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Université QUISQUEYA
Faculté des Sciences
Economiques et Administratives
(FSEA)
La problématique de l'efficacité de
l'aide internationale en Haïti pour la période allant de 1995
à 2018
Par
Elga EXIL et Marc-aurèle MERCIER
Sous la direction du Professeur
Thebeau MICHEL
En Accomplissement Partiel des Exigences Requises pour
l'Obtention du Diplôme de Licence en Sciences Economiques
Remerciements
Au terme de ce travail, il nous tient à coeur
d'exprimer nos sentiments de gratitude à l'endroit de toute personne
qui, de près ou de loin, a contribué à sa
réalisation.
La présentation de ce travail nous fournit l'occasion
de rendre un juste hommage à notre directeur de mémoire, Monsieur
Thebeau MICHEL, un homme de culture, un esprit curieux,
passionné par les questions haïtiennes, qui a su nous conseiller,
nous guider et nous assister à toutes les étapes de la
réalisation de ce travail de recherche. Ses pertinentes remarques, ses
sages conseils, sa patience et son courage ont été pour nous, une
leçon tant scientifique que morale.
Nos sentiments de reconnaissance et de gratitude vont à
l'endroit de Monsieur Jemley Marc JEAN BAPTISTE, pour tant de
sacrifices fournis dans le cadre de ce travail, surtout dans la partie
empirique du mémoire. Ses suggestions et ses remarques si importantes
sont un plus assez considérable à la réussite de ce
travail.
Nous sommes aussi redevables à Monsieur Harry
SALOMON, pour ses conseils si utiles.
A tous nos chers professeurs et amis, nous leur disons
merci.
Résumé
Mots
clés : Haïti, Aide Publique au Développement,
efficacité, faiblesse institutionnelle, corruption, pauvreté.
Ce travail mené autour du concept aide publique au
développement pour la période allant de 1995 à 2018 se
donne pour objectif de recenser certaines causes à l'inefficacité
de l'aide en Haïti. Il s'inspire du travail de Paul Collier et de David
Dollar (2002). Constatant le décalage qu'il y a entre la quantité
d'aide reçue par Haïti et la croissance économique
décevante, nous avons posé comme hypothèse que l'aide est
sans effets sur la croissance et que l'instabilité politique et la
corruption en sont des causes. Pour tester notre hypothèse, on se sert
d'un système récursif estimé par la méthode des
moindres carrés ordinaires. Notre hypothèse est en partie
vérifiée car une relation négative est trouvée
entre l'aide et la croissance. L'aide dans le cas d'Haïti pour notre
période d'étude ne permet pas de booster l'économie et de
réduire la pauvreté.
L'estimation économétrique montre qu'une
augmentation de l'aide publique au développement de 1% entraîne
une diminution de la croissance de 0.0442%. L'aide étant fournie dans
une situation de corruption et d'instabilité chronique, on déduit
qu'elles en sont au nombre des causes de l'inefficacité. Les obstacles
liés à l'inefficacité de l'aide ont permis de formuler des
recommandations axées sur la lutte contre la corruption, le renforcement
institutionnel et l'investissement de l'aide dans des secteurs où le
pays détient un avantage comparatif.
Abstract
Key words: Haiti, Official Development
Assistance, effectiveness, institutional weakness, corruption, poverty.
This work on the concept of official development assistance
for the period from 1995 to 2018 aims to identify some of the causes of aid
ineffectiveness in Haiti. It is inspired by the work of Paul Collier and David
Dollar (2002). Noting the discrepancy between the amount of aid received by
Haiti and its disappointing economic growth, we hypothesize that aid has no
effect on growth and that political instability and corruption are causes. To
test our hypothesis, we use a recursive system estimated by the ordinary least
squares method. Our hypothesis is partially verified because a negative
relationship is found between aid and growth. Aid in the case of Haiti for our
study period does not boost the economy and reduce poverty.
The econometric estimation shows that an increase in official
development assistance of 1% leads to a decrease in growth of 0.0442%. Since
aid is provided in a situation of chronic corruption and instability, it is
inferred that these are among the causes of inefficiency. The obstacles to aid
ineffectiveness have led to recommendations that focus on fighting corruption,
strengthening institutions, and investing aid in sectors where the country has
a comparative advantage.
Table des
matières
INTRODUCTION
1
CHAPITRE I -
GÉNÉRALITÉS SUR L'APD
7
1- ORIGINE DE L'APD
7
2- DÉFINITION ET OBJECTIFS DE L'APD
8
2.1- L'APD : de quoi s'agit-elle ?
8
2.3- Les types d'aide
10
2.4- Objectifs
10
3- L'APD AU NIVEAU MONDIAL
11
4- LES ACTEURS DE L'APD
13
4.1- Les acteurs internationaux
13
4.2- Les acteurs locaux
16
CHAPITRE II- L'EFFICACITÉ
DE L'AIDE : UNE REVUE DE LITTÉRATURE
21
1- LITTÉRATURE SUR L'EFFICACITÉ DE
L'AIDE
21
1.1- Récapitulatif de la revue de
littérature
29
1.2- Positionnement sur la revue de
littérature
30
2- DES PROBLÈMES À L'APD
30
2.1- A qui profite de l'aide ?
30
2.2- Responsabilité des bailleurs
31
3- APD ET LA DÉCLARATION DE PARIS
31
3.1- Les indicateurs d'efficacité de
l'APD
31
3.2- Haïti et la déclaration de
Paris
35
CHAPITRE III : EFFICACITÉ DE L'AIDE
EN HAÏTI (LES FAITS)
37
1-APD EN HAÏTI
37
1.1- Origine de l'APD en Haïti.
37
1.2- Evolution de l'APD en Haïti
37
1.3- APD et réformes en Haïti
41
2- TRAÇABILITÉ DE L'AIDE EN
HAÏTI
43
3- INDICATEURS MACROÉCONOMIQUES EN
HAÏTI
44
4- EFFICACITÉ DE L'AIDE À HAÏTI
VIS À VIS DE L'OMD
49
5- OBSTACLES À L'EFFICACITÉ DE L'APD
EN HAÏTI
51
5.1- La faiblesse institutionnelle
51
5.2- Instabilité socio-politique
57
5.3- Catastrophes naturelles
58
CHAPITRE IV - EFFICACITÉ DE L'AIDE
EN HAÏTI : UNE ÉTUDE EMPIRIQUE
61
1- DONNÉES
61
2- MÉTHODOLOGIE
62
3- SPÉCIFICATION DU MODÈLE
62
4- DESCRIPTION DES VARIABLES
63
4.1- Variables endogènes
63
4.2- Variables exogènes
64
5- ETUDE DE LA STATIONNARITÉ DES
SÉRIES
65
6 - RÉSULTAT DE L'ESTIMATION
66
7 - ANALYSE STATISTIQUE DES RÉSULTATS
66
7.1- Test de normalité
66
7.2- Test de significativité globale :
Test de Fisher
67
7.3- Test de significativité
individuelle : Test de Student
67
7.4- Test de détection
d'autocorrélation
68
8 - INTERPRÉTATION ET ANALYSE
ÉCONOMIQUE DES RÉSULTATS
70
CONCLUSION
73
BIBLIOGRAPHIE
75
ANNEXES
1
Liste des sigles et
abréviations
APD : Aide Publique au
Développement
BID : Banque Interaméricaine de
Développement
BM : Banque Mondiale
BMPAD : Bureau de Monétisation des
Programme d'Aide au Développement
BRH : Banque de la République
d'Haïti
CAD : Comité d'Aide au
Développement
CAED : Cadre de Coordination de l'Aide
Externe au Développement d'Haïti
CARICOM : Marché commun de la
Caraïbe (Caribbean Community)
CIRH : Commission Intérimaire pour la
Reconstruction d'Haïti
CSLP : Cadre Stratégique de Lutte
contre la Pauvreté
DSNCRP : Document de Stratégie
Nationale pour la Croissance et la Réduction de la Pauvreté
DSRP : Document de stratégie de
réduction de la Pauvreté
FAS : Facilité d'Ajustement
Structurel
FASR : Facilité d'Ajustement
Structurel Renforcé
FEC : Facilité Elargie de
Crédit
FMI : Fond Monétaire International
FRH : Fond de Reconstruction d'Haïti
FRPC : Facilité de Réduction
de la Pauvreté et de la Croissance
IDH : Indice de Développement
Humain
IHSI : Institut Haïtien de Statistique
et d'Informatique
MCO : Moindre Carré Ordinaire
MPCE : Ministère de la Planification
et de la Coopération Externe
OCDE : Organisation de Coopération et
de Développement Économiques
ODD : Objectif de Développement
Durable
OMC : Organisation Mondiale du Commerce
OMD : Objectifs Millénaires de
Développement
ONG : Organisation Non Gouvernementale
ONPES : Observatoire Nationale de la
Pauvreté et de l'Exclusion Sociale
PARDH : Plan d'Action pour le
Relèvement et le Développement d'Haïti
PAS : Programme d'Ajustement Structurel
PED : Pays En Développement
PIB : Produit Intérieur Brut
PMA : Pays Moins Avancés
PNUD : Programme des Nation Unies pour le
Développement
PRSP : Document de Stratégie pour la
Réduction de la Pauvreté (Poverty Reduction
Strategy Paper)
PURE : Programme d'Urgence pour le
Redressement de l'Économie
RNB : Revenu National Brut
SNCRP : Stratégie Nationale pour la
Croissance et la réduction de la Pauvreté
UCAONG : Unité de Coordination des
Activités des ONG
UE : Union Européenne
ULCC : Unité de Lutte Contre la
Corruption
Liste
des tableaux et graphiques
Tableau 1- Tableau récapitulatif de la
revue
29
Tableau 2 : Haïti et corruption
(Score)
55
Tableau 3 : Résultats des tests de racine
unitaire
65
Tableau 4 : Résultats du test de Student
pour les variables explicatives.
68
Graphique 1 : Aide publique au
développement nette 1960-2018
13
Graphique 2: Evolution de l'APD en Haïti en
millions (1995-2018)
40
Graphique 3 : Evolution du taux de
croissance du PIB réel et celui de l'APD
46
Graphique 4: Evolution du taux d'investissement
en Haïti
47
Graphique 5 : Evolution du taux d'inflation en
Haïti (1995-2018)
48
INTRODUCTION
L'aide étrangère trouve principalement sa
justification dans une hypothèse formulée par l'économiste
américain Jeffrey Sachs, selon laquelle les pays pauvres sont pris dans
une trappe à pauvreté. Cette trappe est expliquée par
l'inadéquation d'agrégats macroéconomiques tels que le
niveau de l'épargne globale et les rendements croissants des
investissements. A cette inadéquation qui freine la capacité de
ces pays à financer des projets porteurs de croissance, l'aide
internationale apparaît comme une alternative incontournable. Dans ce
contexte, la communauté de l'aide est inondée de plans, de
stratégies et de cadres de travail visant à rencontrer les
réels besoins du monde des pauvres. En transférant des
modèles de développement, accompagnés de moyens humains,
financiers et matériels, Easterly (2006) constate que depuis les
années cinquante, les pays riches ont dépensé 2300
milliards de dollars US pour l'aide au développement sans pour autant
éradiquer la pauvreté. Mais, on pourrait se demander si ce
montant dépensé est insuffisant pour éradiquer la
pauvreté ou c'est la façon dont l'allocation se fait qui pose
problème. L'échec de ces différentes tentatives va mettre
en exergue la limite de la théorie purement économique du
développement.
Les experts en développement s'accordent pour dire que
la croissance ne dépend pas seulement de l'investissement, de la
consommation, de la technologie, du capital humain et autres mais aussi de
l'infrastructure institutionnelle. Les travaux de North (1990, 1995), Alesina
et Perotti (1996), Acemoglu et al. (2004) soutiennent que les institutions, qui
d'après la définition généralement acceptée
(celle de Douglas North), sont les règles du jeu, plus formellement les
contraintes humaines conçues qui façonnent les activités
économiques d'une nation seraient une condition nécessaire aux
succès économiques des nations. Dans le cadre des institutions
formelles, on les regroupe en institutions économiques et institutions
politiques. Celles qui sont économiques organisent les interactions
économiques et celles qui sont politiques déterminent les
contraintes et les incitations des acteurs dans la sphère politique.
L'absence totale ou le dysfonctionnement des institutions entrave certainement
le processus de développement de tout pays même avec le budget des
Etats-Unis.
Comme le prétendait les partisans de l'aide, elle n'a
pas eu les mêmes effets dans tous les pays. Parmi les pays aidés,
rares sont ceux qui ont su profiter de l'aide pour renouer avec la croissance
et faire un saut vers le développement.En ce sens, Lemay-Hébert
et Pallage (2012, p.1), affirment que : « L'aide
internationale peut être un moteur formidable de développement.
Mais elle peut aussi en être le plus grand frein ». Dans
certains pays, au lieu de déclencher la croissance, elle entraîne
la dépendance. C'est ainsi que DambisaMoyo (2009) déclare que
l'aide internationale provoque plus d'effets néfastes qu'autre chose
pour les pays pauvres en général. Des pays comme le
Botswana, la Corée, l'Indonésie, le Taiwan et, plus
récemment, la Mozambique et l'Ouganda ont tiré un excellent parti
de l'aide reçue. Dans ces pays, l'aide stimule la croissance et
leur permet d'afficher de meilleures performances économiques. Par
contre, des pays comme la Zambie, la République démocratique du
Congo, la Papouasie-Nouvelle-Guinée et particulièrement
Haïti, qui ont bénéficié des montants d'aide
importants, ont des bilans désastreux en matière de croissance
économique (Perkins, Radelet et Lindauer, 2008). Mais, pourquoi ce
constat d'échec dans ces pays et plus particulièrement en
Haïti ?
Haïti demeure un des pays au monde recevant le plus
d'attention de la communauté internationale, avec un bond manifeste de
l'aide publique au développement surtout après le tremblement de
terre de 2010. L'aide publique au développement en Haïti est
passée de 167 millions de dollars en 1990 à 1.3 milliard en 2012,
avec un pic à près de 3 milliards de dollars après le
séisme de 2010. En 2011, l'Aide publique au développement (APD)
d'Haïti a représenté 16% du PIB (Rapport OMD Haïti,
2013). Selon Doura (2003), entre 1994 et 2001,Haïti demeure le pays qui
reçoit le plus d'aide par habitant malgré la diminution de l'aide
bilatérale et multilatérale. La moyenne de l'aide annuelle par
habitant en Haïti était de 57.5 dollars (toute forme d'aide, y
compris l'aide alimentaire), tandis que les autres pays de la
périphérie capitaliste ont reçu en moyenne 12 dollars par
habitant (WDID, cité dans Doura, 2003). Toutefois, de nombreux
défis demeurent, et les progrès enregistrés dans certains
secteurs restent trop faibles pour avoir un impact significatif sur le
développement et la réduction de la pauvreté.
La communauté internationale est présente en
Haïti dans toutes les sphères du développement depuis plus
d'un demi-siècle. Il est surprenant de constater que malgré
l'injection de plusieurs millions de dollars d'aide dans l'économie
haïtienne, on assiste à une dégradation accrue de la
qualité de vie des Haïtiens qui rend le pays de plus en plus
dépendant. Un rapport de la Banque mondiale (2014) mentionne que 6.3
millions d'Haïtiens ne sont pas en mesure de satisfaire leurs besoins
essentiels, donc vivants sous le seuil de pauvreté et 2.5 millions
vivent en dessous du seuil d'extrême pauvreté. En termes relatifs,
le pays comptait 58.5% de pauvres et 23.8% d'extrême pauvres. Selon le
rapport sur le développement humain (PNUD, 2015), sur une échelle
de 0 à 1, Haïti accuse un score de 0.493, ce qui la place à
la 163e place sur 188 pays. Une manière claire d'expliquer
que le niveau d'éducation, le revenu par habitant et l'espérance
de vie à la naissance dans le pays est très faible. Ce qui nous
laisse comprendre qu'en Haïti, la multiplication des projets de
coopération et l`affluence de l'aide internationale depuis les
dernières décennies ont entraîné peu ou pas de
changements notables dans les conditions socio-économiques des
destinataires officiellement définis (Paul, 2012).
En effet, certains secteurs accusent un retard très
important. Dans tous les pays de la CARICOM, Haïti est celui qui accuse le
plus grand retard dans la qualité des routes, des infrastructures
portuaires et aériennes (Rapport OMD Haïti, 2013). En raison
d'infrastructures maritimes inadaptées, Haïti ne peut exploiter
pleinement l'accord établi entre les pays de la CARICOM. Tous ceux-ci
expliquent que l'assistance bilatérale et multilatérale n'a
pas permis à la situation sociale et économique du pays de
s'améliorer.
L'APD à Haïti fait face à de nombreux
enjeux sociaux, politiques, économiques et environnementaux. Sans
être exhaustif, on peut citer : une instabilité socio-politique
récurrente, la carence institutionnelle, la corruption, la mauvaise
gouvernance économique et la vulnérabilité face aux
catastrophes naturelles. Est-ce là les principaux obstacles à son
efficacité ?
Un rapport du MPCE paru en avril 2011 mentionne que l'APD
représente en moyenne 60% du budget de l'état
Haïtien et plus de 85% de ses programmes d'investissement public. En
ce sens, (Deshommes, 2014) relate quel'état de cette économie
fait que l'on ne peut se passer de l'aide internationale. Vu que les
problèmes institutionnels et la corruption empêchent le pays de
recueillir les ressources internes nécessaires, l'aide est donc un enjeu
crucialcar elle semble être notre seul et unique recours pour trouver les
ressources nécessaires lui permettant de financer certains projets
d'investissement. Cependant pour certains, l'aide à Haïti est un
échec flagrant. Pour Ricardo Seitenfus (2010), Haïti est la preuve
de l'échec de l'aide internationale1(*). Ces affirmations semblent être fondées
et validées par les indicateurs socio-économiques. En tant que
futurs économistes, il nous paraît intéressant d'identifier
les principaux obstacles qui empêchent à l'aide d'atteindre ses
objectifs. Constatant le contraste existant, nous sommes amenés à
réfléchir sur l'aide publique au développement en
Haïti. Ainsi, notre thématique de recherche est intitulée :
« la problématique de l'efficacité de l'aide
internationale en Haïti pour la période allant de 1995
à 2018. »
?
Question de recherche
Il est évident que le poids de l'APD dans
l'économie haïtienne est assez considérable. Compte tenu de
la contribution substantielle de celle-ci et les piètres performances de
l'économie du pays, il nous est important de se questionner sur les
causes qui empêchent à l'APD de donner de meilleurs
résultats en termes d'efficacité. Ainsi notre question de
recherche est formulée comme suit : Pourquoi l'aide octroyée
à Haïti n'arrive pas à la mettre sur la voie de la
croissance ?
?
Hypothèse du travail
Avec un score moyen de 19 pour les dix
dernières années, le pays s'installe de façon quasi
permanente dans la zone des plus corrompus du monde. On comprend vite que
depuis bon nombre d'années, l'aide est fournie dans le cadre d'un
système corrompu. Ainsi, les ressources nationales pour le
développement et l'aide elle-même en sont affectées.
Là où règne la corruption, le gaspillage et la mauvaise
utilisation des ressources sont toujours présents. La corruption peut
compromettre de manière significative les résultats des
programmes de développement. Au sein des pays
bénéficiaires, la corruption peut gravement nuire à la
réalisation des résultats escomptés, de manière
directe, en détournant un pourcentage de l'aide des objectifs et des
bénéficiaires initialement visés, ou de manière
indirecte, en encourageant l'utilisation impropre de l'aide. Dans un tel
contexte, les fonds disponibles ne sont jamais utilisés à bon
escient pour soulager la misère des plus pauvres. Au lieu d'investir
dans des projets sociaux pour améliorer les conditions de vie des
démunis, les autorités se tournent souvent vers des
stratégies leur permettant de détourner les ressources à
leurs profits et à ceux de leurs proches. Donc en situation de grande
corruption, comme c'est le cas en Haïti, quel que soit le niveau de l'aide
reçue, fort probablement elle sera détournée de ses vrais
objectifs et n'aura pas d'impact sur la croissance et la réduction de la
pauvreté.
L'instabilité politique est un autre fléau qui
met en déroute l'efficacité de l'aide en Haiti. En 1960, avec un
PIB réel par habitant de 1018 dollars américains, un haïtien
était cinq fois plus riche qu'un chinois dont le PIB était
d'à peine 192.3 dollars américains. Pour cette même
année, les deux républiques partageant l'île d'Haïti
avaient un PIB réel par habitant sensiblement égal. Soixante ans
plus tard, la République dominicaine est devenue onze fois plus riche
qu'Haïti avec un PIB par habitant de 8630 dollars. L'instabilité
politique chronique a certainement plombé le décollage
économique du pays et explique en grande partie pourquoi il n'arrive pas
à épouser la même trajectoire économique que la
Chine et la République dominicaine. Ainsi, on comprend aisément
qu'en situation de crise permanente, les apports d'aide n'auront pas de
retombées économiques significatives. Ces apports, au lieu
d'être investis dans la construction des infrastructures, la santé
et l'éducation, sont détournés vers des secteurs n'ayant
pas d'impact sur le développement. Donc, autant que l'instabilité
politique freine la croissance dans un pays, autant que l'objectif de l'aide ne
sera pas atteint.
Plusieurs autres facteurs peuvent influencer les
résultats de l'aide en Haïti. Ne pouvant pas tous les
énumérer, on se focalise sur ces deux qu'on estime être
incontournables et on formule l'hypothèse du travail de la
manière qui suit. «L'aide publique au développement n'est
pas efficace en Haïti. Et que la corruption
généralisée et l'instabilité politique chronique en
sont des causes».
