|
|
UNIVERSITE
INSTITUT FACULTE
DEPARTEMENT
REPUBLIQUE DU CAMEROUN REPUBLIC OF CAMEROON
Paix-Travail-Patrie Peace-Work-Fatherland
******* *******
CATHOLIQUE D'AFRIQUE CATHOLIC UNIVERSITY OF
CENTRAL
CENTRALE AFRICA
******* ********
CATHOLIQUE DE YAOUNDE CATHOLIC INSTITUTE OF
YAOUNDE
********** ***********
DE SCIENCES JURIDIQUES FACULTY OF LAW AND
POLITICAL
ET POLITIQUES SCIENCE
********** **********
DE DROIT PUBLIC DEPARTMENT OF PUBLIC LAW
|
|
|
LA PROTECTION DES DROITS DES VICTIMES DES
EXPROPRIATIONS POUR CAUSE D'UTILITE PUBLIQUE AU CAMEROUN
|
Mémoire présenté et soutenu publiquement
en vue de l'obtention du Master en Droit Public Option : Droit Public
Fondamental
Par :
BEDJOKO BEDJOKO André Junior
Maitrise en Droit Public
Sous la Direction de : Dr. Pierre Thibaut
BATA
Chargé de cours à l'Université
Catholique d'Afrique Centrale
Sous la Supervision de :
Pr. Jean Didier BOUKONGOU
Professeur titulaire de droit international à
l'Université Catholique d'Afrique Centrale
|
Année académique 2022-2023
|
|
|
AVERTISSEMENT
L'Université Catholique d'Afrique Centrale n'entend
accorder ni approbation ni improbation aux opinions émises dans ce
mémoire, celles-ci doivent être considérées propres
à l'auteur.
« Gouverner, c'est d'abord loger son peuple
»
II
Abbé Pierre.
DEDICACE
III
Je dédie ce travail à ma mère,
MBAZOA MEKEME Pauline épouse BEDJOKO
iv
REMERCIEMENTS
Nous tenons d'abord à remercier L'administration de
l'Université Catholique d'Afrique Centrale, la Faculté de
Sciences Juridiques et Politiques et le département de Droit Public pour
l'expérience enrichissante qu'ils nous ont fait vivre durant notre
formation.
Ensuite, mon Directeur de Mémoire, Docteur Pierre
THIBAUT BATA pour le temps qu'il nous a consacré lors de nos
échanges, la transmission de ses connaissances et son professionnalisme
qui nous ont aidé à la rédaction de ce travail, sans
oublier ses précieux conseils qui nous ont tout autant aidé dans
cette démarche.
Ensuite, Professeur Jean Didier BOUKONGOU, qui a eu la
bienveillance de superviser la rédaction de ce travail de recherche.
Le Docteur Maurice ONANA, Coordonnateur des étudiants
de Master 2 Droit Public, pour son accompagnement tout au long de
l'année académique.
Notre famille, pour les encouragements et le soutien qu'elle a
eu à m'octroyer depuis mon enfance et surtout lors de mon cursus
académique à l'Université Catholique d'Afrique
Centrale.
Notre encadreur de stage académique à la Caisse
Nationale de Prévoyance Sociale, Madame DJOPMO NONO Marie Gisèle,
pour les connaissances et les conseils qu'elle a portés à mon
attention lors de mon stage académique.
Enfin, notre frère MEKEME BEDJOKO Michel Legrand, pour
le soutien qu'il ne cesse de m'accorder au quotidien.
V
|
|
SIGLES ET ABBREVIATIONS
|
|
AAU
|
Actes Administratifs Unilatéraux
|
|
CADHP
|
Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples
|
|
CAY
|
Chambre Administrative de Yaoundé
|
|
CC
|
Conseil Constitutionnel
|
|
CFJ
|
Cour Fédérale de Justice
|
|
CONAC
|
Commission Nationale Anti-Corruption
|
|
COVID-19
|
Corona Virus Disease 2019
|
|
CTD
|
Collectivité Territoriale Décentralisée
|
|
DSCE
|
Document Stratégique pour la Croissance et l'Emploi
|
|
DUDH
|
Déclaration Universelle des Droits de l'Homme
|
|
DUP
|
Déclaration d'Utilité Publique
|
|
FAO
|
Food and Agriculture Organization
|
|
MAETUR
|
Mission d'Aménagement et d'Equipement des Terrains Urbains
et Ruraux
|
|
MINADER
|
Ministère de l'Agriculture et du Développement
Rural
|
|
MINAT
|
Ministère de l'Administration Territoriale
|
|
MINDCAF
|
Ministère des Domaines, du Cadastre et des Affaires
Foncières
|
|
MINDUH
|
Ministère du Développement Urbain et de
l'Habitat
|
|
MINUH
|
Ministère de l'Urbanisme et de l'Habitat
|
|
ONU
|
Organisation des Nations Unies
|
|
OUA
|
Organisation de l'Unité Africaine
|
|
PM
|
Premier Ministre
|
|
PR
|
Président de la République
|
|
PRD
|
Pouvoir Réglementaire Dérivé
|
|
PRO
|
Pouvoir Réglementaire Originaire
|
|
RGP
|
Recours Gracieux Préalable
|
|
SE
|
Son Excellence
|
|
SND30
|
Stratégie Nationale de Développement 2030
|
|
TGI
|
Tribunal de Grande instance
|
|
TPI
|
Tribunal de Première instance
|
|
UCAC
|
Université Catholique d'Afrique Centrale
|
vi
RÉSUMÉ
A ce jour, l'Etat ne possède pas assez de terres dans
les zones désenclavées. Pour cette raison, il s'attarde à
engager de différentes mesures qui lui permettront d'enrichir d'avantage
son domaine public dans ces zones. Parmi celles-ci, l'on distingue la
réquisition, la nationalisation, la saisie immobilière,
l'expropriation pour défaut de mise en valeur, l'expropriation pour
cause d'utilité publique, pour ne citer que celles-ci. Une observation
accrue des activités de l'Etat en la matière nous permet de
constater que celui-ci a tendance à recourir beaucoup plus au dernier
mécanisme, dans l'exercice de ses missions régaliennes.
L'expropriation pour cause d'utilité publique étant entendue
largement comme la cession forcée du bien immeuble d'un particulier
à une personne morale de Droit Public, avec pour motivation majeure la
satisfaction de l'intérêt général, apparaît
donc comme une procédure indispensable pour l'Etat dans
l'accomplissement de ses missions régaliennes.
Le présent travail de recherche a été
mené dans l'optique de renforcer le cadre juridique en ce qui concerne
la protection des droits des victimes des expropriations pour cause
d'utilité publique au Cameroun. Pour cette raison, nous avons
gambergé sur la question de savoir comment ces droits sont
protégés au Cameroun. Nous avons pu observer que ces droits sont
protégés à travers l'existence de normes à la fois
internationales que nationales, mais aussi à travers des
mécanismes juridictionnels et non-juridictionnels. Néanmoins,
force a été de constater que cette protection demeure lacunaire
à cause de diverses pesanteurs, en l'occurrence, l'obsolescence des
textes régissant les indemnisations suite aux expropriations pour cause
d'utilité publique au Cameroun. Il a finalement été
impératif pour nous de proposer quelques reformes afin de
protéger de manière optimale les droits des victimes de ce type
d'expropriation. Des reformes comme la révision des textes
régissant les expropriations pour cause d'utilité publique ou
encore la sensibilisation de la population sur ce sujet, ont été
proposées dans ce travail de recherche.
MOTS CLÉS : Domaine Public - Réquisition
- Nationalisation - Saisie Immobilière - Expropriation pour
défaut de mise en valeur - Expropriation pour cause d'utilité
publique - Bien immeuble - Personne morale de Droit Public -
Intérêt Général - Indemnisations
vii
ABSTRACT
To date, the Cameroonian State doesn't possess a lot of pieces
of land in landlocked areas. For this reason, it focuses on engaging in
different measures that will enable it to enrich its public domain in these
areas. Amongst these, we distinguish requisition, nationalization, real estate
seizure, expropriation for lack of development, expropriation for public
purpose, just to name a few. An observation of the State's activities in this
area allows us to see that it tends to make much more use of the last
mechanism, during the exercise of its sovereign missions. Expropriation for
public purpose widely understood as the forceful transfer of the immovable
property of an individual to a moral person of Public Law, with the primary
objective to satisfy the general interest, therefore appears to be an essential
procedure for the State in the performance of its sovereign missions.
The present work of research was conducted in order to
strengthen the legal framework which governs des rights of victims of
expropriations for public purpose in Cameroon. For this reason, we had to
reflect on the question to know how the rights of these victims are protected
in Cameroon. It was observed that these rights are protected through the
existence of different norms, both at the international and national levels,
but also through different mechanisms of jurisdictional and non-jurisdictional
orders. Nevertheless, we could identify a good number of vices which render
this protection weak in practice, such as the outdated character of the texts
which govern the compensations due to victims of expropriations for public
purpose in Cameroon. It was therefore mandatory for us to suggest certain
reforms which could render this protection much stronger in practice. Reforms
such as the revision of texts related to expropriations for public purpose or
the sensitization of the population about this topic, were mentioned in this
work.
KEY WORDS: Public Domain - Requisition -
Nationalization - Real Estate Seizure - Expropriation for lack of development -
Expropriation for public purpose - Real estate - Legal person of Public Law -
General Interest - Compensations
VIII
SOMMAIRE
INTRODUCTION GÉNÉRALE 1
PREMIÈRE PARTIE : LA PROTECTION PERCEPTIBLE DES
DROITS DES VICTIMES
DES EXPROPRIATIONS POUR CAUSE D'UTILITÉ PUBLIQUE
AU CAMEROUN 16
CHAPITRE I : LA CONSÉCRATION JURIDIQUE DE LA PROTECTION
DES DROITS DES VICTIMES DES EXPROPRIATIONS POUR CAUSE D'UTILITÉ PUBLIQUE
AU CAMEROUN 18
SECTION I : La Consécration Normative Des Droits Des
Victimes Des Expropriations Pour Cause
D'utilité Publique Au Cameroun 18
SECTION II : La Consécration Institutionnelle Des Droits
Des Victimes Des Expropriations Pour
Cause D'utilité Publique Au Cameroun
37
CHAPITRE II : L'OPÉRATIONNALISATION DE LA PROTECTION DES
DROITS DES VICTIMES DES EXPROPRIATIONS POUR CAUSE D'UTILITÉ PUBLIQUE AU
CAMEROUN 52
SECTION I : Le Dynamisme Des Instances Juridictionnelles Dans La
Mise En OEuvre De La Protection Des Droits Des Victimes Des Expropriations Pour
Cause D'utilité Publique Au Cameroun
53
SECTION II : L'implication Des Instances Non-Juridictionnelles
Dans La Mise En OEuvre De La Protection Des Droits Des Victimes Des
Expropriations Pour Cause D'utilité Publique Au Cameroun
58
DEUXIÈME PARTIE : LA PROTECTION LACUNAIRE DES
DROITS DES VICTIMES DES
EXPROPRIATIONS POUR CAUSE D'UTILITÉ PUBLIQUE AU
CAMEROUN 64
CHAPITRE I : LES LACUNES GANGRÉNANT LA PROTECTION DES
DROITS DES VICTIMES DES EXPROPRIATIONS POUR CAUSE D'UTILITÉ PUBLIQUE AU
CAMEROUN 66
SECTION I : Les Limites Juridiques Fragilisant La Protection Des
Droits Des Victimes Des
Expropriations Pour Cause D'utilité Publique Au Cameroun
66
SECTION II : Les Limites Sociologiques Gangrenant La Protection
Des Droits Des Victimes Des
Expropriations Pour Cause D'utilité Publique Au Cameroun
74
CHAPITRE II : LES MESURES PALLIATIVES POUR UNE PROTECTION
OPTIMALE DES DROITS DES VICTIMES DES EXPROPRIATIONS POUR CAUSE D'UTILITÉ
PUBLIQUE AU
CAMEROUN 82
SECTION I : L'apport De L'etat Camerounais Au Renforcement De La
Protection Des Droits Des
Victimes Des Expropriations Pour Cause D'utilité Au
Cameroun 82
SECTION II : La Contribution De La Population A La Reduction Des
Violations Des Droits Des
Victimes Des Expropriations Pour Cause D'utilité Publique
Au Cameroun 88
CONCLUSION GÉNÉRALE 95
BIBLIOGRAPHIE 96
LISTE DES ANNEXES 101
TABLE DES MATIERES 122
1
INTRODUCTION GÉNÉRALE
L'expression « Il n'y a ni justice ni liberté
possible lorsque l'argent est toujours roi » du célèbre
philosophe français Albert Camus élargit son
sens dans les matières relatives aux cessions des
propriétés privées à l'Etat. Ce dernier est
doté de prérogatives exorbitantes en matière
administrative en général et en matière foncière de
façon plus particulière. Ceci se dégage par les
dispositions du Code Civil de 1804 qui établit inter alia
que « Nul ne peut être contraint de céder sa
propriété si ce n'est pour cause d'utilité publique
»1. Alors, pour des besoins d'intérêt
général, toute personne peut être appelée à
céder une partie ou la totalité de sa propriété
immobilière à l'Etat.
Cette procédure a été
développée au Cameroun lors de la période coloniale. Elle
fut introduite par les colons allemands par un arrêté daté
du 27 mars 1888, pris par le gouverneur allemand de l'époque. Cet
Arrêté avait pour objet de poser les jalons de l'acquisition, la
perte et la limitation des droits fonciers au Kamerun allemand.
À partir de là, les populations devinrent au parfum des
différentes procédures qui leurs permettraient de devenir
légalement des propriétaires terriens et jusqu'où elles
peuvent jouir de ces terres. Elles peuvent en jouir justement jusqu'à ce
que l'Etat décide d'intervenir dans leurs domaines
Cette intervention se manifeste beaucoup plus en
matière d'expropriation avec pour motif de promouvoir l'utilisation
collective de cette propriété terrienne. Ceci est établi
dans le classique de FOUDA MBALLA Maurice c/ Etat du Cameroun Oriental,
suivant l'arrêt no 160/CFJ/CAY du 08 juin 1971
où le requérant FOUDA s'est vu retiré son bien
immeuble pour des besoins d'intérêt général.
La règle est que pour toute expropriation pour cause
d'utilité publique, une indemnisation équitable doit s'en suivre.
Il faudrait noter que cette indemnisation préalable n'est pas toujours
évidente pour un Etat qui fait face à des réalités
budgétaires. Ceci se fait donc généralement de
façon réductionniste au détriment des victimes
expropriées. Plusieurs hypothèses peuvent alors naître de
cette aberration. L'on suppose tout d'abord un niveau inapproprié de
laxisme juridique ou encore une faible instauration organique de
mécanismes de garantie du respect des procédures mises sur pied
en matière d'indemnisation dans le cadre de l'expropriation pour cause
d'utilité publique. Il est alors nécessaire de relever les
lacunes juridiques et institutionnelles que font face ces procédures et
établir des méthodes pour les combler et répondre aux
attentes des populations.
1 Article 545 du Code Civil français de
1804.
2
I - CONTEXTE DE L'ETUDE
Le caractère inattaquable, intangible et
définitif du titre foncier2 au Cameroun devient de plus en
plus sujet de controverses au fil du temps. Ceci est dû à
l'expropriation abusive des propriétés immobilières
privées par l'Etat aux fins d'utilité publique. Il est certes
indéniable que les expropriations sont consacrées, mais elles
sont tenues de suivre une certaine procédure et de respecter un certain
nombre de règles.
Le Cameroun a pour objectif de devenir un pays émergent
à l'horizon 2035. Pour cette raison, celui-ci oeuvre de toutes les
manières possibles afin de multiplier ses offres d'infrastructures
nécessaires à sa population dans leurs différents domaines
d'activités. Dans les zones urbaines, il n'est pas surprenant que les
expropriations pour cause d'utilité publique se multiplient pour
construire des infrastructures de base nécessaires au
développement. La population qui est au parfum de cet objectif
d'émergence visé par le gouvernement a néanmoins tendance
à être susceptible à de telles procédures
d'expropriations, quand elle est directement concernée. Ceci n'est pas
essentiellement dû à des motivations égocentriques et
individuelles mais à des violations graves aux procédures
d'expropriation.
Les populations au Cameroun sont dans certains cas
lésées lors des procédures d'expropriation. Elles ne sont
pas très souvent indemnisées à la juste valeur de leurs
propriétés expropriées. Le motif d'utilité publique
n'est pas fondé lors de ces procédures. Les délais ne sont
pas respectés lors de ces procédures. Pour des raisons
d'analphabétisme et de manque de moyens en règle
générale, ces victimes ne mènent aucune action pour que
justice leur soit rendue. Tout ceci fait en sorte que tous les efforts
consentis par l'Etat camerounais pour garantir une procédure
d'expropriation pour cause d'utilité publique juste et équitable
soient remis en question. C'est sur ces différents motifs que cette
étude visant à garantir une protection beaucoup plus
appuyée des droits des victimes de ces expropriations est
menée.
II - DÉLIMITATION DE L'ÉTUDE
La présente étude a été faite
selon une délimitation des faits bien précise. Tout d'abord selon
une délimitation spatiale (A). Ensuite, selon une
délimitation temporelle (B) et finalement selon une
délimitation matérielle (C)
2 Article premier du décret n° 76-165
du 27 avril 1976 fixant les conditions d'obtention du titre foncier,
modifié et complété par le décret n° 2005/481
du 16 décembre 2005.
3
A - DÉLIMITATION SPATIALE
Le cadre de recherche du présent travail est
observé dès la lecture du thème retenu. En d'autres
termes, l'étude a été menée dans un cadre
strictement national, c'est-à-dire, sur l'étendue du territoire
camerounais. Ceci est dû au fait que l'objectif du présent travail
est de reconnaître les failles internes en matière d'expropriation
pour cause d'utilité publique, pour y apporter des solutions
conjoncturelles, voire même structurelle. Ainsi, cela ne nécessite
logiquement pas une extension Internationale de recherche en la
matière.
Aussi, l'étude menée au Cameroun ne s'est pas
faite dans une zone précise mais en fonction des différents cas
d'expropriation recensés par les juridictions compétentes.
Toutefois, la plupart des données retenues dans ce travail sont celles
récoltées à partir des travaux menés dans les
régions du Centre et du Littoral.
Le cadre loci3 de cette étude s'est
accompagné par une délimitation temporelle bien
précise.
B - DÉLIMITATION TEMPORELLE
Les terrains existent depuis aussi longtemps que la terre
existe. Les litiges relatifs à ces précédents existent
néanmoins depuis qu'un accaparement individualiste de ceux-ci a
débuté. Ainsi, il serait assez fastidieux de mener cette
étude depuis cette période. Les travaux menés pour le
compte de ce travail se sont attardés sur la période post
indépendance du Cameroun4. C'est à partir de cette
période que les premiers jalons régissant les domaines fonciers
et domaniaux ont été posés. Il était donc
indispensable pour cette étude de débuter à cette
période jusqu'à date.
La présente étude s'est aussi limitée sur
un champ matériel bien précis.
C - DÉLIMITATION MATÉRIELLE
L'expropriation pour cause d'utilité publique tire son
origine du domaine foncier et du domaine domaniale. L'on constate que ces deux
(02) domaines sont issus d'un régime assez hybride5 dû
à des traces du régime public et du régime privé en
la matière. Ainsi, le présent travail est fondé à
la fois sur le Droit public interne et le Droit privé interne. Cela
n'exclut pas que référence soit parfois faite à des textes
externes dont le champ d'application s'étend sur le
3 Latin pour « géographique ».
4 A compter du 1er janvier 1960.
5 Droit Public et Droit Privé.
4
territoire camerounais, à l'instar du Code Civil
français de 1804 et des textes internationaux relatifs à la
protection des individus en matière foncière et domaniale par
l'Etat camerounais6.
Parmi les différents textes utilisés dans ce
travail, l'on dégage principalement : La Constitution du 18 janvier 1996
révisée en 2008, la loi n° 85/009 du 04 juillet 1985
relative à la procédure d'expropriation pour cause
d'utilité publique et aux modalités d'indemnisation, le
décret n° 76/165 de 1976 organisant les procédures
d'obtention du titre foncier, L'ordonnance n° 74-1 du 06 juillet 1974
fixant le régime foncier, l'ordonnance n° 74-2 du 06 juillet 1974
fixant le régime domanial, l'ordonnance n° 74-3 du 06 juillet 1974
relative à la procédure d'expropriation pour cause
d'utilité publique et aux modalités d'indemnisation.
III - DÉFINITION DES CONCEPTS
Le thème du présent travail comprend un certain
nombre de termes qu'il faudrait éclaircir avant d'envisager une
quelconque analyse de fond. Une précision sur les termes Protection
(A), Expropriations (B) et Cause
d'Utilité Publique (C) sera donc apportée dans
le développement ci-après.
A - PROTECTION
Le Dictionnaire Larousse définit la notion de
protection comme l'action de défendre un quelconque fait, une personne,
une idéologie7. Elle peut aussi être comprise comme la
chose qui protège et assure contre le risque, un danger ou encore un
mal. La protection renvoie aussi à l'ensemble des mesures
destinées à protéger certaines personnes et organismes
chargés de l'application de telles mesures.
Une définition un peu plus avancée est
donnée par Gérard CORNU. Il définit cette
notion comme « une précaution qui, répondant au besoin
de celui ou de celle qu'elle couvre, et répondant en
général à un devoir pour celui qui l'assure, consiste
à prémunir une personne, un bien contre un risque, à
garantir sa sécurité et son intégrité, etc..., par
des moyens juridiques ou matériels. Elle désigne aussi bien
l'action de protéger que le système de protection établi
(mesure, régime, dispositif) »8. L'idée de
la protection que voudrait faire ressortir CORNU ici est celle d'une
prévention contre un quelconque risque qui pourrait
6 Notamment la Déclaration des Nations Unies
sur les droits des peuples autochtones.
7 Dictionnaire Larousse, édition 2022.
8 Gérard CORNU, Vocabulaire
juridique, Association Henri Capitant, Quadrige/PUF, 1987, Paris p.618.
Cité dans le mémoire de Pythagore NONO KAMGAING, « la
protection des droits de la personnalité par le juge Camerounais »,
UCAC-Master Droits de l'homme,
2009.
www.memoireonline.com, (Consulté le
05/07/2023).
5
frapper un individu, à un moment donné.
François BRUGNION pour sa part essaye plutôt de
démontrer le caractère essentiellement pratique de la notion de
protection. Il précise que « le concept de protection
possède une dimension essentiellement pratique : protéger n'est
ni dire ni écrire, c'est aussi essentiellement intervenir, agir. »
9 Ainsi, pour que la notion de protection prenne tout son sens, elle
devrait se détacher d'une simple théorie et embrasser un cadre
beaucoup plus pratique.
Selon le Bureau des Nations Unies pour la Coordination des
Affaires Humanitaires (UNOCHA), la protection est un terme
général lié aux activités visant à obtenir
le plein respect des droits de l'individu, conformément au droit
international, dont le droit humanitaire international, les droits de l'homme
et les droits des réfugiés, quel que soit son âge, genre ou
origine sociale, ethnique, nationale, religieuse et autre10. Ce
Bureau étant un organe des Nations Unies s'est appesanti sur le Droit
International, ce qui est tout à fait justifiable. Cependant, il ne
serait en aucun cas fallacieux si une telle définition prenait comme
source le Droit Interne d'un pays. Ainsi, la protection comprend aussi les
activités liées au respect des droits des individus,
conformément à la législation interne d'un pays.
Aussi, dans l'affaire SERAC et Autres c. Nigeria, une
définition plus intéressante est donnée par la
Commission africaine des droits de l'homme et des peuples. Celle-ci s'est
basée sur l'institution de Banjul qui précise que la notion de
protection est une obligation à la charge de l'Etat en vertu de ses
obligations en matière de droits de l'homme. Selon la Commission, l'Etat
est tenu de protéger les détenteurs de droits contre d'autres
individus, par la législation et la mise à disposition de recours
effectifs. Cette obligation selon elle, requiert de l'Etat de prendre des
mesures pour protéger les bénéficiaires des droits
protégés contre les ingérences politiques,
économiques et sociales. La protection conclut-elle, exige
généralement la création et le maintien d'un climat ou
d'un cadre par une interaction effective des Lois et Règlements, de
manière à ce que les individus puissent exercer librement leurs
droits et libertés.11 La définition proposée
par La Commission Africaine des Droits de l'Homme parait la plus
appropriée dans le cadre du présent travail. Ceci est dû
à la clarté et le vide d'ambiguïté que
9 François BRUGNION, « Le
Comité International de la Croix-Rouge et la protection des victimes de
guerre », in Revue Internationale de la Croix-Rouge, no 775,
janvier-février 2005, p 11. Cité dans le mémoire de
Pythagore NONO KAMGAING, « la protection des droits de la
personnalité par le juge Camerounais », UCAC-Master Droits de
l'homme,
2009.
www.memoireonline.com, (Consulté le
05/07/2023).
10 Bureau des Nations Unies pour la Coordination
des Affaires Humanitaires, OCHA d'une seule voix : la protection, Juin
2010.
11 Social and Economic Right Action Centre c.
Nigeria RADH 2001 63, p. 45. Cité dans le mémoire de Pythagore
NONO KAMGAING, « la protection des droits de la personnalité
par le juge Camerounais », UCAC-Master Droits de l'homme,
2009.
www.memoireonline.com, (Consulté le
05/07/2023).
6
présente ladite définition. Dès lors, en
considérant les éléments compris dans la définition
de la Commission dans le présent travail, la protection est
perçue comme toute action prise par le gouvernement camerounais pour
protéger et prendre la défense des personnes qui sont
frappées d'expropriation pour cause d'utilité publique sur son
territoire.
B - EXPROPRIATIONS
L'utilisation du terme expropriation se fait le plus souvent
dans un contexte concernant des biens immeubles. C'est pour cette raison que la
majorité des définitions vont dans ce sens. La définition
proposée par l'administration française par exemple dispose que
l'expropriation est une procédure qui permet à une personne
publique (État, collectivités territoriales...) de contraindre un
particulier ou une personne morale (entreprise) à céder la
propriété de son bien, moyennant le paiement d'une
indemnité. Cette procédure contribue notamment à la
réalisation d'ouvrages publics (équipements sociaux,
réseaux d'assainissement...)12.
Selon Joseph OWONA, l'Etat peut
acquérir des biens mobiliers ou immobiliers par voie contractuelle. Il
fait alors recourt à des mécanismes qui peuvent être : des
procédés de contrat administratif ; ou des procédés
de contrainte ou de cession forcée. L'expropriation constitue un de ces
procédés de cession forcée13. La
définition proposée par OWONA est intransigeante sur le fait que
les expropriations sont ipso facto des procédures de cession
forcée de biens immeubles.
Aussi, l'expropriation peut être définie comme la
possibilité pour une personne publique (c'est-à-dire
l'État ou une collectivité territoriale) de priver de sa
propriété un propriétaire foncier. Il s'agit d'une vraie
dérogation au droit de propriété qui affirme que nul ne
peut être contraint à céder son bien. La personne publique
peut ainsi dépouiller, en totalité ou en partie, une personne
privée (un particulier) ou une personne morale (une
société) de son immeuble, de son terrain, ou encore d'un usufruit
ou d'une servitude (on parle de droit réel immobilier)14.
Une définition un peu plus poussée est
donnée par le Cabinet Jordan AVOCATS qui précise
que l'expropriation est la possibilité pour l'expropriant, qui
peut-être une personne publique (l'Etat, une Collectivité
Territoriale Décentralisée, un Etablissement Public) et
12
www.service-public.fr
(Consulté le 05/07/2023).
13 Joseph OWONA, Domanialité Publique et
expropriation pour cause d'utilité publique au Cameroun, 5-7, rue
de l'Ecole-Polytechnique, 75005 Paris, le Harmattan, 2012, p 49.
14
www.justice.ooreka.fr
(Consulté le 05/07/2023).
7
parfois une personne privée d'acquérir un bien
alors que son propriétaire n'en est pas vendeur15.
A la lecture de ces différentes définitions,
l'on retient qu'elles peuvent toutes être assimilées dans la
présente étude. Ainsi, l'expropriation peut être comprise
ici comme la cession forcée d'un bien immobilier à une personne
morale de Droit Public pour des motifs d'intérêt
général.
C - CAUSE D'UTILITE PUBLIQUE
La notion d'utilité publique a été au fil
du temps un sujet de controverse. En effet, il a toujours été
difficile de cerner exactement à quoi revoit cette notion, en quoi
consiste réellement une cause d'utilité publique. Alexia
RIVET dégagera même qu'il n'existe pas de
définition stricte de l'utilité publique. Celle-ci doit se
définir en fonction de l'opération et l'environnement qui la
caractérisent.
Aussi, la notion d'utilité publique a été
forgée à l'origine pour justifier l'expropriation.
L'expropriation se définit comme un transfert forcé de la
propriété de tout ou partie d'un bien immobilier au nom de
l'utilité publique. En d'autres termes, procédure parmi les plus
coercitives, elle permet de contraindre une personne, publique ou
privée, à céder son bien moyennant une juste et
préalable indemnité. L'on observe qu'il est relativement
difficile de définir la notion d'utilité publique sans celle de
l'expropriation.
Néanmoins, une définition assez
révélatrice a été adoptée par
Choné & Associés NOTAIRES, qui
établit qu'elle renvoie à une déclaration officielle de
l'autorité publique dont est investie une institution
d'intérêt général (association reconnue
d'utilité publique, fondation) ou une opération (expropriation)
en considération de l'intérêt général qui
s'attache à celle-ci et qui entraîne l'application d'un
régime juridique dérogatoire à celui du droit
commun.16 A l'analyse de cette définition, il faudrait noter
que l'utilité publique entretient une relation très intime avec
la satisfaction de l'intérêt général.
Dès lors, il convient de noter que la définition
de l'utilité publique à retenir dans ce travail est celle de
Choné & Associés NOTAIRES. En l'espèce. Elle
apparaît comme la satisfaction de l'intérêt
général comme priorité des expropriations au Cameroun.
15
www.jordan-avocats.com
(Consulté le 05/07/2023).
16
www.chone.notaires.fr
(Consulté le 05/07/2023).
8
IV - INTÉRÊT DE L'ETUDE
Le présent travail revêt d'un double
intérêt, qui est à la fois scientifique et social. Pour des
raisons de présentation, avant de présenter
l'intérêt social du traitement de ce
thème(B), il sera présenté
l'intérêt scientifique (A) de cette même
recherche.
A - INTÉRÊT SCIENTIFIQUE
Les populations ont le droit de jouir de leurs
propriétés immobilières sans discrimination quelconque.
D'ailleurs, la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme (DUDH)
voudrait que chaque individu ait droit à un logement décent. Elle
précise explicitement que « toute personne a droit à un
niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et
ceux de sa famille, notamment pour l'alimentation, l'habillement, le logement,
les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux
nécessaires ; elle a droit à la sécurité en cas de
chômage, de maladie, d'invalidité, de veuvage, de vieillesse ou
dans les autres cas de perte de ses moyens de subsistance par suite de
circonstances indépendantes de sa volonté.
»17 On constate néanmoins qu'au Cameroun, ce droit
au logement est bafoué lors de la plupart des procédures
d'expropriation pour cause d'utilité publique. Ceci est dû au fait
que les droits des victimes de ces expropriations ne sont pas toujours
respectés. La suite de cela est le recours à des logements
indécents par ces mêmes victimes. C'est pour cette raison que la
présente étude est menée afin de renforcer la protection
des droits des victimes des expropriations pour cause d'utilité publique
au Cameroun. Cette protection qui est garantie à travers un certain
nombre de textes et de mécanismes, demeure relativement souple dans la
pratique. Ainsi, la présente étude s'attardera à
démontrer pourquoi malgré les efforts consentis par le
gouvernement camerounais, la protection des droits des victimes des
expropriations pour cause d'utilité publique demeure aussi fragile dans
la pratique.
B - INTÉRÊT SOCIAL
En protégeant les droits des victimes des
expropriations pour cause d'utilité publique, les droits de l'Homme
consacrés par les textes internationaux le sont
également18. Ces droits qui sont également
consacrés par la Constitution en vertu de l'appartenance
intégrale du préambule à la Constitution, sont ainsi
protégés par ce canal. Ainsi, la présente étude qui
est
17 Article 25 alinéa 1 de la Déclaration
Universelle des Droits de l'Homme
18 Déclaration Universelle des Droits de
l'Homme de 1948, Pacte International relatif aux droits économiques
sociaux et culturels de 1966 pour ne citer que ceux-ci
9
au demeurant un reflet de la société actuelle,
aidera la population à être au parfum des différents droits
qui leur sont dévolus en matière d'expropriation pour cause
d'utilité publique au Cameroun. Les acteurs de la société
civile qui ne cessent de s'interroger sur les stratégies qu'ils
pourraient engager pour limiter les violations de ces droits, pourraient
s'inspirer des travaux de la présente étude. Dans une certaine
mesure, les administrations étatiques pourraient aussi adopter des
politiques sur la base des recommandations précisées dans cette
étude. Si cela est fait, les bienfaits que la mise en oeuvre de ces
politiques pourrait générer, auront la possibilité
d'être affectés dans d'autres secteurs. Ainsi, la vision
d'émergence qu'a le gouvernement camerounais à l'horizon 2035
sera atteint en toute fluidité.
V - REVUE DE LA LITTÉRATURE
Une série d'auteurs camerounais s'est
intéressée aux expropriations pour cause d'utilité
publique au Cameroun. Néanmoins, leurs travaux ne se sont pas
directement questionnés sur l'effectivité du respect des droits
des personnes victimes de telles procédures. L'on peut s'appesantir sur
certains, qui pour nous, ont donné des opinions importantes sur le
nécessité de protéger les victimes des expropriations pour
cause d'utilité publique au Cameroun.
Dans l'étude menée par Joseph
OWONA19, sur la domanialité publique et les
expropriations pour cause d'utilité publique nous fait comprendre dans
un premier temps comment les terres de l'Etat sont
organisées20 et dans un second temps, la méthode par
excellence utilisée par l'Etat pour contraindre un particulier à
lui céder sa propriété immobilière21.
C'est la deuxième partie de ce travail qui nous est intéressante
ici. L'auteur fait une présentation succincte de cette procédure
en passant par son bien-fondé jusqu'à son corolaire direct qu'est
l'indemnisation compensatrice. Selon lui, et en se basant sur la disposition de
la Constitution du 18 janvier 1996, « L'indemnisation est donc un
droit en cas d'expropriation. Elle ne peut être supprimée ni par
un texte ayant valeur de loi ni par un quelconque acte administratif
»22. L'auteur rappelle donc au gouvernement Camerounais
qu'une indemnisation à la suite d'une procédure d'expropriation
pour cause d'utilité publique n'est pas facultative mais obligatoire. On
peut comprendre qu'il milite en la faveur d'une
19 Joseph OWONA, Domanialité Publique et
expropriation pour cause d'utilité publique au Cameroun, 5-7, rue
de l'Ecole-Polytechnique, 75005 Paris, l'Harmattan, 2012
20 Ibid, pp. 11-45
21 Ibid, pp. 49-97.
22 Ibid, p. 88
10
protection sans faille du droit à l'indemnisation
dévolu aux victimes des expropriations pour cause d'utilité
publique au Cameroun. Joseph OWONA voudrait donc que l'Etat
camerounais mette tous les moyens nécessaires en place, afin de
protéger les droits des victimes de ces expropriations. Les
différentes étapes pour procéder aux expropriations pour
cause d'utilité publique ne sont pas consacrées pour des raisons
fantaisistes. Elles le sont pour garantir une sécurité juridique
optimale des victimes, ce qui contribue à faire du Cameroun un Etat de
Droit stricto sensu.
