Grace à cette expérience, de nombreux tchadiens
devenus des expatriés et occupent des postes internationaux au sein des
organisations internationales humanitaires partout en Afrique et ailleurs. Une
chose qui était très rare dans un passé encore
récent. Dans un pays pauvre comme le Tchad, avec un taux de
88
chômage de personnes ayant d'études
supérieures de 16,8%99déjà en 2014 Institut
National de la Statistique, des Etudes Économiques et
Démographiques mais qui s'est sérieusement aggravé du fait
de la chute vertigineuse du prix du pétrole, première ressource
du pays, l'importance de l'apport du secteur humanitaire en matière
d'emplois n'est plus à démontrer. Il est important de rappeler
ici que depuis le début de l'année 2016, les entreprises
pétrolières ont gelé les recrutements et
procédé au licenciement massif des employés. L'Etat du
Tchad quant à lui, a totalement gelé les recrutements et
procédé à une déduction drastique des avantages et
autres primes. Le secteur humanitaire reste donc le seul qui continue à
offrir de l'emploi et où les travailleurs continuent à
bénéficier de tous leurs avantages.
b- La manne financière humanitaire comme
opportunités d'affaires pour les opérateurs
économiques
Selon les données extraites des rapports du Bureau de
Coordination Humanitaires des Nations Unies (UNOCHA), contenus dans un document
dénommé Financial Tracking Services Tracking Global Humanitarian
Aid Flow100, depuis le début de la crise des
réfugiés et de la crise humanitaire en général au
Tchad, d'importants flux financiers sont déployés chaque
année pour les opérations d'aide humanitaire. Ce sont en moyenne,
443 588 286 Dollars Américains, soit266 152 972 140 FCFA qui sont
investis chaque année et ce, depuis 2003. Sur la base des données
extraites de ces rapports, il ressort que sur la période allant de 2007
à 2016, soit dix ans, un total de 4 435 902 98 Dollars
Américains, soit 2 661 541 790 400 FCFA en moyenne ont été
investis pour les opérations humanitaires au Tchad101.Ces
sommes astronomiques sont injectées dans l'économie nationale en
nourriture, eau et assainissement, soins de santé, bâtiments et
travaux publics, transport et sous d'autres formes d'aides directes, engendrant
de nombreux emplois et activités pour les commerces locaux. Contribuant
ainsi significativement au développement d'opportunités
d'affaires pour les opérateurs économiques. Mais aussi à
la promotion de l'auto emploi pour les populations hôtes. Bien plus,
l'arrivée massive des réfugiés, des ONG internationales,
des travailleurs humanitaires venus des autres régions du Tchad et de
l'extérieur ayant considérablement augmenté le
99Selon Institut National de la Statistique, des
Etudes Economiques et Démographiques, dans un document
dénommé « Tableau de bord Social du Tchad 2014 », le
taux de chômage chez les personnes ayant le niveau d'études
supérieures est de 23 ,6% chez les femmes et de 15,4% chez les hommes,
avec une moyenne nationale de 16,8%.
100
Https://ftsarchive.unocha.org
101Données extraites des rapports du Bureau
de Coordination Humanitaire des Nations Unies (OCHA), contenus dans un document
dénommé Financial Tracking Services - Tracking Global
Humanitarian Aid Flows
89
nombre des populations des régions d'accueil,
crée de nombreux nouveaux besoins et augmente des demandes. Cette
situation a permis le développement de plusieurs secteurs
d'activités commerciales et économiques aussi bien sur le plan
local que national. Sur le plan agroalimentaire par exemple, l'explosion des
besoins en denrées alimentaires dans les zones d'établissement
des réfugiés et dans les grands centres urbains a pu se
révéler positif pour les autochtones : les paysans, les
maraîchers et les éleveurs locaux ont pu davantage produire et
écouler. Ce qui leur permet ainsi de voir leurs revenus augmenter et
d'améliorer leurs conditions de vie. Sur le plan de l'habitat,
l'augmentation des besoins a amené les opérateurs
économiques et les populations hôtes à investir davantage
dans le secteur immobilier. Non seulement le secteur immobilier a connu un
véritable boom dans les régions d'accueil et même dans le
reste du pays, générant ainsi d'énormes retombés en
termes de loyer, mais il a aussi fortement contribué à
l'urbanisation de certaines villes. Sur le plan commercial et entreprenariat en
général, l'on observe dans les régions hôtes,
surtout dans les grands centres urbains, l'émergence de grandes
structures commerciales oeuvrant dans l'agroalimentaire, le
développement des0 entreprises de prestation de services, des
sociétés de gardiennage et de sécurité
privée, des entreprises de transport, bâtiments et travaux
publiques etc. A côté de ces secteurs commerciaux plus ou moins
formels, la présence des réfugiés et des travailleurs
humanitaires a également permis un développement extraordinaire
des activités du secteur informel. Interrogées sur la question,
les opérateurs économiques, les populations hôtes, surtout
les jeunes, ont confirmé voir en la présence des
réfugiés, des organisations et travailleurs humanitaires, des
opportunités d'affaires sans précédent102. Sur
le terrain, l'on a vu que plusieurs se sont lancées dans les
activités génératrices des revenus telles que la
restauration, la coiffure, la vente des vêtements, le transport
mototaxis, le développement des petits élevages, de l'agriculture
et du maraîchage. Les résultats d'une étude
réalisée conjointement par le Programme des Nations Unies pour le
Développement (PNUD) et l'Agence des Nations Unies pour les
réfugiés (HCR) sur les impacts de l'aide humanitaire sur
l'économie libanaise depuis le début de l'arrivée des
réfugiés syriens en 2011 permet d'apprécier l'impact de
l'accueil des réfugiés sur le processus de développement
socio-économique du pays hôte. En effet, cette étude montre
que pour chaque dollar dépensé aux fins de la réponse
humanitaire, un demi-dollar supplémentaire est injecté dans
l'économie par le biais d'effets démultiplicateurs. Et il estime
que, les quelques800 millions de dollars dépensés annuellement
pour les réfugiés,
102UNHCR Standing Committee : « Impact social
et économique d'importantes populations réfugiées sur les
pays hôtes en développement », 1997. Source :
http://www.unhcr.org/fr/excom/standcom/4b30a5b11d/impact
socialeconomique-dimportantes-populations-refugiees-pays-hotes.html,
consulté le 27 février 2017
90
occasionnent un impact positif total de 1,2 milliard de
dollars. L'étude estime que l'aide humanitaire contribue au PIB libanais
à hauteur de 1,3 pour cent au total. Dans le contexte tchadien, en
l'absence d'une étude similaire, il est difficile d'arriver de faire des
analyses similaires103.A la lumière des résultats de
cette étude, l'on voit aisément l'importance que
représentent les flux financiers humanitaires pour l'économie
tchadienne. Car, si l'on estime que pour chaque dollar dépensé
aux fins de la réponse humanitaire, un demi-dollar supplémentaire
est injecté dans l'économie par le biais d'effets
démultiplicateurs104, on peut donc dire - même si l'on
sait que les réalités au Liban et au Tchad ne sont pas
identiques, que plusieurs centaines de milliards de Francs CFA sont
injectés dans l'économie tchadienne depuis le début de la
crise humanitaire. Au-delà de l'impact économique, l'accueil des
réfugiés constitue aussi un enjeu majeur de politique
intérieure et extérieure du Tchad.
C- Les avantages administratifs
L'action des ONG internationales à Goré en
partenariat avec l'Etat Tchadien renferme des enjeux stratégiques de
politique intérieure en ce qu'il contribue au renforcement de
l'intégration et de la cohésion nationale (1) et
au renforcement de la présence de l'Etat dans les régions
d'accueil (2).
1- Accueil des réfugiés comme outils de
l'intégration locale
Depuis l'indépendance du Tchad, plusieurs
régions, surtout des localités rurales se trouvent tenue en
périphérie du pouvoir central et du reste du pays, du fait,
à la fois de leur éloignement géographique et des
difficultés d'accès. De ce fait, cette situation isole ces
régions du reste du pays, causant ainsi un véritable
problème d'intégration aussi bien du point de vue
géographique, socioculturel, économique et financier, voire
politique et administratif. On ne peut donc parler d'intégration
nationale dans une telle situation. Car, dans le contexte du Tchad comme
partout ailleurs, l'intégration nationale à plusieurs
connotations ; que ce soit dans les discours, les politiques publiques et
même dans l'analyse populaire. Elle s'exprime par des transactions
multiformes. Avant l'arrivée des réfugiés, la situation
des régions d'accueil ne
103
http://www.irinnews.org/fr/report/accueillir-des-réfugiés-aussi-ses-avantages.
104Les résultats de l'étude
réalisée conjointement par le Programme des Nations Unies pour le
développement (PNUD) et l'agence des Nations Unies pour les
Réfugiés (HCR), sur les impacts de l'aide humanitaire sur
l'économie libanaise depuis que les réfugiés syriens ont
commencé à fuir la guerre en 2011 attestent que pour chaque
dollar dépensé aux fins de la réponse humanitaire, un
demi-dollar supplémentaire est injecté dans l'économie par
le biais d'effets démultiplicateurs
91
correspondait pas aux critères de définition de
l'intégration nationale. Les populations des régions d'accueil
des réfugiés vivaient une sorte d'exclusion ou d'autarcie
involontairement imposée. Vu sous cet angle, on peut, sans risque de se
tromper, affirmer que l'accueil des réfugiés à Goré
plus précisément a significativement contribué au
renforcement de l'intégration nationale, ou du moins, au rapprochement
de la région au reste du pays. Cet isolement, faut-il le rappeler,
n'était pas seulement géographique mais aussi socioculturel,
économique et financier, voire politique et administratif. L'accueil des
réfugiés a occasionné une affluence massive des
travailleurs humanitaires venus des autres régions du pays et de
l'extérieur. Cela a permis aux populations de Goré de
découvrir ces régions et aux populations locales d'entrer en
contact avec leurs concitoyens des autres régions. Avant
l'arrivée des réfugiés, la région de Goré ne
faisait pas l'objet d'une telle affluence de la part de l'Etat d'une part et
celle des humanitaires d'autre part, les opportunités d'affaires et
d'interactions quasiment inexistantes. C'est donc en cela que l'on peut
affirmer que l'accueil des réfugiés à Goré est un
vecteur de désenclavement géographique et socioculturel des
populations et de renforcement de l'intégration nationale.
Sur le plan régional et continental, l'accueil des
réfugiés à Goré peut servir de fil conducteur pour
le renforcement de l'intégration régionale et africaine. Car, les
contacts des réfugiés avec les populations locales tchadiennes va
entrainer inévitablement des échanges au plan culturel,
civilisationnel, coutumier et économique et créer ainsi un
brassage tangible entre les tchadiens et les réfugiés, donc, avec
les peuples des pays d'origine des réfugiés (RCA).