?
Objectif et intérêt du travail
Cette démarche de recherche ne vise pas à
étudier l'impact de l'aide publique au développement sur la
croissance économique d'Haïti. Mais elle se concentre à
produire une réflexion sur la problématique de
l'efficacité de l'aide publique en Haïti pour la période
allant de 1995 à 2018. Pour être plus précis, ce travail se
donne pour objectif de comprendre pourquoi l'aide publique au
développement ne donne pas de résultats probantsen Haïti.
Les travaux sur l'efficacité de l'aide sont nombreux,
mais rares sont ceux qui s'intéressent à chercher les causes de
son inefficacité là où elle est vue comme un échec.
Approfondir notre connaissance sur cet aspect témoigne tout
l'intérêt de notre étude.
?
Structure du travail
Notre démarche de recherche comporte quatre chapitres.
Le premier chapitre présentera les généralités de
l'aide publique au développement. On y fera un survol historique de
l'APD sur le plan international. Dans ce chapitre nous présenterons
l'évolution de l'aide tant au niveau mondial que local. Les
différents acteurs internationaux et nationaux qui oeuvrent dans le
domaine de l'APD seront aussi présentés.
Le deuxième chapitre est relatif à la mesure de
l'efficacité de l'APD. On fera une revue de littérature autour de
l'efficacité de l'aide publique au développement. On abordera
aussi la déclaration de Paris avec ses cinq piliers sur
l'efficacité de l'aide.
On enchaîne au chapitre trois en se focalisant
exclusivement sur Haïti. Après avoir présenté l'APD
et sa traçabilité, nous présenterons l'évolution
des indicateurs macroéconomiques. Ainsi, l'efficacité de l'APD
sera analysée en se basant sur des faits comme le PIB, l'investissement,
l'inflation et le chômage. Ce qui va nous permettre de mieux nous situer
sur la problématique de l'efficacité de l'APD en Haïti. A la
fin du chapitre des obstacles à l'efficacité de l'APD en
Haïti seront présentés.
Le quatrième chapitre concerne la partie empirique de
notre étude. Après avoir analysé et
interprété les résultats du modèle, on aura
à conclure en présentant des limites du travail suivi de quelques
recommandations.
CHAPITRE I -
GÉNÉRALITÉS SUR L'APD
Ce chapitre présente le cadre
général de l'APD en passant par son origine, sa
définition, ses objectifs, son évolution et les principaux
acteurs.
1- Origine de l'APD
La dénomination « aide au
développement » apparaît en tant que telle avec le plan
Marshall, qui ne s'adresse d'abord qu'aux pays sortant de conflits avant de
considérer les pays pauvres ou en développement. Le plan Marshall
financé par les Etats-Unis au lendemain de la seconde guerre mondiale a
permis de mobiliser d'importantes ressources financières pour la
reconstruction de l'Europe. Par ce plan, le relèvement de l'Europe a
été rapide et prodigieux. Dans cette optique est née
l'idée selon laquelle un apport massif de capitaux aux pays
sous-développés de l'Afrique ; l'Asie et l'Amérique
latine pouvait contribuer à un développement similaire à
celui de l'Europe d'après-guerre. Aussi, en pointant du doigt la grande
pauvreté qui affecte la moitié de l'humanité dans son
discours d'investiture à travers le fameux point IV, ce 20 janvier
1949, leprésident des Etats-Unis Harry S. Truman a dès
lors marqué le point de départ des politiques d'aide au
développement. Pour Truman, la pauvreté des régions
sous-développées représente un handicap et une menace pour
les régions les plus prospères comme les Etats-Unis.
Corollairement, il fallait aider les peuples pacifiques à avoir une vie
meilleure en mettant à leur disposition les avancées
scientifiques et les progrès industriels dont disposent les Etats-Unis.
L'idée mise en avant était d'aider les pays
sous-développés à surmonter les obstacles auxquels ils se
heurtent dans la mobilisation des ressources nécessaires pour financer
leur développement durable mais c'était aussi un moyen de
défendre leurs intérêts en évitant l'expansion du
communisme au début de la guerre froide. Ces propos du président
Truman serviront également de stratégie aux autres pays
occidentaux détenteurs de capitaux et dépositaires de
connaissances scientifiques mais au détriment des anciennes colonies.
2- Définition et
objectifs de l'APD
2.1- L'APD : de quoi
s'agit-elle ?
L'aide publique au développement consiste en «
des prêts ou dons fournis par le secteur public, dans le but de favoriser
le développement économique et d'améliorer les conditions
de vie, à des conditions financières douces (dont
l'élément de libéralité est au moins égal
à 25%) ; sont donc exclues les aides militaires ». Plus tard, en
1972 plus précisément, le Comité d'aide au
développement (CAD) propose une formulation plus rigoureuse et avec plus
de précision « L'aide publique au développement (APD)
devient des « prêts ou dons accordés aux pays et territoires
figurant dans la liste des bénéficiaires d'APD établie par
le CAD et aux organisations multilatérales, par le secteur public,
à des conditions financières libérales (dans le cas des
prêts, l'élément de libéralité doit
être d'au moins 25 %) dans le but principalement de faciliter le
développement économique et d'améliorer les conditions de
vie dans des pays en voie de développement». Ainsi, d'après
l'OCDE, « L'APD se compose des apports de ressources qui sont fournis aux
pays moins développés et aux institutions multilatérales
par des organismes officiels, y compris des collectivités locales ou par
leurs organismes gestionnaires qui, considérés
séparément, au niveau de chaque opération,
répondant aux critères suivants : (a) être dispensés
dans le but essentiel de favoriser le développement économique et
l'amélioration du niveau de vie dans les pays les moins
développés ; (b) revêtir un caractère de faveur et
comporter un élément de libéralité au moins
égal à 25%
Selon Olivier Charnoz et Jean-Michel Severino, l'aide
publique au développement est une activité par laquelle les pays
font transiter vers d'autres des ressources publiques en vue de contribuer
à leur développement. L'aide publique au développement
n'est pas uniquement constituée de capitaux financiers, elle englobe
également les biens et services, les compétences et les
technologies qui sont transférés aux pays en
développement.
Pour être éligible à l`aide publique au
développement, une dépense doit satisfaire quatre
critères :
? Ce doit être une dépense publique,
c'est-à-dire réalisée par un Etat ou une
collectivité territoriale dans le cadre d'une coopération
décentralisée. L'APD repose sur le budget des autorités
publiques.
? Cette dépense publique doit se faire au
bénéfice des pays ou territoires endéveloppement. Elle
doit être attribuée à un pays en développement ou
à un organisme international qui se chargera d'allouer cette ressource
à des pays en développement selon ses propres critères.
L'aide acheminée directement est dite bilatérale, et l'aide
allouée par l'intermédiaire d'une institution internationale est
appelée aide multilatérale. La liste des pays éligibles
à l'APD est déterminée par le comité d'aide au
développement de l'OCDE.
? Les dépenses publiques réalisées en
faveur des pays éligibles à l'APD doivent avoir pour objectif le
développement du pays bénéficiaire. L'intention du
donateur doit être d'améliorer le niveau de vie de la population
de ce pays.
? Pour être considérée comme une aide
publique au développement, une dépense publique à
destination d'un pays en développement doit être
accompagnée de conditions financières favorables. Le versement
des ressources financières ou autres peut se faire sous formes de dons
ou de prêts. Un prêt pour être éligible à l'APD
doit contenir un élément don d'au moins 25% du montant du
prêt.
2.2- Composition de l'APD
Depuis 1969, la délimitation officielle du
périmètre de l'APD est du ressort du Comité d'aide au
développement (CAD) de l'OCDE. Elle inclut tous les apports publics en
espèces, en produits ou en services fournis aux pays en
développement et aux institutions multilatérales, visant à
promouvoir le développement économique et l'amélioration
du niveau de vie des bénéficiaires, effectués à des
conditions financières favorables. On y trouve par exemple, les dons,
les prêts concessionnels comportant un élément de
libéralité d'au moins 25 %, l'assistance technique, les
opérations d'allègement de dette ou encore la prise en charge des
frais d'éducation de ressortissants d'un pays en développement,
etc.
2.3- Les types d'aide
L'aide, quelle que soit sa forme, peut être
octroyée en espèces, en nature ou sous forme d'assistance
technique.
? Aide en espèces
On parle d'aide en espèces quand un gouvernement ou une
institution privée reçoit des fonds destinés au
financement des projets de développement. Elle peut se présenter
sous forme de prêts accompagnés de conditions financières
favorables ou de dons.
? Aide en nature
L'aide en nature consiste en matériel,
céréales ou autres produits de première
nécessité qu'un gouvernement ou une ONG reçoit d'un autre
gouvernement ou d'une autre ONG.
? Aide en assistance technique
L'assistance technique appelée aussi coopération
technique repose sur le financement de formations de hauts fonctionnaires et
des techniciens ou sur la mise à disposition d'experts (auprès
des ministères, d'autorités locales, d'agences publiques). Elle
vise à renforcer les ressources humaines des pays aidés et
à faciliter le transfert des compétences, de connaissances et des
technologies ou coopération technique non intégrée
à un investissement. Elle peut renforcer les capacités de gestion
d'une politique publique (santé, environnement etc..) ou appuyer la mise
en oeuvre d'un projet bien déterminé (approvisionnement en eau,
télécommunication...) ou coopération technique liée
à un investissement.
2.4- Objectifs
Dès sa conception, l'objectif principal de l'APD vise
à favoriser le développement économique et
l'amélioration des conditions de vie des populations dans les pays les
moins avancés (PMA). De manière concrète, le but de l'APD
est de créer tant au niveau national que mondial, un climat propice au
développement et à l'élimination de la pauvreté par
un partenariat entre les pays développés et les pays en
développement. Avec le temps, les objectifs de l'APD s'articulent autour
de la déclaration du millénaire pour le développement
signée en septembre 2000 par 189 pays et sont au nombre de
huit :
1. Réduire l'extrême pauvreté et la faim
2. Assurer l'éducation primaire universelle
3. Promouvoir l'égalité des sexes et
l'autonomisation des femmes
4. Réduire la mortalité infantile
5. Améliorer la santé maternelle
6. Combattre le VIH/sida, le paludisme et d'autres maladies
7. Assurer un environnement durable
8. Mettre en place un partenariat mondial pour le
développement
En support aux OMD, des institutions internationales comme le
Fonds Monétaire International (FMI), la Banque Interaméricaine de
développement (BID) et la Banque Mondiale (BM), ont
intégré dans leur approche respective un volet relatif à
la lutte contre la pauvreté, visant ainsi à adapter leur mission
avec la réalité des pays sous-développés. En
Haïti, des accords en liaison directe avec les OMD ont été
signés par la BM. Ces accords, connus sous les noms de « Poverty
Reduction Strategy Paper (PRSP) », « Document de stratégie de
réduction de la Pauvreté (DSRP) », ou encore « Cadre
Stratégique de Lutte contre la Pauvreté (CSLP) », visent
à améliorer l'offre et la fourniture des services sociaux de base
dans les domaines de l'éducation, la santé, l'eau potable, la
gestion des déchets, la coopération entre le secteur public et le
secteur privé, le partenariat international ; en bref ce qui est au
coeur des OMD. En dépit de tout, la réalité est-elle apte
à montrer une amélioration des conditions d'existence en
Haïti ? Dans la littérature de l'aide, l'efficacité renvoie
à la réalisation des objectifs. En tenant compte de ces
différents objectifs, on va tenter de faire le point sur
l'efficacité de l'APD en Haïti.
3- L'APD au niveau mondial
Depuis la création du CAD, en 1960, le volume de l'APD
nette a progressé à un rythme plus ou moins régulier
jusqu'à la fin de la guerre froide. Il est passé, en prix
courant, de 5 milliards de dollars en 1960 à un niveau record de 60
milliards en 1991. Suite à cette longue période de progression,
l'APD s'est fortement contractée jusqu'en 2000, année à
partir de laquelle elle est repartie progressivement à la hausse pour
atteindre, en 2005, un nouveau record de 107 milliards de dollars. Ce record
qui, selon plus d'un, ait été lié à des
opérations exceptionnelles d'annulation de la dette dont les effets
positifs sur le volume de l'APD s'estompe à partir de 2006. Lors des
années suivantes, l'APD renoue progressivement avec la croissance pour
atteindre un nouveau record à la hauteur de 139 milliards de dollars en
2011. L'augmentation de l'aide observée au cours de la décennie
2000-2010 ne peut être attribuée avec certitude à
l'adoption des OMD, mais de toute façon elle a joué un rôle
central. Toutefois, après une période de contraction importante
pendant les années 1990, les années qui suivent la
Déclaration du Millénaire ont vu effectivement ressurgir la
croissance de l'APD. Une baisse a été observée pour
l'année qui suit, passant de 139 milliards en 2011 à 133
milliards en 2012. Pour l'année 2014, un pic de 161 milliards a
été atteint en passant par un montant de 151 milliards en 2013.
En 2015, l'APD a connu une baisse considérable, passant de 161 milliards
à 146 milliards. Suite à cette baisse, elle est repartie à
la hausse pour atteindre 165 milliards en 2018.
Lorsque l'APD est mesurée en pourcentage du RNB des
pays donneurs, le bilan est très différent. Le taux d'effort a
atteint en 1961 son niveau le plus élevé, soit 0,375 % du RNB des
pays donneurs. À partir de cette année, le ratio APD/RNB commence
à baisser progressivement pour se situer à 0,21 % en 1973.
Ensuite, il commence à remonter légèrement sans atteindre
les niveaux observés dans les années 1960. Lors de la
décennie 1980, il se maintient à peu près stable mais il
redescend à nouveau dans la décennie 1990. Il chute de 0,237 % en
1992 à 0,153 % en 1997. En 2000, le ratio (APD/RNB) a atteint le niveau
le plus bas de son histoire, soit 0.145%. Il faut attendre l'année 2005
pour que ce ratio soit porté à 0,226 % et rattrape presque le
niveau qu'il avait déjà atteint en 1992. Malgré cet
élan de 2005, le ratio allait redescendre à 0.184% en 2007 et
pour enfin atteindre un niveau stagnant autour de 0.196% en moyenne de 2008
à 2018.
Bien que l'APD à prix courant ait atteint des sommets,
elle continue à rester bien en deçà de l'objectif de 0.7%
du RNB des pays donateurs. Le niveau du ratio est resté bien en dessous
du niveau enregistré dans les premières années d'existence
du CAD.
Le graphique 1 illustre l'évolution de l'APD nette en
dollars courant, ce qui permet d'avoir une idée beaucoup plus
réaliste dans l'évolution dans le temps du volume d'aide pour la
période de 1960 à 2018.
Graphique 1 : Aide
publique au développement nette 1960-2018
Source : Graphique réalisé par les auteurs
à partir de la base de données statistiques de la Banque
mondiale.
4- Les Acteurs de l'APD
Depuis ces dernières années, l'architecture de
l'aide devient de jour en jour beaucoup plus complexe en raison de
l'intervention, en plus des donateurs bilatéraux et multilatéraux
traditionnels, des pays émergents, des fondations privées
(à titre d'exemple : la Fondation Bill et Melinda Gates), des fonds
thématiques mondiaux (comme le Fond Mondial de lutte contre le SIDA, la
tuberculose et le paludisme et des organisations de la société
civile et du secteur privé. Dans cette section, nous allons
présenter, en premier lieu, les différents acteurs qui oeuvrent
dans le domaine d'aide publique au développement au niveau
international. En second lieu, nous allons nous pencher sur les acteurs locaux
de l'APD.
4.1- Les acteurs
internationaux
Dans cette sous-section nous présentons, comme
annoncés dans le paragraphe précédent, les principaux
acteurs internationaux. En d'autres termes, l'aide venant d'un groupement de
pays.
a- L'Union
Européenne
L'Union Européenne est une entité qui
détient le titre de plus gros bailleur de fonds de l'APD (MEVALAZA
Angelo, avril 2013, P. 9). Elle est financée par ses États
membres.
Cette institution est créée le 9 mai 1950 par
Robert Schuman (Ministre français des affaires étrangères)
dans le but de mettre fin aux guerres qui ont régulièrement
ensanglanté le continent pour aboutir à la Seconde Guerre
mondiale. Dès sa création, afin de maintenir une paix durable,
une communauté fondée par 6 pays dont la Belgique, la France,
l'Allemagne, l'Italie, le Luxembourg et les Pays-Bas unissent progressivement
les pays de l'Europe sur le plan économique et politique. Cette
communauté est connue sous le nom de «Communauté
européenne du charbon et de l'acier».
b- Les institutions de
Bretton Woods
Les institutions de Bretton Woods sont créées
après la fin de la deuxième guerre mondiale. Au cours de cette
période, plusieurs pays se trouvaient dans des difficultés
financières. Ainsi, le 22 juillet 1944, sont signés les accords
de Bretton Woods par 44 nations alliées dans l'objectif de mettre en
place une organisation monétaire mondiale et de favoriser la
reconstruction et le développement économique des pays
touchés par cette guerre.
Cet accord a donné naissance à deux organismes
:
? La Banque Mondiale (BM)
La Banque mondiale est l'organisme multilatéral le
plus important. Elle a commencé son action en tant que Banque
Internationale pour la Reconstruction et le Développement (BIRD). Elle
regroupe actuellement 189 Etats membres, plus de 170 collaborateurs et plus de
130 antennes à travers le monde. Son appui consiste en des prêts
ou des dons, ou parfois un mélange des deux (matchinggrant). Le groupe
de la Banque mondiale est composé de cinq institutions oeuvrant de
concert à la recherche de solution durables pour réduire la
pauvreté et favoriser le partage de la prospérité2(*). Elles sont les suivantes :
1. Banque Internationale pour la Reconstruction et le
développement (BIRD)
2. Association Internationale de Développement (IDA)
3. Société Financière Internationale
(IFC)
4. Agence Multilatérale de Garantie des Investissement
(MIGA)
5. Centre Internationale pour le Règlement des
Différends relatif aux Investissements (CIRDI)
? Le Fond Monétaire international (FMI)
Le FMI est gouverné par ses 189 Etats membres tout
comme la Banque Mondiale. L'institution s'engage à encourager la
stabilité financière et la coopération monétaire
internationale, et s'efforce aussi de faciliter le commerce international,
d'oeuvrer en faveur d'un emploi élevé et d'une croissance
économique durable et de faire reculer la pauvreté dans le
monde3(*). Cette institution
a été créée en juillet 1944, lors d'une
conférence des Nations Unies à Bretton Woods dans le Hampshire
aux Etats-Unis.
L'une des principales fonctions du FMI est de fournir des
prêts aux pays évoquant des difficultés de la balance des
paiements. Contrairement aux banques de développement, cette institution
n'accorde pas de prêts pour des projets spécifiques.
Généralement, les prêts du FMI sont octroyés aux
pays membres qui font la demande sous forme de d'accords respectant les
conditions à remplir pour avoir accès aux ressources.
? L'Organisation des Nations Unies (ONU)
Fondée en 1945, l'organisation internationale ONU
compte aujourd'hui 193 États membres. La charte est l'instrument
constitutif de l'organisation. Cette dernière oeuvre dans de domaines
multiples tels que le changement climatique, le développement durable,
les droits de l'homme, l'égalité entre hommes et femmes, la
gouvernance, la paix et tant d'autres.
Le système des Nations Unies est souvent appelé
«Famille des Nations Unies». Il est composé de
l'organisation des Nation Unies et de nombreux programmes, fonds et
institutions spécialisées4(*). Chacune de ces entités a sa propre direction,
son propre budget et ses propres États membres.
Les institutions spécialisées comptent d'une
vingtaine telles que : FAO, FIDA, OACI, OMI, OIT, ONUDI, UNITAR et tant
d'autres
Les fonds, programmes et organisations comptent
eux-mêmes d'une dizaine tels que : PAM, PNUD, UNICEF, UNIDIR,
ONU-Habitat, FNUAP et tant d'autres.
4.2- Les acteurs locaux
Dans le cadre de l'APD, les pays
bénéficiaires disposent d'un ensemble d'acteurs locaux qui sont
incontournables dans le transfert de l'aide. Dans le cas d'Haïti, il ne
fait pas de doute que le ministère de la planification et de la
coopération externe (MPCE) est l'acteur principal autour duquel
s'articule l'ensemble de la coopération et de l'APD à Haïti.
Au MPCE s'ajoute d'autres entités comme le BMPAD, le CAED, le CIRH, la
FRH, les ONG
a- Le Ministère
de la Planification et de la Coopération Externe (MPCE)
Créé par le décret du
10 Mars 1989, le ministère de la planification a pour mission
d'élaborer des plans nationaux de développement économique
et social et à améliorer les systèmes de planification
devant permettre l'utilisation des ressources disponibles pour un
développement économique et social plus équilibré.
Il est le principal partenaire local de l'APD à Haïti. Plusieurs
plans et programmes qui proviennent des acteurs de l'APD à Haïti
sont parrainés par ce Ministère qui regroupe plusieurs
directions. Dans le cadre de l'APD, le rôle du MPCE s'exerce à
travers la direction de la coopération externe dont la mission vise
à mettre en oeuvre la politique du gouvernement en matière de
coopération externe au développement (MPCE, 2014c). La direction
de la coopération externe a pour principales attributions de :
? Contribuer à la formulation de la définition
de la politique du gouvernement en matière de coopération
externe.
? Coordonner l'identification des besoins de
coopération et des sources de financement externes.
? Établir l'adéquation entre les besoins et les
possibilités de financement et proposer des scénarii.
