Structure d'accueil Suffragant :
Ambassade de France en Bosnie-Herzégovine
FLAESCH-MOUGIN Catherine
Mehmed Bega Kapetanoviæa Ljubuaka 18, Professeur
émérite
Sarajevo 71000 Chaire Jean Monnet
Année universitaire 2016/2017
Axe d'intégration européenne de l'IODE (Institut de
l'Ouest : Droit et Europe UMR CNRS 6262)
La mise en oeuvre et le devenir d'une relation avec un acteur
atypique L'Union européenne et le Kosovo
Mémoire pour le Diplôme de Master 2
« Droit de l'Union européenne et droit de l'OMC
»
Promotion « Jean RAUX »
Présenté par : Sous la direction de
:
GUILLERON Eloïse RAPOPORT Cécile
Professeur
Membre junior de l'Institut Universitaire de France
1
A Gilles Guilleron
2
Remerciements
Je tiens en tout premier lieu à remercier le Professeur
Cécile RAPOPORT pour toute l'aide qu'elle m'a apporté, tant sur
le plan humain qu'universitaire. Je recommande très chaudement sa
thèse de doctorat à toute personne intéressée par
les relations de l'Union européenne avec les Etats tiers. Le travail de
systématisation qu'elle y a effectué a révolutionné
ma conception des accords de l'UE et a eu un impact déterminant sur ce
mémoire de Master. Je tiens également à la remercier pour
sa -très- grande patience, pour ses précieux conseils et pour
l'intérêt qu'elle n'a jamais cessé de porter à mon
travail.
Je souhaiterais ensuite remercier le Professeur Catherine
FLAESH-MOUGIN, qui a accepté d'être ma suffragante et par
là même, de s'intéresser à mon mémoire.
Au titre des membres et personnels du CEDRE je remercierais
également Marie-Claude CORNEE, documentaliste inestimable et gardienne
du savoir de la Bibliothèque du 4ème étage ;
Laure JUILLARD sa désormais fidèle bras-droit et Pasquale BREGER
et Eléonora SPINOSA toujours disponibles et aidantes.
Mes remerciements iront aussi au personnel de l'Ambassade de
France à Sarajevo, où j'ai passé 5 merveilleux mois qui
m'ont appris comme 10 ans et qui m'ont ouvert les portes d'un univers
passionnant dont je ne faisais que soupçonner l'existence. A vous,
hvala puno dragi prijatelji !
Au plan plus personnel, je souhaiterais remercier mon
père et ma mère qui n'ont jamais cessé de me soutenir
depuis le début et qui m'ont appris à être aussi tenace
qu'une adventice ; mon compagnon, qui a été mes yeux lorsque je
ne pouvais plus lire ; et aussi les amis fantastiques avec qui j'ai
arpenté les rues de Rennes, de Bruxelles et de Sarajevo et
débattu jusqu'à parfois tard dans la nuit : Benjamin,
Madialène, Mathilde, Camille, Rémi, Jeanne, Simon le plus
balkanique des bretons, Lara, Dejan, Léa & Léa toutes deux
reines de la plume, Adèle et Ruzica.
A vous tous, merci beaucoup.
3
Principaux sigles et abréviations
AER
|
Agence européenne pour la reconstruction
|
ARYM
|
Ancienne République Yougoslave de Macédoine
|
ASA
|
Accord de stabilisation et d'association
|
CIJ
|
Cour Internationale de Justice
|
CSNU
|
Conseil de Sécurité des Nations Unies
|
DUI
|
Déclaration unilatérale d'indépendance
|
ELSJ
|
Espace de liberté de sécurité et de
justice
|
HCR
|
Haut-Commissariat des Nations Unies pour les
réfugiés
|
IAP
|
Instrument de pré-adhésion
|
KFOR
|
Force pour le Kosovo
|
MINUK
|
Mission intérimaire des Nations Unies au Kosovo
|
NU
|
Nations Unies
|
OMC
|
Organisation Mondiale du Commerce
|
ONU
|
Organisation des Nations Unies
|
OSCE
|
Organisation pour la sécurité et la
coopération en Europe
|
OTAN
|
Organisation du Traité de l'Atlantique Nord
|
PESC
|
Politique étrangère et de sécurité
commune
|
PSA
|
Processus de stabilisation et d'association
|
RFY
|
République fédérale de Yougoslavie
|
TFUE
|
Traité sur le fonctionnement de l'Union
européenne
|
TUE
|
Traité sur l'Union européenne
|
UE
|
Union européenne
|
4
Sommaire
INTRODUCTION
Partie I - Les spécificités du Kosovo et
leurs implications sur la relation UE-Kosovo Chapitre 1 - L'UE
confrontée à la nature juridique ambigüe du
Kosovo
Section 1 - Une nature juridique internationale incertaine
nuisant à l'émergence d'une position européenne.
Section 2 - Le dépassement pragmatique de la question
statutaire
Chapitre 2 - Une action stabilisatrice de l'UE
renforçant incidemment la nature étatique du Kosovo
Section 1 - L'UE, actrice de la normalisation des relations
Serbie-Kosovo
Section 2 - L'UE promotrice d'un state building de dimension
inédite auprès du Kosovo
Partie II - Une intégration matérielle
avancée du Kosovo mais un questionnement persistant sur la
finalité de cette intégration
Chapitre 1- Une intégration matérielle
approfondie du Kosovo à l'Union
Section 1 - La mise en place d'une intégration du Kosovo
au Marché intérieur Section 2- La reprise de l'acquis pertinent
de l'Union
Chapitre 2 - Quelle formalisation institutionnelle
durable pour les relations UE-Ko-
sovo ?
Section 1 - Une adhésion éventuelle du Kosovo
conditionnée par une mutation des deux acteurs
Section 2 - L'inclusion du Kosovo dans un potentiel
partenariat bizonal UE-Bal-kans occidentaux
5
Section 3 - La persistance d'un statut ad hoc pour l'Etat
kosovar
BIBLIOGRAPHIE
TABLE DES MATIERES
6
Summary
INTRODUCTION
Part I - Kosovo's specificities and their consequences on
EU-Kosovo's relationship Chapter 1 - EU and Kosovo's ambiguous legal
status
Section 1 - The advent of an european position compromised by an
uncertain international legal status
Section 2 - An pragmatic overtaking of the legal status issue
Chapitre 2 - An EU's stabilizing action of the EU
strengthening Kosovo's state status
Section 1 - The EU, actress of the normalisation of Serbia and
Kosovo's relationship.
Section 2 - The EU constructor of an ambitiously inedit state
building in Kosovo
Partie II - An ambitious material integration of
Kosovo but an persistant insecurity about the final purpose of this
integration
Chapitre 1- A deep material integration of Kosovo in the
EU
Section 1 - The etablishment of Kosovo's integration in Common
Market Section 2- The adoption of the pertinent acquis communautaire
Chapitre 2 - The question of the institutional
formalization of EU-Kosovo's rela-tioships
Section 1 - A possible EU membership for Kosovo conditioned by a
tranforma-tion of both EU and Kosovo
Section 2 - The inclusion of Kosovo in a potential bizonal
partnership between EU and Western Balkans
Section 3 - The persistance of an ad hoc status for the Kosovo
BIBLIOGRAPHY
7
TABLE OF CONTENTS
8
Introduction
« With these people here twice two never makes four.
And worst of it is that nobody could tell you what it does make, considering
that it nevers make four »
Ivo Andriæ, « The Climbers »
Le 4 mai 1980 Josip Broz Tito, plus connu sous le nom de
« Maréchal Tito », meurt dans ce qui est aujourd'hui la
Slovénie. Il a fondé la Yougoslavie en 1945, union de 6
Républiques et de 2 provinces autonomes, qu'il gouverne d'une main de
fer durant près de 40 ans. Homme politique majeur de son temps, on lui
doit également la genèse du « mouvement des
non-alignés » qui va profondément changer le visage de la
Communauté internationale. La Fédération qu'il a
fondée constitue une force politique incontournable de la
deuxième moitié du XXème siècle,
indépendante des blocs soviétiques et occidentaux, avec qui elle
est pourtant parvenu à conserver de bonnes relations1. A ce
titre, et à titre d'exemple, ce sont les yougoslaves qui pendant la
Guerre Froide jouissent de la meilleure liberté de circulation, pouvant
voyager en URSS comme au sein de la Communauté européenne. La
Yougoslavie et la Communauté ont d'ailleurs conclu un accord de
coopération en 19802, qui se voulait être un accord
préparatoire à une future association, ce qui on le rappelle,
constituait à l'époque la marque d'une relation très
privilégiée, la plus poussée jamais entretenue avec un
pays socialiste3.
Fragilisée par la perte de son leader, la Yougoslavie
doit faire face à une très importante crise économique
puis subit les remous causés par l'effondrement de l'URSS en 1991. Les
instabilités
1 Deux accords commerciaux CEE-Yougoslavie ont
été signés en 1970 et 1973.
2 Voir « Accord de coopération entre la
Communauté économique européenne et la République
socialiste fédérative de Yougoslavie », JO L 41 du
14.2.1983, p. 2-27
3 La Yougoslavie et l'Albanie ont été
inclus en 1991 au sein du programme d'Assistance PHARE de la Communauté
européenne. Le programme a été suspendu en novembre 1991
pour la RFY du fait de la guerre.
9
se multiplient dans les différentes républiques,
où les velléités nationalistes se nourrissent de la
profonde crise du parti communiste.
C'est dans ce contexte que les différentes
républiques yougoslaves tentent de se détacher de la
République fédérale et proclament leur
indépendance. La Slovénie et la Croatie, d'abord en 1991, qui
sont rapidement reconnues par la Communauté internationale4.
Les autres républiques tentent de les imiter en essayant de se
constituer elles aussi en États-nations. Or, dans la pratique, ce
concept n'est pas applicable dans les territoires balkaniques5. En
effet, depuis 229 av. JC et la conquête des royaumes illyriens par les
romains, les mouvements de frontières et de populations ont
été incessants. Dans ce contexte, le tracé des
frontières proclamées des différentes républiques
yougoslaves ne correspond pas à la répartition de la population
sur ces territoires, marqués depuis longtemps par une forte
multiethnicité. L'idéologie nationaliste entraîne alors une
escalade de violence et de purifications ethnique dans toute la Yougoslavie.
C'est dans ce climat de guerre, que la relation entre la
Communauté européenne et les anciennes Républiques
yougoslaves connait une première mutation. La Yougoslavie était
alors incluse dans le cadre de la politique à destination des pays
d'Europe centrale et orientale6, et depuis le sommet de l'Arche des
14 et 15 juillet 1989 pouvait prétendre au programme PHARE,
destiné à soutenir les pays communistes dans leur transition vers
l'économie de marché. Avec le début de la guerre, la
Yougoslavie se détache de ce bloc, et pour la Communauté,
à la volonté d'un approfondissement des relations se substitue
celle d'une stabilisation de la zone. D'abord impuissante face aux conflits, la
Communauté, puis l'Union européenne va s'investir de plus en plus
au sein des Balkans occidentaux (Section I). Cette implication ira croissante
et lorsque la
4 C'est à cette occasion que se manifeste
les premiers désaccords entre les pays de la Communauté
européenne concernant le futur des pays yougoslaves. Ainsi, si la
Croatie et la Slovénie ont été reconnu le 19
décembre 1991 par l'Allemagne, la Suède sans concertation avec
les autres pays européens, d'autres pays comme la France, l'Italie et le
Royaume-Uni n'était au départ pas enclin à la
reconnaissance de ces États. Ce désaccord était plus
profond que la seule question de la reconnaissance ou non de nouveaux
États, car il concernait la façon dont les États
européens voyait le futur de la Yougoslavie, et où aucune
position commune n'avait été trouvé. Ainsi, si la
diplomatie allemande mettait en exergue le droit des peuples à disposer
d'eux même, la France souhaitait quant à elle une prise en compte
des minorités serbes présentes dans l'ensemble du territoire
yougoslave et la définition non hâtive de frontières
intérieures, qui seraient amené par la suite à devenir les
frontières internationales des nouveaux États.
5 Pour rappel, il est communément admis en
Droit international que pour qu'un État vienne au monde, il faut une
population, établie sur un territoire
déterminé, soumis à l'autorité effective d'un
gouvernement, doté de la souveraineté et de la
personnalité juridique
6 Les PECO rassemblaient dans les années 90
une multitude de pays avec lesquels la Communauté européenne
envisage des relations après l'effondrement du bloc communiste. Les
actuels pays de Croatie, Estonie, Lettonie, Lituanie, Hongrie, Pologne,
République Tchèque, Roumanie, Slovaquie, Slovénie,
Albanie, Bosnie-Herzégovine, Macédoine, Monténégro,
Serbie, Kosovo, Biélorussie, Ukraine, Moldavie et Russie étaient
inclus dans cette approche.
10
guerre éclate au Kosovo en 1999 l'Union s'impose comme
une actrice de plus en plus efficace et visible, notamment dans tout le
processus de reconstruction (Section 2).
Section 1 : Un investissement croissant de l'Union
européenne dans les Balkans Occidentaux
Marquée par la première guerre sur le continent
européen depuis 1945, l'Union européenne cherche à ramener
la stabilité dans les Balkans occidentaux. Après avoir
tenté une première approche qui se conclut par un échec,
car trop peu incitative (I), l'Union lance le Processus de stabilisation et
d'association (PSA) qui offre aux pays balkaniques une vraie perspective
européenne, concrétisée par l'adhésion de la
Croatie à l'Union en 2013 (II).
I) L'échec des anciens cadres relationnels dans un
contexte de guerre
Au début des années 90 la politique
européenne dans les Balkans est caractérisée par une
multiplication d'approches au cas par cas, face à l'enjeu global de la
désintégration de la Yougoslavie et des multiples crises
apparaissant en Slovénie, Croatie, Bosnie-Herzégovine et
Kosovo.
Après la signature des Accords de Dayton en
décembre 1995 par la RFY, la Bosnie-Herzégovine et la Croatie,
sous l'égide des États-Unis, l'Union européenne prend acte
de l'inefficacité de son action depuis le début de la guerre, du
fait de la faible coordination de ses États membres et du manque
d'instruments adéquats. En réaction, l'UE décide de
rénover une première fois son cadre relationnel avec les pays
ex-yougoslaves. Son ambition est de fournir une assistance coordonnée
à l'ensemble des pays de la Yougoslavie disloquée par
l'établissement d'une approche régionale et la mise en place
d'instruments visant à consolider la stabilité de la
région. Cette nouvelle approche est définie dans les Conclusions
du Conseil Affaires Générales du 29 avril 19977 et
propose l'établissement de nouveaux moyens d'assistance ainsi que la
conclusion d'accords bilatéraux de coopération pour la
Bosnie-Herzégovine, l'Albanie, la Macédoine, la Croatie et la
RFY. Cette approche reposait sur deux étapes : dans un premier temps
l'UE demandait aux États concernés de se mettre en
conformité avec des conditions politiques et économiques
préétablies,
7 Conclusions du Conseil sur le principe de
conditionnalité régissant le développement des relations
de l'Union européenne avec certains pays d'Europe du Sud-Est du
29/04/1997, Bulletin de l'Union européenne 4-1997, point 1.4.67
11
et une fois ces conditions remplies, l'UE proposait l'octroi
unilatéral de diverses aides ainsi que l'établissement d'une
nouvelle forme de relations contractuelles.
Or à peine deux ans après son lancement, ce
modèle montrait déjà ses limites à la fois trop
contraignant et trop peu incitatif. A titre d'exemple, le seuil conditionnant
l'établissement d'une relation « minimale » avait de
très nombreuses ramifications, très détaillés,
relatives au respect des principes démocratiques, des Droits de l'Homme,
de l'État de Droit, du respect et de la protection des minorités,
au passage à une économie de marché et l'introduction
d'une exigence de coopération régionale dans les potentiels
accords. A ces conditions générales, s'appliquant à chaque
pays, s'ajoutait une conditionnalité spéciale pour chacun d'entre
eux en fonction de leurs problématiques internes particulières.
L'idée originelle était que les relations entre l'Union
européenne et ses partenaires s'approfondiraient au rythme des
progrès réalisés par ceux-ci. En pratique, la
conditionnalité trop stricte de cette approche a tenu à
l'écart les pays les plus en difficulté8, contribuant
un peu plus au morcellement de la région, au lieu de les soutenir et de
les inciter au développement économique et à la
démocratisation. De plus, les relations prévues à titre de
récompenses n'étaient pas assez ambitieuses pour constituer de
réelles motivations : les aides promises n'étaient en fait que le
renouvellement de préférences commerciales autonomes ainsi que
les aides classiques de l'Union au travers des instruments OBNOVA, PHARE, etc.
Plus préoccupant encore, le modèle de relations proposé
aux États ex-yougoslaves témoignait d'un recul qualitatif de leur
relation par rapport à leur ancien cadre relationnel. Aux pays des
Balkans, l'UE ne proposait que des accords de coopération,
préférentiel certes, mais bien en deçà des accords
d'associations conclus à l'époque avec les pays d'Europe
centrale. A cet égard, les pays des Balkans eux même se sont
montrés assez critiques vis à vis de cette nouvelle approche, et
plus particulièrement la Croatie, qui a cherché à se
démarquer des autres pays de la région en revendiquant
d'être un État centre-européen et non pas balkanique.
En 1999, l'Union européenne a fait le constat de
l'inefficacité de la « Nouvelle Approche ». Les rapports de
progrès de la Commission montrent en effet une stagnation des pays des
Balkans, et la nouvelle flambée de violence au Kosovo en 1999
démontre que la perspective d'être des partenaires
privilégiés de l'Union européenne n'est pas suffisante
pour garantir la stabilité dans la région. Faisant le constat de
l'échec de sa nouvelle approche, l'Union européenne crée
un nouveau
8 Par exemple, l'assistance prévue au titre
du Programme PHARE était subordonnée au respect des accords de
paix, à la coopération avec le TPY
12
modèle relationnel pour la région, dont le
maître mot sera désormais la sauvegarde de la stabilité
(II).
II) Le processus de stabilisation et d'association : un
succès avec l'adhésion comme
horizon
La réponse de l'Union européenne aux
difficultés des Balkans occidentaux est une réponse en deux
temps, mais dont le maître mot est la stabilité : D'une part, elle
initie le Pacte de Stabilité pour l'Europe du Sud Est, défini
à Cologne le 10 juin 19999, qui réunit un grand nombre
d'acteurs internationaux10 en vue d'assurer une stabilisation de la
région balkanique. L'ambition est d'éviter un empilement des
instruments qui nuirait à l'efficacité de chacun d'entre eux. Le
Pacte de stabilité pour l'Europe du Sud Est est envisagé comme
une zone de contact où les pays des Balkans11 (à
l'exception de la RFY) peuvent échanger avec des acteurs internationaux
variés comme l'UE, l'OTAN, l'OSCE, le FMI, la Banque Mondiale, les pays
donateurs et un grand nombre d'ONG.
