2- Le droit au logement
Avoir droit à être logé semble une
affirmation très simple et concrète, mais dans les faits,
dès que l'on tente de donner forme et réalité à ce
droit, on affronte de nombreux débats théoriques et obstacles
pratiques. La définition du droit au logement n'est pas aisée car
ce droit ne se limite pas seulement au droit à un toit et quatre
murs.
Selon Jean-François TRIBILLON, il s'agit du «
droit d'accéder à un logement décent, convenablement
situé, suffisamment desservi par des équipements publics et
privés »13. L'on
12 Code wallon du Logement, Chapitre 1er
-Définition, Art.1er, §3.
13 Le droit à la ville et le droit au logement,
Tribillon 2003, p. 11.
7
retient de cette définition que le droit au logement
implique un certain niveau de qualité de l'habitat, mais aussi une
insertion dans l'espace urbain. Pour le Comité des droit
économiques, sociaux et culturels, l'organe principal de l'ONU
chargé de surveiller la réalisation du droit au logement, il faut
entendre par droit au logement le droit à un lieu où l'on puisse
vivre en sécurité, dans la paix et la
dignité14. Le droit au logement ne se réduit donc pas
à la simple possibilité d'avoir un toit pour s'abriter, mais il
prend aussi en compte un certain nombre d'aspects, notamment la
sécurité, la paix et la dignité humaine.
Si l'on réitère la définition
donnée par M. MILOON KOTHARI, rapporteur spécial des Nations
Unies, qui affirme que le droit au logement est « le droit de tout
homme, femme, jeune et enfant d'obtenir et de conserver un logement sûr
dans une communauté où il puisse vivre en paix et dans la
dignité »15, on s'aperçoit que celui-ci fait
valoir deux aspects importants du droit au logement. Le premier aspect concerne
le droit que toute personne a d'avoir accès à un logement
décent et le second est le droit que l'on a de conserver ce logement et
de s'y maintenir sans risque d'être expulsée. Ces deux aspects
constituent des critères importants pour la définition du concept
« droit au logement ». À l'échelle international, la
reconnaissance du droit au logement est mentionnée pour la
première fois dans la Déclaration universelle des droits de
l'homme du 10 décembre 1948, qui dispose en son article 25 alinéa
1 que « Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant
pour assurer son bien-être et celui de sa famille, notamment par le
logement »16. Ici l'accent est mis sur la question du
bien-être et la protection de la famille. En sus de cette reconnaissance
au niveau international qui s'est poursuivie au travers de la conclusion du
Pacte international des droits économiques, sociaux et culturels qui
reconnait également le droit au logement17, ce droit a
également été proclamé au niveau national dans de
nombreux pays.
Au Tchad, la législation ne donne aucune
définition expresse et précise du droit au logement. L'article 15
de la Charte de transition, aussi ambigu soit-il, dispose que : « Tout
Tchadien a le droit de fixer librement son domicile ou sa résidence en
un lieu quelconque du territoire national et d'y exercer toute activité
légale conformément aux dispositions de la loi
»18.
14 Cf. Observation générale N°4,
sur le droit au logement suffisant (Art. 11, par. 1), § 7, adopté
le 13 décembre 1991, p. 6.
15 Cf. Rapport du Rapporteur spécial de
l'ONU sur le droit au logement présenté à la
57ème session de la Commission des Droits de l'Homme,
E/CN.4/2001/51. §8, daté du 25 janvier 2001.
16 Déclaration universelle des droits de
l'homme de 1948, art.25, al. 1.
17 Pacte international relatif aux droits
économiques, sociaux et culturels de 1966,
18 Art. 15 de la Charte de transition tchadienne du 20
avril 2021.
8
3- L'expropriation pour cause d'utilité
publique
L'expropriation pour cause d'utilité publique est
régie au Tchad par la loi n° 67-25 du 22 juillet 1967 fixant la
limitation des droits fonciers. Aux termes de l'article 2 de cette loi,
l'expropriation pour cause d'utilité publique est entendue la
procédure par laquelle la puissance publique oblige une personne morale
ou physique, à lui transférer la propriété d'un
immeuble ou d'un droit réel, dans un but d'utilité publique et
moyennant indemnité19. Il s'agit d'une procédure
administrative qui consiste pour la puissance publique, de s'approprier un bien
immobilier appartenant à un particulier, dans le but de réaliser
un objectif d'intérêt commun.
