II.1.b Une relecture de l'économie collaborative
à travers la question des communs
L'apport conceptuel des communs impacte
considérablement une économie résidant sur le
caractère exclusif du droit de propriété et entre en
complète résonance avec la révolution numérique,
annonçant un nouveau bien commun sur lequel repose l'essor de
l'économie collaborative. En effet, les communs permettent à
travers une redéfinition du concept de propriété, de
gouvernance, de gestion de la ressource et du collectif, de questionner les
fondements de l'économie collaborative.
Les circuits de production et de consommation de
l'économie collaborative ne reposent pas sur un productivisme
exacerbé ou sur une exploitation exponentielle des richesses. Ils
relèvent au contraire de formes alternatives d'échanges,
davantage orientées vers la coopération et l'usage, et non plus
vers la propriété exclusive.
Si la thématique de l'économie collaborative
peut recouvrir celle de l'économie circulaire, de fonctionnalité
ou même contributive, elle est elle-même une composante d'une
thématique plus vaste, celle des communs. Là où dans la
logique marchande, les marchés sont autorégulateurs et
efficients, à travers un droit de propriété sur les biens
pleins, entiers et « exclusifs », à savoir qui ne profite
qu'au propriétaire de ce bien à l'exclusion de toute autre
personne. L'expansion de cette logique propriétaire a donné lieu
à une augmentation vertigineuse des droits de propriété
intellectuelle et de brevetabilité de domaines qui ne s'inscrivaient pas
jusqu'ici dans la logique marchande.
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Face à cette expansion illimitée du capitalisme
et de la prolifération des domaines d'enclosures, les
conséquences sont parfois désastreuses tant sur le plan social
(inégalités croissantes, vulnérabilité sociale)
qu'écologique. Le retour des communs, formes séculaires
d'organisations sociales autour d'une ressource comme un pâturage, une
forêt, une pêcherie, un lac..., représente une
éventuelle alternative à l'exploitation démesurée
de ressources limitées et non renouvelables, comme l'exploitation des
sols et la suffisance alimentaire. Mais cela ne se limite pas aux seuls communs
naturels, cela s'étend également aux communs de la connaissance,
comme les biens numériques (fichier audio, page web...) qui ne sont pas
« soustractibles » d'un ensemble et dont la reproduction entraine un
cout marginal proche de zéro.
Cela entraîne surtout une culture de la co-gouvernance
et de la gestion de l'intelligence collective à travers la
coopération et le partage, comme l'explique Elinor Ostrom qui
décline trois conditions essentielles à l'existence d'un commun
(ressource, partagée, en gestion collective).
Ainsi, ce retour des communs, touchant aujourd'hui des
domaines comme celui des données informationnelles, s'enrichit de la
participation de contributions de plusieurs « commoners »
qui, ce faisant, créent de la valeur. C'est le cas pour les
logiciels libres ou encore pour Wikipédia.
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