2- L'accueil des réfugiés comme moyen de
renforcement de la présence de l'Etat et de la bonne
gouvernance
Du fait de leur éloignement géographique et des
difficultés d'accès, la région de Goré
étaient une zone où l'Etat était très peu. Les
conditions de vie et de travail dans cette région étaient
tellement rudes que certains fonctionnaires de l'Etat affectés dans la
zone trainaient les pieds pour y arriver. Mais la présence des
réfugiés dans cette partie du pays a conduit l'Etat tchadien
à renfoncer sa présence. Avec le soutien financier et technique
des partenaires internationaux à savoir les ONG internationales et les
organisations internationales humanitaires, notamment le Haut-commissariat des
Nations Unies pour les Réfugiés, le Programme des Nations Unies
pour le Développement et le Programme Alimentaire Mondial. L'Etat s'est
déployé à Goré en mettant en place des
délégations départementales. Sur le plan
92
sécuritaire et socio-sanitaire, l'on a pu voir un
déploiement considérable de l'Etat à travers une
présence massive des forces de sécurité, notamment les
gendarmes et le Détachement Intégré de
Sécurité pour assurer la protection des réfugiés,
des personnes déplacées internes et des acteurs humanitaires et
la réhabilitation et la construction des centres de santés et des
points d'eau. En plus du déploiement de l'Etat, les organisations
humanitaires et les associations de la société civile se sont
également massivement investies dans la région tant en faveur des
réfugiés que des populations locales. L'arrivée des
réfugiés et les opérations d'aides aux
réfugiés dans ces régions ont permis de les
désenclaver, les revitaliser et de les rendre plus attractives.
Paragraphe II : L'impact de l'action des ONG
internationales dans les camps de Goré sur le plan
international
Il est vrai que la présence des réfugiés
au Tchad n'est pas exempte de risque a été à l'origine de
l'exacerbation de nombreux conflits et risques sécuritaires. Mais aussi
paradoxal que cela puisse paraître, cette présence a plutôt
significativement contribué au renforcement de l'image du Tchad sur le
plan international, notamment dans la promotion de sa politique
extérieure (A) et la montée en puissance de sa
diplomatie (B).
A- L'action des ONG internationales à Goré,
canal de rayonnement international
pour le Tchad
Dans la mise en oeuvre de sa politique extérieure
axée sur la solidarité probante, entre les peuples voisins et
amis en particulier et africains en général, le Tchad
considère comme un devoir naturel de recevoir ces milliers de
réfugiés sur son territoire. Mais il n'en demeure pas moins que
cette solidarité humanitaire contribue fortement à son
rayonnement diplomatique tant sur le plan sous régional, continental
qu'international. En effet, les Etats, de par leur engagement en faveur de la
protection des réfugiés, créent les conditions de
rayonnement de leur diplomatie bilatérale et multilatérale. La
protection des réfugiés s'inscrit dans la dynamique de la
diplomatie des droits de l'homme et fait partie des enjeux diplomatiques. Elle
comporte une activité diplomatique qui a pour cadre les organisations
internationales intergouvernementales, au moyen des délégations
permanentes. L'ONU constitue le centre de cette diplomatie bilatérale et
multilatérale. Elle est le cadre indispensable accessible à tout
Etat désireux d'assumer un rayonnement universel. Ainsi, tout Etat
africain épris de la protection des droits des réfugiés et
qui s'y engage, en respectant les
93
dispositions internationales en la matière, crée
les conditions du rayonnement de sa diplomatie, dans le cadre onusien
notamment, au sein des instances en charge des questions des droits de l'homme.
Il devient, de ce fait, un acteur crédible et susceptible de marquer sa
présence dans des postes clefs au sein des instances régionales
internationales, par voie d'élections. Sur le plan régional, la
question relative au respect des droits de l'homme et des peuples a
constitué l'essentiel des travaux de l'Organisation de l'Unité
Africaine, au cours des années 1970-1980. Cette dynamique de protection
des droits de l'homme et des peuples, plus particulièrement celle des
réfugiés en Afrique, est marquée par la mise en place d'un
cadre juridique, notamment la Convention de l'O.U.A. régissant les
aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique,
adoptée le 10 septembre 1969 et entrée en vigueur le 20 juin
1974. L'Union Africaine, qui a succédé à l'Organisation de
l'Unité Africaine, en juillet 2000, a également inscrit sa
politique de protection des réfugiés dans le droit fil du corpus
juridique de 1969 ci-dessus cité. En respectant l'engagement pris dans
le cadre régional selon le principe «Pacta sunt
servanda»105,106 les Etats mettent en exergue non
seulement le principe de solidarité qui est l'une des
caractéristiques fondamentales de l'Afrique, mais renforcent aussi leur
présence et rayonnement au sein des instances diplomatiques
régionales. En s'engageant de bonne foi, les Etats contribuent à
la consolidation des capacités de l'Union Africaine, dans la
résolution des problèmes régionaux liés aux droits
de l'homme. De ce point de vue, l'on peut affirmer que la diplomatie tchadienne
a véritablement bénéficié de l'accueil des
réfugiés sur le territoire national. Car, aussi surprenant
soit-il, le Tchad qui, récemment encore, était qualifié
d'« État néant »107, est
étonnement devenu une puissance diplomatique et militaire dans la
sous-région, en Afrique et même sur le plan international. La
montée en puissance du Tchad a commencé d'abord dans sa
sphère immédiate, la Communauté économique et
monétaire des Etats de l'Afrique centrale (CEMAC) qui regroupe six pays
de l'Afrique centrale à savoir le Tchad, la République
centrafricaine, le Cameroun, le Congo, la Guinée Equatoriale et le
Gabon. « Aucune institution de cette organisation sous régionale
n'échappe à l'heure actuelle au diktat du Tchad », affirme
TchadInfos.com, un Journal en
Ligne108.
105Pacta sunt servanda « Les conventions
doivent être respectées » est une locution latine signifiant
que les parties sont désormais liées au contrat venant
d'être conclu et qu'à ce titre elles ne sauraient déroger
aux obligations issues de cet accord.
106Code civil français, art 1103
107Tchad : « État néant »,
titrait Jeune Afrique à la une de son no 905, daté du 10 mai
1978. 108
http://tchadinfos.com/tchad/tchad-agitation-diplomatique-monte-puissance-dun-gant-aux-piedsdargile
94
En réalité, l'intérêt du
rayonnement international d'un pays ne s'apprécie pas de manière
mathématique, mais il est certain que son importance réside dans
le fait qu'il constitue un argument de poids pour alimenter sa diplomatie aux
fins de la défense de ses intérêts dans le concert des
nations. On peut ainsi dire que la protection des réfugiés
constitue un moyen de pression diplomatique dont le pays hôte peut se
servir pour s'imposer au sein de la communauté internationale.
Il faut aussi noter que l'accueil des réfugiés
au Tchad notamment à Goré lui a permis de
bénéficier d'une exposition médiatique sans
précédent, tant cette crise migratoire a suscité
l'émoi dans le monde entier et mobilisé la communauté
internationale dans son ensemble. Cette mobilisation a engendré un
déferlement des hautes personnalités internationales et des
célébrités mondiales venues au Tchad, soit pour
s'enquérir de la situation de réfugiés, soit pour faire le
plaidoyer auprès des bailleurs de fonds et de la communauté
internationale. L'on peut citer entre autres, Koffi Annan et Ban Ki-Moon tous
deux les Secrétaires Généraux de l'Organisation des
Nations Unies, de John Holmes Secrétaire général adjoint
aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d'urgence,
Président de la Commission de l'Union africaine. Le déferlement
de ces personnalités et célébrités mondiales a
joué un rôle prépondérant dans la campagne
internationale de mobilisation sur la tragédie humanitaire du Darfour et
son débordement au Tchad. Cette exposition médiatique a
également été d'un apport très important pour la
promotion de l'image du Tchad et partant, de sa diplomatie109.
B- L'action des ONG internationales à Goré,
un moyen de la montée en puissance de la diplomatie
tchadienne
Dans un article de Jeune Afrique en ligne intitulé
« Idriss Deby, le parrain », Tshitenge Lubabu M.K., Ancien
journaliste à Jeune Afrique, spécialiste de la République
démocratique du Congo, de l'Afrique centrale et de l'Histoire africaine,
rapportait qu'à ce sommet, le président tchadien ne s'est pas
privé de secouer le cocotier en demandant à ses homologues,
à propos du Mali, de passer de la tergiversation aux actes. Dans le
même article il a rapporté qu'à la clôture du sommet
des chefs d'Etat, Idriss Deby Itno s'est adressé à ses homologues
en ces termes « Nous ne pouvons nous complaire dans cette
incapacité à assurer notre propre sécurité un
demi-siècle après nos indépendances. Aussi avons-nous
l'impérieuse nécessité de mutualiser nos efforts pour
faire face à tous les périls. Alors, nous serons moins
109Joseph ZIMET, Les ONG. De nouveaux acteurs pour
changer le monde, Editions Autrement, Paris, 2006. P.86
95
vulnérables ». Tshitenge Lubabu M.K.
poursuit en parlant du président tchadien en affirmant que «
Son ascendant psychologique est tel qu'il n'est pas exagéré de
dire que le chef de l'État tchadien peut se prévaloir d'un
leadership régional incontesté, même au sein de la
Communauté Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale (CEMAC)
»110.Comme on peut le constater, la fulgurante
montée en puissance de la diplomatie tchadienne démontre à
suffisance l'importance du rôle de la diplomatie de la défense
dans la promotion de la politique extérieure d'un Etat. Un autre exemple
concret de l'importance de la puissance militaire dans la montée en
puissance d'un Etat est celui des Etat Unis d'Amérique. En effet, la
montée en puissance de l'imperium américain s'est appuyée,
initialement au moins, autant sur les aspects les moins militaires de la
puissance, le soft power, que sur une supériorité militaire
aujourd'hui incontestée. S'il en était encore besoin de le
démontrer, les Etats-Unis illustrent bien à quel point
l'efficacité d'une diplomatie est inséparable du bras armé
qui lui confère sa crédibilité et ce n'est pas un hasard
si l'Union européenne a entrepris de se doter de capacités
militaires, en parallèle et en soutien à sa Politique
Extérieure et de Sécurité Commune, dès lors qu'elle
entendait « jouer pleinement son rôle sur la scène
internationale » comme l'ont déclaré les quinze chefs
d'Etat et de gouvernement au Conseil Européen de Cologne (3-4 juin
1999)111.L'intention ici n'est pas d'affirmer que la montée
en puissance de diplomatie militaire du Tchad est exclusivement due à
l'accueil des réfugiés sur son territoire. Mais de toute
évidence, la présence des réfugiés en est un des
facteurs déterminants, sinon le facteur déterminé. En
effet, comme nous l'avons relevé ci-haut, la présence des
réfugiés, surtout des réfugiés à
Goré, a fortement contribué à l'intensification et
à la généralisation des multiples conflits armées
menaçant directement la sécurité nationale du Tchad et la
survie régime en place à N'Djamena. Cette situation a
obligé l'Etat du Tchad à se lancer dans la course
effrénée aux armements et à la militarisation du pays.
