Nouveaux modes de travail et
transformations du processus
d'intégration des nouvelles recrues
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Conservatoire National des Arts et Métiers
Années universitaires 2021-2023
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Mémoire pour l'obtention du Master 2 en Sciences de
Gestion Ressources Humaines et Transformations
Numériques Présenté et soutenu publiquement le
20/06/2023 par Laurianne GITEAU
Sous la direction de :
Olfa GRESELLE-ZAÏBET (Directrice de
recherche)
Maîtresse de conférences en Sciences de Gestion -
Conservatoire National des Arts et Métiers
Membres Jury CNAM :
Cécile DEJOUX (Présidente)
Professeure des universités en Sciences de Gestion -
Conservatoire National des Arts et Métiers
Patrick STORHAYE Praticien RH
En quoi les nouveaux modes de travail ont
transformé le processus d'intégration des nouvelles recrues ?
Résumé : La crise
sanitaire que nous avons connu ces trois dernières années a
été le catalyseur de nombreux changements et a servi
d'accélérateur en ce qui concerne le développement du
travail à distance. Ce changement radical vers un environnement du
travail de plus en plus digitalisé, constitue un challenge important
pour les équipes RH avec le besoin de faire évoluer les processus
afin de répondre aux nouvelles attentes des collaborateurs et aux
nouveaux enjeux liés à un environnement de travail
dématérialisé.
L'objectif de notre recherche est d'évaluer plus
précisément la façon dont les processus
d'intégration ont été impactés par le
développement de ces nouveaux modes de travail. Notre
problématique est par conséquent la suivante : En quoi les
nouveaux modes de travail ont transformé le processus
d'intégration des nouvelles recrues ?
Pour répondre à notre problématique nous
avons conduit une recherche théorique avec une revue de la
littérature sur les thèmes de l'intégration et des
nouveaux modes de travail. Nous avons également conduit une recherche
qualitative auprès de professionnels RH mais aussi de collaborateurs
récemment intégrés. Ce mémoire confronte nos
données théoriques et empiriques afin de mettre en
évidence des besoins et tendances que les professionnels RH devront ne
pas négliger s'ils veulent pouvoir relever le défi d'une
intégration réussie à l'ère des nouveaux modes de
travail et du numérique.
Mots clés : Intégration,
Socialisation, Orientation, Digitalisation, Télétravail, Travail
hybride, Travail à distance
Abstract : The sanitary crisis that we
went through in the last three years, was the catalyst of a number of changes
that accelerated the expansion of the remote work phenomena. This radical
change in a work environment that is more and more digitalized, is an important
challenge for HR teams. Processes need to evolve to reflect new needs and
challenges employees and employers now face due to the virtual work
environment.
The purpose of this research is to evaluate how the new ways
of working impact the integration process. Our research problem is therefore as
follows: In what ways did the new working trends change the integration process
for new employees ?
To answer this question, we conducted theoretical research
with a literature review based on the key concepts of the integration and the
new working trends. We also conducted a qualitative research where we collected
and analyzed data provided by interviews from HR professionals, as well as new
employees recently integrated. This research compares and confronts theoretical
and empirical data in order to put forward needs and trends that HR
professionals should not neglect if they want to take up the challenge of a
successful integration in a new working trend and digital era.
Key words : Onboarding, Socialization,
Induction day, Digitalization, Telework, Hybrid work, Remote work
Remerciements
Nous tenons à remercier les personnes qui ont rendu ce
mémoire possible. Tout d'abord un grand merci à nos amies
grâce à qui, au cours d'une discussion, l'idée nous est
venue de reprendre nos études. Ce beau challenge aurait
été difficilement atteignable sans le soutien et l'aide
précieuse de notre famille (merci papa pour les relectures) et de nos
amis au cours de ces derniers 21 mois.
Nous tenons particulièrement à remercier nos
camarades de promotion qui ont rendu cette aventure encore plus enrichissante,
voire même agréable. Nous n'oublierons pas nos soirées et
samedis passés ensemble à réviser, étudier et
souvent bien rigoler.
Nous tenons également à remercier
l'équipe du CNAM et nos professeurs pour la qualité de leurs
enseignements et leur écoute. Un merci tout particulier et très
chaleureux à Olfa GRESELLE-ZAÏBET notre directrice de recherche
pour sa bienveillance son soutien et sa disponibilité au cours de ces
derniers mois. Ses conseils précieux n'ont rendu ce mémoire que
meilleur.
Enfin, un énorme merci à Kris pour son soutien
au quotidien et ses encouragements pendant ces nombreux mois à concilier
travail et études.
1
Table des matières
Table des matières 1
INTRODUCTION 2
PARTIE 1 - REVUE DE LA LITTERATURE 4
1.1. L'INTEGRATION : UN PROCESSUS RH EN EVOLUTION
4
1.1.1. Un nouvel enjeu stratégique
4
1.1.2. L'intégration comme levier de
socialisation 10
1.1.3. Le sens comme levier clé 16
1.2. LES NOUVEAUX MODES DE TRAVAIL AU COEUR DE
L'ACTUALITE 20
1.2.1. Le télétravail : fondements et
évolutions 20
1.2.2. Le télétravail comme nouvel enjeu
RH 29
1.2.3. Le télétravail : Quelles
adaptations depuis la crise sanitaire ? 37
1.3. VERS LA DIGITALISATION DU PROCESSUS D'INTEGRATION
42
PARTIE 2 - METHODOLOGIE ET TERRAIN D'ETUDE 47
2.1. Terrain d'étude 47
2.2. Collecte des données 51
2.3. Traitement des données 56
PARTIE 3 - RESULTATS, DISCUSSSION & IMPLICATIONS
MANAGERIALES 60
3.1. Analyse et présentation des
résultats 60
3.1.1. Hypothèse 1 60
3.1.2. Hypothèse 2 66
3.1.3. Hypothèse 3 68
3.1.4. Tableaux des codes de premier et second ordres
(méthodologie de Gioia) 76
3.1.5. Nuage de mots 80
3.2. Discussion et préconisations
81
3.3. Limites et futures pistes de recherches
86
CONCLUSION 88
BIBLIOGRAPHIE 90
ANNEXES 96
Annexe 1 - Synthèses de la revue de la
littérature 96
Annexe 2 - Table des matières des
enquêtes et rapports 98
Annexe 3 - Table des matières des tableaux et
figures 99
Annexe 4 - Guides des entretiens (Collaborateurs et
Professionnels RH) 100
2
INTRODUCTION
La fonction RH s'est fortement modifiée ces
dernières décennies et est passée d'une fonction presque
purement administrative qui avait pour principale mission d'assurer la
productivité des ouvriers, à une fonction stratégique au
sein de l'entreprise et avec des missions multiples.
Nous avons vu pendant la crise sanitaire de la COVID 19 que la
fonction RH a été au coeur des transformations et a dû
s'adapter, se transformer, accompagner les collaborateurs et bien souvent
improviser face aux nombreuses incertitudes.
La mise en place de nouvelles organisations de travail a
été l'un des enjeux majeurs des RH depuis le début de la
crise sanitaire. La sauvegarde de la cohésion sociale et du lien
à l'entreprise fût également un des défis principaux
que la fonction RH a dû essayer de relever dès le début de
la crise. L'implication stratégique des RH dans les entreprises s'est
vue pour beaucoup d'entre elles fortement renforcée.
Les ressources humaines se sont recentrées sur
l'humain. La crise a mis en avant l'importance de prendre soin les uns des
autres. Les nouvelles générations ne veulent plus travailler de
la même manière, les collaborateurs sont plus volatiles, ils
recherchent de la bienveillance et de la flexibilité. Le marché
du travail est de plus en plus sous tension et les RH doivent désormais
faire face à un enjeu croissant de rétention.
Le processus d'intégration des nouvelles recrues
devient donc un sujet de prédilection pour les RH. En effet, une
intégration réussie permet une meilleure rétention et
fidélisation des collaborateurs. Selon une étude de Workelo
réalisée en 20191, 45% des démissions ont lieu
la première année et le coût moyen d'une intégration
ratée est de 7000 euros. Toujours d'après cette même
étude, 82% des entreprises ne s'estimaient pas prêtes au moment
d'accueillir la nouvelle recrue et 80% des nouvelles recrues décident de
rester ou non dans les six premiers mois. Cette étude,
réalisée avant la crise sanitaire de la COVID 19, montre
l'importance d'un processus d'intégration adapté et complet
Ces chiffres très significatifs mettent en avant
l'importance du processus d'intégration pour faire face au défi
croissant de rétention des collaborateurs. L'intégration est
devenue un enjeu
1 Source »Les Chiffres-Clés de
l'Onboarding» - Workelo (2019)
3
stratégique pour l'entreprise et le
développement des nouveaux modes de travail oblige les RH à
repenser cette intégration.
L'objet de ce mémoire est donc d'apporter un
début de réponse à la question « En quoi les nouveaux
modes de travail ont transformé le processus d'intégration des
nouvelles recrues ? » et un éclairage sur les nouveaux enjeux et
défis à relever pour les professionnels RH dans le domaine de
l'intégration.
Ce mémoire commencera par une revue approfondie de la
littérature sur les thèmes de l'intégration et des
nouveaux modes de travail. De cette première partie nous
déduirons trois hypothèses qui nous serviront de fils conducteurs
pour notre recherche qualitative. La deuxième partie de ce
mémoire sera dédiée à la présentation de
notre méthodologie et de notre terrain de recherche. Enfin, la
troisième et dernière partie nous permettra d'analyser nos
données empiriques et de les confronter à nos hypothèses
et données théoriques. Nous dégagerons de cette analyse
des contributions managériales qui seront présentées sous
formes de préconisations et bonnes pratiques. Enfin, nous exposerons les
limites de notre recherche et suggérerons de futures pistes de
recherches.
Dans un monde du travail où l'intégration
devient de plus en plus un enjeu majeur et stratégique, nous
espérons que ce mémoire donnera des pistes pratiques et
pertinentes aux professionnels RH qui souhaitent faire en sorte que leur
processus d'intégration réponde au mieux aux nouvelles attentes
aussi bien des collaborateurs que des organisations.
4
PARTIE 1 - REVUE DE LA LITTERATURE
Afin d'apporter des éléments de réponse
à la problématique citée en introduction, nous allons
procéder à une définition des concepts clés
à travers une revue de la littérature reprenant certains auteurs
phares qui ont enrichi la recherche sur le thème de l'intégration
et son évolution ces dernières années liée à
la crise sanitaire de la COVID 19 mais aussi sur le thème des nouveaux
modes de travail et plus particulièrement le
télétravail.
1.1. L'INTEGRATION : UN PROCESSUS RH EN
EVOLUTION
1.1.1. Un nouvel enjeu stratégique
Rejoindre une entreprise ce n'est pas seulement rejoindre un
poste avec des tâches précises, c'est aussi rejoindre une culture,
des valeurs, une façon de penser et de s'engager avec des personnes dans
un but commun.
L'intégration ou l'onboarding, est le processus par
lequel une entreprise va aider la nouvelle recrue à s'adapter à
son nouvel environnement à la fois au niveau de la performance mais
aussi au niveau organisationnel et culturel. Selon Bauer (2010) le processus
d'onboarding repose sur quatre piliers appelés plus communément
les « quatre C » ou « four C's » pour Conformité,
Clarté, Culture et Connexion. L'investissement aussi bien des nouvelles
recrues que des entreprises dans ces 4 piliers permet la réussite du
processus d'intégration (Bauer, 2010).
Niveau de
la stratégie d'intégration
|
Conformité
|
Clarté
|
Culture
|
Connexion
|
1 - Passif
|
Oui
|
Un peu
|
Peu ou pas du tout
|
Peu ou pas du tout
|
2 - Haut potentiel
|
Oui
|
Oui
|
Un peu
|
Un peu
|
3 - Pro-actif
|
Oui
|
Oui
|
Oui
|
Oui
|
Tableau 1 - Niveau stratégique de
l'intégration (Onboarding New Employees: Maximizing Success) (Bauer
2010)
5
Cette théorie des « quatre C » de Bauer est
souvent reprise dans la littérature et permet de donner un cadre aux
programmes d'intégration élaborés dans les entreprises
(Tableau 1).
L'intégration est une étape primordiale dans le
parcours du collaborateur au sein de sa nouvelle organisation. Cette
étape va permettre à la nouvelle recrue et à
l'organisation d'apprendre à se connaître et d'établir les
règles et les attentes de chacun (Petrilli, Galuppo & Ripamonti,
2022). Les « quatre C » de Bauer proposés ensemble vont
permettre à la nouvelle recrue de s'intégrer par étape et
avec succès. Les entreprises qui ont compris l'importance de
l'intégration et qui prennent cette étape de la vie
professionnelle de leurs collaborateurs sérieusement, en tireront des
avantages certains.
Dans son livre blanc de 2015, Bauer donnait les chiffres suivants
:
- Les entreprises qui prennent le processus
d'intégration au sérieux voient passer leur taux de
rétention la première année de 30% à 91% ;
- Les entreprises qui prennent le processus
d'intégration au sérieux voient leur taux d'achèvement des
objectifs la première année passer de 17% à 62%.
Ces chiffres montrent le pouvoir d'un processus
d'intégration réfléchi et encadré.
Décomposer ce processus en quatre étapes clés (les quatre
C) permet aux entreprises d'avoir de meilleurs résultats et d'augmenter
la satisfaction au travail ainsi que la productivité, et de baisser la
rotation des employés (Bauer, 2015).
La conformité (compliance en anglais) va permettre aux
organisations et nouveaux collaborateurs d'exécuter toutes les
tâches administratives qui sont liées à l'entrée
dans une nouvelle entreprise. Cette étape n'est pas la plus
intéressante ou enthousiasmante pour la nouvelle recrue mais elle est
nécessaire et permet de commencer sur des bases solides et juridiquement
en règles.
La clarté est une étape très importante
et qui aura des répercussions positives si faites correctement. Cette
étape permet à tous les acteurs d'expliquer ce qui est attendu de
chacun. L'entreprise peut lors de cette étape mettre en avant de
façon claire et précise ce qu'elle attend de la nouvelle recrue
et quels sont ses premiers objectifs. Cette étape va permettre à
la nouvelle recrue d'avoir une vision précise de son rôle au sein
de l'entreprise et favorisera son sentiment d'appartenance.
La culture est une étape très
personnalisée et qui va se référer aux normes
organisationnelles de l'entreprise. Cette étape permettra à
l'entreprise de montrer ses valeurs, ses normes, son
6
histoire, sa politique ou encore ses objectifs. Cette
étape n'est pas à négliger car si la nouvelle recrue ne se
reconnaît pas dans cette culture, cela pourrait avoir un impact
négatif sur son intégration et son futur dans l'entreprise.
La connexion est selon Bauer l'étape primordiale de
l'intégration. Cette étape relève des relations
interpersonnelles. Elle englobe les relations avec ses collègues, les
réseaux tissés au sein de l'entreprise. Cette étape aidera
la nouvelle recrue à se sentir incluse, renforcera son sentiment
d'appartenance, sa volonté d'atteindre ses objectifs, son implication ou
encore sa fidélisation.
Bien que les « quatre C » soient tous importants,
leurs impacts au long terme dans le processus d'intégration de la
nouvelle recrue ne sont pas les mêmes. On peut dire que les « quatre
C » ne sont pas égaux (Bauer, 2015). De nos jours la Culture et la
Connexion prennent une dimension différente et vont avoir une plus forte
connotation car à l'ère du numérique, du
télétravail et du travail hybride, ces deux étapes
primordiales seront plus difficiles à réaliser. C'est sur ces
deux étapes que les entreprises devront le plus s'adapter et
révolutionner leur processus d'intégration (Frimousse &
Peretti, 2020 ; Frimousse & Peretti, 2021).
Les bénéfices au long terme d'une
intégration réussie sont analysés par Schneider (1987)
avec son model « ASA - Attraction, Selection & Attrition »
(Attraction, Sélection et Usure). Selon Schneider, on ne peut pas
dissocier les personnes de l'environnement car l'environnement existe seulement
à travers les personnes qui le constituent. Les personnes seront
attirées par un certain environnement, certaines organisations, certains
postes. Holland (1986) parle de six groupes de carrières :
intellectuelle, artistique, sociale, entrepreneuriale, conventionnelle et
réaliste. Selon le model ASA de Schneider, les individus sont
attirés (A - attraction) par des carrières différentes en
fonction de leurs propres intérêts et personnalités. Les
individus avec des personnalités similaires ont plus de chance
d'être attirés par des activités similaires et ont plus de
chance d'avoir des comportements compatibles et analogues. De ce fait, les
organisations sont souvent composées d'individus qui ont des
similarités et une nouvelle recrue qui ne partage pas ces
similarités aura souvent du mal à s'intégrer (Schneider,
1987).
Lors du processus de sélection (S - selection) les
entreprises vont souvent rechercher des individus qui partagent les mêmes
valeurs (consciemment ou inconsciemment). Cela aura encore une fois une
influence sur le manque de diversité des personnalités au sein de
l'entreprise (Schneider, 1987).
7
Le model ASA de Schneider ne laisse pas beaucoup de place aux
besoins de changements d'une organisation. En effet, selon Schneider, si une
organisation a besoin de changer, de revoir sa culture ou ses
procédés par exemple, cela sera difficilement atteignable sans
changer les personnes qui y travaillent. Si les individus constituent
l'organisation (People make the place), comme l'indique Schneider, alors les
changements n'interviendront pas en changeant les structures ou les processus,
mais en changeant les individus (Schneider, 1987).
L'importance de l'environnement est d'autant plus flagrante
lorsque ce dernier est incertain (en temps de crise par exemple). Les RH
devront alors s'assurer que le recrutement est compatible avec la culture de
l'entreprise. En effet, en période d'instabilité, on recherche
des repères et des nouvelles recrues qui n'affecteront pas ces
repères et ne remettront pas trop en cause la façon dont les
choses sont faites (Jeske & Olson, 2021).
Cependant, il ne faut pas avoir peur des changements
même en temps de crise et d'incertitudes. Les nouvelles expertises et les
nouveaux savoirs apportés par les nouvelles recrues peuvent
s'avérer bénéfiques et utiles à l'entreprise. Garg
et al (2021) parlent de « reverse mentoring » lorsque les mentors des
nouvelles recrues apprennent à leur tour de ces dernières. Ces
échanges et apports bidirectionnels vont enrichir l'organisation. Cela
permettra d'avoir un savoir organisationnel plus important ainsi qu'une
meilleure rétention des collaborateurs.
La période de crise sanitaire de la COVID 19 a fait
émerger une nouvelle théorie qui rappelle la théorie des
« quatre C » de Bauer (2010), celle des « trois C » de
Scott et al (2021). Selon les auteurs, même avant la crise de la COVID
19, les processus d'intégration étaient jugés insuffisants
par beaucoup de nouvelles recrues. La crise a été pour eux
l'occasion de revoir la stratégie d'intégration des entreprises.
Les auteurs parlent de la difficulté des nouvelles recrues à
s'adapter et s'intégrer dans un environnement virtuel ainsi que de
créer des liens et trouver du support auprès des membres de leurs
équipes. Selon eux, les entreprises peuvent utiliser les « trois C
» afin de mieux intégrer leurs nouveaux collaborateurs en temps de
crise - Create Structure, Connect people, Continue adapting (Créer de la
structure, Connecter les individus et Constamment s'adapter).
Créer de la structure en instaurant des processus
clairs et précis concernant le travail à distance. La structure
passe également par la communication d'objectifs précis et de
feedback réguliers. La formation est également une partie
importante de ce besoin de structure car tous les collaborateurs ne sont pas
égaux face à la technologie. En apportant une structure claire et
précise, l'organisation réduit l'incertitude des nouveaux
collaborateurs travaillant à distance et
8
les aide à se sentir plus vite en confiance, à
intégrer plus rapidement les informations utiles et les objectifs
attendus, et à se sentir à l'aise plus rapidement ce qui
améliorera à court et moyen termes leur bien-être au sein
de l'entreprise.
Action
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Description
|
Instituer des contacts COVID- 19 réguliers
à travers des réunions collectives
et individuelles
|
S'assurer que les managers et leaders aient des contacts
réguliers avec leurs équipes et nouvelles recrues afin de les
aider à naviguer leurs peurs et anxiétés concernant la
crise de la COVID-19.
|
Organiser des événements en
ligne
|
Organiser des événements en ligne ou des
événements avec de la distanciation physique afin que les
collaborateurs puissent apprendre à connaitre les nouvelles recrues.
La
participation serait certainement plus importante
si l'événement a un but précis comme par exemple un
anniversaire, une soirée jeux, pot de bienvenue d'un nouvel arrivant
etc.
|
Organiser des déjeuners et pauses café
virtuels
|
Organiser des petits moments virtuels plus intimes pour les
collègues et les équipes, afin qu'ils puissent parler et avoir
des moments de détente ensemble. Les nouvelles recrues plus introverties
apprécieront de rencontrer les gens en petits
groupes et lors d'activités plus structurées
autours desquelles ils pourront centrer leurs conversations.
|
Encourager les communications fréquentes avec
les nouvelles recrues
|
Encourager les collaborateurs à accueillir et avoir des
échanges intéressants avec les nouvelles recrues. Plus les
collaborateurs connaitront leurs nouveaux collègues, plus ils se
sentiront connectés.
|
Etablir une politique virtuelle du bureau
ouvert
|
S'assurer que les managers et team leaders fassent savoir aux
nouvelles recrues qu'il n'y a pas de questions stupides et qu'ils peuvent les
contacter à tout moment si besoin.
|
Utiliser les nouvelles technologies pour
créer des espaces de rencontres digitales comme une machine
à café digitale
|
Utiliser les nouveaux outils de communication comme Slack,
Microsoft Teams, Discord, Yammer et autres, pour aider les collaborateurs
à créer des liens informels au travers de hobbies,
d'intérêts communs etc.
|
9
Attribuer à la nouvelle recrue un mentor pour
l'aider à naviguer son intégration
|
Créer un programme de mentoring afin que les
collaborateurs puissent servir de guides et de mentors aux
nouvelles recrues, et les aider à apprendre le métier et rester
connectés. Il est parfois plus simple de demander de l'aide à un
collègue plutôt qu'à un leader/manager.
|
Organiser des visites virtuelles ou avec de la
distanciation physique
|
Organiser des tours virtuels des locaux pour les nouvelles
recrues.
|
Planifier des réunions individuelles entre la
nouvelle recrue et ses collègues ainsi que des personnes
clés de l'entreprise
|
Planifier des réunions pour les nouvelles recrues afin
qu'elles rencontrent leurs collègues et les personnes clés de
l'entreprise. S'assurer que les personnes qui rencontreront les nouvelles
recrues seront briefées en amont afin de guider leur discussion avec la
nouvelle recrue et lui laisser la possibilité de parler d'elle et poser
des questions.
|
Réintégrer les collaborateurs
à travers des événements et des team
buildings
|
Lorsque la COVID-19 sera moins risquée, ne pas
oublier
d'organiser de nouveau des événements dans des
circonstances un peu plus normales. Cela aidera
les collaborateurs à se reconnecter et mettre « un nom sur un
visage » des personnes avec lesquelles ils auront travaillé
seulement dans un environnement virtuel ou avec de la distanciation physique
(par exemple avec le port du masque).
|
Tableau 2 : Les actions à prendre pour
connecter les collaborateurs lors d'une intégration en temps de crise
(Scott et al, 2021)
Connecter les individus en essayant de trouver des moyens
innovants et créatifs pour connecter les nouvelles recrues à
leurs collègues. Scott et al (2021) ont recensé des exemples
d'actions que les organisations peuvent entreprendre afin de connecter plus
facilement leurs nouveaux collaborateurs travaillant à distance (Tableau
2).
On retient parmi ces actions l'importance des rendez-vous
réguliers avec les managers afin de parler non seulement de travail mais
aussi de l'anxiété concernant la crise sanitaire. On retient
également l'importance d'instaurer des moments virtuels consacrés
à la sociabilité (soirées jeux, célébration
des anniversaires etc.). Mais aussi le mentoring, l'importance d'impliquer les
collaborateurs dans l'intégration des nouvelles recrues, l'utilisation
des outils à disposition comme SLACK, Microsoft Teams ou encore un tour
virtuel de l'entreprise, sont mentionnés
10
comme étant des actions qui pourraient faciliter le
sentiment de connexion et d'appartenance des nouvelles recrues. Ces actions
pourraient également avoir des effets positifs sur le bien-être
des nouvelles recrues. Enfin, on note l'importance de s'adapter continuellement
en gardant à l'esprit qu'il est fortement conseillé de revoir
périodiquement les processus d'intégration surtout lorsqu'ils ont
été récemment instaurés et parfois dans la
précipitation.
Selon Scott et al (2021), les DRH devraient se concentrer sur
le niveau de stress des nouvelles recrues ainsi que sur leur bien-être et
leur sentiment de connexion et non pas seulement sur leurs performances. Une
intégration réussie aura des répercussions positives sur
le long terme et ne peut être que bénéfique pour toutes les
parties impliquées.
1.1.2. L'intégration comme levier de
socialisation
Comme nous l'avons vu avec la théorie des « quatre
C » et la théorie des « trois C », la connexion et la
socialisation sont des éléments importants pour une
intégration réussie. Cette connexion et cette socialisation
passeront par de l'interaction et de la communication. Déjà en
2011, Hemphill & Begel parlaient de l'importance de la communication et de
la visibilité dans leur article « Not seen and not heard :
Onboarding challenges in newly virtual teams ». Leur étude avait
mis en avant la préférence des collaborateurs travaillant en
équipe virtuelle pour les interactions visuelles. Cependant, à
l'époque il était noté de nombreux problèmes avec
la technologie et le manque d'outils dédiés aux besoins des
équipes virtuelles.
Un autre problème identifié, est le manque de
communication « non-work orientated » avec les nouvelles recrues
intégrées dans une équipe virtuelle (Hemphill & Begel,
2011). En effet, le contenu des échanges entre le manager et une
nouvelle recrue est plus formel et le fait d'être à distance
n'encourage pas les échanges plus informels. Les interactions en face
à face font souvent parties des choses qui manquent le plus aux membres
des équipes virtuelles. Afin d'aider les nouvelles recrues à
faire face à ce manque, Hemphill & Begel (2011) préconisent
des rendez-vous informels en « one-on-one » avec différents
membres de l'organisation identifiés par le managers. Ces rendez-vous
informels permettent à la nouvelle recrue d'identifier les
différents rôles de chacun et de créer des liens avec ses
nouveaux collègues. L'importance des échanges informels dans
l'intégration des nouvelles recrues est donc mis en avant par Hemphill
& Begel (2011). La communication synchrone des membres d'une équipe
virtuelle, permet de réduire l'anxiété, d'augmenter la
productivité et de réduire le sentiment d'isolement des nouvelles
recrues.
11
Hemphill & Begel (2011) parlent également de la
visibilité. L'importance de l'observation de ses collègues et de
la façon dont sont faites les choses est mis en avant. L'apprentissage
de la culture de l'organisation, des rituels et des processus de travail se
fait plus difficilement dans les équipes virtuelles. La nouvelle recrue
ne peut pas apprendre en observant et en imitant ses collègues. Les
processus de travail doivent donc être bien documentés et mis
à jour régulièrement afin d'aider la nouvelle recrue
à s'intégrer plus rapidement.
Lorsque l'on parle d'intégration il est souvent fait
référence à la socialisation et à l'orientation. On
peut considérer que l'intégration regroupe ces 2 concepts.
Cependant, l'orientation repose plus sur la présentation du nouvel
employé à son nouveau poste, la socialisation quant à elle
repose plus sur la présentation du nouvel employé à un
nouveau groupe (Bauer & Erdogan, 2011). Pour Chaos (2012) la socialisation
est plus individualisée et requiert un effort individuel, tandis que
l'orientation fait référence à un effort collectif et
organisationnel pour faciliter l'intégration de la nouvelle recrue.
Historiquement le terme de socialisation décrit le
processus par lequel la nouvelle recrue va acquérir les comportements,
attitudes et les savoirs nécessaires afin de devenir un participant
à part entière de l'entreprise (Van Maanen & Schein, 1979).
Les travaux de Van Maanen et Schein ont mis en avant 6 dimensions du processus
de socialisation organisationnelle (Tableau 3).
