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Analyse de la filière des déchets d'équipements électriques et électroniques (D3E) dans la commune du 7e arrondissement (Ndjaména-Tchad


par Laouna Ouang-yang
Université de Dschang - Master recherche  2022
  

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INTRODUCTION GENERALE

La filière des déchets d'équipements électriques et électroniques (FD3E) est une filière complexe du point de vue composite et analytique. Analyser cette dernière revient à évoquer sa production et sa gestion adéquate. La gestion des déchets de façon générale, c'est l'action et l'effet de gérer les déchets. Selon Florence Campan (2007), gestion des déchets : « c'est veiller à leur enlèvement et à leur traitement. C'est par conséquent, les accompagner pendant toute la durée de leur vie. ». Pour parler effectivement de la gestion des déchets, il est nécessaire de connaitre la nature du déchet dans sa complexité ainsi que les facteurs favorisant la production de ces déchets. Pour Bertolini (1990), le déchet est définit « comme un produit dont la valeur d'usage et la valeur d'échange sont nulles pour son détenteur ou son propriétaire. Ce déficit en valeur économique tient du fait que le déchet n'est pas un produit rare, contrairement à l'air par exemple ». Bien que les déchets soient produits par les ménages ruraux tout comme les ménages urbains, nous nous intéressons aux déchets urbains plus précisément aux déchets d'équipements électriques et électroniques (D3E) dans le cadre de cette étude.

En effet, les êtres humains sont désormais une espèce à majorité urbaine : pour la première fois de l'histoire, plus de la moitié de la population mondiale (54 %, ou 3,9 milliards) vit dans des villes, des métropoles et des mégapoles. D'ici à 2050, cette proportion pourrait atteindre les deux tiers d'après Tom Burgess et al (2016). Dans les pays développés, ce phénomène d'urbanisation s'est étalée sur des dizaines ou centaines d'années, ce qui a permis de mettre en place progressivement des institutions économiques, sociales et politiques pour faire face aux problèmes de transformation qui en découleront.

Dans les pays en voies de développement, ce processus se déroule à un rythme sans précèdent et dans des conditions plus préoccupantes : entre 1950 et 1975, la population urbaine du tiers monde atteignait 400.000.000 de personnes, entre 1975 et 2012 l'augmentation dépasse le milliard. Les nouveaux citadins proviennent pour moitié des accroissements naturels et pour moitié de l'exode rural. En conséquence, le nombre de très grandes villes augmente très rapidement dans les pays en voies de développement. En 1950, une seule ville du tiers monde (Buenos Aires) comptait plus de 5.000.000 d'habitants alors que dans les pays développés cinq villes avaient dépassées ce chiffre. En 2000, une quarantaine des villes des pays du tiers monde ont atteint ou dépassé ce cap, contre douze

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seulement dans les pays industrialisés. Dix-huit villes comptaient 10.000.000 d'habitants ou plus et l'une d'entre elles (Mexique) environ le triple (Djeroh Noël, 2019). Toutefois, le processus d'urbanisation diffère selon les pays en voies de développement.

En Afrique subsaharienne, la plupart des villes ont encore des dimensions modérées. L'urbanisation est un phénomène relativement récent mais maintenant très rapide à cause d'un accroissement naturel élevé de la population et des migrations massives des campagnes vers les villes. Ce phénomène d'urbanisation est lié à l'industrialisation, à l'évolution du marché de l'emploi et à des modifications rapides de la situation culturelle, politique et sociale dans le monde entier. Avec le progrès technologique en matière de transport et de communication, les populations du monde entretiennent des relations et intensifient des échanges, des flux entre les différentes parties du monde. Marshall Mcluhan en 1969 emploi l'expression du village planétaire pour designer cet échange, ce flux, cette interaction entre les populations de différentes parties du monde. Il n'y aura selon lui désormais qu'une culture, comme si le monde n'était qu'un seul et même village, une seule et même communauté où les échanges ne poseront aucun problème. Il y aura un libre-échange des êtres humains, des biens et services etc. Ce phénomène de la forte urbanisation des villes des pays du monde favorise une forte consommation des produits électroniques tant dans les pays développés que dans les pays en voies de développement (PED).

