INTRODUCTION GENERALE
La filière des déchets d'équipements
électriques et électroniques (FD3E) est une filière
complexe du point de vue composite et analytique. Analyser cette
dernière revient à évoquer sa production et sa gestion
adéquate. La gestion des déchets de façon
générale, c'est l'action et l'effet de gérer les
déchets. Selon Florence Campan (2007), gestion des déchets :
« c'est veiller à leur enlèvement et à leur
traitement. C'est par conséquent, les accompagner pendant toute la
durée de leur vie. ». Pour parler effectivement de la gestion
des déchets, il est nécessaire de connaitre la nature du
déchet dans sa complexité ainsi que les facteurs favorisant la
production de ces déchets. Pour Bertolini (1990), le déchet est
définit « comme un produit dont la valeur d'usage et la valeur
d'échange sont nulles pour son détenteur ou son
propriétaire. Ce déficit en valeur économique tient du
fait que le déchet n'est pas un produit rare, contrairement à
l'air par exemple ». Bien que les déchets soient produits par
les ménages ruraux tout comme les ménages urbains, nous nous
intéressons aux déchets urbains plus précisément
aux déchets d'équipements électriques et
électroniques (D3E) dans le cadre de cette étude.
En effet, les êtres humains sont désormais une
espèce à majorité urbaine : pour la première fois
de l'histoire, plus de la moitié de la population mondiale (54 %, ou 3,9
milliards) vit dans des villes, des métropoles et des mégapoles.
D'ici à 2050, cette proportion pourrait atteindre les deux tiers
d'après Tom Burgess et al (2016). Dans les pays
développés, ce phénomène d'urbanisation s'est
étalée sur des dizaines ou centaines d'années, ce qui a
permis de mettre en place progressivement des institutions économiques,
sociales et politiques pour faire face aux problèmes de transformation
qui en découleront.
Dans les pays en voies de développement, ce processus
se déroule à un rythme sans précèdent et dans des
conditions plus préoccupantes : entre 1950 et 1975, la population
urbaine du tiers monde atteignait 400.000.000 de personnes, entre 1975 et 2012
l'augmentation dépasse le milliard. Les nouveaux citadins proviennent
pour moitié des accroissements naturels et pour moitié de l'exode
rural. En conséquence, le nombre de très grandes villes augmente
très rapidement dans les pays en voies de développement. En 1950,
une seule ville du tiers monde (Buenos Aires) comptait plus de 5.000.000
d'habitants alors que dans les pays développés cinq villes
avaient dépassées ce chiffre. En 2000, une quarantaine des villes
des pays du tiers monde ont atteint ou dépassé ce cap, contre
douze
2
seulement dans les pays industrialisés. Dix-huit villes
comptaient 10.000.000 d'habitants ou plus et l'une d'entre elles (Mexique)
environ le triple (Djeroh Noël, 2019). Toutefois, le processus
d'urbanisation diffère selon les pays en voies de
développement.
En Afrique subsaharienne, la plupart des villes ont encore des
dimensions modérées. L'urbanisation est un
phénomène relativement récent mais maintenant très
rapide à cause d'un accroissement naturel élevé de la
population et des migrations massives des campagnes vers les villes. Ce
phénomène d'urbanisation est lié à
l'industrialisation, à l'évolution du marché de l'emploi
et à des modifications rapides de la situation culturelle, politique et
sociale dans le monde entier. Avec le progrès technologique en
matière de transport et de communication, les populations du monde
entretiennent des relations et intensifient des échanges, des flux entre
les différentes parties du monde. Marshall Mcluhan en 1969 emploi
l'expression du village planétaire pour designer cet échange, ce
flux, cette interaction entre les populations de différentes parties du
monde. Il n'y aura selon lui désormais qu'une culture, comme si le monde
n'était qu'un seul et même village, une seule et même
communauté où les échanges ne poseront aucun
problème. Il y aura un libre-échange des êtres humains, des
biens et services etc. Ce phénomène de la forte urbanisation des
villes des pays du monde favorise une forte consommation des produits
électroniques tant dans les pays développés que dans les
pays en voies de développement (PED).