110Propos rapporté par Tshitenge Lubabu
M.K., Ancien journaliste à Jeune Afrique, spécialiste de la
République Démocratique du Congo, de l'Afrique centrale et de
l'Histoire africaine, dans un article intitulé « Idriss Deby, le
parrain » publié le 20 mars 2013 sur
http://www.jeuneafrique.com
111www.europarl.europa.eu
CHAPITRE IV : LIMITES DE L'AIDE HUMANITAIRE
AU TCHAD ET PERSPECTIVES D'AMELIORATION
96
Dans un contexte de flux de migrations de populations
manifestement pérenne, marqué par une rareté
généralisée des ressources dans le pays d'accueil comme
c'est le cas du Tchad, l'aide humanitaire est d'un apport très
important, voire vital, aussi bien pour les réfugiés que pour les
populations hôtes. Mais dans sa mise en oeuvre par l'entremise des ONG
internationales, elle connaît un certain nombre de limites qu'il convient
de relever (Section I) pour ensuite, proposer des pistes d'amélioration
(Section II) afin de la rendre davantage économiquement et socialement
bénéfique pour les bénéficiaires directs, mais
aussi pour le pays.
SECTION I : LES LIMITES DE L'ACTION DES ONG
INTERNATIONALES DANS LES CAMPS DE GORE
L'accueil des réfugiés à Goré et
le déploiement des ONG internationales de manière
générale connaissent un certain nombre d'insuffisances qui
amenuisent considérablement leurs impacts positifs. Ces insuffisances
tiennent à la fois à la faiblesse du cadre législatif et
institutionnel (Paragraphe I) et la faiblesse de la prise en compte des
dimensions socio-économique et environnementale dans la
définition des programmes d'aide (Paragraphe II).
Paragraphe I: Les insuffisances sur le plan
législatif, institutionnel et fonctionnel
La présentation de l'insuffisance des instruments de
gestion des réfugiés précèdera (A) celle de la
faiblesse des structures étatiques de coordination (B).
A- Insuffisances législatives et
stratégiques
En dépit de sa volonté politique
manifestée par la ratification de la totalité des conventions
internationales relatives à la question des réfugiés, le
Tchad n'a toujours pas encore incorporé les principes issus des ces
instruments internationaux et régionaux dans sa législature
nationale. Ainsi, il n'existe pas de textes juridiques régissant
spécifiquement le fonctionnement des organisations non-gouvernementales,
la question des migrations des populations et de l'aide humanitaire au Tchad. A
ce jour, les Organisations Non-Gouvernementales et les acteurs humanitaires au
Tchad en général, évoluent dans un cadre
97
législatif inadapté ou du moins peu
étoffé. En septembre 2013, un projet de loi devant régir
la question des réfugiés avait été
élaboré et devait ensuite être soumis à
l'Assemblée Nationale pour adoption. Mais ce projet est resté
sans suite jusqu'à ce jour. Alors qu'au regard des enjeux que
représente la question des réfugiés et l'action des
organisations humanitaires au Tchad, une telle loi devient plus que
nécessaires pour rationnaliser et optimiser ce secteur. Ce qui a
amené Mme Aminata Gueye, représentante résidente du HCR au
Tchad à tirer la sonnette d'alarme en déclarant que
«l'adoption d'une loi nationale sur l'asile devient une
nécessité impérieuse en ce sens qu'elle permettra de
fournir un cadre légal national de protection des réfugiés
et des demandeurs d'asile». Elle avait à cet effet, exhorté
l'Etat, les responsables politiques, les dirigeants locaux, la
société civile et les médias tchadiens à
«contribuer à créer un climat de tolérance permettant
de le gérer de manière appropriée le processus, afin de
rendre concret cette volonté politique de légiférer en la
matière.
Pour ce qui concerne le cadre de fonctionnement des
institutions internationales en général et des organisations
humanitaires en particulier, l'expérience de terrain montre que depuis
plus d'une décennie, le Tchad entretient avec elles d'excellentes
relations de coopération tant sur plan de leurs investissements, dans
l'assistance humanitaire que dans l'aide au développement. Mais il n'en
demeure pas moins que l'existence d'un cadre juridique spécifique
permettrait de mieux canaliser ces investissements tous azimutes pour faire en
sorte qu'ils soient mieux alignés à la stratégie nationale
de développement. Il est vrai que le fonctionnement des organisations
humanitaires, surtout des ONG est soumis aux principes d'indépendance et
de neutralité. Mais étant donné qu'elles opèrent
sur le territoire tchadien, définir un cadre de base pour harmoniser les
opérations en la matière ne saurait être contraire à
ces principes. A l'image du seul texte juridique national relatif à la
question des réfugiés, notamment le Décret
n°839/PR/PM/MAT/2011 du 02 août 2011112 portant
création de la Commission Nationale d'Accueil, de Réinsertion des
Réfugiés et des Rapatriés (CNARR) qui, en plus d'avoir
institué ladite commission, a eu le mérite de clarifier ses
compétences et son fonctionnement, d'autres lois en la matière
permettraient de rendre beaucoup plus fluide le secteur des Organisations
Non-Gouvernementales et de l'aide humanitaire au Tchad. Au terme de ce
décret, la Commission Nationale d'Accueil, de Réinsertion des
Réfugiés et des Rapatriés est rattachée au
Ministère de l'Administration du Territoire. Quant à l'instrument
d'encadrement stratégique, il s'agit en réalité d'un
instrument non juridique ayant pour objet, la
112Décret
n°839/PR/PM/MAT/2011 du 02 août 2011 portant création de la
Commission Nationale d'Accueil, de Réinsertion des
Réfugiés et des Rapatriés (CNARR)
98
planification stratégique de la gestion des
réfugiés et de l'aide humanitaire en rapport avec le plan
national de développement. Le Tchad dispose certes d'une base de
données relative à la question des réfugiés issue
des résultats du Deuxième Recensement Général de la
Population et de l'Habitat (RGPH2, 2009) et des différents rapports du
Haut Commissariat des Nations Unies aux Réfugiés. Mais cette base
de données statistique n'a pas été suivie d'un plan
d'action stratégique de gestion des réfugiés. Alors qu'un
tel plan aurait pu permettre d'aborder par exemple la question de
l'intégration des dimensions socio-économique et environnementale
dans la gestion des réfugiés, laquelle constitue d'ailleurs le
gage de l'efficacité de l'action humanitaire. Même s'il est vrai
que des textes juridiques peuvent prescrire la nécessité de prise
en compte de telles dimensions, les instruments d'orientation
stratégique et le plan national de développement sont mieux
indiqués pour servir de base d'orientation et de définition des
programmes humanitaires intégrant réellement les
réalités socioculturelles des réfugiés et des
populations hôtes et les préoccupations socio-économiques
et environnementales du pays du Tchad. A ces insuffisances liées au
cadre juridique et stratégique, il faut ajouter celles relatives
à la faiblesse, ou même l'inexistence de structures
étatiques et la faiblesse de coordination entre les services de l'Etat
et les organisations humanitaires.
B- Les insuffisances institutionnelles et
fonctionnelles
Pour un Etat, quelque soit le secteur d'activité,
l'existence d'institutions dédiées et d'une coordination entre
les différents acteurs est un gage supplémentaire de
succès. L'accueil des réfugiés au Tchad et l'encadrement
de l'action des ONG sont quelque peu caractérisés par une
insuffisance institutionnelle au niveau étatique et une faible
coordination entre les organes étatiques existants d'une part et les
Organisations Internationales d'autre part. Globalement, le niveau
d'implication de l'Etat du Tchad dans l'organisation de l'accueil des
réfugiés et la gestion de l'aide humanitaire reste très
insuffisant. Du point de vue institutionnel étatique, il existe
principalement trois structures qui interviennent directement dans ce secteur.
Il s'agit notamment de la Commission Nationale d'Accueil, de Réinsertion
des Réfugiés et des Rapatriés (CNARR) chargée de
mettre en application les instruments juridiques internationaux et les lois
nationales relatives aux réfugiés et aux demandeurs d'asile et
d'autres fonctions ci-dessus citées, du Détachement
Intégré de Sécurité (DIS), chargé d'assurer
la sécurité des réfugiés, des personnes civiles et
des travailleurs humanitaires et de la Direction Nationale des ONG et des
Affaires Humanitaires (DONGAH) qui s'occupe des aspects administratifs ayant
trait au fonctionnement des ONG et techniques relatifs au contenus des
programmes exécutés
99
parles acteurs humanitaires. Mais dans les faits, à
l'exception de la CNARR et du DIS qui sont effectivement présents sur le
terrain, la DONGAH traine les pieds pour assurer son implication réelle
dans la mise en oeuvre effective des programmes humanitaires portés par
les différents acteurs. La faiblesse de la DONGAH peut, dans une
certaine mesure, résulter de l'absence de textes juridiques l'instituant
et définissant des attributions mais au-delà de ce
problème, on relève aussi le manque de moyen financier
conséquent attribuer à cette structure qui a un rôle
crucial à jouer dans l'encadrement des actions des ONG. Elle
dépend majoritairement des allocations et dons faits par les ONG, ceci
affecte son efficacité et son objectivité notamment dans
l'accomplissement de ses missions de suivi-évaluation des actions des
ONG. De façon générale, tous ces organes de l'Etat ne
disposent pas suffisamment de moyens matériels, financiers et techniques
pouvant garantir l'autonomie et l'efficacité de leurs actions. Ils sont
largement dépendants des appuis multiformes des partenaires
internationaux. Pour ce qui est de la CNARR et du DIS, étant
donné qu'ils ont des rôles très importants, voire
indispensables pour les opérations humanitaires, des moyens
conséquents sont mis à leur disposition par les acteurs
internationaux. Par contre la Direction Nationale des ONG (DONG) dont le
rôle reste le plus important pour l'Etat du Tchad. L'importance du
rôle de la DONG pour l'Etat tchadien tient en ce qu'il est chargé
du contrôle de l'action des ONG sur le plan administratif et sur le plan
de la qualité des programmes qu'elles mettent en oeuvre. L'insuffisance,
voire l'absence des moyens mis à la disposition de cette structure de
contrôle fait que l'Etat n'a pas la possibilité d'avoir un regard
effectif sur les opérations des ces organisations. Ce qui peut permettre
un certain nombre de pratiques répréhensibles de la part de
certains de ces acteurs. Car, même si la majorité des
organisations humanitaires présentes au Tchad ont des actions
très objectives, effectivement altruistes et recherchant essentiellement
la satisfaction des besoins vitaux des populations vulnérables,
certaines ont des visées inavouées et se versent parfois dans des
pratiques affairistes. D'où l'importance pour l'Etat du Tchad de mettre
en place des structures ou de renforcer les compétences de celles qui
existent et de les doter des moyens conséquents pour leur permettre de
se déployer proprement. Cela aura l'avantage de permettre au pays
d'avoir une vue générale sur les opérations humanitaires
sur son territoire. En l'état actuel des choses, l'Etat du Tchad semble
déléguer la gestion des opérations humanitaires aux
agences des Nations Unies et aux Organisations Non-Gouvernementales
organisées autour de Coordination Humanitaire. La Coordination
Humanitaire est constituée des Représentants des Agences chefs de
File des Clusters, des représentants des agences humanitaires y compris
le PNUD.