La population urbaine est de plus en plus grandissante et la demande en équipement électrique et électronique est aussi croissante. Á cet effet, les villes du Tchad ne sont pas en reste, N'djaména la capitale administrative, politique et la plus grande ville compte plus d'un million de population1. La forte consommation des produits électroniques entraine une forte augmentation des déchets d'équipements électriques et électroniques au terme de leur durée de vie. Ces déchets électroniques ont des impacts non négligeables sur la santé humaine et sur l'environnement (pollution de l'eau, du sol de l'air etc.). La filière des D3E et la problématique que pose sa gestion et son impact sur l'environnement ainsi que sur la santé humaine dans nos villes constituent actuellement un débat au sein de la communauté scientifique. Certaines analyses concluent que les acteurs actifs pour la gestion sont peu qualifiés sur le plan professionnel, alors que d'autres s'inclinent vers le manque de législation et d'information de la population sur les dangers des déchets d'équipements électriques et électroniques. Dans le cadre du développement durable, la problématique de la gestion des

1 Selon la statistique de INSED, la population de N'djaména est estimée à 1 896 032 en 2021

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déchets est le plus souvent source de souci pour les gouvernants. Notre environnement est pollué du fait de l'action de l'être humain (Kôkôh rose effebi, 2020). Plusieurs études ont montré le fort impact des D3E non seulement sur l'environnement mais aussi la santé humaine.

Cependant, même si les recherches qui tentent de résorber le problème de la mauvaise gestion des D3E sont nombreuses et les avancées significatives, l'accroissement des D3E survenu dans un contexte de démographie galopante et de besoin accru des équipements électriques et électroniques de la commune du 7éme Arrondissement de N'djaména a des répercussions considérables sur la vie de la population. La commune n'échappe pas à ce problème de mauvaise organisation de la filière des DEEE qui sera abordée tout au long de notre travail. Pour ce fait, dans un premier temps une étude sur l'état des lieux des déchets d'équipements électriques et électroniques (DEEE) sera abordée, ensuite dans un deuxième temps nous mettrons en exergue les acteurs impliqués dans la filière des D3E et leurs stratégies de gestion de ces déchets et dans un troisième temps, nous exposerons ses impacts sur l'environnement et la santé humaine. Et enfin, des propositions ou suggestions pour une bonne prise en charge de la filière des D3E bouclera cette recherche.

La présente étude a pour objectif de contribuer à l'analyse de la filière des D3E, de la gestion de ces D3E ainsi que leurs impacts sur l'environnement et la santé humaine. Ainsi, le résultat attendu est de voir les institutions publiques et privées ainsi que les ménages à gérer et traiter les D3E de façon adéquat, de réduire conséquemment leurs impacts sur l'environnement et la santé humaine.

Cette étude se veut être une contribution à la recherche des solutions durables pour la gestion des déchets d'équipements électriques et électroniques afin de pallier aux problèmes que sa mauvaise gestion pourra engendrer sur l'environnement ainsi que sur la santé de la population.

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I- CONTEXTE ET JUSTIFICATION DE L'ÉTUDE

Le programme des nations unies pour l'environnement (PNUE) estime qu'en 2005, 20 à 50 Million de tonnes (Mt) des déchets d'équipements électriques et électroniques sont produits dans le monde (PNUE, 2005). Et qu'en 2012, la quantité des D3E générée par an sur la planète est estimée entre 40 à 70 Mt, dont le taux de croissance de ces déchets est estimé entre 3 à 5% dans les pays industrialisés et 200 à 400% dans les pays en voie de développement (Valentine moreau, 2012).

En 2019, 53,6 Million de tonnes de déchets d'équipements électriques et électroniques ont été produits dans le monde entier, soit en moyenne 7,3 kg par habitant par an. La production mondiale de DEEE a augmenté de 9,2 Mt depuis 2014 et devrait atteindre 74,7 Mt d'ici à 2030 (Vanessa forti et al, 2020).

