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L'union européenne et le kosovo


par Eloïse GUILLERON
Université Rennes 1 - Ecole Normale Supérieure de Rennes - Master 2 Droit de l'Union européenne, Droit de l'Organisation Mondiale du Commerce 2016
  

Disponible en mode multipage

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Structure d'accueil Suffragant :

Ambassade de France en Bosnie-Herzégovine FLAESCH-MOUGIN Catherine

Mehmed Bega Kapetanoviæa Ljubuaka 18, Professeur émérite

Sarajevo 71000 Chaire Jean Monnet

Année universitaire 2016/2017

Axe d'intégration européenne de l'IODE (Institut de l'Ouest : Droit et Europe UMR CNRS 6262)

La mise en oeuvre et le devenir d'une relation avec un acteur atypique
L'Union européenne et le Kosovo

Mémoire pour le Diplôme de Master 2

« Droit de l'Union européenne et droit de l'OMC »

Promotion « Jean RAUX »

Présenté par : Sous la direction de :

GUILLERON Eloïse RAPOPORT Cécile

Professeur

Membre junior de l'Institut Universitaire de France

1

A Gilles Guilleron

2

Remerciements

Je tiens en tout premier lieu à remercier le Professeur Cécile RAPOPORT pour toute l'aide qu'elle m'a apporté, tant sur le plan humain qu'universitaire. Je recommande très chaudement sa thèse de doctorat à toute personne intéressée par les relations de l'Union européenne avec les Etats tiers. Le travail de systématisation qu'elle y a effectué a révolutionné ma conception des accords de l'UE et a eu un impact déterminant sur ce mémoire de Master. Je tiens également à la remercier pour sa -très- grande patience, pour ses précieux conseils et pour l'intérêt qu'elle n'a jamais cessé de porter à mon travail.

Je souhaiterais ensuite remercier le Professeur Catherine FLAESH-MOUGIN, qui a accepté d'être ma suffragante et par là même, de s'intéresser à mon mémoire.

Au titre des membres et personnels du CEDRE je remercierais également Marie-Claude CORNEE, documentaliste inestimable et gardienne du savoir de la Bibliothèque du 4ème étage ; Laure JUILLARD sa désormais fidèle bras-droit et Pasquale BREGER et Eléonora SPINOSA toujours disponibles et aidantes.

Mes remerciements iront aussi au personnel de l'Ambassade de France à Sarajevo, où j'ai passé 5 merveilleux mois qui m'ont appris comme 10 ans et qui m'ont ouvert les portes d'un univers passionnant dont je ne faisais que soupçonner l'existence. A vous, hvala puno dragi prijatelji !

Au plan plus personnel, je souhaiterais remercier mon père et ma mère qui n'ont jamais cessé de me soutenir depuis le début et qui m'ont appris à être aussi tenace qu'une adventice ; mon compagnon, qui a été mes yeux lorsque je ne pouvais plus lire ; et aussi les amis fantastiques avec qui j'ai arpenté les rues de Rennes, de Bruxelles et de Sarajevo et débattu jusqu'à parfois tard dans la nuit : Benjamin, Madialène, Mathilde, Camille, Rémi, Jeanne, Simon le plus balkanique des bretons, Lara, Dejan, Léa & Léa toutes deux reines de la plume, Adèle et Ruzica.

A vous tous, merci beaucoup.

3

Principaux sigles et abréviations

AER

Agence européenne pour la reconstruction

ARYM

Ancienne République Yougoslave de Macédoine

ASA

Accord de stabilisation et d'association

CIJ

Cour Internationale de Justice

CSNU

Conseil de Sécurité des Nations Unies

DUI

Déclaration unilatérale d'indépendance

ELSJ

Espace de liberté de sécurité et de justice

HCR

Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés

IAP

Instrument de pré-adhésion

KFOR

Force pour le Kosovo

MINUK

Mission intérimaire des Nations Unies au Kosovo

NU

Nations Unies

OMC

Organisation Mondiale du Commerce

ONU

Organisation des Nations Unies

OSCE

Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe

OTAN

Organisation du Traité de l'Atlantique Nord

PESC

Politique étrangère et de sécurité commune

PSA

Processus de stabilisation et d'association

RFY

République fédérale de Yougoslavie

TFUE

Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne

TUE

Traité sur l'Union européenne

UE

Union européenne

4

Sommaire

INTRODUCTION

Partie I - Les spécificités du Kosovo et leurs implications sur la relation UE-Kosovo Chapitre 1 - L'UE confrontée à la nature juridique ambigüe du Kosovo

Section 1 - Une nature juridique internationale incertaine nuisant à l'émergence d'une position européenne.

Section 2 - Le dépassement pragmatique de la question statutaire

Chapitre 2 - Une action stabilisatrice de l'UE renforçant incidemment la nature étatique du Kosovo

Section 1 - L'UE, actrice de la normalisation des relations Serbie-Kosovo

Section 2 - L'UE promotrice d'un state building de dimension inédite auprès du Kosovo

Partie II - Une intégration matérielle avancée du Kosovo mais un questionnement persistant sur la finalité de cette intégration

Chapitre 1- Une intégration matérielle approfondie du Kosovo à l'Union

Section 1 - La mise en place d'une intégration du Kosovo au Marché intérieur Section 2- La reprise de l'acquis pertinent de l'Union

Chapitre 2 - Quelle formalisation institutionnelle durable pour les relations UE-Ko-

sovo ?

Section 1 - Une adhésion éventuelle du Kosovo conditionnée par une mutation des deux acteurs

Section 2 - L'inclusion du Kosovo dans un potentiel partenariat bizonal UE-Bal-kans occidentaux

5

Section 3 - La persistance d'un statut ad hoc pour l'Etat kosovar

BIBLIOGRAPHIE

TABLE DES MATIERES

6

Summary

INTRODUCTION

Part I - Kosovo's specificities and their consequences on EU-Kosovo's relationship Chapter 1 - EU and Kosovo's ambiguous legal status

Section 1 - The advent of an european position compromised by an uncertain international legal status

Section 2 - An pragmatic overtaking of the legal status issue

Chapitre 2 - An EU's stabilizing action of the EU strengthening Kosovo's state status

Section 1 - The EU, actress of the normalisation of Serbia and Kosovo's relationship.

Section 2 - The EU constructor of an ambitiously inedit state building in Kosovo

Partie II - An ambitious material integration of Kosovo but an persistant insecurity about the final purpose of this integration

Chapitre 1- A deep material integration of Kosovo in the EU

Section 1 - The etablishment of Kosovo's integration in Common Market Section 2- The adoption of the pertinent acquis communautaire

Chapitre 2 - The question of the institutional formalization of EU-Kosovo's rela-tioships

Section 1 - A possible EU membership for Kosovo conditioned by a tranforma-tion of both EU and Kosovo

Section 2 - The inclusion of Kosovo in a potential bizonal partnership between EU and Western Balkans

Section 3 - The persistance of an ad hoc status for the Kosovo

BIBLIOGRAPHY

7

TABLE OF CONTENTS

8

Introduction

« With these people here twice two never makes four. And worst of it is that nobody could tell you what it does make, considering that it nevers make four »

Ivo Andriæ, « The Climbers »

Le 4 mai 1980 Josip Broz Tito, plus connu sous le nom de « Maréchal Tito », meurt dans ce qui est aujourd'hui la Slovénie. Il a fondé la Yougoslavie en 1945, union de 6 Républiques et de 2 provinces autonomes, qu'il gouverne d'une main de fer durant près de 40 ans. Homme politique majeur de son temps, on lui doit également la genèse du « mouvement des non-alignés » qui va profondément changer le visage de la Communauté internationale. La Fédération qu'il a fondée constitue une force politique incontournable de la deuxième moitié du XXème siècle, indépendante des blocs soviétiques et occidentaux, avec qui elle est pourtant parvenu à conserver de bonnes relations1. A ce titre, et à titre d'exemple, ce sont les yougoslaves qui pendant la Guerre Froide jouissent de la meilleure liberté de circulation, pouvant voyager en URSS comme au sein de la Communauté européenne. La Yougoslavie et la Communauté ont d'ailleurs conclu un accord de coopération en 19802, qui se voulait être un accord préparatoire à une future association, ce qui on le rappelle, constituait à l'époque la marque d'une relation très privilégiée, la plus poussée jamais entretenue avec un pays socialiste3.

Fragilisée par la perte de son leader, la Yougoslavie doit faire face à une très importante crise économique puis subit les remous causés par l'effondrement de l'URSS en 1991. Les instabilités

1 Deux accords commerciaux CEE-Yougoslavie ont été signés en 1970 et 1973.

2 Voir « Accord de coopération entre la Communauté économique européenne et la République socialiste fédérative de Yougoslavie », JO L 41 du 14.2.1983, p. 2-27

3 La Yougoslavie et l'Albanie ont été inclus en 1991 au sein du programme d'Assistance PHARE de la Communauté européenne. Le programme a été suspendu en novembre 1991 pour la RFY du fait de la guerre.

9

se multiplient dans les différentes républiques, où les velléités nationalistes se nourrissent de la profonde crise du parti communiste.

C'est dans ce contexte que les différentes républiques yougoslaves tentent de se détacher de la République fédérale et proclament leur indépendance. La Slovénie et la Croatie, d'abord en 1991, qui sont rapidement reconnues par la Communauté internationale4. Les autres républiques tentent de les imiter en essayant de se constituer elles aussi en États-nations. Or, dans la pratique, ce concept n'est pas applicable dans les territoires balkaniques5. En effet, depuis 229 av. JC et la conquête des royaumes illyriens par les romains, les mouvements de frontières et de populations ont été incessants. Dans ce contexte, le tracé des frontières proclamées des différentes républiques yougoslaves ne correspond pas à la répartition de la population sur ces territoires, marqués depuis longtemps par une forte multiethnicité. L'idéologie nationaliste entraîne alors une escalade de violence et de purifications ethnique dans toute la Yougoslavie.

C'est dans ce climat de guerre, que la relation entre la Communauté européenne et les anciennes Républiques yougoslaves connait une première mutation. La Yougoslavie était alors incluse dans le cadre de la politique à destination des pays d'Europe centrale et orientale6, et depuis le sommet de l'Arche des 14 et 15 juillet 1989 pouvait prétendre au programme PHARE, destiné à soutenir les pays communistes dans leur transition vers l'économie de marché. Avec le début de la guerre, la Yougoslavie se détache de ce bloc, et pour la Communauté, à la volonté d'un approfondissement des relations se substitue celle d'une stabilisation de la zone. D'abord impuissante face aux conflits, la Communauté, puis l'Union européenne va s'investir de plus en plus au sein des Balkans occidentaux (Section I). Cette implication ira croissante et lorsque la

4 C'est à cette occasion que se manifeste les premiers désaccords entre les pays de la Communauté européenne concernant le futur des pays yougoslaves. Ainsi, si la Croatie et la Slovénie ont été reconnu le 19 décembre 1991 par l'Allemagne, la Suède sans concertation avec les autres pays européens, d'autres pays comme la France, l'Italie et le Royaume-Uni n'était au départ pas enclin à la reconnaissance de ces États. Ce désaccord était plus profond que la seule question de la reconnaissance ou non de nouveaux États, car il concernait la façon dont les États européens voyait le futur de la Yougoslavie, et où aucune position commune n'avait été trouvé. Ainsi, si la diplomatie allemande mettait en exergue le droit des peuples à disposer d'eux même, la France souhaitait quant à elle une prise en compte des minorités serbes présentes dans l'ensemble du territoire yougoslave et la définition non hâtive de frontières intérieures, qui seraient amené par la suite à devenir les frontières internationales des nouveaux États.

5 Pour rappel, il est communément admis en Droit international que pour qu'un État vienne au monde, il faut une

population, établie sur un territoire déterminé, soumis à l'autorité effective d'un gouvernement, doté de la souveraineté et de la personnalité juridique

6 Les PECO rassemblaient dans les années 90 une multitude de pays avec lesquels la Communauté européenne envisage des relations après l'effondrement du bloc communiste. Les actuels pays de Croatie, Estonie, Lettonie, Lituanie, Hongrie, Pologne, République Tchèque, Roumanie, Slovaquie, Slovénie, Albanie, Bosnie-Herzégovine, Macédoine, Monténégro, Serbie, Kosovo, Biélorussie, Ukraine, Moldavie et Russie étaient inclus dans cette approche.

10

guerre éclate au Kosovo en 1999 l'Union s'impose comme une actrice de plus en plus efficace et visible, notamment dans tout le processus de reconstruction (Section 2).

Section 1 : Un investissement croissant de l'Union européenne dans les Balkans Occidentaux

Marquée par la première guerre sur le continent européen depuis 1945, l'Union européenne cherche à ramener la stabilité dans les Balkans occidentaux. Après avoir tenté une première approche qui se conclut par un échec, car trop peu incitative (I), l'Union lance le Processus de stabilisation et d'association (PSA) qui offre aux pays balkaniques une vraie perspective européenne, concrétisée par l'adhésion de la Croatie à l'Union en 2013 (II).

I) L'échec des anciens cadres relationnels dans un contexte de guerre

Au début des années 90 la politique européenne dans les Balkans est caractérisée par une multiplication d'approches au cas par cas, face à l'enjeu global de la désintégration de la Yougoslavie et des multiples crises apparaissant en Slovénie, Croatie, Bosnie-Herzégovine et Kosovo.

Après la signature des Accords de Dayton en décembre 1995 par la RFY, la Bosnie-Herzégovine et la Croatie, sous l'égide des États-Unis, l'Union européenne prend acte de l'inefficacité de son action depuis le début de la guerre, du fait de la faible coordination de ses États membres et du manque d'instruments adéquats. En réaction, l'UE décide de rénover une première fois son cadre relationnel avec les pays ex-yougoslaves. Son ambition est de fournir une assistance coordonnée à l'ensemble des pays de la Yougoslavie disloquée par l'établissement d'une approche régionale et la mise en place d'instruments visant à consolider la stabilité de la région. Cette nouvelle approche est définie dans les Conclusions du Conseil Affaires Générales du 29 avril 19977 et propose l'établissement de nouveaux moyens d'assistance ainsi que la conclusion d'accords bilatéraux de coopération pour la Bosnie-Herzégovine, l'Albanie, la Macédoine, la Croatie et la RFY. Cette approche reposait sur deux étapes : dans un premier temps l'UE demandait aux États concernés de se mettre en conformité avec des conditions politiques et économiques préétablies,

7 Conclusions du Conseil sur le principe de conditionnalité régissant le développement des relations de l'Union européenne avec certains pays d'Europe du Sud-Est du 29/04/1997, Bulletin de l'Union européenne 4-1997, point 1.4.67

11

et une fois ces conditions remplies, l'UE proposait l'octroi unilatéral de diverses aides ainsi que l'établissement d'une nouvelle forme de relations contractuelles.

Or à peine deux ans après son lancement, ce modèle montrait déjà ses limites à la fois trop contraignant et trop peu incitatif. A titre d'exemple, le seuil conditionnant l'établissement d'une relation « minimale » avait de très nombreuses ramifications, très détaillés, relatives au respect des principes démocratiques, des Droits de l'Homme, de l'État de Droit, du respect et de la protection des minorités, au passage à une économie de marché et l'introduction d'une exigence de coopération régionale dans les potentiels accords. A ces conditions générales, s'appliquant à chaque pays, s'ajoutait une conditionnalité spéciale pour chacun d'entre eux en fonction de leurs problématiques internes particulières. L'idée originelle était que les relations entre l'Union européenne et ses partenaires s'approfondiraient au rythme des progrès réalisés par ceux-ci. En pratique, la conditionnalité trop stricte de cette approche a tenu à l'écart les pays les plus en difficulté8, contribuant un peu plus au morcellement de la région, au lieu de les soutenir et de les inciter au développement économique et à la démocratisation. De plus, les relations prévues à titre de récompenses n'étaient pas assez ambitieuses pour constituer de réelles motivations : les aides promises n'étaient en fait que le renouvellement de préférences commerciales autonomes ainsi que les aides classiques de l'Union au travers des instruments OBNOVA, PHARE, etc. Plus préoccupant encore, le modèle de relations proposé aux États ex-yougoslaves témoignait d'un recul qualitatif de leur relation par rapport à leur ancien cadre relationnel. Aux pays des Balkans, l'UE ne proposait que des accords de coopération, préférentiel certes, mais bien en deçà des accords d'associations conclus à l'époque avec les pays d'Europe centrale. A cet égard, les pays des Balkans eux même se sont montrés assez critiques vis à vis de cette nouvelle approche, et plus particulièrement la Croatie, qui a cherché à se démarquer des autres pays de la région en revendiquant d'être un État centre-européen et non pas balkanique.

En 1999, l'Union européenne a fait le constat de l'inefficacité de la « Nouvelle Approche ». Les rapports de progrès de la Commission montrent en effet une stagnation des pays des Balkans, et la nouvelle flambée de violence au Kosovo en 1999 démontre que la perspective d'être des partenaires privilégiés de l'Union européenne n'est pas suffisante pour garantir la stabilité dans la région. Faisant le constat de l'échec de sa nouvelle approche, l'Union européenne crée un nouveau

8 Par exemple, l'assistance prévue au titre du Programme PHARE était subordonnée au respect des accords de paix, à la coopération avec le TPY

12

modèle relationnel pour la région, dont le maître mot sera désormais la sauvegarde de la stabilité (II).

II) Le processus de stabilisation et d'association : un succès avec l'adhésion comme

horizon

La réponse de l'Union européenne aux difficultés des Balkans occidentaux est une réponse en deux temps, mais dont le maître mot est la stabilité : D'une part, elle initie le Pacte de Stabilité pour l'Europe du Sud Est, défini à Cologne le 10 juin 19999, qui réunit un grand nombre d'acteurs internationaux10 en vue d'assurer une stabilisation de la région balkanique. L'ambition est d'éviter un empilement des instruments qui nuirait à l'efficacité de chacun d'entre eux. Le Pacte de stabilité pour l'Europe du Sud Est est envisagé comme une zone de contact où les pays des Balkans11 (à l'exception de la RFY) peuvent échanger avec des acteurs internationaux variés comme l'UE, l'OTAN, l'OSCE, le FMI, la Banque Mondiale, les pays donateurs et un grand nombre d'ONG.