Le même point de vue est partagé par
Samuel-Béni ELLA ELLA, Fidélie MENDOUGA et
Pierre NKOU ABINA23 quand ils procèdent
à une étude empirique des indemnisations qui ont
été versées dans les expropriations pour cause
d'utilité publique occasionnées à Lom Pangar, Mekin et
Kribi. Pour ceux-ci, les indemnisations suite à ce type d'expropriation
sont versées afin de préserver la paix et éviter les
conflits. En leurs termes « pour éviter les conflits et
préserver la paix, la législation camerounaise a-t-elle
prévu des indemnisations dans le cadre des expropriations pour cause
d'utilité publique »24. L'on observe ainsi la
volonté du gouvernement camerounais à faire de la nation un
réel Etat unitaire et décentralisé, à la
lumière des dispositions de la Constitution de 199625. Ce qui
est aussi intéressant avec les travaux de ces auteurs, est la
reconnaissance qu'ils font des politiques camerounaises en matière
d'indemnisation, qui sont essentiellement basées sur l'ordonnance de
197426 et la loi de 198527 créant un cadre
juridique bien structuré en matière d'indemnisation pour cause
d'exploitations de cette nature28. L'objectif visé par ces
travaux est clair, l'indispensable nature des indemnisations qu'il faudrait
toujours reverser aux victimes des expropriations de cette nature. Dans leurs
travaux ils énoncent même certains maux qui fragilisent la
protection des droits des victimes des expropriations pour cause
d'utilité publique au Cameroun. Ils relèvent par exemple
l'anachronisme des textes en la matière et les actes de corruption au
cours de ces procédures. Dès lors, Samuel-Béni
ELLA ELLA, Fidélie MENDOUGA et Pierre NKOU ABINA
voudraient que la protection de ces
23 Samuel-Béni ELLA ELLA, Fidélie
MENDOUGA et Pierre NKOU ABINA, Sociologie critique des indemnisations au
Cameroun, Cas de Lom Pangar, Mekin et Kribi, 5-7, rue de
l'Ecole-Polytechnique, 75005 Paris, le Harmattan, 2021
24 Ibid. pp. 24-25
25 Article 1 alinéa 2.
26 Ordonnance n° 74-3 du 06 juillet 1974
relative aux expropriations pour cause d'utilité publique et aux
modalités d'indemnisation
27 Loi qui est venue abroger l'ordonnance de 1974
relative aux expropriations et aux modalités d'indemnisation
28 Samuel-Béni ELLA ELLA, Fidélie
MENDOUGA et Pierre NKOU ABINA, Sociologie critique des indemnisations au
Cameroun, Cas de Lom Pangar, Mekin et Kribi, 5-7, rue de
l'Ecole-Polytechnique, 75005 Paris, l'Harmattan, 2021, pp. 35-70
(Consulté le 05/07/2023).
11
victimes soit renforcée. Pour ce faire, les vices
qu'ils ont présentés dans leur travail, devront être
éradiqués sur le long terme.
Selon un article publié sur les médias
numériques par Samuel NGUIFFO29,
les procédures d'expropriation doivent être aussi
améliorées que les mécanismes d'indemnisation. Selon
l'auteur, les procédures d'expropriation doivent être
menées avec la plus grande délicatesse possible. Les terres sont
tellement vastes qu'il serait facile pour l'Etat de commettre des erreurs non
seulement sur la superficie à exproprier, mais aussi sur les personnes
directement concernées par la procédure. Samuel NGUIFFO
s'est appuyé sur les Directives de l'organisation des Nations
Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) qui établissent
inter alia que ; « Les États devraient veiller
à ce que les expropriations soient planifiées et
réalisées dans la transparence et de façon participative.
Toute personne susceptible d'être touchée devrait être
identifiée, et correctement informée et consultée à
toutes les étapes du processus. Des consultations conformes aux
principes énoncés dans les présentes Directives devraient
permettre de donner des informations sur d'autres approches envisageables pour
la réalisation des objectifs publics et de prendre en compte des
stratégies permettant de réduire au maximum la perturbation des
moyens de subsistance. Les États devraient être attentifs lorsque
l'expropriation vise des zones ayant une importance culturelle, religieuse ou
environnementale particulière ou lorsque les terres, pêches ou
forêts visées sont particulièrement importantes pour les
moyens de subsistance de personnes pauvres ou vulnérables » 30
. A l'analyse, l'on observe qu'il y'a une nécessité pour les
procédures d'expropriation de débuter par une identification
précise des personnes pouvant être affectées de près
ou de loin par celles-ci. Ces personnes doivent être mises au parfum des
différentes étapes qui vont s'en suivre et des garanties qui leur
incombent eu égard à l'expropriation dont ils sont victimes.. Le
même auteur voudrait aussi que les droits des victimes prévus par
la législation en vigueur soient respectés à la lettre.
L'on distingue le décret N°87/1872 du 16 décembre 1987
portant application de la loi N°85/9 du 4 juillet 1985 relative à
l'expropriation pour cause d'utilité publique et aux modalités
d'indemnisation qui précise que l'indemnisation n'est pas facultative et
doit se faire avant d'engager la procédure
29 Samuel NGUIFFO, Améliorer le
système d'expropriation et de compensation dans un contexte de
pluralisme
juridique : leçons du Cameroun,
https://archive.uneca.org/sites/default/files/uploaded- documents/CLPA/2019/Papers/Land-Based-Investments/nguiffo_ameliorer_le_systeme_dexpropriation_et_de_compensation_dans_un_contexte_de_pluralis
me_juridique.pdf (Consulté le 05/07/2023).
30 Organisation des Nations Unies pour l'alimentation
et l'agriculture, Directives volontaires pour une Gouvernance responsable
des régimes fonciers applicables aux terres, aux pêches et aux
forêts Dans le contexte De la sécurité alimentaire
nationale, Rome, 2012, p. 28.
12
d'expropriation. Ce même décret précise
aussi qu'un préavis de trois (03) à six (06) mois doit être
servi aux victimes pour qu'ils puissent avoir le temps de déguerpir.
Samuel NGUIFFO interpelle donc les acteurs des expropriations
pour cause d'utilité publique à faire preuve d'une
méticulosité sans pareil au cours de ces procédures. Cela
aura pour conséquence d'observer comme il se doit les droits reconnus
à ces victimes.
KOUAYEP Prosper, pour sa part s'est
directement mis à énumérer les failles majeures des
expropriations pour cause d'utilité publique au Cameroun31.
En ses termes ; « mettre en exergue les problèmes liés
à l'expropriation pour cause d'utilité publique et aux
indemnisations, consécutivement à la mise en oeuvre des projets
d'envergure. A ce propos, il s'agit, entre autres, de la mauvaise
évaluation ou sous-évaluation des biens, la mauvaise
qualification juridique des biens à indemniser, le non-paiement de
certaines victimes, le versement des indemnisations aux personnes fictives, le
barème dérisoire des indemnisations ». Tout comme
NGUIFFO, l'on observe dans son travail la persistance des
problèmes liés à l'évaluation des biens à
exproprier. Ainsi, la volonté d'une protection optimale
démontrée par KOUAYEP Prosper ne pourra
être atteinte que si ces différents fléaux sont abolis.
L'auteur porte donc à la connaissance de l'Etat camerounais ce
différents maux, qu'ils devraient supprimer sans plus tarder.
A la lecture de ces différents travaux, le constat est
fait que la protection des droits des victimes des expropriations pour cause
d'utilité publique au Cameroun est perceptible mais reste et demeure
perfectible. Ces différents auteurs voudraient faire retentir l'alarme
sur la nécessité de protéger au maximum les droits des
victimes des expropriations pour cause d'utilité publique au
Cameroun.
VI - PROBLÉMATIQUE
La législation camerounaise répond de
jure32 aux problèmes liés à la protection
des droits des victimes des expropriations pour cause d'utilité
publique. Sur le plan pratique, l'on note un certain nombre
d'incohérences. L'on s'interroge alors sur plusieurs questions,
notamment celle de l'effectivité de ces modalités de protection
des droits des victimes de telles expropriations. La question est en quelque
sorte paradoxale, parce que nous ne pouvons
31 KOUAYEP Prosper, Expropriation pour cause
d'utilité publique et indemnisations, entre Loi et pratique au Cameroun
: le Projet LandCam échange avec les journalistes sur les
thématiques,
https://www.relufa.org/fr/wp-content/uploads/2017/03/Article-sur-lExpropriation-pour-cause-dutilit%C3%A9-publique-et-indemnisations-entre-Loi-et-pratique-au-Cameroun-finale.pdf
32 De fait
13
parler d'une effectivité remarquable mais nous ne
pouvons non plus parler de dispositions exclusivement statutaires, aux vues des
efforts consentis par les autorités nationales en charge de cette
procédure d'expropriation au Cameroun. Toutefois, la question qui nous
amène à beaucoup plus gamberger est celle de savoir :
Comment les droits des victimes des expropriations pour cause
d'utilité publique sont-ils protégés au Cameroun
?
VII - HYPOTHESE
La protection des droits des victimes des expropriations pour
cause d'utilité publique est perceptible au Cameroun à travers
l'existence de divers instruments juridiques et d'une variété de
mécanismes pratiques en la matière. Néanmoins, cette
protection demeure lacunaire, dû à l'existence de divers vices qui
fragilisent celle-ci, d'où la nécessité de prendre en
compte un certain nombre de suggestions.
VIII - CADRE MÉTHODOLOGIQUE DE L'ETUDE
« La méthode dicte surtout de façon
concrète la manière d'envisager ou d'organiser la recherche
»33. Pour cela, il faudrait une méthode bien
structurée pour mener au bien ce travail. Celle utilisée dans ce
travail est donc duale, avec d'une part des méthodes et techniques
d'analyse (A) et d'autre part, des techniques de recherches
(B).
A - LES MÉTHODES D'ANALYSE
Dans le cadre de ce travail, deux méthodes d'analyse
ont été utilisées : la méthode juridique et
l'approche stratégique.
Dans un premier temps, la méthode juridique
nécessite une méticulosité sans pareil. Selon Charles
EINSENMANN, cette méthode comprend deux (02) composantes : la dogmatique
et la casuistique34
La dogmatique consiste selon lui à analyser des textes
et évaluer leurs conditions d'édition. Il s'agit là
d'étudier les différents textes juridiques qui régissent
un domaine particulier et de mesurer son niveau d'application dans la
réalité. Dans le cas de la présente étude, il sera
donc question de scruter en profondeur les lois, décrets et autres
textes législatifs et réglementaires qui ont été
établis afin de protéger convenablement les droits des
victimes
33 Madeleine GRAWITZ
34 EINSENMANN Charles, Cours de Droit
administratif, cité par NACH MBACK Charles, Démocratisation et
décentralisation, « genèse et dynamiques comparées
des processus de décentralisation en Afrique subsaharienne »,
Paris, Karthala-PDM, 2003, p.45
14
des expropriations pour cause d'utilité publique au
Cameroun. Cela nous permettra de voir si dans la pratique les dispositions de
ces différents textes sont respectées et par ricochet donc,
évaluer leur portée réelle.
Afin que ce travail de recherche « échappe au
danger de la spéculation abstraite »35, il faudrait
une interférence entre des cas réels et les dispositions
textuelles. Ceci est la quintessence même de la casuistique
préconisée par EINSENMANN. Pour ce faire, ce travail
évoquera des différents cas d'expropriations pour cause
d'utilité publique au Cameroun, afin d'avoir un avis objectif sur la
question de savoir si le respect des droits des victimes concernées est
réel ou juste utopique.
Dans un second temps, l'analyse stratégique est une
théorie sociologique des organisations issue des travaux de Michel
CROZIER et d'Erhard FRIEDBERG. Elle s'intéresse aux relations de pouvoir
entre les acteurs de l'organisation et aux règles implicites qui
gouvernent leurs interactions (désignées sous le terme de «
jeux »). Plus précisément, les auteurs cherchent à
comprendre la nature des relations qui se créent entre des acteurs
interdépendants, dont les intérêts peuvent être
divergents ou contradictoires.36 Ainsi, dans le cadre de ce travail,
nous procéderons à une analyse des acteurs directement
concernés par les expropriations pour cause d'utilité publique au
Cameroun. L'analyse de ces différents acteurs nous permettra de
déterminer dans quel contexte les droits des victimes de ces
expropriations a été établi.
B - LES TECHNIQUES DE RECHERCHES
Concrètement, ces techniques de recherches sont
conçues comme des moyens et procédés qui permettent de
rassembler le maximum de données possible sur un sujet bien
précis. Pour ce travail, deux (02) principales techniques ont
été utilisées, à savoir l'enquête et la
recherche documentaire.
L'enquête est un outil qui est utilisé pour les
travaux de recherche et qui est organisé par la méthode. Cette
technique implique des étapes différentes qui comprennent des
opérations pratiques, nécessaires pour l'élaboration du
travail de recherche. Pour ce travail, l'enquête s'est faite à
travers la recherche d'informations relatives aux expropriations pour cause
d'utilité publique dans les différentes régions du
Cameroun.
35 BATTIFOL Henri, Aspects philosophiques du Droit
International privé, Paris, Dalloz, 2002, p. 6.
36 www.cairn.info (Consulté le 06/07/2023)
15
La recherche documentaire quant à elle comprend la
fouille systématique de tout document relatif de près ou de loin
à une question de recherche donnée. Le type de document ici
importe peu dans la mesure où l'objectif est d'obtenir une information
relative à un sujet donné ou non et pas d'exploiter un document
d'une nature précise. Ainsi, dans ce travail, il nous a
été donné d'exploiter des documents tels que des ouvrages,
des articles, des rapports, des mémoires, des jurisprudences, des
grosses et des textes juridiques. Ces documents provenaient de
différents lieux, notamment de la bibliothèque de l'UCAC, des
librairies dans les zones urbaines, des tribunaux de droit commun et des
plateformes numériques.
IX - ARTICULATION ET JUSTIFICATION DU PLAN
Afin de répondre à la problématique
retenue dans le présent travail, il serait intéressant de
reconnaître dans un premier temps les efforts consentis par le
gouvernement camerounais pour garantir un cadre favorable de protection des
droits des victimes des expropriations pour cause d'utilité publique au
Cameroun. En faisant cela, l'on reconnaitrait en quelque sorte une protection
avérée des droits des victimes des expropriations pour cause
d'utilité publique au Cameroun (Première
Partie). Malgré ces efforts, il va falloir avouer que dans la
pratique, certains vices existent qui gangrènent
énormément cette protection et nécessite donc des
réformes pour peaufiner la protection des droits des victimes de telles
expropriations au Cameroun. Cela voudrait ainsi dire que cette protection reste
toutefois perfectible dans la pratique (Deuxièmement
Partie). Tout ceci permettra de faire de l'expropriation pour cause
d'utilité publique au Cameroun une procédure qui protège
les droits de ses victimes et ce, de manière optimale.
16
PREMIÈRE PARTIE : LA PROTECTION PERCEPTIBLE DES
DROITS DES VICTIMES DES EXPROPRIATIONS POUR CAUSE D'UTILITÉ PUBLIQUE
AU
CAMEROUN
17
Parler d'une protection avérée des droits des
victimes des expropriations pour cause d'utilité publique au Cameroun,
voudrait sous-entendre une perception indiscutable de cette protection. Bien
que le gouvernement Camerounais ait mis en place une législation bien
précise en la matière, il a voulu concrétiser cela avec
des mécanismes réels dans la pratique. Dès lors, la
certitude de cette protection se dégage aussi bien par une
consécration juridique bien structurée (Chapitre
I), que par une opérationnalisation (Chapitre
II), de la protection des droits des victimes des expropriations pour
cause d'utilité publique au Cameroun.
18
CHAPITRE I : LA CONSÉCRATION JURIDIQUE DE LA
PROTECTION DES DROITS DES VICTIMES DES EXPROPRIATIONS POUR CAUSE
D'UTILITÉ PUBLIQUE AU CAMEROUN
La consécration juridique dont il est question ici
renvoie aux sources positives du Droit Objectif 37 d'une part qui
donne une force légale aux droits des victimes des expropriations pour
cause d'utilité publique au Cameroun. D'autre part, cette
consécration juridique voudrait aussi mettre en exergue les institutions
aménagées dans le cadre des expropriations pour cause
d'utilité publique au Cameroun. En d'autres termes, c'est à
travers ces sources que les différentes victimes des expropriations pour
cause d'utilité publique peuvent se prévaloir d'être
investies de différents droits en la matière. Le fait pour le
Cameroun de consacrer juridiquement ces droits, témoigne à quel
point il milite pour protéger les différentes victimes des
expropriations pour causes d'utilité publique au Cameroun. Cette
consécration revêt de deux ordres. Le premier avec une
consécration normative (Section I). La deuxième
avec une consécration institutionnelle (Section II).
SECTION I : LA CONSÉCRATION NORMATIVE DES DROITS
DES VICTIMES DES EXPROPRIATIONS POUR CAUSE D'UTILITÉ PUBLIQUE AU
CAMEROUN
Le cadre normatif qui aménage les droits des victimes
des expropriations pour cause d'utilité publique au Cameroun correspond
aux différents textes légaux en la matière. Selon, la
pyramide Kelsenienne, la Constitution est au sommet des textes légaux en
Droit. Dans le cadre de ce travail, il existe des textes
supra-législatifs qui consacrent les droits des victimes des
expropriations pour cause d'utilité publique au Cameroun
(Paragraphe I). Bien que ceux-ci aménagent
convenablement ces droits, le cadre normatif en la matière est
renforcé par de différents textes législatifs et
infra-législatifs (Paragraphe II).
PARAGRAPHE I : LES FONDEMENTS SUPRA-LEGISLATIFS DES
DROITS DES VICTIMES DES EXPROPRIATIONS POUR CAUSE D'UTILITÉ PUBLIQUE AU
CAMEROUN
A l'analyse de la hiérarchie des normes établies
par Hans KELSEN, l'on observe qu'il
n'existe que deux (02) types de textes qui sont
supérieurs aux lois votées par le parlement d'un Etat
donné. Dans le cas des droits des victimes d'expropriations d'une telle
nature au
37 Hans KELSEN, auteur de la Constitution
autrichienne de 1920, établit une série de textes qui sont
considérés comme les sources positives du Droit Objectif. Il les
place dans une pyramide appelée la pyramide Kelsenienne. Celle-ci, est
une hiérarchie des Sources du Droit Objectif, organisée en
fonction de la portée des différents textes, leurs auteurs et
bien d'autres facteurs encore.
19
Cameroun, l'on constate que ces mêmes textes consacrent
les droits en la matière. Dès lors, il s'agit de présenter
ici d'une part les fondements constitutionnels des droits des victimes des
expropriations pour cause d'utilité publique au Cameroun
(A). D'autre part, il s'agirait aussi d'évoquer les
fondements internationaux des droits des victimes des expropriations de la
même nature (B)
A - Les fondements constitutionnels des droits des
victimes des expropriations pour cause d'utilité publique au
Cameroun
La Constitution du Cameroun est organisée en deux
parties. A l'analyse, l'on observe que ces deux parties, soit, le
préambule et le dispositif consacrent toutes les deux les droits des
victimes des expropriations pour cause d'utilité au Cameroun.
D'abord, La Constitution est placée au sommet de la
hiérarchie des normes élaborée par KELSEN. Pour cela, elle
est considérée comme la norme suprême dans un Etat, sur
laquelle tous les autres textes internes doivent se conformer. Elle organise de
manière générale le fonctionnement de l'Etat et les droits
dévolus à sa population.
Au fil du temps, de nombreuses interrogations sont nées
sur l'appartenance du préambule à la Constitution du Cameroun.
Toutefois, certaines jurisprudences sont venues clarifier cela en affirmant son
appartenance à la Constitution 38 . Avec la révision
Constitutionnelle de 1996, plus de précisions ont été
apportées sur l'appartenance du préambule à la
Constitution. Elle dispose que : « Le préambule fait partie
intégrante de la Constitution »39. Cette
disposition est donc venue lever l'équivoque qui gravitait autour de
l'appartenance du préambule à la Constitution camerounaise.
Dans le présent travail, nous pouvons donc dire avec
convictions que les dispositions du préambule de la Constitution
camerounaise en matière d'expropriation pour cause d'utilité
publique, consacrent légalement les droits des victimes
concernées. Une appréciation objective à la lecture de ce
préambule nous a permis de relever deux instances où les droits
des victimes des expropriations pour cause d'utilité publique sont
consacrés. La première est relativement implicite, tandis que la
deuxième est beaucoup plus explicite.
Implicitement, le préambule relève que
« L'Etat assure la protection des minorités et préserve
les droits des populations autochtones ». C'est la deuxième
partie de cette assertion qui est assez révélatrice en la
matière. La préservation des droits des populations
autochtones
38 CFJ/CAY, Arrêt n°178 du 29 mars 1972,
Eitel MOUELLE KOULA et Arrêt n°194 du 25 mai 1972, Daniel Roger NANA
TCHANA
39 Article 65 de la Constitution de 1996
20
implique la protection des populations enclavées, et
donc, leurs droits en matière d'expropriations pour cause
d'utilité publique. Par la présente, l'Etat se porte garant pour
toujours assurer le respect des droits dévolus au peuple camerounais.
Dans la pratique, on peut observer que la plupart des personnes
expropriées sont des propriétaires terriens qui ont
hérité d'une propriété coutumière leur
permettant de jouir du bien immeuble concerné. Ces personnes qui ont
toujours grandi sur ces terres, entrent normalement dans le groupe de personnes
appelées « autochtones » par le préambule de
la Constitution de 1996. Le peuple autochtone qui se fait déguerpir
à la suite d'une procédure d'expropriation pour cause
d'utilité publique possède donc des droits dont l'Etat
camerounais est tenu d'assurer la protection.
Cette consécration est faite de manière un peu
plus explicite dans ce même préambule lorsqu'il dispose que
« la propriété individuelle est le droit d'user, de
jouir et de disposer de bien garantis à chacun par la loi. Nul ne
saurait en être privé si ce n'est pour cause d'utilité
publique et sous la condition d'une indemnisation dont les modalités
sont fixées par la loi. » Pour Samuel-Béni ELLA ELLA,
Fidélie MENDOUGA et Pierre NKOU ABINA, « l'Etat reconnaît
à tout camerounais le droit de posséder une
propriété et d'en jouir en toute quiétude » 40 .
Pour Joseph OWONA, « l'indemnisation est donc un droit en cas
d'expropriation. Elle ne peut être ni supprimée ni par un texte
ayant valeur de loi, ni par un quelconque acte administratif. C'est une
obligation constitutionnelle pour les pouvoirs publics.
»41 Ces analyses faites par ces auteurs sur cette
disposition migrent toutes vers une conclusion identique qu'est la
reconnaissance constitutionnelle des droits des victimes des expropriations
pour cause d'utilité publique au Cameroun.
Nonobstant, une analyse un peu plus poussée nous a
été donnée d'effectuer. A partir de cette disposition,
l'on constate que trois (03) différents droits sont consacrés aux
victimes des expropriations pour cause d'utilité publique à
partir de là. Chronologiquement, l'on relève d'abord le droit
à la jouissance de l'utilité publique, ensuite, l'on
relève surtout le droit à une indemnisation compensatrice et
finalement, l'on relève le droit au respect des procédures.
Le droit à la jouissance de l'utilité publique
est tiré de l'extrait «...Nul ne saurait en être
privé si ce n'est pour cause d'utilité publique... ».
Le principal motif de ce type d'expropriation doit toujours être la
satisfaction de l'intérêt général qui a pour
corolaire,
40 Samuel-Béni ELLA ELLA, Fidélie
MENDOUGA et Pierre NKOU ABINA, Sociologie critique des indemnisations au
Cameroun, Cas de Lom Pangar, Mekin et Kribi, 5-7, rue de
l'Ecole-Polytechnique, 75005 Paris, l'Harmattan, 2021. p. 39.
41 Joseph OWONA, Domanialité Publique et
expropriation pour cause d'utilité publique au Cameroun, 5-7, rue de
l'Ecole-Polytechnique, 75005 Paris, l'Harmattan, 2012. p. 88.
21
l'utilisation collective du bien exproprié. Dès
lors, les victimes des expropriations pour cause d'utilité publique
doivent toujours se reconnaître parmi ceux qui pourront jouir
collectivement du bien exproprié. L'on a pu observer cela
récemment, le 25 mai 2023, quand le Tribunal Administratif du Littoral a
déclaré caduque la Déclaration d'Utilité Publique
(DUP) d'un terrain exproprié à Douala-Bali, pour la Construction
d'un Hôtel 5 étoiles par un opérateur
étranger42. Dans le cas d'espèce, les populations
n'ont pas vu en quoi un tel Hôtel leur servirait, eu égard
à leurs conditions de vies et leurs projets respectifs.
Le droit à une indemnisation compensatrice est sans
doute le droit le plus important en matière d'expropriation pour cause
d'utilité publique. Il est tiré de l'extrait « ...et
sous la condition d'une indemnisation... ». L'indemnisation peut
être sujet de controverses, ce qui a conduit plusieurs auteurs à
gamberger à ce sujet. Dans l'ouvrage « Domanialité
publique et expropriations pour causes d'utilité publique au Cameroun
» de Joseph OWONA, plusieurs thèses sont
évoquées relatives aux indemnisations. Il dispose dans cet
ouvrage la thèse de l'indemnité juste, la thèse de
l'indemnité préalable, l'indemnité par une compensation
à naitre, le montant de l'indemnité d'expropriation et la
contestation de l'indemnité d'expropriation43. Si une
indemnisation ne répond pas aux critères d'un ou plusieurs de ces
critères, ce droit dévolu aux victimes des expropriations pour
cause d'utilité publique est considéré comme n'ayant pas
été respecté.
Le droit au respect des procédures est tiré de
l'extrait «...la condition d'une indemnisation dont les conditions
sont fixées par la loi... ». Le respect des procédures
est sacro-saint en droit administratif processuel, sous peine de voir un acte
déclaré « nul et de nul effet »44.
Pour cette raison, le législateur a voulu préciser dans
l'espèce que les procédures d'expropriations et d'indemnisation
sont faites en suivant des procédures bien précises
prévues par la réglementation en vigueur. Cela a pour
conséquence de garantir une sécurité juridique certaine
aux victimes des expropriations pour cause d'utilité publique. Ces
dernières pourront saisir les juridictions compétentes pour que
justice leur soit rendue, dans l'espèce où lesdites
procédures ne sont pas respectées ad litteram.
42 Annulation de la Déclaration
d'Utilité Publique n°000033/MINDCAF/A10 du 14 mars 2019 sur
DIKOLO-BALI.
43 Pages 90-95.
44 Maurice KAMTO, « Droit administratif
processuel du Cameroun », Yaoundé, Presses Universitaires du
Cameroun, 1990.
22
Le préambule de la Constitution est donc incontournable
quand il s'agit de préciser les sources des droits des victimes des
expropriations pour cause d'utilité publique au Cameroun. Il en est de
même pour le dispositif de la Constitution.
Ensuite, comme établi plus haut, le dispositif de la
Constitution est considéré comme le corps même de la
Constitution. C'est là que les dispositions principales qui
régissent l'Etat sont établies. On y retrouve aussi la pierre
angulaire sur laquelle repose les droits des victimes des expropriations pour
cause d'utilité publique au Cameroun.
La consécration des droits des victimes des
expropriations pour cause d'utilité publique par le préambule de
la Constitution est beaucoup plus implicite qu'explicite. Il établit de
manière générale les régimes sous lesquels de
telles procédures sont menées et pose les jalons donc des
activités foncières et domaniales qui sont régies par la
législation nationale. L'on observe par exemple que « ...sont
du domaine de la loi...le régime de la propriété
mobilière et immobilière... »45. A travers
cette disposition, les bases régissant les biens des personnes morales
de Droit Public et de Droit Privé sont établies. L'Etat dispose
d'un patrimoine catégorisé sous trois (03) angles : le Domaine
Public de l'Etat, le Domaine Privé de l'Etat et le Domaine National. Il
existe plusieurs textes qui régissent ces différents domaines,
qui tirent tous leurs fondements de cet article46. Les biens qui
sont acquis par l'Etat à la suite des procédures d'expropriation
pour cause d'utilité publique, entrent directement dans le domaine
privé de l'Etat. Un fait qui n'aurait jamais eu lieu sans les
dispositions de cet article.
45 Loi 2008/001 du 14 avril 2008 portant
révision de la Constitution du 18 janvier 1996, article 26 alinéa
1(b)
46 Joseph OWONA fait un distinguo assez cristallin
entre ces trois différents domaines appartenant à l'Etat. Le
domaine national de l'Etat est selon lui composé de deux (02)
catégories de terres qui n'appartiennent ni au domaine public, ni au
domaine privé de l'Etat. L'Etat joue beaucoup plus un rôle de
gérant sur ces terres en permettant quelques exploitations privatives,
à titre exceptionnel. Pour qu'une terre soit considérée
comme appartenant au domaine national, elle peut ne pas être
classée directement dans ke domaine public, privé ou celui d'une
personne morale de Droit Public. Aussi, les terres qui n'ont pas fait l'objet
d'une mutation de titre de propriété en titre foncier dans les
délais impartis à compter du 06 juillet 1974. Enfin, toutes les
terres faisant l'objet d'une exploitation privative par un particulier (Pages
39-40). Le domaine public de l'Etat par contre comprend des biens
affectés à l'usage direct du public et aux services publics. Les
biens du domaine public sont classés soit sous les biens du domaine
public naturel ou sous les biens du domaine public artificiel (Pages 13-18). Le
domaine privé finalement est régi par les règles de droit
commun de la propriété privée. Six (06) catégories
de bien explicites font partie de ce domaine au Cameroun : les biens meubles et
immeubles acquis par l'Etat à titre gratuit lu onéreux selon les
règles du droit commun constituant le domaine privé mobilier et
le domaine privé immobilier ; les terrains qui supportent les
édifices, constructions ouvrages et aménagements
réalisés et entretenus par l'Etat ; les immeubles dévolus
à l'Etat en vertu de l'article 120 du traité de Versailles de
1919, la législation sur les séquestres de guerre, un acte de
classement, un acte de déclassement du domaine public, l'expropriation
pour cause d'utilité publique ; les concessions rurales ou urbaines
frappées de déchéance ou de droit de reprise ainsi que les
biens des associations dissoutes pour faits de subversion, atteintes à
la sûreté intérieure ou extérieure de l'Etat ; les
prélèvements décidés par l'Etat sur le domaine
national par application des dispositions de l'article 18 de l'ordonnance
fixant le régime foncier ; les propriétés des zones
rurales qui, depuis 10 ans au moins, n'ont fait l'objet d'aucune
régénération (Pages 33-34).
23
Dans la même veine, le dispositif précise aussi
que « sont du domaine de la loi...le régime domanial, foncier
et minier »47. Une analyse succincte de cette disposition
nous permet d'observer qu'elle a la même orientation que la
précédente. Elle établit de manière
générale les bases sur lesquelles reposent tous les textes de
lois en matières domaniales et foncières. Ces différents
textes ont à leur tour une incidence particulière sur les
expropriations pour cause d'utilité publique et les droits reconnus
à leurs victimes.
Il est clair que les textes législatifs de la
république du Cameroun tirent leurs fondements de la Constitution.
Grâce à cela dès lors, un cadre bien précis en
matière foncière et domaniale encadre les populations et leurs
dirigeants à ce jour.
Bien que la Constitution du Cameroun encadre comme il se doit
les droits des victimes des expropriations pour cause d'utilité publique
au Cameroun, d'autres textes, notamment internationaux viennent l'accompagner
dans cette dynamique.
B - Les fondements internationaux des droits des
victimes des expropriations pour cause d'utilité publique au
Cameroun
Il est important de rappeler ici que seuls les textes
internationaux dûment ratifiés par l'Etat du Cameroun peuvent
être applicables sur l'étendue du territoire camerounais.
Déjà parce que dans la pyramide Kelsenienne, on constate une
certaine inféodation des textes internationaux à la Constitution
du territoire. Ensuite, la Constitution elle-même prévoit cette
inféodation en précisant plusieurs dispositions relatives
à leur entrée en vigueur. Elle précise inter alia
que « le Président de la République négocie
et ratifie les traités et accords internationaux. Les traités et
accords internationaux qui concernent le domaine de la loi, défini
à l'article 26 ci-dessus, sont soumis, avant ratification, à
l'approbation en forme législative par le Parlement.
»48 Ainsi, on constate une double validation avant
entrée en vigueur de ces textes au Cameroun. Ensuite la Constitution
précise aussi que « les traités ou accords
internationaux régulièrement approuvés ou ratifiés
ont, dès leur publication, une autorité supérieure
à celle des lois, sous réserve pour chaque accord ou
traité, de son application par l'autre partie »49
Cette disposition place ces traités et accords internationaux
directement au-dessus des lois nationales et en dessous de la Constitution.
Dès lors, leur application dans l'espace camerounais ne pourrait faire
l'objet de contestation, eu égard à ces différentes
dispositions. Dans le cas des droits des victimes des expropriations pour
cause
47 Article 26 alinéa 1(d) de la Constitution de
2008.
48 Article 43 Ibid
49 Article 45 Ibid.
24
d'utilité publique, l'on observe que ce sont
principalement les Déclarations internationales et les Chartes
internationales ratifiées par le Cameroun, qui les consacrent.
En ce qui concerne les Déclarations Internationales,
l'on retient deux (02) principaux textes, dont l'un d'entre eux a
également été retenu par Samuel-Béni ELLA ELLA,
Fidélie MENDOUGA et Pierre NKOU ABINA dans leur ouvrage. Il s'agit
là de la Déclaration Universelle des droits de
l'homme50 qui est applicable dans tous les pays l'ayant
ratifiée.
La Déclaration universelle des droits de l'homme (DUDH)
a été ratifiée par l'Etat du Cameroun dès son
intégration à l'Organisation des Nations Unies (ONU) le 20
septembre 1960 51 . L'on y relève principalement une
disposition qui protège les victimes des expropriations pour cause
d'utilité publique. Cette disposition précise que «
toute personne, aussi bien seule qu'en collectivité, a droit à la
propriété. Nul ne peut être arbitrairement privé de
sa propriété. » 52. A l'analyse, le terme le
plus important ici est « arbitrairement ». L'utilisation de
celui-ci dans cette disposition laisse sous-entendre que les particuliers
peuvent être privés de leurs propriétés à la
condition que cela ne soit pas fait de façon arbitraire. L'arbitraire
est appréhendé comme un acte illégal allant à
l'encontre des règles de forme et/ou de fond. Dans ce cas
d'espèce, peut être considéré comme un acte
arbitraire, la cession d'un bien privé à l'Etat sans respecter
les procédures en vigueur. L'Etat doit donc en tout temps respecter les
procédures et s'assurer qu'il a rempli toutes les conditions pour
pouvoir procéder aux expropriations pour cause d'utilité
publique. Éventuellement, l'intérêt des victimes de ce type
d'expropriation est sauvegardé en leur accordant une
sécurité juridique considérable.
La DUDH a permis l'élaboration d'autres
déclarations dans des domaines beaucoup plus précis, ce qui
élargit en quelque sorte son application matérielle. Par exemple,
la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples
autochtones53.
La Déclaration des Nations Unies sur les droits des
peuples autochtones est la deuxième des rares déclarations qui
protègent les victimes des expropriations pour cause d'utilité
publique dans le monde en général et au Cameroun en particulier.
Les populations autochtones sont protégées par la DUDH et les
Nations Unies ont voulu accroître cette protection avec un texte
particulier en la matière. Raison pour laquelle, la Déclaration
des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones a été
adoptée. Au demeurant, elle précise
50 Texte adopté le 10 décembre 1948 et
entré en vigueur le 13 décembre 1951.
51 Samuel-Béni ELLA ELLA, Fidélie
MENDOUGA et Pierre NKOU ABINA, Sociologie critique des indemnisations au
Cameroun, Cas de Lom Pangar, Mekin et Kribi, 5-7, rue de
l'Ecole-Polytechnique, 75005 Paris, l'Harmattan, 2021. p. 40.
52 Article 17 de la DUDH de 1948.
53 Déclaration adoptée le 13 septembre
2007
25
que les peuples autochtones ont le droit de jouir des droits
qui leurs sont reconnus par la DUDH54. On y retrouve des
dispositions garantissant la propriété individuelle des
autochtones et leur droit d'en user et d'en jouir librement.