Tableau 3 - Les 6 tactiques de socialisation
organisationnelle (Van Maanen et Schein, 1979)
12
Ces 6 tactiques de socialisation organisationnelle
identifiées par Van Maanen et Schein, représentent les
principales tactiques mises en place par les organisations consciemment ou
inconsciemment.
1. Les tactiques collectives vs les tactiques
individuelles : A la différence des tactiques individuelles ou
un individu est isolé dans son processus d'intégration, lorsqu'un
groupe d'individus est amené à être intégré
ensemble nous parlons alors de socialisation collective. Van Maanen et Schein
(1979) suggèrent alors que la socialisation sera influencée de
manière substantielle par le groupe et ses différents acteurs.
2. Les tactiques formelles vs les tactiques
informelles : Van Maanen et Schein (1979) définissent la
socialisation formelle comme étant les « processes that are
typically found in organizations where specific preparation for new status is
involved and where it is deemed important that a newcomer learns the
«correct» attitudes, values, and protocol associated with the new
role.» Quant aux tactiques informelles, elles sont plus
utilisées lorsque les frontières entre le nouveau rôle et
l'ancien rôle sont floues voir presque inexistantes.
3. Les tactiques séquentielles vs les
tactiques aléatoires : Les tactiques séquentielles ont
lieu lorsque les nouvelles recrues doivent passer un certain nombre
d'étapes prédéfinies avant de pouvoir prendre pleinement
les rênes de leur nouveau poste. A l'inverse, les tactiques
aléatoires ont souvent lieu lorsque la nouvelle recrue arrive pour
occuper un nouveau poste pour lequel elle n'a pas de
prédécesseur. La création d'un nouveau poste fait que bien
souvent le chemin pour arriver à l'intégration de la nouvelle
recrue au poste est encore inconnu ou incertain et peut changer à tout
moment.
4. Les tactiques fixes vs les tactiques variables :
Les tactiques fixes sont souvent liées aux tactiques
séquentielles et permettent à la nouvelle recrue de savoir
exactement quel chemin emprunter afin d'arriver à la socialisation
organisationnelle. Contrairement aux tactiques fixes, les tactiques variables
ne répondent pas à une timeline prédéfinie et
peuvent varier en fonction de nombreux facteurs contingents.
5.
13
Les tactiques en série vs les tactiques
disjointes : Avec les tactiques en série, les nouvelles recrues
ont accès à un tuteur, un mentor afin de les aider dans leur
processus d'intégration. Ces aidants ne sont pas disponibles dans les
organisations utilisant les tactiques disjointes.
6. Les tactiques d'investiture vs les tactiques de
désinvestiture : Avec les tactiques d'investiture,
l'identité et la personnalité des nouvelles recrues sont
célébrées et reconnues alors qu'avec les tactiques de
désinvestiture, l'identité de l'organisation est plus importante
et l'individu doit s'adapter à cette dernière.
Pour Van Maanen et Schein (1979) c'est à l'organisation
que revient la responsabilité de l'intégration sociale des
nouvelles recrues en mettant en place des tactiques et pratiques de
socialisation organisationnelle bien précises.
Tactiques relatives au/à :
|
Les tactiques institutionnalisées
|
Les tactiques individualisées
|
Contexte
|
Collectif Formel
|
Individuel Informel
|
Contenu
|
Séquentiel Fixe
|
Aléatoire Variable
|
L'aspect social
|
En série Investi
|
Disjoint Désinvesti
|
Rôle orienté vers :
|
Préservation des traditions Conservatisme
|
Innovation
|
Tableau 4 - Le modèle des 6 tactiques
de socialisation organisationnelle de Van Maanen & Schein (1979)
révisé par Jones (1986).
En prolongement des travaux de Van Maanen et Schein (1979),
Jones (1986) répartit les 6 tactiques de socialisation organisationnelle
dans deux catégories bien distinctes : les tactiques institutionnelles
et les tactiques individuelles (Tableau 4).
14
En ce qui concerne les tactiques individuelles, les
organisations vont adapter leur processus d'intégration à
l'individu et à ses besoins, apports particuliers. Avec les tactiques
individuelles, la nouvelle recrue doit avoir un rôle proactif et
être acteur de sa socialisation organisationnelle (Ashford et Black,
1996). A l'inverse, les tactiques institutionnelles vont reprendre un
modèle bien précis et commun à tous au sein de
l'organisation. Avec ces tactiques c'est l'individu qui doit s'adapter au
processus d'intégration de l'organisation.
A ces différentes approches, nous pouvons ajouter
l'approche interactionniste (Reichers, 1987) qui met en avant les interactions
entre la nouvelle recrue et son environnement, ses nouveaux collègues.
Cette approche interactionniste parle de l'effet combiné des tactiques
organisationnelles et individuelles sur la socialisation de l'individu. Selon
l'approche interactionniste, l'organisation résulte des multiples
interactions entre les individus qui la composent, et ce sont ces interactions
qui créent l'organisation et non l'organisation qui crée ces
interactions. La fréquence de ces interactions va favoriser et
accélérer l'apprentissage de l'individu (Reichers, 1987).
L'importance de la proactivité de l'individu est
également mise en avant (Lacaze D, 2005). La recherche de Lacaze (2005)
vise à mettre en avant les tactiques individuelles d'intégration
et la responsabilisation des individus dans la gestion de leur
intégration. Les comportements proactifs semblent favoriser la
réussite de l'intégration et accélérer le
processus. Parmi ces comportements proactifs nous retrouvons la recherche
d'information, l'auto-management ou encore l'expérimentation. Ces
comportements sont liés entre eux et vont s'influencer. En effet, en
recherchant l'information, la nouvelle recrue va améliorer la
compréhension de son rôle et cela va mener à
l'auto-management puis à l'expérimentation.
La proactivité de l'individu peut être
liée au désir de contrôle (Ashford & Black, 1996).
Contrôler son environnement est un moyen de diminuer l'incertitude.
L'incertitude est un sentiment qui est souvent associé au début
d'un individu dans une entreprise. Ce désir de contrôle va motiver
les individus à être proactifs (White, 1959). En effet, la
recherche de la maîtrise de son environnement, afin de diminuer
l'incertitude, sera une source de motivation pour la nouvelle recrue. Van
Maanen (1979) décrit l'entrée dans une organisation comme
étant un état de transition qui va «thrust(s) one from a
state of certainty to uncertainty; from knowing to not knowing; from the
familiar to the unfamiliar". L'individu va chercher à diminuer ce
stress et cette anxiété en ayant un rôle proactif dans son
intégration et en essayant de limiter l'incertitude par la
maîtrise et le contrôle de son nouveau rôle. Cela va le
motiver à chercher l'information et à établir des
relations, ce qui l'amènera vers une clarté de son rôle,
une maîtrise
15
de ses tâches ainsi qu'une plus grande connaissance de
son organisation et une meilleure intégration sociale. Cependant, nous
ne sommes pas tous égaux face au désir et au besoin de
contrôle. Certains individus seront plus à l'aise que d'autres
dans une situation incertaine. Leur besoin de certitude et de contrôle
sera donc moins important. Cela pourrait, à court et à moyen
terme, avoir un effet sur leur processus d'intégration.
En effet, la recherche d'information et de retours va
permettre un apprentissage plus rapide et une plus grande maîtrise et
clarté du rôle de l'individu dans son nouvel environnement. Cela
aura pour effet d'accélérer le processus d'intégration
(Morrison, 1993). Plus l'individu comprend rapidement ce qu'il doit faire et
comment les choses sont faites dans sa nouvelle organisation, plus il pourra
rapidement s'adapter et atteindre les objectifs qui lui sont demandés.
On retrouve donc une adéquation entre la recherche d'information, de
retours et la rapidité d'intégration de l'individu. Les individus
qui recherchent de manière pro-active les retours de leurs pairs et/ou
hiérarchie vont plus rapidement comprendre les demandes de leur nouveau
poste et cela aura pour effet d'accélérer leur efficacité
et leur intégration. Les aspects positifs de la proactivité du
nouvel entrant ne s'arrêtent pas là, en effet, en
accélérant la compréhension de leur nouveau rôle,
les individus vont augmenter leur satisfaction au travail ce qui aura pour
conséquence d'accroître le taux de rétention des nouvelles
recrues (Morrison, 1993).
Un autre aspect important de la proactivité et de
l'auto-management de la nouvelle recrue est la recherche active de
socialisation et de liens avec son nouvel environnement et les personnes qui le
composent. C'est en créant des liens et en se socialisant que l'individu
va apprendre les comportements recherchés de sa nouvelle organisation et
les compétences attendues de son nouveau poste (Reichers, 1987) . Cela
aura pour effet encore une fois d'accélérer le processus
d'intégration et la satisfaction au travail.
Nous retrouvons donc une corrélation entre la recherche
d'information et la recherche de socialisation. En effet, la volonté
d'obtenir de nouvelles informations, et d'améliorer la
compréhension et la maîtrise des tâches de son nouveau
poste, va amener l'individu à développer les interactions avec
les membres de son organisation. La meilleure façon d'obtenir
l'information nécessaire afin de développer la
compréhension de son nouveau poste, est de créer des liens et de
développer des relations avec les membres de son organisation (Morrison,
1993). Cela aidera à comprendre plus rapidement son rôle, mais
également les valeurs, les codes et les relations de pouvoir au sein de
l'organisation. La recherche d'information est donc intrinsèquement
liée au développement du réseau social de l'individu dans
sa nouvelle organisation.
16
Cela amène à un cercle vertueux qui fait qu'en
recherchant l'information, l'individu améliore et accélère
le processus de socialisation et d'intégration tout en accroissant la
connaissance de sa nouvelle organisation et de ses responsabilités et
par la même occasion sa satisfaction au travail.
Cela met donc en avant l'importance dans le processus
d'intégration, non seulement de l'organisation, au travers de
procédures organisationnelles de socialisation, mais également de
l'individu au travers de comportements proactifs et d'auto-management. Les
individus avec un besoin de contrôle et de maîtrise important
seront plus actifs dans la recherche d'information et de socialisation au sein
de l'organisation (White, 1959). Cette proactivité amène une
intégration plus rapide et une satisfaction au travail plus importante.
La personnalité de la nouvelle recrue joue donc un rôle, si ce
n'est primordial, tout du moins important dans le succès du processus
d'intégration (Ashford & Black, 1996). On parle de
responsabilisation de l'individu dans son processus d'intégration
(Lacaze, 2005).
1.1.3. Le sens comme levier clé
Les relations, la socialisation donnent du sens aux
situations. Ce concept de « sensemaking » est un autre aspect
important de l'intégration. En accord avec l'approche interactionniste
mentionnée au début de cette revue de la littérature, nous
retrouvons également le concept de « sensemaking » qui lui
aussi est fondé sur l'interaction de l'individu avec son environnement
(Garreau & Perrot, 2012).
La nouvelle recrue fait face à de nouvelles situations
de manière récurrente lors des premières semaines et
même des premiers mois. Elle donnera sens à ces situations une
fois que la confrontation avec chaque nouvelle situation sera terminée.
Ce processus de « sensemaking » (Garreau & Perrot, 2012), que
l'on pourrait traduire par « créateur de sens », est un
processus rétrospectif et individuel auquel la nouvelle recrue va
s'adonner le plus souvent inconsciemment.
17
Tableau 5 : Donner du sens en période
d'intégration (Louis, 1980)
Donner du sens aux situations peut être une façon
de gérer les surprises (Louis, 1980). Quand les situations ne sont pas
familières et ne répondent pas à un script
déjà préétabli, l'individu doit chercher du sens
à ces situations afin de pouvoir mieux les accepter.
Les nouvelles recrues doivent faire face à de
nombreuses surprises et adapter leurs attentes à la
réalité. Les surprises ne sont pas forcément
négatives (Louis, 1980) et font partie intégrante du processus
d'intégration de la nouvelle recrue. Les surprises peuvent venir des
tâches à accomplir, de l'organisation ou encore de la nouvelle
recrue elle-même. En effet, on peut se surprendre à aimer ou ne
pas aimer telle ou telle tâche, environnement ou encore processus de
travail. Les tâches à accomplir et les attentes concernant son
nouveau travail peuvent amener leur lot de bonnes et mauvaises surprises. Les
attentes qui ne sont pas rencontrées peuvent démotiver et celles
qui sont rencontrées peuvent conforter la nouvelle recrue dans le choix
de sa nouvelle position et de sa nouvelle organisation. Afin de l'aider
à faire face à ces surprises, la nouvelle recrue va tenter de
leur donner du sens (Louis, 1978). Ses diverses expériences aussi bien
professionnelles que personnelles vont l'aider à donner du sens aux
situations et aux surprises rencontrées lors de son intégration.
Le sens donné à une situation peut donc varier
18
d'un individu à un autre. En effet, le «
sensemaking » sera influencé par nos expériences
individuelles et nos interprétations de la situation (Tableau 5).
Bien que le processus de « sensemaking » soit un
processus individuel et rétrospectif de la socialisation
organisationnelle, Garreau & Perrot (2012) parlent également du
processus de « sense giving ». En effet, les différents
membres de l'organisation, que ce soit la hiérarchie, les managers ou
encore les collègues, vont tenter d'influencer le sens que la nouvelle
recrue va donner aux situations (Gioia & Chittipeddi, 1991). Ces
différents membres de l'organisation seront donc les principaux acteurs
et influenceurs du processus de socialisation de la nouvelle recrue et leurs
actions influenceront son processus de « sensemaking ».
L'influence et l'importance du manager dans le succès
du processus d'intégration ne sont pas à négliger. En
effet, la proactivité et la présence du manager permettent de
réduire l'anxiété de la nouvelle recrue. Le partage
d'informations et l'offre de support font que la nouvelle recrue va
intégrer les nouvelles tâches plus rapidement et améliorer
sa performance ce qui aura pour conséquence de réduire les
démissions (Ellis et al, 2017).
Nous avons vu qu'avec la crise sanitaire et le recours massif
au télétravail, non seulement la façon dont l'information
est délivrée mais aussi qui va délivrer cette information
à la nouvelle recrue ont changé (Morrison, 2021). La façon
dont l'information est délivrée peut prendre différents
aspects de nos jours. De façon synchrone ou asynchrone, en ligne ou en
personne, la façon de communiquer doit s'adapter à la situation
et à la personne (Jeske & Olson, 2021).
Les managers qui vont activement encourager ou mettre en place
des systèmes de « mentoring » ou « buddies »
augmenteront les chances de voir leurs nouvelles recrues s'intégrer et
être plus rapidement opérationnelles. Cette proactivité
aura un effet positif sur la rétention des nouveaux collaborateurs
(Dekas, 2013 ; Stewart et al, 2021). Il est donc important de faire en sorte
que les managers soient formés aux nouvelles formes de travail et aux
nouvelles façons de motiver et impliquer leurs équipes et
nouvelles recrues (Stewart et al, 2021).
La crise sanitaire a affecté non seulement la
façon dont l'intégration des nouvelles recrues s'opère
dans les organisations mais aussi les attentes de ces dernières. Les
nouvelles recrues attendent d'un processus d'intégration qu'il soit plus
flexible, adaptable et personnalisé (Jeske & Olson, 2021). Une
orientation ratée peut coûter cher à l'entreprise. Le
retour d'expérience des nouvelles recrues fraîchement
intégrées ou en cours d'intégration est donc primordial.
Les feedbacks apportés permettront à l'organisation
d'améliorer ses processus et de donner un sentiment d'appartenance aux
nouveaux collaborateurs qui se sentiront écoutés. A long
terme,
19
cela pourra améliorer la rétention des nouveaux
collaborateurs (Stewart et al, 2021). La demande de retours est
également un bon moyen de revoir ses processus et apporter de nouvelles
perspectives, « fresh eyes » au processus d'intégration.
Les premières impressions sont importantes et les
premières interactions seront décisives dans
l'établissement du contrat psychologique entre l'individu et sa nouvelle
organisation (Caldwell et Peters, 2018). Ce contrat psychologique doit
être entretenu par l'employeur et avec l'arrivée en masse et
soudaine des nouvelles formes de travail, de nombreux auteurs parlent du besoin
d'intégrer de nouveau les anciens collaborateurs (Zung, 2020). Selon
Garreau & Perrot (2012) « l'intégration des collaborateurs
ne s'arrête pas à l'organisation d'une journée d'accueil,
ni même à la validation d'une période d'essai
éventuellement renouvelée. Elle relève d'une
préoccupation tout au long de la carrière ». Les RH ont
besoin de planifier le retour des collaborateurs sur site et pas seulement le
retour des nouveaux collaborateurs. En effet, les anciens collaborateurs
pourraient également bénéficier d'une aide à la
réintégration, à l'assimilation de la nouvelle
normalité et aux changements irréversibles dus à la crise
(Zung, 2020) et au développement de la digitalisation.
Dans cette première partie de notre revue de la
littérature consacrée à l'intégration, nous avons
donc vu que le rôle du manager évolue et qu'il est devenu un
acteur important de l'intégration. La littérature met
également en avant le rôle du collaborateur dans sa propre
intégration et préconise un comportement pro-actif et
l'auto-management pour une intégration réussie. La socialisation
et la connexion apparaissent comme étant des aspects importants de
l'intégration et qui ne doivent pas être négligés
par les entreprises. Il est souligné que depuis la crise sanitaire les
attentes des nouvelles recrues ont changé. Elles veulent
désormais de la flexibilité, de l'adaptabilité et des
processus personnalisés. Les processus d'intégration doivent
évoluer avec le temps et s'adapter constamment aux nouvelles demandes et
attentes. La littérature récente met également en avant le
fait que l'arrivée en force des nouveaux modes de travail ces trois
dernières années a renforcé cette nécessité
d'adaptation constante et de flexibilité des processus
d'intégration.
20
1.2. LES NOUVEAUX MODES DE TRAVAIL AU COEUR DE
L'ACTUALITE
Lorsque l'on parle de nouveaux modes de travail, on parle
principalement du télétravail ou travail hybride, qui en soit
n'est qu'une combinaison entre le télétravail et le travail en
présentiel ou sur site. Le télétravail domine donc cette
révolution de ce que l'on appelle « les nouveaux modes de travail
» apparu récemment avec la crise de la COVID 19. Cependant, force
est de constater que le télétravail, bien qu'il apparaisse comme
étant une nouveauté, n'est pas un phénomène si
récent.
1.2.1. Le télétravail : fondements et
évolutions
Déjà dans les années 70 avec le
développement du secteur tertiaire ou secteur des services, on parle de
l'apparition du travail à domicile (Alaluf, 1998). Louis Brunel dans son
ouvrage de 1978 « Des machines et des hommes :
télécommunications » parle pour la première fois de
« télétravail ». A l'époque le
télétravail, ou travail à domicile, ne connaît pas
un engouement fort auprès des travailleurs. Force est de constater que
les débuts du télétravail sont timides dans les
années 70 et même 80. En effet, malgré le
développement du télécopieur/fax et des lignes
téléphoniques, le télétravail reste un mode de
travail encore marginal.
On parle d'échec du télétravail dans les
années 80 (Valenduc et Vendramin, 1997) qui peut être en partie
expliqué par divers facteurs tels que le faible développement et
le coût des nouvelles technologies, les mentalités, l'opposition
des syndicats et la protection de l'information (Taskin, 2003).
C'est dans les années 90 que le
télétravail va connaître une sorte de renaissance. Taskin (
2003) identifie plusieurs raisons à ce développement. Il parle
entre autres du contexte économique qui avec l'arrivée de la
mondialisation va favoriser la flexibilité et l'agilité des modes
de travail. Il apparaît alors comme « un instrument des
stratégies de flexibilité » (Valenduc et Vendramin,
2001). Notons également parmi les facteurs qui ont favorisé le
développement du télétravail à partir des
années 90, le contexte socioculturel. Les mentalités commencent
à changer et de nouvelles préoccupations apparaissent comme le
bien-être au travail, l'équilibre entre la vie privée et la
vie professionnelle ou encore l'écologie. On recherche plus de
flexibilité, plus d'autonomie, moins de stress. On commence à
constater que « le trajet domicile-lieu de travail n'apporte aucune
valeur ajoutée au travail (et) constitue une nuisance qui affecte d'une
manière importante la qualité de vie des actifs, bien
résumée dans la formule `métro, boulot, dodo »
(Seltzer, 1997). Le télétravail apparaît dès lors de
moins en moins tabou et semble une
21
des solutions à cette quête du bien-être au
travail. Les syndicats commencent à s'emparer du sujet et le
télétravail marque alors un tournant inévitable avec le
développement de l'individualisation organisationnelle à la fin
des années 90 (Devos et Taskin, 2002).
Une des autres raisons de la renaissance du
télétravail dans les années 90 identifiée par
Taskin, est le contexte technologique. Le développement des nouvelles
technologies de l'information et de la communication (NTIC) est un facteur
majeur dans l'histoire du télétravail. En effet, l'apparition du
pc (ordinateur personnel) va rendre plus accessible le
télétravail à une nouvelle population d'employés
comme les cadres ou encore les employés administratifs.
L'amélioration du réseau téléphonique et sa
numérisation va également favoriser l'essor du
télétravail. Cependant, le coût du matériel
informatique reste encore élevé et le matériel
informatique personnel reste en partie seulement accessible aux « nouveaux
travailleurs en cols blancs à domicile » (Huws, 1984).
Tableau 6 : Croissance internationale de la
technologie de l'information : 1990-2007 (Crenshaw & Robison, 2010)
Au début des années 2000, le
développement des NTIC déjà commencé dans les
années 90 va se confirmer avec une forte accélération de
l'internet. Cette forte accélération va avoir un impact sur
l'économie mondiale, la politique, mais aussi sur les affaires publiques
(Crenshaw & Robison, 2010).
22
La place de plus en plus importante des NTIC se fait sentir
surtout au début des années 2000 avec une forte croissance des
utilisateurs d'internet, de téléphones mobiles et
l'arrivée de l'internet haut débit (Tableau 6). Cette
révolution des NTIC va permettre une « déspatialisation
» (Taskin, 2006) du travail qui sera révolutionnaire. L'usage des
TIC va permettre d'amener le travail aux travailleurs (Nilles, 1994). On est
dans une migration inverse de celle vécue lors de la révolution
industrielle qui a vu les travailleurs se déplacer vers le travail. Se
relocaliser près des usines et de leur lieu de travail (Marglin, 1976).
Avec le développement des NTIC, le travail peut se déplacer vers
le travailleur, c'est une nouvelle révolution qui s'amorce.
Malgré le développement des NTIC, ce n'est pas
avant 2020 et l'arrivée de la crise sanitaire mondiale de la COVID 19
que le télétravail va se démocratiser de manière
exponentielle et globale. Ce développement forcé et sans
précédent du télétravail va marquer une nouvelle
évolution majeure dans l'histoire du télétravail avec une
démocratisation de cette nouvelle forme de travail qui s'est faite du
jour au lendemain et qui semble être là pour rester. Ce
développement soudain, nous amène à nous demander ce
qu'est réellement le télétravail. En recherchant la
littérature dédiée au télétravail on
s'aperçoit que bien qu'il y ait de nombreux articles et recherches
dédiés à ce sujet, aucun ne s'accorde unanimement sur une
définition du terme télétravail. De plus, nous pouvons
noter l'utilisation de termes différents tels que « travail
à domicile » (Taskin, 2003) ou encore « eTravail »
(Taskin, 2006).
Malgré une définition du
télétravail qui fait de plus en plus consensus, l'adoption d'une
définition acceptable et acceptée de tous reste une source de
débats et de désaccords. Les différents types de travaux
effectués ainsi que la différence entre le travail à
domicile et le télétravail sont des sources de désaccords
communs dans la littérature (Sullivan, 2003).
De plus en plus, il est accepté que le
télétravail implique l'utilisation des NTIC et qu'il se pratique
en dehors du lieu de travail habituel. Cependant, au fil des années, les
différents aspects qui caractérisent le télétravail
ont été plus ou moins mis en avant. Dans les années 70 et
80, la définition du télétravail se focalisait plus sur
l'aspect du transport, du trajet entre la maison et le bureau (« commuting
» en anglais). Nous parlions d'ailleurs de « telecommute » ou
« telecommuting » dans les pays anglo-saxons. Cette définition
très axée sur les transports est largement dominée par les
travaux de Jack Nilles dans les années 70 et 80. Notons par exemple son
article de 1976 « Telecommuting - an alternative to urban transportation
congestion ». Le télétravail est vu comme une manière
de décongestionner les centres villes, éradiquer les trajets
entre le domicile et le bureau (Huws et al, 1990).
23
Le trajet travail-domicile (« commute » en anglais)
fait partie des 6 thèmes centraux qui permettent de mesurer et
définir le télétravail selon Ellison (Ellison, 1999).
Un autre aspect important du télétravail et qui
en est devenu un élément fondamental retrouvé dans la
plupart des définitions à partir des années 90, est
l'utilisation des NTIC. L'utilisation des NTIC va permettre de faire la
différence entre le travail à domicile et le
télétravail (Huws et al, 1990 ; Ellison, 1999)
En 1994, Thierry Breton dans son rapport « Le
télétravail en France, situation actuelle, perspectives de
développement et aspects juridiques » définit le
télétravail comme étant « une modalité
d'organisation ou d'exécution d'un travail exercé à titre
habituel, par une personne physique, dans les conditions suivantes : d'une
part, ce travail s'effectue à distance, c'est-à-dire hors des
abords immédiats de l'endroit où le résultat de ce travail
est attendu; en dehors de toute possibilité physique pour le donneur
d'ordre de surveiller l'exécution de la prestation par le
télétravailleur; d'autre part, ce travail s'effectue au moyen de
l'outil informatique et/ou des outils de télécommunication, y
compris au moyen de systèmes informatiques de communication à
distance : des données utiles à la réalisation du travail
demandé et/ou du travail réalisé ou en cours de
réalisation. »
Dans l'ANI de 2005, le télétravail est
défini comme suit : « Le télétravail est une
forme d'organisation et/ou de réalisation du travail, utilisant les
technologies de l'information dans le cadre d'un contrat de travail et dans
laquelle un travail, qui aurait également pu être
réalisé dans les locaux de l'employeur, est effectué hors
de ces locaux de façon régulière. »
Cependant l'utilisation de plus en plus importante des NTIC
n'est pas un phénomène seulement lié au
télétravail. En effet, les travailleurs sur site voient
également leur travail révolutionné par l'apparition et le
développement des NTIC. L'utilisation des NTIC ne peut donc pas
être le seul élément qui permettra de mesurer et
définir le télétravail. Hopkinson et al (2002) et Taskin
(2006) se sont donc intéressés au contenu du travail
effectué par les télétravailleurs.
On retrouve dans le début des années 2000 le
terme de « knowledge workers » (Hopkinson et al, 2002) ou «
travailleurs de la connaissance » (Taskin, 2006). Selon Hopkinson et al
(2002) seuls les « knowledge workers » devraient être
considérés comme des télétravailleurs. Taskin
(2006) définit ces « travailleurs de la connaissance » comme
étant des travailleurs avec des projets, effectuant des tâches qui
ne peuvent pas être mesurées ou contrôlées avec
l'unité temps que l'on retrouve dans le travail de Lallé (1999).
Dans une certaine mesure, il est accepté que les « knowledge
workers » ne font pas de travaux manuels. Cela écarte de nouveau
les
24
travailleurs à domicile ou encore les travailleurs
indépendants, les artisans qui pour beaucoup travaillent à leur
domicile et pourraient donc être considérés comme des
télétravailleurs.
Afin de déterminer ce qu'est un «
télétravailleur » nous avons vu que le transport,
l'utilisation des NTIC ou encore le contenu du travail sont importants.
Cependant, d'autres critères apparaissent dans la littérature tel
que la fréquence avec laquelle le télétravail est
effectué. On peut parler de haute intensité et de faible
intensité de télétravail (Gajendran & Harrison, 2007).
Selon l'étude de Gajendran & Harrison avec une moyenne de moins de
2.5 jours de télétravail, un télétravailleur est
considéré comme étant un « low-intensity telecommuter
». La fréquence du télétravail peut donc être
utilisée pour définir le télétravail. On peut faire
la distinction entre les travailleurs qui travaillent en dehors du bureau, ceux
qui travaillent en partie en dehors du bureau, ceux qui travaillent de temps en
temps en dehors du bureau ou encore ceux qui occasionnellement amènent
du travail à la maison et laissent leur travail du bureau
s'étendre sur leurs soirées et weekends. Peut-on parler de
télétravail pour tous ces travailleurs ? Selon Gurstein (2001)
oui, ils répondent tous à une forme de télétravail.
