Couverture sanitaire universelle au Togo: une analyse simplifiée de l'accessibilité aux soins de santepar Kokou Michel KOUWODO Université de Kara (Togo) - Master 2 en planification de développement (Suivi-évaluation de projets et programmes de développement) 2022 |
INTRODUCTION GENERALE
Au Togo, les efforts consacrés depuis les dernières années pour le développement de l'offre publique et privée de soins mettent en lumière la nécessité de disposer d'un cadre fiable de suivi dans l'extension de la couverture des services de santé au niveau national. En effet, malgré les divers efforts du gouvernement, il est toujours à constater une inadéquation dans l'offre de soins 7 pouvant fournir à court terme, un accès universel aux soins à toute la nation. De même, l'approche de planification sanitaire dont s'est doté le pays est actée sur la réforme du secteur de la santé et l'atteinte des ODD liés à cette dernière, ce qui traduit la nécessité de mettre en place des instruments de planification aptes à assurer plus d'efficacité dans l'allocation des ressources. C'est ainsi qu'il est indispensable de mener des études périodiques de terrain afin de mesurer dans un premier temps le degré d'adéquation de l'offre publique et privée de soins au regard des normes nationales et internationales, puis proposer dans un second temps des stratégies pouvant permettre de corriger les manquements observés. Toutefois en prémices, des études de prévisions doivent être menées et ce travail à travers ses divers objectifs s'inscrit dans ce contexte. Au regard donc de l'importance et dans le but de couvrir tous les aspects de l'objet étudié, ce document de mémoire sera subdivisé en trois (03) grands chapitres. Le premier intitulé « Etat des lieux du contexte sanitaire et de l'accessibilité des soins au Togo » aborde les questions de présentation géographique et démographique du Togo puis fait un focus sur son contexte sanitaire. Quant au second chapitre, il porte sur « les approches théoriques et conceptuelle de la recherche ». Enfin, le troisième présente et analyse les résultats issus des différents traitements statistiques des données, puis propose quelques approches pouvant solutionner l'objet étudié. 8 Chapitre 1 : Etat des lieux du contexte sanitaire et de
l'accessibilité Afin d'appréhender l'environnement social et sanitaire dans un contexte de CSU, dans le cadre de notre recherche, le présent chapitre aborde dans un premier temps, la présentation du contexte géographique et démographique du Togo (Titre 1) ; puis évoque en second lieu l'organisation du système de soins, les politiques de protection sociale et d'équité ainsi que les déterminants aux choix de financement de son système de santé dans le pays (Titre 2). Titre 1. Présentation géographique et démographique du cadre de la recherche 1.1. Aspects géographiques Situé sur la côte du Golfe de Guinée en Afrique de l'Ouest, le Togo est l'un des plus petits États d'Afrique avec une superficie d'environ 56 785 km2, s'étirant presque sur 700 km du nord au sud avec une largeur qui varie de 50 à 150 km. Le pays se trouve entre le Burkina Faso au nord, le Golfe de Guinée au sud, le Bénin à l'est et le Ghana à l'ouest. Il est subdivisé en cinq (05) régions administratives à savoir : la région maritime, la région des Plateaux, la région Centrale, la Région de la Kara, et la Région des Savanes. Son climat est de type tropical variant sensiblement de la région méridionale à la zone septentrionale. Chaud et humide, ce climat est favorable à la prolifération de vecteurs de maladies et est en partie responsable du profil épidémiologique national dominé par les maladies infectieuses et parasitaires. 1.2. Aspects démographiques Sur le plan démographique, le Togo affiche une croissance démographique élevée de 2,84% par an, avec un indice de fécondité de 4,8 enfants par femme. L'effectif de la population a plus que doublé en moins de 30 ans avec une population de 6 191155 habitants dont 48,6% d'hommes et 51,4% de femmes en 2010 (RGPH, 2010) contre 2,7 millions en 1981. En 2018, cette population est estimée à 7 352 000 habitants (INSEED, 2016). Les projections prévoient une hausse de 25% de la population togolaise à l'échéance 2020, soit 8,5 millions d'habitants. C'est une population majoritairement jeune (60% sont âgés de moins de 25 ans et 42% ont moins de 15 ans) et rurale (62%), inégalement répartie sur le territoire 9 national (Lomé et sa périphérie concentrent 24% de la population). Cette croissance démographique élevée va entraîner une forte pression sur l'offre de soins, tels que nous le verrons dans la suite de cette recherche. Le tableau suivant fait état de quelques indicateurs clés de santé du pays : Tableau 1: Quelques indicateurs clés de santé du Togo