Précisément, cette déclaration dispose que « les
peuples autochtones ont le droit aux terres, territoires et ressources qu'ils
possèdent et occupent traditionnellement ou qu'ils ont utilisés
ou acquis. Les peuples autochtones ont le droit de posséder, d'utiliser,
de mettre en valeur et de contrôler les terres, territoires et ressources
qu'ils possèdent parce qu'ils leur appartiennent ou qu'ils les occupent
ou les utilisent traditionnellement, ainsi que ceux qu'ils ont acquis. Les
États accordent reconnaissance et protection juridiques à ces
terres, territoires et ressources. Cette reconnaissance se fait en respectant
dûment les coutumes, traditions et régimes fonciers des peuples
autochtones concernés »55. Plusieurs
différentes parties de cette disposition protègent les victimes
des expropriations pour cause d'utilité publique. Il conviendrait alors
de disséquer cette disposition afin de mieux l'appréhender.
Le début de cette disposition qui établit que
« les peuples autochtones ont le droit aux terres, territoires et
ressources qu'ils possèdent et occupent traditionnellement ou qu'ils ont
utilisés ou acquis » voudrait porter à l'attention des
Etat que les populations autochtones peuvent jouir d'un droit de
propriété sur les terres comme tout autre individu normal. A ce
titre, peu importe les mécanismes utilisés pour obtenir un titre
de propriété, leurs droits sur ces terres doivent être
impérativement protégés. L'on comprend indirectement alors
qu'ils ne peuvent pas être dépossédés de leurs
terres comme des malpropres, mais en conformité avec la
législation qui encadre ces dépossessions des biens immobiliers
des personnes privées.
La deuxième partie de cette disposition qui
précise que « les peuples autochtones ont le droit de
posséder, d'utiliser, de mettre en valeur et de contrôler les
terres, territoires et ressources qu'ils possèdent parce qu'ils leur
appartiennent ou qu'ils les occupent ou les utilisent traditionnellement, ainsi
que ceux qu'ils ont acquis », embrasse un peu le premier pan de cette
disposition. Ceci dans la mesure où, l'ONU ne voudrait pas que les
peuples autochtones soient vus comme des sous personnes, surtout en
matière d'exploitation terrestre.
La dernière partie de cette disposition vient un peu
confirmer l'analyse sus évoquée. Elle stipule que «
cette reconnaissance se fait en respectant dûment les coutumes,
traditions et
54 « Les peuples autochtones ont le droit, à
titre collectif ou individuel, de jouir pleinement de l'ensemble des droits de
l'homme et des libertés fondamentales re- connus par la Charte des
Nations Unies, la Déclaration universelle des droits de l'homme et le
droit international relatif aux droits de l'homme. » Article premier
de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples
autochtones.
55 Article 26 Ibid.
26
régimes fonciers des peuples autochtones
concernés ». En d'autres termes, les Etats ne doivent pas se
limiter à reconnaître statutairement les droits des peuples
autochtones sur leurs terres. Ils doivent également se conformer au
régime foncier qui leur sont applicable, pour garantir cette
reconnaissance. Au Cameroun, les autochtones sont assujettis au régime
général en matière foncière et domaniale.
Dès lors, ceux-ci sont protégés comme il se doit dans
l'utilisation et l'exploitation de leurs terres.
La Déclaration des Nations Unies sur les droits des
peuples autochtones ne s'arrête pas là. En effet, elle
précise aussi que « les États mettront en place et
appliqueront, en concertation avec les peuples autochtones concernés, un
processus équitable, indépendant, impartial, ouvert et
transparent prenant dûment en compte les lois, traditions, coutumes et
régimes fonciers des peuples autochtones, afin de reconnaître les
droits des peuples autochtones en ce qui concerne leurs terres, territoires et
ressources, y compris ceux qui les possèdent, occupent ou utilisent
traditionnellement, et de statuer sur ces droits. Les peuples autochtones
auront le droit de participer à ce processus » 56 . Ici, les
Etats sont priés d'appliquer le principe d'intégration surtout
pour la prise d'initiative relative aux exploitations privées des
terres. Les populations autochtones sont vraiment considérées
comme des citoyens normaux et sont donc approchées afin d'avoir leur
opinion sur comment ils pourraient d'avantage jouir de leurs terres.
Nonobstant les dispositions susmentionnées, la
Déclaration fait preuve d'un peu plus de pragmatisme en matière
de protection des victimes des expropriations pour cause d'utilité
publique. Cela se dégage de l'article 28 de la même
Déclaration qui stipule que « Les peuples autochtones ont droit
à réparation, par le biais, notamment, de la restitution ou,
lorsque cela n'est pas possible, d'une indemnisation juste, correcte et
équitable pour les terres, territoires et ressources qu'ils
possédaient traditionnellement ou occupaient ou utilisaient et qui ont
été confisqués, pris, occupés, exploités ou
dégradés sans leur consentement préalable, donné
librement et en connaissance de cause. Sauf si les peuples concernés en
décident librement d'une autre façon, l'indemnisation se fait
sous forme de terres, de territoires et de ressources équivalents par
leur qualité, leur étendue et leur régime juridique, ou
d'une indemnité pécuniaire ou de toute autre réparation
appropriée. » Cette disposition présente
l'indemnisation comme un dédommagement sacro-saint en matière
d'expropriation pour cause d'utilité publique. Non seulement elle
précise les critères que l'indemnisation doit
56 Article 27 Ibid.
27
observer57, mais elle établit aussi les
différentes formes que l'indemnisation peut prendre. Selon l'ONU,
l'indemnisation peut être sous forme de terres, de territoires, de
ressources équivalentes en qualité ou encore sous forme
d'indemnité pécuniaire. Il est vrai qu'au Cameroun, la forme
d'indemnisation la plus résurgente est l'indemnisation
pécuniaire.
L'on doit une reconnaissance considérable dès
lors aux déclarations internationales pour le rôle qu'elles jouent
dans la protection des droits des victimes des expropriations pour cause
d'utilité publique au Cameroun. Cette même reconnaissance est due
aux chartes internationales qui les protègent tout autant.
Pour les Chartes Internationales, la différence entre
une charte et une déclaration qu'il faudrait relever ici est que la
première est un accord par lequel plusieurs États s'engagent sur
un domaine précis, tandis qu'une déclaration est une simple
manifestation de la volonté d'un Etat ou d'une organisation
internationale. Ainsi, les États qui ratifient une Charte internationale
témoignent l'intérêt qu'ils ont à faire respecter un
certain nombre de normes dans leurs espaces nationaux. La Charte africaine des
droits de l'homme et des peuples (CADHP)58 en l'occurrence a
été adoptée à la suite d'un intérêt
commun visé par les États africains, signataires de ladite
Charte. Ce qui nous intéresse dans ce travail est l'intérêt
que visait les Etats africains à protéger les victimes des
expropriations pour cause d'utilité publique dans leurs Etats
respectifs. Cette Charte a été ratifiée par le Cameroun le
20 juin 1989, la rendant ainsi applicable sur l'étendue du territoire
national59. Cette Charte protège les victimes
d'expropriations d'une telle nature en deux temps.
D'abord, la Charte précise que « le droit de
propriété est garanti. Il ne peut y être porté
atteinte que par nécessité publique ou dans
l'intérêt général de la collectivité, ce,
conformément aux dispositions des lois appropriées
»60. À travers cela, les Etats africains
signataires en général et le Cameroun en particulier
reconnaissent que le droit de propriété est garanti aux
propriétaires terriens, ce qui leur permet d'en jouir librement. En
outre, ils ne peuvent être contraints à céder leurs
propriétés qu'en cas de nécessité d'utilité
publique, qui voudrait une satisfaction de l'intérêt
général. Dès lors, le droit de jouir de l'utilité
publique est garanti aux victimes des expropriations de cette nature. Comme il
a été mentionné plus tôt
57 Quand elle précise que « ...
indemnisation juste, correcte et équitable pour les terres...
»
58 Charte adoptée le 28 juin 1981 à
Nairobi au Kenya par l'Assemblée générale de
l'Organisation de l'Unité africaine (OUA)
59 Samuel-Béni ELLA ELLA, Fidélie
MENDOUGA et Pierre NKOU ABINA, Sociologie critique des indemnisations au
Cameroun, Cas de Lom Pangar, Mekin et Kribi, 5-7, rue de
l'Ecole-Polytechnique, 75005 Paris, l'Harmattan, 2021. p. 41.
60 Article 14 de la CADHP de 1981.
28
dans ce travail, ces victimes doivent se reconnaître
dans l'utilisation collective du bien exproprié, afin que la
procédure soit légale et puisse être menée sans
désagrément quelconque. Aussi, la même disposition
précise que « ...ce, conformément aux dispositions des
lois appropriées ». Cela laisse sous-entendre que ces
procédures d'expropriation doivent respecter les prescriptions du
législateur en la matière. En d'autres termes, les
différentes étapes relatives aux expropriations doivent
être respectées, ce qui fera en sorte que le droit au respect des
procédures soit garanti aux victimes des expropriations pour cause
d'utilité publique.
L'OUA s'est sans doute rendue compte que s'arrêter
là sans parler du droit principal en matière d'expropriation pour
cause d'utilité publique serait une aberration. Pour cette raison, elle
établit que « en cas de spoliation, le peuple spolié a
droit à la légitime récupération de ses biens ainsi
qu'à une indemnisation adéquate »61. Le
terme « spoliation » utilisé dans la Charte ici
renvoie à l'action de déposséder quelqu'un d'un bien ou
d'une chose62. La dépossession forcée du bien d'un
individu pour le compte de l'Etat implique donc une indemnisation compensatrice
juste et équitable. Les expropriations pour cause d'utilité
publique font justement partie des différents types de
dépossession forcée des biens privés pour le compte de
l'Etat.
A la lumière donc de cette charte, les citoyens
camerounais sont en théorie, dans une certaine sécurité
juridique quand il s'agit des expropriations pour cause d'utilité
publique.
Malgré ces textes internationaux, l'Etat camerounais a
voulu renforcer la protection dévolue aux victimes des expropriations
pour cause d'utilité publique. Pour cette raison, il a
procédé à l'élaboration de divers textes internes
en la matière.
PARAGRAPHE II : LES AMÉNAGEMENTS
LÉGISLATIFS ET REGLEMENTAIRES DES DROITS DES VICTIMES DES EXPROPRIATIONS
POUR CAUSE D'UTILITÉ PUBLIQUE AU CAMEROUN
En interne, plusieurs textes ont été
élaborés par les autorités compétentes en
matière d'expropriation pour cause d'utilité publique. Ici
encore, l'orientation est la même, c'est-à-dire, la recherche d'un
cadre favorable de protection des droits des victimes des expropriations pour
cause d'utilité publique. L'on observe d'une part, le rôle
joué par les législateurs, en établissant plusieurs textes
législatifs en la matière (A). D'autre part, les
autorités administratives de l'Etat ont aussi dû apporter plus de
précisions à ces textes en
61 Article 21 Ibid.
62 Dictionnaire Le Robert, édition 2023
29
établissant de divers textes réglementaires avec
pour motif la garantie des droits des victimes des expropriations pour cause
d'utilité publique au Cameroun (B).
A - L'aménagement législatif des droits
des victimes des expropriations pour cause d'utilité publique au
Cameroun
La Constitution camerounaise révisée le 14 avril
2008 précise que « Dans les matières
énumérées à l'Article 26 alinéa 2 ci-dessus,
le Parlement peut autoriser le Président de la République,
pendant un délai limité et sur des objets
déterminés, à prendre des ordonnances. Ces ordonnances
entrent en vigueur dès leur publication. Elles sont
déposées sur le Bureau de l'Assemblée Nationale et sur
celui du Sénat aux fins de ratification dans le délai fixé
par la loi d'habilitation. Elles ont un caractère réglementaire
tant qu'elles n'ont pas été ratifiées. Elles demeurent en
vigueur tant que le Parlement n'a pas refusé de les ratifier
»63. L'analyse de cette disposition nous fait comprendre
que le Président de la République peut lui aussi
légiférer à travers des ordonnances. Quand elles sont
ratifiées par le parlement, elles ont une valeur
législative64. Quand elles ne le sont pas, elles ont une
valeur réglementaire et donc infra-législative. Cette
précision nous fait donc comprendre qu'il existe deux (02) types de
textes législatifs au Cameroun, à l'instar des Lois
parlementaires et les Ordonnances ratifiées par ce même parlement.
En matière d'expropriation pour cause d'utilité publique, ces
deux types de textes législatifs aménagent les droits des
victimes concernées. Ainsi, dans un premier temps, les lois
parlementaires qui protègent les victimes d'expropriation pour cause
d'utilité publique au Cameroun seront présentées. Dans un
second temps, les ordonnances ratifiées avec le même
intérêt le seront davantage.
Premièrement, plusieurs lois existent aux Cameroun qui
aménagent les droits des victimes des expropriations pour cause
d'utilité publique. Toutefois, les plus pertinentes ont
été retenues dans le cadre du présent travail de
recherche.
Tout d'abord, nous avons la Loi n° 85/009 du 04 juillet
1985 relative à l'expropriation pour cause d'utilité publique et
aux modalités d'indemnisation. Cette loi est venue régler les
problèmes qu'une Ordonnance antérieure n'arrivait pas à
résoudre 65 . Cette Ordonnance aménageait elle aussi
la procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique et
les
63 Article 28 de la Constitution camerounaise.
64 Elles sont placées au même niveau que
les lois votées par le parlement.
65 Samuel-Béni ELLA ELLA, Fidélie
MENDOUGA et Pierre NKOU ABINA, Sociologie critique des indemnisations au
Cameroun, Cas de Lom Pangar, Mekin et Kribi, 5-7, rue de
l'Ecole-Polytechnique, 75005 Paris, l'Harmattan, 2021. p. 41-42.
30
modalités d'indemnisation66. La loi en
question est perçue comme le texte de référence quand il
s'agit de cette procédure. Elle établit les raisons pour
lesquelles l'Etat pourrait recourir à ce type d'indemnisation, mais
précise surtout les droits dévolus aux victimes de telles
procédures. Ce texte dispose d'ailleurs de toute un chapitre qui
consacre les indemnisations suites aux expropriations pour cause
d'utilité publique au Cameroun67. Aussi, une précision
est portée sur la personne sur qui le paiement des indemnités
repose. En ses termes : « les indemnités dues pour
expropriation sont à la charge de la personne morale
bénéficiaire de cette mesure. »68 . Cela
voudrait tout simplement dire que la personne morale à l'origine d'une
expropriation et pour qui la procédure est avantageuse, est tenue de
payer les indemnités redevables aux victimes. Par exemple, si une
Collectivité Territoriale Décentralisée (CTD) est à
l'origine d'une procédure d'expropriation pour cause d'utilité
publique, alors c'est le budget de cette même collectivité qui
doit être utilisé pour indemniser les victimes, et non pas le
budget général de l'Etat. Une précision est
également apportée sur la nature de l'indemnisation quand le
législateur dispose que « (1) l'indemnité est
pécuniaire ; toutefois, en ce qui concerne les terrains, la personne
morale bénéficiaire peut substituer une compensation de
même nature et de même valeur à l'indemnité
pécuniaire. (2) En cas de compensation en nature, le terrain
attribué doit, autant que faire se peut, être situé dans la
même commune que le terrain frappé d'expropriation. (3) Si la
valeur du terrain alloué en compensation est supérieure à
celle du terrain frappé d'expropriation, la soulte est payée par
le bénéficiaire de l'indemnité. Si elle est
inférieure, le bénéficiaire de l'expropriation alloue une
indemnité pécuniaire correspondant à la soulte
»69. L'on observe deux types principaux d'indemnisation
ici ; en nature et pécuniaire. Le législateur a voulu que pour
les indemnisations en nature, le terrain soit à la portée
géographique de la victime, ceci dans l'optique de faciliter
l'exploitation de cette nouvelle propriété, comme si la victime
était toujours sur la précédente.
Toujours dans le cadre des droits des victimes des
expropriations pour cause d'utilité publique au Cameroun, on retient la
Loi n° 80/21 du 14 juillet 1980 modifiant et complétant certaines
dispositions de l'Ordonnance n° 74/1 du 6 juillet 1974 fixant le
régime foncier. Cette Loi a été établie
principalement avec pour objectif d'autoriser les personnes
étrangères à
66 Ordonnance n° 74-3 du 06 juillet 1974
67 Chapitre II
68 Article 6 de la loi n° 85/009 du 04 juillet
1985 relative à l'expropriation pour cause d'utilité publique et
aux modalités d'indemnisation
69 Article 8 Ibid.
31
procéder à l'acquisition des biens immobiliers.
En ses termes ; « Les personnes physiques ou morales de
nationalité étrangère désirant investir au Cameroun
ainsi que les missions diplomatiques et consulaires et les organisations
internationales peuvent conclure des baux ou acquérir des
propriétés immobilières, sauf dans les zones
frontalières. » 70 . Ici les personnes
étrangères sont investies du même droit de
propriété que les nationaux. Ainsi, ils sont régis par la
même réglementation et jouissent donc des mêmes droits que
les victimes des expropriations pour cause d'utilité publique, le cas
échéant.
L'on observe que le cadre législatif en ce qui concerne
les lois parlementaires, est bien achalandé en ce qui concerne les
droits des victimes des expropriations pour cause d'utilité publique au
Cameroun. Un cadre précis de ces droits est également
prévu par les Ordonnances ratifiées.
Deuxièmement, les ordonnances ratifiées en la
matière ici sont principalement de trois (03) ordres : l'Ordonnance
fixant le régime foncier, celle fixant le régime domanial et
celle relative aux expropriations pour cause d'utilité publique et aux
modalités d'indemnisation.
Pour ce qui est de l'Ordonnance fixant le régime
foncier au Cameroun 71, une disposition dont une attention
particulière est requise, est établie. Il s'agit de l'article
premier de cette Ordonnance qui établit que « L'Etat garantit
à toutes les personnes physiques ou morales possédant des
terrains en propriétés, le droit d'en jouir et d'en disposer
librement. L'Etat est le gardien de toutes les terres. Il peut, à ce
titre, intervenir en vue d'en assurer un usage rationnel ou pour tenir compte
des impératifs de la défense ou des options économiques de
la nation. Les conditions de cette intervention seront fixées par
décret. ». Le constat immédiat qui est fait est celui
de la suprématie de l'Etat sur les terres nationales quand il est
précisé que « ...l'Etat est le gardien de toutes les
terres... ». Le fait que l'Etat soit le gardien de toutes les terres
implique qu'il assure son intégrité et veille à sa
préservation. En outre, elle peut intervenir sur toutes les terres sur
l'étendue du territoire national en respectant les règles
prévues par la réglementation en vigueur.
C'est cette même ordonnance qui pose les jalons d'une
propriété terrienne légale au Cameroun. Il est connu de
tous, sinon, par une bonne majorité que le titre foncier est le document
officiel faisant foi de propriété terrienne au Cameroun. Tout va
de cette ordonnance qui établit inter alia que «
(Ordonnance 77-1 du 10 janvier 1977). Les titulaires de jugements
70 Article 10 (nouveau) de la loi n° 80/21 du
14 juillet 1980 modifiant et complétant certaines dispositions de
l'Ordonnance n° 74/1 du 6 juillet 1974 fixant le régime foncier.
71 Ordonnance n° 74-1 du 06 juillet 1974
32
définitifs constitutifs ou translatifs des droits
sur terrains en milieu urbain doivent également sous peine de
déchéance, en saisir le service des domaines compétent
dans un délai de dix ans à compter du 15 août 1974, date de
publication de l'ordonnance n°1 du 6 juillet 1974, en vue d'obtenir leur
transformation en titres fonciers ; ledit délai est porté
à 15 ans pour les terrains en milieu rural. Toutefois, lorsque ces
jugements portent sur des immeubles habités par des occupants de bonne
foi, ceux-ci jouissent en cas de vente desdits immeubles d'un droit de
préférence qui n'exerce dans le cadre de l'aménagement de
la zone concernée. Tous les litiges fonciers pendants devant les
juridictions et introduits en dehors de la procédure de
l'immatriculation sont de la compétence des commissions prévues
à l'article 16 ci-dessous. Les dossiers y relatifs sont
transférés à ces commissions dès l'entrée en
vigueur de la présente ordonnance. »72. Cette
disposition assez explicite voudrait que les titres de propriété
terrienne antérieure à l'entrée en vigueur de l'Ordonnance
du 06 juillet 1974 soit transformés en titres fonciers. Aujourd'hui, ce
titre foncier peut être annulé pour expropriation pour cause
d'utilité publique à cause de cette Ordonnance. Aussi,
grâce à ce titre foncier, les personnes expropriées
pourront être indemnisées comme il se doit pour leurs pertes.
Dans la même mesure, l'ordonnance sur le régime
foncier consacre directement les expropriations pour cause d'utilité
publique au Cameroun. Elle précise que « Pour la
réalisation des objectifs d'intérêt général,
l'Etat peut recourir à la procédure d'expropriation.
Cette procédure est engagée soit directement
lorsqu'elle vise à réaliser des opérations
d'intérêt public, économique ou social, soit indirectement
à la demande des communes, des établissements publics ou des
concessionnaires de service public, lorsque les tentatives de règlement
à l'amiable entre ces organismes et les propriétaires se sont
révélées infructueuses. La procédure
d'expropriation et les modalités d'indemnisation sont fixées par
un texte particulier. »73. A la lecture de cet article, on
constate que le législateur est pour une expropriation légitime
et fondée. Elle doit se conformer aux règles que des textes
postérieurs viendront établir. Une bonne nouvelle pour les
populations déguerpies, qui peuvent se baser sur cette disposition afin
de faire respecter la procédure d'expropriation dont ils sont
victimes.
L'Ordonnance fixant le régime domanial au
Cameroun74 consacre aussi une protection certaine des victimes des
expropriations pour cause d'utilité publique au Cameroun. L'on
72 Article 5 Ibid
73 Article 12 Ibid.
74 Ordonnance n° 74-2 du 06 juillet 1974.
33
retient particulièrement que « font partie du
domaine privé de l'Etat...les immeubles dévolus à l'Etat
en vertu...de l'expropriation pour cause d'utilité publique
»75. Ici, il est beaucoup plus question d'une
reconnaissance de ce type de procédure par l'Etat. Ce dernier peut
recourir à ce type de procédure en affectant le bien directement
dans le domaine privé de l'Etat. Avant d'en arriver là toutefois,
l'Etat doit respecter et suivre les dispositions prévues par la
réglementation en vigueur.
Enfin, l'Ordonnance relative aux expropriations pour cause
d'utilité publique et aux modalités d'indemnisation76
était le texte de base relative aux expropriations de cette nature,
avant l'entrée en vigueur de la loi de 1985. Celle-ci précise les
différentes procédures à respecter en matière
d'expropriation pour cause d'utilité publique au Cameroun. Elle
précise que « L'expropriation pour cause d'utilité
publique est prononcée par décret au terme de la procédure
définie par la présente ordonnance. Ce Décret
entraîne immédiatement transfert de propriété et
permet de muter les titres existants ou d'immatriculer d'office les terrains
libres au nom de l'Etat. Il entraine envoi en possession dans un
délai de six mois pour compter de sa signature. Toutefois ce
délai est ramené à trois mois lorsque l'urgence est
déclarée. »77 Les procédures
d'expropriation doivent dès lors se conformer aux étapes
prévues par la réglementation, sous peine d'être
frappées de caducité.
Le droit de jouissance de l'utilité publique est aussi
consacré par cette Ordonnance qui précise que c'est le Ministre
en charge des domaines qui prend un arrêt déclarant
l'utilité publique des travaux à entreprendre sur l'immeuble
exproprié. Précisément, l'Ordonnance précise que
« le Ministre chargé des Domaines prend un arrêté
déclarant d'utilité publique les travaux projetés et
prescrit une enquête préalable qui est conduite par le
Préfet du Département où est situé l'immeuble
à exproprier. » 78 Sans cette déclaration
d'utilité publique, aucune procédure d'expropriation pour cause
d'utilité publique ne peut avoir lieu. Pour cette raison, le Ministre en
Charge des domaines doit veiller à ce que le projet pour lequel les
particuliers sont expropriés revêt d'un objectif
d'intérêt général.
Le droit à l'information est aussi consacré par
cette Ordonnance qui voudrait que les potentielles victimes soient
informées bien avant l'engagement de quelconque procédure
d'expropriation. L'Ordonnance établit que « Les populations
concernées, préalablement informées par le Préfet
de l'objet de l'expropriation, au moins quinze jours à l'avance,
75 Article 10 alinéa 3.
76 Ordonnance n° 74-3 du 06 juillet 1974.
77 Article premier Ibid.
78 Article 4 Ibid.
34
doivent être invitées à participer
à toutes les phases de l'enquête. »79 Cette
mesure est prise pour renforcer la transparence des expropriations pour cause
d'utilité publique. Cela permet aux victimes de voir comment leurs biens
sont évalués avant l'engagement des procédures
d'expropriation.
L'Ordonnance consacre aussi l'indemnisation des victimes des
expropriations pour cause d'utilité publique80. Ici,
l'indemnisation est perçue une fois de plus comme un
élément sensible en matière d'expropriation pour cause
d'utilité publique qu'il faudrait reverser aux victimes avec le plus
grand soin possible.
Dès lors, il apparaît que le cadre
législatif des droits des victimes des expropriations pour cause
d'utilité publique au Cameroun est bien précis et concis. C'est
dans cette même mesure que le cadre réglementaire en la même
matière est établi.
B - L'aménagement réglementaire des
droits des victimes des expropriations pour cause d'utilité publique au
Cameroun
Les actes réglementaires sont pris par les
autorités administratives dans l'exercice de leurs fonctions.
Initialement le pouvoir réglementaire originaire (PRO) est prévu
par la Constitution du Cameroun81. Ce pouvoir est
considéré comme originaire parce qu'il est directement
consacré par le constituant camerounais, ce, pour juste deux (02)
autorités, le Président de la République et le Premier
Ministre, Chef du Gouvernement. Toutefois, les autres membres du gouvernement
sont investis du Pouvoir réglementaire dérivé (PRD), qui
leur permet de prendre des actes administratifs unilatéraux (AAU) dans
l'exercice de leurs fonctions. En matière d'expropriation pour cause
d'utilité publique des actes protégeant les
79 Article 5 Ibid.
80 Article 7 Ibid qui établit que
« L'expropriation ouvre droit à l'indemnisation
pécuniaire selon les conditions définies par l'article 9
ci-dessous. Toutefois, l'autorité bénéficiaire de
l'expropriation peut substituer à l'indemnisation pécuniaire des
terrains, une compensation en nature de même valeur. » Dans le
même sillage, l'article 9 du même texte précise que
« Sous réserve des dispositions de l'alinéa 2 de l '
article 13 de l'ordonnance fixant le régime foncier, l'indemnité
d'expropriation comporte les éléments suivants : - la valeur des
cultures détruites déterminée conformément aux
barèmes en vigueur ; - la valeur des constructions et autres
aménagements déterminée par la commission
d'évaluation visée à l'article 4 ; - la valeur du terrain
nu calculée sur les bases ci-après : a) lorsqu'il s'agit de
terrain urbain résultant d'une attribution domaniale à titre
onéreux, l'indemnité ne peut dépasser le prix officiel des
terrains domaniaux du Centre considéré ; b) lorsqu'il s'agit de
terrain résultant d'une transaction normale de droit commun,
l'indemnité est le prix d'achat majoré des frais divers
d'acquisition et de conservation ; c) lorsqu'il s'agit de terrain
résultant d'une détention coutumière ayant donné
lieu à l'obtention d'un titre foncier, l'indemnité ne peut
dépasser le montant des frais engagés pour l'obtention du titre
foncier. »
81 Article 12 alinéa 3 qui établit
que « Le Premier Ministre exerce le pouvoir réglementaire et
nomme aux emplois civils, sous réserve des prérogatives reconnues
au Président de la République dans ces domaines. »,
l'article 8 alinéa 8 qui précise aussi que le
Président de la République exerce le pouvoir réglementaire
et enfin l'article 27 qui énonce que « Les matières
autres que celles qui sont du domaine de la loi ressortissent au pouvoir
réglementaire. »
35
victimes concernées sont pris en conformité soit
avec le Pouvoir réglementaire originaire ou alors avec le Pouvoir
réglementaire dérivé.
De nombreux textes émanant du PRO garantissent une
protection considérable des droits des victimes des expropriations pour
cause d'utilité publique au Cameroun. Premièrement, le
Décret n° 87/1872 du 16 décembre 1987 portant application de
la loi n° 85/009 du 15 juillet 1985 relative à la procédure
d'expropriation pour cause d'utilité publique et aux modalités
d'indemnisation. L'on remarque tout de suite que ce décret est le texte
d'application de la loi de 1985 mentionnée plus tôt dans ce
travail. Ce Décret précise davantage les étapes à
suivre en cas d'expropriation pour cause d'utilité publique. Selon ce
Décret, le Ministre chargé des Domaines joue un rôle
prépondérant lors de ces procédures. On observe que «
tout département ministériel désireux d'entreprendre
une opération d'utilité publique saisit le Ministre chargé
des Domaines d'un dossier préliminaire en deux exemplaires comprenant
. · - Une demande assortie d'une note explicative indiquant l'objet de
l'opération , · - une fiche dégageant les
caractéristiques principales des équipements à
réaliser en précisant notamment . · a) la superficie
approximative du terrain sollicité dûment justifiée ;b)
l'appréciation sommaire du coût du projet y compris les frais
d'indemnisation , ·
c) la date approximative de démarrage des travaux
, · d) la disponibilité des crédits d'indemnisation avec
indication de l'imputation budgétaire ou de tous les autres moyens
d'indemnisation »82. Ainsi, les opérations
d'expropriation pour cause d'utilité publique ne peuvent avoir lieu si
le Ministre chargé des domaines n'est pas saisi. La
nécessité du Ministre en charge des domaines est encore
constatée lorsqu'il est dit que « (1) dès
réception du dossier, le Ministre chargé des domaines
apprécie le bien-fondé des justifications du projet. (2)
lorsqu'il juge le projet d'utilité publique, il prend un
Arrêté déclarant d'utilité publique les travaux
projetés en définissant le niveau de compétence de la
commission chargée de l'enquête d'expropriation dite commission de
constat et d'évaluation »83. Une fois de plus, le
caractère d'utilité publique d'un projet d'expropriation doit
être reconnu avant que cette procédure ne soit engagée. On
observe donc que le Ministre en Charge des domaines se substitue à la
population pour déterminer si un projet va satisfaire ou pas
l'intérêt général. Ce décret fixe aussi les
modalités d'indemnisation en la matière84.
82 Article 2 du Décret de 1987
83 Article 3 Ibid.
84 Articles 17-19 Ibid
36
Un autre décret en la matière qu'il conviendrait
d'évoquer ici est le Décret n° 76/165 du 27 avril 1976
fixant les conditions d'obtention du titre foncier85. Selon ce
texte, le titre foncier est inattaquable, intangible et définitif. Les
indemnisations liées aux expropriations pour cause d'utilité
publique viennent donc compenser la violation de ces différentes
caractéristiques occasionnée par ces procédures.
Bien d'autres textes émanant du PRO consacrent les
droits des victimes des expropriations pour cause d'utilité publique au
Cameroun. Il s'agit du : Décret n° 76-166 du 27 avril 1976 fixant
les modalités de gestion du domaine national ; Décret n°
76-167 du 27 avril 1976 fixant les modalités de gestion du domaine
privé de l'Etat ; Décret n° 2003/418/PM du 25 février
2003 fixant les tarifs des indemnités à allouer au
propriétaire victime de destruction pour cause d'utilité publique
de cultures et d'arbres cultivés ; Décret n° 2005/178 du 27
mai 2005 portant organisation du Ministère des Domaines et des Affaires
foncières ; Décret n° 77-193 du 23 juin 1977 portant
création de la Mission d'aménagement et d'équipement des
terrains urbains et ruraux (MAETUR) ; Décret n° 0001 du 22 mars
1994 portant Prix minima de vente des terrains domaniaux ; Décret
n° 2005/118 du 15 avril 2005 portant Organisation du Ministère de
l'Agriculture et du Développement rural (MINADER) ; Décret
n°2006/3023 du 26 décembre 2006 fixant Les modalités
d'évaluation administrative des immeubles en matière fiscale ;
Décret n° 2016/1430 du 27 mai 2016 fixant Les modalités
d'organisation et de fonctionnement de la commission consultative en
matière foncière et domaniale.
Ces différents Décrets forment une base solide
sur laquelle repose les droits des victimes des expropriations pour cause
d'utilité publique au Cameroun. Dans leur application, ils sont
accompagnés par des textes émanant du pouvoir
réglementaire dérivé.
En ce qui concerne les textes émanant le PRD, ils sont
compris comme des Actes Administratifs Unilatéraux (AAU) pris par les
membres du gouvernement dans l'exercice de leurs fonctions. En matière
de droits des victimes des expropriations pour cause d'utilité publique
au Cameroun, l'on retient l'Arrêté qui fixe les modes de calcul
des indemnisations dues aux victimes des expropriations de cette nature.
En effet, l'Arrêté n° 00332/Y.15.1/MINUH/D
C00 du 20 novembre 1987 fixant les bases de calcul de la valeur vénale
des constructions frappées d'expropriation pour cause d'utilité
publique. Cet arrêté précise que les montants des
indemnités sont calculés par la commission de constat et
d'évaluation. Précisément, il dispose que «
Conformément aux dispositions de l'Article 10 de la loi n°85/09 du
04 juillet 1985 susvisée, la valeur des
85 Texte modifié et complété par
le décret n° 2005/481 du 16 décembre 2005
37
constructions en vue du calcul des indemnités
d'exploitation pour cause d'utilité publique est
déterminée par la commission de constat et d'évaluation.
Dans l'exercice des prérogatives ainsi dévolues, les commissaires
devront s'appuyer sur les règles définies par le présent
arrêté. »86 Ainsi, l'Arrêté
précise les critères sur lesquels la commission devra se baser
pour calculer le montant d'indemnisation dû. Le Ministre précisa
alors que « La valeur des constructions visées à
l'Article 1 er ci-dessus est calculée sur la base d'un taux forfaitaire
au mètre carré variant suivant leur qualité. A cet effet,
les constructions sont classées en 06 catégories
conformément à l'Annexe I du présent Arrêté.
Les taux de calcul sont fixés conformément à l'Annexe II
»87 La commission de constat et d'évaluation devra
donc se baser sur le type de construction entrant dans l'une des
catégories énumérées par l'Arrêté.
Toutes ces mesures sont prises afin de sauvegarder les droits
des victimes des expropriations en leur accordant une indemnisation
compensatrice digne de ce nom.
A ce stade, on peut dire sans risque de se tromper que le
cadre juridique régissant les expropriations pour cause d'utilité
publique au Cameroun consacre comme il se doit les droits des victimes de
telles expropriations. Il se pose à présent la question de la
matérialisation de ces textes dans la pratique.
SECTION II : LA CONSÉCRATION INSTITUTIONNELLE
DES DROITS DES VICTIMES DES EXPROPRIATIONS POUR CAUSE D'UTILITÉ PUBLIQUE
AU CAMEROUN
Le gouvernement camerounais, ayant pour objectif l'atteinte de
l'émergence à l'horizon 2035 et parallèlement la
protection des droits de ses citoyens, se retrouve souvent dans une certaine
difficulté dans la préservation d'une adéquation entre ces
deux objectifs. En matière d'expropriation pour cause d'utilité
publique, il ne bat pas en retrait et cherche toujours à appliquer les
dispositions prévues par le législateur. Pour cette raison, des
mécanismes de sauvegarde des droits des victimes des expropriations pour
cause d'utilité publique sont mis en exergue dans la pratique. Ces
mécanismes passent parfois par les tribunaux où se trouvent les
juges ayant pour rôle de protéger les intérêts des
citoyens camerounais. Avant d'en arriver là, les autorités
administratives en place et les institutions en la matière sont aussi
tenues de faire respecter les textes juridiques. Dès lors, il
conviendrait de
86 Article premier de l'Arrêté de 1987
87 Article 2 Ibid.
38
présenter les mécanismes juridictionnels
(Paragraphe I) et Non-juridictionnels (Paragraphe
II) de protection des droits des victimes des expropriations pour
cause d'utilité publique au Cameroun.