Le développement des NTIC a vu les frontières entre le bureau et
le domicile se brouiller de plus en plus (Billsberry & Wilks, 2007).
La localisation du travail est également vue comme
étant un élément essentiel de la définition du
télétravail. Cependant, encore une fois les auteurs n'arrivent
pas à s'accorder sur une définition précise de la
localisation des télétravailleurs. Avant les années 2000
la localisation des télétravailleurs était principalement
acceptée comme étant leur domicile. D'où le terme beaucoup
employé alors de « travailleur à domicile ». Cependant,
vers la fin des années 90 et le début des années 2000
cette définition de la localisation des télétravailleurs
est chamboulée encore une fois par l'arrivée en force des NTIC.
En effet, il est désormais possible de travailler depuis une grande
variété d'endroits (Taskin, 2006).
Le télétravail en télécentre ou
bureau satellite fait partie des 5 catégories de
télétravail cartographiées par l'étude de 2000 de
l'ECaTT (Electronic Commerce and Telework Trends)2.
Cette étude qui sera utilisée comme base pour de
nombreuses enquêtes européennes sur le télétravail
(Taskin, 2006) distingue cinq catégories de télétravail
:
2 Enquête réalisée par questionnaires dans
dix pays de l'Union européenne. Cette étude ne prend pas en
compte le télétravail dans les centres d'appels. Cette
étude est basée sur un échantillonnage de 4 158
entreprises et 7700 personnes.
1.
25
Le télétravail régulier
qui lui-même est réparti en deux sous-catégories
(le télétravail permanent et alterné) ;
2. Le télétravail occasionnel
;
3. Le télétravail en
télécentre ou bureau satellite ;
4. Le télétravail mobile (lors
de voyages d'affaires, de missions sur site par exemple) ;
5. Le télétravail indépendant
(statut indépendant travaillant à domicile et utilisant
les NTIC).
On peut de nouveau remarquer que la fréquence, la
localisation ou encore l'utilisation des NTIC sont utilisées comme
éléments de mesure du télétravail. Le transport
(commute) n'est pas dans cette étude un élément essentiel
dans la définition du télétravail car le travail mobile ou
encore le travail en télécentre n'éliminent pas le
déplacement du télétravailleur.
Les cinq critères de cette étude rappellent les
cinq variables utilisées par Standen et al (1999) pour définir et
mesurer le télétravail. Selon eux, le télétravail
devrait être vu comme un phénomène multidimensionnel
plutôt que seulement comme une absence du lieu de travail.
Ils définissent cinq variables qui peuvent mesurer le
télétravail :
1. Le degré auquel les NTIC connectent
les travailleurs à leur bureau ;
2. La distribution du temps entre le bureau et
le domicile ;
3. L'ampleur de la communication nécessaire
avec les autres employés afin d'effectuer le travail/la
tâche ;
4. L'importance de la communication avec les
clients ou autres parties externes ;
5. L'intensité du savoir requis.
Le développement du cadre juridique amorcé dans
les années 90 est également un facteur qui a aidé le
télétravail à se développer et à se
définir. Dans un rapport de 1993 intitulé « Le
télétravail en France, situation actuelle, perspectives de
développement et aspects juridiques », Thierry BRETON va tenter de
définir le télétravail. Cependant ce n'est pas avant les
années 2000 que le télétravail va réellement
prendre une dimension juridique avec l'accord-cadre européen de 2002
visant à conférer les mêmes droits aux
télétravailleurs qu'aux autres salariés. Avant les
années 2000, le développement du télétravail
était bien souvent seulement dû à un arrangement entre le
salarié et l'employeur. Il ne donnait que très rarement lieu
à un aménagement du contrat de travail, un accord officiel entre
les deux parties (Taskin, 2003).
26
L'ANI de 2005 relatif au télétravail est le
premier accord à encadrer le recours au télétravail au
niveau national et marquera un tournant dans l'acceptation du
télétravail par les partenaires sociaux jusque-là
sceptiques quant aux bénéfices et aux avantages d'un tel mode de
travail tant pour les employés que pour les employeurs. Désormais
le télétravail peut faire partie des conditions de travail du
salarié et peut faire l'objet d'un avenant au contrat de travail. De
plus il est pratiqué sur la base du volontariat seulement et est
réversible (l'employeur comme l'employé peuvent demander son
annulation)3.
Le télétravail est rentré dans le code du
travail en 2012 et se définissait alors ainsi : « le
télétravail est une forme d'organisation du travail dans laquelle
un travail qui aurait également pu être exécuté dans
les locaux de l'employeur est effectué par un salarié hors de ces
locaux de façon régulière et volontaire en utilisant les
TIC dans le cadre d'un contrat de travail ou d'un avenant à celui-ci
» (Dumas & Ruiller, 2014).
Bien qu'il ait évolué de manière
exponentielle ces deux dernières années, le
télétravail avait fait l'objet d'une évolution
législative majeure en 2017 avec les ordonnances Macron4
(Art. L.12229 du Code du Travail). L'article L.1222-9 supprime le
caractère régulier du télétravail et le recours
à l'avenant au contrat de travail. Depuis le 24 septembre 2017, qu'il
soit régulier ou occasionnel, le télétravail est soumis
à la réglementation du télétravail.
On voit alors évoluer la définition du
télétravail dans la loi à partir de 2017 : «
toute forme d'organisation du travail dans laquelle un travail qui aurait
également pu être exécuté dans les locaux de
l'employeur est effectué par un salarié hors de ces locaux de
façon volontaire en utilisant les technologies de l'information et de la
communication » (Art. L.1222-9 du Code du travail).
L'ordonnance Macron de 2017 a pour volonté de lever les
freins au télétravail et le rendre plus accessible tout en lui
donnant un cadre juridique à la fois souple mais aussi précis.
Déjà le télétravail est vu comme étant
l'outil d'organisation du travail du futur. En effet, il répond aux
préoccupations des années 2000 à savoir la QVT, la
conciliation vie privée et vie professionnelle ainsi que l'essor du
numérique.
3 Source ANACT (Agence National pour l'Amélioration des
Conditions de Travail) - Accord National Interprofessionnel du 19 juillet 2005
relatif au télétravail -
www.anact.fr/file/accord-national-interprofessionnel-du-19-juillet-2005-relatif-au-teletravail
4 Legifrance:
www.legifrance.gouv.fr/codes/articlelc/LEGIARTI000044605366
27
Tableau 7 - Nombre de
télétravailleurs réguliers et occasionnels en pourcentage
de la main d'oeuvre en 1999 - SOURCE : ECaTT (Electronic Commerce and Telework
Trends (2000)
Malgré ces nouvelles préoccupations et enjeux,
force est de constater que la France mettra du temps à adapter ce
nouveau mode de travail. Le pourcentage de télétravailleurs en
France à la fin des années 90 est presque marginal (Tableau 7) et
on aperçoit que les pays nordiques sont bien plus
développés dans ce domaine que la moyenne européenne.
Tableau 8 : % de salariés effectuant
plus de 8 heures par mois de télétravail parmi la population
salariée totale. (d'après le Rapport sur le
télétravail du Centre d'analyse stratégique -
www.strategie.gouv.fr)
28
Au début des années 2010, le
télétravail en France n'a pas beaucoup évolué
malgré la loi de 2012 et l'entrée du télétravail
dans le code du travail. Encore une fois les chiffres montrent que la France
est en retard par rapport à ses voisins européens concernant
l'adoption de ce mode de travail (Tableau 8).
Les freins à l'adoption de cette nouvelle organisation
du travail semblent être multiples. La peur et la méconnaissance
à la fois des managers et des salariés, l'appropriation des
outils numériques, la culture, le manque de dialogue social à ce
sujet et l'autonomie encore limitée laissée aux salariés
font partie des freins observés. On peut aussi mentionner le cadre
juridique encore très récent à l'époque et les
craintes pour la productivité et les relations interpersonnelles de
l'entreprise. Toutes ces raisons et bien d'autres encore, font que la France
est en retard par rapport à d'autres pays en ce qui concerne l'adoption
du télétravail au début des années 2010.
Tableau 9 : Part des salariés
pratiquant régulièrement le télétravail en 2017
selon la catégorie socioprofessionnelle (Source : Dares-DGT-DGAFP,
enquête Sumer 2017)5
En 2017, seulement 3% des salariés déclarent
pratiquer le télétravail au moins 1 jour par semaine. Ces
télétravailleurs sont principalement des cadres (Tableau 9). Le
télétravail et son développement semblent alors être
un enjeu majeur pour les RH à la fin des années 2010.
5 Champ : France (hors Mayotte), tous salariés.
Echantillon aléatoire de 1 527 répondants en France
interrogés en face à face, 849 salariés interrogés
par interne et 1 604 salariés (dont 581 managers) interrogés en
ligne via panel.
Source : Dares-DGT-DGAFP, enquête Sumer 2017 -
https://dares.travail-emploi.gouv.fr/sites/default/files/pdf/daresanalysessalariesteletravail.pdf
29
1.2.2. Le télétravail comme nouvel enjeu
RH
Dans son livre «Work, Unemployment and, Mental
health» Peter Warr (1987) s'intéresse à la santé
mentale des travailleurs et des chômeurs. Selon lui, la santé
mentale de ces deux catégories de personnes est influencée par
les mêmes caractéristiques environnementales. Ce qui peut se
révéler dangereux pour la santé mentale des travailleurs,
peut également se révéler dangereux pour les personnes
sans emploi et à l'inverse, ce qui peut se révéler positif
pour les travailleurs peut aussi l'être pour les chômeurs. De
nombreuses études sur le télétravail ont utilisé
les travaux de Warr pour comparer les conséquences psychologiques que
peut avoir l'environnement sur les travailleurs et les
télétravailleurs (Standen et al, 1999).
Les neuf variables identifiées par Warr (1990) sont :
1. L'opportunité de contrôle (autonomie et
participation aux processus de décisions) ;
2. L'opportunité d'utiliser ses compétences ;
3. Un niveau de demandes et d'objectifs modéré
;
4. La variété (des tâches, des rôles,
des compétences requises etc.) ;
5. La clarté (clarté des comportements requis, des
résultats, du futur, des objectifs etc.) ;
6. L'argent ;
7. La sécurité physique (bonnes conditions de
travail, absence de danger) ;
8. L'opportunité d'avoir des contacts entre
collègues (bonne communication, qualité des interactions, support
social) ;
9. La valeur de la position sociale (le prestige du rang
social, l'environnement social à la maison et au travail, le sens des
tâches accomplies).
En général, la santé mentale est
meilleure lorsque ces neufs variables sont réunies. Cependant, ce qui
est reproché au modèle de Warr est le manque de clarté et
d'information concernant le poids de chaque variable et leur niveau optimal
pour une meilleure santé mentale.
Une autre préoccupation à ne pas négliger
par les RH est le conflit entre vie professionnelle et vie privée. Ce
sujet n'est pas un sujet récent mais il prend une nouvelle dimension
avec le télétravail. On parle alors de débordement («
spillover » en anglais) positif et négatif entre les deux vies. On
observe un débordement important des humeurs négatives entre les
deux vies et à l'inverse, un débordement plutôt
modéré des humeurs positives d'une vie à l'autre (Williams
& Alliger, 1994). Un débordement de la répartition du temps
de travail est aussi observé, on
30
parle d'une nouvelle « articulation de la
temporalité entre travail et non-travail » (Taskin, 2003) avec une
augmentation sensible du temps de travail chez les
télétravailleurs (Chapman et al, 1995).
Le thème de la balance vie privée/vie
professionnelle offerte par le télétravail fait débat dans
la littérature. Pour certains le télétravail offre un
équilibre vie privée/vie professionnelle difficilement
atteignable pour les non-télétravailleurs (Raghuram &
Wiesenfeld, 2004) alors que pour d'autres le télétravail accentue
les conflits et le stress entre les deux sphères (Standen et al, 1999).
Le thème de la socialisation et des relations interpersonnelles, est
quant à lui en majorité vu dans la littérature comme
étant négativement impacté par le
télétravail (Short, Williams & Christie, 1976)
Ces deux thèmes ainsi que le thème de
l'autonomie, que nous verrons plus bas, font partie selon Gajendran et Harrison
du « paradoxe du télétravailleur ». En effet, les
conséquences le plus souvent observées des deux thèmes,
autonomie et balance vie privée/vie professionnelle, ne sont pas
compatibles avec les conséquences du troisième thème
(socialisation et relations interpersonnelles). Si, comme la littérature
semble le démontrer le plus souvent, le télétravail
augmente l'autonomie et diminue les conflits entre vie privée et vie
professionnelle, cela devrait augmenter la performance et réduire le
stress. En même temps, si le télétravail devait, comme
souvent indiqué, endommager les relations interpersonnelles et les
perspectives de développement de carrière cela aurait un impact
sur la vie non seulement professionnelle mais aussi personnelle des
télétravailleurs et augmenterait les conflits entre ces deux
sphères ainsi que le sentiment de perte de contrôle. On voit donc
que les deux premiers thèmes ne sont pas compatibles avec le
troisième.
Cela met en évidence le fait qu'il est difficile non
seulement de définir le télétravail mais qu'il est aussi
difficile de déterminer si le télétravail a des
conséquences positives ou négatives sur les
télétravailleurs et leur entourage. La littérature ne
semble pas s'accorder sur le sujet.
Les effets du télétravail sur les
télétravailleurs sont souvent documentés mais il ne faut
pas oublier que le télétravail peut également avoir des
effets sur les personnes qui entourent les télétravailleurs. Que
ce soient leur famille ou leurs collègues. On distingue la production
« industrielle » de la production « du ménage (household)
». Une des différences principales entre ces deux productions est
que l'une est rémunérée et l'autre ne l'est pas (Tietze
& Musson, 2005). Ces deux sphères sont en général
séparées mais avec l'arrivée du télétravail,
les deux sphères vont se rencontrer et vont devoir cohabiter.
La production industrielle est souvent vue comme étant
plus importante que la production du
31
ménage. Le temps c'est de l'argent (« time is
money ») est le fondement sur lequel la production industrielle a
été construite (Taylor, 1911). Le temps du travailleur a
été transformé en monnaie d'échange. A l'inverse la
production du ménage est vue comme étant un travail d'amour, la
temporalité n'est pas la même que pour la production industrielle.
Le temps consacré au ménage (household) n'est pas monnaie
d'échange. La production du ménage est souvent plus invisible, et
considérée comme étant moins puissante et importante que
la production industrielle (Tietze & Musson, 2005). C'est
traditionnellement le domaine des femmes.
On pourrait être tenté de considérer la
production industrielle comme étant moins saine, moins attirante que la
production du ménage. Cependant, la sphère du ménage peut
elle aussi être une institution demandeuse de beaucoup de temps et d'une
loyauté sans bornes (Coser, 1974). Cet aspect de la production du
ménage peut rendre la production industrielle plus attractive pour
certains et fait que des personnes préféreront la sphère
industrielle à la sphère du ménage. La sphère
industrielle peut même devenir un endroit où échapper
à la sphère du ménage.
Le télétravail va avoir pour effet de confronter
les deux sphères et effacer les frontières qui pouvaient exister
entre elles. C'est la rencontre entre deux mondes, le monde du travail
rémunéré et celui du travail non
rémunéré. A travers leur recherche sur l'impact du
télétravail sur la sphère familiale, Tietze et Musson
(2005) ont trouvé que la sphère familiale a plus de chance de se
faire coloniser par les pratiques et le vocabulaire de la sphère
industrielle que l'inverse. Tietze et Musson (2005) identifient un
débordement important du vocabulaire et des pratiques de « time
management » dans la sphère familiale. Les
télétravailleurs qui ont participé à leur
étude ne font plus la distinction entre les tâches de la
sphère du travail et les tâches de la sphère familiale. Ces
tâches deviennent une liste de tâches à effectuer et pour
lesquelles ils doivent faire preuve d'une bonne gestion du temps et d'une
efficacité optimale. Certains parlent de « family meetings »
ou encore « family battle plans », des termes (meetings, plans)
jusqu'alors réservés à la sphère du travail et qui
avec le télétravail débordent dans la sphère
familiale. Ce débordement lexical et comportemental de la sphère
du travail sur la sphère familiale n'est pas le seul débordement
observé. En effet, on observe également un débordement
physique. Le télétravail est vécu comme une intrusion du
travail dans l'espace physique du foyer. Ce débordement semble causer le
plus de ressentiment de la part des autres membres de la sphère
familiale selon Tietze et Musson (2005). Des espaces jusqu'alors communs, se
voient occupés par la sphère du travail avec l'arrivée de
dossiers, ordinateurs, imprimantes et autres outils appartenant au monde du
travail. Dans l'étude de Tietze et Musson (2005), les
télétravailleurs parlent aussi des interruptions qui continuent
d'exister lorsque l'on
32
télétravaille. Ces interruptions sont
différentes de celles observées au bureau mais peuvent être
tout aussi perturbatrices. Encore une fois le vocabulaire de la sphère
du travail ressort lorsque l'on dit que les enfants doivent être «
managés » par exemple.
Bien que le télétravailleur ait plus d'autonomie
en ce qui concerne la gestion de son temps, cette autonomie peut aussi
être vécue comme une source de stress. Selon Tietze et Musson
(2005), le fait de réunir les deux sphères et d'effacer les
frontières entre ces dernières fait que les
télétravailleurs doivent gérer plus de demandes et de
responsabilités en même temps. De plus, cet entre-deux permanent
provoque une perte d'identité. Le télétravailleur a plus
de mal à faire la distinction entre ses différents rôles et
apparaît une peur de la perte de son statut professionnel et du respect
de ses collègues.
Si l'on rapproche l'étude de Tietze et Musson avec les
variables de Warr vues précédemment, on observe chez le
télétravailleur la détérioration de cinq variables
sur les neuf variables qui influencent la santé mentale du travailleur.
Ces cinq variables sont le niveau de demandes qui augmente avec le
télétravail et le débordement des demandes de la
sphère familiale sur la sphère du travail, la clarté avec
un effacement des barrières entre les rôles qui provoque une perte
de clarté, la sécurité physique avec des espaces de
travail qui ne sont souvent pas adaptés, l'opportunité d'avoir
des contacts avec les collègues qui est bien souvent moindre pour les
personnes en télétravail et enfin la valeur de la position
sociale qui se voit affectée par la crainte de perdre son statut
professionnel. Les variables « opportunité d'utiliser ses
compétences », « variétés » et «
argent » ne semblent pas vraiment impactées par le
télétravail.
La variable contrôle/autonomie se voit
améliorée par le télétravail et par l'augmentation
du contrôle de son temps mais cela peut également amener son lot
de stress. L'autonomie qui est souvent vantée comme étant un des
principaux avantages du télétravail, peut se
révéler être une « autonomie relative » ou «
superficielle » (Gajendran & Harrison, 2007).
Les télétravailleurs sont susceptibles de
ressentir un sentiment de liberté, de contrôle et d'autonomie plus
important que les non-télétravailleurs. Cela est dû au fait
qu'ils soient physiquement et psychologiquement éloignés de leur
espace de travail. Cet éloignement fait qu'ils ne subissent pas le
même degré de contrôle et de supervision que leurs
collègues qui se trouvent au bureau. Le fait de pouvoir contrôler
la façon dont on s'habille, les pauses que l'on prend, la
décoration de notre espace de travail, l'ambiance (lumière,
musique etc.) renforce le sentiment d'autonomie du
télétravailleur.
33
Tableau 10 : Cadre théorique des
conséquences du travail à distance (Gajendran & Harrison,
2007)
Le thème de l'autonomie du
télétravailleur fait partie des trois thèmes principaux
retrouvés dans la littérature du télétravail
d'après Gajendran & Harrison. Ils identifient également le
thème du conflit entre la vie privée et la vie familiale et le
thème de la socialisation (Tableau 10). Selon eux, le
télétravail aurait des conséquences principalement sur ces
3 thèmes.
En ce qui concerne l'autonomie, la littérature voit en
majorité le télétravail comme ayant une conséquence
positive sur l'autonomie du travailleur. Cependant, un niveau d'autonomie
élevé peut aussi avoir des conséquences négatives
(Langfred, 2004). Cette nouvelle autonomie du travailleur va avoir un impact
sur sa relation avec son manager et le rôle de ce dernier.
La relation que le télétravailleur a avec son
manager est un sujet qui a inspiré beaucoup d'auteurs. Pour certains le
télétravail a pour conséquence possible une
dégradation de la relation managériale (Reinsch, 1999). Le
télétravailleur ayant peur de l'isolement, du manque
d'échange d'informations de la part du manager et le manager souffrant
du manque de contrôle sur le télétravailleur.
Il est souvent question du changement de stratégie de
la part des managers et de nouvelles formes de contrôles. On parle
beaucoup du management par objectifs (Taskin, 2006). Les modes de
contrôle traditionnels ne sont plus adaptés aux nouvelles formes
de travail et doivent
34
évoluer. Il est nécessaire de repenser les
formes de contrôle du manager (Kurland & Cooper, 2002). Selon
Lallé (1999), le contrôle est traditionnellement structuré
autour de « trois unités ». Il parle de l'unité temps,
l'unité lieu et l'unité action. Le télétravail va
chambouler ces unités de contrôle traditionnelles et les rendre
obsolètes. L'unité temps n'est pas facilement contrôlable
pour les télétravailleurs. Ils jouissent d'une plus grande
autonomie dans le gestion de leur temps et de plus les
télétravailleurs étant le plus souvent des «
knowledge workers » (Taskin, 2006) la nature des tâches qu'ils
doivent effectuer n'est pas facilement contrôlable à partir du
facteur temps. Un contrôle par le résultat ou l'objectif semble
plus pertinent pour ces travailleurs. L'unité lieu n'est pas applicable
avec le télétravail ou difficilement applicable. L'essence
même du télétravail est la délocalisation du travail
vers le domicile ou un autre endroit qui est éloigné du manager.
Le contrôle lié au lieu du travail est donc compromis avec le
télétravail et encore une fois, il est préférable
de contrôler le travail effectué, le résultat, plutôt
que le lieu où ce travail a été effectué. Enfin,
l'unité action fait référence aux procédures
à suivre, aux règles établies par le manager. Le
télétravailleur peut toujours avoir à respecter ces
consignes et procédures cependant il restera toujours compliqué
pour le manager de vérifier que ces dernières sont bien
respectées. Le fait que l'objectif soit atteint et que le travail soit
fait sera plus important que la manière dont il a été
fait.
Les managers doivent donc apprendre à manager
différemment et développer un niveau de confiance plus
élevé. Cependant, un niveau de confiance trop élevé
peut aussi avoir des conséquences négatives sur la performance
(Langfred, 2004). Selon l'étude de Langfred, les équipes
auto-managées avec un haut niveau d'autonomie seront plus performantes
lorsque le niveau de confiance n'est pas trop élevé.
Lorsque les équipes sont auto-managées, les
membres de l'équipe sont responsables de la surveillance du travail des
différents membres de l'équipe. Si un sentiment de confiance
important est instauré, il sera difficile pour les membres de
l'équipe de rapporter un problème ou même de surveiller les
autres membres. Cela pourrait être vu comme inutile ou comme de la
délation qui pourrait avoir pour conséquence la mise à
l'écart du groupe. Les membres des équipes auto-managées
qui jouissent d'une grande autonomie et confiance peuvent donc être plus
réticents lorsqu'il s'agit de rapporter un problème ce qui
pourrait avoir des conséquences négatives sur la performance de
l'équipe en général. Il est donc préconisé
de faire en sorte que plus les membres d'une équipe sont autonomes, plus
il est important qu'ils soient au courant des activités de chacun afin
d'éviter les problèmes de coordination et de communication (Orton
& Weick, 1990) ainsi que les pertes de procédés. Un certain
niveau de contrôle est donc
35
nécessaire quel que soit le niveau de confiance dans
une équipe. Langfred met cependant en garde contre les conclusions trop
hâtives concernant la relation entre la performance et la confiance. En
effet, les résultats de son étude montrent que trop de confiance
peut avoir une conséquence négative sur la performance des
équipes auto-managées qui sont en général
caractérisées par des niveaux d'autonomie individuelle
très élevés. Ce résultat ne s'applique pas
forcément aux équipes et aux organisations en
général. Il n'est pas question de remettre en cause la confiance
au travail. Il a déjà été prouvé que la
confiance peut avoir des effets positifs sur la performance. Ce que remet en
cause Langfred c'est le niveau de confiance, et qu'un manque total de
supervision peut être perçu comme naïf. Langfred ajoute
« qu'un peu de scepticisme n'a jamais fait de mal à personne ou
à une équipe».
Dans la littérature, les trois éléments
principaux qui font que la hiérarchie est réticente au
développement du télétravail sont la confiance, la
sécurité et l'intimité (Joice, 2007).
La sécurité de l'information et la
sécurité physique du télétravailleur sont souvent
vues comme étant des freins au développement du
télétravail. Ce sujet est souvent repris dans la
littérature. Par exemple, Whiteman & Dick (2006) évoque le
fait que pour les managers autoriser les employés à
accéder à des informations confidentielles, des logiciels et des
bases de données professionnelles en-dehors des murs du bureau augmente
les risques de fuites d'informations. Un autre risque identifié est
l'utilisation du matériel professionnel, comme un ordinateur, par un
membre de la famille à des fins illégales ou encore le vol de ce
matériel au domicile du télétravailleur (Zbar, 2000). La
sécurité est donc un aspect complexe et multidimensionnel du
télétravail (Gandolfi & Oster, 2011).
L'intimité de l'information et l'intimité
physique du télétravailleur peuvent aussi être des
obstacles à l'implantation du télétravail. La
séparation entre la vie privée et la vie professionnelle
étant effacée, les droits de l'employeur sont méconnus et
ses frontières non testées. Est-il par exemple acceptable qu'un
employeur vienne inspecter le lieu de travail au domicile de son
télétravailleur ? (Gandolfi & Oster, 2011). L'intrusion du
travail dans la sphère familiale peut être la cause d'abus de la
part de l'employeur. Lorsqu'un employé télétravaille, il
est important que l'employeur fasse preuve d'un certain niveau de confiance.
La confiance est le troisième élément qui
peut freiner la hiérarchie en ce qui concerne le
télétravail. En effet, il est souvent fait
référence dans la littérature au fait qu'un manager ne
peut pas manager ce qu'il ne peut pas voir (Handy, 1995). Le manque de
management visuel est donc souvent mis en lien avec l'échec du
développement du télétravail avant les années 2000
(Gandolfi & Oster, 2011).
36
On parle beaucoup des effets du télétravail
entre le télétravailleur et le manager, la hiérarchie mais
il est rarement question des effets du télétravail sur les
collègues du télétravailleur. En l'occurrence, les
collègues qui ne télétravaillent jamais par choix ou par
obligation car leur activité ne le permet pas. On parle de «
telework disparity » ou de « disparité du
télétravail » (Maier et al, 2021). Selon Maier et al, le
télétravail peut avoir un côté obscur peu
étudié. En effet, les études effectuées avant la
pandémie de la COVID 19 montraient que le télétravail
pouvait avoir des effets négatifs sur les collègues qui
étaient au bureau. Des émotions négatives comme l'envie,
la jalousie ou encore le sentiment d'inégalité peuvent impacter
la performance des non-télétravailleurs et faire apparaître
chez-eux des envies de démission. Ces conséquences peuvent donc
avoir des impacts importants pour les employeurs si elles ne sont pas
gérées correctement.
Tableau 11 : Perspective théorique de
la comparaison sociale et de ses conséquences
(Festinger, 1954)
Maier et al (2021) utilisent la théorie de la
comparaison sociale de Festinger (1954) pour leur étude (tableau 11).
Les non-télétravailleurs comparent leur situation et leurs
conditions de travail à celles de leurs collègues
télétravailleurs et considèrent que leurs collègues
sont mieux logés. Par exemple l'unité temps est souvent
mentionnée comme étant une source d'envie. Les
télétravailleurs ont plus de temps à consacrer à
leur famille et ne perdent pas de temps à voyager entre leur domicile et
leur lieu de travail. Les non-télétravailleurs rapportent
également des problèmes de communication et considèrent le
télétravail comme étant un frein au travail
d'équipe et aux relations interpersonnelles (Grundmann et al, 2011).