100
Au delà de la non-prise en compte réelle des
intérêts stratégiques du pays dans les décisions
opérationnelles, l'on remarque également que la non-implication
réelle du Tchad dans le système de coordination humanitaire se
traduit également par la non-prise en compte des réalités
socio-économiques et culturelles des populations
bénéficiaires des programmes et l'implémentation des
projets ou la délivrance d'aide humanitaire non-adaptés. Pierre
MICHELETTI, président de Médecins du Monde, affirme à cet
effet que « Les projets en cours qui visent à standardiser ou
à quantifier les interventions humanitaires sont inquiétants, car
ils font courir le risque d'une approche normative de la solidarité
internationale. Moins que jamais, la complexité des terrains ne peut se
satisfaire de telles modalités. Si ces recherches de nationalité
sont louables, la démarche comporte cependant le risque de
réduire l'aide humanitaire à une mise à disposition d'une
logistique, négligeant l'étude des mécanismes sociaux et
politiques du contexte d'intervention et niant toute collaboration des
populations et des professionnels locaux à la définition
même des besoins »113. De cette affirmation, il
apparait clairement que Pierre MICHELETTI, éprouve de la réserve
quant à la quantification des opérations humanitaires. L'on peut
donc être conduit à relever que, pour un Etat qui entend inscrire
son action humanitaire dans une planification stratégique nationale
à l'effet de mettre en adéquation l'accueil des
réfugiés avec ses capacités ou ses possibilités
d'accueil, la démarche de quantification n'est pas sans importance. Et
parce que le mécanisme devant permettre au Tchad d'avoir une
lisibilité réelle sur les opérations humanitaires est
insuffisant, il est indiqué qu'il entreprenne des études
appropriées dont les résultats lui permettraient d'orienter sa
politique de gestion des réfugiés et de l'action humanitaire afin
de mieux l'aligner à sa stratégie nationale de
développement. Aux insuffisances relatives aux cadres institutionnels
(structures étatiques de coordination) et de coordination (instruments
de gestions des réfugiés), vient s'ajouter la faiblesse de prise
en compte de la dimension socio-économique et environnementale dans la
définition des programmes de l'aide humanitaire au Tchad.
Paragraphe II : Insuffisance de la dimension
socioéconomique et environnementale dans la définition des
programmes d'action à Coré
La question de l'environnement est aujourd'hui un
problème sensible qui mobilise l'attention des tous. Cependant, les ONG
internationales dans leurs actions à Goré ne lui accorde qu'une
place marginale. De ce fait, il serait adéquat d'étudier les
limites de cette prise
113Pierre MICHELETTI, Humanitaire : s'adapter ou
renoncer, Paris, Hachette Marabout, 2008, p. 124
101
en compte. Néanmoins, nous procéderons
préalablement à l'élucidation des insuffisances
socioéconomiques.
A- Limites liées à la dimension
socioéconomique et culturelle
Eu égard aux résolutions prises au niveau
international en matière de gestion des réfugiés, toute
action humanitaire doit pouvoir s'inscrire aussi dans une approche de
développement, surtout du développement durable. Autrement dit,
les acteurs humanitaires en apportant assistance aux réfugiés,
sont appelés à s'organiser de manière à ce que
leurs actions puissent non seulement conduire à l'autonomisation des
réfugiés ou à l'instauration des solutions durables, mais
aussi de veiller à ce que leurs actions ne soit pas source de conflits
menaçant l'intégration sociale des réfugiés. Cette
approche est consacrée à l'Annexe II des Principes d'action dans
les pays en développement (A/AC.96/645) qui précise que
« Les problèmes de réfugiés exigent des solutions
durables. Une solution authentiquement durable signifie l'intégration
des réfugiés dans une société : soit la
réintégration dans le pays d'origine, après rapatriement
librement consenti, soit l'intégration dans le pays d'asile ou
le
pays de réinstallation
»114.L'autonomisation des réfugiés ou
l'instauration des solutions durables passe aussi par l'intégration de
la dimension socioéconomique tant dans la conception que dans la mise en
oeuvre des programmes d'aide humanitaire. Cette dimension est certes
présente dans les opérations humanitaires à Goré,
mais elle reste largement insuffisante au regard des besoins réels des
réfugiés et ceux des populations hôtes. Michael Boyce et
Ann Hollingsworth ont justement relevé à ce sujet que «
Pendant la plupart de leur 12 ans d'exil, les réfugiés soudanais
au Tchad ont été traités par les donateurs et les agences
d'aide sur une place strictement humanitaire. Le HCR, le PAM, et des autres
organisations ont fourni les types d'assistance directe que toute la population
de réfugiés pourrait attendre: des rations alimentaires, de
l'abri, des articles non alimentaires, de l'eau, les services de santé,
l'éducation et la protection. Il semble que peu de réflexion ait
été consacrée à la viabilité de cette aide,
ou aux manières de rendre les réfugiés plus autonomes
»115.Alors qu'il est évident que si l'on vise une
aide durable qui consisterait à redonner aux individus la
capacité non seulement de survivre mais également de vivre
dignement après la catastrophe, il faut élargir le
114UNHCR Standing Committee : « Impact social
et économique d'importantes populations réfugiées sur
lespays hôtes en développement », 1997. Source :
http://www.unhcr.org
115M. BOYCE et A. HOLLINGSWORTH, « Les
réfugiés soudanais au Tchad: passer le relais à personne
»,2015, publié sur :
https://static1.squarespace.com/static
102
concept d'aide traditionnelle d'urgence et de reconstruction
à une aide au développement sur le long terme et à de la
prévention. Du point de vue culturel, les rivalités nées
des difficultés d'accès aux ressources naturelles (bois de
chauffe, terres agricoles, eau, etc.) d'une part, et de l'assistance
apportée exclusivement aux réfugiés d'autre part, n'ont
pas été propices à l'intégration socioculturelle
des réfugiés au sein des populations hôtes.. De telles
difficultés surviennent précisément en l'absence ou
insuffisance d'une démarche stratégique de gestion des
réfugiés. De manière précise, la cohabitation entre
les réfugiés et les populations hôtes est sujette à
des conflits incessants dans la mesure où les principes ou modes de vie
sont loin d'être partagés par les deux communautés.
Nonobstant les forts liens historiques et culturels existant entre les
populations hôtes et les réfugiés, la communauté
humanitaire à Goré n'a pas su mettre à profit ses
interventions pour davantage les rapprocher. Car, même s'il est vrai que
les conflits entre ces deux communautés peuvent aussi avoir des sources
en dehors de celles que nous avons soulignées, il faut noter que dans le
cas d'espèce, ce sont principalement les difficultés
d'accès aux ressources naturelles qui en sont les causes. Si l'approche
participative a depuis longtemps été intégrée dans
les programmes d'aide au développement, elle est peu prise en compte
lors des aides humanitaires d'urgence. Alors que nul n'est besoin de rappeler
que l'efficacité de l'aide humanitaire procède aussi de la prise
en compte des réalités culturelles des
bénéficiaires. Pour rendre leurs interventions efficaces, les
acteurs humanitaires doivent autant que possible fonder leurs interventions sur
les réalités locales. Le meilleur moyen de le faire, c'est de
traiter avec des entreprises locales, collaborer avec les ONG locales en
matière de planification et de mise en oeuvre des opérations,
trouver des moyens d'associer les bénéficiaires des programmes
à la gestion des secours, favoriser les démarches participatives
et faire en sorte que l'aide ne soit jamais imposée aux
bénéficiaires. Bref, il faut toujours tendre plus vers une
meilleure participation des populations bénéficiaires au
processus d'assistance humanitaire. Quoi donner ? Comment donner ? Ces
questions ne se posent pas assez souvent dans les opérations
humanitaires, et les conséquences sont pour le moins
préoccupantes. Car, pour donner, il faut savoir exactement ce dont les
populations ont besoin, et également quels sont les
éléments qui sont en pénurie dans le pays ainsi que dans
la région avoisinante. S'il y a la possibilité de
s'approvisionner surplace, alors on privilégiera les dons en
espèce permettant d'acheter de la nourriture ou des médicaments
localement. Au début des opérations humanitaires à
Goré et même jusqu'à récemment, l'on a plusieurs
fois assisté à des vives tensions autour de la qualité de
l'aide alimentaire livrées aux bénéficiaires. Les types
d'aliments apportés ne correspondent pas aux besoins et habitudes
alimentaires des dentinaires.
103
Malgré l'interdiction de vendre, certains
bénéficiaires sont obligés de les vendre ces articles pour
s'en acheter d'autres, correspondant mieux à leurs besoins et habitudes.
A ce jour, des milliers de containers entiers, de matériel humanitaire
inutile ou avarié attendent encore sur le tarmac des aéroports ou
dans les principaux ports pour être éliminés116.
Les grosses ONG sont maintenant familiarisées avec ces questions sur le
don et ses implications, et ce sont les petites qui posent le plus de
problèmes. Les gens pensent bien faire en envoyant des
médicaments ou des habits, mais ils font malheureusement souvent plus de
mal que de bien, car les procédures administratives et
l'élimination représentent un coût important pour ces
populations déjà affaiblies économiquement, ou alors pour
l'environnement si aucune solution, à terme, n'est trouvée. Pour
revenir au cas du Tchad où la persistance des conflits laissent
présager que la fin de la crise migratoire n'est pas pour demain, l'on
est en raison de s'interroger sur ce qu'il y a lieu de faire pour optimiser la
présence des réfugiés et les opérations
humanitaires. A notre sens, l'Etat tchadien et les acteurs humanitaires
internationaux doivent pouvoir s'organiser de manière à trouver
des solutions durables, ou à tout le moins, à renforcer
l'autonomisation des bénéficiaires pour une perspective d'accueil
maitrisé des réfugiés et d'aide humanitaire
réussie.
B- Manque de programme d'action adéquat à
Goré
Que ce soit en endommageant directement la terre, l'eau ou la
biodiversité, ou par le truchement de stratégies de survie qui
exercent de façon indirecte une pression sur des ressources naturelles
rares, les impacts environnementaux post-crise peuvent largement porter
atteinte aux ressources naturelles et rendre les populations affectées
particulièrement vulnérables aux évènements futurs.
Aussi, les opérations de secours et de relèvement qui suivent les
conflits et les catastrophes naturelles peuvent sans doute causer autant de
dégâts environnementaux que les crises elles-mêmes. En
effet, l'utilisation durant l'intervention humanitaire de techniques non
durables ou causantes des dommages environnementaux, peut laisser des
régions dans des logiques de dépendance de l'aide ou de
surexploitation de leurs ressources naturelles et ainsi devenir sujettes
à de nouveaux conflits. Bien plus, la simple opération d'une
importante présence humanitaire conçue pour des opérations
rapides et intenses, laisse trop souvent derrière elle, une
traînée de déchets polluants, une hyper-utilisation
concentrée des ressources et une urbanisation lourde non durable. La
non-prise en compte de
116R., PHILIPPE, J. MARGOT, MARGOT A., Les
limites de l'aide humanitaire, Lausane, Ecole Polytechnique
Fédérale deLausanne, 2007, p. 33
104
ces risques ainsi que l'intégration insuffisante des
considérations sur la question environnementale dans les
opérations de secours peut réduire l'impact positif des secours
en causant davantage de morts, de déplacements, de dépendance
à l'aide et de vulnérabilité. Bien que ce lien ait
été documenté dans des études de cas et soit
communément admis par les acteurs humanitaires sur le terrain, de
nombreuses opportunités sont perdues et de nombreux risques
environnementaux ignorés tout au long de l'action des ONG
internationales à Goré. Les acteurs humanitaires à
Goré semblent accorder peu d'intérêt aux
considérations environnementales dans la gestion des
réfugiés. Les contenus des programmes d'aide humanitaire en
attestent. Ces derniers ont été installés dans des zones
à écosystème fragile sans la mise en place des mesures de
préservation ou de restauration. L'on a ainsi noté que
l'écosystème des régions hôtes, plus celui du reste
du pays s'est considérablement dégradé, ceci du fait de la
pression des populations hôtes et réfugiés sur le peu de
ressources naturelles disponibles. Ce phénomène va
malheureusement grandissant. Les pouvoirs publics et les organisations
humanitaires sont beaucoup plus portés à trouver des moyens de
subsistance immédiate ou de secours, à savoir nourriture,
santé, eau, éducation, etc... Ce qui n'est pas mauvais en soi,
mais reste limité du point de vue des solutions durables ou de
l'autonomisation des réfugiés. Les résultats des
enquêtes menées sur le terrain dans le cadre de la présente
étude, révèlent que les considérations
environnementales ont été insuffisamment prises en compte. Dans
les localités abritant les camps des réfugiés, l'on
perçoit aisément des grandes superficies déboisées,
créant par conséquent des conflits ouverts entre les populations
hôtes et les réfugiés. Il est à déplorer que
très peu des projets visant à préserver ou à
améliorer l'écosystème ont été mis en oeuvre
dans à Goré où sont installés les camps des
réfugiés. Les quelques projets environnementaux
implémentés dans la région ne résultent pas
nécessairement d'une réflexion visant à combiner la
protection de l'environnement à l'assistance humanitaire.
A l'issu de cette littérature, il est à relever
que même si les dimensions socio-économiques et environnementales
sont présentes dans les programmes d'action des ONG internationales
à Goré, elles restent largement insuffisantes du point de vue des
exigences d'une démarche d'instauration des solutions durables ou
d'autonomisation des réfugiés et des populations hôtes. De
telles insuffisances, ainsi que celles relatives à la dimension
législative, institutionnelle, fonctionnelle ci-dessus
évoquées méritent que l'on s'y penche pour apporter des
ajustements requis.
105
SECTION II : PERSPECTIVES D'AMELIORATION DE L'ACTION
DES ONG INTERNATIONALES A GORE
Comme nous l'avons vu dans le chapitre
précédent, l'accueil des réfugiés à
Goré quoique portant de nombreux risques sécuritaires et
environnementaux, est porteur d'énormes retombés impactant
positivement son processus de développement socio-économique. Au
regard des réalités du terrain et considérant la
persistance des conflits à l'origine des multiples flux migratoires sur
le territoire national, l'on peut sans risque de se tromper, affirmer que la
crise des réfugiés au Tchad s'inscrit dans une perspective
à long terme. D'où la nécessité pour l'Etat du
Tchad de prendre un certain nombre de mesures dans le sens d'apporter des
améliorations non seulement sur les plans juridique, technique et
institutionnel (Paragraphe I), mais aussi sur les plans socio-économique
et environnemental (Paragraphe II) pour mieux capitaliser les retombés
de l'action humanitaire et le rendre davantage profitable pour ses
bénéficiaires et pour son développement.
Paragraphe I : La restructuration du cadre
législatif et institutionnel de l'action des ONG internationales au
Tchad
Dans ce paragraphe, seront exposées tour à tour
les mesures relatives au renforcement du dispositif textuel de gestion des
réfugiés d'une part (A), et le renforcement des structures
étatiques de coordination de l'action des ONG internationales d'autre
part (B).
A- Renforcement du cadre juridique et technique de l'aide
humanitaire
La présente étude se propose de suggérer
des pistes susceptibles de contribuer à corriger ces insuffisances. Pour
ce qui est de l'aspect législatif, il semble plus qu'urgent pour le
Tchad de définir un cadre juridique spécifique à la
question des réfugiés et de l'aide humanitaire.
L'intérêt d'une telle loi réside dans le fait qu'elle
permettra de contextualiser la gestion des réfugiés et plus
généralement, d'apporter des précisions pratiques que l'on
retrouve très peu dans les instruments internationaux ou
régionaux. A titre d'illustration, l'on peut se référer au
Cameroun où il existe une telle loi, en l'occurrence la Loi
n°2005/006 du 27 juillet 2005 portant statut des réfugiés au
Cameroun. Tout en rappelant la définition du concept de
réfugié et les droits et devoirs attachés au statut de
réfugié, cette loi détermine et délimite les
démarches procédurales à suivre au Cameroun pour
acquérir et jouir des droits attachés au statut de
réfugié. Une telle loi a le mérite de rendre
opérationnel les dispositions des
106
instruments internationaux et régionaux relatifs
à la question des réfugiés. A titre illustratif, l'on peut
citer ici l'article 7 alinéa 2 de ladite loi qui stipule que «
Tout demandeur d'asile doit, à l'entrée du territoire national,
se présenter aux autorités compétentes dans un
délai de quinze (15) jours». L'alinéa 3 du même
article consacre qu'« un saufconduit d'une validité de deux
mois non renouvelable est délivré à
l'intéressé par l'autorité l'ayant entendu qui transmet
sans délai le dossier à la commission d'éligibilité
au statut de réfugié visée à l'article 16
ci-dessous »117.Parmi les pays africains à
s'être dotés d'une loi nationale régissant le statut des
réfugiés, l'on peut citer ; le Sénégal
(Décret N° 2004-205 du 17 février 2004 portant octroi du
statut de réfugié), le Burkina Faso (Loi N°042-2008/AN
Portant Statut des Réfugiés au Burkina Faso. JO N°51 du 18
décembre 2008), le Mali (Loi N°1998-40 du 1998 portant statut des
réfugiés) etc. Tout comme dans la loi camerounaise portant statut
des réfugiés, celles des pays ci-dessus cités abordent
aussi les aspects pratiques relatifs aux démarches procédurales
à suivre pour acquérir et jouir des droits attachés au
statut de réfugié. Ces aspects pratiques n'existent pas toujours
dans les instruments internationaux ou régionaux, et c'est le cas avec
ceux relatifs à la gestion des réfugiés. Il apparaît
ainsi que le fait pour le Tchad de se doter d'une loi portant statut des
réfugiés et de la question de l'aide humanitaire n'est pas juste
qu'un effet de mode, mais il constitue un élément d'encadrement
pratique qui lui permettrait de gagner en efficacité dans les actions en
vers les réfugiés présents sur son territoire. Pour ce qui
est du plan d'action stratégique de gestion des réfugiés
et de l'aide humanitaire, il constituera une espèce de poteau indicateur
pour orienter les actions concertées de l'Etat et de ses partenaires
opérationnels en faveur des réfugiés et des populations et
contribuera à allier le tout à son plan stratégique de
développement national. Le contenu de ce plan abordera principalement
les questions relatives aux mesures techniques à prendre pour
améliorer les conditions d'accueil et d'intégration des
réfugiés et du dimensionnement de l'aide humanitaire en prenant
en compte les exigences sociale, économique, culturelle et
environnementale des bénéficiaires et de l'orientation
stratégique de la politique nationale de développement. A titre
d'exemple, l'on peut citer ici le Plan d'Action Humanitaire de la
République Démocratique du Congo de 2011118dont la
pertinence des dispositions confirme la nécessité pour le Tchad
de s'en doter. Il faut noter que pour plus d'opérationnalité et
d'efficacité, un tel plan doit résulter d'un consensus entre le
pouvoir public national et les organisations humanitaires internationales et
locales. Ce plan peut être conçu pour gérer un cas
spécifique de gestion des réfugiés, ou pour orienter
toutes les
117R., PHILIPPE, J., MARGOT, MARGOT A., Les
limites de l'aide humanitaire, Ecole Polytechnique Fédérale
de Lausanne, 2007, p. 33
118
https://www.humanitarianresponse.info/rapport_annuel_pah_2011_final.pdf
107
opérations humanitaires de façon
générale. Au-delà du renforcement des instruments
d'encadrement juridique et technique des réfugiés, les structures
étatiques ont aussi un rôle immense à jouer dans la
coordination de l'accueil des réfugiés et de l'action humanitaire
au Tchad. D'où la nécessité de s'investir à leur
amélioration pour les rendre davantage performantes.