PARAGRAPHE I : LES INSTITUTIONS JURIDICTIONNELLES DE
PROTECTION DES DROITS DES VICTIMES DES EXPROPRIATIONS POUR CAUSE
D'UTILITÉ PUBLIQUE AU CAMEROUN
Le domaine foncier est un domaine assez transversal qui touche
plusieurs secteurs d'activité dans le monde. Ces différents
secteurs d'activités qui sont encadrés par des juridictions de
différents régimes interviennent tout aussi en matière
foncière. Précisément, pour les expropriations pour cause
d'utilité publique, plusieurs instances juridictionnelles interviennent
afin de préserver les droits des populations expropriées. Les
juges de droit commun en matière d'expropriation pour cause
d'utilité publique (A) jouent un rôle aussi
important que les juges exceptionnels en la matière
(B).
A - Les juges de droit commun
Le juge de droit commun du contentieux administratif au
Cameroun est le juge administratif88. Toutefois, l'on retrouve
l'intervention des autres juges dans le domaine administratif, ce qui lui
permet de réduire sa masse de travail. En ce qui concerne les
expropriations pour cause d'utilité publique au Cameroun, les juges de
droit commun sont naturellement le juge administratif et le juge judiciaire.
Selon Bertrand- Raymond GUIMDO DONGMO, l'expropriation pour
cause d'utilité publique constitue une emprise irrégulière
qu'il définit comme « une dépossession
irrégulière d'une propriété immobilière par
l'administration »89.
Le contentieux de l'emprise irrégulière commence
par une constatation des faits. Selon la Loi de 2006 régissant les
tribunaux administratifs au Cameroun, c'est le juge administratif qui constate
les expropriations pour cause d'utilité publique. Selon les termes de
ladite loi, « ...Toutefois, il est statué par la Chambre
Administrative de la Cour Suprême sur
88 Article 14 alinéa 1 de la Loi n°
2006/022 du 29 décembre 2006 qui stipule que « Les tribunaux
administratifs sont, sauf dispositions contraires de la loi, juges de droit
commun du contentieux administratif en premier ressort »
89 Bertrand-Raymond GUIMDO DONGMO, Cours de
Contentieux Administratif, Janvier 2021, p. 32.
39
l'exception préjudicielle soulevée en
matière de voie de fait administrative et d'emprise. »90 On
constate que le juge administratif joue un rôle secondaire dans les
procédures arbitraires d'expropriation pour cause d'utilité
publique. L'Etat est tenu de se conformer aux procédures
préétablies afin de procéder aux expropriations pour cause
d'utilité publique. Si une victime estime que ces procédures ont
été violées et donc que l'expropriation pour cause
d'utilité publique a été faite de manière
illégale, elle peut saisir le juge administratif qui devra constater
l'illégalité de l'expropriation. Le juge administratif ne fera
que constater l'expropriation sans pour autant instruire le
dédommagement de la victime concernée. C'est pour cette raison
qu'on observe le rôle secondaire que joue le juge administratif dans le
contentieux des expropriations pour cause d'utilité publique au
Cameroun.
Dans un article numérique publié le 7
décembre 202091, l'on observe que la procédure des
expropriations pour cause d'utilité publique peut être
scindée en deux (02) phases : une phase administrative et une phase
judiciaire. C'est lors de la phase administrative que le juge administratif
intervient. Le respect des étapes administratives doit être
à l'ordre du jour dans cette phase, sous peine de constat d'une
procédure illégale par le juge administratif.
Aussi, le juge administratif intervient en cas de contestation
de la Déclaration d'Utilité Publique (DUP). Cette
déclaration est un arrêté pris par le Ministre en charge
des domaines déclarant l'utilité publique des projets de travaux
sur un espace à exproprier92. Cet arrêté est un
acte administratif unilatéral comme tous les autres et peut donc faire
l'objet de contestation par les personnes affectées par cet acte. Un AAU
est défini comme un « acte juridique unilatéral pris par
une autorité administrative pris dans l'exercice de ses pouvoirs
administratifs, qui crée des droits et/ou des obligations à
l'égard des particuliers »93. L'on constate que
l'Arrêté portant déclaration d'utilité publique peut
être rattaché à cette définition.
La loi de 2006 qui régit les tribunaux administratifs au
Cameroun stipule que « Le contentieux administratif comprend : a) les
recours en annulation pour excès de pouvoir et, en matière non
répressive, les recours incidents en appréciation de
légalité. Est constitutif d'excès de pouvoir au sens du
présent article : - le vice de forme ; - l'incompétence ; -
la
90 Article 3 alinéa 2 de la loi de 2006/022
du 29 décembre 2006 fixant l'organisation et le fonctionnement des
tribunaux
91 Répartition des compétences entre
le juge de l'expropriation et juge administratif pour connaître des
actions en responsabilité en cas d'expropriation
irrégulière, décembre 2020.
https://www.adden-leblog.com/repartition-des-competences-entre-juge-de-lexpropriation-et-juge-administratif-pour-connaitre-des-actions-en-responsabilite-en-cas-dexpropriation-irreguliere/
92 Article 3 du décret n° 87/1872 du 16
décembre 1987
93 Définition donnée dans l'affaire
AP/CFJ, arrêt n° 20 du 20 mars 1968, NGONGANG NJANKE Martin c/
État du Cameroun
40
violation d'une disposition légale ou
réglementaire ; - le détournement de pouvoir
».94 Il s'agit là du Contentieux de l'annulation
avec qui le juge administratif est très familier. Ce contentieux
comprend de différentes caractéristiques et peut être
ouvert pour les motifs mentionnés dans le précédent
article, qui sont repris par Joseph OWONA dans son ouvrage, « Le
contentieux administratif de la république du Cameroun », 2011.
Pour lui, si une ou plusieurs de ces irrégularités sont
constatées, l'AAU doit simplement et purement être
déclaré caduc et ce, ab initio95.
Dès lors, si l'arrêté qui déclare
l'utilité publique comprend des irrégularités, soit sur la
forme, son auteur, son bien-fondé ou l'objectif qu'il vise, le juge
administratif peut l'annuler en la faveur de la victime expropriée.
Le juge administratif joue alors un rôle très
important dans la protection des droits des victimes des expropriations pour
cause d'utilité publique au Cameroun. Il a été dit plus
haut que le juge administratif joue toutefois un rôle secondaire en la
matière. Cela est dû au rôle prépondérant que
joue le juge judiciaire dans la protection des droits des victimes des
expropriations pour cause d'utilité publique au Cameroun.
Le juge judiciaire est considéré comme le juge
de l'expropriation pour cause d'utilité publique au Cameroun. Ceci est
dû au fait que la loi de 2006 lui consacre les pouvoirs pour trancher sur
les litiges relatifs aux emprises et aux voies de fait
administratives96.
Après l'expropriation irrégulière
constatée par le juge administratif, les deux dernières
étapes de ce contentieux sont finalisées par le juge judiciaire.
Il s'agit là de la réparation et de l'extinction. Ainsi, le juge
judiciaire répare l'emprise immobilière et y met
fin97.
Dans l'étape de la réparation, le juge
administratif ayant constaté l'expropriation illégale
effectuée par l'administration, saisit le tribunal judiciaire
compétent pour qu'une réparation juste et équitable soit
reversée à la victime. Le tribunal judiciaire qui est saisi ici
est le Tribunal de Grande instance (TGI) du lieu d'implantation du terrain pour
les montants excédants dix millions et le Tribunal de Première
instance (TPI) pour les montants inférieurs à dix
millions98. Le juge judiciaire ici va se baser sur les textes en
vigueur pour déterminer quel
94 Article 2 alinéa 3(a)
95 Dès son entrée en application. Cela
fera en sorte que le texte sera comme s'il n'avait jamais existé
96 Article 3 alinéa 2 de la loi de 2006
régissant les tribunaux administratifs au Cameroun
97 Bertrand-Raymond GUIMDO DONGMO, Cours de
Contentieux Administratif, Janvier 2021, p. 32.
98 Joseph OWONA, Domanialité Publique et
expropriation pour cause d'utilité publique au Cameroun, 5-7, rue de
l'Ecole-Polytechnique, 75005 Paris, l'Harmattan, 2012. p. 94
41
montant allouer à la victime. Ces décisions sont
données en vertu de la procédure de droit commun et peuvent donc
faire l'objet de voies de recours de droit commun
également99.
Dans l'étape de l'extinction, le juge judiciaire met
fin à la procédure illégale d'expropriation en allouant
une indemnité à être reversée à la victime
expropriée. Cela a pour conséquence la rétrocession du
bien exproprié à la victime. Dès lors, ce sera comme si la
procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique n'avait
jamais existé.
Le juge judiciaire intervient aussi dans le contentieux de
l'indemnisation relative aux expropriations pour cause d'utilité
publique au Cameroun100. Quand le Décret portant
expropriation pour cause d'utilité publique et indemnisation des
populations expropriées est arrêté, il appartient aux
personnes concernées qui ne sont pas satisfaites du montant
d'indemnisation, de saisir le tribunal compétent101 afin que
justice leur soit rendue.
Il faudrait noter que le juge judiciaire en la matière
ici est nul autre que le juge civil. C'est le juge de droit commun pour le
paiement des indemnités, à l'opposé de son homologue, le
juge répressif dit juge pénal.
Les actions devant les tribunaux de droit commun garantissent
une certaine sécurité juridique aux personnes victimes des
expropriations pour cause d'utilité publique. Elles savent qu'il existe
des juridictions habilitées à les entendre pour servir et valoir
ce que de droit. Il faudrait néanmoins reconnaître le rôle
d'autres juges, qui jouent un rôle beaucoup plus complémentaire
mais toutefois important dans la protection des droits des victimes des
expropriations pour cause d'utilité publique au Cameroun.
B - Les juges d'exception
Parler de juges d'exception ici voudrait dire qu'il existe des
autorités juridictionnelles qui ne sont pas directement
concernées par les procédures d'expropriation pour cause
d'utilité publique mais qui affectent néanmoins celles-ci
à cause de leurs activités. Il s'agit globalement du juge
constitutionnel et du juge des comptes.
Au Cameroun, il n'existe pas de Cour Constitutionnelle comme
en France. Les juges constitutionnels au Cameroun sont les membres du Conseil
Constitutionnel (CC), nommé pour un mandat de six (06) ans
éventuellement renouvelable102. Ils sont au nombre de onze
(11), désignés de la manière suivante : « Les
membres du Conseil Constitutionnel sont
99 Ibid, p 95
100 Ibid.
101 TGI pour les montants excédant 10millions et TPI pour
ceux en dessous
102 Article 51 alinéa 1 de la Constitution du 14 avril
2008.
42
nommés par le Président de la
République et désignés de la manière suivante : -
trois (03), dont le Président du Conseil, par le Président de la
République , · - trois (03), par le Président de
l'Assemblée Nationale après avis du Bureau ; - trois (03), par le
Président du Sénat après avis du Bureau , · - deux
(02), par le Conseil Supérieur de la Magistrature.
»103.
Le Conseil Constitutionnel a pour rôle principal la
garantie de la Suprématie de la Constitution comme l'a voulu Hans
KELSEN. A ce titre, « Le Conseil Constitutionnel statue souverainement
sur : - La constitutionnalité des lois, des traités et accords
internationaux... »104. Garantir la Suprématie de
la Constitution voudrait dire qu'elle veille à ce que les lois et les
conventions internationales promulguées dans la législation
camerounaise soient conformes à la Constitution. Si une Convention
internationale n'est pas conforme à la Constitution, elle ne pourra
entrer en vigueur dans l'espace camerounais, que si la Constitution est
révisée avant sa promulgation 105 . Ainsi, si une loi
est votée par le parlement et proposée au CC pour
appréciation de la légalité, celui-ci doit faire en sorte
que ses dispositions n'aillent pas à l'encontre des dispositions de la
Constitution.
En ce qui concerne les droits des victimes des expropriations
pour cause d'utilité publique, avant que les textes de loi relatifs
à la matière n'entrent en vigueur, le CC vérifie s'ils
respectent les termes de la Constitution. Si le Conseil constate même
implicitement une violation de la Constitution, le texte ne pourra pas entrer
en vigueur. Il a été précisé plus tôt dans ce
travail que la Constitution aménage les droits des victimes des
expropriations pour cause d'utilité publique au Cameroun. Alors, le juge
constitutionnel doit veiller à ce que les lois qui entrent dans ce
domaine garantissent tout autant une protection des droits de ces victimes,
comme le veut le Constituant camerounais.
Il faudrait à ce stade lever l'équivoque qui
pourrait naitre en matière d'appréciation de la
légalité des arrêtés portant déclaration
d'utilité publique et les décrets portant expropriation pour
cause d'utilité publique et indemnisation des populations victimes des
expropriations. Ces actes sont des Actes Administratifs Unilatéraux
(AAU) dont l'appréciation de la légalité ne pourrait se
faire par le juge constitutionnel. Il s'agit pour lui d'une question
préjudicielle qui ne peut être appréciée que par le
juge administratif, à la lumière de la loi de 2006
régissant les tribunaux administratifs au Cameroun. Ce texte
prévoit que « Le contentieux administratif
103 Article 51 alinéa 2 Ibid
104 Article 47 alinéa 1 Ibid.
105 Article 44 Ibid stipulant que « Si le Conseil
Constitutionnel a déclaré qu'un traité ou accord
international comporte une clause contraire à la Constitution,
l'approbation en forme législative ou la ratification de ce
traité ou de cet accord ne peut intervenir qu'après la
révision de la Constitution ».
43
comprend : a) les recours en annulation pour excès
de pouvoir et, en matière non répressive, les recours incidents
en appréciation de légalité »106. Le
juge Constitutionnel n'est donc en aucun cas compétent pour
apprécier la légalité des textes réglementaires,
mais uniquement les textes législatifs.
A la lecture de l'analyse ci-dessus, on pourrait être
tenté de dire que le juge constitutionnel est le premier
défenseur des droits des victimes des expropriations pour cause
d'utilité publique au Cameroun. Ceci est dû au fait qu'il
intervient bien avant l'entrée en vigueur des textes consacrant leurs
droits comme il a été le cas avec la loi n° 85/009 du 04
juillet 1985 relative à l'expropriation pour cause d'utilité
publique et aux modalités d'indemnisation.
Il est important de relever que le juge des comptes joue un
rôle beaucoup plus auxiliaire que les juges présentés plus
haut. Néanmoins, son activité est relativement importante dans la
protection des droits des victimes des expropriations pour cause
d'utilité publique au Cameroun.
Le juge des comptes au Cameroun est la Chambre des comptes de
la Cour Suprême, consacrée par la Constitution du
Cameroun107 en attendant l'implémentation des tribunaux
régionaux des comptes, voulue par la même
Constitution108 Cette consécration des tribunaux
régionaux des comptes est aussi faite par la loi n° 2006/017 du 29
décembre 2009 qui dispose que « Il est créé un
tribunal régional des comptes par région. Son siège est
fixé au Chef-lieu de ladite région. »109
Le juge des comptes a pour mission de vérifier les
activités des comptes des administrations publiques et des autres
personnes morales de droit publiques. En les termes de la loi de 2006,
« Le Tribunal Régional des Comptes est compétent, sous
réserve des attributions de la Chambre des Comptes, pour contrôler
et statuer sur les comptes publics des collectivités territoriales
décentralisées de son ressort et de leurs établissements
publics. »110
En ce qui concerne les expropriations pour cause
d'utilité publique, c'est à partir du Contrôle des comptes
de ces puissances publiques que les indemnisations peuvent être
reversées aux victimes de ces procédures. Dès lors, le
juge des comptes vérifie la légitimité
106 Article 2 alinéa 3(a) de la loi n° 2006/022 du
29 décembre 2006 fixant l'organisation et le fonctionnement des
tribunaux administratifs au Cameroun.
107 Article 41 de la Constitution de 2008
108 Article 42 Ibid.
109 Article 1 alinéa 2 de la Loi n° 2006/017 du 29
décembre 2006 fixant l'organisation, les attributions et le
fonctionnement des tribunaux régionaux des comptes.
110 Article 9 alinéa 1 Ibid.
44
des comptes d'une personne morale de Droit Public voulant
procéder à des travaux d'utilité publique. Quand le
montant total lié aux travaux des expropriations et aux indemnisations
est arrêté, le juge des comptes assure son suivi, afin qu'il serve
l'intérêt pour lequel il a été
déboursé. Grâce à cela, les montants des
indemnisations à reverser aux victimes des expropriations font l'objet
d'un véritable suivi et protège donc convenablement ce droit
dévolu à ces victimes.
Dès lors, il est irréfutable que le juge des
comptes joue un rôle auxiliaire mais toutefois important dans la
protection des droits des victimes des expropriations pour cause
d'utilité publique au Cameroun.
Les instances juridictionnelles sus analysées ne font
qu'une partie du travail de protection des victimes des expropriations pour
cause d'utilité publique au Cameroun. On constate une participation
active d'acteurs non-juridictionnels qui font le reste du travail, selon les
dispositions prévues par la réglementation en vigueur.
PARAGRAPHE II : LES INSTITUTIONS NON-JURIDICTIONNELLES
DE PROTECTION DES DROITS DES VICTIMES DES EXPROPRIATIONS POUR CAUSE
D'UTILITÉ PUBLIQUE AU CAMEROUN
Ces mécanismes sont observés à travers
les activités d'acteurs qui ne sont pas de rôle dans les
institutions juridictionnelles du Cameroun. Il s'agit là des
autorités qui jouent un rôle prépondérant dans la
sauvegarde des intérêts des victimes des expropriations pour cause
d'utilité publique au Cameroun. Il s'agit largement des membres de
l'administration active (A) et des acteurs indépendants
(B).
A - Les membres de l'administration active
Les membres de l'administration active sont perçus ici
comme les autorités exerçant leur pouvoir administratif au
quotidien et qui peuvent être rattachées au gouvernement
camerounais. L'on observe que presque tous les départements
ministériels au Cameroun sont impliqués de près ou de loin
aux procédures d'expropriation pour cause d'utilité publique.
Cependant, nous avons dû nous limiter dans ce travail de recherche
à deux principaux
45
membres de l'administration active qui agissent dans cette
mesure. Il s'agit là du Ministre des Domaines, du Cadastre et des
affaires foncières et du Premier Ministre Chef du Gouvernement.
Le Ministre des Domaines, du Cadastre et des Affaires
Foncières est le chef du Ministère des Domaines, du Cadastre et
des Affaires Foncières (MINDCAF), nommé par décret
présidentiel, sur proposition du Premier Ministre Chef du
Gouvernement111.
Selon l'Article 3 du Décret du 18 septembre
2012112, le MINDCAF est responsable de l'acquisition et de
l'expropriation des biens immobiliers au profit de l'Etat et des autres
personnes morales de Droit Public113. Au sein de ce
département ministériel, il existe une Direction des Domaines
qui gère les questions relatives aux indemnisations. Cette
direction coiffe la sous-direction des expropriations et des indemnisations, et
le service des indemnisations.
La sous-direction des expropriations et des indemnisations
s'occupe inter alia de « la vulgarisation des normes et
procédures d'expropriation et d'indemnisation à respecter par les
administrations publiques, les collectivités territoriales
décentralisées et les autres personnes morales de droit public,
initiatrice de projets publics ayant une emprise sur le sol ; la conduite des
procédures légales d'acquisition des terrains par voie de droit
public et de l'apurement des droits indemnitaires des personnes
expropriées »114. Cette sous direction joue alors
un rôle prépondérant dans la sensibilisation des
administrations publiques sur la pertinence de respecter les procédures
prévues en matière d'expropriation pour cause d'utilité
publique et aux indemnisations au Cameroun.
Le service des indemnisations qui fait aussi partie de la
Direction des Domaines au MINDCAF, est chargé d'élaborer et de
suivre l'application des normes d'indemnisation. Il est chargé du
contrôle de l'apurement des droits indemnitaires des personnes
expropriées et du suivi de la gestion du contentieux de l'indemnisation
en liaison avec la Division des Affaires Juridiques115.
111 Article 10 alinéa 1 de la Constitution du 14 avril
2008
112 Décret n° 2012/390 du 18 septembre 2012 portant
Organisation du MINDCAF
113 Samuel-Béni ELLA ELLA, Fidélie MENDOUGA et
Pierre NKOU ABINA, Sociologie critique des indemnisations au Cameroun, Cas
de Lom Pangar, Mekin et Kribi, 5-7, rue de l'Ecole-Polytechnique, 75005
Paris, l'Harmattan, 2021. p. 72.
114 Ibid, p. 72-73.
115 Ibid.
46
Le Ministre chargé des domaines quant à lui joue
un rôle transversal dans les procédures d'expropriation pour cause
d'utilité publique au Cameroun. Il est perçu comme la clé
de voûte des procédures d'expropriation pour cause
d'utilité publique au Cameroun.
Tout d'abord, sa saisine constitue la porte d'entrée
vers les travaux d'utilité publique au Cameroun. Le Décret de
1987 prévoit à ce sujet que « tout département
ministériel désireux d'entreprendre une opération
d'utilité publique saisit le Ministre chargé des Domaines d'un
dossier préliminaire en deux exemplaires comprenant . · -une
demande assortie d'une note explicative indiquant l'objet de l'opération
, · une fiche dégageant les caractéristiques principales
des équipements à réaliser et précisant notamment
. · a) la superficie approximative du terrain sollicité
dûment justifiée ; b) l'appréciation sommaire du coût
du projet y compris les frais d'indemnisation , · c) la date
approximative de démarrage des travaux ; d) la disponibilité des
crédits d'indemnisation avec indication de l'imputation
budgétaire ou de tous autres moyens d'indemnisation
»116. Le Ministre chargé des Domaines reçoit
donc toutes les demandes pour effectuer des opérations d'utilité
au Cameroun. Les départements ministériels concernés sont
tenus de veiller à ce que leurs dossiers comportent tous les documents
précités.
Ensuite, le Ministre en charge des Domaines est tenu
d'apprécier le bien-fondé des travaux. Si le Ministre estime que
les travaux sont dans l'intérêt de la population toute
entière, il prend un arrêté déclarant le projet
d'utilité publique. Concrètement, « (1) dès
réception du dossier, le Ministre chargé des Domaines
apprécie le bien-fondé des justifications du projet.(2) Lorsqu'il
juge le projet d'utilité publique, il prend un arrêté
déclarant d'utilité publique les travaux projetés en
définissant le niveau de compétence de la commission
chargée de l'enquête d'expropriation dite commission de constat et
d'évaluation. »117 Nous avons relevé plus
haut que le Ministre chargé des domaines doit se substituer à la
population pour déterminer si des travaux leur seront collectivement
bénéfiques ou pas. Si le Ministre estime qu'en effet, les projets
ont une orientation de satisfaction de l'intérêt
général, il prend par voie d'arrêté une
déclaration d'utilité publique. Cette déclaration a pour
conséquence d'introduire la procédure d'expropriation pour cause
d'utilité publique, qui sera confirmée par le Président de
la République ou, le cas échéant, par le Premier Ministre
Chef du Gouvernement.
116 Article 2 du décret n° 87/1872 du 16
décembre 1987 portant application de la loi n° 85/009 du 04 juillet
1985 relative à l'expropriation pour cause d'utilité publique et
aux modalités d'indemnisation
117 Article 3, Ibid
47
On constate que le rôle du Ministre des Domaines, du
Cadastre et des affaires foncières revêt d'une importance
irréfutable. Toutefois, l'exercice de ce rôle doit se faire avec
une précision chirurgicale de la plus haute délicatesse. Ceci est
dû au fait que le Ministre a en quelque sorte l'hygiène de vie des
populations entre ses mains. Il ne peut pas faire de jugement limitatif ou
passif mais doit agir dans l'intérêt de protéger les
intérêts des populations à exproprier. En faisant cela, il
contribue inéluctablement à la protection des droits des victimes
des expropriations pour cause d'utilité publique au Cameroun.
Nonobstant, le Ministre chargé des domaines ne peut pas
à lui seul régir la totalité d'une procédure
d'expropriation. C'est pour cette raison que son rôle est
inféodé à l'exercice des prérogatives du Premier
Ministre Chef du Gouvernement, en la matière.
Le Premier Ministre (PM) est hiérarchiquement le patron
du Ministre chargé des Domaines, qui fait partie du gouvernement. Il
intervient dans la protection des droits des victimes des expropriations pour
cause d'utilité publique au Cameroun à trois (03) niveaux.
Premièrement, le Premier ministre est au sens de la loi
chargé de l'exécution des lois118. Ainsi, est
chargé de combler les lacunes observées dans les textes de loi
adoptés par le Parlement. A la lumière du Décret n°
92/089 du 04 mai 1992, « Le Premier Ministre dispose en tant que de
besoin du pouvoir de signer les décrets d'application des lois
votées par l'Assemblée Nationale. »119. Il
joue donc un rôle important dans la précision des termes et de
l'orientation des dispositions législatives.
En matière d'expropriation pour cause d'utilité
publique, l'on peut observer cette prérogative à travers
l'entrée en vigueur d'un décret du Premier Ministre qui fixe les
tarifs des indemnités à allouer aux personnes qui ont subies des
destructions pour cause d'utilité publique des cultures et d'arbres
cultivés120. Ce décret est venu matérialiser la
volonté de la loi de 1985 relative à l'expropriation pour cause
d'utilité publique et aux modalités d'indemnisation qui
prévoit que « les modalités de détermination de
la valeur des cultures détruites sont fixées par décret
»121. Dès lors, le PM est vu comme
l'autorité en charge de l'implémentation des procédures
détaillées des expropriations pour cause d'utilité
publique et des modalités d'indemnisation des différents types
d'immeubles expropriés.
118 Article 12 alinéa 2 de la Constitution du 14 avril
2008
119 Article 3 du décret n° 92/089 du 04 mai 1992
portant attributions du Premier Ministre
120 Décret n° 2003/418/PM du 25 février
2003 fixant les tarifs des indemnités à allouer au
propriétaire victime de destruction pour cause d'utilité publique
de cultures et d'arbres cultivés
121 Article 10 alinéa 1 de la loi n° 85/009 du 04
juillet 1985 relative à l'expropriation pour cause d'utilité
publique et aux modalités d'indemnisation
48
Deuxièmement, le Premier Ministre Chef du Gouvernement
peut prendre des décrets portant expropriation pour cause
d'utilité publique. Initialement, cette prérogative
essentiellement dévolue au Président de la République
(PR). Cependant, les textes prévoient que le PM peut lui aussi prendre
des décrets de cette nature, sous réserve des prérogatives
dévolues au PR en la matière et d'une approbation expresse de
celui-ci122. Le Premier Ministre prend alors les décrets
portant expropriation pour cause d'utilité publique en se conformant
à la législation en vigueur, ce qui garantit une incontestable
sécurité juridique aux personnes expropriées.
Troisièmement, le Premier Ministre prend les
Décrets fixant les indemnisations des victimes frappées
d'expropriation pour cause d'utilité publique au Cameroun. En outre,
« il certifie, par décret, les montants des indemnisations
à allouer aux populations expropriées » 123.
Le Premier Ministre se base sur le rapport qui lui est soumis par la
commission d'évaluation et de constat pour prendre ce Décret.
À partir de là, et à la suite du précédent
type de Décret en la matière, l'expropriation pour cause
d'utilité est dite d'avoir été déclarée.
Pour préserver d'avantage les intérêts des
victimes des expropriations pour cause d'utilité publique, les
Décrets portant expropriation pour cause d'utilité publique et
indemnisation des victimes sont portés à la connaissance
générale du Publique. Cela est fait pour garantir la transparence
des procédures et offrir la possibilité de contester leurs formes
et/ou fonds. En règle générale, ils sont publiés en
français et en anglais dans le Journal Officiel et affichés
partout ou besoin, pour servir et valoir ce que de Droit124.
Il faudrait aussi reconnaître les rôles
joués par le Ministère de l'administration Territoriale et de la
Décentralisation (MINATD), le Ministère de l'Agriculture et du
Développement Rural (MINADER) et le Ministère du
Développement urbain et de l'Habitat (MINDUH) dans les procédures
d'expropriation pour cause d'utilité publique au
Cameroun125.
122 Article 2 alinéa 2 du décret n° 92/089 du
04 mai 1992 portant attributions du Premier Ministre
123 Samuel-Béni ELLA ELLA, Fidélie MENDOUGA et
Pierre NKOU ABINA, Sociologie critique des indemnisations au Cameroun, Cas
de Lom Pangar, Mekin et Kribi, 5-7, rue de l'Ecole-Polytechnique, 75005
Paris, l'Harmattan, 2021. p. 76.
124 A titre d'illustration, l'article 5 du Décret
n° 2012/1872/PM du 04 juillet 2012 portant expropriation et allouant des
indemnités aux personnes victimes de perte des droits fonciers et de
destruction des biens dans le cadre des travaux de construction de la ligne
d'évacuation d'énergie électrique et de deux stations de
transformation, sise au lieu-dit Mékin, Arrondissement de Meyessala,
Département du Dja et Lobo, précise que « le
présent décret sera enregistré, puis publié au
Journal Officiel en français et en anglais ».
125 Samuel-Béni ELLA ELLA, Fidélie MENDOUGA et
Pierre NKOU ABINA, Sociologie critique
49
Dès lors la protection des droits des victimes des
expropriations pour cause d'utilité publique au Cameroun est ferme,
objective et réelle grâce à ces membres de l'administration
active. Les acteurs indépendants en la matière contribuent aussi
efficacement à cette protection
B - Les acteurs indépendants
Les acteurs indépendants en matière des
expropriations pour cause d'utilité publique au Cameroun sont ceux qui
ne peuvent ni n'être rattachés aux institutions juridictionnelles,
ni à l'administration active. Cependant, ils jouent un rôle tout
aussi important que les précédents. Il s'agit concrètement
de la Commission d'évaluation et de constat et des populations
directement affectées par la procédure d'expropriation
La Commission d'évaluation et de Constat est une
commission ad hoc créée pour mener les enquêtes
relatives aux expropriations pour cause d'utilité publique au Cameroun.
Elle est chargée « au niveau national, provincial ou
départemental sur décision du Ministre de l'Urbanisme et de
l'Habitat : - de choisir et de faire borner les terrains concernés, aux
frais du bénéficiaire ; - de constater les droits et
d'évaluer les biens mis en cause ; - d'identifier leurs titulaires et
propriétaires ; - de faire porter les panneaux indiquant le
périmètre de l'opération, aux frais du
bénéficiaire. »126. On constate alors que
c'est grace à cette commission que d'une part, la superficie exacte de
la zone à exproprier est obtenue et d'autres part, les personnes pouvant
être affectées directement ou indirectement par cette
procédure, sont identifiées.
Concernant l'organisation de la Commission, elle comprend au
niveau départemental127 : le Préfet ou son
représentant (Président) ; le responsable du Service
Départemental des Domaines (Secrétaire) ; le responsable du
Service Départemental du Cadastre (Membre) ; le responsable du Service
Local de l'Urbanisme et de l'Habitat (Membre) ; le responsable compétent
des Mines et de l'Energie (Membre) ; le responsable du Service
Départemental de l'Agriculture (Membre) ; le responsable du Service
Départemental des Routes (Membre) ; le représentant du Service ou
de l'organisme demandeur (Membre) ; le ou les Député (s)
concerné (s) (Membre) ; le ou les Magistrat (s) Municipal (aux) (Membre)
; la ou les Autorité (s) traditionnelle (s) concernée (s)
(Membre).
des indemnisations au Cameroun, Cas de Lom Pangar, Mekin
et Kribi, 5-7, rue de l'Ecole-Polytechnique, 75005 Paris, l'Harmattan,
2021. p. 74-75.
126 Article 4 du décret n° 87/1872 du 16
décembre 1987 portant application de la loi n° 85/009 du 04 juillet
1985 relative à l'expropriation pour cause d'utilité publique et
aux modalités d'indemnisation.
127 Article 5 alinéa 1 Ibid.
50
Au niveau Régional, la Commission comprend 128 : le
Gouverneur et son représentant (Président) ;le responsable du
Service Provincial des Domaines (Secrétaire) ;le ou les Préfet
(s) concerné (s) ou leurs représentants (Membre) ; le responsable
du Service Provincial du Cadastre (Membre) ; le responsable du Service
Provincial de l'Urbanisme et de l'Habitat (Membre) ; le responsable du Service
Provincial chargé des Mines et de l'Energie (Membre) ; le responsable du
Service Provincial de l'Agriculture (Membre) ; le responsable du Service
Provincial des routes (Membre) ; le représentant du Service ou de
l'organisme demandeur (Membre) ; le ou les Député (s)
concerné (s) (Membre) ; le ou le Magistrat (s) Municipal (aux)
concerné (s) (Membre) ; la ou les Autorité (s) traditionnelle (s)
concernée (s) (Membre) Au niveau National, la Commission
comprend129 : le Ministre chargé des Domaines ou son
représentant (Président) ; le Directeur des Domaines ou son
représentant (Secrétaire) ; le ou les Préfet (s)
concerné (s) (Membre) ; le Directeur du Cadastre ou son
représentant (Membre) ; un représentant du Ministre de
l'Agriculture (Membre) ; un représentant du Ministre des Mines et de
l'Energie (Membre) ; le Directeur de l'Habitat ou son représentant
(Membre) ; le représentant du Service ou de l'organisme demandeur
(Membre) ; le ou les Député (s) concerné (s) (Membre) ; la
ou les Autorité (s) traditionnelle (s) concernée (s) (Membre)
Ces différentes commissions sont nommées au
niveau départemental, régional et national par le Préfet,
Gouverneur et Ministre en charge des domaines, respectivement130.
L'organisation succincte de la commission d'évaluation
et de constat, permet une fluidité des procédures d'expropriation
et permet une récolte d'informations fiable, pour pouvoir indemniser les
victimes.
Dès réception de l'arrêté
déclarant les travaux d'utilité publique, le président de
la commission de constat et d'évaluation le notifie aux autorités
administratives intéressées c'est-à-dire le préfet
et le magistrat municipal du lieu. Le président en assure la
publicité par voie d'affichage à la préfecture, à
la mairie, à la sous-préfecture, au Service départementale
des domaines et à la chefferie du lieu de situation du terrain. Les
populations concernées sont informées au moins trente (30) jours
à l'avance, du jour et de l'heure de l'enquête par convocations
adressées aux chefs et notables131. L'enquête est
menée dans toutes ses phases en présence des propriétaires
des fonds et des biens qu'il supporte. Les notabilités et les
128 Article 5 alinéa 2 Ibid.
129 Article 5 alinéa 3 Ibid.
130 Article 6 Ibid.
131 Article 6 Ibid.
51
populations doivent y être associées. La
commission peut avoir au préalable arrêté elle-même
la liste exhaustive des propriétaires des biens à
détruire. Elle peut constituer une sous-commission technique de trois
membres (03) au moins à l'effet d'expertiser une catégorie de ces
biens. Le travail de la sous-commission est exécuté sous la
responsabilité et le contrôle de la commission entière qui
en contresigne les documents. « À la fin de l'enquête, la
commission de constat et d'évaluation dresse trois
procès-verbaux132 : un procès-verbal d'enquête
relatant tous les incidents éventuels et les observations des personnes
évincées ; un procès-verbal de bornage et le plan
parcellaire du terrain retenu, établis par le géomètre
membre de la commission ; un état d'expertise des cultures signé
de tous les membres de la commission. »133
Le dossier ci-dessus est ensuite transféré au
Ministre chargé des Domaines pour pouvoir préparer le
décret portant expropriation pour cause d'utilité publique d'un
domaine précis134.
A ce stade, il faudrait apprécier l'énorme
rôle que joue la Commission d'évaluation et de constat dans la
préservation des intérêts des victimes des expropriations
pour cause d'utilité publique au Cameroun. Pour faciliter d'avantage ces
procédures, les populations victimes sont tenues de collaborer avec la
Commission.