Nous avons donc vu qu'il n'est pas toujours simple de
définir ce qu'est le télétravail et que les freins
à son adoption ont été multiples depuis son apparition
dans les années 70. Cependant, le télétravail s'est
imposé aux organisations et collaborateurs ces trois dernières
années et les RH ont dû s'adapter rapidement à cette
révolution. La France qui était à la traîne en ce
qui concerne le développement de ce mode de travail, a vu son retard se
résorber de façon radicale et soudaine.
37
1.2.3. Le télétravail : Quelles
adaptations depuis la crise sanitaire ?
C'est donc avec une expérience du
télétravail très limitée que la France va se voir
forcée d'adopter ce mode de travail en mars 2020 avec l'arrivée
de la crise de la COVID 19 et le premier confinement.
On estime qu'environ 5% des travailleurs européens
télétravaillaient régulièrement en 2019 (Eurostat,
2020)6. La France n'était donc pas la seule à voir son
organisation du travail chamboulée par la crise sanitaire. Ce changement
radical et soudain a laissé de nombreux travailleurs mal
préparés et mal équipés pour faire face à
cette crise (Carillo et al, 2020). Les travailleurs ont dû s'adapter
à des nouveaux modes de travail et de nouvelles pratiques très
rapidement.
Dans leur article de 2020, Carillo et al parlent de la
théorie de l'ajustement professionnel (TWA - Theory of Work Adjustment)
développée par Dawis et Lofquist (1984). La théorie de
l'ajustement professionnel décrit la relation entre le travailleur et
son lieu de travail. L'environnement et l'individu doivent être en
adéquation et répondre à des besoins particuliers. Cette
adéquation entre le lieu de travail et le travailleur est atteinte
grâce à un ajustement professionnel effectué aussi bien par
l'individu que par le lieu de travail. Cette adéquation est source de
satisfaction des deux côtés. Selon la théorie de
l'ajustement, plus les caractéristiques d'une personne (connaissances,
valeurs, attitudes, compétences etc.) sont en adéquation avec
l'entreprise et son rôle au sein de l'entreprise, plus cette personne
aura des chances d'être performante et de satisfaire son entreprise.
Dans un contexte où l'environnement de travail n'est
plus choisi mais subi comme lors du premier confinement, Carillo et al (2000)
tentent d'identifier ce qui permet aux travailleurs de s'adapter plus
rapidement à leur nouvel environnement dans un souci de performance et
d'amélioration des pratiques de télétravail.
Carillo et al (2000) comparent le télétravail
« normal » ou « traditionnel » avec le
télétravail forcé que nous avons vécu en 2020. En
effet, le télétravail forcé et le confinement ne
permettaient pas de choisir le lieu où l'on souhaitait
télétravailler. La flexibilité du
télétravail « normal » ou « traditionnel »
n'était pas possible avec le confinement. Le télétravail
n'était pas
6 Pourcentage de travailleurs dans l'UE âgés entre
15 et 64 ans et télétravaillant régulièrement.
Source EUROSTAT (2020) - How usual is it to work from home? Products Eurostat
News -
https://ec.europa.eu/eurostat/web/products-eurostat-news/-/DDN-20200424-1
38
volontaire mais imposé, il devait s'effectuer depuis
son domicile et de façon non pas flexible mais systématique.
Carillo et al (2000) font également la distinction entre la crise de la
COVID 19 et les autres crises qui peuvent parfois imposer l'adoption du
télétravail. D'autres crises comme des tremblements de terre ou
des guerres font que le télétravail est parfois nécessaire
et imposé (Donnelly & Proctor-Thomson, 2015). Cependant, cela est en
général pour une partie précise de la population mondiale
et non toute la population mondiale et avec des barrières
particulières liées aux dégradations/destructions des
infrastructures.
Les résultats de l'étude de Carillo et al (2000)
mettent en évidence des barrières à l'ajustement
professionnel lors du confinement. Le manque de contacts aussi bien formels
qu'informels avec les collègues, le manque de retour des managers ou
encore l'impossibilité d'avoir des conditions adaptées :
physiques (bureau et chaise adaptés par exemple) et mentales
(interruptions fréquentes, bruits etc.) ressortent comme étant
les principaux obstacles à l'ajustement professionnel des travailleurs
au télétravail. Ces barrières à l'ajustement sont
donc, selon Carillo et al (2000), ce que les entreprises devraient essayer
d'améliorer en priorité afin de garantir le succès de
cette nouvelle forme de travail.
Un des facteurs clés pour garantir le succès et
l'ajustement au télétravail est la frontière claire et
précise entre vie privée et vie professionnelle (Dumas &
Ruiller, 2014). Le risque d'isolement est également mentionné.
Ces deux risques sont selon Dumas et Ruiller (2014) limités grâce
à l'intensité et au rythme du télétravail. La
durée maximum de deux jours de télétravail par semaine est
alors préconisée. Cette durée maximum limite, selon leur
étude, l'empiétement de la sphère du travail sur la
sphère familiale (et inversement) mais aussi l'isolement.
Malgré ces obstacles et le manque de flexibilité
du télétravail imposé en 2020, cette nouvelle forme de
travail semble avoir été adoptée par une très large
majorité de travailleurs depuis la fin des confinements successifs.
Selon une enquête de l'ANACT (Télétravail de crise en 2021
: Quelles évolutions ? Quels impacts ?)7 publiée en
juin 2021 et comparant les résultats obtenus lors d'une consultation en
2020, 96% des personnes qui ont répondu à l'enquête
souhaitent poursuivre le télétravail malgré les
difficultés. Toujours selon cette enquête, 81% des
répondants estiment réussir à concilier vie privée
et vie professionnelle. Un résultat plus élevé que lors de
l'étude de 2020 (76%) qui avait vu de nombreux professionnels travailler
avec des enfants à la maison.
7 Source - ANACT enquête conduite par le réseau
Anact-Aract du 24 février au 24 avril 2021, auprès de 2 864
répondants -
https://veille-travail.anact.fr/osiros/result/notice.php?queryosiros=id:99444
39
Le manque de retour des managers évoqué par
Carillo et al (2000) rappelle l'importance de s'adapter pour les managers. Les
leaders qui souhaitent savoir communiquer et motiver, doivent pouvoir s'adapter
aux nouveaux environnements de travail (Korzynski, 2013). L'apparition des
nouvelles formes de communication, la globalisation, la nouvelle
génération de travailleurs connectés, font que les
façons de travailler, motiver et collaborer évoluent. Les
managers doivent pouvoir s'adapter afin de rester actuels et répondre
aux nouvelles demandes.
Selon Korzynski (2013) les changements s'opèrent
principalement dans 3 catégories : technologique, organisationnelle et
générationnelle. Au niveau technologique, il est important de
faire en sorte que tous les collaborateurs soient formés et à
l'aise avec les nouveaux outils afin d'assurer leur productivité et ne
pas impacter leur motivation. Au niveau générationnel, si le
manager est capable de s'adapter aux attentes et demandes de la nouvelle
génération, cela aidera à les motiver et à diminuer
le taux de rotation/démission des nouvelles recrues. Enfin, au niveau
organisationnel, les managers doivent changer leur façon de communiquer.
En effet, la globalisation (collaborateurs à l'étranger) et les
nouveaux modes de travail font que les méthodes traditionnelles de
communication et de retours managériales doivent être mises
à jour afin d'inspirer et motiver un plus grand nombre de
collaborateurs.
Le « drive to bond» ou « la volonté de
lier » est une partie très importante de la motivation (Nohria et
al, 2008). Les entreprises qui performent le mieux sont celles qui arrivent
à développer une culture d'entreprise, un sentiment
d'appartenance auprès de leurs collaborateurs. L'aspect social est
également important pour la motivation et cet aspect n'est pas à
négliger surtout dans un environnement digital. Il est donc important
que les managers n'oublient pas d'organiser des activités en ligne pour
leurs collaborateurs afin de créer un lien social et un sentiment
d'appartenance. Cela aura une influence positive sur leur motivation
(Korzynski, 2013).
Avec la crise de la COVID 19 et le développement massif
et forcé du télétravail, les managers font face à
de nouveaux challenges afin de motiver leurs collaborateurs. Un des challenges
post-covid auquel les managers doivent faire face est la gestion des relations
et de la communication entre les collaborateurs qui peuvent encore
télétravailler et ceux qui doivent revenir sur site. Maier et al
(2021) préconise une plus grande transparence entre les collaborateurs
surtout en ce qui concerne les emplois du temps et les disponibilités
des télétravailleurs. Des règles claires et
précises concernant le télétravail sont aussi
préconisées ainsi que des jours obligatoires sur site pour tous,
afin de favoriser les échanges et les relations interpersonnelles.
40
De plus, une des difficultés managériales
liée au télétravail et pointée par l'ANACT dans son
enquête de 2021 est « la difficulté des managers à
évaluer et adapter la charge de travail à distance et sur site
».
Une refonte du rôle du manager dans un modèle
post-covid est nécessaire selon une enquête de l'ANDRH/BCG
(Source: Enquête ANDRE / BCG - juin 2020. COVID : le futur du travail vu
par les DRE)8. Avec un développement du besoin de motiver et
donner du sens à ses collaborateurs. On peut parler d'un rôle qui
se développe vers un rôle de leader plus que de manager. Faire
monter en compétences et donner des feedbacks sont également des
rôles importants pour le manager post-covid ainsi que faciliter la
communication entre les services et avec la direction. On voit donc un
développement du rôle de manager vers un rôle de
facilitateur.
Malgré ces difficultés et besoins d'adaptation,
83% des DRH interrogés dans cette enquête «
considèrent souhaitable le développement pérenne du
télétravail dans leur entreprise » et 93% «
pensent que cela va bouleverser les pratiques managériales de leur
entreprise », 2/3 « attendent des gains de
productivité liés au développement du
télétravail ».
Ces résultats très positifs et en faveur du
télétravail de la part de la hiérarchie font écho
au souhait des collaborateurs qui est de maintenir un niveau de
télétravail plutôt élevé et régulier
(3 jours ou plus pour 36% des répondants, et entre 1 et 2 jours pour 56%
des répondants) (Source ANACT - Télétravail de crise en
2021 : Quelles évolutions ? Quels impacts ?).
Pour quelles raisons souhaitez-vous recourir au
télétravail de manière régulière ou
occasionnelle à l'avenir ?
Tableau 12 - Source ANACT «
Télétravail de crise en 2021 : Quelles évolutions ?
Quels impacts ?»
https://veille-travail.anact.fr/osiros/result/notice.php?queryosiros=id:99444
8 Source: Enquête ANDRH / BCG (2020) : « COVID : le
futur du travail vu par les DRH » Enquête menée en
partenariat ANDRH x BCG du 2 au 17 juin 2020 auprès de DRH - 458
répondants -
www.andrh.fr/uploads/files/attachments/6177b117e064b437094140.pdf
41
Les principales raisons de cette volonté de faire du
télétravail une organisation du travail pérenne sont les
temps de transport, le calme, l'efficacité et la conciliation vie
privée/vie professionnelle (Tableau 12).
Le télétravail semble donc être là
pour rester et le futur du travail semble être hybride (Iqbal et al,
2021). L'hybridité est la combinaison entre le travail sur site et le
travail à distance (Cook et al, 2020). L'hybridité n'est pas une
nouveauté. Cela fait plusieurs années que cette organisation du
travail existe. Cependant la crise de la COVID 19 a servi
d'accélérateur à son développement (Iqbal et al,
2021). La crise sanitaire a forcé les collaborateurs et les entreprises
à s'équiper pour le télétravail et a ouvert les
esprits concernant le travail à distance. Les entreprises qui
pratiquaient déjà le télétravail de façon
hybride avant la crise sanitaire ont eu moins de mal à s'adapter au
télétravail à plein temps imposé pendant les
confinements (Iqbal et al, 2021). En ce qui concerne l'intégration,
Gruman and Saks (2018) proposent une approche hybride pour une socialisation
organisationnelle optimale, avec un mélange d'activités en
personne et virtuelles.
Plusieurs avantages au travail hybride sont identifiés.
Premièrement moins de stress et moins d'excuses pour des
résultats médiocres. Comme le travail hybride est souvent
centré autour des besoins du télétravailleur, ce mode de
travail en général réduit son stress et le rend plus
productif. Ce mode de travail peut aussi agir comme une source de motivation en
insufflant une nouvelle dynamique dans la vie professionnelle du collaborateur
(Lahti & Nenonen, 2021). Un environnement de travail sain est un
environnement centré autour de la flexibilité,
l'adaptabilité et la diversité (Iqbal et al, 2021). Le travail
hybride permet le développement de ces trois axes principaux.
Cependant, il ne faut pas oublier que ce mode de travail peut
aussi avoir des inconvénients. Pour qu'il puisse fonctionner il faut
développer la confiance entre le manager et ses collaborateurs mais
aussi entre les collaborateurs. La communication et la culture d'entreprise
deviennent également encore plus importantes dans un contexte où
le travail hybride se développe. Des compétences
nécessaires pour un travail hybride efficace apparaissent alors comme la
capacité à se mettre à jour en ce qui concerne les
nouveaux outils de télétravail ou encore la capacité
à gérer son temps efficacement et à rester
concentré même lorsque l'on travaille à la maison où
de nombreuses distractions peuvent survenir. La capacité à se
déconnecter et ne pas trop mélanger la sphère
privée avec la sphère professionnelle sont également des
compétences importantes pour le succès du travail hybride.
42
L'évolution du télétravail et des NTIC
ces dernières années, ainsi que la nouvelle appétence pour
des modes de travail plus flexibles, rendent nécessaire
l'évolution des processus d'intégration afin de refléter
ces changements.
Dans cette deuxième partie de notre revue de la
littérature nous avons vu le rôle primordial qu'ont joué
les NTIC dans le développement du télétravail. La
littérature a également apporté des explications aux
freins à l'adoption du télétravail avant la crise
sanitaire comme la perte de contrôle de la hiérarchie, une trop
grande autonomie des collaborateurs, le manque de confiance et la
sécurité des données. La littérature parle
également des répercussions du télétravail sur les
différentes relations aussi bien dans la sphère privée que
professionnelle. On parle de dégradation des relations
managériales et des relations entre collaborateurs
télétravailleurs et non-télétravailleurs. Encore
une fois, la littérature met en avant la nécessité de
revoir et faire évoluer le rôle du manager. Il doit s'adapter aux
nouveaux modes de travail et trouver de nouvelles formes de contrôle, de
retours et de motivation. Un des nouveaux enjeux principaux du manager depuis
la crise sanitaire est de maintenir les relations interprofessionnelles et la
communication entre les collaborateurs. Cette revue de la littérature a
mis en avant le fait que trop d'autonomie peut aussi avoir des
conséquences négatives et encore une fois une plus grande
transparence ainsi que des processus formalisés et précis sont
préconisés. On peut dire que ce qui ressort clairement de cette
deuxième partie de notre revue de la littérature est que le
télétravail est là pour rester et que la forme hybride
semble être la plus adaptée aux besoins aussi bien des
collaborateurs que des organisations. Cette évolution des nouveaux modes
de travail et du travail à distance fait qu'un développement vers
la digitalisation du travail et des étapes clés de la
carrière du collaborateur semble inéluctable et que les
organisations devront sans doute rapidement s'adapter à cette
réalité.
1.3. VERS LA DIGITALISATION DU PROCESSUS
D'INTEGRATION
La digitalisation totale ou partielle du processus
d'intégration semble être amorcée dans un grand nombre
d'entreprises. L'apparition de nouveaux outils et logiciels
dédiés à l'intégration des nouvelles recrues met en
évidence l'importance de plus en plus accrue apportée à
cette étape de la vie du collaborateur et la tendance marquée
vers une digitalisation de cette étape.
Le mouvement massif et soudain ces dernières
années de l'intégration traditionnelle vers une
intégration virtuelle, a forcé les entreprises à revoir et
adapter leur processus d'intégration. Le rôle du manager s'est vu
changé et son importance est devenue plus grande pour les nouvelles
recrues (Jeske & Olson, 2021).
43
Avec le développement vers un processus partiellement
ou entièrement virtuel, les opportunités de revoir les processus
d'intégration ont été multiples. Parmi les innovations qui
se sont développées pendant la crise de la COVID 19 se trouvent
les plateformes digitales d'onboarding et gamification (Grad, 2022). Les
plateformes d'intégration permettent des procédés
personnalisables et permettent également d'améliorer la marque
employeur de l'organisation en montrant une image moderne et innovante aux
futurs collaborateurs. Grad (2022) parle de la gamification qui est de plus en
plus utilisée dans les parcours d'intégration virtuelle. La mise
en place de récompenses et la mise en concurrence des nouvelles recrues
permet d'augmenter la motivation et l'implication de façon ludique. Ces
nouvelles pratiques sont également des pratiques qui attirent les
nouvelles générations et les nouveaux talents. Grad (2022) parle
du besoin de faire attention à la discrimination en s'assurant que
toutes les nouvelles recrues ont bien accès aux équipement
nécessaires (smartphones, connexion internet fiable, ordinateur
portable, tablette etc.). Le droit à la déconnexion est
également mentionné.
Si l'intégration virtuelle et la gamification semblent
être des pratiques nouvelles, Depura et Garg (2012) en parlaient
déjà il y a plus de 10 ans. Pour eux, si les employés de
la révolution industrielle étaient des employés manuels,
les employés de l'ère technologique sont des « digital
natives ». La génération des « digital natives » a
changé la façon dont les employés ont besoin d'être
engagés et challengés au travail. Cette révolution a donc
commencé bien avant la crise de la COVID 19. Déjà en 2012,
Depura et Garg mettaient en avant les bénéfices des nouvelles
technologies et des interactions sociales virtuelles et de la gamification pour
améliorer l'implication des nouvelles recrues et leur apprentissage. Les
auteurs parlent d'une situation gagnante pour les nouvelles recrues comme pour
les organisations avec une intégration plus rapide et
personnalisée mais aussi une réduction des coûts et une
plus grande productivité.
Ces intégrations virtuelles qui semblaient encore
anecdotiques il y a 10 ans, sont désormais en train de
révolutionner le monde du travail et les stratégies
d'intégration des entreprises. En effet, l'arrivée en force du
télétravail en 2020 et l'installation dans les moeurs du travail
hybride font que les processus d'intégration des nouvelles recrues ont
été obligés d'évoluer.
Bien que la littérature à ce sujet soit encore
limitée, de nombreux auteurs commencent à se pencher dessus et
des recommandations pour une intégration virtuelle réussie ainsi
qu'un nouveau jargon, souvent anglophone, commencent à apparaître.
On parle de « virtual onboarding buddy », « virtual hosts »
ou encore de « group onboarding sessions» (Neeley, 2022). On parle
également de «virtual happy hour » ou encore de « mobile
onboarding app » (Maurer, 2020).
44
Cette troisième et dernière partie de notre
revue de la littérature a encore une fois renforcé l'idée
que le rôle du manager s'est consolidé et que les organisations
doivent faire évoluer leurs processus d'intégration. Le futur de
l'intégration semble digital et de nouveaux outils comme les plateformes
d'intégration ou la gamification commencent à émerger.
L'importance d'une intégration réussie semble être devenue
un enjeu majeur pour les RE et ces nouveaux outils nous sont
présentés comme étant les solutions pour une meilleure
expérience collaborateur et une marque employeur
améliorée.
Afin de nous aider à formuler nos hypothèses,
nous avons regroupé les idées clés de cette revue de la
littérature dans un tableau. Ce travail de synthèse nous a permis
d'identifier des sujets récurrents tels que la nécessité
de faire évoluer le rôle du manager ou encore de ne pas minimiser
l'importance de la socialisation et des échanges informels.
Synthèse de la revue de la
littérature
Parties
|
|
Idées clés
|
|
·
|
La culture et la connexion font partie des étapes les plus
importantes et sur lesquelles les entreprises devront le plus s'adapter.
|
|
·
|
Afin de réduire l'incertitude avoir des processus
structurés et formalisés est important.
|
|
·
|
L'individu joue un rôle important dans son
intégration. La proactivité et l'auto-management sont des
compétences recherchées.
|
|
·
|
Le rôle du manager évolue, il devient un acteur
important de l'intégration.
|
|
·
|
Les buddies et mentors augmentent les chances de
réussite
|
L'INTEGRATION
|
|
de l'intégration et la rétention.
|
|
·
|
Les échanges informels ne sont pas à
négliger ainsi que les interactions visuelles pour les équipes
virtuelles.
|
|
·
|
L'organisation doit mettre en place des pratiques de
socialisation organisationnelle.
|
|
·
|
Il est important de pouvoir adapter et réviser le
processus d'intégration régulièrement. Les feedbacks sont
importants.
|
|
·
|
Les attentes des nouvelles recrues ont changé depuis la
crise sanitaire. La flexibilité, l'adaptabilité et la
personnalisation sont désormais des critères importants.
|
LES NOUVEAUX MODES DE TRAVAIL
|
VERS LA DIGITALISATION
DU PROCESSUS D'INTEGRATION
|
· Les NTIC ont été clés dans le
développement des nouveaux modes de travail.
· Les freins à l'adoption du
télétravail sont multiples et compte parmi eux la peur de perte
de contrôle de la hiérarchie, l'appropriation des outils
numériques, la confiance, la sécurité des données,
la dégradation de la balance vie privée/vie professionnelle.
· La socialisation est très impactée par le
télétravail. Même à distance l'aspect social est
important et source de motivation. Les entreprises qui performent le mieux avec
les nouveaux modes de travail sont celles qui ont réussi à
motiver à distance et développer un sentiment d'appartenance, une
culture d'entreprise.
· Le rôle du manager a changé et il doit
s'adapter aux nouveaux modes de travail, nouvelles formes de contrôles et
de retours. Le management par objectifs se développe et les nouveaux
challenges du manager post COVID sont gérer les RH et la communication
entre les collaborateurs.
· Le télétravail peut dégrader les
relations managériales mais aussi les relations entre collaborateurs
principalement entre les télétravailleurs et les
non-télétravailleurs.
· Trop d'autonomie peut avoir des répercussions
négatives. Une plus grande transparence, plus de communication et des
règles claires et précises sont nécessaires pour le
succès des nouveaux modes de travail.
· Le télétravail est là pour rester et
la forme hybride semble être la plus adaptée afin de
répondre aux attentes des collaborateurs et des entreprises.
|
· Développement massif des intégrations
virtuelles ou partiellement virtuelles.
· Le rôle du manager s'est renforcé.
· Les plateformes d'intégration et la gamification
permettent une meilleure expérience pour la nouvelles recrue et
améliorent la marque employeur.
· La digitalisation du processus permet une
intégration plus rapide et à moindre coûts.
|
|
45
Les sujets récurrents retrouvés dans la
littérature et que nous avons énumérés dans le
tableau ci-dessus, nous ont permis de mettre en avant des hypothèses.
46
À partir de cet état de la littérature et
des premiers éléments de compréhension du terrain, nous
avons retenu trois hypothèses :
H1 - Une plus grande formalisation et
structuration du processus d'intégration est nécessaire afin de
répondre aux enjeux des nouveaux modes de travail.
H2 - Le rôle du manager s'est
renforcé et a évolué avec le développement des
nouveaux modes de travail.
H3 - La digitalisation du processus
d'intégration est un tremplin vers une nouvelle culture du travail
à distance.
Nous avons donc structuré notre recherche autour de ces
trois hypothèses et avons tenté de repérer dans les
données récoltées lors de nos entretiens celles qui se
rapprochent le plus de ces hypothèses et qui nous permettent de
comprendre les tendances, besoins et comportements observés dans le but
de confirmer ou d'invalider nos hypothèses et répondre à
notre problématique.
Dans la prochaine partie « Méthodologie et terrain
d'étude » nous exposons notre terrain d'étude et expliquons
comment nous avons collecté et traité les données
récoltées. Cette partie comporte des informations concernant
l'échantillon des différents entretiens réalisés et
la méthodologie choisie afin de donner du sens aux données
collectées.
47
PARTIE 2 - METHODOLOGIE ET TERRAIN D'ETUDE
Dans cette deuxième partie, nous commencerons par
présenter notre terrain d'étude et en quoi il est pertinent pour
notre recherche, puis nous parlerons de la méthodologie. Nous
décrirons la méthodologie utilisée afin de collecter les
données et comment ces données ont été
analysées et traitées.
2.1. Terrain d'étude
Le sujet de l'intégration a beaucoup
évolué depuis les années 70 et l'histoire du
télétravail a également connu de grandes transformations
depuis ses prémisses dans les années 70 jusqu'à la crise
de la COVID 19. L'intégration tout comme l'adoption des nouveaux modes
de travail sont des sujets qui peuvent varier drastiquement d'une entreprise,
d'un secteur à un autre. C'est pour cela que nous avons
décidé de ne pas nous concentrer sur une seule entreprise avec
une étude de cas ou de nous orienter vers un seul secteur
d'activité, mais nous avons préféré choisir un
terrain de recherche varié sans spécifiquement chercher à
avoir une uniformité ou une ligne directrice concernant les secteurs
d'activités ou les professions visés.
Lors de notre recherche d'articles, nous avons
découvert un article de 2022, sur l'intégration des
salariés en 100% télétravail et avec des conseils sur
comment les intégrer avec succès. Cet article, bien que
n'étant pas un article scientifique, donnait des conseils
intéressants et était totalement dans le sujet de notre
mémoire. Nous avons donc décidé de contacter son auteur,
un recruteur et conférencier avec près de 30 000 abonnés
sur LinkedIn. Nous lui avons demandé s'il avait des conseils et contacts
pour notre recherche. Il nous a gentiment proposé de faire un post sur
LinkedIn afin de demander à sa large communauté de l'aide et des
témoignages.
Grâce en grande partie à cet appel sur LinkedIn
et à notre réseau personnel, nous avons réussi à
avoir un échantillon de témoignages pour notre recherche de
vingt-deux personnes, avec onze « onboardeurs » (personnes qui
intègrent) et onze « onboardés » (personnes
récemment intégrées).
Nous avons eu de nombreuses offres de témoignages et
étant contraint dans le temps que nous pouvions leur accorder, nous
avons essayé de les trier afin de ne garder que ceux qui nous
paraissaient les plus pertinents pour notre recherche et problématique.
Toutes les personnes qui nous contactaient recevaient à peu près
le même message de notre part afin de nous assurer
48
qu'elles comprenaient bien ce que nous recherchions et que
leur situation était en accord avec notre thématique.
Le message était le plus souvent ainsi : « Je
recherche 2 types de contacts, des professionnels RH qui s'occupent de
l'intégration des nouvelles recrues ET des salariés qui ont
été intégrés dans leur nouvelle entreprise ces 2
dernières années (depuis la crise sanitaire). J'aimerais
organiser des entretiens semi-directifs avec un échantillon de ces 2
types de contacts afin de commencer ma recherche. La problématique de
mon mémoire est la suivante : En quoi les nouveaux modes de travail ont
transformé le processus d'intégration des nouvelles recrues ?
»
Nous avons donc trouvé une grande partie de nos
témoignages sur LinkedIn et avons également fait un appel
à témoignages sur les réseaux sociaux ainsi que sur le
Yammer du CNAM car nous trouvions intéressant d'interpeller nos
collègues auditeurs mais aussi les personnes travaillant au sein du
Conservatoire. En effet, Yammer est un réseau social d'entreprise et
touche donc les personnes faisant partie d'une organisation précise, ici
le CNAM.
Ces appels à témoignages sur les réseaux
sociaux ont eu moins de succès que sur LinkedIn mais ils nous ont tout
de même permis d'atteindre quelques personnes différentes de
celles que l'on peut trouver sur LinkedIn.
Tous les entretiens ont eu lieu entre fin novembre 2022 et fin
décembre 2022.
Sur les vingt-deux entretiens, quinze étaient avec des
femmes, soit 68%. L'âge des personnes interviewées allait de la
vingtaine à la cinquantaine. Ce qui nous a permis d'avoir des
témoignages assez variés venant de personnes qui
débutaient leur carrière et d'autres qui avaient
déjà une carrière bien établie et pleine
d'expériences.
Nous avons noté qu'il était fait
référence de manière assez récurrente à des
startups lors de nos entretiens. Sur les vingt-deux personnes
interviewées, dix d'entre elles travaillent dans une startup ou ont
travaillé dans une startup et parlé de leur expérience.