B- La redynamisation du cadre institutionnel et
fonctionnel
Améliorer la coordination de l'action humanitaire au
Tchad du point de vue des structures étatiques, c'est allier à la
fois l'organisation de l'accueil des réfugiés et le pilotage des
opérations humanitaires. Ceci peut se faire à travers le
renforcement des capacités et la mise à disposition des moyens de
fonctionnement aux organes existants, notamment la Commission Nationale
d'Accueil, de Réinsertion des Réfugiés et des
Rapatriés (CNARR) et la Direction Nationale des ONG et des Affaires
Humanitaires (DONGAH). Mais pour plus de pragmatisme et d'efficacité,
nous recommandons la création d'un organe supplémentaire
spécifiquement chargé d'observer l'impact de l'accueil des
réfugiés et de l'action des ONG internationales sur le processus
de développement socio-économique du pays. En
réalité, la coordination de l'action humanitaire pour un pays ne
saurait seulement être le fait de s'assurer du bon déroulement des
opérations humanitaires et la sécurité des acteurs comme
cela semble être le cas actuellement, mais c'est aussi collecter et
traiter les données et informations utiles à la prise de
décision. Et c'est précisément ces données et
informations collectées et traitées qui permettront par exemple
d'apprécier l'impact des réfugiés sur le
développement socio-économique du pays d'accueil, de formuler des
pistes de capitalisation de la présence des réfugiés. Dans
le contexte du Tchad où les crises se sont pérennisées, il
devient de plus en plus difficile de distinguer les actions de l'aide
humanitaire et celles de l'aide au développement. Inversement, les
organisations de développement se retrouvent parfois à
gérer des situations d'exception et les organisations humanitaires se
retrouvent à gérer des actions relevant du domaine de
développement. Dans ce contexte, les limites entre les deux secteurs
sont d'autant plus difficilement perceptibles que fondamentalement, le
développement touche à deux aspects fondamentaux de l'action
humanitaire, à savoir la prévention des conflits et la
reconstruction. L'idée ici est de conférer une cohérence
dans l'action, laquelle donnerait aux agences d'aide humanitaire et de
développement et aux donateurs, des éléments susceptibles
de mieux orienter leurs interventions.
108
Paragraphe II : L'intégration effective des
facteurs socio-économiques et environnementaux dans l'action des ONG
internationales dans les camps de Goré
Traiter du renforcement des dimensions socio-économique
(A) et environnementale dans les programmes d'aide humanitaire au Tchad (B),
revient en réalité à s'appesantir sur la question du
renforcement des liens humanitaires et développement.
A- Intégration de la dimension
socio-économique dans les programmes d'action des ONG internationales
à Goré
Au Tchad, les besoins humanitaires découlent de
nombreux défis, principalement de la rareté des ressources
naturelles, des crises sociopolitiques et des multiples conflits armés
qui caractérisent la vie du pays et celle de la majorité de ses
voisins. Cette situation expose les populations à des crises
humanitaires récurrentes, exacerbant ainsi leurs
vulnérabilités et affectant leur capacité de
résilience. L'extrême pauvreté et les
inégalités, l'accès limité aux services de base, la
dégradation de l'environnement, le changement climatique et la
croissance démographique plus rapide que la croissance économique
et le progrès agricole, auxquels se rajoutent les chocs venus des pays
voisins, expliquent en partie la persistance des situations humanitaires dans
le pays. Dans ce contexte de pauvreté chronique et de faible
développement socio-économique, l'action humanitaire, ne peut
être efficace sans une programmation intégrée humanitaire
développement. L'analyse des besoins humanitaires au Tchad,
essentiellement basée sur les trois crises majeures à savoir,
l'insécurité alimentaire et la malnutrition, les mouvements de
populations et les urgences sanitaires, a permis de mettre en évidence
les causes profondes génératrices des besoins humanitaires
multisectoriels qui exposent les populations à une
vulnérabilité aigüe ou chronique. Dans l'optique d'apporter
une réponse à la problématique de l'autonomie des
réfugiés, le Haut Commissariat des Nations Unies pour les
Réfugiés a développé une approche alliant
l'assistance aux réfugiés et l'aide au développement,
connue sous la terminologie de la stratégie de l'aide aux
réfugiés et du développement. Cette approche connue sous
le nom de l'aide durable, marque un point d'honneur sur la
nécessité pour les secours d'être orientés
d'emblée vers le développement. L'objectif étant de faire
passer les réfugiés à l'autosuffisance et à la mise
en oeuvre d'une solution durable à leur situation. Reymond Philippe,
Margot Jonas et Margot Antoine disent de l'aide humanitaire durable qu'elle
« est une aide dont les effets s'inscrivent dans le long terme. Il ne
s'agit pas d'une aide qui dure, mais plutôt d'une aide qui sait
évoluer et donner aux populations les conditions nécessaires pour
retrouver leur autonomie. Elle doit permettre aux
109
populations une cohabitation sans confrontation,
prévenant ainsi l'apparition de nouveaux conflits
»119.Une telle approche éviterait aux
réfugiés et aux populations locales d'être
dépendants de l'aide humanitaire. Sachant que la limitation de la
dépendance ou l'autonomisation impacte positivement sur le
développement socio-économique du pays d'accueil, l'approche aide
durable ne sera que avantageuse pour le Tchad. Si les acteurs humanitaires
internationaux n'interviennent pas de manière satisfaisante en
matière d'autonomisation des bénéficiaires, il revient
à l'Etat du Tchad de s'investir pour rendre cela possible, parce qu'il y
va avant tout de son intérêt. Dans la perspective d'apporter de
réponses efficaces à ces problématiques, la
communauté humanitaire s'est dotée d'un cadre de réponse
pluriannuel couvrant la période de2019-2020 aligné à
l'UNDAF 2017-2021 (United Nations Development Assistance Framework ou Plan
cadre des Nations Unies pour le Développement), lui-même
ancré sur le Plan National de Développement du Tchad (PND
2016-2020). Ledit cadre permettra d'engager des actions humanitaires et
d'impliquer davantage les acteurs de développement et le gouvernement
dans des programmes de réduction progressive des
vulnérabilités identifiées au sein des populations
réfugiés et locales, grâce à un diagnostic
partagé des problèmes de développement et leurs effets sur
la persistance des crises humanitaires. S'il est vrai que ce cadre de
réponse pluriannuel se trouve en adéquation avec le Plan de
Développement National du Tchad, pour ce qui est
précisément de la gestion des réfugiés, la
démarche aurait pu gagner davantage en efficacité s'il existait
un plan stratégique national d'action humanitaire, en plus du Plan
National de Développement. Pour le comprendre davantage, il faut dire
que le Plan de Développement National fixe en réalité les
grandes orientations du développement, mais il revient à chaque
secteur d'élaborer des instruments de planification spécifique.
Au Tchad, il reviendra par exemple à la Commission Nationale d'Accueil,
de Réinsertion des Réfugiés et des Rapatriés, ou
à un autre organe dédié et le ministère de tutelle,
d'élaborer le plan stratégique national d'action humanitaire.
L'approche constitue donc un acquis, mais c'est sa matérialisation dans
le contexte tchadien qui pose problème, et ce, en raison de
l'insuffisance des instruments d'orientation et de planification
stratégique du développement local dans les localités
hôtes et du plan d'action stratégique de gestion des
réfugiés. A ceci, l'on peut aussi ajouter l'insuffisance de la
ressource humaine. S'agissant du renforcement de l'approche de
l'intégration des services humains, les acteurs
119R., PHILIPPE, J., MARGOT ET A. MARGOT, Les
limites de l'aide humanitaire, SHS Développement Durable et
Développement Nord-Sud, Ecole polytechnique de Lausanne, 2006-2007, p.
50.Pour eux, l'aide humanitaire durable s'articule donc autour de cinq piliers
: coordination des actions pendant la crise ; approche participative ; aide
à la réhabilitation socio-économique ; maintien des
traditions locales ;prévention.
110
humanitaires opérant au Tchad doivent pouvoir davantage
tenir compte des difficultés des populations hôtes et
intégrer ces derniers dans leurs actions d'assistance. Ceci parce qu'en
réalité, la présence des réfugiés
complexifie leurs conditions de vie. Et pour ce faire, des mesures doivent
aussi être prises pour davantage tenir compte de leurs conditions de vie.
A ce niveau, il sera concrètement question de mettre sur pieds des
mécanismes visant à développer la résilience des
populations hôtes face aux difficultés nées de la
présence des réfugiés dans leurs villages, mais aussi
à développer la résilience des réfugiés pour
une autonomisation ou du moins, pour préparer leur intégration ou
leur réinstallation. Les mesures visant à renforcer la dimension
socio-économique dans l'action humanitaire doivent pouvoir être
aussi bien le fait des acteurs humanitaires nationaux que des acteurs
humanitaires internationaux.
B- Intégration de la dimension environnementale
dans les programmes d'action des ONG internationales à
Goré
D'après l'UNHCR Standing Committee, « Il n'est
pas toujours possible de contrôler les modifications des
écosystèmes. Si l'on modifie un ou plusieurs facteurs avec un but
spécifique tel que le défrichage pour la culture ou le
nivellement aux fins d'irrigation, et que cette modification se fonde sur une
planification saine, tenant compte de l'impact sur les conditions
écologiques, l'écosystème nouvellement établi n'est
pas nécessairement inférieur à l'ancien. Le
développement d'un nouveau système peut dans ce cas être
qualifié de développement contrôlé. Mais si un
changement soudain et non planifié survient, il peut conduire à
un déséquilibre grave et incontrôlé ayant une
incidence sur l'écosystème tout entier, tant dans la
région directement touchée qu'au-delà. Le mouvement massif
de réfugiés constitue un exemple d'une situation où
l'impact sur l'écologie n'est pas totalement contrôlé car
le caractère d'urgence du mouvement ne permet pas
généralement une planification précoce et adéquate
du nouvel habitat »120affirme le Haut-commissariat des
Nations Unies pour les Réfugiés. De cette affirmation, l'on
retient que l'entreprise de préservation de l'environnement dans un
contexte d'accueil massif des réfugiés n'est pas chose
aisée. Elle peut l'être dans le cas où les activités
susceptibles de porter atteinte à l'environnement ont fait l'objet d'une
conception et d'une planification stratégique en amont. L'accueil des
réfugiés au Tchad est en réalité chose
spontanée et ne relève pas d'unetelle démarche, et c'est
ce qui explique la dégradation de l'écosystème dans les
régions où sont installés les réfugiés.
