VI- LES OBJECTIFS DE LA RECHERCHE
Au regard de nos questions et de nos hypothèses de
recherche nous avons défini un (01) objectif principal et quatre (04)
objectifs de secondaires.
1- L'objectif principal
La présente réflexion vise principalement à
démontrer que le projet d'électrification rurale par
énergie solaire participe au rayonnement socioéconomique des
villages Ndjockloumbé, Seppe et Mbamblé.
2- Les objectifs spécifiques
O-S- 1 : Il vise à présenter les
différents acteurs impliqués dans la mise en oeuvre du projet
d'énergie solaire.
O-S-2 : Cet objectif vise à comprendre et
à expliquer les logiques d'actions des divers intervenant au de ce
projet.
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O-S-3 : Le troisième objectif a pour
but de connaitre les avis des populations des villages de Ndjockloumbé,
Seppe et Mbamblé autour du projet dans leurs localités.
O-S-4 Son objectif est de présenter
les atouts des énergies solaires dans les localités de
Ndjockloumbé, Seppe et Mbamblé.
VII- METHODOLOGIE
Dans le cadre de notre recherche, nous avons mobilisé
trois modèles théoriques. Il s'agit de la théorie du
conflit social, la théorie de la sociologie dynamiste et critique et la
théorie de la durabilité faible. Par ailleurs, trois principaux
outils de collecte de données à savoir : l'observation directe
structurée, l'entretien semi directif et le questionnaire ont
été manipulés. 1- Approche
théorique
Pour P. ANSART (1990 :56), le cadre théorique permet au
chercheur de préciser son « réseau d'influence ou
d'appartenance ». Dans le cadre de notre recherche, trois
modèles théoriques ont été mobilisés pour
comprendre les enjeux autour du projet d'énergie solaire dans
l'arrondissement de Ngwei. Il s'agit d'abord de la théorie du conflit
social, ensuite la théorie sociologique dynamiste et critique et enfin,
la théorie de la durabilité faible.
1-1 La théorie du conflit social
Les premiers travaux en anthropologie qui ont abordé la
réalité sociale par le biais des conflits sont ceux de
l'école de Manchester au début des années
19508. Cependant les usages qui ont été faits de la
notion de conflit restent ambigus, et renvoient au moins à trois niveaux
différents d'analyse.
Dans la perspective empire, les conflits sont inhérents
à toutes les sociétés. Cette idée est le leitmotiv
de l'oeuvre de M. GLUCKMAN (1956), le fondateur de l'école de
Manchester, et dans celle de ses disciples9. Pour M. GLUCKMAN, les
conflits sont l'expression de contradictions structurelles. Autrement dit les
sociétés, aussi petites soient-elles, et aussi dépourvues
soient-elles de formes institutionnalisées de gouvernement, sont
divisées et clivées par des conflits. Ces divisions et ces
clivages sont l'expression des coutumes, c'est-à-dire des normes, des
règles morales, des conventions (on pourrait aussi dire des codes
culturels). Ensuite, les conflits expriment donc des intérêts
différents liés à des positions sociales
différentes et sont culturellement structurés. Enfin, un postulat
fonctionnaliste : pour les
8 La notion de conflit était
déjà au coeur du paradigme marxiste. Mais divers auteurs
extérieurs à cette tradition ont mis en évidence
l'importance des conflits, comme Dahrendorf (1959), en macro sociologie, ou
Crozier (1964) en sociologie des organisations.
9 Le conflit est déjà un thème
d'un des premiers ouvrages de Gluckman (1940), mais prend plus d'importance
dans des publications ultérieures comme : Custom and conflict in
Africa (Gluckman, 1956).
10 Le darwinisme social, est un terme englobant qui
désigne toute doctrine ou théorie prétendant pouvoir
appliquer la théorie évolutionniste aux sociétés
humaines.
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fonctionnalistes, les conflits, qui semblent vouer les
sociétés à l'émiettement ou à l'anarchie,
concourent au contraire à la reproduction sociale et au renforcement en
dernière analyse de la cohésion sociale : ils permettent de
maintenir le lien social.