Pour certains, ils ont débuté dans une startup qui a maintenant
évolué et ne peut plus être qualifiée de startup,
pour d'autres encore la startup est leur propre entreprise. En effet, trois des
dix personnes travaillant ou ayant travaillé dans une startup sont des
entrepreneurs. Il est intéressant de voir qu'un peu plus de 45% des
personnes qui ont répondu à notre appel pour parler de
l'intégration et des nouveaux modes de travail sont des personnes ayant
de l'expérience avec une entreprise jeune et utilisant les nouvelles
technologies.
Parmi les vingt-deux interviewés, quatre d'entre eux
sont en full remote ou 100% télétravail, soit 18% des
interviewés.
Genre des interviewés
Femme Homme
49
Les dernières statistiques intéressantes
concernant le terrain de recherche sont des statistiques qui concernent les
secteurs d'activités représentés. En effet, plus de la
moitié des interviewés travaillent dans le secteur du
numérique (SIRH, IT, Software, Plateforme Numérique) et du
conseil (Consulting, Coaching, Audit). Les personnes qui ont répondu
à notre appel et qui travaillent dans le secteur du numérique
représentent près de 32% des interviewés et celles
travaillant dans le conseil représentent près de 23% des
interviewés soit un total de près de 55%. Plus de la
moitié des interviewés travaillent donc dans seulement deux
secteurs d'activités. La surreprésentation de ces secteurs
d'activités parmi les personnes qui ont répondu positivement
à notre appel est une information qui nous paraît
intéressante et qui pourra être étudiée ou tout du
moins gardée à l'esprit lors de l'analyse des données
collectées.
Afin d'avoir une vue d'ensemble de notre terrain de recherche
nous avons créé des tableaux (tableaux 13 & 14) regroupant
l'ensemble des personnes interviewées en distinguant les «
onboardés » des « onboardeurs ». Ces tableaux se trouvent
dans la prochaine partie « Collecte des données » car ils vont
nous aider à mieux comprendre comment les données ont
été collectées et qui sont les personnes qui ont
contribué à la collecte de ces données.
Pour finir notre analyse du terrain d'étude, nous avons
créé une série de graphiques regroupant les pourcentages
répertoriés dans cette partie afin de faciliter leur lecture et
mettre en évidence les schémas qui se répètent et
les tendances qui se dégagent.
Modes de travail
Full remote Hybride Présentiel
Secteurs d'activités
Numérique Conseil
Enseignement supérieur Energies renouvelables
Non for profit Autres
Yes No
Startup
50
51
2.2. Collecte des données
Nous avons adopté une approche qualitative car notre
objectif principal était de « comprendre un phénomène
par la construction d'un modèle » (Chevalier et al, 2018).
Nous ne cherchions pas à avoir des
généralisations mais plutôt à récolter des
expériences uniques et individuelles. Nous avons conduit un total de
vingt-deux entretiens semi-directifs. Pour ces entretiens nous recherchions des
personnes qui étaient en charge de l'intégration dans leur
entreprise (onboardeurs) et des personnes qui avaient été
intégrées entre le début de la crise sanitaire et
maintenant (onboardés). Le hasard a fait que nous avons
interviewé un nombre égal d'onboardeurs et d'onboardés.
Les entretiens ont tous eu lieu en ligne. Toutes les personnes
interviewées nous ont directement proposé de convenir d'un
rendez-vous virtuel. La barrière géographique n'était donc
pas un problème. Nous avons pu interviewer des personnes qui se
trouvaient un peu partout en France et non pas seulement à Paris. Cette
disparition de la barrière géographique nous a donc permis de
pouvoir non seulement interviewer un échantillon plus varié mais
aussi de gagner du temps. Ce gain de temps nous a permis de conduire un nombre
d'entretiens assez important en 5 semaines. Cela nous a de plus donné la
possibilité de continuer les entretiens lors de nos déplacements
professionnels en dehors de l'Europe pendant cette période.
L'évolution des plateformes de communication à
distance a donc constitué une aide certaine pour notre recherche
qualitative. Nous avons utilisé différentes plateformes de
communication à distance pour les entretiens, tenant compte des
préférences de nos interlocuteurs. Nous avons principalement
alterné entre deux plateformes, Zoom et TEAMS. Cependant, la plateforme
Google Meet et la plateforme de visioconférence intégrée
à la messagerie LinkedIn furent également utilisées
quelques fois.
La plupart des entretiens ont duré entre 30 et 60
minutes avec une moyenne de 50 minutes pour les vingt-deux entretiens. Les onze
entretiens des onboardeurs ont duré un total de 603 minutes, soit dix
heures et les onze entretiens des onboardés ont duré un total de
503 minutes soit huit heures trente. Nous avons donc conduit environ 18h30
d'entretiens pour cette recherche qualitative. Les détails de ces
entretiens se trouvent dans les tableaux 13 et 14 suivants.
52
Onboardeur
|
Genre
|
Secteur d'activité
|
Position
|
Numéro 1
|
F
|
SIRH
|
Head of Talent Acquisition
|
Numéro 2
|
F
|
SIRH
|
RRH
|
Numéro 3
|
F
|
Consulting
|
Chargée de Mission
|
Numéro 4
|
M
|
Consulting
|
Consultant RH
|
Numéro 5
|
F
|
IT
|
RRH
|
Numéro 6
|
F
|
Energies Renouvelables
|
RRH
|
Numéro 7
|
F
|
Banque (en ligne)
|
Onboarding Manager
|
Numéro 8
|
F
|
Audit
|
Responsable Efficience et Innovation
|
Numéro 9
|
M
|
Télécommunication
|
Responsable Onboarding
|
Numéro 10
|
F
|
Coaching & Formation
|
CEO
|
Numéro 11
|
M
|
Enseignement Supérieur
|
Chargé de Mission
|
Tableau 13- Onboardeurs interviewés
entre novembre et décembre 2022
Onboardés
|
Genre
|
Secteur d'activité
|
Position
|
Numéro 12
|
F
|
Coaching & Formation
|
RRH
|
Numéro 13
|
M
|
Evaluations Pédagogiques
|
Formateur
|
Numéro 14
|
F
|
Coopérative
|
Directrice de l'Offre
|
Numéro 15
|
F
|
Presse
|
Coordinatrice Expérience Client
|
Numéro 16
|
F
|
Energies Renouvelables
|
Alternante
|
Numéro 17
|
M
|
Organisation
Intergouvernementale
|
Practice Officer
|
Numéro 18
|
M
|
SIRH
|
Head of Sales
|
Numéro 19
|
F
|
Software
|
Head of Product
|
Numéro 20
|
F
|
Recrutement Pédagogique
|
Cheffe de Projets
|
Numéro 21
|
F
|
Software
|
Content Manager
|
Numéro 22
|
M
|
Association
|
Directeur Départemental
|
Tableau 14 - Onboardés
interviewés entre novembre et décembre 2022
53
Pour obtenir des informations sur le sujet de
l'intégration et essayer de répondre à nos
hypothèses, nous avons choisi d'utiliser la technique de l'entretien
semi-directif. Nos questions étaient préparées dans un
guide d'entretien. Nous avions un guide d'entretien différent selon
notre interlocuteur. En effet, le guide d'entretien et nos questions
étaient légèrement différentes pour les
onboardés et pour les onboardeurs. Vous pouvez retrouver ces guides
d'entretiens dans nos annexes (Annexe 4).
Au début de chaque entretien nous rappelions le
thème et la problématique de notre mémoire après
une introduction rapide de notre parcours et notre projet. Les entretiens ont
tous été retranscrits en direct de manière manuscrite mais
aussi en utilisant la fonction dictée de Microsoft Word. La
retranscription en direct des entretiens en utilisant le mode dictée de
Microsoft Word permet une retranscription très linéaire des
entretiens avec une reconnaissance vocale qui n'est pas toujours parfaite et
qui ne fait pas la différence entre les différents
interlocuteurs. Cette reconnaissance vocale est en général
plutôt utilisée pour dicter du texte. Cependant, cette technique,
bien qu'imparfaite, permet de retranscrire des entretiens en temps réel
et de pouvoir en extraire de manière simple et rapide des verbatims.
Cela permet également de ne pas avoir à enregistrer nos
interlocuteurs qui parfois pourraient ne pas être confortables avec cette
technique.
Nous avons également écrit pendant chaque
entretien toutes les phrases et les idées clés qui étaient
évoquées et avons fait un tableau récapitulatif
après chaque entretien regroupant ces phrases et idées. Cela nous
a permis d'avoir une vision d'ensemble de chaque entretien et de voir
rapidement quelles étaient les idées et mots qui se rejoignaient
ou se retrouvaient régulièrement. Cette technique nous a
donné une vue d'ensemble de nos données et nous a aidé
à trouver une ligne directrice pour l'analyse de ces
dernières.
Pour revenir sur nos guides d'entretiens (onboardés et
onboardeurs), nous avions des sujets listés dans ces guides avec
différentes questions en rapport à ces sujets . Nous avions des
questions sur le sujet de l'évolution du processus d'intégration
et les changements observés depuis la crise sanitaire et le
développement des nouveaux modes de travail. Nous avions
également des questions sur la digitalisation du processus
d'intégration. Les questions étaient un peu différentes si
vous étiez interviewés en tant que personne récemment
intégrée (onboardé) ou en tant que personne
intégrante (onboardeur). Par exemple pour les onboardés sur le
sujet de l'évolution du processus d'intégration, une question
souvent posée était « avez-vous été
intégré.e à distance ? », pour les onboardeurs sur le
même sujet la question était « pratiquez-vous
l'intégration à distance dans votre entreprise ? ».
54
Les expériences personnelles et professionnelles de nos
interlocuteurs ne répondaient pas toujours complètement à
notre thématique et problématique. Nous avons cependant toujours
réussi à retirer des informations utiles et faire avancer notre
recherche grâce à chaque entretien.
Nous avons posé la même question à tous
nos interlocuteurs à savoir « quels sont les éléments
importants pour une intégration réussie ? ». Cette question
nous permettait souvent de conclure l'entretien et nous donnions la
possibilité à nos interlocuteurs de répondre par des
phrases ou seulement des mots clés selon leur inspiration et
expérience. Les réponses à cette question nous ont permis
de créer des nuages de mots en utilisant les mots les plus souvent
mentionnés. Ces nuages de mots ont été créés
grâce à l'outil Answer Garden qui est à la base un outil de
nuage de mots collaboratif. Les résultats de l'utilisation de cet outil
et les nuages de mots sont disponibles dans notre partie 3 «
Résultats ».
A la fin de chaque entretien nous demandions à notre
interlocuteur si un deuxième entretien pourrait être
organisé si besoin dans les prochaines semaines. Tous les interlocuteurs
nous ont répondu favorablement. Cela nous a permis d'analyser les
données et d'avoir la possibilité d'interviewer de nouveau
certains interlocuteurs si besoin afin d'affiner les résultats de notre
recherche.
Lors des entretiens les interlocuteurs étaient libres
de parler de leurs expériences sur le sujet de l'intégration et
des nouveaux modes de travail tout en répondant à certaines de
nos questions et en suivant nos lignes directrices. Nous prenions la
liberté de les interrompre de temps en temps, soit pour les rediriger
vers notre sujet, soit pour creuser et éclaircir certains points
mentionnés lors de leur récit. Il était important pour
nous de ne pas trop laisser les interlocuteurs faire du hors sujet ou partir
vers des sujets qui s'éloignaient de notre problématique. Nous
voulions faire en sorte que les entretiens ne durent pas plus d'une heure afin
de ne parler que de l'essentiel et ne pas perdre trop de temps. Certains
entretiens ont été très courts mais nous ont
apporté énormément d'informations et d'autres ont
été plus longs et ne nous ont pas apporté autant. La
qualité de l'entretien n'est donc pas à évaluer selon la
durée de ce dernier.
Nous commencions toujours les entretiens avec une
présentation de notre projet et de notre problématique puis nous
demandions à l'interlocuteur de se présenter afin d'avoir des
informations sur sa situation. Nous utilisions ces informations afin de pouvoir
orienter l'interlocuteur vers les différents sujets présents dans
notre guide d'entretien. Les différentes situations et
expériences de nos interlocuteurs font que toutes les questions se
trouvant dans nos guides d'entretiens n'étaient pas forcément
pertinentes et appropriées. Nous devions donc
55
adapter nos questions à la situation en omettant
certaines d'entre elles et en en ajoutant d'autres. La flexibilité de
l'entretien semi-directif nous a permis d'avoir des entretiens tous uniques
mais avec une ligne directrice commune.
En novembre 2022, nous avons également assisté
à un séminaire en ligne, le Onboarding Summit 2022,
organisé par Workelo une plateforme RH d'intégration et de
départ en ligne. Ce séminaire dont nous avions entendu parler sur
LinkedIn était un séminaire de 2h30 avec trois tables rondes et
il regroupait les témoignages de nombreux professionnels RH. Les tables
rondes étaient sur les thèmes de la rétention de talents,
l'expérience onboarding comme atout marketing et les retours
d'expériences sur les stratégies d'onboarding. Il y avait
également à la fin de ce séminaire une remise de prix pour
les parcours d'intégration les plus innovants, les Onboarding Awards.
Le séminaire avait des chiffres et des informations
intéressantes concernant l'onboarding provenant d'une enquête de
Workelo réalisée entre 2021 et 2022 sur un panel de 4300
participants venant de 12 entreprises. Ces chiffres mettaient en avant
l'importance d'un bon onboarding, les différentes étapes qui
constituent un parcours d'intégration et les répercussions dans
l'entreprise d'un onboarding réussi. Le séminaire était
également participatif avec différents sondages interactifs
envoyés au public virtuel du séminaire et la possibilité
de poser des questions aux intervenants après chaque table ronde. Ce
séminaire était très intéressant et nous a non
seulement donné des informations sur les tendances actuelles de
l'onboarding, les bonnes pratiques et les enjeux pour les entreprises mais il
nous a également permis d'avoir des contacts pour notre recherche.
En effet, après le séminaire nous avons
contacté certains des intervenants sur LinkedIn pour leur exposer notre
projet et leur demander s'ils seraient disponibles pour un entretien. Nous
avons obtenu deux entretiens grâce à cet Onboarding Summit. Ce
séminaire gratuit était donc une source d'informations et de
contacts non négligeable.
Une fois la lecture de nos articles scientifiques et nos
entretiens réalisés, nous avons pu commencer le traitement des
données récoltées. Ce traitement des données sera
le sujet de notre prochaine partie.
2.3. Traitement des données
Une des étapes clés de l'analyse des
données qualitatives est le codage de ces données. La
construction théorique peut être descriptive (le « quoi
») ou explicative ( le « comment »). Cette construction
théorique est ce que nous obtiendrons après avoir fait l'analyse
des données qualitatives à travers un système de
codage.
Le codage va permettre d'identifier des idées à
partir des données recueillies (Chevalier et al, 2018). Nous relions les
idées entre elles afin de leur donner du sens. Le chercheur va dans un
premier temps rassembler des codes de premier ordre puis va progressivement les
transformer en catégories en recodant les premiers codes. Le codage est
donc un processus de transformation et de rassemblement des données en
catégories.
Cette transformation des données en codes puis cette
étape de catégorisation nécessitent un travail subjectif
de la part du chercheur qui va devoir faire des choix et donner du sens aux
données.
56
Tableau 15 - Recherche de liens entre les
données théoriques et les données empiriques. Model de
codage descendant et ascendant.
Cette subjectivité sera influencée à la
fois par les données théoriques étudiées et par les
données empiriques récoltées. L'un des rôles
principaux du chercheur sera donc de trouver des liens entre ces deux
catégories de données. Pour ce faire deux démarches
s'offrent à lui, la démarche ascendante et la démarche
descendante (tableau 15).
57
Avec la démarche ascendante, le chercheur repère
les concepts à travers les données recueillies. Avec la
démarche descendante, le chercheur identifie des concepts dans la revue
littéraire et va repérer dans les éléments
empiriques récoltés ceux qui illustrent et se rapprochent le plus
des concepts théoriques identifiés.
Pour notre recherche, nous avons choisi une démarche
descendante. Une fois notre démarche choisie, nous avons dû faire
en sorte de donner du sens à nos données. Pour ce faire, nous
nous sommes intéressés à la codification. La codification
est une méthode qui est souvent utilisée dans la recherche
qualitative afin d'analyser les données et leur donner du sens.
Cependant, il existe de nombreuses méthodes de codification et il n'est
pas toujours facile de choisir celle qui sera la plus adaptée à
sa recherche.
Tableau 16 - Modèle simplifié du
code à la théorie pour la recherche qualitative
(Saldaña, 2013)
Saldaña (2013) va démystifier la codification en
proposant de nombreuses méthodes de codage dans son manuel « The
coding manual for qualitative researchers ». Dans un grand nombre de ces
techniques, les codages de premier ordre et de second ordre sont
utilisés. Pour le codage de premier ordre on utilisera souvent le codage
in vivo (verbatim) et thématique (identification des thèmes).
C'est en quelque sorte un codage qui rassemble les données brutes. Le
codage de second ordre sera lui un regroupement des données plus
conceptuel et abstrait à partir des codes
58
du premier ordre. A ce stade, le chercheur devra faire un
travail d'interprétation de ses données. Pour l'analyse des
données empiriques de notre recherche qualitative nous avons choisi
d'utiliser la méthodologie Gioia qui est une méthodologie souvent
utilisée dans les revues académiques et qui est une
démarche analytique qui repose sur la « grounded theory ».
Tableau 17 - Raisonnement inductif
La « grounded theory » ou « théorie
ancrée » est une méthodologie qui implique la construction
d'hypothèses et de théories à travers la collection et
l'analyse de données. Cela impliquera souvent un raisonnement inductif
basé sur l'observation et la généralisation (tableau 17).
Nous avons choisi cette méthodologie car elle permet de mettre en
évidence la progression de la réflexion dans la recherche d'une
manière simple à travers le principe du codage.
La méthodologie Gioia reprend le principe du codage de
premier et second ordre qui nous fait progresser vers des
phénomènes ou tendances. Une fois la structure de données
établie, le chercheur doit trouver des liens et articulations entre les
différents codes et concepts. Nous avons utilisé cette
méthode pour établir une structure de données pour nos
entretiens tout en gardant à l'esprit les idées
repérées dans la littérature. Nous avons regroupé
les codes de premier et second ordre pour nos deux catégories
d'entretiens (onboardés et onboardeurs) et tenté de trouver des
liens avec les concepts identifiés dans notre revue de la
littérature. Lorsque nous avons recherché nos codes de premier
ordre, nous avons regroupé des idées et des observations qui nous
semblaient similaires ou appartenant à des thématiques analogues.
Il était important de ne pas avoir trop de codes différents afin
de ne pas trop s'éparpiller et se perdre dans un champ de codes de
premier ordre trop vaste. Une fois ces idées regroupées, des
thématiques sont apparues et ont formé notre codage de second
ordre. Ces deux étapes de codage nous ont permis de faire ressortir des
phénomènes ou tendances en lien avec notre thématique et
nos hypothèses. Pour nous aider à schématiser notre
processus de codage en utilisant la méthodologie de Gioia, nous avons
créé des tableaux reprenant la structure de codage de cette
méthodologie. Nous avons fait deux tableaux à retrouver dans la
partie 3 « Résultats » de ce
59
mémoire et qui reprennent la base de la structure des
données de la méthodologie de Gioia (tableau 18).
Tableau 18 - Structure des données de
la méthodologie de Gioia
Une fois nos structures de données faites, nous avons
tenté de trouver un lien entre les résultats obtenus et la
théorie des 4C de Bauer que nous avons étudiée dans la
revue de la littérature. Pour rappel, la théorie des 4C repose
sur quatre piliers qui constituent les 4C et qui sont la Conformité, la
Clarté, la Culture et la Connexion.
Selon Bauer l'intégration repose sur ces piliers et
plus on investit dans ces quatre piliers, plus le processus
d'intégration a des chances d'être réussi aussi bien pour
les onboardés que pour les onboardeurs.
Pour Bauer il y a des niveaux stratégiques
différents selon le niveau d'investissement des parties dans ces
piliers. Un investissement principalement dans le pilier Conformité sera
identifié comme étant une intégration passive, alors qu'un
investissement important ou égal dans les quatre piliers sera vu comme
étant une intégration proactive.
Nous avons donc tenté de déterminer quel
était le pilier concerné pour chacune des thématiques
identifiées dans notre codage de deuxième ordre. Cela nous a
permis de voir si les quatre piliers, les 4C, de Bauer étaient bien tous
présents dans les données récoltées. Cela nous a
également permis de distinguer quels étaient les piliers les plus
souvent représentés et à l'inverse ceux les moins souvent
représentés. Nous avons alors pu en déduire quel niveau
stratégique d'intégration était ressorti de nos
entretiens.
60
PARTIE 3 - RESULTATS, DISCUSSSION &
IMPLICATIONS MANAGERIALES
Dans cette troisième partie nous allons
présenter les données empiriques récoltées lors de
nos entretiens avec des professionnels RH et des collaborateurs. Cette partie
nous permettra de valider ou réfuter nos hypothèses et de mettre
en avant les codages de premier et second ordre que nous aurons
identifiés lors de la relecture des entretiens en nous inspirant de la
méthodologie de Gioia mentionnée dans notre deuxième
partie.
3.1. Analyse et présentation des
résultats
Afin d'analyser et présenter nos résultats nous
avons dans un premier temps passé en revue les entretiens et extrait les
verbatims les plus pertinents. Au cours de la relecture de nos entretiens, nous
avons recherché les témoignages qui reprenaient les concepts
utilisés dans nos trois hypothèses.
Nous vous rappelons nos trois hypothèses
identifiées à la suite de notre revue de la littérature
:
H1 - Une plus grande formalisation et
structuration du processus d'intégration est nécessaire afin de
répondre aux enjeux des nouveaux modes de travail.
H2 - Le rôle du manager s'est
renforcé et a évolué avec le développement des
nouveaux modes de travail.
H3 - La digitalisation du processus
d'intégration est un tremplin vers une nouvelle culture du travail
à distance.
3.1.1. Hypothèse 1
Dans nos entretiens avec les professionnels RH (onboardeurs)
principalement, il a souvent été question de la
nécessité de mieux planifier et structurer le processus
d'intégration des nouvelles recrues. Souvent les onboardeurs nous
faisaient part du fait que l'incertitude générée par la
crise
61
de la COVID 19 avait engendré un besoin de mettre sur
papier, formaliser des choses qui jusqu'alors étaient faites sans
vraiment y penser.
« moi je suis arrivée dans les bureaux chez
«nom de l'entreprise» en septembre 2019 et on avait je dirais un
onboarding assez classique comme 90% des boîtes honnêtement
c'était un peu structuré mais pas plus que ça, je pense
que les entreprises se permettent énormément de
flexibilité quand on a un onboarding classique dans les bureaux parce
qu'elles disent voilà on est tous à disposition, on est tous
disponible, il suffit de lever la main, taper sur l'épaule du voisin de
droite pour avoir l'information donc y a pas forcément besoin d'avoir un
programme très précis, de documentation à disposition,
tout le monde se refile directement l'info en live (...)
généralement on va te présenter les différentes
équipes, tu vas faire le tour des bureaux c'est très traditionnel
et c'est écrit nulle part tu vois ce que je veux dire (...) on sait que
ça se passe comme ça mais c'est écrit nulle part, c'est
pas formalisé (...). J'ai l'impression que ça fait partie des
choses qui ont évolué.» (Numéro 1
- Head of talent acquisition (SIRH) - parlant des choses qui ont
changé depuis la COVID 19)
« maintenant pour la journée d'accueil on se
pose on t'explique, on te fait remplir tout ce qui est formulaires (...) avant
c'était un peu comme je le disais « fait quand on avait le temps
» c'était pas formalisé.» (Numéro 3
- Chargée de Mission (Consulting) - parlant des changements
dans le processus d'intégration depuis la crise sanitaire)
« certes ça l'a formalisé, mais
ça nous a aussi forcé à avoir le sens du service beaucoup
plus prononcé et aller beaucoup plus vers nos nouveaux consultants (...)
je suis beaucoup plus à l'écoute.»
(Numéro 3)
L'arrivée en force du travail à distance semble
avoir également été un accélérateur de
formalisation des processus. En effet, les nouveaux collaborateurs travaillant
à distance doivent avoir un processus d'intégration écrit
afin de ne pas se retrouver seuls face à leur ordinateur ne sachant pas
quoi faire lors de leurs premiers jours voire semaines au sein de
l'entreprise.
« ça nous a permis de nous réinterroger
et de formaliser encore plus (...) Au-delà du COVID, en fait de toute
façon le télétravail commençait, le COVID n'a fait
qu'accélérer (...) le confinement a mis l'accent sur le
côté « prendre soin de la personne » (...) ça
nous a permis de formaliser les choses (...) passer de l'intuitif à
« on le note » on le grave dans le marbre même si c'est du bon
sens.» (Numéro 9 - Responsable onboarding
(Télécommunication) - parlant de l'évolution vers le
distanciel)
«la première clé c'est l'organisation,
c'est impossible de gérer un onboarding s'il n'est pas planifié
et organisé, la deuxième c'est adapter en fonction des
personnalités, des points forts, des points faibles de la
personne.» (Numéro 10 - CEO (Coaching &
Formation) - parlant des clés pour une intégration
réussie)
Le manque d'organisation et de formalisation des processus
d'intégration peut avoir des conséquences négatives sur
l'intégration des nouvelles recrues et leurs premières
impressions. Cela peut être vécu comme un sentiment d'abandon ou
encore une perte de temps importante.
« sur les jours d'après j'avais des rencontres
pour rencontrer mes interlocuteurs principaux (...) c'était pas
très bien organisé car on n'avait pas forcément
demandé aux gens de venir sur place, vu qu'il y a beaucoup de
télétravail, les gens sur Paris ne viennent que 2
62
fois par semaine (...) donc en fait j'étais au
bureau ce qui était très bien car du coup on est un peu dans
l'environnement, le moule etc. mais c'est vrai qu'il y a des gens que j'aurais
bien aimé rencontrer en face à face et en fait je les ai vu en
vrai qu'au bout de trois ou quatre semaines. » (Numéro
19 - Head of Product (Software) - parlant de son expérience
d'onboarding en présentiel pour un poste 100% remote)
La crise sanitaire et l'évolution des modes de travail
semblent aussi avoir permis aux entreprises de revoir leurs processus et les
remettre en question. Ce qui pouvait ne pas sembler important ou qui
était négligé lors des intégrations, est tout d'un
coup devenu important et planifié. Cela a également mis en avant
l'importance de l'intégration et souvent le manque de moyens
dédiés à cette étape clé du parcours
professionnel du collaborateur. Les manquements sont plus flagrants et
facilement identifiables lorsque les processus sont écrits.
« le COVID a aidé à structurer des
choses qui étaient en place mais pas toujours très claires, pas
toujours très équitables, là on a mis les choses à
plat ou on les a créées (...) Le COVID a dû faire, a
dû remuer dans les petites structures, surtout dans les petites
structure, des choses qu'on a pas le temps de faire (...) ça a permis de
rappeler à certaines structures qu'il y avait des obligations et
peut-être trouver les moyens humains de s'y mettre. »
(Numéro 5 - RRH (IT) - parlant des obligations
légales revisitées depuis la crise sanitaire et des
différents changements engendrés par cette crise)
Il a également été mentionné
plusieurs fois le fait qu'un pré-onboarding avait désormais lieu.
Ce pré-onboarding, rendu possible grace à la digitalisation d'un
grand nombre de processus, est souvent utilisé pour compléter les
démarches administratives avant l'arrivée de la nouvelle
recrue.
« la difficulté c'est d'arriver à
quelque chose d'industrialisable, on ne peut plus faire de l'artisanal, mais
qui soit quand même personnalisable (...) le deuxième enjeu pour
moi c'est qu'il ne fallait pas commencer l'intégration, le onboarding
comme on dit maintenant, le jour de l'arrivée mais qu'il fallait le
démarrer avant (...) nous on a décidé de démarrer
30 jours avant l'arrivée.» (Numéro 9 -
Responsable onboarding (Télécommunication) - parlant des enjeux
actuels de l'intégration)
Ce pré-onboarding administratif peut-être un bon
moyen non seulement de régler la partie administrative de
l'intégration avant l'arrivée du collaborateur afin de pouvoir se
consacrer pleinement à d'autres tâches à plus forte valeur
ajoutée à son arrivée, mais il est également un bon
moyen de rester en contact avec la nouvelle recrue avant son arrivée. Il
peut y avoir un laps de temps important entre l'embauche et le premier jour du
collaborateur. Dans un marché du travail qui est plutôt favorable
aux collaborateurs, créer du lien avec sa nouvelle recrue avant son
arrivée, lui faire sentir qu'elle est attendue et montrer une
communication forte et réactive peut aider les entreprises à
motiver leurs nouveaux collaborateurs et éviter les no-shows.
« maintenant il est plus facile de mettre fin
à une période d'essai, pas forcément du côté
de l'employeur mais venant des nouvelles recrues (...) donc on essaie de faire
attention à ça
63
avec une intégration plus soignée.»
(Numéro 3 - Chargée de Mission (Consulting)
- parlant des nouvelles attentes des collaborateurs)
« je pense qu'il aurait été plus
intéressant avant mon arrivée que j'ai justement accès sur
une plateforme à une sorte d'intranet pour apprendre ce qu'était
l'entreprise, son histoire, comment elle s'est construite, plutôt qu'on
me le donne de vive voix en fait. Je trouve qu'il n'y a pas de valeur
ajoutée à ce que ce soit entre guillemets un être humain
qui vous l'explique (...) Comprendre aussi les interactions de l'organisation
mais ça c'est typiquement les moyennes entreprises françaises
c'est que très peu de choses sont formalisées (...) pour
découvrir l'organisation de l'entreprise, les rouages, qui contacter, il
faut que tout ça soit plus clairs (...)pour moi ça ça se
fait très bien en digital » (Numéro 14
- Directrice de l'offre (Coopérative) - parlant du
pré-onboarding administratif)
« Une fois qu'on a pu trouver un salarié,
qu'on l'a recruté, il faut faire en sorte qu'il reste, donc
l'intégration qui est sensée intervenir dans les premiers temps,
les premiers mois, c'est ce qui permet de verrouiller une embauche (...) se
montrer sous son meilleur jour. » (Numéro 22
- Directeur départemental (Association) - parlant de
l'importance d'un bon processus d'intégration)
Le lien social et la cohésion d'équipe ont
souvent été mentionnés comme étant des enjeux
majeurs avec le développement des nouveaux modes de travail.
Créer du lien à distance nécessite de la planification. Il
faut formaliser les échanges informels en organisant des moments
spécifiques pour ces échanges.
« si on organise pas, on se croise (...) les nouveaux
modes de travail sont des opportunités mais pour bien les saisir, il
faut les organiser.» (Numéro 9 - Responsable
onboarding (Télécommunication)- parlant de la cohésion
d'équipe avec les nouveaux modes de travail)
« faire attention à la notion de
cohésion d'équipe, je pense, parce qu'effectivement ça
nécessite en terme d'organisation du travail, individuellement et
collectivement, de l'organisation (...) déjà au niveau de
l'équipe on s'est organisé sinon on risquait de ne pas se
voir.» (Numéro 9)
Cela peut paraître à l'encontre même de ce
qu'est l'essence de la socialisation à savoir la
spontanéité ou encore l'informalité.
« on perd beaucoup d'informel, c'est surtout
ça, c'est qu'on perd beaucoup de spontanéité, et ça
je trouve que c'est terrible parce que maintenant pour le moindre truc on
s'envoie une réunion TEAMS en fait. On s'envoie un créneau pour
discuter d'un sujet qu'on aurait peut-être fait autour de la machine
à café (...) Les nouveaux modes de travail ça tue la
spontanéité et donc effectivement ça prend beaucoup de
temps.» (Numéro 8 - Responsable efficience et
innovation (Audit) - parlant des changements survenus depuis le
développement des nouveaux modes de travail)
« je pense que le télétravail fait que
le relationnel a évolué, j'ai l'impression qu'il y a un petit
moins de cohésion d'équipe, ou que pour créer la
cohésion d'équipe il faut vraiment créer des moments, des
journées privilégiées ou tout le monde est au bureau, ou
des réunions communes ou des travaux d'équipe.»
(Numéro 2 - RRH (SIRH) - parlant de l'aspect
social de l'intégration)
64
Afin de garder cette cohésion sociale, ce lien entre
les équipes, les entreprises investissent de plus en plus dans des
événements avec des budgets spécifiques alloués
à la socialisation.
« petit budget social alloué pour garder cette
cohésion » (Numéro 2)
Les « virtual coffee morning » hebdomadaires ou
encore les séminaires de plusieurs jours organisés plusieurs fois
par an sont devenus choses courantes pour les équipes en hybride ou en
100% télétravail. Ces échanges semblent être
nécessaires et appréciés par les collaborateurs et les RH.
Car bien que le travail à distance soit pour beaucoup un choix , les RH
comme les collaborateurs mentionnent souvent l'importance du lien, de la
socialisation et même du maintien d'échanges « en vrai »
réguliers.
« je mets un peu plus de présentiel pour
quelqu'un qui arrive (...) Il y a beaucoup de télétravail, il y a
des personnes en full remote et effectivement pour les intégrations
maintenant je dirais que pour les 2 ou 3 premiers mois je mets en place plus de
présentiel même s'ils sont en full remote derrière j'inclus
du présentiel au moins au début (...). Pour créer du lien
(...) avec la personne qui arrive mais aussi avec les équipes
déjà existantes (...) beaucoup de turnover sur la période
COVID et c'est vrai qu'ils adorent le télétravail mais ils
demandent aussi le présentiel, ils ont besoin de recréer une
dynamique d'équipe qu'ils avaient perdu »
(Numéro 2 - parlant des échanges
opérés dans son processus d'intégration avec le
développement des nouveaux modes de travail)
« le temps sur Paris est du temps vraiment quali, en
terme de convivialité, transmission de contenu etc. On se voit moins en
présentiel mais on se voit mieux » (Numéro 22
- Directeur départemental (Association))
Pour faire face à cette recherche de lien et de
socialisation devenue plus difficile avec le développement des nouveaux
modes de travail, les entreprises ont recours à des systèmes
comme l'intégration en groupe ou encore l'attribution de Buddy ou
Parrain à l'arrivée des nouveaux collaborateurs.
« on regroupe ces personnes-là ce qui fait un
bon groupe, une promo et permet d'avoir une interaction assez fluide et
très bienveillante (...) et aussi fraternel parce que du coup ça
crée des liens et sincèrement j'ai vu une différence entre
ceux qui arrivaient et faisaient une journée d'intégration tout
seul avec cette nouvelle manière de fonctionner où il y a des
promos il y a un échange il y a un contact qui se crée assez
facilement aussi du coup. » (Numéro 3 -
Chargée de mission (Consulting))
« dès l'arrivée pendant leur
journée d'intégration on va leur envoyer un mail leur disant qui
est leur tuteur, qui est leur mentor (...) on avait des tuteurs avant mais ce
n'était pas suivi, pas formalisé, on ne suivait pas s'ils
s'étaient vus ou pas, on ne savait pas si vous aviez
échangé et là depuis le COVID on a vraiment mis ça
en place. » (Numéro 3)
« il y a des choses d'ailleurs qu'on avait
écarté, des idées qu'on avait écartées pour
l'onboarding bureau qu'on a mis en place dans l'onboarding digital, typiquement
le fait d'avoir un parrain ou un Buddy ou un mentor (...). Nous quand on
était dans les bureaux on avait fait un sondage en interne sur
«est-ce que vous pensez que c'est une valeur ajoutée d'avoir un
buddy
65
?» et ça a été un non
catégorique. En fait ouais nous ça n'a pas du tout pris parce que
c'est vrai qu'on a une culture très très forte et les gens sont
très connectés donc en fait assez naturellement dans les bureaux
les gens interagissaient automatiquement et y avait pas besoin du tout de
forcer un représentant en plus du manager (...) à l'inverse en
full remote on a décidé de mettre en place un mentoring (...) et
du coup chaque nouveau a son mentor et le mentor a vraiment son effet (...) des
responsabilités en plus du manager et du RH.»
(Numéro 1 - Head of talent acquisition (SIRH) -
parlant du développement des Buddies ou Mentors depuis la crise
COVID)
Le sentiment de promo ressenti lors des intégrations en
groupe a aussi été mentionné dans les entretiens des
collaborateurs et toujours d'un point de vue positif. Ce système
d'intégration en groupe semble donc être une façon de
créer du lien dès le début qui est appréciée
aussi bien par les RH que par les nouvelles recrues.
« l'entreprise voulait que l'on commence en
même temps du coup les plages horaires qui ont été
dégagées pour nous former ou pour nous intégrer sur
voilà le pôle satisfaction fait ci, le pôle relations
clients fait ça et bien du coup on était avec chaque chef de
pôles (...) tout le monde est gagnant, ça mutualise le temps de
chacun, et nous aussi entre nouveaux ça nous permet de nous soutenir
entre guillemets dans cette formation parce que c'est beaucoup d'informations
d'un coup, donc c'était très intense, assez fatiguant,
très dense, donc ça nous permettait de créer un petit lien
entre nouveaux (...) et d'avoir une team de nouveau un peu comme une
rentrée des classes.» (Numéro 21 -
Content manager (Software) - parlant de son expérience
d'intégration en groupe)
« A plusieurs c'est chouette car au moins tout ne
repose pas sur moi sur la formation, je sais pas, poser des questions, montrer
de l'intérêt (...) ça venait me nourrir (...) ça
crée un truc de moins one-to-one, plus en groupe, plus sympa et plus
détente.» (Numéro 21)
Le développement d'une plus grande formalisation des
processus d'intégration semble donc être un bon moyen de
répondre aux nouveaux enjeux apparus avec les nouveaux modes de travail.
Parmi ces enjeux, les principaux que nous avons retenus sont la création
et le maintien d'un lien social et d'une cohésion d'équipe. En
effet, comment créer et maintenir un lien avec ses collègues
lorsque nous ne les voyons pas physiquement ? Comment créer et maintenir
une cohésion d'équipe lorsque les membres de ces équipes
ne se sont jamais rencontrés ? La structure et la planification du
processus d'intégration des nouvelles recrues va permettre de s'assurer
que ces aspects informels et de socialisation ne soient pas oubliés ou
négligés. Cela va également permettre de faire en sorte
que toutes les cases soient cochées et que la nouvelle recrue ait bien
tous les outils nécessaires afin de pouvoir commencer dans les
meilleures conditions et ne pas se sentir isolée.
« les nouvelles arrivées sont moins stressantes
» (Numéro 1 - Head of talent acquisition (SIRH) -
parlant de la formalisation des processus)
66
A partir de l'ensemble des éléments
mentionnés ci-dessus, nous validons donc l'hypothèse 1, à
savoir « Une plus grande formalisation et structuration du processus
d'intégration est nécessaire afin de répondre aux enjeux
des nouveaux modes de travail. »
3.1.2. Hypothèse 2
Une plus grande collaboration des différents acteurs du
processus d'intégration semble également être un
élément qui se dégage des entretiens que nous avons
menés. Une bonne communication entre les RH et les managers semble avoir
permis une transition plus douce post COVID vers une nouvelle forme de
normalité. Avoir des processus qui sont clairs et surtout qui sont
communiqués à tous et compris de tous, va permettre une plus
forte adhésion à ces processus par les différents acteurs
de l'intégration.
« il y a énormément de personnes qui
sont très contentes de nous rejoindre juste avant les séminaires
(...) elles vont faire 2 semaines d'intégration, de boulot chez-elles et
direct elles sont lancées dans le grand bain avec tout le monde (...)
j'ai beaucoup de managers qui font exprès d'organiser des teams building
au moment, la semaine ou ils vont recevoir des nouvelles personnes dans leur
équipe. Je sais, il nous a été remonté que d'avoir
une rencontre physique dès la première ou deuxième semaine
d'intégration dans la boîte ça fait quelque chose quand
même, ça crée un lien. » (Numéro 1
- Head of talent acquisition (SIRH))
« mise en place d'une charte de
télétravail pour maintenir ce qui avait été mis en
place et les réorganiser avec des écrits pour que les gens
sachent ce qu'ils pouvaient faire ou pas, demander ou pas et avec ça la
refonte du processus d'onboarding (...) ça a nécessité une
mise en place et coordination avec les équipes, de travail avec les
managers, la direction pour aboutir à ce projet, c'était une
vraie conduite de projet » (Numéro 5 - RRH
(IT))
« Dans le quotidien post COVID on a dû
s'adapter car on ne pouvait pas tous venir au même moment (...)
l'organisation s'est faite beaucoup autour des managers qui allaient
accompagner les collaborateurs (...). Tout le monde avait envie que la nouvelle
situation ne soit pas un poids » (Numéro 5 -
RRH (IT))
«le manager est important dans le processus
d'intégration (...)je pense que c'est l'une des pièces
maîtresse dans le processus d'intégration.»
(Numéro 2 - RRH (SIRH))
Certaines entreprises ont même des « parcours
managers » afin d'aider leurs managers dans le processus
d'intégration des nouvelles recrues. Ces « parcours managers »
qui sont disponibles en ligne vont leur donner des outils pour bien
intégrer leurs nouveaux collaborateurs, mais aussi des conseils, bonnes
pratiques ou encore la possibilité d'évaluer le processus et de
s'assurer que toutes les cases ont bien été cochées. Ces
outils sont là pour assister le manager et lui permettre de pouvoir
s'investir plus facilement dans le processus d'intégration des nouvelles
recrues.
67
« pour moi on ne pouvait pas faire quelque chose sans
embarquer les managers, les RH et les tuteurs. Pour moi c'était une
évidence et quand je dis embarquer ça veut même dire
finalement créer des parcours pour eux (...) on a un parcours
ciblé salarié industrialisable et personnalisable (...) et le
parcours « j'accueille et j'intègre le nouveau salarié
» pour accompagner dans toutes ses démarches le manager, le RH et
le tuteur et principalement le manager parce qu'on s'est vite rendu compte que
souvent les managers sont sous l'eau et que souvent il y avait des choses
qu'ils ne faisaient pas (...) pas de mauvaise volonté mais manque de
temps, méconnaissance (..) les managers allaient pouvoir s'impliquer
encore plus et être acteur du parcours du nouveau salarié si en
fait on les accompagnait et leur permettait de gagner du temps et
immédiatement trouver les réponses. »
(Numéro 9 - Responsable onboarding
(Télécommunication))
L'intégration apparaît comme un travail
d'équipe, une responsabilité qui n'est plus seulement
réservée aux RH. Il a souvent été question lors des
entretiens d'autres acteurs clés dans le processus d'intégration
et du sentiment qu'il faut un village pour intégrer une personne. Les
managers sont bien entendu souvent mentionnés mais il est aussi question
du rôle des tuteurs, des buddies ou encore de la direction.
« c'est de la collaboration, la collaboration au sein
des équipes qui préparent et qui font l'onboarding de la
personne. On parle de la passation d'un recruteur, à l'équipe,
à moi, au manager, aux speakers qui présentent les sessions, en
fait on se passe le flambeau systématiquement, en fait c'est un vrai
travail d'équipe » (Numéro 7 -
Onboarding Manager (Banque en ligne))
« on va avoir 2 types de personnes, on va avoir le
manager, on va avoir le Buddy, qui est un peu l'acolyte la personne de
confiance dans l'entreprise (...) et la personne aussi a sa propre checklist
pour qu'à son arrivée dans l'entreprise elle ait un endroit
où sache ce qu'on attend d'elle les premières semaines et lui
donner en autonomie » (Numéro 10 - CEO
(Coaching & Formation) - parlant des différentes checklists
disponibles sur leur plateforme en ligne Notion)
L'équipe de Communication a été
mentionnée plusieurs fois par les interlocuteurs comme une équipe
clé à l'adaptation et à l'évolution des anciens
processus avec l'arrivée des nouveaux modes de travail. En effet, la
digitalisation de nombreux documents ou encore des « Welcome Packs »
a permis une transition plus facile vers des intégrations à
distance ou hybride. L'accessibilité de l'information et la
fluidité de la communication à travers des plateformes de
communication interne, comme Slack par exemple, peuvent s'avérer
être des facteurs importants pour une intégration réussie
à la fois à distance mais aussi en présentiel ou en mode
hybride.
« on a fait une journée d'intégration
à distance via TEAMS. Du coup on leur a envoyé le livret
d'accueil, avec une slide qu'on avait fait pour la journée
d'intégration qui expliquait à peu près ce que nous
faisions et tout, avec un mail de bienvenue. Ce que nous appelons un mail de
bienvenue, en fait je leur envoie un mail ou ils se présentent mais de
façon entre
guillemets ludiques avec « quelles sont leurs
passions ? » ( ) avec une photo
etc. et du coup cette fiche
était communiquée à l'ensemble du cabinet. Au moins
l'ensemble du cabinet savait
68
qu'il y avait une nouvelle personne, à quoi elle
ressemble, quelles sont ses passions etc. (......) Nous avons une équipe
de communication assez dynamique donc quand je dis « on » je pense
toujours à l'équipe communication qui joue tout de même un
rôle là-dessus. Les RH ont bossé avec l'équipe
communication, vous avez mis vos compétences en commun pour trouver une
solution à une situation extraordinaire ? Oui absolument. »
(Numéro 3 - Chargée de mission
(Consulting))
« le livret d'accueil il était
digitalisé mais du style PDF donc pas très pratique, il a
été amélioré en digitalisant avec des outils,
justement avec la Com, qui permettaient de cliquer sur des liens et de tomber
sur un peu plus de détails, sur des sites etc. »
(Numéro 5 - RRH (IT))
A partir de l'ensemble des éléments
mentionnés ci-dessus, nous validons en partie l'hypothèse 2,
à savoir « Le rôle du manager s'est renforcé et a
évolué avec le développement des nouveaux modes de travail
». En effet, la nécessité de plus investir le manager dans
le processus d'intégration et de travailler avec les équipes RH
semble ressortir de nos entretiens. Faire du manager un acteur clé de
l'intégration est un moyen d'aider à faire en sorte que les
nouveaux modes de travail aient un impact le moins négatif possible sur
les processus d'intégration et par conséquent sur les nouvelles
recrues. L'investissement des managers et leur adhésion est une
façon de rendre la transition et l'adaptation des processus plus
pertinentes et plus simples. Cependant, à travers nos différents
entretiens, il est ressorti que le manager n'est pas le seul acteur clé
à avoir vu son rôle renforcé et que plus que jamais
l'intégration est devenue un vrai travail d'équipe avec le
renforcement des rôles des équipes de Communication ou encore des
Buddies et Parrains. Nous pouvons donc dire que l'hypothèse 2, bien
qu'étant en grande partie validée, pourrait être
modifiée pour inclure d'autres acteurs clés de
l'intégration. Nous proposons cette nouvelle formulation de
l'hypothèse 2 « Les rôles de différents acteurs, comme
les managers, les équipes de communication ou encore les Buddies, se
sont renforcés et ont évolué avec le développement
des nouveaux modes de travail. »
3.1.3. Hypothèse 3
Bien que, comme nous l'avons vu dans notre revue de la
littérature, le travail à distance existe depuis plusieurs
décennies, son explosion ces trois dernières années est
venue chambouler notre rapport au travail. Les attentes des collaborateurs
évoluent et les professionnels RH doivent savoir faire évoluer
leurs processus afin de pouvoir répondre à ces nouvelles attentes
et cette nouvelle culture du travail. Les entreprises recrutent pour des postes
en 100% remote ou en hybride et les collaborateurs recherchent bien souvent la
possibilité de télétravailler au moins 1 à 2 jours
par semaine. Cette flexibilité, qui il y a encore 3 ans était
quasi inexistante, est
69
désormais considérée comme acquise et
fait partie intégrante de la nouvelle normalité post-COVID.
Les RH ont dû s'adapter à cette nouvelle culture
du travail. Dans certaines entreprises le changement a été
radical avec la disparition des bureaux physiques et le recrutement pour des
postes 100% remote. Cependant, pour la majorité des entreprises le
changement n'a pas été aussi catégorique. Il est
désormais commun pour une entreprise d'offrir la possibilité
à ses collaborateurs de télétravailler entre 1 et 3 jours
par semaine. Les collaborateurs attendent de leur employeur cette
flexibilité. Cette évolution du travail à distance a
engendré une autre évolution, celle de la digitalisation. La
digitalisation rend cette nouvelle culture du travail possible. Il semble donc
naturel que les processus RH se digitalisent afin de pouvoir répondre
aux nouveaux modes de travail.
« ça peut être en remote ou dans un
autre bureau « nom de l'entreprise », il y a 2 options (...). C'est
en hybride donc c'est visio pour ceux qui sont en remote mais le speaker est
sur place pour ceux qui sont en présentiel (...). Ça
découle des changements de l'onboarding depuis le COVID, avant
c'était « in person », ensuite c'était
entièrement en remote, bah maintenant ce qu'on fait c'est hybride.
Savoir que nous aussi on recrute des gens ils ont l'option d'être en
contrat remote, on va pas forcer quelqu'un à venir dans nos bureaux. Ils
sont invités, tout le monde est invité mais ça n'a pas de
sens de faire venir quelqu'un qui par choix a déjà
décidé de travailler depuis chez eux. »
(Numéro 7 - Onboarding Manager (Banque en ligne)
- parlant du onboarding depuis le COVID et la transition vers
le télétravail)
« si on part du principe que l'onboarding c'est
engager, motiver et impliquer quelqu'un dans les missions et les
équipes, en fait on est obligé de le faire à la fois pour
les gens qui sont en remote et si on n'est pas digital, si on n'est pas capable
de bien faire ça, en fait on n'est que du présentiel et on n'a
pas rempli notre mission d'une entreprise qui accepte à la fois le
remote et le présentiel » (Numéro
7)
Lors de nos entretiens avec les professionnels RH en charge de
l'intégration et les nouveaux collaborateurs, nous avons abordé
le sujet de la digitalisation du processus d'intégration. Tous savaient
bien de quoi nous parlions, mais tous ne l'avaient pas encore vécu ou
développé dans leur entreprise. Bien souvent, la journée
d'accueil était désormais digitalisée, ou tout du moins
certaines parties de la journée l'étaient. Comme par exemple les
livrets d'accueil dématérialisés ou encore tous les
documents administratifs gérés en ligne.
« Je te parle de la journée d'accueil (...)
avant c'était pas très formalisé, maintenant la
journée d'accueil depuis le COVID ce qu'on a mis en place c'est la
même routine hein, tu as ton matériel, tu as ton livret d'accueil
qui est maintenant envoyé via un mail alors qu'avant on l'imprimait
(...) ça s'est dématérialisé, j'envoie tout
ça par mail maintenant (...) donc dès que tu arrives tu as tout
par mail. » (Numéro 3 - Chargée de
mission (Consulting))
70
« la digitalisation d'un point de vue administratif
je pense que c'est nécessaire, digitalisation d'un point de vue de
l'intégration, pour nous en tout cas c'est vital. »
(Numéro 7)
« je suis pro digitalisation (...) tout ce qui va
être informations administratives (...) vont être
digitalisées » (Numéro 5- RRH (IT) -
parlant de la digitalisation de l'onboarding et des plateformes)
Il semble qu'il est désormais accepté et
attendu, que la partie administrative de l'intégration soit faite en
ligne. Les collaborateurs semblent même apprécier cette
évolution et voit en cette dernière une avancée qui leur
permet de se consacrer sur l'essentiel et sur des tâches à plus
fortes valeurs ajoutées dès leur arrivée.
« je pense que ça ça pourrait
être fait sur un portail intranet (...) des choses un peu plus modernes
(...) De laisser l'interaction humaine a vraiment de la valeur ajoutée
de compréhension et d'échanges et d'explications.»
(Numéro 14 - Directrice de l'offre
(Coopérative) - parlant du pré-onboarding administratif)
A travers nos entretiens, nous avons remarqué que les
plateformes spécialisées dans l'intégration et les outils
numériques ou logiciels facilitant le travail à distance,
étaient souvent mentionnés. L'outil numérique NOTION a
été mentionné plusieurs fois et semble être
validé par une grande majorité. Cet outil numérique permet
de travailler sur des projets d'équipes à distance, de
centraliser les documents clés de l'entreprise mais sert aussi de
Wikipédia interne avec une centralisation des connaissances de
l'organisation. Les plateformes dédiées à
l'intégration telles que Workelo, Wonderway ou Talmundo ont
également été mentionnées.
« on a créé un programme très
très précis les 3 premiers mois chez « nom de l'entreprise
» on utilise un outil qui s'appelle Wonderway (...) c'est un outil qui
permet de créer des parcours d'intégration (...) Donc on va avoir
un template qui est commun à toutes les
équipes avec la partie RH (...), la partie culture
d'entreprise ( ) il va y avoir beaucoup de liens à notre nouvel outil
qui s'appelle Notion qui est un peu notre Wikipédia interne, donc
forcément on est passé d'une culture de l'oral à une
culture de l'écrit, tout est écrit noir sur blanc. »
(Numéro 1 - Head of talent acquisition (SIRH))
« on a une app externe (..) on passe par un
prestataire Talmundo qui a une particularité (...) ils ont
été un des premiers à être vraiment sur le domaine
du onboarding (...) C'est une web app on l'a sur pc, smartphone et tablette. Et
donc le salarié a son propre compte donc il va activer son compte
normalement 30 jours avant l'arrivée et toutes les semaines il va
recevoir des nouveaux contenus. » (Numéro 9 -
Responsable Onboarding (Télécommunication))
« on a 2 types de parcours (...) dedans il y a un
livret d'accueil, une vidéo marque employeur, ensuite on leur demande de
résoudre des tâches, on leur demande de nous suivre sur Instagram
et LinkedIn (...) on présente un contenu de mobilité aux
Etats-Unis (...) on leur présente des initiatives internes (...) on a un
podcast, on fait un quiz pour découvrir « nom de l'entreprise
», une visite des locaux, on leur propose de faire un portrait chinois
où ils doivent se présenter eux-mêmes, et puis ensuite
pareil d'autres vidéos sur le télétravail (...) et ensuite
du contenu sur la plateforme de formation qui répertorie toutes les
offres de formations (...) et ensuite on leur demande un rapport
d'étonnement (...) et à la fin un bilan de satisfaction
sur
71
leur parcours » (Numéro 8 -
Responsable Efficience et Innovation (Audit) - parlant de Workelo la
plateforme digitale d'onboarding)
« on gère
l'intégralité de notre société, on a les dossiers
RH, on a les dossiers gestion de projets et en fait c'est quelque chose que
l'on peut créer à son image (...) ça permet de
s'approprier l'outil » (Numéro 10 - CEO
(Coaching & Formation) - parlant de la plateforme NOTION
utilisée pour l'intégration dans leur société)
« Google, Slack et Notion, les principaux
éléments que l'on utilise tous les jours. Toute la communication
un peu instantanée, spontanée ça se passait sur Slack vu
que c'est la messagerie (...) et toutes les pages de toutes les infos que l'on
doit recevoir (...) des pages Notion dédiées, travaillées
par la RH (...) Notion c'est un outil (...) tu peux faire des tableaux, tu peux
faire des listes, il y a de l'écrit (...) et nous on travaille tout
dedans (...) par exemple pour l'onboarding ça nous permettait de voir
où on en était dans l'onboarding parce que tel jour il y avait
cette case, et la RH parfois elle prenait des points avec nous, elle disait
« ça tu l'as fait, ça tu l'as fait » en voyant en vert
ce qui avait été fait, ce qui n'était pas colorié
c'est ce qui restait à faire. » (Numéro 21
- Content Manager (Software) - parlant de
l'utilisation de l'outil NOTION pour son intégration à
distance)
Les plateformes et outils numériques semblent aider la
transition vers une digitalisation de l'intégration. Ils permettent
également de personnaliser un processus qui jusqu'alors était
plutôt standardisé.
« La réussite de la digitalisation du
processus dépend des métiers. Les métiers plus techniques
ne posent pas de problème à une digitalisation du processus (...)
Ce qui pourrait aussi optimiser l'expérience de la digitalisation c'est
la personnalisation du processus. La standardisation elle fait gagner du temps
mais elle ne valorise pas la nouvelle recrue. »
(Numéro 13 - Formateur (Evaluations
Pédagogiques))
« on a des personnes qui travaillent depuis la
Suède, l'Espagne, la Belgique (...) il y a le tronc commun (...) et
ensuite chaque manager va créer son parcours en fonction du job et de
l'équipe, ça va permettre de traquer la montée en
compétence et l'apprentissage. » (Numéro 1
- Head of Talent Acquisition (SIRH))
Ces outils sont là pour aider les RH et
améliorer l'expérience du nouveau collaborateur lors de son
intégration. Comme le dit notre interviewé Numéro 9 «
C'est le digital au service de l'humain » !
« c'est ce que nous disent des salariés, ils
nous disent qu'en fait tout ce qu'on leur donne sur le feedback, et ce qu'on
les incite à faire et bien ça a permis d'enrichir les points
réguliers qui sont fait avec leur manager. Donc là on est sur
comment le digital est au service de l'humain et comment il permet de mettre en
action (...) ça permet au manager de ne pas oublier et de
préparer les entretiens plus richement avec les nouveaux arrivants, et
les nouveaux arrivants eux aussi on leur a demandé de prendre du recul,
de faire des feedbacks et du coup ils arrivent aux entretiens plus
préparés et les entretiens sont plus riches »
(Numéro 9 Responsable Onboarding
(Télécommunication) - parlant des
évaluations disponibles sur l'application réservée
à l'intégration)
72
« c'est le digital au service de l'humain (...) le
nouvel arrivant il a sur son application de façon
régulière des contenus avant son arrivée donc il nous dit
que ça lui fait gagner du temps (...) sentiment d'appartenance avant
l'arrivée (...) du côté manager on l'implique encore plus
et tout le temps qu'il va gagner il peut le remettre dans l'humain (...) et
ça va lui permettre d'enrichir l'expérience humaine »
(Numéro 9)
L'argument budgétaire du numérique n'est pas
négligeable. En effet, la disparition de certains bureaux, la
dématérialisation des documents ou encore la possibilité
de faire des événements pour un très grand nombre sans se
déplacer et sans avoir à louer de salle, ont permis de
dégager des fonds qui peuvent être investis ailleurs (comme dans
l'organisation de séminaires plusieurs fois par an par exemple). Les
temps d'échanges physiques semblent privilégier la qualité
plutôt que la quantité. Comme disait notre interviewé
Numéro 22 « On se voit moins mais on se voit mieux ».
« ce qui a changé aussi c'est comment on anime
ce qu'on faisait en présentiel, en distanciel ? (...) même
après le COVID question de restriction budgétaire, en fait ce qui
change c'est qu'on se dit le présentiel on va le garder quand vraiment
ça a un intérêt primordial (...) l'idée c'est qu'on
va alterner du présentiel et du distanciel (...) ça a
accéléré notre développement numérique,
utiliser TEAMS, des outils comme KLAXON qui permet d'animer des ateliers, tous
à distance sur un tableau virtuel (...) et du coup ça nous a
permis de nous rendre compte qu'on pouvait animer des évènements
de bienvenue en distanciel (....) c'est important car on n'en faisait plus
(...) là en fait en distanciel on peut monter jusqu'à 150
personnes (...) Il y a des évènements qu'on va recommencer
à faire grâce au distanciel » (Numéro
9)
« je me sens très bien intégrée
et du coup les instants, les séminaires que l'on a entre nous c'est
beaucoup plus qualitatif je trouve que si j'étais dans une entreprise en
présentiel. C'est une vraie réflexion que l'on a
développé avec un collègue « aurais-je envie de faire
ce séminaire avec ces personnes que je vois 8 heures par jour 5 jours
par semaine ? » Peut-être pas forcément. Alors que là,
le fait que je ne les vois pas souvent je me dis tiens on a 2 ou 3 jours
ensemble en séminaire et bien on va profiter à fond, à
100% de ces 2 jours. » (Numéro 21 - Content
Manager (Software) - parlant des séminaires entre collègues ayant
lieu tous les trimestres)
Parmi les avantages de la digitalisation du processus
d'intégration, les nouveaux collaborateurs ont parlé de la
possibilité de prendre son temps pour digérer la masse
d'informations donnée les premiers jours voire les premières
semaines. Le sentiment d'être dans un environnement familier et de ne pas
sortir de leur zone de confort en étant chez eux étaient
également mentionnés comme étant des
éléments en faveur de la digitalisation de
l'intégration.
« les points positifs c'est que du coup ça
cloisonne bien tes moments de formation parce que tu vois, je sais pas, telle
personne que pour ce thème aujourd'hui et c'est vraiment de 15 à
16 par exemple. Donc ça compartimente bien chaque moment alloué
à la formation. J'aime bien aussi les moments où tu peux te
reposer tranquille chez toi quand tu as fini pendant une heure par exemple et
que tu as emmagasiné beaucoup d'infos. Si j'étais en
présentiel, même si
73
j'avais pas envie de bosser j'aurais fait semblant de
travailler, j'aurais pas pu me détendre aussi bien que si j'étais
dans mon espace personnel entre deux formations. »
(Numéro 21 - parlant des points positifs de
l'intégration à distance)
« d'un côté ça m'a fait du bien
parce que c'est vrai que c'est assez stressant, il y a beaucoup de
nouveautés, on est quand même observés quand on est sur les
lieux, après je pense que ça dépend de la
personnalité de chaque personne. Du coup je me suis retrouvée
chez-moi donc j'ai eu le temps de vraiment me poser, de retrier les
informations que j'avais, de prendre le temps, ça a permis de
réduire un peu la pression. » (Numéro 19
- Head of Product (Software) - parlant de son ressenti une fois que
son intégration s'est poursuivie à distance après les
premiers jours en présentiel)
Bien que de nombreuses choses semblent être positives et
en faveur de la digitalisation du processus d'intégration, il ne faut
pas oublier les points négatifs qui ont aussi été
mentionnés. Parmi les points négatifs les plus souvent
mentionnés, nous retrouvons la détérioration des liens
humains, de l'informelle et de la spontanéité des interactions.
La socialisation est sans surprise le point le plus souvent mentionné
lorsque l'on aborde les aspects négatifs de la digitalisation de
l'intégration et du développement des nouveaux modes de
travail.
« Peut-être il y a un peu moins de
spontanéité, si je veux poser des questions, en fait quand tu
veux solliciter quelqu'un, tu ne le fais jamais vraiment au hasard (...)
là si je veux parler à quelqu'un sur Slack il faut que je
m'assure d'avoir vraiment quelque chose à lui demander(...) Il y a
moins, je pense qu'il y a moins d'informalité (...) mais je pense
qu'objectivement tu n'auras jamais ce truc le lundi matin petit café
avant de commencer à travailler ou on se raconte nos weekends »
(Numéro 21 - parlant des points négatifs de
l'intégration à distance)
« la difficulté de la distance c'est qu'il
faut prévoir formellement des évènements informels »
(Numéro 21)
« je trouve ça bien, je vois maintenant avec
tout ce qui est Meta on peut créer des univers d'intégration et
autre, mais pour moi l'humain on ne pourra pas l'empêcher. Je ne me vois
pas être en 100% télétravail, il y en a plein qui y
arrivent (...) mais on a besoin d'humain, on a besoin de contact humain, de
prendre un café avec quelqu'un, rigoler bêtement avec quelqu'un,
et c'est ça qui fait une cohésion d'équipe. Le meilleur
mix pour moi, le télétravail je trouve ça super important
et super intéressant, mais en hybride ça c'est super important
» (Numéro 6 - RRH (Energies
Renouvelables))
« tout le monde a toujours été
disponible, tout le monde était disponible, c'était assez fluide
après c'est vrai qu'il faut s'adapter parce que les canaux de
communication sont très différents quand on est en face à
face, en vrai, il y a un échange qui est différent, on a l'humain
en face, là par visio il y a le côté humain qui disparait
un peu plus, même s'il est là et que les gens sont très
avenants et gentils on appelle quand même pour un objectif et quand
l'objectif est terminé le call s'arrête donc il n'y a pas
d'échanges informels autour qui permet peut-être de rassurer et
créer du lien » (Numéro 19 - Head of
Product (Software))
« le contact direct physique est un facilitant de la
relation. L'inter-individualité est hyper importante dans la
qualité de la relation, mais vraiment au sens facilitant. Une fois que
l'on a identifié quelqu'un physiquement, il y a une aisance à
interagir. Le formalisme doit
74
pouvoir se construire sur quelque chose de relativement
solide. Le hic avec la dématérialisation de l'intégration
c'est qu'elle rend les choses virtuelles même si elles sont
réelles, le fait de passer par un canal type internet avec
l'écran rend les choses un peu fake (...) Ça a
dégradé la qualité de la relation et ça l'a
dénaturée un peu. » (Numéro 22
- Directeur Départemental (Association))
« je pense qu'on a beaucoup perdu et le fait
d'intégrer la digitalisation il faut vraiment être hyper vigilant
sur le fait de ne pas perdre ce qui fait le sel, l'esprit même de la
relation au travail (...) Dans notre secteur on parle d'organes sociaux, les
mains et le visage. On communique avec nos mains et nos visages (...) le fait
de passer par cet écran fait que toute cette partie sociale, humaine
sensorielle, sensuelle ne se met plus en oeuvre (...) La communication se
réduit à ça, à savoir un échange de mots
» (Numéro 22)
Ces relations dégradées et ces liens plus
difficilement créés, peuvent être source d'angoisse pour
les nouvelles recrues. Le sentiment de ne pas être bien
intégré, d'être invisible. Il est possible que cette
invisibilité puisse à long terme avoir des conséquences
sur leur montée en compétences et leur évolution au sein
de l'entreprise.
« en fait c'était la première fois que
j'avais une intégration en télétravail ça
c'était pas forcément évident car j'aime bien le lien
humain (...) c'est pas facile après c'est vrai que je ne suis pas autant
intégrée que si j'avais été dans une entreprise en
présentiel. Surtout ce qui est compliqué c'est qu'il y a des gens
en télétravail et d'autres non, c'est pas toute la boîte
qui est en full remote. Je me rends compte qu'à chaque fois que je vais
là-bas, surtout au début, j'ai un gain énorme, ça
va être des échanges informels, des liens qui se créent,
des affinités, ce qui fait qu'après quand on converse à
distance c'est différent parce qu'on a créé un lien et la
communication a changé » (Numéro 19 -
Head of Product (Software) - parlant des côtés négatifs de
l'intégration à distance et des changements observés
lorsqu'elle passe quelques jours au bureau)
« ça prend plus de temps pour
s'intégrer, et puis juste de monter en compétences parce que je
me suis rendue compte qu'à chaque fois que j'allais là-bas je
faisais un gap en terme de montée en compétences et de
montée en connaissances. Quand on est présent sur place on capte
beaucoup plus de choses. J'aurais sûrement été plus vite
pour m'intégrer et c'est vrai que quand je vais là-bas
humainement ça se passe très bien mais on sent qu'il y a une
communauté de collègues, quand on arrive on est
intégré mais on n'est l'est pas complètement car on n'est
pas en présentiel tout le temps. » (Numéro
19)
Les nouveaux modes de travail n'ont pas juste fait
évoluer les processus en développant la digitalisation, ils ont
également fait évoluer les profils recherchés. En effet,
ces modes de travail ne sont pas fait pour tout le monde et demandent des
compétences particulières. L'autonomie est souvent
mentionnée comme étant une compétence clé pour une
bonne intégration à distance, mais aussi le potentiel humain. Les
softs skills deviennent donc de plus en plus importants, au détriment
des hard skills qui semblent ne pas toujours répondre aux besoins des
nouveaux modes de travail.
75
« aujourd'hui ce qui est important c'est pas tant la
capacité de la personne à occuper la fonction au sens technique
(...) mais si la personne à un potentiel humain, ça fait tout.
» (Numéro 5 - RRH (IT))
« à distance l'accompagnement est essentiel,
et la préparation et le choix de la bonne personne l'est encore plus
parce que c'est à distance (...) quand on choisit quelqu'un pour
travailler que ce soit à distance ou en présentiel, il est
important de regarder entre deux profils s'il y en a un qui est plus
adapté à ce type d'organisation. »
(Numéro 5)
« depuis que je suis arrivée on a fait du
quasiment fois 3 en effectif et on a eu que 3 départs liés au
remote (...) ce n'est pas le genre de choses auxquelles on est confronté
tout simplement parce que les personnes qui candidatent chez nous c'est
écrit, c'est très clair « attention on est en full remote,
c'est un modèle qui n'est pas adapté à tout le monde, si
vous avez des doutes si vous n'êtes pas sûr alors ce n'est pas
certain que ce soit pour vous car ça demande beaucoup d'autonomie,
d'auto responsabilisation et ce n'est pas le même type de lien social que
l'on peut retrouver dans les bureaux. » (Numéro 1
- Head of Talent Acquisition (SIRH))
Le rôle joué par les entreprises dans le
succès du développement des nouveaux modes de travail et
l'évolution de leurs processus afin de répondre aux nouvelles
demandes, est primordial. La culture d'entreprise aura un rôle important
dans le succès de la digitalisation des processus. Sans grande surprise,
les entreprises dont le secteur d'activité est plus tourné vers
les métiers du numérique et de l'informatique, ont souvent plus
de facilité à prendre le virage de la digitalisation et du
travail à distance.
« Franchement, honnêtement je suis 1000 fois
mieux intégrée que dans certaines boîtes où j'ai eu
du présentiel donc le côté distance n'est vraiment pas
ça qui fait que tu es mieux ou moins bien intégré. C'est
vraiment la volonté derrière, l'entreprise de le faire (...) tu
vois dans les pages Notion on met tout (...) ma manager avant que j'arrive
avait mis « bah voilà j'ai le round 1 avec « nom du
numéro 21 », j'ai le round 2 avec « nom du numéro 21
» , la semaine prochaine « nom du numéro 21 » arrive
» donc tout est indiqué. Tu es là avant d'être
là, tu es là dans leurs papiers avant d'être là donc
ils s'apprêtent à t'accueillir psychologiquement (...) c'est
vraiment une volonté de la part de l'entreprise, ils adorent qu'il y ait
des nouveaux et des nouvelles. » (Numéro 21 -
Content Manager (Software))
« de toutes les boîtes que j'ai connues c'est la
première où je suis en 100% télétravail, je pense
que c'est celle où j'ai le plus ce sentiment de culture d'entreprise
forte. » (Numéro 21)
A partir de l'ensemble des éléments
mentionnés ci-dessus, nous validons l'hypothèse 3, à
savoir « La digitalisation du processus d'intégration est un
tremplin vers une nouvelle culture du travail à distance ». Bien
que les témoignages et les données récoltés nous
montrent que la digitalisation du processus d'intégration n'est pas
toujours vécue de manière positive et qu'elle n'est pas
adaptée à tous les profils, force est de constater que cette
digitalisation est inévitable. Le développement des nouveaux
modes de travail et du travail à distance font que les processus RH
doivent évoluer avec leur temps et s'adapter. De plus en plus de
collaborateurs travaillent
76
en 100% remote ou en hybride et ces collaborateurs sont
souvent équipés des compétences nécessaires
à une intégration à distance réussie. Cependant,
tous les collaborateurs n'ont pas ces compétences et nous pensons que la
digitalisation du processus d'intégration devrait se faire par
étape et non pas de manière brutale afin de ne pas laisser
certains collaborateurs sur le bas-côté. Les plateformes et outils
numériques dédiés à l'intégration sont des
supports et des aides que les entreprises ne devraient pas négliger. Ils
semblent remporter l'approbation de leurs utilisateurs, avec des retours
presque exclusivement positifs lors de nos entretiens. Le lien social et
l'humain semblent être des aspects importants de l'intégration
mais aussi de la vie du collaborateur au sein de son entreprise. Cette perte de
lien et cette difficulté de socialisation sont souvent
mentionnées dans nos entretiens comme des conséquences
négatives de l'intégration à distance et du distanciel en
général. L'évolution vers la digitalisation est donc
importante mais il est important de garder à l'esprit que l'humain et le
social ne devraient pas être négligés par les
entreprises.
3.1.4. Tableaux des codes de premier et second ordres
(méthodologie de Gioia)
Lors de la relecture des transcriptions de nos entretiens,
nous avons dans un premier temps recherché les codes de premier ordre
qui étaient en lien avec nos hypothèses. Ce regroupement
d'idées et concepts nous a permis de dégager des codes de second
ordre et enfin faire ressortir des phénomènes ou tendances. Nous
avons volontairement analysé séparément les entretiens des
professionnels RH (Onboardeurs) et les entretiens des collaborateurs
(Onboardés).
Afin de nous aider à mettre de l'ordre dans la collecte
de nos données, nous avons utilisé le modèle de structure
des données de la méthodologie de Gioia (tableau 18). Ce
modèle est similaire au modèle simplifié du code à
la théorie pour la recherche qualitative de Saldaña (tableau
16).
Nous avons également utilisé des couleurs
différentes pour mettre en évidence les codes et les
hypothèses reliées à ces derniers.
Les trois couleurs que nous avons utilisées sont les
suivantes :
H1 - Une plus grande formalisation et structuration du
processus d'intégration est nécessaire afin de répondre
aux enjeux des nouveaux modes de travail.
H2 - Le rôle du manager s'est renforcé et a
évolué avec le développement des nouveaux modes de
travail.
H3 - La digitalisation du processus d'intégration
est un tremplin vers une nouvelle culture du travail à
distance.
77
Tableau 19 - Codes de premier et second ordres
identifiés dans les entretiens des collaborateurs
(onboardés)
78
Dans les entretiens des collaborateurs nous avons une
majorité de codes de premier et second ordres qui sont reliés
à notre hypothèse 1. Peu de codes ont été reconnus
comme étant liés à l'hypothèse 3.
De ces codes de premier et second ordres, nous avons
identifié trois tendances ou phénomènes, les codes
déclencheurs d'expériences d'intégration négatives,
les codes déclencheurs d'expériences d'intégration
positives et enfin la tendance vers une professionnalisation de
l'intégration.
Nous avons également repris la théorie des 4C de
Bauer étudiée dans notre revue de la littérature et avons
lié les différents codes à un ou plusieurs des 4C.
Rappelons que les 4C sont Conformité, Clarté, Culture et
Connexion.
Nous avons fait cela dans le but de comprendre à quel
niveau stratégique de l'intégration nos entretiens avec les
collaborateurs nous renvoient. Bauer parle de niveau Passif, Haut-Potentiel et
Proactif (tableau 1).
Dans les codes déclencheurs d'une expérience
d'intégration négative, nous avons recensé 2 codes de
premier et second ordres en lien avec la Connexion, 2 codes de premier et
second ordres en lien avec la Clarté et enfin 1 code en lien avec la
Culture.
Dans les codes déclencheurs d'une expérience
d'intégration positive, nous avons recensé 2 codes de premier et
second ordres en lien avec la Conformité, 2 codes de premier et second
ordres en lien avec la Clarté et enfin 1 code en lien avec la
Connexion.
Enfin, les codes que nous avons assimilés à la
tendance vers une professionnalisation de l'intégration nous renvoient
à la Clarté (2 codes) et à la Connexion (1 code).
Si nous nous référons à la théorie
de Bauer et ses différents niveaux stratégiques de
l'intégration (Tableau 1), nous pouvons en déduire que l'absence
du « C » de Culture dans les éléments
déclencheurs d'une expérience d'intégration positive et le
peu de représentation du « C » de Connexion dans ces
éléments, nous renvoient à une expérience
d'intégration plutôt à haut-potentiel en ce qui concerne
les collaborateurs que nous avons interviewé.
Comme mentionné dans notre revue de la
littérature et anticipé par Frimousse & Peretti (2020 &
2021), la Culture et la Connexion sont les deux éléments sur
lesquels les entreprises vont devoir le plus s'adapter et faire des efforts
à l'ère du numérique et du travail à distance.
L'analyse des données empiriques récoltées lors des
entretiens de nos collaborateurs vient confirmer cette prédiction.
79
L'analyse des entretiens des professionnels RH a fait
ressortir un nombre de codes moins important et moins varié que pour les
entretiens des collaborateurs. Nous avons recensé 2 groupes de codes
liés à l'hypothèse 1 et à l'hypothèse 3, et
1 groupe de codes liés à l'hypothèse 2 (Tableau 20). De
ces codes de premier et second ordres, nous avons identifié deux
tendances ou phénomènes, une tendance vers l'évolution du
processus d'intégration et une évolution du
phénomène de socialisation.
Tableau 20 - Codes de premier et second ordres
identifiés dans les entretiens des professionnels RH (onboardeurs)
Nous avons de nouveau repris la théorie des 4C de Bauer
et avons recensé 4 codes de premier et second ordres en lien avec la
Connexion et 1 code de premier et second ordres en lien avec la
Conformité et 1 code en lien avec la Clarté. Cette
majorité de codes en lien avec la Connexion et mis en avant dans les
entretiens de nos professionnels RH, vient de nouveau confirmer ce que
Frimousse & Peretti (2020 & 2021) anticipaient. La Connexion devient un
enjeu majeur de
80
nos entreprises et des professionnels RH. Notons qu'encore une
fois le « C » de Culture n'est pas représenté.
Cette absence du « C » de Culture et cette
surreprésentation du « C » de Connexion, ne correspond
à aucun des niveaux stratégiques de l'intégration de Bauer
(2010) (Tableau 1). Cela nous montre la nécessité de faire
progresser ces niveaux stratégiques avec l'arrivée des nouveaux
modes de travail et les nouveaux enjeux qui en découlent.
3.1.5. Nuage de mots
Lors de tous nos entretiens nous avons posé la
même question à nos interlocuteurs à savoir
« Quel est l'élément clé d'une
intégration réussie ? »
Leurs réponses nous ont permis de créer des
nuages de mots qui sont une représentation visuelle nous permettant de
mettre en valeur les réponses de nos interlocuteurs et les mots
clés les plus utilisés par ces derniers. Cette
représentation visuelle nous donne une indication concernant les
tendances de l'intégration et ce qui semble être le plus important
aussi bien pour les RH que pour les collaborateurs.
Nuage de mots professionnels RH
81
Nuage de mots collaborateurs
L'humain et la socialisation
sont deux mots très représentés dans les deux
catégories d'interlocuteurs.
Pour les professionnels RH nous retrouvons aussi la
formalisation et la structure, et
l'organisation pour les collaborateurs, ce qui vient de
nouveau confirmer notre hypothèse numéro 1.
La digitalisation n'apparait que dans les
réponses des professionnels RH, ce qui en fait une tendance qui n'est
peut-être pas encore considérée par les collaborateurs
comme étant essentielle à une intégration réussie
de nos jours.
3.2. Discussion et
préconisations
Dans la partie précédente nous avons
relié nos résultats et données empiriques à nos
hypothèses. Dans cette partie nous allons comparer ces données
empiriques aux conclusions scientifiques déjà existantes et
mentionnées dans notre revue de la littérature. Nous conclurons
cette partie avec des préconisations inspirées par nos recherches
et les différents entretiens que nous avons menés ces derniers
mois.
Comme nous l'avons vu dans notre revue de la
littérature, Bauer (2010 & 2015) mais aussi Frimousse et Peretti
(2020 & 2021) parlent de la connexion comme étant un
élément essentiel
82
de l'intégration et un de ses enjeux clé
à l'ère du numérique et du travail à distance. Nos
données empiriques se rapprochent de cette idée que l'humain et
la connexion restent des éléments clés de
l'intégration même lorsque l'on travaille à distance.
Cependant, cette connexion semble évoluer et les collaborateurs
recherchent plus la qualité que la quantité surtout une fois
qu'ils sont intégrés. Maier & al (2021) préconisaient
des jours sur site pour tous afin de favoriser les échanges et la
connexion. Ces préconisations sont en accord avec les données
empiriques que nous avons récoltées.
Ce qui ressort également de nos entretiens, est
l'absence ou la disparition de plus en plus flagrante de l'informel. La crise
de la COVID 19 semble avoir renforcé la formalité des
échanges. Les moments de socialisation doivent être
planifiés, formalisés. Hemphill et Begell (2011) avaient
identifié le manque de communication « non-work orientated »
avec le développement des technologies et du travail virtuel. Chaos
(2012) parlait lui d'un effort individuel pour la socialisation de la nouvelle
recrue et d'un effort plus collectif en ce qui concerne son orientation.
L'effort du collectif est également ce qui est apparu comme étant
une évolution dans le processus d'intégration. Nous avons souvent
eu des témoignages qui nous parlaient de l'importance et de
l'évolution des rôles de nouveaux acteurs clés dans le
processus d'intégration. L'importance du collectif semble être une
évolution majeure aussi bien du côté des collaborateurs que
des professionnels RH. Pour les collaborateurs, l'intégration en groupe,
le sentiment de promo a souvent été mentionné, lors de nos
entretiens, comme étant quelque chose d'important et
d'apprécié. Van Maanen et Schein (1979) parlent de tactiques
collectives. Le développement des programmes de Buddies ou Mentors,
mentionné dans nos entretiens, est en accord avec les
préconisations de Stewart & al (2021) qui encouragent la mise en
place de systèmes de « mentoring » pour favoriser et
accélérer l'intégration des nouvelles recrues.
Le développement de l'importance des soft skills est
une évolution observée aussi bien dans la littérature que
dans nos entretiens. Lors de nos entretiens de nouvelles compétences
comme l'autonomie ou la proactivité ont été
mentionnées comme étant des nouvelles compétences
recherchées avec le développement des nouveaux modes de travail.
Déjà en 1987 Schneider parlait de l'attraction des personnes pour
un certain environnement, certaines positions. Il n'est donc pas
étonnant que le travail à distance et les nouveaux modes de
travail attirent un certain type de profil et de personnalité. Un des
futurs enjeux pourrait donc être le manque de diversité dans les
organisations et l'exclusion des personnes n'ayant pas les softs skills
nécessaires dans un monde du travail de plus en plus axé sur le
virtuel. La responsabilisation de l'individu et sa proactivité dans son
intégration étaient déjà mises en évidence
par Lacaze (2005) et Ashford &
83
Black (1996) parlaient eux de l'importance de la
personnalité de la nouvelle recrue dans le succès de son
intégration.
De nombreux auteurs dans notre revue de la littérature
mentionnent l'importance du manager et l'évolution de son rôle au
fil du temps. Pour Garreau et Perrot (2012) le manager et les autres membres de
l'organisation vont contribuer au processus de « sense giving ». Pour
Gioia et Chittipeddi (1991) ces différents acteurs vont influencer le
processus d'intégration de la nouvelle recrue et le sens qu'elle va
donner aux situations. Ellis & all (2017) parlent de l'importance du
manager dans le succès du processus d'intégration. Cette
importance du manager semble en effet ressortir de nos données
empiriques avec la tendance vers une implication plus importante du manager
dans le processus. L'intégration n'est plus seulement la
responsabilité des RH. La participation du collectif fait que
l'intégration devient de plus en plus la responsabilité de tous
et demande une collaboration entre les équipes. Cette évolution
vers l'implication du collectif pourrait être une des raisons pour
laquelle le processus d'intégration est de plus en plus
formalisé, transparent et structuré. Lorsque la collaboration de
plusieurs équipes est requise, il est d'autant plus nécessaire de
formaliser les processus. Cette implication du collectif pourrait s'expliquer
par l'importance grandissante donnée à l'intégration.
Cette étape de la vie du collaborateur dans l'organisation est prise de
plus en plus au sérieux et demande une implication grandissante de tous.
Cela va à l'encontre de ce que prédisait Reinsch (1999) à
savoir la dégradation de la relation managériale avec le
développement du télétravail. Déjà en 1993,
Korzynski parlait de l'importance et la nécessité de s'adapter
des managers avec l'arrivée en force des nouvelles formes de
communication et de la globalisation. Près de trente ans plus tard, la
crise de la COVID 19 va de nouveau rendre nécessaire la refonte du
rôle du manager comme mis en évidence dans l'enquête
ANDRH/BCG de juin 2020 mentionnée dans notre revue de la
littérature. Le rôle du manager évolue vers un rôle
de leader et facilitateur selon cette enquête. Nos données
empiriques nous ont montré une évolution du rôle du manager
mais plus dans son implication dans le processus d'intégration que vers
un rôle de leader. Nos données sont plus en accord avec Jeske et
Olson (2021) qui notaient que le mouvement massif et soudain vers une
intégration virtuelle allait forcer les entreprises à revoir leur
processus d'intégration et les adapter, et que le rôle du manager
et son importance seraient plus grands pour les nouvelles recrues.
Ce que l'on retient également de nos entretiens, c'est
que l'intégration virtuelle et la digitalisation du processus
d'intégration se développent mais ne sont pas encore
généralisées. Le secteur d'activité d'une
entreprise va fortement influencer le développement de la
84
digitalisation du processus d'intégration. En effet,
comme le démontrent nos données empiriques, les entreprises du
secteur d'activité technologique sont plus ouvertes au
développement des nouveaux modes de travail (avec le 100% remote par
exemple) et à la digitalisation du processus d'intégration.