Titre 2. Contexte sanitaire du cadre de la recherche 2.1. Organisation de système de santé au Togo Le système de santé du Togo est organisé selon une structure pyramidale à trois niveaux à savoir le niveau central, intermédiaire et périphérique (PNDS, 2017). - Le niveau central composé des services centraux (Cabinet du Ministre, Secrétariat Général, Directions, Divisions et Services rattachés, Hôpitaux nationaux de référence et universitaire) avec pour mission la définition, le suivi et contrôle des politiques et normes sanitaires. 10 11 - Le niveau intermédiaire constitué par les directions régionales de la santé (DRS), les spécificités et hôpitaux de région. Il a pour mission l'encadrement, le suivi et l'inspection du niveau primaire. - Le niveau périphérique ou opérationnel comprend les Directions Préfectorales de la Santé (DPS), les Hôpitaux de Districts (HD), les Directions communales de la santé de (DCS) et les Unités de Soins Périphériques (USP). Il a pour mission l'opérationnalisation, c'est-à-dire la mise en oeuvre des interventions. La figure n°1 ci-après schématise de façon sommative, l'organisation pyramidale du système de santé au Togo. Figure 1. Organisation du système sanitaire au Togo Niveau périphérique = Districts sanitaires - 40 Directions préfectorales de la Santé/ Directions de districts sanitaires ; - Hôpitaux de districts ; - Unités de Soins Périphériques (USP) ; - Familles / Communautés. ? Opérationnalisation Niveau intermédiaire = régions sanitaires - Six (06) Directions Régionales de la Santé (DRS) ; - Hôpitaux régionaux. ? Encadrement, suivi et inspection Niveau central - Cabinet du Ministre, Secrétariat Général, Directions, Divisions et Services rattachés; - Hôpitaux de référence nationaux et universitaires. ? Politiques et normes sanitaires ? Suivi et contrôle Source : Plan National de Développement Sanitaire (PNDS) 2017-2022, p9. 2.2. Organisation de l'offre de soins et de la couverture sanitaire Au Togo, les soins de santé sont fournis aux populations dans des structures publiques et privées (libérales et confessionnelles). Le système sanitaire est organisé de manière à apporter ces soins, selon les trois niveaux de la structure pyramidale : primaire (a), secondaire (b), tertiaire (c) (PNDS, 2017). a- Les soins de premier contact sont structurés autour de trois échelons à savoir :
b- Le deuxième niveau de référence et de recours est animé par les Hôpitaux de région (CHR). c- Les soins de santé tertiaires sont dispensés dans les trois (03) Centres Hospitaliers Universitaires (CHU) que compte le pays et dans des hôpitaux spécialisés de référence. (SNFS-CSU, 2020). En ce qui concerne la couverture sanitaire, d'après les résultats provisoires de la carte sanitaire 2015, les soins de santé sont fournis par le secteur public (59%) et privé (41%). Ce dernier est surtout libéral, dynamique et surtout concentré dans les grands pôles urbains principalement à Lomé où l'on enregistre une plus grande solvabilité de la demande. A cette offre, il faut ajouter, la présence d'un secteur traditionnel assez influent surtout en milieu rural mais mal connu au niveau des services de soins offerts à la population. 2.3. Equité et protection sociale en santé Selon le rapport sur le profil de pauvreté, le Togo disposait en 2015, d'infrastructures qui lui permettraient d'assurer une accessibilité géographique à 66,8% de ses populations. Mais des inégalités géographiques et sociales de santé persistent. A titre d'exemple, selon la troisième Enquête Démographique et de la Santé menée au Togo (EDST III), seulement 41,3% des accouchements sont assistés par un personnel qualifié en zone rurale, contre 91,7% en zone urbaine. La proportion de naissances assistées par du personnel de santé qualifié augmente nettement avec le quintile du bien-être économique de la mère, passant de 26,8% pour les femmes des ménages les plus pauvres à 95,3% pour les femmes des ménages les plus riches. Aussi, l'analyse des écarts entre les groupes économiques du Togo révèle-t-elle que la mortalité des enfants de moins de 5 ans des 20 % les plus riches est presque trois fois moindre que celle des 20 % les plus pauvres. 