Puisque l'environnement est déjà
120UNHCR Standing Committee : « Impact social
et économique d'importantes populations réfugiées sur les
pays hôtes en développement », 1997. Source :
http://www.unhcr.org/fr
111
considérablement dégradé et que le
départ des réfugiés n'est pas pour demain, des mesures
méritent d'être prises à l'effet de réduire l'impact
sur l'écosystème. S'il est vrai qu'il revient à une
instance internationale, en l'occurrence le Haut-commissariat des Nations Unies
pour les Réfugiés de coordonner l'action des différents
acteurs devant permettre la gestion efficace des réfugiés et la
restauration de l'écosystème138,il y a lieu de relever que c'est
d'abord l'Etat du Tchad qui est interpellé en premier chef. Il devra
donc faire preuve d'une démarche diplomatique efficace pour mobiliser
les acteurs internationaux autour de la question de restauration de
l'écosystème dans les régions dont les
écosystèmes ont été affectés par la
présence des réfugiés. En plus de la mobilisation des
acteurs internationaux, l'Etat tchadien devra en interne, prendre aussi des
mesures de protection ou de restauration de l'environnement. Les actions des
organisations humanitaires internationales et celle du Tchad, devront donc
conduire à la mobilisation des compétences et des ressources
financières nécessaires à la restauration de
l'environnement des zones d'implantation des camps de réfugiés.
La grande détresse que provoquent les crises humanitaires pousse les
organisations humanitaires à intervenir. Mais comment peuvent-elles
intervenir afin d'alléger les souffrances des personnes sans alimenter
les conflits, sans entraver les efforts locaux et sans induire des effets
pervers de dépendance ? Un élément de réponse est
apporté aujourd'hui au travers des programmes de soutien à la
résilience. Un programme qui oeuvre au renforcement des capacités
à résister et à absorber les chocs lors de la crise. La
mise en oeuvre de ce programme permettrait de diminuer le degré de
vulnérabilité de la population et d'éviter la
dégradation de la situation humanitaire. Cette stratégie doit
être envisagée à plusieurs niveaux
socio-économiques. Il s'agira notamment de la : Résilience des
individus : permettre aux personnes de faire face aux chocs
épidémiologiques et climatiques, ainsi qu'aux stress dus au
manque de nourriture et de sécurité. Pour ce faire, il faut
mettre en place des programmes qui, tout en comblant leurs besoins vitaux, ne
les mettent pas dans une position de dépendance, par exemple dans le en
développant un programme d'aide combinant aide alimentaire
limitée - soutien à la relance agricole. De fait, cela
consistera en la limitation et/ou réduction de l'aide alimentaire
directe et un investissement massif dans le développement de
l'agriculture. Mais pour réussir, il est fondamental d'être
d'abord à l'écoute, de cerner les besoins réels et de voir
ce qui est encore à disposition. Un exemple concret de réussite
en matière de relance de l'agriculture qui pourrait inspirer est celui
du Malawi amplement détaillé par Mathilde Douillet de Fondation
pour l'Agriculture et la Ruralité dans le Monde (FARM)121.
121M., Douillet, La relance de la production agricole
au Malawi : succès et limites, FARM, mars 2011 p. 3. Dans
112
CONCLUSION PARTIELLE
En principe lorsqu'on pose une action, on s'attend à
une conséquence, autrement dit un impact. Partant de cette base,
l'action des ONG internationales à Goré comporte inexorablement
des conséquences ou impacts. On remarque dans un premier temps ces
impacts sur la vie des réfugiés des camps de Goré et
ensuite sur le Tchad en général. Les réfugiés se
trouvaient dans des situations de vulnérabilité criante et leurs
quotidiens étaient constitués d'une précarité
alarmante, mais avec l'affluence des ONG internationales et la mise en oeuvre
de leurs actions, ces derniers ont vu leur vie s'améliorer même si
l'on ne pourrait parler de confort de base. Ces améliorations concernent
particulièrement les secteurs de la protection, de l'éducation,
de la santé et de l'hygiène, de l'environnement mais aussi des
programmes d'autonomisation et de réduction de la situation de
dépendance. Quant aux impacts pour le Tchad, ils ne sont non plus des
moindres. Car, non seulement, les ONG internationales de Goré à
travers leurs actions, permettent à l'Etat tchadien d'avoir des
débouchés sur le plan socioéconomique et politique en
interne, mais, ces actions constituent un moyen pour le Tchad de redorer son
blason à travers une promotion reluisante de sa politique
extérieure et la montée en puissance de sa diplomatie.
Si les actions des ONG internationales impactent positivement
sur la vie des réfugiés, des populations hautes et du Tchad dans
sa généralité, il ne serait pas judicieux de passer sous
silence les limites de ces actions. Ainsi, nous relevons un certain nombre
d'insuffisances à savoir les insuffisances sur le plan
législatif, institutionnel et stratégique d'une part et d'autre
part, les limites sur le plan économique et environnemental. Pour ce
faire, compte tenu des limites, l'on a préféré faire
quelques suggestions en guise de contribution car il ne serait pas constructif
d'étudier une situation, d'analyser ses contours, d'en déceler
les impacts positifs et les limites sans pouvoir faire des suggestions.
cet article, Mathilde Douillet explique comment le Malawi, un
des pays les plus pauvres et les plus densément peuplés d'Afrique
subsaharienne, est en passé de devenir une star grâce à la
croissance spectaculaire de sa production de maïs, aliment principal de sa
population. En quelques années, le Malawi a doublé la production
de maïs, ce qui lui permet même d'en exporter à ses voisins.
Ce succès s'explique essentiellement par une réorientation
massive du budget de l'Etat vers le secteur agricole. Cette note fit le point
des mesures mises en oeuvre dans le secteur agricole malawien. Elle souligne
leurs succès et leurs limites. En particulier, elle analyse la
subvention à l'utilisation des intrants et montre comment cette mesure a
permis aux agriculteurs les plus pauvres d'accéder aux engrais et aux
semences, levant ainsi la contrainte principale à l'augmentation des
rendements.
CONCLUSION GENERALE
113
Le choix d'un thème traitant de la question de l'action
des ONG et portant notamment sur« L'action des ONG internationales
dans les camps de réfugiés de Goré au Tchad »
n'est pas anodin. Nous nous sommes fixés pour objectif de
comprendre comment s'effectue le déploiement des ONG internationales
dans les camps de réfugiés de Goré et l'influence que
leurs actions peuvent avoir sur les réfugiés ainsi que sur le
territoire tchadien. Pour atteindre cet objectif, nous avons émis des
hypothèses de départ dont une hypothèse principale et deux
hypothèses secondaires, formulées respectivement comme suit :
Hypothèse principale : Les actions des ONG
internationales dans les camps de Goré sont animées par le souci
de la protection internationale conformément à la
Déclaration Universelle de Droit de l'Homme : « tout individu a
droit à la vie, à la liberté et à la sureté
de sa personne »122. Ces actions ont aussi pour but
d'assister les réfugiés notamment sur les questions d'ordre
alimentaire, sanitaire, et éducatif ; tout en identifiant les
défis auxquels l'assistance et la protection des réfugiés
sont confrontées afin d'explorer les possibilités de leur
renforcement au moyen de nouvelles approches, qui respectent les
préoccupations et les contraintes de l'État tchadien.
Hypothèse secondaire 1 : Le
déploiement des ONG internationales dans les camps de Goré est
précédé par un certain nombre de formalités
administratives. Après ces formalités s'en suit la descente sur
les terrains d'opération des différentes ONG en fonction de la
spécialité de chacune d'elles.
Hypothèse secondaire 2 : Le
déploiement des ONG a des conséquences positives dans la vie des
réfugiés, car il permet non seulement d'assurer leur protection
mais aussi d'assurer les besoins vitaux à savoir la satisfaction des
besoins en eaux, en nourriture, en éducation, en santé et des
activités connexes telle que l'agriculture.
C'est donc sur la base de ces hypothèses que nous avons
entrepris les recherches. Les résultats issus des investigations
menées dans le cadre de ladite étude montrent que l'action des
ONG internationales à Goré a un impact globalement positif pour
le pays. Ces résultats
122 Article 3 de la Déclaration Universelle des droits de
l'Homme du 10 Décembre 1948.
114
attestent que, sur le plan socio-économique, l'accueil
des dizaines des dizaines de milliers de réfugiés à Tchad
a engendré une mobilisation sans précédent de la
solidarité internationale en faveur du pays. Cette mobilisation se
caractérise par une affluence massive des organisations humanitaires
internationales et un déploiement d'énormes ressources
financières et matérielles pour la mise en oeuvre des projets
d'assistance aux réfugiés, mais aussi aux populations locales
dont la situation n'est parfois guère meilleure que celle des
réfugiés. Ce déploiement massif des organisations
humanitaires internationales et des ressources financières permettent
non seulement d'apporter de l'aide directe aux populations
réfugiés et autochtones en leur fournissant gratuitement, entre
autres, des soins de santé, de l'eau potable et de l'aide alimentaire,
mais elles permettent aussi de générer de l'emploi, de
l'auto-emploi et de créer de nombreuses opportunités d'affaires
pour les opérateurs économiques et les populations locales.
Sur le plan politique et diplomatique, les résultats de
cette recherche montrent que l'action des ONG internationales à
Goré recouvre des enjeux stratégiques de taille pour le pays,
récemment encore considéré comme « un pays
néant » en ce qu'il lui permet de bénéficier
d'une exposition médiatique que a largement contribué à la
promotion de son image sur la scène internationale comme un pays faisant
preuve d'une volonté à respecter ses engagements issus des
conventions internationales et régionales en matière des
réfugiés.
Outre l'impact positif sur le processus de
développement socio-économique et politique du Tchad, les
résultats de la recherche montrent que la gestion réussie des
milliers de réfugiés au Tchad peut servir de vecteur de promotion
du renforcement de l'intégration nationale et régionale, voire
africaine.
Par ailleurs, même si les résultats de
l'étude nous révèlent que la République du Tchad
fait preuve de volontarisme et d'exemplarité en accueillant tant de
réfugiés sur son territoire national, il ne reste pas moins que
l'accueil de ces réfugiés et la gestion de l'aide humanitaire qui
s'en est suivie restent caractérisés par un certain nombre
d'insuffisances qui amenuisent l'impact positif de cette hospitalité
humanitaire. Ces insuffisances relevées tiennent aussi bien au niveau
législatif, institutionnel que fonctionnel, notamment à l'absence
de lois régissant spécifiquement les questions des
réfugiés, des Organisations Non-Gouvernementales et la gestion de
l'aide humanitaire, à la faiblesse des organes de l'Etat en charge de la
question des réfugiés, à l'absence d'organe de l'Etat
dédié à la gestion de l'aide humanitaire et à la
faiblesse de la coordination entre les services publics et les organisations
humanitaires
115
opérationnelles au Tchad ainsi qu'à la faible de
prise en compte des réalités socioculturelles des populations
bénéficiaires et de du renforcement de l'intégration de
l'aspect durabilité dans la définition des programmes d'aide
humanitaire. Les différents résultats obtenus nous amènent
à conclure que nos hypothèses de départ, se
vérifient. Considérant que la crise des réfugiés au
Tchad s'inscrit dans la durée, du fait de la persistance des crises
sociopolitique, économique et sécuritaire au Tchad et dans les
différents pays d'origine des réfugiés, il est important,
voire urgent que le Tchad, de concert avec ses partenaires humanitaires
internationaux et nationaux, prenne des mesures qui s'imposent pour pallier
à ces insuffisances afin de mieux capitaliser les retombés de la
présence des réfugiés et de l'aide humanitaire au profit
des bénéficiaires et de son développement
socio-économique et politique. C'est pourquoi, en guise de contribution,
nous avons suggéré un certain nombre de pistes
d'améliorations - allant de l'adoption des lois spécifiques
à la question des réfugiés, de l'aide humanitaire et du
fonctionnement des organisations humanitaires au renforcement de la
coordination entre les services de l'Etat et les organisations humanitaires, en
passant parle renforcement de capacités des organes publics en charge de
la question des réfugiés et de la gestions des organisations
non-gouvernementales, à la révision du contenu des programmes
d'aide.