D'autre part, l'Union européenne décide
d'approfondir son approche régionale, via le lancement du Processus de
Stabilisation et d'Association12. Il s'agit d'une approche
rénovée qui innove, non pas tant en modifiant le contenu des
relations entre l'Union européenne et les pays d'ex-Yougoslavie (les
conditions applicables au développement et à l'approfondissement
des relations restant sensiblement les mêmes, ainsi que les pays
concernés par cette approche), mais par son cadre général
et en ce qu'elle a à offrir. La nature même de la relation a
changée, substituant à un Accord de Coopération la
signature d'un Accord de Stabilisation et d'Association (ASA), avec une
perspective d'adhésion à la clé. Bien plus ambitieux que
les anciens accords de coopération, les ASA sont des accords complets
qui en plus de soutenir la consolidation démocratique et l'État
de Droit, oeuvrent au rapprochement des partenaires dans la perspective d'une
adhésion future à l'Union européenne13.
9 Le même jour que la fin de la guerre au
Kosovo
10 Notamment 38 ministres des Affaires
Etrangères de 38 pays et 15 représentants d'Organisations
internationales.
11 Sont signataires les pays de l'UE, l'Albanie, la
Bosnie-Herzégovine, la Croatie, l'ARYM, la Hongrie, la Slovénie,
la Roumanie, la Bulgarie, les États-Unis, le Canada, le Japon, la
Turquie, etc.
12 Communication de la Commission au Conseil et au
Parlement européen sur le processus de stabilisation et d'association en
faveur des pays de l'Europe du Sud-Est, COM(1999)235 final du 26/05/1999.
13 A ce titre, on peut s'attarder sur le nom retenu
pour ce nouveau type d'accord « Accord de Stabilisation et d'Association
», qui n'est pas anodin en ce qu'il revèle la grande place
accordée à la stabilisation de la zone dans
l'établissement de ce nouveau modèle relationnel. (la
stabilisation est ainsi placée dans l'intitulé des accords, mais
aussi elle y occupe la première place, devant « l'association
»).
13
La nouvelle dégradation de la situation dans les
Balkans occidentaux à la fin des années 90, les crises
irrésolues et l'instabilité politique de ces États sont la
raison de la création d'un cadre de relation qui est à la fois
très ambitieux mais aussi très protecteur avec un fort monitoring
de l'Union Européenne, qui indique à la fois les réformes
à effectuer, mais aussi un modèle vers lequel ces pays doivent
tendre14. Pour mettre en oeuvre cet objectif, un nouvel instrument
est attaché au PSA : l'IAP, ou « instrument de
pré-adhésion » qui constitue de part son intitulé un
rappel instrumental de la perspective européenne des Balkans
occidentaux. Il obéit à un principe de programmation, annuelle et
pluriannuelle, avec des objectifs à implémenter auxquels sont
injectés des fonds.
L'idée du PSA est également que la
stabilité des Balkans occidentaux dépend très fortement de
l'établissement de coopérations étroites entre les pays,
dans le respect de l'intégrité territoriale de chacun. C'est pour
cela que dans ses relations avec la région, l'UE privilégie les
instruments régionaux aux instruments bilatéraux et encourage
très fortement les coopérations horizontales entre les pays des
Balkans occidentaux15.
A ce jour, le processus de stabilisation et d'association est
un succès. Certes, seule la Croatie a pour le moment
adhéré à l'Union européenne16, mais les
progrès réalisés par les autres pays des Balkans
occidentaux sont non négligeables et le PSA a le mérite de garder
unifié ces différents Etats dans la recherche d'un même
objectif, alors que des forces internes et externes cherchent à y
imprimer une forte force centrifuge. D'un point de vue interne d'une part,
où les revendications nationalistes de certains politiciens s'opposent
à la bonne marche des pays pour des raisons d'opportunismes, mais aussi
à l'externe, alors que la Russie, la Turquie et l'Arabie Saoudite
cherchent à gagner ou à regagner leur ancienne influence dans la
région en entretenant des liens étroits avec une
communauté de prédilection et en excluant les
autres17. Un exemple récent de cette réussite est que
la perspective européenne a été suffisante pour convaincre
le Monténégro à rejoindre l'OTAN le 5 juin 2017,
malgré l'ire de Moscou, alors même que les touristes russes
constituent la principale manne économique du pays et que le Kremlin
opère désormais des pressions sur ses agences de voyages pour
dérouter leurs ressortissants vers une autre
14 Source : Compte-rendu mensuel des
négociations relatives à la réforme du système
judiciaire bosnien-herzégovinien, 12 juin 2017, Délégation
de l'Union européenne en Bosnie-Herzégovine, auquel l'auteur du
présent mémoire représentait l'Ambassade de France en
Bosnie-Herzégovine.
15 Pus qu'un encouragement ou une incitation, cette
coopération devient une obligation dans le cadre de l'ASA UE-Kosovo.
16 Le 1er juillet 2013
17 Ce qui tendrait à renforcer les foyers
d'instabilités dans une région qui depuis l'adhésion de la
Roumanie et de la Bulgarie se trouve désormais au coeur du territoire
européen.
14
destination18. Autre exemple, la récente
réélection de Aleksandar Vuèiæ à la
tête de la Serbie. Cet ancien ultranationaliste « converti »
aux idées européennes a notamment choisi comme premier ministre
une femme, Ana Brnabiæ ouvertement homosexuelle, une première dans
le pays, mais aussi dans les Balkans. De plus, le Président serbe semble
désormais ouvert à un dialogue sur les « futures relations
entre la Serbie et le Kosovo », chose impensable il y a encore 2
ans19, preuve s'il en est de l'efficacité grandissante de
l'UE dans la gestion du problème kosovar (Section II).
Section 2 : une visibilité et une
efficacité croissante de l'Union européenne au Kosovo
Slobodan Milosevic devient président de la
République de Serbie au sein de la République
fédérale de Yougoslavie en mai 1989. Promouvant un nationalisme
agressif il met rapidement « le problème kosovar » au coeur de
sa politique. Le 28 juin 1989, à l'occasion d'un discours pour le
600éme anniversaire de la Bataille dite du Champ des
Merles20, il procède à une réécriture
historique, début d'une campagne de propagande à destination de
l'ensemble de la Yougoslavie proclamant la supériorité d'un
nationalisme serbe, passant notamment par la volonté d'une
réunification des serbes au sein d'une Grande Serbie. Coeur historique
de la Serbie, la province du Kosovo devient un enjeu sensible, d'autant que
Milosevic affirme que les serbes du Kosovo feraient l'objet de maltraitances de
la part des albanais du Kosovo. Le 28 mars 1989, Milosevic
décrète la perte d'autonomie des provinces de la Voïvodine
et du Kosovo. A l'image des autres pays de la fédération
yougoslave, le Kosovo cherche à se détacher de la
République de Yougoslavie par l'organisation d'un
référendum clandestin en septembre 1991, à l'issu duquel
l'indépendance du Kosovo est proclamée, mais non suivie d'effet
sur le plan international. Dans les mois qui suivent interviennent les premiers
affrontements armés, qui débouchent sur une invasion du Kosovo
par la RFY en 1996. Si dans un premier temps, l'Union européenne va
jouer un rôle politique modeste pendant la guerre du Kosovo (I), elle va
se révéler être une actrice fondamentale et
irremplaçable dans la reconstruction de cette province
indépendantiste de la Serbie (II).
18
https://www.letemps.ch/index.php/monde/2017/05/19/moscou-utilise-touristes-russes-arme-retorsion
19 « Is the power of the Kosovo myth fading ? », Bosnia
Daily, june 30, 2017
20 Bataille opposant en 1389 des princes
chrétiens des Balkans à l'Empire ottoman. Elle débouche
sur une victoire
ottomane qui va par la suite occuper le territoire de l'actuel
Kosovo.
15
I) Un rôle politique modeste de l'UE pendant la
guerre au Kosovo
La Communauté européenne entend parler pour la
première fois du Kosovo en 1989, alors que le gouvernement yougoslave
proclame l'état de siège de cette province indépendante et
qu'une procédure de révision constitutionnelle est
entamée, ayant pour conséquence un amoindrissement substantiel de
l'autonomie de la province kosovare. La suppression formelle du statut
d'autonomie institué en 1974 est consacrée en avril 1992 par
l'adoption d'une nouvelle Constitution pour la République
fédérale de Yougoslavie, n'évoquant plus l'existence de
provinces autonomes. Par la suite, les observateurs européens assistent
à un durcissement progressif de la politique de Belgrade à
l'égard des populations d'origine albanaise, allant de licenciements
massifs à une répression brutale de tout mouvement de
contestations. Après une longue période de résistance
pacifique, l'année 1997 est marquée par la naissance de «
L'armée de libération du Kosovo » (ALK ou UCK). Les premiers
mois de l'année 1998 sont témoins des débuts d'une guerre
civile meur-trière21.
Les institutions internationales ne sont pas restées
sans se prononcer sur la question, et au fil des recommandations du Parlement
européen, on voir grandir l'inquiétude et l'impuissance de
l'Union à arrêter ce conflit à ses portes22. Au
vu de la gravité des combats, plusieurs tentatives de règlements
diplomatiques par les institutions internationales ont lieues. L'Union
européenne est alors l'acteur qui avait été pressentie au
début de la guerre en Yougoslavie pour être l'acteur
légitime de résolution et de pacification du conflit, du fait de
sa proximité géographique, d'une expérience historique et
de relations de longue date avec la Yougoslavie mais qui avait dû
attendre 1995 pour que la politique étrangère et de
sécurité commune (PESC) apparaisse avec le Traité
d'Amsterdam et lui permette d'agir. Dès lors, après l'impuissance
ressentie lors du conflit en
21 Guerre au Kosovo : 5 mars 1998- 11 juin 1999.
22 Le Kosovo apparait comme une province
troublée depuis le début des années 1990. Des 1989 le
Parlement européen s'alarme des troubles persistants entre serbes et
albanais et demande la constitution d'une commission d'enquête. La
déclaration d'indépendance du 2 juillet 1990 et les violations
des droits de l'Homme par les serbes sont constatées par le Parlement
européen dans une résolution sur les droits de l'Homme au Kosovo
du Parlement européen du 12 juillet 1990, 31 et dans une
résolution sur les droits de l'Homme au Kosovo du Parlement du 11
octobre 1990. Le Parlement constate également lorsque les tensions se
sont muées en crises (avec toujours une absence d'intervention de la
Communauté européenne) dans une résolution sur la crise du
Kosovo du 29/02/1996. Le Parlement européen demande alors une
intervention du Conseil de l'UE pour user de pression auprès du
Président Milosevic (Recommandation du Parlement européenne sur
la nécessité de régler rapidement le litige relatif
à l'avenir du Kosovo du 29/02/1996).
16
Bosnie-Herzégovine, l'Union s'implique au Kosovo,
même si elle privilégie dans un premier temps une diplomatie
préventive.
A la suite des pressions de l'OTAN23 et du Conseil
de Sécurité des Nations Unies (CSNU) un cessez le feu est obtenu
le 15 novembre 1998. A la reprise du conflit au bout de quelques semaines, les
conférences de Paris et Rambouillet débouchent sur une impasse,
le gouvernement de Milose-vic refusant d'accepter le plan de paix
préparé par les Occidentaux. Du 24 mars au 12 juin 1999, les
États membres de l'OTAN lancent des opérations militaires contre
la Yougoslavie. L'OTAN est alors la plus grande armée du monde et
rassemblent 19 pays sous commandement américain. Entre-temps, on
dénombre des centaines de milliers de personnes d'origine albanaise
déportées par les autorités yougoslaves, des milliers de
victimes d'assassinats ou d'exactions et des dégâts
matériels, environnementaux et humains causés par les
bombardements estimés à plusieurs milliards de dollars. A partir
du 12 juin 1999, jour de fin de la guerre, l'administration de la province du
Kosovo est confiée à l'ONU.
Malgré l'existence de l'outil PESC, pendant la guerre
au Kosovo de 1998 à 1999, c'est donc une nouvelle fois l'OTAN qui prend
l'initiative d'une intervention pour recourir à la force armée
après l'échec des négociations de Rambouillet (et donc des
tentatives de règlement diplomatique du différend) en mars 1999.
L'UE s'implique donc dans les combats au Kosovo, mais par le prisme de ses
Etats membres qui fournissent du contingent, placé sous commandement de
l'OTAN. Néanmoins, avant même la fin du conflit, l'UE est
très impliquée dans l'aide apportée aux populations
déplacées. Ainsi, une des actions européennes remarquables
pendant la guerre au Kosovo concerne la protection des réfugiés
kosovars en exil dans les pays voisins. Le 6 avril 1999, on dénombrait
280 000 réfugiés kosovars en Albanie, 136 000 en ARYM, 60 700 au
Monténégro et 260 000 déplacés à
l'intérieur du Kosovo. Le 8 avril 1999, le Conseil Affaires
générales se dit très préoccupé par le sort
des réfugiés et décide d'aider l'État albanais,
monténégrins et macédoniens. La Commission
européenne propose alors l'octroi d'aides non remboursables
jusqu'à concurrence de 100 millions d'Euros aux gouvernements des pays
concernés pour couvrir les coûts liés à la
présence des déplacés24. De plus, l'UE s'est
projetée très tôt dans l'après-guerre en aidant
à la prise en charge des personnes déplacées (et donc a
cherché à éviter de nouveaux troubles dans les
23 Organisation du Traité de l'Atlantique
Nord. Crée par le Traité de l'Atlantique Nord en 1949, l'OTAN est
une alliance militaire. Elle compte aujourd'hui 28 pays, dont 22 membres de
l'UE.
24 La proposition a été suivie d'effet
en avril 1999.
17
Balkans occidentaux) et a après les combats,
endossé un rôle de premier plan dans la reconstruction du Kosovo.
(II)
I) L'UE, actrice de premier plan dans la reconstruction
du Kosovo
En juin 1999 la Résolution 1244 du Conseil de
Sécurité des Nations Unies recommande d'autori-ser le
déploiement d'une force de sécurité en vue de garantir une
non reprise des hostilités entre les belligérants et de permettre
le retour des réfugiés. La Résolution demande
également au Secrétaire Général des Nations Unies
de permettre l'établissement d'une force civile internationale au
Kosovo. La Mission d'administration intérimaire des Nations Unies au
Kosovo (MINUK), est rapidement déployée par la suite et a pour
objectif d'assurer une administration intérimaire dans le cadre de
laquelle la population du Kosovo aura la possibilité de disposer d'une
autonomie et d'une auto administration substantielle. Le mandat de la MINUK et
sa complexité organique sont sans précédent. En effet, la
MINUK est structurée en plusieurs composantes gérée par
divers acteurs internationaux en coopération. Dans le cadre de cette
architecture, les thématiques liées à la reconstruction du
Kosovo sont confiées à l'Union européenne, sous le titre
de « Reconstruction et développement économique ».
Ainsi, bien qu'ayant eu un rôle politique modeste durant la guerre au
Kosovo, l'Union européenne s'est rapidement imposé comme l'acteur
de premier plan dans la reconstruction du Kosovo et son engagement est
allée croissant.
D'une part, et en dehors du strict cadre de la reconstruction,
il faut noter que l'Union participe aux opérations de la « Kosovo
Force » (KFOR), déployée par l'OTAN après le
cessez-le-feu et qui a pour objectif de s'assurer du retrait des forces serbes
du Kosovo, de déployer une « présence internationale civile
et de sécurité » et surtout, l'établissement d'une
administration intérimaire au Kosovo sous la surveillance des Nations
Unies (MINUK) . Au sein de la KFOR, le contingent européen
représente ainsi 2/3 de l'effectif total de la force.
Cet engagement fort de l'UE au Kosovo, avec la recherche d'une
pérennisation d'une présence européenne peut se constater
en mai 1999, lorsque Romano Prodi, alors Président de la Commission
européenne constate qu'il est indispensable de commencer
immédiatement à élaborer une stratégie
d'après-guerre pour les Balkans. Cet volonté se concrétise
lors du Conseil européen de Cologne des 3 et 4 juin 1999 qui confirme la
volonté de l'UE de jouer un rôle de premier plan dans la
reconstruction du Kosovo et de permettre le retour des réfugiés.
En effet, à la fin de la guerre au Kosovo, l'UE s'est vue charger par la
Communauté internationale de la reconstruction
18
de la province du Kosovo25. Concrètement,
l'Agence européenne pour la reconstruction26 (AER) a pris le
relai d'une task force de la Commission européenne, qui depuis 1999 qui
assurait les premières missions de reconstruction. C'est ainsi
qu'immédiatement après la fin du conflit, la Commission
européenne a délivré au Kosovo une aide humanitaire
d'urgence de 378 millions d'euros. De plus, l'Union européenne s'engage
auprès des institutions de gouvernement provisoire kosovar en apportant
une contribution financière exceptionnelle de 65 millions d'euros au
budget consolidé du Kosovo .
L'AER a donc pour but de fournir à l'UE le moyen
d'être la plus efficace possible dans son assistance au Kosovo. Elle met
ainsi en oeuvre des programmes de reconstruction et de retour des
réfugiés, recueille, analyse et communique à la Commission
européenne les informations intéressant à la
reconstruction du Kosovo, le rapatriement des réfugiés, les
besoins urgents des communautés concernés, les secteurs
prioritaires qui requièrent l'aide urgente de la Communauté
internationale. Cela se fait notamment par la mise sur pied de projets et
programmes orientés vers la reconstruction du Kosovo et le rapatriement
des réfugiés. Les projets sont ensuite soumis à la
Commission européenne pour adoption. L'UE agit tant pour la
reconstruction des Balkans, et notamment pour celle du Kosovo, que certains
observateurs comparent son action sur place à celle d'une Agence pour le
développement27.
Après la guerre, l'investissement de l'UE au Kosovo
continue de croître. Elle assure ainsi une part substantielle de la
contribution aux dépenses de la MINUK28. Cela va de pair avec
le retrait progressif des États-Unis dans les Balkans après les
attentats du 11 septembre 2001, leurs troupes étant engagées sur
les fronts d'Irak et d'Afghanistan.
25 Les affaires humanitaires sont de leurs
côtés, laissés au Haut-Commissariat aux
réfugiés (HCR) et l'administration civile intérimaire
à l'ONU, et à la création d'institutions à
l'Organisation pour la sécurité et la Coopération en
Europe (OSCE).
26 Création d'une agence européenne
pour la reconstruction du Kosovo dans le cadre de l'aide communautaire.
Règlement du 15/11/1999.
27 FAGAN A, : « From the perspective of the
Western Balkans in 2009, the EU looks and acts like a multilateral development
agency : it fund road-building, railways and hospitals ; it trains police
officers, civil servants and doctors
; supports community developement, NGOs and subsitutes for the
absence of state and market provision in the realms of welfare and education
» in », Europe's Balkan Dilemma: Paths to Civil Society or
State-Building?, Library of European Studies, 2010
28 Communication « Un avenir européen pour
le Kosovo », COM(2005) 156 final, 20/04/2005
19
Enfin, l'Union européenne s'est engagée
auprès des administrations provisoires d'auto administration du Kosovo
en leur fournissant, en plus d'une aide financière une expertise et une
aide technique. Ainsi, la Commission européenne a fourni de l'aide
visant à « appuyer la préparation par le gouvernement d'un
plan de développement approfondi du Kosovo et l'établissement
d'un cadre budgétaire viable » afin d'aider les autorités
kosovares à établir une programmation budgétaire, en
partenariat avec le FMI et la Banque Mondiale. La Commission a également
aidé le Kosovo à libéraliser son secteur
économique, notamment car le Kosovo s'est « engagé à
respecter les principes de la Chartre européenne des petites entreprises
» en matière d'établissement de relations commerciales,
d'environnement, d'Energie, etc..