Depura & Garg (2012) et Grad (2022) parlaient d'une intégration
personnalisée grâce aux nouvelles technologies et aux interactions
virtuelles. Cette personnalisation du processus ressort de nos données
empiriques comme étant un des avantages majeurs de la digitalisation du
processus d'intégration.
La digitalisation du processus d'intégration peut donc
être une première étape vers une nouvelle culture du
travail à distance. Cependant, comme pour le télétravail,
un processus d'intégration hybride pourrait être la clé et
la solution qui répondrait à la fois aux nouvelles attentes des
collaborateurs comme la flexibilité, mais aussi à leur demande de
socialisation et besoin de lien social. Les données théoriques
identifiées dans notre revue de la littérature concernant le
télétravail et le fait que ce mode de travail est là pour
rester, corroborent nos données empiriques. Le télétravail
est devenu la norme et il est donc nécessaire de faire évoluer
les processus en tenant compte de cette nouvelle normalité.
Nos discussions avec les collaborateurs et les professionnels
RH ainsi que nos nombreuses lectures nous ont inspiré un certain nombre
de réflexions et de suggestions de bonnes pratiques.
Nos données empiriques font ressortir des
éléments déclencheurs d'expériences positives et
négatives de l'intégration. Ces données font
également ressortir des tendances d'évolution des processus
d'orientation et de socialisation. En nous basant sur ces
éléments nous pouvons en déduire les préconisations
suivantes.
Parmi les éléments déclencheurs
d'expériences négatives nous avons identifié le sentiment
de désorganisation ou bien encore la dégradation des relations
humaines et le sentiment d'isolement. Les conclusions scientifiques
recensées dans notre revue de la littérature et nos
données empiriques convergent vers l'idée qu'il est important de
ne pas négliger l'humain dans un monde de plus en plus virtuel. Les
relations humaines et la cohésion d'équipe restent des facteurs
importants pour les nouvelles recrues. Ces liens peuvent être plus
difficilement atteignables à distance. Si possible, les
intégrations en groupe sont donc préférables et
permettront d'avoir un sentiment de promo qui facilitera l'intégration
de la nouvelle recrue et cultivera dès son arrivée un sentiment
d'appartenance. L'implication du collectif est également importante.
L'intégration doit être l'affaire de tous et non plus seulement
des RH. Les managers mais aussi les différentes équipes de
l'organisation doivent participer à l'intégration des
85
nouvelles recrues. Nous avons vu que les programmes de
Buddy/Mentoring sont également devenus populaires depuis
l'évolution du travail à distance. Tous ces
éléments (intégration en groupe, implication des
différentes équipes et programmes de Buddy/Mentoring) peuvent
aider à faire en sorte que la nouvelle recrue se sente bienvenue et
qu'elle se sente appartenir.
Le manque d'échanges informels a été
mentionné plusieurs fois lors de nos entretiens comme étant un
facteur négatif de l'évolution des nouveaux modes de travail et
des processus d'intégration. A distance, il est nécessaire de
planifier et donc formaliser les échanges informels. Ce qui semble
être contre-productif et à l'encontre de l'essence même des
échanges informels. Nous préconisons donc du présentiel et
des journées d'intégration sur site. Une intégration
hybride semble être une solution qui pourrait répondre aux besoins
et attentes des nouveaux collaborateurs. La qualité des moments
informels est plus importante que la quantité. Nous préconisons
des moments d'échanges et de présentiel moins nombreux mais plus
qualitatifs et de ce fait plus appréciés de tous.
Le sentiment de désorganisation était l'autre
élément déclencheur d'expériences
d'intégration négatives. Une plus grande formalisation des
processus est donc préconisée. Avoir une personne, voire une
équipe, en charge de l'onboarding dans une organisation est de plus en
plus courant dans les grandes entreprises. Si cela permet de professionnaliser
les processus d'intégration, cette solution est difficilement
atteignable pour un grand nombre d'entreprises qui n'ont pas les ressources
nécessaires. Les plateformes digitales dédiées à
l'intégration peuvent donc être une solution pour aider les
grandes comme les petites entreprises à mettre en place un processus
d'intégration structuré et formalisé pour leurs nouvelles
recrues. L'importance d'avoir des processus clairs et transparents semble
primordiale à l'ère du numérique et du travail à
distance. Le processus d'intégration ne déroge pas à cette
tendance. L'enjeux pour les organisations sera de faire en sorte de garder
leurs nouvelles recrues motivées et impliquées même
à distance. Le pré-onboarding administratif est un bon moyen de
garder contact avec la nouvelle recrue avant son arrivée et de commencer
à cultiver le sentiment d'appartenance. Ce pré-onboarding permet
également de régler les questions administratives avant son
arrivée afin que la nouvelle recrue puisse se concentrer sur des
tâches à plus fortes valeurs ajoutées dès son
arrivée.
Constamment évaluer les processus d'intégrations
semble aussi être une préconisation importante. Les attentes des
collaborateurs et des organisations évoluent rapidement et il est
nécessaire de prendre régulièrement le pouls non seulement
des nouvelles recrues mais aussi des différents acteurs clés de
l'intégration au sein des organisations (équipes RH, Managers,
86
Buddies etc.). L'évolution des nouveaux modes de
travail s'est faite de façon soudaine et a été subie lors
de la crise de la COVID 19. Maintenant que nous avons un peu plus de recul,
nous avons l'opportunité de reprendre en main les processus et de les
adapter aux nouveaux besoins et nouvelles attentes de tous. Des
évaluations régulières et systématiques des
processus d'intégration permettent de faire en sorte que ces derniers
évoluent en même temps et en adéquation avec les tendances.
Nous préconisons des évaluations à différentes
étapes du processus d'intégration et sur plusieurs mois à
la fois pour les onboardés et les onboardeurs.
Enfin, la digitalisation des processus permet de
récolter de nombreuses datas. Mettre l'accent sur la qualité des
datas récoltées nous semble primordial et permettrait de pouvoir
les exploiter afin d'améliorer l'expérience des collaborateurs ou
encore la marque employeur des organisations. L'opportunité d'utiliser
les datas récoltées grâce à la digitalisation du
processus d'intégration ne semble pas encore exploitée par les
organisations et nous semble être une piste intéressante à
explorer.
3.3. Limites et futures pistes de
recherches
Dans notre mémoire les limites se trouvent plus dans la
méthodologie et notre étude empirique que dans nos
références bibliographiques. Nous n'avons bien entendu pas lu
tous les articles scientifiques en lien avec notre thématique, mais avec
plus de 80 articles scientifiques référencés datant des
années 70 à nos jours, nous pouvons dire que notre recherche de
la littérature et nos données théoriques apportent un
support solide à notre recherche.
Les limites viennent donc plus de notre étude empirique
et de notre recherche qualitative. Dans un premier temps, la taille de notre
échantillon, bien que correcte pour une recherche de mémoire de
Master 2, ne nous permet pas d'apporter des éléments de
réponses définitifs mais plus des observations de tendances et
des suggestions. Nous observons des phénomènes et en
déduisons des résultats. Afin d'analyser nos données
empiriques nous avons dû les transformer en codes. Cette transformation
et catégorisation des données récoltées
nécessite un travail subjectif et qui peut être influencé
par nos données théoriques ou bien encore nos expériences
personnelles. Cette subjectivité de l'analyse de nos données
empiriques et la taille de notre échantillonnage sont deux limites
presque inévitables, mais aussi caractéristiques d'une recherche
qualitative.
87
Une autre limite identifiée est le biais possible de
notre échantillon. En effet, toutes les personnes interviewées
ont été recrutées en ligne et via des réseaux
sociaux professionnels. Les personnes qui se trouvent sur ces réseaux
font en général déjà preuve d'une certaine
appétence pour le digital et de certaines compétences
technologiques. De plus, un nombre élevé de nos
interviewés travaillent dans un secteur dit « technologique »
et pour certains dans des postes 100% en télétravail. Ce manque
de diversité peut également avoir affecté les
réponses surtout en ce qui concerne les questions en lien avec la
digitalisation et le rapport au travail à distance. Compte tenu de la
taille de l'échantillon et de la façon dont les personnes ont
été recrutées, le risque de biais est à prendre en
compte et pourrait être élevé.
Un échantillon limité, une analyse des
résultats subjective et la possibilité d'un échantillon
biaisé sont donc les limites principales identifiées dans notre
recherche et étude empirique.
Pour les futures recherches, nous pensons qu'il serait
intéressant de continuer l'étude des effets du
développement des nouveaux modes de travail sur l'intégration car
nous sortons tout juste de la crise sanitaire et l'essor des nouveaux modes de
travail est encore assez récent. Il serait intéressant
d'étudier l'évolution des processus d'intégration ces
prochaines années et voir comment les RH vont faire face aux nouveaux
enjeux et comment les collaborateurs vont s'adapter. Les thèmes de la
connexion et de la socialisation sont des thèmes récurrents
lorsque l'on parle des nouveaux modes de travail en général et de
l'intégration en particulier. Il serait donc intéressant de
continuer la recherche en se focalisant sur ces thèmes.
Nous pensons qu'il serait également intéressant
de comparer la montée en compétences des personnes
intégrées à distance et de celles intégrées
en présentiel afin d'analyser l'effet de l'intégration à
distance sur l'évolution de carrière.
Talya Bauer a également récemment fait
évoluer sa théorie des « 4C » et parle désormais
de « 6C ». En effet, elle ajoute désormais le C de Confidence
(confiance) et le C de Checkback (évaluation) dans la liste des
éléments essentiels pour une intégration réussie.
Cette évolution dans sa théorie semble intéressante et
pourrait constituer une nouvelle piste de recherche axée sur ces deux
nouveaux « C ».
88
CONCLUSION
Pour conclure, nous allons revenir sur notre question de
départ à savoir « En quoi les nouveaux modes de travail ont
transformé le processus d'intégration des nouvelles recrues ?
» et résumer les observations les plus pertinentes issues de notre
recherche.
Notre recherche nous a permis de valider l'hypothèse 1
mettant en avant la nécessité de formaliser et structurer les
processus d'intégration afin de répondre aux enjeux des nouveaux
modes de travail. Nous avons vu à travers la littérature et nos
entretiens que la recherche de connexion et de cohésion d'équipe
font partie des enjeux et défis des nouveaux modes de travail. La
formalisation et la structuration des processus permettent de faire en sorte
que rien ne soit oublié, que les nouvelles recrues se sentent moins
isolées lorsqu'elles travaillent et sont intégrées
à distance, et qu'elles se sentent plus appartenir à
l'entreprise. Une plus grande formalisation permet également de ne pas
négliger la socialisation en instaurant des moments dédiés
à cet aspect de l'intégration. D'autres aspects identifiés
comme le recours au pré-onboarding ou encore l'utilisation de
plateformes d'intégration dédiées font aussi partie de
cette tendance vers une plus grande formalisation et professionnalisation du
processus d'intégration au sein des entreprises. Les années
d'incertitudes que nous avons connues à cause de la crise sanitaire ont,
sans aucun doute, renforcé ce besoin de structure. Cependant, nous
pensons que c'est le développement du travail à distance qui a
rendu cette formalisation inévitable et nécessaire.
Notre recherche nous a amené à modifier notre
hypothèse 2 en y incluant d'autres acteurs clés de
l'intégration. En effet, à travers nos entretiens il est apparu
clair que le rôle du manager n'était pas le seul à
s'être renforcé. On attache une importance grandissante à
l'intégration des nouvelles recrues et de ce fait, le processus
d'intégration devient un travail d'équipe en coordination avec
les RH. Nous avons identifié le développement des Buddies mais
aussi l'implication de différentes équipes comme la
Communication. Cette implication plus large au sein des organisations est sans
doute liée à l'évolution de notre rapport au travail et
des attentes grandissantes des collaborateurs. Les organisations prennent
conscience de l'importance d'une intégration réussie afin de
retenir leurs collaborateurs et améliorer leur marque employeur. Cela
rejoint la tendance de professionnalisation et de structuration du processus
d'intégration identifiée dans nos données empiriques. En
effet, une intégration planifiée, structurée et impliquant
différents acteurs clés de l'organisation aura plus de chance
d'être un succès et de répondre aux attentes des nouveaux
collaborateurs et aux enjeux des nouveaux modes de travail.
89
Enfin, l'hypothèse 3, selon laquelle la digitalisation
du processus d'intégration est un élément fondamental de
la nouvelle culture du travail à distance, a également
été validée. Le travail à distance a
révolutionné notre rapport au travail. Cette flexibilité
est devenue la norme et les processus RH doivent s'adapter à cette
nouvelle normalité. Ce qui ressort de notre recherche est que les
collaborateurs veulent la possibilité de pouvoir travailler à
distance, soit en 100% remote ou de manière hybride. Leur
intégration doit pouvoir refléter cette flexibilité et
cette nouvelle forme d'organisation du travail. Ce qui ressort également
de notre recherche est que la digitalisation du processus et l'utilisation de
plateformes d'onboarding permettent une plus grande personnalisation du
processus d'intégration. Cette personnalisation permet de
répondre au plus près des attentes des nouvelles recrues.
Cependant, certaines inquiétudes sont ressorties de notre recherche
comme la crainte de n'attirer qu'un certain type de profil et d'impacter la
diversité des recrues, ou bien encore la crainte de la
dégradation de la socialisation et de la cohésion d'équipe
due à une trop forte digitalisation des processus.
Nous voyons donc que les nouveaux modes de travail sont en
train de bouleverser le monde professionnel et par conséquent les
différents processus RH comme l'intégration. Nous n'en sommes
encore qu'aux prémices de cette révolution et les
conséquences à long terme de la digitalisation grandissante du
monde du travail sont encore inconnues. Cependant, lors de notre recherche une
contradiction nous a interpellée. En effet, nous avons observé
l'importance donnée à la connexion, à la socialisation et
à l'implication du collectif. Mais nous avons aussi observé la
recherche de profils plus autonomes, l'attente de plus de flexibilité et
de travail à distance. On a envie de pouvoir travailler à
distance mais on a aussi envie de plus de connexion. Les collaborateurs sont en
recherche de sens, de relations de qualités, de proximité des
équipes et cela semble être en contradiction avec la tendance
observée vers la digitalisation du travail et des processus. Nous
pensons que cette contradiction pourrait faire l'objet de futures recherches
très intéressantes.
Nous finirons ce mémoire par une citation de Jean
d'Ormesson que cette contradiction nous a inspiré « Là
où existe encore quelque chose, là règnent
déjà le changement et la contradiction.»
90
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ZUNG, R. (2020). The Longtail of the Pandemic on Onboarding and
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96
ANNEXES
Annexe 1 - Synthèses de la revue de la
littérature
Partie 1 - INTEGRATION
|
Principales idées
|
L'intégration un nouvel
stratégique
|
enjeu
|
- La culture et la connexion sont les étapes les plus
importantes et sur
lesquelles les entreprises devront le plus s'adapter et
innover.
- Importance de l'environnement et des personnes que l'on
recrute surtout en temps de crise.
- Importance de la structure, formalisation en temps de crise
pour réduire l'incertitude.
- Importance de trouver des moyens innovants pour connecter les
nouveaux et les collègues.
- Importance de s'adapter et revoir régulièrement
les processus (feedback).
|
Intégration et socialisation
|
|
- Les équipes virtuelles préfèrent les
interactions visuelles.
- Ne pas négliger l'informel et les « one-to-one
».
- Le virtuel ne permet pas l'observation, et l'apprentissage de
la culture de
l'organisation et des processus de travail se fait plus
difficilement à distance.
- Les intégrations collectives seront
influencées par le groupe et les différents acteurs.
- L'organisation est responsable de l'intégration sociale
des nouvelles
recrues en mettant en place des pratiques de
socialisation organisationnelles bien précises.
- Importance de la proactivité et de l'auto management
de l'individu dans son intégration. La recherche de l'information va
diminuer l'incertitude et sera une source de motivation, ainsi qu'un
accélérateur d'intégration.
- La personnalité de l'individu joue un rôle
important dans le succès du processus d'intégration.
|
La psychologie de l'intégration
|
|
- La nouvelle recrue donnera du sens aux situations
rencontrées lors de son
intégration. Le sens donné à ses
situations sera influencé par ses expériences pro et perso.
- Le manager est un acteur important de l'intégration.
Son rôle a changé depuis la crise sanitaire. Il doit apprendre
à motiver, évaluer et impliquer ses équipes avec les
nouveaux modes de travail.
- La façon dont on délivre l'information a
changé (synchrone, asynchrone, en ligne, en personne).
- Les buddies et mentors augmentent les chances de
réussite d'intégration et de
rétention/fidélisation.
- La crise sanitaire a modifié les attentes des
nouvelles recrues (flexibilité, adaptabilité,
personnalisation).
- Une intégration ratée coûte cher à
l'entreprise.
- L'évaluation du système d'intégration et
les feedbacks sont importants et
renforcent le sentiment d'appartenance des nouvelles recrues.
Importance du contrat psychologique.
|
97
Partie 2 -LES NOUVEAUX MODES
DE TRAVAIL
|
Principale idées
|
Evolution du télétravail des années
70 à maintenant/Evolution des modes de travail
|
- Essor du TT dans les années 90 avec NTIC, mondialisation
et changement de mentalité plus portée vers QVT et
équilibre vie pro/vie perso.
- NTIC facteur clé du TT et de son évolution. Va
amener le travail au travailleur et non l'inverse.
- Le TT peut être de faible ou haute intensité avec
une moyenne de 2.5 jours par semaine considérée comme faible
intensité.
- L'ordonnance Macron de 2017 a voulu rendre le TT plus
accessible et lui a donné un cadre juridique.
- Les freins à l'adoption du TT sont la culture,
l'appropriation des outils numériques, l'autonomie et la
peur/méconnaissance, manque de dialogue social.
|
Le télétravail un nouvel enjeu
RH
|
- La balance vie privée/vie pro fait débat dans la
littérature. Certains y voit une amélioration, d'autres une
dégradation
de cette balance.
- La socialisation est vue en majorité comme étant
impactée par le TT.
- L'impact du TT sur l'entourage des
télétravailleurs est difficile à évaluer.
- Confrontation des sphères industrielles et de
ménage, effacement des frontières.
- Trop d'autonomie peut avoir des conséquences
négatives.
- Le télétravail peut provoquer une
dégradation de la relation managériale.
- Le manager doit s'adapter et trouver une nouvelle forme de
contrôle - le management par objectifs se développe.
- Les managers doivent apprendre à manager
différemment et faire plus confiance.
- Dans les équipes autonomes il faut être au courant
des activités de chacun afin d'éviter les problèmes de
coordination, communication et perte de
procédés.
- Les trois principaux freins au TT pour la hiérarchie
sont la confiance, la sécurité et l'intimité.
- Les non télétravailleurs rapportent des
problèmes de communication et considèrent le TT comme
étant un frein au
travail d'équipe et relations interprofessionnelles.
|
L'adoption du télétravail depuis la crise
sanitaire
|
- La crise sanitaire a laissé de nombreux travailleurs mal
préparés et mal équipés.
- Le manque de contacts formels et informels, le manque de
retours et des conditions de travail non adaptées
ressortent comme les principaux obstacles rencontrés lors
des confinements.
- Un des facteurs pour le succès du TT est la
frontière claire entre vie privée et vie pro.
- La durée max de 2 jours par semaine est
préconisée pour limiter l'empiètement sur la sphère
familiale.
- Les managers doivent trouver de nouveaux moyens pour faire des
retours, motiver et communiquer. Plus un rôle
de leader/facilitateur désormais.
- Les façons de travailler évoluent et les
managers doivent s'adapter pour répondre aux nouvelles demandes
et attentes.
- Trois principales catégories de changements :
technologique, organisationnelle et générationnelle.
- Les entreprises qui performent le mieux avec les nouveaux modes
de travail sont celles qui arrivent à motiver et
développer un sentiment d'appartenance, une culture
d'entreprise.
- L'aspect social est important pour la motivation même
à distance, donc ne pas oublier d'organiser des activités
en ligne.
- Post COVID un des challenges des managers est de
gérer les relations humaines et la communication
entre collaborateurs.
- Une plus grande transparence, des règles claires et
précises ainsi que des jours obligatoires sur site pour tous
sont préconisés pour favoriser le social et les relations
interpersonnelles.
- Refonte du rôle du manager nécessaire.
- Les collaborateurs souhaitent en majorité maintenir un
télétravail plutôt élevé et régulier
(entre 1 et 3 jours par
semaine).
- Le TT semble être là pour rester et le travail
hybride semble être le futur du travail.
- Une approche hybride est le mieux pour une socialisation
organisationnelle optimale (mélange activités en personne
et en ligne).
- Les avantages du travail hybride sont moins de stress et
moins d'excuses pour des résultats médiocres car le
travail hybride est centré autour des besoins du collaborateur. Il
permet aussi d'être plus productif et est source de motivation.
- Les inconvénients du travail hybride sont la
nécessité de développer la confiance entre collaborateurs
et entre managers et collaborateurs. La communication et la culture
d'entreprise sont également plus importantes et de nouveaux soft skills
comme la gestion du temps etc. apparaissent comme des compétences
clés et nécessaires désormais.
|
98
Partie 3 - LA DIGITALISATION
|
Principale idées
|
Vers la digitalisation du processus
d'intégration
|
- Le mouvement massif vers une intégration virtuelle a
poussé
les entreprises à revoir leurs processus.
|
|
- Le rôle du manager a changé et s'est
renforcé.
|
|
- Les plateformes d'intégration permettent la
personnalisation
du processus et l'amélioration de la marque employeur.
|
|
- La gamification permet d'augmenter la motivation et
l'implication de façon ludique.
|
|
- La digitalisation de l'intégration permet une
intégration plus
rapide à moindre coûts.
|
Annexe 2 - Table des matières des enquêtes
et rapports
99
Annexe 3 - Table des matières des tableaux et
figures
Numéro de tableau
|
Titre
|
Pages
|
1
|
Niveau stratégique de l'intégration (Onboarding New
Employees: Maximizing Success) (Bauer 2010)
|
|
4
|
|
2
|
Les actions à prendre pour connecter les collaborateurs
lors d'une intégration en temps de crise (Scott et al, 2021)
|
8
|
&
|
9
|
3
|
Les 6 tactiques de socialisation organisationnelles (Van Maanen
et Schein, 1979)
|
|
11
|
|
4
|
Le modèle des 6 tactiques de socialisation
organisationnelle de Van Maanen & Schein (1979) révisé par
Jones (1986).
|
|
13
|
|
5
|
Donner du sens en période d'intégration (Louis,
1980)
|
|
17
|
|
6
|
Croissance internationale de la technologie de l'information :
1990- 2007 (Crenshaw & Robison, 2010)
|
|
21
|
|
7
|
Nombre de télétravailleurs réguliers et
occasionnels en pourcentage de la main d'oeuvre en 1999 - ECaTT (Electronics
Commerce and Telework Trends (2000).
|
|
27
|
|
8
|
% de salariés effectuant plus de 8 heures par mois de
télétravail parmi la population salariée totale - Rapport
sur le télétravail du Centre d'analyse Stratégique (
stratégie.gouv.fr)
|
|
27
|
|
9
|
Part des salariés pratiquant régulièrement
le télétravail en 2017 selon la catégorie
socioprofessionnelle (Source : Dares-DGT-DGAFP, enquête Sumer 2017)
|
|
28
|
|
10
|
Cadre théorique des conséquences du travail
à distance (Gajendran & Harrison, 2007)
|
|
33
|
|
11
|
Perspective théorique de la comparaison sociale et de
ses conséquences (Festinger, 1954)
|
|
36
|
|
12
|
Pour quelles raisons souhaitez-vous recourir au
télétravail de manière régulière ou
occasionnelle à l'avenir ? - ANACT - « Télétravail de
crise en 2021 : Quelles évolutions ? Quels impacts ? »
|
|
40
|
|
13
|
Onboardeurs interviewés entre novembre et décembre
2022
|
|
52
|
|
14
|
Onboardés interviewés entre novembre et
décembre 2022
|
|
52
|
|
15
|
Recherche de liens entre les données théoriques et
les données empiriques. Model de codage descendant et ascendant.
|
|
56
|
|
16
|
Modèle simplifié du code à la théorie
pour la recherche qualitative (Saldaña, 2013)
|
|
57
|
|
17
|
Raisonnement inductif
|
|
58
|
|
18
|
Structure des données de la méthodologie de
Gioia
|
|
59
|
|
19
|
Codes de premier et second ordres identifiés dans les
entretiens des collaborateurs (onboardés)
|
|
77
|
|
20
|
Codes de premier et second ordres identifiés dans les
entretiens des professionnels RH (onboardeurs)
|
|
79
|
|
100
Annexe 4 - Guides des entretiens (Collaborateurs et
Professionnels RH)
Guide d'entretien - Collaborateurs
(onboardés)
Thème : Les nouveaux modes de travail et
l'intégration
Problématique : En quoi les nouveaux
modes de travail ont transformé le processus d'intégration des
nouvelles recrues ?
Se présenter et présenter l'étude et
pourquoi la personne est sollicitée (échanges anonymisés
pour les traiter).
Sujets
|
|
Exemples de questions
|
Problématique
|
·
|
Selon votre expérience, en quoi les nouveaux modes de
travail ont transformé le processus d'intégration des nouvelles
recrues ?
|
|
·
|
Avez-vous été intégré à
distance ou en partie à distance ?
|
Les enjeux de
|
·
|
Avez-vous eu un pré-onboarding ?
|
l'intégration et des
|
·
|
Comment s'est passé la communication avant, pendant et
après votre
|
nouveaux modes de
|
|
intégration ?
|
travail
|
·
|
Comment s'est passé votre récente
intégration ?
|
|
·
|
Quels étaient les points positifs et négatifs de
cette intégration ?
|
|
·
|
Quels étaient les acteurs clés de votre
intégration ?
|
Evolution des
processus d'intégration
|
·
|
Comment était votre intégration comparée
à d'autres intégrations déjà vécues ?
|
|
·
|
Quels sont selon vous les points négatifs et les points
positifs d'une intégration digitalisée ou en partie
digitalisée ?
|
La digitalisation du
|
·
|
Connaissez-vous des plateformes d'intégration/onboarding
?
|
processus d'intégration
|
·
|
Avez-vous été intégré à l'aide
d'une plateforme d'onboarding ?
|
|
·
|
Que pensez-vous de ces plateformes ?
|
Conclusion
|
·
|
Quel est l'élément clé d'une
intégration réussie ?
|
101
Guide d'entretien - Pro RH (onboardeurs)
Thème : Les nouveaux modes de travail et
l'intégration
Problématique : En quoi les nouveaux
modes de travail ont transformé le processus d'intégration des
nouvelles recrues ?
Se présenter et présenter l'étude et
pourquoi la personne est sollicitée (échanges anonymisés
pour les traiter).
Sujets
|
|
Exemples de questions
|
Problématique
|
·
|
Selon votre expérience, en quoi les nouveaux modes de
travail ont transformé le processus d'intégration des nouvelles
recrues ?
|
|
·
|
Pratiquez-vous l'intégration à distance ou en
partie à distance ?
|
Les enjeux de
|
·
|
Faites-vous un pré-onboarding ?
|
l'intégration et des
|
·
|
Comment se passe la communication avant, pendant et après
l'intégration ?
|
nouveaux modes de travail
|
·
|
Quels sont les nouveaux enjeux de l'intégration ?
|
|
·
|
Quels sont les acteurs clés de votre processus
d'intégration ?
|
Evolution des
processus d'intégration
|
·
|
Quels ont été les changements opérés
depuis la crise sanitaire ?
|
|
·
|
Est-ce que votre processus d'intégration est
digitalisé ou en partie digitalisé ?
|
|
·
|
Quels sont selon vous les points négatifs et les points
positifs d'un processus
|
La digitalisation du
|
|
d'intégration digitalisé ou en partie
digitalisé ?
|
processus d'intégration
|
·
|
Connaissez-vous des plateformes d'intégration/onboarding
?
|
|
·
|
Utilisez-vous une plateforme d'onboarding ?
|
|
·
|
Que pensez-vous de ces plateformes ?
|
Conclusion
|
·
|
Quel est l'élément clé d'une
intégration réussie ?
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