SECTION I : L'ATTRIBUTION D'UN LOCAL DE REMPLACEMENT
AUX
VICTIMES
L'article premier de la loi n° 25 du 22 juillet 1967 sur
la limitation des droits fonciers au Tchad dispose que : « Nul ne peut
être privé de la propriété des immeubles ou de
l'usage du sol, sans que l'intérêt public l'exige, qu'il y ait
indemnisation et que les dispositions légales soient appliquées
»28. Notons cependant que la discussion
concernant la fixation amiable des indemnités ne revêt aucune
forme réglementaire tel que prévu à l'article 7 du
décret n° 187/PR/67 du 01 août 1967 sur la limitation des
droits fonciers plus haut cité. L'Etat peut donc proposer des
équivalences aux victimes. Mais ce décret ne donne aucune
précision quant à la notion d'équivalence. En droit
Camerounais, la loi n° 85-09 du 04 juillet
27 Art. 3 de la loi n° 43/2013 du 16 juin 2013
portant régime foncier au Rwanda.
28 Art. 1 de la loi n° 25 supra.
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1985 relative à l'expropriation pour cause
d'utilité publique et aux modalités d'indemnisation dispose en
son article 3 alinéa 1 que : « L'expropriation pour cause
d'utilité publique ouvre droit à l'indemnisation
pécuniaire ou en nature selon les conditions définies par la
loi»29. L'alinéa 1 de l'article 8 de cette même
loi dispose que : « L'indemnité est pécuniaire ; toutefois,
en ce qui concerne les terrains, la personne morale bénéficiaire
de l'expropriation peut substituer compensation de même nature et de
même valeur à l'indemnité pécuniaire
»30. Cette disposition précise clairement que l'Etat
peut, en lieu et place de l'indemnité pécuniaire, offrir des
terrains de même valeur en compensation aux victimes. Il s'agit en
d'autres termes, du recasement des expropriés. A défaut de
relogement à proprement parler, le recasement apparait comme une
nécessité absolue. Toute personne, en vertu de son droit au
logement garanti tant sur le plan national qu'international, doit
immédiatement et sans délais acquérir un nouveau local
pour s'abriter, lorsque l'Etat s'approprie l'immeuble initial de celle-ci pour
des besoins d'intérêt général. Le recasement
consiste donc en l'attribution d'un nouveau local de remplacement aux victimes
d'expropriation. Il obéit à un certain nombre de conditions
(Paragraphe I). Celui de la population de Nguéli a été
effectif (Paragraphe II) en dépit de quelques insuffisances
relevées.
Paragraphe I : Les conditions relatives au recasement
des personnes expropriées
Lorsque la puissance publique envisage de recaser les
personnes qu'elle a exproprié pour cause d'utilité publique,
cette opération doit satisfaire à un certain nombre de conditions
préalables. Ces conditions se rapportent à l'acceptation du
nouveau local par les victimes (A) et au délai d'attribution (B).
A- L'acceptation du local de remplacement par les
victimes
Le législateur tchadien accorde à
l'expropriant, la possibilité d'indemniser les victimes soit
pécuniairement, soit en leur fournissant une équivalence,
c'est-à-dire des terrains pour leur recasement31. Lorsque
l'Etat choisit de recaser les expropriés, il propose à ces
derniers le nouveau site qu'il souhaite leur attribuer. Ce local de
remplacement doit clairement être identifié et toutes les
informations y relatives doivent être communiquées aux
29 Art. 3 Al. 1 de la loi N° 85-09 du 04
juillet 1985 relative à l'expropriation pour cause d'utilité
publique et les modalités d'indemnisation/Cameroun.
30 Art. 8 Al. 1 id.
31Art.7 du décret n°187/PR/67 du 01
Août 1967 : « La discussion concernant la fixation amiable des
indemnités ne revêt aucune forme règlementaire. Des
équivalences peuvent, à ce stade, être offertes.
»
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bénéficiaires. Les victimes peuvent donc
à l'amiable, décider d'accepter le local proposé par
l'Etat pour leur recasement.
L'article 11 du décret n° 187/PR/67 sur la
limitation des droits fonciers dispose que : « l'administration ne
peut prendre possession qu'après paiement des indemnités ou
fourniture d'équivalence acceptée à l'amiable par les
ayants-droit »32. Les expropriés doivent consentir
à occuper le nouveau local de remplacement avant que l'Etat ne prenne
possession de leur ancien site. Notons que les victimes peuvent pour certaines
raisons, refuser le site que leur propose l'Etat.
Les textes législatifs tchadiens ne donnent aucune
précision quant à l'hypothèse où une partie
seulement des victimes accepterait le local proposé par l'expropriant,
et une autre le refuserait. C'est d'ailleurs la situation qui a prévalu
dans le cas du recasement de la population de Nguéli, où une
partie de la population a accepté le site proposé par l'Etat
tchadien et a procédé à l'identification des parcelles
individuelles. Une autre partie de la population a refusé d'être
recasée. Les raisons qui ont motivé ce refus tiennent d'une part,
au fait que ces victimes estiment n'avoir aucune garantie d'une occupation
paisible des terrains, et d'autre part, elles ont fait remarquer que le site
proposé par l'Etat pour leur recasement est une zone d'inondation. Fort
malheureusement, la première inquiétude des victimes s'est
avérée être fondée. Le site de recasement des
expropriés de Nguéli-sud, notamment celui de Toukra a fait
l'objet d'un contentieux. Les bénéficiaires ont été
intimidés et menacés par des personnes qui se réclament
propriétaires des lieux. D'après l'avocat des victimes Me Alain
KAGONBE, « tous les jours, ses clients sont trainés dans les
commissariat et brigade du 9ème arrondissement par des personnes qui se
réclament propriétaires de ces terrains, alors que le jour de la
remise officielle de ce site aux expropriés de Nguéli, des
responsables de sécurité de leur circonscription municipale,
notamment les commissaires de police et commandants de brigade ont promis de
leur prêter main forte pour s'installer
normalement»33. La décision du juge a
été prononcée en faveur des expropriés et le site
leur appartient désormais.
Le locale de remplacement doit en principe être
situé dans la même circonscription géographique que le site
frappé d'expropriation. Les textes du Tchad ne prévoient pas une
telle prescription contrairement au Cameroun dont la loi n° 85-09 du 4
juillet 1985 dispose en son article 8 alinéa 2 qu' « En cas de
compensation en nature, le terrain attribué doit, autant
32 Art. 11 du décret n° 187/PR/67 :
« l'administration ne peut prendre possession qu'après paiement
des indemnités ou fourniture d'équivalence acceptée
à l'amiable par les ayants-droit. »
33 Le progrès, quotidien d'informations
générales, n° 5258 du 03 mars 2020.
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que faire se peut, être situé dans la même
commune que le terrain frappé d'expropriation »34. Les
deux sites retenus pour recaser la population de Nguéli sont
effectivement situés dans la même commune du
9ème arrondissement.
La loi n° 25 du 22 Juillet 1967 qui régit
l'expropriation au Tchad ne donne non plus aucune précision quant
à la valeur du terrain attribué par rapport à celle de
l'immeuble cédé à l'Etat. Or, en droit camerounais, loi
n° 85-09 prévoit que si la valeur du terrain alloué en
compensation est supérieure à celle du terrain frappé
d'expropriation, la soulte est payée par le bénéficiaire.
Si elle est inférieure, le bénéficiaire de l'expropriation
alloue une indemnité pécuniaire correspondant à la
soulte35.
L'attribution du local de remplacement doit également
se faire dans le respect d'un certain nombre de délais.
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