A la fois actrice et architecte de la reconstruction du
Kosovo, l'UE ne l'a jamais quitté. Son monitoring et son expertise ont
été cruciaux pour le développement de l'État
kosovar, qui bénéficie de la perspective européenne, au
même titre que les autres États des Balkans
occidentaux29.
Néanmoins, la déclaration unilatérale
d'indépendance (DUI) de février 2008 a créé une
scission dans l'unité européenne, entre les États membres
reconnaissant le Kosovo et les États membres ne le reconnaissant pas.
Dès lors, l'UE s'est retrouvée dans l'incapacité de parler
d'une seule voix afin de se prononcer sur la souveraineté de
l'État kosovar et d'entretenir, a priori, avec le Kosovo les mêmes
liens qu'avec les autres pays des Balkans Occidentaux. Dans ce contexte,
à la fois marqué par l'atypicité de l'acteur kosovar et
par la nécessité pour l'UE de rester fortement impliquée
dans ce nouvel État qu'elle a aidé à construire, on peut
s'interroger sur le contenu de la relation entre ces deux acteurs. En d'autres
termes, quelles relations entretiennent l'UE et le Kosovo et comment celles-ci
sont t'elles impactées par le problème statutaire kosovar ? On
verra que les spécificités du Kosovo et l'engagement de l'UE dans
le pays ont des conséquences très concrètes sur la
relation UE-Kosovo (Partie 1). Cette relation ambitieuse entraine le Kosovo
vers une intégration matérielle au sein de l'Union
européenne. Néanmoins, la question de la finalité
réelle de ce processus demeure ouverte (Partie 2).
29 Depuis l'engagement pris au Conseil européen
de Thessalonique des 19 & 20 juin 2003
20
Partie 1 : Les spécificités du Kosovo et
leurs implications sur la relation UE-Kosovo
Le Kosovo est un état atypique. Indépendant
depuis moins de 10 ans, il n'est pas reconnu par 35 Etats de la planète
dont la Chine et la Russie et n'est pas membre d'organisations internationales
comme l'ONU ou l'OMC. D'une superficie d'environ 10 887 km2 30 pour
1 million 820 000 habitants, il suscite les passions et place l'Union
européenne dans une situation sans précédent : à la
suite de la DUI de 2008, 5 Etats membres de l'Union ont choisi de ne pas
reconnaitre l'ancienne province serbe. Cette configuration inédite, due
aux spécificités de l'Etat kosovar a de nombreuses implications
sur la relation UE-Kosovo. On constate ainsi que si l'Union doit au quotidien
composer avec la nature juridique ambigüe du Kosovo (Chapitre 1), son
action est avant tout pragmatique et soucieuse de ménager ses Etats
membres. Pourtant, son souci de mener à bien une action stabilisatrice
efficace au Kosovo, et plus largement dans les Balkans occidentaux en renforce
incidemment la nature étatique (Chapitre 2).
Chapitre 1 : L'UE confrontée à la nature
juridique ambigüe du Kosovo
A la suite de la DUI de 2008, l'Union européenne est
confrontée à la nature juridique ambiguë du Kosovo mais
aussi à des divergences profondes au sein de ses Etats membres. Si dans
un premier temps, la nature juridique internationale incertaine du Kosovo a nui
à l'émergence d'une position européenne et donc à
une difficulté dans la conceptualisation de la relation qu'il
était possible d'entretenir avec l'Etat kosovar (Section 1), cet
écueil a dû être dépassé eu égard
à la nécessité de ne pas laisser le Kosovo en marge du PSA
(Section 2).
Section 1 : Une nature juridique internationale
incertaine nuisant à l'émergence d'une position
européenne.
30 Pour comparaison, le département d'Ile de
France a une superficie de 12 012 km2 et une population de 12
millions d'habitants.
21
La nature juridique incertaine du Kosovo au regard du Droit
international, toujours non résolue à ce jour (I) a
empêché les Etats membres de dégager une position formelle
et commune que défendrait l'Union européenne. Cette absence
constitue un lourd handicap pour l'UE qui a dû sacrifier à la
cohérence de son action, afin de respecter les positions de 5 de ses
Etats membres (II).
I) Une nature juridique ambigüe au regard du Droit
international
L'action de l'Union européenne est affectée par
la nature juridique ambiguë du Kosovo au regard du Droit international. En
effet, de par son caractère unilatéral, la déclaration
d'indépendance du 17 février 2008 par les autorités
provisoires du Kosovo n'a pas abouti à la remise en cause de la
résolution 1244 du Conseil de Sécurité des Nations Unies
(A) bien qu'elle n'ai pas été jugé contraire au Droit
international (B).
A) La résolution 1244 : un territoire serbe sous
tutelle internationale
Au lendemain du cessez le feu accepté par Belgrade et
mettant fin à la guerre au Kosovo, le Conseil de
Sécurité31 adopte la Résolution
124432. Cette résolution du 10 juin 1999 aboutit entre autres
à la création de la Kosovo Force (KFOR), force armée
placée sous le contrôle de l'OTAN et mandatée par l'ONU, et
de la MINUK (Mission d'administration intérimaire des Nations Unies au
Kosovo). Cette autorité administrative se voit confier l'administration
provisoire du Kosovo, de sa population et l'établissement d'une
structure politique temporaire. Son but est de faciliter l'autonomie et une
auto administration du Kosovo au sein de la République
fédérale de Yougoslavie. En effet, dans la résolution
1244, le Kosovo est réaffirmé comme étant une province de
l'actuelle Serbie33, placée en raison des circonstances sous
administration onusienne. Le modèle alors envisagé pour le Kosovo
en 1999 était donc celui d'un retour à la situation de la fin des
années 1980, lorsque le Kosovo disposait d'un statut d'autonomie
renforcée.
Interrogés sur le « problème kosovar
», Hubert Védrine34 et Bernard Kouchner35
notent tout deux que la question de l'indépendance a pendant longtemps
été une question théorique concernant le
31 Le Conseil de Sécurité des Nations
Unies (CSNU) est l'organe exécutif des Nations Unies. Il a pour
responsabilité principale le maintien de la paix, l'établissement
de sanctions internationales et l'intervention militaire. Ses
résolutions ont force exécutoire. Le CSNU est composé de
15 membres, cinq permanents pourvu d'un droit de veto : Chine,
États-Unis, France, Royaume-Uni et Russie et de 10 pays élus pour
une durée de deux ans, renouvelable de moitié chaque
année.
32 Résolution 1244 (1999) du 10 juin 1999 du
CSNU
33 La résolution 1244 mentionne d'ailleurs
la nécessité de tenir compte « principes de
souveraineté et d'intégrité territoriale de la
République fédérale de Yougoslavie. »
34 Ministre des Affaires étrangères
français de 1997 à 2002.
35 Premier chef de la MINUK (1999-2001)
22
Kosovo. L'objectif de la MINUK était en effet de
bâtir un Kosovo autonome, et à cette fin, la MINUK était
appelée à prendre des décisions techniques,
administratives et financières. Pourtant, la question de l'avenir du
Kosovo était déjà pressante. En 1999, 90% de la population
du Kosovo était favorable à son indépendance36,
et la Résolution 1244 n'a fait qu'ajourner le règlement de la
question du statut.
Or, pour que le Kosovo puisse se reconstruire, il lui manque
son indépendance. N'étant pas reconnu comme un État
souverain, il ne peut pas adhérer aux instances financières
internationales comme la Banque mondiale et le FMI et est très peu
attractif pour les investisseurs étrangers qui craignent d'investir dans
un protectorat onusien. Cette absence de perspective renflamme les tensions
ethniques et en mars 2004 des extrémistes albanais violentent des serbes
du nord du Kosovo. L'Union européenne et la Communauté
internationale cherchent alors à régler une première fois
« la question du statut »37. La Serbie38 et la
Russie demande un ajournement de la question kosovare, mais le 26 mars 2007,
l'ancien Président finlandais Martti Ahtisaari, mandaté par les
NU présente un rapport, dans lequel il propose une «
indépendance surveillée » pour le Kosovo.
Concrètement, le Kosovo aurait son indépendance, mais celle-ci
serait supervisée par une présence internationale civile et
militaire et des garanties solides seraient assurées pour les
minorités. Le projet est approuvé par l'UE et les États
Unis, mais rejeté par la Serbie et la Russie, qui pose son veto au
CSNU.
Sur proposition de Jacques Chirac qui fait le constat du
blocage du CSNU sur la question du Kosovo, il est décidé
d'entamer une nouvelle tentative de négociations. Pendant 6 mois, une
Troïka de diplomates américains, français et russes se
réunissent, sans réussir à trouver un compromis. Dans son
rapport au Secrétaire Général des Nations Unies le 10
décembre 2007, la Troïka conclue à l'échec des
négociations.
Pour le gouvernement provisoire du Kosovo la situation n'est
plus tenable, et le Parlement déclare unilatéralement
l'indépendance de l'État kosovar le 17 février 2008, se
prévalant du Droit à l'autodétermination reconnu à
chaque État tel que posé dans l'article 1 alinéa 2 de la
Chartre des NU39. Les autorités du Kosovo s'engagent alors
auprès de la Communauté internationale à
36 M. KULLASHI « Vers l'indépendance ?
La question du statut du Kosovo », mars 2006,
http://www.ceri-sciences-po.org,
consulté le 25/08/2017.
37Communication « Un avenir européen pour
le Kosovo », COM(2005) 156 final, 20/04/2005
38 Le 4 février 2003, la Yougoslavie
disparait au profit de « la République de
Serbie-et-Monténégro ». Celle-ci est dissoute en 2006,
après la déclaration d'indépendance du
Monténégro le 3 juin 2006 et la Serbie devient « La
République de Serbie » le 5 juin 2006 après un vote au
Parlement.
39DORLHIAC R, « Un premier bilan de
l'indépendance du Kosovo », Questions internationales, n°40,
novembre-décembre 2009
23
construire un État pluriethnique et
démocratique. Elles proposent également d'accueillir les
présences internationales destinées à l'assister et
affirme son désir de nouer des bonnes relations avec l'ensemble des
États de la région. La constitution kosovare promulguée le
15 juin 2008 reprend pour sa part l'ensemble des dispositions de la proposition
globale de règlement pour le statut de Martti Ahtisaari. Pourtant, cette
DUI ne règle pas la question du statut, ainsi que le démontre la
demande d'avis déposé à la CIJ concernant la
compatibilité de la DUI avec le Droit international (B).
B) L'avis de la Cour Internationale de Justice : une
déclaration unilatérale d'indépendance conforme au Droit
internationale
En avril 2008, la République de Serbie ratifie son ASA
avec l'Union européenne et approfondie donc son chemin vers une
potentielle adhésion. La DUI du Kosovo, et sa reconnaissance par un
grand nombre de pays occidentaux est un coup dur pour la Serbie. Consciente des
fragilités potentielles de la DUI du Kosovo, celle-ci fait introduire
par l'Assemblée générale des Nations Unies une demande
d'avis auprès de la Cour internationale de Justice40 (CIJ),
le 8 octobre 200841. Cette demande d'avis concerne la
compatibilité de la DUI avec le Droit international et la
Résolution 1244 (1999), et se présentait en ces termes : «
La déclaration unilatérale d'indépendance des institutions
provisoires d'administration autonome du Kosovo est-elle conforme au Droit
international ? ».
En effet, comme l'avance Renaud Dorlhiac, si la CIJ constatait
l'incompatibilité de la DUI avec le cadre législatif
international, cet avis aurait « sap[é] les fondements même
du nouvel État »42. Pour les détracteurs du
Kosovo en effet, la DUI constitue en une sécession unilatérale,
illégale et illégitime.
La CIJ a rendu son avis le 22 juillet 2010, et a
été d'une extrême prudence dans sa manière de
répondre à la question posée. En effet, une réponse
formulée de manière ambigüe aurait pu être
considérée comme un précédant en faveur des
communautés indépendantistes. Dès lors, la Cour rappelle
dans son avis que la question qui lui a été posé porte sur
la question de savoir si le Droit international interdit ou non la
déclaration d'indépendance unilatérale du Kosovo ; et que
dès lors, « elle n'est pas tenue, par la question qui lui est
posée, de prendre parti sur le point de savoir si le
40 La CIJ, qui siège à La Haye est
l'organe judiciaire des Nations Unies. Elle est habilitée au
règlement de grands différents internationaux.
41 J. CHARPENTIER, « Serbie et Kosovo :
actualité », Civitas Europa, 2012/2, n°29
42 DORLHIAC R. « Un premier bilan de
l'indépendance du Kosovo », Questions internationales n°40 -
novembre-décembre 2009
24
droit international conférait au Kosovo un droit
positif de déclarer unilatéralement son indépendance, ni a
fortiori, sur le point de savoir si le droit international confère en
général à des entités situées à
l'intérieur d'un État existant le droit de s'en séparer
unilatéralement »43.
En répondant à la question, la CIJ note tout
d'abord qu'il existe un droit à l'autodétermination en droit
international, qui a d'ailleurs été beaucoup utilisé dans
la deuxième moitié du XIXème siècle. La Cour
rappelle que si ce droit a d'abord été conçu comme pouvant
être exercé dans des hypothèses de subjugation, de
domination ou d'exploitation, celui-ci pouvait être également
être utilisé en dehors de celles-ci car il n'existe pas en droit
international « une nouvelle règle interdisant que de telles
déclaration soient faites »44.
Certaines parties, dont la Russie et la Serbie opposaient
qu'une interdiction de déclaration unilatérale
d'indépendance était implicitement contenue dans le principe de
l'intégrité territoriale. La Cour rappelle dans son avis que ce
principe, posé à l'article 2 § 4 de la Chartre des Nations
Unies pose que « les membres de l'organisation s'abstiennent dans leurs
relations internationales, de recourir à la menace ou l'emploi de la
force, soit contre l'intégrité territoriale d'un État,
soit de toute autre manière incompatible avec les buts des Nations Unies
», et que dès lors, ce principe ne s'appliquait pas à
l'espèce. De même, dans l'acte final de la conférence
d'Helsinki qui était également soulevé contre la DUI, la
CIJ pose que « la portée du principe de l'intégrité
territoriale est limitée à la sphère des relations
interétatiques ». Dès lors, sur ce point, la DUI n'a pas
violé le droit international.
La Cour rappelle également que la Résolution
1244 (1999) tire sa légalité des Nations Unies et que c'est cette
même résolution qui a posé le cadre constitutionnel de mise
en place des institutions kosovares qui ont par la suite déclaré
leur indépendance, et qu'elle s'est à ce moment-là,
substituée, sauf sur certains points expressément
énumérés, à l'ordre juridique serbe. De plus, elle
note que « le libellé de la résolution 1244 (1999) montre
que le Conseil de Sécurité ne s'est pas réservé le
règlement définitif de la situation au Kosovo et qu'il est
resté silencieux sur les conditions du statut final »45.
Par conséquent, la Cour constate que la résolution 1244 (1999)
43 « Conformité au droit international de la
déclaration unilatérale d'indépendance relative au Kosovo,
avis consultatif, la Cour dit que la déclaration d'indépendance
du Kosovo adoptée le 17 février 2008 n'a pas violé le
droit international », Communiqué de presse non officiel, Cour
Internationale de Justice, n°2010/25, 22 juillet 2010.
44« Conformité au droit international de la
déclaration unilatérale d'indépendance relative au Kosovo,
avis consultatif, la Cour dit que la déclaration d'indépendance
du Kosovo adoptée le 17 février 2008 n'a pas violé le
droit international », Communiqué de presse non officiel, Cour
Internationale de Justice, n°2010/25, 22 juillet 2010.
45« Conformité au droit international de la
déclaration unilatérale d'indépendance relative au Kosovo,
avis consultatif, la Cour dit que la déclaration d'indépendance
du Kosovo adoptée le 17 février 2008 n'a pas violé le
droit international », Communiqué de presse non officiel, Cour
Internationale de Justice, n°2010/25, 22 juillet 2010.
25
« n'excluait donc pas l'adoption de la déclaration
d'indépendance du 17 février 2008, ces deux textes étant
de nature différente : contrairement à la résolution 1244
(1999) la déclaration d'indépendance constitue une tentative de
déterminer définitivement le statut du Kosovo ». Enfin la
CIJ relève qu'aucune interdiction n'était faite au gouvernement
du Kosovo de déclarer son indépendance au sein de la
résolution 1244.
Après avoir statué sur tous ces points, la Cour
conclue que « l'adoption de la déclaration d'indépendance du
17 février 2008 ne viole ni le droit international
général, ni la résolution 1244 (1999) du Conseil de
Sécurité, ni le cadre constitutionnel. L'adoption de ladite
déclaration n'a violé aucune règle du droit international
»46.
Cet avis de la Cour de Justice, qui pose la
compatibilité de la DUI avec le droit international et la
résolution 1244 (1999), ne statut pas sur le fait que le Kosovo puisse
être considéré ou non comme un État. Dès
lors, un certain nombre d'États ont décidé de ne pas
reconnaitre le Kosovo. L'objectif est en effet d'éviter à tout
prix de créer une contagion autonomiste (II).
I) Une absence de position formelle au sein de l'UE,
frein à la cohérence de l'action
européenne au Kosovo
En raison du statut quo liée à la superposition
de la Résolution 1244 (1999) et de l'Avis de la CIJ, les Etats membres
de l'Union européenne n'arrive pas dégager une position commune
(A). Face à cette difficulté, qui nuisait à
l'approfondissement de ses relations avec le Kosovo, l'Union a petit à
petit évolué quant à la question du règlement du
statut kosovar (B).
A) Une absence problématique de position unanime au
sein de l'UE
L'unité politique européenne sur la question
kosovare a été mise à mal par la DUI de 2008. Aujourd'hui,
5 états membres de l'Union européenne ne reconnaissent
officiellement pas le Kosovo. Il s'agit de Chypre, de l'Espagne, de la
Grèce, la Roumanie et la Slovaquie47. Nous avancerons ici, au
côté de Renaud Dorlhiac que « l'embarras suscité par
l'accession du Kosovo à l'indépendance, hors du cadre onusien,
traduit plus généralement une crainte diffuse des
46« Conformité au droit international de la
déclaration unilatérale d'indépendance relative au Kosovo,
avis consultatif, la Cour dit que la déclaration d'indépendance
du Kosovo adoptée le 17 février 2008 n'a pas violé le
droit international », Communiqué de presse non officiel, Cour
Internationale de Justice, n°2010/25, 22 juillet 2010. 47 On
notera que cette absence d'unanimité sur la souveraineté kosovare
se retrouve également au sein de l'Organisation du Traité de
l'Atlantique Nord (OTAN).
26
séparatismes et la conscience aigüe que de
nombreux États ont de leur propres fragilité »48.
