CONCLUSION
Notre démarche de recherche a été
menée sur la problématique de l'efficacité de l'aide
publique au développement en Haïti et l'objectif était de
comprendre pourquoi l'aide ne donne pas les résultats en termes de
croissance économique et de réduction de la pauvreté.
L'étude s'étend sur la période allant de 1995 à
2018 et est centrée autour des causes internes à
l'inefficacité de l'APD en Haïti. En effet, ce constat
d'échec nous a amené à formuler comme hypothèse que
l'APD n'est pas efficace en Haïti. Et que la corruption
généralisée et l'instabilité politique en sont des
causes. Ce travail est inspiré des travaux de Collier et Dollar qui ont
fait savoir que l'aide est efficace dans les pays auxquels la qualité
des institutions est bonne et s'est installée une bonne gouvernance
politique.
Pour mener notre étude, nous avons utilisé un
système d'équations triangulaires dont l'estimation a
été faite par les MCO. Ce système nous a permis de mesurer
l'impact de l'APD sur la croissance économique et aussi, de mesurer les
effets de la stabilité politique et le contrôle de la corruption
sur la performance économique du pays.
L'idée de la non-efficacité de l'aide publique
au développement se révèle bien vraie pour notre
période d'étude. Les résultats de notre étude ont
confirmé que l'aide publique au développement ne donne pas de
résultats en termes de croissance économique en Haïti. Notre
modèle confirme une relation négative entre l'aide et la
croissance. N'ayant pas d'impact sur la croissance, la réduction de la
pauvreté ne pourra pas se faire. D'où, l'échec de l'aide
publique au développement en Haïti.
Recherchant les causes de cet échec, nous avons
supposé que la corruption généralisée et
l'instabilité politique sont des facteurs flagrants. Les
résultats montrent qu'un climat de stabilité politique et une
bonne maîtrise de la corruption jouent un rôle crucial dans la
performance économique du pays. Avec un risque de 5% de se tromper, une
augmentation d'une unité du score de contrôle de la corruption
dans le pays augmenterait le PIB de 3.97% et une variation d'une unité
de plus du score de la stabilité politique entraînerait une
augmentation du PIB de 2%. Or les scores enregistrés pour ces deux
variables pour notre période d'étude sont coincés entre
-1.99 et -0.63 pour la stabilité politique, ceux du contrôle de la
corruption sont de -1.72 et -1.09. Une façon de dire que le pays
était politiquement très instable et que la corruption
était monnaie courante et la situation tend à s'aggraver. Dans un
tel contexte, tout effort visant à réduire la pauvreté en
passant par la croissance n'aura pas d'effet car ces deux fléaux rongent
le coeur de l'économie haïtienne. Ainsi, le point de vue de Collier
et Dollar laissant croire que dans les pays où l'environnement de
politique macroéconomique est malsain, l'aide est sans effet sur la
performance macroéconomique est justifiée dans notre cas
d'étude.
Donc, on peut se permettre de dire que la corruption
entraînant la faiblesse institutionnelle, et l'instabilité
politique chronique expliquent en partie l'inefficacité de l'APD pour
notre période d'étude.
Notre travail présente
certaines limites. Notre étude a été
réalisée sur une période de 23 ans, en raison de la non
disponibilité des données de certaines variables, ce qui
représente une taille assez étroite. Pour la première
équation du modèle, on a un coefficient de détermination
de 0.38, ce qui signifie que les variables considérées expliquent
l'APD seulement à 38%. Donc d'autres variables pertinentes pourraient
expliquer l'échec de l'APD. D'ailleurs, notre travail s'accentue sur
deux causes internes de l'inefficacité de l'aide (la corruption et
l'instabilité politique). Etant donné que le test de
normalité de Jarque-Berra montre que les erreurs de la première
équation ne suivent pas une loi normale, cela peut être vu comme
limite à ce travail.
La réduction de la pauvreté en Haïti doit
passer par la voie d'une croissance soutenue et inclusive. Pour ce faire,
l'aide publique au développement est appelée à jouer un
grand rôle puisque le pays en dépend grandement. Mais pour
Easterly, il n'y aura pas de succès de toute politique d'aide sans
responsabilisation, sans évaluation des agences. Ainsi, Pour une gestion
efficace de l'APD en vue de son efficacité, nous proposons ce qui suit
en termes de recommandations :
? Renforcer l'autonomie des institutions de lutte contre
la corruption afin qu'elles puissent vraiment contrer ce
phénomène
? Mettre en place des structures pour assurer
l'harmonisation et l'alignement de l'aide sur les initiatives locales bien
conçues tout en assurant une plus grande responsabilisation.
? Évaluer chaque étape des projets locaux
entrepris par les agences pour plus de transparence et plus de résultats
en termes d'efficacité.
? Assurer que l'aide reçue soit investie dans les
secteurs les plus productifs auxquels le pays détient un avantage
comparatif
? Réduire la
duplication des actions découlant de l'APD par les ONG dans la
réalisation de petits projets n'ayant pas d'impacts
significatifs.
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