? Participer aux négociations des accords de
financement et d'assistance avec les bailleurs de fonds
? Veiller à l'application des principes de
l'efficacité de l'aide externe au développement
? Contribuer à l'évaluation de l'impact des
programmes et projet financés par l'aide externe
? Participer aux réunions régionales et
internationales des organisations bilatérales et
multilatérales
b- Bureau de
Monétisation des Programmes d'Aide au Développement (BMPAD)
Compte tenu de la complexité de l'aide externe et des
compétences qu'elle exige pour sa gestion, le BMPAD a été
créée sous la tutelle du MPCE. Cette institution vient en
remplacement au programme d'alimentation pour le développement (PL 480,
titre III, cité dans Lahens, août 2014) dont la mission consistait
à gérer exclusivement l'aide américaine à partir de
1985. Sa performance et son dynamisme lui ont valu la confiance d'autres
bailleurs comme le Canada, la France, l'Espagne, le Japon et l'Italie.
Chargé de la gestion des projets financés par la BM à
titre d'agence nationale d'exécution, cette institution était
aussi le principal acteur de l'accord Petrocaribe passé entre les
gouvernements haïtien et Vénézuélien (BMPAD, 2007a).
La mission du BMPAD est donc de veiller à l'application
des conventions, protocoles d'entente, accords de dons et/ou de prêts,
conclus entre le gouvernement haïtien et un donateur ou un bailleur de
fonds, dans le cadre des programmes d'aide au développement à
Haïti. Cette mission est exercée en liaison avec les organismes
nationaux et internationaux intéressés tandis que les ressources
générées par la monétisation sont utilisées
pour le financement de projets de développement prioritairement dans les
secteurs de l'agriculture, des travaux publics, de la santé, de
l'éducation, de l'environnement (BMPAD, 2007b)
Dans le cadre de l'aide internationale, les dons peuvent
être en espèce ou en nature. Pour les dons en nature, la
monétisation vise à commercialiser sur le marché local,
des denrées et des produits reçus dans le cadre des accords de
dons ou de prêts intervenus entre le gouvernement haïtien et le pays
donateur ou le bailleur (BMPAD, 2007b). Cette activité n'est pas
toutefois sans conséquence sur la production locale.
c- Le cadre de
Coordination de l'Aide Externe au Développement d'Haïti (CAED)
Comme tant d'autres acteurs locaux, Le CAED a vu le jour dans
le contexte du séisme dévastateur du 12 janvier 2010. OEuvrant au
sein du MPCE, le CAED a été conçu dans le but de faciliter
le dialogue entre le gouvernement haïtien, les bailleurs de fond ainsi que
les autres partenaires, afin que l'effort de tous s'articule autour d'objectifs
communs à long terme, à travers la mise en oeuvre efficace des
plans triennaux d'investissement. Le nouveau cadre et les nouveaux
mécanismes de coordination de l'aide externe au développement se
fixent pour objectif de mettre sur pied des modes de fonctionnement permettant
à l'aide d'appuyer les priorités de développement
économique et social de la république d'Haïti à
travers :
? Le leadership responsable du gouvernement et l'engagement
politique des bailleurs à le supporter pour une meilleure coordination
de l'aide externe
? L'adhésion des partenaires techniques et financiers
aux objectifs stratégiques de développement et programmes ou
projets d'investissement du gouvernement
? Le renforcement des capacités institutionnelles de
gestion du développement du pays, et la coordination entre tous les
acteurs concernés.
d- La commission intérimaire pour la
reconstruction d'Haïti (CIRH)
Au lendemain du tremblement de terre, les limites et les
faiblesses du cadre institutionnel de gestion de l'aide externe en Haïti
seront mises à nues. Compte tenu des nombreuses promesses d'aide
émanant des nombreux partenaires d'Haïti (traditionnels et
occasionnels), il était urgent de trouver un mécanisme
intérimaire de coordination desdites promesses, à la fois sur le
plan technique et financier (MPCE, 2012). Ainsi, la création de la CIRH
représente une réponse à la faiblesse de l'appareil
gouvernemental haïtien, déjà très fragile, dans sa
capacité à gérer un accroissement massif du volume d'aide
(MPCE, 2012). De plus, il ressort de la mission de la CIRH, une volonté
de résoudre de façon définitive les problèmes
inhérents à la gestion, à l'organisation et la
distribution de l'aide externe. C'était le moment opportun d'initier une
réforme dans la gestion de l'aide, ce qui laisse supposer qu'il existait
un manque de transparence, de cohérence et d'efficacité de l'aide
externe. La CIRH était donc chargé de coordonner sur une
période d'un an et demi (18 mois) le processus de planification et de
mise en oeuvre des priorités, plans et projets visant à appuyer
la reconstruction du pays à travers :
? Une meilleure coordination entre les bailleurs
? Un marketing ciblé du pays et une plus grande
visibilité internationale
? Une plus grande transparence de l'action publique pour la
reconstruction
? Un renforcement institutionnel des ministères
? Une mobilisation sans précédent des bailleurs
de fonds et des ONG internationales
? Une plus grande disponibilité des ressources
financières
? Une plus grande transparence dans l'action des ONG
? Un nouveau rôle de la société civile et
de la diaspora haïtienne (MPCE, 2012)
e- Le fond pour la
reconstruction d'Haïti (FRH)
Le FRH est un partenariat entre les bailleurs et le
gouvernement haïtien destiné à aider à financer les
projets de reconstruction post séismes prioritaires. Le FRH est un fonds
commun, souvent désigné comme un fonds fiduciaire multi
donateurs, un compte unique sur lequel les bailleurs donnent de l'argent.
L'Association Internationale de Développement de la Banque mondiale agit
comme administrateur du compte du FRH. Le fond pour la reconstruction
d'Haïti a pour but de mobiliser, coordonner et allouer des ressources par
des contributions visant l'amélioration des conditions de vie en
Haïti et l'assistance au renforcement des capacités à long
terme du gouvernement haïtien, en s'alignant au plan d'action pour le
relèvement national. Ses principaux objectifs sont les suivants :
? Améliorer la coordination au sein de la
communauté internationale et entre les partenaires de
développement et le gouvernement
? Tirer parti des avantages comparatifs de partenaires
éprouvés sur le plan international (BID, ONU et BM) et au niveau
local (gouvernement, agences des nations-unies, entreprises privées)
? Réduire les coûts de transaction liés
à l'aide au développement car le gouvernement et les bailleurs
traitent avec un interlocuteur unique
? Aider à éviter le chevauchement des
initiatives et la répétition des efforts
? Permettre de répondre aux besoins de financement
stratégique identifiés par le gouvernement haïtien dans le
processus de reconstruction (MPCE, 2012).
f- Les Organisations
Non Gouvernementales (ONG)
Les ONG sont reconnues comme un important acteur des relations
internationales. Elles sont impliquées dans les débats
internationaux portant sur une panoplie de sujets tels que l'aide au
développement, les secours d'urgence, l'environnement et les droits de
la personne. Par leur professionnalisme reconnu, elles sont
appréciées par les États et les organisations
interétatiques.
En Haïti, la présence continue des ONG et leurs
multiples interventions dans de nombreux secteurs d'activités ont fait
accroître leurs rôles dans la dispensation de l'aide. Ainsi,
«sont désignées `'Organisations Non Gouvernementales
d'Aide au Développement'', et identifiées ci-après
sous le sigle d'ONG toutes Institutions ou Organisations privées,
apolitiques, sans but lucratif, poursuivant des objectifs de
Développement aux niveaux national, départemental ou communal et
disposant de ressources pour les concrétiser» (Article 1,
décret 14 septembre 1989) (MPCE,2014b). Selon l'article 13 de ce
même décret, les activités des ONG sont coordonnées
et supervisées par le MPCE par l'intermédiaire de l'Unité
de Coordination des Activités des ONG (UCAONG) au niveau national et au
niveau départemental par le Conseil Départemental de Coordination
et de Supervision des Activités des ONG(MPCE,2014d).
CHAPITRE II-
L'EFFICACITÉ DE L'AIDE : UNE REVUE DE LITTÉRATURE
Ce chapitre traite un aspect important du travail : la
revue de littérature. Il avance les points de vue de trois
catégories d'auteurs. Ceux qui croient que l'aide a un impact positif,
ceux qui voient l'aide comme obstacles à la croissance et enfin ceux qui
pensent que l'aide a un impact positif conditionnel. La déclaration de
Paris est aussi passée en revue vu son rôle dans la question de
l'efficacité de l'aide. On enchaîne avec les scores obtenus par
Haïti dans le cadre de cette déclaration.
1- Littérature sur
l'efficacité de l'aide
La littérature scientifique sur l'APD et son
efficacité est très étendue. De nombreux travaux
théoriques et empiriques ont cherché à évaluer son
efficacité, et cette dernière est en
généraletrès contestée. De l'aveu même du CAD
et de l'OCDE, aucune méthode ne peut prétendre mesurer
l'efficacité de l'aide au développement de manière
certaine (Larquemin, 2008). Selon Easterly (2003), les débats concernant
l'efficacité de l'aide sont marqués profondément par
l'absence d'un modèle théorique clair et accepté à
l'unanimité. Pour se faire une idée de l'efficacité de
l'APD, les économistes et les experts en développement se sont
toujours penchés sur l'impact de cette dernière sur la croissance
et la réduction de la pauvreté. Cette partie du travail se fixe
pour objectif de recenser les travaux théoriques et empiriques les plus
pertinents effectués autour du concept APD. Cet exercice va nous
permettre de mieux cerner les différents contours de l'APD en ce qui a
trait à son efficacité.
L'idée de base de l'APD était que le processus
de croissance des pays les moins avancés était freiné par
une épargne domestique et des réserves en devises trop faibles.
Il est alors très vite apparu comme évident qu'une aide
financière de la part des pays industrialisés ayant, eux,
réalisé leur décollage économique, permettrait de
favoriser celui de ceux en développement. Dans ce même ordre
d'idée, d'Harrod (1939, 1942) et Domar (1946) soutiennent que l'aide
publique au développement peut accroître l'investissement et
induire une augmentation de la croissance. Dans leurs travaux, ils ont
postulé que lorsque l'épargne interne est défaillante, le
volume de l'épargne étrangère peut aider à
atteindre un taux d'investissement compatible avec le taux de croissance
désiré.
Les auteurs Nurske, Rosentein-Rodan (1943, 1961a, 1961b)ont
démontré que l'APD est cruciale pour une économie en
besoin de financement. Ces auteurs ont fait remarquer que des injections
massives en flux de capitaux extérieurs devaient favoriser le
financement des investissements dans les pays en développement et leur
permettre de faire un saut qualitatif vers le développement
économique et social. Nurske (1953) a relevé l'une des limites de
ces travaux. Il souligne le fait que l'aide pourrait courir le risque de se
voir détournée vers la consommation et non la production.Pour
Chenery et Strout (1966), la situation de sous- développement des pays
pauvres est caractérisée par la diminution de leurs
possibilités de développement, par le manque de l'épargne,
le manque des devises étrangères donc l'impossibilité
d'importation. Le rôle de l'APD est de combler l'écart entre
l'épargne et l'investissement.
L'efficacité de l'aide publique au développement
figure sans aucun doute dans le top des sujets suscitant plus de controverse
parmi les experts du développement. Lui est reproché son manque,
voire son absence d'efficacité vis-à-vis des objectifs qui lui
ont été assignés lors de sa création. Dès
les premières politiques d'aide, de nombreuses études ont
été menées afin de vérifier l'impact de l'aide sur
les pays à faible revenu. Ainsi, des études ont tenté
d'observer l'impact de l'APD sur la croissance et sur l'épargne
domestique. Ces travaux sont initiés par Griffin et Enos (1970). A
travers leur travail, ils n'ont pas réussi à mettre en
évidence de telles relations et parvenaient au contraire à
montrer que l'APD a un impact négatif sur l'épargne domestique.
L'économiste américain Gustave Papanek, en utilisant le
modèle présenté par Griffin et Enos, a lui-même
tenté d'étudier l'impact de l'aide. Ses résultats montrent
pour la première fois qu'en dépit de l'impact négatif de
l'aide sur le taux d'épargne, il existe une relation positive entre
l'APD et la croissance économique. Pourtant, ces résultats
mettent en évidence une corrélation et ne peuvent à eux
seuls identifier une relation de cause à effet entre l'APD et la
croissance.
Milton Friedman (1958), Peter Bauer (1972) et William Easterly
(2001) sont les opposants les plus farouches à l'APD. Ils affirment
qu'il n'existe aucune relation entre l'APD et la croissance et que celle-ci a
conduit à une expansion de la bureaucratie étatique,
pérennise les mauvais gouvernements et enrichit l'élite des pays
pauvres. Ces auteurs évoquent l'ampleur de la pauvreté en Afrique
et en Asie du Sud en dépit de 30 ans d'aides et le cas des pays qui ont
reçu de gros apports d'aide et qui ont pourtant affiché un bilan
désastreux comme la République Démocratique du Congo
(RDC), la Papouasie-Nouvelle-Guinée, Haïti, et la Somalie. Ils
suggèrent un profond remaniement de l'aide ou tout simplement sa
suppression.
Par contre, Joseph Stiglitz (2002), Nicolas Stern (2002) et
Jeffrey Sachs (2004) soutiennent que, même si l'aide n'a pas toujours
bien fonctionnée, elle a joué un rôle stratégique
dans la croissance et la lutte contre la misère de nombreux pays et a
contribué à empêcher des résultats encore pire dans
de nombreux autres pays. Pour asseoir leurs points de vue, des pays comme le
Botswana, la Corée, l'Indonésie, le Taiwan et, plus
récemment, la Mozambique et l'Ouganda qui ont
bénéficié de l'APD ont servi de modèles de
réussite à ces auteurs. De leurs avis, les lacunes liées
à l'APD sont imputables aux bailleurs de fonds. Par ailleurs, ils ont
souligné que depuis 40 ans, les indicateurs de pauvreté se sont
repliés dans de nombreux pays et les indicateurs de santé et
d'éducation ont connu une croissance sans précédent dans
l'histoire de l'humanité.
La fin des années 1980 et le début des
années 1990 sont marqués par la multiplication d'études
très critiques à l'encontre de l'aide au développement.
Mosley et al. (1987, 1992) ; souligne l'absence d'efficacité
macro-économique des projets de développement ; ses effets
potentiellement pervers pour les structures incitatives des pays en
développement sont avancés par (Bauer, 1993 ; Berg, 1993 ; Thiel,
1996). La remise en cause des fondements de l'aide, associée à la
crise économique et aux contraintes budgétaires fortes pesant sur
de nombreux pays donneurs, a entraîné à partir de 1992 une
chute brutale des flux d'aide en direction des pays en développement.
C'est dans cette conjoncture défavorable à l'aide internationale
que la Banque mondiale a relancé le débat sur l'efficacité
de l'aide avec la publication de son rapport AssessingAid(1998).
Fondé sur les travaux de Burnside et Dollar, ce rapport soutient que
l'efficacité de l'aide en matière de croissance dépend de
la qualité des politiques économiques des pays en
développement, ouvrant ainsi la voie au principe de
sélectivité des pays receveurs sur la base de ce
critère.
L'analyse de Burnside et Dollar (1997, 2000) est au coeur du
débat sur l'efficacité de l'aide qui a animé la
communauté internationale dans les années 1990. L'idée
développée par Burnside et Dollar et défendue par la
Banque mondiale dans le rapport AssessingAidest que
l'efficacité de l'aide en termes de croissance dépend de la
qualité des politiques économiques mises en oeuvre par les pays
en développement. Cette conclusion se fonde sur un travail
économétrique dans lequel Burnside et Dollar estiment des
équations de croissance incluant une variable d'aide et un terme d'aide
en interaction avec un indicateur de politique économique.
L'étude de Burnside et Dollar et le rapport AssessingAidont
constitué une réponse aux détracteurs de l'aide :certes,
l'aide n'est pas toujours efficace, mais quand les politiqueséconomiques
mises en oeuvre par les pays endéveloppement sont saines, l'aide a une
influence positive surla croissance.
Les travaux de Burnside et Dollar ont été
poursuivis par Collier et Dollar (2001, 2002), qui tentent d'identifier les
implications en matière de réduction de la pauvreté, d'une
réallocation de l'aide en fonction de la qualité des politiques
économiques et du niveau de pauvreté des pays en
développement. Pour comprendre l'effet de l'aide sur la réduction
de la pauvreté, certains auteurs ont évoqué son impact sur
la croissance économique : si l'aide contribue à la croissance et
que la croissance contribue à la réduction de la pauvreté,
alors l'aide permet de lutter contre la pauvreté. L'analyse de Collier
et Dollar consiste à optimiser l'allocation de l'aide de façon
à maximiser la réduction de la pauvreté. Deux idées
servent de socle à Leur modèle : (i) l'aide a un effet positif
sur la croissance dans les pays ayant mis en place de bonnes politiques
économiques (Burnside et Dollar, 1997, 2000) ; et (ii) la croissance
entraîne une réduction de la pauvreté (Ravallion et Chen,
1997 ; Dollar et Kraay, 2000).
Le coeur de leur analyse réside alors dans
l'idée suivante : « pour maximiser la réduction de la
pauvreté, l'aide devrait être allouée aux pays ayant de
graves problèmes de pauvreté et de bonnes politiques
économiques » (Collier et Dollar, 2002 : 1482). En se fondant sur
les conclusions de l'analyse de Burnside et Dollar, Collier et Dollar
défendent alors l'idée que la réduction de la
pauvreté serait maximisée par une allocation fondée sur
les performances économiques et la qualité des institutions des
pays receveurs. Selon ces auteurs, l'aide est conditionnellement productive.
Elles soutiennent la croissance économique dans les pays qui
mènent de bonnes politiques économiques. Mais dans les pays
où l'environnement de politique macroéconomiques est malsain,
l'aide est sans effet sur la performance macroéconomique.
Les travaux de Burnside, collier et Dollar n'étaient
pas exempts de critiques. L'analyse d'Easterly et al. (2003) a permis
d'infirmer l'efficacité de l'aide au développement même en
présence de bonnes politiques macroéconomiques. En se basant sur
les résultats de Burnside et Dollar (1997, 2000), Easterly, Levine et
Roodman (2003) se sont intéressés à l'impact de l'aide au
développement sur la croissance du PIB par habitant dans le monde en
prenant en compte la qualité de la politique économique
menée. Utilisant le même échantillon que celui de Burnside
et Dollar en s'élargissant à d'autres pays, les mêmes
variables explicatives, la même méthode de spécification et
l'ajout de nouvelles données disponibles, ils arrivent à la
conclusion que l'action positive sur la croissance économique de l'aide
disparaît même en présence de bonnes politiques
économiques. Ce résultat a remis en cause l'idée admise de
Burnside et Dollar. Le débat sur l'efficacité de l'aide au
développement est donc relancé.
Pour montrer l'impact de l'aide sur la croissance, Clemens,
Radelet et Bhavnani (2004) fait une distinction entre deux types d'aide :
celle dont on peut attendre des répercussions rapides sur la croissance,
et celle qui présente un objectif humanitaire ou un intérêt
économique sur le long terme. Ils évoquent non pas la
qualité des politiques économiques menées comme facteur
d'efficacité de l'aide, mais ce qu'elle finance. Pour eux, l'aide
alimentaire est contre-productive alors que le financement des infrastructures
économiques a un impact positif sur la croissance économique
à moyen terme. Ils démontrent ainsi un effet notable de l'aide
à impact rapide, que les pays bénéficiaires mènent
ou non une bonne politique.
DambisaMoyo de son côté voit l'aide comme un
facteur nocif pour le développement. Passant en revue la performance des
pays africains pendant cinq décennies d'octroi d'aide internationale,
Moyo tire cette conclusion : « l'aide n'est pas la solution,
c'est une partie du problème - en fait l'aide est le problème
» (Moyo 2009 : 47).D'après cette auteure, non seulement l'aide
encourage les pratiques de corruption mais elle est aussi source de conflits,
ralentit la croissance et décourage la libre entreprise. Moyo rend
l'aide responsable de quasiment tous les maux de l'Afrique, en allant
jusqu'à dire qu'elle a contribué à rendre les pauvres
encore plus pauvres. De fait, elle affirme, sans aucune nuance, que l'aide est
un « désastre total » (Moyo 2009 : 6).
Les conclusions d'Easterly ne sont pas
différentes de celles de Moyo, mais elles sont plus nuancées
et sont basées sur les résultats de travaux empiriques.
Les résultats des travaux d'Easterly (1999, 2001, 2003) montrent que
l'aide « n'achète » pas la croissance, et cela
indépendamment du montant des sommes déboursées. Par
conséquent, Easterly (2006) affirme que la croyance selon laquelle
l'aide peut sortir les pays de la pauvreté ne relève que d'un
« mythe » qu'il formule comme suit : « les pays les plus
pauvres sont prisonniers d'un piège à pauvreté dont
ils ne peuvent sortir sans un plan massif financé par l'aide
internationale, plan constitué d'investissements et de mesures à
même d'effacer tout ce qui empêchait jusque-là le
développement ; après quoi, ces pays connaîtront un
décollage menant à une croissance autonome, et l'aide
internationale deviendra inutile. » (Easterly 2006 : 53). Easterly ne
cesse de critiquer les défenseurs de l'aide massive, comme Jeffrey
Sachs, et affirme que les théories avancées par ces derniers ont
été mises en échec en Afrique décennie après
décennie.