En effet, ces 5 États ont pour point communs de devoir composer avec une
minorité indépendantiste forte : Chypre redoute qu'une
reconnaissance du Kosovo entraine un effet de contagion sécessionniste
sur les turcs du Nord de l'Ile, l'Espagne connait des enjeux similaires pour
ses régions de Catalogne et du pays basque, la Roumanie et la Slovaquie
doivent toutes deux composer avec une communauté hongroises
indépendantiste tandis que la Grèce a une importante
minorité bulgare à sa frontière nord.
Il est ici important de rappeler que la reconnaissance d'un
État ne relève pas de la compétence de l'Union
européenne mais de celles de ses États membres et que l'acte de
reconnaissance lui-même est un acte purement politique. Ainsi, s'il
existe des théories relatives à ce qui constitue un État
(déclarative et constitutive) ayant chacune leurs adeptes, il n'existe
aucune norme encadrant la venue au monde d'un nouvel État et qui
obligerait les États tiers. Dans ce contexte, et dans l'Union
européenne que nous connaissons aujourd'hui, l'Union n'est pas en mesure
d'obliger (ou d'inciter fortement) à la reconnaissance d'un État.
Et si elle récupère un jour cette compétence, c'est que
son statut se serait profondément modifié, passant d'une
organisation internationale à celui d'État
fédéral.
Cette absence de position unanime au sein du Conseil
empêche l'Union européenne de reconnaitre officiellement le Kosovo
comme un état souverain alors même que celui-ci est inclus dans
son Processus de Stabilisation et d'Association et qu'elle a eu un rôle
fondamental dans la reconstruction et la vie politique du pays49. Ce
paradoxe porte atteinte à la crédibilité de la politique
étrangère de l'Union : incapable de parler d'une seule voix, l'UE
est contrainte à des précautions oratoires et des
ambiguïtés, tant avec le Kosovo que la Serbie. Plus grave encore,
l'Union a pendant longtemps été bloquée dans certaines
initiatives, qui auraient pu être interprétées comme un
acte de reconnaissance. Ainsi, si l'UE a été extrêmement
active en dehors du cadre du processus de stabilisation et d'association, dans
le cadre de celui-ci elle a été très
48 DORLHIAC R. « Un premier bilan de
l'indépendance du Kosovo », Questions internationales n°40 -
novembre-décembre 2009
49 L'absence de position unanime au sein de l'Union
européenne quant au caractère souverain du Kosovo pose de
nombreux problèmes notamment en termes d'efficacité des actions
menées. Néanmoins, au-delà des opinions divergentes des
différents États membres, l'absence de prise de position formelle
de l'Union sur la question du Kosovo peut également s'expliquer par la
volonté de ne pas relancer un nouveau processus de scission ethnique au
sein de la poudrière balkanique. En effet, si l'Union prenait fermement
position en faveur d'une souveraineté kosovare en vertu du principe
d'autodétermination des peuples, un message fort serait envoyé
aux bosno-serbes de la Republika Srpska de Bosnie-Herzégovine, qui
pourrait alors, en vertu du même principe, demander la remise en cause
des accords de Dayton.
27
ralentie, avant que les circonstances objectives ne la
contraignent à faire évoluer son approche (B).
B) L'évolution de l'Union européenne quant
à la question du règlement du statut kosovar
En 2004, à l'issu des violentes émeutes
intervenues au nord du Kosovo, l'Union européenne s'engage dans le
chantier de la détermination du statut final du Kosovo par
l'intermédiaire de certains de ses États membres. La France en
tant que membre permanent du Conseil de Sécurité peut porter les
positions européennes aux NU, même si, comme on l'a vu
précédemment, les différents États membres ne
parvenaient déjà pas à atteindre une position de
compromis.
D'autre part, dans le cadre du Processus de Stabilisation et
d'Association, l'Union européenne veut établir des relations
contractuelles avec le Kosovo. Ainsi, dans la Communication de 2005 « Un
avenir européen pour le Kosovo »50, l'Union lie
l'établissement de telles relations avec « l'intégration
à l'Union européenne »51. A cette époque,
la possibilité de négocier un ASA est évoquée, mais
pour être écartée. En effet, le Kosovo est toujours
uniquement sous le régime du la Résolution 1244 et dès
lors il semblait impossible de signer un tel accord avec un État dont la
souveraineté n'était pas établie. Théoriquement, il
aurait été possible que la MINUK signe l'accord pour le compte du
Kosovo, mais c'était un pas que l'Union n'était pas prête
à franchir52. La Commission se déclare alors «
déterminée à explorer de nouvelles pistes afin de veiller
à ce que le Kosovo puisse profiter de tous les instruments de l'UE
»53 et que « en fonction des discussions sur le statut
[elle pourra] s'engager en temps utile, s'il y a lieu, dans
l'établissement de relations contractuelles »54 avec le
Kosovo.
La DUI de février 2008, et l'absence d'unanimité
des États membres quant au caractère souverain de l'État
kosovar entraine un blocage dans l'approfondissement des relations dans le
cadre du PSA. En effet, celui-ci ayant été imaginé comme
un processus à destination d'États ayant vocation à
intégrer l'Union européenne, un approfondissement trop net des
relations entre l'UE et le Kosovo dans ce cadre aurait pu apparaitre comme une
manoeuvre hostile envers les États membres ne souhaitant pas reconnaitre
le Kosovo. Dès lors, alors même que les autres États des
Balkans
50 Communication « Un avenir européen pour
le Kosovo », COM(2005) 156 final, 20/04/2005
51 Communication « Un avenir européen pour
le Kosovo », COM(2005) 156 final, 20/04/2005
52 KOETH, W « The Serbia-Kosovo Agreement on
Kosovo's Regional Representation and « Feasibility Study » : A
Breakthrough in EU-Kosovo Relations ? », European Foreign Affairs Review
18, n°1 (2013)
53 Communication « Un avenir européen pour
le Kosovo », COM(2005) 156 final, 20/04/2005
54 Communication « Un avenir européen pour
le Kosovo », COM(2005) 156 final, 20/04/2005
28
occidentaux continuent leurs progressions au sein du PSA,
l'Union se retrouve bloquée pour ce qui est du Kosovo.
Une première inflexion a eu lieu en 2009 avec la
Communication « Kosovo*-vers la concrétisation de la perspective
européenne »55 qui est considérée par
certains auteurs comme une « quasi-étude de faisabilité
» car le contenu est celui d'une étude de faisabilité sans
en dire le nom56. L'objectif de cette communication est de continuer
le monitoring fort du Kosovo, dans le cadre du PSA dont il
bénéficie malgré le paradoxe que cela constitue, les
États ne reconnaissant pas le Kosovo ne s'étant pas opposé
au maintien du pays dans le PSA. Au sein de cette Communication, la Commission
fait d'ailleurs plusieurs fois référence au fait que l'absence de
consensus sur le statut du Kosovo ne constitue pas à un obstacle
à l'approfondissement des relations au nom de la théorie «
Diversité dans la reconnaissance, Unité d'engagement ».
Autre élément, la footnote « Kosovo* » se retrouve dans
tous les documents des institutions européennes. Dans la Communication
de 2009, elle fait alors référence au Kosovo « tel que
défini par la résolution 1244/1999 du Conseil de
Sécurité des Nations Unies ». Cette précaution
oratoire qui rappelle que le Kosovo appartient toujours à la Serbie au
regard du Droit internationale agit comme un maquillage sur les faits : l'Union
met en place vis-à-vis du Kosovo la même politique que pour un
État indépendant et reconnu par elle comme tel. En effet, si dans
la forme l'Union peut poser une différence, malgré les
incohérences que cela entraine, dans le fond elle ne peut se permettre
de laisser le Kosovo prendre plus de retard par rapport à ses voisins
des Balkans occidentaux, à défaut de quoi celui-ci deviendrait
une enclave de plus en plus pauvre et marginalisée, source
d'instabilité dans la région.
Après la signature en février 2012 d'un accord
impulsé par l'UE entre la Serbie et Kosovo sur la représentation
du Kosovo dans les enceintes régionales, la Commission délivre
une étude de faisabilité pour un ASA. Cette étude
intervient après que le Conseil lui en ait donné le feu vert en
« soulign[ant] que des mesures concrètes doivent être prise
»57 en vue de respecter la perspective européenne du
Kosovo réaffirmé dans le Conseil de décembre 2011.
55 Communication « Kosovo* - vers la
concrétisation de la perspective européenne » COM (2009) 534
final du 14/10/2009
56KOETH, W « The Serbia-Kosovo Agreement on
Kosovo's Regional Representation and « Feasibility Study » : A
Breakthrough in EU-Kosovo Relations ? », European Foreign Affairs Review
18, n°1 (2013)
57Communication « Etude de faisabilité
concernant un accord de stabilisation et d'association entre l'Union
européenne et le Kosovo* » COM (2012) 602 final du 10/10/2012
29
Dans la Communication de 2012 « Etude de
faisabilité concernant un accord de stabilisation et d'association entre
l'Union européenne et le Kosovo* »58, les
précautions oratoires sont nombreuses afin de ménager les
États membres ne souhaitant pas reconnaitre le Kosovo. D'une part, et
avant d'entamer les aspects juridiques, il convient de noter que depuis l'avis
de CIJ de 2010 la footnote concernant le statut du Kosovo s'est enrichie.
Celle-ci fait désormais référence à la fois
à la Résolution 1244 du Conseil de Sécurité des
Nations Unies mais aussi à l'avis rendu par la CIJ. Les deux mentions,
dont l'une déclare que le Kosovo est toujours une partie de la Serbie,
et l'autre qui pose que la déclaration d'indépendance
unilatérale du Kosovo est conforme avec le Droit international se
neutralisent59 l'une l'autre mais sont conservées, comme
précautions oratoires pour les États n'ayant pas souhaité
reconnaitre le Kosovo. D'autre part, il est rappelé dans la
Communication que cette étude de faisabilité « est sans
préjudice des positions des États membres sur la question du
statut ni toute décision que le Conseil serait appelé à
prendre à l'avenir »60. Cette affirmation est d'ailleurs
répétée, sous différentes formes, 6 fois dans les 4
premières pages de l'étude de faisabilité.
Au-delà des précautions oratoires,
l'étude de faisabilité démontre qu'il n'existe aucun
obstacle juridique à la conclusion d'un ASA entre l'Union
européenne et le Kosovo. L'étude de faisabilité va tout
d'abord établir que l'Union a déjà par le passé
signé des accords avec des États non reconnus de manière
unanime sur la scène internationale61 et ajouter que la
possibilité de conclure des accords internationaux peut être
ouverte à « toute entité dont l'autre partie contractante
accepte qu'elle puisse devenir partie à un accord qui sera régi
par le droit international public »62. Ce faisant, la
Commission adopte une vision contractualiste de l'accord international, qui va
se retrouver dans sa manière d'appréhender l'ASA. En effet, l'ASA
est un accord très complet, qui comme on le verra, aménage
l'arrimage normatif d'un espace sur l'Union européenne. Le
caractère ambitieux de l'accord, et notamment le dialogue institutionnel
intense qu'il met en place, n'est pas considéré comme un obstacle
pour la Commission européenne qui pose que « l'Union peut conclure
ce type d'accord avec un pays tiers, si les autorités politiques et
judiciaires de ce dernier sont à même d'en garantir le respect,
l'application et la mise en oeuvre ». La Commission
58 Communication « Etude de faisabilité
concernant un accord de stabilisation et d'association entre l'Union
européenne et le Kosovo* » COM (2012) 602 final du 10/10/2012
59KOETH, W « The Serbia-Kosovo Agreement on
Kosovo's Regional Representation and « Feasibility Study » : A
Breakthrough in EU-Kosovo Relations ? », European Foreign Affairs Review
18, n°1 (2013)
60 Communication « Etude de faisabilité
concernant un accord de stabilisation et d'association entre l'Union
européenne et le Kosovo* » COM (2012) 602 final du 10/10/2012
61 On peut ici penser à l'Autorité
palestinienne et Taiwan, même si ces deux pays ne sont pas cités
dans la Communication de 2012.
62Communication « Etude de faisabilité
concernant un accord de stabilisation et d'association entre l'Union
européenne et le Kosovo* » COM (2012) 602 final du 10/10/2012
30
pose alors que l'étude de faisabilité servira
à identifier si les autorités du Kosovo seraient à
même de s'acquitter des obligations résultants d'un accord
d'association. La question du régime juridique différencié
auquel sera soumis l'ASA UE-Kosovo n'est néanmoins pas
détaillée, renvoyée à « la fin des
négociations en fonction [du contenu de l'accord] et du contexte
juridique »63.
Ces deux données, la question du régime
juridique et certaines conditions que le Kosovo doit remplir avant que les
négociations de l'ASA ne commencent, dans le domaine de l'état de
droit et de la protection des minorités, ont pour objectif, selon
certains auteurs, de donner à la Commission un peu plus de temps pour
qu'une solution de compromis soit dégagé au sein des États
membres64. En octobre 2015, l'ASA UE-Kosovo est signé par les
deux parties.
L'Union européenne a donc évolué dans son
appréhension du problème statutaire kosovar. Si
l'approfondissement des relations dans le cadre du PSA a été
profondément ralentie par les difficultés liées au
problème statutaire, l'Union a fait preuve de pragmatisme et a fait
évoluer sa relation avec le Kosovo afin de ne pas laisser le pays
s'enclaver. Ce pragmatisme était déjà présent pour
les actions de l'UE développées en dehors du cadre du PSA,
où la question statutaire a fait rapidement l'objet d'un
dépassement (Section 2).
Section 2 : le dépassement pragmatique de la
question statutaire
En 1999, lors du Conseil européen de Cologne, l'UE
s'est fixée pour mission d'aider à la reconstruction du Kosovo.
Dix ans plus tard, lorsque les autorités provisoires d'auto
administration du Kosovo déclarent l'indépendance de celui-ci,
l'Union maintient son engagement. Déjà bien
représentée sur place, elle va encore augmenter l'ampleur de sa
présence, en restant détachée des problèmes
liés au statut (I). Plus encore, sa volonté d'inclusion du Kosovo
au sein du PSA va conduire à la conclusion d'un ASA (II).
I) Une présence de l'UE au Kosovo
détachée de la question statutaire
Afin d'aider la jeune administration kosovare et d'en assurer
la stabilité, l'UE va déployer une mission d'aide à
l'état de droit d'une ampleur inédite (A). Cette nouvelle
présence s'ajoute à une pluralité d'organes de l'Union
déjà présent au Kosovo, ayant pour objectif d'apporter
une
63Communication « Etude de faisabilité
concernant un accord de stabilisation et d'association entre l'Union
européenne et le Kosovo* » COM (2012) 602 final du 10/10/2012
64KOETH, W « The Serbia-Kosovo Agreement on
Kosovo's Regional Representation and « Feasibility Study » : A
Breakthrough in EU-Kosovo Relations ? », European Foreign Affairs Review
18, n°1 (2013)
31
expertise dans des domaines variés (B). Cette
présence de l'Union est d'ailleurs le reflet de l'immense
présence internationale sur le territoire kosovar. En effet, le nouvel
Etat, dont la taille avoisine celle de la région française
d'Ile-de-France accueille pas moins de 52 missions étrangères.
A) La mission EULEX, plus grande mission PESC de l'UE
Lancée quelques jours avant la déclaration
d'indépendance du Kosovo, la mission EULEX a pour objectif d'aider et de
seconder les jeunes autorités kosovares dans les domaines liés
à l'État de droit en particulier la police, la justice et les
douanes. La date retenue n'est pas neutre.
En effet, l'envoi de missions civiles dans le cadre de la
politique européenne de sécurité et de défense
(PESD)65 se fait par l'adoption d'une Action commune à
l'unanimité au Conseil de l'Union européenne, réunissant
les ministres des différents États membres. La PESD, inclue dans
la Politique européenne de sécurité et de défense
commune (PESC) vise à donner à l'UE les moyens militaires ou
civils destinés à la prévention des conflits et à
la gestion des crises internationales. En raison de ce mode d'adoption
requérant l'unanimité, l'UE a décidé de voter
l'action commune concernant la mission EULEX en amont de la DUI. Le fait de
voter le lancement de la mission le 13 février 2008 a ainsi permis aux
États membres les plus réticents de ne pas se prononcer sur leur
reconnaissance du Kosovo, l'opération étant basée sur la
résolution 1244 (1999) du CSNU. Cette attitude démontre le
pragmatisme des États membres qui ont ici privilégié la
stabilité du Kosovo en choisissant d'agir avec précautions.
Ainsi, la mission EULEX est neutre par rapport au statut kosovar.
La mission EULEX est la plus grande mission PESC jamais
lancée par l'UE. D'une part, son mandat est le plus large jamais
concédé à une mission européenne et donne par
exemple droit dans certains cas au chef de la mission de revoir ou d'annuler
des décisions des institutions kosovares. L'article 2 de l'Action
commune 2008/124/PESC portant sur la mission EULEX définie le mandat de
la mission comme suit : EULEX Kosovo est chargé d'aider les institutions
du Kosovo, les autorités judiciaire et les organismes chargés de
l'application des lois à progresser sur la voie de la viabilité
et de la responsabilisation et à poursuivre la mise sur pied et le
renforcement d'un système judiciaire multiethnique, de manière
à ce que ces institutions soient libres de toute interférence
politique, et s'alignent sur les normes reconnues au niveau international et
sur les pratiques européennes. Plus concrètement, EULEX, en
coopération avec les programmes d'assistance de la Commission
européenne met en oeuvre son mandat en assurant
65 Aujourd'hui Politique de sécurité et
de défense commune (PSDC)
32
des actions de suivi, d'encadrement et de conseil ainsi que
certaines responsabilités exécutives. Pour ce faire, les moyens
d'EULEX sont répartis entre le quartier général de
Pristina, des bureaux régionaux et locaux au sein du Kosovo, et un
élément de soutien à Bruxelles66.
D'autre part, il était initialement prévu dans
la mission EULEX aurait un effectif d'environ 1 900 personnes et une
réserve possible de 300 personnes supplémentaires67.
Aujourd'hui, la mission qui dispose d'un budget de 110 millions d'euros par an
emploie environ 800 fonctionnaires européens. Ce chiffre, ajouté
aux 800 autres fonctionnaires européens répartis dans d'autres
organes de l'Union, font de Pristina la ville en Europe comptant le plus de
fonctionnaires européens après Bruxelles (B).
B) Une pluralité d'organes de l'Union
déployés.
L'Union européenne a eu jusqu'à 7 organes
déployés simultanément sur le territoire
kosovar68, ce qui démontre l'importance de son engagement sur
les plans politiques et financiers, et ce, en dehors de la problématique
statutaire. Ces organes ont été : La Commission européenne
par le biais de son Bureau de liaison, le Représentant spécial de
l'Union européenne, l'Agence européenne pour la Reconstruction,
la mission EULEX et sa prédécesseure l'EU Planning Mission, une
mission de monitoring de l'Union européenne (EU monitoring mission,
EUMM), the EU-pillar à la mission des Nations Unies et le
Représentant diplomatique de l'État membre assurant la
Présidence tournante de l'UE.
Le Bureau de liaison a été ouvert par la
Commission européenne en septembre 2004. L'objectif est alors pour la
Commission d'établir un contact plus étroit sur le terrain avec
la MINUK et les institutions provisoires d'administration autonomes. Le Bureau
de liaison agit en coopération constante avec le Haut
Représentant de l'Union européenne, le pilier IV de la MINUK,
l'Agence européenne pour la reconstruction et les représentations
d'États membres à Pristina. Afin de renforcer la perspective
européenne du Kosovo, le Bureau de liaison est chargé de
distribuer l'aide reçu au titre de l'IAP et est également
chargé des programmes TAIEX, Erasmus Mundus, etc...
66 Article 6 de l'Action commune 2008/124/PESC du
Conseil du 4 février 2008 relative à la mission «
État de droit » menée par l'Union européenne au
Kosovo, EULEX Kosovo.
67 Action commune 2008/124/PESC du Conseil du 4
février 2008 relative à la mission « État de droit
» menée par l'Union européenne au Kosovo, EULEX Kosovo.
68 Koeth Wolfgang, « The Serbia-Kosovo
Agreement on Kosovos Regional Representation and the « Feasibility Study
» : A Breakthrough in EU-Kosovo Relations ? », European Foreign
Affairs Review 18, n°1 (2013)
33
Son action s'inscrit dans le long terme, et continuera
même après l'adhésion69. Il participe au
capacity building visant à doter le Kosovo de ressources humaines
efficaces et d'impulser les réformes nécessaires.
Le Représentant spécial de l'Union
européenne (RSUE) est un haut fonctionnaire assurant la
représentation diplomatique de l'Union européenne sous
l'autorité du Haut Représentant et du Président de la
Commission européenne. Le RSUE n'est pas un instrument propre au
Kosovo70 et se retrouve dans d'autres zones. Néanmoins, si
dans chaque cas le RSUE a pour objectif d'assurer la promotion des politiques
et des intérêts de l'UE dans les régions et pays qui
expérimentent des troubles, leur mission s'adapte selon leur zone de
déploiement. Au Kosovo, le RSUE joue un rôle actif dans les
efforts déployés pour « favoriser l'avènement d'un
Kosovo stable, viable, pacifique, démocratique et multiethnique, entre
autres en renforçant la stabilité dans la région et en
contribuant à la coopération régionale et à de
bonnes relations de voisinage dans les Balkans occidentaux »71.
De plus, le RSUE « oeuvre en faveur d'un Kosovo attaché à
l'État de droit et à la protection des minorités et du
patrimoine culturel et religieux »72. Il faut néanmoins
relever une ambiguïté fondamentale quant au RSUE au Kosovo. En
effet, dès sa création, le Conseil prévoit qu'une seule et
même personne assurera « les pouvoirs et les attributions » du
RSUE (ne se prononçant pas sur le statut) et du Représentant
civil international73. Or, ce poste, crée pour prendre la
tête du Bureau Civil international, également crée en 2008
par les États de l'International Steering Group, comportant 20
États membres de l'Union européenne et d'autres acteurs
internationaux comme les États-Unis et le Canada a lui pour objectif de
« mettre en oeuvre
69PERROT, O « Kosovo-EULEX
Légitimité technique et ambition politique de la présence
européenne »,
www.diploweb.com ,
5/12/2009, consulté le 27/08/2017
70 Un RSUE se trouve également au Sahel,
où le RSUE a alors pour mission de «conduire l'action de l'UE qui
consiste à contribuer aux efforts régionaux et internationaux
visant à instaurer durablement paix, sécurité et
développement au Sahel. En outre, il coordonnera l'approche globale de
l'UE à l'égard de la crise régionale, en se fondant sur la
stratégie de l'UE pour la sécurité et le
développement au Sahel. » « L'UE nomme un nouveau
Représentant spécial de l'Union européenne pour le Sahel
», Conseil de l'UE, communiqué de presse, 900/15,
Sécurité et Défense, 07/12/2015.
71« Kosovo : nomination d'un nouveau Représentant
spécial de l'UE », Conseil de l'UE, communiqué de presse,
483/16, Sécurité et Défense, 04/08/2016.
72« Kosovo : nomination d'un nouveau Représentant
spécial de l'UE », Conseil de l'UE, communiqué de presse,
483/16, Sécurité et Défense, 04/08/2016.
73 Action commune 2008/123/PESC du Conseil du 4
février 2008 portant nomination d'un Représentant spécial
de l'Union européenne au Kosovo. (7ème considérant)
34
le plan Ahtisaari et rendre l'indépendance
irréversible »74. Ce paradoxe a duré
jusqu'à la fin de la mission du Représentant civil international
en 201275.
L'Agence européenne pour la reconstruction au Kosovo,
dont on a précédemment détaillé les fonctions, a
officié de 1999 au 31 décembre 2008. Par la suite, ses fonctions
ont été transférés au Bureau de liaison, avec qui
elle partageait déjà les mêmes locaux76.
L'EU monitoring mission n'est pas un organe à
proprement parler, mais cette mission semble petit à petit se
pérenniser au Kosovo. Intervenue une première fois en 2013, cette
mission a été renouvelée en 2014 et 201777.
Elle consiste en le déploiement d'experts de l'UE venant s'assurer que
les élections se déroulent dans un cadre libre et
démocratique. Ainsi, à l'occasion des élections
générales du 11 juin 2017, ce ne sont pas moins de 100 experts de
l'Union qui ont assisté aux élections dans les différentes
municipalités du Kosovo. Ce troisième déploiement s'est
fait suite à l'invitation du Président kosovar78.
Le pilier européen à la MINUK dit « EU IV
Pillar UNMIK » est un pilier de la MINUK financé par les
institutions européennes, et plus précisément par la
Commission européenne. Son objectif est de moderniser l'économie
du Kosovo notamment en appuyant les structures et les instruments permettant la
mise place d'une économie de marché qui fonctionne. Dans le cadre
de cette mission, le pilier européen met une emphase particulière
sur le capacity building et l'intégration économique
régionale79.
Ce fort engagement a longtemps été en hors du
cadre du PSA, qui semblait ne pas pouvoir progresser du fait de l'absence de
position européenne sur le Kosovo. Néanmoins, afin de ne pas
laisser se creuser le fossé entre le Kosovo et les autres Etats de la
région, l'UE a fini par conclure avec le Kosovo un accord de
stabilisation et d'association, et ce, indifféremment au problème
statutaire (II).
74 BOULAUD, D et TRILLARD A, « Kosovo : Quelle
présence internationale après l'indépendance ? »,
Rapport d'information n°174 (2008-2009), fait au nom de Commission des
Affaires étrangères, déposé le 20 janvier 2009,
Sénat français.
75 KOETH, W « The Serbia-Kosovo Agreement on
Kosovo's Regional Representation and « Feasibility Study » : A
Breakthrough in EU-Kosovo Relations ? », European Foreign Affairs Review
18, n°1 (2013)
76 « Rapport de la Commission au Conseil sur l'avenir de
l'Agence européenne pour la reconstruction », COM (2005) 710 final,
Bruxelles, le 23/12/2005.
77 Respectivement pour des élections
municipales, parlementaires et générales.
78 « EU deploys Election observation Mission to Kosovo
», EEAS, press release, 30/05/2017.
79 « EU pillar -Creating modern market economy »,
UNMIK, Press release, 1638, 7/02/2007.
35
II) La conclusion d'un accord de stabilisation et
d'association entre l'UE et le Kosovo
indifférente au problème
statutaire
Depuis sa déclaration unilatérale
d'indépendance de 2008, le Kosovo bénéficie de la
même perspective européenne que les autres pays des Balkans
occidentaux. L'Union européenne a toujours essayé de normaliser
le plus possible ses relations avec le Kosovo, malgré sa
spécificité, notamment en l'incluant au sein du Processus de
stabilisation et d'association. Or, jusqu'à l'étude de
faisabilité de 201280 et sa concrétisation par la
signature de l'ASA entre l'UE et le Kosovo le 27 juin 2015,
l'ambiguïté persistante autour du statut juridique du Kosovo a
constitué un frein à l'approfondissement des relations entre les
deux partenaires. Tandis que les relations entre l'Union européenne et
le Kosovo sont restées très soutenues en dehors du cadre du PSA
au nom du principe de « diversité dans la reconnaissance mais
unité l'unité dans l'engagement » ; dans le cadre du PSA, le
Kosovo a longtemps accusé un net retard vis à des autres pays des
Balkans occidentaux. Or, l'approfondissement des relations avec les autres pays
des Balkans a contraint l'UE à revoir sa stratégie en direction
du Kosovo, pour ne pas que celui-ci demeure une enclave marginalisée
dans un ensemble de plus en plus intégré au marché commun.
Dans ce cadre, le statut kosovar a finir par apparaître comme un frein
insuffisant à la conclusion d'un ASA avec l'UE (A), au prix d'une
innovation dans la tradition associative de l'Union européenne (B)
A) Le statut kosovar frein insuffisant à la conclusion
d'un accord avec l'UE
Jusqu'en juin 2015, tous les pays des Balkans occidentaux
avaient signé un ASA avec l'UE à l'exception du Kosovo. Le
déploiement des ASA s'est fait en 3 phases dans les Balkans occidentaux
: une première phase avec la Croatie et la Macédoine au
début des années 2000, une deuxième phase avec l'Albanie,
le Monténégro, la Serbie et la Bosnie-Herzégovine qui ont
signé leurs ASA entre 2006 et 2008. Ce n'est que 5 ans plus tard que
l'ASA entre le Kosovo et l'Union européenne a été
signé.
Ce retard peut s'expliquer par les problèmes juridiques
crée par la spécificité de l'acteur kosovar. Pendant
longtemps l'UE se sentait en effet bloquée dans le cadre du PSA, car
sans reconnaissance explicite de sa souveraineté par les institutions
européennes, le Kosovo pouvait être vu comme manquant de la
personnalité juridique nécessaire à la signature d'un ASA.
Dès lors, les refus persistants de la Roumanie, la Grèce,
l'Espagne, de Chypre et de la Slovaquie à reconnaître le Kosovo
entravait la capacité d'action de l'UE en l'empêchant de prendre
toute action susceptible
80« Etude de faisabilité concernant un accord de
stabilisation et d'association entre l'Union européenne et le Kosovo*
», 10/10/2012 COM(2012) 602 final.
36
d'être interprétée comme une
reconnaissance de sa part. On notera néanmoins ici
l'ambiguïté pour ces États ne reconnaissant pas le Kosovo
d'avoir accepté l'inclusion du Kosovo au sein du PSA, un processus dont
l'issue naturelle est l'adhésion.
Le verrou qui est longtemps restée posé sur les
relations entre l'Union européenne et le Kosovo dans le cadre du
Processus de Stabilisation et d'Association venait de l'incertitude quant
à la forme d'accord qu'on pouvait mettre en place avec le nouvel
État. En effet, jusqu'à présent, les ASA avaient toujours
été conclus avec des États reconnus par tous les Etats
membres de l'Union européenne.
La conclusion de l'ASA entre l'Union européenne et le
Kosovo doit beaucoup aux évolutions institutionnelles introduites par le
Traité de Lisbonne. En effet, celui-ci a doté l'Union
européenne d'une personnalité juridique81, ce qui lui
permet désormais de négocier et conclure seule des accords avec
d'autres Etats ou organisations internationales, en son nom propre et dans le
domaine de ses compétences propres. Dans le cadre de la procédure
ayant abouti à la création de l'ASA entre l'UE et le Kosovo, on
peut remarquer une importante ambiguïté, qui démontre que
les enjeux liés au Kosovo ont obligé les Etats membres à
dépasser le frein de la question statutaire.
Dans un premier temps, on constatera que l'ASA UE-Kosovo
constitue le premier accord d'association non mixte dans l'histoire des accords
internationaux de l'UE. Si dans la pratique, les ASA étaient des accords
mixtes, dans les faits, cette mixité pouvait être
considérée comme une mixité de courtoisie, destinée
à ménager un équilibre entre l'Union européenne et
ses Etats membres. En effet, depuis l'arrêt Demirel du 30 septembre
198782, la base juridique de l'association a été
clarifiée, octroyant à la Communauté une compétence
propre sur tous les domaines couverts par les Traités. Dans cette
optique, l'UE peut conclure par le biais de ses compétences propres un
accord d'association complet et ambitieux, portant à la fois sur les
dispositions des actuels TFUE et TUE. Dès lors, le caractère non
mixte de l'ASA UE-Kosovo permet de ménager les positions des Etats
membres ne souhaitant pas reconnaitre le Kosovo, sans pour autant bloquer
l'action européenne et entraver les perspectives du Kosovo. De plus,
l'accord ne faisant pas l'objet d'une procédure de ratification selon
les procédures propres à chaque Etat membre, les Etats ne
reconnaissant pas le Kosovo, évitent d'envoyer un message ambigu
à leur population qui pourrait réveiller les
velléités irrédentistes. En pratique, l'Accord de
stabilisation et d'association entre l'Union européenne et la
Communauté européenne de l'Energie atomique,
81 Article 47 TUE « L'Union a la
personnalité juridique. »
82 CJCE, 30 septembre 1987, Demirel, 12/86
37
d'une part, et le Kosovo*83 d'autre part, a
été négocié entre octobre 2013 et mai 2014, a
été paraphé en juillet 2014 et le Conseil de l'UE a
marqué son accord pour la signature de celui-ci le 22 octobre 2015.
Après une signature par Frederica Mogherini, Haute Représentante
pour les Affaires étrangères et la politique de
sécurité et Johannes Hahn, Commissaire chargé de la
Politique européenne de voisinage et des négociations
d'élargissement, pour le compte de l'UE, l'accord a été
finalement ratifié par le Parlement européen84.
A première vue donc, les autorités des Etats
membres ne souhaitant pas reconnaitre le Kosovo n'ont donc pas eu à
faire un geste en faveur de ce premier accord global et ambitieux entre l'UE et
le Kosovo. Pourtant, si l'article 218 TFUE prévoit en effet une
procédure d'adoption des accords internationaux ménageant les
choix de ces dits Etats membres, par le recours à la majorité
qualifiée, le Conseil de l'UE, a été en
réalité omniprésent dans la venue au monde de l'ASA
UE-Kosovo. Pour rappel, le Conseil de l'UE est l'institution
représentant les gouvernements des Etats membres, où les
ministres de tous les pays de l'Union se rassemblent pour adopter les lois et
coordonner les politiques. En effet, même dans le cas d'un accord
uniquement basé sur les compétences propres de l'Union, l'article
218 § 8 TFUE pose, à titre dérogatoire, que
l'unanimité est nécessaire pour l'adoption des décisions
du Conseil dans le cadre d'un accord d'association. Dès lors, si l'on
observe la procédure de l'article 218 à cette nouvelle
lumière, l'unanimité a été nécessaire pas
moins de 4 fois, pour l'autorisation de l'ouverture des négociations,
l'adoption des directives de négociations, l'adoption de la
décision permettant la signature de l'accord et son application
provisoire et enfin pour la décision de conclusion de l'accord, au sein
desquelles sont rappelées que ces décisions ne constituent pas en
des reconnaissances du Kosovo85. Les Etats membres ne souhaitant pas
reconnaitre le Kosovo ont donc dû se prononcer lors de l'adoption de ces
décisions, démontrant que la nécessité
d'approfondir les relations entre l'Union européenne et le Kosovo prend
le pas sur la question statutaire, à condition que les compromis
effectués par les Etats membres bloqué par la question statutaire
reste peu visible par leurs nationaux. Malgré
83 On notera la présence ici de la footnote.
84 « Signature de l'accord de stabilisation et
d'association entre l'Union européenne et le Kosovo »,
Communiqué de presse, Conseil européen et Conseil de l'UE,
27/10/2015
85 Par exemple Décision (UE) 2015/1993 du
Conseil du 22 octobre 2015 portant approbation de la conclusion, par la
Commission européenne, au nom de la Communauté européenne
de l'énergie atomique, de l'accord de stabilisation et d'association
entre l'Union européenne et la Communauté européenne de
l'énergie atomique, d'une part, et le Kosovo*, d'autre part, 6/11/2015
et Décision UE 2016/342 du Conseil du 12 février 2016, relative
à la conclusion, au nom de l'Union européenne et de la
Communauté européenne de l'énergie atomique, d'une part,
et le Kosovo*, d'autre part.
38
cette implication « souterraine » de tous les Etats
membres, l'ASA UE-Kosovo constitue une entorse en à la tradition en
matière d'accord d'association du fait de sa non mixité (B).
B) L'ASA UE-Kosovo : entorse à la tradition de la
mixité des accords d'association de
l'UE
Comme nous l'avons vu précédemment,
jusqu'à l'ASA UE Kosovo, la pratique de l'Union était la
mixité systématique des accords d'association de l'UE. Cette
mixité systématique se justifiait politiquement par la nature
étroite de la relation crée avec le partenaire associé.
L'Association est en effet un type d'accord ambitieux prévoyant la mise
en place de droits et d'obligations réciproques, mais aussi la
possibilité de mener des actions en commun86, ce qui requiert
la mise en place d'une structure institutionnelle qui édictera du droit
dérivé de l'association. Dès lors, une des raisons pour
laquelle les Etats ne voulaient pas s'effacer derrière l'Union, c'est
que l'association crée des obligations. Nous avançons que le
recours à cette non-mixité de l'association ne sera pas
forcément pérennisé. En effet, et d'une part, le Kosovo
était le dernier Etat des Balkans occidentaux à ne pas profiter
d'un ASA, et l'ajustement juridique dont l'ASA UE-Kosovo a
bénéficié a sans doute été justifié
par la certitude que cet accord serait le dernier de ce genre. D'autre part, en
dehors du cadre associatif, la Commission européenne a vu mettre un
frein sur le développement d'une nouvelle doxa d'accords
extérieurs, très ambitieux mais basé uniquement sur les
compétences exclusives de l'Union87, par la Cour de Justice
et par les Etats membres qui craignent de se sentir
dépossédé dans un certain nombre de sujets sensibles.
A contrario, lorsqu'on compare l'ASA EU-Kosovo avec la
génération d'ASA qui l'a précédé, seul le
chapitre sur la circulation des travailleurs est absent, mais s'explique sans
doute davantage par l'absence d'un accord sur les visas entre l'Union
européenne et le Kosovo, que par la non mixité de l'ASA. De plus,
un certain nombre d'articles font même leurs apparitions dans l'ASA UE
Kosovo, qui n'étaient pas présent dans les ASA
précédents. Ainsi, les dispositions relatives à
l'administration publique88, absente de l'ASA UE-Serbie, ont
directement trait à l'action stabilisatrice de l'UE, ayant vocation au
renforcement de la nature étatique du Kosovo (Chapitre 2).
86 Article 217 TFUE.
87 « Avis 2/15, L'accord de libre-échange avec
Singapour ne peut pas, dans sa forme actuelle, être conclu par l'Union
européenne seule », Cour de Justice de l'Union européenne,
Communiqué de presse n°52/17, 16 mai 2017.