Le législateur a voulu que les victimes des
expropriations ne soient pas juste frappées de cette procédure,
mais qu'elles y participent. Pour ces motifs, les populations
expropriées doivent autant que faire se peut collaborer avec la
Commission d'évaluation et de constat dans les enquêtes
préalables aux procédures d'expropriation.
Les victimes expropriées doivent participer aux
négociations préalables pour fixer avec la Commission le montant
de l'indemnisation qui doit leur être reversé. Les textes
prévoient que « Avant le recours à l'expropriation pour
cause d'utilité publique en faveur des collectivités publiques
locales, des établissements publics, des concessionnaires de service
public ou des sociétés d'Etat en vue de la réalisation des
travaux d'intérêts général, ces derniers doivent
procéder aux négociations préalables avec des
propriétaires ou ayants-droits concernés. »135
132 Joseph OWONA, Domanialité Publique et expropriation
pour cause d'utilité publique au Cameroun, 5-7, rue de
l'Ecole-Polytechnique, 75005 Paris, l'Harmattan, 2012. p. 80.
133 Article 12 Ibid.
134 Ibid.
135 Article 15 du Décret n° 87/1872 du 16
décembre 1987 portant application de la loi n° 85/009 du 04 juillet
1985 relative à l'expropriation pour cause d'utilité publique et
aux modalités d'indemnisation.
Avec cette participation, il est mis en exergue le principe de
la gouvernance participative qui voudrait une implication particulière
des populations dans la mise en oeuvre des politiques de l'Etat.
52
CHAPITRE II : L'OPÉRATIONNALISATION DE LA
PROTECTION DES DROITS DES VICTIMES DES EXPROPRIATIONS POUR CAUSE
D'UTILITÉ PUBLIQUE AU CAMEROUN
L'Etat du Cameroun après avoir établi un cadre
juridique consacrant les droits des victimes des expropriations pour cause
d'utilité publique, se doit d'oeuvrer de façon beaucoup
53
plus pratique. Cela forgera comme il se doit la protection des
droits des victimes de ces procédures au Cameroun. Pour ce faire, on
constate un fort dynamisme des instances juridictionnelles qui agissent
pratiquement dans le cadre de cette protection (Section I).
L'on note aussi la mise en oeuvre de divers politiques par l'administration
publique afin d'atteindre le même objectif (Section
II).
SECTION I : LE DYNAMISME DES INSTANCES
JURIDICTIONNELLES DANS LA MISE EN OEUVRE DE LA PROTECTION DES DROITS DES
VICTIMES DES EXPROPRIATIONS POUR CAUSE D'UTILITÉ PUBLIQUE AU
CAMEROUN
Comme il a été présenté
plutôt dans ce travail, il existe plusieurs tribunaux compétents
en matière de contentieux de l'expropriation pour cause d'utilité
publique au Cameroun. On constate que ces tribunaux agissent de manière
dynamique au travers des décisions qu'ils auraient rendues en la
matière. Ces différentes décisions fortifient
concrètement la protection des droits des victimes des expropriations
pour cause d'utilité publique au Cameroun. Nous avons retenu
l'implication du juge administratif (Paragraphe I) et du juge
judiciaire (Paragraphe II) dans le cadre de cette
étude.
PARAGRAPHE I : L'IMPLICATION DU JUGE ADMINISTRATIF
DANS LA MISE EN OEUVRE DE LA PROTECTION DES DROITS DES VICTIMES DES
EXPROPRIATIONS POUR CAUSE D'UTILITÉ PUBLIQUE AU CAMEROUN
Malgré le rôle secondaire136 que joue
le juge administratif dans le contentieux de l'expropriation pour cause
d'utilité publique au Cameroun, celui-ci prend de sérieuses
décisions qui impactent sur la protection des droits des victimes de ces
expropriations. Ainsi, l'on distingue l'annulation des actes liés aux
expropriations (A) et le constat de l'illégalité
des procédures d'expropriation (B) par le juge
administratif.
A - L'annulation des actes liés aux
expropriations pour cause d'utilité publique au Cameroun par le Juge
Administratif
136 Dû à la prépondérance du juge
judiciaire en la matière
54
Afin de pouvoir procéder à une procédure
d'expropriation pour cause d'utilité publique au Cameroun, il a
été établi que le Ministre chargé des Domaines doit
au préalable prendre un Arrêté déclarant
d'utilité publique les projets de travaux sur l'espace à
exproprier137. Le juge administratif si saisi, a le pouvoir
d'annuler cet Arrêté pour « excès de pouvoir
». L'excès de pouvoir est constaté ici si le projet
ne va pas dans le sens d'une satisfaction collective de l'intérêt
général. Ainsi, le juge administratif en annulant une DUP,
protège les intérêts des victimes des expropriations pour
cause d'utilité publique au Cameroun.
A titre d'illustration, dans l'affaire Dikalo-Bali du 25 mai
2023, le Tribunal Administratif du Littoral a statué en
délibéré sur l'annulation de la Déclaration
d'Utilité Publique prise par le Ministère chargé des
Domaines. En 2022, le Ministre chargé des Domaines prit une DUP pour les
travaux de construction de « l'Hotel Marriott » sur un
espace appartenant à environs 80 familles. Ces familles
possédaient des titres fonciers justifiant leur propriété
sur cet espace depuis plusieurs années déjà. Toutefois,
pour des motifs « d'utilité publique ». L'Etat
décida le 14 mai 2022 de procéder à une procédure
de déguerpissement en détruisant les constructions se trouvant
sur ce vaste espace situé à Dikalo-Bali, à Douala. Les
victimes de ce sinistre ont saisi le juge administratif en recours collectif
afin de contester la DUP prise sur cet espace.
Un an plus tard, le 25 mai 2023, le juge administratif
déclara que la construction d'un Hôtel de luxe ne constitue en
aucun cas une cause d'utilité publique. Ainsi, il déclara
l'Arrêté pris par le Ministre en charge des Domaines, caduc.
On constate là une protection perceptible des droits
des victimes des expropriations pour cause d'utilité publique. Le droit
de jouissance de l'utilité publique devant exister dans les
expropriations pour cause d'utilité publique était absent dans
l'affaire Dikalo-Bali. Le juge ne pouvait donc pas statuer en faveur de l'Etat.
Grâce à cette décision, la population a été
mise au courant sur l'indispensable nécessité pour une
expropriation de servir l'utilité publique. Il serait donc difficile
dans l'avenir pour une DUP non fondée de voir le jour après une
telle décision.
Le juge administratif en constatant l'illégalité
d'une expropriation pour cause d'utilité publique protège aussi
les droits des victimes en la matière.
137 Article 3 du décret n° 87/1872 du 16
décembre 1987, Op cit.
55
B - Le constat de l'illégalité des
procédures d'expropriation pour cause d'utilité publique par le
juge administratif au Cameroun
GUIMDO est clair sur le fait qu'une expropriation pour cause
d'utilité publique illégale est assimilée à une
emprise irrégulière138. La jurisprudence a retenu que
c'est le juge administratif qui est habilité à constater ces cas
d'illégalité. En faisant cela, les droits des victimes des
expropriations pour cause d'utilité publique sont sauvegardés.
Une affaire un peu plus ancienne démontre à quel
point les droits des victimes des expropriations pour cause d'utilité
publique sont protégés au Cameroun. Il s'agit là de
l'affaire Veuve André TESTAS née Mathilde Jeanne c/ Etat du
Cameroun. Dans cette affaire, Dame TESTAS était une veuve qui
possédait un terrain dans les années 1970. Elle s'est vue saisie
de son terrain en 1978 pour reclassement dans le domaine public artificiel de
l'Etat. Ce qui attire notre attention dans cette saisie est le fait qu'aucune
procédure d'expropriation n'a eu lieu avant de procéder à
cette dépossession. Ainsi, elle a saisi le juge administratif afin qu'il
puisse constater l'expropriation illégale qu'a effectué l'Etat
sur son terrain. En 1982, le juge administratif déclara «
Attendu que cette dépossession de son immeuble dont a été
victime la requérante n'a été
précédée d'aucune procédure d'expropriation, ni
d'une autre ayant un caractère régulier ; que cela est d'autant
vrai que c'est seulement le 27 février 1978 qu'intervint le
Décret n°78/064 portant classement au domaine public artificiel de
la parcelle de terrain propriété de dame veuve Testas, alors que
les trottoirs étaient déjà achevés ; Attendu que
cette dépossession irrégulière constitue à n'en pas
douter une emprise »139. L'objectif pour le juge
administratif dans cette affaire était de déterminer si la
dépossession constituait une emprise irrégulière. Cela a
été affirmé lorsqu'il établit que «
attendu que cette dépossession irrégulière constitue
à n'en pas douter une emprise ».
Ainsi, le juge administratif démontre que le respect de
la procédure d'expropriation est indispensable pour qu'elle soit valide.
Ainsi, la protection des droits des victimes de ces expropriations est
observée à travers de telles décisions rendues par le juge
administratif au Cameroun.
La suite de ce constat d'emprise irrégulière est
comme il a été établi plus haut, la réparation et
l'extinction par le juge judiciaire.
138 Bertrand-Raymond GUIMDO DONGMO, Cours de Contentieux
Administratif, Janvier 2021, p. 32. Op Cit
139 Jugement n°46/CS-CA/81-82 du 27 mai 1982, Madame
veuve André Testas née Mathilde Jeanne c/ Etat du Cameroun. In
Bertrand-Raymond GUIMDO DONGMO, Cours de Contentieux Administratif, Janvier
2021, p. 33.
56
PARAGRAPHE II : LA MISE EN OEUVRE DE LA PROTECTION DES
DROITS DES VICTIMES DES EXPROPRIATIONS POUR CAUSE D'UTILITÉ PUBLIQUE PAR
LE JUGE JUDICIAIRE AU CAMEROUN
Le juge judiciaire occupe une place
prépondérante dans le contentieux de l'expropriation pour cause
d'utilité publique au Cameroun. On a pu observer qu'après le
constat de l'illégalité d'une expropriation pour cause
d'utilité publique par le juge administratif, il appartient au juge
judiciaire de réparer les victimes et de mettre fin au contentieux.
Dès lors, la réparation des victimes (A) et
l'extinction du contentieux par le juge judiciaire (B) au
Cameroun.
A - La réparation des victimes des
expropriations pour cause d'utilité publique par le juge judiciaire au
Cameroun
Une fois qu'une emprise irrégulière a
été constatée par le juge administratif, il appartient au
juge judiciaire de réparer la victime d'une telle
irrégularité. En faisant cela, le juge judiciaire garantie une
protection des intérêts des droits des victimes des expropriations
pour cause d'utilité publique au Cameroun.
Une jurisprudence assez révélatrice en la
matière sert de bouclier aux victimes des expropriations pour cause
d'utilité publique au Cameroun. Il s'agit de l'affaire MEDOU Gaston c/
Etat Fédéral du Cameroun du 23 mars 1971. En l'espèce,
Sieur MEDOU Gaston était propriétaire d'une concession dans le
département du Dja-et-Lobo. Malheureusement pour lui, des
éléments de forces armées se sont accaparés de
cette concession pour une période de huit mois, sur autorisation du
Préfet de l'époque. Cet accaparement n'a été
précédé d'aucune procédure d'expropriation, ce qui
a été énormément préjudiciable pour Sieur
GASTON. A la suite de cela, il a saisi les juridictions compétentes afin
qu'une indemnité de 15.300.000 FCFA lui soit versée à
titre de dommage et intérêt. La Cour Fédérale de
Justice décida que « les éléments des forces
armées ont pris possession de la concession du sieur MEDOU et qu'ils
l'ont occupée pendant huit mois à la suite d'un ordre de
l'autorité préfectorale du DJA et LOBO ; que cette occupation
d'une propriété privée immobilière constitue une
emprise qui, de surcroît, se trouve être irrégulière
comme n'ayant pas été
57
précédée d'une réquisition
régulière des autorités militaires ni des autorités
civiles »140. Le juge judiciaire ordonna à la suite
de ce jugement le paiement des indemnités demandées au
requérant.
Une fois de plus, une sécurité importante est
garantie aux victimes des expropriations pour cause d'utilité publique
au Cameroun. Grace à ce type de décision, les populations sont au
parfum des indemnisations qu'elles doivent recevoir en cas
d'illégalité d'une procédure d'expropriation pour cause
d'utilité publique au Cameroun.
A la suite d'une réparation par le juge judiciaire, ce
même juge a pour mission de mettre fin au contentieux de l'expropriation
pour cause d'utilité publique au Cameroun.
B - L'extinction du contentieux de l'expropriation
pour cause d'utilité publique par le juge judiciaire au
Cameroun
La troisième et dernière étape dans ce
type de contentieux est l'extinction141. Une fois que le juge
administratif ait constaté l'emprise irrégulière et que le
juge judiciaire a ordonné la réparation de la victime, le juge
judiciaire encore doit mettre fin au contentieux. Cela a aussi pour
conséquence de protéger les droits des victimes des
expropriations pour cause d'utilité au Cameroun. Ceci dans la mesure
où ce n'est qu'en mettant un terme au Contentieux que le bien
illégalement exproprié peut être restitué à
la victime.
Dans l'affaire KOUM JEMBA Joseph du 24 avril 1986, ce n'est
qu'après que le juge administratif ait constaté l'emprise
irrégulière et que le juge judiciaire ait ordonné le
paiement des dommages et intérêt que le contentieux prend fin. En
ses termes « s'il appartient au juge administratif de constater
l'existence d'une emprise, d'en apprécier le caractère
régulier ou irrégulier, seul le juge judiciaire a
compétence pour octroyer des dommages-intérêts
»142.
Dès lors, la protection des droits des victimes des
expropriations pour cause d'utilité publique est un fois de plus
matérialisée à travers le rôle important que joue le
juge judiciaire en la matière.
140 Jugement Arrêt N° 157/CFJ/CAY du 23 mars 1971,
MLDOU Gaston c/Etat Fédéral du Cameroun. In Jean Calvin ABA'A
OYONO, La compétence de la juridiction administrative en droit
camerounais, Thèse de Doctorat, 1994, p. 327.
141 Bertrand-Raymond GUIMDO DONGMO, Cours de Contentieux
Administratif, Janvier 2021, p. 33. Op Cit.
142 Jugement affaire KOUM JEMBA Joseph du 24 avril 1986. In
Jean Calvin ABA'A OYONO, La compétence de la juridiction
administrative en droit camerounais, Thèse de Doctorat, 1994, p.
329.
58
Il apparait que les institutions juridictionnelles
consacrées pour entendre le contentieux des expropriations pour cause
d'utilité publique au Cameroun prennent des décisions importantes
pour assurer les droits des victimes de ces expropriations. On constate que les
institutions non-juridictionnelles elles aussi agissent dans une dynamique
similaire.
SECTION II : L'IMPLICATION DES INSTANCES
NON-JURIDICTIONNELLES DANS LA MISE EN OEUVRE DE LA PROTECTION DES DROITS DES
VICTIMES DES EXPROPRIATIONS POUR CAUSE D'UTILITÉ PUBLIQUE AU
CAMEROUN
Les instances non-juridictionnelles dont il s'agit ici
renvoient aux acteurs qui interviennent dans les procédures
d'expropriation pour cause d'utilité publique qui ne sont pas du ressort
des tribunaux. On constate que l'administration publique met en place plusieurs
mécanismes qui permettent une protection perceptible des droits des
victimes des expropriations pour cause d'utilité publique au Cameroun.
La Commission d'Evaluation et de Constat qui est un organe ad hoc dans
ces procédures elle aussi agit d'une manière similaire. Ainsi,
après avoir présenté les mécanismes mis en place
par l'administration publique camerounaise afin d'opérationnaliser la
protection des droits des victimes des expropriations pour cause
d'utilité publique au Cameroun (Paragraphe I), les
initiatives prises par la Commission d'Evaluation et de Constat seront aussi
précisées (Paragraphe II).
PARAGRAPHE I : LA VIVACITÉ DE L'ADMINISTRATION
PUBLIQUE CAMEROUNAISE DANS LA MISE EN OEUVRE DE LA PROTECTION DES DROITS DES
VICTIMES DES EXPROPRIATIONS POUR CAUSE D'UTILITÉ PUBLIQUE AU
CAMEROUN
Lors des procédures d'expropriation pour cause
d'utilité publique au Cameroun, l'intervention de différents
départements ministériels est constatée. Dans le cadre de
cette étude, nous avons relevé une forte prise d'initiatives par
deux principaux départements ministériels dans l'optique de
protéger les droits des victimes de ces expropriations au
59
Cameroun. Il s'agit du Ministère du
Développement Urbain et de l'Habitat (A) et du
Ministère des Domaines, du Cadastre et des Affaires Foncières
(B).
A - L'opérationnalisation de la protection des
droits des victimes des expropriations pour cause d'utilité publique par
le Ministère du Développement Urbain et de l'Habitat au
Cameroun
Le Ministère du Développement Urbain et de
l'Habitat (MINDUH) au Cameroun outre son rôle direct dans les
procédures d'expropriation pour cause d'utilité publique au
Cameroun 143 , est chargé d'établir une politique de
planification urbaine. C'est à cette politique que les populations
doivent se conformer afin de bénéficier des indemnisations en cas
d'expropriation pour cause d'utilité publique au Cameroun144.
Ainsi, le MINDUH met en place de différents mécanismes pour
amener les populations à se conformer aux différentes
règles d'urbanisme.
Récemment, Le Ministre de l'Habitat et du
Développement Urbain (MINHDU),, a présidé le 18 avril 2023
à Yaoundé l'atelier Bailleurs couplé à la signature
des Contrats de ville avec les communes de Bélel du département
de la Vina dans l'Adamaoua, Foumban du département du Noun dans la
région de l'Ouest et Mouanko du département de la Sanaga
Maritime, région du Littoral. Le Contrat de Ville est un instrument de
mise en oeuvre à moyen terme, de la politique urbaine telle que
définie dans les Documents de Planification Urbaine. Il s'agit d'un
outil de mise en cohésion des actions de l'Etat avec la vision de
développement émanant des magistrats municipaux et des
populations. Il concourt à la réduction des écarts de
développement entre les quartiers défavorisés et leurs
unités urbaines et l'amélioration des conditions de vie des
habitants, en luttant notamment contre toute forme de
discrimination145. Grâce à cet atelier
d'échanges, les populations de la zone ont pu prendre connaissance de la
politique urbaine définie par les Documents de Planification Urbaine. La
prise en compte de cette politique permet aux populations d'être en marge
avec la légalité et auront donc droit aux indemnisations en cas
d'expropriation pour cause d'utilité publique. Dès lors, l'on
constate les actions entreprises par le MINDUH dans la mise en oeuvre de la
protection des droits des victimes des expropriations pour cause
d'utilité publique au Cameroun.
143 Samuel-Béni ELLA ELLA, Fidélie MENDOUGA et
Pierre NKOU ABINA, Sociologie critique des indemnisations au Cameroun, Cas
de Lom Pangar, Mekin et Kribi, 5-7, rue de l'Ecole-Polytechnique, 75005
Paris, l'Harmattan, 2021. p. 74-75. Op Cit.
144 Article 10 de la loi n° 85/009 du 04 juillet 1985
relative à l'expropriation pour cause d'utilité publique et aux
modalités d'indemnisation
145 Site Officiel du MINDUH,
www.minhdu.gov.cm
(Consulté le 06/07/2023)
60
C'est dans cette même dynamique que les activités
du Ministère de l'Administration Territoriale s'inscrivent.
B - La Mise en oeuvre de la protection des droits des
victimes des expropriations pour cause d'utilité publique par le
Ministère du Cadastre, des Domaines et des Affaires
Foncières
Le MINDCAF est l'administration directement chargée des
expropriations pour cause d'utilité publique au Cameroun. C'est
auprès d'elle que les demandes d'expropriation sont
déposées par les autres administrations de l'Etat. Plus important
encore, elle a pour mission de protéger les droits des victimes des
expropriations pour cause d'utilité publique au Cameroun. Il faudrait
noter ici que c'est le MINDCAF qui est habilité à délivrer
les titres fonciers au Cameroun146. La possession du titre foncier
étant une condition sine qua non pour bénéficier des
indemnisations en cas d'expropriation pour cause d'utilité publique doit
donc être promue par ce ministère. Ceci afin de protéger
les intérêts de la population.
En 2021, nous avons assisteé à l'annulation de
cinq faux titres fonciers par le Ministre chargé des Domaines au
quartier PK17 à Douala. C'était alors une occasion pour le
Ministre de rappeler aux détenteurs de tels titres et à la
population toute entière, la nécessité d'obtenir des
titres fonciers légitimes.
En faisant cela, le MINDCAF assure les arrières de la
population dans l'éventualité de futures procédures
d'expropriation pour cause d'utilité publique. Ainsi, les droits de ces
victimes sont sauvegardés à travers les activités de cette
administration.
L'administration publique camerounaise joue dès lors un
rôle remarquable dans la mise en oeuvre de politiques de protection des
droits des victimes des expropriations pour cause d'utilité publique au
Cameroun. L'instance ad hoc créée dans le cadre de ces
procédures agit aussi favorablement dans la protection des droits de ces
victimes
PARAGRAPHE II : LES INITIATIVES DE LA COMMISSION
D'ÉVALUATION ET DE CONSTAT DANS LE CADRE DE LA PROTECTION DES DROITS
DES
146 Décret n° 76/165 du 27 avril 1976 fixant les
conditions d'obtention du titre foncier, modifié et
complété par le décret n° 2005/481 du 16
décembre 2005
61
VICTIMES DES EXPROPRIATIONS POUR CAUSE
D'UTILITÉ PUBLIQUE AU CAMEROUN
Le principal souci de cette commission doit, en tout temps
être la sauvegarde des intérêts des victimes de ces
expropriations. Pour cette raison, on constate une collaboration entre ladite
commission et les populations expropriées d'une part
(A) et une célérité d'exécution de
ses missions (B).
A - La collaboration de la Commission d'Evaluation et
de Constat avec les victimes des expropriations pour cause d'utilité
publique
Afin de faciliter les procédures d'expropriation pour
cause d'utilité publique, les Commissions sont tenues de collaborer avec
les victimes de ces expropriations147. Au cours de ces
collaborations, d'importantes informations sont transmises aux victimes, qui
sont toutes à leur intérêt. Par exemple, le délai de
déguerpissement des lieux fixé à 6mois148 leur
est transmis.
Aussi, les commissions établissent des rencontres avec
les populations expropriées afin de discuter avec elles sur le montant
qui devrait leur être reversé en guise d'indemnisation. Ceci est
sans doute la partie la plus délicate de cette procédure. Si les
négociations sont mal menées, les droits de ces victimes seront
bafoués. Pourtant, il est question ici que les droits des victimes des
expropriations pour cause d'utilité publique soient en tout temps
respectés.
A titre d'illustration, un projet de mobilité urbaine a
récemment été engagé dans la ville de Douala. Il
faudrait alors que les personnes qui pourraient être affectées de
près ou de loin par ce projet, collaborent avec la Commission
d'évaluation et de Constat afin que des indemnisations puissent leur
être reversées. A ce titre, la Commission est aussi tenue de
collaborer avec la Communauté Urbaine afin qu'elles recensent ensemble
toutes les pièces devant être présentées par les
personnes affectées par ledit projet. Entre autres pièces
exigées par la Communauté urbaine, figurent la photocopie de la
Carte nationale d'identité (CNI), titre foncier, attestation de
propriété, certificat de vente, etc). Le maire de la ville,
invite les populations de se munir à toutes fins utiles, au passage des
membres de cette commission,
147 Joseph OWONA, Domanialité Publique et expropriation
pour cause d'utilité publique au Cameroun, 5-7, rue de
l'Ecole-Polytechnique, 75005 Paris, l'Harmattan, 2012. p. 80. Op
cit.
148 Article 4 de la loi n° 85/009 du 04 juillet 1985
relative à l'expropriation pour cause d'utilité publique et aux
modalités d'indemnisation
62
desdits documents permettant la prise en compte de leurs biens
potentiellement impactés par le projet de mobilité urbaine de
Douala. Il s'agit des populations installées le long de certains
itinéraires de la ville, déclarés d'utilité
publique par le Ministère des Domaines, du Cadastre et des Affaires
foncières (MINDCAF).
La conséquence de cette collaboration sera sans l'ombre
d'un doute une protection un peu plus solide des droits des victimes des
expropriations pour cause d'utilité publique au Cameroun. Le même
résultat est obtenu quand cette même commission travaille en toute
célérité.
B - La célérité de la Commission
d'Evaluation et de Constat dans l'exercice de ses missions
La Commission d'évaluation et de Constat fonctionne en
marge avec des délais bien précis. Si ces délais sont
respectés, les droits dus aux victimes des expropriations pour cause
d'utilité publique leur seront aussi reversés dans un laps de
temps raisonnable.
La Commission est tenue d'informer la population au moins 30
jours à l'avance du jour et de l'heure des enquêtes par
convocations adressées aux chefs et notables. Si ces délais ne
sont pas respectés, les populations ne pourront pas se préparer
à temps pour les enquêtes. Cela aura pour conséquence de
biaiser les droits des victimes des expropriations en la matière.
Dès lors, le respect des procédures
apparaît comme un élément sacro-saint devant être
respecté par la Commission. En faisant cela, la protection des droits
des victimes des expropriations pour cause d'utilité publique au
Cameroun obtient une certaine crédibilité.
CONCLUSION DE LA PREMIÈRE PARTIE
Il était question dans cette partie de présenter
dans quelle mesure il peut être dit que la protection des droits des
victimes des expropriations pour cause d'utilité publique est effective
au Cameroun. Il a été observé dans un premier chapitre que
cette protection passe par la consécration juridique des droits de ces
victimes en la matière. Dans le deuxième chapitre, il a
été observé qu'il existe des mécanismes bien
précis pour matérialiser la protection de ces droits dans la
pratique. À travers ces textes et actions, il est irréfutable que
la protection des droits des victimes des expropriations pour cause
d'utilité publique au Cameroun est effective, néanmoins, pas de
façon absolue. L'absolutisme de cette protection ne peut pas être
affirmé eu égard à la présence de certains vices
qui la gangrènent dans sa
63
mise en exergue. Il est donc nécessaire à
présent d'évoquer ces différents maux et de
présenter quelques réformes pour limiter, voire éradiquer
leur influence sur la protection des droits des victimes des expropriations
pour cause d'utilité publique au Cameroun.
64
DEUXIÈME PARTIE : LA PROTECTION LACUNAIRE DES
DROITS DES VICTIMES DES EXPROPRIATIONS POUR CAUSE D'UTILITÉ PUBLIQUE AU
CAMEROUN
65
Dans la première partie de ce travail, nous avons
présenté les mesures prises par le gouvernement camerounais afin
de garantir une protection satisfaisante des droits des victimes des
expropriations pour cause d'utilité publique au Cameroun. Il serait
toutefois fallacieux pour celui-ci de prétendre à une protection
absolue de ces droits. Il existe quelques irrégularités dans la
pratique qui empêchent une protection optimale des droits des victimes
des expropriations pour cause d'utilité publique au Cameroun. Ces
mesures ne restent toutefois pas irrémédiables. Pour cette
raison, après avoir présenté les lacunes relatives
à la protection des droits des victimes des expropriations pour cause
d'utilité publique au Cameroun (Chapitre I), il sera
judicieux d'énoncer les réformes envisageables pour les
éradiquer (Chapitre II).
66
CHAPITRE I : LES LACUNES GANGRÉNANT LA
PROTECTION DES DROITS DES VICTIMES DES EXPROPRIATIONS POUR CAUSE
D'UTILITÉ PUBLIQUE AU CAMEROUN
Il a été vu dans la première partie de ce
travail que les expropriations pour cause d'utilité publiques sont des
activités transversales, qui touchent plusieurs domaines
d'activités au Cameroun. C'est aussi pour cela qu'on constate des
bémols de divers natures dans la mise en oeuvre des droits des victimes
en la matière. Dans le cadre de ce travail, nous avons concentré
nos recherches sur les limites juridiques (Section I) et les
limites sociologiques (Section II) qui minent la protection
des droits des victimes des expropriations pour cause d'utilité publique
au Cameroun.
SECTION I : LES LIMITES JURIDIQUES FRAGILISANT LA
PROTECTION DES DROITS DES VICTIMES DES EXPROPRIATIONS POUR CAUSE
D'UTILITÉ PUBLIQUE AU CAMEROUN
Les limites juridiques dont il est question ici concernent les
éléments présents ou omis dans les textes qui fragilisent
la protection des droits des victimes des expropriations pour cause
d'utilité publique au Cameroun. Objectivement, nous avons pu relever des
limites textuelles (Paragraphe I) et des limites
juridictionnelles (Paragraphe II) en la matière.
PARAGRAPHE I : LES LIMITES TEXTUELLES RÉDUISANT
L'EFFECTIVITÉ DE LA PROTECTION DES DROITS DES VICTIMES DES
EXPROPRIATIONS POUR CAUSE D'UTILITÉ PUBLIQUE AU CAMEROUN
Le calcul de la mercuriale terrestre constitue un
véritable obstacle au paiement des indemnités liées aux
expropriations pour cause d'utilité publique149
(A). Dans une autre mesure, on observe que les délais
en matière d'expropriation pour cause d'utilité publique ne sont
généralement pas en la faveur des victimes expropriées
(B).
149 Samuel-Béni ELLA ELLA, Fidélie MENDOUGA et
Pierre NKOU ABINA, Sociologie critique des indemnisations au Cameroun, Cas
de Lom Pangar, Mekin et Kribi, 5-7, rue de l'Ecole-Polytechnique, 75005
Paris, l'Harmattan, 2021.
67
A - L'obsolescence des mercuriales en matière
d'indemnisation
Au fil du temps, les zones vivables au Cameroun deviennent de
plus en plus modernes et luxueuses, surtout dans les espaces urbains. Le
Président de la République, S.E Paul BIYA, est le premier
protagoniste de cet avancement en modernité avec la mise en oeuvre de
divers projets structurants 150 . Cela s'est fait à travers
l'adoption de diverses politiques de développement151, ce qui
a permis au Cameroun d'accroître son offre d'infrastructures depuis
l'année 2000. A ces politiques se sont ajoutées des diverses
stratégies afin de prétendre à une l'émergence
à l'horizon 2035. Ces stratégies ont d'abord été
consacrées par l'adoption d'un texte appelé Document
Stratégique pour la Croissance et l'Emploi (DSCE) en 2010152
pour la période allant de 2010 à 2020. Le DSCE était
fondé sur le développement et la modernisation des
infrastructures, le développement humain, l'intégration
régionale et le financement de l'économie153.
Arrivé au terme de sa période d'exercice, ledit document a
été remplacé par la Stratégie Nationale de
développement (SND30), toujours pour une période de dix (10) ans,
soit, de 2020 à 2030. Toutes ces différentes démarches ont
pour conséquence d'augmenter le rythme de développement sur
l'étendue du territoire camerounais, surtout en zone urbaine.
Avec cet avancement dans le développement, les cours
des terres augmentent parallèlement. Il y'a 10 ans, si une zone qui
était pratiquement invivable devient de plus en plus moderne et
sécurisé, il est évident que cette zone sera beaucoup plus
convoitée, ce qui augmentera son coût sur le marché
foncier. Toutefois, les textes ne prévoient pas cette évolution
en la matière. Selon Samuel ELLA ELLA, Fidélie MENDOUGA et Pierre
NKOU ABINA, la mercuriale des terres est aujourd'hui « anachronique
», au regard de la hausse de la demande de ces terres
aujourd'hui154.
En effet, la commission d'évaluation et de constat se
base sur les textes prévus par la législation en vigueur pour
négocier le montant des indemnisations avec les populations
concernées. En l'espèce, pour l'indemnisation des terrains, la
Loi de 1985 prévoit que « l'indemnisation des terrains nus et
non viabilisés est faite selon les modalités ci-après :
(1)
150 Ils sont appréhendés comme des projets de
grande envergure qui ont pour objectif d'accroître le rythme de
développement d'un pays.
151 Notamment les politiques de grandes ambitions entre 2004
et 2011, les politiques de grandes réalisations entre 2011 et 2018 et
depuis lors, les politiques de grandes opportunités.
152 Document qui aménage la première phase du
projet d'émergence visé par le Cameroun à l'horizon
2035
153 Samuel-Béni ELLA ELLA, Fidélie MENDOUGA et
Pierre NKOU ABINA, Sociologie critique des indemnisations au Cameroun, Cas
de Lom Pangar, Mekin et Kribi, 5-7, rue de l'Ecole-Polytechnique, 75005
Paris, l'Harmattan, 2021. p. 24.
154 P. 128 Ibid.
68
lorsqu'il s'agit d'un terrain résultant d'une
détention coutumière ayant donné lieu à l'obtention
d'un titre foncier, l'indemnité ne peut dépasser le taux minimum
officiel des terrains domaniaux non viabilisés. (2) lorsqu'il s'agit
d'un terrain résultant d'une transaction normale de droit commun ou
d'une acquisition des terrains domaniaux, l'indemnité due est
égale au prix d'achat, majoré des frais divers d'acquisition
».155 Au sens de cette disposition, les indemnisations
calculées pour les terrains vierges sont obtenues au prix d'achat qui
comprend tous les frais d'acquisition d'un terrain. Cela paraît
relativement absurde dans la mesure où l'indemnité reçue
aujourd'hui ne reflèterait en aucun cas sa valeur actuelle sur le
marché, eu égard aux avancements en termes de
développement. Il sera donc difficile, voire impossible pour une victime
de s'installer sur un autre terrain de la même valeur aujourd'hui avec
indemnisation qui est dix fois moins que ce qui lui est
demandé156.
Dans la même veine, les terrains aujourd'hui sont
largement plus coûteux que les tarifs fixés par la Circulaire
ministérielle de 1994157. C'est aussi le cas pour le
Décret de 2003 qui fixe les indemnités dues aux cultures et
arbres cultivés expropriés158. Aujourd'hui, les cours
des ressources agricoles ont triplés, surtout avec la récente
pandémie de COVID-19. Lors de cette pandémie, toutes les
activités économiques et commerciales étaient en
stand-by, ce qui faisait les activités en général
et les activités agricoles en particulier, très difficiles
à cause d'un arrêt de production de ressources liées
à ces activités, ce qui rendait les frais d'agriculture
très couteux dans la pratique. Pour cette raison, il est
incompréhensible qu'aujourd'hui, les cultures de jeunes cotonniers
soient indemnisées à FCFA 100 (cent)/pied159, pourtant
il faudrait beaucoup plus que ça pour qu'un agriculteur produise cette
ressource par saison. Cela fragilise énormément le droit à
l'indemnité dû aux victimes des expropriations pour cause
d'utilité publique au Cameroun.
Une obscurité juridique160 peut aussi est
observée dans la loi de 1985 quand elle dispose que « la valeur
des constructions et des autres mises en valeur est déterminée
par la
155 Article 9 de la loi n° 85/009 du 04 juillet 1985
relative à la procédure d'expropriation pour cause
d'utilité publique et aux modalités d'indemnisation.
156 Samuel-Béni ELLA ELLA, Fidélie MENDOUGA et
Pierre NKOU ABINA, Sociologie critique des indemnisations au Cameroun, Cas
de Lom Pangar, Mekin et Kribi, 5-7, rue de l'Ecole-Polytechnique, 75005
Paris, l'Harmattan, 2021. p. 129.
157 Circulaire n°0001 du 22 mars 1994 du Vice-Premier
Ministre chargé de l'urbanisme et de l'habitat fixant les prix minima de
vente des terrains domaniaux.
158 Décret n° 2003/418/PM du 25 février
2003 fixant les tarifs des indemnités à allouer au
propriétaire victime de destruction pour cause d'utilité publique
des cultures et d'arbres cultivés.
159 Article 1(V) Ibid
160 Paul FORIERS, les lacunes du Droit, Journal Article,
Avril 1967,
www.jstor.org .