Dans la littérature sur l'efficacité de
l'aide, l'effet de l'aide sur les indicateurs sociaux a été moins
étudié. Cependant, les rares études qui ont
évalué directement l'impact de l'aide sur les indicateurs sociaux
de bien-être aboutissent à des résultats
controversés. Ainsi, Burnside et Dollar, fidèles à leurs
idées, soutiennent que l'aide ne favorise la baisse de la
mortalité infantile que dans les pays qui mènent de bonnes
politiques économiques. Gomaneeet al. (2003) mettent en
évidence une influence positive de l'aide sur l'indicateur de
développement humain et sur la réduction de la mortalité
infantile. Quant à Kosack (2003), l'aide n'a d'effet sur le
développement humain que dans les régimes démocratiques.
Selon eux, cet effet passe par le financement de dépenses publiques
favorables aux plus pauvres. La qualité de l'environnement de politique
économique ne serait pas déterminante. Pourtant, les analyses
économétriques de Mosley et al. (1987) tout comme Boone (1996)
concluent que l'aide internationale est stérile. Les résultats de
leurs études prouvent que l'aide internationale n'a aucun effet sur la
mortalité infantile.
D'autres travaux ont également identifié
certains facteurs naturels et structurels pouvant influencer
l'efficacité de l'aide dans les pays en développement. Ainsi
Guillaumont et Chauvet (2004) ont démontré que l'aide
était en moyenne plus efficace dans les pays qui étaient
fortement exposés aux chocs extérieurs tels que les fluctuations
brutales des termes de l'échange où les importantes variations
climatiques. D'après Collier et Dehn (2001) l'aide pourrait
effectivement avoir un effet dit « compensateur » et atténuer
l'impact négatif de ces chocs exogènes sur la croissance. Par la
suite Dalgaard, Hansen et Tarp (2004) ont observé que l'aide
était moins efficace dans les pays géographiquement proches des
tropiques, mettant en lumière le fait que les rendements induits par
l'APD, notamment dans le secteur agricole, seraient limités par une trop
faible productivité causée par les conditions climatiques
difficiles de ces zones géographiques. Acemoglu, Johnson et robinson
(2003) focalisent leur attention sur les facteurs historiques notamment la
colonisation. Enfin d'autres études, Kosack (2003), Collier et Hoefler
(2002) ont également souligné la prépondérance de
la qualité institutionnelle et notamment du climat politique dans la
performance de ces flux.
La littérature sur l'efficacité de l'aide
demeure extrêmement riche et variée et comporte quasiment autant
d'articles qui exposent la relation positive entre l'aide et la croissance que
d'articles qui soutiennent l'absence totale de relation. Cette diversion dans
la littérature sur l'efficacité de l'aide est inspirée du
manque de consensus divisant les pays et les institutions en charge de
l'allocation de l'aide publique au développement. Bien que certaines
études, comme celle de Burnside et Dollar, aient fortement
influencées la décision d'octroyer l'APD et le choix des pays
destinataires, l'impossibilité de statuer sur cette question ne permet
toujours pas de standardiser la façon dont ces flux devraient être
déboursés et alloués.
Dans l'optique de trouver un résultat final à ce
débat, des auteurs, en considérant à chaque fois les
différents modèles utilisés, se portent à mener des
méta-analyses sur l'ensemble des travaux effectués
antérieurement. Cette démarche était juste pour conclure
si, dans l'ensemble, la recherche scientifique avait davantage identifié
d'impacts positifs de l'aide sur la croissance que d'impacts négatifs ou
même inexistants.
Ainsi, Hansen et Tarp (2000) a effectué un travail
d'analyse des résultats issus de ses différents travaux de
recherche, depuis les années 1960 jusqu'en 2000. Il a regroupé
les travaux empiriques en trois générations : La
première traite la relation entre l'aide, l'épargne et la
croissance ; la deuxième, se penche elle-même sur la
relation entre l'aide, l'investissement et la croissance ; par contre la
troisième explore la relation entre l'aide, les politiques et la
croissance. Ses conclusions soutiennent que la littérature atteste
globalement que l'aide augmente la performance économique. : «
L'aide augmente l'épargne ; l'aide augmente l'investissement ; et il
existe une relation positive entre l'aide et la croissance » (Hansen
et Tarp 2000 : 393). Au-delà de ce constat, il a affirmé que
même dans les pays avec un environnement politique défavorable le
lien entre l'aide et la croissance reste forte. Ils soutiennent que pour
les trois générations d'étude, la majorité des
travaux montre qu'il y a une relation positive entre l'aide et la croissance et
ils sont convaincants. En 2001, Hansen et Tarp par leur propre étude
empirique, ont complété cette revue de littérature. Ils
arrivent aux mêmes conclusions : « l'aide augmente le taux
de croissance et cette conclusion ne dépend pas de l'indicateur de
gouvernance établi par Burnside et Dollar (2000) »
(Hansen et Tarp 2001 : 566).
Ces méta-analyses ont conclu qu'effectivement, les
travaux réalisés avaient majoritairement observé un effet
positif de l'aide, mais ont cependant soulevé une question
primordiale ; celle du biais de publication. L'existence du biais de
publication, mise en évidences par Doucouliagos et Paldam (2009),
soutient que les chercheurs et économistes (notamment ceux directement
liés aux institutions financières internationales comme la Banque
mondiale ou le FMI) seraient plus enclin de publier des résultats
positifs de l'aide sur la croissance dans le but de justifier l'intervention de
ces institutions dans les pays en développement.
En réponse à l'étude de Doucouliagos et
Paldam, Tarp (2013), dans une analyse, contredit les résultats en
démontrant qu'il n'existait pas de biais de publication et que l'aide
était globalement efficiente.
1.1- Récapitulatif de la
revue de littérature
Tableau 1- Tableau
récapitulatif de la revue
Littérature entre la relation de l'APD et
croissance
|
Auteurs
|
Leçons tirées
|
Positions
|
Relation entre aide et croissance
économique
|
Harrod (1939, 1942) et Domar (1946)
|
L'aide publique au développement peut accroître
l'investissement et induire une augmentation de la croissance.
|
Partisan
|
Nurske, Rosentein-Rodan (1943, 1961a, 1961b)
|
L'APD est cruciale pour une économie en besoin de
financement.
|
Opposant
|
Griffin et Enos (1970)
|
L'APD a un impact négatif sur l'épargne
domestique.
|
Opposant
|
Gustave Papanek
|
En dépit de l'impact négatif de l'aide sur le taux
d'épargne (Griffin et Enos, 1970), il existe une relation positive entre
l'aide et la croissance.
|
Partisan
|
Milton Friedman(1958), Peter Bauer (1972) et William Easterly
(2001)
|
Aucune relation entre l'APD et la croissance. L'APD selon eux
ne fait qu'enrichir les élites des pays pauvres.
|
Opposant
|
Stiglitz (2002), Nicolas Stern (2002) et Jeffrey Sachs (2004)
|
Même si l'APD n'a pas toujours bien fonctionné,
il joue dans la réduction de la pauvreté.
|
Partisan
|
Relation entre APD, institution et politique
économique
|
Burnside et Dollar (1997, 2000)
|
L'efficacité de l'aide dépend de la
qualité des politiques économiques mises en oeuvre dans le
pays.
|
Partisan
|
Easterly et al. (2003)
|
Infirme l'efficacité de l'aide au développement
même en présence de bonnes politiques macroéconomiques.
|
Opposant
|
Bräutigam et Knack (2004)
|
Un niveau d'aide élevé s'accompagne d'une
détérioration de la qualité de la gouvernance et aussi un
effort fiscal plus réduit dans le pays récipiendaire.
|
Partisan
|
DambisaMoyo
|
L'aide n'est pas la solution, elle est une partie du
problème. En fait, elle est le problème.
|
Opposant
|
Gomaneeet al. (2003)
|
L'aide influence positivement l'IDH et sur la réduction
de la mortalité infantile.
|
Partisan
|
Relation entre Aide, Gouvernance et
Pauvreté
|
Fielding et al. (2006)
|
L'APD a une influence positive sur les variables des OMD, mais
peu favorable aux pauvres. Puisque le sous-groupe des personnes les plus
pauvres ne semble pas être le principal bénéficiaire.
|
Partisan
|
Konsack (2003)
|
L'aide n'a d'effet sur le développement humain que dans
les régimes démocratiques.
|
Partisan
|
Source : Tableau réalisé des auteurs
|
|
|
1.2- Positionnement sur la
revue de littérature
Nous arrivons à comprendre, grâce à la
revue de littérature théorique, le niveau de diversité qui
existe entre les différents chercheurs par rapport au concept d'Aide
Publique au Développement et la problématique de son
efficacité en termes d'impact sur la croissance économique et sur
la réduction de la pauvreté. En résumé, nous avons
pu découvrir trois grands courants théoriques concernant
l'efficacité de l'APD. Un courant stipule que l'APD « n'influe
pas sur la croissance, au contraire elle peut même la
freiner ». Parmi les auteurs qui ont été à bord
de ce courant de pensée, DambisaMoyo, Milton Friedman (1958), Peter
Bauer (1972) et William Easterly (2001) furent les opposants les plus
farouches de la liste.
Le deuxième courant laisse croire que l'APD, de
manière générale, influence positivement la croissance
économique (dépendamment du pays). Il faut mentionner que, selon
plus d'un, le rendement décroît à mesure que l'aide
augmente. Les auteurs Harrod (1939, 1942), Domar (1946), Burnside et Dollar
(1997, 2000) et tant d'autres sont ceux faisant partie du groupe.
Le troisième et dernier courant que nous avons retenu
avance que l'influence de l'Aide Publique au Développement sur la
croissance économique est conditionnelle. Leurs travaux sontbasés
sur l'idée selon laquelle l'efficacité de l'Aide Publique au
Développement dépend des caractéristiques des pays
récipiendaires de l'aide. Des auteurs ont même avancé que
l'efficacité de l'aide dépend aussi des pratiques et des
procédures des bailleurs de fonds envers les pays aidés. Parmi
les auteurs ayant adopté cette position, on peut citer, entre autres,
Konsack (2003), Collier et Hoefler (2004), Dalgaard, Hansen et
Tarp (2004).
2- Des problèmes
à l'APD
2.1- A qui profite de l'aide
?
Selon le programme des Nations-Unies pour le
Développement (PNUD), la gestion de l'aide génère des
coûts exorbitants. Environ 100 000 experts étrangers, dont 2700
fonctionnaires du FMI et 8000 de la Banque mondiale sont envoyés chaque
année dans les pays récipients d'air. Leurs salaires
représentent environ 20% du total de l'aide, soit 10 milliards de
dollars par année ; les dépenses de fonctionnement des
organisations internationales (soit une estimation de 577 millions de dollars
américains pour le FMI et 1 milliard pour la Banque Mondiale) sont
incluses (MD, sept. 2000).
Les apports de capitaux vers les pays dominés
favorisent les rapatriements privés vers les pays donateurs a plus de
80% du flux initial. L'aide revient aux pays donateurs sous forme d'une demande
de bien d'équipement et de consommation ou de produits alimentaires.
L'aide est bénéfique aussi pour les entreprises oeuvrant au sein
des pays donateurs ayant profité des flux en retours pour investir et
créer des emplois, car un flux financier en direction d'un pays
sous-développé génère plus considérablement
des flux en retour dans les pays donateurs.
2.2- Responsabilité des
bailleurs
En ce qui a trait à la responsabilité des
bailleurs, ils n'ont pas tenu parfaitement leurs promesses. Un rapport de
l'OCDE datant de 2008 soutient que l'imprévisibilité des flux
d'aide reste un problème, car seulement un tiers de l'aide
annoncée est décaissé à temps. Selon la banque
mondiale, 47.5% des fonds en soutien au plan de développement 2004-2007
avaient été décaissés en septembre 2007. Pour les
financements annoncés en réponse du cyclone de 2008 en
Haïti, 12% avait été décaissé en
décembre 2009. Pour l'année 2010, les bailleurs arrivent à
décaisser près de 70% des fonds promis. Et aussi plus de 60% des
fonds pour les années 2010 et 2011 n'arrivent pas à être
décaissés. Le calendrier de flux d'aides importants, y compris
à l'appui budgétaire, reste imprévisible.
3- APD et la déclaration
de Paris
3.1- Les indicateurs
d'efficacité de l'APD
Le débat sur l'efficacité de l'aide occupe
depuis plusieurs années le devant de la scène du
développement. Cependant, il n'existe pas de méthodes permettant
de mesurer l'efficacité de l'APD de manière indiscutable.
Après la naissance du programme de l'efficacité
de l'aide au sommet de l'ONU en 2002 à Monterrey, une conférence
internationale s'est tenue en février 2003 à Rome à
l'initiative de l'OCDE et d'un groupe de pays donateurs. Lors de cette
conférence, un engagement mutuel a été scellé en
vue d'améliorer l'efficacité de l'aide. La déclaration
finale de Rome a associé une quarantaine d'agences d'aide et 28 pays
bénéficiaires, afin de respecter les priorités des pays
bénéficiaires, simplifier et harmoniser les procédures, et
mettre davantage l'accent sur les résultats.
Après plusieurs années de réflexion au
sein du CAD, en mars 2005, une entente internationale et un programme de
réforme historique en vue d'améliorer la qualité de l'aide
et son impact sur le développement est enfin entérinée.
Celle-ci est connue sous le nom de la «Déclaration de Paris».
Le défi lancé par cette dernière consiste à
réformer la manière dont les donneurs et les pays partenaires
collaborent pour atteindre des objectifs communs et faire le meilleur usage des
ressources limitées au développement (Revue de l'OCDE sur le
développement, 2006). Elle consacre cinq principes longuement
discutés en vue d'assurer une efficacité maximale de l'aide. Ces
cinq principes sont déclinés en quinzeindicateurs de suivi,
lesquels permettent de mieux faire une idée sur l'efficacité de
l'APD. En plus de préconiser des exercices de suivi, la
Déclaration de Paris insiste également sur la
nécessité de réaliser une évaluation des pays pour
mieux comprendre la manière dont l'amélioration de
l'efficacité de l'aide contribue à atteindre les objectifs du
développement.
Les cinq principes de la Déclaration de Paris qui
constituent la « pyramide de l'efficacité » sont les suivants
:
Harmonisation
A travers ce principe, les donateurs s'engagent à mieux
coordonner leurs actions, à leur conférer une plus grande
efficacité collective et à les rendre moins lourdes à
gérer, notamment pour les pays dont les capacités de gestion
administrative sont faibles. Ils mettent notamment en place, dans les pays
partenaires, des dispositifs communs pour la planification, le financement et
la mise en oeuvre des programmes de développement ». Ce principe
préconise donc que les actions des pays donateurs soient mieux
harmonisées et plus transparentes, afin de permettre une plus grande
efficacité collective.
L'alignement
Alors que l'appropriation peut être
considérée comme la charnière centrale de l'armature de la
déclaration de Paris, l'alignement représenterait la pièce
maîtresse du partenariat à instaurer. Ce principe
s'appréhende comme le fait de faire correspondre l'aide avec les
priorités, les systèmes et les procédures des pays
partenaires. Ceci implique que ces systèmes et procédures soient
efficaces. A terme, ce principe permettra de fixer les aides extérieures
vers les priorités et ainsi d'éviter au maximum le gaspillage des
ressources extérieures. L'expérience montre qu'une aide bien
alignée sur les politiques des pays d'une part, et sur les
systèmes nationaux d'autre part, contribue davantage au
développement qu'une aide fragmentée répondant aux
priorités des donneurs.
Les engagements pris à travers ce principe sont les
suivants :
- Les donateurs s'alignent sur les stratégies
nationales : et pour ce faire, ils s'engagent à faire reposer l'ensemble
de leur soutien sur les programmes stratégiques de développement
des pays partenaires et les évaluations périodiques sur le niveau
d'avancement de l'exécution de ces stratégies ; à lier
autant que possible leurs conditionnalités aux stratégies
nationales de développement des pays partenaires ou à
l'état de mise en oeuvre de ces stratégies
présentées dans les rapports annuels.
- Les pays partenaires renforcent leurs propres
capacités de développement avec le concours des donateurs.
-Les donateurs, quant à eux, s'engagent à
aligner le soutien qu'ils apportent en matière d'analyses ou d'aides
financières sur les objectifs et les stratégies de renforcement
des capacités.
- Le renforcement des systèmes nationaux de passation
des marchés : Les donateurs se sont engagés aussi à
recourir davantage aux systèmes des pays partenaires pour la passation
des marchés lorsque des normes et procédures convenues d'un
commun accord sont appliquées ; à adopter des approches
harmonisées lorsque les systèmes nationaux ne répondent
pas aux normes de performances convenues d'un commun accord ou lorsque les
donneurs ne les utilisent pas.
- La Consolidation des capacités de gestion des
finances publiques : Les donateurs s'engagent en outre à fournir une
liste indicative fiable d'engagement au titre de l'aide qui s'inscrit dans un
cadre pluriannuel, et à verser l'aide en temps voulu et selon un
calendrier prévisible en respectant les échéances
convenues ; à se conformer dans toute la mesure du possible sur les
mécanismes budgétaires et comptables transparents des pays
partenaires.
Appropriation
Définie comme étant la capacité des pays
à exercer une réelle maîtrise sur leurs politiques et
stratégies de développement, l'appropriation est un
élément clé de la déclaration de Paris. Elle est
cruciale pour l'efficacité de l'aide et l'obtention de résultats
en termes de développement. L'expérience montre que l'aide est
plus efficace lorsqu'elle soutient les efforts de développement des pays
partenaires et des politiques auxquelles adhèrent vraiment les
dirigeants, les fonctionnaires et les citoyens de ces pays. Par contre, elle
perd en efficacité lorsque les politiques sont imposées.
Par ce principe, les pays partenaires sont chargés
d'élaborer eux-mêmes leurs politiques et stratégies de
développement et assurent la coordination des actions de
développement. En ce sens, ils doivent entreprendre un certain nombre de
réformes afin de permettre aux bailleurs de fonds de s'appuyer sur les
systèmes nationaux et de privilégier la prise en charge des
stratégies de développement par les autorités nationales.
L'aide au développement doit être fournie conformément aux
priorités nationales et de façon adaptée aux contextes des
pays bénéficiaires qui ont défini leurs priorités.
Aucun progrès n'est possible si les parties prenantes au niveau national
et local ne souscrivent pas aux réformes économiques. C'est
pourquoi, il est important que l'ensemble des acteurs du pays s'approprient les
mesures et programmes et politiques nécessaires.
L'objectif de la Déclaration de Paris concernant cet
indicateur est de porter à 75 % la proportion de pays partenaires ayant
des stratégies de développement opérationnelles bien ou
quasiment établies (catégorie A ou B).
La gestion axée
sur les résultats
Selon le PNUD, la GAR est une stratégie ou
méthode de gestion appliquée par une organisation pour veiller
à ce que ses procédures, produits et services contribuent
à la réalisation de résultats clairement définis.
Introduite dans les années 60 par Peter Drucker, la GAR offre un cadre
cohérent de planification et de gestion stratégique en
améliorant l'apprentissage et la responsabilité. Il s'agit aussi
d'une vaste stratégie de gestion visant à apporter d'importants
changements dans le mode de fonctionnement des organismes, l'accent
étant mis sur l'amélioration de la performance et la
réalisation de résultats. Ceci passe par la définition de
résultats réalistes, le suivi du progrès dans la
réalisation des résultats escomptés, l'intégration
des enseignements tirés dans les décisions de gestion et la
communication d'information au sujet de la performance. Elle permet
d'établir une cohérence et une congruence, à partir des
orientations de politiques générales, dans les stratégies
et les actions à mettre en oeuvre pour réaliser les objectifs de
développement.
Selon la Déclaration de Paris, «axer la gestion
sur les résultats» signifie gérer et mettre en oeuvre l'aide
en se concentrant sur les résultats souhaités et en utilisant les
données disponibles en vue d'améliorer le processus de
décision. La GAR est donc une approche qui se concentre de façon
systématique sur les résultats, plutôt que vers la
réalisation d'activités déterminées, en optimisant
l'utilisation des ressources humaines et financières.
La
responsabilité mutuelle
Vue comme une innovation importante de la déclaration
de paris, la responsabilité mutuelle part du principe que l'aide est
plus efficace lorsque les donneurs et les gouvernements partenaires sont
responsables devant leurs opinions publiques de l'utilisation qui est faite des
ressources à l'appui du développement, et lorsque les uns et les
autres doivent se rendre mutuellement des comptes. Ainsi, les donateurs et les
pays partenaires sont responsables des résultats obtenus en
matière de développement. Ce principe entend concrétiser
un lien réel de partenariat entre les bailleurs de fonds et les pays
partenaires.
3.2- Haïti et la
déclaration de Paris
La déclaration de Paris
est considérée comme un instrument de référence
pour promouvoir l'efficacité de l'aide. Elle est largement
utilisée et discutée par les acteurs de la coopération
internationale. A présent, plus de la moitié de l'APD est
évaluée à l'aune des indicateurs prévus dans la
Déclaration de Paris. Ainsi, cet instrument peut être d'une
très grande utilité pour évaluer l'APD en Haïti (Voir
l'
annexe 1).
En dépit de la déclaration de Paris, l'aide
internationale à Haïti demeure très controversée en
raison du nombre élevé d'intervenants et du manque d'organisation
de ces derniers (Dufour, 2011). Outre la multiplicité des acteurs,
survient un autre enjeu d'importance dans la coordination de l'aide. Il s'agit
de l'apparition des nouveaux donateurs comme la chine qui ne s'efforce pas de
participer à l'harmonisation de l'aide (Jacquet, 2006). Les obstacles
tant au niveau interne qu'externe à l'APD en Haïti constituent un
grand frein à son efficacité et entravant ainsi l'atteinte des
objectifs de développement durable.