88 Article 120 ASA UE Kosovo
39
Chapitre 2 : une action stabilisatrice de l'UE
renforçant incidemment la nature étatique du
Kosovo
Dans le cadre du PSA, les Etats des Balkans disposent
désormais d'une perspective européenne. En vertu de celle-ci, ils
se sont lancés dans un processus de reprise de l'acquis de l'UE et de
mise en conformité avec les exigences des 28, dans l'objectif d'obtenir
un jour le statut d'Etat membre. Consciente de la persistance de «
poudrières » dans les Balkans, l'UE a décidé de faire
de la stabilisation une composante majeure de son approche à destination
de ses Etats. Dès lors, l'Union a décidé d'agir sur les
deux pôles de déstabilisation potentielle de la région :
D'une part, l'UE s'engage dans la normalisation des relations Serbie-Kosovo
(Section 1) afin d'éviter que les crispations ethniques entrainent une
nouvelle flambée de violences. D'autre part, une zone pacifiée
est une zone composée d'Etats stables et fonctionnels. Pour
répondre à ce deuxième objectif, l'UE va mettre en oeuvre
un state-building d'une ampleur inédite au Kosovo (Section 2).
Section 1 : L'UE, actrice de la normalisation des
relations Serbie-Kosovo
La question de la souveraineté serbe sur le Kosovo est
un enjeu très sensible. Considéré comme « le coeur
historique de la nation serbe », l'ancienne province maintenant
indépendante est source de crispations et de tensions au sein de la
population serbe, qui a vécu la DUT comme une
dépossession89. Cette sensibilité explique que des
crises diplomatiques interviennent régulièrement entre les deux
Etats, chaque incartade d'un côté ou de l'autre de la
frontière étant automatiquement perçue comme une agression
ou une provocation. Dans ce climat tendu, l'Union s'est rapidement
imposée comme l'instigatrice et médiatrice d'un dialogue entre
Belgrade et Pristina (T). Pour que ce dialogue soit réellement
fonctionnel, l'UE a décidé d'en faire une part intégrante
de sa conditionnalité envers les deux Etats dans le cadre du PSA. Ainsi
une conditionnalité inédite « Serbie-Kosovo » a
été introduite dans l'ASA UE-Kosovo (TT)
I) L'UE instigatrice et actrice du dialogue
Belgrade-Pristina
La perspective européenne constitue le moteur et
incitatif le plus puissant à la coopération régionale. En
effet il faut rappeler que l'Union européenne s'est construite et
continue à se construire grâce à la création de
liens étroits entre les États membres dans des domaines
très variés. La réconciliation des voisins par
l'intégration est considérée comme faisant part de
l'ADN
89 Au-delà de nos lectures, nous avons eu
confirmation de cet attachement viscéral lors de conversations avec de
nombreux serbes et bosno-serbes que nous avons eu l'occasion de rencontrer.
40
européen, et donc comme un exercice qui devrait
également porter ses fruits dans les Balkans occidentaux. Convaincue du
rôle fondamental de la coopération et du dialogue pour endiguer le
cycle de la violence, l'UE fait de la coopération régionale un
élément déterminant dans le processus de stabilisation et
d'association.
La coopération et la réconciliation ayant pour
l'Union européenne cette importance toute particulière, l'Union
s'est rapidement engagée en faveur d'un dialogue entre Belgrade et
Pristina. On peut rattacher cette volonté à la philosophie
générale de l'action extérieure de l'Union,
essentiellement préventive. Consciente que les tensions toujours
très présentes entre la Serbie et le Kosovo sont
problématiques, l'UE s'emploie à désamorcer celles-ci, en
encourageant à la tenue d'un dialogue constructif (A). Cette
stratégie et la forte conditionnalité autour du problème
kosovar pourrait d'ailleurs être en train de porter leurs fruits (B).
A) L'encouragement à la tenue d'un dialogue
constructif
L'UE a un intérêt fondamental à la
stabilisation des Balkans occidentaux qui sont devenus une très proche
périphérie depuis l'adhésion de la Croatie. Dans cette
optique, il faut rappeler que le conflit Belgrade-Pristina constitue une
poudrière potentielle, si l'Union européenne n'agit pas comme
médiatrice pour empêcher la situation de s'envenimer. Il faut en
effet garder à l'esprit que le point de départ du conflit en
ex-Yougoslavie fût la cristallisation de tensions ethniques entre la
Serbie et le Kosovo. Face à ce pôle potentiellement
déstabilisateur, l'Union européenne s'est posée en
médiatrice, se servant de sa capacité d'influence pour tenter de
trouver un règlement au conflit. On notera ici que cette posture de
supervision n'est pas sans équivalent en droit international qui
prévoit le recours à l'arbitrage de personnalités
emblématiques pour régler des différends internationaux.
Dans ce cadre, et en l'espèce, l'Union européenne dispose d'une
crédibilité en tant qu'instigatrice et actrice d'un dialogue
réconciliateur en ce qu'elle est elle-même composée de pays
ayant choisi la voie de la réconciliation.
Pourquoi une normalisation des relations entre la Serbie et le
Kosovo est-elle nécessaire ? Après la déclaration
unilatérale d'indépendance du Kosovo, des tensions ethniques ont
continué de tendre les relations déjà compliquée
entre la Serbie le Kosovo. Les populations ont connu de nombreux heurts et la
Serbie a encouragé la création de structures parallèles au
nord Kosovo ne respectant pas la souveraineté du nouvel État.
L'Union européenne s'est alors engagée à favoriser le
dialogue entre les deux États, en faisant notamment de ce dialogue un
élément de conditionnalité incitative pour les deux pays.
La Serbie s'est ainsi vu reconnaitre le statut d'État
41
candidat à l'adhésion après avoir
signé l'accord de février 2012 relatif à la
représentation du Kosovo dans les forums régionaux.
Le dialogue entre la Serbie et le Kosovo a
débuté une première fois en octobre 2003 sous le nom de
« dialogue direct » grâce à l'impulsion de l'Union
européenne. Celui-ci constituait en la réunion de groupes de
travail chargés des questions de l'Energie et des personnes disparues
à partir de mars 2004. Néanmoins, cette première tentative
de dialogue a pris fin du fait des violentes émeutes à Mitrovica
à la mi-mars90.
Le dialogue Belgrade-Pristina a repris le 8 mars 2011 sous
égide de l'Union européenne, à plus haut niveau, et donc
symboliquement, à Bruxelles. Ce dialogue a abouti à la conclusion
d'accords techniques, le 2 juillet 2011 (liberté de circulation,
reconnaissance mutuelle des diplômes, état civil), le 2 septembre
2011 (cadastre et tampons douaniers), le 2 décembre 2011 (gestion
intégrée des frontières) et enfin l'accord de
février 2012 sur la représentation du Kosovo dans les forums
régionaux. A l'issu de ces dialogues, les deux pays ont repris leurs
échanges commerciaux, la Serbie a vu se consolider son statut de pays
candidat, et le Kosovo a pu bénéficier d'une étude de
faisabilité.
A partir de 2012, les premiers ministres serbes et kosovars se
sont réunis à 9 reprises, à l'initiative de Catherine
Ashton, alors représentante de l'Union européenne pour les
affaires étrangères. Ces rencontres à visée
politique et instiguée par l'Union européenne ont permis un
certain nombre d'avancés sur des points de tensions entre les deux
États (la mise en place d'une unité spéciale de police
spécialement consacrée à la protection du patrimoine
orthodoxe au Kosovo ou encore la mise en place d'un fond de
développement dédié au Nord Kosovo). A la suite de ces
nombreuses rencontres au niveau gouvernemental, les présidents serbes et
kosovars se sont rencontrés le 6 février 2013. De cette rencontre
est né l'accord historique du 19 avril 2013 sur la normalisation des
relations entre la Serbie et le Kosovo, dit « Accord de Bruxelles »,
signé par les premiers ministres serbes et kosovars. Selon une interview
réalisée par le site « Toute l'Europe » du ministre
serbe de l'intégration européenne Branko Ruzic le 17 novembre
2013 « l'accord de Bruxelles a été l'élément
déclencheur dans le processus d'ouverture des négociations de
l'adhésion ». De plus, l'accord de Bruxelles a été
qualifié par Branko Ruzic de « tango à trois entre Belgrade,
Pristina et l'UE ».
L'accord de Bruxelles porte pour une grande partie sur la
problématique de la zone nord du Kosovo, peuplée majoritairement
par une population d'origine serbe. En échange de la garantie
90 Communication « Un avenir européen pour
le Kosovo », COM(2005) 156 final, 20/04/2005
42
de sécurité et d'autonomie offertes à une
Communauté des communes serbes du Kosovo, en matière
socio-économique mais également de police, de justice et d'une
forme de démilitarisation temporaire assurée par l'OTAN, la
Serbie s'engage au démantèlement des structures parallèles
qu'elle avait jusqu'à lors maintenue, dans les domaines de la police, du
renseignement et de la Justice.
En février 2015, à la suite de l'accord de
Bruxelles un accord sur la Justice est conclu. En décembre 2016, le
Kosovo s'est vu octroyer son propre indicatif téléphonique
(+383). Il faut d'ailleurs noter que si la Serbie n'a pas reconnu l'effet
impératif de l'accord de Bruxelles, elle applique cet accord, en ce que
sa mise en oeuvre est un pré-requis pour le bon déroulement des
discussions relatives à l'adhésion.
Le dialogue entre la Serbie et le Kosovo est en pause depuis
février 2015. Néanmoins au vu de l'importance de ce dialogue dans
la conditionnalité de l'Union européenne envers ces deux Etats
dans le cadre du processus de stabilisation et d'association, le
Président Hashim Thaçi a dernièrement salué
l'élection d'Aleksandar Vucic. Les deux hommes auraient « convenu
de poursuivre le dialogue » et de « travailler ensemble sur la
recherche de solutions a toutes les questions communes ». De plus Ana
Brnabic, Première ministre serbe dit vouloir poursuivre « une
politique de paix et de coopération avec le Kosovo afin d'atteindre un
compromis et une réconciliation historique avec le peuple albanais
»91 (B).
B) Une envisageable reconnaissance de facto du Kosovo par la
Serbie
Depuis quelques semaines les relations Serbie-Kosovo
connaissent un tournant singulier. Depuis sa réélection à
la tête de la Serbie, Aleksandar Vucic a placé l'adhésion
à l'Union européenne comme sa première priorité en
ne cessant de prendre des mesures audacieuses. Par le choix de sa
Première Ministre on l'a déjà vu, mais également
vis-à-vis de la question du Kosovo qui pourrait connaître une
résolution rapide.
Profitant en effet du calme estival, Vucic multiplie les
déclarations, d'abords ambigües, puis désormais claires, en
faveur d'une reconnaissance de facto de l'État kosovar. Au mois de juin
2017, peu de temps après sa réélection le Président
serbe a fait une première mention de « l'opportunité
d'ouvrir un dialogue sur les futures relations entre la Serbie et le Kosovo
»92. Cette déclaration d'abord assez peu relayée
a néanmoins ouvert largement la boite de Pandore et des
91 Source diplomatique. AFP Europe, 28/06/2017
92 « Is the power of the Kosovo myth fading ? », Bosnia
Daily, june 30, 2017
43
figures d'audience publique se sont emparées du sujet,
se prononçant en faveur de l'indépendance kosovar. C'est par
exemple le cas de Bosko Jaksic, journaliste de renommée internationale,
qui a publié dans le quotidien Polika une tribune intitulée
« Le temps du courage » où la reconnaissance de
l'indépendance du Kosovo est présentée comme le seul moyen
d'éviter une nouvelle guerre balkanique dans les dix ou vingt prochaines
années93. Slobodan Samarzic, intellectuel souverainiste,
professeur de sciences politiques à l'Université de Belgrade et
ancien Ministre serbe pour le Kosovo a quant à lui déclaré
que le dialogue Belgrade-Pristina initié par l'Union européenne
ne pouvait pas aboutir à « une solution favorable pour les serbes
». Enfin, Vuk Draskovic, dirigeant du « Mouvement pour le Renouveau
de la Serbie » et ancien Ministre des Affaires étrangères
serbe a lui écrit dans un éditorial pour le quotidien Blic que
« la souveraineté serbe sur le Kosovo n'existe que dans le
préambule de la Constitution serbe. En s'asservissant à cette
norme hors de toute réalité, l'État subit d'énormes
pertes, sur les plans politique, de développement, démocratique,
démographique et monétaire ».
C'est en effet désormais au sein de la Constitution
serbe que réside la clé du futur du Kosovo. Dans le
préambule de celle-ci est affirmé la souveraineté de la
Serbie sur la province du Kosovo, coeur historique de la nation serbe. Par
conséquent, afin de pouvoir « laisser partir » le Kosovo et
reconnaitre de facto l'indépendance de son ancienne province, la Serbie
doit réformer sa Constitution, ce qui pendant très longtemps a
été considéré comme un tabou absolu.
C'est pourtant l'Union européenne qui pourrait donner
à Aleksander Vucic l'opportunité de procéder à
cette modification cruciale. Continuant de camper sur une position un peu
ambigüe, que les observateurs internationaux comparent à celle du
Général De Gaulle à la fin de la Guerre
d'Algérie94, il ne cesse d'appeler à un «
réalisme politique » et enjoint à une réforme
constitutionnelle rapide dans le cadre de la réforme de la Justice.
Cette réforme, nécessaire pour que la Serbie se conforme à
l'acquis de l'Union européenne, pourrait bien être l'occasion pour
ouvrir un processus de révision constitutionnelle, qui ne pourrait
jamais se faire sur la base de la normalisation des relations
Serbie-Kosovo95.
Le dialogue entre Belgrade et Pristina est très
présent dans le paysage politique serbe actuel, du fait qu'il
conditionne l'avancée de la Serbie dans son processus d'adhésion.
Le Kosovo, beaucoup
93 Source diplomatique.
94 TANNER Marcus « Might Vucic become Serbia's De
Gaulle on Kosovo ? », Balkan Insight, 01/08/2017.
95 RUDIC Filip, « Serbia's Vucic Sparks Intrigue
over Constitution changes », Balkan Insight, 11/08/2017.
44
moins avancé sur ce chemin, est lui aussi soumis
à cette conditionnalité, qui s'insère au sein d'un clause
inédite dans l'ASA UE-Kosovo (II).
II) L'insertion d'une conditionnalité «
Serbie-Kosovo » inédite dans l'ASA UE-
Kosovo
Si l'ASA UE-Kosovo innove de par sa non mixité, on a
démontré que celle-ci n'avait qu'une faible incidence sur le
contenu de l'accord. Néanmoins, il innove sur un autre aspect en
introduisant une nouvelle conditionnalité inédite (B) liée
à la normalisation des relations avec la Serbie (A).
A) La création d'une clause essentielle liée
à la normalisation des relations Serbie Kosovo
Les clauses dites « clauses essentielles » sont
apparues en 1992 dans les accords externes de l'Union européenne. Ces
clauses ont tout d'abord eu trait aux respects des droits de l'homme et des
principes démocratiques. Ces clauses ont par la suite
évolué, pour coller aux défis de la relation entre l'UE et
son partenaire. En effet, les clauses élements essentiels,
insérées au sein du Titre Premier des accords intitulé
« Principes généraux » permettent à l'UE de
développer les points politiques dont le respect lui semble
indispensable pour maintenir sa bonne relation avec le partenaire. Un lien est
établi au sein des clauses éléments essentiels entre la ou
les valeurs que l'Union souhaite défendre et une possible
dégradation des relations si le partenaire ne respecte pas la clause.
Dans le cas où des contre-mesures seraient prises par l'UE, en cas de
non-respect des dispositions d'une clause dite élément essentiel,
le partenaire ne pourra obtenir aucune réparation de la perte qu'il
subit, quand bien même la contre mesure irait jusqu'à la
suspension de l'accord96. Dans ce cadre, les clauses «
élément essentiel » constituent une facette importante du
pouvoir normatif de l'UE dans ses relations avec ses partenaires
internationaux.
96 Cette clause, appelée « clause
bulgare » laisse l'Union européenne libre de convenir de «
toute mesure appropriée » visant à sanctionner le
non-respect de la clause élément essentiel, pouvant aller
jusqu'à la suspension de l'accord.
45
L'ASA UE-Kosovo introduit deux nouvelles clauses essentielles
ventilées au sein de deux articles. L'article 597 (le
principe) et l'article 1398 (la mise en oeuvre) de l'ASA posent
comme éléments essentiels de l'accord, la pleine
coopération du Kosovo avec la mission EULEX mais surtout, la
normalisation des relations Kosovo-Serbie.
L'article 5 de l'ASA UE-Kosovo pose pour le Kosovo une
obligation de moyen et de résultats, via l'utilisation de la formule
« Le Kosovo s'engage à oeuvrer sans relâche à
l'amélioration visible et durable de ses relations avec la Serbie
». Cette formule est reprise à l'identique dans l'article 13 de
l'ASA, ce qui en renforce la portée. L'article 5 de l'ASA pose
d'ailleurs que ce processus de rapprochement est un moyen, dans le sens d'un
média obligatoire, pour la Serbie et le Kosovo de poursuivre leur marche
respective vers l'UE. A l'article 13 il est d'ailleurs précisé
que cette progression se fera « tout en empêchant que l'un d'eux
puisse bloquer l'autre dans ses efforts ». La conséquence de cette
affirmation est qu'il est officiellement posé que la Serbie ne pourra
pas adhérer à l'Union européenne tant que les relations
avec le Kosovo ne seront pas normalisées. Le Kosovo de son coté,
se verra pénalisé dans ses relations avec l'UE dans le cadre de
l'ASA s'il ne s'implique pas suffisamment dans la normalisation de ses
relations avec la Serbie.
Ce dialogue entre Serbie et Kosovo est une nouvelle fois
réaffirmé comme étant un dialogue tripartite. L'article 13
de l'ASA pose dans son 1) que « le dialogue politique et
stratégique, selon le cas contribuent au processus de normalisation des
relations entre le Kosovo et la Serbie ». Il faut ici rappeler que le
dialogue politique et stratégique dont il est question n'est pas le
dialogue supervisé entre les autorités serbes et kosovares sous
l'égide de l'Union européenne, mais bien les dialogues qui auront
vocation à prendre place au sein du Conseil de stabilisation et
97 Article 5 : « Le Kosovo s'engage à
oeuvrer sans relâche à l'amélioration visible et durable de
ses relations avec la Serbie et à coopérer de manière
effective avec la mission déployée dans le cadre de la politique
de sécurité et de défense commune pendant toute la
durée du déploiement de celle-ci, comme indiqué de
manière plus détaillée à l'article 13. Ces
engagements constituent des principes essentiels du présent accord et
sous-tendent le développement des relations et de la coopération
entre les parties. Si le Kosovo ne respecte pas ses engagements, l'Union
européenne peut prendre les mesures qu'elle juge appropriées, y
compris suspendre le présent accord en tout ou partie.
98 Article 13 : 1. Le dialogue politique et le
dialogue stratégique, selon le cas, contribuent au processus de
normalisation des relations entre le Kosovo et la Serbie. 2. Comme prévu
à l'article 5, le Kosovo s'engage à oeuvrer sans relâche
à l'amélioration visible de ses relations avec la Serbie. Ce
processus permet au Kosovo et à la Serbie de poursuivre leur marche
respective vers l'Europe, tout en empêchant que l'un d'eux puisse bloquer
l'autre dans ces efforts, et devrait progressivement mener à la
normalisation des relations complètes des relations entre le Kosovo et
la Serbie, sous la forme d'un accord juridiquement contraignant, avec pour
perspective qu'ils puissent tous deux exercer leurs droits sans restrictions et
assumer pleinement leurs responsabilités. 3. Dans ce cadre, le Kosovo
veille en permanence à : a) mettre en oeuvre de bonne foi tous les
accords conclus dans le cadre du dialogue avec la Serbie ; b) respecter
pleinement les principes d'une coopération régionale ouverte
à tous ; c) résoudre grâce au dialogue et à l'esprit
de compromis les autres problèmes en suspens, à l'aide de
solutions concrètes et durables, et coopérer avec la Serbie sur
les questions techniques et juridiques qui le nécessitent ; d)
coopérer efficacement avec la mission déployée dans le
cadre de la politique de sécurité et de défense commune
pendant toute la durée du déploiement de celle-ci
46
d'association. Par l'ajout de cette mention, l'UE informe son
partenaire kosovar que la question du dialogue de normalisation des relations
rejoint désormais le système normatif mis en place par l'ASA, ce
qui lui fait gagner en cohérence, mais aussi en force contraignante, une
attitude jugée trop peu volontaire de la part du Kosovo pouvant
désormais faire l'objet de contre-mesures économiques et non pas
de simples pressions politiques. D'autre part, l'inclusion de la normalisation
des relations Serbie-Kosovo dans les sujets d'intérêt du Conseil
de stabilisation et d'association envoie le message au Kosovo, que c'est un
sujet duquel il ne pourra pas se soustraire car désormais constitutif du
corps de l'accord. Cet appareil coercitif autour de la normalisation des
relations Serbie-Kosovo présente donc un grand intérêt,
d'autant qu'elle est inédite au sein du PSA (B).
B) Une clause inédite au sein du PSA
La clause relative à la normalisation des relations
entre la Serbie et le Kosovo présente dans l'ASA UE-Kosovo est
inédite au sein du PSA. En effet, cette clause est sans
équivalent dans les ASA signés par l'UE et les autres pays de la
région. Les ASA précédemment conclus par l'Union reposent
à chaque fois sur le même motif : le premier article du Titre
intitulé « Principes généraux »
énumère un certain nombre d'éléments posés
comme des élements essentiels de l'accord. Il s'agit toujours d'un
engagement au respect des principes démocratiques, des droits de
l'Homme, de l'économie de marché, d'une coopération avec
le TPIY et parfois d'une lutte contre la prolifération des armes de
destruction massive99100101102. Cette clause très
complète et multisectorielle se retrouve également dans l'ASA
UE-Kosovo103, mais est accompagnée de la clause relative
à la normalisation des relations avec la Serbie, qui comme on l'a
déjà vu, fait l'objet de deux articles dédiés.
Pourquoi l'UE a-t-elle ajouté cette clause inédite au sein de
l'ASA UE-
99 Stabilisation and Association agreement between
the European Communities and their Members States, of the one part, and the
Republic of Montenegro, of the other part, L108/3, 29.04.2010
100 Accord de stabilisation et d'association entre les
Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la
République de Serbie, d'autre part, L278/16, 18.10.2013
101 Accord de stabilisation et d'association entre les
Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la
Bosnie-Herzégovine, d'autre part, L164/2, 30.6.2015
102 Accord de stabilisation et d'association entre les
Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la
République d'Albanie, d'autre part, L107/166, 28.4.2009
103 Article 3 : Le respect des principes démocratiques
et des droits de l'homme, tels qu'ils sont proclamés dans la
Déclaration universelle des droits de l'homme des Nations Unies de 1948
et tels qu'ils sont définis dans la Convention européenne de
protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales de 1950,
dans l'Acte final d'Helsinki, et dans la Chartre de Paris pour une nouvelle
Europe, le respect des principes du droit international, y compris la
coopération totale avec le Tribunal pénal international pour
l'ex-Yougoslavie (TPIY) et son mécanisme résiduel, la Cour
pénal internationale, et le respect de l'état de droit ainsi que
des principes de l'économie de marché, tels qu'ils sont
exprimés dans le document de la conférence de Bonn sur la
coopération économique de la Conférence sur la
sécurité et la coopération en Europe, servent de base aux
politiques de l'Union européenne et du Kosovo et constituent des
élements essentiels du présent accord.
47
Kosovo ? Pour répondre à cette question, nous
pouvons avancer que d'une part, le facteur temporel a son importance. En effet,
l'ASA UE-Kosovo est le dernier né d'une série d'accords, qui ont
tous été paraphés avant la déclaration
unilatérale d'indépendance du Kosovo.
D'autre part, le conflit latent entre la Serbie et le Kosovo
constitut un potentiel déstabilisateur très important et que
depuis 1999, l'UE s'est engagée en faveur d'une résolution du
problème statutaire kosovar. Cet objectif est d'ailleurs
précisément explicité dans l'ASA UE-Kosovo qui indique que
cette résolution sera « complète » et prendra la forme
« d'un acte juridiquement contraignant »104. Par cet ajout
l'UE renforce encore sa position d'actrice et d'instigatrice du dialogue
Serbie-Kosovo en posant quelle forme devait revêtir la résolution
du problème statutaire. Cette clause est un message en direction du
Kosovo comme de la Serbie, qui a déjà ouverts les chapitres de
négociations en vue d'une adhésion, que la Serbie ne pourra pas
adhérer à l'UE tant que ses relations avec le Kosovo ne seront
pas normalisées. En effet, dans l'attente d'une résolution du
problème statutaire, la Serbie comme le Kosovo ne sont pas en accord
quant à la délimitation de leurs frontières respectives et
l'UE ne veux pas avoir à gérer un nouveau cas similaire au cas
chypriote, dont l'adhésion à l'UE n'avait pas réussi
à entrainer un règlement du problème territorial.
Un fait intéressant est à noter : en
s'impliquant aussi profondément dans la normalisation des relations
entre la Serbie et le Kosovo, en faisant du Kosovo un interlocuteur de niveau
régional et international, l'UE stabilise indirectement l'Etat kosovar.
Ce domaine n'est pas le seul où l'Union joue un rôle majeur pour
l'affirmation souveraine du Kosovo et l'on constate qu'en l'incluant dans le
PSA, l'UE s'est en fait engagée dans processus de long terme de state
building de l'Etat kosovar (Section 2).
Section 2 : L'UE promotrice d'un state building
inédit auprès du Kosovo
L'état kosovar, à l'image de beaucoup
d'états des Balkans occidentaux, est caractérisé par sa
jeunesse. Le Kosovo est un des pays les plus jeunes du monde, et ses structures
gouvernementales sont encore balbutiantes. En effet, il faut noter que
jusqu'à la déclaration unilatérale d'indépendance
de 2008, le Kosovo n'avait jamais été indépendant. Le
Kosovo est, pour la plus grande partie de son histoire, resté sous
l'occupation de l'Empire ottoman. Du temps de l'ex-Yougoslavie, une certaine
autonomie a fini par lui être accordé, mais c'était
toujours en tant
104 Article 13 ASA UE-Kosovo
48
qu'État partie d'une structure étatique
supranationale plus imposante. Dès lors, lorsque l'Union a
intégré le Kosovo dans son PSA et lui a par conséquent
demandé de reprendre l'acquis européen, elle a indirectement
aidé à la mise en place d'institutions qui étaient
auparavant inexistante. Cet state building, d'une ampleur inédite, se
retrouve aussi bien au niveau étatique (I) qu'au de la
société civile (II).
I) Le soutien de l'Union pour le renforcement de l'Etat
kosovar
Pour être un Etat stable, le Kosovo a besoin
d'institutions qui fonctionnent. Dans ce contexte, l'UE va mettre à
disposition du Kosovo des instruments du PSA, comme l'assistance technique, qui
joue un grand rôle dans la stabilisation administrative d'un Etat en
construction (A). D'autre part, en mettant en oeuvre les demandes
européennes, le Kosovo se rapproche certes de l'Union européenne,
mais voit également se développer sa ramification administrative,
ce qui renforce considérablement sa légitimité en tant
qu'Etat (B).
A) L'assistance technique vectrice de stabilisation des
institutions kosovares
On peut définir l'assistance technique comme «
l'apport d'une expertise et de fonds destinés à mettre en oeuvre
les programmes liés aux objectifs des politiques. (...) en
général, les dépenses doivent contribuer au
développement des capacités administratives »105.
Le Kosovo bénéficie de deux instruments d'assistances techniques
insérés dans les instruments de pré-adhésion IAP I
et IAP II : TAIEX et Twinning, qu'on abordera l'un après l'autre. Ces
deux instruments sont, comme on l'a vu, non spécifiques au Kosovo seul,
mais communs à tous les pays relevant de l'IAP et à certains pays
relevant de la PEV. On notera néanmoins, qu'à l'image d'autres
instruments de l'Union dont le bénéficie le Kosovo, ceux-ci vont
avoir un effet supplémentaire et plus profond que la reprise de l'acquis
communautaire seule. En effet, dans le cadre d'un État en construction
comme le Kosovo avec des administrations soumises à une forte rotation
interne106, l'existence de cet appui constant des institutions
européenne participe à la pérennisation des institutions.
Nous pourrions même avancer que dans ce cas de figure, l'offre
crée la demande et que les autorités kosovares créent,
pérennisent et stabilisent des postes afin de répondre à
l'offre européenne d'assistance, là où la mise en place
d'une conditionnalité de création d'une institution aurait
été insuffisante pour assurer sa stabilité.
105Rapport spécial de la Cour des Comptes
européenne « Quelle a été la contribution de
l'assistance technique dans le domaine de l'agriculture et du
développement rural », FR, 2015, 04, p 6
106 Source : Revues de Presse de l'Ambassade de France en
Bosnie-Herzégovine.
49
Pour donner un exemple, la création d'un
médiateur (ou défenseur des droits) fait partie de la
conditionnalité relative à la libéralisation du
régime des visas. Cette institution a donc été
créée, mais se posait ensuite la question de la mise en oeuvre.
Dusan Popovic souligne ainsi que certains États des Balkans occidentaux
reprennent l'acquis mais ne le mettent pas en oeuvre car les administrations
publiques ne comprennent pas un texte souvent repris mot pour mot dans la
législation nationale107. L'instrument TAIEX (Technical
Assistance and Information exchange) qui a pour objectif d'apporter aux
administrations publiques de l'assistance au regard de la reprise et de la mise
en oeuvre de l'acquis communautaire a permis de financer une visite
d'étude du médiateur kosovar auprès du Défenseur
des Droit français108. Cette visite a permis au
médiateur « d'étudier les mécanismes mis en place en
France en matière de lutte contre les discriminations,
d'égalité des droits et de prévention de la torture
». Grâce à l'instrument TAIEX une coopération a
également pu être mise en place entre le Défenseur des
Droits français et le médiateur kosovar, ce qui permet
indirectement de s'assurer de la pérennité de l'institution (il
est plus difficile de supprimer ou de couper tout le budget d'une institution
si celle-ci est engagée dans des coopérations).
L'assistance technique mis en place par l'instrument TAIEX se
veut au plus près des besoins des administrations locales et se
décline en trois composantes : la mise en place de workshops où
des pans du droits de l'Union européenne sont présentés
par des experts des États membres à des fonctionnaires, des
juges, des membres des forces de l'ordre etc.. afin de s'assurer une meilleure
mise en oeuvre de l'acquis repris109 ; des missions d'experts,
où des experts d'États membres sont envoyés dans des
administrations pour dispenser des conseils techniques et pratiques ; et enfin
des visites d'étude, où un groupe de fonctionnaire d'une
administration vont effectuer une visite d'étude dans l'administration
d'un État membre afin de s'inspirer de leurs bonnes pratiques. La limite
de cet instrument TAIEX au Kosovo est que la demande d'assistance doit
être faite par l'État, ce qui implique une formulation en amont
des besoins de l'administration concernée. Or, il apparait que le
Ministre de l'Intégration européenne au Kosovo, qui a le
rôle de coordinateur
107 POPOVIC D, « L'harmonisation du Droit privé
des pays des Balkans occidentaux avec le droit communautaire », Revue du
marché commun et de l'Union européenne, n°536, mars 2010.
108 « Visite d'étude en France du Défenseur
des Droits, Mr Hilmi Jashari », 04/06/2016,
https://kosovo.ambafrance.org
consulté le 12/08/2017.
109 A titre d'exemple, des séminaires portant sur la
lutte contre le trafic des biens culturels sont en train d'être
organisés dans tous les pays des Balkans Occidentaux. Source : Service
de Coopération et d'Action Culturelle Ambassade de France en
Bosnie-Herzégovine.
50
national pour l'IAP I et II (NIPAC) a des difficultés
à assumer son rôle et à constituer un relai
efficace110.
Le deuxième instrument « Twinning » est
l'instrument européen pour la coopération institutionnelle entre
les administrations publiques des États membres et des pays partenaires,
dont le Kosovo fait partie. Il a pour objectif de construire et renforcer les
capacités administratives de l'administration publique du pays, via
l'octroi d'expertise, de conseils, de partage de bonnes pratiques et l'aide
à la réorganisation de l'administration. L'instrument Twinning
est ainsi particulièrement représentatif du double
bénéfice lié à la mise en oeuvre des demandes
européennes : en se rapprochant de l'Union le Kosovo crée aussi
des structures nouvelles qui renforcent sa souveraineté interne (B).
B) Le double bénéfice lié à la
mise en oeuvre des demandes européennes : rapprochement de l'Union et
création de structures nouvelles
Dans le cadre du processus de stabilisation et d'association,
les États des Balkans occidentaux reprennent petit à petit
l'acquis communautaire et se mettent en conformité avec les exigences
européennes. En procédant à cette reprise de l'acquis, le
pays se rapproche de l'Union européenne et se voit accorder des
récompenses sous la forme d'une intégration matérielle de
plus en plus importante à l'espace européen (étude de
faisabilité, ASA, ouverture de la participation aux programmes de
l'Union, accord sur les visas, obtention du statut de pays candidat,
adhésion à l'Union européenne).
Pour le Kosovo nous pouvons avancer que ce premier effet et
doublé d'un effet structurant, en lien avec la première fonction
de l'UE au sein de la MINUK : la reconstruction. Pour être plus
précis, dans les pays relevant du PSA, la mise en conformité avec
les exigences européennes passe par une mutation législative et
organisationnelle. Néanmoins, dans des secteurs relativement
récents dans les pays d'ex-Yougoslavie comme la propriété
intellectuelle, la reprise de l'acquis de créé un nouveau pan de
Droit et parfois même de nouvelles institutions111. Dès
lors, dans un État en construction comme le Kosovo, la mise en oeuvre
des demandes européennes va permettre, en plus de rapprocher le pays de
l'UE, de créer de nouvelles ramifications étatiques et donc
d'asseoir un peu plus le Kosovo comme un État souverain et fonctionnel.
On peut également ajouter que ces nouveaux organes créés
ne se feront pas ex nihilo, mais en fonction et au regard des pratiques
110 IPA II Monitoring, Reporting and Performance Framework,
Specific Contract n° 2014/351-964, Final Report 25 janvier 2016, p 112.
111POPOVIC D, « L'harmonisation du Droit
privé des pays des Balkans occidentaux avec le droit communautaire
», Revue du marché commun et de l'Union européenne,
n°536, mars 2010.
51
et exigences communautaires. Ainsi, en juin 2004, alors que le
Kosovo n'avait pas encore déclaré unilatéralement son
indépendance, l'Union européenne avait adopté un «
Partenariat européen » pour la province kosovare. Ce partenariat
constituait en fait davantage en un monitoring très poussé qu'en
un simple partenariat. En effet, l'Union européenne y
énonçait des actions à mettre en oeuvre, tandis que les
autorités provisoires du Kosovo avaient répondu par l'adoption
d'un plan d'action définissant les mesures envisagées pour
répondre aux demandes de l'Union européenne, évaluaient
leurs coûts et surtout, évaluait l'aide nécessaire pour
mettre en oeuvre ce programme112. Ce plan était
également doublé d'un dispositif de suivi du processus de
stabilisation et d'association (STM) chargé d'examiner les
progrès réalisés dans la mise en oeuvre de ce partenariat
européen113.
Plus récemment et en termes d'administration publique
on peut ainsi relever l'adoption en 2016 d'une loi sur les procédures
administratives114. Une telle loi est indispensable au
fonctionnement d'un État, en ce qu'elle permet de régler les
rapports entre les administrations et les usagers, contribuant ainsi à
renforcer la souveraineté et la légitimité kosovare en
tant qu'organe de référence.
Pour illustrer au mieux notre propos, nous nous
intéresserons à quelques exemples de structures nouvelles qu'a
dû créer le Kosovo dans le cadre de sa mise en conformité
avec les exigences de l'UE pour la mise en place d'un accord sur les visas. En
effet, les réformes introduites, qui ont directement trait à la
capacité d'un État à contrôler qui entre et sort de
ses frontières souveraines, participent à la structuration du
Kosovo dans ces domaines. On pourra par exemple citer la création d'une
base de données relative à l'état civil, avec
l'attribution d'un numéro d'identité à chaque
ressortissant kosovar115. Le Kosovo a également mis en place
tout un cadre juridique relatif à la réadmission et au retour de
ses nationaux, avec notamment la mise en place d'un fond de gestion
destiné à l'aide des personnes rapatriées. Cette
initiative, mise en place au cours de l'année 2015 à la demande
de l'Union européenne, s'est peu à peu muée en
véritable service d'aide au retour pour les personnes rentrant au
Kosovo, sans égard à la date de leur départ du pays. Plus
précisément, le 9 mars 2016, le Kosovo a adopté une
réglementation relative à la réinsertion qui ouvre
l'accès à une aide à l'emploi
indépendant116 et à la création d'une
entreprise pour toutes les
112 Communication « Un avenir européen pour le Kosovo
», COM(2005) 156 final, 20/04/2005
113 Communication « Un avenir européen pour le Kosovo
», COM(2005) 156 final, 20/04/2005
114Communication de 2016 sur la politique
d'élargissement de l'UE. COM(2016) 715 final.
115Troisième rapport concernant les
progrès accomplis par le Kosovo* pour satisfaire aux exigences de la
feuille de route sur l'assouplissement du régime des visas, COM(2015)
906 final.
116La mise en place d'un service de ce type est
particulièrement cruciale dans les Balkans occidentaux où le taux
de chômage reste très élevé. Dans un contexte
où les salariés des quelques grandes entreprises ne
perçoivent pas leur
52
personnes faisant l'objet d'une mesure de retour. Au premier
trimestre 2016, 704 personnes soumises à une procédure de retour
ont pu bénéficier de services de réinsertion durable. Ce
chiffre est en hausse constante par rapport à 2014 et 2015 (336 et
628)117. Un bureau de conseil spécialisé dans l'aide
à la création d'entreprise a également été
créé. Cette mise en place d'un « pont » entre les
personnes rapatriées et l'Etat kosovar, qui va les aider dans leur
réinstallation renforce le lien existant entre l'Etat et sa population,
et participe donc à la création d'une véritable
société civile (II).