12 Cette photographie des inégalités sociales de santé montre que le système de santé du Togo peine à apporter une réponse équitable aux besoins de santé des populations notamment en situation de vulnérabilité sociale, couche ayant une forte demande en soins de santé. Ainsi dans le but d'améliorer l'accès des populations aux soins de santé, le Gouvernement s'est lancé dans une réforme qui a abouti en 2012 à la mise en place d'un nouveau régime obligatoire d'assurance maladie (AMO) géré par l'Institut National d'Assurance Maladie (INAM) dont la mission est d'assurer la couverture des risques liés à la maladie, aux accidents non professionnels et à la maternité. Créé par la loi n°2011-003 du 18 février 2011 et opérationnel depuis 2012, l'INAM constitue la porte d'entrée d'un régime d'assurance maladie qui, à terme, a vocation de s'élargir à d'autres catégories de population. Par ailleurs, l'engagement de l'Etat pour la protection sociale s'est traduit également par l'élaboration et l'adoption d'une politique puis d'une stratégie nationale de sécurité sociale visant l'atteinte de l'objectif d'une couverture à long terme, plus efficiente touchant toutes les catégories de population en particulier les couches les plus vulnérables. En matière de protection sociale en santé au Togo, outre le financement des soins publics à travers des allocations budgétaires, on distingue plusieurs dispositifs de couverture du risque-maladie notamment : - la gratuité de la prise en charge des indigents à travers une ligne budgétaire ; - la gratuité des soins préventifs de certaines couches vulnérables ; - la gratuité des Anti-Rétro-Viraux (ARV) pour les PVVIH décrétée par le Gouvernement en novembre 2008, - la subvention de la césarienne (effective depuis mai 2011) ; - la gratuité ou la subvention de la prise en charge de certaines maladies chroniques (dialyse ; prise en charge de la tuberculose et de la lèpre) ; - la gratuité des CTA et des moustiquaires imprégnées pour les femmes enceintes et enfants de moins de cinq ans, instituée en 2012 ; - une ligne budgétaire pour les évacuations sanitaires pour tous les agents de l'Etat mais difficilement accessible ; - la prise en charge des risques professionnels par la CNSS et la Direction Nationale des Assurances (MEF) - L'assurance maladie obligatoire pour les fonctionnaires et les ayant droits effectifs depuis mai 2011 à travers la mise en place de l'Institut National d'Assurance Maladie (INAM) ; etc. (CNPPS : Comité National de Promotion de la Protection Sociale, 2015). 13 2.4. Reformes sanitaires et politiques de CSU 2.4.1. Reformes sanitaires Depuis 2010, le Togo a entamé une réforme du cadre politique et stratégique de son système de santé en s'appuyant sur les initiatives de partenariat pour la santé au niveau régional et international, notamment HealthHarmonisation in Africa (HHA), IHP+. Cela s'est traduit par l'élaboration d'une nouvelle politique nationale de santé (PNS) à horizon 2022. La PNS trouve son fondement dans la Constitution de la IVème République qui garantit aux citoyens togolais le droit à la santé. La vision de la politique de santé est d'« assurer à toute la population le niveau de santé le plus élevé possible en mettant tout en oeuvre pour développer un système basé sur des initiatives publiques et privées, individuelles et collectives, accessibles et équitables, capables de satisfaire le droit à la santé de tous en particulier les plus vulnérables ». La politique de santé reste basée sur les soins de santé primaires et prend en compte les engagements internationaux du Togo vis-à-vis des organisations sous régionales, régionales et mondiales en matière de santé. Dans le souci d'apporter des réponses efficaces aux problèmes sanitaires des populations, plusieurs politiques et plans stratégiques ont été développés en conformité avec les orientations de la PNS (PNDS, 2012-2015 ; politique nationale et plan stratégique des IBC, 2015 ; politique nationale pharmaceutique, 2012 ; plan de repositionnement de la Planification Familiale, 20132017 ; ...). 