Selon une enquête de 2009, les objectifs ont
été atteints pour 2 des 15 indicateurs établis par la
Déclaration de Paris sur l'efficacité de l'aide, un léger
progrès a été mesuré pour 2 indicateurs, alors que
11 indicateurs ont stagné ou sont même sujets d'un recul. En se
basant sur cette enquête, on pourrait dire que le résultat
escompté n'a pas été atteint. Donc à la
lumière de la déclaration de Paris en fonction du score obtenu
pour chaque indicateur, on peut se permettre de dire que l'aide n'est pas
efficace dans le cas d'Haïti.
CHAPITRE III :
EFFICACITÉ DE L'AIDE EN HAÏTI (LES FAITS)
Ce chapitre est consacré exclusivement à
Haïti. Il présente l'origine et l'évolution de l'APD, la
situation socio-économique du pays au travers des indicateurs
macro-économiques, la situation des OMD et enfin des facteurs
jugés comme obstacles à l'efficacité de l'aide.
1-APD en Haïti
1.1- Origine de l'APD en
Haïti.
Le pays connaît un déséquilibre
socio-économique structurel causé par la croissance de sa dette
publique qui date depuis le lendemain de son indépendance en 1804. Son
niveau d'épargne et d'investissement est faible. En effet, ce triple
déficit, budgétaire, d'épargne et de la balance des
paiements semble durer trop longtemps. Cette situation à laquelle se
trouvait le pays était caractérisée par le manque de
ressources pour répondre à ses besoins qui deviennent de plus en
plus importants en raison de sa croissance démographique
accélérée. En effet, la croissance de cette dette
jusqu'à l'occupation américaine occasionne les États-Unis
à assurer leur hégémonie sur Haïti en matière
de financement externe. Ainsi, les États-Unis reste un des pays les plus
ancrés dans les affaires économique, politique et
financière d'Haïti. En 1919, en pleine occupation
américaine, Haïti signait un accord qui lui permet de
bénéficier d'un prêt de 40 millions de dollars US.
Dès lors, Haïti, dans le but de rembourser ce prêt aux
États-Unis, a fait une succession de prêts : Les emprunts de 1922
(23 millions de dollars), celui de J.G White de la EXIMBANK, en 1941 (emprunt
de 5.5 millions de dollars auprès du précurseur de la Banque
Mondiale) et un emprunt en juillet 1941 de la SHADA financé par
EXIMBANK.
1.2- Evolution de l'APD en
Haïti
L'aide à Haïti a débuté
véritablement au cours de la décennie de 1950 à 1960. A
cette époque, le gouvernement américain fait des dons à
Haïti évaluant à 40 millions dollars US, dont plus de 50%,
soit 21.4 millions, ont été décaissés en faveur du
gouvernement des Duvalier (Pean, 2007). Selon Pean, pour l'année fiscale
1961, le support financier américain était de 14.9 millions de
dollars, dont 11.4 millions en dons, 2.5 en assistance technique, 1.14 million
en aide alimentaire et 250,000 en prêts. De 1952 à 1968, l'aide
américaine à Haïti était estimée à 64
millions de dollars US. Haïti a reçu un montant d'aide beaucoup
plus important à partir des années 1970. Au cours de cette
année, Haïti a reçu un prêt de 236 millions de dollars
US de la part du FMI afin d'irriguer les terres agricoles de la vallée
de l'Artibonite. L'aide apportée dans les années 1960 à
1970 était très controversée en raison des multiples
violations des droits humains perpétrées sous le régime
Duvaliériste. Les prêts sont parfois stoppés et parfois
rétablis.
De 1980 à 1982, l'APD à Haïti croit au taux
respectif de 2.12%, 18.81% et 4.59%. Pendant cette période, comme
beaucoup d'autres pays en développement, Haïti appliquait les
politiques d'ajustement structurel préconisées par les
institutions de brettonwoods. Les troubles politiques que connaissait le pays
à la fin du régime de Duvalier n'ont pas permis à l'APD de
connaître une croissance de long terme. Dans les années qui ont
suivi le départ de Jean-claude Duvalier, l'APD a pris la forme de
facilité d'ajustement structurel (FAS) du FMI, de crédit de
rétablissement économique de la BM et de crédit du
gouvernement des Etats-Unis (Lahens, 2014). L'APD à Haïti est donc
passé de 200 millions de dollars américains en 1986 à 250
millions en 1987, pour connaître une réduction en 1991 à
cause du coup d'état du 30 septembre (Beaulière et autres,
cité dans Lahens, 2014).
Quoiqu'une baisse significative de l'aide a été
observée au niveau mondial au début des années 1990, la
situation d'Haïti en matière d'aide était encore plus
difficile. De 1991 à 1994, un embargo et des sanctions
économiques étaient infligés à Haïti.
Malgré les sanctions imposées par la communauté
internationale, l'aide externe, notamment celle des Etats-Unis, continuait
à affluer à travers d'autres canaux de transmission, en
particulier les ONG. De 1990 à 1993, le total de l'APD à
Haïti se chiffrait à 276.9 millions de dollars dont 15.3%
était consacré à l'économie, 38.3 à la
sécurité alimentaire et 46.4% à la santé (NAPA,
2006)
A partir de 1995, le retour à l'ordre constitutionnel a
permis le déblocage de l'APD à Haïti et une hausse
exponentielle a été observée. Une croissance de 397.17%
par rapport à l'année précédente a
été enregistrée. Toutefois, les années comprises
entre 2000 et 2003 ont marqué par un ralentissement de l'aide dû
à l'instabilité socio-politique qu'a connu le pays. Suite
à cette période, l'APD affiche une tendance à la hausse
entre 2005 et 2009 avec un taux de croissance moyen oscillant entre 30%
à 40%.
Deux grands changements ont été adopté au
regard des modalités de l'aide en Haïti dans l'intervalle
2004-2009. Premièrement, la Banque interaméricaine de
développement (BID), la Banque mondiale et les bailleurs
bilatéraux ont converti leur APD à Haïti de prêts en
dons et annulé la plus grande partie de la dette du pays.
Deuxièmement, les bailleurs ont rétabli l'appui budgétaire
comme modalité et ont offert une aide budgétaire
générale conséquente au gouvernement, environ 60.5
millions de dollars par an en moyenne, y compris 93.6 millions de dollars pour
l'exercice budgétaire 2009.
Entre les années 2004 et 2009, l'aide est passée
de 298.6 millions de dollars à 1.12 milliard de dollars (OSE, 2011).
Cela inclut un doublement de l'aide humanitaire, qui a passé de 70
millions de dollars en 2004 à près de 140 millions de dollars en
2009. Entre 2004 et 2009, le gouvernement haïtien a reçu un
soutien important dans le but de préparer des politiques de
développement se projetant sur plusieurs années susceptibles de
donner une nouvelle orientation à l'aide.
? L'APD
après le séisme du 12 janvier 2010
Le volume de l'APD a fluctué de manière
significative au cours des 20 dernières années. Cependant, la
période post-tremblement de terre a changé
considérablement la donne. Après l'annulation des dettes
bilatérales d'Haïti par les pays du G7, en mars 2010, lors de la
réunion de New-York, les bailleurs de fonds et les états membres
des nations unies ont promis de mobiliser un montant de 10 milliards de dollars
américains pour la reconstruction d'Haïti (Bernard et Salignon,
cité dans Lahens 2014). Après inventaire des besoins, le Plan
d'Action pour le Relèvement et le Développement d'Haïti
(PARDH) a été présenté par le gouvernement
haïtien et le coût était estimé à 11 milliards
de dollars. Lors de la conférence, 58 bailleurs ont fait la promesse de
soutenir la mise en oeuvre du PARDH.
La promesse des 10 milliards des partenaires et amis
internationaux pour permettre au pays de s'engager sur la voie du
relèvement suite au séisme ne s'est pas tenue, car les
décaissements n'ont pas atteint ce chiffre. Pour la période
2010-2012, des apports de 6.04 milliards US étaient
décaissés avec un pic de près de 3 milliards en 2010. Ce
montant inclut 2.41 milliards pour l'humanitaire et 3.63 milliards pour la
reconstruction. Pour l'année 2010, 63.6% du montant promis était
versé. Il a été ainsi réparti : 188 millions en
appui budgétaire, 44.1 millions au fond de reconstruction d'Haïti
(FRH), 223.6 millions, à titre de dons, en provenance des nations-unies,
de la BID et de la banque mondiale, à travers le FRH, 688.9 millions en
dons au gouvernement d'Haïti, via des agences multilatérales, les
ONG et les contracteurs privés et 135.3 millions à titre de
prêt concessionnels.
Pour l'année 2011, l'aide a connu une baisse de
près de 50%, passant de 2.89 milliards à 1.5 milliard environ.
Depuis lors, l'aide ne cesse de diminuer pour ainsi atteindre la barre des 900
millions en 2018 selon nos données.
Pour les besoins de notre travail, une illustration graphique
sur l'évolution de l'aide en Haïti pour notre période
d'étude nous paraît nécessaire.
Graphique 2 :
Evolution de l'APD en Haïti en millions (1995-2018)
Source : graphique des auteurs à partir des
données de la Banque Mondiale
1.3- APD et réformes en
Haïti
1.3.1- Les programmes d'ajustements structurels
La notion d'ajustement structurel, appliquée aux pays
sous-développés, était étroitement liée
à la spirale infernale de l'endettement international, ainsi qu'à
la crise de paiement qui l'a suivie au début des années 1980.
Limité, au départ, à certains pays de l'Amérique
latine, le phénomène de cessation de paiement s'était
généralisé pour toucher plusieurs pays producteurs de
pétrole, notamment après le choc pétrolier de 1986. Face
à l'ampleur du phénomène d'insolvabilité, les
bailleurs de fonds internationaux, notamment le FMI et la Banque Mondiale,
avaient décidé d'exiger des pays emprunteurs de s'engager
à prendre des mesures économiques et financières
radicales, pour parvenir à dégager des excédents
financiers et rembourser leur dette extérieure. Dans ce contexte, les
pays devaient mettre en application certaines mesures comme : la privatisation,
l'ouverture des frontières, la libéralisation des prix, la
dévaluation, etc. Ces programmes devaient ainsi permettre aux pays
pauvres bénéficiaires de l'APD d'améliorer leur
compétitivité.
Pour bénéficier du financement international, en
matière d'aide publique au développement, les pays pauvres
devaient adhérer les PAS qui étaient devenus la seule solution
pour retrouver le développement durable. La chute de la dictature des
Duvalier en 1986 a marqué le début de l'ère
néolibérale imposée par les institutions internationales
comme condition nécessaire et suffisante pour que les pays en
développement puissent renouer avec la croissance. Dès lors, on a
assisté à une succession de programmes avec pour objectifs de
stimuler la croissance et de réduire la pauvreté.
Dans les PAS figure : la facilité d'ajustement
structurel (FAS), la facilité d'ajustement structurel renforcée
(FASR), le programme d'urgence et de redressement économique (PURE), la
Facilité pour la réduction de la pauvreté et la croissance
(FRPC), La facilité élargie de crédit (FEC).
Les retombées économiques obtenues suite
à la mise en oeuvre des différents PAS se sont
révélées insignifiantes et éphémères,
donc inefficaces. La mise en oeuvre du consensus de Washington au travers des
PAS s'est traduite par une dépossession d'un grand nombre de pays, en
particulier Haïti, de la maîtrise de leurs orientations
stratégiques. Les réformes économiques mises en oeuvre par
les institutions internationales, de concert avec les gouvernements
haïtiens dans le cadre des PAS, n'ont pas pu freiner le déclin
amorcé depuis les années 70. La déréglementation et
l'ouverture totale des marchés aggravent les problèmes des PED,
dont Haïti. Loin de favoriser le consommateur en faisant baisser les prix,
ces mesures permettent surtout aux firmes multinationales de conquérir
des parts de marché en inondant les PED de produits
subventionnés, en violation des règles édictées par
l'organisation mondiale du commerce (OMC), et en entraînant ainsi la
disparition des producteurs locaux. La baisse des prix promise se transforme
alors souvent en hausse, engendrant ainsi inflation et chômage.
Ce constat d'échec a permis à la
communauté des bailleurs, notamment la banque mondiale, le FMI, l'UE et
autres de réévaluer leurs approches de l'APD en Haïti.
1.3.2- Le document de stratégie nationale pour la
croissance et la réduction de la pauvreté (DSNCRP)
Le document de stratégie nationale pour la croissance
et la réduction de la pauvreté (DSNCRP) s'inscrit dans la logique
des documents de stratégie pour la réduction de la
pauvreté (DSRP) exigés aux pays pauvres par les institutions
financières internationales, la Banque mondiale et le fonds
monétaire international, comme condition de déblocage en leur
faveur de l'aide. Il fait suite au Cadre de coopération
intérimaire (CCI, 2004), qui avait repris l'essentiel des dispositifs
des deux Plans d'ajustement structurel (PAS) de 1986-87 et de 1996-97, dont le
Programme d'urgence et de redressement économique de 1994-95. Il met en
oeuvre une approche axée sur une vision à long terme,
caractérisée par l'accent mis sur le développement et la
rénovation des structures organisationnelles allant dans le sens d'une
plus grande efficacité en termes de mobilisation des ressources
nationales pour mettre le pays sur les rails du développement durable.
Ce Document comporte deux aspects imbriqués l'un dans l'autre : l'aspect
économique et l'aspect institutionnel.
L'aspect économique est centré sur un certain
nombre de dispositifs relatifs à l'agriculture et au
développement rural, tourisme, modernisation des infrastructures,
science, technologie et innovation. Outre le renforcement de la
productivité et l'encouragement de la consommation à travers le
relèvement du revenu moyen et du niveau de vie des ménages les
plus pauvres figure l'adaptation de l'économie haïtienne à
l'économie régionale. En effet, dans la liste des mesures
préconisées, on peut noter celle de se doter d'une
économie moderne à large base territoriale et compétitive
pour faire face à la modernisation accélérée des
économies de la Caraïbe qui rend impérieux le
rééquilibrage du rapport de compétitivité
régionale d'Haïti.
Ces objectifs purement économiques sont
complétés par d'autres axes stratégiques
spécifiques et transversaux d'intervention tels que : la garantie des
services publics essentiels (santé, éducation,
sécurité, etc.), la protection des libertés et des droits
fondamentaux (propriété, sûreté, citoyenneté,
etc.) et de l'environnement, la construction des solidarités sociales et
territoriales.
Le succès de cette stratégie nationale passe par
l'institutionnalisation des activités dans tous les domaines,
c'est-à-dire la régularisation des comportements
économiques et sociopolitiques, ainsi que des logiques conflictuelles.
Il s'agit donc d'instaurer des mécanismes coercitifs et cognitifs,
c'est-à-dire des institutions capables d'influencer positivement les
comportements et les choix individuels.
2- Traçabilité de
l'aide en Haïti
Le Ministère de la Planification et de la
Coopération Externe (MPCE) est investi de la mission de conduire, animer
et piloter le processus de planification du développement
économique et social du pays et de coordonner l'APD, en support à
l'effort national de développement. Suivant le cadre de planification
macro-économique et les priorités en matière de politiques
publiques, la répartition sectorielle de l'APD se manifeste à
travers un fractionnement imputé aux secteurs social, économique,
politique et culturel. En termes clairs, l'aide au développement doit
affecter les secteurs déterminants de l'économie, afin qu'elle
puisse déboucher sur la croissance et la réduction de la
pauvreté. Le rapport du Ministère de l'Economie et des Finances
(MEF,2002) sur la répartition sectorielle de l'APD indique qu'elle s'est
principalement concentrée ces dernières années dans les
secteurs suivants : Appui budgétaire, assistance humanitaire,
gouvernance, agriculture, environnement, santé, éducation,
transport, énergie, eau et infrastructures, le développement du
secteur privé, entres autres.
Selon ce rapport, l'aide externe est fortement orientée
vers l'appui budgétaire, la gouvernance et l'assistance humanitaire. En
effet, au cours de l'exercice 94-95,214.69 millions US ont été
octroyés en appui budgétaire, ce qui représente un
pourcentage de 35% par rapport au volume de l'APD, tandis que les secteurs
agriculture et éducation ont reçu respectivement 4.46% et 2.82%
du total d'aide. Au cours de cette même période, 64.71 millions de
dollars ont été utilisés pour l'assistance technique, ce
qui représente 10.58% de l'aide totale reçue par Haïti pour
cette période.
Sur la période allant de 1994 à 2001, le secteur
agricole a reçu en moyenne 29 millions de dollars et un montant de 6.97
millions a été alloué au secteur de l'environnement. Mais
l'agriculture, insuffisamment diversifiée et modernisée, reste
encore fortement dépendante des conditions climatiques. Après la
période de trouble politique qu'a connu le pays, la communauté
internationale a priorisé le secteur de la gouvernance en vue de
renforcer les institutions étatiques et de lutter contre la corruption.
C'est ainsi que pour l'exercice 97-98, une enveloppe de 75.92 millions de
dollars a été allouée au secteur de la gouvernance.
Bien que l'éducation et la santé aient toujours
été considérées comme les secteurs
déterminants de la croissance dans le long terme (théorie du
capital humain), on a constaté que ces secteurs n'ont
bénéficié que d'une faible part de l'aide accordée
à Haïti. Finalement, selon l'OCDE, la répartition
sectorielle de l'aide externe en Haïti présente la configuration
suivante : 53% pour le social, 3% pour renforcer la production, 11% pour
l'aide-programme, 17% pour l'aide humanitaire, 13% à l'économie
et 3% aux autres secteurs.
3- indicateurs
macroéconomiques en Haïti
3.1- Croissance économique
Globalement, la stratégie des bailleurs de fonds vise
à implanter un modèle économique reposant sur la
croissance. Étant un important bénéficiaire de l'APD, il
importe de mentionner qu'Haïti est à la fois le seul PMA de la
Caraïbe et l'un des pays les plus pauvres du monde. Conformément
à l'objectif de promotion du développement de l'APD, le pays n'a
jamais eu une forte croissance pouvant lui permettre de sortir de sa
pauvreté (Blain et Selmé, cité dans Lahens, 2014).
L'économie haïtienne a enregistré pendant
plusieurs décennies des résultats de croissance faible. Le PIB en
Haïti a connu son meilleur niveau au cours de la décennie 1970.
Durant cette période, des pics de 6.48%, 8.44% et 7.56% ont
été enregistrés dans l'économie pour les
années 1971, 1976 et 1979 respectivement.
Les bouleversements politiques internes et la situation
politico-internationale ont fait souffrir grandement l'économie
haïtienne. Entre 1981 et 1994, le taux de croissance du PIB affichait une
tendance négative allant jusqu'à atteindre le seuil de -13.8% en
1992. Au cours des premières années de la décade de 1990,
l'aide extérieure a connu une certaine raréfaction à cause
de l'embargo de 1991 et les exportations ont chuté de 29%. Avec le
rétablissement de l'ordre constitutionnel, le pays a connu un certain
calme. La coopération internationale a été reprise et cela
a permis à l'économie haïtienne de renouer avec la
croissance. Quoique faible, entre 1995 et 2000, le pays enregistrait des taux
croissance variant entre 4.4% en 1995 à 0.87% en 2000 passant
respectivement par 2.70% et 2.71 % entre 1996 et 1999.
La chute amorcée en 2000 allait déboucher sur
une crise socio-politique qui, en effet, a entraîné une croissance
de 1.04% à -3.52% de 2001 à 2004 et une reprise de l'ordre de
1.80% amorcé en 2005 (Blain et Selmé, cité dans Lahens,
2014). Pour les années qui suivent, l'économie affichait de
meilleures performances. Soit 2.25% en 2006, 3.34 % en 2007 et 3.08% en 2009.
En 2010, avec le séisme dévastateur qui a frappé le pays,
la quasi-totalité des infrastructures était détruite ou
endommagée. Cette situation nous a conduit à un taux de
croissance négatif de l'ordre de (-5.3). Une reprise rapide a
été observée l'année suivante et atteint un taux de
5.52% de croissance économique. Il faut signaler que ce taux
observé en 2011, après celui de 1995 (soit 9.9%), est le plus
fort taux de croissance observé pendant notre période
d'étude. Cependant, ce niveau de croissance obtenu en 2011 n'a
même pas pu être tenu pendant la décennie. Passant de 5.52%
en 2011 à 2.89% en 2012 pour atteindre 4.3% en 2014. Les performances
affichées par l'économie pour les années qui suivent
étaient vraiment faibles, moins de 2%.
La figure suivante présente, a prix constant de 2010,
l'évolution du taux de croissance du PIB (Axe primaire) et de l'APD
à Haïti (Axe secondaire) pour la période allant de 1995
à 2018.
Graphique
3 :Evolution du taux de croissance du PIB réel et celui de
l'APD
Source :
Graphique par les auteurs à partir des données de
WDI
3.2- Evolution du taux d'investissement
L'investissement est considéré
comme étant un facteur déterminant de la croissance, en raison du
fait qu'il exerce un impact sur les deux côtés de
l'identité comptable, à savoir l'offre et la demande globale.
L'investissement influence, d'abord dans le court terme, le niveau de la
demande, via le multiplicateur, vu qu'il est une composante de cette
dernière. En effet, les dépenses d'investissements privés
et publics représentent une partie de la demande adressée aux
entreprises d'un pays. Quand l'une ou l'autre augmente, la demande globale
augmente, et par ricochet, le niveau de la production.
Du côté de l'offre, l'investissement augmente
à moyen terme les capacités de production ainsi que la
productivité des entreprises et encourage l'innovation. Le niveau de la
production est lié aux quantités disponibles des facteurs de
production capital(K) et travail(L). Or, investir revient à
accroître les quantités de capital utilisables et donc à
augmenter la production.