II) Le soutien de l'UE à la création d'une
véritable société civile kosovare
Selon l'Union européenne, « la
société civile regroupe notamment les organisations syndicales et
patronales (les "partenaires sociaux"), les organisations non gouvernementales
(ONG), les associations professionnelles, les organisations caritatives, les
organisations de base, les organisations qui impliquent les citoyens dans la
vie locale et municipale, avec une contribution spécifique des
églises et communautés religieuses »118. Elle a
pour objectif de représenter, sur une base volontaire, les membres de la
Société dont elle est issue. Dès lors, que pour qu'une
société civile s'incarne, le sentiment d'appartenir à un
même ensemble est nécessaire, ainsi que la poursuite
d'intérêts en commun. Concrètement, la formalisation d'une
société civile kosovare, signifierait que les citoyens du Kosovo
se sentent kosovars, plus qu'albanais ou serbe. La société civile
est dès lors un bon indicateur de l'existence d'une « population
» telle que réclamée par le Droit international comme
composante d'un Etat. Or, l'UE dans les instruments qu'elle déploie au
Kosovo, apporte un réel soutien à la création d'une
véritable société civile kosovare, par son processus
d'allocation des aides d'une part (A), mais aussi par les bonnes pratiques que
les nationaux du Kosovo peuvent tirer de leur participation aux programmes de
l'Union (B).
salaire à temps, ou pas du tout, l'autoentrepreneuriat
est avancé comme une solution pour relancer le tissu économique
local. Dans ce cadre, les initiatives à destination des nationaux pour
mettre en place des formations à l'entrepreneuriat se multiplie, souvent
pour pallier à la carence étatique en la matière. Ces
« écoles d'entrepreneurs » sont souvent alimentées par
des appels à projets et des fonds privés internationaux et/ou de
l'UE. Par exemple, dans le cadre de son appel à projet « Appel
à la Société civile 2017 », l'Ambassade de France en
Bosnie-Herzégovine a reçu plus d'une trentaine de projets ayant
pour objectif de monter des écoles d'entrepreneurs et notamment un appel
d'une Université qui souhaitait créer une filière
dédiée à l'entrepreneuriat et qui cherchait des fonds.
Dès lors la création d'un fond de ce genre au Kosovo
répond à un véritable besoin.
117Quatrième rapport concernant les
progrès accomplis par le Kosovo* pour satisfaire aux exigences de la
feuille de route sur l'assouplissement du régime des visas COM(2016) 276
final.
118 Livre blanc sur la gouvernance européenne COM(2001)
428 final du 25/07/2001
53
A) Le processus d'allocation des aides de l'Union favorisant
la pérennisation d'acteurs de la société civile
Lors du dernier recensement de 2013, la population du Kosovo a
été estimée à 1, 803 million d'habitants. Cette
population est hétérogène, avec une majorité de
kosovar-albanais (environ 90%) et une forte présence des
minorités, avec plus de 120 000 serbes et 40 000 représentants
d'autres minorités, roms, ashkalis, égyptiens, turcs, goranis,
croates, bosniaques et monténégrins119. L'État
kosovar est un État récent et sa société civile est
encore en pleine construction. Au-delà des communautés,
l'ambition est maintenant de créer au sein du Kosovo une
société civile qui se projette un avenir au sein du Kosovo et qui
se réfère aux institutions kosovares120. Dans ce
cadre, le processus d'allocation des aides de l'Union européenne au
Kosovo renforce cette société civile en l'aidant à se
structurer et en encourageant l'établissement de dialogues entre
différentes organisations de la société civiles (OSC).
Depuis la conférence « Civil Society Developement
in South-East Europe : Building Europe together », qui s'est tenue
à Bruxelles les 17 et 18 avril 2008, la Commission européenne a
décidé de mettre en place un dialogue permanent entre la
Commission européenne (sous la forme des Délégations de
l'UE) et les OSC des pays partenaires sur le chemin de
l'adhésion121. Ce dialogue a pour objectif de favoriser
l'échange de bonnes pratiques, la recherche de partenaires et le
développement de projets spécifiques. Dans la lignée de
cette conférence, l'Organe de liaison de l'UE au Kosovo, qui est
l'équivalent de la Délégation de l'UE au Kosovo, a
engagé un dialogue régulier avec les OSC kosovares dans le cadre
de la rédaction du rapport de progrès publié chaque
année. Invitées à contribuer à ce rapport annuel,
les OSC peuvent également débattre des conclusions de celui-ci.
De plus, en amont des réunions liées à la rédaction
du rapport de progrès, les OSC sont également invitées
à contribuer lors des réunions sectorielles du Comité de
Stabilisation et d'Association mis en place dans le cadre de l'ASA UE-Kosovo.
Dès lors, même les petites OSC disposent d'opportunité pour
faire entendre leur voix et peuvent être mises en relations avec d'autres
OSC exerçant une activité similaire. Cet effet de mise en
réseau a plusieurs avantages. Il peut permettre à des OSC de
mettre en communs certaines de leurs connaissances et de leurs moyens et par
exemple proposer un projet de plus grande envergure tout en évitant les
doublons. Ce processus leur permet de devenir des actrices plus
crédibles en démontrant qu'elles
119 Source :
www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/kosovo/presentation-du-kosovo/
, consulté le 15/08/2017
120 La même problématique se retrouve en
Bosnie-Herzégovine où la Délégation de l'Union
européenne oeuvre en faveur d'un rapprochement entre les
communautés et favorise les projets intercommunautaires.
121 Conclusions du Conseil « The roots of Democracy and
sustainable development : Europe's engagement with civil Society in external
relations », 3191th Foreign Affairs Developpement council meetings,
Luxembourg, 15/10/2012.
54
disposent d'une capacité à entretenir un
réseau et qu'elles ont une appréhension des enjeux globaux et non
pas seulement locaux. Cette approche globale est d'ailleurs
particulièrement appréciée dans un état
multiethnique comme le Kosovo où les bailleurs de fonds internationaux
auront toujours tendance à privilégier les projets profitants
à la société civile kosovare plutôt qu'à une
communauté particulière.
Lors du 3191ème Conseil Affaires
étrangères et développement qui s'est tenu le 15 octobre
2012 à Luxembourg, a été lancé une nouvelle
politique ambitieuse à destination des OSC, rappelant que le financement
constitue un élément important du soutien à un
environnement propice pour la Société civile. L'UE constitue
d'ailleurs le principal bailleur de fonds de la plupart des OSC au
Kosovo122. L'aide fournie passe alors par le biais de l'IAP, de
l'Instrument européen pour la démocratie et les droits humains
(EIDHR) sous la forme notamment d'appels à projets.
Cette ventilation des fonds par le biais d'appels à
projet est particulièrement intéressante pour la
pérennisation de la société civile au Kosovo. En effet, il
entraine une mobilisation d'OSC autour de thèmes importants pour le
Kosovo, et pousse à l'engagement la base citoyenne, d'autant plus
lorsque la structure gouvernementale connait des
défaillances123. Dans certains pays partenaires de l'UE des
OSC critiquent le fait que dans le cadre des appels à projets, les fonds
sont assez rarement alloués aux plus petites structures. Nous
considérons ce choix justifié par la nécessité de
s'assurer de la bonne utilisation des fonds alloués. C'est cet
impératif qui justifie que soit favorisé les OSC disposant d'une
certaine capacité administrative et dont on est certains qu'elles
pourront mener à bien le projet pour lesquelles elles ont
bénéficié d'un financement. Ce faisant, l'UE pousse
indirectement les OSC locales à se professionnaliser et à
professionnaliser leurs actions124. De plus, les critères de
sélection des projets (communiqués en avance au public sous la
forme de « feuille de route » annuelle) mettent une emphase
particulière sur la pérennité des projets et la
coopération entre OSC.
Néanmoins, afin de se rapprocher au plus près
des OSC les plus petites, l'Organe de liaison de l'UE au Kosovo pratique
également les financements de projets en cascades : les fonds sont
122 Commission Staff working document Kosovo* 2016 Report-
Accompanying the document 2016 Communication on EU Elargment Policy.
123 A titre d'exemple, la Bosnie-Herzégovine pullule
littéralement d'OSC dans tous les domaines, et plus
particulièrement dans les domaines où l'État est absent
(culture, services sociaux, protection des femmes, formation à
l'entreprenariat, etc...)
124 Au cours de notre stage à l'Ambassade de France en
Bosnie-Herzégovine nous avons été chargés de la
première sélection des projets et de la communication avec les
OSC pour un appel à projet. Dans ce cadre il nous est arrivé de
devoir expliquer par mail à la présidente d'une association
comment envoyer des pièces jointes dans un mail. Certaines OSC
envoyaient des lettres sans remplir les formulaires demandés. D'autres
encore, envoyait des brochures d'une cinquantaine de pages ... au sein
desquelles le projet de l'association n'était même pas
développé.
55
attribués à une OSC de taille moyenne disposant
d'un réseau à qui elle redistribuera des fonds pour des projets
de moindre envergures, ce qui permet aux plus petites OSC de
bénéficier des fonds européens et également de
s'acculturer à la culture administrative européenne, ce qui
pourra leur permettre à terme de porter des projets de plus grande
ampleur directement auprès de l'Organe de liaison. Enfin, une OSC
acculturée au fonctionnement des aides européennes aura plus de
chances de remporter de nouveaux appels à projets. C'est la même
logique de reprise des bonnes pratiques qui gouverne la participation d'acteurs
kosovars aux programmes de l'Union (B).
B) La participation aux programmes de l'Union, vectrice
indirecte de bonnes pratiques
Dans sa thèse sur « les partenariats entre l'Union
européenne et les Etats tiers européens », Cécile
Rapoport étudie l'apport de la participation aux programmes de l'Union
des Etats tiers européens, notamment en termes de transfert normatif et
écrit que « En participant à la mise en oeuvre de certaines
politiques de l'Union, les États partenaires bénéficient
d'un certain nombre d'actions destinées initialement aux États
membres ou conduites par eux ou la Communauté en direction
d'États tiers. En fonction de la politique visée, les
États tiers européens peuvent être tour à tour,
co-acteur d'une politique aux cotés des institutions ou co-destinataires
de celle-ci aux cotés des États membres. Le clivage entre
États membres et États non membres de l'Union tend ainsi à
s'atténuer à mesure que le partenariat se renforce
»125. Cela étant dit, qu'est-ce qu'un programme de
l'Union ? Un programme de l'Union est un projet, financé
entièrement par le budget de l'Union européenne ou bien
cofinancé par les Etats membres ou d'autres partenaires, comme des Etats
tiers. Il relève des compétences du Parlement européen, du
Conseil et de la Commission européenne et sert à mettre en oeuvre
ou combler un besoin dégagé dans le cadre des politiques
européennes. En d'autres termes, si la politique européenne
formule un besoin d'action (améliorer la compétitivité
pour la croissance et pour l'emploi), le programme de l'Union sera le moyen
d'action pour achever cette ambition (Horizon 2020126). Dans le
cadre de sa politique extérieure, l'Union fait
régulièrement participer des Etats tiers à ses programmes.
C'est par exemple le cas de l'emblématique Programme Erasmus +, auxquels
participent les pays du PSA.
125 RAPOPORT C, « Les partenariats entre l'Union
européenne et les États tiers européens », Bruylant,
pp.838, 2011, Collection droit de l'union européenne - thèses
126 Garantir la compétitivité de l'Europe
à l'échelle mondiale, ainsi que de renforcer sa position dans le
domaine scientifique et son avance dans l'innovation industrielle en
investissant massivement dans les technologies essentielles, l'accès aux
capitaux et l'aide aux PME.
56
La question de la participation du Kosovo aux programmes de
l'Union s'est assez rapidement posée après la déclaration
unilatérale d'indépendance de 2008. Dans sa Communication de 2009
« Kosovo* - vers la concrétisation de la perspective
européenne »127, la Commission note que le Conseil l'a
encouragé à permettre au Kosovo de participer aux programmes de
l'Union. Le 5 décembre 2011, le Conseil a confirmé qu'il
était déterminé à parvenir à un accord sur
cette participation, sans préjudice de la position des Etats membres sur
le statut. Les négociations ont débuté en octobre 2012 et
l'accord-cadre entre l'Union européenne et le Kosovo sur la
participation du Kosovo aux programmes de l'Union, a été
signé le 8 novembre 2016128. Grâce à cet accord
le Kosovo est autorisé à participer à certains programmes
de l'UE, plus particulièrement ceux énumérés dans
l'annexe de l'accord-cadre, les programmes qui suivront à compter de la
date d'entrée en vigueur de l'accord cadre prévoyant une clause
d'ouverture permettant la participation du Kosovo. Les programmes ouverts au
Kosovo au titre de l'accord cadre sont nombreux, et couvrent un grand nombre de
secteurs : « Fiscalis 2020 », « Douane 2020 », «
Hercule III », « Justice Programme « Droits et
égalités citoyennes » », « l'Europe pour les
citoyens », « Mécanisme de protection civile », «
Solution d'interopérabilité pour les administrations publiques,
les entreprises et les particuliers en Europe », « COSME »,
« Programme pour l'emploi et l'innovation sociale », « Erasmus +
», « Europe Créative », « Horizon 2020 »,
« La santé en faveur de la croissance », « Programme
consommateur », et « Copernicus ».
Qu'apporte cette participation aux programmes de l'Union au
Kosovo ? A première vue, et au regard de l'accord-cadre qui pose que
« Le Kosovo pourra participer aux programmes de l'Union
conformément à ses engagements et à adopter et appliquer
des normes liées aux programmes concernés et en fonction des
progrès réalisés à cet égard
»129 ; cette participation est un vecteur de transfert
normatif, renforcé par la possibilité offerte aux
représentants du Kosovo invités à participer en tant
qu'observateur aux comités de gestions. Cette dimension quasi
éducative se retrouve d'ailleurs dans l'article 8 de l'accord cadre, qui
prévoit un réexamen des dispositions de l'accord-cadre avant une
période de 3 ans, puis tous les 3 ans, « en tenant compte de
l'expérience acquise dans le cadre de la participation du Kosovo
à un ou plusieurs programmes de l'Union »130.
127 Communication « Kosovo* - vers la
concrétisation de la perspective européenne » COM (2009) 534
final du 14/10/2009
128 Accord-cadre entre l'Union européenne et le Kosovo*
établissant les principes généraux de la participation du
Kosovo aux programmes de l'Union, L195/3, 27/07/2017
129Article 1 de l'accord-cadre entre l'Union
européenne et le Kosovo* établissant les principes
généraux de la participation du Kosovo aux programmes de l'Union,
L195/3, 27/07/2017
130Article 8 de l'accord-cadre entre l'Union
européenne et le Kosovo* établissant les principes
généraux de la participation du Kosovo aux programmes de l'Union,
L195/3, 27/07/2017
57
Maintenant, si l'on envisage le caractère nouveau de
l'état kosovar, au-delà d'une simple reprise des normes
européennes, on peut envisager cette participation comme vectrice de
bonnes pratiques, et surtout comme un moyen pour le nouvel Etat de renforcer sa
souveraineté interne. En effet, en participant à ces programmes,
le Kosovo est contraint de devenir un acteur dans les domaines des dits
programmes. La participation à ces programmes a un autre double avantage
: si cela lui permet d'une part d'anticiper sur la reprise de l'acquis
communautaire, cela lui permet d'autre part, ne pas avoir à totalement
innover dans la formulation et la mise en oeuvre de certaines
politiques131. De plus, cette participation aux programmes de
l'Union lui permet d'asseoir sa souveraineté externe en devant un
partenaire dans le cadre de relations internationales. Enfin, après la
signature de l'ASA UE-Kosovo, la participation aux programmes de l'Union peut
servir d'appui aux politiques de coopérations mise en place. Par
exemple, l'article 107 de l'ASA pose que « les programmes et instruments
de l'UE existant dans ce domaine contribuent à l'amélioration des
structures et activités se rapportant à l'éducation,
à la formation, à la recherche et à l'innovation au Kosovo
».
Si l'UE a été longtemps impactée dans son
action par l'ambiguïté du statut kosovar, on a vu que son
obligation d'agir l'avait poussé au pragmatisme et que sa volonté
de stabiliser le Kosovo allait même dans le sens d'un renforcement de la
souveraineté du Kosovo. Une question néanmoins demeure : dans le
cadre du PSA, le Kosovo se voit de plus en plus intégré à
l'ordre juridique de l'Union. Néanmoins, en l'absence d'un
règlement du problème statutaire, un questionnement demeure sur
la finalité de cette intégration (Partie 2).
131 En effet, dans le cas contraire, le Kosovo aurait
été contraint « d'inventer » sa conception de la dite
politique. Or cela ne va pas dans le sens de la stratégie actuelle du
Kosovo qui consiste à souvent reprendre des textes de l'Union ou
d'autres acteurs internationaux pour aller parfois jusqu'à les
transposer en l'état dans sa législation. Dusan Popovic qualifie
ce phénomène de « transfert juridique ». POPOVIC D,
« L'harmonisation du Droit privé des pays des Balkans occidentaux
avec le droit communautaire », Revue du marché commun et de l'Union
européenne, n°536, mars 2010.
58
Partie 2 : Une intégration matérielle
avancée du Kosovo mais un questionnement persistant sur la
finalité de cette intégration
En signant en ASA avec l'Union européenne, le Kosovo a
vu changer le caractère de sa relation avec son partenaire.
Au-delà de l'assistance technique et de la reprise des normes de l'UE
par soucis d'efficacité, devient un processus obligatoire dont le
non-respect est susceptible d'entrainer une détérioration de la
relation. La reprise de l'acquis devient l'outil d'une intégration
matérielle de plus en plus poussée du Kosovo au système
juridique de l'Union (Chapitre 1). Néanmoins un questionnement persiste
sur la forme que prendra cette intégration (Chapitre 2).
Chapitre 1 : Une intégration matérielle
approfondie du Kosovo à l'Union
Le commerce est pour l'Union le moyen le plus efficace de
faire pénétrer ses normes dans le système juridique de ses
partenaires. En effet, pour les opérateurs économiques
étrangers, le marché intérieur représente
d'énormes nouveaux débouchés commerciaux, et la
possibilité de faire des économies d'échelle. Dans le cas
du Kosovo, qui dispose d'un marché domestique assez limité, le
potentiel d'exportation est donc très important, à condition que
les opérateurs économiques s'alignent aux normes en vigueur sur
ce marché. Dès lors, pour les autorités du Kosovo, il est
avantageux de reprendre les normes de l'Union, afin de se conformer aux
exigences de l'ASA, mais aussi pour pouvoir profiter de toutes les
potentialités offertes par le marché unique. Ainsi, en
libéralisant son commerce avec le Kosovo, l'UE procède en fait
à une intégration du Kosovo au marché intérieur
(Section 1), qui passera notamment par une reprise de l'acquis, commercial
certes, mais aussi plus politique (Section 2).
Section 1 : la mise en place d'une intégration
du Kosovo au marché intérieur
A la sortie de la guerre, la situation économique des
Balkans occidentaux est catastrophique. Les systèmes économiques
des différents nouveaux États sont faibles, l'appareil industriel
est dépassé, les investissements étrangers se font rares
et la transition vers l'économie de marché est très lente.
L'activité économique stoppée lors des conflits souffre
également de l'inflation économique et de la mafia. L'UE est
consciente que la stabilité de la région va pour beaucoup
dépendre de l'amélioration de la vie économique dans les
Balkans occidentaux. Il faut ici rappeler que la crise économique qu'a
connu la Yougoslavie à la fin des années 1980 a eu un rôle
dans le
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