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Les difficultés des armées nationales à  lutter contre le terrorisme. Cas de l'armée camerounaise.


par Germain GaàƒÂ«tan ABOMO BENGONO
Université de Yaoundé 2 - Master 2 en sciences politiques 2016
  

Disponible en mode multipage

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AVERTISSEMENT

Les opinions exprimées ici, autres que celles rapportées et référenciées, sont le seul fait de l'auteur du mémoire et ne pourraient en aucun cas engager la responsabilité de l'université de Yaoundé2-Soa.

DEDICACE

Je dédie ce mémoire à ma très chère maman ABOMO MVONDO Germaine.

REMERCIEMENTS

L'effectivité de ce modeste travail n'a été rendu possible que par l'appui et le soutien généreux de certaines personnes. Qu'il me soit permis de témoigner ici ma profonde gratitude à mon directeur de mémoire le Professeur AKONO ATANGANE Eustache, qui n'a ménagé ni son temps, ni son expertise pour rendre ce travail effectif malgré ses multiples engagements. Nos remerciements vont également à l'endroit ;

Du Général de Brigade EZO'O MVONDO Simon, pour son soutien multiforme ;

Au Lieutenant-colonel MVONDO James pour son soutien indéfectible ;

Au Lieutenant-colonel CHEMBOU Guy qui a bien voulu nous accueillir comme un père durant notre voyage d'étude à l'Extrême-Nord du Cameroun ;

Au Lieutenant-colonel MOUAHA-BELL Stans pour les conseils et son soutien indéfectible ;

A SIMONET Eric pour son soutien financier ;

A tous mes frères et soeurs, nièces et neveux pour, leur attention, leur soutien multiforme leurs encouragements et leur amour indéfectible qu'ils n'ont jamais cessé de manifester envers nous, même dans les moments les plus difficiles, qu'ils trouvent dans leurs efforts consentis ;

A ma grande famille pour les efforts consentis ;

A tous mes camarades promotionnaires pour leurs encouragements ;

A tous mes amis pour leur dévouement en particulier, ATEBA Esaie, NKOLO Rodrigue, KAMDEM Julio et Ewane André.

SIGLES ET ABREVIATIONS

ACADIR : Association Camerounaise pour le Dialogue Interreligieux

ACM: Actions Civilo-militaires

AFP : Agence France Presse

AFRICOM : Commandement Militaire Américain pour l'Afrique

ALPC : Armes Légères et de Petits Calibres

AQMI : Al-Qaïda au Maghreb Islamique

BAFUMAR : Bataillon des Fusiliers Marins

BLI : Bataillon Leger d'Intervention

BIR : Bataillon d'Intervention Rapide

BRIM : Brigade d'Infanterie Motorisée

BSA : Bataillon Spécial Amphibie

BSS : Bande Sahélo-Saharienne

BTAP : Bataillon des Troupes Aéroportées

CAT : Centre Anti-terroriste

CBLT : Commission du Bassin du Lac Tchad

CEDEAO : Communauté Economique pour le Développement des Etats de l'Afrique de l'Ouest

CEEAC : Communauté Economique des Etats de l'Afrique Centrale

CENTOM : Central Command

CIDIMUC : Conseil des Imams et des Dignitaires Musulmans du Cameroun

COIN : Contre Insurrection

COPALCO : Compagnie des Palmeurs de Combat

CPS : Conseil de Paix et de Sécurité

CS : Conseil de Sécurité

DOMP : Département des Opérations de Maintien de la Paix

EEI : Engin Explosif Improvisé

EI : Etat Islamique

EIFORCES : Ecole Internationale des Forces de Sécurité

EMIA : Ecole Militaire Interarmées

ENVR : Ecole Nationale à Vocation Régionale

ESIG : Ecole Supérieure Internationale de Guerre

FAC : Forces Armées Camerounaises

FAMA : Forces Armées Maliennes

FATIC : Forces Armées Tchadiennes d'Intervention au Cameroun

FMM : Force Multinationale Mixte

GSPC : Groupe Salafiste pour la Prédication et le Combat

IRIS : Institut des Relations Internationales et Stratégiques

ISAF: International Security Assistance Force

MNJTF : Multinational Joint Task Force

MNLA : Mouvement National pour la Libération de l'Azawad

MUJAO : Mouvement pour l'Unicité et le Jihad en Afrique de l'Ouest

G5 SAHEL : Groupe des 5 du Sahel

ONU : Organisation des Nations Unies

OPEX : Opération Extérieure

OTAN : Organisation du Traité de l'Atlantique Nord

OUA : Organisation de l'Unité Africaine

PNUD : Programme des Nations Unies pour le Développement

PSI : Initiative Pan-Sahélienne

RCA : République Centrafricaine

RECAMP : Renforcement des Capacités Africaines en matière de Maintien de la Paix

RMIA : Région Militaire Interarmées

TSCTP : Partenariat Transsaharien Contre le Terrorisme

UA : Union Africaine

UE : Union Européenne

USA: United States of America

US: United States

VBCI: Véhicule Blindé de Combat d'Infanterie

LISTE DES ILLUSTRATIONS

Figure n°1 : Carte territoriale de l'Afghanistan.....................................................35

Figure n°2 : Poste de combat de soldats américains en Afghanistan.............................40

Figure n°3 : Projection de deux VBCI français en Afghanistan..................................44

Figure n°4 : Les marsouins français en mode de guerre dans l'Adrar des Ifoghas.............53

Figure n°5 : Carte territoriale de région de l'extrême-nord du Cameroun.......................63

Figure n°6 : Un VBCI camerounais avec dispositif anti-mines en opération....................81

Figure n°7 : Les soldats du BIR-Alpha en opération à l'extrême-nord du Cameroun..........93

Figure n°8 : Image de propagande du leader de Boko Haram Abubakar Shekau..............101

Figure n°9 : Les membres d'un comité de vigilance à l'extrême-nord du Cameroun..........123

RESUME

Le monde post-bipolaire au lendemain de la guerre froide augure un nouvel ordre international, marqué par une résurgence des conflits infra-étatiques et une réduction considérable des conflits interétatiques. Cette réapparition des conflits intra-étatiques laisse apparaitre de nouvelles formes de menaces à la sécurité collective, à l'instar de la piraterie maritime, le trafic de la drogue, du crime organisé et le terrorisme transnational, pour ne citer que celles-là. La particularité avec ses nouvelles formes de menaces est qu'elles sont difficiles à combattre au sens conventionnel de la guerre par les Armées Nationales. Elles mettent en présence les armées régulières, face à des acteurs irréguliers non traditionnels utilisant des méthodes de combats asymétriques. La mutation de l'espace international par une prolifération de nouveaux conflits a des répercussions dans tout le monde entier, en Afrique et notamment au Cameroun.

En effet, le Cameroun, pays de l'espace géopolitique de la CBLT fait face à un pic de la dégradation sécuritaire dans sa partie septentrionale à cause de la contagion des activités terroristes de Boko Haram. La porosité aggravée des frontières, les faiblesses des régimes politiques, les faiblesses opérationnelles des armées nationales et le caractère irrégulier de la menace terroriste, favorisent la montée en puissance des activités terroristes dans le monde, notamment au Cameroun. Cette situation explique l'intérêt que portent les acteurs en charge de la défense pour palier à cette menace. Pour mieux appréhender la problématique des difficultés des armées nationales à lutter contre les groupes terroristes, il faut opérer une double rupture épistémologique. En effet, notre étude se donne pour ambition de dépasser le pessimisme affiché par certains acteurs dont les travaux recensés ont montré que les stratégies mises en oeuvre par les armées nationales, notamment l'armée camerounaise ne sont pas adaptées pour lutter efficacement contre les groupes terroristes ; d'une part, et d'autre part, les considérations optimistes qui promeuvent de nouvelles stratégies pour rendre efficace l'action des armées nationales face aux terroristes. Il est donc question de déconstruire les modèles figés qui ont été faits jusqu'ici sur l'antiterrorisme pour parvenir à une reconstruction des stratégies nouvelles par une valorisation des capacités opérationnelles des armées nationales face à des acteurs transverses, et sur un contrôle durable de l'initiative.

ABSTRACT

SOMMAIRE

AVERTISSEMENT i

DEDICACE ii

REMERCIEMENTS iii

SIGLES ET ABREVIATIONS iv

LISTE DES ILLUSTRATIONS vii

RESUME viii

ABSTRACT ix

SOMMAIRE x

INTRODUCTION GENERALE 1

1.6. PROBLEMATIQUE 24

1.7. METHOLOGIE DE RECHERCHE ET DE COLLECTE DES DONNEES 26

PREMIERE PARTIE 31

L'ACTION DES FORCES ARMEES NATIONALES DANS LA LUTTE CONTRE LES GROUPES TERRORISTES 31

CHAPITRE 1 33

LES DIFFICULTES DES FORCES ARMEES NATIONALES DANS LES THEATRES D'OPERATIONS DE LUTTE ANTITERRORISTE 33

SECTION 1 : LES MANOEUVRES DES ARMEES AMERICAINE ET FRANCAISE EN AFGHANISTAN 34

SECTION 2 : LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME AU SAHEL ET DANS LE BASSIN DU LAC TCHAD : CAS DES ARMEES MALIENNE ET NIGERIANE 47

CHAPITRE 2 62

L'ARMEE CAMEROUNAISE FACE AU GROUPE TERRORISTE BOKO HARAM 62

SECTION 1 : LE MAILLAGE STRATEGIQUE DES FORCES ARMEES CAMEROUNAISES POUR PARER AU TERRORISME DE BOKO HARAM 64

SECTION 2 : LA MONTEE EN PUISSANCE DE L'ARMEE CAMEROUNAISE DANS UNE ACTION COALISEE DE LUTTE CONTRE BOKO HARAM 73

CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE 86

DEUXIEME PARTIE 87

L'INSUFISANCE DE L'ACTION DES FORCES ARMEES DANS LA LUTTE CONTRE LES GROUPES TERRORISTES 87

CHAPITRE 3 89

LES DIFFICULTES DE L'ARMEE CAMEROUNAISE A COMBATTRE LE GROUPE TERRORISTE BOKO HARAM 89

SECTION 1 : UNE STERATEGIE ANTITERRORITE DIFFICILE A METTRE EN OEUVRE FACE A LA COMPLEXITE DE LA MENACE TERRORISTE 91

SECTION 2 : LES DIFFICULTES POUR L'ARMEE CAMEROUNAISE A REMPORTER LA VICTOIRE DECISIVE SUR LE PLAN OPERATIONNEL 104

CHAPITRE 4 113

LES DEFIS POUR UN RECADRAGE DE L'ACTION DES ARMEES NATIONALES DANS LA LUTTE ANTITERRORISTE 113

SECTION 1 : LES DEFIS POUR L'ARMEE CAMEROUNAISE DE METTRE EN OEUVRE UNE STRATEGIE CLAIRE ET PRECISE DE LA MENACE TERRORISTE 114

SECTION 2 : LA NECESSITE D'UNE MUTUALISATION DES MOYENS DANS L'ANTI-TERRORISME 122

CONCLUSION GENERALE 133

PERSPECTIVES POUR UN RENFORCEMENT DES CAPACITES OPERATIONNELLES DES ARMEES NATIONALES DANS LA LUTTE ANTITERRORISTE 133

BIBLIOGRAPHIE 139

TABLE DES MATIERES x

INTRODUCTION GENERALE

1.1. CONTEXTE D'ETUDE

La fin de la guerre froide en 1990-1991 marque un tournant majeur dans l'évolution des relations internationales. La dislocation de l'Union Soviétique en 1991 a donné naissance à un nouvel ordre mondial, marqué par une réduction considérable des guerres classiques interétatiques et une résurgence de nouvelles formes de menaces diffuses, hybrides plus proches d'une guérilla que d'un conflit conventionnel. Ainsi, le monde post-bipolaire1(*) a conduit à l'irruption des conflits infra-étatiques absolument déstructurés. Ceux-ci mettent en présence, les armées nationales disposant des technologies militaires sophistiquées à des acteurs non-étatiques organisés en réseaux disposant, un armement primitif qui se mêlent à la population civile.

Ces nouvelles formes de menaces2(*) sont portées par une prolifération d'armes légères et de petit calibre (ALPC), le crime organisé3(*), les mouvements insurrectionnels et surtout le terrorisme international. Celles-ci ont bouleversé toutes les doctrines militaro-stratégiques de la communauté internationale en matière de défense et de sécurité. Depuis les célèbres attentats du World Trade Center et du Pentagone aux USA le 11 septembre 2001 (attentats perpétrés par la figure de proue du jihadisme international Al-Qaïda, aujourd'hui devancé par l'organisation de l'Etat Islamique (EI) encore appelé Daesh4(*)), le monde est devenu plus instable et la violence s'est globalisée par les entrepreneurs privés de la terreur. Cette situation a été confirmée par, les attentats de Londres, de Madrid et les attentats manqués de la France. Le continent africain quant à lui entre dans ce cycle de violence en 1998, par les attentats perpétrés contre les représentations diplomatiques américaines de Dar es Salam (Tanzanie) et de Nairobi (Kenya) qui avaient fait plus de 200 morts.

Par ailleurs, depuis les attentats de 2001 aux USA, le monde est plongé dans un régime de terreur sans précédent qui n'épargne aucune couche sociale, ni une partie du monde. En effet, l'Etat au sens Wébérien n'est plus le seul détenteur du monopole de la violence. Il est concurrencé dans ce domaine par des acteurs non-étatiques organisés en réseaux notamment, les organisations terroristes. Avec des moyens modestes, les terroristes n'hésitent pas à prendre l'initiative contre l'Etat et à le mettre sérieusement en difficulté. C'est ce qui a été vécu au Mali en 2012, où les organisations terroristes avec le soutien des mouvements séparatistes sont allés jusqu'à occuper tout le nord du pays tout en mettant l'Etat malien hors service5(*). C'est dans cette logique que Cyrille Caron souligne que, « le terrorisme neutralise l'Etat à défaut de le détruire»6(*).

Avec l'avènement de la lutte globale contre le terrorisme international à l'aube du 11 septembre 2001, une nouvelle aire a vu le jour dans les conflits contemporains. Ceux-ci ne reflètent plus celles que le monde avait connues avant 1945. Le paradigme de la guerre conventionnelle au sens clausewitzien a changé. L'on parle maintenant du « paradigme de la guerre au sein de la population » ou de guerres irrégulières. C'est dans cette logique que Jean-Paul Joubert confirme qu'il y a « les transformations de la guerre »7(*). Quant à Dario Battistella, « le terme de guerre est devenu polysémique »8(*). Dans le même ordre d'idées, le général Vincent Desportes affirme que : « la guerre est en mutation profonde, elle change de visage avec l'apparition de nouveaux acteurs, elle revient en force, mais elle n'a pas changé de nature elle a change de visage »9(*). Il est toujours question de vie ou de mort pour les peuples et les nations. Il y a une désinstitutionalisation de la guerre. Les fronts, les campagnes, l'organisation, les tactiques, les uniformes disparaissent de plus en plus dans les combats modernes. Les enjeux de ces conflits sont également multiples et ambigus. A cet effet, les conditions de l'efficacité militaire ne sont plus les mêmes. Qu'il s'agisse de la guerre d'Afghanistan, menée par les américains au nom de la lutte contre le terrorisme, ou de la lutte que mène la coalition internationale contre l'EI en Iraq et en Syrie, ou bien de celle que mène l'armée camerounaise contre Boko Haram. Il se dégage un constat alarmant, celui de l'insuffisance de l'action des armées dans la lutte contre les groupes terroristes. En effet, les forces armées nationales peinent à remporter la décision dans les combats qui les opposent aux organisations terroristes. Cette situation a pour corolaire, la montée en puissance des activités terroristes dans le monde. Les doctrines10(*) originelles qui fondent l'action des forces armées nationales ne sont pas adaptées dans les combats modernes. Il est évident de nos jours que toute force ne garantit plus l'efficacité de l'action militaire. L'excès de puissance conduit même à des pratiques pour la contester et là contourner.

En outre, d'après la logique réaliste, les forces armées nationales sont entrainées et préparées à la guerre conventionnelle. Ainsi, « les armées ne sauraient vaincre un adversaire pour qui la victoire n'est pas synonyme de contrôle du terrain ou de destruction des troupes, mais s'inscrit dans des logiques psychologiques et sociétales »11(*). D'autant plus que, la menace terroriste défavorisée par le rapport de force, utilise la violence non pas pour vaincre ou gagner la guerre12(*), mais, pour déstabiliser, faire vaciller.

Les principes qui s'appliquaient aux guerres classiques ne trouvent plus leur champ d'expression aujourd'hui. Dans ce schéma anachronique, désuet et obsolète, il était légitime de penser quel victoire décisive appartiendrait au plus fort, ou à force égale, au plus déterminé, ou encore à détermination égale, à celui qui saisirait l'initiative et la surprise. Dans cette logique, les lois s'appliquaient invariablement à tous les protagonistes, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui. Car, nos forces armées sont engagées dans « les guerres contre-insurrection »13(*) (COIN). Ces nouveaux conflits sont rendus complexes par leur caractère irrégulier, l'immixtion du fait religieux ou ethnique et culturel, l'omniprésence des organisations criminelles, les manoeuvres des entrepreneurs politiques.

C'est dans la logique des développements précédents que s'inscrit l'objet de notre étude. L'objectif est la recherche de nouvelles stratégies pour rendre plus efficace l'action des forces armées nationales dans les conflits modernes d'une manière générale, dans la lutte contre les groupes terroristes d'une manière particulière.

1.2. DELIMITATION DE L'ETUDE

Construire un objet de recherche en sciences sociales stipule de faire une délimitation au préalable du champ d'étude. Cette opération permet au chercheur non seulement de ne pas s'égarer dans un océan de recherches, mais, elle offre aussi une possibilité de vérification des hypothèses de recherche. Ainsi, dans le cas d'espèce, la délimitation du cadre de notre étude nous permet de fixer les bornes spatiales (a) et temporelles (b) à l'intérieur desquelles va se mobiliser notre réflexion.

a - Délimitation spatiale

L'espace dans lequel nous proposons d'étudier les difficultés des armées nationales à lutter contre le terrorisme est, les théâtres majeurs de lutte contre le terrorisme (l'Afghanistan, le Sahel, le bassin du lac Tchad, etc.). Notre étude sera focalisée d'une manière particulière, sur le conflit que mène l'armée camerounaise contre le groupe terroriste Boko Haram. Cette délimitation nous permet de voir et de comprendre, les difficultés que rencontrent les forces armées nationales dans les combats antiterroristes. Dans ce sens, elle nous permet d'envisager de nouvelles stratégies pour améliorer l'efficacité de l'action militaire dans les conflits modernes.

b - La délimitation temporelle

La délimitation temporelle est nécessaire pour se situer dans un espace-temps bien déterminé. Etant donné qu'il est difficile, voire, impossible, d'étudier un objet ou un fait social dans une période indéfinie. Il convient de circonscrire son objet d'étude dans un espace-temps. C'est dans cette logique que les hypothèses peuvent être vérifiées. Par conséquent, dans le cas d'espèce, la délimitation temporelle s'articule autour de deux bornes principales à savoir : la borne inférieure 2001 et la borne supérieure 2016.

Au lendemain des attentats du 11 septembre 2001, le monde est entré dans un cycle de violence sans précédent, marqué par, une globalisation des activités terroristes et une vaste campagne de lutte anti-terroriste. Elle marque également un tournant majeur dans les conflits modernes, notamment dans la lutte contre les organisations terroristes par les armées nationales. Dans ce sens, cette année marque le début d'une intense activité terroriste dans le monde, et une forte mobilisation internationale dans le contre terrorisme.