D'autre part, l'Union européenne décide d'approfondir son approche régionale, via le lancement du Processus de Stabilisation et d'Association12. Il s'agit d'une approche rénovée qui innove, non pas tant en modifiant le contenu des relations entre l'Union européenne et les pays d'ex-Yougoslavie (les conditions applicables au développement et à l'approfondissement des relations restant sensiblement les mêmes, ainsi que les pays concernés par cette approche), mais par son cadre général et en ce qu'elle a à offrir. La nature même de la relation a changée, substituant à un Accord de Coopération la signature d'un Accord de Stabilisation et d'Association (ASA), avec une perspective d'adhésion à la clé. Bien plus ambitieux que les anciens accords de coopération, les ASA sont des accords complets qui en plus de soutenir la consolidation démocratique et l'État de Droit, oeuvrent au rapprochement des partenaires dans la perspective d'une adhésion future à l'Union européenne13.

9 Le même jour que la fin de la guerre au Kosovo

10 Notamment 38 ministres des Affaires Etrangères de 38 pays et 15 représentants d'Organisations internationales.

11 Sont signataires les pays de l'UE, l'Albanie, la Bosnie-Herzégovine, la Croatie, l'ARYM, la Hongrie, la Slovénie, la Roumanie, la Bulgarie, les États-Unis, le Canada, le Japon, la Turquie, etc.

12 Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen sur le processus de stabilisation et d'association en faveur des pays de l'Europe du Sud-Est, COM(1999)235 final du 26/05/1999.

13 A ce titre, on peut s'attarder sur le nom retenu pour ce nouveau type d'accord « Accord de Stabilisation et d'Association », qui n'est pas anodin en ce qu'il revèle la grande place accordée à la stabilisation de la zone dans l'établissement de ce nouveau modèle relationnel. (la stabilisation est ainsi placée dans l'intitulé des accords, mais aussi elle y occupe la première place, devant « l'association »).

13

La nouvelle dégradation de la situation dans les Balkans occidentaux à la fin des années 90, les crises irrésolues et l'instabilité politique de ces États sont la raison de la création d'un cadre de relation qui est à la fois très ambitieux mais aussi très protecteur avec un fort monitoring de l'Union Européenne, qui indique à la fois les réformes à effectuer, mais aussi un modèle vers lequel ces pays doivent tendre14. Pour mettre en oeuvre cet objectif, un nouvel instrument est attaché au PSA : l'IAP, ou « instrument de pré-adhésion » qui constitue de part son intitulé un rappel instrumental de la perspective européenne des Balkans occidentaux. Il obéit à un principe de programmation, annuelle et pluriannuelle, avec des objectifs à implémenter auxquels sont injectés des fonds.

L'idée du PSA est également que la stabilité des Balkans occidentaux dépend très fortement de l'établissement de coopérations étroites entre les pays, dans le respect de l'intégrité territoriale de chacun. C'est pour cela que dans ses relations avec la région, l'UE privilégie les instruments régionaux aux instruments bilatéraux et encourage très fortement les coopérations horizontales entre les pays des Balkans occidentaux15.

A ce jour, le processus de stabilisation et d'association est un succès. Certes, seule la Croatie a pour le moment adhéré à l'Union européenne16, mais les progrès réalisés par les autres pays des Balkans occidentaux sont non négligeables et le PSA a le mérite de garder unifié ces différents Etats dans la recherche d'un même objectif, alors que des forces internes et externes cherchent à y imprimer une forte force centrifuge. D'un point de vue interne d'une part, où les revendications nationalistes de certains politiciens s'opposent à la bonne marche des pays pour des raisons d'opportunismes, mais aussi à l'externe, alors que la Russie, la Turquie et l'Arabie Saoudite cherchent à gagner ou à regagner leur ancienne influence dans la région en entretenant des liens étroits avec une communauté de prédilection et en excluant les autres17. Un exemple récent de cette réussite est que la perspective européenne a été suffisante pour convaincre le Monténégro à rejoindre l'OTAN le 5 juin 2017, malgré l'ire de Moscou, alors même que les touristes russes constituent la principale manne économique du pays et que le Kremlin opère désormais des pressions sur ses agences de voyages pour dérouter leurs ressortissants vers une autre

14 Source : Compte-rendu mensuel des négociations relatives à la réforme du système judiciaire bosnien-herzégovinien, 12 juin 2017, Délégation de l'Union européenne en Bosnie-Herzégovine, auquel l'auteur du présent mémoire représentait l'Ambassade de France en Bosnie-Herzégovine.

15 Pus qu'un encouragement ou une incitation, cette coopération devient une obligation dans le cadre de l'ASA UE-Kosovo.

16 Le 1er juillet 2013

17 Ce qui tendrait à renforcer les foyers d'instabilités dans une région qui depuis l'adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie se trouve désormais au coeur du territoire européen.

14

destination18. Autre exemple, la récente réélection de Aleksandar Vuèiæ à la tête de la Serbie. Cet ancien ultranationaliste « converti » aux idées européennes a notamment choisi comme premier ministre une femme, Ana Brnabiæ ouvertement homosexuelle, une première dans le pays, mais aussi dans les Balkans. De plus, le Président serbe semble désormais ouvert à un dialogue sur les « futures relations entre la Serbie et le Kosovo », chose impensable il y a encore 2 ans19, preuve s'il en est de l'efficacité grandissante de l'UE dans la gestion du problème kosovar (Section II).

Section 2 : une visibilité et une efficacité croissante de l'Union européenne au Kosovo

Slobodan Milosevic devient président de la République de Serbie au sein de la République fédérale de Yougoslavie en mai 1989. Promouvant un nationalisme agressif il met rapidement « le problème kosovar » au coeur de sa politique. Le 28 juin 1989, à l'occasion d'un discours pour le 600éme anniversaire de la Bataille dite du Champ des Merles20, il procède à une réécriture historique, début d'une campagne de propagande à destination de l'ensemble de la Yougoslavie proclamant la supériorité d'un nationalisme serbe, passant notamment par la volonté d'une réunification des serbes au sein d'une Grande Serbie. Coeur historique de la Serbie, la province du Kosovo devient un enjeu sensible, d'autant que Milosevic affirme que les serbes du Kosovo feraient l'objet de maltraitances de la part des albanais du Kosovo. Le 28 mars 1989, Milosevic décrète la perte d'autonomie des provinces de la Voïvodine et du Kosovo. A l'image des autres pays de la fédération yougoslave, le Kosovo cherche à se détacher de la République de Yougoslavie par l'organisation d'un référendum clandestin en septembre 1991, à l'issu duquel l'indépendance du Kosovo est proclamée, mais non suivie d'effet sur le plan international. Dans les mois qui suivent interviennent les premiers affrontements armés, qui débouchent sur une invasion du Kosovo par la RFY en 1996. Si dans un premier temps, l'Union européenne va jouer un rôle politique modeste pendant la guerre du Kosovo (I), elle va se révéler être une actrice fondamentale et irremplaçable dans la reconstruction de cette province indépendantiste de la Serbie (II).

18 https://www.letemps.ch/index.php/monde/2017/05/19/moscou-utilise-touristes-russes-arme-retorsion

19 « Is the power of the Kosovo myth fading ? », Bosnia Daily, june 30, 2017

20 Bataille opposant en 1389 des princes chrétiens des Balkans à l'Empire ottoman. Elle débouche sur une victoire

ottomane qui va par la suite occuper le territoire de l'actuel Kosovo.

15

I) Un rôle politique modeste de l'UE pendant la guerre au Kosovo

La Communauté européenne entend parler pour la première fois du Kosovo en 1989, alors que le gouvernement yougoslave proclame l'état de siège de cette province indépendante et qu'une procédure de révision constitutionnelle est entamée, ayant pour conséquence un amoindrissement substantiel de l'autonomie de la province kosovare. La suppression formelle du statut d'autonomie institué en 1974 est consacrée en avril 1992 par l'adoption d'une nouvelle Constitution pour la République fédérale de Yougoslavie, n'évoquant plus l'existence de provinces autonomes. Par la suite, les observateurs européens assistent à un durcissement progressif de la politique de Belgrade à l'égard des populations d'origine albanaise, allant de licenciements massifs à une répression brutale de tout mouvement de contestations. Après une longue période de résistance pacifique, l'année 1997 est marquée par la naissance de « L'armée de libération du Kosovo » (ALK ou UCK). Les premiers mois de l'année 1998 sont témoins des débuts d'une guerre civile meur-trière21.

Les institutions internationales ne sont pas restées sans se prononcer sur la question, et au fil des recommandations du Parlement européen, on voir grandir l'inquiétude et l'impuissance de l'Union à arrêter ce conflit à ses portes22. Au vu de la gravité des combats, plusieurs tentatives de règlements diplomatiques par les institutions internationales ont lieues. L'Union européenne est alors l'acteur qui avait été pressentie au début de la guerre en Yougoslavie pour être l'acteur légitime de résolution et de pacification du conflit, du fait de sa proximité géographique, d'une expérience historique et de relations de longue date avec la Yougoslavie mais qui avait dû attendre 1995 pour que la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) apparaisse avec le Traité d'Amsterdam et lui permette d'agir. Dès lors, après l'impuissance ressentie lors du conflit en

21 Guerre au Kosovo : 5 mars 1998- 11 juin 1999.

22 Le Kosovo apparait comme une province troublée depuis le début des années 1990. Des 1989 le Parlement européen s'alarme des troubles persistants entre serbes et albanais et demande la constitution d'une commission d'enquête. La déclaration d'indépendance du 2 juillet 1990 et les violations des droits de l'Homme par les serbes sont constatées par le Parlement européen dans une résolution sur les droits de l'Homme au Kosovo du Parlement européen du 12 juillet 1990, 31 et dans une résolution sur les droits de l'Homme au Kosovo du Parlement du 11 octobre 1990. Le Parlement constate également lorsque les tensions se sont muées en crises (avec toujours une absence d'intervention de la Communauté européenne) dans une résolution sur la crise du Kosovo du 29/02/1996. Le Parlement européen demande alors une intervention du Conseil de l'UE pour user de pression auprès du Président Milosevic (Recommandation du Parlement européenne sur la nécessité de régler rapidement le litige relatif à l'avenir du Kosovo du 29/02/1996).

16

Bosnie-Herzégovine, l'Union s'implique au Kosovo, même si elle privilégie dans un premier temps une diplomatie préventive.

A la suite des pressions de l'OTAN23 et du Conseil de Sécurité des Nations Unies (CSNU) un cessez le feu est obtenu le 15 novembre 1998. A la reprise du conflit au bout de quelques semaines, les conférences de Paris et Rambouillet débouchent sur une impasse, le gouvernement de Milose-vic refusant d'accepter le plan de paix préparé par les Occidentaux. Du 24 mars au 12 juin 1999, les États membres de l'OTAN lancent des opérations militaires contre la Yougoslavie. L'OTAN est alors la plus grande armée du monde et rassemblent 19 pays sous commandement américain. Entre-temps, on dénombre des centaines de milliers de personnes d'origine albanaise déportées par les autorités yougoslaves, des milliers de victimes d'assassinats ou d'exactions et des dégâts matériels, environnementaux et humains causés par les bombardements estimés à plusieurs milliards de dollars. A partir du 12 juin 1999, jour de fin de la guerre, l'administration de la province du Kosovo est confiée à l'ONU.

Malgré l'existence de l'outil PESC, pendant la guerre au Kosovo de 1998 à 1999, c'est donc une nouvelle fois l'OTAN qui prend l'initiative d'une intervention pour recourir à la force armée après l'échec des négociations de Rambouillet (et donc des tentatives de règlement diplomatique du différend) en mars 1999. L'UE s'implique donc dans les combats au Kosovo, mais par le prisme de ses Etats membres qui fournissent du contingent, placé sous commandement de l'OTAN. Néanmoins, avant même la fin du conflit, l'UE est très impliquée dans l'aide apportée aux populations déplacées. Ainsi, une des actions européennes remarquables pendant la guerre au Kosovo concerne la protection des réfugiés kosovars en exil dans les pays voisins. Le 6 avril 1999, on dénombrait 280 000 réfugiés kosovars en Albanie, 136 000 en ARYM, 60 700 au Monténégro et 260 000 déplacés à l'intérieur du Kosovo. Le 8 avril 1999, le Conseil Affaires générales se dit très préoccupé par le sort des réfugiés et décide d'aider l'État albanais, monténégrins et macédoniens. La Commission européenne propose alors l'octroi d'aides non remboursables jusqu'à concurrence de 100 millions d'Euros aux gouvernements des pays concernés pour couvrir les coûts liés à la présence des déplacés24. De plus, l'UE s'est projetée très tôt dans l'après-guerre en aidant à la prise en charge des personnes déplacées (et donc a cherché à éviter de nouveaux troubles dans les

23 Organisation du Traité de l'Atlantique Nord. Crée par le Traité de l'Atlantique Nord en 1949, l'OTAN est une alliance militaire. Elle compte aujourd'hui 28 pays, dont 22 membres de l'UE.

24 La proposition a été suivie d'effet en avril 1999.

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Balkans occidentaux) et a après les combats, endossé un rôle de premier plan dans la reconstruction du Kosovo. (II)

I) L'UE, actrice de premier plan dans la reconstruction du Kosovo

En juin 1999 la Résolution 1244 du Conseil de Sécurité des Nations Unies recommande d'autori-ser le déploiement d'une force de sécurité en vue de garantir une non reprise des hostilités entre les belligérants et de permettre le retour des réfugiés. La Résolution demande également au Secrétaire Général des Nations Unies de permettre l'établissement d'une force civile internationale au Kosovo. La Mission d'administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo (MINUK), est rapidement déployée par la suite et a pour objectif d'assurer une administration intérimaire dans le cadre de laquelle la population du Kosovo aura la possibilité de disposer d'une autonomie et d'une auto administration substantielle. Le mandat de la MINUK et sa complexité organique sont sans précédent. En effet, la MINUK est structurée en plusieurs composantes gérée par divers acteurs internationaux en coopération. Dans le cadre de cette architecture, les thématiques liées à la reconstruction du Kosovo sont confiées à l'Union européenne, sous le titre de « Reconstruction et développement économique ». Ainsi, bien qu'ayant eu un rôle politique modeste durant la guerre au Kosovo, l'Union européenne s'est rapidement imposé comme l'acteur de premier plan dans la reconstruction du Kosovo et son engagement est allée croissant.

D'une part, et en dehors du strict cadre de la reconstruction, il faut noter que l'Union participe aux opérations de la « Kosovo Force » (KFOR), déployée par l'OTAN après le cessez-le-feu et qui a pour objectif de s'assurer du retrait des forces serbes du Kosovo, de déployer une « présence internationale civile et de sécurité » et surtout, l'établissement d'une administration intérimaire au Kosovo sous la surveillance des Nations Unies (MINUK) . Au sein de la KFOR, le contingent européen représente ainsi 2/3 de l'effectif total de la force.

Cet engagement fort de l'UE au Kosovo, avec la recherche d'une pérennisation d'une présence européenne peut se constater en mai 1999, lorsque Romano Prodi, alors Président de la Commission européenne constate qu'il est indispensable de commencer immédiatement à élaborer une stratégie d'après-guerre pour les Balkans. Cet volonté se concrétise lors du Conseil européen de Cologne des 3 et 4 juin 1999 qui confirme la volonté de l'UE de jouer un rôle de premier plan dans la reconstruction du Kosovo et de permettre le retour des réfugiés. En effet, à la fin de la guerre au Kosovo, l'UE s'est vue charger par la Communauté internationale de la reconstruction

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de la province du Kosovo25. Concrètement, l'Agence européenne pour la reconstruction26 (AER) a pris le relai d'une task force de la Commission européenne, qui depuis 1999 qui assurait les premières missions de reconstruction. C'est ainsi qu'immédiatement après la fin du conflit, la Commission européenne a délivré au Kosovo une aide humanitaire d'urgence de 378 millions d'euros. De plus, l'Union européenne s'engage auprès des institutions de gouvernement provisoire kosovar en apportant une contribution financière exceptionnelle de 65 millions d'euros au budget consolidé du Kosovo .

L'AER a donc pour but de fournir à l'UE le moyen d'être la plus efficace possible dans son assistance au Kosovo. Elle met ainsi en oeuvre des programmes de reconstruction et de retour des réfugiés, recueille, analyse et communique à la Commission européenne les informations intéressant à la reconstruction du Kosovo, le rapatriement des réfugiés, les besoins urgents des communautés concernés, les secteurs prioritaires qui requièrent l'aide urgente de la Communauté internationale. Cela se fait notamment par la mise sur pied de projets et programmes orientés vers la reconstruction du Kosovo et le rapatriement des réfugiés. Les projets sont ensuite soumis à la Commission européenne pour adoption. L'UE agit tant pour la reconstruction des Balkans, et notamment pour celle du Kosovo, que certains observateurs comparent son action sur place à celle d'une Agence pour le développement27.

Après la guerre, l'investissement de l'UE au Kosovo continue de croître. Elle assure ainsi une part substantielle de la contribution aux dépenses de la MINUK28. Cela va de pair avec le retrait progressif des États-Unis dans les Balkans après les attentats du 11 septembre 2001, leurs troupes étant engagées sur les fronts d'Irak et d'Afghanistan.

25 Les affaires humanitaires sont de leurs côtés, laissés au Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR) et l'administration civile intérimaire à l'ONU, et à la création d'institutions à l'Organisation pour la sécurité et la Coopération en Europe (OSCE).

26 Création d'une agence européenne pour la reconstruction du Kosovo dans le cadre de l'aide communautaire. Règlement du 15/11/1999.

27 FAGAN A, : « From the perspective of the Western Balkans in 2009, the EU looks and acts like a multilateral development agency : it fund road-building, railways and hospitals ; it trains police officers, civil servants and doctors

; supports community developement, NGOs and subsitutes for the absence of state and market provision in the realms of welfare and education » in », Europe's Balkan Dilemma: Paths to Civil Society or State-Building?, Library of European Studies, 2010

28 Communication « Un avenir européen pour le Kosovo », COM(2005) 156 final, 20/04/2005

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Enfin, l'Union européenne s'est engagée auprès des administrations provisoires d'auto administration du Kosovo en leur fournissant, en plus d'une aide financière une expertise et une aide technique. Ainsi, la Commission européenne a fourni de l'aide visant à « appuyer la préparation par le gouvernement d'un plan de développement approfondi du Kosovo et l'établissement d'un cadre budgétaire viable » afin d'aider les autorités kosovares à établir une programmation budgétaire, en partenariat avec le FMI et la Banque Mondiale. La Commission a également aidé le Kosovo à libéraliser son secteur économique, notamment car le Kosovo s'est « engagé à respecter les principes de la Chartre européenne des petites entreprises » en matière d'établissement de relations commerciales, d'environnement, d'Energie, etc..