En sociologie, la théorie du conflit social apparait en
1908 dans l'ouvrage de SIMMEL intitulé Soziologie. Dans cet
ouvrage, il met en exergue les acquis de son étude sur la grande ville
et assimile la société à un organisme et le conflit
à la maladie : tout comme l'organisme fait sa maladie pour
guérir, la société se donne ses conflits pour pouvoir
exister. Pour G. SIMMEL, le conflit vise le rétablissement de
l'état d'équilibre de la société, il permet la
résolution des tensions entre les classes sociales. Il soutient la
thèse selon laquelle, le conflit est un facteur d'équilibre sans
lequel la société ne serait même pas envisageable et met en
évidence le rapport positif des conflits dans la vie sociale. Loin
d'être un dysfonctionnement, le conflit fait partie intégrante de
la société et contribue activement à la reproduction des
rapports sociaux. En d'autres termes, le conflit défait et tisse les
liens entre les individus. Sur le même ordre d'idées, le
darwinisme social10 soutient que la lutte pour la vie entre humains
est l'état naturel des relations sociales et que les conflits sont aussi
la source fondamentale du progrès et de l'amélioration de
l'être humain et donc, de la société. La théorie du
conflit social postule que la société ou l'organisation
fonctionne de manière antagoniste du fait que chaque participant et ses
groupes d'individus luttent pour maximiser leurs avantages. Celui-ci contribue
aux changements sociaux comme les évolutions politiques ou les
révolutions. Cette théorie est utilisée pour expliquer le
conflit entre les classes sociales, notamment entre le prolétariat et la
bourgeoisie. L'essence de la théorie du conflit est mieux
résumée par la structure de la pyramide classique dans ce sens
où une élite dicte sa manière de penser aux masses plus
grandes. Selon cette théorie, les normes et les valeurs sont
conçues pour soutenir ceux qui ont la puissance, ou les groupes qui sont
perçus pour être supérieurs dans la société.
La théorie du conflit social cherche à cataloguer les
manières dont ceux qui ont de la puissance travaillent pour rester dans
la puissance.
Cette théorie prend en compte deux concepts pour
expliquer la réalité sociale à savoir « l'acteur
» et « l'arène ». M. LUSSAULT
(2009 : 137) considère l'acteur comme « pourvu d'une
intériorité subjective, d'une intentionnalité, d'une
capacité stratégique autonome et d'une compétence
énonciative ». L'arène selon F.G BAILEY (1969)
renvoie à l'espace social où prennent place des confrontations et
affrontements. À ce titre, l'arène évoque
à la fois, chez les acteurs eux-mêmes, une échelle plus
restreinte et une conscience plus claire des affrontements.
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Au sens où nous l'entendons, l'arène est un lieu
de confrontations concrètes d'acteurs sociaux en interactions autour
d'enjeux communs. Pour JP Olivier de SARDAN (1998), un projet de
développement est une arène et le pouvoir villageois est un
acteur. De manière opérationnelle, ces deux concepts
(acteur et arène) sont en interrelation. En effet, les acteurs se
mobilisent et se déploient au sein de l'arène en fonction de
leurs intérêts.
La théorie du conflit social que nous avons
mobilisé dans le cadre de ce travail nous a particulièrement
semblé pertinente dans la mesure où elle nous a permis de saisir
les luttes d'intérêts qui opposent les différents acteurs
locaux impliqués dans le cadre de la mise en oeuvre du projet
d'électrification par énergie solaire. En réalité,
les élites locales s'opposent les unes aux autres parce qu'elles
souhaitent non seulement voir leur localité éclairée mais
aussi pour des intérêts économiques. Il s'agit des
élites qui s'investissent dans la production d'huile de palme.