Le choix de l'année 2016, comme borne supérieure dans le cadre de notre étude, se justifie par le fait, qu'elle nous permet d'observer les dynamiques de la lutte antiterroriste par les forces armées nationales dans le monde. Cette observation sera accentuée d'une manière particulière sur les dynamiques de la lutte contre Boko Haram par l'armée camerounaise. En effet, cette année marque également une certaine diminution de l'intensité des activités terroristes de Boko Haram dans le bassin du lac Tchad, notamment au Cameroun.

1.3. INTERET

S'il est évident que la science se veut d'abord cumulative. Il reste que tout travail scientifique doit être singulier et particulier. Ainsi, il doit contribuer au progrès et au développement de la science. A ce titre, notre travail est porteur d'un intérêt à plusieurs volets justifiant ainsi le crédit à lui apporter.

1.3.1. Intérêt scientifique

L'intérêt scientifique d'un travail de recherche peut-être considéré comme, l'apport qu'un fait social étudié, ajoute à la science. Dans le cas de notre étude, l'intérêt scientifique réside dans le fait qu'il se veut une contribution à la problématique portant sur l'efficacité de l'action des forces l'action militaire dans la lutte contre les acteurs irréguliers en général, les organisation terroristes en particulier. La menace terroriste dans le monde, est devenue très préoccupante. Il se pose donc, l'enjeu et le défi de trouver de nouvelles stratégies pour rendre efficace l'action des forces armées dans les combats qui les opposent aux organisations terroristes. Dans cette logique, notre étude entend se focaliser sur l'analyse des difficultés que rencontrent les forces armées nationales, dans la conduite des opérations militaires antiterroristes. Cette étude nous permet donc de comprendre et de saisir les obstacles qui ne favorisent pas aux forces armées de remporter facilement la décision dans ces nouveaux conflits irréguliers. Dans le même sens, faire une étude prospective pour un renforcement des capacités opérationnelles des armées nationales à lutter efficacement contre ces mouvements terroristes.

1.3.2. Intérêt stratégico-politique

Partant de la prise en compte des enjeux et des défis des autorités politique et militaire, pour la définition d'une politique de défense et de sécurité efficace face aux nouveaux engagements auxquels les forces armées nationales sont appelées à faire face, afin de garantir la paix, la défense et la sécurité de leur nation. Le monde est confronté aux différents éléments déstabilisateurs, des rivalités entre acteurs dont les intérêts divergent les uns des autres, les régimes dictatoriaux, la pauvreté endémique dans certains coins du monde, l'insatisfaction économico-sociale et les faiblesses opérationnelles des forces armées nationales dans certains pays. Si les acteurs majeurs de la scène internationale ont des ambitions géopolitiques dans la lutte contre le terrorisme international. Les puissances mineures de la scène internationale, participent également à ce jeu d'influence et de positionnement dans le cadre de la lutte globale contre le terrorisme. Les groupes terroristes participent aussi à ce jeu d'intérêts et de positionnement. Cette étude nous permet donc, de comprendre l'intérêt porté par la lutte globale contre le terrorisme, et de ce fait, comprendre les difficultés que rencontrent les forces armées nationales dans la lutte contre les organisations terroristes.

1.3.3. Intérêt social

L'intérêt social de ce travail réside sur le fondement et la construction multidimensionnelle du retour à la paix, à la sécurité et à un développement intégré et inclusif dans les pays confrontés aux activités terroristes. Ceci, à travers, l'opérationnalisation et l'efficacité de l'action des forces armées nationales des pays engagés dans l'antiterrorisme en général, au Cameroun en particulier. Il permet donc de comprendre les déterminants sociaux en vue d'opérer un réel changement dans la conduite des opérations militaires antiterroristes. Ainsi, la viabilité et la prospérité suivront dans ces pays, ainsi que la stabilité globale sera une donnée réelle pour les Etats confrontés aux activités terroristes.

1.4. CLARIFICATION CONCEPTUELLE

Dans le cadre de ce travail de recherche, nous nous limiterons à la clarification des termes-clés de notre recherche à savoir : Difficultés, Armée Nationale, Lutte, Terrorisme.

1- Difficultés

Selon le Grand Larousse Illustré 2016, une difficulté est le caractère de ce qui est difficile ; chose qui embarrasse ; empêchement ; un obstacle. Dans le cas d'espèce les difficultés ici sont un ensemble d'obstacles que rencontrent les acteurs en charge de la défense des Etats dans la lutte contre cette nouvelle forme de menace qu'est le terrorisme islamiste. Les difficultés peuvent également être comprises ici comme tout empêchement qui réduit l'efficacité de l'action des forces armées dans la lutte contre les mouvements terroristes.

2-Armées Nationales

Le terme « Armée » vient du latin « armada ». A l'origine, il signifie l'armement des navires, d'où le nom espagnol armada : flotte, armée de mer. Par analogie et par dérogation, on la désigné, sous le vocable d'armée, l'armée de terre, la marine prenant le nom de flotte de guerre, flotte de commerce, etc. Tout Etat indépendant et souverain, à l'exception de certains au statut particulier (Vatican, Suisse etc.), dispose des Forces Armées. Ainsi, celles-ci sont restées pendant longtemps le symbole premier de la souveraineté.

L'armée est un ensemble des forces militaires d'un pays, rassemblées entrainées, structurées de façon à entreprendre des manoeuvres guerrières à caractère offensif (conquête de territoire ennemi) ou défensif. Selon le lexique de science politique, une armée se définit comme étant « l'ensemble des forces militaires d'un Etat destinées à la défense du territoire et à la mobilisation dans les conflits externes (guerres, opérations de maintien de la paix, soutiens à certains régimes alliés...). L'armée peut également être mobilisée dans le cadre des opérations internes de maintien de l'ordre ou de répression, en particulier dans les régimes militaires où la sécurité civile est sous la dépendance des militaires »14(*).

Marc Frontier15(*) définit une armée comme un rassemblement de corps de troupe prêt à faire la guerre. Aujourd'hui elle est comprise comme un service public, qui a pour mission d'assurer la protection des intérêts d'un Etat. Dès lors, les armées comme forces de défense en générale, considérées comme force à politique dirigée par le pouvoir civil. Dans cette perspective, un militaire est un membre d'une « armée régulière », c'est-à-dire, instituée officiellement au sein d'un Etat.

Dominique Bangoura16(*), toute armée se conçoit comme une organisation d'hommes élaborée conjointement à un système d'armes en vue d'assurer la défense de l'intégrité territoriale, des institutions librement choisies ainsi que la vie et la survie des populations. En général, l'armée participe également à la mise en oeuvre de l'ordre politique, publique : politique étrangère, sécurité intérieure, sécurité civile, santé publique, sauvegarde maritime, protection de l'environnement etc.

Dans son sens plus général, le terme « Armée » s'applique aux moyens dont dispose un Etat, un peuple, une collectivité sociale, politique, religieuse ou économique. Ces moyens comprennent des effectifs organisés, hiérarchisés, armés, équipés, administrés et militairement instruits. Leur fin est d'imposer la volonté de l'autorité supérieure par la force ou la menace de son exercice, soit à l'extérieur des territoires mouvants ou fixés, de la collectivité considérée17(*). Dans un sens plus restrictif, le terme d'armée s'applique aussi à une fraction importante de l'ensemble des moyens militaires destinés à la défense, d'une frontière, d'une région, ou à l'exécution d'une mission stratégique sur un théâtre d'opération déterminé.

Dans certains pays, l'armée regroupe les forces spécialement ayant pour mission la sécurité intérieure ou la police. Elle comprend alors des forces de gendarmerie ou des forces paramilitaires (garde-frontières, garde-côtes, sapeurs-pompiers...).

Les structures de l'armée, son volume et son évolution ont varié au cours des périodes historiques. On distingue plusieurs types d'armées (les armées nationales, les milices, les armées fédérales, les armées permanentes, les armées des mercenaires ou de métier, armée du salut). En clair ces appellations ne s'excluent pas les unes des autres : les mercenaires sont des gens de métier, mais une armée de métier peut être nationale par son recrutement ; une certaine organisation des milices constitue parfois une armée semi-permanente ; (l'armée Suisse au cours des deux guerres mondiales), alors que les armées féodales par nature, ne sont pas permanentes, mais rassemblées occasionnellement, pour de courtes périodes.

Le type d'armée qui nous intéresse ici est l' « Armée nationale ». Par la notion d'armée nationale on sous-entend le recrutement des nationaux au niveau national et la participation consciente du peuple à l'égard de l'armée. Le terme : Armée nationale est repris aux temps modernes lorsque le recrutement fait appel aux citoyens d'un même Etat. C'est surtout la révolution française de 1789 qui instaura avec le service militaire obligatoire, la mise en oeuvre des Armées nationales qui connaîtront leur apogée lors des deux grandes guerres18(*).

Selon Alain Didier Olinga, considère que l'armée a pour mission première la défense de la patrie contre les atteintes à son indépendance et à sa patrie19(*). Le rôle fondamental d'une armée dans un Etat est de prévenir le corps social de toutes les menaces qui pourraient porter atteintes non-seulement à l'intégrité territoriale et au patrimoine reçu et aussi d'extirper de la nation les menaces susceptibles de porter atteintes à la volonté du vivre ensemble. Toutefois, l'atteinte de ses missions passe par une bonne identification des pesanteurs en termes de vulnérabilités susceptibles de mettre la nation en péril.

Dans notre analyse, les armées nationales auront un double sens : celui d'un outil de défense, préparé à la guerre conventionnelle pour la défense des intérêts de l'Etat ; et celui d'un outil de maintien et de sanctuarisation de l'espace national contre tout ennemi extérieur ou intérieur.

3-Lutte

Le Grand Larousse Illustré 2016, définit la lutte comme un affrontement entre deux personnes, deux groupes dont chacun cherche, s'efforce à faire triompher sa cause. Dans le cas d'espèce, la lutte est un choc entre deux volontés opposées (les entités étatiques contre les mouvements terroristes) cherchant à imposer à l'autre sa volonté. Elle peut également être considérée ici comme, une confrontation qui oppose les forces armées et les organisations terroristes.

4-Terrorisme

Le terrorisme est considéré comme l'une des plus grandes menaces du 21ème siècle20(*). Mais, il faut relever que le terrorisme n'est pas un phénomène nouveau, il est tout aussi ancien que la guerre. Il a été attesté en 1792 pour désigner la doctrine des partisans de la terreur remontant à la révolution française. Celui-ci remonte au 11e siècle par la « sacralisation de la violence » causé la mort pour la cause de Dieu (la terreur sacrée). Autrefois, la terreur faisait peur on tuait des gens en raison de leur insoumission à un régime autoritaire établi et sans leur consentement. On a ensuite utilisé le terrorisme pour manifester son rejet du colonialisme, afin d'oeuvrer pour l'indépendance de son pays (le cas de l'Afrique du Sud dans les années 80 dans la lutte contre le régime d'Apartheid).

C'est à la suite de cet épisode historique que le terrorisme a été forgé pour désigner un régime de terreur, pour la plupart des auteurs étudiant le phénomène terroriste, entre autre Armand Blin et Gérard Challiand, Bruce Hoffman et Walter Laqueur etc. L'usage de la terreur à des fins politiques existait déjà. Pourtant, depuis les années 70, la problématique « terroriste » a vu une ample littérature et se hisse de nos jours au sommet des préoccupations mondiales. De par l'abondante littérature consacrée à la notion du terrorisme, les auteurs ne s'accordent pas sur une définition universelle du terrorisme. Il est donc extrêmement compliqué de trouver une définition qui fait consensus entre les acteurs.

La définition du terrorisme donne bien à des désaccords. Cela parait lorsqu'une personne est qualifiée de terroriste par certains et honorée par d'autres comme étant un combattant de la liberté. Les efforts en vue de trouver une définition universellement acceptable pour tous se heurtent toujours à deux points de vue : l'inclusion du «terrorisme d'Etat et la demande d'exclusion du recours à la force visant à la libération nationale effectué dans le cadre du droit à l'auto-détermination »21(*).  C'est dans ce sens que Brian Jenskins souligne que : « ce qu'on appelle terrorisme semble donc dépendre du point de vue de celui qui emploie le terme. L'usage du terme implique un jugement moral, et si une partie réussit à attacher le label terroriste à la partie opposée, c'est qu'elle est directement parvenue à persuader les autres d'adopter son point de vue »22(*).

Isabelle Soumier quant à elle affirme que : « l'étiquette terroriste jette l'anathème, elle renvoie à l'inacceptable »23(*). Le concept reste encore flou du fait de la nature des actions terroristes, les mobiles, les moyens utilisés et les cibles pluriels et divers. En plus, il pose la question entre l'acte politique (le but recherché) et la terreur (le moyen), celle de la violence légitime (supposée exercée par les Etats) et illégitime (exercée par les individus organisés en réseaux ou solitaire, ou des organisations non étatiques sub-nationales) et celle du comportement éthique (le lâchage de la bombe atomique sur Hiroshima et Nagasaki est-il plus éthique que les attentats terroristes du septembre 2011 ?), et celle du public principal (la cible de l'acte terroriste est-elle la véritable cible ? La véritable cible n'est-elle pas un gouvernement, une Organisation Internationale, ou l'opinion internationale que l'on cherche souvent à atteindre, à informer ou à influencer ?)24(*). Cet ensemble d'incompréhensions sur la notion du terrorisme pour autant ne nous fait dire qu'il n'y a aucune définition du terrorisme ? Les auteurs n'ont-ils pas essayé de définir cette notion ? N'existe-t-il pas des définitions sur la notion du terrorisme ?

En effet, ce que nous considérons comme terrorisme n'est rien d'autre qu'une tactique de combat. L'arme du « faible » contre le « fort »25(*), dans le cadre d'une conflictualité asymétrique, où le faible fait usage de cette tactique de combat pour contourner la force arsenalisée du fort. Le terrorisme a donc pour but de conférer la puissance et les avantages tactiques à des acteurs qui en seraient dépourvus s'ils entraient en confrontation directe de nature symétrique avec une armée régulière26(*). Le terrorisme apparait donc comme une approche, une technique guerrière, une catégorie conflictuelle qui relève des stratégies indirectes, irrégulières ou des stratégies alternatives.

C'est en tant que méthode de combat qu'Alex Smitt et Albert Jongman le définissent comme, « une méthode rejetée d'actions violentes inspirant l'anxiété, la peur et qui est employée par des individus, des groupes (semi) clandestins ou des acteurs étatiques pour des raisons particulières, criminelles ou politiques ou au contraire de l'assassinat. La cible initiale de l'acte de violence est généralement choisie au hasard (opportunité) ou de manière sélective (symbolisme), parmi une population donnée et sert à propager le message...»27(*). Cette définition recoupe largement celle de Marie Balancier, pour elle, le terrorisme est « une séquence d'actes de violence dument planifiés et fortement médiatisés, en prenant délibérément pour cible les objectifs non-militaires afin de créer un climat de peur et d'insécurité, d'impressionner une population et d'influencer ses décideurs, dans le but de modifier les processus décisionnels (céder, négocier, payer, libérer, réprimer) et satisfaire des objectifs (politiques, économiques, criminels) préalablement définies »28(*).

Pour Arnaud Blin, « un acte de terroriste est un acte politique dont le but est de déstabiliser un gouvernement ou un appareil politique, où les effets psychologiques recherchés sont inversement proportionnels, mais non exclusifs à la population civile »29(*). L'Union Européenne (UE) à travers la loi européenne adoptée le 06 décembre 2001 s'accorde sur une définition commune sur le délit de terrorisme. Ainsi, sont qualifiés de terroristes, les actes commis « dans le but de gravement intimider une population ou de contraindre indument les pouvoirs publics ou une organisation internationale à accomplir un acte quelconque ou gravement déstabiliser ou détruire les structures fondamentales, politiques, constitutionnelles, économiques ou sociales d'un pays ou d'une organisation internationale ».

Ainsi, comme nous l'avons souligné plus haut, l'examen de cette abondante littérature sur la notion du terrorisme illustre à suffisance la grande difficulté qu'il y'a à asseoir une définition consensuelle de la notion du terrorisme. Par conséquent, elle illustre l'urgence et le défi de s'accorder sur une définition universelle du terrorisme. Afin que les nations puissent adresser et appliquer les mesures de contre terrorisme et d'antiterrorisme.

1.5. REVUE DE LITTERATURE

La montée en puissance des mouvements terroristes ces dernières années dans le Proche et le Moyen Orient sous l'impulsion d'Al-Qaïda et de l'EI ont étendu leur influence dans l'ensemble des groupes terroristes qui pullulent dans le reste du monde entier notamment dans le continent africains. Les groupes terroristes impulsés par un islamisme messianique, ont déporté la violence dans le monde en bouleversant les doctrines militaro-stratégiques en matière de défense et de sécurité. Cette situation est à l'origine de l'émergence d'une abondance littérature ayant une relation directe avec les questions de défense et de sécurité nationale des Etats à l'aune de la prolifération du terrorisme.

Le point d'ancrage de ces travaux repose sur la problématique liée à la menace terroriste sus évoquée, et surtout sur les politiques de défense déployées pour y faire face. La porosité aggravée des frontières nationales des Etats, les fragilités des systèmes politiques des Etats, les faiblesses opérationnelles des armées nationales, la montée en puissance de l'extrémisme religieux, l'inadaptation de la force militaire dans la conduite des opérations antiterroristes, la lutte pour les intérêts géopolitiques entre les grandes puissances occidentales favorisent la montée en puissance et de la contagion terroriste dans le monde. Les stratégies prises sur le plan national, régional et international pour contenir le terrorisme transnational restent insuffisantes et inefficaces. Se sont là le centre de gravité des travaux émergents liés à la problématique sur les difficultés des forces armées nationales à lutter contre les groupes terroristes. L'évaluation des stratégies déployées sur le plan militaire pour juguler cette menace terroriste est le point d'orgue de ces travaux.

Au regard de cette situation inquiétante, l'on peut se demander : comment faire pour lutter efficacement contre les groupes terroristes ? Quelles stratégies adoptées pour rendre efficace l'action des force armées nationales contre les mouvements terroristes ? Comment utiliser avantageusement la force armée contre les groupes armés terroristes qui pullulent dans le monde ? C'est cet ensemble de questionnements que se posent les acteurs et les experts s'intéressant à la problématique sur l'efficacité de l'action des forces armées nationales dans la lutte contre le terrorisme. Ces différents travaux illustrent une prise de conscience de la communauté épistémique, et tend tant bien que mal à trouver des réponses appropriées, sans toutefois parvenir à une solution efficace et définitive.

Il ne faut donc pas s'étonner si l'intérêt porté par la recherche sur l'efficacité de l'action des forces armées nationales dans la lutte contre le terrorisme en général, les forces armées camerounaises en particulier n'est que dans une pente ascendante. Ce nouvel intérêt peut d'abord s'expliquer par le fait que, la problématique sur l'efficacité de l'action des forces armées contre les organisations terroristes constitue l'un des aspects, sinon le plus important sur lequel le monde est résolument tourné aujourd'hui. D'autre part, la construction des politiques pour endiguer le phénomène terroriste amène les Etats à accorder une importance de plus en plus accrue à cette forme de menace.

De la littérature éparse et parcellaire publiée sur la question des difficultés des armées nationales à lutter contre les mouvements terroristes en général, sur celles que rencontre l'armée camerounaise dans la lutte contre Boko Haram en particulier. On retient deux principales tendances dans cette problématique, quoique reparties de façon inégale. La première tendance repose sur une approche militaro-pessimiste.