Selon le Code français de l'expropriation pour cause
d'utilité publique,
l'expropriation, en tout ou partie, d'immeubles ou de droits
réels immobiliers ne peut être prononcée qu'à la
condition qu'elle réponde à une utilité publique
préalablement et formellement constatée à la suite d'une
enquête et qu'il ait été procédé,
contradictoirement, à la détermination des parcelles à
exproprier ainsi qu'à la recherche des propriétaires, des
titulaires de droits réels et des autres personnes20. Ce Code
donne un nombre important de précisions en matière
d'expropriation. Tout d'abord, cette dernière peut porter sur tout ou
une partie de l'immeuble ou des droits réels immobiliers. Ensuite,
l'utilité publique doit être constatée au préalable,
et surtout de façon formelle. Enfin, la détermination des
parcelles à exproprier doit de se faire contradictoirement. Notons que
l'expropriation pour cause d'utilité publique peut toucher soit des
terrains agricoles, soit des maisons d'habitation.
La notion expropriation doit être distingué de
ses notions voisines, notamment du déguerpissement afin d'éviter
toute confusion possible. L'expropriation et le déguerpissement sont
deux moyens par lesquels l'Etat oblige un particulier à lui céder
un fond immobilier. Ces deux modes de cession forcée ont toujours
semé des confusions dans le langage courant au point de les assimiler
à la même chose et employer l'un à la place de l'autre sans
distinction. Ces notions sont-elles synonymes21 ?
L'article 2 de la loi n° 25 du 22 juillet 1967 sur la
limitation des droits fonciers défini l'expropriation comme la
procédure par laquelle la puissance publique oblige une personne morale
ou physique, à lui transférer la propriété d'un
immeuble ou d'un droit réel immobilier,
19 Art. 2 de la loi du 22 juillet 1967 fixant
limitations des droits fonciers au Tchad.
20 Code de l'expropriation pour cause d'utilité
publique français, p. 5.
21 KAMTO Maurice, s'interroge dans
« Introduction au droit de l'urbanisme au Cameroun », RDP, n°6,
1989, p.1027.
9
dans un but d'utilité publique et moyennant
indemnité préalable. Le déguerpissement en revanche est
défini selon l'article 16 de la même loi comme l'opération
par laquelle il est fait obligation, pour des motifs d'utilité publique,
à des occupants présumés de bonne foi, encore que non
couverts par une coutume reconnue, d'une terre appartenant à la
puissance publique, de l'évacuer même s'ils y ont cultivé
ou construit.
B- Objectif de l'étude
Notre étude a pour objectif d'identifier les
mécanismes de protection établis par le législateur
tchadien, en vue de la préservation du droit au logement des personnes
expropriées pour cause d'utilité publique, d'apprécier
l'effectivité et l'efficacité de ces mécanismes dans la
pratique, notamment dans le cas de la population de Nguéli
expropriée en 2013. Cette étude a également pour objectif
de démontrer si le droit au logement de la population de Nguéli a
été protégé ou non, au moment de l'expropriation de
celle-ci.
C- L'intérêt du sujet
La pertinence de tout sujet de recherche scientifique se
rapporte également à l'intérêt que dégage
celui-ci. Notre présent sujet révèle dès lors un
intérêt pluridimensionnel qui se veut à la fois
théorique, pratique et juridique.
Sur le plan théorique, ce sujet nous a permis
d'aborder et de mieux comprendre l'évolution de la notion du droit au
logement et ses différents contours définitionnels. Sur le plan
pratique, notre sujet nous a permis d'étudier de plus près la
mise en oeuvre concrète des mesures de protection du droit au logement
des victimes de Nguéli et de constater les nombreux cas de violation des
droits de ces dernières. Sur le plan juridique, ce sujet a
orienté nos recherches sur la piste des instruments juridiques
nationaux, régionaux et universels qui garantissent le droit au logement
et qui régissent les cas d'expulsions forcées, notamment
l'expropriation pour cause d'utilité publique.
D- Présentation de la structure du
stage
La structure que nous avons choisie pour le déroulement
de notre stage est le Ministère des Affaires Foncières, du
Développement de l'Habitat et de l'Urbanisme (MAFDHU). Nous avons
effectué notre stage à la Direction Générale de
l'Urbanisme et de l'Habitat pendant la période du 05 avril 2022 au 05
mai 2022.
10
Durant les vingt premiers jours (du 05 au 24 avril 2022), nous
étions accueilli au Service de la Planification Urbaine. Au sein de ce
service, nous avons participé à la préparation des actes
administratifs du MAFDHU relatifs à l'attribution ou à la cession
de gré à gré et de transfert des droits fonciers. Nous
avons également participé à l'élaboration et au
suivi de la mise en oeuvre des documents d'urbanisme, de la stratégie
nationale des logements et d'assainissement pluvial. Du 25 avril 2022 au 05 mai
2022, notre stage s'est poursuivi à la Direction de l'Habitat et de
l'Architecture qui est une Sous-direction de la Direction
Générale de l'Urbanisme et de l'Habitat. Dans cette Direction,
notre tâche à consister à réceptionner les dossiers,
à les enregistrer et à les archiver.
|