La population urbaine est de plus en plus grandissante et la
demande en équipement électrique et électronique est aussi
croissante. Á cet effet, les villes du Tchad ne sont pas en reste,
N'djaména la capitale administrative, politique et la plus grande ville
compte plus d'un million de population1. La forte consommation des
produits électroniques entraine une forte augmentation des
déchets d'équipements électriques et électroniques
au terme de leur durée de vie. Ces déchets électroniques
ont des impacts non négligeables sur la santé humaine et sur
l'environnement (pollution de l'eau, du sol de l'air etc.). La filière
des D3E et la problématique que pose sa gestion et son impact sur
l'environnement ainsi que sur la santé humaine dans nos villes
constituent actuellement un débat au sein de la communauté
scientifique. Certaines analyses concluent que les acteurs actifs pour la
gestion sont peu qualifiés sur le plan professionnel, alors que d'autres
s'inclinent vers le manque de législation et d'information de la
population sur les dangers des déchets d'équipements
électriques et électroniques. Dans le cadre du
développement durable, la problématique de la gestion des
1 Selon la statistique de INSED, la population de
N'djaména est estimée à 1 896 032 en 2021
3
déchets est le plus souvent source de souci pour les
gouvernants. Notre environnement est pollué du fait de l'action de
l'être humain (Kôkôh rose effebi, 2020). Plusieurs
études ont montré le fort impact des D3E non seulement sur
l'environnement mais aussi la santé humaine.
Cependant, même si les recherches qui tentent de
résorber le problème de la mauvaise gestion des D3E sont
nombreuses et les avancées significatives, l'accroissement des D3E
survenu dans un contexte de démographie galopante et de besoin accru des
équipements électriques et électroniques de la commune du
7éme Arrondissement de N'djaména a des
répercussions considérables sur la vie de la population. La
commune n'échappe pas à ce problème de mauvaise
organisation de la filière des DEEE qui sera abordée tout au long
de notre travail. Pour ce fait, dans un premier temps une étude sur
l'état des lieux des déchets d'équipements
électriques et électroniques (DEEE) sera abordée, ensuite
dans un deuxième temps nous mettrons en exergue les acteurs
impliqués dans la filière des D3E et leurs stratégies de
gestion de ces déchets et dans un troisième temps, nous
exposerons ses impacts sur l'environnement et la santé humaine. Et
enfin, des propositions ou suggestions pour une bonne prise en charge de la
filière des D3E bouclera cette recherche.
La présente étude a pour objectif de contribuer
à l'analyse de la filière des D3E, de la gestion de ces D3E ainsi
que leurs impacts sur l'environnement et la santé humaine. Ainsi, le
résultat attendu est de voir les institutions publiques et
privées ainsi que les ménages à gérer et traiter
les D3E de façon adéquat, de réduire conséquemment
leurs impacts sur l'environnement et la santé humaine.
Cette étude se veut être une contribution
à la recherche des solutions durables pour la gestion des déchets
d'équipements électriques et électroniques afin de pallier
aux problèmes que sa mauvaise gestion pourra engendrer sur
l'environnement ainsi que sur la santé de la population.
4
I- CONTEXTE ET JUSTIFICATION DE L'ÉTUDE
Le programme des nations unies pour l'environnement (PNUE)
estime qu'en 2005, 20 à 50 Million de tonnes (Mt) des déchets
d'équipements électriques et électroniques sont produits
dans le monde (PNUE, 2005). Et qu'en 2012, la quantité des D3E
générée par an sur la planète est estimée
entre 40 à 70 Mt, dont le taux de croissance de ces déchets est
estimé entre 3 à 5% dans les pays industrialisés et 200
à 400% dans les pays en voie de développement (Valentine moreau,
2012).
En 2019, 53,6 Million de tonnes de déchets
d'équipements électriques et électroniques ont
été produits dans le monde entier, soit en moyenne 7,3 kg par
habitant par an. La production mondiale de DEEE a augmenté de 9,2 Mt
depuis 2014 et devrait atteindre 74,7 Mt d'ici à 2030 (Vanessa forti et
al, 2020).
En Afrique, il manque des données statistiques sur la
quantité des D3E produit par an, tout de même, Vanessa forti et al
(2020) estiment qu'à l'échelle mondiale, l'Afrique aurait produit
2,9 Mt de la quantité des D3E soit 2,5 Kg par habitant,
Kôkôh rose effebi et al (2020) soutiennent que le diagnostic dans
certains pays montre une augmentation des D3E du fait des systèmes de
coopération et des donations en provenance des pays
développés.
L'Afrique subsaharienne a produit environ 174 Mt des D3E en
2016, le Cameroun a produit entre 60 et 80.000 tonnes
(Inspire-Africa-Africanews, 2021). Au Ghana, environ 170.000 tonnes des D3E
sont générées chaque année, 40.000 tonnes à
50.000 tonnes sont déversées sur près de 10 Km à
Agbobloshie2, dans la banlieue d'Accra (Laurent filippi, 2020). Tout
ceci n'est qu'une preuve que la quantité des D3E en Afrique est
grandissante.
Au Tchad, les technologies de l'information et de la
communication (TIC) ont connues une évolution sans
précédent depuis les années 2000 avec
l'amélioration des conditions d'accès à
l'électricité des ménages surtout dans les milieux
urbains3. Ces TIC sont constitués des
télécommunications, de l'informatique, de l'internet. Avec le
développement des moyens
2 Agbobloshie est une banlieue d'Accra, capitale du
Ghana est l'une des plus grandes décharges des D3E d'Afrique, elle est
encore dénommée cimetière des électroniques.
3 11% de la population urbaine a accès
à l'électricité contre 2% en milieu rural en 2019 au Tchad
selon le rapport sur le progrès énergétique
élaboré par la Banque Mondiale.
5
de liaisons (câbles, espace hertziens, fibre optique)
l'on assiste à une accélération évolutive des TIC
au Tchad favorisant ainsi une forte utilisation des équipements
électriques et électroniques. L'abonnement à la
téléphonie mobile est passé de 0,07% en l'an 2000 à
42,66% en 2017, Airtel avec 48,5% des parts de marché et Tigo qui est
l'actuel MoovAfrica avec 51,1% des parts de marché. L'utilisation de
l'internet est passée de 0,04% en l'an 2000 à 6,50% en 2017 et la
téléphonie fixe a connu une régression de 0,12% en l'an
2000 à 0,07% en 2017. L'outil informatique est devenu incontournable
dans la vie des tchadiens, dans l'administration, les universités, les
écoles de formation et les lycées etc. (Konodji guelngar roland,
2013). Les équipements électriques et électroniques sont
des outils de travail devenus incontournables dans presque tous les secteurs
d'activités. En effet, ces équipements électroniques sont
devenus des outils indispensables pour toutes les nations qui aspirent à
un développement harmonieux.
En fin de vie, ils deviennent des déchets
d'équipements électriques et électroniques (DEEE) ou
déchets électroniques. Leur volume est croissant du fait des
fréquences de renouvellement élevées, des modes
d'utilisation et de l'innovation technologique favorisant l'obsolescence
rapide. Mais la mauvaise gestion de ces déchets constitue un danger pour
l'homme et son environnement.
Les DEEE contiennent plusieurs additifs toxiques ou substances
dangereuses, comme du mercure, des retardateurs de flamme bromés (RFB),
des chlorofluorocarbures (CFC) ou des hydro-chlorofluorocarbures (HCFC). La
mauvaise gestion des DEEE joue en outre un rôle dans le
réchauffement climatique. Tout d'abord, si les matériaux contenus
dans les DEEE ne sont pas recyclés, ils ne peuvent être
utilisés à la place des matières premières et ainsi
réduire les émissions de gaz à effet de serre
causées par l'extraction et le raffinage des matières
premières. Ensuite, les réfrigérants contenus dans
certains équipements d'échange thermique sont des gaz à
effet de serre. Au total, 98 Mt d'équivalents des CO2 ont
été rejetées dans l'atmosphère par des
réfrigérateurs et des climatiseurs mis en rebut et non
traités de façon écologiquement rationnelle (Vanessa forti
et al, 2020). Le dernier rapport du groupe d'experts intergouvernemental sur
l'évolution du climat (GIEC) conclut que « l'essentiel de
l'accroissement constaté de la température moyenne de la
planète depuis le milieu du XXème Siècle est «
très vraisemblablement » dû à l'augmentation
observée des émissions d'activités humaines (forte
consommation des équipements électriques et électroniques
par exemple), de Gaz à effet de serre (GES) » et précise que
« la température moyenne à la surface de la terre
6
devrait, en l'absence de nouvelles mesures, augmenter de 1,4
à 5,8°C entre 1990 à 2100, et le niveau des mers devrait
s'élever de 9 à 88 cm pendant la même période. Si
rien n'est fait pour limiter ces changements, ils auront des
répercussions significatives sur l'écosystème et sur
l'économie. » (Melhyas kple, 2015).
Les villes des pays en développement en
général, et celles d'Afrique en particulier font partie des
villes où la problématique de la gestion de l'environnement est
pertinente. La collecte des ordures ménagères (OM) et leurs
traitements constituent l'une des plus grandes difficultés que
rencontrent les autorités urbaines. Les autorités communales du
7éme arrondissement sont aussi confrontées à ces
difficultés de bien gérer les déchets de leur
circonscription.
La commune du 7éme arrondissement est
créée suite à un étalement urbain sans
précédent de la ville de N'djamena. Cet étalement est
orienté vers l'Est de la capitale. C'est ainsi que le sociologue
camerounais Jean-marc ela écrivait en 1983 au sujet des villes d'Afrique
qu': « en Afrique, l'urbanisation précède l'urbanisme.
» (Nguelsou balgamma, 2018). Cette affirmation fait bon chemin avec la
situation du 7éme arrondissement de N'djamena qui n'a pas
été accompagnée par la mise en place des infrastructures,
des services de bases et une bonne politique adéquate de gestion des
déchets, qui la confronte à beaucoup de problèmes tels que
les problèmes de l'assainissement, de gestion des déchets
ménagers, des déchets d'équipements électriques et
électroniques (D3E) et les conditions d'hygiène
déplorables.
En effet, les quantités des DEEE continuent d'augmenter
alors que la part recyclée reste minime. Le volume croissant de ces
déchets d'équipements électriques et électroniques
s'explique par plusieurs facteurs. La société mondiale de
l'information évolue à une vitesse vertigineuse, le nombre des
utilisateurs ne cesse d'augmenter de même que les progrès
technologiques rapides qui stimulent l'innovation, l'efficacité et le
développement socio-économique. L'augmentation du volume des D3E,
le recours aux pratiques inadéquates et dangereuses que sont
l'incinération ou la mise en décharge pour les traiter et les
éliminer posent des défis majeurs aux pays du monde entier en
matière d'environnement et de santé humaine de même que
pour la réalisation des Objectifs du millénaire pour le
développement (OMD) .
7
S'ils ne sont pas traités de façon
adéquate, les déchets d'équipements électriques et
électroniques (les écrans, les gros équipements, les
petits équipements, les équipements d'échange thermiques
etc.) posent de sérieux problèmes pour la santé, car ils
contiennent des composantes dangereuses qui contaminent l'air, l'eau et les
sols et menacent la santé humaine. C'est dans cette optique que les pays
développent des politiques pour la bonne gestion des D3E afin de
minimiser leurs impacts sur l'environnement et la santé humaine. Ces
politiques sont traduites dans des documents de références et
constituent des objectifs à atteindre. Sur le plan mondial, nous pouvons
dire que ce travail s'inscrit dans les objectifs du millénaire pour le
développement (OMD) dans son septième objectif qui est d'assurer
un environnement durable.
Le Tchad, ayant épousé les objectifs du
millénaire pour le développement concrétise ces objectifs
dans sa vision de développement à l'horizon 2030
dénommée « le Tchad que nous voulons ». Cette vision
vise à créer des conditions d'un développement durable en
lien avec l'amélioration de la qualité de vie de la population
tout en assurant la protection de l'environnement et la préservation des
ressources naturelles.
8
|