69
commission de constat et d'évaluation
»161. Par cette disposition, rien ne précise sur
quelle base la Commission d'évaluation et de constat devrait se baser
pour déterminer la valeur d'une construction expropriée pour
cause d'utilité publique. Au demeurant, Samuel ELLA ELLA, Fidélie
MENDOUGA et Pierre NKOU ABINA décrient cela en précisant les
lamentations de la population expropriée à Kribi quand ils
établissent que « la commission utilisait 1500 FCFA et 2000
FCFA pour les indemnisations »162.
Il apparaît dès lors que l'anachronisme des
textes relatifs aux expropriations pour cause d'utilité publique en
vigueur au Cameroun, fragilise énormément les droits des victimes
des ces procédures. Cela n'est cependant que la partie submergée
de l'iceberg, vu les délais qui ne sont pas en la faveur des victimes en
la matière.
B - Le caractère expéditif des
délais en matière d'expropriation pour cause d'utilité
publique au Cameroun
Pour Maurice KAMTO, le délai est un
élément sacro-saint en Droit administratif
procédural163. Pour cette raison, peu importe leur
quintessence, les parties concernées dans un contentieux administratif
quelconque, sont dans l'obligation de les respecter sous peine d'être
frappées par les conséquences prévues par la
réglementation en vigueur.
En matière d'expropriation pour cause d'utilité
publique, eu égard à son caractère administratif, les
délais sont tout aussi importants. Toutefois, on constate que les
délais consacrés ne sont pas en la faveur des victimes de telles
expropriations et ce, à plusieurs reprises. Tout d'abord, le
délai prévu pour le déguerpissement des victimes
frappées d'expropriation pour cause d'utilité publique au
Cameroun est relativement d'une très courte durée. La loi de 1985
prévoit que « un préavis de six mois à compter de
la date de publication du décret d'expropriation, est donné aux
victimes pour libérer les lieux. Ce délai est de trois mois en
cas d'urgence »164. De nos jours, il n'est pas du tout
évident de trouver un terrain en zone urbaine à un prix
raisonnable pour le citoyen lambda. En plus de cela, si une victime n'a
161 Article 10 alinéa 2 de la loi n° 85/009 du 04
juillet 1985 relative à la procédure d'expropriation pour cause
d'utilité publique et aux modalités d'indemnisation.
162 Samuel-Béni ELLA ELLA, Fidélie MENDOUGA et
Pierre NKOU ABINA, Sociologie critique des indemnisations au Cameroun, Cas
de Lom Pangar, Mekin et Kribi, 5-7, rue de l'Ecole-Polytechnique, 75005
Paris, l'Harmattan, 2021. p. 129.
163 Maurice KAMTO, Droit administratif processuel du
Cameroun, Yaoundé, Presses universitaires du Cameroun, 1990.
164 Article 4 de la loi n° 85/009 du 04 juillet 1985
relative à l'expropriation pour cause d'utilité publique et aux
modalités d'indemnisation.
70
que les indemnisations qui lui sont reversées par la
personne morale de Droit Public expropriatrice, cette tâche sera encore
moins évidente. Alors, dire qu'une personne ne dispose que d'un
délai de six (06) mois pour trouver un terrain approprié et en
plus lancer des travaux de construction pour y vivre, est totalement
injustifiable. Pire encore, si l'expropriation est marquée du sceau de
l'urgence, alors, la victime ne disposera que de trois (03) mois pour effectuer
toutes ces démarches. Ceci est logiquement impossible.
Si l'on appréhende cela d'une autre manière, en
supposant que la victime pourra d'abord recourir à la location d'un
espace d'habitation, ces délais demeurent tout aussi très brefs
et insuffisants. Cela s'explique par le fait qu'avant d'entrer en location, la
plupart, sinon, la totalité des bailleurs exigent le paiement d'un
acompte sur loyer. Cet acompte oscille pour la plupart entre six (06) et douze
(12) mois. On constate alors qu'il est impossible pour une victime de payer
l'équivalent d'un loyer de six mois dans le délai prévu
par la Loi de 1985 (en supposant qu'une bonne partie des délais se
serait déjà écoulée pour trouver un espace
correspondant au standing de l'exproprié) et en même temps payer
pour l'achat d'un terrain et des constructions y afférentes avec le
montant insignifiant des indemnisations qui lui serait remis. Cette disposition
sur les délais de déguerpissement ne favorise alors en aucun cas
les victimes des expropriations pour cause d'utilité publique au
Cameroun.
Les délais sont aussi préjudiciables pour ces
victimes quand il s'agit de contestation du montant des indemnités
prévu par la réglementation en vigueur. La loi de 1985
précise à ce sujet que « 1- En cas de contestation sur
le montant des indemnités, l'exproprié adresse sa
réclamation à l'administration chargée des domaines. 2-
S'il n'obtient pas satisfaction, il saisit un délai d'un mois, à
compter de la date de notification de la décision contestée, le
Tribunal judiciaire compétent du lieu de situation de l'immeuble. 3-
Conformément à la procédure et sous réserve des
voies de recours de droit communs, le tribunal confirme, réduit ou
augmente le montant de l'indemnité suivant les modalités
d'évaluation fixées dans la présente loi et ses textes
d'application. »165 Deux principaux bémols peuvent
être déduits de cette disposition. Tout d'abord, il ne
précise pas en combien de temps l'administration en charge des domaines
devrait vider sa saisine, afin de potentiellement déduire un silence
rejet166. Ainsi, la victime ne saurait exactement à quel
moment saisir le juge compétent pour contester le montant
d'indemnisation, si l'administration chargée des Domaines retarde son
165 Article 12 Ibid.
166 Joseph OWONA, Le Contentieux Administratif de la
République du Cameroun, 5-7, rue de l'Ecole-Polytechnique, 75005,
Paris, l'Harmattan, 2011.
71
délibéré. Ensuite, le délai d'un
mois prévu en cas de réaction de la part de l'administration
concernée pour saisir le juge judiciaire est relativement court. Durant
cette période, la victime devra rassembler le plus
d'éléments possibles pour pouvoir saisir le juge, dans l'optique
d'obtenir gain de cause. Malencontreusement, ce laps de temps est relativement
court pour rassembler le plus d'éléments nécessaires en la
matière.
Dans la même dynamique, les délais
accordés à l'administration expropriatrice pour débuter
les travaux de construction sur la zone expropriée agissent en la
défaveur de la victime. Le Décret de 1987 prévoit que
« L'Arrêté de déclaration d'utilité
publique devient caduc si, dans un délai de 2 (deux) ans à
compter de la date de sa notification au service ou organisme
bénéficiaire, il n'est pas suivi d'expropriation effective.
Toutefois, sa validité peut être prorogée une seule fois
par arrêté du Ministre chargé des Domaines pour une
durée n'excédant pas (1) an... »167. Il est
insoutenable que pendant que les victimes expropriées ne disposent que
de six mois pour déguerpir, la personne morale de Droit Public
expropriatrice a jusqu'à deux (2) ans pour débuter les travaux de
construction sur le domaine exproprié. Cela veut aussi dire que les
victimes ne peuvent pas avant deux ans saisir les juridictions
compétentes pour caducité du décret d'expropriation pour
cause d'utilité publique. Cela démontre à suffisance le
caractère puissant de l'administration face aux populations
vulnérables.
Ces délais il faudrait le dire, affaiblissent
énormément les droits des victimes des expropriations pour cause
d'utilité publique au Cameroun. C'est aussi de cette manière que
les institutions juridictionnelles ne facilitent pas toujours les vies des
populations victimes d'expropriations de cette nature.
PARAGRAPHE II : LES LIMITES JURIDICTIONNELLES
RÉDUISANT L'EFFECTIVITÉ DE LA PROTECTION DES DROITS DES VICTIMES
DES EXPROPRIATIONS POUR CAUSE D'UTILITÉ PUBLIQUE AU CAMEROUN
Les limites juridictionnelles dont il est question ici
concernent les failles relatives au système juridictionnel au Cameroun,
qui a pour compétence d'entendre les litiges liés aux
expropriations pour cause d'utilité publique au Cameroun. Dans ce type
de litige, on y retrouve des traces du contentieux administratif qui
revêt de plusieurs complexités que les
167 Article 13 du Décret n° 87/1872 du 16
décembre 1987 portant application de la loi n° 85/009 du 04 juillet
1985 relative à la procédure d'expropriation pour cause
d'utilité publique et aux modalités d'indemnisation.
72
requérants ont souvent de la peine à cerner
(A). On constate aussi que l'accès à la justice
au Cameroun ne facilite pas aussi la tâche au requérant en
matière de contentieux de l'expropriation pour cause d'utilité
publique au Cameroun (B).
A - La complexité du contentieux administratif au
Cameroun
Le contentieux administratif au Cameroun est une
procédure nouvelle dans le système juridictionnel camerounais. Il
a été observé plus haut que le juge administratif est
compétent dans un certain nombre de domaine du Contentieux de
l'expropriation pour cause d'utilité publique au Cameroun. Ainsi, la
procédure complexe du Contentieux administratif impacte
sérieusement celui des expropriations pour cause d'utilité
publique au Cameroun. Le préalable à la saisine du juge
administratif est la saisine de l'autorité accusée d'avoir
posé un acte illégal à travers le « recours
gracieux préalable ». La loi de 2006 régissant les
tribunaux administratifs dispose à ce sujet que « Le recours
devant le tribunal administratif n'est recevable qu'après rejet d'un
recours gracieux adressé à l'autorité auteur de l'acte
attaqué ou à celle statutairement habilitée à
représenter la collectivité publique ou l'établissement
public en cause. »168. Le recours gracieux,
communément appelé Recours Gracieux Préalable (RGP),
apparaît comme une condition sine qua non pour pouvoir saisir la
juridiction administrative compétente en la matière.
La contestation pour excès de pouvoir du Décret
portant expropriation pour cause d'utilité publique d'un domaine ou
encore de l'Arrêté déclarant d'utilité les travaux
de construction doivent respecter la procédure prévue par la
réglementation en vigueur. La plupart des requérants
considèrent les procédures dans ce type de contentieux assez
complexes, ce qui pourrait les décourager à engager des
procédures contentieuses, afin que justice leur soit rendue. Le recours
gracieux préalable est une reprise des dispositions française en
matière de contentieux administratif169. Son application a
toujours été critiquée par les acteurs de ce type de
contentieux. Ils ne trouvent pas la nécessité de saisir
l'administration qui a pris un acte potentiellement illégal, alors
qu'ils peuvent directement
168 Article 17 alinéa 1 de la loi n° 2006/022 du
29 décembre 2006 portant organisation et fonctionnement des tribunaux
administratifs au Cameroun.
169 Article 12 de l'ordonnance n° 72/06 du 26 août
1972
73
saisir la juridiction compétente. Pour Maurice KAMTO,
le RGP est considéré comme un « véritable
casse-tête »170.
Dès lors, le Contentieux administratif comprend des
subtilités qui gangrènent à certains égards la
protection des droits des victimes des expropriations pour cause
d'utilité publique au Cameroun. Dans une autre mesure, l'accès
à la justice au Cameroun réduit aussi l'effectivité de la
protection des droits des victimes des expropriations pour cause
d'utilité publique au Cameroun.
B - Le difficile accès à la justice au
Cameroun
L'accès à la Justice au Comprend quelques
particularités qui ne permet pas toujours aux populations de
l'atteindre. Cela réduit la protection des droits des victimes des
expropriations pour cause d'utilité publique au Cameroun. L'accès
à la justice administrative au Cameroun est difficile pour plusieurs
raisons, dont les plus préoccupantes ont été retenues dans
ce travail.
Tout d'abord, nous avons relevé l'insuffisance des
tribunaux administratifs au Cameroun. La loi de 2006 régissant les
tribunaux administratifs au Cameroun dispose que « i1 est
créé un tribunal administratif par région. Son
siège est fixé au chef-lieu de ladite région.
»171. On constate qu'en matière d'expropriation
pour cause d'utilité publique, il existe tellement de contentieux. Les
populations expropriées désirant saisir le juge administratif
après le RGP ne peuvent que le faire dans l'unique tribunal
administratif situé dans la région de l'emplacement
géographique du domaine exproprié. Cela se présente comme
un réel supplice pour les populations de se rendre à cette
institution juridictionnelle pour que justice leur soit rendue. Dans la plupart
des cas, les personnes expropriées sont des propriétaires
terriens résidant dans des zones vraiment reculées et
enclavées. Elles sont dans l'obligation de quitter ces zones pour le
tribunal administratif compétent en bravant parfois des centaines de
kilomètres, sur des routes qui ne sont pas généralement en
très bonnes formes. Il se pose donc le problème de la distance
entre le lieu de résidence du requérant et l'emplacement
géographique du tribunal administratif compétent en
matière de constatation d'expropriation pour cause d'utilité
publique au Cameroun.
170 M.KAMTO, « Droit administratif processuel du Cameroun
», Yaoundé, Presses universitaires du Cameroun, 1990, pp. 39.
171 Article 5 alinéa 1 de la Loi n° 2006/022 du 29
décembre 2006 portant organisation et fonctionnement des tribunaux
administratifs au Cameroun
74
Ensuite nous avons aussi relevé le coût de la
justice au Cameroun, qui n'est pas à la portée de tous. En
règle générale, la justice au Cameroun est rendue en toute
gratuité172. Toutefois, cela ne concerne que les frais qui
pourraient être déboursés pour payer les juges. On constate
dans la pratique qu'il existe énormément de frais accessoires aux
procédures juridictionnelles qui sont à la charge du
requérant. Delphine BARDOU distingue de divers frais en la
matière. Il s'agit des frais d'huissier, les honoraires des avocats
à payer, les timbres, l'indemnisation des témoins, les
émoluments, les frais d'expertise et d'enquêtes. On peut
même y ajouter, le cas échéant, les coûts de
déplacement au procès et les frais d'hébergement, en cas
de descente sur le terrain173. Tous ces frais sont à la
charge du requérant, malgré que ces sommes lui seraient
reversées en cas de gain de cause.
Selon la Stratégie Nationale de Développement
2030 (SND30), le taux de pauvreté au Cameroun est estimé à
37,5 % et le taux de sous-emploi est évalué à
77%174. Ces taux très élevés démontrent
à suffisance le pouvoir pécuniaire de la population camerounaise.
Il est donc difficile pour ces populations expropriées qui font
déjà face à de nombreux coûts de la vie, d'envisager
de quelconques actions en justice où ils devront payer tous ces frais
accessoires aux procédures juridictionnelles. Cela a tendance à
limiter en réalité les droits dont les victimes des
expropriations pour cause d'utilité publique au Cameroun auraient pu
bénéficier.
Il est reconnaissable à ce stade que les efforts
juridiques fournis par le gouvernement camerounais pour protéger les
droits des victimes des expropriations pour cause d'utilité publique au
Cameroun demeurent insuffisantes. Cette protection est aussi mitigée
à cause de diverses entraves sociologiques qu'il est nécessaire
d'évoquer ici.
SECTION II : LES LIMITES SOCIOLOGIQUES GANGRENANT LA
PROTECTION DES DROITS DES VICTIMES DES EXPROPRIATIONS POUR CAUSE
D'UTILITÉ PUBLIQUE AU CAMEROUN
Les limites sociologiques ici sont ceux qui ne sont pas
directement liés à la réglementation concernant les
expropriations pour cause d'utilité publique au Cameroun. Le
172 La loi n° 2009/004 portant organisation de l'assistance
judiciaire
173 Delphine BARDOU, quelle prise en charge des frais de
justice par l'assurance protection justice ?21 avril 2022,
www.reassurez-moi.fr .
174 Stratégie Nationale de Développement 2020-2030,
p. 42
75
constat est fait que les textes et les institutions juridiques
à eux seuls ne sont pas les uniques responsables de la
fébrilité de la protection des droits des victimes des
expropriations pour cause d'utilité publique au Cameroun. Nous avons
relevé de nombreuses pesanteurs extra juridiques qui peuvent être
imputables à la fois à l'administration publique expropriatrice
(Paragraphe I) et les victimes des expropriations
elles-mêmes (Paragraphe II).
PARAGRAPHE I : LES PESANTEURS SOCIOLOGIQUES IMPUTABLES
A L'ADMINISTRATION PUBLIQUE EXPROPRIATRICE AU CAMEROUN
L'administration publique camerounaise, comme tout autre
service public dans le monde, est régie par les lois
Rolland175. Pour cette raison, elle doit faire preuve de
beaucoup de tact quand elle mène ses activités au quotidien,
surtout en matière d'expropriation pour cause d'utilité publique
au Cameroun. Il est alors déplorable que de manière
générale, on constate un niveau inquiétant de mauvaise
gouvernance, dans la gérance de ses affaires courantes. Cette mauvaise
gouvernance laisse malencontreusement aussi des traces dans les
procédures d'expropriation pour cause d'utilité publique au
Cameroun (A). Le système administratif camerounais qui
est à l'image du système bureaucratique moderne176
comprend toutes ses caractéristiques néfastes qui se retrouvent
dans les procédures d'expropriation pour cause d'utilité publique
(B).
A - La mauvaise gouvernance par l'administration publique
expropriatrice
La bonne gouvernance voudrait que l'administration publique
régisse la population inféodée à sa personne de
manière objective et désintéressée. Ceci est
applicable aussi aux procédures d'expropriation pour cause
d'utilité publique. Toutefois, on retrouve parfois des
différentes formes de mauvaise gouvernance dans les procédures
relatives aux expropriations pour cause d'utilité publique au
Cameroun.
175 Principes Traditionnels du Service Public établis
par Louis ROLLAND. Il s'agit de l'égalité, l'adaptabilité
et la continuité du service public.
176 Consacré par Max WEBER, il est
considéré comme une organisation où les individus sont
libres et soumis à une autorité dans le cadre de leur fonction.
Ils sont organisés selon une hiérarchie définie et est
considéré comme un système excessivement structuré,
abusivement hiérarchique, rigide, autoritaire et
inflexibles.
www.cloudfront.net .
76
Tout d'abord, c'est avec beaucoup d'amertume que nous avons
constaté le niveau élevé de corruption qui sévit
dans les procédures d'expropriation pour cause d'utilité publique
au Cameroun. Ceci se traduit à travers la corruption des
autorités traditionnelles d'une zone par l'administration publique
expropriatrice177. Les autorités traditionnelles sont les
personnes habilitées à délimiter les domaines à
exproprier et de signifier à la Commission d'évaluation et de
constat à qui ils appartiennent. On observe parfois que pour des raisons
non conventionnelles, l'administration expropriatrice concernée approche
ces chefs traditionnels en leur proposant des dessous de
table178 pour qu'ils puissent délimiter les terres en la
faveur de l'administration 179 . Cette pratique indécente
fragilise énormément la procédure d'expropriation pour
cause d'utilité publique, ce qui est en la défaveur des victimes
concernées.
On constate aussi, une atteinte grave à la fortune
publique avec des cas de détournement des fonds alloués d'une
part aux projets de construction sur le domaine exproprié et d'autre
part, aux indemnisations pour les expropriations occasionnées. Ceci est
assimilé à une atteinte grave à la fortune publique,
réprimée par le Code Pénal camerounais qui prévoit
que « (1) Quiconque, par quelque moyen que ce soit, obtient
ou retient frauduleusement quelque bien que ce soit, mobilier ou immobilier,
appartenant, destiné ou confié à l'Etat unifié,
à une coopérative, collectivité ou établissement,
ou publics ou soumis à la tutelle administrative de l'Etat ou dont
l'Etat détient directement ou indirectement la majorité du
capital, est puni : a) au cas où la valeur de ces biens excède
cinq cent mille (500 000) francs, d'un emprisonnement à vie ; b) au cas
où cette valeur est supérieure à cent mille (100 000)
francs et inférieure ou égale à cinq cent mille (500 000)
francs d'un emprisonnement de quinze (15) à vingt (20) ans; c) au cas
où cette valeur est égale ou inférieure à cent
mille (100 000) francs, d'un emprisonnement de cinq (05) à dix (10) ans
et d'une amende de cinquante mille (50 000) francs à cinq cent mille
(500 000) francs. (2) Les peines édictées ci-dessus ne peuvent
être réduites, par admission de circonstances atténuantes,
respectivement au-dessous de dix (10), cinq (05) ou de deux (02) ans et le
sursis ne peut en aucun cas être accordé. : (3). Dans les cas
prévus à l'article 87 (2) du présent
177 Samuel-Béni ELLA ELLA, Fidélie MENDOUGA et
Pierre NKOU ABINA, Sociologie critique des indemnisations au Cameroun, Cas
de Lom Pangar, Mekin et Kribi, 5-7, rue de l'Ecole-Polytechnique, 75005
Paris, l'Harmattan, 2021. p. 136-137.
178 Euphémisme pour désigner la pratique de la
corruption.
179 Samuel-Béni ELLA ELLA, Fidélie MENDOUGA et
Pierre NKOU ABINA, Sociologie critique des indemnisations au Cameroun, Cas
de Lom Pangar, Mekin et Kribi, 5-7, rue de l'Ecole-Polytechnique, 75005
Paris, l'Harmattan, 2021. p. 127.
77
Code, le minimum de la peine est respectivement de cinq
(05) ans, de deux (02) ans et d'un (01) an et le sursis ne peut être
accordé, sauf excuse atténuante de minorité ; (4). La
confiscation prévue à l'Article 35 du présent Code est
obligatoirement prononcée, ainsi que les déchéances de
l'Article 30 ci-dessus, pendant cinq (05) ans au moins et dix (10) ans au plus.
(5). La publication de la décision doit être ordonnée. (6)
Le présent article n'est pas applicable aux détournements ou
recels d'effets militaires visés au Code de justice militaire.
»180.
Ces différentes pratiques clientélistes ne font
que réduire l'effectivité des droits dévolus aux victimes
des expropriations pour cause d'utilité publique. Le caractère
bureaucratique de l'administration publique camerounaise fragilise aussi
à certains égards les droits des victimes en l'espèce.
B - Les caractéristiques néfastes du
système bureaucratique dans l'administration camerounaise
Selon Max WEBER, Michel CROZIER ou encore Robert KING MERTON,
la bureaucratique est l'idéal type pour toutes les administrations
d'ordre légal, poursuivants des objectifs sur le long terme. Selon
WEBER, le système bureaucratique moderne repose sur trois (03)
caractéristiques principales : l'hypercentralisation,
l'hyperformalisme et la hiérarchisation du personnel.
En matière d'expropriation pour cause d'utilité
publique, force est de constater que l'hypercentralisation est à l'ordre
du jour. La principale administration concernée ici est le
Ministère chargé des Domaines, qui reçoit les demandes de
travaux d'utilité publique181, prend l'Arrêté
déclarant d'utilité publique le projet des travaux sur le domaine
à exproprier182 et est à l'origine des travaux
d'enquêtes de la commission d'évaluation et de constat. On
constate là une concentration de tâches sur une seule
autorité, en la personne du Ministre en charge des Domaines. Pour cela,
la marge d'erreur est assez dense, ce qui, à un moment donné
pourrait jouer en la défaveur des victimes des expropriations pour cause
d'utilité publique au Cameroun.
180 Article 184 de la loi n° 2016/007 du 12 juillet 2016
portant code pénal
181 Article 2 du décret n° 87/1872 du 16
décembre 1987 portant application de la loi n° 85/009 du 04 juillet
1985. Op cit.
182 Article 3 Ibid.
78
Dans la même veine, il est observé la
hiérarchisation stricte comprise dans le système bureaucratique
est aussi comprise dans l'administration en charge des expropriations pour
cause d'utilité publique au Cameroun. Ce rapport hiérarchique est
constaté entre le Ministre des Domaines, du Cadastre et des Affaires
Foncières et la Commission d'évaluation et de Constat, qui sont
tous les deux assujettis au Premier Ministre. C'est ce dernier qui a pour
rôle de prendre le Décret portant expropriation pour Cause
d'utilité publique. Avant cela, les deux précédentes
autorités subissent une pression indirecte en voulant satisfaire
convenablement les attentes de leur supérieur hiérarchique. Il
faudrait rappeler que le Premier Ministre qui prend le Décret est lui
aussi sous la tutelle du Président de la République qui doit
valider ledit Décret portant expropriation avant son entrée en
vigueur183.
On observe que tous ces rapports hiérarchiques obligent
les différents membres de l'administration à plus de prudence et
de pragmatisme, ce qui n'est pas évident, avec la pression de vouloir
impressionner son supérieur hiérarchique. Au demeurant, Merton
disait jadis « Nous avons vu que la structure bureaucratique,
exerçant une pression constante sur le fonctionnaire, l'oblige à
être méthodique, prudent et discipliné. Dans une
véritable bureaucratie, on est donc en présence d'une grande
régularité de comportement et d'un haut degré de
conformité aux types d'actions prescrits. Il s'ensuit qu'on donne une
importance fondamentale à la discipline, aussi développée
dans une bureaucratie religieuse ou économique que dans l'armée
» 184. Sur cette base, la bureaucratie apparaît
comme une sorte de main de fer dans un gant de velours185.
Dès lors, le système bureaucratique très
souvent vanté par les bureaucraties modernes est cerné en
matière d'expropriation pour cause d'utilité publique comme un
loup déguisé en agneau.
L'administration publique expropriatrice partage
néanmoins sa faute avec les populations expropriées dans le cas
d'espèce.
183 Article 2 alinéa 2 du Décret n° 92/089 du
04 mai 1992 portant attributions du Premier Ministre. Op cit.
184 Robert KING MERTON, Eléments de théorie et
de méthode sociologique, 1965.
185 « Il faut pour gouverner les français une
main de fer recouverte d'un gant de velours », Bernadotte
79
PARAGRAPHE II : LES PESANTEURS SOCIOLOGIQUES
IMPUTABLES AUX VICTIMES DES EXPROPRIATIONS POUR CAUSE D'UTILITÉ PUBLIQUE
AU CAMEROUN
A la lecture de ce paragraphe, cela pourrait sembler paradoxal
que les personnes pour qui le présent travail de recherche a
été consacré, sont à l'origine de leurs propres
turpitudes. Cela est pourtant vrai dans la pratique, eu égard à
la densité d'analphabétisme qui leur est propre
(A) d'une part et d'autre part, leur réticence à
se conformer à la réglementation foncière au Cameroun
(B).
A - L'analphabétisme des victimes des
expropriations pour cause d'utilité publique au Cameroun
Comme il a été évoqué plus
tôt dans ce travail, une bonne partie des personnes expropriées au
Cameroun sont des autochtones de leurs domaines respectifs. Alors, il n'a pas
été évident pour ceux-ci de suivre une formation
académique digne de ce nom, qui aurait pu les aider aujourd'hui, surtout
en matière d'expropriation pour cause d'utilité publique au
Cameroun. Au demeurant, la SND30 dispose que l'indice de Capital
humain186 s'élève à 0,39 187 .
Alors, on comprend rapidement que plus de la moyenne de la population
camerounaise n'est pas intellectuellement assise.
Avant de procéder aux différentes
procédures liées aux expropriations pour cause d'utilité
publique au Cameroun, il serait d'abord question de les comprendre. Cela
présente une difficulté déconcertante dans la mesure
où les populations ne sont pas investies de l'intellect requis pour
cerner comme il se doit les textes régissant les expropriations et les
modalités d'indemnisation.
Les riverains qui sont expropriés ne sont
généralement pas au parfum des différentes
procédures existantes relatives à ce type de procédure.
Parfois, même quand ils le sont, ils éprouvent une certaine
difficulté à interpréter les dispositions y
afférentes, ce qui les rend totalement vulnérables devant
l'administration expropriatrice. Ainsi, ils ne sont parfois pas
186 Selon Gary BECKER et Theodore SCHULTZ le Capital humain
est largement compris comme l'ensemble des capacités à produire
d'un Homme.
187 Stratégie Nationale de Développement 2020-2030,
p. 42
80
indemnisés pour les expropriations engendrées.
Dans l'hypothèse où ils le sont, il est difficile que ce soit en
conformité avec ce que les textes prévoient.
Aussi les différentes étapes de la
procédure sont parfois bafouées quand l'administration
concernée constate que les victimes ne maîtrisent pas
réellement la procédure d'expropriation pour cause
d'utilité publique en Droit camerounais. La limitation intellectuelle
une fois de plus, des populations les laisse à la merci de l'Etat.
Aussi, les populations sont-elles ignorantes de certaines dispositions
juridiques188.
Il faudrait aussi noter que c'est cet analphabétisme
qui fait en sorte que les populations craignent autant l'Etat. Ainsi, plus les
populations craignent l'Etat, moins elles auront la volonté de
dénoncer ses actes illégaux.
Il sied de maintenant présenter le refus de la
population de se conformer à la réglementation foncière au
Cameroun.
B - La non-conformité des populations
expropriées à la règlementation domaniale au
Cameroun
Il existe de nombreux textes qui encadrent le domaine foncier
et domanial au Cameroun. Ces textes ont été mis en place afin de
garantir une sécurité juridique certaine à la population
camerounaise. Cette dernière est donc tenue de se conformer à
celle-ci dans l'exploitation des immeubles domaniaux au Cameroun.
Une des conditions sine qua non pour
bénéficier des indemnisations suites aux expropriations est la
possession d'un droit de propriété sur le terrain
exproprié. À travers l'Ordonnance de 74 sur le régime
foncier, l'unique document faisant foi de titre de propriété
foncière à partir du 06 juillet 1974, est le titre foncier.
L'Ordonnance n° 74-1 prévoit à ce titre que « Les
titulaires de jugements définitifs constitutifs ou translatifs des
droits sur terrains en milieu urbain doivent également sous peine de
déchéance, en saisir le service des domaines compétent
dans un délai de dix ans à compter du 15 août 1974, date de
publication de l'Ordonnance n°1 du 6 juillet 1974, en vue d'obtenir leur
transformation en titres fonciers ; ledit délai est porté
à 15 ans pour les terrains en milieu rural. Toutefois, lorsque ces
jugements portent sur des immeubles habités par des occupants de bonne
foi, ceux-ci
188 Samuel-Béni ELLA ELLA, Fidélie MENDOUGA et
Pierre NKOU ABINA, Sociologie critique des indemnisations au Cameroun, Cas
de Lom Pangar, Mekin et Kribi, 5-7, rue de l'Ecole-Polytechnique, 75005
Paris, l'Harmattan, 2021. p. 140..
81
jouissent en cas de vente desdits immeubles d'un droit de
préférence qui n'exerce dans le cadre de l'aménagement de
la zone concernée. Tous les litiges fonciers pendants devant les
juridictions et introduits en dehors de la procédure de
l'immatriculation sont de la compétence des commissions prévues
à l'article 16 ci-dessous. Les dossiers y relatifs sont
transférés à ces commissions dès l'entrée en
vigueur de la présente ordonnance. »189. Avec cette
disposition, tous les précédents titres relatifs aux terres
(certificate of occupancy, jugements définitifs constitutifs ou
translatifs) sont abrogés, pour l'entrée en vigueur du titre
foncier.
Nous avons constaté qu'aujourd'hui certains autochtones
prétendent toujours à une propriété
coutumière sans titre foncier. Cela rendra leur indemnisation impossible
en cas d'expropriation pour cause d'utilité. Ceci parce qu'il est
impossible, au sens de la loi de déterminer la propriété
d'un terrain, sans titre foncier.
Aussi, une autre condition aménagée pour pouvoir
bénéficier aux indemnisations et le respect du plan d'urbanisme
par la construction. A ce titre, la loi de 1985 dispose que « Il n'est
dû aucune indemnité pour destruction des constructions
vétustes ou menaçant ruines ou de celles réalisées
en infraction aux règles d'urbanisme ou aux dispositions
législatives ou règlementaires fixant le régime foncier.
»190. L'on peut aussi relever de cette disposition que les
constructions doivent être solides et ne pas être de
caractère à menacer l'intégrité physique de son
entourage.
Dans le régime Anglo-Saxon, il est dit « he
who comes to equity must come with clean hands »191. Cela
voudrait impliquer qu'en recherchant la justice, il faudrait être
irréprochable. Les populations qui ne se conforment donc pas à la
législation encadrant le régime foncier et domanial au Cameroun,
fragilisent eux-mêmes les droits qui leur sont dévolus par les
textes en vigueur, en la matière.
A ce stade, il est clair que la protection des droits des
victimes des expropriations pour cause d'utilité publique connaît
quelques défaillances. Cependant, il serait d'une aberration des plus
fallacieuses de dire que ces défaillances sont
irrémédiables. Il convient donc de présenter les
réformes envisageables pour palier à ces limites.
189 Article 5 de l'Ordonnance n° 74-1 du 06 juillet 1974
fixant le régime foncier au Cameroun.
190 Article 10 alinéa 3 de la loi n° 85/009 du 04
juillet 1985 relative à l'expropriation pour cause d'utilité
publique et aux modalités d'indemnisation. Op cit.
191 Signifiant « Quiconque recherche l'équité,
doit avoir les mains propres ».
82
CHAPITRE II : LES MESURES PALLIATIVES POUR UNE
PROTECTION OPTIMALE DES DROITS DES VICTIMES DES EXPROPRIATIONS POUR CAUSE
D'UTILITÉ PUBLIQUE AU CAMEROUN
L'expropriation pour cause d'utilité publique comme il
a été vu, revêt d'une complexité sans pareille, qui
a tendance à limiter les droits des victimes en la matière. Ce
n'est pas pour autant que les acteurs concernés par cette
procédure devraient rester sans agir. Il faudrait que des mesures fermes
soient prises afin d'éliminer toutes les pesanteurs qui gravitent autour
de la protection des droits des victimes des expropriations pour cause
d'utilité publique au Cameroun. Pour ce faire, un effort
considérable devra être fourni par tous les acteurs
concernés de près ou de loin par cette procédure. C'est
pour cette raison que dans ce travail, nous proposerons des mesures pouvant
être prises à la fois par l'Etat (Section I) et
la population camerounaise (Section II) afin d'éliminer
tous ces vices, sinon, une bonne partie.
SECTION I : L'APPORT DE L'ETAT CAMEROUNAIS AU
RENFORCEMENT DE LA PROTECTION DES DROITS DES VICTIMES DES EXPROPRIATIONS POUR
CAUSE D'UTILITÉ AU CAMEROUN
Afin de renforcer la protection des droits des victimes des
expropriations pour cause d'utilité publique au Cameroun, l'Etat
camerounais devrait prendre en comptes des mesures pour sensibiliser la
population sur les implications du régime foncier au Cameroun
(Paragraphe l). Dans ce même sillage, l'Etat devrait
aussi réaménager les fondements et les institutions relatifs aux
expropriations pour cause d'utilité publique au Cameroun
(Paragraphe II).
PARAGRAPHE I : LA SENSIBILISATION DE LA POPULATION SUR
LES IMPLICATIONS DU RÉGIME FONCIER AU CAMEROUN
Le constat a été fait qu'une bonne partie de la
population n'est pas au parfum des enjeux du régime foncier au Cameroun.
Les textes régissant les expropriations pour cause
83
d'utilité publique 192 ne sont pas connus et
les procédures sont difficiles à cerner par les populations en
cas de contentieux. Pour cela, l'Etat devra organiser des séminaires sur
l'importance de se conformer à la législation en vigueur d'une
part (A) et d'autre part, des ateliers de formation sur les
procédures à suivre en cas de contentieux de l'expropriation pour
cause d'utilité publique (B).
A - L'organisation de séminaires d'information
sur l'importance de se conformer à la législation foncière
au Cameroun
La législation foncière est tellement vaste au
Cameroun qu'il est difficile de la cerner totalement dans les détails.
Cela ne voudrait pas dire que les populations ne devraient pas être au
parfum de cette législation. L'Etat devrait donc organiser ces
séminaires avec les propriétaires terriens afin qu'ils soient en
marge avec les dispositions législatives foncières.
Ces séminaires d'information auront premièrement
pour objectif d'informer les populations sur le caractère indispensable
du titre foncier. Il existe tout un texte qui fixe les conditions d'obtention
d'un titre foncier au Cameroun193. Les populations doivent savoir
que c'est uniquement sur ce texte qu'ils doivent se conformer pour avoir un
titre foncier légitime au Cameroun. Il faudrait rappeler qu'une des
conditions pour bénéficier des indemnisations suites aux
expropriations pour cause d'utilité publique au Cameroun est d'exercer
un droit de propriété sur le domaine exproprié à
travers la présentation d'un titre foncier en son nom. Les populations
seront donc au parfum de cette information, ce qui les poussera à
engager des procédures d'obtention de titre foncier. Ceci leur sera
extrêmement bénéfique en cas d'expropriation pour cause
d'utilité publique sur leurs domaines.