2.4.2. Politiques sanitaires axés sur la CSU au Togo Le début de la décennie 2010 a été marqué par l'avènement sur la scène internationale de la couverture sanitaire universelle comme politique de santé mondiale. Depuis la publication par l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) du Rapport sur la santé dans le monde 2010 (le financement des systèmes de santé : le chemin vers une couverture universelle), la CSU a fait l'objet d'un fort plaidoyer par les organisations internationales (OMS et Banque Mondiale notamment), par les agences nationales d'aide bilatérale, mais aussi et surtout par de nombreuses organisations de la société civile. La consécration, en 2015, de la CSU comme sous-objectif du nouveau programme de développement mondial (les Objectifs de développement durable 2016-2030) invite les acteurs de la santé mondiale à se mobiliser en faveur de l'atteinte des trois volets phares de la CSU : assurer la protection du risque financier, améliorer l'accès aux services de santé pour les populations vulnérables, et augmenter la 4 Citée par Lara Gautier & Valery Ridde dans « Les politiques visant la couverture sanitaire universelle et les perceptions de la qualité des soins de santé. Risquer la mort pour donner la vie ». Politiques et programmes de santé maternelle et infantile en Afrique, 2017, ISBN : 978-2-7637-3504-7. 5 Les six composantes du système de santé tels que définies par l'OMS sont : le leadership et la gouvernance, les prestations de services, les ressources humaines pour la santé, les produits pharmaceutiques, vaccins et technologies cliniques, le financement de la santé ainsi que le système d'information et de recherche. 14 qualité des services (WHO, Tracking universal health coverage, 2015)4. La mise en oeuvre de la CSU reposerait donc sur des principes de justice sociale et d'équité. En 2010, le Togo a adhéré au Partenariat International pour la Santé (IHP+, aujourd'hui CSU 2030), ce qui a fourni aux parties prenantes du secteur de la santé des moyens nouveaux pour leur travail de renforcement des capacités du système de santé. Le ministère de la Santé a mis en oeuvre une politique nationale de santé 2011-2022, et une analyse de situation généralisée et participative qui a conduit à l'élaboration d'un Plan national de santé (PNDS) 2012-2015. La vision de la politique de santé est d'« assurer à toute la population le niveau de santé le plus élevé possible en mettant tout en oeuvre pour développer un système basé sur des initiatives publiques et privées, individuelles et collectives, accessible et équitable, capable de satisfaire le droit à la santé de tous en particulier les plus vulnérables » (PNDS, 2017). Cependant, la politique de santé est basée sur les soins de santé primaires et prend en compte les engagements internationaux du Togo vis-à-vis des organisations sous régionales, régionales et mondiales en matière de santé. Le PNDS 2017-2022 a été développé pour relever les défis rencontrés par le premier plan, et amener le Togo vers la réalisation des ODD et l'élaboration d'une stratégie nationale de financement de la santé vers la couverture sanitaire universelle (SNFS-CSU). La CSU représente un axe majeur de la politique sectorielle du Togo, et est traduite par l'axe stratégique 5 du PNDS 2017-2022. Plus spécifiquement, il s'agit de renforcer les six piliers5 du système de santé pour permettre un accès universel aux services préventifs et curatifs en vue d'une réduction durable de la mortalité et de la morbidité. De plus un accent particulier sera mis sur la gouvernance, le financement de la santé, les produits pharmaceutiques et les prestations de services en termes de disponibilité, de qualité, d'accessibilité, y compris la participation communautaire dans la réponse aux besoins de santé des communautés. Chapitre 2 : Approche théorique et Dans ce chapitre, nous présenterons le