Bénéficier de ce projet aurait donc un impact sur la production
des huileries locales. 1-2 La théorie de la
sociologie dynamiste et critique
La théorie dynamiste et critique est une théorie
qui émerge au cours des années soixante ayant pour des
pères fondateurs : G. BALANDIER. Elle nait dans un contexte de critique
contre le structuralisme génétique et ethnologique11
qui traitent certaines sociétés comme étant
perpétuellement fixes, établies dans un perpétuel
présent. Il s'agit de restituer à ces types de
sociétés une dynamique permanente. La société est
définie par le model des figures qui marquent une coupure par rapport
aux représentations classiques. Ce sont des agencements
vulnérables et problématiques des systèmes de relations
réjouissants l'activité collective, l'ordre et le désordre
y sont ensemble. La sociologie dynamiste et critique met au centre de sa
réflexion l'étude des changements, des mutations, des mouvements
sociaux, du devenir des sociétés. Par ailleurs, la théorie
de la sociologie dynamiste recommande au chercheur en général et
au sociologue en particulier d'être investi d'une attitude critique en
rupture avec les catégories de l'ordre social.
Pour G. BALANDIER (1971), les sociétés humaines
sont construites par une double dynamique à savoir les «
dynamiques du dedans » qui correspondent aux facteurs
endogènes et les « dynamiques du dehors » qui sont
les influences exogènes du changement social. Pour ce dernier, le
chercheur doit tenir compte de trois facteurs pour étudier les
sociétés : premièrement,
11 Le structuralisme génétique est
une forme particulière de structuralisme qui se distingue par sa prise
en compte de la dimension diachronique (historique) et son intérêt
pour la formation (« genèse ») et l'évolution des
structures étudiées. Il s'identifie largement à l'oeuvre
de Jean PIAGET et de Lucien GOLDMANN qui en furent les initiateurs dans les
années 1950 en épistémologie, ainsi qu'à l'oeuvre
de Pierre BOURDIEU qui en reprit et modifia le concept en sociologie à
partir des années 1970. Chez PIAGET et GOLDMANN, le structuralisme
génétique est synonyme d'épistémologie
génétique, tandis qu'il s'identifie plus tard chez BOURDIEU au
structuralisme constructiviste.
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les sociétés inscrites dans la dépendance
sont affectées par leurs rapports avec les sociétés qui
leur sont externes et cela au niveau de leurs structures sociales, politique,
culturelles et économique. Deuxièmement, ces
sociétés doivent par conséquent être
analysées après repérage des « dynamique du
dedans » et les « dynamismes du dehors ».
Troisièmement, le chercheur doit tenir compte des interrelations
entre ces dynamiques.
Par ailleurs, il s'intéresse au phénomène
de production et de reproduction d'une société ; pour lui la
société se produit continuellement dans la mesure où
chaque individu est un acteur social qui contribue au changement de la
société. D'après l'auteur, l'objet de la sociologie
dynamiste et critique est de démasquer ce qui est caché dans les
faits sociaux pour étudier les sociétés humaines en
profondeur. En outre, il s'agit de présenter des réalités,
« officielles et officieuses » car les
sociétés ne sont jamais ce qu'elles paraissent être.
L'objectif des interventions de développement est
d'apporter des changements sur des plans prédéfinis, il peut
être social, économique ou politique. Dans une vision techniciste,
où les sociétés sont relativement figées, et
où c'est le changement technique qui induit le changement social : le
développement coïncide avec l'intervention. Pour ELWERT et
BIERSCHENK (1988 : 99), « un projet de développement est une
intervention dans des systèmes dynamiques constitués d'acteurs
hétérogènes, engagés dans des rapports sociaux qui
sont porteurs d'inégalité et de domination en même temps
que solidarité, soumis à des processus plus larges de changement
économique et politique, en compétition pour des ressources et/ou
du pouvoir ». Dans le cadre de notre étude, la théorie
de la sociologie dynamiste et critique nous a permis de comprendre les logiques
d'intervention des acteurs locaux dans l'arène locale lors d'un projet
d'électrification par énergie solaire, leurs influences par
rapport à la mise en place du projet d'électrisation dans la
commune de Ngwei. Et enfin, les formes de réappropriation du projet
d'électrification solaire par ces acteurs locaux, lesquels ont un sens
et une puissance qu'il faut chercher à et à comprendre
expliquer.
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