Dans ce sens, Cyrille Caron dans ses travaux, présente les défis des nouveaux engagements des forces armées régulières occidentales dans les conflits dits « asymétriques ». L'auteur fait une analyse sur les difficultés auxquelles les armées régulières font face dans les nouveaux conflits, notamment dans la lutte contre le terrorisme30(*). Il présente la supériorité technologique et militaire qui est gage d'une victoire militaire certaine dans le cadre d'un conflit conventionnel. Mais, dans un conflit irrégulier celle-ci peut constituer un désavantage. Pour lui, « Les armements des armées régulières sont conçus pour un emploi coordonné, voire, groupé. Ils deviennent vulnérables dès qu'ils sont isolés, particulièrement si les combats ont lieu en milieu urbain, qui cloisonne les unités, leur fait perdre le contact entre elles, donc désorganisent la coordination des actions et les contraints à des engagements de courte portée »31(*). La nature ambigüe des enjeux entre les acteurs dans ces conflits complexifient même l'action des forces armées régulières. Ainsi, la guerre asymétrique « nous montre désormais que nous sommes désarmés et que nous pouvons perdre »32(*).

Le général Vincent Desportes quant à lui dans ses travaux, construit son analyse sur les difficultés que les armées occidentales ont rencontré sur les différents théâtres où elles ont été engagées depuis la fin des de la seconde guerre mondiale. Pour faire émerger une problématique claire : est-il encore possible aujourd'hui pour elles de gagner une guerre33(*) ? Vincent Desportes fait une observation, sur la grande coalition des forces armées occidentales dans les guerres d'Iraq et d'Afghanistan. De là, il se dégage un constat d'échec, sur le fait que, ces forces, avec des moyens militaires colossaux, ne parviennent dans la difficulté qu'à des résultats tactiques ambigus face à quelques milliers d'insurgés. Pour lui, « la lecture historique des deux siècles derniers de conflictualité n'incite pas à l'optimisme. Quel que soit l'habilité tactique de leurs forces armées, les Etats occidentaux semblent progressivement perdre un de leurs avantages comparatifs essentiels, celui de leur capacité à imposer leurs visions et valeurs, par la force »34(*).

Cette situation est due à la faiblesse des sociétés avancées. Ces conflits sont caractérisés par, la dissymétrie des enjeux qui favorise le faible, la dissymétrie des comportements dans la conduite des opérations militaires et la dévalorisation des avantages comparatifs des armées occidentales (dévalorisation de la puissance, dévalorisation de la capacité de destruction, dévalorisation de la technologie). Pour Desportes, dans les conflits modernes, il y'a une émergence d'avantages nouveaux pour l'adversaire à savoir : des rapports au temps et à l'espace favorisent le faible, l'adversaire connait désormais « l'Autre » et s'adapte de plus en plus vite. Pour lui, les conflits contemporains seront toujours difficiles parce que, ces contraintes permettront difficilement de respecter les principes classiques de la guerre. Dans ce sens, gagner « les guerres probables »35(*) devient improbable.

Messinga Ernest Claude dans ses travaux sur les Forces Armées Camerounaises face aux nouvelles formes de menaces à la sécurité, s'interroge sur l'efficacité des mesures mises en place pour parer aux nouvelles formes de menaces dont le pays fait face. Ainsi, il fonde son analyse sur l'étude des systèmes de défense à travers les performances de l'armée camerounaise, et de sa capacité à pouvoir gérer ces menaces. Selon lui, ces menaces plus difficiles à prévoir, à parer et à évaluer, peuvent avoir des conséquences graves dans la vie des Etats. En réalité, le monde part d'une menace principale, conventionnelle et identifiée, à une prolifération de menaces diffuses et hybrides36(*). Il s'interroge sur le fait de savoir, si la politique de défense camerounaise est à mesure de circonscrire avec pertinence les nouvelles menaces à la sécurité et d'y réagir efficacement ? Pour l'auteur, le dispositif camerounais de défense nationale semble avoir été formulé pour répondre aux menaces conventionnelles et ne parait pas, en conséquence, suffisamment outillé pour riposter aux nouvelles menaces en dehors d'une modification de ses cadres d'action. Il fait ainsi une évaluation de la politique de défense camerounaise face à l'émergence de nouvelles menaces transnationales. Pour Messinga, les forces armées camerounaises devraient s'ajuster, pour s'adapter aux fortes évolutions sociétales et géostratégiques relevant de la conceptualisation institutionnelle et générale des menaces, indispensable pour la définition de la doctrine d'emploi des forces et son adéquation aux nouvelles menaces37(*).

Pour Mouaha-Bell Stans38(*), l'inefficacité apparente des forces armées nationales africaines dans leurs nouveaux engagements doit toutefois être relativisée. Car, les forces armées africaines font désormais face à des organisations non-étatiques, où les ressorts du conflit sont asymétriques, et ceci renforce singulièrement le sentiment d'inefficacité auprès des opinions publiques nationales et internationales. L'auteur préconise par conséquent, une coalition judicieusement articulée, par une meilleure définition des objectifs dans le cadre d'une action coalisée de soutien à la paix.

Pour Boubacar Diallo, « la dépendance économique et politique des Etats de l'Afrique fragilise les capacités opérationnelles des armées nationales »39(*)et de ce fait, ces armées manquent d'efficacité dans la lutte contre les acteurs sub-étatiques, notamment les groupes armés terroristes. Laurence Aida Ammour, pour sa part, la coopération sécuritaire entre les pays transfrontaliers du Sahel reste éclatée et individualisée. Elle est caractérisée par une méfiance réciproque qui grève l'édification d'une stratégie commune allant dans le sens de la lutte contre les groupes armés terroristes dans la région40(*). C'est dans ce même sens qu'aborde la pensée de Pauline Guibaud. Elle déplore le cas défectueux de la coopération sécuritaire entre les pays de la ligne de front engagés dans la lutte contre Boko Haram41(*). Celle-ci est matérialisée par des méfiances réciproques entre les forces engagées dans l'anti-Boko Haram. Cette situation a pour corolaire, l'amenuisement des performances des forces engagées sur le terrain.

Mbia Yebega Germain-Hervé quant à lui présente le terrorisme comme un enjeu de sécurité majeur dans la région Afrique Centrale. Cette menace terroriste est véhiculée par le groupe terroriste Boko Haram. Cette menace met particulièrement à l'épreuve le dispositif sécuritaire du Tchad et du Cameroun dans leur double fonction de préservation de la stabilité interne et de protection contre les menaces externes42(*). L'auteur fait donc une évaluation des mesures prises pour contenir la menace terroriste de Boko Haram dans la sous-région en générale, notamment au Cameroun et au Tchad. Au regard de ces mesures prises sur le plan militaire, pour Mbia Yebega la menace terroriste persiste, ceci à cause d'une différence de perception de la menace par chacun des pays de la sous-région. Les contraintes et les tensions de politiques intérieures et les dynamiques d'intégration régionale, la corruption au sein des forces armées nationales constituent un élément révélateur du désengagement des militaires au front. A cet effet, ces éléments rendent inefficace l'action des militaires engagés dans la lutte contre Boko Haram.

Wulson Mvomo Ela, dans ses travaux, présente le continent africain comme un théâtre pertinent dans la géostratégie du terrorisme. A partir des attentats terroristes survenus à Dar es Salam et à Nairobi dans les années 90 et la montée en puissance des groupes terroristes à l'instar de l'ex Groupe Salafiste pour la Prédication et le Combat (GSPC) qui devient AQMI en 2007, sur le sol africain. Cette situation suscite une forte réaction de contre terrorisme de la part de la communauté de défense et de sécurité des Etats de l'Afrique Subsaharienne et de leurs partenaires internationaux43(*). Pour l'auteur, les forces de défense des pays d'Afrique Subsaharienne présentent des avantages, mais, malgré ces avantages celles-ci ne gagnent pas en efficacité dans la lutte contre le terrorisme. Ainsi, le professeur Mvomo Ela relève que cette situation est due à la conception, ou à la création même des forces de défense. Celles-ci ont été créées pour faire face aux menaces conventionnelles interétatiques, aux guerres conventionnelles au sens Clausewitzien du terme. De ce fait, le terrorisme lui relève des conflits irréguliers et asymétriques.

Dans ce sens, les forces armées éprouvent des difficultés dans le cadre de cette lutte. Ces difficultés sont sur le plan stratégique, où il y'a un problème sur la compréhension de l'ennemi, d'objectivation stratégique et la complexité des enjeux. Ce qui pose donc un problème sur la conception d'une stratégie adéquate de contre terrorisme. Elles éprouvent également des difficultés sur le plan opérationnel, face à un ennemi mobile et difficile à cerner. Pour l'auteur, la supériorité des forces armées d'Afrique Subsaharienne de loin, mieux équipées, mieux organisées face à un ennemi insaisissable mobile, tombent facilement sous le coup d'infériorité stratégique qui les rend incapable d'assurer une victoire décisive. C'est dans le même sens que Jean-Eudes Biem déplore les faiblesses institutionnelles et les carences d'une stratégie globale entre les pays de la ligne de front engagés dans la lutte contre le groupuscule Boko Haram44(*).

Georges Bergezan quant à lui dans son article sur « Eradiquer Boko Haram : Acteurs multiples résultats incertains »45(*), ressort les causes de la prolifération de Boko Haram dans le bassin du lac Tchad et les facteurs de revers subis par l'armée nigériane face aux insurgés. Pour l'auteur, ces revers sont dus à plusieurs facteurs, notamment, à une corruption très rependue à divers échelons de l'appareil militaire nigérian, l'impopularité de l'armée nigériane dans le nord, des réalités au sein de la hiérarchie militaire, des effectifs trop peu nombreux sur le terrain et leur infiltration par les militants de la secte terroriste.

A ce niveau, nous pouvons dire que, les travaux de cette tendance ont le mérite de relever le fait que les mesures militaires mises en place pour pallier à la menace terroriste ne sont pas toujours adaptées à la nature de la menace. Elle a aussi su relever la nature des difficultés que rencontrent les forces armées nationales dans les combats qui les opposent aux terroristes. Ces difficultés sont d'ordre stratégique, tactique et opérationnel. Mais à quelques égards, nous tenons ici à souligner que, cette tendance relève certes certains points importants sus élaborés. Mais, elle omet le fait que, les difficultés des armées nationales à lutter contre le terrorisme sont propres à chaque armée et spécifiques à chaque théâtre d'opération. A cet effet, les forces armées nationales tendent de plus en plus à se professionnaliser pour mieux adapter leur cadre d'action dans les combats irréguliers, par la création des unités spécialisées dans les conflits de basses intensités et dans la lutte contre le terrorisme. C'est dans ce sens que nous constatons que le Cameroun s'implique de plus en plus dans la modernisation de son outil de défense par la création des unités spéciales, pour répondre à la nature hybride des conflits modernes. Étant donné qu'une armée ne peut palier toute seule au terrorisme. Les forces armées nationales s'investissent à combattre le terrorisme dans des coalitions, avec une interopérabilité entre les armées et les forces de sécurité et le soutien local. Car, le terrorisme est une menace globale qui nécessite une riposte globale.

La deuxième tendance repose sur une approche militaro-optimiste dans la lutte contre le terrorisme par les forces armées nationales, pour laquelle l'efficacité de celles-ci est un enjeu majeur pour la sécurité globale. Cette approche vise à implémenter de nouvelles stratégies pour les forces armées nationales dans la lutte contre les terroristes, afin de promouvoir la paix, la sécurité et le développement dans le monde en général, en Afrique en particulier.

Ainsi, pour Honoré Lucien Nombre46(*), le terrorisme contemporain est un phénomène qui fait peser de graves menaces sur la paix et la sécurité collective, par le recours systématique à la violence armée par celui-ci. De ce fait, il présente « la guerre contre le terrorisme » comme faisant partie « des guerres asymétriques ». A cet effet, Lucien Nombre fait d'abord le distingo entre une guerre conventionnelle ou symétrique (guerre opposant des adversaires qui sont comparables du point de vue des moyens humains, des infrastructures et des équipements militaires). Dans ce type de conflit, les forces en présence s'appuient sur les raisonnements similaires pour atteindre les objectifs de même nature. La victoire dans ce cas revient à celui qui obtient la supériorité sur le terrain. La guerre asymétrique quant à elle est une guerre qui oppose les adversaires qui ont des organisations, des stratégies, des tactiques et des valeurs différentes. Il fait donc une analyse prospective sur les défis de l'option militaire dans la lutte contre le terrorisme sur le continent africain. Pour lui, les défis de l'option militaire dans la lutte contre le terrorisme sont liés à la planification et à la conduite même de la guerre asymétrique dans le contexte africain. Pour Nombre, il s'agit de relever quatre défis  à savoir : la vision commune, la formation, l'équipement et le soutien logistique.

Jean-Eudes Biem47(*) quant à lui, dans ses travaux sur la lutte contre le terrorisme de Boko Haram dans le bassin du lac Tchad, met en exergue le défi de « comprendre la menace pour mieux la combattre ». Pour lui, il s'agit d'une clarification opérationnelle et de l'identification de la menace terroriste. Jean-Eudes Biem souligne également que, la stratégie globale n'est pas seulement militaire. Il faut prendre en compte le statut polémologique et l'emprise territoriale du mouvement terroriste. A ce titre, il préconise des perspectives d'une mise en oeuvre renforcée et coordonnée de la stratégie globale contre le terrorisme en Afrique Centrale. Ces perspectives se résument en quatre piliers : les mesures pour adresser les conditions favorables à l'expansion du terrorisme ; les mesures pour prévenir et combattre le terrorisme ; le développement capacitaire et institutionnel de l'Etat en collaboration avec les Nations Unies et le respect des Droits de l'Homme dans la lutte contre le terrorisme. Cette approche globale dans la lutte contre le terrorisme va en droite ligne avec le nouveau concept onusien des gestions civiles et militaires appelé « théorie en 3D », associant, « Défense-Développement-Démocratie »48(*).

Mfoula Edjomo Marie Thérèse Chantal49(*)pour sa part, met en exergue sur le fait que, l'Afrique est le continent l'un des continents les plus affectés par les crises et les conflits. Face à cette situation, bon nombre d'initiatives de développement et de lutte contre la pauvreté font face à la permanence des violences socio-politiques, militaires. A ces menaces s'ajoutent d'autres menaces transversales (piraterie maritime, trafic des stupéfiants, des êtres humains, braconnage et autres actes de criminalité transnationale...). Ces nouvelles formes de conflictualité, sources d'insécurité plus insidieuses et moins prévisibles, ont succédé aux conflits traditionnels et aux guerres civiles et sont susceptibles de fragiliser encore les Etats africains. Cette situation est l'oeuvre des groupes terroristes dont les plus actifs sont : AQMI, MUJAO, El Shebab, EI, Boko Haram. Pour l'auteur, s'agissant du cas de Boko Haram, sa montée en puissance au Nigéria, s'est étendu dans les pays voisins, dont le Cameroun. Face à la régionalisation de cette menace transversale, la construction d'une réponse adaptée, donnant encore plus de place à la coordination, à la complémentarité et à la cohérence des politiques et des actions c'est avérée nécessaire50(*).

Ainsi, Mfoula Edjomo se propose de s'appesantir sur l'évaluation de la mobilisation sous-régionale, continentale et internationale dans la lutte contre le terrorisme de Boko Haram. Cette mobilisation s'est résumée par une mutualisation des efforts UA-UE-ONU contre Boko Haram. Pour l'auteur, cette mobilisation qui relève d'une stratégie globale de la lutte contre Boko Haram, a eu des résultats probants sur le théâtre d'opérations. Et a permis dans une certaine mesure de circonscrire cette menace terroriste. Le professeur Wullson Mvomo Ela51(*)pour sa part articule sa pensée dans la lutte contre le terrorisme en Afrique Subsaharienne. Il part d'un double questionnement sur la pertinence du continent africain comme un théâtre pertinent dans la géostratégie du terrorisme et du contre terrorisme ? Si oui, les forces de défense et de sécurité des pays concernés ont-elles des capacités stratégiques et tactiques nécessaires à l'éradication d'un phénomène dont l'effet traumatique serait à terme fatal pour la sécurité et le développement d'une région aux potentialités humaines incontestables ? Après avoir présenté les défis à relever par les forces de défense et de sécurité des pays concernés dans la lutte contre le terrorisme, Mvomo Ela préconise une capacité africaine autonome de lutte contre le terrorisme. Celle-ci s'articule autour, d'une vision globale d'appréhension de la menace terroriste et de la capacité proactive dans la lutte contre le terrorisme, et l'édification d'un partenariat stratégique conséquent entre les pays concernés par la menace terroriste.

Koungou Léon52(*)pour sa part, dans ses travaux, présente la situation sécuritaire inquiétante du Cameroun à l'aune de la montée en puissance des actions criminelles et terroristes de Boko Haram dans la partie septentrionale du pays. De ce fait, il fait une analyse sur l'efficacité des mesures sécuritaires prises par les autorités de Yaoundé depuis que leurs forces armées sont entrées dans une confrontation directe avec les terroristes de Boko Haram. Pour se faire, l'auteur relève que le Cameroun face à Boko Haram, peut compter dans cette entreprise sur son armée dont les réformes sont amorcées depuis 2001. Les réformes engagées depuis 2001 au sein de l'armée camerounaise constituent un atout pour ce pays dans la lutte contre Boko Haram. Ces réformes s'appuient sur la professionnalisation, le rajeunissement et l'équipement des forces.

Le passage d'une armée des habitudes de défense pour mener la guerre aux frontières, à une armée des besoins de sécurité apte à contenir les menaces sans cesses fluctuantes. La création des unités spéciales au sein de l'armée camerounaise constitue pour l'auteur une réponse appropriée à la nature de la menace. On peut citer le cas avec la création en 2005 d'un Centre Anti-terroriste à Limbé (CAT)53(*). L'organisation à Rey Bouba en 2013 d'un programme dénommé « Silent warrior »54(*) focalisé sur les méthodes anti-terroristes. Koungou relève également que, la modification partielle de la carte territoriale de commandement de l'armée camerounaise face à la montée en puissance des activités terroristes de Boko Haram au Cameroun est une réponse appropriée à la menace. L'activation des unités tactiques de combat prévues dans la réforme de 2001 entre également dans le même sens. Pour l'auteur, certes l'armée est « le marteau », mais, tous les problèmes ne sont pas « des clous ». Par conséquent, la lutte contre le terrorisme nécessite une approche militaire impliquant un maillage sécuritaire, combinant les motivations des terroristes auxquelles doivent se greffer les réponses d'ordre politique.

A ce niveau, nous constatons que cette tendance a su intégrer les manquements de la première tendance. Ainsi, les forces armées nationales s'investissent de plus en plus à modifier leurs doctrines d'emploi de forces, pour les adapter aux spécificités des combats modernes et dans la lutte contre le terrorisme. On peut dès lors remarquer, la création des unités spécialement conçues pour faire face aux combats asymétriques, notamment dans la lutte contre le terrorisme. C'est le cas de l'armée camerounaise avec la création du CAT au sein des BIR. On peut également remarquer les réformes mises en oeuvre au sein de l'armée camerounaise pour adapter son outil de défense à la nature des combats modernes.

Il y a tout de même des efforts considérables dans la communauté de défense, pour rendre efficace l'action des forces armées contre la menace terroriste. La mutualisation des efforts au niveau sous-régional, régional et international se fait sentir avec l'implication des grandes puissances. Toutefois, nous tenons à souligner ici que, l'implication des grandes puissances dans la lutte contre le terrorisme doit être prise avec une mise en perspective dans la mesure où, l'implication de celles-ci est souvent alimentée par la recherche d'intérêts stratégique et géopolitique.

Les différentes stratégies prises sur le plan militaire dans le cadre de la lutte contre le terrorisme en général, au Cameroun en particulier, ont montré leurs limites malgré quelques victoires tactiques ambigües. Rendre efficace l'action des forces armées nationales dans la lutte contre le terrorisme passe par, une redéfinition des doctrines d'emploi des forces armées nationales.

De ce qui précède, notre approche consistera par conséquent, à abandonner la tendance militaro-pessimiste sur les difficultés des armées nationales à lutter contre le terrorisme, au profit d'une démarche militaro-optimiste. Laquelle, les modes de luttes nationales contre le terrorisme et communautaires s'imbriqueraient les unes à les autres, au gré des intérêts et des perceptions que les différents acteurs se font de leurs relations. Et de l'ennemi qu'ils combattent. L'originalité de notre étude se situe donc dans l'analyse des difficultés des armées nationales à lutter contre le terrorisme d'une manière générale, l'armée camerounaise d'une manière particulière. L'objectif est de rechercher de nouvelles stratégies pour un renforcement des capacités opérationnelles des armées nationales dans la lutte contre les groupes armés terroristes.

1.6. PROBLEMATIQUE

La problématique constitue l'élément fondamental scientifique, qui se veut sérieuse et pertinente. Madeleine Grawitz la définit comme étant, « l'ensemble des hypothèses, des orientations des problèmes envisagés dans la théorie, dans une recherche »55(*). Dans la même logique Michel Baud affirme que : « la problématique est un ensemble construit autour d'une question principale, des hypothèses de recherche, des lignes d'analyse qui permettent de traiter le sujet choisi »56(*). Ainsi donc, la problématique permet de circonscrire la question en l'orientant dans le sens où celle-ci sera examinée.

Les attentats terroristes du 11 septembre 2001 aux USA ont confirmé un nouvel ordre géopolitique marqué par la montée aux extrêmes, des « réseaux terroristes ». Cette situation s'est confirmée l'aube du printemps arabe en 2011. Les activités terroristes sont montées d'un cran au Moyen et au Proche Orient, dans le continent africain et en l'Europe, en Asie et en Amérique. Cette menace terroriste se joue de la volonté des Etats. Elle est plus difficile à prévoir, à juguler, à évaluer et à combattre au sens conventionnel de la guerre par les armées nationales. En effet, les conflits et les violences ne sont plus uniquement de nature militaire. D'autres convulsions ont lieu à l'échelle de la planète. Il s'agit des forces transnationales, tirant profit de l'évolution de la réalité internationale pour prospérer. Chaque pays vit sa cohorte de menace terroriste qui fait appel à l'engament de leurs armées. Tel est le cas de l'armée camerounaise. Après avoir été confrontée depuis de longues années à un conflit transfrontalier avec l'armée nigériane sur la presqu'île de Bakassi, l'armée camerounaise fait face depuis quelques années au groupe terroriste Boko Haram.

La montée en puissance des groupes terroristes dans le monde illustre à suffisance l'incapacité des forces armées nationales à combattre efficacement contre cette forme de menace. En effet, qu'il s'agit de l'armée la plus puissante du monde, ou de l'armement le plus sophistiqué du monde, les armées nationales n'arrivent toujours pas à remporter la décision dans les combats qui les opposent aux organisations terroristes. L'ampleur de la menace terroriste dans le monde, dicte aux pays du monde entier, à revoir leur politique de défense et leurs approches dans la conduite des opérations militaires anti-terroristes. En effet, la guerre a subi une mutation et le paradigme de la guerre qui prévaut maintenant est celui de « la guerre au milieu des populations »57(*). A cet effet, la lutte contre le terrorisme par les forces armées nationales ne pourra trouver une efficacité certaine, si et seulement si, les acteurs en charge de combattre cette menace pensent autrement.

1.6.1. Question de recherche

A la lumière des développements qui précèdent, la question centrale qui structure ce travail est la suivante : Pourquoi les Armées Nationales éprouvent-elles des difficultés à combattre efficacement les groupes terroristes ?

De cette question principale, nous pouvons relever les deux questions secondaires suivantes :

· Quelles sont les difficultés que rencontrent les forces armées nationales dans la lutte antiterroriste ?

· Quelles sont les spécificités de la lutte contre Boko Haram par l'armée camerounaise?

Après avoir présenté la question principale, et les questions secondaires qui s'inscrivent au coeur de notre analyse. Il importe à présent d'avancer des réponses anticipées qui seront vérifiées au terme d'un travail d'expérimentation.

1.6.2. Hypothèses de recherche

Nous adhérons aux propos de l'épistémologue français Claude Bernard pour qui, « si l'on expérimentait sans idées préconçues, on irait à l'aventure »58(*). Dans le processus de la recherche scientifique, le chercheur découvre en fait ce qu'il cherche59(*).

Ainsi, les forces armées nationales ont été conçues et préparées à la guerre conventionnelle interétatique, par conséquent, celles-ci ne semblent pas être suffisamment outillées pour combattre efficacement les groupes terroristes en dehors d'une réelle modification de leur cadre d'action.

Hypothèse 1 : Les difficultés que rencontrent les armées nationales dans la lutte contre les groupes terroristes d'une manière générale, l'armée camerounaise d'une manière particulière, relèvent du caractère irrégulier et asymétrique des combats antiterroristes.

Hypothèse 2 : La lutte contre Boko Haram par l'armée camerounaise est une lutte irrégulière, qui nécessite une approche globale avec un format de forces adapté aux conflits irréguliers.

1.7. METHOLOGIE DE RECHERCHE ET DE COLLECTE DES DONNEES

La rigueur scientifique d'un travail de recherche exige de tenir compte et d'appliquer les méthodes d'analyse dans un fait social étudié. Dans le cadre ce travail, nous n'avons pas dérogé à cette exigence scientifique. Dans le cas d'espèce l'on a fait usage de la théorie et de l'analyse stratégique.

1.7.1. La théorie et l'analyse stratégique

La stratégie est à la fois un art, en tant que pratique du stratège, et une science (au sens large) en tant que pratique du stratégiste. La stratégie remonte à Sun Tsu : « L'art de la guerre », publié au 5ème siècle avant Jésus Christ. Ensuite, viennent les stratégistes modernes : Carl Von Clausewitz, « De la guerre » ; Mao Ze Dong, « La stratégie de la guerre révolutionnaire en Chine » ; Basil Liddell Hart, « La stratégie indirecte » ; Colin Gray, « La guerre au 21e siècle : un nouveau siècle de feu et de sang » ; le général Sir Rupert Smith, « L'Utilité de la Force : l'art de la guerre d'aujourd'hui » ; ou le général Vincent Desportes, « La guerre probable : penser autrement ».

La stratégie peut être aussi considérée comme la science des généraux. Elle embrasse toutes les grandes parties de la guerre : mouvement d'armée, ordre de marche, ordre de bataille. Elle est en un mot, l'art de faire agir les troupes. Que l'on considère la stratégie au sens strictement militaire comme, « L'art d'utiliser les batailles comme moyen pour atteindre le but de la guerre »60(*). L'amiral Castex l'utilise dans ses théories stratégiques (1937) : « la stratégie n'est que la conduite générale des opérations (...) elle guide la tactique, lui laissant la place libre dès que son heure est arrivée. La stratégie en deçà et au-delà du combat, la tactique pendant que les armes agissent et jusqu'à ce quelles cessent d'agir ». Ou qu'on la définisse au sens global, « le rôle de la grande stratégie consiste en effet à coordonner et diriger toutes les ressources de la nation ou d'une coalition afin d'atteindre le but définit par la politique fondamentale : l'évitement de la guerre ou la guerre »61(*). Il ressort que la stratégie est l'art de combiner les ressources de la nation pour atteindre les buts politiques.

La stratégie est une notion d'origine militaire, mais qui dans son évolution a connu d'âpre succès dans d'autres secteurs de la vie humaine notamment, en économie et dans la culture. Dans le cadre de notre étude, nous utilisons la théorie stratégique et l'analyse stratégique. Ceci pour mieux appréhender l'action des forces armées sur les théâtres d'opérations dans la lutte contre les organisations terroristes.

Toutefois, il est désormais impossible d'isoler la stratégie militaire, des stratégies économiques et culturelles. Elles se combinent dans leurs buts et leurs moyens, de ce que l'on peut nommer la stratégie intégrale, qui n'est que « la politique en acte ». C'est dans ce sens que le général André Beaufre affirme que : « le but de la stratégie est, d'une manière générale, d'atteindre les objectifs fixés par la politique en utilisant au mieux les moyens dont on dispose»62(*). L'amiral Castex utilise encore dans ses Théories stratégiques (1937) : « La stratégie n'est que la conduite générale des opérations (...) elle guide la tactique, lui laissant la place libre dès que son heure est arrivée. Stratégie en deçà et au-delà du combat, tactique pendant le combat, dès que les armes agissent et jusqu'à ce quelles cessent d'agir. »

Quels que soient nos efforts pour constituer une théorie unitaire de la stratégie contemporaine, nous ne parvenons guère qu'à construire des théories fragmentaires. Mal reliées entre elles. La théorie stratégique ne peut trouver ses fondements que dans une nouvelle philosophie politique et une nouvelle philosophie de l'histoire.

La guerre de nos jours a subi de profondes mutations, malgré comme elle reste toujours le choc des volontés opposées cherchant à imposer à l'autre sa volonté. La particularité avec les conflits modernes est qu'ils se déroulent en milieu urbain, dans les milieux civils, dans les agglomérations. Ceux-ci exigent du soldat, des aptitudes d'adaptation plus vite que leurs adversaires s'ils veulent gagner ces guerres63(*). Dans les guerres modernes, la notion de « victoire décisive » est difficile à obtenir ou n'existe même pas, d'où l'enjeu et le défi de repenser les conditions de l'efficacité militaire dans les nouveaux engagements. C'est dans cette logique des combats modernes que s'inscrit l'objet de notre étude. La théorie et l'analyse stratégique sont intéressantes dans notre étude, dans la mesure où, elles nous permettent de comprendre les stratégies mobilisées par les forces armées nationales dans l'antiterrorisme en général, celles mobilisées par l'armée camerounaise en particulier. A cet effet, la théorie et l'analyse stratégique nous permettent d'envisager des stratégies nouvelles pour une amélioration de l'efficacité de l'action militaire dans l'anti-terrorisme.

1.7.2. Les instruments de collecte de données

Dans le cadre ce travail, nous adhérons à la pensée de Bertrand De Jouvenel pour qui, « la connaissance ne peut jamais se réduire à l'énumération de simples faits, à moins qu'ils ne soient rassemblés et mis en ordre »64(*). Parmi les instruments généralement usités pour rassembler et mettre en ordre les données de terrain. Nous utilisons l'observation combinée aux entretiens et la documentation.

a - Les entretiens et l'observation (les sources de première main)

L'une des techniques de collecte des données que nous avons utilisées est l'observation directe. Elle permet d'avoir une idée précise sur l'objet d'étude. Etant contemporains à de nombreux faits, nous sommes par conséquent des témoins privilégiés de ces faits. Dans le cas d'espèce, nous avons pu observer le dispositif déployé par l'armée camerounaise pour contenir la menace terroriste de Boko Haram dans l'Extrême-Nord du Cameroun, et l'environnement dans lequel sont conduites les opérations militaires dans ladite zone.

L'observation a été menée en combinaison avec les entretiens. Pour la collecte des données de terrain, nous avons procédés aux entretiens individuels directs avec certains acteurs en charge de la lutte contre le terrorisme au Cameroun et dans d'autres pays africains confrontés à cette menace terroriste. Ces entretiens se sont révélés particulièrement fructueux. Toutefois, la sensibilité du secteur de la défense et de la sécurité ne nous a pas permis de mener nos observations et entretiens en profondeur. L'observation et les entretiens seront pertinents s'ils peuvent être authentifiés par la documentation.

b - Les documents (sources de première et seconde main)

L'accumulation et l'exploitation des documents portant sur le sujet, permettent d'assurer la pertinence de l'étude. Toutefois, il faudra noter que, les questions de défense et de sécurité revêtent beaucoup de discrétion et de sensibilité. Ainsi, la documentation n'est pas toujours abondante et celle existante n'est pas à la portée de tous.

Dans notre recherche nous avons recouru, à l'analyse des documents « l'analyse des documents (observation indirecte), c'est-à-dire l'examen de quelques travaux de (...) chercheurs d'ici et d'ailleurs »65(*). Les documents obtenus sont de deux catégories ; les sources de première main (les documents écrites par les acteurs impliqués dans les nouveaux engagements des forces armées) ; les sources de seconde main (documents relatifs à notre objet d'étude).

Nous avons effectué nos recherches dans les bibliothèques, de l'Institut des Relations Internationales du Cameroun (IRIC), de l'Ecole Supérieure Internationale de Guerre (ESIG) de Yaoundé. Nous avons également effectué nos recherches dans des Centres de documentation (Centre de documentation du CREPS66(*)/Université de Yaoundé2-Soa, le centre de documentation de la Faculté des Sciences Juridiques et Politiques (FSJP) de l'Université de Yaoundé2-Soa et à la Fondation Paul Ango Ela). Grâce à ce fond documentaire, nous avons pu constituer une bibliographie assez conséquente, afin de mieux traiter l'objet de notre recherche.

1.8. PLAN DE L'ETUDE

La présente analyse va s'articuler autour de deux grandes parties. La première partie s'intitule «  l'action des forces armées nationales dans la lutte contre les groupes terroristes ». Elle analyse les différents théâtres majeurs de lutte contre les groupes terroristes (l'Afghanistan, le Sahel et le bassin du lac Tchad). Elle se compose de deux chapitres. Le premier chapitre mettra en exergue les difficultés des forces armées nationales dans les théâtres d'opérations de lutte antiterroriste, et le second va s'articuler d'une manière spécifique sur, l'armée camerounaise face au groupe terroriste Boko Haram.

La deuxième partie à savoir « l'insuffisance de l'action des forces armées dans la lutte contre les groupes terroristes », s'intéressera sur les manquements de l'action des forces armées nationales dans la lutte contre les groupes terroristes. Donc, le troisième chapitre analysera les difficultés de l'armée camerounaise à combattre le groupe terroriste Boko Haram. Le quatrième quant à lui présentera les défis pour un recadrage de l'action des armées nationales dans la lutte antiterroriste.

PREMIERE PARTIE

L'ACTION DES FORCES ARMEES NATIONALES DANS LA LUTTE CONTRE LES GROUPES TERRORISTES

Que l'on soit dans la plage de Mombassa, à Bengazi, à Orlando, à Kolofata, au Ba Ta Clan, à l'hôtel Radisson Blue de Bamako ou dans le métro de Londres, nul n'est à l'abri de la menace terroriste. Il ne passe un jour sans que l'on soit interpellé par une action terroriste. Le monde fait l'objet aujourd'hui d'une globalisation de la menace terroriste qui n'épargne personne. Que l'on soit religieux ou athée, musulman, chrétien ou bouddhiste, riche ou pauvre, jeune ou vieux, tout le monde est une victime potentielle du terrorisme. Depuis les terribles attentats du 11 septembre 2001, le terrorisme international est devenu la préoccupation majeure de tous les Etats, et des organisations internationales. Il a remplacé, pour les Occidentaux, le nazisme, le fascisme et le communisme d'hier. C'est le nouvel ennemi de l'Occident, mais pas seulement. Les pays musulmans, également, l'Arabie Saoudite, le Pakistan, l'Afghanistan et autres, y voient une menace crédible à leur stabilité. Ces pays qui hier, avec la complicité de l'Amérique avaient soutenu et attisé l'intégrisme islamiste contre l'ennemi soviétique, le voit aujourd'hui se retourner contre eux et les empêcher de dormir tranquillement.

L'analyse de cette partie sera axée sur le ressassement des difficultés rencontrées par les armées nationales dans les combats qui les opposent aux groupes armés terroristes, suivant la logique du contournement de la force, des uns, et des autres. Il sera donc question de structurer cette partie de la manière suivante : les difficultés des forces armées nationales dans les théâtres d'opérations de lutte antiterroriste (Chapitre 1), et l'armée camerounaise face au groupe terroriste Boko Haram (Chapitre 2).

CHAPITRE 1

LES DIFFICULTES DES FORCES ARMEES NATIONALES DANS LES THEATRES D'OPERATIONS DE LUTTE ANTITERRORISTE

Aujourd'hui, tout le monde s'accorde sur le fait que, le terrorisme représente l'une des menaces les plus graves du monde contemporain. Le mardi 11 septembre 2001 à l'heure où les New-Yorkais dans leur grande majorité se rendaient au travail. Deux avions de lignes américaines sont projetés contre des immeubles hautement symboliques, les Tours jumelles du World Trade Center à Manhattan (le symbole de la puissance économique américaine). En même temps, on apprenait qu'un autre avion avait percuté le Pentagone (les locaux du Département de la Défense, le symbole de la puissance militaire américaine). Un autre avion s'écrasera le même jour en campagne, en Pennsylvanie. Officiellement les passagers se sont rebellés contre les pirates pour leur empêcher d'atteindre leur objectif qui était sans doute le Capitole ou la Maison Blanche. Dans ces attaques, plus de 3000 personnes seront tuées. Les Etats Unis d'Amérique furieux et le monde entier ahuri se demandant « qui a fait ça ?».

Après cette tragédie, à la suite d'une gigantesque opération, Oussama Ben Laden et son organisation terroriste Al-Qaïda sont désignés pour responsables de ces attaques67(*). Suite à ces attentats, le gouvernement de George W. Bush décida de déclencher une « guerre globale contre le terrorisme », c'est-à-dire par une réponse directe et purement militaire. Une guerre contre le terrorisme international qui mobilise l'Amérique entière et ses moyens (diplomatiques, militaires, économiques et judiciaires, etc.). L'impact militaire le plus direct à la réaction militaire américaine est, l'invasion de l'Afghanistan désigné comme centre opérationnel d'Al-Qaïda. Cette campagne militaire a eu pour corolaire, l'éparpillement des terroristes dans les quatre coins de la planète, notamment, sur le sol africain.

Pour mieux rendre compte des difficultés des armées nationales dans les théâtres de lutte antiterroriste, il sera judicieux pour nous tout d'abord, de faire état, des manoeuvres des armées américaine et française en Afghanistan (Section 1) au lendemain des attentats de 2001. Par la suite, il sera question de présenter la lutte contre les groupes terroristes au Sahel et dans le Bassin du Lac Tchad par les Armées malienne et nigériane (Section 2).

SECTION 1 : LES MANOEUVRES DES ARMEES AMERICAINE ET FRANCAISE EN AFGHANISTAN

L'Afghanistan est situé dans l'Asie du Sud-ouest. Bordé de six pays : la Chine, le Pakistan, l'Iran et trois anciennes républiques soviétiques, le Turkménistan, l'Ouzbékistan et le Tadjikistan. L'Afghanistan a toujours occupé une place centrale dans les rivalités géopolitiques entre les grandes puissances. Agissant comme carrefour où se fixent les tensions internationales comme régionales, ce pays est un espace d'intérêt stratégique majeur. Le pays est essentiellement montagneux et arides. En 1978 les communistes prennent le pouvoir et proclament la République Démocratique d'Afghanistan. Des afghans de différentes ethnies se révoltent alors contre ce régime communiste et athée dans le but de rétablir les traditions de l'islam. L'Afghanistan s'installe alors dans une sanglante guerre civile, menée contre les communistes (qui feront appel à l'aide militaire de l'Union Soviétique), par ceux que l'on appelle les Moudjahidines (les combattants de la foi). Les Talibans68(*)eux ne feront leur apparition plus tard. En 1988 l'armée soviétique se retire d'Afghanistan après avoir subi de lourdes pertes.

Figure N°1 : La carte territoriale de l'Afghanistan

Source : www.googlemaps.com

A la suite de la prise de pouvoir par les Talibans, ceux-ci autorisent Oussama Ben Laden et son organisation Al-Qaïda à installer des camps d'entrainement en Afghanistan. Le 11 septembre 2011, cette organisation terroriste frappe les Etats Unis. Le gouvernement américain exige des Talibans qu'ils leur livrent Oussama Ben Laden ce que les Talibans refusent de faire. Le 16 octobre 2001, l'armée américaine entre en Afghanistan, c'est le début de l'Opération Enduring Freedom69(*) (OEF ou, Liberté immuable en français). D'autres pays se joignent par la suite à la campagne américaine notamment la France, formant ce que l'on appellera la coalition en 2003 l'ISAF70(*) (International Security Assistance Force, ou en français, Force Internationale d'Assistance et de Sécurité).

Dans le cadre de notre réflexion, il est nécessaire d'examiner l'action de l'armée américaine en Afghanistan dans le cadre de la « guerre » contre le terrorisme (Paragraphe 1). Nous examinerons aussi, celle de l'armée française dans ce pays (Paragraphe 2). Le souci est de ressortir les difficultés rencontrées par lesdites armées durant leurs campagnes antiterroristes.

PARAGRAPHE 1 : l'ARMEE AMERICAINE DANS LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME EN AFGHANISTAN

Après les attentats du 11 septembre, l'avenir de la sécurité des Etats-Unis, voire, de presque toute la planète, dépendait de la réponse de l'administration de G.W.Bush. Tout d'abord, l'anéantissement de deux gratte-ciels symbolisant le succès de la fameuse American way of life et l'homicide de plus de 3000 personnes ont provoqué une stupeur comparable à la première frappe lors des guerres traditionnelles. La perte soudaine et brutale de la conviction de l'invulnérabilité du territoire des Etats-Unis a entrainé une détermination de punir les coupables. Cette tragédie fut donc interprétée comme des actes de guerre (acts of war). Perpétrés, par un ennemi qui voulait détruire les libertés américaines. Pour punir les auteurs de ces actes, l'administration Bush a déclaré la guerre globale contre le terrorisme71(*)« terrorism with a global reach » Global War On Terror (GWOT)72(*), et annonce que la guerre se terminera par l'éradication totale de ce mal.

L'emploi du mot « guerre » pour désigner la lutte contre ce type de fléaux plutôt que contre un ennemi désigné a toujours été métaphorique. Il symbolise, pour ceux qui l'emploient, leur mobilisation, leur refus de toute complaisance ou de tout compromis. Il exprime leur conviction que la drogue, le crime ou le terrorisme produisent des ravages aussi considérables qu'un ennemi déclaré ; et leur volonté de traiter comme tel l'ensemble de ceux qui en sont responsables73(*).

Face à une stratégie indirecte, Washington a donc misé sur une réponse directe et militaire. Cette guerre met en présence les Etats-Unis avec la contribution de la coalition militaire de l'alliance du Nord et d'autres nations occidentales74(*). Il sera question ici de présenter la projection des forces armées américaines et les déroulements des opérations militaires (A), et les difficultés pour les forces américaines à remporter la victoire décisive (B).

A- PROJECTION DES FORCES ARMEES AMERICAINES DANS LA « GUERRE GLOBALE » CONTRE LE TERRORISME SUR LE THEATRE AFGHAN

L'offensive militaire américaine en Afghanistan débute le 07 octobre 2001 avec un objectif clair : faire tomber le pouvoir Taliban à Kaboul et détruire le réseau terroriste Al-Qaïda en Afghanistan. A cet effet, les USA ont déployé plus d'un millier d'hommes en Ouzbékistan75(*). Dans l'Océan Indien, les portes avions USS Carl Vinson et NSS Entreprise, les autres navires de guerre et les sous-marins nucléaires d'attaque se préparent à l'offensive76(*).

La campagne militaire américaine en Afghanistan se résume en deux phases. La première phase fut celle du « modèle afghan » ou de la « stratégie minimaliste » selon Joe Biden. Lancée le 07 octobre 2001, elle associait la puissance aérienne américaine, les milices afghanes et un faible contingent des forces spéciales américaines. La deuxième phase fut celle du « modèle américain » (2002-2006), où les troupes américaines prirent la tête des opérations de ratissage suite à l'incapacité des milices afghanes de venir à bout des talibans.

Le régime afghan dirigé par le Mollah Omar, ne contrôle pas la totalité du pays. Certaines régions notamment à l'Est et au Nord du pays sont tenues par les forces anti-Talibans dont l'Alliance du Nord du commandant Massoud77(*). L'United States Central Command, chargé de la campagne militaire compte enfin sur le rapport de force sur le terrain qui est à leur avantage. Les Talibans ne peuvent aligner que 15000 soldats permanents et 70000 mobilisables. Leur matériel est à l'état vétuste, et date pour la plupart à la guerre contre l'Union Soviétique. On rencontre entre autre les missiles américains (Fin 93 Sting etc.) et russes (SA-1b, SA-18 et Scud). A cela s'ajoutent, des chars soviétiques T-54 et T-55, des lances roquettes multiples, des 4x4 équipées de mitrailleuses78(*).

« Nous avons ouvert un nouveau front dans notre guerre contre le terrorisme », par ces mots, le porte parole de la Maison Blanche annonce le dimanche 07 octobre 2001 le début de l'opération« Liberté Immuable ». Des frégates et des sous marins de l'US NAVY et de la Royal NAVY lancent une quarantaine de missiles croisières Tomahawk sur Kandahar, Kaboul et Jalalabad. Pendant 12 jours, 25 avions de combat et 15 bombardiers B-18, B-2 et B-52 pilonnent Kaboul (notamment la centrale électrique et les bâtiments officiels), l'aéroport et le centre militaire de Kandahar, Jalalabad ainsi que les camps d'entrainement des combattants du réseau Al-Qaïda79(*). L'intervention américaine s'accompagne d'une série d'opérations militaires menées en divers fronts sur le territoire afghan par différentes composantes du « Front Uni islamique et National pour le Salut de l'Afghanistan. » ; plus connu sur le nom de l'Alliance du Nord. Cette vaste nébuleuse regroupe les quatre principales formations militaires afghanes d'opposition aux talibans.

Avant le 7 octobre, des conseillers et plusieurs centaines de membres des forces spéciales occidentales (majoritairement américaines), sont dépêchés afin de préparer des actions communes auprès des divers représentants du « Front Uni ». Mais, il s'agit surtout de rallier par différents moyens, surtout financiers, les chefs de clans encore hésitants. Le 20 octobre 2001, les plans d'invasion se précisent. Les forces spéciales américaines et britanniques sont déployées dans la région de Kandahar. Au Nord du pays, un millier de soldats des unités d'élite de l'armée américaine est stationné dans la base militaire de Termez, à la frontière entre l'Ouzbékistan et l'Afghanistan. Ces militaires ont pour mission d'aider et encadrer les forces du « Front Uni ». L'objectif est de permettre aux combattants de Dos Tom de conquérir la province de Bal KH, afin d'établir une liaison directe avec les forces américaines basées en Ouzbékistan. Puis, il s'agit de favoriser les « Tadjiks de l'Est »80(*).

Pour préparer cette double offensive de l'Est du pays, l'aviation américaine organise le bombardement intensif de Mazar-e charif et de Kaboul. C'est de début de la grande offensive de Kaboul. Grâce à ces pilonnages de l'aviation américaine, les troupes de Dos Tom parviennent à prendre le contrôle de Mazar-e Charif, provoquant ainsi la fuite de l'armée talibane. La chute de Mazar-e Charif apparait comme un véritable tournant dans cette guerre. Elle galvanise les « Tadjiks de l'Est » dont l'avancée vers Kaboul est encore accélérée par le changement de stratégie des Talibans. En effet, le Mollah Omar ordonne à ses troupes de se retirer de la capitale afin de concentrer la guérilla sur les régions de Nanghaar, de Laghlman et de Kunar qui bordent le Pakistan. Pour le gouvernement américain, la chute de Kaboul risque d'être trop rapide. Les autorités américaines avec l'appui de l'ancien roi Zouheir Shah tentent de convaincre les « Tadjiks de l'Est » de ralentir leur progression vers la capitale Kaboul, afin de démilitariser la capitale et d'organiser une répartition du pouvoir. Ce que refusent les combattants tadjiks, et le 13 novembre 2001, ils prennent possession de Kaboul sans réels combats. Ce qui marque le début de la traque de Ben Laden et de ses hommes dans les montagnes de Tora Bora à la frontière afghano-pakistanaise.

Cinq semaines après le début des opérations militaires, le régime taliban est renversé. Plusieurs milliers de talibans ont été tués ou faits prisonniers tandis que 3.700 civils ont péri dans les combats.

Les développements qui précèdent résument le déroulement de la première phase de cette guerre ou du « modèle afghan ». On constate que ce modèle a fonctionné pour faire tomber le régime taliban. Mais beaucoup moins pour débusquer les membres du réseau Al-Qaïda qui pouvaient se réfugier dans leurs zones sanctuaires. Par conséquent, cette stratégie a contribué à renforcer l'influence « des chefs de guerre » locaux, en particulier, ceux dont le comportement envers la population était honni et qui étaient hostiles au gouvernement central de Kaboul. Elle a également renforcé la puissance des Tadjiks et affaibli ce qui allait être essentiel ultérieurement, les deux piliers central et la bonne gouvernance.

B-INCAPACITE POUR L'ARMEE AMERICAINE DE REMPORTER LA VICTOIRE DECISIVE FACE AUX TERRORISTES

L'évolution afghane éclaire deux réalités fondamentales de la guerre : toute guerre est marquée par une dérive de ses buts et, le plus souvent une escalade des moyens ; les « fins dans la guerre » influent toujours sur « les fins de la guerre » pour reprendre l'expression si parlante de Clausewitz.

Le président George W. Bush avait annoncé que cette campagne militaire serait longue et difficile bien au-delà de son mandat. Le bilan de cette guerre, sans même évoquer son coût humain suscite un certain trouble. Malgré l'élection de M. Hamid Karzai81(*)le 9 octobre 2004 à la présidence. Les droits humains restent bafoués. Les Talibans poursuivent leurs actions violentes dans le pays et maintenant dans le Pakistan voisin. Nombre de chefs d'Al-Qaïda sont restés introuvables dans le pays, fondus à travers le monde ou abrités dans des zones tribales dans l'Afghanistan82(*), malgré la mort de certains chefs de l'organisation comme, Ali Mohamed adjoint de Ben Laden et responsable financier de l'organisation.

Figure N°2 : Poste de combat en zone montagneuse des soldats américains en Afghanistan.

Source : Le Point.fr

Compte tenu de l'impossibilité des milices afghanes de venir à bout des talibans, les troupes américaines ont pris la tête des opérations de ratissages. Il faut se rappeler des opérations Anaconda (2002) ou Mountain Viper (2003). Il s'agissait d'opérations « de bouclage et de fouille » (« cordon and search ») avec pour but d'éliminer les caches de terroristes et d' « enemy-centric raid stategy » comme le dit le général américain Barno. Malgré cela les résultats restent limités. Car, ce modèle (le modèle américain) est limité par un grand défaut de sensibilisation culturelle et politique, voire, par la supériorité technologique. Les bombardements aériens américains soulèvent des questions sensibles (on se rappelle du bombardement d'une fête de mariage en Oruzgan en juillet 2002) avec des couts politiques considérables. Les forces armées américaines suscitent crainte et hostilité dans la population. Elles sont perçues comme des forces d'occupation. Les populations à l'origine neutre, voire, favorables aux américains, se sont progressivement détournées. En effet, les troupes américaines on été accueillies en libératrices en 2001 par une partie de la population afghane opposée au gouvernement taliban. Quelques années plus tard, elles sont de plus en plus considérées comme des forces étrangères d'occupation. L'action des talibans réorganisés depuis leur sanctuaire au Pakistan est de plus en plus audacieuse et efficace.

Dans une guerre, si le centre de gravité de l'adversaire se situe au-delà des limites politiques que l'on s'est fixées, il est inutile de faire la guerre. Car, il sera impossible de la gagner. Le centre de gravité des talibans se situe dans les zones tribales pakistanaises. En effet, c'est de cette zone de refuge qu'ils tirent leur capacité de résistance. Impossible donc pour les américains d'y mettre militairement bon ordre. Cette cible se situe au-delà des limites politiques qu'ils se sont fixées, ne serait-ce que de simples raisons de logistique militaire.

C'est avec son adversaire que l'on fait la paix. Par contre, la conférence de Bonn, en décembre 2001, a n'on pas été une conférence de la réconciliation, mais la conférence des vainqueurs. Elle a, de fait, rejeté les talibans. Jusqu'à nos jours ce conflit n'en fini pas. Une accumulation de bonnes tactiques ne fera jamais une bonne stratégie. Un problème politique au premier chef ne peut être résolu que par une solution politique. Citant les officiers U.S, le New York Times regrettait « la déconnexion entre les efforts intenses des petites unités et les évolutions stratégiques ».

Dans la contre-insurrection, gagner, c'est contrôler l'espace. On connait les ratios. En dessous du ratio de 20 personnels de sécurité pour 1000 locaux, il est tout à fait improbable de l'emporter. Or en Afghanistan ce ratio n'a pas été atteint par l'armée américaine.

La situation actuelle en Afghanistan est une spirale d'échecs ; échec militaire doublé d'un échec humanitaire. Les troupes afghanes formées par l'armée américaine et les forces de l'ISAF sont infiltrées des talibans. Ceux-ci espionnent, informent, sabotent les opérations et vont jusqu'à ouvrir le feu et tuer les soldats de la coalition. Ceci non seulement sur le champ de bataille, mais à l'intérieur même de leurs bases militaires. Les forces américaines ne peuvent plus donc faire confiance dans les hommes qu'ils forment et qui combattent à leurs côtés. Au total, 323 soldats de l'OTAN, pour la plupart les soldats américains, ont été tués en Afghanistan dans la seule année 201283(*). L'Afghanistan apparait donc pour le moment plus que fragilisée. La vraie question est de savoir, combien de temps la force afghane, va résister aux talibans une fois les troupes étrangères partis ? Pour compléter notre analyse sur la lutte contre le terrorisme en Afghanistan, il sera question d'analyser l'action de l'armée française dans le théâtre afghan.

PARAGRAPHE 2 : L'ACTION DE L'ARMEE FRANCAISE DANS LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME EN AFGHANISTAN

Les forces armées françaises ont été engagées sur les théâtres d'opérations aux côtés des forces armées américaines en Afghanistan. Cependant, la France avait refusé d'inscrire son action dans le cadre de la « guerre globale contre le terrorisme ». Elle a par ailleurs, refusé d'intervenir en Irak aux côtés des Etats-Unis, allant jusqu'à dénoncer la stratégie américaine84(*). En cela, « l'approche française » se distingue clairement de celle développée par l'administration Bush. Les autorités françaises font ainsi valoir que, l'intervention militaire en Afghanistan, ne traduise pas un engagement dans le cadre de la « guerre au terrorisme ». Mais, dans celui de la résolution 1368, adoptée dès le 12 septembre 2001 par le Conseil de sécurité (droit à la légitime défense reconnu par la charte des Nations Unies). Dans la logique française il ne s'agissait pas tant de combattre les « terroristes », que de mettre un terme au régime des Talibans afin d'empêcher que les attentats comme ceux du 11 septembre ne se reproduisent. Ce qui relevait bien d'objectifs militaires. Ceci explique que certains officiers français aient avancé qu'en Afghanistan il n'y avait pas de stratégie française affichée et singulière85(*). Plus fondamentalement, ces propos mettent en exergue la particularité et l'ambigüité de l'engagement français en Afghanistan et explique par conséquent le fait qu'il a été « modeste et mesuré »86(*).

Ainsi, cette partie du travail sera structurée sur l'engagement des forces françaises dans le théâtre afghan (A), et l'enlisement de celles-ci dans ce conflit (B).

A-L'ENGAGEMENT DES FORCES ARMEES FRANCAISES DANS LE THEATRE AFGHAN

Au lendemain des attentats de New York, une équipe militaire de liaison a rejoint l'état-major du commandement américain, le Central Command (CENTOM)87(*) basé à Tampa en Floride afin d'assurer le contact entre les autorités militaires des deux pays. La France a été sollicitée pour participer, sous le commandement américain, à l'opération Enduring Freedom autorisée par la résolution de l'ONU 1368 du 12 septembre 2001.

En effet, le déploiement de l'armée française dans un pays étranger est désigné sous le nom de l'OPEX (Opération Extérieure). L'OPEX Afghanistan implique en permanence environ 3500 soldats français. Ceux-ci appartiennent, en majorité, en des compagnies de combat de l'armée de terre, notamment des bataillons de chasseurs alpins, des régiments d'infanterie de marine et des régiments étrangers d'infanterie ou de parachutistes (Légion étrangère). L'engagement des armées françaises sur le théâtre afghan avait un triple objectif, de chasser les talibans de Kaboul, de détruire les camps d'entrainement d'Al-Qaïda et de permettre la constitution d'une force de défense nationale afghane. Le 31 octobre 2014 marque la fin de l'opération Pamir, nom donné à l'intervention française en Afghanistan. Participent à cette mission un détachement aérien, un bataillon français déployé à Kaboul (le BATFRA) et une composante aéromaritime en océan Indien dans le cadre d'Enduring Freedom. A partir d'août 2003, un groupement de forces spéciales de 200 hommes est également intégré à l'opération. Les soldats français contribuent aux opérations de combat contre les insurgés. Dès 2002, la France monte un détachement d'instruction (Epidote) destiné à assurer la formation des forces afghanes au sein d'Enduring Freedom (formation de bataillons de combat et de cadres) alors inexistantes.

Les forces françaises se sont directement engagées dans la lutte contre le terrorisme en assurant des missions terrestres (2 septembre 2001- 31 janvier 2002)88(*) et maritimes89(*). Par ailleurs, la France contribuait aux actions de sécurisation, de stabilisation et de formation conduites par la Force internationale d'assistance à la sécurité90(*) de l'OTAN (FIAS ou ISAF).

Le plus grand effectif français sur le théâtre afghan, accomplissaient de multiples opérations. Entre autres, les missions de protection dans les villages, les officiers qui participaient aux Shuras (réunion avec les chefs de villages afghans). Le personnel militaire français menait, des actions auprès de la population (visites médicales, distribution des tracts, etc.). Les militaires français assuraient également, la protection des opérations de reconnaissance (visant à vérifier la sécurité dans une zone ou d'un itinéraire), ou des opérations de capture des talibans ou de confiscation d'armes. Enfin, ils assuraient la sécurité des convois logistiques (transportant par exemple de la nourriture ou les colis de famille). Elles sont acheminées en VAB (Véhicule de l'Avant Blindé) ou en hélicoptères sur les lieux de mission.

La France s'est par ailleurs engagée à contribuer largement à la formation de l'armée afghane (Operational Mentoring and Liaison Team qui visait à compléter les actions de formation en accompagnant les forces afghanes au combat)91(*).

Figure N°3 : Projection de deux VBCI français en Kapisa et Surobi en Afghanistan.

Source : SIRPA Terre. http://.defense.gouv.fr/terre

Annoncé en juin 2011 par le président de la république française, le désengagement des armées françaises en Afghanistan, celui-ci a débuté à l'automne de la même année. Fin 2012 les forces combattantes françaises sont totalement retirées d'Afghanistan. Les militaires de la force se sont alors concentrés sur les opérations logistiques de désengagement ainsi que sur l'accomplissement des responsabilités françaises restantes au sein de l'ISAF.

Au terme de 13 ans d'intervention, les armées françaises ont ainsi contribué à la formation des forces de défense et de sécurité afghanes capables d'affronter de façon autonome, les défis sécuritaires qui se posent dans le pays. Depuis 2001, plus de 70000 militaires français ont été engagés au sein dans l'opération Pamir. Au plus fort des opérations, 4000 militaires y participaient. Cet engagement a coûté la vie à près de 89 soldats français et fait plus de 700 blessés. Mais l'objectif de cet engagement n'a pas été atteint dans la mesure où l'Afghanistan reste toujours l'épicentre du terrorisme international où, les Talibans gardent toujours leur capacité de nuisance et maintiennent toujours l'initiative contre les forces afghanes. Le terrorisme quant à lui est monté d'un cran avec l'apparition de l'organisation de l'Etat Islamique.