A la fois actrice et architecte de la reconstruction du Kosovo, l'UE ne l'a jamais quitté. Son monitoring et son expertise ont été cruciaux pour le développement de l'État kosovar, qui bénéficie de la perspective européenne, au même titre que les autres États des Balkans occidentaux29.

Néanmoins, la déclaration unilatérale d'indépendance (DUI) de février 2008 a créé une scission dans l'unité européenne, entre les États membres reconnaissant le Kosovo et les États membres ne le reconnaissant pas. Dès lors, l'UE s'est retrouvée dans l'incapacité de parler d'une seule voix afin de se prononcer sur la souveraineté de l'État kosovar et d'entretenir, a priori, avec le Kosovo les mêmes liens qu'avec les autres pays des Balkans Occidentaux. Dans ce contexte, à la fois marqué par l'atypicité de l'acteur kosovar et par la nécessité pour l'UE de rester fortement impliquée dans ce nouvel État qu'elle a aidé à construire, on peut s'interroger sur le contenu de la relation entre ces deux acteurs. En d'autres termes, quelles relations entretiennent l'UE et le Kosovo et comment celles-ci sont t'elles impactées par le problème statutaire kosovar ? On verra que les spécificités du Kosovo et l'engagement de l'UE dans le pays ont des conséquences très concrètes sur la relation UE-Kosovo (Partie 1). Cette relation ambitieuse entraine le Kosovo vers une intégration matérielle au sein de l'Union européenne. Néanmoins, la question de la finalité réelle de ce processus demeure ouverte (Partie 2).

29 Depuis l'engagement pris au Conseil européen de Thessalonique des 19 & 20 juin 2003

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Partie 1 : Les spécificités du Kosovo et leurs implications sur la relation UE-Kosovo

Le Kosovo est un état atypique. Indépendant depuis moins de 10 ans, il n'est pas reconnu par 35 Etats de la planète dont la Chine et la Russie et n'est pas membre d'organisations internationales comme l'ONU ou l'OMC. D'une superficie d'environ 10 887 km2 30 pour 1 million 820 000 habitants, il suscite les passions et place l'Union européenne dans une situation sans précédent : à la suite de la DUI de 2008, 5 Etats membres de l'Union ont choisi de ne pas reconnaitre l'ancienne province serbe. Cette configuration inédite, due aux spécificités de l'Etat kosovar a de nombreuses implications sur la relation UE-Kosovo. On constate ainsi que si l'Union doit au quotidien composer avec la nature juridique ambigüe du Kosovo (Chapitre 1), son action est avant tout pragmatique et soucieuse de ménager ses Etats membres. Pourtant, son souci de mener à bien une action stabilisatrice efficace au Kosovo, et plus largement dans les Balkans occidentaux en renforce incidemment la nature étatique (Chapitre 2).

Chapitre 1 : L'UE confrontée à la nature juridique ambigüe du Kosovo

A la suite de la DUI de 2008, l'Union européenne est confrontée à la nature juridique ambiguë du Kosovo mais aussi à des divergences profondes au sein de ses Etats membres. Si dans un premier temps, la nature juridique internationale incertaine du Kosovo a nui à l'émergence d'une position européenne et donc à une difficulté dans la conceptualisation de la relation qu'il était possible d'entretenir avec l'Etat kosovar (Section 1), cet écueil a dû être dépassé eu égard à la nécessité de ne pas laisser le Kosovo en marge du PSA (Section 2).

Section 1 : Une nature juridique internationale incertaine nuisant à l'émergence d'une position européenne.

30 Pour comparaison, le département d'Ile de France a une superficie de 12 012 km2 et une population de 12 millions d'habitants.

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La nature juridique incertaine du Kosovo au regard du Droit international, toujours non résolue à ce jour (I) a empêché les Etats membres de dégager une position formelle et commune que défendrait l'Union européenne. Cette absence constitue un lourd handicap pour l'UE qui a dû sacrifier à la cohérence de son action, afin de respecter les positions de 5 de ses Etats membres (II).

I) Une nature juridique ambigüe au regard du Droit international

L'action de l'Union européenne est affectée par la nature juridique ambiguë du Kosovo au regard du Droit international. En effet, de par son caractère unilatéral, la déclaration d'indépendance du 17 février 2008 par les autorités provisoires du Kosovo n'a pas abouti à la remise en cause de la résolution 1244 du Conseil de Sécurité des Nations Unies (A) bien qu'elle n'ai pas été jugé contraire au Droit international (B).

A) La résolution 1244 : un territoire serbe sous tutelle internationale

Au lendemain du cessez le feu accepté par Belgrade et mettant fin à la guerre au Kosovo, le Conseil de Sécurité31 adopte la Résolution 124432. Cette résolution du 10 juin 1999 aboutit entre autres à la création de la Kosovo Force (KFOR), force armée placée sous le contrôle de l'OTAN et mandatée par l'ONU, et de la MINUK (Mission d'administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo). Cette autorité administrative se voit confier l'administration provisoire du Kosovo, de sa population et l'établissement d'une structure politique temporaire. Son but est de faciliter l'autonomie et une auto administration du Kosovo au sein de la République fédérale de Yougoslavie. En effet, dans la résolution 1244, le Kosovo est réaffirmé comme étant une province de l'actuelle Serbie33, placée en raison des circonstances sous administration onusienne. Le modèle alors envisagé pour le Kosovo en 1999 était donc celui d'un retour à la situation de la fin des années 1980, lorsque le Kosovo disposait d'un statut d'autonomie renforcée.

Interrogés sur le « problème kosovar », Hubert Védrine34 et Bernard Kouchner35 notent tout deux que la question de l'indépendance a pendant longtemps été une question théorique concernant le

31 Le Conseil de Sécurité des Nations Unies (CSNU) est l'organe exécutif des Nations Unies. Il a pour responsabilité principale le maintien de la paix, l'établissement de sanctions internationales et l'intervention militaire. Ses résolutions ont force exécutoire. Le CSNU est composé de 15 membres, cinq permanents pourvu d'un droit de veto : Chine, États-Unis, France, Royaume-Uni et Russie et de 10 pays élus pour une durée de deux ans, renouvelable de moitié chaque année.

32 Résolution 1244 (1999) du 10 juin 1999 du CSNU

33 La résolution 1244 mentionne d'ailleurs la nécessité de tenir compte « principes de souveraineté et d'intégrité territoriale de la République fédérale de Yougoslavie. »

34 Ministre des Affaires étrangères français de 1997 à 2002.

35 Premier chef de la MINUK (1999-2001)

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Kosovo. L'objectif de la MINUK était en effet de bâtir un Kosovo autonome, et à cette fin, la MINUK était appelée à prendre des décisions techniques, administratives et financières. Pourtant, la question de l'avenir du Kosovo était déjà pressante. En 1999, 90% de la population du Kosovo était favorable à son indépendance36, et la Résolution 1244 n'a fait qu'ajourner le règlement de la question du statut.

Or, pour que le Kosovo puisse se reconstruire, il lui manque son indépendance. N'étant pas reconnu comme un État souverain, il ne peut pas adhérer aux instances financières internationales comme la Banque mondiale et le FMI et est très peu attractif pour les investisseurs étrangers qui craignent d'investir dans un protectorat onusien. Cette absence de perspective renflamme les tensions ethniques et en mars 2004 des extrémistes albanais violentent des serbes du nord du Kosovo. L'Union européenne et la Communauté internationale cherchent alors à régler une première fois « la question du statut »37. La Serbie38 et la Russie demande un ajournement de la question kosovare, mais le 26 mars 2007, l'ancien Président finlandais Martti Ahtisaari, mandaté par les NU présente un rapport, dans lequel il propose une « indépendance surveillée » pour le Kosovo. Concrètement, le Kosovo aurait son indépendance, mais celle-ci serait supervisée par une présence internationale civile et militaire et des garanties solides seraient assurées pour les minorités. Le projet est approuvé par l'UE et les États Unis, mais rejeté par la Serbie et la Russie, qui pose son veto au CSNU.

Sur proposition de Jacques Chirac qui fait le constat du blocage du CSNU sur la question du Kosovo, il est décidé d'entamer une nouvelle tentative de négociations. Pendant 6 mois, une Troïka de diplomates américains, français et russes se réunissent, sans réussir à trouver un compromis. Dans son rapport au Secrétaire Général des Nations Unies le 10 décembre 2007, la Troïka conclue à l'échec des négociations.

Pour le gouvernement provisoire du Kosovo la situation n'est plus tenable, et le Parlement déclare unilatéralement l'indépendance de l'État kosovar le 17 février 2008, se prévalant du Droit à l'autodétermination reconnu à chaque État tel que posé dans l'article 1 alinéa 2 de la Chartre des NU39. Les autorités du Kosovo s'engagent alors auprès de la Communauté internationale à

36 M. KULLASHI « Vers l'indépendance ? La question du statut du Kosovo », mars 2006, http://www.ceri-sciences-po.org, consulté le 25/08/2017.

37Communication « Un avenir européen pour le Kosovo », COM(2005) 156 final, 20/04/2005

38 Le 4 février 2003, la Yougoslavie disparait au profit de « la République de Serbie-et-Monténégro ». Celle-ci est dissoute en 2006, après la déclaration d'indépendance du Monténégro le 3 juin 2006 et la Serbie devient « La République de Serbie » le 5 juin 2006 après un vote au Parlement.

39DORLHIAC R, « Un premier bilan de l'indépendance du Kosovo », Questions internationales, n°40, novembre-décembre 2009

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construire un État pluriethnique et démocratique. Elles proposent également d'accueillir les présences internationales destinées à l'assister et affirme son désir de nouer des bonnes relations avec l'ensemble des États de la région. La constitution kosovare promulguée le 15 juin 2008 reprend pour sa part l'ensemble des dispositions de la proposition globale de règlement pour le statut de Martti Ahtisaari. Pourtant, cette DUI ne règle pas la question du statut, ainsi que le démontre la demande d'avis déposé à la CIJ concernant la compatibilité de la DUI avec le Droit international (B).

B) L'avis de la Cour Internationale de Justice : une déclaration unilatérale d'indépendance conforme au Droit internationale

En avril 2008, la République de Serbie ratifie son ASA avec l'Union européenne et approfondie donc son chemin vers une potentielle adhésion. La DUI du Kosovo, et sa reconnaissance par un grand nombre de pays occidentaux est un coup dur pour la Serbie. Consciente des fragilités potentielles de la DUI du Kosovo, celle-ci fait introduire par l'Assemblée générale des Nations Unies une demande d'avis auprès de la Cour internationale de Justice40 (CIJ), le 8 octobre 200841. Cette demande d'avis concerne la compatibilité de la DUI avec le Droit international et la Résolution 1244 (1999), et se présentait en ces termes : « La déclaration unilatérale d'indépendance des institutions provisoires d'administration autonome du Kosovo est-elle conforme au Droit international ? ».

En effet, comme l'avance Renaud Dorlhiac, si la CIJ constatait l'incompatibilité de la DUI avec le cadre législatif international, cet avis aurait « sap[é] les fondements même du nouvel État »42. Pour les détracteurs du Kosovo en effet, la DUI constitue en une sécession unilatérale, illégale et illégitime.

La CIJ a rendu son avis le 22 juillet 2010, et a été d'une extrême prudence dans sa manière de répondre à la question posée. En effet, une réponse formulée de manière ambigüe aurait pu être considérée comme un précédant en faveur des communautés indépendantistes. Dès lors, la Cour rappelle dans son avis que la question qui lui a été posé porte sur la question de savoir si le Droit international interdit ou non la déclaration d'indépendance unilatérale du Kosovo ; et que dès lors, « elle n'est pas tenue, par la question qui lui est posée, de prendre parti sur le point de savoir si le

40 La CIJ, qui siège à La Haye est l'organe judiciaire des Nations Unies. Elle est habilitée au règlement de grands différents internationaux.

41 J. CHARPENTIER, « Serbie et Kosovo : actualité », Civitas Europa, 2012/2, n°29

42 DORLHIAC R. « Un premier bilan de l'indépendance du Kosovo », Questions internationales n°40 - novembre-décembre 2009

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droit international conférait au Kosovo un droit positif de déclarer unilatéralement son indépendance, ni a fortiori, sur le point de savoir si le droit international confère en général à des entités situées à l'intérieur d'un État existant le droit de s'en séparer unilatéralement »43.

En répondant à la question, la CIJ note tout d'abord qu'il existe un droit à l'autodétermination en droit international, qui a d'ailleurs été beaucoup utilisé dans la deuxième moitié du XIXème siècle. La Cour rappelle que si ce droit a d'abord été conçu comme pouvant être exercé dans des hypothèses de subjugation, de domination ou d'exploitation, celui-ci pouvait être également être utilisé en dehors de celles-ci car il n'existe pas en droit international « une nouvelle règle interdisant que de telles déclaration soient faites »44.

Certaines parties, dont la Russie et la Serbie opposaient qu'une interdiction de déclaration unilatérale d'indépendance était implicitement contenue dans le principe de l'intégrité territoriale. La Cour rappelle dans son avis que ce principe, posé à l'article 2 § 4 de la Chartre des Nations Unies pose que « les membres de l'organisation s'abstiennent dans leurs relations internationales, de recourir à la menace ou l'emploi de la force, soit contre l'intégrité territoriale d'un État, soit de toute autre manière incompatible avec les buts des Nations Unies », et que dès lors, ce principe ne s'appliquait pas à l'espèce. De même, dans l'acte final de la conférence d'Helsinki qui était également soulevé contre la DUI, la CIJ pose que « la portée du principe de l'intégrité territoriale est limitée à la sphère des relations interétatiques ». Dès lors, sur ce point, la DUI n'a pas violé le droit international.

La Cour rappelle également que la Résolution 1244 (1999) tire sa légalité des Nations Unies et que c'est cette même résolution qui a posé le cadre constitutionnel de mise en place des institutions kosovares qui ont par la suite déclaré leur indépendance, et qu'elle s'est à ce moment-là, substituée, sauf sur certains points expressément énumérés, à l'ordre juridique serbe. De plus, elle note que « le libellé de la résolution 1244 (1999) montre que le Conseil de Sécurité ne s'est pas réservé le règlement définitif de la situation au Kosovo et qu'il est resté silencieux sur les conditions du statut final »45. Par conséquent, la Cour constate que la résolution 1244 (1999)

43 « Conformité au droit international de la déclaration unilatérale d'indépendance relative au Kosovo, avis consultatif, la Cour dit que la déclaration d'indépendance du Kosovo adoptée le 17 février 2008 n'a pas violé le droit international », Communiqué de presse non officiel, Cour Internationale de Justice, n°2010/25, 22 juillet 2010.

44« Conformité au droit international de la déclaration unilatérale d'indépendance relative au Kosovo, avis consultatif, la Cour dit que la déclaration d'indépendance du Kosovo adoptée le 17 février 2008 n'a pas violé le droit international », Communiqué de presse non officiel, Cour Internationale de Justice, n°2010/25, 22 juillet 2010.

45« Conformité au droit international de la déclaration unilatérale d'indépendance relative au Kosovo, avis consultatif, la Cour dit que la déclaration d'indépendance du Kosovo adoptée le 17 février 2008 n'a pas violé le droit international », Communiqué de presse non officiel, Cour Internationale de Justice, n°2010/25, 22 juillet 2010.

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« n'excluait donc pas l'adoption de la déclaration d'indépendance du 17 février 2008, ces deux textes étant de nature différente : contrairement à la résolution 1244 (1999) la déclaration d'indépendance constitue une tentative de déterminer définitivement le statut du Kosovo ». Enfin la CIJ relève qu'aucune interdiction n'était faite au gouvernement du Kosovo de déclarer son indépendance au sein de la résolution 1244.

Après avoir statué sur tous ces points, la Cour conclue que « l'adoption de la déclaration d'indépendance du 17 février 2008 ne viole ni le droit international général, ni la résolution 1244 (1999) du Conseil de Sécurité, ni le cadre constitutionnel. L'adoption de ladite déclaration n'a violé aucune règle du droit international »46.

Cet avis de la Cour de Justice, qui pose la compatibilité de la DUI avec le droit international et la résolution 1244 (1999), ne statut pas sur le fait que le Kosovo puisse être considéré ou non comme un État. Dès lors, un certain nombre d'États ont décidé de ne pas reconnaitre le Kosovo. L'objectif est en effet d'éviter à tout prix de créer une contagion autonomiste (II).

I) Une absence de position formelle au sein de l'UE, frein à la cohérence de l'action

européenne au Kosovo

En raison du statut quo liée à la superposition de la Résolution 1244 (1999) et de l'Avis de la CIJ, les Etats membres de l'Union européenne n'arrive pas dégager une position commune (A). Face à cette difficulté, qui nuisait à l'approfondissement de ses relations avec le Kosovo, l'Union a petit à petit évolué quant à la question du règlement du statut kosovar (B).

A) Une absence problématique de position unanime au sein de l'UE

L'unité politique européenne sur la question kosovare a été mise à mal par la DUI de 2008. Aujourd'hui, 5 états membres de l'Union européenne ne reconnaissent officiellement pas le Kosovo. Il s'agit de Chypre, de l'Espagne, de la Grèce, la Roumanie et la Slovaquie47. Nous avancerons ici, au côté de Renaud Dorlhiac que « l'embarras suscité par l'accession du Kosovo à l'indépendance, hors du cadre onusien, traduit plus généralement une crainte diffuse des

46« Conformité au droit international de la déclaration unilatérale d'indépendance relative au Kosovo, avis consultatif, la Cour dit que la déclaration d'indépendance du Kosovo adoptée le 17 février 2008 n'a pas violé le droit international », Communiqué de presse non officiel, Cour Internationale de Justice, n°2010/25, 22 juillet 2010. 47 On notera que cette absence d'unanimité sur la souveraineté kosovare se retrouve également au sein de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord (OTAN).

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séparatismes et la conscience aigüe que de nombreux États ont de leur propres fragilité »48. En effet, ces 5 États ont pour point communs de devoir composer avec une minorité indépendantiste forte : Chypre redoute qu'une reconnaissance du Kosovo entraine un effet de contagion sécessionniste sur les turcs du Nord de l'Ile, l'Espagne connait des enjeux similaires pour ses régions de Catalogne et du pays basque, la Roumanie et la Slovaquie doivent toutes deux composer avec une communauté hongroises indépendantiste tandis que la Grèce a une importante minorité bulgare à sa frontière nord.