Haïti est un pays où l'instabilité
socio-politique et économique est très élevée. Cet
état de fait décourage tout investisseur potentiel, vu les
risques et les coûts induits par l'instabilité dans le pays.
L'autre handicap dont souffre le pays est la détérioration des
infrastructures physiques et sociales. Les structures sanitaires,
technologiques, écologiques fournissent difficilement le minimum requis
pour l'installation de certaines firmes. La concentration des services
administratifs dans la capitale est aussi un problème grave
empêchant l'implantation d'entreprises dans certaines régions
provinciales déjà inaccessibles en raison du piètre
état des infrastructures de base.
Le graphe qui suit illustre l'évolution du taux
d'investissement pour notre période d'étude.
Graphique 4 :
Evolution du taux d'investissement en Haïti
3.3- Inflation
L'inflation est la perte du
pouvoir d'achat
de la
monnaie qui se traduit par
une augmentation générale et durable des
prix . Haïti, pays moins
avancé de l'Amérique, fait face à une inflation
relativement élevée depuis le milieu des années 1980. Sur
les vingt dernières années, une tendance inflationniste est
observée dans l'économie haïtienne. Elle est due
généralement par la monétisation du déficit
budgétaire par la BRH et la détérioration de la gourde par
rapport au dollar. Les chocs externes sont aussi à l'origine du
processus inflationniste en Haïti. Citons l'augmentation du prix du baril
de pétrole, du prix des matières premières, en particulier
des produits alimentaires et les changements dans les taux
d'intérêts aux Etats Unis.
L'inflation a de multiples conséquences. Elle
pénalise les épargnants et d'une manière
générale toutes les personnes à revenu fixe. Elle
pénalise aussi le commerce extérieur en rendant les produits plus
chers à l'étranger. Elle réduit l'incitation à
investir, augmente le niveau du crédit et du niveau de la dette. Avec
l'accélération de l'inflation, ceux qui se trouvaient à la
frontière de la pauvreté vont devenir sans aucun doute de
nouveaux pauvres. Dans le cadre de la mise en application de sa politique
monétaire pour combattre l'inflation, la BRH adopta plusieurs mesures.
Malgré la mise en oeuvre d'une politique monétaire restrictive
par la Banque de la République d'Haïti (BRH), le taux d'inflation
continue de gagner des points. En dépit de l'appui du Fonds
monétaire international (FMI), Haïti arrive à obtenir
très peu de succès durable dans la stabilisation du niveau
d'inflation.
Le graphique ci-dessous réalisé à partir
des données de l'IPC pour notre période d'étude laisse
voir la tendance de l'inflation.
Graphique 5 :
Evolution du taux d'inflation en Haïti (1995-2018)
3.4- Chômage
Le chômage élevé est un trait dominant
des économies sous-développées. Plus un pays est
sous-développé, plus le niveau de chômage y est
élevé. Ce mal frappe de plein fouet les jeunes, en particulier
ceux qui sont relativement plus instruits. En Haïti, le marché de
l'emploi enregistre une chute de salariés avec la compression des
effectifs imposée par les deux programmes d'ajustements structurels
(1986-1989 et 1996-1999) et un départ important des industries entre
1991 et 1994 (Aspilaire, 2014). Le chômage touche 40% de la main-d'oeuvre
urbaine et près de 50% de la main-d'oeuvre féminine. Le taux de
chômage des jeunes dépasse les 60%, ce qui suscite des
préoccupations non seulement d'ordre économique, mais aussi
sociales. Trouver un emploi constitue un véritable défi car le
marché du travail est très restreint et les conditions
d'accès ne sont pas toujours intéressantes. Haïti affiche le
plus faible taux d'activité économique de la région : 60%
seulement des personnes en âge de travailler sont sur le marché du
travail contre 70% en République dominicaine. Parmi ceux qui trouvent un
emploi, 60% ont des revenus inférieurs au salaire minimum, et les femmes
gagnent, en moyenne, 32% de moins que les hommes (Banque Mondiale, 2014).
Le problème du chômage engendre la montée
en puissance du secteur informel qui est un manque à gagner pour
l'économie haïtienne. Entre 1999 et 2000, 54.7% des emplois de la
capitale sont informels (IHSI, 2001) et en 2007, 57.1% des emplois sont
informels (IHSI, CELADE, 2007). En l'absence de toute politique d'emploi, les
activités informelles urbaines sont tolérées par
l'instance étatique.
Dans un contexte où l'Etat haïtien est
caractérisé par la recherche de rentes et la prévalence de
la prédation, il est impossible de concevoir et de mettre en oeuvre des
politiques d'emplois (CEPALC, 2005). Donc, rien ne permet de dire que les
perspectives de l'emploi s'amélioreront sensiblement dans l'avenir
proche si la tendance actuelle se poursuit.
Malgré la forte migration des jeunes vers
l'étranger, le chômage est à un niveau record dans le pays.
Le niveau exceptionnellement élevé du chômage et l'absence
de politiques d'emploi nous laisse croire que l'aide ne contribue pas
substantiellement à réduire le chômage dans le pays.
Au vu de ce que montrent les indicateurs
socio-économiques, l'impact de l'aide à Haïti reste
nuancé. D'une part, la croissance reste très inférieure au
niveau requis pour atteindre les OMD, et d'autre part, cette croissance reste
très volatile et sans création d'emplois. Or pour l'atteinte des
OMD, les analystes locaux et internationaux préconisent une croissance
annuelle de 5 à 6% sur une longue période. Pourtant, selon les
données sur l'économie haïtienne, ce taux de croissance a
été atteint seulement pour l'exercice 2010-2011(soit 5.5%).
4- Efficacité de l'aide
à Haïti vis à vis de l'OMD
La déclaration du millénaire est une invitation
aux pays du Nord à accompagner les pays du Sud dans leur processus de
développement en leur aidant à trouver les ressources
nécessaires pour se mettre sur la voie du développement durable.
Grâce aux ressources externes, les pays pauvres comme Haïti
pourraient bénéficier d'un renforcement de leurs capacités
qui viserait à canaliser davantage d'investissements dans des secteurs
dont les retombées devraient faciliter la poursuite et l'atteinte des
OMD. En Haïti, le suivi des OMD est réalisé par l'ONPES du
MPCE et le plus récent rapport est celui de 2013 réalisé
de concert avec le PNUD.
Selon ce rapport, Haïti a réalisé
d'importants progrès sur la majorité des indicateurs OMD, et a
atteint ou pratiquement atteint plusieurs cibles. Ainsi, le pays a atteint
trois ans avant l'échéance la cible visant à
réduire de moitié l'insuffisance pondérale chez les
enfants de moins de cinq ans, et la pauvreté extrême a
diminué, s'élevant à 24 % en 2012. Les progrès les
plus notables enregistrés ont trait à l'éducation, avec un
taux net de scolarisation de 88 % en 2011. De même, la parité
entre garçons et filles a été atteinte depuis 2000 sur les
bancs des cycles primaire et secondaire. Des progrès sensibles ont
également été réalisés dans le domaine de la
santé. Ainsi, la mortalité infantile a baissé de 44 %
depuis 1990, plus vite que la tendance mondiale. En 2010, 90 % des femmes ont
fait au moins une visite prénatale pendant leur grossesse, contribuant
sensiblement à réduire la mortalité maternelle,
établie à 157 pour 100 000 par le ministère de la
Santé publique et de la population. L'épidémie du VIH/sida
a été stabilisée, avec un maintien de la prévalence
à 0,9 % chez la population âgée de 15-24 ans, qui dans plus
de 60 % des cas utilise un préservatif lors des rapports sexuels
à haut risque. Haïti a pratiquement atteint la cible visant
à garantir un accès à l'eau, avec 64,8 % des
ménages ayant accès à une source d'eau potable
améliorée.
Toutefois, on pourrait se demander si ces petits
progrès enregistrés ont suffisamment d'impacts sur le
développement et la réduction de la pauvreté ? En effet,
certains secteurs accusent un retard très important. Les
inégalités ont explosé, et l'emploi ne suffit plus pour
sortir les personnes de la pauvreté, puisque 45 % des travailleurs
vivent avec moins de 1,25 dollar par jour. Concernant l'égalité
entre les sexes, il est important de noter que seulement 4 % de femmes sont
représentées au Parlement, et Haïti fait partie des six pays
au monde dont l'une des chambres parlementaires est exclusivement masculin.
Dans le domaine de l'environnement durable, les efforts réalisés
pour lutter contre la déforestation et la perte de la
biodiversité n'ont pas été suffisants pour enrayer la
tendance.
Certains progrès doivent être consolidés
pour assurer leur pérennité. Ainsi, la réduction de la
pauvreté extrême est davantage liée à des facteurs
externes, et notamment l'aide publique au développement et les
transferts de la diaspora, qu'à une croissance économique forte
et inclusive, rendant une grande partie de la population vulnérable
à de potentiels chocs externes. Dans le secteur de l'éducation,
le chantier reste immense pour garantir une éducation de qualité,
favoriser la rétention scolaire et développer l'offre publique,
et pour garantir la parité à l'école sur le long terme,
l'indice de parité des sexes ayant légèrement
reculé dans le primaire en 2012.
En clair, les OMD ne sont pas atteints dans le cas
d'Haïti. N'étant pas atteints, avec ajout de quelques autres
objectifs, les OMD sont transformées en objectifs de
développement durable (ODD). Avec la réalisation des ODD,
Haïti vise à être un pays émergent à l'horizon
2030. Avec la dégradation de l'environnement économique,
politique et social, ces objectifs seront-ils encore atteints ?
5- Obstacles à
l'efficacité de l'APD en Haïti
L'aide publique au développement (APD) est souvent
perçue comme peu efficace et rime pour certains avec un gaspillage de
l'argent du contribuable. Quoique chaque pays a ses propres
caractéristiques, l'inefficacité de l'aide dans la
majorité des pays assistés peut s'expliquer parfois pour ne pas
dire souvent par des causes communes. Etant donné que les
différents travaux effectués autour de l'aide en Haïti
montrent qu'elle est inefficace, dans cette partie du travail, on se donne pour
objectif de présenter certains obstacles à l'efficacité de
l'APD en Haïti.
Parmi les principaux obstacles à l'APD on peut citer :
la faiblesse institutionnelle, la corruption, les catastrophes naturelles,
l'instabilité politique.
5.1- La faiblesse
institutionnelle
Les problèmes dont souffre Haïti sont directement
liés à la faiblesse institutionnelle que connaît le pays
depuis longtemps. Ce vide institutionnel favorise les inégalités,
empêche la croissance, augmente la pauvreté et facilite la
corruption en Haïti. Pour Cecilia Ann Winters et Robert Derrell
(cité dans Paul, 2012), la différence de développement
économique entre Haïti et la République Dominicaine a pour
origine une accumulation de causes dont certaines sont institutionnelles. A
cause de la négligence de cette dimension locale beaucoup de
stratégies de développement parfois très coûteuses
à mettre en oeuvre ont échoué. C`est le cas des politiques
d`ajustement structurel (PAS) mises en oeuvre dans de nombreux pays par les
institutions de Bretton Wood. Non seulement elles se sont
révélées inefficaces (Beaulière, 2007), les
stratégies de ce type ont produit le comportement inverse au sein des
populations locales (Mobekk et Spyrou, cité dans Paul, 2012).
La problématique de la gouvernance est aujourd'hui au
fond de toutes les discussions dès qu'il s'agit de la gestion de
l'appareil décisionnel dans les pays moins avancés. En
Haïti, des problèmes de gouvernance politique, exprimés par
des comportements antidémocratiques, le non-respect des règles du
jeu et la fraude électorale, ont eu des conséquences graves sur
la vie de tous les haïtiens et sont, sans aucun doute, à la base
des difficultés diverses, comme par exemple l'instabilité
socio-politique et l'insécurité, que l'on a enregistrées
dans le pays ces derniers temps. La mauvaise gouvernance économique qui
s'y est associée a laissé ses traces négatives sur
l'économie du pays, désarticulée et en panne de
croissance, suite à de mauvais choix faits par les dirigeants. En
matière de gouvernance, pour l'année 2008, Haïti se trouve
en dernière position pour les pays de l'Amérique latine et de la
Caraïbe.
En Haïti, le pilotage à vue est souvent le trait
dominant de la gestion de la chose publique, ce qui est contraire aux principes
de la bonne gouvernance qui nécessite des plans, des objectifs et des
lignes de base pour mesurer les progrès. Certainement, les
conséquences s'en ressentent au niveau social puisque la gestion que
l'on fait des ressources est faible et ne laisse pas assez de place à la
construction de l'armature éducative et sanitaire accessible à la
grande majorité des citoyens.
Les principes autour de l'efficacité de l'aide
soulignent que, pour pouvoir générer un développement
à long terme, l'aide doit servir à renforcer les institutions de
l'État et que ce renforcement est plus efficace si l'aide est
canalisée par celles-ci. Pourtant, au lieu de renforcer l'Etat et les
institutions, l'aide est offerte dans un cadre ne favorisant pas, comme dans
beaucoup d'autres pays, l'épanouissement institutionnel des
gouvernements (Collier et Dollar, 2004 ; Ear, 2007).
Dans les pays possédant des systèmes de gestion
des ressources publiques transparents et efficaces, l'aide passe par l'appui
budgétaire. Ainsi, le pays a la possibilité d'agir sur ses
priorités et d'engager des investissements permettant d'accroître
le tissu productif. Par contre, beaucoup de bailleurs craignent des
malversations au vu de la faiblesse des mécanismes de contrôle des
finances publiques et préfèrent le canal des ONG pour leur apport
d'aide. Au cours des dernières décennies, des Organisations Non
Gouvernementales et d'autres fournisseurs privés ont de plus en plus
occupé des fonctions qui relèvent des attributions fondamentales
de l'État haïtien. D'un côté, ceci a permis de combler
des lacunes à des endroits où les autorités
n'intervenaient pas. D'un autre côté, ceci a contribué
à affaiblir davantage les institutions étatiques.
Dans un contexte de dépendance vis-à-vis de
l'aide, l'Etat haïtien se voit dans l'incapacité de
déterminer par lui-même les priorités nationales, quant aux
prises de décisions économiques et aux types de production et de
développement à privilégier. Ainsi, la dépendance
de l'aide déresponsabilise les dirigeants, encourage la recherche de
rentes, favorise la corruption et entrave le développement d'une
société civile saine dans la mesure où les dirigeants se
sentent davantage redevables de leurs actes aux pays donateurs qu'à
leurs propres citoyens. Ces dirigeants montrent leur incapacité à
mobiliser les ressources nationales nécessaires, à la fois
humaines et financières, pour financer le développement du
pays.
Il importe de rappeler qu'en raison de notre
défaillance institutionnelle chronique, une bonne partie de l'aide est
détournée par les organismes exécutants, en particulier
les ONG, pour payer des salaires faramineux à un personnel
expatrié pléthorique, alors que leur travail pourrait être
réalisé sur place, à moindre coût par des
haïtiens. Dans un tel contexte, une large part de l'aide est
répartie à l'extérieure sans être utilisée au
profit du pays. En plus de la fragmentation qui est un problème
sérieux, les fonds ont rarement été investis dans des
programmes structurels, élaborés selon les priorités du
peuple haïtien. On pourrait bien se demander comment une aide
littéralement détournée aurait pu atteindre ces objectifs
de développement économique et d'amélioration des
conditions de vie des plus défavorisés.
Aucun pays ne peut prétendre à se
développer sans infrastructures institutionnelles de haute
qualité. Donc, autant que l'aide fragilise les institutions
haïtiennes, elle ne pourra pas atteindre ses objectifs de réduction
de la pauvreté car elle sera toujours détournée et
empochée par des élites corrompues.
? La corruption
La corruption est un phénomène constaté
dans tous les pays, les riches comme les pauvres, les petits comme les grands
(Easterly, cité dans BIGIRIMANA et al. 2011). Elle est placée au
quatrième rang après la criminalité, l'inflation et la
récession selon une enquête réalisée par l'agence
Roper Starch International (Easterly, cité dans BIGIRIMANA et al. 2011).
Suivant les données fournies par l'International Credit Risk en 1990, la
corruption et l'efficacité de l'APD sont inversement
corrélées. De même qu'elle est inversement
corrélée avec l'investissement (BIGIRIMANA et al., 2011). En
effet, le phénomène de la corruption impacte directement
l'efficacité de l'aide, et a des effets indirects sur les conditions
politiques nécessaires à l'efficacité de l'APD surtout
dans les nations fragiles.
La corruption se définit de multiples façons.
Ces définitions varient selon les facteurs culturels, juridiques ou
autres. D'une manière générale, elle est perçue
comme le fait d'abuser les fonctions publiques ou privées pour son
bénéfice personnel (OCDE, 2008). D'autre part, selon Transparency
International, la corruption résulte du comportement de la part d'agents
du secteur public, qu'il s'agisse de politiciens ou de fonctionnaires, qui
s'enrichissent, eux ou leurs proches, de façon illicite, à
travers l'abus des pouvoirs publics qui leur sont confiés (OCDE,
2008).
Le niveau de la corruption varie d'un pays à l'autre,
pour être plus clair, des nations plus corrompues et d'autres moins. En
Haïti, la corruption constitue l'un des plus grands problèmes qui
ronge le coeur du pays. Elle ne s'agit pas donc d'un phénomène
nouveau. Depuis les années 1990, la problématique de la
corruption semble avoir pris de l'ampleur (Cadet, cité dans Magaly
Brodeur 2012). Aujourd'hui, il est indéniable que la corruption affecte
tous les rouages de l'Etat. Son niveau a varié en fonction des
priorités des gouvernements en place.
En effet, le pays ne jouit pas d'une bonne réputation
en ce qui a trait à la lutte contre la corruption. Au contraire, cette
dernière est un fléau qui s'est, au fil des décennies,
graduellement institutionnalisé en Haïti. Les rapports en
témoignent. Selon une enquête réalisée par le Bureau
de recherche en informatique et en développement économique et
social (BRIDES), l'Unité de lutte contre la corruption (ULCC) et
l'Institut de la Banque mondiale (IBM), 93 % des ménages affirment que
la corruption est maintenant un problème « très grave »
en Haïti (BRIDES et al., cité dans Magaly Brodeur 2012). Les
impressions se reflètent lorsqu'on suit l'évolution des indices
de perception de la corruption de l'ONG Transparency International. De 2002
à nos jours, Haïti est passé du 89e rang mondial (score de
22 sur 100) à 168e rang (score de 18 sur 100) en matière de
corruption (Transparency International, 2002 et 2019). Elle figure actuellement
dans la liste des pays les plus corrompus dans le monde et est
réputée la plus corrompue de la Caraïbe. Il s'agit là
d'une situation qui est loin d'être enviable et à laquelle le pays
doit s'attaquer pour assurer son développement.
Tableau 2 :
Haïti et corruption (Score)
Haïti, Degré de liberté face
à la corruption (1995-2017)
|
Période
|
1995-2003
|
2004-2009
|
2010-2017
|
Score moyen
|
10.00
|
17.33
|
18.25
|
Source : A partir de la base de données en ligne de
l'Université de Sherbrooke5(*)
Le phénomène de la corruption en Haïti
relève de la complicité des acteurs haïtiens, mais aussi des
acteurs étrangers présents dans le pays tels que les
organisations internationales (OI) et les organisations non gouvernementales.
D'ailleurs, dans une enquête diagnostique sur la gouvernance et la
corruption en Haïti réalisée en 2007, 41% des ONG ont
affirmé payer des pots-de-vin afin d'obtenir des contrats publics
(BRIDES et al., cité dans Magaly Brodeur 2012). Ce
phénomène est tellement bien implanté dans les moeurs
haïtiennes, qu'il arrive que, même si plusieurs le condamnent, une
fois en situation de pouvoir, ils paraissent s'en accommoder. D'ailleurs,
«l'assertion couramment reprise « volé l'État
cé pas volé » tend à illustrer le degré
d'imprégnation de l'acceptation de la corruption en Haïti»
(Cadet, cité dans Magaly Brodeur 2012, p. 51).
En fait, la corruption revêt différentes formes
en Haïti telles que : pot-de-vin, concussion, enrichissement illicite,
blanchiment d'argent provenant de crimes économiques, abus de fonctions,
trafic d'influence, malversations, fraude fiscale, surfacturation des services
à l'Etat, sous facturation des redevances à l'Etat,
détournement de fonds, népotisme, passation illégale de
marché public (ULCC, stratégie de la lutte contre la corruption).
Les pots-de-vin représentent la forme la plus fréquente de
corruption en Haïti. Quel que soit la forme considérée, la
corruption constitue un obstacle au développement
socio-économique du pays et à l'instauration d'un Etat de droit,
mine la confiance du citoyen dans les institutions publiques, projette une
image négative du pays à l'extérieur et décourage
les investisseurs privés tant nationaux qu'étrangers. Elle fausse
les règles du jeu démocratique et de l'économie de
marché et elle est coûteuse pour la société.
En ce qui a trait à la corruption en Haïti,
plusieurs cas se présentent tels que : L'affaire Petro Caribe,
surfacturation... Ces différents cas de corruption prouvent qu'on est
loin d'éradiquer ce fléau qui met à nu toute la nature de
la classe de cet Etat haïtien.
? L'affaire PetroCaribe comme cas plus récent de
corruption en Haïti
Dans tous les cas de corruption en Haïti, les fonds
«PetroCaribe» est l'exemple le plus récent et
d'actualité prouvant l'installation de la corruption à grande
échelle dans le pays. Ce cas dessine clairement une autre architecture
de la corruption en Haïti. Ce programme est le fruit d'un accord entre
Venezuela et divers pays de la région caribéenne dont Haïti
en fait partie. Cet accord facilite les pays bénéficiaires
l'acquisition des produits pétroliers à un coût raisonnable
et à payer leur commande suivant des modalités avantageuses.