B-L'ENLISEMENT DES FORCES ARMEES FRANCAISES DANS LE CONFLIT AFGHAN

Depuis 1962, l'armée française a surtout affronté des organisations armées. Par contre, elle a très peu combattu les Etats avec leurs armées régulières. Or, ces deux types de conflits présentent des caractéristiques différentes. Affronter un Etat, relève de la logique de victoire décisive sur le terrain, contre l'armée adverse, comme préalable à la victoire politique. La puissance de feu est alors, l'élément essentiel pour obtenir cette victoire opérationnelle.

Le chef d'escadrons Alexandre de Féligonde, avait publié une note intéressante et sans concessions avec l'IRIS92(*) sur les manquements du contre-terrorisme de l'armée française en Afghanistan. Cette note est intitulée « La contre-insurrection comme solution stratégiques ? Quelques réflexions à partir du cas français en Afghanistan. ». Sur le théâtre afghan, malgré la création de la Task Force la Fayette en 2009, les français manquaient d'effectifs pour mener une stratégie de contre-insurrection à grande échelle dans les districts de Kapisa et de Surobi. Le terrain difficile et vaste pour les manoeuvres militaires, la densité de la population, le manque d'hélicoptères de transport compliquaient le travail de l'armée française. L'auteur constate alors que : « Les effectifs dans l'Est ne permettraient de mener que des opérations de contre-insurrection, mais bien à éviter une contagion trop importante ou encore le développement de zones-refuges pour les insurgés. Ces opérations étaient menées le plus souvent par les forces spéciales, et reposaient sur d'importants efforts en matière de renseignement, mais ne nécessitaient pas d'occuper le terrain et sont donc moins consommatrices en troupes ».

L'auteur dans sa critique de l'approche française se heurte à des freins : une population afghane par essence rebelle (un euphémisme) ; des équipements du soldat ne facilitant pas les contacts ; une certaine « bunkerisation » des soldats. Il s'interroge sur les difficultés des troupes étrangères en général et françaises en particulier en Afghanistan : « Comment mettre en oeuvre une approche globale quand les intérêts et les perceptions sont différents d'une vallée à l'autre, voire d'un village à l'autre ? ». Personne à l'ISAF n'a jamais pu répondre à cette interrogation selon l'auteur. Dans ce sens, l'intervention française n'est pas parvenue à affaiblir les talibans93(*). Les Talibans défaits à Kaboul, ceux-ci ont largement évolué dans leur façon de faire à la fois dans les tactiques utilisées et dans leur stratégie générale. Renonçant aux affrontements directs avec les troupes performantes technologiquement, les talibans sont revenus à la guérilla. Ce qui avait épuisé les soviétiques dans les années 1980. Les innovations sont inspirées de la guerre d'Iraq, probablement avec une expertise d'Al-Qaïda.

En premier lieu, les talibans ont introduit les attentats suicides jusque-là inconnus, plus de 140 en 2007. Cette pratique redéfinit les cibles légitimes de la violence, notamment les civils qui se trouvent en contact direct avec les troupes occidentales. La multiplication des bombes télécommandées a également montré son efficacité. De plus les attentats-suicides et les bombes télécommandées interdisaient une circulation légère des troupes françaises et rendaient les contacts avec les populations difficiles.

En second lieu, les Talibans ont construit méthodiquement leur stratégie en fonction des faiblesses occidentales d'une manière générale et des armées françaises en particulier, notamment l'occupation de terrain. Dans un premier temps, ils ont effectué des raids meurtriers à partir du Pakistan. Puis, ils ont reconstitué des maquis de plusieurs centaines d'hommes à l'intérieur des régions qui leur sont acquises, notamment au Sud et à l'Est.

Dans le même sens, le conflit afghan est bien une « guerre américaine ». On se rappelle de ce télégramme diplomatique révélé dans le Monde par Wikileaks où l'ambassadeur des Etats-Unis à Paris demandait, sur instance à l'Elysée. Ce télégramme dévoilait que, Washington trouve des façons de faire croire que la France comptait dans les options stratégiques. On se rappelle également que le « commander in chief » américain, de Mckiernan à Petraeus en passant par McCristall relevait et remplaçait, les chefs de la coalition sans se référer aux autres membres.

Depuis l'élimination du leader d'Al-Qaïda Oussama Ben Laden, tué par un commando de l'US Navy au Pakistan. Les pays de coalition en Afghanistan, ont trouvé une excuse pour retirer leurs soldats du guêpier, dans lequel ils se sont fourrés après les attentats du 11 septembre 2001. L'ancien diplomate et attaché militaire français René Cagnat tire un bilan catastrophique de cette « intervention militaire aberrante », qui a fait plus de 3200 morts du côté de la coalition, plus 25000 morts du côté de talibans et au moins 14000 victimes civils94(*).

Au lendemain de la seconde guerre mondiale, l'on s'accorde que les « faibles », en termes de simple rapport de forces, ont tendance à l'emporter majoritairement. L'asymétrie des forces est en réalité, souvent compensée par l'asymétrie des enjeux. Le « fort » occidental menant un combat limité à l'étranger contre un « faible », qui, lui mène une guerre totale chez lui, et au coeur de la géographie physique et humaine qui le dissimule. C'est lorsque les adversaires se ressemblent que la supériorité des moyens donne son plein effet.

SECTION 2 : LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME AU SAHEL ET DANS LE BASSIN DU LAC TCHAD : CAS DES ARMEES MALIENNE ET NIGERIANE

Niché entre le grand désert du Sahara au Nord et la savane au Sud, le Sahel couvre une zone longue de 5400km de l'Océan Atlantique à la Mer Rouge et abrite d'une façon restreinte la Mauritanie, le Mali, le Niger, le Burkina-Faso et le Tchad95(*), pays formant le G5 Sahel96(*). Le Sahel est également considéré comme un arc qui s'étend de la Mauritanie au Soudan et forme une zone de contact entre l'Afrique du nord et l'Afrique subsaharienne. Depuis la désintégration du régime libyen en 2011, le Sahel est devenu l'une des régions les plus déstabilisatrices du monde : essor de trafics en tout genre, attentats et enlèvements97(*). Les mouvements terroristes impulsés par un jihadisme messianique ont fait du Sahel, un terrain de contrebande et de violence pour leurs activités criminelles, allant jusqu'à envahir le Nord Mali en 2012. Face à des pays sahéliens défaillants, fractionnés et des armées locales mal équipées et mal formées, les terroristes ont pu s'installer durablement dans la région. Cette situation fait du sahel et par extension dans le Bassin du lac Tchad, une zone instable et propice à toutes économies criminelles.

Ainsi, dans notre analyse, le premier versant sera articulé sur l'armée malienne dans la lutte contre le terrorisme au Sahel (Paragraphe 1). L'autre versant s'articulera sur l'armée malienne face au face au terrorisme de Boko Haram (Paragraphe 2).

PARAGRAPHE 1 : L'ARMEE MALIENNE DANS LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME AU SAHEL

Les événements dans le monde arabe, notamment la chute du régime libyen du colonel Kadhafi, n'ont fait que renforcé le vide sécuritaire dans la zone sahélienne. Le Mali est un pays sahélien qui connait depuis son indépendance, une instabilité grandissante du fait, non seulement, de la mauvaise gestion du problème de la rébellion touarègue98(*), mais aussi, par les activités des groupes armés. L'insécurité générée par ces mouvements terroristes au lendemain de l'effondrement de la Libye, est de plus en plus grandissante dans la région.

Il sera question ici de faire état des difficultés des forces armées maliennes dans leur confrontation aux organisations terroristes. L'étude de ce versant nous permettra de mettre en exergue, le dispositif opérationnel de l'armée malienne face à la menace des groupes armés terroristes (A). Il sera aussi question, d'illustrer la déroute de l'armée malienne face aux mouvements terroristes dans la guerre de 2012 (B).

A-LE DISPOSITIF OPERATIONNEL DE L'ARMEE MALIENNE FACE A LA MENACE GROUPES ARMES TERRORISTES

Le terrorisme international est la conséquence des échecs de la politique de défense des Etats et les manquements de la gouvernance démocratique. Tout comme le conçoit Martha Finnemore99(*), la politique des Etats à l'échelle mondiale comme sur le plan interne des Etats, est déterminée par une structure cognitive. Il s'agit là dans cet aspect de notifier que, les Etats ne conçoivent pas la politique de défense de la même manière. Elle se fait, selon les prévisions de chaque Etat, et selon la menace à laquelle un Etat est susceptible de faire face. Cette structure cognitive est faite de représentations, des valeurs des normes que chaque Etat se fait de la défense et de la sécurité de son territoire. Ainsi, le Mali prit singulièrement, ne dispose pas la même politique de défense que les pays transfrontaliers.

Avant l'offensive jihado-rebelles, le Mali jouissait d'un certain nombre d'avantages putatifs que lui confère son statut d'Etat souverain jouissant de la puissance publique par le droit international. Ces avantages sont de deux plans : sur le plan national et international.

Sur le plan national, faute d'ouverture maritime, l'armée malienne est composée de l'armée de terre et de l'air avec un effectif près de 8000 hommes. Celle-ci constitue un outil de défense et de dissuasion pour l'Etat malien face aux mouvements terroristes. Le maillage des forces armées maliennes est caractérisé par l'ensemble des forces constituées pour défendre le sanctuaire national contre toute agression venue de l'extérieure et susceptible de créer des troubles ou de porter atteinte à la cohésion nationale. Elle assure ainsi, le maintien de l'ordre et l'exécution des lois. Le maillage de l'armée malienne est donc constitué des forces de 1ére, 2ème et de 3ème catégorie chargées à des missions de défense.

Sur le plan international, après les attentats du 11 septembre 2001, les USA se sont rendus compte que leur sécurité était dépendante des succès du contre terrorisme dans le monde. Ces succès du contre terrorisme passent par, la stabilisation des « failed states », des « collapsing states » et des « states building ». Pour le cas du Sahel, les USA ont cherché à renforcer les capacités des gouvernements de la région à lutter contre les groupes terroristes100(*). En plus d'une assistance militaire étroite et bilatérale au renforcement des capacités de lutte contre le terrorisme, qui porte sur le renforcement des capacités nationales de maintien de l'ordre, et d'autres capacités liées à la sécurité101(*).

Le soutien des USA au Mali dans ce sens entre dans le cadre de la coopération horizontale en matière de sécurité, entre les Etats de la région sahélienne et les USA. Le premier instrument développé dans le cadre de cette coopération est le Partenariat Transsaharien Contre le Terrorisme (TSCTP) qui s'est développé à partir de l'Initiative Pan-Sahélienne (PSI) plus restreinte102(*). Le TSCTP est un programme inter-agences, incluant le département d'Etat, l'Agence Américaine pour le Développement International (USAID) et le Département de la Défense103(*). Il a pour objectifs principaux : « le renforcement des capacités régionales antiterroristes, l'amélioration et l'institutionnalisation de la coopération entre les forces de sécurité régionales, l'encouragement de la gouvernance démocratique, supprimer l'idéologie du terrorisme, et le renforcement des liens militaires bilatéraux avec les Etats Unis »104(*).

Ainsi, dans le cadre du soutien actif aux pays membres du TSCTP dans la lutte contre le terrorisme, les USA ont organisé avec plusieurs pays européens105(*)des manoeuvres dénommés Flintlock 2009 et Flintlock 2011. Ces manoeuvres étaient destinées à développer le partage d'information dans la région du Sahara, à améliorer la coordination des efforts et l'interopérabilité entre les forces de sécurité et les services participants, et à entrainer les unités militaires. Ce soutien américain à l'armée malienne est en appui avec le Commandement militaire américain pour l'Afrique (AFRICOM). Les américains disposent également une base de drones à Agadez (Niger), qui participent aux missions de surveillance des mouvements de groupes terroristes dans la région notamment dans le Nord-Mali. Le soutien des USA aux forces armées maliennes dans le cadre de la lutte contre le terrorisme à travers ce partenariat constitue, un avantage stratégique et tactique de poids pour l'armée malienne.

La France est également un partenaire stratégique de poids pour le Mali dans la lutte contre les groupes armés terroristes. Le soutien de la France à l'armée malienne s'articule autour du concept du Renforcement des Capacités Africaines en matière de Maintien de la Paix (RECAMP), notamment à travers, la multiplication des écoles à vocation régionale. Ce soutien de la France au Mali entre dans le domaine de l'opérationnalisation des FAMA. Cette assistance se résume par, l'assistance militaire, la formation des militaires et la dotation des équipements militaires à l'armée malienne. Le soutien le plus décisif de la France à l'armée malienne dans le cadre de la lutte contre le terrorisme est celui de l'intervention militaire française de 2013 (Opération Serval) dans la guerre de 2012.

Face aux signes avant-coureurs d'une attaque imminente des rebelles du MNLA106(*), les autorités de Bamako ont déployé un dispositif militaire chargé de contenir cette menace à la frontière. Celui était composé des moyens militaires conséquents de l'armée malienne. Ce dispositif s'est déployé dans les régions du nord, notamment à Ménaka, Gao, Tombouctou, Sévaré, etc.

B-LA DEROUTE DE L'ARMEE MALIENNE FACE AUX ORGANISATIONS TERRORISTES DANS LA GUERRE DE 2012

La guerre qui oppose l'armée malienne en 2012, est une offensive lancée par le MNLA avec le soutien des groupes armés terroristes. Ceux-ci sont composés : d'AQMI ; Ansar Eddine d'Iyag Ag Ghali107(*)(les défenseurs de la foi) ; du MUJAO, du mauritanien Hamada Ould Khairou108(*), qui est une scission d'AQMI ; du groupe Al-Mourabitoune (les signataires par le sang) de Mokhtar Bel Mokhtar109(*). Dans le rapport de forces qui oppose les deux parties en présence, les troupes maliennes partent désavantageuses. En effet, l'armée malienne était mal équipée, moribonde et démotivée, traversée par la corruption et les frictions internes. Par ailleurs, la coalition jihado-rebelles comptait dans ses rangs des combattants aguerris aux combats en milieu sahélien. Dont, certains étaient d'anciens militaires ayant servis dans l'armée libyenne avant son effondrement en 2011. C'est le cas de Mohamed Ag Najim, chef militaire qui a précédemment dirigé une division de l'armée libyenne spécialisée dans la guerre en milieu désertique.

Au niveau de l'équipement militaire, les mouvements terroristes étaient mieux équipés que les troupes maliennes. Selon certaines sources, ils leur manquaient seulement la dimension aérienne110(*). L'arsenal militaire des groupes armés était issu des stocks des casernes libyennes (missiles sol-air, missiles sol-sol, les lances roquettes RPG, les explosifs modernes, les mitrailleuses automatiques, de nombreuses pièces d'artillerie, les kalachnikovs, des véhicules de combats légers, etc.) pillé lors de la mise en déroute de l'armée libyenne. D'autres équipements militaires étaient en provenance des trafics d'armes de la région.

Face au professionnalisme, à la ténacité et à la détermination des combattants de la coalition jihado-rebelles près à aller au fanatisme, les forces gouvernementales ont vite été débordées et ont dû abandonner leurs positions au profit des terroristes.

En effet, le dispositif malien comprenait beaucoup d'incohérences au niveau stratégique et au niveau opératif (manque de coordination dans la chaîne de commandement, insuffisance des moyens logistiques, les problèmes de relève des soldats, les frictions internes au sein des forces déployées sur le théâtre d'opérations, la vétusté du matériel). A ces incohérences il faut associer la corruption au sein même de l'appareil de défense malien. Afin, de remédier à ces problèmes, un groupe de jeunes officiers sous la houlette du capitaine Sanogo a donc fomenté un coup d'Etat militaire le 22 mars 2012, contre le président Amadou Toumani Touré. Ce qui est intéressant avec ce coup d'Etat militaire, c'est que, celui-ci était sensé être un avantage stratégique pour l'armée malienne, en résolvant les problèmes dont celle-ci était confrontée. Il a plutôt été un désastre stratégique pour celle-ci. Dans la mesure où, il a causé une crise de confiance entre le niveau stratégique et le niveau opératif. En effet, le niveau stratégique étant paralysé par le coup d'Etat, le niveau tactique avait donc procédé par une navigation à vue. C'est ce qui justifie donc la débâcle totale de l'armée malienne dans le nord du pays.

Ce coup de force a également causé une profonde crise politico-institutionnelle dans le pays. Ce qui a conduit non seulement à l'effondrement total de l'armée malienne, mais aussi au démembrement de l'Etat malien. Profitant de cette situation, les terroristes ont lancé uneoffensive pour prendre le centre du pays, dont la capitale Bamako. C'est ce qui a déclenché l'intervention militaire française (Opération Serval) en 2013, pour stopper l'avancée des terroristes et procéder à la reconquête du Nord-Mali.

La déroute de l'armée malienne dans le nord peut être expliquée d'autres facteurs. L'armée malienne comme la majorité des armées de la région souffre de multiples problèmes. En effet, depuis l'avènement de la démocratie au Mali, les secteurs de l'éducation, de la santé, de la culture, etc. Ont été privilégiés au détriment du secteur de la défense et de la sécurité. L'armée malienne soufre à cet effet, d'une carence en matériel, en hommes.

Dans le même sens, la guerre du Mali de 2012 se déroule dans la zone sahélo-saharienne, et la particularité avec cette région est qu'elle est propice au camouflage et à l'enracinement pour les groupes terroristes. La géographie de la région n'est pas adaptée pour les opérations militaires terrestres ou aéroportées111(*). Pendant la guerre de 2012, les groupes armés terroristes à l'instar d'AQMI, qui a choisi d'installer son « sanctuaire » dans la vallée de l'Amettatai, au nord de l'Adrar112(*) de Tigharghar (Sud-Ouest de l'Adrar des Ifoghas). L'objectif est de profiter à la fois de la protection des massifs et de la proximité de la grande vallée de Timlési, axe central entre le fleuve Niger et l'Algérie113(*).

Figure N°4 : Les marsouins français en mode de guerre dans l'Adrar des Ifoghas au Mali.

Source : lignesdedefense.blogs.ouest-france.fr.

Dans les conflits de « 4eme Génération »114(*), le soutien populaire constitue le centre de gravité de l'action des forces belligérantes. Pendant la guerre de 2012, la coalition jihado-rebelles jouissait du soutien des populations du nord. Par contre, les FAMA ne bénéficiaient pas de ce soutien de la part des populations du Nord. En effet, par la politique discriminatoire des dirigeants de Bamako envers les peuples du Nord-Mali, l'action de l'armée malienne dans le nord n'avait pas le soutien des populations locales.

En outre, l'Etat malien, comme la majorité des Etats sahéliens sont caractérisés par leur incapacité à contrôler leur territoire d'une manière efficace. C'est le cas du Mali, où le nord du pays est caractérisé par l'absence des autorités étatiques. Délaissé par l'Etat central, livrée à elle-même et souffrant d'un investissement minime dans les infrastructures et les services de base. La région du nord-Mali concentre tous les atouts pour devenir un « hub » Ouest-Africain pour tout projet de déstabilisation et de tout trafic115(*). Le président malien Amadou Toumani Touré, destitué par le coup d'état du 22 mars 2012, décrivait cette région en ces termes : « il n'y a pas de routes, de centres de santé, d'écoles, de puits, de structures de base pour la vie quotidienne. En fait, il n'ya rien »116(*).

Les autorités de Bamako manquent une réelle volonté à initier une véritable dynamique de développement dans le nord, confronté à de multiples problèmes profonds. Ce qui constitue un facteur structurel favorable à l'enracinement du terrorisme et du crime organisé dans le pays117(*).