Il est ici important de rappeler que la reconnaissance d'un État ne relève pas de la compétence de l'Union européenne mais de celles de ses États membres et que l'acte de reconnaissance lui-même est un acte purement politique. Ainsi, s'il existe des théories relatives à ce qui constitue un État (déclarative et constitutive) ayant chacune leurs adeptes, il n'existe aucune norme encadrant la venue au monde d'un nouvel État et qui obligerait les États tiers. Dans ce contexte, et dans l'Union européenne que nous connaissons aujourd'hui, l'Union n'est pas en mesure d'obliger (ou d'inciter fortement) à la reconnaissance d'un État. Et si elle récupère un jour cette compétence, c'est que son statut se serait profondément modifié, passant d'une organisation internationale à celui d'État fédéral.

Cette absence de position unanime au sein du Conseil empêche l'Union européenne de reconnaitre officiellement le Kosovo comme un état souverain alors même que celui-ci est inclus dans son Processus de Stabilisation et d'Association et qu'elle a eu un rôle fondamental dans la reconstruction et la vie politique du pays49. Ce paradoxe porte atteinte à la crédibilité de la politique étrangère de l'Union : incapable de parler d'une seule voix, l'UE est contrainte à des précautions oratoires et des ambiguïtés, tant avec le Kosovo que la Serbie. Plus grave encore, l'Union a pendant longtemps été bloquée dans certaines initiatives, qui auraient pu être interprétées comme un acte de reconnaissance. Ainsi, si l'UE a été extrêmement active en dehors du cadre du processus de stabilisation et d'association, dans le cadre de celui-ci elle a été très

48 DORLHIAC R. « Un premier bilan de l'indépendance du Kosovo », Questions internationales n°40 - novembre-décembre 2009

49 L'absence de position unanime au sein de l'Union européenne quant au caractère souverain du Kosovo pose de nombreux problèmes notamment en termes d'efficacité des actions menées. Néanmoins, au-delà des opinions divergentes des différents États membres, l'absence de prise de position formelle de l'Union sur la question du Kosovo peut également s'expliquer par la volonté de ne pas relancer un nouveau processus de scission ethnique au sein de la poudrière balkanique. En effet, si l'Union prenait fermement position en faveur d'une souveraineté kosovare en vertu du principe d'autodétermination des peuples, un message fort serait envoyé aux bosno-serbes de la Republika Srpska de Bosnie-Herzégovine, qui pourrait alors, en vertu du même principe, demander la remise en cause des accords de Dayton.

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ralentie, avant que les circonstances objectives ne la contraignent à faire évoluer son approche (B).

B) L'évolution de l'Union européenne quant à la question du règlement du statut kosovar

En 2004, à l'issu des violentes émeutes intervenues au nord du Kosovo, l'Union européenne s'engage dans le chantier de la détermination du statut final du Kosovo par l'intermédiaire de certains de ses États membres. La France en tant que membre permanent du Conseil de Sécurité peut porter les positions européennes aux NU, même si, comme on l'a vu précédemment, les différents États membres ne parvenaient déjà pas à atteindre une position de compromis.

D'autre part, dans le cadre du Processus de Stabilisation et d'Association, l'Union européenne veut établir des relations contractuelles avec le Kosovo. Ainsi, dans la Communication de 2005 « Un avenir européen pour le Kosovo »50, l'Union lie l'établissement de telles relations avec « l'intégration à l'Union européenne »51. A cette époque, la possibilité de négocier un ASA est évoquée, mais pour être écartée. En effet, le Kosovo est toujours uniquement sous le régime du la Résolution 1244 et dès lors il semblait impossible de signer un tel accord avec un État dont la souveraineté n'était pas établie. Théoriquement, il aurait été possible que la MINUK signe l'accord pour le compte du Kosovo, mais c'était un pas que l'Union n'était pas prête à franchir52. La Commission se déclare alors « déterminée à explorer de nouvelles pistes afin de veiller à ce que le Kosovo puisse profiter de tous les instruments de l'UE »53 et que « en fonction des discussions sur le statut [elle pourra] s'engager en temps utile, s'il y a lieu, dans l'établissement de relations contractuelles »54 avec le Kosovo.

La DUI de février 2008, et l'absence d'unanimité des États membres quant au caractère souverain de l'État kosovar entraine un blocage dans l'approfondissement des relations dans le cadre du PSA. En effet, celui-ci ayant été imaginé comme un processus à destination d'États ayant vocation à intégrer l'Union européenne, un approfondissement trop net des relations entre l'UE et le Kosovo dans ce cadre aurait pu apparaitre comme une manoeuvre hostile envers les États membres ne souhaitant pas reconnaitre le Kosovo. Dès lors, alors même que les autres États des Balkans

50 Communication « Un avenir européen pour le Kosovo », COM(2005) 156 final, 20/04/2005

51 Communication « Un avenir européen pour le Kosovo », COM(2005) 156 final, 20/04/2005

52 KOETH, W « The Serbia-Kosovo Agreement on Kosovo's Regional Representation and « Feasibility Study » : A Breakthrough in EU-Kosovo Relations ? », European Foreign Affairs Review 18, n°1 (2013)

53 Communication « Un avenir européen pour le Kosovo », COM(2005) 156 final, 20/04/2005

54 Communication « Un avenir européen pour le Kosovo », COM(2005) 156 final, 20/04/2005

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occidentaux continuent leurs progressions au sein du PSA, l'Union se retrouve bloquée pour ce qui est du Kosovo.

Une première inflexion a eu lieu en 2009 avec la Communication « Kosovo*-vers la concrétisation de la perspective européenne »55 qui est considérée par certains auteurs comme une « quasi-étude de faisabilité » car le contenu est celui d'une étude de faisabilité sans en dire le nom56. L'objectif de cette communication est de continuer le monitoring fort du Kosovo, dans le cadre du PSA dont il bénéficie malgré le paradoxe que cela constitue, les États ne reconnaissant pas le Kosovo ne s'étant pas opposé au maintien du pays dans le PSA. Au sein de cette Communication, la Commission fait d'ailleurs plusieurs fois référence au fait que l'absence de consensus sur le statut du Kosovo ne constitue pas à un obstacle à l'approfondissement des relations au nom de la théorie « Diversité dans la reconnaissance, Unité d'engagement ». Autre élément, la footnote « Kosovo* » se retrouve dans tous les documents des institutions européennes. Dans la Communication de 2009, elle fait alors référence au Kosovo « tel que défini par la résolution 1244/1999 du Conseil de Sécurité des Nations Unies ». Cette précaution oratoire qui rappelle que le Kosovo appartient toujours à la Serbie au regard du Droit internationale agit comme un maquillage sur les faits : l'Union met en place vis-à-vis du Kosovo la même politique que pour un État indépendant et reconnu par elle comme tel. En effet, si dans la forme l'Union peut poser une différence, malgré les incohérences que cela entraine, dans le fond elle ne peut se permettre de laisser le Kosovo prendre plus de retard par rapport à ses voisins des Balkans occidentaux, à défaut de quoi celui-ci deviendrait une enclave de plus en plus pauvre et marginalisée, source d'instabilité dans la région.

Après la signature en février 2012 d'un accord impulsé par l'UE entre la Serbie et Kosovo sur la représentation du Kosovo dans les enceintes régionales, la Commission délivre une étude de faisabilité pour un ASA. Cette étude intervient après que le Conseil lui en ait donné le feu vert en « soulign[ant] que des mesures concrètes doivent être prise »57 en vue de respecter la perspective européenne du Kosovo réaffirmé dans le Conseil de décembre 2011.

55 Communication « Kosovo* - vers la concrétisation de la perspective européenne » COM (2009) 534 final du 14/10/2009

56KOETH, W « The Serbia-Kosovo Agreement on Kosovo's Regional Representation and « Feasibility Study » : A Breakthrough in EU-Kosovo Relations ? », European Foreign Affairs Review 18, n°1 (2013)

57Communication « Etude de faisabilité concernant un accord de stabilisation et d'association entre l'Union européenne et le Kosovo* » COM (2012) 602 final du 10/10/2012

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Dans la Communication de 2012 « Etude de faisabilité concernant un accord de stabilisation et d'association entre l'Union européenne et le Kosovo* »58, les précautions oratoires sont nombreuses afin de ménager les États membres ne souhaitant pas reconnaitre le Kosovo. D'une part, et avant d'entamer les aspects juridiques, il convient de noter que depuis l'avis de CIJ de 2010 la footnote concernant le statut du Kosovo s'est enrichie. Celle-ci fait désormais référence à la fois à la Résolution 1244 du Conseil de Sécurité des Nations Unies mais aussi à l'avis rendu par la CIJ. Les deux mentions, dont l'une déclare que le Kosovo est toujours une partie de la Serbie, et l'autre qui pose que la déclaration d'indépendance unilatérale du Kosovo est conforme avec le Droit international se neutralisent59 l'une l'autre mais sont conservées, comme précautions oratoires pour les États n'ayant pas souhaité reconnaitre le Kosovo. D'autre part, il est rappelé dans la Communication que cette étude de faisabilité « est sans préjudice des positions des États membres sur la question du statut ni toute décision que le Conseil serait appelé à prendre à l'avenir »60. Cette affirmation est d'ailleurs répétée, sous différentes formes, 6 fois dans les 4 premières pages de l'étude de faisabilité.

Au-delà des précautions oratoires, l'étude de faisabilité démontre qu'il n'existe aucun obstacle juridique à la conclusion d'un ASA entre l'Union européenne et le Kosovo. L'étude de faisabilité va tout d'abord établir que l'Union a déjà par le passé signé des accords avec des États non reconnus de manière unanime sur la scène internationale61 et ajouter que la possibilité de conclure des accords internationaux peut être ouverte à « toute entité dont l'autre partie contractante accepte qu'elle puisse devenir partie à un accord qui sera régi par le droit international public »62. Ce faisant, la Commission adopte une vision contractualiste de l'accord international, qui va se retrouver dans sa manière d'appréhender l'ASA. En effet, l'ASA est un accord très complet, qui comme on le verra, aménage l'arrimage normatif d'un espace sur l'Union européenne. Le caractère ambitieux de l'accord, et notamment le dialogue institutionnel intense qu'il met en place, n'est pas considéré comme un obstacle pour la Commission européenne qui pose que « l'Union peut conclure ce type d'accord avec un pays tiers, si les autorités politiques et judiciaires de ce dernier sont à même d'en garantir le respect, l'application et la mise en oeuvre ». La Commission

58 Communication « Etude de faisabilité concernant un accord de stabilisation et d'association entre l'Union européenne et le Kosovo* » COM (2012) 602 final du 10/10/2012

59KOETH, W « The Serbia-Kosovo Agreement on Kosovo's Regional Representation and « Feasibility Study » : A Breakthrough in EU-Kosovo Relations ? », European Foreign Affairs Review 18, n°1 (2013)

60 Communication « Etude de faisabilité concernant un accord de stabilisation et d'association entre l'Union européenne et le Kosovo* » COM (2012) 602 final du 10/10/2012

61 On peut ici penser à l'Autorité palestinienne et Taiwan, même si ces deux pays ne sont pas cités dans la Communication de 2012.

62Communication « Etude de faisabilité concernant un accord de stabilisation et d'association entre l'Union européenne et le Kosovo* » COM (2012) 602 final du 10/10/2012

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pose alors que l'étude de faisabilité servira à identifier si les autorités du Kosovo seraient à même de s'acquitter des obligations résultants d'un accord d'association. La question du régime juridique différencié auquel sera soumis l'ASA UE-Kosovo n'est néanmoins pas détaillée, renvoyée à « la fin des négociations en fonction [du contenu de l'accord] et du contexte juridique »63.

Ces deux données, la question du régime juridique et certaines conditions que le Kosovo doit remplir avant que les négociations de l'ASA ne commencent, dans le domaine de l'état de droit et de la protection des minorités, ont pour objectif, selon certains auteurs, de donner à la Commission un peu plus de temps pour qu'une solution de compromis soit dégagé au sein des États membres64. En octobre 2015, l'ASA UE-Kosovo est signé par les deux parties.

L'Union européenne a donc évolué dans son appréhension du problème statutaire kosovar. Si l'approfondissement des relations dans le cadre du PSA a été profondément ralentie par les difficultés liées au problème statutaire, l'Union a fait preuve de pragmatisme et a fait évoluer sa relation avec le Kosovo afin de ne pas laisser le pays s'enclaver. Ce pragmatisme était déjà présent pour les actions de l'UE développées en dehors du cadre du PSA, où la question statutaire a fait rapidement l'objet d'un dépassement (Section 2).

Section 2 : le dépassement pragmatique de la question statutaire

En 1999, lors du Conseil européen de Cologne, l'UE s'est fixée pour mission d'aider à la reconstruction du Kosovo. Dix ans plus tard, lorsque les autorités provisoires d'auto administration du Kosovo déclarent l'indépendance de celui-ci, l'Union maintient son engagement. Déjà bien représentée sur place, elle va encore augmenter l'ampleur de sa présence, en restant détachée des problèmes liés au statut (I). Plus encore, sa volonté d'inclusion du Kosovo au sein du PSA va conduire à la conclusion d'un ASA (II).

I) Une présence de l'UE au Kosovo détachée de la question statutaire

Afin d'aider la jeune administration kosovare et d'en assurer la stabilité, l'UE va déployer une mission d'aide à l'état de droit d'une ampleur inédite (A). Cette nouvelle présence s'ajoute à une pluralité d'organes de l'Union déjà présent au Kosovo, ayant pour objectif d'apporter une

63Communication « Etude de faisabilité concernant un accord de stabilisation et d'association entre l'Union européenne et le Kosovo* » COM (2012) 602 final du 10/10/2012

64KOETH, W « The Serbia-Kosovo Agreement on Kosovo's Regional Representation and « Feasibility Study » : A Breakthrough in EU-Kosovo Relations ? », European Foreign Affairs Review 18, n°1 (2013)

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expertise dans des domaines variés (B). Cette présence de l'Union est d'ailleurs le reflet de l'immense présence internationale sur le territoire kosovar. En effet, le nouvel Etat, dont la taille avoisine celle de la région française d'Ile-de-France accueille pas moins de 52 missions étrangères.

A) La mission EULEX, plus grande mission PESC de l'UE

Lancée quelques jours avant la déclaration d'indépendance du Kosovo, la mission EULEX a pour objectif d'aider et de seconder les jeunes autorités kosovares dans les domaines liés à l'État de droit en particulier la police, la justice et les douanes. La date retenue n'est pas neutre.

En effet, l'envoi de missions civiles dans le cadre de la politique européenne de sécurité et de défense (PESD)65 se fait par l'adoption d'une Action commune à l'unanimité au Conseil de l'Union européenne, réunissant les ministres des différents États membres. La PESD, inclue dans la Politique européenne de sécurité et de défense commune (PESC) vise à donner à l'UE les moyens militaires ou civils destinés à la prévention des conflits et à la gestion des crises internationales. En raison de ce mode d'adoption requérant l'unanimité, l'UE a décidé de voter l'action commune concernant la mission EULEX en amont de la DUI. Le fait de voter le lancement de la mission le 13 février 2008 a ainsi permis aux États membres les plus réticents de ne pas se prononcer sur leur reconnaissance du Kosovo, l'opération étant basée sur la résolution 1244 (1999) du CSNU. Cette attitude démontre le pragmatisme des États membres qui ont ici privilégié la stabilité du Kosovo en choisissant d'agir avec précautions. Ainsi, la mission EULEX est neutre par rapport au statut kosovar.

La mission EULEX est la plus grande mission PESC jamais lancée par l'UE. D'une part, son mandat est le plus large jamais concédé à une mission européenne et donne par exemple droit dans certains cas au chef de la mission de revoir ou d'annuler des décisions des institutions kosovares. L'article 2 de l'Action commune 2008/124/PESC portant sur la mission EULEX définie le mandat de la mission comme suit : EULEX Kosovo est chargé d'aider les institutions du Kosovo, les autorités judiciaire et les organismes chargés de l'application des lois à progresser sur la voie de la viabilité et de la responsabilisation et à poursuivre la mise sur pied et le renforcement d'un système judiciaire multiethnique, de manière à ce que ces institutions soient libres de toute interférence politique, et s'alignent sur les normes reconnues au niveau international et sur les pratiques européennes. Plus concrètement, EULEX, en coopération avec les programmes d'assistance de la Commission européenne met en oeuvre son mandat en assurant

65 Aujourd'hui Politique de sécurité et de défense commune (PSDC)

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des actions de suivi, d'encadrement et de conseil ainsi que certaines responsabilités exécutives. Pour ce faire, les moyens d'EULEX sont répartis entre le quartier général de Pristina, des bureaux régionaux et locaux au sein du Kosovo, et un élément de soutien à Bruxelles66.

D'autre part, il était initialement prévu dans la mission EULEX aurait un effectif d'environ 1 900 personnes et une réserve possible de 300 personnes supplémentaires67. Aujourd'hui, la mission qui dispose d'un budget de 110 millions d'euros par an emploie environ 800 fonctionnaires européens. Ce chiffre, ajouté aux 800 autres fonctionnaires européens répartis dans d'autres organes de l'Union, font de Pristina la ville en Europe comptant le plus de fonctionnaires européens après Bruxelles (B).

B) Une pluralité d'organes de l'Union déployés.

L'Union européenne a eu jusqu'à 7 organes déployés simultanément sur le territoire kosovar68, ce qui démontre l'importance de son engagement sur les plans politiques et financiers, et ce, en dehors de la problématique statutaire. Ces organes ont été : La Commission européenne par le biais de son Bureau de liaison, le Représentant spécial de l'Union européenne, l'Agence européenne pour la Reconstruction, la mission EULEX et sa prédécesseure l'EU Planning Mission, une mission de monitoring de l'Union européenne (EU monitoring mission, EUMM), the EU-pillar à la mission des Nations Unies et le Représentant diplomatique de l'État membre assurant la Présidence tournante de l'UE.

Le Bureau de liaison a été ouvert par la Commission européenne en septembre 2004. L'objectif est alors pour la Commission d'établir un contact plus étroit sur le terrain avec la MINUK et les institutions provisoires d'administration autonomes. Le Bureau de liaison agit en coopération constante avec le Haut Représentant de l'Union européenne, le pilier IV de la MINUK, l'Agence européenne pour la reconstruction et les représentations d'États membres à Pristina. Afin de renforcer la perspective européenne du Kosovo, le Bureau de liaison est chargé de distribuer l'aide reçu au titre de l'IAP et est également chargé des programmes TAIEX, Erasmus Mundus, etc...

66 Article 6 de l'Action commune 2008/124/PESC du Conseil du 4 février 2008 relative à la mission « État de droit » menée par l'Union européenne au Kosovo, EULEX Kosovo.

67 Action commune 2008/124/PESC du Conseil du 4 février 2008 relative à la mission « État de droit » menée par l'Union européenne au Kosovo, EULEX Kosovo.

68 Koeth Wolfgang, « The Serbia-Kosovo Agreement on Kosovos Regional Representation and the « Feasibility Study » : A Breakthrough in EU-Kosovo Relations ? », European Foreign Affairs Review 18, n°1 (2013)

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Son action s'inscrit dans le long terme, et continuera même après l'adhésion69. Il participe au capacity building visant à doter le Kosovo de ressources humaines efficaces et d'impulser les réformes nécessaires.

Le Représentant spécial de l'Union européenne (RSUE) est un haut fonctionnaire assurant la représentation diplomatique de l'Union européenne sous l'autorité du Haut Représentant et du Président de la Commission européenne. Le RSUE n'est pas un instrument propre au Kosovo70 et se retrouve dans d'autres zones. Néanmoins, si dans chaque cas le RSUE a pour objectif d'assurer la promotion des politiques et des intérêts de l'UE dans les régions et pays qui expérimentent des troubles, leur mission s'adapte selon leur zone de déploiement. Au Kosovo, le RSUE joue un rôle actif dans les efforts déployés pour « favoriser l'avènement d'un Kosovo stable, viable, pacifique, démocratique et multiethnique, entre autres en renforçant la stabilité dans la région et en contribuant à la coopération régionale et à de bonnes relations de voisinage dans les Balkans occidentaux »71. De plus, le RSUE « oeuvre en faveur d'un Kosovo attaché à l'État de droit et à la protection des minorités et du patrimoine culturel et religieux »72. Il faut néanmoins relever une ambiguïté fondamentale quant au RSUE au Kosovo. En effet, dès sa création, le Conseil prévoit qu'une seule et même personne assurera « les pouvoirs et les attributions » du RSUE (ne se prononçant pas sur le statut) et du Représentant civil international73. Or, ce poste, crée pour prendre la tête du Bureau Civil international, également crée en 2008 par les États de l'International Steering Group, comportant 20 États membres de l'Union européenne et d'autres acteurs internationaux comme les États-Unis et le Canada a lui pour objectif de « mettre en oeuvre

69PERROT, O « Kosovo-EULEX Légitimité technique et ambition politique de la présence européenne », www.diploweb.com , 5/12/2009, consulté le 27/08/2017

70 Un RSUE se trouve également au Sahel, où le RSUE a alors pour mission de «conduire l'action de l'UE qui consiste à contribuer aux efforts régionaux et internationaux visant à instaurer durablement paix, sécurité et développement au Sahel. En outre, il coordonnera l'approche globale de l'UE à l'égard de la crise régionale, en se fondant sur la stratégie de l'UE pour la sécurité et le développement au Sahel. » « L'UE nomme un nouveau Représentant spécial de l'Union européenne pour le Sahel », Conseil de l'UE, communiqué de presse, 900/15, Sécurité et Défense, 07/12/2015.

71« Kosovo : nomination d'un nouveau Représentant spécial de l'UE », Conseil de l'UE, communiqué de presse, 483/16, Sécurité et Défense, 04/08/2016.

72« Kosovo : nomination d'un nouveau Représentant spécial de l'UE », Conseil de l'UE, communiqué de presse, 483/16, Sécurité et Défense, 04/08/2016.

73 Action commune 2008/123/PESC du Conseil du 4 février 2008 portant nomination d'un Représentant spécial de l'Union européenne au Kosovo. (7ème considérant)

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le plan Ahtisaari et rendre l'indépendance irréversible »74. Ce paradoxe a duré jusqu'à la fin de la mission du Représentant civil international en 201275.

L'Agence européenne pour la reconstruction au Kosovo, dont on a précédemment détaillé les fonctions, a officié de 1999 au 31 décembre 2008. Par la suite, ses fonctions ont été transférés au Bureau de liaison, avec qui elle partageait déjà les mêmes locaux76.

L'EU monitoring mission n'est pas un organe à proprement parler, mais cette mission semble petit à petit se pérenniser au Kosovo. Intervenue une première fois en 2013, cette mission a été renouvelée en 2014 et 201777. Elle consiste en le déploiement d'experts de l'UE venant s'assurer que les élections se déroulent dans un cadre libre et démocratique. Ainsi, à l'occasion des élections générales du 11 juin 2017, ce ne sont pas moins de 100 experts de l'Union qui ont assisté aux élections dans les différentes municipalités du Kosovo. Ce troisième déploiement s'est fait suite à l'invitation du Président kosovar78.

Le pilier européen à la MINUK dit « EU IV Pillar UNMIK » est un pilier de la MINUK financé par les institutions européennes, et plus précisément par la Commission européenne. Son objectif est de moderniser l'économie du Kosovo notamment en appuyant les structures et les instruments permettant la mise place d'une économie de marché qui fonctionne. Dans le cadre de cette mission, le pilier européen met une emphase particulière sur le capacity building et l'intégration économique régionale79.

Ce fort engagement a longtemps été en hors du cadre du PSA, qui semblait ne pas pouvoir progresser du fait de l'absence de position européenne sur le Kosovo. Néanmoins, afin de ne pas laisser se creuser le fossé entre le Kosovo et les autres Etats de la région, l'UE a fini par conclure avec le Kosovo un accord de stabilisation et d'association, et ce, indifféremment au problème statutaire (II).

74 BOULAUD, D et TRILLARD A, « Kosovo : Quelle présence internationale après l'indépendance ? », Rapport d'information n°174 (2008-2009), fait au nom de Commission des Affaires étrangères, déposé le 20 janvier 2009, Sénat français.

75 KOETH, W « The Serbia-Kosovo Agreement on Kosovo's Regional Representation and « Feasibility Study » : A Breakthrough in EU-Kosovo Relations ? », European Foreign Affairs Review 18, n°1 (2013)

76 « Rapport de la Commission au Conseil sur l'avenir de l'Agence européenne pour la reconstruction », COM (2005) 710 final, Bruxelles, le 23/12/2005.

77 Respectivement pour des élections municipales, parlementaires et générales.

78 « EU deploys Election observation Mission to Kosovo », EEAS, press release, 30/05/2017.

79 « EU pillar -Creating modern market economy », UNMIK, Press release, 1638, 7/02/2007.

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II) La conclusion d'un accord de stabilisation et d'association entre l'UE et le Kosovo

indifférente au problème statutaire

Depuis sa déclaration unilatérale d'indépendance de 2008, le Kosovo bénéficie de la même perspective européenne que les autres pays des Balkans occidentaux. L'Union européenne a toujours essayé de normaliser le plus possible ses relations avec le Kosovo, malgré sa spécificité, notamment en l'incluant au sein du Processus de stabilisation et d'association. Or, jusqu'à l'étude de faisabilité de 201280 et sa concrétisation par la signature de l'ASA entre l'UE et le Kosovo le 27 juin 2015, l'ambiguïté persistante autour du statut juridique du Kosovo a constitué un frein à l'approfondissement des relations entre les deux partenaires. Tandis que les relations entre l'Union européenne et le Kosovo sont restées très soutenues en dehors du cadre du PSA au nom du principe de « diversité dans la reconnaissance mais unité l'unité dans l'engagement » ; dans le cadre du PSA, le Kosovo a longtemps accusé un net retard vis à des autres pays des Balkans occidentaux. Or, l'approfondissement des relations avec les autres pays des Balkans a contraint l'UE à revoir sa stratégie en direction du Kosovo, pour ne pas que celui-ci demeure une enclave marginalisée dans un ensemble de plus en plus intégré au marché commun. Dans ce cadre, le statut kosovar a finir par apparaître comme un frein insuffisant à la conclusion d'un ASA avec l'UE (A), au prix d'une innovation dans la tradition associative de l'Union européenne (B)

A) Le statut kosovar frein insuffisant à la conclusion d'un accord avec l'UE

Jusqu'en juin 2015, tous les pays des Balkans occidentaux avaient signé un ASA avec l'UE à l'exception du Kosovo. Le déploiement des ASA s'est fait en 3 phases dans les Balkans occidentaux : une première phase avec la Croatie et la Macédoine au début des années 2000, une deuxième phase avec l'Albanie, le Monténégro, la Serbie et la Bosnie-Herzégovine qui ont signé leurs ASA entre 2006 et 2008. Ce n'est que 5 ans plus tard que l'ASA entre le Kosovo et l'Union européenne a été signé.

Ce retard peut s'expliquer par les problèmes juridiques crée par la spécificité de l'acteur kosovar. Pendant longtemps l'UE se sentait en effet bloquée dans le cadre du PSA, car sans reconnaissance explicite de sa souveraineté par les institutions européennes, le Kosovo pouvait être vu comme manquant de la personnalité juridique nécessaire à la signature d'un ASA. Dès lors, les refus persistants de la Roumanie, la Grèce, l'Espagne, de Chypre et de la Slovaquie à reconnaître le Kosovo entravait la capacité d'action de l'UE en l'empêchant de prendre toute action susceptible

80« Etude de faisabilité concernant un accord de stabilisation et d'association entre l'Union européenne et le Kosovo* », 10/10/2012 COM(2012) 602 final.

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d'être interprétée comme une reconnaissance de sa part. On notera néanmoins ici l'ambiguïté pour ces États ne reconnaissant pas le Kosovo d'avoir accepté l'inclusion du Kosovo au sein du PSA, un processus dont l'issue naturelle est l'adhésion.

Le verrou qui est longtemps restée posé sur les relations entre l'Union européenne et le Kosovo dans le cadre du Processus de Stabilisation et d'Association venait de l'incertitude quant à la forme d'accord qu'on pouvait mettre en place avec le nouvel État. En effet, jusqu'à présent, les ASA avaient toujours été conclus avec des États reconnus par tous les Etats membres de l'Union européenne.

La conclusion de l'ASA entre l'Union européenne et le Kosovo doit beaucoup aux évolutions institutionnelles introduites par le Traité de Lisbonne. En effet, celui-ci a doté l'Union européenne d'une personnalité juridique81, ce qui lui permet désormais de négocier et conclure seule des accords avec d'autres Etats ou organisations internationales, en son nom propre et dans le domaine de ses compétences propres. Dans le cadre de la procédure ayant abouti à la création de l'ASA entre l'UE et le Kosovo, on peut remarquer une importante ambiguïté, qui démontre que les enjeux liés au Kosovo ont obligé les Etats membres à dépasser le frein de la question statutaire.

Dans un premier temps, on constatera que l'ASA UE-Kosovo constitue le premier accord d'association non mixte dans l'histoire des accords internationaux de l'UE. Si dans la pratique, les ASA étaient des accords mixtes, dans les faits, cette mixité pouvait être considérée comme une mixité de courtoisie, destinée à ménager un équilibre entre l'Union européenne et ses Etats membres. En effet, depuis l'arrêt Demirel du 30 septembre 198782, la base juridique de l'association a été clarifiée, octroyant à la Communauté une compétence propre sur tous les domaines couverts par les Traités. Dans cette optique, l'UE peut conclure par le biais de ses compétences propres un accord d'association complet et ambitieux, portant à la fois sur les dispositions des actuels TFUE et TUE. Dès lors, le caractère non mixte de l'ASA UE-Kosovo permet de ménager les positions des Etats membres ne souhaitant pas reconnaitre le Kosovo, sans pour autant bloquer l'action européenne et entraver les perspectives du Kosovo. De plus, l'accord ne faisant pas l'objet d'une procédure de ratification selon les procédures propres à chaque Etat membre, les Etats ne reconnaissant pas le Kosovo, évitent d'envoyer un message ambigu à leur population qui pourrait réveiller les velléités irrédentistes. En pratique, l'Accord de stabilisation et d'association entre l'Union européenne et la Communauté européenne de l'Energie atomique,

81 Article 47 TUE « L'Union a la personnalité juridique. »

82 CJCE, 30 septembre 1987, Demirel, 12/86

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d'une part, et le Kosovo*83 d'autre part, a été négocié entre octobre 2013 et mai 2014, a été paraphé en juillet 2014 et le Conseil de l'UE a marqué son accord pour la signature de celui-ci le 22 octobre 2015. Après une signature par Frederica Mogherini, Haute Représentante pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité et Johannes Hahn, Commissaire chargé de la Politique européenne de voisinage et des négociations d'élargissement, pour le compte de l'UE, l'accord a été finalement ratifié par le Parlement européen84.

A première vue donc, les autorités des Etats membres ne souhaitant pas reconnaitre le Kosovo n'ont donc pas eu à faire un geste en faveur de ce premier accord global et ambitieux entre l'UE et le Kosovo. Pourtant, si l'article 218 TFUE prévoit en effet une procédure d'adoption des accords internationaux ménageant les choix de ces dits Etats membres, par le recours à la majorité qualifiée, le Conseil de l'UE, a été en réalité omniprésent dans la venue au monde de l'ASA UE-Kosovo. Pour rappel, le Conseil de l'UE est l'institution représentant les gouvernements des Etats membres, où les ministres de tous les pays de l'Union se rassemblent pour adopter les lois et coordonner les politiques. En effet, même dans le cas d'un accord uniquement basé sur les compétences propres de l'Union, l'article 218 § 8 TFUE pose, à titre dérogatoire, que l'unanimité est nécessaire pour l'adoption des décisions du Conseil dans le cadre d'un accord d'association. Dès lors, si l'on observe la procédure de l'article 218 à cette nouvelle lumière, l'unanimité a été nécessaire pas moins de 4 fois, pour l'autorisation de l'ouverture des négociations, l'adoption des directives de négociations, l'adoption de la décision permettant la signature de l'accord et son application provisoire et enfin pour la décision de conclusion de l'accord, au sein desquelles sont rappelées que ces décisions ne constituent pas en des reconnaissances du Kosovo85. Les Etats membres ne souhaitant pas reconnaitre le Kosovo ont donc dû se prononcer lors de l'adoption de ces décisions, démontrant que la nécessité d'approfondir les relations entre l'Union européenne et le Kosovo prend le pas sur la question statutaire, à condition que les compromis effectués par les Etats membres bloqué par la question statutaire reste peu visible par leurs nationaux. Malgré

83 On notera la présence ici de la footnote.

84 « Signature de l'accord de stabilisation et d'association entre l'Union européenne et le Kosovo », Communiqué de presse, Conseil européen et Conseil de l'UE, 27/10/2015

85 Par exemple Décision (UE) 2015/1993 du Conseil du 22 octobre 2015 portant approbation de la conclusion, par la Commission européenne, au nom de la Communauté européenne de l'énergie atomique, de l'accord de stabilisation et d'association entre l'Union européenne et la Communauté européenne de l'énergie atomique, d'une part, et le Kosovo*, d'autre part, 6/11/2015 et Décision UE 2016/342 du Conseil du 12 février 2016, relative à la conclusion, au nom de l'Union européenne et de la Communauté européenne de l'énergie atomique, d'une part, et le Kosovo*, d'autre part.

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cette implication « souterraine » de tous les Etats membres, l'ASA UE-Kosovo constitue une entorse en à la tradition en matière d'accord d'association du fait de sa non mixité (B).

B) L'ASA UE-Kosovo : entorse à la tradition de la mixité des accords d'association de

l'UE

Comme nous l'avons vu précédemment, jusqu'à l'ASA UE Kosovo, la pratique de l'Union était la mixité systématique des accords d'association de l'UE. Cette mixité systématique se justifiait politiquement par la nature étroite de la relation crée avec le partenaire associé. L'Association est en effet un type d'accord ambitieux prévoyant la mise en place de droits et d'obligations réciproques, mais aussi la possibilité de mener des actions en commun86, ce qui requiert la mise en place d'une structure institutionnelle qui édictera du droit dérivé de l'association. Dès lors, une des raisons pour laquelle les Etats ne voulaient pas s'effacer derrière l'Union, c'est que l'association crée des obligations. Nous avançons que le recours à cette non-mixité de l'association ne sera pas forcément pérennisé. En effet, et d'une part, le Kosovo était le dernier Etat des Balkans occidentaux à ne pas profiter d'un ASA, et l'ajustement juridique dont l'ASA UE-Kosovo a bénéficié a sans doute été justifié par la certitude que cet accord serait le dernier de ce genre. D'autre part, en dehors du cadre associatif, la Commission européenne a vu mettre un frein sur le développement d'une nouvelle doxa d'accords extérieurs, très ambitieux mais basé uniquement sur les compétences exclusives de l'Union87, par la Cour de Justice et par les Etats membres qui craignent de se sentir dépossédé dans un certain nombre de sujets sensibles.

A contrario, lorsqu'on compare l'ASA EU-Kosovo avec la génération d'ASA qui l'a précédé, seul le chapitre sur la circulation des travailleurs est absent, mais s'explique sans doute davantage par l'absence d'un accord sur les visas entre l'Union européenne et le Kosovo, que par la non mixité de l'ASA. De plus, un certain nombre d'articles font même leurs apparitions dans l'ASA UE Kosovo, qui n'étaient pas présent dans les ASA précédents. Ainsi, les dispositions relatives à l'administration publique88, absente de l'ASA UE-Serbie, ont directement trait à l'action stabilisatrice de l'UE, ayant vocation au renforcement de la nature étatique du Kosovo (Chapitre 2).

86 Article 217 TFUE.

87 « Avis 2/15, L'accord de libre-échange avec Singapour ne peut pas, dans sa forme actuelle, être conclu par l'Union européenne seule », Cour de Justice de l'Union européenne, Communiqué de presse n°52/17, 16 mai 2017.

88 Article 120 ASA UE Kosovo

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Chapitre 2 : une action stabilisatrice de l'UE renforçant incidemment la
nature étatique du Kosovo

Dans le cadre du PSA, les Etats des Balkans disposent désormais d'une perspective européenne. En vertu de celle-ci, ils se sont lancés dans un processus de reprise de l'acquis de l'UE et de mise en conformité avec les exigences des 28, dans l'objectif d'obtenir un jour le statut d'Etat membre. Consciente de la persistance de « poudrières » dans les Balkans, l'UE a décidé de faire de la stabilisation une composante majeure de son approche à destination de ses Etats. Dès lors, l'Union a décidé d'agir sur les deux pôles de déstabilisation potentielle de la région : D'une part, l'UE s'engage dans la normalisation des relations Serbie-Kosovo (Section 1) afin d'éviter que les crispations ethniques entrainent une nouvelle flambée de violences. D'autre part, une zone pacifiée est une zone composée d'Etats stables et fonctionnels. Pour répondre à ce deuxième objectif, l'UE va mettre en oeuvre un state-building d'une ampleur inédite au Kosovo (Section 2).

Section 1 : L'UE, actrice de la normalisation des relations Serbie-Kosovo

La question de la souveraineté serbe sur le Kosovo est un enjeu très sensible. Considéré comme « le coeur historique de la nation serbe », l'ancienne province maintenant indépendante est source de crispations et de tensions au sein de la population serbe, qui a vécu la DUT comme une dépossession89. Cette sensibilité explique que des crises diplomatiques interviennent régulièrement entre les deux Etats, chaque incartade d'un côté ou de l'autre de la frontière étant automatiquement perçue comme une agression ou une provocation. Dans ce climat tendu, l'Union s'est rapidement imposée comme l'instigatrice et médiatrice d'un dialogue entre Belgrade et Pristina (T). Pour que ce dialogue soit réellement fonctionnel, l'UE a décidé d'en faire une part intégrante de sa conditionnalité envers les deux Etats dans le cadre du PSA. Ainsi une conditionnalité inédite « Serbie-Kosovo » a été introduite dans l'ASA UE-Kosovo (TT)

I) L'UE instigatrice et actrice du dialogue Belgrade-Pristina

La perspective européenne constitue le moteur et incitatif le plus puissant à la coopération régionale. En effet il faut rappeler que l'Union européenne s'est construite et continue à se construire grâce à la création de liens étroits entre les États membres dans des domaines très variés. La réconciliation des voisins par l'intégration est considérée comme faisant part de l'ADN

89 Au-delà de nos lectures, nous avons eu confirmation de cet attachement viscéral lors de conversations avec de nombreux serbes et bosno-serbes que nous avons eu l'occasion de rencontrer.

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européen, et donc comme un exercice qui devrait également porter ses fruits dans les Balkans occidentaux. Convaincue du rôle fondamental de la coopération et du dialogue pour endiguer le cycle de la violence, l'UE fait de la coopération régionale un élément déterminant dans le processus de stabilisation et d'association.

La coopération et la réconciliation ayant pour l'Union européenne cette importance toute particulière, l'Union s'est rapidement engagée en faveur d'un dialogue entre Belgrade et Pristina. On peut rattacher cette volonté à la philosophie générale de l'action extérieure de l'Union, essentiellement préventive. Consciente que les tensions toujours très présentes entre la Serbie et le Kosovo sont problématiques, l'UE s'emploie à désamorcer celles-ci, en encourageant à la tenue d'un dialogue constructif (A). Cette stratégie et la forte conditionnalité autour du problème kosovar pourrait d'ailleurs être en train de porter leurs fruits (B).

A) L'encouragement à la tenue d'un dialogue constructif

L'UE a un intérêt fondamental à la stabilisation des Balkans occidentaux qui sont devenus une très proche périphérie depuis l'adhésion de la Croatie. Dans cette optique, il faut rappeler que le conflit Belgrade-Pristina constitue une poudrière potentielle, si l'Union européenne n'agit pas comme médiatrice pour empêcher la situation de s'envenimer. Il faut en effet garder à l'esprit que le point de départ du conflit en ex-Yougoslavie fût la cristallisation de tensions ethniques entre la Serbie et le Kosovo. Face à ce pôle potentiellement déstabilisateur, l'Union européenne s'est posée en médiatrice, se servant de sa capacité d'influence pour tenter de trouver un règlement au conflit. On notera ici que cette posture de supervision n'est pas sans équivalent en droit international qui prévoit le recours à l'arbitrage de personnalités emblématiques pour régler des différends internationaux. Dans ce cadre, et en l'espèce, l'Union européenne dispose d'une crédibilité en tant qu'instigatrice et actrice d'un dialogue réconciliateur en ce qu'elle est elle-même composée de pays ayant choisi la voie de la réconciliation.

Pourquoi une normalisation des relations entre la Serbie et le Kosovo est-elle nécessaire ? Après la déclaration unilatérale d'indépendance du Kosovo, des tensions ethniques ont continué de tendre les relations déjà compliquée entre la Serbie le Kosovo. Les populations ont connu de nombreux heurts et la Serbie a encouragé la création de structures parallèles au nord Kosovo ne respectant pas la souveraineté du nouvel État. L'Union européenne s'est alors engagée à favoriser le dialogue entre les deux États, en faisant notamment de ce dialogue un élément de conditionnalité incitative pour les deux pays. La Serbie s'est ainsi vu reconnaitre le statut d'État

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candidat à l'adhésion après avoir signé l'accord de février 2012 relatif à la représentation du Kosovo dans les forums régionaux.

Le dialogue entre la Serbie et le Kosovo a débuté une première fois en octobre 2003 sous le nom de « dialogue direct » grâce à l'impulsion de l'Union européenne. Celui-ci constituait en la réunion de groupes de travail chargés des questions de l'Energie et des personnes disparues à partir de mars 2004. Néanmoins, cette première tentative de dialogue a pris fin du fait des violentes émeutes à Mitrovica à la mi-mars90.

Le dialogue Belgrade-Pristina a repris le 8 mars 2011 sous égide de l'Union européenne, à plus haut niveau, et donc symboliquement, à Bruxelles. Ce dialogue a abouti à la conclusion d'accords techniques, le 2 juillet 2011 (liberté de circulation, reconnaissance mutuelle des diplômes, état civil), le 2 septembre 2011 (cadastre et tampons douaniers), le 2 décembre 2011 (gestion intégrée des frontières) et enfin l'accord de février 2012 sur la représentation du Kosovo dans les forums régionaux. A l'issu de ces dialogues, les deux pays ont repris leurs échanges commerciaux, la Serbie a vu se consolider son statut de pays candidat, et le Kosovo a pu bénéficier d'une étude de faisabilité.

A partir de 2012, les premiers ministres serbes et kosovars se sont réunis à 9 reprises, à l'initiative de Catherine Ashton, alors représentante de l'Union européenne pour les affaires étrangères. Ces rencontres à visée politique et instiguée par l'Union européenne ont permis un certain nombre d'avancés sur des points de tensions entre les deux États (la mise en place d'une unité spéciale de police spécialement consacrée à la protection du patrimoine orthodoxe au Kosovo ou encore la mise en place d'un fond de développement dédié au Nord Kosovo). A la suite de ces nombreuses rencontres au niveau gouvernemental, les présidents serbes et kosovars se sont rencontrés le 6 février 2013. De cette rencontre est né l'accord historique du 19 avril 2013 sur la normalisation des relations entre la Serbie et le Kosovo, dit « Accord de Bruxelles », signé par les premiers ministres serbes et kosovars. Selon une interview réalisée par le site « Toute l'Europe » du ministre serbe de l'intégration européenne Branko Ruzic le 17 novembre 2013 « l'accord de Bruxelles a été l'élément déclencheur dans le processus d'ouverture des négociations de l'adhésion ». De plus, l'accord de Bruxelles a été qualifié par Branko Ruzic de « tango à trois entre Belgrade, Pristina et l'UE ».

L'accord de Bruxelles porte pour une grande partie sur la problématique de la zone nord du Kosovo, peuplée majoritairement par une population d'origine serbe. En échange de la garantie

90 Communication « Un avenir européen pour le Kosovo », COM(2005) 156 final, 20/04/2005

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de sécurité et d'autonomie offertes à une Communauté des communes serbes du Kosovo, en matière socio-économique mais également de police, de justice et d'une forme de démilitarisation temporaire assurée par l'OTAN, la Serbie s'engage au démantèlement des structures parallèles qu'elle avait jusqu'à lors maintenue, dans les domaines de la police, du renseignement et de la Justice.

En février 2015, à la suite de l'accord de Bruxelles un accord sur la Justice est conclu. En décembre 2016, le Kosovo s'est vu octroyer son propre indicatif téléphonique (+383). Il faut d'ailleurs noter que si la Serbie n'a pas reconnu l'effet impératif de l'accord de Bruxelles, elle applique cet accord, en ce que sa mise en oeuvre est un pré-requis pour le bon déroulement des discussions relatives à l'adhésion.

Le dialogue entre la Serbie et le Kosovo est en pause depuis février 2015. Néanmoins au vu de l'importance de ce dialogue dans la conditionnalité de l'Union européenne envers ces deux Etats dans le cadre du processus de stabilisation et d'association, le Président Hashim Thaçi a dernièrement salué l'élection d'Aleksandar Vucic. Les deux hommes auraient « convenu de poursuivre le dialogue » et de « travailler ensemble sur la recherche de solutions a toutes les questions communes ». De plus Ana Brnabic, Première ministre serbe dit vouloir poursuivre « une politique de paix et de coopération avec le Kosovo afin d'atteindre un compromis et une réconciliation historique avec le peuple albanais »91 (B).

B) Une envisageable reconnaissance de facto du Kosovo par la Serbie

Depuis quelques semaines les relations Serbie-Kosovo connaissent un tournant singulier. Depuis sa réélection à la tête de la Serbie, Aleksandar Vucic a placé l'adhésion à l'Union européenne comme sa première priorité en ne cessant de prendre des mesures audacieuses. Par le choix de sa Première Ministre on l'a déjà vu, mais également vis-à-vis de la question du Kosovo qui pourrait connaître une résolution rapide.

Profitant en effet du calme estival, Vucic multiplie les déclarations, d'abords ambigües, puis désormais claires, en faveur d'une reconnaissance de facto de l'État kosovar. Au mois de juin 2017, peu de temps après sa réélection le Président serbe a fait une première mention de « l'opportunité d'ouvrir un dialogue sur les futures relations entre la Serbie et le Kosovo »92. Cette déclaration d'abord assez peu relayée a néanmoins ouvert largement la boite de Pandore et des

91 Source diplomatique. AFP Europe, 28/06/2017

92 « Is the power of the Kosovo myth fading ? », Bosnia Daily, june 30, 2017

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figures d'audience publique se sont emparées du sujet, se prononçant en faveur de l'indépendance kosovar. C'est par exemple le cas de Bosko Jaksic, journaliste de renommée internationale, qui a publié dans le quotidien Polika une tribune intitulée « Le temps du courage » où la reconnaissance de l'indépendance du Kosovo est présentée comme le seul moyen d'éviter une nouvelle guerre balkanique dans les dix ou vingt prochaines années93. Slobodan Samarzic, intellectuel souverainiste, professeur de sciences politiques à l'Université de Belgrade et ancien Ministre serbe pour le Kosovo a quant à lui déclaré que le dialogue Belgrade-Pristina initié par l'Union européenne ne pouvait pas aboutir à « une solution favorable pour les serbes ». Enfin, Vuk Draskovic, dirigeant du « Mouvement pour le Renouveau de la Serbie » et ancien Ministre des Affaires étrangères serbe a lui écrit dans un éditorial pour le quotidien Blic que « la souveraineté serbe sur le Kosovo n'existe que dans le préambule de la Constitution serbe. En s'asservissant à cette norme hors de toute réalité, l'État subit d'énormes pertes, sur les plans politique, de développement, démocratique, démographique et monétaire ».

C'est en effet désormais au sein de la Constitution serbe que réside la clé du futur du Kosovo. Dans le préambule de celle-ci est affirmé la souveraineté de la Serbie sur la province du Kosovo, coeur historique de la nation serbe. Par conséquent, afin de pouvoir « laisser partir » le Kosovo et reconnaitre de facto l'indépendance de son ancienne province, la Serbie doit réformer sa Constitution, ce qui pendant très longtemps a été considéré comme un tabou absolu.

C'est pourtant l'Union européenne qui pourrait donner à Aleksander Vucic l'opportunité de procéder à cette modification cruciale. Continuant de camper sur une position un peu ambigüe, que les observateurs internationaux comparent à celle du Général De Gaulle à la fin de la Guerre d'Algérie94, il ne cesse d'appeler à un « réalisme politique » et enjoint à une réforme constitutionnelle rapide dans le cadre de la réforme de la Justice. Cette réforme, nécessaire pour que la Serbie se conforme à l'acquis de l'Union européenne, pourrait bien être l'occasion pour ouvrir un processus de révision constitutionnelle, qui ne pourrait jamais se faire sur la base de la normalisation des relations Serbie-Kosovo95.

Le dialogue entre Belgrade et Pristina est très présent dans le paysage politique serbe actuel, du fait qu'il conditionne l'avancée de la Serbie dans son processus d'adhésion. Le Kosovo, beaucoup

93 Source diplomatique.

94 TANNER Marcus « Might Vucic become Serbia's De Gaulle on Kosovo ? », Balkan Insight, 01/08/2017.

95 RUDIC Filip, « Serbia's Vucic Sparks Intrigue over Constitution changes », Balkan Insight, 11/08/2017.

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moins avancé sur ce chemin, est lui aussi soumis à cette conditionnalité, qui s'insère au sein d'un clause inédite dans l'ASA UE-Kosovo (II).

II) L'insertion d'une conditionnalité « Serbie-Kosovo » inédite dans l'ASA UE-

Kosovo

Si l'ASA UE-Kosovo innove de par sa non mixité, on a démontré que celle-ci n'avait qu'une faible incidence sur le contenu de l'accord. Néanmoins, il innove sur un autre aspect en introduisant une nouvelle conditionnalité inédite (B) liée à la normalisation des relations avec la Serbie (A).

A) La création d'une clause essentielle liée à la normalisation des relations Serbie Kosovo

Les clauses dites « clauses essentielles » sont apparues en 1992 dans les accords externes de l'Union européenne. Ces clauses ont tout d'abord eu trait aux respects des droits de l'homme et des principes démocratiques. Ces clauses ont par la suite évolué, pour coller aux défis de la relation entre l'UE et son partenaire. En effet, les clauses élements essentiels, insérées au sein du Titre Premier des accords intitulé « Principes généraux » permettent à l'UE de développer les points politiques dont le respect lui semble indispensable pour maintenir sa bonne relation avec le partenaire. Un lien est établi au sein des clauses éléments essentiels entre la ou les valeurs que l'Union souhaite défendre et une possible dégradation des relations si le partenaire ne respecte pas la clause. Dans le cas où des contre-mesures seraient prises par l'UE, en cas de non-respect des dispositions d'une clause dite élément essentiel, le partenaire ne pourra obtenir aucune réparation de la perte qu'il subit, quand bien même la contre mesure irait jusqu'à la suspension de l'accord96. Dans ce cadre, les clauses « élément essentiel » constituent une facette importante du pouvoir normatif de l'UE dans ses relations avec ses partenaires internationaux.

96 Cette clause, appelée « clause bulgare » laisse l'Union européenne libre de convenir de « toute mesure appropriée » visant à sanctionner le non-respect de la clause élément essentiel, pouvant aller jusqu'à la suspension de l'accord.

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L'ASA UE-Kosovo introduit deux nouvelles clauses essentielles ventilées au sein de deux articles. L'article 597 (le principe) et l'article 1398 (la mise en oeuvre) de l'ASA posent comme éléments essentiels de l'accord, la pleine coopération du Kosovo avec la mission EULEX mais surtout, la normalisation des relations Kosovo-Serbie.

L'article 5 de l'ASA UE-Kosovo pose pour le Kosovo une obligation de moyen et de résultats, via l'utilisation de la formule « Le Kosovo s'engage à oeuvrer sans relâche à l'amélioration visible et durable de ses relations avec la Serbie ». Cette formule est reprise à l'identique dans l'article 13 de l'ASA, ce qui en renforce la portée. L'article 5 de l'ASA pose d'ailleurs que ce processus de rapprochement est un moyen, dans le sens d'un média obligatoire, pour la Serbie et le Kosovo de poursuivre leur marche respective vers l'UE. A l'article 13 il est d'ailleurs précisé que cette progression se fera « tout en empêchant que l'un d'eux puisse bloquer l'autre dans ses efforts ». La conséquence de cette affirmation est qu'il est officiellement posé que la Serbie ne pourra pas adhérer à l'Union européenne tant que les relations avec le Kosovo ne seront pas normalisées. Le Kosovo de son coté, se verra pénalisé dans ses relations avec l'UE dans le cadre de l'ASA s'il ne s'implique pas suffisamment dans la normalisation de ses relations avec la Serbie.

Ce dialogue entre Serbie et Kosovo est une nouvelle fois réaffirmé comme étant un dialogue tripartite. L'article 13 de l'ASA pose dans son 1) que « le dialogue politique et stratégique, selon le cas contribuent au processus de normalisation des relations entre le Kosovo et la Serbie ». Il faut ici rappeler que le dialogue politique et stratégique dont il est question n'est pas le dialogue supervisé entre les autorités serbes et kosovares sous l'égide de l'Union européenne, mais bien les dialogues qui auront vocation à prendre place au sein du Conseil de stabilisation et

97 Article 5 : « Le Kosovo s'engage à oeuvrer sans relâche à l'amélioration visible et durable de ses relations avec la Serbie et à coopérer de manière effective avec la mission déployée dans le cadre de la politique de sécurité et de défense commune pendant toute la durée du déploiement de celle-ci, comme indiqué de manière plus détaillée à l'article 13. Ces engagements constituent des principes essentiels du présent accord et sous-tendent le développement des relations et de la coopération entre les parties. Si le Kosovo ne respecte pas ses engagements, l'Union européenne peut prendre les mesures qu'elle juge appropriées, y compris suspendre le présent accord en tout ou partie.

98 Article 13 : 1. Le dialogue politique et le dialogue stratégique, selon le cas, contribuent au processus de normalisation des relations entre le Kosovo et la Serbie. 2. Comme prévu à l'article 5, le Kosovo s'engage à oeuvrer sans relâche à l'amélioration visible de ses relations avec la Serbie. Ce processus permet au Kosovo et à la Serbie de poursuivre leur marche respective vers l'Europe, tout en empêchant que l'un d'eux puisse bloquer l'autre dans ces efforts, et devrait progressivement mener à la normalisation des relations complètes des relations entre le Kosovo et la Serbie, sous la forme d'un accord juridiquement contraignant, avec pour perspective qu'ils puissent tous deux exercer leurs droits sans restrictions et assumer pleinement leurs responsabilités. 3. Dans ce cadre, le Kosovo veille en permanence à : a) mettre en oeuvre de bonne foi tous les accords conclus dans le cadre du dialogue avec la Serbie ; b) respecter pleinement les principes d'une coopération régionale ouverte à tous ; c) résoudre grâce au dialogue et à l'esprit de compromis les autres problèmes en suspens, à l'aide de solutions concrètes et durables, et coopérer avec la Serbie sur les questions techniques et juridiques qui le nécessitent ; d) coopérer efficacement avec la mission déployée dans le cadre de la politique de sécurité et de défense commune pendant toute la durée du déploiement de celle-ci

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d'association. Par l'ajout de cette mention, l'UE informe son partenaire kosovar que la question du dialogue de normalisation des relations rejoint désormais le système normatif mis en place par l'ASA, ce qui lui fait gagner en cohérence, mais aussi en force contraignante, une attitude jugée trop peu volontaire de la part du Kosovo pouvant désormais faire l'objet de contre-mesures économiques et non pas de simples pressions politiques. D'autre part, l'inclusion de la normalisation des relations Serbie-Kosovo dans les sujets d'intérêt du Conseil de stabilisation et d'association envoie le message au Kosovo, que c'est un sujet duquel il ne pourra pas se soustraire car désormais constitutif du corps de l'accord. Cet appareil coercitif autour de la normalisation des relations Serbie-Kosovo présente donc un grand intérêt, d'autant qu'elle est inédite au sein du PSA (B).

B) Une clause inédite au sein du PSA

La clause relative à la normalisation des relations entre la Serbie et le Kosovo présente dans l'ASA UE-Kosovo est inédite au sein du PSA. En effet, cette clause est sans équivalent dans les ASA signés par l'UE et les autres pays de la région. Les ASA précédemment conclus par l'Union reposent à chaque fois sur le même motif : le premier article du Titre intitulé « Principes généraux » énumère un certain nombre d'éléments posés comme des élements essentiels de l'accord. Il s'agit toujours d'un engagement au respect des principes démocratiques, des droits de l'Homme, de l'économie de marché, d'une coopération avec le TPIY et parfois d'une lutte contre la prolifération des armes de destruction massive99100101102. Cette clause très complète et multisectorielle se retrouve également dans l'ASA UE-Kosovo103, mais est accompagnée de la clause relative à la normalisation des relations avec la Serbie, qui comme on l'a déjà vu, fait l'objet de deux articles dédiés. Pourquoi l'UE a-t-elle ajouté cette clause inédite au sein de l'ASA UE-

99 Stabilisation and Association agreement between the European Communities and their Members States, of the one part, and the Republic of Montenegro, of the other part, L108/3, 29.04.2010

100 Accord de stabilisation et d'association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la République de Serbie, d'autre part, L278/16, 18.10.2013

101 Accord de stabilisation et d'association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la Bosnie-Herzégovine, d'autre part, L164/2, 30.6.2015

102 Accord de stabilisation et d'association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la République d'Albanie, d'autre part, L107/166, 28.4.2009

103 Article 3 : Le respect des principes démocratiques et des droits de l'homme, tels qu'ils sont proclamés dans la Déclaration universelle des droits de l'homme des Nations Unies de 1948 et tels qu'ils sont définis dans la Convention européenne de protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales de 1950, dans l'Acte final d'Helsinki, et dans la Chartre de Paris pour une nouvelle Europe, le respect des principes du droit international, y compris la coopération totale avec le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) et son mécanisme résiduel, la Cour pénal internationale, et le respect de l'état de droit ainsi que des principes de l'économie de marché, tels qu'ils sont exprimés dans le document de la conférence de Bonn sur la coopération économique de la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe, servent de base aux politiques de l'Union européenne et du Kosovo et constituent des élements essentiels du présent accord.

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Kosovo ? Pour répondre à cette question, nous pouvons avancer que d'une part, le facteur temporel a son importance. En effet, l'ASA UE-Kosovo est le dernier né d'une série d'accords, qui ont tous été paraphés avant la déclaration unilatérale d'indépendance du Kosovo.

D'autre part, le conflit latent entre la Serbie et le Kosovo constitut un potentiel déstabilisateur très important et que depuis 1999, l'UE s'est engagée en faveur d'une résolution du problème statutaire kosovar. Cet objectif est d'ailleurs précisément explicité dans l'ASA UE-Kosovo qui indique que cette résolution sera « complète » et prendra la forme « d'un acte juridiquement contraignant »104. Par cet ajout l'UE renforce encore sa position d'actrice et d'instigatrice du dialogue Serbie-Kosovo en posant quelle forme devait revêtir la résolution du problème statutaire. Cette clause est un message en direction du Kosovo comme de la Serbie, qui a déjà ouverts les chapitres de négociations en vue d'une adhésion, que la Serbie ne pourra pas adhérer à l'UE tant que ses relations avec le Kosovo ne seront pas normalisées. En effet, dans l'attente d'une résolution du problème statutaire, la Serbie comme le Kosovo ne sont pas en accord quant à la délimitation de leurs frontières respectives et l'UE ne veux pas avoir à gérer un nouveau cas similaire au cas chypriote, dont l'adhésion à l'UE n'avait pas réussi à entrainer un règlement du problème territorial.

Un fait intéressant est à noter : en s'impliquant aussi profondément dans la normalisation des relations entre la Serbie et le Kosovo, en faisant du Kosovo un interlocuteur de niveau régional et international, l'UE stabilise indirectement l'Etat kosovar. Ce domaine n'est pas le seul où l'Union joue un rôle majeur pour l'affirmation souveraine du Kosovo et l'on constate qu'en l'incluant dans le PSA, l'UE s'est en fait engagée dans processus de long terme de state building de l'Etat kosovar (Section 2).

Section 2 : L'UE promotrice d'un state building inédit auprès du Kosovo

L'état kosovar, à l'image de beaucoup d'états des Balkans occidentaux, est caractérisé par sa jeunesse. Le Kosovo est un des pays les plus jeunes du monde, et ses structures gouvernementales sont encore balbutiantes. En effet, il faut noter que jusqu'à la déclaration unilatérale d'indépendance de 2008, le Kosovo n'avait jamais été indépendant. Le Kosovo est, pour la plus grande partie de son histoire, resté sous l'occupation de l'Empire ottoman. Du temps de l'ex-Yougoslavie, une certaine autonomie a fini par lui être accordé, mais c'était toujours en tant

104 Article 13 ASA UE-Kosovo

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qu'État partie d'une structure étatique supranationale plus imposante. Dès lors, lorsque l'Union a intégré le Kosovo dans son PSA et lui a par conséquent demandé de reprendre l'acquis européen, elle a indirectement aidé à la mise en place d'institutions qui étaient auparavant inexistante. Cet state building, d'une ampleur inédite, se retrouve aussi bien au niveau étatique (I) qu'au de la société civile (II).

I) Le soutien de l'Union pour le renforcement de l'Etat kosovar

Pour être un Etat stable, le Kosovo a besoin d'institutions qui fonctionnent. Dans ce contexte, l'UE va mettre à disposition du Kosovo des instruments du PSA, comme l'assistance technique, qui joue un grand rôle dans la stabilisation administrative d'un Etat en construction (A). D'autre part, en mettant en oeuvre les demandes européennes, le Kosovo se rapproche certes de l'Union européenne, mais voit également se développer sa ramification administrative, ce qui renforce considérablement sa légitimité en tant qu'Etat (B).

A) L'assistance technique vectrice de stabilisation des institutions kosovares

On peut définir l'assistance technique comme « l'apport d'une expertise et de fonds destinés à mettre en oeuvre les programmes liés aux objectifs des politiques. (...) en général, les dépenses doivent contribuer au développement des capacités administratives »105. Le Kosovo bénéficie de deux instruments d'assistances techniques insérés dans les instruments de pré-adhésion IAP I et IAP II : TAIEX et Twinning, qu'on abordera l'un après l'autre. Ces deux instruments sont, comme on l'a vu, non spécifiques au Kosovo seul, mais communs à tous les pays relevant de l'IAP et à certains pays relevant de la PEV. On notera néanmoins, qu'à l'image d'autres instruments de l'Union dont le bénéficie le Kosovo, ceux-ci vont avoir un effet supplémentaire et plus profond que la reprise de l'acquis communautaire seule. En effet, dans le cadre d'un État en construction comme le Kosovo avec des administrations soumises à une forte rotation interne106, l'existence de cet appui constant des institutions européenne participe à la pérennisation des institutions. Nous pourrions même avancer que dans ce cas de figure, l'offre crée la demande et que les autorités kosovares créent, pérennisent et stabilisent des postes afin de répondre à l'offre européenne d'assistance, là où la mise en place d'une conditionnalité de création d'une institution aurait été insuffisante pour assurer sa stabilité.

105Rapport spécial de la Cour des Comptes européenne « Quelle a été la contribution de l'assistance technique dans le domaine de l'agriculture et du développement rural », FR, 2015, 04, p 6

106 Source : Revues de Presse de l'Ambassade de France en Bosnie-Herzégovine.

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Pour donner un exemple, la création d'un médiateur (ou défenseur des droits) fait partie de la conditionnalité relative à la libéralisation du régime des visas. Cette institution a donc été créée, mais se posait ensuite la question de la mise en oeuvre. Dusan Popovic souligne ainsi que certains États des Balkans occidentaux reprennent l'acquis mais ne le mettent pas en oeuvre car les administrations publiques ne comprennent pas un texte souvent repris mot pour mot dans la législation nationale107. L'instrument TAIEX (Technical Assistance and Information exchange) qui a pour objectif d'apporter aux administrations publiques de l'assistance au regard de la reprise et de la mise en oeuvre de l'acquis communautaire a permis de financer une visite d'étude du médiateur kosovar auprès du Défenseur des Droit français108. Cette visite a permis au médiateur « d'étudier les mécanismes mis en place en France en matière de lutte contre les discriminations, d'égalité des droits et de prévention de la torture ». Grâce à l'instrument TAIEX une coopération a également pu être mise en place entre le Défenseur des Droits français et le médiateur kosovar, ce qui permet indirectement de s'assurer de la pérennité de l'institution (il est plus difficile de supprimer ou de couper tout le budget d'une institution si celle-ci est engagée dans des coopérations).

L'assistance technique mis en place par l'instrument TAIEX se veut au plus près des besoins des administrations locales et se décline en trois composantes : la mise en place de workshops où des pans du droits de l'Union européenne sont présentés par des experts des États membres à des fonctionnaires, des juges, des membres des forces de l'ordre etc.. afin de s'assurer une meilleure mise en oeuvre de l'acquis repris109 ; des missions d'experts, où des experts d'États membres sont envoyés dans des administrations pour dispenser des conseils techniques et pratiques ; et enfin des visites d'étude, où un groupe de fonctionnaire d'une administration vont effectuer une visite d'étude dans l'administration d'un État membre afin de s'inspirer de leurs bonnes pratiques. La limite de cet instrument TAIEX au Kosovo est que la demande d'assistance doit être faite par l'État, ce qui implique une formulation en amont des besoins de l'administration concernée. Or, il apparait que le Ministre de l'Intégration européenne au Kosovo, qui a le rôle de coordinateur

107 POPOVIC D, « L'harmonisation du Droit privé des pays des Balkans occidentaux avec le droit communautaire », Revue du marché commun et de l'Union européenne, n°536, mars 2010.

108 « Visite d'étude en France du Défenseur des Droits, Mr Hilmi Jashari », 04/06/2016, https://kosovo.ambafrance.org consulté le 12/08/2017.

109 A titre d'exemple, des séminaires portant sur la lutte contre le trafic des biens culturels sont en train d'être organisés dans tous les pays des Balkans Occidentaux. Source : Service de Coopération et d'Action Culturelle Ambassade de France en Bosnie-Herzégovine.

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national pour l'IAP I et II (NIPAC) a des difficultés à assumer son rôle et à constituer un relai efficace110.

Le deuxième instrument « Twinning » est l'instrument européen pour la coopération institutionnelle entre les administrations publiques des États membres et des pays partenaires, dont le Kosovo fait partie. Il a pour objectif de construire et renforcer les capacités administratives de l'administration publique du pays, via l'octroi d'expertise, de conseils, de partage de bonnes pratiques et l'aide à la réorganisation de l'administration. L'instrument Twinning est ainsi particulièrement représentatif du double bénéfice lié à la mise en oeuvre des demandes européennes : en se rapprochant de l'Union le Kosovo crée aussi des structures nouvelles qui renforcent sa souveraineté interne (B).

B) Le double bénéfice lié à la mise en oeuvre des demandes européennes : rapprochement de l'Union et création de structures nouvelles

Dans le cadre du processus de stabilisation et d'association, les États des Balkans occidentaux reprennent petit à petit l'acquis communautaire et se mettent en conformité avec les exigences européennes. En procédant à cette reprise de l'acquis, le pays se rapproche de l'Union européenne et se voit accorder des récompenses sous la forme d'une intégration matérielle de plus en plus importante à l'espace européen (étude de faisabilité, ASA, ouverture de la participation aux programmes de l'Union, accord sur les visas, obtention du statut de pays candidat, adhésion à l'Union européenne).

Pour le Kosovo nous pouvons avancer que ce premier effet et doublé d'un effet structurant, en lien avec la première fonction de l'UE au sein de la MINUK : la reconstruction. Pour être plus précis, dans les pays relevant du PSA, la mise en conformité avec les exigences européennes passe par une mutation législative et organisationnelle. Néanmoins, dans des secteurs relativement récents dans les pays d'ex-Yougoslavie comme la propriété intellectuelle, la reprise de l'acquis de créé un nouveau pan de Droit et parfois même de nouvelles institutions111. Dès lors, dans un État en construction comme le Kosovo, la mise en oeuvre des demandes européennes va permettre, en plus de rapprocher le pays de l'UE, de créer de nouvelles ramifications étatiques et donc d'asseoir un peu plus le Kosovo comme un État souverain et fonctionnel. On peut également ajouter que ces nouveaux organes créés ne se feront pas ex nihilo, mais en fonction et au regard des pratiques

110 IPA II Monitoring, Reporting and Performance Framework, Specific Contract n° 2014/351-964, Final Report 25 janvier 2016, p 112.

111POPOVIC D, « L'harmonisation du Droit privé des pays des Balkans occidentaux avec le droit communautaire », Revue du marché commun et de l'Union européenne, n°536, mars 2010.

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et exigences communautaires. Ainsi, en juin 2004, alors que le Kosovo n'avait pas encore déclaré unilatéralement son indépendance, l'Union européenne avait adopté un « Partenariat européen » pour la province kosovare. Ce partenariat constituait en fait davantage en un monitoring très poussé qu'en un simple partenariat. En effet, l'Union européenne y énonçait des actions à mettre en oeuvre, tandis que les autorités provisoires du Kosovo avaient répondu par l'adoption d'un plan d'action définissant les mesures envisagées pour répondre aux demandes de l'Union européenne, évaluaient leurs coûts et surtout, évaluait l'aide nécessaire pour mettre en oeuvre ce programme112. Ce plan était également doublé d'un dispositif de suivi du processus de stabilisation et d'association (STM) chargé d'examiner les progrès réalisés dans la mise en oeuvre de ce partenariat européen113.

Plus récemment et en termes d'administration publique on peut ainsi relever l'adoption en 2016 d'une loi sur les procédures administratives114. Une telle loi est indispensable au fonctionnement d'un État, en ce qu'elle permet de régler les rapports entre les administrations et les usagers, contribuant ainsi à renforcer la souveraineté et la légitimité kosovare en tant qu'organe de référence.

Pour illustrer au mieux notre propos, nous nous intéresserons à quelques exemples de structures nouvelles qu'a dû créer le Kosovo dans le cadre de sa mise en conformité avec les exigences de l'UE pour la mise en place d'un accord sur les visas. En effet, les réformes introduites, qui ont directement trait à la capacité d'un État à contrôler qui entre et sort de ses frontières souveraines, participent à la structuration du Kosovo dans ces domaines. On pourra par exemple citer la création d'une base de données relative à l'état civil, avec l'attribution d'un numéro d'identité à chaque ressortissant kosovar115. Le Kosovo a également mis en place tout un cadre juridique relatif à la réadmission et au retour de ses nationaux, avec notamment la mise en place d'un fond de gestion destiné à l'aide des personnes rapatriées. Cette initiative, mise en place au cours de l'année 2015 à la demande de l'Union européenne, s'est peu à peu muée en véritable service d'aide au retour pour les personnes rentrant au Kosovo, sans égard à la date de leur départ du pays. Plus précisément, le 9 mars 2016, le Kosovo a adopté une réglementation relative à la réinsertion qui ouvre l'accès à une aide à l'emploi indépendant116 et à la création d'une entreprise pour toutes les

112 Communication « Un avenir européen pour le Kosovo », COM(2005) 156 final, 20/04/2005

113 Communication « Un avenir européen pour le Kosovo », COM(2005) 156 final, 20/04/2005

114Communication de 2016 sur la politique d'élargissement de l'UE. COM(2016) 715 final.

115Troisième rapport concernant les progrès accomplis par le Kosovo* pour satisfaire aux exigences de la feuille de route sur l'assouplissement du régime des visas, COM(2015) 906 final.

116La mise en place d'un service de ce type est particulièrement cruciale dans les Balkans occidentaux où le taux de chômage reste très élevé. Dans un contexte où les salariés des quelques grandes entreprises ne perçoivent pas leur

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personnes faisant l'objet d'une mesure de retour. Au premier trimestre 2016, 704 personnes soumises à une procédure de retour ont pu bénéficier de services de réinsertion durable. Ce chiffre est en hausse constante par rapport à 2014 et 2015 (336 et 628)117. Un bureau de conseil spécialisé dans l'aide à la création d'entreprise a également été créé. Cette mise en place d'un « pont » entre les personnes rapatriées et l'Etat kosovar, qui va les aider dans leur réinstallation renforce le lien existant entre l'Etat et sa population, et participe donc à la création d'une véritable société civile (II).

II) Le soutien de l'UE à la création d'une véritable société civile kosovare

Selon l'Union européenne, « la société civile regroupe notamment les organisations syndicales et patronales (les "partenaires sociaux"), les organisations non gouvernementales (ONG), les associations professionnelles, les organisations caritatives, les organisations de base, les organisations qui impliquent les citoyens dans la vie locale et municipale, avec une contribution spécifique des églises et communautés religieuses »118. Elle a pour objectif de représenter, sur une base volontaire, les membres de la Société dont elle est issue. Dès lors, que pour qu'une société civile s'incarne, le sentiment d'appartenir à un même ensemble est nécessaire, ainsi que la poursuite d'intérêts en commun. Concrètement, la formalisation d'une société civile kosovare, signifierait que les citoyens du Kosovo se sentent kosovars, plus qu'albanais ou serbe. La société civile est dès lors un bon indicateur de l'existence d'une « population » telle que réclamée par le Droit international comme composante d'un Etat. Or, l'UE dans les instruments qu'elle déploie au Kosovo, apporte un réel soutien à la création d'une véritable société civile kosovare, par son processus d'allocation des aides d'une part (A), mais aussi par les bonnes pratiques que les nationaux du Kosovo peuvent tirer de leur participation aux programmes de l'Union (B).

salaire à temps, ou pas du tout, l'autoentrepreneuriat est avancé comme une solution pour relancer le tissu économique local. Dans ce cadre, les initiatives à destination des nationaux pour mettre en place des formations à l'entrepreneuriat se multiplie, souvent pour pallier à la carence étatique en la matière. Ces « écoles d'entrepreneurs » sont souvent alimentées par des appels à projets et des fonds privés internationaux et/ou de l'UE. Par exemple, dans le cadre de son appel à projet « Appel à la Société civile 2017 », l'Ambassade de France en Bosnie-Herzégovine a reçu plus d'une trentaine de projets ayant pour objectif de monter des écoles d'entrepreneurs et notamment un appel d'une Université qui souhaitait créer une filière dédiée à l'entrepreneuriat et qui cherchait des fonds. Dès lors la création d'un fond de ce genre au Kosovo répond à un véritable besoin.

117Quatrième rapport concernant les progrès accomplis par le Kosovo* pour satisfaire aux exigences de la feuille de route sur l'assouplissement du régime des visas COM(2016) 276 final.

118 Livre blanc sur la gouvernance européenne COM(2001) 428 final du 25/07/2001

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A) Le processus d'allocation des aides de l'Union favorisant la pérennisation d'acteurs de la société civile

Lors du dernier recensement de 2013, la population du Kosovo a été estimée à 1, 803 million d'habitants. Cette population est hétérogène, avec une majorité de kosovar-albanais (environ 90%) et une forte présence des minorités, avec plus de 120 000 serbes et 40 000 représentants d'autres minorités, roms, ashkalis, égyptiens, turcs, goranis, croates, bosniaques et monténégrins119. L'État kosovar est un État récent et sa société civile est encore en pleine construction. Au-delà des communautés, l'ambition est maintenant de créer au sein du Kosovo une société civile qui se projette un avenir au sein du Kosovo et qui se réfère aux institutions kosovares120. Dans ce cadre, le processus d'allocation des aides de l'Union européenne au Kosovo renforce cette société civile en l'aidant à se structurer et en encourageant l'établissement de dialogues entre différentes organisations de la société civiles (OSC).

Depuis la conférence « Civil Society Developement in South-East Europe : Building Europe together », qui s'est tenue à Bruxelles les 17 et 18 avril 2008, la Commission européenne a décidé de mettre en place un dialogue permanent entre la Commission européenne (sous la forme des Délégations de l'UE) et les OSC des pays partenaires sur le chemin de l'adhésion121. Ce dialogue a pour objectif de favoriser l'échange de bonnes pratiques, la recherche de partenaires et le développement de projets spécifiques. Dans la lignée de cette conférence, l'Organe de liaison de l'UE au Kosovo, qui est l'équivalent de la Délégation de l'UE au Kosovo, a engagé un dialogue régulier avec les OSC kosovares dans le cadre de la rédaction du rapport de progrès publié chaque année. Invitées à contribuer à ce rapport annuel, les OSC peuvent également débattre des conclusions de celui-ci. De plus, en amont des réunions liées à la rédaction du rapport de progrès, les OSC sont également invitées à contribuer lors des réunions sectorielles du Comité de Stabilisation et d'Association mis en place dans le cadre de l'ASA UE-Kosovo. Dès lors, même les petites OSC disposent d'opportunité pour faire entendre leur voix et peuvent être mises en relations avec d'autres OSC exerçant une activité similaire. Cet effet de mise en réseau a plusieurs avantages. Il peut permettre à des OSC de mettre en communs certaines de leurs connaissances et de leurs moyens et par exemple proposer un projet de plus grande envergure tout en évitant les doublons. Ce processus leur permet de devenir des actrices plus crédibles en démontrant qu'elles

119 Source : www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/kosovo/presentation-du-kosovo/ , consulté le 15/08/2017

120 La même problématique se retrouve en Bosnie-Herzégovine où la Délégation de l'Union européenne oeuvre en faveur d'un rapprochement entre les communautés et favorise les projets intercommunautaires.

121 Conclusions du Conseil « The roots of Democracy and sustainable development : Europe's engagement with civil Society in external relations », 3191th Foreign Affairs Developpement council meetings, Luxembourg, 15/10/2012.

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disposent d'une capacité à entretenir un réseau et qu'elles ont une appréhension des enjeux globaux et non pas seulement locaux. Cette approche globale est d'ailleurs particulièrement appréciée dans un état multiethnique comme le Kosovo où les bailleurs de fonds internationaux auront toujours tendance à privilégier les projets profitants à la société civile kosovare plutôt qu'à une communauté particulière.

Lors du 3191ème Conseil Affaires étrangères et développement qui s'est tenu le 15 octobre 2012 à Luxembourg, a été lancé une nouvelle politique ambitieuse à destination des OSC, rappelant que le financement constitue un élément important du soutien à un environnement propice pour la Société civile. L'UE constitue d'ailleurs le principal bailleur de fonds de la plupart des OSC au Kosovo122. L'aide fournie passe alors par le biais de l'IAP, de l'Instrument européen pour la démocratie et les droits humains (EIDHR) sous la forme notamment d'appels à projets.

Cette ventilation des fonds par le biais d'appels à projet est particulièrement intéressante pour la pérennisation de la société civile au Kosovo. En effet, il entraine une mobilisation d'OSC autour de thèmes importants pour le Kosovo, et pousse à l'engagement la base citoyenne, d'autant plus lorsque la structure gouvernementale connait des défaillances123. Dans certains pays partenaires de l'UE des OSC critiquent le fait que dans le cadre des appels à projets, les fonds sont assez rarement alloués aux plus petites structures. Nous considérons ce choix justifié par la nécessité de s'assurer de la bonne utilisation des fonds alloués. C'est cet impératif qui justifie que soit favorisé les OSC disposant d'une certaine capacité administrative et dont on est certains qu'elles pourront mener à bien le projet pour lesquelles elles ont bénéficié d'un financement. Ce faisant, l'UE pousse indirectement les OSC locales à se professionnaliser et à professionnaliser leurs actions124. De plus, les critères de sélection des projets (communiqués en avance au public sous la forme de « feuille de route » annuelle) mettent une emphase particulière sur la pérennité des projets et la coopération entre OSC.

Néanmoins, afin de se rapprocher au plus près des OSC les plus petites, l'Organe de liaison de l'UE au Kosovo pratique également les financements de projets en cascades : les fonds sont

122 Commission Staff working document Kosovo* 2016 Report- Accompanying the document 2016 Communication on EU Elargment Policy.

123 A titre d'exemple, la Bosnie-Herzégovine pullule littéralement d'OSC dans tous les domaines, et plus particulièrement dans les domaines où l'État est absent (culture, services sociaux, protection des femmes, formation à l'entreprenariat, etc...)

124 Au cours de notre stage à l'Ambassade de France en Bosnie-Herzégovine nous avons été chargés de la première sélection des projets et de la communication avec les OSC pour un appel à projet. Dans ce cadre il nous est arrivé de devoir expliquer par mail à la présidente d'une association comment envoyer des pièces jointes dans un mail. Certaines OSC envoyaient des lettres sans remplir les formulaires demandés. D'autres encore, envoyait des brochures d'une cinquantaine de pages ... au sein desquelles le projet de l'association n'était même pas développé.

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attribués à une OSC de taille moyenne disposant d'un réseau à qui elle redistribuera des fonds pour des projets de moindre envergures, ce qui permet aux plus petites OSC de bénéficier des fonds européens et également de s'acculturer à la culture administrative européenne, ce qui pourra leur permettre à terme de porter des projets de plus grande ampleur directement auprès de l'Organe de liaison. Enfin, une OSC acculturée au fonctionnement des aides européennes aura plus de chances de remporter de nouveaux appels à projets. C'est la même logique de reprise des bonnes pratiques qui gouverne la participation d'acteurs kosovars aux programmes de l'Union (B).

B) La participation aux programmes de l'Union, vectrice indirecte de bonnes pratiques

Dans sa thèse sur « les partenariats entre l'Union européenne et les Etats tiers européens », Cécile Rapoport étudie l'apport de la participation aux programmes de l'Union des Etats tiers européens, notamment en termes de transfert normatif et écrit que « En participant à la mise en oeuvre de certaines politiques de l'Union, les États partenaires bénéficient d'un certain nombre d'actions destinées initialement aux États membres ou conduites par eux ou la Communauté en direction d'États tiers. En fonction de la politique visée, les États tiers européens peuvent être tour à tour, co-acteur d'une politique aux cotés des institutions ou co-destinataires de celle-ci aux cotés des États membres. Le clivage entre États membres et États non membres de l'Union tend ainsi à s'atténuer à mesure que le partenariat se renforce »125. Cela étant dit, qu'est-ce qu'un programme de l'Union ? Un programme de l'Union est un projet, financé entièrement par le budget de l'Union européenne ou bien cofinancé par les Etats membres ou d'autres partenaires, comme des Etats tiers. Il relève des compétences du Parlement européen, du Conseil et de la Commission européenne et sert à mettre en oeuvre ou combler un besoin dégagé dans le cadre des politiques européennes. En d'autres termes, si la politique européenne formule un besoin d'action (améliorer la compétitivité pour la croissance et pour l'emploi), le programme de l'Union sera le moyen d'action pour achever cette ambition (Horizon 2020126). Dans le cadre de sa politique extérieure, l'Union fait régulièrement participer des Etats tiers à ses programmes. C'est par exemple le cas de l'emblématique Programme Erasmus +, auxquels participent les pays du PSA.

125 RAPOPORT C, « Les partenariats entre l'Union européenne et les États tiers européens », Bruylant, pp.838, 2011, Collection droit de l'union européenne - thèses

126 Garantir la compétitivité de l'Europe à l'échelle mondiale, ainsi que de renforcer sa position dans le domaine scientifique et son avance dans l'innovation industrielle en investissant massivement dans les technologies essentielles, l'accès aux capitaux et l'aide aux PME.

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La question de la participation du Kosovo aux programmes de l'Union s'est assez rapidement posée après la déclaration unilatérale d'indépendance de 2008. Dans sa Communication de 2009 « Kosovo* - vers la concrétisation de la perspective européenne »127, la Commission note que le Conseil l'a encouragé à permettre au Kosovo de participer aux programmes de l'Union. Le 5 décembre 2011, le Conseil a confirmé qu'il était déterminé à parvenir à un accord sur cette participation, sans préjudice de la position des Etats membres sur le statut. Les négociations ont débuté en octobre 2012 et l'accord-cadre entre l'Union européenne et le Kosovo sur la participation du Kosovo aux programmes de l'Union, a été signé le 8 novembre 2016128. Grâce à cet accord le Kosovo est autorisé à participer à certains programmes de l'UE, plus particulièrement ceux énumérés dans l'annexe de l'accord-cadre, les programmes qui suivront à compter de la date d'entrée en vigueur de l'accord cadre prévoyant une clause d'ouverture permettant la participation du Kosovo. Les programmes ouverts au Kosovo au titre de l'accord cadre sont nombreux, et couvrent un grand nombre de secteurs : « Fiscalis 2020 », « Douane 2020 », « Hercule III », « Justice Programme « Droits et égalités citoyennes » », « l'Europe pour les citoyens », « Mécanisme de protection civile », « Solution d'interopérabilité pour les administrations publiques, les entreprises et les particuliers en Europe », « COSME », « Programme pour l'emploi et l'innovation sociale », « Erasmus + », « Europe Créative », « Horizon 2020 », « La santé en faveur de la croissance », « Programme consommateur », et « Copernicus ».

Qu'apporte cette participation aux programmes de l'Union au Kosovo ? A première vue, et au regard de l'accord-cadre qui pose que « Le Kosovo pourra participer aux programmes de l'Union conformément à ses engagements et à adopter et appliquer des normes liées aux programmes concernés et en fonction des progrès réalisés à cet égard »129 ; cette participation est un vecteur de transfert normatif, renforcé par la possibilité offerte aux représentants du Kosovo invités à participer en tant qu'observateur aux comités de gestions. Cette dimension quasi éducative se retrouve d'ailleurs dans l'article 8 de l'accord cadre, qui prévoit un réexamen des dispositions de l'accord-cadre avant une période de 3 ans, puis tous les 3 ans, « en tenant compte de l'expérience acquise dans le cadre de la participation du Kosovo à un ou plusieurs programmes de l'Union »130.

127 Communication « Kosovo* - vers la concrétisation de la perspective européenne » COM (2009) 534 final du 14/10/2009

128 Accord-cadre entre l'Union européenne et le Kosovo* établissant les principes généraux de la participation du Kosovo aux programmes de l'Union, L195/3, 27/07/2017

129Article 1 de l'accord-cadre entre l'Union européenne et le Kosovo* établissant les principes généraux de la participation du Kosovo aux programmes de l'Union, L195/3, 27/07/2017

130Article 8 de l'accord-cadre entre l'Union européenne et le Kosovo* établissant les principes généraux de la participation du Kosovo aux programmes de l'Union, L195/3, 27/07/2017

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Maintenant, si l'on envisage le caractère nouveau de l'état kosovar, au-delà d'une simple reprise des normes européennes, on peut envisager cette participation comme vectrice de bonnes pratiques, et surtout comme un moyen pour le nouvel Etat de renforcer sa souveraineté interne. En effet, en participant à ces programmes, le Kosovo est contraint de devenir un acteur dans les domaines des dits programmes. La participation à ces programmes a un autre double avantage : si cela lui permet d'une part d'anticiper sur la reprise de l'acquis communautaire, cela lui permet d'autre part, ne pas avoir à totalement innover dans la formulation et la mise en oeuvre de certaines politiques131. De plus, cette participation aux programmes de l'Union lui permet d'asseoir sa souveraineté externe en devant un partenaire dans le cadre de relations internationales. Enfin, après la signature de l'ASA UE-Kosovo, la participation aux programmes de l'Union peut servir d'appui aux politiques de coopérations mise en place. Par exemple, l'article 107 de l'ASA pose que « les programmes et instruments de l'UE existant dans ce domaine contribuent à l'amélioration des structures et activités se rapportant à l'éducation, à la formation, à la recherche et à l'innovation au Kosovo ».

Si l'UE a été longtemps impactée dans son action par l'ambiguïté du statut kosovar, on a vu que son obligation d'agir l'avait poussé au pragmatisme et que sa volonté de stabiliser le Kosovo allait même dans le sens d'un renforcement de la souveraineté du Kosovo. Une question néanmoins demeure : dans le cadre du PSA, le Kosovo se voit de plus en plus intégré à l'ordre juridique de l'Union. Néanmoins, en l'absence d'un règlement du problème statutaire, un questionnement demeure sur la finalité de cette intégration (Partie 2).

131 En effet, dans le cas contraire, le Kosovo aurait été contraint « d'inventer » sa conception de la dite politique. Or cela ne va pas dans le sens de la stratégie actuelle du Kosovo qui consiste à souvent reprendre des textes de l'Union ou d'autres acteurs internationaux pour aller parfois jusqu'à les transposer en l'état dans sa législation. Dusan Popovic qualifie ce phénomène de « transfert juridique ». POPOVIC D, « L'harmonisation du Droit privé des pays des Balkans occidentaux avec le droit communautaire », Revue du marché commun et de l'Union européenne, n°536, mars 2010.

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Partie 2 : Une intégration matérielle avancée du Kosovo mais un questionnement persistant sur la finalité de cette intégration

En signant en ASA avec l'Union européenne, le Kosovo a vu changer le caractère de sa relation avec son partenaire. Au-delà de l'assistance technique et de la reprise des normes de l'UE par soucis d'efficacité, devient un processus obligatoire dont le non-respect est susceptible d'entrainer une détérioration de la relation. La reprise de l'acquis devient l'outil d'une intégration matérielle de plus en plus poussée du Kosovo au système juridique de l'Union (Chapitre 1). Néanmoins un questionnement persiste sur la forme que prendra cette intégration (Chapitre 2).

Chapitre 1 : Une intégration matérielle approfondie du Kosovo à l'Union

Le commerce est pour l'Union le moyen le plus efficace de faire pénétrer ses normes dans le système juridique de ses partenaires. En effet, pour les opérateurs économiques étrangers, le marché intérieur représente d'énormes nouveaux débouchés commerciaux, et la possibilité de faire des économies d'échelle. Dans le cas du Kosovo, qui dispose d'un marché domestique assez limité, le potentiel d'exportation est donc très important, à condition que les opérateurs économiques s'alignent aux normes en vigueur sur ce marché. Dès lors, pour les autorités du Kosovo, il est avantageux de reprendre les normes de l'Union, afin de se conformer aux exigences de l'ASA, mais aussi pour pouvoir profiter de toutes les potentialités offertes par le marché unique. Ainsi, en libéralisant son commerce avec le Kosovo, l'UE procède en fait à une intégration du Kosovo au marché intérieur (Section 1), qui passera notamment par une reprise de l'acquis, commercial certes, mais aussi plus politique (Section 2).

Section 1 : la mise en place d'une intégration du Kosovo au marché intérieur

A la sortie de la guerre, la situation économique des Balkans occidentaux est catastrophique. Les systèmes économiques des différents nouveaux États sont faibles, l'appareil industriel est dépassé, les investissements étrangers se font rares et la transition vers l'économie de marché est très lente. L'activité économique stoppée lors des conflits souffre également de l'inflation économique et de la mafia. L'UE est consciente que la stabilité de la région va pour beaucoup dépendre de l'amélioration de la vie économique dans les Balkans occidentaux. Il faut ici rappeler que la crise économique qu'a connu la Yougoslavie à la fin des années 1980 a eu un rôle dans le






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