cadre théorique et conceptuel qui sous-tend notre travail. Ainsi dans les diverses rubriques, il sera abordé en première position (Titre 1), une revue de littérature recensant les écrits déjà produits sur notre objet de recherche ; combiné à une clarification de certains concepts clés liés au thème, dont : système de santé, CSU, accessibilité aux soins, et suivi-évaluation. En second lieu, se fera la présentation de la méthodologie adoptée dans la conduite de cette recherche (Titre 2). Titre 1. Revue de littérature 1.1. Revue thématique Lorsqu'on s'intéresse de plus près à la problématique de l'accessibilité aux soins en lien avec la CSU, on se rend compte que la littérature existante est assez restreinte, surtout pour ce qui a trait aux analyses théoriques sur le sujet. Toutefois, nous posons les bases de cette étude, autour de trois 03 thèmes qui ont particulièrement retenu notre attention. 1.1.1. Demande et offre de soins pour une couverture universelle de santé en Afrique : une étude de la Banque Mondiale et de l'OMS6 Selon une étude réalisée par la BM et l'OMS datant de 2018, en Afrique, la demande de soins particulièrement pour les populations vulnérables (enfants de moins de 5 ans, les femmes enceintes, les adolescents et les personnes âgées) est un défi majeur pour la CSU en raison de l'insuffisance voire l'absence de plusieurs services de santé (OMS et BM, 2018). Bien que la disponibilité des services ne veuille pas dire qu'ils sont susceptibles d'être utilisés (niveau d'utilisation) comme prévu par les utilisateurs ou qu'ils sont de qualité (niveau de satisfaction) signifiant tout l'enjeu de la demande effective de soins (c'est à dire celle adressée aux soignants) ; le phénomène fait ressortir la prédisposition des personnes à utiliser les services de santé curatifs et préventifs. En effet une demande faible pourrait signifier une offre non appréciée par les usagers ou inaccessible. Par ailleurs, le score de la demande dans les pays africains est relativement élevé
16 par rapport aux autres mesures de performance. Ce score signifie que les systèmes de santé fournissent les services dont les gens ont besoin pour assurer leur santé et leur bien-être. Néanmoins, il est possible de le faire progresser puisqu'il représente 67 % de la demande effective des soins et ne parvient pas à atteindre une performance efficace. (Rapport d'Etat de santé dans la Région africaine de l'OMS, 2018). La demande effective varie considérablement d'un pays à un autre et, dans les pays à très faible revenu, elle représente la moitié de celle des pays ayant le niveau de revenu le plus élevé. Cette situation peut refléter les différentes approches adoptées pour accroître la demande de soins, parmi lesquelles les politiques liées à la CSU. Selon l'OMS « Seuls les Petits États Insulaires en Développement (PEID) ont une demande effective clairement supérieure à celle des autres pays » (OMS, 2018). C'est pourquoi en matière d'offre, les pays africains n'ont pas réussi à maximiser la couverture des besoins de santé de base pour faciliter l'évolution vers une CSU efficience. D'ailleurs, la valeur de l'indice d'utilisation de l'ODD 3 étant de 0,57, indique que les populations de la région n'utilisent que 57 % des interventions nécessaires à l'atteinte des cibles de l'ODD 3, ce qui reste un faible niveau d'utilisation. Comparé aux autres fonctions de santé publique, le contrôle des maladies transmissibles obtient le score le plus élevé (0,76) bien que le quart de la population ne bénéficie toujours pas des traitements adaptés. Le score des Maladies Non-Transmissibles (MNT) est le plus bas (0,44) indiquant une très faible utilisation des traitements visant à prévenir ces maladies, ce qui est paradoxal avec le fardeau élevé des MNT dans la région africaine. Le score régional africain indique également des différences entre les pays et à l'intérieur de ces pays. En effet à l'échelon régional, le score d'utilisation varie de 0,36 à 0,79 reflétant ainsi les différents déterminants d'utilisation existants. Seuls quatre pays (l'Algérie, Iles Maurice, Sao Tomé-et-Principe et les Seychelles) ont obtenu un score supérieur à 0,70, ce qui indique une forte utilisation des interventions