Haïti a adhéré à ce programme après la
signature d'un accord entre la République bolivarienne du Venezuela et
la République d'Haïti le 15 mai 2006 et ratifié par
l'Assemblée Nationale le 29 août 2006 (CSCCA, mai 2019). Ce
contrat donne à Haïti la possibilité de payer un certain
pourcentage de sa facture pétrolière à la livraison et
d'investir le solde dans des projets économiques et sociaux. Il s'agit
en fait d'un prêt concessionnel au taux préférentiel de 2%
l'an remboursable sur 17 ans ou 1% l'an remboursable sur 25 ans suivant les
conditions de répartition des ressources financière avec un
délai de grâce de deux ans pour tous les cas (CSCCA, mai 2019).
Démarré en août 2007 lors de la signature
du traité de sécurité énergétique
(TSE)6(*), le Fonds
PetroCaribe a généré 4.23 milliards de dollars
américains à l'État haïtien du 5 mars 2008 au 14
avril 2018 (CSCCA, mai 2019). Ce fonds, malheureusement dilapidé, allait
créer des tensions socio-politiques. Ce qui avait occasionné des
enquêtes réalisées par la commission éthique et
anti-corruption au niveau du parlement haïtien et ensuite des rapports
d'audit de la CSCCA. Le deuxième rapport publié en mai 2019 par
la CSCCA a fait mention du nom de l'ex président Jovenel MOÏSE
comme étant l'une des personnes impliquées dans un
«stratagème de détournement de fonds».
Pourtant, lors de son passage à Paris en 2018 l'ex a
déclaré : «la corruption est un crime contre le
développement». Son discours critique à l'égard
de la corruption n'a pas cessé. Lors de son intervention à la 73e
session de l'Assemblée Générale des Nations Unies, il a
affirmé avoir identifié 5 problèmes dont Haïti fait
face : «la corruption, corruption, corruption, corruption et
corruption».
Le pays traîne honteusement actuellement dans la
corruption au plus haut niveau de la société. La corruption
généralisée devient un mal endémique, une bourbe
salissante. Ce phénomène est devenu une véritable plaie
sociale qui gangrène nos institutions, rend la politique malade et qui
nuit gravement au développement du pays. Il est clair que la corruption
qui gangrène à tous les niveaux de l`administration publique
haïtienne participe sans aucun doute à l`inefficacité des
financements internationaux (Péan, 2007).
5.2- Instabilité
socio-politique
Depuis son indépendance, le 1er janvier
1804, Haïti a connu une succession de coups d'Etat et de conflits
politiques. Une façon de dire que dès sa création le pays
connaît de l'instabilité. Un large consensus existe concernant
l'influence négative de l'instabilité sociopolitique sur la
croissance des pays en développement. Ce phénomène
engendre un environnement incertain peu favorable à l'investissement et
freine ainsi la croissance. Si, pour une large part, l'investissement dans les
pays en développement provient de l'APD, on comprend vite que
l'instabilité socio-politique interne est très susceptible
d'influencer l'efficacité de l'aide en matière de croissance. A
ce sujet, Chauvet et Guillaumont (2004) estime après analyse que l'aide
est plus efficace dans les pays politiquement stables. Pour eux, un
environnement politiquement instable, avec des changements fréquents de
gouvernement et de la violence politique, affecte négativement l'effet
de l'aide sur la croissance.
Le départ de Jean-Claude Duvalier a marqué le
début d'une période de grande instabilité politique. Entre
1986 et 2014, le pays a changé 18 fois de président et a subi
d'importants changements de régime politique. En outre, selon la
Cross-National Time Series Data Archive, Haïti a connu 20 changements de
gouvernement entre 1986 et 2006 (changements de premier ministre ou de la
moitié du portefeuille ministériel). Des études empiriques
ont montré que de tels changements nuisent à la croissance (Aisen
et Veiga, 2013). Elles indiquent que la croissance d'Haïti aurait
progressé 1,2 % plus vite si le pays avait connu un niveau moyen de
stabilité politique
Cette instabilité s'est souvent accompagnée de
violence, d'un affaiblissement constant des institutions de l'État et de
la primauté du droit, et d'une détérioration du climat de
l'investissement qui ont miné la confiance des investisseurs.
L'incertitude entourant la capacité des investisseurs d'obtenir un juste
rendement de leurs investissements constitue un des principaux obstacles
à la croissance en Haïti. L'instabilité politique a aussi
conduit à l'imposition, au cours de la première moitié des
années 90, d'un embargo qui a paralysé les activités du
secteur privé.
Les instabilités peuvent se présenter sous
plusieurs formes : manifestations, émeutes, grèves, assassinats
politiques, attaques armées, coup d'Etat, etc. Quel que soit la forme
considérée, elle a un impact sur la croissance.
L'instabilité engendre des dépenses qui ne permettent pas
d'accroître le tissu productif. Elle peut entraîner une
augmentation des dépenses militaires au détriment des
dépenses dans les secteurs de la santé et de l'éducation.
Ainsi, on pourrait dire que les pays fortement dépendant de l'aide et
qui souffrent d'instabilité chronique voient leur aide
détournée au profit des secteurs n'ayant pas d'impacts directs
sur le développement.
Il n'est pas surprenant de dire que le pays souffre d'une
déficience d'infrastructures de toutes sortes. Pourtant force est de
constater qu'à chaque période d'instabilité, on perd une
partie de ce qu'on avait déjà construit. Soit des
véhicules de l'Etat incendiés, des bâtiments publics
vandalisés et des tronçons de routes détruits par des
pneus enflammés. Très souvent, ces acquis sont en partie
financés par l'aide ou tout simple des dons venant de
l'extérieur. Ces actes ne contribuent aucunement en une
efficacité de l'aide puisqu'ils amènent toujours à refaire
ceux qu'on a déjà comme acquis.
5.3- Catastrophes
naturelles
Les catastrophes naturelles sont étroitement
liées au processus de développement de l'homme. De ce fait, il
n'est pas douteux de dire que les acquis de développement sont
menacés par des catastrophes naturelles. Depuis des décennies, le
nombre de catastrophes naturelles et l'ampleur de leurs incidences sur le
développement économique et humain ne cessent d'augmenter.
Dès lors, les acteurs de développement se mettent à
analyser les dégâts que peuvent causer les catastrophes naturelles
et mesurer ses impacts sur l'économie. Selon les recherches actuelles,
les effets secondaires des catastrophes peuvent avoir de sérieuses
répercussions sur le développement humain et économique
à long terme. En effet, l'analyse des pertes économiques
causées par les catastrophes naturelles se présentent
généralement sous 3 formes : Les coûts directs (les
dommages matériels), les coûts indirects (l'interruption de la
circulation des biens et services) et les effets secondaires (Les incidences
des catastrophes sur l'ensemble de l'économie et des conditions
socio-économiques, qu'elles soient limitées ou de longue
portée).
Généralement, les pays en développement
sont plus exposés aux catastrophes naturelles, et les personnes les plus
pauvres en sont plus souvent les grandes victimes. Ces dernières ont
parfois causé des destructions d'infrastructures, des pertes de moyens
de subsistance, des blessures, de la maladie, des pertes en vie humaine etc. En
effet, les catastrophes naturelles impactent toujours négativement le
niveau de vie des victimes et les rendent beaucoup plus vulnérables.
Un pays, le fait d'être vulnérable face aux
catastrophes naturelles peut être une source de motivation en
matière d'aide publique au développement auprès des
bailleurs. C'est-à-dire plus il est vulnérable, plus il peut
recevoir d'aide. Par contre, en matière d'efficacité, plus le
pays est vulnérable face aux catastrophes naturelles, plus l'aide peut
être sujet à l'échec. Car les pertes causées par les
catastrophes risquent de produire d'autres chocs et d'aggraver d'autres crises
comme les crises financières, les conflits sociaux ou politiques, les
maladies, et la dégradation de l'environnement. L'incidence de ces
pertes dues aux catastrophes risque de compromettre en effet les efforts visant
à réduire la pauvreté et la famine ; à fournir
l'accès à l'éducation, aux logements salubres, à
l'eau potable et aux systèmes d'assainissement ; ou à
protéger l'environnement et les investissements financiers qui
génèrent l'emploi et les revenus. C'est en ce sens que le rapport
mondial du PNUD sur la réduction des risques de catastrophes en 2004
affirmait que : «Les pertes économiques occasionnées par
les catastrophes naturelles entravent les efforts déployés par de
nombreuses communautés et pays en vue d'atteindre les Objectifs de
développement de l'ONU pour le Millénaire (OMD)» (P.9).
De ce fait, les catastrophes naturelles constituent des obstacles à
surmonter dans la lutte contre la pauvreté.
En ce qui a trait aux catastrophes naturelles, Haïti est
un des pays les plus vulnérables de la planète - Cyclones,
inondations et séismes. De tous les pays de la Caraïbes, Haïti
est celui qui subit le plus grand nombre de catastrophes par kilomètre
carré (Singh and Barton-Dock 2016). Dans le pays, une goutte d'eau de
pluie suffit pour qu'il y ait morts, des blessés et des
dégâts matériels. Parler de cyclones, ouragans et
tremblements de terre est pire. Cette situation ne date pas d'hier, mais elle
s'aggrave de jour en jour. Notre position géographique nous met sur la
trajectoire des catastrophes naturelles. Avec le changement climatique, le
passage des catastrophes naturelles est devenu plus fréquent. On se
rappelle qu'en 2008, le pays avait été frappé par trois
cyclones consécutifs. Deux ans plus tard, le 12 janvier 2010, il allait
être frappé par l'une des plus grandes catastrophes en termes de
pertes économiques connues depuis son existence. Cette catastrophe a
causé une perte en vie humaine estimée à 200 000 personnes
et un déplacement massif de 1.4 millions de personnes et une perte de
valeur estimée à 120% du PIB national (BM, 2016).
En somme, on dirait qu'entre la pauvreté haïtienne
et les pertes énormes au passage des catastrophes naturelles, il y a une
relation de cause à effet. Donc les effets des catastrophes naturelles
peuvent ne pas être nuls sur l'échec de l'APD en Haïti.
Les faits relatés dans ce chapitre, surtout les
indicateurs macroéconomiques et les OMD en Haïti, laissent penser
que l'aide est inefficace. Ne pouvant pas se focaliser uniquement sur les faits
pour conclure sur la non-efficacité de l'aide dans le pays, une
démarche empirique sera présentée dans le chapitre qui
suit pour corroborer les faits. Cette démarche nous permettra de mieux
conclure sur la problématique de l'efficacité de l'aide en
Haïti.
CHAPITRE IV - EFFICACITÉ DE L'AIDE EN HAÏTI : UNE
ÉTUDE EMPIRIQUE
Ce présent chapitre se propose de statuer sur
l'aspect économétrique de notre travail de recherche. Il va nous
permettre de confirmer grâce à une démarche empirique si
l'APD influence positivement la croissance économique d'Haïti, si
non pourquoi. Après avoir effectué des tests de
stationnarité sur les séries nous procéderons à
l'estimation du modèle économétrique. Ensuite, nous le
soumettrons à un ensemble de tests, notamment, les tests de
significativité globale et individuelle, de normalité,
d'autocorrélation. Enfin, nous présenterons une analyse
économique des résultats du modèle estimé.
1- Données
Les données utilisées dans le cadre de ce
travail sont des données secondaires à l'exception de la
série «Catastrophe naturelle» qui a été
générée en fonction de son impact sur l'économie.
Celles concernant le taux de croissance du PIB et l'APD sont en provenance de
la base de données statistique de la Banque mondiale. Pour celles
relatives au contrôle de corruption et stabilité politique, on se
réfère au Worldwide Governance Indicator (WGI).
Par ailleurs, les données relatives aux catastrophes
naturelles sont utilisées dans notre modèle comme des variables
binaires. Pour générer cette série, nous avions
recensé pour notre période d'étude une chronique de
catastrophes naturelles en Haïti. Ensuite, on a identifié parmi eux
ceux ayant impacté significativement l'économie haïtienne
pour chaque année. Pour chaque observation dans la série, on met
1 pour les années au cours desquelles le pays est frappé par des
catastrophes naturelles qui impactent significativement l'économie, et 0
pour les cas contraires. Pour connaître si l'impact est significatif ou
pas, nous avions pris le temps de consulter les rapports annuels de l'Institut
Haïtien de Statistique et d'Informatique (IHSI) plus
précisément les Comptes économiques, les rapports de la
Banque de la république d'Haïti.
Les données sont à fréquence annuelle et
couvrent la période 1995-2018 (Voir l'
annexe 2). Les variables ont
été prises au besoin de l'analyse envisagée et dans le
champ de la théorie existante.
2- Méthodologie
La méthodologie adoptée à cette
démarche de recherche se donne comme objectif de présenter des
causes internes de l'inefficacité de l'APD constaté en Haïti
si elle serait réellement sans impact sur la croissance.
Etant donné notre objectif, nous avons opté
pour un modèle SES récursif avec deux équations, donc deux
variables endogènes, l'aide publique au développement et le
produit intérieur brut. Et quant aux variables exogènes, elles
sont au nombre de trois : Stabilité politique, Catastrophe naturelle et
Contrôle corruption. La variable Catastrophe naturelle est
utilisée dans notre modèle comme variable dummy comme on a
expliqué dans la partie précédente.
Après avoir spécifié notre modèle
et décrit les variables, nous allons effectuer les tests de racine
unitaire afin de s'assurer que toutes les séries sont stationnaires
(à l'exception de la série utilisée comme variable dummy).
Notre modèle sera estimé par les méthodes des MCO car nous
sommes en face d'un système d'équations triangulaires. Ensuite,
nous aurons à vérifier la robustesse du modèle pour
s'assurer qu'il respecte les exigences théoriques.
3- Spécification du
modèle
La spécification du modèle repose sur de
nombreux travaux empiriques qui se sont effectués antérieurement.
Il est inspiré des travaux de Paul Collier et David Dollar (2002) qui
ont analysé l'effet de l'APD sur la croissance économique dans
109 pays pour la période de 1990 à 1996.
Ainsi notre modèle est de la forme qui suit :
LAPDt = â0 +
â1STABPOLt + â2CNt +
â3CCORt + ut
LPIBt = á0 +
á1LAPDt + á2STABPOLt
+ á3CNt + á4CCORt +
vt
ut et vt ~ N ( u,
??2 )
LAPD : Logarithme de la série Aide Publique au
Développement
LPIB : Logarithme de la série Produit
intérieur brut
STABPOL : Stabilité politique.
CN : Catastrophe naturelle.
CCOR : Contrôle Corruption.
âi et
ái : Paramètres
ut et vt : Termes d'erreurs
La première équation nous permet de comprendre
la relation entre l'aide publique au développement et les variables
exogènes citées précédemment. La deuxième
elle-même a trait à l'efficacité de l'aide,
c'est-à-dire l'apport de l'aide publique au développement dans la
création de richesse dans le pays. Elle va nous permettre de
vérifier l'hypothèse que l'aide publique au développement
n'est pas efficace en Haïti. Par ailleurs, dans cette même
équation, la variable endogène APD se présente comme
variable explicative du PIB, elle nous sert donc d'un canal de transmission
afin de vérifier notre hypothèse que le faible contrôle de
corruption et l'instabilité politique sont des causes de
l'inefficacité de l'aide publique au développement en Haïti.
4- Description des
variables
4.1- Variables
endogènes
En fonction de l'objectif fixé, le modèle
comporte deux variables dépendantes qui sont le PIB et l'APD.
? Le produit intérieur brut (LPIB)
Le PIB est un indicateur économique qui permet de
mesurer la
production
économique intérieure réalisée par un pays. Le PIB
a pour objet de quantifier la production de richesse réalisée sur
un Etat sur une période donnée, généralement un an,
grâce aux agents économiques résidant dans le pays
concerné. Etant donné notre objectif, le recours au PIB dans ce
travail est justifié par le fait qu'il permet de mesurer l'apport de
l'aide publique au développement dans la création de richesse et
la réduction de la pauvreté.
? L'Aide publique au
développement (LAPD)
L'aide publique au développement poursuit un objectif
de croissance et de réduction de la pauvreté. Pourtant, dans le
cas d'Haïti, comme l'illustre le
Graphique 3, la croissance n'est pas
au rendez-vous et la pauvreté tend à augmenter en dépit de
l'aide. Cette variable est incontournable dans notre travail, car nous parlons
de l'efficacité de l'aide. Elle nous permet de vérifier si
effectivement l'aide est efficace et nous sert de canal de transmission quant
à la confirmation de la deuxième hypothèse.
L'utilisation de l'APD comme variable dépendante permet
de vérifier si effectivement les variables citées ci-dessous sont
parmi les causes de l'inefficacité de l'aide. En se
référant à notre première hypothèse, une
relation négative est proposée entre APD et PIB puisque nous
partons de l'hypothèse que l'APD n'est pas efficace en Haïti.
4.2- Variables
exogènes
Les variables exogènes de notre modèle sont au
nombre de trois : Contrôle corruption, instabilité politique,
catastrophes naturelles.
? Contrôle Corruption (CCOR)
La corruption est un phénomène qui
entraîne la perte de confiance des citoyens dans la capacité de
l'Etat à gérer l'économie dans leurs
intérêts. Elle a un impact négatif sur toutes les
structures d'une économie. Dans ce travail, nous utilisons la variable
«Contrôle de corruption» pour mesurer la capacité de
l'Etat à lutter contre ce phénomène. Les données
relatives à cette variable sont en provenance de World Governance
Indicator (WGI). Les valeurs pour cette série varient de -2.5 à
2.5. Un score plus proche de -2.5 signifie que plus l'Etat est incapable de
lutter contre la corruption et plus proche de 2.5 signifie que plus l'Etat est
capable de lutter contre ce phénomène. On s'attend à une
relation positive entre PIB et Contrôle de corruption et entre APD et
contrôle de Corruption.
? Catastrophes naturelles (CN)
Haïti est un pays très vulnérable face aux
catastrophes naturelles. Parfois ces catastrophes ont de graves
conséquences sur l'économie, surtout le secteur agricole qui
occupe une place importante. Ainsi, nous avons jugé nécessaire
d'intégrer cette variable dans notre modèle pour voir son impact
sur l'économie et sur l'efficacité de l'aide, elle est
utilisée comme variable dummy.
? Stabilité politique
(STABPOL)
Les données relatives à cette variable sont en
provenance de World Governance Indicator (WDI). Les valeurs sont
coincées entre -2.5 et 2.5. Plus le score est proche de -2.5, plus le
pays est politiquement instable (Plus de violence). Un score proche de 2.5
implique que le pays est politiquement stable (moins de violence). Cette
variable est utilisée dans notre modèle
économétrique pour mesurer le mode de gouvernance en Haïti
auprès des institutions publiques surtout. Selon la théorie,
l'instabilité politique est inversement corrélée avec la
croissance. L'intégration de cette variable dans le modèle
permettra de mesurer ses impacts sur la création de la richesse dans le
pays. Le signe positif est attendu pour le coefficient de cette variable pour
chacune des équations.
5- Etude de la
stationnarité des séries
Avant d'estimer notre modèle, nous avons
effectué sur chacune des séries des tests de stationnarité
permettant de voir si nos séries sont stationnaires ou non. Ces tests
permettent de vérifier si les séries conservent une distribution
constante au cours du temps, c'est-à-dire que les
propriétés statistiques ne varient pas dans le temps (Esperance,
variance, autocorrélation). La variable dummy (Catastrophe naturelle)
n'est pas prise en compte dans l'étude de la stationnarité.
Tableau 3 :
Résultats des tests de racine unitaire (Voir respectivement les
annexes 3 à
6)
Test de stationnarité au seuil de 5%
|
Variables
|
Stationnarité
|
Dickey-Fuller (ADF)
|
|
Tendance
|
Constante
|
Ordre d'intégration
|
Valeur des statistiques
|
Valeur critiques
|
Probabilité
|
LAPD
|
Non
|
Non
|
I (1)
|
-4.7922
|
-1.9572
|
0.0000
|
LPIB
|
Non
|
Oui
|
I (1)
|
-4.5272
|
-3.0048
|
0.0018
|
CCOR
|
Oui
|
Oui
|
I (0)
|
-5.2787
|
-3.6736
|
0.0024
|
STABPOL
|
Non
|
Non
|
I (2)
|
-6.1566
|
-1.9590
|
0.0000
|
Source : Calcul des auteurs sur Eviews
|
|
6 - Résultat de
l'estimation
Les résultats de l'estimation présentent pour
chacune des deux équations du modèle un coefficient de
détermination (R2) respectivement de 0.38 et 0.74. Ce qui
signifie que les variables explicatives de l'équation 1 expliquent la
variable dépendante à 38% et celles de l'équation 2
expliquent la variable dépendante à 74%. (Voir l'
annexe 7)
Le modèle estimé se présente ainsi :
D(LAPD)= -0.9409 - 0.5631 * CCOR + 0.4371 * CN - 0.1380 * D
(STABPOL,2)
[-1.63] [-1.35 ] [3.21 ] [ -0.69]
( 0.11 ) ( 0.18 ) ( 0.00) ( 0.49 )
D(LPIB) = 0.0616 - 0.0442 *D(LAPD) + 0.0397 *CCOR + 0.0116
*CN+0.0198 * D (STABPOL,2)
[ 2.44] [ -4.60 ] [2.23] [ 1.67 ]
[ 2.41 ]
( 0.01 ) ( 0.00 ) ( 0.03 )
( 0.10 ) ( 0.02 )
[...] : t-Statistic
(...) : Probabilité
7 - Analyse statistique des
résultats
7.1- Test de
normalité
Le test de normalité porte sur la distribution de
l'écart aléatoire åt. Il permet de
vérifier que les éléments aléatoires sont
distribués selon une loi normale. Dans cette étude nous utilisons
le test de normalité de Jarque-Bera. Les hypothèses sont les
suivantes :
H0 : Les résidus suivent une loi normale
(åt~ N (u,
??2))
H1 : Les résidus ne suivent pas une loi
normale
Dans le cadre de notre étude, l'hypothèse de
normalité des erreurs n'est pas confirmée pour la première
équation du modèle. Par contre pour la deuxième
équation du modèle, l'hypothèse de normalité des
erreurs est acceptée au seuil critique de 5%. Pour la première
équation, la probabilité associée à la statistique
de Jarque-Bera est de 0.0055 et celle de la deuxième équation est
de 0.8675 (Voir l'
annexe 8). En conclusion, la
deuxième équation de notre modèle à système
triangulaire respecte l'hypothèse de normalité des termes
d'erreur contrairement à la première équation. Ce qui peut
constituer une limite à notre travail. .