Aussi, ces séminaires auront pour vocation de
sensibiliser la population sur la nécessité de respecter les
plans d'urbanisme mis en place dans leur législation. Il a
été vu dans ce travail qu'afin de ne pas être reconnu
incompétent pour recevoir les indemnisations suites aux expropriations
pour cause d'utilité publique au Cameroun, les propriétaires
terriens doivent faire en sortes de construire en conformité avec le
plan d'urbanisme de leur localité. A ce titre, les séminaires
soumettraient à la consultation de la population, la loi
régissant
192 Loi n° 85/009 du 04 juillet 1985 relative à
l'expropriation pour cause d'utilité publique et aux modalités
d'indemnisation, son décret d'application n° 87/1872 du 16
décembre 1987 et les Ordonnances du 06 juillet 1974 sur le régime
foncier et domanial.
193 Décret n° 76/165 du 27 avril 1976 fixant les
conditions d'obtention du titre foncier, complété par le
Décret n° 2005/481 du 16 décembre 2005 modifiant et
complétant certaines dispositions du décret n° 76/165 du 27
avril 1976 fixant les conditions d'obtention du titre foncier.
84
l'urbanisme au Cameroun194. Grâce à
cela, les victimes d'expropriation dans l'avenir seront dans tous leurs droits
de recevoir leurs indemnités dues.
Les populations pourront aussi être informées
à travers ces séminaires sur les délais prévus en
matière d'expropriation pour cause d'utilité. Après les 6
mois donnés aux populations expropriées pour
déguerpir195, leur présence sur les domaines
expropriés sera assimilée à une atteinte au
propriété foncière de l'Etat. Cela est
réprimé par la loi de 1980 en la matière qui dispose que
« Les sanctions prévues aux articles 2 et 3 ci-dessus sont
applicables aux personnes qui, en violation de la législation en vigueur
exploitent ou se maintiennent sur une parcelle du domaine privé de
l'Etat, ou sur une dépendance du domaine public ou du domaine national.
»196. L'article 2 visé par cette disposition
précise que « sont passibles d'une amende de 50 000 à
200 000 F et d'un emprisonnement de 2 mois à 3 ans ou d'une de ces
peines seulement : a) ceux qui exploitent ou se maintiennent sur un terrain
sans autorisation préalable du propriétaire ; b) les agents de
l'Etat convaincus de complicité dans les transactions foncières
de nature à favoriser l'occupation irrégulière de la
propriété d'autrui. ». La lecture de ces dispositions
durant ces séminaires dissuaderait les potentielles victimes de ces
expropriations à rester sur les parcelles expropriées. Cela sera
à leur avantage vu que cela les éviterait d'être
frappés de sanctions et pourront pleinement jouir de leurs droits en
matière d'expropriation pour cause d'utilité publique.
A ces séminaires d'information, l'Etat devrait associer
des ateliers de formation sur les procédures à suivre en cas de
contentieux de l'expropriation pour cause d'utilité publique.
B - L'organisation d'ateliers de formation sur les
procédures à suivre en cas de contentieux de l'expropriation pour
cause d'utilité publique au Cameroun
Nous avons remarqué la complexité du contentieux
en matière d'expropriation pour cause d'utilité publique au
Cameroun. Ces ateliers viendront donc former la population sur le comportement
qu'elle devrait adopter si jamais elle est victime d'une telle procédure
d'expropriation dans l'avenir.
194 Loi n° 2004-003 du 21 avril 2004 régissant
l'urbanisme au Cameroun.
195 3 mois pour les cas d'urgence.
196 Article 4 de la loi n° 80-22 du 14 juillet 1980
portant répression des atteintes à la propriété
foncière domaniale.
85
Dans un premier temps, les ateliers sensibiliseront la
population sur l'indispensable nature du recours gracieux
préalable197. Il serait dit dans ces ateliers qu'avant de
saisir le juge administratif pour constater une expropriation jugée
illégale, un décret portant expropriation pour cause
d'utilité publique ou encore, un arrêté déclarant
d'utilité publique les travaux à entreprendre sur un domaine, le
requérant devra saisir l'autorité ayant édicté
l'acte jugé illégal.
Ainsi, les victimes des expropriations ne seront pas
gênées de voir leurs requêtes devant le juge
déclarées irrecevables pour vice de forme, in limine
litis.
Dans un second temps, les délais compris dans le
contentieux de l'expropriation pour cause d'utilité publique seront
portés à la connaissance des populations. Devant le juge
administratif, les délais sont ceux du contentieux administratif en
matière de recours pour excès de pouvoir198. Devant le
juge judiciaire, il est prévu un délai d'un mois après le
rejet de l'administration en charge des Domaines 199. Grâce
à cette formation sur les délais, les demandes des victimes
seraient soumises dans les délais, leur évitant tout risque
d'irrecevabilité.
Dans un troisième temps, les populations seront
entretenues sur les techniques de rédaction des requêtes de
saisine du juge du contentieux de l'expropriation pour cause d'utilité
publique. Ici, il n'est pas du tout question d'analphabétisme de la
population, mais plutôt du caractère spécifique de
rédaction d'une requête. En règle générale
les requêtes en la matière sont adressées au
président du tribunal territorialement et matériellement
compétent. La requête comprend au début le nom du tribunal
saisi. Il est suivi du nom, prénom et de l'adresse du requérant.
Cela est suivi par la précision de contestation de la décision
rendue en RGP par l'autorité administrative ayant pris la
décision jugée illégale. Dans le corps de la
requête, un exposé des faits doit être rédigé,
racontant explicitement tous les contours de l'affaire. Après le rappel
succinct des faits, le requérant doit préciser le
bien-fondé de sa demande en évoquant les textes qui font foi en
la matière et les jurisprudences, le cas échéant. A la fin
de la requête, la victime doit préciser quelle décision
elle attend réellement que la Cour rende dans le cas d'espèce.
197 Article 17 de la loi n° 2006/022 du 29
décembre 2006 portant organisation et fonctionnement des tribunaux
administratifs au Cameroun, op cit.
198 60 jours à compter de la date de rejet explicite ou
implicite du RGP, selon l'article 18 alinéa 1 Ibid.
199 Article 12 alinéa 2 de la loi n° 85/009 du 04
juillet 1985 relative à l'expropriation pour cause d'utilité
publique et aux modalités d'indemnisation.
86
Cette requête est finalement visée au pied droit
de la dernière page par la date et la signature du requérant.
Elle est associée de tous les documents nécessaires à la
procédure.
Le constat est rapidement fait que pour une personne n'ayant
pas reçu une formation explicite sur les techniques de rédaction
d'une telle requête, elle va paraître extrêmement complexe
à rédiger. Cet atelier qui serait lancé par l'Etat
facilitera donc la tâche aux victimes des expropriations dans leur
saisine des tribunaux compétents en la matière.
Ainsi, la sensibilisation de la population sur les
implications du régime foncier aiderait énormément les
victimes des expropriations pour cause d'utilité publique dans la
préservation des droits dont ils sont dépositaires. Pour que ces
victimes soient d'avantage aidées, l'Etat pourrait aussi décider
d'actualiser les fondements et les institutions relatifs aux expropriations
pour cause d'utilité publique au Cameroun.
PARAGRAPHE II : L'ACTUALISATION DES FONDEMENTS ET
INSTITUTIONS RELATIFS AUX EXPROPRIATIONS POUR CAUSE D'UTILITÉ PUBLIQUE
AU CAMEROUN
L'anachronisme des textes en matière d'expropriation a
été critiqué par de nombreux auteurs mentionnés
dans ce travail. Il faudrait dès lors que ces textes soient
révisés (A) afin qu'ils reflètent autant
que faire se peut, les réalités contemporaines. L'organisation et
le fonctionnement des institutions concernées par les expropriations
pour cause d'utilité publique devront aussi être
révisés (B) pour atteindre une protection
irréprochable des droits des victimes des expropriations pour cause
d'utilité publique au Cameroun.
A - La Mise à jour de la législation
régissant les expropriations pour cause d'utilité publique au
Cameroun
Dans un développement antérieur, il a
été observé que les textes ne reflètent pas les
réalités financières actuelles. La mercuriale des terres
utilisées pour indemniser les victimes des expropriations pour cause
d'utilité publique au Cameroun n'est pas en marge avec les coûts
actuels sur le marché.
Le législateur camerounais pour cette raison, devra
réviser la disposition qui stipule que « L'indemnisation des
terrains nus et non viabilisés est faite selon les modalités ci-
après : 1- Lorsqu'il s'agit d'un terrain résultant d'une
détention coutumière ayant donné lieu à
87
l'obtention d'un titre foncier, l'indemnité ne peut
dépasser le taux minimum officiel des terrains domaniaux non
viabilisée de la localité de situation du titre foncier. 2-
Lorsqu'il s'agit d'un terrain résultant d'une transaction normale de
droit commun ou d'une acquisition des terrains domaniaux, l'indemnité
due égale au prix d'achat, majoré des divers d'acquisition.
» 200 . Cette disposition est injuste pour les populations qui
devront être indemnisées pas des sommes ne leur permettant pas de
retrouver leur même standing de vie.
Le législateur camerounais devrait donc adopter une
disposition qui voudrait que les victimes soient indemnisées à un
montant reflétant la valeur actuelle du terrain dans la zone
géographique concernée. Pour un début, il pourrait
envisager la valeur vénale moyenne du terrain concerné sur les 5
années antérieures à la procédure
d'expropriation.
Aussi, le législateur pourrait envisager une
indemnité complémentaire au principal de l'indemnisation qui
serrait assimilée pour des dommages et intérêts pour le
préjudice occasionné aux victimes. Là, les victimes ne
seront pas seulement indemnisées à la hauteur de leurs pertes
mais aussi en fonction du préjudice qu'ils ont subi.
Dans ce sillage, l'équivoque sur les bases de calcul
des constructions expropriées doit aussi être levée. Les
textes prévoient que la Commission détermine le montant des
constructions expropriées afin d'obtenir le montant d'indemnisation
à verser aux victimes201. Le législateur devrait alors
prévoir une disposition stipulant que le calcul doit être fait sur
la base du devis de construction présenté par l'ingénieur
qui a été en charge de construire ledit domaine. Le
législateur devrait aussi par mesure de prudence, prévoir une
disposition sur l'authentification de ce devis par d'autres ingénieurs,
experts en la matière.
Avec l'adoption de ces dispositions, les indemnisations dues
aux victimes des expropriations pour cause d'utilité publique
reflèteraient d'avantage le coût actuel de la vie.
Les institutions juridictionnelles devraient aussi être
réformées afin de mieux protéger les droits des victimes
des expropriations pour cause d'utilité publique au Cameroun.
200 Article 9 de la loi n° 85/009 du 04 juillet 1985
relative aux expropriations pour cause d'utilité publique et aux
modalités d'indemnisation
201 Article 10 alinéa 2 Ibid. op cit.
88
B - La réforme des institutions
juridictionnelles en matière d'expropriation pour cause d'utilité
publique au Cameroun
Les institutions juridictionnelles sont les modes
répressifs de protection des droits des victimes des expropriations pour
cause d'utilité publique au Cameroun. Leur réforme renforcera
cette protection octroyée aux victimes de plusieurs manières
cumulatives.
Tout d'abord, il n'est pas du tout évident pour les
citoyens résidant dans des zones très enclavées, de se
déplacer pour le chef-lieu de leurs régions pour que le juge
administratif entende leurs litiges202. Pour cette raison, L'Etat
devrait instaurer des tribunaux administratifs dans chaque arrondissement,
comme c'est le cas avec les Tribunaux de Première Instance (TPI).
Pour un début, ces tribunaux pourraient être
instaurés dans le chef-lieu de chaque département.
Cela facilitera la saisine du juge administratif par les
victimes des expropriations pour cause d'utilisation publique pour des motifs
liés au contentieux de l'expropriation de cette nature.
Ensuite, la vitesse pour rendre des décisions doit
être revue par l'Etat. Cela aura pour conséquence de servir et
valoir les droits des victimes des expropriations pour cause d'utilité
publique en toute célérité.
A ce stade, les droits des victimes des expropriations pour
cause d'utilité publique seraient mieux protégés si l'Etat
prend en compte les mesures prédisposées.
Quid à présent des réformes envisageables
par la population camerounaise ?
SECTION II : LA CONTRIBUTION DE LA POPULATION A LA
REDUCTION DES VIOLATIONS DES DROITS DES VICTIMES DES EXPROPRIATIONS POUR CAUSE
D'UTILITÉ PUBLIQUE AU CAMEROUN
La population a un rôle important dans la promotion
d'une protection efficace des droits des victimes des expropriations pour cause
d'utilité publique au Cameroun. Les populations sont alors tenues
d'envisager des réformes sur le court terme qui oeuvreront dans la
mesure d'une protection beaucoup plus accrue des droits des victimes des
expropriations pour cause d'utilité publique au Cameroun
(Paragraphe I). Des mesures sur le long terme devront aussi
être envisagées par cette même population
(Paragraphe II).
202 Article 10 alinéa 2 Ibid. op cit.
89
PARAGRAPHE I : RÉFORMES CONJONCTURELLES POUR
UNE PROTECTION MAXIMALE DES DROITS DES VICTIMES DES EXPROPRIATIONS POUR CAUSE
D'UTILITÉ PUBLIQUE AU CAMEROUN
Sur le court terme, plusieurs mesures peuvent être
retenues par les populations afin de protéger efficacement les droits
des victimes des expropriations pour cause d'utilité publique au
Cameroun. Dans le cadre de ce travail, nous avons retenu celles objectivement
jugées les plus pertinentes. Ainsi, la population devra augmenter son
niveau intellectuel (A) afin de faciliter leur
compréhension des textes en général et de ceux
régissant les expropriations pour cause d'utilité publique de
façon particulière. Aussi, les populations devront s'arranger
à dénoncer les actes de corruption qui caractérisent les
expropriations pour cause d'utilité publique dans leurs
différentes localités (B).
A - L'amélioration du niveau intellectuel de la
population
Pour comprendre les dispositions des textes qui encadrent les
expropriations pour cause d'utilité publique au Cameroun, il faudrait
être investi d'un certain potentiel intellectuel. Les populations
autochtones pour la plupart, ne savent ni lire ni écrire, vu l'absence
d'établissements scolaires à leur époque.
Pour cette raison, les populations sont dans l'obligation de
profiter des facilités scolaires dont dispose le Cameroun aujourd'hui
afin d'améliorer leur niveau intellectuel. Les populations peuvent de ce
fait s'inscrire dans des institutions scolaires et assister à des cours
du soir, suivre des cours en ligne, faire des recherches en consultant des
bibliothèques et des plateformes numériques et participer
à des séminaires quelconques sur la culture.
Aussi, les populations devraient aussi consulter des experts
en affaires foncières afin d'avoir une idée beaucoup plus
précise sur les expropriations pour cause d'utilité publique au
Cameroun.
Avec cette croissance du niveau intellectuel de la population,
une appréhension des droits dévolus aux victimes des
expropriations pour cause d'utilité publique sera plus facile pour les
populations concernées.
Ces populations devraient aussi dénoncer les actes de
corruption en matière d'expropriation pour cause d'utilité
publique au Cameroun
90
B - La dénonciation des actes de corruption
dans les procédures d'expropriation pour cause d'utilité publique
au Cameroun
Le Code pénal camerounais distingue deux (02) types de
corruption : La corruption active et la corruption passive.
Le Code pénal réprime la corruption active de
cette manière ; « Est puni d'un emprisonnement de cinq (05)
à dix (10) ans et d'une amende de deux cent mille (200 000) à
deux millions (2 000 000) de francs, tout fonctionnaire ou agent public
national, étranger ou international qui, pour lui-même ou pour un
tiers, sollicite, agrée ou reçoit des offres, promesses, dons ou
présents pour faire, s'abstenir de faire ou ajourner un acte de sa
fonction. (2) La peine prévue à l'alinéa 1 ci-dessus est
un emprisonnement d'un (01) à cinq (05) ans et une amende de cent mille
(100 000) à un million (1 000 000) de francs si l'acte n'entre pas dans
les attributions de la personne corrompue, mais a été
facilité par sa fonction. (3) Est puni des peines prévues
à l'Alinéa 2 ci-dessus, tout agent public national ou
international qui sollicite ou accepte une rétribution en espèces
ou en nature pour lui-même ou pour un tiers, en
rémunération d'un acte déjà accompli ou une
abstention passée. (4) Les peines prévues aux alinéas 1, 2
et 3 ci-dessus sont doublées si le fonctionnaire ou l'agent public
incriminé est un Magistrat, un Officier de Police Judiciaire, un agent
d'une institution de lutte contre la corruption, un Chef d'Unité
administrative ou tout autre fonctionnaire ou agent public assermentés.
»203.
La corruption passive quant à elle est
réprimée de cette manière ; « Quiconque, pour
obtenir soit l'accomplissement, l'ajournement ou le refus d'accomplissement
d'un acte, soit des faveurs ou des avantages tels que prévus à
l'Article 134 ci-dessus, fait des promesses, offres, dons, présents ou
cède à des sollicitations tendant à la corruption, est
puni des peines prévues à l'Article 134 alinéa 1
ci-dessus, que la corruption ait ou non produit son effet. Est puni des peines
prévues à l'alinéa 2 de l'Article 134 ci-dessus, celui qui
fait des dons, présents ou cède aux sollicitations tendant
à rémunérer un acte déjà accompli ou une
abstention passée. »204
Alors, les autochtones qui constatent des activités qui
correspondent à l'une ou l'autre de ces dispositions lors des
procédures des expropriations pour cause d'utilité publique,
203 Article 134 du Code Pénal de 2016.
204 Article 134-1 Ibid.
91
doivent impérativement dénoncer ces
activités aux autorités compétentes. Il est inadmissible
que l'Etat camerounais mette en place des institutions pour lutter contre cette
néfaste activité clientéliste et ses citoyens ne les
exploitent pas en dénonçant les actes de cette nature.
A titre d'illustration il est créé au Cameroun
la Commission Nationale Anti-Corruption (CONAC), créée par
décret présidentiel le 11 mars 2006. Elle a pour mission
principale d'encadrer la lutte contre la Corruption. A ce titre, c'est à
cette Commission que tous les actes de corruption doivent être
dénoncés. Le numéro vert prévu à ce titre
est le 1517. Pour cela, les riverains doivent
impérativement composer ce numéro afin de dénoncer ces
actes. Cela sera dans l'intérêt des populations et victimes des
expropriations pour cause d'utilité publique au Cameroun qui ne seront
expropriées qu'à la limite de ce que demande l'Etat et
dûment indemnisées.
Avec ces dénonciations, les expropriations pour cause
d'utilité publique seront menées en toute
légitimité, ce qui préservera les droits des victimes en
la matière.
Malgré la prise en compte de ces mesures, il existe une
certaine crainte que l'objectif escompté ne dure que pour une
période relativement courte. C'est pour cette raison que des mesures
beaucoup plus durables doivent être prises par cette même
population.
PARAGRAPHE II : RÉFORMES STRUCTURELLES POUR UNE
PROTECTION OPTIMALE DES DROITS DES VICTIMES DES EXPROPRIATIONS POUR CAUSE
D'UTILITE PUBLIQUE AU CAMEROUN
Afin de pérenniser une protection optimale des droits
des victimes des expropriations pour cause d'utilité publique au
Cameroun, les populations devraient envisager des solutions aux
problèmes sus évoqués sur le long terme. D'abord, elles
devront supprimer les ventes anarchiques des biens immeubles
(A). Ensuite, les populations pourraient collaborer davantage
avec les autorités en charge des expropriations pour cause
d'utilité publique (B)
A - La Suppression des transactions terriennes
anarchiques
Il a été observé dans ce travail qu'afin
de bénéficier des indemnisations pour cause d'utilité
publique, les victimes doivent posséder des titres de
propriété conformes. Cela est de plus en plus difficile
aujourd'hui de retrouver des vendeurs de terrains honnêtes. On observe
qu'un même terrain est vendu à plusieurs personnes qui se
retrouvent tous avec des titres
92
fonciers différents. Il est difficile dans ce cas de
déterminer qui serait le réel propriétaire du terrain en
cause.
Pour cela, les populations doivent impérativement
cesser et ce, sur le long terme, les ventes anarchiques des terres. Si cela est
fait, les réelles victimes des expropriations pour cause
d'utilité publique pourront être cernées, ce qui facilitera
la procédure d'expropriation et d'indemnisation.
Aussi, les transactions qui doivent être totalement
abolies dans le cas d'espèce sont les transactions des titres
coutumiers. Un titre coutumier n'est en aucun cas assimilable à un titre
foncier. Pour cette raison, un propriétaire terrien qui juge
posséder une terre à titre coutumier est tenu de faire
immatriculer cette terre et de lancer une procédure d'obtention de titre
foncier, en conformité avec la législation en
vigueur205. Des lors, aucun désagrément ne sera
occasionné lors des procédures d'expropriation pour cause
d'utilité publique et les indemnisations qui sont dues à juste
titre.
La suppression des ventes anarchiques agira dans une longue
perspective de lutte pour la protection des droits des victimes des
expropriations pour cause d'utilité publique au Cameroun. Il en est de
même pour la collaboration des populations avec l'administration en
charge des expropriations de cette nature au Cameroun.
B - La collaboration des populations avec
l'administration en charge des expropriations pour cause d'utilité
publique au Cameroun
La population a tendance à croire que le fait de se
désolidariser de l'administration les protègera de potentiels
préjudices. Toutefois, on observe en matière des expropriations
pour cause d'utilité publique que c'est totalement dans leur
intérêt qu'elle est tenue de collaborer avec l'administration lors
de ces procédures.
Les textes prévoient à ce titre que «
L'enquête est menée dans toutes ses phases en présence des
propriétaires du fonds et des biens qu'il supporte, ainsi que les
notabilités du lieu et des populations, par l'ensemble de la commission,
sous réserve des règles et quorum fixés par l'article 7
ci-dessus. Toutefois la commission peut après avoir au préalable
arrêté elle-même la liste exhaustive des
propriétaires des biens à détruire, constituer une
sous-
205 Décret n° 76/165 du 27 avril 1976 fixant les
conditions d'obtention du titre foncier, complété par le
Décret n° 2005/481 du 16 décembre 2005 modifiant et
complétant certaines dispositions du décret n° 76/165 du 27
avril 1976 fixant les conditions d'obtention du titre foncier.
93
commission technique de 3 (trois) membres au moins
à l'effet d'expertiser une catégorie de ces biens.
Le travail de la sous-commission est exécuté
sous la responsabilité et le contrôle de la commission
entière qui en contresigne les documents. »206 Par
cette disposition, le législateur voudrait que les populations aident la
commission d'évaluation et de constat à déterminer la
portion exacte à exproprier et le montant dû aux victimes. L'on
constate alors que si une victime est insensible à cette collaboration,
des données erronées peuvent être récoltées.
Pourtant, si la victime collabore efficacement avec la commission, elle pourra
être indemnisée à juste titre et uniquement la portion de
terrain nécessaire à l'administration pourra être
objectivement délimitée.
De plus, il est aussi prévu que « Avant le
recours à l'expropriation pour cause d'utilité publique en faveur
des collectivités publiques locales, des établissements publics,
des concessionnaires de service public ou des sociétés d'Etat en
vue de la réalisation des travaux d'intérêt
général, ces derniers doivent procéder aux
négociations préalables avec des propriétaires ou
ayants-droits concernés. En cas de désaccords, les
résultats desdites négociations sont soumis à l'arbitrage
du Ministre chargé des Domaines. »207. Ainsi les
victimes des expropriations doivent obligatoirement participer à ces
négociations préalables afin de fixer l'administration sur quelle
base elle devra les indemniser.
Dès lors, la prise en compte de cette mesure et de
toutes celles qui la précèdent agira dans la mesure de faire de
la protection des droits des victimes des expropriations pour cause
d'utilité publique au Cameroun un idéal perceptible.
206 Article 11 du Décret n° 87/1872 du 16
décembre 1987 portant application de la loi n° 85/009 du 04 juillet
1985 relative à l'expropriation pour cause d'utilité publique et
aux modalités d'indemnisation.
207 Article 15 Ibid. op cit.
94
CONCLUSION DE LA DEUXIÈME PARTIE
Dans cette partie, il était question de
démontrer pourquoi la protection des droits des victimes des
expropriations pour cause d'utilité publique bat de l'aile au Cameroun
et de proposer des mesures pour remédier à cela. Dans le
troisième chapitre, il a été observé que cette
protection est tributaire de plusieurs lacunes dans la pratique notamment sur
le plan juridique et extra juridique. Dans le quatrième et dernier
chapitre de cette partie, nous avons observé que ces difficultés
ne sont pas incontournables, eu égard des mesures palliatives pouvant
être prises à ce sujet. Ces mesures comme il a été
établi doivent être envisagées à la fois par l'Etat
du Cameroun et les populations qui le caractérisent.
95
CONCLUSION GÉNÉRALE
In fine, dans ce travail, il était question de
déterminer s'il pouvait être dit sans risque de se tromper que la
protection des droits des victimes des expropriations pour cause
d'utilité publique est effective au Cameroun.
Dans une première partie, nous avons observé que
cette protection est effective de façon limitative à travers la
consécration juridique dont elle bénéficie. Cette
consécration comme il a été présenté passe
par des textes supra législatifs comme la Constitution et les
Conventions internationales et par des textes infra législatifs et
législatifs comme les lois parlementaires et les textes émanant
du pouvoir réglementaire originaire. Cette protection passe aussi par la
mise en oeuvre de divers mécanismes en la matière. Ces
mécanismes comme il a été vu sont d'ordre juridictionnel
avec l'intervention des juges administratifs, judiciaires, constitutionnels et
ceux des comptes, et d'ordre institutionnel avec le rôle joué par
le Ministre des Domaines, du Cadastre et des Affaires Foncières, et la
Commission d'Evaluation et de Constat.
Dans une deuxième partie, nous avons relevé la
perfectibilité de ces mécanismes de protection des droits des
victimes des expropriations pour cause d'utilité publique au Cameroun.
Tout d'abord, il était question dans cette partie de développer
sur les limites juridiques et sociologiques dont fait preuve cette protection
au Cameroun. Il nous a été donné de relever que sur le
plan juridique, le coût d'indemnisation des terres ne reflète pas
du tout leurs valeurs actuelles sur le marché foncier. Sur le plan
sociologique, nous avons pu présenter la recrudescence des actes de
corruption dans ces procédures d'expropriation ainsi que le taux
inquiétant d'analphabétisme de la population. Malgré ces
limites, nous avons développé qu'elles ne sont pas
irrémédiables parce que des mesures peuvent être
envisagées à la fois par l'Etat et les populations qui s'y
retrouvent. L'Etat peut par exemple sensibiliser la population sur les
implications du régime foncier et actualiser les fondements et
institutions relatives aux expropriations pour cause d'utilité publique
au Cameroun. La population pour sa part pourrait améliorer son niveau
intellectuel et combattre les ventes anarchiques des biens immeubles.
A ce stade, nous pouvons dire avec conviction que la
protection des droits des victimes des expropriations pour cause
d'utilité publique existe bel et bien au Cameroun mais peut être
beaucoup plus effective si certaines mesures sont prises pour remédier
aux pesanteurs dont elle fait face.
96
BIBLIOGRAPHIE
A - MANUELS, DICTIONNAIRES ET COURS
1- MANUELS
- Banque mondiale, Manuel opérationnel
de la Banque mondiale, Politiques Opérationnelles,
décembre 2001.
2- DICTIONNAIRES
- AKOUN André; ANSART Pierre,
Dictionnaire de sociologie, Paris, Seuil, 1999. - BEITONE Alain et al,
Dictionnaire de science économique, Paris, Armand Colin, 2010.
- BOUDON Raymond et al, Dictionnaire de la sociologie, Paris,
PUF, 1997.dictionnaire - LAROUSSE 2017, Paris, Editions
Larousse, 2016, 1620P
3- COURS
- EINSENMANN Charles, Cours de droit
administratif, les cours de droit, Paris : LGDJ 1969, 56P
B - OUVRAGES
- BEAUDOUX Étienne et al,
Cheminements d'une action de développement. De
l'identification à l'évaluation, Paris, l'Harmattan, 1992
- BECK Ulrich, La société du
risque. Sur la voie d'une Autre modernité, Paris, Flammarion,
2008.
- DE LAUBADAIRE André, Traité
de droit administratif, Paris, LGDJ, 1970.
- DURKHEIM Émile, Les formes
élémentaires de la vie religieuse. Le système
totémique Australie, Paris, PUF, S° édition, 1968.
- ELA J-M., Guide pédagogique de
formation à la recherche pour le développement en Afrique,
Paris, L'Harmattan, 2001.
- ELA J-M., Innovations sociales et
renaissance de l'Afrique noire. Les défis du monde « d'en bas
», Paris, l'Harmattan, 1998.
- ELLA ELLA Samuel-Béni, MENDOUGA Fidélie
et NKOU ABINA Pierre, Sociologie critique des indemnisations au
Cameroun, Cas de Lom Pangar, Mekin et Kribi, 5-7, rue de
l'Ecole-Polytechnique, 75005 Paris, l'Harmattan, 2021
- GRAWITZ Madeleine, Méthodes des
sciences sociales, Paris, Dalloz, 8° édition, 2004.
97
- KAMTO Maurice, Droit administratif
processuel du Cameroun, Yaoundé, Presses universitaires du
Cameroun, 1990.
- OWONA Joseph, Domanialité publique
et expropriation pour cause d'utilité publique au Cameroun, Paris,
L'Harmattan, 2012.
- OWONA Joseph, Droit administratif
spécial de la République dit Cameroun, Paris, Edicef,
1975.
- OWONA Joseph, Le Contentieux Administratif
de la République du Cameroun, Paris, l'Harmattan, 2011.
- OWONA Joseph, L'expropriation pour cause
d'utilité publique, in Encyclopédie juridique de l'Afrique
noire, tome cinquième : droit des biens, Les éditions africaines,
Abidjan/ Dakar/Lomé, p.290, 1982.
- TCHIENTCHEU NIAKO André, Droits
fonciers urbains au Cameroun, Yaoundé, PUA, 2003
C - THESES, MEMOIRES
- ABA'A OYONO Jean Calvin, La
compétence de la juridiction administrative en droit camerounais,
1994
- GANGOUAP Béatrice, Projet de
développement et problèmes des indemnisations
- MENDOUGA Fidelie, Enjeux et incidences des
indemnisations des populations riveraines des projets structurants au Cameroun.
Cas de Lom Pangar et de Mekin, 2017.
- NONO KAMGAING Pythagore, la protection des
droits de la personnalité par le juge Camerounais, 2009. Disponible
sur
www.memoireonline.com,
(Consulté le 05/07/2023) - NTSA TASSI Reine
Famille, La question des indemnisations et les revendications
populaires au Cameroun : le cas du complexe industrialo-portuaire de
Kribi, 2015.
- ORONA BIDI Thaddée Xavier, La prise
en compte des aspects socio-environnementaux dans l'implémentation de
projets structurants : cas du port en eau profonde de Kribi, 2017.
pour cause d'expropriation, 2001.
D - ARTICLES
- HEUZE Gérard, « les grands projets
d'aménagement et les déplacements de populations en inde. 88 dits
d'acteurs oubliés », in Revue tiers-monde, n°133,
janvier-mats, p.153-168, 1993.
98
- KOUAYEP Prosper, Expropriation pour
cause d'utilité publique et indemnisations, entre Loi et pratique au
Cameroun : le Projet LandCam échange avec les journalistes sur les
thématiques. Disponible sur
www.relufa.org (Consulté le
30/06/2023).
- NGA ABENA Louis, « Fortune publique :
56 personnes à la barre pour les indemnisations du port de Kribi »,
in Kalara, n° 232 du 8 janvier 2018, p.5, 2018
E- DOCUMENTS
1- TEXTES OFFICIELS
a-Textes Internationaux
- Charte africaine des droits de l'homme et
des peuples, 1981.
- Déclaration des droits de l'homme et
du citoyen, 1789.
- Déclaration des Nations Unies sur les droits des
peuples autochtones, 2007
- Déclaration universelle des droits de l'homme des
Nations unies, 1948.
b- Textes Nationaux
- Arrêté n° 416 du 25
octobre 1929 portant Rejet de la pétition des chefs et notables Douala
contre leur expropriation du lotissement de Bali.
- Arrêté n° 0082/MINUH du 20 novembre 1987
fixant les bases de calcul de la valeur vénale des constructions
frappées d'expropriation pour cause d'utilité publique.
- Arrêté n° 0245/MINEI du 5 mars 2008 fixant
Les modalités d'application du décret n° 2006/3023 du 16
décembre 2006 Fixant les modalités d'évaluation
Laministrative des immeubles en matière fiscale.
- Arrêté n° 00414 du 13 mars 2009 portant
Déclaration utilité publique de la zone couvrant le projet de Lom
Pangar.
- Code civil (camerounais), 1981.
- Décret français du 10 juillet 1922 portant
Règlement de la procédure d'expropriation pour cause
d'utilité publique.
- Décret n°76/165 du 27 avril 1976 fixant Les
conditions d'obtention du titre foncier, modifié et
complété par le décret n° 200/481 du 16
décembre 2005.
- Décret n° 87/1872 du 16 décembre 1987
portant Les modalités d'application de la loi n° 85/009 du 4
juillet 1985 relative à la procédure d'expropriation pour cause
d'utilité publique et aux modalités d'indemnisation.
- Décret n° 0001 du 22 mars 1994 portant Prix
minima de vente des terrains domaniaux.
99
- Décret n°84/199 du 7 octobre 1994 portant Statut
général de la fonction publique de l'État.
- Décret n° 2003/418 du 25 février 2003 fixant
Les tarifs des indemnités à allouer aux
propriétaires des cultures et arbres cultivés
victimes d'expropriation pour cause d'utilité
publique.
- Décret n° 2005/118 du 15 avril 2005 portant
Organisation du Ministère de l'Agriculture et
du Développement rural (MINADER).
- Décret n°2006/3023 du 26 décembre 2006
fixant Les modalités d'évaluation administrative
des immeubles en matière fiscale.
- Décret n° 2012/0034 du 24 janvier 2012 portant
Indemnisation des personnes victimes de
destruction des biens dans le cadre des travaux de construction
du barrage hydroélectrique de
Lom Pangar dans la région de l'Est..
- Décret n° 2012/390 du 18 septembre 2012 portant
Organisation du Ministère des Domaines,
du Cadastre et des Affaires foncières (MINDCAF).
- Décret n° 2016/1430 du 27 mai 2016 fixant Les
modalités d'organisation et de
fonctionnement de la commission consultative en matière
foncière et domaniale.
- Instruction n° 000005 du 29 décembre 2005 portant
Rappel des règles de base sur la mise en
oeuvre du régime de l'expropriation pour cause
d'utilité publique.
-Loi n° 80/22 du 14 juillet 1980 portant Répression
des atteintes à la propriété foncière et
domaniale.
- Loi n° 85/009 du 4 juillet 1985 relative à
L'expropriation pour cause d'utilité publique et aux
modalités d'indemnisations.
- Loi n° 96/06 du 18 janvier 1996 portant Révision de
la Constitution du 2 Juin 1972.
- Loi n° 2004/017 du 22 juillet 2004 portant Orientation de
la décentralisation.
- Loi n° 2008/003 du 14 avril 2008 régissant Les
dépôts et consignations.
- Loi n° 2016/007 du 12 juillet 2016 portant Code
pénal.
- Ordonnance n° 71-1 du 6 juillet 1974 fixant Le
régime foncier.
- Ordonnance n° 74-2 du 6 juillet 1974 fixant Le
régime domanial.