En Afrique, il manque des données statistiques sur la quantité des D3E produit par an, tout de même, Vanessa forti et al (2020) estiment qu'à l'échelle mondiale, l'Afrique aurait produit 2,9 Mt de la quantité des D3E soit 2,5 Kg par habitant, Kôkôh rose effebi et al (2020) soutiennent que le diagnostic dans certains pays montre une augmentation des D3E du fait des systèmes de coopération et des donations en provenance des pays développés.

L'Afrique subsaharienne a produit environ 174 Mt des D3E en 2016, le Cameroun a produit entre 60 et 80.000 tonnes (Inspire-Africa-Africanews, 2021). Au Ghana, environ 170.000 tonnes des D3E sont générées chaque année, 40.000 tonnes à 50.000 tonnes sont déversées sur près de 10 Km à Agbobloshie2, dans la banlieue d'Accra (Laurent filippi, 2020). Tout ceci n'est qu'une preuve que la quantité des D3E en Afrique est grandissante.

Au Tchad, les technologies de l'information et de la communication (TIC) ont connues une évolution sans précédent depuis les années 2000 avec l'amélioration des conditions d'accès à l'électricité des ménages surtout dans les milieux urbains3. Ces TIC sont constitués des télécommunications, de l'informatique, de l'internet. Avec le développement des moyens

2 Agbobloshie est une banlieue d'Accra, capitale du Ghana est l'une des plus grandes décharges des D3E d'Afrique, elle est encore dénommée cimetière des électroniques.

3 11% de la population urbaine a accès à l'électricité contre 2% en milieu rural en 2019 au Tchad selon le rapport sur le progrès énergétique élaboré par la Banque Mondiale.

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de liaisons (câbles, espace hertziens, fibre optique) l'on assiste à une accélération évolutive des TIC au Tchad favorisant ainsi une forte utilisation des équipements électriques et électroniques. L'abonnement à la téléphonie mobile est passé de 0,07% en l'an 2000 à 42,66% en 2017, Airtel avec 48,5% des parts de marché et Tigo qui est l'actuel MoovAfrica avec 51,1% des parts de marché. L'utilisation de l'internet est passée de 0,04% en l'an 2000 à 6,50% en 2017 et la téléphonie fixe a connu une régression de 0,12% en l'an 2000 à 0,07% en 2017. L'outil informatique est devenu incontournable dans la vie des tchadiens, dans l'administration, les universités, les écoles de formation et les lycées etc. (Konodji guelngar roland, 2013). Les équipements électriques et électroniques sont des outils de travail devenus incontournables dans presque tous les secteurs d'activités. En effet, ces équipements électroniques sont devenus des outils indispensables pour toutes les nations qui aspirent à un développement harmonieux.

En fin de vie, ils deviennent des déchets d'équipements électriques et électroniques (DEEE) ou déchets électroniques. Leur volume est croissant du fait des fréquences de renouvellement élevées, des modes d'utilisation et de l'innovation technologique favorisant l'obsolescence rapide. Mais la mauvaise gestion de ces déchets constitue un danger pour l'homme et son environnement.

Les DEEE contiennent plusieurs additifs toxiques ou substances dangereuses, comme du mercure, des retardateurs de flamme bromés (RFB), des chlorofluorocarbures (CFC) ou des hydro-chlorofluorocarbures (HCFC). La mauvaise gestion des DEEE joue en outre un rôle dans le réchauffement climatique. Tout d'abord, si les matériaux contenus dans les DEEE ne sont pas recyclés, ils ne peuvent être utilisés à la place des matières premières et ainsi réduire les émissions de gaz à effet de serre causées par l'extraction et le raffinage des matières premières. Ensuite, les réfrigérants contenus dans certains équipements d'échange thermique sont des gaz à effet de serre. Au total, 98 Mt d'équivalents des CO2 ont été rejetées dans l'atmosphère par des réfrigérateurs et des climatiseurs mis en rebut et non traités de façon écologiquement rationnelle (Vanessa forti et al, 2020). Le dernier rapport du groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) conclut que « l'essentiel de l'accroissement constaté de la température moyenne de la planète depuis le milieu du XXème Siècle est « très vraisemblablement » dû à l'augmentation observée des émissions d'activités humaines (forte consommation des équipements électriques et électroniques par exemple), de Gaz à effet de serre (GES) » et précise que « la température moyenne à la surface de la terre