7.2- Test de
significativité globale : Test de Fisher
Le test de Fisher permet de déterminer si l'ensemble
des variables explicatives prises simultanément permet d'expliquer les
variations de la variable dépendante. Il mesure le rapport entre la
variance de la variable dépendante expliquée et non
expliquée par le modèle de régression (SCE/SCR).
Les hypothèses sont les suivantes :
H0 : á1= á2= ... = á5 = 0 (l'ensemble des
coefficients du modèle est non significatif)
H1 : il existe au moins un coefficient non nul
La statistique de ce test est :
La règle de décision :
l'hypothèse nulle est rejetée si la statistique calculée
est supérieure à la statistique lue dans la table de
Fisher-Snedecor au seuil de 5% à (K-1) et (N-K) degrés de
liberté. Pour chaque équation de notre modèle, la
statistique lue dans la table de Fisher-Snedecor est inférieure à
celle calculée.
Pour la première équation : F*= 3.7325 >
Ftab=3.1599 (Rejet de H0 )
Pour la deuxième équation : F*= 12.4164 >
Ftab=2.9647 (Rejet de H0 )
Dans chacune des équations de notre modèle, pour
un niveau de confiance de 95%, les coefficients sont globalement significatifs.
7.3- Test de
significativité individuelle : Test de Student
Il est important d'effectuer le test de significativité
individuel car il nous permet de voir si les variables du modèle jouent
un rôle explicatif dans le modèle. Pour ce faire, on fait
référence au coefficient de chacune des variables explicatives du
modèle. Donc le test de Student.
Les hypothèses du test sont les suivantes :
H0 : ái = 0, pour i=0 à 5, le
coefficient n'est pas significatif
H1 : ai ? 0, le coefficient est significatif
La statistique du test est :
La statistique du test suit la loi Student à (N-k)
degrés de liberté car les erreurs du modèle suivent une
loi normale.
Règle de décision : on
rejette H0 si |t| calculé est supérieur à
t tabulée. On conclut que le coefficient est
significativement différent de zéro et que la variable- joue un
rôle explicatif dans le modèle.
Il faut noter que quand la taille de l'échantillon
est grande (N>30), on peut directement comparer |t| avec le
seuil critique de la loi normale centrée et réduite qui est 1.96
(pour un risque de 5%). Donc si |t| > 1.96, on rejette H0 et on accepte H1 :
le coefficient est significatif et la variable joue un rôle explicatif
dans le modèle.
Tableau 4 :
Résultats du test de Student pour les variables explicatives.
Equation 1
|
Variable
|
t
|
|t|
|
Prob.
|
Décision (Seuil 5%)
|
CCOR
|
-1.3588
|
1.3588
|
0.1829
|
Non significatif
|
CN
|
3.2150
|
3.2150
|
0.0028
|
Significatif
|
STABPOL
|
-0.6963
|
0.6963
|
0.4908
|
Non significatif
|
Equation 2
|
Variable
|
t
|
|t|
|
Prob.
|
Décision
|
CCOR
|
2.2397
|
2.2397
|
0.0316
|
Significatif
|
CN
|
1.6791
|
1.6791
|
0.1020
|
Non significatif
|
STABPOL
|
2.4194
|
2.4194
|
0.0209
|
Significatif
|
LAPD
|
-4.6066
|
4.6066
|
0.0001
|
Significatif
|
7.4- Test de détection
d'autocorrélation
L'autocorrélation des erreurs est un problème
qu'on peut rencontrer lorsqu'il y a de l'inertie dans les séries
temporelles, si les variables incluses dans le modèle ne sont pas
stationnaires, lorsqu'il y a des biais de spécification (Forme
fonctionnelle incorrecte ou omission de variables pertinentes) ou mauvaise
manipulation ou transformation des données et bien tant d'autres. Ce
problème rend les estimateurs des MCO toujours biaisés,
inefficients (ne sont pas BLUE). Les variances et covariances des estimateurs
des MCO sont aussi biaisées et inconsistantes. Pour détecter si
notre modèle fait face à ce problème, nous avons
effectué le test suivant.
7.4.1- Test de Durbin-Watson (premier ordre)
Les hypothèses du test sont les suivantes :
H0 : ñ = 0, les erreurs ne sont pas
autocorrélées
H1 : åt = ñåt-1+õt, les
erreurs sont autocorrélées
La statistique du test est :
La statistique de DW est coincée entre 0 et 4. Quand la
valeur calculée est proche de 2, on conclut que les erreurs ne sont pas
autocorrélées.
Dans le cadre de notre étude, pour chacune des
équations du modèle, les statistiques de DW sont respectivement
1.79 et 1.93. Ces deux valeurs sont très proches de 2. On peut conclure
que les erreurs ne sont pas corrélées. Toutefois, pour être
plus confiant, nous allons effectuer un test d'autocorrélation de
Portmanteau.
7.4.2- Test d'autocorrélation de Portmanteau
Ce test évalue la corrélation existante entre
les résidus. Dans l'analyse des séries chronologiques, pour
tester une éventuelle autocorrélation dans les résidus
d'un modèle, deux versions sont vraiment connues : il teste si l'un d'un
groupe d'autocorrélation de la valeur résiduelle des
séries temporelles sont différents de zéro. Ce test est
celui de Ljung-Box qui est une version améliorée de celui de
Box-Pierce.
Les hypothèses sont les suivantes :
H0 : Il n'existe pas d'autocorrélation
dans les résidus.
H1 : Les résidus sont
autocorrélés
La statistique du test est :
Donc, une trop grande valeur de Q indiquerait
une certaine corrélation entre les åt.
Les résultats du test dans le cadre de notre travail
montrent que, pour h égal à 12, toutes les probabilités
sont supérieures à 5% (voir l'
annexe 9). Ce qui nous conduit
à rejeter l'hypothèse alternative. Maintenant, nous sommes
très confiants qu'il n'existe pas de problème
d'autocorrélation dans les résidus de notre modèle.
8 - Interprétation et
analyse économique des résultats
Présenter des causes internes à
l'inefficacité de l'APD en Haïti est l'objectif de notre travail.
Pour y parvenir, nous avons adopté une démarche empirique
permettant de vérifier l'impact de l'aide sur la croissance puisqu'on ne
pouvait pas se fier à nos observations pour conclure de
l'inefficacité de l'aide. En ce sens, on a formulé un
modèle SES dans lequel la deuxième équation nous a permis
de vérifier la relation existante entre l'aide et la croissance. Dans
les lignes qui suivent, on va procéder à l'interprétation
des résultats de l'estimation pour chacune des variables du
modèle.
? Aide publique au
développement
Suite à l'estimation du modèle, les
résultats empiriques confirment l'existence d'une relation
négative entre l'aide et la croissance en Haïti comme nous l'avons
espéré. Selon le coefficient testé, pour un niveau de
confiance de 95%, une augmentation de l'aide publique au développement
de 1% entraîne une diminution de la croissance du PIB de 0.044%. Donc,
plus l'aide augmente, moins il y aura de croissance. Ce résultat est
contraire à l'objectif poursuivi par l'aide publique au
développement qui est la croissance et la réduction de la
pauvreté. Ce résultat va de préférence dans le sens
des auteurs qui voient l'aide comme une entrave à la croissance. Ce
résultat confirme notre première hypothèse sur
l'inefficacité de l'aide publique au développement en Haïti
et donne ainsi sens à notre objectif qui est la recherche des causes.
? Contrôle corruption
Comme attendu, les résultats du modèle
confirment une relation positive entre «Contrôle corruption» et
PIB. Ce qui nous laisse comprendre que pour créer de la richesse dans le
pays, il faut éradiquer la corruption. Avec un risque de 5% de se
tromper, une réforme dans la lutte contre la corruption dans le pays qui
augmenterait le score «Contrôle de corruption» d'une
unité entraînerait une augmentation de 3.97 % du produit
intérieur brut (PIB). Donc, lutter contre la corruption en créant
des structures efficaces ou en renforçant celles existantes devrait
être un objectif prioritaire pour les autorités étatiques
s'ils veulent vraiment une amélioration de la situation
économique dans le pays. Les résultats de l'estimation confirment
ceux obtenus par Mauro (1995) qui supposent que la corruption serait nuisible
à la croissance. Le modèle estimé montre une relation
négative entre Contrôle corruption et APD
(Première équation). Par interprétation, une
amélioration au niveau des institutions faisant augmenter le score
« Contrôle corruption » entrainerait une
réduction de l'aide publique au développement dans le pays. Etant
non significatif le coefficient de la variable CCOR dans l'équation (1)
au seuil de 5%, donc on n'a pas assez d'évidence statistique pour
confirmer cette relation.
Il faut se rappeler que, pour notre période
d'étude, le meilleur score obtenu en Haïti pour le contrôle
de la corruption est -1.09, donc très proche de -2.5. Constatant la
grande corruption qui règne dans le pays au vu des différents
scores obtenus pour cette série, ceci nous amène à
conclure que : Plus l'aide est fournie dans une situation de corruption, moins
il aura d'impact positif sur la croissance économique du pays car elle
sera détournée de ses vrais objectifs pour servir les
intérêts d'un groupe. Donc voilà bien une raison de la non
efficacité de l'aide dans le pays pour notre période
d'étude.
? Catastrophe naturelle
Si on se réfère à l'année 2010,
année du séisme, on comprendra vite que l'aide augmente
significativement lorsque surviennent des catastrophes naturelles de grande
ampleur ayant un impact significatif sur l'économie. Les
résultats du modèle estimé le confirment. Pour un niveau
de confiance de 95%, lorsqu'au cours d'une année surviennent des
catastrophes naturelles ayant un fort impact sur l'économie, le pays
reçoit une aide supplémentaire de 43.71%, toutes choses
égales par ailleurs. Donc pour notre période d'étude, les
résultats de l'estimation montrent que les catastrophes naturelles
restent une variable explicative très pertinente de l'aide publique au
développement.
Cependant, l'aide reçue suite à des
catastrophes naturelles ne vise pas totalement le développement.
Très souvent, la plus grande partie vise à voler au secours des
personnes en situation extrêmement difficile. Ces flux ne vont pas avoir
de grands impacts sur la croissance. La vulnérabilité
d'Haïti face aux catastrophes naturelles est un facteur très
explicatif de l'aide publique au développement.
Paradoxalement, l'estimation
du modèle révèle une relation positive entre la variable
catastrophe naturelle et le PIB. Bien que le résultat n'est pas
statistiquement significatif au seuil de 5%, il devra faire l'objet d'une
étude beaucoup plus approfondie.
? Stabilité politique
Comme attendu, les résultats de l'estimation du
modèle, confirment une relation positive entre Stabilité
politique et le PIB. Ce résultat justifie que la stabilité
politique est une condition sine qua non pour favoriser la croissance. Une
amélioration de la situation politique du pays qui augmenterait le score
d'une unité entraînera une augmentation du PIB de 2% pour un
niveau de confiance égal à 95%. Comme dit la théorie, les
pays avec un environnement politique stable sont beaucoup plus susceptibles de
croître économiquement car ils sont plus aptes à recevoir
des investissements. Toutes les valeurs de la série
«Stabilité politique» sont négatives, donc plus proches
de -2.5, ce qui laisse comprendre qu'une situation d'instabilité
régnait dans le pays pour toute notre période d'étude.
En effet, plus un pays est instable, plus il y a de chance que
son administration soit inefficace et opaque, que la qualité de
régulation y soit faible, que les règles de droit ne soient pas
respectées. Et surtout, plus ce pays a de chance d'être corrompu.
CONCLUSION
Notre démarche de recherche a été
menée sur la problématique de l'efficacité de l'aide
publique au développement en Haïti et l'objectif était de
comprendre pourquoi l'aide ne donne pas les résultats en termes de
croissance économique et de réduction de la pauvreté.
L'étude s'étend sur la période allant de 1995 à
2018 et est centrée autour des causes internes à
l'inefficacité de l'APD en Haïti. En effet, ce constat
d'échec nous a amené à formuler comme hypothèse que
l'APD n'est pas efficace en Haïti. Et que la corruption
généralisée et l'instabilité politique en sont des
causes. Ce travail est inspiré des travaux de Collier et Dollar qui ont
fait savoir que l'aide est efficace dans les pays auxquels la qualité
des institutions est bonne et s'est installée une bonne gouvernance
politique.
Pour mener notre étude, nous avons utilisé un
système d'équations triangulaires dont l'estimation a
été faite par les MCO. Ce système nous a permis de mesurer
l'impact de l'APD sur la croissance économique et aussi, de mesurer les
effets de la stabilité politique et le contrôle de la corruption
sur la performance économique du pays.
L'idée de la non-efficacité de l'aide publique
au développement se révèle bien vraie pour notre
période d'étude. Les résultats de notre étude ont
confirmé que l'aide publique au développement ne donne pas de
résultats en termes de croissance économique en Haïti. Notre
modèle confirme une relation négative entre l'aide et la
croissance. N'ayant pas d'impact sur la croissance, la réduction de la
pauvreté ne pourra pas se faire. D'où, l'échec de l'aide
publique au développement en Haïti.
Recherchant les causes de cet échec, nous avons
supposé que la corruption généralisée et
l'instabilité politique sont des facteurs flagrants. Les
résultats montrent qu'un climat de stabilité politique et une
bonne maîtrise de la corruption jouent un rôle crucial dans la
performance économique du pays. Avec un risque de 5% de se tromper, une
augmentation d'une unité du score de contrôle de la corruption
dans le pays augmenterait le PIB de 3.97% et une variation d'une unité
de plus du score de la stabilité politique entraînerait une
augmentation du PIB de 2%. Or les scores enregistrés pour ces deux
variables pour notre période d'étude sont coincés entre
-1.99 et -0.63 pour la stabilité politique, ceux du contrôle de la
corruption sont de -1.72 et -1.09. Une façon de dire que le pays
était politiquement très instable et que la corruption
était monnaie courante et la situation tend à s'aggraver. Dans un
tel contexte, tout effort visant à réduire la pauvreté en
passant par la croissance n'aura pas d'effet car ces deux fléaux rongent
le coeur de l'économie haïtienne. Ainsi, le point de vue de Collier
et Dollar laissant croire que dans les pays où l'environnement de
politique macroéconomique est malsain, l'aide est sans effet sur la
performance macroéconomique est justifiée dans notre cas
d'étude.
Donc, on peut se permettre de dire que la corruption
entraînant la faiblesse institutionnelle, et l'instabilité
politique chronique expliquent en partie l'inefficacité de l'APD pour
notre période d'étude.
Notre travail présente
certaines limites. Notre étude a été
réalisée sur une période de 23 ans, en raison de la non
disponibilité des données de certaines variables, ce qui
représente une taille assez étroite. Pour la première
équation du modèle, on a un coefficient de détermination
de 0.38, ce qui signifie que les variables considérées expliquent
l'APD seulement à 38%. Donc d'autres variables pertinentes pourraient
expliquer l'échec de l'APD. D'ailleurs, notre travail s'accentue sur
deux causes internes de l'inefficacité de l'aide (la corruption et
l'instabilité politique). Etant donné que le test de
normalité de Jarque-Berra montre que les erreurs de la première
équation ne suivent pas une loi normale, cela peut être vu comme
limite à ce travail.
La réduction de la pauvreté en Haïti doit
passer par la voie d'une croissance soutenue et inclusive. Pour ce faire,
l'aide publique au développement est appelée à jouer un
grand rôle puisque le pays en dépend grandement. Mais pour
Easterly, il n'y aura pas de succès de toute politique d'aide sans
responsabilisation, sans évaluation des agences. Ainsi, Pour une gestion
efficace de l'APD en vue de son efficacité, nous proposons ce qui suit
en termes de recommandations :
? Renforcer l'autonomie des institutions de lutte contre
la corruption afin qu'elles puissent vraiment contrer ce
phénomène
? Mettre en place des structures pour assurer
l'harmonisation et l'alignement de l'aide sur les initiatives locales bien
conçues tout en assurant une plus grande responsabilisation.
? Évaluer chaque étape des projets locaux
entrepris par les agences pour plus de transparence et plus de résultats
en termes d'efficacité.
? Assurer que l'aide reçue soit investie dans les
secteurs les plus productifs auxquels le pays détient un avantage
comparatif
? Réduire la
duplication des actions découlant de l'APD par les ONG dans la
réalisation de petits projets n'ayant pas d'impacts
significatifs.
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,Results.
https://www.transparency.org/en/cpi/
(page consultée le 3 septembre 2020)
AnnexesAnnexe 1 : Les indicateurs
d'efficacité de l'APD
|
Indicateur
|
2005 (pour référence)
|
2007 (pour référence)
|
Cible 2010
|
Résultat 2010
|
1
|
Les partenaires ont des stratégies de
développement opérationnelles
|
D
|
D
|
B ou A
|
D
|
2
|
Les systèmes nationaux de gestion des finances publiques
sont fiables
|
2.5
|
3
|
3
|
3
|
3
|
Les systèmes nationaux de passation des marchés
sont fiables
|
Non disponible
|
Non disponible
|
Pas de cible
|
Non disponible
|
4
|
Les apports d'aide sont alignés sur les priorités
nationales
|
--
|
80 %
|
85 %
|
22 %
|
5
|
Renforcement des capacités par un soutien
coordonné
|
--
|
65%
|
50 %
|
82 %
|
6
|
Utilisation des systèmes nationaux de gestion des
finances publiques
|
--
|
46 %
|
Pas de cible
|
54 %
|
7
|
Utilisation des systèmes nationaux de passation des
marchés
|
--
|
31 %
|
Pas de cible
|
37 %
|
8
|
Éviter les structures de mise en oeuvre
parallèles
|
--
|
39
|
Pas de cible
|
92
|
9
|
L'aide est davantage prévisible
|
--
|
67 %
|
Pas de cible
|
44 %
|
10
|
L'aide est non liée
|
81 %
|
86 %
|
Plus de 81 %
|
87 %
|
11
|
Utilisation de procédures ou dispositifs communs
|
--
|
61 %
|
66 %
|
35 %
|
12
|
Missions sur le terrain
|
--
|
21 %
|
40 %
|
18 %
|
13
|
Travaux analytiques par pays
|
--
|
53 %
|
66 %
|
46 %
|
14
|
Cadres axés sur les résultats
|
D
|
D
|
B ou A
|
D
|
15
|
Responsabilité mutuelle
|
Non disponible
|
Non
|
Oui
|
Non
|
Source: OCDE, Rapport 2011 sur l'engagement international dans
les États fragiles (République d'Haïti)
Annexe 2 :
Données utilisées dans le cadre du travail
Annexe 3 :
Stationnarité de la série LAPD
Annexe 4 :
Stationnarité de la série LPIB
Annexe 5 :
Stationnarité de la série CCOR
Annexe 6 :
Stationnarité de la série STABPOL
Annexe 7 :
Résultat de l'estimation du modèle
Annexe 8 :
Résultat du test de normalité Jarque-Bera
Annexe 9 :
Résultat du test d'autocorrélation de Portmanteau
* 1 Interview accordé
à Ricardo Seitenfus, Représentant de l'OEA en Haïti, par
Arnaud Robert, paru dans les colonnes du quotidien suisse Le Temps en date du
21 décembre 2010.
* 2 Tiré du site
d'internet de la BM via le lien suivant :
https://www.banquemondiale.org/fr/who-we-are
* 3 Tiré du site
d'internet de la BM suivant ce lien:
https://www.imf.org/external/np/exr/facts/fre/glancef.htm
* 4 Les «Institutions
spécialisées» sont des institutions indépendantes,
mais qui travaillent avec l'ONU. Ces relations sont définies par des
accords négociés entre l'ONU et chaque institution en
particulier. Parmi ces institutions, certaines existaient déjà,
d'autres étaient associées à la Ligue des Nations et
d'autres encore ont été établies en même temps que
l'ONU. Quelques-unes ont été créées par les Nations
Unies pour répondre à de nouveaux besoins.
* 5 Données disponibles
via le lien suivant:
http://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMTendanceStatPays?codeTheme=9&codeStat=HFI.CORRUPTION&codePays=HTI&optionsPeriodes=Aucune&codeTheme2=9&codeStat2=x&codePays2=DJI&optionsDetPeriodes=avecNomP&langue=fr
* 6 TSE: Ce traité
était signé entre le Venezuela et des pays de la région
Caribéenne dont Haïti en fait partie.
|