- Ordonnance n° 74-3 du 6 juillet 1974 relative à La
procédure d'expropriation pour cause
d'utilité publique et aux modalités
d'indemnisation.
2- RAPPORTS
-Étude d'impact économique et social du
port en eaux profondes de Kribi, Rapport final, septembre 2010.
100
- Global Forest Watch; SAILD, 2020,
Barrage hydroélectrique de Lom Pangar, coût
socio-environnemental de l'électricité, 2020.
- Plan d'action de réinstallation et
d'indemnisation, Rapport définitif du 22 décembre
2010.
- Rapport sur le processus des indemnisations et
réinstallations de la composante barrage du projet
hydroélectrique de Lom Pangar, décembre 2013.
3- AUTRES DOCUMENTS
- JAMATI Claude, La Corruption :
Problématique et solutions, WBI (Atelier régional sur la
réforme du secteur de l'eau et de l'assainissement en Afrique
francophone), 2008
- MBAMI Charles-Olivier, « Port de Kribi
- De nouvelles révélations sur les indemnisations », in La
Nouvelle Expression, n° 4684 du 12 mars 2018, p.3, 2008.
- MBASSI-BIKELE Yvette,
Indemnisations à problèmes de Kribi et Bankim - 14 personnes
à Kondengui, in Cameroon- Tribune, n° 11090/789 du 9 mai 2016,
p.24, 2016.
- MELONE Stanislas, La parenté et
la terre dans la stratégie de développement : l'expérience
camerounaise, étude critique, Paris, Klincksieck, 1972.
- NDOMBONG Hervé, Construction du
port de Kribi : 56 accusés attendent leur passage à la
guillotine, in Quotidien Émergence, n° 1757 du 2 septembre
2020, p.5, 2020.
101
LISTE DES ANNEXES
- Loi n° 85/009 du 04 juillet 1985 relative à
l'expropriation pour cause d'utilité publique et aux modalités
d'indemnisation.
- Décret n° 87/1872 du 16 décembre 1987
portant application de la loi n° 85/009 du 04 juillet 1985 relative
à l'expropriation pour cause d'utilité publique.
- Arrêté n°00332/Y.15.1/MINUH/D C00 Fixant
les bases de calcul de la valeur vénale des constructions
frappées d'exploitation pour cause d'utilité publique.
- Jugement n° 108/FD/2023 du 25 Mai 2023 portant
annulation du décret n° 2020/004/PM du 09 janvier 2020, portant
expropriation pour cause d'utilité publique et incorporation au domaine
privé de l'Etat.
- Décret N° 2003/418/PM du 25 février 2003
portant modification des tarifs des indemnités à verser au
propriétaire pour toute destruction d'arbres cultivés et cultures
vivrières.
ANNEXES
102
103
ANNEXE 1 :
LOI N° 85/009 DU 04 JUILLET 1985 RELATIVE A
L'EXPROPRIATION POUR CAUSE D'UTILITE PUBLIQUE ET AUX MODALITES
D'INDEMNISATION
L'Assemblée Nationale a
délibéré et adopté ;
Le Président de la République promulgue la
loi dont la teneur suit,
CHAPITRE PREMIER
DISPOSITIONS GENERALES
Article premier.
1- Pour la réalisation des objectifs
d'intérêt général, l'Etat peut recourir à la
procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique.
2- Cette procédure est engagée soit
directement, lorsqu'elle vise à réaliser des opérations
d'intérêt public, soit indirectement à la demande des
collectivités locales, des établissements publics, des
concessionnaires de service public ou des sociétés d'Etat.
Art. 2. L'expropriation pour cause
d'utilité publique affecte uniquement la propriété
privée telle qu'elle est reconnue par les lois et règlements.
Art. 3.
1- L'expropriation ouvre droit à l'indemnisation
pécuniaire ou en nature selon les conditions définies par la
présente loi.
2- L'indemnité due aux personnes évincées
est fixée par le décret d'expropriation.
Art. 4.
1- Le décret d'expropriation entraîne transfert
de propriété et permet de muter les titres existants au nom de
l'Etat ou de toute autre personne de droit public bénéficiaire de
cette mesure.
2- En principe, l'expropriation ouvre droit à une
indemnisation préalable.
3- Toutefois, dans certains cas, le
bénéficiaire de l'expropriation peut avant paiement effectif de
l'indemnité, occuper les lieux dès la publication du
décret d'expropriation.
4- Un préavis de six mois à compter de la date
de publication du décret d'expropriation, est donné aux victimes
pour libérer les lieux.
Ce délai est de trois mois en cas d'urgence
Art. 5. L'acte de déclaration
d'utilité publique est suspensif de toute transaction et de toute mise
en valeur sur les terrains concernés. Aucun permis de construire ne
peut, sous peine de nullité d'ordre public, être
délivré sur les lieux.
104
CHAPITRE II
DE L'INDEMNISATION.
Art. 6. Les indemnités dues pour
expropriation sont à la charge de la personne morale
bénéficiaire de cette mesure.
Art. 7.
1- L'indemnité porte sur le dommage matériel
direct immédiat et certain causé par l'éviction.
Elle couvre
- les terrains nus ; - les cultures ;
- les constructions ;
- toutes autres mises en valeurs, quelle qu'en soit la nature,
dûment constatées par une
commission de constat et d'évaluation
2- La composition et les modalités de fonctionnement
de la commission de constat et d'évaluation font objet d'un texte
réglementaire.
Art. 8.
1- L'indemnité est pécuniaire ; toutefois, en ce
qui concerne les terrains, la personne morale bénéficiaire de
l'expropriation peut substituer compensation de même nature et de
même valeur à l'indemnité pécuniaire.
2- En cas de compensation en nature, le terrain attribué
doit, autant que faire se peut, être situé dans la même
commune que le terrain frappé d'expropriation.
3- Si la valeur du terrain alloué en compensation est
supérieure à celle du terrain frappé d'expropriation, la
soulte est payée par le bénéficiaire de
l'indemnité. Si elle est inférieure, le
bénéficiaire de l'expropriation alloue une indemnité
pécuniaire correspondant à la soulte.
Art. 9. L'indemnisation des terrains nus et non
viabilisés est faite selon les modalités ci-après :
1- Lorsqu'il s'agit d'un terrain résultant d'une
détention coutumière ayant donné lieu à l'obtention
d'un titre foncier, l'indemnité ne peut dépasser le taux minimum
officiel des terrains domaniaux non viabilisée de la localité de
situation du titre foncier.
2- Lorsqu'il s'agit d'un terrain résultant d'une
transaction normale de droit commun ou d'une acquisition des terrains
domaniaux, l'indemnité due égale au prix d'achat, majoré
des divers d'acquisition.
Art. 10.
1- Les modalités de détermination de la valeur des
cultures détruites, sont fixées par décret.
2- La valeur des constructions et des autres mises en valeur,
est déterminée par la commission de constat et
d'évaluation.
3- Il n'est dû aucune indemnité pour destruction
des constructions vétustes ou menaçant ruines ou de celles
réalisées en infraction aux règles d'urbanisme ou aux
dispositions législatives ou règlementaires fixant le
régime foncier.
Art. 11. Les indemnités allouées
antérieurement à la date d'entrée en vigueur de la
présente loi ne peuvent donner lieu à aucune révision.
105
CHAPITRE III
DU CONTENTIEUX
Art. 12.
1- En cas de contestation sur le montant des
indemnités, l'exproprié adresse sa réclamation à
l'administration chargée des domaines.
2- S'il n'obtient pas satisfaction, il saisit un délai
d'un mois, à compter de la date de notification de la décision
contestée, le Tribunal judiciaire compétent du lieu de situation
de l'immeuble.
3- Conformément à la procédure et sous
réserve des voies de recours de droit communs, le tribunal confirme,
réduit ou augmente le montant de l'indemnité suivant les
modalités d'évaluation fixées dans la présente loi
et ses textes d'application.
CHAPITRE IV
DISPOSITIONS DIVERSES
Art. 13. Les tuteurs et représentants
légaux des incapables ou interdits expropriés, peuvent être
habilités par ordonnance du Président du Tribunal, à
accepter l'indemnité offerte par l'Administration. Art. 14.
Les actions en résolution, en revendication et toutes actions
réelles, ne peuvent arrêter l'expropriation ni en empêcher
les effets. L'action en réclamation est sur l'indemnité et le
droit en demeure affranchi.
Art. 15.
1- La procédure d'expropriation est fixée par voie
réglementaire.
2- Les procédures d'indemnisation non
définitivement réglées à la date d'entrée en
vigueur de la présente loi, seront poursuivies conformément
à l'ancienne législation jusqu'à leur aboutissement.
Art. 16. La présente loi abroge toutes
les dispositions antérieures contraires, notamment celles de
l'ordonnance n°74-3 du 3 juillet 1974, relatives à l'expropriation
pour cause d'utilité publique, sera enregistrée,
promulguée puis publiée au Journal officiel en français et
en anglais.
Yaoundé, le 28 juin 1985
Le Président de la République
Paul BIYA
106
ANNEXE 2 :
DECRET N° 87/1872 DU 16 DECEMBRE 1987 PORTANT
APPLICATION DE LA LOI N° 85/009 DU 04 JUILLET 1985 RELATIVE A
L'EXPROPRIATION POUR CAUSE D'UTILITE PUBLIQUE
LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE,
Vu la constitution ;
Vu l'ordonnance n°74/1 du 6 juillet 1974 fixant le
régime foncier ;
Vu la loi n° 85/9 du 4 juillet 1985 relative à
l'expropriation pour cause d'utilité publique et aux modalités
d'indemnisation.
DECRETE :
Article 1er.- Le présent décret fixe
les modalités d'application de la loi n°85/9 du 4 juillet 1985
susvisée, notamment en ce qui concerne la procédure
d'expropriation et celle d'indemnisation.
TITRE I :
DE LA PROCEDURE D'EXPROPRIATION
CHAPITRE I : DE L'EXPROPRIATION ENGAGEE A LA DEMANDE
DES SERVICE
PUBLICS :
SECTION I :
DU DECLENCHEMENT DE LA PROCEDURE :
Article 2.- Tout département ministériel
désireux d'entreprendre une opération d'utilité publique
saisit le Ministre chargé des Domaines d'un dossier préliminaire
en deux exemplaires comprenant :
- une demande assortie d'une note explicative indiquant l'objet
de l'opération.
- Une fiche dégageant les caractéristiques
principales des équipements à réaliser et précisant
notamment :
a) la superficie approximative du terrain sollicité
dûment justifiée ;
b) l'appréciation sommaire du coût du projet y
compris les frais d'indemnisation ;
c) la date approximative de démarrage des travaux ;
d) la disponibilité des crédits d'indemnisation
avec indication de l'imputation budgétaire ou de tous autres moyens
d'indemnisation.
Article 3.- (1) Dès réception du dossier, le
Ministre chargé des Domaines apprécie le bien fondé des
justifications du projet.
(2) Lorsqu'il juge le projet d'utilité publique, il prend
un arrêté déclarant d'utilité publique les travaux
projetés et définissant le niveau de compétence de la
Commission chargée de l'enquête d'expropriation dite commission de
constat et d'évaluation.
107
SECTION II :
DE LA COMMISSION DE CONSTAT ET D'EVALUATION
Article 4.- La Commission de constat et d'évaluation est
chargée au niveau national, provincial ou départemental sur
décision du Ministre de l'Urbanisme et de l'Habitat :
- de choisir et de faire borner les terrains concernés,
aux frais du bénéficiaire ;
- de constater les droits et d'évaluer les biens mis en
cause ;
- d'identifier leurs titulaires et propriétaires ;
- de faire porter les panneaux indiquant le
périmètre de l'opération, aux frais du
bénéficiaire.
Article 5.- La Commission de constat et d'évaluation
comprend :
(1) Au niveau départemental :
- le Préfet ou son représentant
(Président)
- le responsable du Service Départemental des Domaines
Secrétaire
- le responsable du Service Départemental du Cadastre
Membre
-//--//--//--//-
- le responsable du Service Local de l'Urbanisme et de
l'Habitat
- le responsable compétent des Mines et de l'Energie
- le responsable du Service Départemental de
l'Agriculture
- le responsable du Service Départemental des Routes
- le représentant du Service ou de l'organisme demandeur
-//-
- le ou les Député (s) concerné (s) -//-
- le ou les Magistrat (s) Municipal (aux) -//-
- la ou les Autorité (s) traditionnelle (s)
concernée (s)
|
-//-
|
|
(2) Au niveau Provincial :
- le Gouverneur et son représentant
- le responsable du Service Provincial des Domaines
- le ou les Préfet (s) concerné (s) ou leurs
représentants
- le responsable du Service Provincial du Cadastre
|
(Président) (Secrétaire) (Membres) -//-
|
- le responsable du Service Provincial de l'Urbanisme et de
l'Habitat
|
-//-
|
|
- le responsable du Service Provincial chargé des Mines
et de l'Energie
|
-//-
|
|
- le responsable du Service Provincial de l'Agriculture
|
|
-//-
|
- le responsable du Service Provincial des routes
|
|
-//-
|
- le représentant du Service ou de l'organisme
demandeur
|
|
-//-
|
- le ou les Député (s) concerné (s)
|
|
-//-
|
- le ou le Magistrat (s) Municipal (aux) concerné (s)
|
|
-//-
|
- la ou les Autorité (s) traditionnelle (s)
concernée (s)
|
|
-//-
|
|
(3) Au niveau National :
- le Ministre chargé des Domaines ou son
représentant (Président)
- le Directeur des Domaines ou son représentant
(Secrétaire)
- le ou les Préfet (s) concerné (s) (Membres)
-//-
- le Directeur du Cadastre ou son représentant
- un représentant du Ministre de l'Agriculture -//-
108
- un représentant du Ministre des Mines et de l'Energie
-//-
- le Directeur de l'Habitat ou son représentant -//-
- le représentant du Service ou de l'organisme demandeur
-//-
- le ou les Député (s) concerné (s) -//-
- la ou les Autorité (s) traditionnelle (s)
concernée (s) -//-
Article 6.- Ces Commissions sont nommées :
- au niveau départemental, par arrêté
préfectoral ;
- au niveau provincial, par arrêté du Gouverneur
;
- au niveau national, par arrêté du Ministre
chargé des Domaines.
Article 7.- (1)- La Commission se réunit en tant que de
besoin sur convocation de son Président.
(2) La convocation et l'ordre du jour doivent être
adressés à chaque membre au moins 15 jours avant la date de la
réunion.
(3) Le Quorum est de 2/3 des membres.
(4)- Les décisions sont à la majorité
simple des membres présents ;
(5)- En cas de partage de voix, celle du Président est
prépondérante.
Article 8.- Les fonctions de membre de la commission de constat,
et d'évaluation sont gratuites. Toutefois, il peut en cas de
disponibilités budgétaires être allouée aux
intéressés une indemnité de session fixée par
arrêté du Ministre chargé des Domaines.
Les frais de fonctionnement de cette commission sont inscrits
dans le budget du Ministre chargé des Domaines.
La fourniture et la pose des bornes et des panneaux sont à
la charge du service de l'organisme demandeur.
SECTION III : DE L'ENQUETE
Article 9.- Dès réception de l'arrêté
déclarant les travaux d'utilité publique, le Président de
la Commission de constat et d'évaluation le notifie au (x) Préfet
(s) et Magistrat (s) de la localité concernée.
Une fois saisi, le Préfet en assure la publicité
par voie d'affichage à la Préfecture, au Service
départemental des Domaines, à la Mairie, la
Sous-Préfecture, au Chef-lieu du district et à la Chefferie du
lieu de situation du terrain, ainsi que par tous les autres moyens jugés
nécessaires en raison de l'importance de l'opération.
Article 10.- En vue de leur participation à toutes les
phases de l'enquête, les populations concernées sont
informées au moins 30 (trente) jours à l'avance du jour et de
l'heure de l'enquête par convocations adressées aux Chefs et
notables et par les moyens indiqués à l'article
précédent.
Article 11.- L'enquête est menée dans toutes ses
phases en présence des propriétaires du fonds et des biens qu'il
supporte, ainsi que les notabilités du lieu et des populations, par
l'ensemble de la
109
commission, sous réserve des règles et quorum
fixés par l'article 7 ci-dessus. Toutefois la commission peut
après avoir au préalable arrêté elle-même la
liste exhaustive des propriétaires des biens à détruire,
constituer une sous-commission technique de 3 (trois) membres au moins à
l'effet d'expertiser une catégorie de ces biens.
Le travail de la sous-commission est exécuté sous
la responsabilité et le contrôle de la commission entière
qui en contresigne les documents.
Article 12.- A la fin de l'enquête, la commission de
constat et d'évaluation produit :
- un procès-verbal d'enquête relatant tous les
incidents éventuels ou observations des personnes évincées
signé de tous ses membres présents.
- un procès-verbal de bornage et le plan parcellaire du
terrain retenu, établis par le géomètre membre de la
commission.
- un état d'expertise des cultures signé de tous
les membres de la commission.
- un état d'expertise des constructions et de toute
autre mise en valeur signé de tous les membres de la commission
Pour la préparation du décret d'expropriation, le
Président de la commission de constat et d'évaluation transmet au
Ministre chargé des Domaines dès la fin des travaux
d'enquête le dossier comprend :
- l'arrête désignant nommément les membres de
la commission - les différentes pièces ci-dessus
énumérées
Article 13.- L'arrêté de déclaration
d'utilité publique devient caduque, si dans un délai de deux (2)
ans à compter de la date de sa notification au service ou organisme
bénéficiaire il n'est pas suivi d'expropriation effective.
Toutefois, sa validité peut être prorogée une
seule fois par arrêté du Ministre des Domaines pour une
durée n'excédant pas un (1) an.
Les arrêtés de déclaration d'utilité
publique en vigueur à la date de publication du présent
décret resteront en vigueur pendant une période de deux ans non
susceptible de prorogation.
Article 14.- Conformément aux dispositions de l'Article 5
de la Loi n°85/9 du 04 juillet 1985, l'arrêté de
déclaration d'utilité publique est suspensif de toute
transaction, de toute mise ne valeur, et toute délivrance de permis de
construire.
Toutefois, il ne fait pas obstacle à la poursuite des
procédures d'immatriculation du domaine national de première
catégorie au profit de leurs occupants ou de leurs exploitants.
110
CHAPITRE II :
DE L'EXPROPRIATION ENGAGEE A LA DEMANDE D'AUTRES
PERSONNES MORALES DE DROIT PUBLIC
Article 15.-Avant le recours à l'expropriation pour cause
d'utilité publique en faveur des collectivités publiques locales,
des établissements publics, des concessionnaires de service public ou
des sociétés d'Etat en vue de la réalisation des travaux
d'intérêts général, ces derniers doivent
procéder aux négociations préalables avec des
propriétaires ou ayants-droits concernés.
En cas de désaccords, les résultats desdites
négociations sont soumis à l'arbitrage du Ministre chargé
des Domaines.
En cas d'arbitrage infructueux, il est procédé
à l'expropriation aux frais du bénéficiaire dans les
conditions prévues ci-dessus.
Article 16.- Les personnes morales de droit public visées
à l'Article précédent doivent, en cas d'aboutissement des
négociations, se conformer aux règles d'acquisition de droit
commun.
TITRE II :
DE LA PROCEDURE D'INDEMNISATION
Article 17.- Outre le montant des indemnités
d'expropriation fixé conformément aux dispositions de l'Article 3
(2) de la loi n° 85/9 susvisée, le décret d'expropriation
désigne l'autorité chargée de prendre la décision
de mandatement des crédits correspondants.
Article 18.- Les indemnités d'expropriation sont
supportées par le budget du département ministériel ayant
sollicité l'expropriation.
En ce qui concerne l'Etat, elles sont supportées par le
budget du département ministériel ayant sollicité
l'expropriation.
Article 19.- En cas d'omission, les personnes
intéressées saisissent le Préfet, le Gouverneur ou le
Ministre chargé des Domaines, selon les règles de
compétence fixées à l'Article 6 ci-dessus, lequel soumet
la réclamation à l'examen de la commission de constat et
d'évaluation.
Article 20.- Le présent décret sera
enregistré, puis publié au Journal Officiel en français et
en anglais.
YAOUNDE, le 16 Décembre 1987
LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE
(é) Paul BIYA
111
ANNEXE 3 :
ARRÊTÉ N°00332/Y.15.1/MINUH/D C00
FIXANT LES BASES DE CALCUL DE LA VALEUR VÉNALE DES CONSTRUCTIONS
FRAPPÉES D'EXPLOITATION POUR CAUSE D'UTILITÉ PUBLIQUE
Le Ministre de l'urbanisme et de l'habitat,
Vu la construction ;
Vu la loi n°85/09 du 04 juillet 1985 relative à la
procédure d'exploitation pour cause d'utilité
publique et aux modalités d'indemnisation ;
Vu le décret n°86/1399 du 21 novembre 1986 portant
réorganisation du gouvernement ;
Vu le décret n°86/1404 du 21 novembre 1986 portant
modification de l'article 1er du
décret n°85/1173 du 24 août 1985 nommant les
membres du gouvernement ;
Vu le décret n°85/187 du 13 février 1985
portant réorganisation du Ministère de l'urbanisme
et de l'habitat ;
Vu les nécessités de service.
ARRETE
Article 1 :
Conformément aux dispositions de l'article 10 de la loi
n°85/09 du 04 juillet 1985 susvisée, la valeur des constructions en
vue du calcul des indemnités d'exploitation pour cause d'utilité
publique est déterminée par la commission de constat et
d'évaluation. Dans l'exercice des prérogatives ainsi
dévolues, les commissaires devront s'appuyer sur les règles
définies par le présent arrêté.
Article 2 :
La valeur des constructions visées à l'article 1 er
ci-dessus est calculée sur la base d'un taux forfaitaire au mètre
carré variant suivant leur qualité.
A cet effet, les constructions sont classées en 06
catégories conformément à l'annexe I du présent
arrêté.
Les taux de calcul sont fixés conformément à
l'annexe II
Article 3 :
Les valeurs fixées ci-dessus sont des valeurs à
neuf de constructions finies à la date connue ou présumée
de leur réalisation. Elles seront corrigées d'un taux de
vétusté calculé conformément aux règles de
l'art.
Les valeurs des constructions non finies sont
déterminées sur la base de celle des constructions finies de
catégories correspondantes affectées d'un taux de finition
calculé suivant les règles de l'art.
Article 4 :
Les états d'expertise dressés sur les bases
susvisées doivent ressortir : Les dimensions et la superficie de la
construction ;
Son âge et son taux de vétusté ;
Sa classification assortie d'une description sommaire de sa
qualité.
Article 5 :
Les états d'expertise sont dressés par l'expert en
construction, membre de la commission et signés de tous les membres de
ladite commission.
Article 6 :
Le présent arrête sera enregistré puis
publié au journal officiel en français et en anglais.
Yaoundé, le 20 novembre 1987 Ferdinand
Léopold OYONO
112
113
ANNEXE 4 :
JUGEMENT N° 108/FD/2023 DU 25 MAI 2023 PORTANT
ANNULATION DU DECRET N° 2020/004/PM DU 09 JANVIER 2020, PORTANT
EXPROPRIATION POUR CAUSE D'UTILITE PUBLIQUE ET INCORPORATION AU DOMAINE PRIVE
DE L'ETAT.
114
115
116
117
ANNEXE 5 :
DÉCRET N° 2003/418/PM DU 25 FÉVRIER
2003 PORTANT MODIFICATION DES TARIFS DES INDEMNITÉS À VERSER AU
PROPRIÉTAIRE POUR TOUTE DESTRUCTION D'ARBRES CULTIVÉS ET CULTURES
VIVRIÈRES
118
119
120
121
122
TABLE DES MATIERES
AVERTISSEMENT i
DEDICACE iii
REMERCIEMENTS iv
SIGLES ET ABBREVIATIONS v
RÉSUMÉ vi
ABSTRACT vii
SOMMAIRE viii
INTRODUCTION GÉNÉRALE 1
I - CONTEXTE DE L'ETUDE 2
II - DÉLIMITATION DE L'ÉTUDE
2
A - DÉLIMITATION SPATIALE 3
B - DÉLIMITATION TEMPORELLE 3
C - DÉLIMITATION MATÉRIELLE
3
III - DÉFINITION DES CONCEPTS 4
IV - INTÉRÊT DE L'ETUDE 8
A - INTÉRÊT SCIENTIFIQUE 8
V - REVUE DE LA LITTÉRATURE 9
VI - PROBLÉMATIQUE 12
VII - HYPOTHESE 13
VIII - CADRE MÉTHODOLOGIQUE DE L'ETUDE
13
A - LES MÉTHODES D'ANALYSE 13
B - LES TECHNIQUES DE RECHERCHES 14
IX - ARTICULATION ET JUSTIFICATION DU PLAN
15
PREMIÈRE PARTIE : LA PROTECTION PERCEPTIBLE DES
DROITS DES VICTIMES
DES EXPROPRIATIONS POUR CAUSE D'UTILITÉ
PUBLIQUE AU CAMEROUN 16
CHAPITRE I : LA CONSÉCRATION JURIDIQUE DE LA PROTECTION
DES DROITS DES
VICTIMES DES EXPROPRIATIONS POUR CAUSE D'UTILITÉ
PUBLIQUE AU CAMEROUN 18
123
SECTION I : LA CONSÉCRATION NORMATIVE DES DROITS
DES VICTIMES DES
EXPROPRIATIONS POUR CAUSE D'UTILITÉ PUBLIQUE AU CAMEROUN
18
PARAGRAPHE I : LES FONDEMENTS SUPRA-LEGISLATIFS DES DROITS DES
VICTIMES
DES EXPROPRIATIONS POUR CAUSE D'UTILITÉ PUBLIQUE AU
CAMEROUN 18
A - Les fondements constitutionnels des droits des victimes des
expropriations pour cause d'utilité
publique au Cameroun 19
B - Les fondements internationaux des droits des victimes des
expropriations pour cause d'utilité
publique au Cameroun 23
PARAGRAPHE II : LES AMÉNAGEMENTS LÉGISLATIFS ET
REGLEMENTAIRES DES DROITS DES VICTIMES DES EXPROPRIATIONS POUR CAUSE
D'UTILITÉ PUBLIQUE AU
CAMEROUN 28
A - L'aménagement législatif des droits des
victimes des expropriations pour cause d'utilité publique
au Cameroun 29
B - L'aménagement réglementaire des droits des
victimes des expropriations pour cause d'utilité
publique au Cameroun 34
SECTION II : LA CONSÉCRATION INSTITUTIONNELLE DES DROITS
DES VICTIMES DES
EXPROPRIATIONS POUR CAUSE D'UTILITÉ PUBLIQUE AU CAMEROUN
37
PARAGRAPHE I : LES INSTITUTIONS JURIDICTIONNELLES DE PROTECTION
DES DROITS DES VICTIMES DES EXPROPRIATIONS POUR CAUSE D'UTILITÉ PUBLIQUE
AU
CAMEROUN 38
A - Les juges de droit commun 38
B - Les juges d'exception 41
PARAGRAPHE II : LES INSTITUTIONS NON-JURIDICTIONNELLES DE
PROTECTION DES DROITS DES VICTIMES DES EXPROPRIATIONS POUR CAUSE
D'UTILITÉ PUBLIQUE AU
CAMEROUN 44
A - Les membres de l'administration active 44
B - Les acteurs indépendants 49
CHAPITRE II : L'OPÉRATIONNALISATION DE LA PROTECTION DES
DROITS DES VICTIMES DES EXPROPRIATIONS POUR CAUSE D'UTILITÉ PUBLIQUE AU
CAMEROUN 52
SECTION I : LE DYNAMISME DES INSTANCES JURIDICTIONNELLES DANS LA
MISE EN OEUVRE DE LA PROTECTION DES DROITS DES VICTIMES DES EXPROPRIATIONS
POUR
CAUSE D'UTILITÉ PUBLIQUE AU CAMEROUN
53
124
PARAGRAPHE I : L'IMPLICATION DU JUGE ADMINISTRATIF DANS LA MISE
EN OEUVRE DE LA PROTECTION DES DROITS DES VICTIMES DES EXPROPRIATIONS POUR
CAUSE
D'UTILITÉ PUBLIQUE AU CAMEROUN 53
A - L'annulation des actes liés aux expropriations pour
cause d'utilité publique au Cameroun par le
Juge Administratif 53
B - Le constat de l'illégalité des
procédures d'expropriation pour cause d'utilité publique par le
juge
administratif au Cameroun 55
PARAGRAPHE II : LA MISE EN OEUVRE DE LA PROTECTION DES DROITS DES
VICTIMES DES EXPROPRIATIONS POUR CAUSE D'UTILITÉ PUBLIQUE PAR LE JUGE
JUDICIAIRE AU
CAMEROUN 56
A - La réparation des victimes des expropriations pour
cause d'utilité publique par le juge judiciaire au
Cameroun 56
B - L'extinction du contentieux de l'expropriation pour cause
d'utilité publique par le juge judiciaire
au Cameroun 57
SECTION II : L'IMPLICATION DES INSTANCES NON-JURIDICTIONNELLES
DANS LA MISE EN OEUVRE DE LA PROTECTION DES DROITS DES VICTIMES DES
EXPROPRIATIONS
POUR CAUSE D'UTILITÉ PUBLIQUE AU CAMEROUN
58
PARAGRAPHE I : LA VIVACITÉ DE L'ADMINISTRATION PUBLIQUE
CAMEROUNAISE DANS LA MISE EN OEUVRE DE LA PROTECTION DES DROITS DES VICTIMES
DES
EXPROPRIATIONS POUR CAUSE D'UTILITÉ PUBLIQUE AU CAMEROUN
58
A - L'opérationnalisation de la protection des droits des
victimes des expropriations pour cause
d'utilité publique par le Ministère du
Développement Urbain et de l'Habitat au Cameroun 59
B - La Mise en oeuvre de la protection des droits des victimes
des expropriations pour cause d'utilité
publique par le Ministère du Cadastre, des Domaines et des
Affaires Foncières 60
PARAGRAPHE II : LES INITIATIVES DE LA COMMISSION
D'ÉVALUATION ET DE CONSTAT DANS LE CADRE DE LA PROTECTION DES DROITS DES
VICTIMES DES
EXPROPRIATIONS POUR CAUSE D'UTILITÉ PUBLIQUE AU CAMEROUN
60
A - La collaboration de la Commission d'Evaluation et de Constat
avec les victimes des
expropriations pour cause d'utilité publique
61
B - La célérité de la Commission
d'Evaluation et de Constat dans l'exercice de ses missions
62
CONCLUSION DE LA PREMIÈRE PARTIE 62
125
DEUXIÈME PARTIE : LA PROTECTION LACUNAIRE DES
DROITS DES VICTIMES DES
EXPROPRIATIONS POUR CAUSE D'UTILITÉ PUBLIQUE AU
CAMEROUN 64
CHAPITRE I : LES LACUNES GANGRÉNANT LA PROTECTION DES
DROITS DES VICTIMES DES EXPROPRIATIONS POUR CAUSE D'UTILITÉ PUBLIQUE AU
CAMEROUN 66
SECTION I : LES LIMITES JURIDIQUES FRAGILISANT LA PROTECTION DES
DROITS DES VICTIMES DES EXPROPRIATIONS POUR CAUSE D'UTILITÉ PUBLIQUE AU
CAMEROUN 66
PARAGRAPHE I : LES LIMITES TEXTUELLES RÉDUISANT
L'EFFECTIVITÉ DE LA PROTECTION DES DROITS DES VICTIMES DES
EXPROPRIATIONS POUR CAUSE
D'UTILITÉ PUBLIQUE AU CAMEROUN 66
A - L'obsolescence des mercuriales en matière
d'indemnisation 67
B - Le caractère expéditif des délais en
matière d'expropriation pour cause d'utilité publique au
Cameroun 69
PARAGRAPHE II : LES LIMITES JURIDICTIONNELLES RÉDUISANT
L'EFFECTIVITÉ DE LA PROTECTION DES DROITS DES VICTIMES DES
EXPROPRIATIONS POUR CAUSE
D'UTILITÉ PUBLIQUE AU CAMEROUN 71
A - La complexité du contentieux administratif au Cameroun
72
B - Le difficile accès à la justice au Cameroun
73
SECTION II : LES LIMITES SOCIOLOGIQUES GANGRENANT LA PROTECTION
DES DROITS DES VICTIMES DES EXPROPRIATIONS POUR CAUSE D'UTILITÉ PUBLIQUE
AU
CAMEROUN 74
PARAGRAPHE I : LES PESANTEURS SOCIOLOGIQUES IMPUTABLES A
L'ADMINISTRATION PUBLIQUE EXPROPRIATRICE AU CAMEROUN
75
A - La mauvaise gouvernance par l'administration publique
expropriatrice 75
B - Les caractéristiques néfastes du système
bureaucratique dans l'administration camerounaise 77
PARAGRAPHE II : LES PESANTEURS SOCIOLOGIQUES IMPUTABLES AUX
VICTIMES DES
EXPROPRIATIONS POUR CAUSE D'UTILITÉ PUBLIQUE AU CAMEROUN
79
A - L'analphabétisme des victimes des expropriations pour
cause d'utilité publique au Cameroun .... 79
B - La non-conformité des populations expropriées
à la règlementation domaniale au Cameroun 80
CHAPITRE II : LES MESURES PALLIATIVES POUR UNE PROTECTION
OPTIMALE DES DROITS DES VICTIMES DES EXPROPRIATIONS POUR CAUSE D'UTILITÉ
PUBLIQUE AU
CAMEROUN 82
126
SECTION I : L'APPORT DE L'ETAT CAMEROUNAIS AU RENFORCEMENT DE LA
PROTECTION DES DROITS DES VICTIMES DES EXPROPRIATIONS POUR CAUSE
D'UTILITÉ AU CAMEROUN 82
PARAGRAPHE I : LA SENSIBILISATION DE LA POPULATION SUR LES
IMPLICATIONS DU
RÉGIME FONCIER AU CAMEROUN 82
A - L'organisation de séminaires d'information sur
l'importance de se conformer à la législation
foncière au Cameroun 83
B - L'organisation d'ateliers de formation sur les
procédures à suivre en cas de contentieux de
l'expropriation pour cause d'utilité publique au Cameroun
84
PARAGRAPHE II : L'ACTUALISATION DES FONDEMENTS ET INSTITUTIONS
RELATIFS
AUX EXPROPRIATIONS POUR CAUSE D'UTILITÉ PUBLIQUE AU
CAMEROUN 86
A - La Mise à jour de la législation
régissant les expropriations pour cause d'utilité publique au
Cameroun 86
B - La réforme des institutions juridictionnelles en
matière d'expropriation pour cause d'utilité
publique au Cameroun 88
SECTION II : LA CONTRIBUTION DE LA POPULATION A LA REDUCTION DES
VIOLATIONS DES DROITS DES VICTIMES DES EXPROPRIATIONS POUR CAUSE
D'UTILITÉ PUBLIQUE AU CAMEROUN 88
PARAGRAPHE I : RÉFORMES CONJONCTURELLES POUR UNE
PROTECTION MAXIMALE DES DROITS DES VICTIMES DES EXPROPRIATIONS POUR CAUSE
D'UTILITÉ PUBLIQUE
AU CAMEROUN 89
A - L'amélioration du niveau intellectuel de la population
89
B - La dénonciation des actes de corruption dans les
procédures d'expropriation pour cause d'utilité
publique au Cameroun 90
PARAGRAPHE II : RÉFORMES STRUCTURELLES POUR UNE PROTECTION
OPTIMALE DES DROITS DES VICTIMES DES EXPROPRIATIONS POUR CAUSE D'UTILITE
PUBLIQUE
AU CAMEROUN 91
A - La Suppression des transactions terriennes anarchiques
91
B - La collaboration des populations avec l'administration en
charge des expropriations pour cause
d'utilité publique au Cameroun 92
CONCLUSION DE LA DEUXIÈME PARTIE 94
CONCLUSION GÉNÉRALE 95
127
BIBLIOGRAPHIE 96
LISTE DES ANNEXES 101
TABLE DES MATIERES 122
|