116
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www.europarl.europa.eu
TABLE DES MATIERES
DÉDICACE ii
REMERCIEMENTS iii
SIGLES ET ABREVIATIONS iv
LISTE DES TABLEAU ET FIGURES vi
RESUME vii
ABSTRACT 0
INTRODUCTION GENERALE Erreur ! Signet non
défini.
I- CONTEXTE DE L'ETUDE 2
II- DELIMITATION DU CHAMP DE LA RECHERCHE
3
1- Délimitation spatiale 3
2- Délimitation temporelle 4
III- CLARIFICATION CONCEPTUELLE 5
1- Organisation Non Gouvernementale (ONG)
5
2- Refugié 6
IV- REVUE DE LA LITTERATURE 7
V- OBJECTIFS D'ETUDE 16
1- Objectif général 16
2- Objectifs spécifiques 16
VI- PROBLEMATIQUE ET HYPOTHESES 17
1- Problématique 17
2- Hypothèses 18
VII- CADRES THEORIQUE ET METHODOLOGIQUE 18
A- CADRE THEORIQUE 19
1- Le transnationalisme 19
2-
122
Le réalisme 21
3- Le néolibéralisme 22
B- CADRE METHODOLOGIQUE 24
1- La technique de collecte de données
24
2- La technique d'analyse des données
25
VIII- ANNONCE DU PLAN 25
PREMIERE PARTIE 26
L'ACTION DES ONG AU TCHAD : UNE DYNAMIQUE UNIVERSELLE
26
CHAPITRE I : LES FONDEMENTS ET L'ETAT DES LIEUX DU
DEPLOIEMENT
HUMANITAIRE DES ONG INTERNATIONALES AU TCHAD
28
SECTION I : LES FONDEMENTS DE L'ACTION DES ONG
INTERNATIONALES AU
TCHAD 28
Paragraphe I : Les fondements historiques et
sociologiques de l'action des ONG
internationales 29
A- Les fondements historiques 29
1- Bases religieuses 29
2- L'apport de la philosophie 30
B- Les fondements sociologiques de l'action des ONG
internationales 31
1- La conception occidentale de la solidarité
33
2- De la conception occidentale à la carence
des politiques locales de développement depuis
les indépendances en Afrique 35
Paragraphe II : Les instruments juridiques et les
mécanismes institutionnels de l'action des
ONG internationales au Tchad 36
A- Les instruments juridiques 37
1- Les textes internationaux 37
a- La Déclaration Universelle des Droits de
l'Homme 37
b- Convention européenne (n°124) sur la
reconnaissance de la personnalité juridique des
organisations non gouvernementales et leur protection
en Droit International 38
2- Les textes nationaux 39
a- La constitution (article 28 de la constitution de
2018) 40
b- L'ordonnance n°27/INT-SUR du 28 Juillet 1962
40
c- Décrets n°166 du 25 Aout 1962
41
d- Ordonnance n°023/PR/2018 du 27 Juin 2018
42
B- Les mécanismes institutionnels
42
1- Les mécanismes institutionnels sur le plan
international 42
a-
123
Conseil économique et social des Nations Unies
(ECOSOC) 42
b- L'Union Africaine (UA) 44
2- Les mécanismes institutionnels sur le plan
national 44
a- Le Ministère de l'économie et de la
planification du développement (La Direction des
ONG et Affaires Humanitaires) 44
b- Le Ministère des Affaires
Etrangères, de l'Intégration Africaine et de la
Coopération
Internationale (Direction Générale de
la Coopération Internationale) 46
c- Le CNARR 47
SECTION II : L'ETAT DES LIEUX DE L'ACTION DES ONG
INTERNATIONALES
DANS LES CAMPS DE GORE 48
Paragraphe I : Aperçu général sur
les camps de réfugiés de Goré 49
A- Le dénombrement et organisation des
réfugiés dans camps de Goré 49
B- La pluralité des ONG internationales
intervenant dans les camps de Goré 50
Paragraphe II : De la situation initiale aux
conditions actuelles des réfugiés 51
A- La situation de précarité des
réfugiés 52
B- L'amélioration des conditions de vie des
réfugiés grâce à l'action des ONG
internationales
à Goré 55
CHAPITRE II : L'OPERATIONNALISATION DES ONG
INTERNATIONALES DANS
LES CAMPS DE REFUGIES DE GORE Erreur !
Signet non défini.
SECTION I : LE CADRE OPERATIONNEL 57
Paragraphe I- La mise en oeuvre de l'action des ONG
internationales à Goré 57
A- Les partenariats entre les ONG internationales et
les organes des Nations Unies
Collaboration et mise en oeuvre 58
B- Le partenariat entre les ONG internationales,
l'Etat tchadien 59
Paragraphe II : L'implantation des actions des ONG
internationales à travers des
stratégies spécifiques 60
A- Les programmes et projets des ONG 61
B- Les plans de réponse 62
SECTION II : L'EFFECTIVITE DES ONG INTERNATIONALES DANS
LES CAMPS DE
REFUGIES DE GORE 64
Paragraphe I : Les réalisations dans les
secteurs prioritaires 64
A- La satisfaction des besoins vitaux 64
1- Éducation 64
2- Eau, hygiène et assainissement
64
3- Moyens de subsistance 65
4- Protection 65
5-
124
Santé et nutrition 65
6- Sécurité alimentaire 66
7- Abris 66
B- L'assistance dans le secteur de
développement et de l'environnement 66
Paragraphe II : Les stratégies d'adaptation et
les modalités de distribution 69
A- Les stratégies d'adaptation 69
B- Les modalités de distribution
71
CONCLUSION PARTIELLE 71
DEUXIEME PARTIE Erreur ! Signet non
défini.
IMPACTS DE L'ACTION DES ONG INTERNATIONALES DANS LES
CAMPS DE
REFUGIES DE GORE Erreur ! Signet non
défini.
CHAPITRE III : L'IMPACT POSITIF DE L'ACTION DES ONG
INTERNATIONALES
DANS LES CAMPS DE REFUGIES DE GORE Erreur ! Signet non
défini.
SECTION I : L'IMPACT DE L'ACTION DES ONG
INTERNATIONALES SUR LA VIE
DES REFUGIES DE GORE 75
Paragraphe I : Etude de l'impact dans les domaines
prioritaires 76
A- La protection 76
1- Protection communautaire 77
2- Enregistrement et documentation 77
3- Prévention et réponse aux violences
sexuelle et sexiste (SGBV): Action contre les violences
sexuelles et sexistes 77
4- Protection de l'enfance 78
5- Coexistence pacifique 79
B- Education 79
C- Sécurité alimentaire 79
D- Santé et nutrition 80
E- Moyens d'existence et environnement 81
F- Abris et articles non alimentaires 82
I- Eau, Hygiène et Assainissement
83
Paragraphe II : Perspective de réduction
progressive du besoin d'assistance 84
SECTION II : L'IMPACT DE L'ACTION DES ONG
INTERNATIONALES POUR LE
TCHAD 85
Paragraphe I : L'impact de l'action des ONG
internationales dans les camps de réfugiés de
Goré sur le plan interne 85
A- Les avantages socio-économiques
85
1-
125
Les avantages sociaux 85
2- Les débouchés économiques
86
a- Les créations d'emploi 86
b- La manne financière humanitaire comme
opportunités d'affaires pour les opérateurs
économiques 88
C- Les avantages administratifs 90
1- Accueil des réfugiés comme outils de
l'intégration locale 90
2- L'accueil des réfugiés comme moyen
de renforcement de la présence de l'Etat et de la
bonne gouvernance 91
Paragraphe II : L'impact de l'action des ONG
internationales dans les camps de Goré sur le
plan international 92
A- L'action des ONG internationales à
Goré, canal de rayonnement international pour le
Tchad 92
B- L'action des ONG internationales à
Goré, un moyen de la montée en puissance de la
diplomatie tchadienne 94
CHAPITRE IV : LIMITES DE L'AIDE HUMANITAIRE AU
TCHADET
PERSPECTIVES D'AMELIORATION Erreur ! Signet
non défini.
SECTION I : LES LIMITES DE L'ACTION DES ONG
INTERNATIONALES DANS LES
CAMPS DE GORE 96
Paragraphe I: Les insuffisances sur le plan
législatif, institutionnel et fonctionnel 96
A- Insuffisances législatives et
stratégiques 96
B- Les insuffisances institutionnelles et
fonctionnelles 98
Paragraphe II : Insuffisance de la dimension
socioéconomique et environnementale dans la
définition des programmes d'action à
Goré 100
A- Limites liées à la dimension
socioéconomique et culturelle 101
B- Manque de programme d'action adéquat
à Goré 103
SECTION II : PERSPECTIVES D'AMELIORATION DE L'ACTION
DES ONG
INTERNATIONALES A GORE 105
Paragraphe I : La restructuration du cadre
législatif et institutionnel de l'action des ONG
internationales au Tchad 105
A- Renforcement du cadre juridique et technique de
l'aide humanitaire 105
B- La redynamisation du cadre institutionnel et
fonctionnel 107
Paragraphe II : L'intégration effective des
facteurs socio-économiques et environnementaux
dans l'action des ONG internationales dans les camps
de Goré 108
A- Intégration de la dimension
socio-économique dans les programmes d'action des ONG
internationales à Goré 108
126
B- Intégration de la dimension environnementale dans
les programmes d'action des ONG
internationales à Goré 110
CONCLUSION PARTIELLE 112
CONCLUSION GENERALE Erreur ! Signet
non défini.
BIBLIOGRAPHIE Erreur ! Signet non
défini.
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