PARAGRAPHE 2 : L'ARMEE NIGERIANE FACE AU TERRORISME DE BOKO HARAM

Grand producteur de pétrole, le Nigéria se présente comme l'Etat le plus peuplé du continent africain avec ses 181,8 millions d'habitants et le septième pays le plus peuplé du monde. Cependant, parallèlement à la résurgence des groupes terroristes au Moyen-Orient et au Maghreb, une rébellion dévastatrice et sanglante s'est imposée dans le nord-est du Nigéria anglophone, dont l'avenir est considéré comme déterminant pour la sous-région.

Apparu à Maiduguri dans l'Etat de Borno en 2002 sous le nom de « Congrégation des compagnons du prophète pour la propagation de la tradition sunnite et la guerre sainte » Boko Haram a été fondé par Ustaz Mohamed Yusuf118(*). Il apparait comme une secte islamiste d'inspiration salafiste, réclamant une application stricte de la charia dans le Nord du Nigéria119(*). Boko Haram120(*) dénonce les inégalités sociales dans le pays, la corruption de l'élite nigériane et l'influence de l'occident dont il estime que sa culture est impie. L'année 2009 marque un tournant majeur dans l'évolution du statut polémologique du groupe terroriste. A la suite d'une insurrection simultanée des islamistes dans quatre (04) Etats du Nord-Est du Nigéria (Borno, Bauchi, Yobé et Kano), s'est suivie une vaste répression violente par les forces de défense et de sécurité nigérianes. Cette répression a abouti à l'exécution de ses principaux chefs dont son fondateur121(*). Moins d'un an après la répression violente contre les islamistes, le groupe reprenait pied au Nigéria sous la direction d'Abubakar Shekau, réputé par sa violence extrême. Il s'engageait dans un activisme terroriste sans précédent au Nigéria et dans tous les pays du bassin du lac Tchad.

Face à cette situation, les autorités nigérianes ont pris des mesures sur le plan militaire pour juguler cette menace terroriste. Notre réflexion s'articulera sur le dispositif opérationnel de l'armée nigériane face à Boko Haram (A) et, sur le maintien de l'initiative de Boko Haram sur l'armée nigériane (B).

A-LE DISPOSITIF OPERATIONNEL DE L'ARMEE NIGERIANE FACE AU TERRORISME DE BOKO HARAM

Avec son passage aux actions de type terroristes en 2010, Boko Haram s'incruste dans diverses localités rurales et dans les zones non peuplées, comme la forêt de Sambissa, dans l'Etat de Borno, à proximité de la frontière camerounaise. Il refait une apparition clandestine à Maiduguri et procède, dès 2011, à plusieurs attentats dans le centre et le nord-ouest du Nigéria. En 2012 et 2013, il multiplie les assassinats et les attentats, visant notamment les chrétiens, les leaders musulmans, les hommes politiques et les chefs coutumiers s'opposant à ses vues. Il organise plusieurs enlèvements, en particulier dans des écoles, visiblement pour se procurer des jeunes combattants et des esclaves sexuels. Il n'hésite pas à s'attaquer à des prisons, pour libérer ses membres détenus ou pour élargir sa base de recrutement. Et, à affronter les forces de sécurité nigérianes, que se soit en attaquant des postes de contrôle de l'armée, des casernes ou des commissariats de police, ou en tendant des embuscades à des convois122(*) de l'armée.

Face à cette situation inquiétante, les autorités d'Abuja ont entrepris des mesures fortes. Parmi celles-ci nous avons, le lancement d'une vaste offensive militaire contre les insurgés de Boko Haram, dans les régions de Maiduguri en novembre 2012. Elles ont également proclamé l'état d'urgence six mois plus tard. Si ces mesures ont permis de tuer des centaines d'insurgés du groupe terroriste et de regagner un peu de terrain, en revanche elles n'ont pas eu d'effet durable sur les insurgés.

En 2014, les attaques de Boko Haram deviennent encore plus indiscriminées, visant les mosquées, les marchés ou les évènements sportifs123(*). La période entre août 2014 et janvier 2015 est marquée également par la prise de plusieurs villes de l'Etat de Borno. Au début de l'année 2015, la partie du territoire nigérian sous contrôle de Boko Haram surpassait la superficie de la Belgique124(*). Ce contrôle de vastes parties du territoire nigérian, permet au groupe terroriste d'installer une véritable économie de guerre en contrôlant les banques, les postes douaniers et en collectant des impôts dans les villes sous leur contrôle. Ce qui permet aux terroristes de lancer de vastes offensives contre l'armée nigériane et contre les pays voisins du Nigéria.

La plupart des analystes ont attribué ces revers à plusieurs facteurs : une corruption très répandue à divers échelons de l'appareil militaire nigérian, l'impopularité de l'armée due à de multiples violations de droits humains dans les Etats affectés par l'insurrection. Il faut aussi ajouter, les rivalités au sein de la hiérarchie militaire, des effectifs trop peu nombreux sur le terrain. L'infiltration de l'armée par des complices, qui par esprit de lucre ou d'idéologie fournissaient renseignement ou armement à ceux qu'ils étaient censés combattre125(*).

Un changement notable s'est produit au cours de l'année 2015, pendant les derniers mois du mandat du président Goodluck Jonathan et les premiers de celui de son successeur, Muhamadu Buhari. Concentrant d'abord ses efforts sur le sud de l'Etat du Borno et de l'Adamawa126(*), l'armée fédérale nigériane a, entre février et septembre, repris la plupart des villes conquises par Boko Haram en 2014. En outre, l'incompétence de certains chefs militaires de l'armée nigériane a été sanctionnée127(*). Des centaines de mercenaires, majoritairement des sud-africains, de la firme Pilgrim Africa, ont par ailleurs été engagés pour entrainer et conseiller l'armée nigériane, ainsi que pour piloter des hélicoptères et des blindés128(*).

Dès sa prise de pouvoir à Abuja, le 29 mai, le président nigérian a transféré le centre de commandement militaire chargé de la lutte contre Boko Haram d'Abuja à Maiduguri épicentre de l'insurrection islamiste, soit au plus près des zones affectées par le conflit129(*). En juillet de la même année, il a limogé et remplacé les principaux chefs de l'armée. Nommés six mois plus tôt par son prédécesseur, ainsi que le conseiller à la sécurité nationale130(*). De plus, ce dernier, Sambo Dasuki, en poste depuis 2011, a été arrêté en novembre. Il a été accusé d'avoir détourné plus de 5 milliards USD destinés à l'armement devant servir à la lutte contre Boko Haram, dont 12 hélicoptères, 4 avions de chasse et des munitions131(*). Aux nouveaux chefs militaires, il donnait en août, trois mois pour en finir avec Boko Haram132(*). Enfin, on avait appris, en mai, que 579 officiers et soldats étaient jugés au cours de deux procès distincts pour indiscipline, tandis que, en octobre, le général qui commandait la base de Baga a été condamné à 6 mois pour « perte de matériel » par une cour martiale133(*).

Si le rôle joué par les armées a permis une certaine accalmie notamment, la tenue des élections présidentielles au Nigéria. Elles ont aussi amoindri les capacités opérationnelles de ce mouvement terroriste l'obligeant à revoir sa stratégie. Le groupe armé terroriste n'est plus dans une logique d'expansion territoriale comme à la fin 2014 où il volait de succès en succès dans le Nord-Est du Nigéria, mais dans une logique de survie. Mais le groupe terroriste garde toujours sa capacité de nuisance.

B-LE MAINTIEN DE L'INITIATIVE PAR BOKO HARAM SUR L'ARMEE NIGERIANE

Face aux mailles de filets qui se resserrent, Boko Haram ne désarme pas. Le groupe terroriste bénéficie toujours d'un sanctuaire quasi inexpugnable dans la célèbre forêt de Sambissa, les îles et îlots du bassin du lac Tchad et les Monts Mandara. Obtenus grâce à la défaillance des Etats de la région. Cet environnement est propice, aux déplacements discrets, au camouflage et aux combats de guérilla. Une situation qui permet à ce groupe terroriste de se reconstruire dans sa structure et son mode de fonctionnement. Vu qu'il prouve jour après jour sa capacité à imprimer la terreur au Nigéria et dans les pays voisins qui lui ont déclaré la guerre.

Les mesures prises par les forces armées nigérianes dans la lutte contre Boko Haram, comme le meilleur approvisionnement en armes des soldats sur le front restent insuffisantes. Selon certains experts, l'armée nigériane comme la société nigériane, reste toujours gangrenée par une corruption endémique au sein de l'appareil de défense nigérian134(*). Fin novembre 2015, l'attaque d'un village du sud de l'Etat de Borno et l'enlèvement de nombreuses jeunes filles n'ont entrainé d'autres réactions des soldats que des tirs en l'air et leur fuite. Presque simultanément une autre attaque marquée par la destruction d'un village aurait pu être évitée si l'armée, avait pris en compte les avertissements des villageois faisant état d'une l'imminence de l'assaut135(*).

Alors qu'Abuja n'a pas autorisé les incursions des forces armées tchadiennes sur son territoire136(*). Outre de vieilles querelles frontalières, à propos du lac Tchad, la collaboration entre les deux armées est handicapée par les réticences de hauts gradés nigérians qui accusent le Tchad d'avoir longtemps été complice de Boko Haram137(*). Sur le plan politique, les relations difficiles entre les deux présidents n'ont pas évolué après le changement de titulaire du poste à Abuja. Buhari avait d'ailleurs déclaré, quelques semaines avant son élection, qu'il combattrait et chasserait « les troupes tchadiennes qui ont envahi notre territoire »138(*).

Face à la montée en puissance de l'armée nigériane, et à la conjugaison des efforts entre les forces armées des pays du bassin du lac Tchad. Boko Haram a décidé de ne plus tenter des opérations militaires de grande envergure, couteuses, longues et compliquées à planifier et qui exposent à des répressions. Tel un virus, le mouvement mute, un revirement stratégique par l'adoption des méthodes de combat totalement asymétriques. Il fait preuve d'une certaine capacité de résilience sur font de changement de mode opératoire évoluant vers les actions de guérilla et d'embuscades extrêmement planifiées. Si le groupe terroriste s'attaque toujours aux forces de défense nigérianes, aux populations chrétiennes et musulmanes, ou ceux qui sont critiques à son égard. La rhétorique du mouvement semble évoluée vers un nouveau registre. Désormais, le recours à des attentats-suicides complique encore plus l'action des forces armées nigérianes, dans la mesure où ceux-ci sont difficiles à prévenir.

L'enracinement de Boko Haram au Nigéria et dans le bassin du lac Tchad, n'est que la conséquence des hésitations et de volte-face de la diplomatie des différents acteurs impliqués dans la lutte contre cette nébuleuse terroriste. Les différentes mesures prises lors des sommets, ateliers ou réunions sur la menace de Boko Haram à l'échelle nationale, régionale, ou internationale démontrent un décalage entre les intentions des acteurs et la volonté réelle sur le terrain. Or, le Nigéria et ses pays voisins ont choisi le défi de l'option militaire qui se veut une vision qui rassemble et mobilise les énergies à tous les niveaux, selon les axes stratégiques définis pour une synergie d'actions à long terme. Mais force est de constater que ses stratégies de riposte ne convergent pas, malgré une vision commune de la menace terroriste. Bien au contraire, elles se croisent voire se neutralisent au nom des calculs étroits et laissent déjà entrevoir toutes les difficultés à venir d'autant plus que les objectifs des uns et des autres ne sont pas les mêmes. Si le Nigéria en combattant Boko Haram cherche à venir à bout à ce groupe terroriste qui menace son intégrité territoriale et son unité nationale, le Cameroun, le Tchad et le Niger quant à eux veulent contenir la menace hors de leurs frontières.

CONCLUSION DU CHAPITRE

Dans ce chapitre, il était question de faire une analyse sur les difficultés des forces armées nationales dans les théâtres d'opérations de lutte contre le terrorisme. Ainsi donc, après avoir fait état des actions menées par les forces armées américaine et française en Afghanistan, nous avons également présenté, celles des forces armées malienne et nigériane au Sahel et au bassin du lac Tchad. Il ressort que les réponses apportées par ces différentes armées dans leurs théâtres d'opérations respectifs répondaient chacune aux spécificités de la menace à laquelle ces armées faisaient face. Mais, les réponses escomptées par ces différentes campagnes militaires non pas été atteints. Elles ont mêmes été un désastre stratégique pour certaines armées, comme il a été le cas avec l'armée malienne en 2012. Cette situation fait suite aux différents facteurs rencontrés sur le plan stratégique et sur le plan opératif.

Ainsi, les difficultés rencontrées par les forces armées nationales dans ces différents théâtres de lutte contre le terrorisme sont d'ordre stratégique et tactique. Difficultés relevant de nature de la menace terroriste, à l'environnement dans lequel les opérations militaires sont menées. Elles relèvent également des spécificités des combats anti-terroristes, dont chaque armée faisait face et aux difficultés propres à chaque armée. La suite de notre analyse sera donc axée sur l'action de l'armée camerounaise face à Boko Haram.

CHAPITRE 2

L'ARMEE CAMEROUNAISE FACE AU GROUPE TERRORISTE BOKO HARAM

Le Cameroun est un pays situé au fond du Golfe de Guinée à la confluence de l'Afrique Centrale et de l'Afrique de l'Ouest. Il chevauche l'équateur jusqu'aux confins du Sahel et du désert du Sahara. Il couvre une superficie de 475 000 km2 pour une population de plus de 20 millions d'habitants139(*). Dans une perspective cartographique, « le Cameroun est un triangle isocèle portant une bassine sur la tête (le lac Tchad), un bec sur la tête (bec de canard), un bac sur son dos (les deux régions d'expression anglaise, celles de l'Ouest et du littoral) »140(*).

Le Cameroun a longtemps été considéré comme un pays stable dans une Afrique Centrale en ébullition meurtrie par des guerres infra-étatiques et des crises profondes. Mais, à cette situation de non guerre, il faut relever que le Cameroun a longtemps été confronté à un conflit conventionnel transfrontalier avec le Nigéria à propos de la presqu'île de Bakassi. Conflit qui a été tranché en faveur du Cameroun en 2002 par la Cour Internationale de Justice (CIJ) de la Haye.

Figure N°5 : Carte territoriale de la région de l'extrême-nord du Cameroun.

Source : www.googlemaps.com

De même, l'Extrême-Nord du Cameroun est depuis l'indépendance un théâtre de trafics d'armes, de pétrole, de la drogue, et de diverses formes de banditisme violent. Depuis un certain nombre d'année, l'insécurité est une donnée constante dans cette partie du territoire et dans la frontière orientale du pays du fait des activités criminelles des bandits transfrontaliers connus sous le nom de «coupeurs de routes » ou les « zarguina » venus de la République Centrafricaine (RCA) et du Tchad. La façade maritime camerounaise n'est pas épargnée de cette insécurité du fait, de la piraterie maritime dans le golfe de guinée. Toutefois, ces événements sont à relativiser face à l'insécurité montante dans l'Extrême-Nord du pays à cause de la contagion des actions criminelles et terroristes du groupe terroriste d'origine nigériane Boko Haram dans le bassin du lac Tchad.

Face à l'insécurité montante sur la partie septentrionale du Cameroun, il a fallu attendre le mois de mai 2014 pour que les autorités de Yaoundé prennent l'initiative contre la secte terroriste. En effet, c'est à Paris le 17 mai 2014 que le chef de l'Etat du Cameroun Paul Biya avait déclaré devant la presse : « Nous sommes ici pour déclarer la guerre au Boko Haram », lors du sommet consacré à la paix au Nigéria.141(*)Déclaration de « guerre » qui s'est suivie par le déploiement d'importants moyens militaires dans le Nord du pays pour contenir cette menace aux frontières nationales. Ainsi, dans notre réflexion, il sera judicieux pour nous de faire état du maillage stratégique des forces armées nationales face à Boko Haram (Section 1). Par la suite, la montée en puissance de l'armée camerounaise dans une action coalisée de lutte contre Boko Haram (Section 2).

SECTION 1 : LE MAILLAGE STRATEGIQUE DES FORCES ARMEES CAMEROUNAISES POUR PARER AU TERRORISME DE BOKO HARAM

Le grand penseur anglais de l'entre deux guerres Sir Basil Liddel Hart pense que, « la stratégie » est « l'art de distribuer et de mettre en oeuvre les moyens militaires pour accomplir les fins politiques »142(*). Il en ressort, qu'il s'agit de la compétence conjointe du gouvernement et du haut commandement des armées. Elle se décline donc selon le milieu143(*), l'effet à produire144(*), et les moyens à mettre en oeuvre145(*).

En 1983, lors de la sortie des jeunes officiers à l'Ecole Militaire Inter Armées (EMIA) du Cameroun, le président de la république le signifiait sur le signe de la vigilance, la défense du Cameroun est à la fois totale et permanente. Les forces de défense camerounaises doivent donc garantir de manière intangible ce qui est en construction, construction dont elles sont à la fois « ferment et objet »146(*). Le rôle fondamental de l'armée dans l'édification de la nation camerounaise est de prévenir le corps social de toutes les menaces qui pourraient porter atteintes non seulement à l'intégrité territoriale et aussi au patrimoine reçu, mais aussi, d'extirper de la nation les germes susceptibles de porter atteinte à la volonté du vivre ensemble. Toutefois, la réalisation de ces missions de défense passe par une bonne identification des pesanteurs en termes de vulnérabilités susceptibles de mettre la nation en péril147(*). L'armée camerounaise constitue donc un outil de dissuasion pour le Cameroun contre toute attaque éventuelle venant de l'un des pays frontaliers, susceptible de créer des troubles au sein du territoire national. Mais cette dissuasion a été brisée par les raids meurtriers à répétition du groupe terroriste Boko Haram dans les localités camerounaises situées à l'extrême-nord du pays depuis 2012148(*). Ceci se justifie par la nouvelle configuration polémologique qui prévale depuis la fin de la guerre froide où la puissance militaire ne dissuade plus et ne met plus un Etat à l'abri contre une éventuelle attaque terroriste.

La menace terroriste de Boko Haram, appréhendée sous le prisme sécuritaire, il s'agira ici d'analyser le dispositif opérationnel mis en oeuvre par l'armée camerounaise pour contenir cette menace terroriste (Paragraphe 1). Et le réajustement de la carte territoriale de commandement de l'armée camerounaise (Paragraphe 2) qui s'est suivi.

PARAGRAPHE 1 : LE DISPOSITIF OPERATIONNEL DE L'ARMEE CAMEROUNAISE MIS EN OEUVRE POUR CONTENIR LE TERRORISME DE BOKO HARAM

La doctrine générale de défense et de sécurité du Cameroun est défensive. Elle se traduit par la volonté des autorités de préserver la paix, la sécurité et l'intégrité territoriale toute entière du sanctuaire national. Il s'agit à cet effet, de défendre le territoire contre toutes menaces à la sécurité intérieure ou aux agressions extérieures. Les attaques meurtrières de Boko Haram sont donc considérées comme des « actes de guerre » contre le sanctuaire national, par conséquent, il faut imposer une riposte militaire.

Il s'agira donc pour nous, d'orienter notre analyse sur le déploiement de l'armée régulière (A) et de celui des unités d'élite de l'armée (B) pour contenir les insurgés de Boko Haram.