liées à l'ODD 3 (OMS, 2018). Dans un souci d'analyse de l'état actuel des services dans les pays de la région africaine, les scores de chacune des six dimensions des services de santé et services connexes ont été consolidés par l'OMS. La valeur du score global pour l'ensemble de la région était de 0,48. Cela signifie que la région ne peut assurer que 48 % des services de santé et autres prestations susceptibles d'être fournis à sa population. De même, le rapport du bureau régional d'Afrique de l'OMS montre que le score de disponibilité des services de santé essentiels pour la région africaine est de 0,36 et qu'en moyenne les pays de la région ne fournissent que 36 % des services essentiels, et donc ils ne peuvent satisfaire que le 1/3 des besoins de base de leurs populations. En effet un habitant africain âgé de 30 à 70 ans à 20,7% de risque de mourir de l'une de ces MNT majeures, une probabilité qui correspond à la tendance mondiale, soit 19,4 %. La probabilité la plus faible de mourir de ces maladies est enregistrée dans la Région des Amériques (15,4 %) et dans la Région européenne (18,4 %), probablement en raison d'une meilleure accessibilité, d'une couverture médicale et des services très spécialisés dont bénéficient les populations dans certains pays. 1.1.2. Equité dans l'accessibilité sanitaire : une analyse de l'offre et de la demande de soins dans les pays moins développés, en faveur de la CSU D'énormes disparités en matière de santé existent à travers le monde (OIT : Global evidence on inequities in health protection, 2015). Dans son rapport annuel de 2006, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a sonné l'alarme sur le fait que, bien que la région africaine de l'organisation supportât 24 % du fardeau mondial des maladies ; elle comptait seulement 3 % des agents de santé et moins de 1 % des dépenses de santé mondiales. Une Commission de la revue « The Lancet » a estimé qu'en 2011, les pays à faible revenu (respectivement à revenu intermédiaire de la tranche inférieure, hors Inde) ont supporté 34 % (respectivement 54 %) des décès infantiles dans le monde, 27 % (respectivement 57 %) des décès dus à la tuberculose et 25 % (respectivement 48 %) des cas de prévalence du VIH/SIDA (Jamison et al., 2013). Pourtant, sur des dépenses de santé estimées au niveau mondial à 6,5 milliards de dollars US en 2010, 84 % ont été dépensés dans les pays de l'OCDE (OMS, 2012). Alors qu'une répartition équitable de l'utilisation des soins de santé selon les besoins des populations - et non selon leur capacité à payer - est un objectif politique louable, une étude7 récente basée sur des données provenant de 18 pays d'Afrique subsaharienne a montré la présence d'inégalités considérables. Dans presque tous les pays étudiés, l'utilisation des services de santé était beaucoup plus élevée dans les quintiles les plus riches (Bonfrer et al., 2014). Il n'est donc pas étonnant que les débats menés actuellement sur la santé mondiale soient portés sur la réduction des inégalités en vue de tendre vers une « grande convergence » entre les pays sur une génération (Jamison et al., 2013). 17 7 Paul, Élisabeth, et al. « La couverture santé universelle dans les pays à revenus faibles et intermédiaires : analyses économiques », Reflets et perspectives de la vie économique, vol. lv, no. 1, 2016, pp. 57-71. 18 C'est ainsi qu'un des objectifs préconisés par de nombreux acteurs, dont l'OMS, est d'atteindre la couverture santé universelle (CSU), ce qui signifie permettre à chacun d'accéder à des services de santé de qualité répondant à ses besoins, sans encourir de difficultés financières (OMS, 2010). Le Rapport de l'OMS de 2010 intitulé « Le financement des systèmes de santé - Le chemin vers une couverture universelle », qui constitue une référence dans le domaine, fournit un cadre analytique pour aborder le financement des systèmes de santé en vue de parvenir à la CSU. Il souligne que : « Les trois domaines fondamentaux du financement de la santé sont : (1) collecter suffisamment d'argent pour la santé ; (2) supprimer les barrières à l'accès et réduire les risques financiers liés à la maladie ; (3) faire un meilleur usage des ressources disponibles [...] » (OMS, 2010, p. 4). Ces trois domaines se rapportent donc aux trois fonctions généralement admises du système de financement de la santé, à savoir la mobilisation des ressources, leur mise en commun en vue de réduire les risques individuels, et l'achat des prestations. 1.1.3. Les grands principes et modèles théoriques basés sur la demande et l'offre de soins de santé Dès les années 1960, Kenneth Arrow montrait que l'économie de la santé prenait l'ascendant sur l'économie médicale (Arrow, 1963). La prise de conscience dans le domaine médical de la rareté des ressources (notamment financières), de la nécessité d'optimisation de la performance du système a conduit les décideurs publics à de nouvelles réflexions et stratégies pour étendre la couverture universelle des soins. Macro-économiquement, il s'agit de vérifier l'adéquation entre les ressources sanitaires utilisées et le résultat produit sur la santé ; et micro-économiquement, il est plus question d'évaluer les facteurs environnementaux, socio-économiques et de couverture sanitaire universelle sur la croissance, la dynamique du marché sanitaire et la performance du système de santé. Par la suite, plusieurs sont les chercheurs qui se sont intéressés à la thématique en question. Pour sa part, Grossman en s'inspirant de la théorie du capital-humain, présente les services de santé comme des biens intermédiaires (Grossman, 1972). Pour lui, la santé est en fait un stock qui se déprécie avec le temps ou à cause « d'incidents » survenant au cours de l'itinéraire de vie de l'individu où différents facteurs sont à considérer comme la culture, la religion, la communauté et les groupes de référence (Grossman, 2000). Néanmoins, ce modèle est challengé voire remis en question depuis quelques années par différents auteurs. 19 20 Par la suite, les premières études empiriques relatives aux déterminants de la demande de soins ont mis en valeur des variables qui auraient peu ou pas d'impact comme le prix et le revenu des ménages (Akin et al.,1986). Néanmoins d'autres chercheurs ont émis d'autres points de vue à ce sujet en raison de l'importance de tenir compte de la notion d'utilité (Gertler et al. ,1987 ; Gertler et Van der Gaag, 1990). Mais au 21è siècle, toutes ces théories ont éprouvé des limites et se sont révélés non conformes aux réalités actuelles de l'économie de la santé. Aussi, le jeu de l'offre et de la demande dans le domaine de la santé n'obéit pas aux mêmes règles qu'en économie générale (car la santé n'est pas un « bien » qui peut être consommé et échangé). En effet à la base, la demande de soins est le besoin de santé exprimé par la population au cours d'une période de temps, en partant de l'hypothèse selon laquelle la demande de soins dérive d'un besoin de bonne santé (Zweifel et Breyer, 1997 ; p. 62). Ainsi, l'offre de soins fait référence à l'ensemble des ressources humaines, matérielles, financières et organisationnelles. Il est représentable par les biens et les services de soins disponibles dans un pays (E Burnier, 1994). La demande de santé quant à elle, est le processus par lequel les patients affichent un comportement de consommation des services de santé. Elle est le fait exclusif des populations (consommateurs) au sens du modèle économique de la santé ; et a connu une hausse importante ces dernières années occasionnées par l'évolution de la morbidité et la transition démographique qu'a connue le monde (G Menahem, 2000). Quoi qu'il en soit, il est certain que de nos jours, les populations ont des besoins de santé qui augmentent excessivement vite, que ce soit en pays développés ou non-développés. Cet accroissement est principalement proportionnel à l'intensité de l'exposition aux maladies, donc elle est très forte dans les pays en voie de développement. De cette liaison, il est clair que les facteurs démographiques agissent indéniablement sur l'offre et la demande de santé selon les argumentatifs suivants : - Sur l'offre : les prestations sanitaires en personnels et en établissements sont planifiées dans la plupart des pays (développés ou en voie de l'être), selon une méthode qui utilise des ratios très simple comme le nombre des médecins/habitants, le nombre des lits /habitants etc. D'ailleurs, l'extrême simplicité de ces ratios suffit à expliquer qu'ils soient encore très largement utilisés, et c'est à cela que nous optons dans le cadre de cette recherche. - Sur la demande : la consommation des soins ne se répartit pas de façon homogène dans la population. Ce sont les zones à fort risque endémiques qui utilisent le plus de services médicaux. Toutefois, la couverture sanitaire tient compte du facteur de la densité géographique de la population, afin de rapprocher les infrastructures de santé des populations. Généralement des indicateurs de la disponibilité des Formations Sanitaires (FS) et du personnel médical à l`échelle nationale sont utilisées dans les estimations. L'exercice conduisant à cette cartographie dans la plupart des pays est l'établissement de la carte sanitaire constituant à cet effet une base de données des informations sanitaires en lien avec celles géographique. 1.1.4. Enseignements tirés de la revue thématique Toute la documentation réunie autour de l'objet étudié nous a été d'une utilité capitale, afin de cerner les différents contours de l'objet d'étude, et d'établir la méthodologie à utiliser. Ainsi, à travers les différents scores assortis dans la première thématique, il nous est clair que les pays en développement, en particulier ceux africains sont classés en dernières positions dans l'atteinte des ODD en lien avec la CSU. Et ce, à cause de leur faiblesse à répondre efficacement aux besoins de santé des populations, d'où tout l'intérêt de mener des études de ce genre. Par ailleurs, en analysant les théories portant sur l'offre et la demande de soins, nous avons pu remarquer que plusieurs variables issues de diverses méthodologies sont utilisées lors des recherches antérieures. De ce fait, nous optons pour une méthodologie simpliste, qui va consister à aborder la demande de soins sous l'auspice démographique (consultations sanitaires des populations) et l'offre de soins par la disponibilité d'infrastructures sanitaires. 1.2. Revue conceptuelle Le thème de notre étude met en jeu certains concepts importants qui demandent des clarifications afin d'expliciter le sens qu'ils prennent dans ce travail. Ainsi, des définitions explicites de sept (07) concepts seront abordées. 1.2.1. Définitions des concepts
Connu sous plusieurs appellations notamment Couverture Santé Universelle, Couverture Sanitaire Universelle ou encore Couverture Universelle de Santé, le concept de CSU vise tout simplement à ce que tout le monde puisse utiliser les services de santé de qualité dont il a besoin sans risquer un appauvrissement ou une ruine financière, induit de ses dépenses sanitaires (OMS, 2001). Certaines institutions comme l'AfHEA (African Health Economics and Policy Association) retiennent la vision de l'OMS concernant la CSU, comme une définition opérationnelle du concept : « tous les individus, au moment où ils en ont besoin, ont accès à des soins adaptés et d'un coût abordable. Pour ce faire, les pays doivent développer leurs systèmes de financement de la santé, et veiller à ce que la couverture soit équitable puis définir des moyens fiables pour surveiller et évaluer les progrès » (AfHEA, 2015). Selon l'OMS, trois (03) dimensions sont à considérer dans la CSU : les services de santé nécessaires, le nombre de personnes qui en ont besoin, et le coût pour ceux qui doivent payer (utilisateurs et organismes de financement tiers) (World Health Organisation, 2014 ; Dye et al., 2013 ; Dourgnon, Grignon, et Jusot, 2001; Chokri, 2015)9 :
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Figure 2. Les dimensions de la couverture sanitaire universelle Source : Les dimensions de
la CSU. Adapté de « Rapport sur la santé dans le monde 2013
», par Dye et al., Le but de la couverture universelle en matière de santé étant de faire en sorte que tous les individus aient accès aux services de santé dont ils ont besoin ; elle repose sur trois composantes inter-associées que sont : un éventail complet de services de santé en fonction des besoins, une protection financière contre le paiement direct des services de santé utilisés et la couverture de l'ensemble de la population (cf. Figure 2).
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