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devrait, en l'absence de nouvelles mesures, augmenter de 1,4 à 5,8°C entre 1990 à 2100, et le niveau des mers devrait s'élever de 9 à 88 cm pendant la même période. Si rien n'est fait pour limiter ces changements, ils auront des répercussions significatives sur l'écosystème et sur l'économie. » (Melhyas kple, 2015).

Les villes des pays en développement en général, et celles d'Afrique en particulier font partie des villes où la problématique de la gestion de l'environnement est pertinente. La collecte des ordures ménagères (OM) et leurs traitements constituent l'une des plus grandes difficultés que rencontrent les autorités urbaines. Les autorités communales du 7éme arrondissement sont aussi confrontées à ces difficultés de bien gérer les déchets de leur circonscription.

La commune du 7éme arrondissement est créée suite à un étalement urbain sans précédent de la ville de N'djamena. Cet étalement est orienté vers l'Est de la capitale. C'est ainsi que le sociologue camerounais Jean-marc ela écrivait en 1983 au sujet des villes d'Afrique qu': « en Afrique, l'urbanisation précède l'urbanisme. » (Nguelsou balgamma, 2018). Cette affirmation fait bon chemin avec la situation du 7éme arrondissement de N'djamena qui n'a pas été accompagnée par la mise en place des infrastructures, des services de bases et une bonne politique adéquate de gestion des déchets, qui la confronte à beaucoup de problèmes tels que les problèmes de l'assainissement, de gestion des déchets ménagers, des déchets d'équipements électriques et électroniques (D3E) et les conditions d'hygiène déplorables.

En effet, les quantités des DEEE continuent d'augmenter alors que la part recyclée reste minime. Le volume croissant de ces déchets d'équipements électriques et électroniques s'explique par plusieurs facteurs. La société mondiale de l'information évolue à une vitesse vertigineuse, le nombre des utilisateurs ne cesse d'augmenter de même que les progrès technologiques rapides qui stimulent l'innovation, l'efficacité et le développement socio-économique. L'augmentation du volume des D3E, le recours aux pratiques inadéquates et dangereuses que sont l'incinération ou la mise en décharge pour les traiter et les éliminer posent des défis majeurs aux pays du monde entier en matière d'environnement et de santé humaine de même que pour la réalisation des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) .

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S'ils ne sont pas traités de façon adéquate, les déchets d'équipements électriques et électroniques (les écrans, les gros équipements, les petits équipements, les équipements d'échange thermiques etc.) posent de sérieux problèmes pour la santé, car ils contiennent des composantes dangereuses qui contaminent l'air, l'eau et les sols et menacent la santé humaine. C'est dans cette optique que les pays développent des politiques pour la bonne gestion des D3E afin de minimiser leurs impacts sur l'environnement et la santé humaine. Ces politiques sont traduites dans des documents de références et constituent des objectifs à atteindre. Sur le plan mondial, nous pouvons dire que ce travail s'inscrit dans les objectifs du millénaire pour le développement (OMD) dans son septième objectif qui est d'assurer un environnement durable.

Le Tchad, ayant épousé les objectifs du millénaire pour le développement concrétise ces objectifs dans sa vision de développement à l'horizon 2030 dénommée « le Tchad que nous voulons ». Cette vision vise à créer des conditions d'un développement durable en lien avec l'amélioration de la qualité de vie de la population tout en assurant la protection de l'environnement et la préservation des ressources naturelles.

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"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand