CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE
La conservation de la biodiversité et le tourisme
durable comme nous avons pu le voir peuvent faire bon ménage. Bien que
des modèles de tourisme durable et interculturel soient encore en
gestation dans le bassin du Congo, le PNL pour se démarquer a su miser
sur le secteur de l'écotourisme et plus précisément sur
celui du tourisme culinaire pour communiquer différemment sur ses
missions régaliennes.
La construction d'une politique de développement
durable qui soit sociologiquement et économiquement viable pour les
populations autochtones pauvres en grande majorité reste sur la table.
Mais des solutions existent pour rendre notre développement commun
soutenable sur le plan environnemental pour les jeunes États d'Afrique
centrale, culturellement et technologiquement exportables sur le plan
international pour la sous-région.
117
CONCLUSION GENERALE
Parvenu au terme de notre travail de recherche nous rappelons
que notre mémoire a été articulé autour de la
problématique majeure qui était celle de savoir comment optimiser
les politiques de conservation de la biodiversité dans le bassin du
Congo, avec pour cas pratique le Parc National de Lobéké au
Cameroun. Pour y parvenir nous avons fais appel à la théorie du
transfert des politiques publiques pour comprendre l'applicabilité ou
non des politiques internationales qui encadrent déjà ce secteur.
Au moyen d'une analyse hypothético-déductive et des fondements de
l'écopolitique, nous avons essayé de présenter des enjeux
non exhaustifs qui gravitent autour de la conservation de la
biodiversité sur la base des données bibliographiques existantes
et essentiellement de nos observations directes sur le terrain.
Nous avons structuré notre travail en deux grandes
parties : Le contexte mitige de la conservation de la biodiversité dans
le bassin du Congo (Partie I) et Les enjeux contemporains de la conservation de
la biodiversité face développement durable dans le bassin du
Congo (Partie II).
Après avoir fais ce rappel heuristique, nous tenons
à dire de façon basique que les aires protégées
comme toutes les oeuvres anthropologiques devraient redonner à la nature
sa place maitresse. Les aires protégées peuvent être une
source directe de nourriture pour les populations autochtones et une source
d'enrichissement illicite pour d'autres. La collecte de nourriture est
autorisée dans de nombreuses aires protégées. Mais
à partir du moment où cette collecte se fait de manière
durable, et qu'elle ne sape pas les objectifs de conservation. De même,
dans de nombreuses aires marines protégées, la pêche
commerciale à grande échelle est interdite mais les
communautés de pêche locales peuvent avoir l'autorisation de
poursuivre une activité de pêche durable. Ces modèles
marins peuvent s'appliquer à la conservation terrestre.
En effet, l'UICN reconnait que parfois une aire
protégée peut même faire office de source alimentaire
d'urgence en cas de mauvaise récolte, de sécheresse, ou
même de catastrophe sanitaire. Bien sûr, l'exemple de la collecte
des chenilles par les Baka comme elle se fait au parc national de
Lobéké (Tri National de la Sangha/ Patrimoine mondial de
l'UNESCO) peut devenir un problème si elle se transforme en
prétexte pour des activités illicites comme le braconnage
d'éléphants, perroquets et autres espèces classées
A à l'intérieur de la zone de conservation
stricte252.
À l'intérieur de nombreuses aires
protégées se trouvent des valeurs historiques et culturelles qui
remontent à plusieurs siècles (Grottes, sanctuaires mystiques,
etc.). L'entretien de ces sites peut être un avantage clé pour la
conservation et la valorisation communautaire. La conservation de ces valeurs
matérielles et immatérielles peut être un défi pour
les gestionnaires africains et du bassin du Congo en particulier, et c'est
là où les discussions politiques avec les communautés
locales, peuvent permettre d'identifier la meilleure approche de gestion des
enjeux de la conservation de la biodiversité à l'horizon
2063253.
252 BOOC/ UICN-PAPACO, Valorisation des ressources des aires
protégées, 2020, p. 5.
253 Ibid., p. 50.
118
La cuisine locale en particulier fait partie de ces valeurs
immatérielles qu'on peut très bien matérialiser en circuit
touristique. En dehors des exigences culturelles, les besoins en
protéines alimentaires d'origine animale pour les populations
pygmées vivant en périphérie du PNL reste vital. En plus,
les services de la conservation doivent également répondre
à l'urgence de leur autonomisation financière dans le total
respect de leurs droits. Cette situation est à l'origine de nombreux
conflits manifestes ou non. Il est évident que la prise en compte des
droits des populations autochtones telle que pensée au niveau
international devrait tenir compte des difficultés institutionnelles
auxquelles font faces les jeunes États africains. La pression
économique en effet tend à réduire certains efforts
gouvernementaux. Mais la coopération sous régionale
initiée au niveau du TNS par exemple montre qu'il est possible de
créer une synergie d'acteurs pour la valorisation durable des
forêts du bassin du Congo.
Le volontourisme254, le tourisme culinaire, le
tourisme vert, etc., sont de nouvelles tendances du tourisme international et
le tourisme est reconnu comme étant un important stimulant de
développement économique. Les pays membres de la COMIFAC en
faisant le pari sur l'écotourisme pour le développement local en
périphérie des AP devraient s'investir davantage sur les enjeux
stratégiques que cette activité implique. Le tourisme culinaire
par exemple participe aujourd'hui encore d'une politique de soft power
dans les relations internationales.
Les agapes et autres cérémonies protocolaires en
diplomatie s'accompagnent généralement d'un repas. Il s'agit de
cet instant de partage mais aussi d'observation dont les enjeux sont parfois
décisifs. À titre d'exemple, voir sur CNN255 le
président des États-Unis d'Amérique mangé un plat
de chenilles d'Afrique ou de larves d'Asie peut suffire à faire chuter
l'indice boursier de la viande de boeuf dans le monde. Ce petit instant
pourrait redéfinir les accords entre les USA et ses principaux
partenaires en production bovine (principal secteur polluant de la
planète), ou aussi pourquoi ne pas stimuler une économie
circulaire, solidaire, et durable autour des produits dérivés des
chenilles en Afrique. Ces repas sont des moments de conquête, d'ouverture
ou de fermeture à l'autre.
Malheureusement, les populations Baka en
périphérie du PNL par exemple, ne disposent pas des mêmes
accompagnements logistiques que les indiens et autres aztèques en
Amériques, les mayas et autres peuples autochtones. Lors du premier
congrès africain des aires protégées (APAC) 2022
intitulé « nous sommes la nature », les représentant
des peuples autochtones et des communautés locales (PA et CL), issus de
plus de 40 nations africaines, à Kigali au Rwanda, les 16 et 17 juillet
2022, ont fait une déclaration commune à laquelle nous nous
joignons pour conclure:
« Nous prenons note des progrès
réalisés par les gouvernements, les partenaires du
développement et d'autres acteurs dans la reconnaissance et l'avancement
des droits des peuples autochtones et des communautés locales (PA et
CL), mais il reste beaucoup à faire. Nous sommes loin d'être
où nous devrions être. Par conséquent nous vous engageons
à mettre en place un organe panafricain des peuples autochtones et des
communautés locales, basé sur
254 Le volontourisme : Est une tendance en pleine croissance
dans le monde où les touristes choisissent de visiter un site afin
d'apporter une contribution significative à la destination. Un certain
nombre d'organisations privées à but lucratif ou non lucratif
offrent ce type d'expérience. Les aires protégées peuvent
en bénéficier en offrant aux volontaires la possibilité de
s'engager dans des activités de conservation, gratuitement ou pas.
255 Chaine de télévision américaine.
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les réseaux nationaux et sous-régionaux, comme
plateforme pour nos préoccupations, actions, programmes et
apprentissages croisés, partagés et pour suivre la mise en oeuvre
de cette déclaration.
Nous appelons les gouvernements à donner la
priorité à la protection de la nature dirigée par les
communautés autochtones locales et en faire le fleuron de la
préservation de la nature en Afrique, et grâce auquel les PA et CL
peuvent rétablir leurs droits à posséder, gouverner et
gérer les terres, les eaux et les territoires conservés et
protéger existants et nouveaux, y compris dans les zones de conservation
transfrontalières.
Nous invitons les donateurs à développer de
nouveaux mécanismes et de nouvelles pratiques pour canaliser les
nouveaux financements importants qui se présentent pour faire face aux
changements climatiques et à la perte continue de la biodiversité
directement vers les PA et CL et leurs organisations qui vivent et travaillent
au point d'impact.
Nous encourageons les organisations de conservation de la
nature à redéfinir le concept d'aires protégées, en
particulier la catégorie VI qui maintient l'application nationale de la
création d'aires protégées. Il est urgent de revoir et de
remplacer le concept et la pratique des « aires protégées
» par la « préservation » selon la conception autochtone
pour en finir avec la militarisation des aires protégées,
promouvoir la relation entre les personnes, la terre et la nature, appliquer le
principe du consentement préalable, libre et éclairer et garantir
la priorité du financement des efforts de préservation de la
nature communautaire menée par les PA et CL et leurs organisations.
La recherche, les médias et les milieux universitaires
nous vous invitons à oeuvrer d'avantage pour redresser le tort de la
mauvaise présentation en produisant des documentaires, des films, des
études, etc. qui mettent en valeur la complexité des paysages
africains et la place des africains dans ces paysages. Malgré le fait
que les africains soient vilipendés dans le discours sur la
préservation de la nature, la vérité est que la faune
sauvage existe en Afrique parce que les africains sont la nature ».
À nos ancêtres, nous vous remercions pour la
santé et la force, à notre jeunesse, nous regardons vers le haut
avec optimisme, et à nos générations futures, nous nous
inquiétons face à l'incertitude du désastre de la perte de
la biodiversité. »256
256 Déclaration de Kigali (premier Congrès
africain des aires protégées) au Rwanda, les 16 et 17 juillet
2022, « Nous sommes la nature », Rencontre qui a vu la participation
des représentants des peuples autochtones et des communautés
locales (PA et CL), issus de plus de 40 nations africaines.
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