A-LE DEPLOIEMENT DE L'ARMEE REGULIERE DANS LA PARTIE SEPTENTRIONALE DU PAYS

Depuis 2009, Boko Haram s'est réorganisé et implanté dans la forêt de Sambissa. Depuis cette période, Boko Haram s'est lancé dans un terrorisme sans précédent pour se hisser au rang des groupes terroristes les plus violents de la planète, avec pour but ultime la mise à l'échec du pouvoir central d'Abuja149(*). De 2009 à 2012, Boko Haram semble jouir d'un avantage confortable de terrain au Cameroun. Dans un prosélytisme terroriste, cette situation pousse le groupe terroriste à étendre ses tentacules dans les pays voisins du Nigéria, notamment à l'Extrême-Nord du Cameroun. C'est en 2012 que Boko Haram a commencé à étendre ses actions violentes en territoire camerounais principalement dans les localités de Fotokol, Makary, Amchidé, Kousseri et Dabanga150(*). Bien que ses attaques soient des actions relativement isolées et localisées, mais, elles illustrent à suffisance la prise de l'initiative et de l'implantation de Boko Haram sur le territoire camerounais. L'année 2012 marque également la pénétration et implantation des combattants de Boko Haram au Cameroun et la création des cellules opérationnelles dans l'Extrême-Nord du pays. En effet, en 2012 un groupe de militants de la secte terroriste a exigé via des tracts envoyés aux autorités et aux populations à Amchidé, Fotokol et Kousseri, la fermeture des bars et l'application de la charia, et menacé les commerçants et les transporteurs de représailles s'ils ne contribuaient pas au financièrement du Jihad151(*).

Par souci de neutralité politique, ou de non ingérence à ce qui semblait être aux yeux des autorités camerounaises comme un problème interne au Nigéria. Les autorités de Yaoundé ont mis du temps à réagir contre Boko Haram. Profitant de cette situation, les terroristes ont renforcé leur emprise territoriale au Cameroun de 2013 à mis 2014, par l'enlèvement des ressortissants étrangers sur le sol camerounais. Après avoir enlevé une famille française forte de sept (07) personnes dans le parc national de Waza (dans le département du Logone et Chari), situé à l'extrême-nord du pays le 19 février 2013. Le 13 novembre 2013, un prêtre français était aussi enlevé à Nguetchewe (département du Mayo Tsanaga) ; Le 19 avril 2014, deux prêtres italiens et une soeur canadienne étaient enlevés à Tchere dans le Diamaré ; en mai 2014, dix ouvriers chinois de la compagnie chinoise Sino-hydro étaient enlevés dans la localité de Waza.

Outre les enlèvements d'occidentaux, le territoire camerounais semble également être pendant cette période la plaque-tournante du trafic d'armes en direction de Boko Haram. Comme en témoigne la découverte des stocks d'armes dans l'extrême-nord du Cameroun152(*). Dans cette logique, la zone transfrontalière Cameroun-Nigéria était devenue une zone grise aux conséquences économiques, humanitaires et sécuritaires désastreuses. En effet, les incursions meurtrières de Boko Haram étaient devenues quasi-quotidiennes et les échanges commerciales entre les deux pays dans cette zone étaient devenus quasi absents.

Le mois de mai 2014 marque le début d'un conflit ouvert entre les militants islamistes de Boko Haram et les forces de défense camerounaises. Les premiers affrontements directs entre les militaires camerounais et les combattants de Boko Haram datent du 2 mars 2014 à Wouri-Maro près de la localité de Fotokol153(*). Face à la posture offensive du mouvement terroriste, le gouvernement de Yaoundé a pris des mesures sécuritaires relativement adaptée à la menace.

Au lendemain de la déclaration de guerre à Boko Haram, par le président de la république, les autorités de Yaoundé ont déployé d'importantes troupes de l'armée régulière dans la partie septentrionale du pays. Le dispositif opérationnel mis en oeuvre par l'armée régulière s'articulait au tour de l'opération Emergence 4, conduite par la quatrième région militaire interarmées (RMIA4, l'armée régulière)154(*). Ce dispositif est composé par les unités des armées de terre, air et mer.

Dans l'armée de terre nous avons les unités aéroportées à l'instar, du Bataillon des Troupes aéroportées (BTAP) de Koutaba (région de l'Ouest). Des unités amphibies, à l'instar du Bataillon Spécial Amphibie (BSA) qui est basé à Tiko dans le Sud-ouest du pays, et des unités blindées, comme le Bataillon Blindé de Reconnaissance (BBR) et de l'arme du génie notamment, les unités du Régiment du Génie militaire (REGEN). Il est à noté que ses unités étaient accompagnées par un matériel militaire conséquent allant des pick-up montés, aux chars d'assauts, des véhicules légers aux blindés, de la mitrailleuse en passant par les mortiers aux canons. L'artillerie était au rendez-vous notamment par le Régiment d'Artillerie Sol-Air (RASA) et du Régiment d'Artillerie Sol-Sol (RASS).

L'armée de l'air avait également déployé ses unités de combats allant des avions de reconnaissance aux avions de combat notamment des Alpha-jets et Foucade, des hélicoptères de type Puma, Bell et Gazelle et le bataillon des fusiliers de l'air commando. L'armée marine avait quant à elle aussi déployée ses unités opérationnelles. C'est le cas, de la Compagnie des Palmeurs de Combat (COPALCO) et le Bataillon des Fusiliers Marins commando (BAFUMAR). Ces forces de la marine ont été déployées dans le lac Tchad.

Vu l'urgence et la dangerosité de la menace terroriste de Boko Haram, le déploiement des moyens militaires dans l'extrême-nord du pays, apparait comme une mesure appropriée à l'ampleur de la menace.

B-LE DEPLOIEMENT DES UNITES D'ELITE DE L'ARMEE

Le concept d'emploi des forces armées camerounaises a opéré une mutation qui remonte aux années 90, et par la suite à la réforme de 2001. L'armée régulière est de plus en plus supplantée par les unités d'élite. Cette évolution est en partie inhérente à la montée en puissance des menaces de plus en plus diffuses dans la région et aux transformations des menaces qui pèsent sur la sécurité nationale. Elle s'inscrit également dans le contexte d'inefficacité de l'armée régulière et d'une incapacité du budget de la défense camerounaise à entrainer et équiper convenablement une armée dont les effectifs dépassent les 40000 hommes.

Pour lutter contre Boko Haram, les autorités de Yaoundé ont envoyé des effectifs supplémentaires du Bataillon d'Intervention Rapide (BIR) dans le cadre de l'Opération Alpha (BIR-Alpha)155(*). Il faut rappeler que c'est dans cette zone qu'est né le BIR à Maroua-Salak et dont se trouve le centre de commandement de l'opération Alpha dans le camp du 1er BIR.

En effet, Le Bataillon d'Intervention Rapide, plus connu des camerounais sous le sigle BIR est la transformation de l'ancien BLI156(*), est une unité d'élite de l'armée camerounaise. Il a été créé en 1999 pour faire face aux nouvelles menaces contre la sécurité du territoire, notamment les coupeurs de route et la multiplication des groupes armés non contrôlés. Le BIR a un poids sans égal dans le dispositif de défense camerounais par l'étendue de ses missions, la spécificité de sa formation et de son commandement ainsi que, par l'augmentation de ses effectifs et ses équipements. Le BIR est né d'après le Décret n°99/16 du 1er février 1999, et a été consacré en 2001. Il est entrainé et équipé par les éléments de l'armée israélienne (le Tsahal).

Cette unité d'élite dépend statutairement ou administrativement du Ministère de la défense précisément par l'état-major de l'armée de terre. Mais, reçoit des ordres à la présidence de la république. D'après Hans de Marie Heungoup « la création du BLI fait suite à l'échec de l'armée régulière et de la gendarmerie nationale à venir à bout du phénomène des coupeurs de route dans les régions de l'Adamaoua, du Nord, de l'extrême-Nord et de l'Est ».157(*) Pour François Pelene158(*), «  face à l'émergence des nouvelles formes de criminalité et du banditisme transfrontalier, les BIR s'imposent comme la réponse proportionnée et décisive de l'Etat ».

Initialement constitué de 1000 hommes, le BIR compte à l'actif plus de 7000 hommes, répartis en 5 BIR terrestres, et des composantes navales (BIR-Delta et BIR-Côte) et aéromobiles (GIRAM), des unités d'observation (GOA) de renseignement et des unités types forces spéciales (CAT et GRS)159(*). Ainsi, dans le cadre de la lutte contre Boko Haram, le gouvernement camerounais avait d'abord déployé 700 soldats. En juillet 2014, 3000 soldats supplémentaires au profit du BIR-Alpha ont été déployés. Le dispositif du BIR-Alpha dans le cadre de cette lutte est placé sous le commandement de l'opération Alpha, basé au 1er BIR à Maroua-Salak. Cette opération est repartie en plusieurs zones, et chaque zone a à sa tête un commandant de la zone (Com zone) et des unités antiterroriste (CAT)160(*).

En outre, en réaction au déploiement d'importants moyens militaires dans l'extrême-nord du Cameroun, Boko Haram a commencé à durcir sa posture offensive au Cameroun. En effet, Boko Haram a commencé à intensifier ses attaques meurtrières dans les localités frontalières avec le Nigéria, tout en demandant aux populations dans une logique communicationnelle par tracts de ne pas coopérer avec les forces de défenses camerounaises161(*). Selon le rapport d'enquête d'Afrique d'International Crisis Group « Boko Haram en 2014, cherchait clairement à prendre le contrôle de villes transfrontalières du Cameroun pour les attacher au califat autoproclamé au Nigéria, et a même hissé son drapeau à Kérawa, Ashigashia et Balochi, sans les contrôler plus d'une journée »162(*). Pendant cette période, Boko Haram était dans une logique de conquête territoriale au Cameroun, par l'utilisation d'une tactique de combat conventionnelle. Ce qui a conduit les autorités camerounaises à revoir leur approche dans la conduite des opérations militaires antiterroristes.

PARAGRAPHE 2 : LE REAJUSTEMENT DE LA CARTE TERRITORIALE DE COMMANDEMENT DE L'ARMEE CAMEROUNAISE

Le concept stratégique précise la grammaire autour de laquelle va s'articuler la politique défense et de sécurité nationale. S'agissant du Cameroun, le concept stratégique est celui de la « défense populaire », même s'il tend vers la professionnalisation depuis la réforme de 2001. Si le concept stratégique revêt un sens philosophique, le concept d'emploi des forces ou doctrine d'emploi des forces en revanche est très pratique. D'après le général Pierre Semengue, l'emploi des forces concerne : « le dimensionnement des forces, l'équipement des forces, l'instruction du personnel et l'entrainement des forces, leur positionnement sur le terrain, le soutien logistique et l'usage des forces »163(*). Au Cameroun, l'emploi des forces comprend par exemple la catégorisation des forces, la définition de leurs tâches et de leurs effectifs, la définition des moyens logistiques mis à leur disposition, l'organisation et le positionnement des forces. Dans le cadre de ce travail, le réajustement de la doctrine d'emploi des forces concerne le repositionnement ou le redéploiement des forces pour une meilleure utilisation de la force dans la lutte contre Boko Haram.

A la suite des difficultés que l'armée camerounaise a rencontrées sur le plan opérationnel. Dans un souci de coordination des actions sur le niveau stratégique et opératif, les autorités camerounaises ont eu à modifier leur carte territoriale de commandement de l'armée par, la création d'une 4e région militaire (A), et, par l'opérationnalisation et le redéploiement des unités de combat de l'armée régulière (B).

A-LA CREATION D'UNE 4E REGION MILITAIRE SPECIFIQUE

Durant toute la période de mai 2014 jusqu'au début de l'année 2015, Boko Haram était dans une logique de guerre totale au Cameroun. Les enregistrements vidéo et audio de son leader menaçant le gouvernement de Yaoundé sont illustratifs à ce point. L'attaque du 12 janvier 2015 sur la ville de Kolofata vient également soutenir cette posture. En effet, cette ville subissait une violente offensive à l'arme lourde des combattants de la secte terroriste venus du Nigéria. L'attaque visait la garnison du BIR-Alpha et les combats ont duré près de 5h avec une violence inouïe, pendant lesquels 143 combattants islamistes et un soldat du BIR-Alpha aurait perdu la vie selon les chiffres officiels.

Il est donc à démontrer que cette période illustre la démonstration de force de Boko Haram face aux forces de défense camerounaises. A cet effet, les avantages de Boko Haram dus aux fragilités de la région, à ses succès militaires au Nigéria. Ces avantages du groupe terroriste sont conjugués au, déficit de coopération entre les militaires camerounais et les militaires nigérians. Cette situation confère aux terroristes un avantage opérationnel pour maintenir durablement son initiative face à l'armée camerounaise et à là mettre sérieusement en difficulté.

Face à ces difficultés rencontrées par l'armée sur le théâtre des opérations, le Cameroun a eu à effectuer un réajustement de sa doctrine d'emploi des forces, pour mieux combattre le groupe terroriste. Dans ce sens, le président de la république a pris une série de mesures promulguées par décrets le 14 août 2014. Parmi ces mesures il y'a, la scission de la 3e région militaire interarmées (RMIA3) en créant une 4e région militaire interarmées (RMIA4) basée à Maroua (région de l'extrême-nord). Celle-ci regroupe tous les départements touchés par les activités terroristes de Boko Haram. Nous avons également la création d'une 4e région de gendarmerie (RG4) avec les mêmes spécificités. Dans la même logique, le président de la république avait également limogé les généraux à la tête de ces régions militaires et de gendarmeries par des colonels. La création d'une 4e région militaire et de gendarmerie a pour objectif, de rapprocher le commandement du théâtre des opérations. Puisqu'il faut relever que les postes de commandement de la 3e région militaire et de gendarmerie164(*) étaient basés à Garoua (région du Nord) et regroupaient trois régions administratives, dont celle de l'Extrême-Nord. La scission de la 3e région militaire et de gendarmerie vient donc palier d'une certaine mesure à ces problèmes opérationnels.

B-L'OPERATIONNALISATION ET LE REDEPLOIEMENT DES UNITES DE COMBAT DE L'ARMEE REGULIERE

Face à la montée en puissance des activités terroristes de Boko Haram dans le septentrion camerounais, le président de la république avait également pris une série de mesures promulguées par décrets. Les décrets pris par lu président de la république concernent également, l'activation de la 31e et la 32e BRIM (Brigade d'Infanterie Motorisée)165(*). Celles-ci sont des unités tactiques de combat de l'armée de terre dont les zones d'opérations englobent les localités touchées par les activités criminelles de la secte terroriste. Par la suite, nous avons également, le transfèrement du poste de commandement de la 41e BRIM de Maroua à Kousseri.

Dans la foulée, pour une gendarmerie de proximité proche des populations, de nouvelles brigades de gendarmerie ont été créées dans la ville de Maroua et dans les localités touchées par les incursions de la secte terroriste, notamment à Fotokol et Kolfata. Dans un souci de coordination de l'action des forces sur le terrain, des « commandements opérationnels »166(*) ont vu le jour dans l'Extrême-Nord. L'ensemble de ces mesures apparaissent ici à ce qui est commun d'appeler « le réajustement du concept d'emploi des forces », pour une meilleure utilisation de la force.

Le déploiement de ces séries de mesures va en droite ligne avec la nature de la menace qui prévalait. En effet, les combats entre l'armée et les membres de Boko Haram étaient plus conventionnels qu'asymétriques et la victoire décisive semblait être basée sur le rapport de force, ou sur la détention d'une grande puissance de feu. C'est dans ce sens que les autorités camerounaises ont cherché à palier à ces déficits par un réaménagement du concept d'emploi des forces en l'adaptant à la nature des combats.

Toutefois, les résultats de ces mesures n'ont pas été automatiques sur le théâtre des opérations. En effet, certaines mesures prises lors du sommet de Paris du 17 mai 2014 n'ont pas été mises en oeuvre. On peut relever la décision de mener les patrouilles conjointes avec le Nigéria le long de la frontière commune167(*). Cette mesure, durant cette période aurait de toute façon difficilement pu être appliquée. En effet, une grande partie de la frontière commune du nord des deux pays était déjà passée sous le contrôle de Boko Haram. A cela s'ajoute des lacunes sur le plan tactique et opératif, couteuses en vies pour les soldats : sous-équipements (armements non adaptés en zone sahélienne, gilets pare-balles non appropriés, armes non fonctionnelles, manque de lunettes à vision nocturne pour les opérations en profondeur). L'on a également la vétusté du matériel, qui est parfois non adapté pour les combats en milieu sahéliens et les disfonctionnements dans la chaîne de commandement et dans la chaîne logistique168(*).

Fort de cette position avantageuse, le leader du groupe terroriste menaçait directement Paul Biya président de la république du Cameroun dans un enregistrement vidéo diffusé le 5 janvier 2015. Aboubakar Shekau chef du groupe jihadiste disait: « Paul Biya, si tu ne mets pas fin à ton plan maléfique, tu vas avoir droit au même sort que le Nigéria (...) tes soldats ne peuvent rien contre nous »169(*).

De ce qui précède, nous constatons que, malgré la mise en oeuvre d'une série de mesure par les autorités de l'armée camerounaise pour mieux coordonner les actions sur le terrain, les résultats escomptés n'ont pas été concrétisés. Vu la régionalisation et la transnationalité de cette menace terroriste, nous verrons donc par la suite, la montée en puissance de l'armée camerounaise dans une action coalisée de lutte contre Boko Haram.

SECTION 2 : LA MONTEE EN PUISSANCE DE L'ARMEE CAMEROUNAISE DANS UNE ACTION COALISEE DE LUTTE CONTRE BOKO HARAM

La spécificité commune avec les conflits du 21e siècle est leur caractère hybride et diffus. C'est ce qui a été observé avec le conflit Cameroun-Boko Haram. En effet, les premières phases du conflit s'assimilaient à un conflit conventionnel, avec des attaques frontales de grandes envergures contre les positions de l'armée régulière par les insurgés de Boko Haram. Mais, avec la mutualisation des forces, la seconde phase de ce conflit est marquée par son caractère irrégulier, avec des méthodes de combat quasiment asymétriques. Il est donc intéressant dans cette partie, d'analyser l'action de l'armée camerounaise dans la mutualisation des forces contre Boko Haram (Paragraphe 1), et, la modification du format de force de l'armée camerounaise (Paragraphe 2) à l'épreuve des actions asymétriques du groupe terroriste.

PARAGRAPHE 1 : L'ARMEE CAMEROUNAISE DANS LA MUTUALISATION DES FORCES DANS LA LUTTE CONTRE BOKO HARAM

Face à la régionalisation de menace terroriste de Boko Haram dans le bassin du lac Tchad, sur appel du président de la république du Cameroun, le Tchad a déployé un important contingent de militaires dans l'Extrême-Nord du Cameroun. Cette intervention militaire tchadienne se situe dans le cadre de l'opération Logone 2015 (A). Et les initiatives prises sur le plan régionales ont abouti à l'opérationnalisation de la Force Multinationale Mixte (FMM) (B) pour lutter contre la secte terroriste.

A-L'OPERATION LOGONE 2015

La multiplication des attaques de Boko Haram contre le Cameroun, et la prise de contrôle par les islamistes de nombreuses localités au Nigéria voisin, proche de la localité de Kousseri, aux abords du lac Tchad, inquiètent le gouvernement tchadien. En effet, la capitale N'Djamena n'est séparée du fief des islamistes de Boko Haram que par cette bande de terre camerounaise de 50km de large et poreuse aux infiltrations jihadistes. Boko Haram s'étant également emparé de la route Maiduguri-Fotokol et menaçant le tronçon Mora-Kousseri, les principales voies d'approvisionnement du Tchad170(*). Alors, ce dernier pâtit déjà de la réduction du commerce avec le Nord-Est du Nigéria et l'obligation de passer par le Niger171(*).

L'insécurité dans le nord du Cameroun entraine la fermeture de l'axe commercial Douala-Maroua-N'Djamena. Les camions doivent emprunter une route de contournement traversant Moundo et Bongor, avec pour conséquence le passage de 4 à 6 jours de trajet, et l'augmentation du prix de denrées sur les marchés tchadiens. Ainsi, dans un souci de préserver les intérêts stratégiques et vitaux pour le pays, les Forces Armées Tchadiennes d'Intervention au Cameroun (FATIC) sont entrées le 18 janvier 2015 en fin d'après-midi en territoire camerounais, pour combattre aux cotés de leurs frères d'armes camerounais. En effet, le 8 janvier 2015, lors de la cérémonie de présentation des voeux au corps diplomatique accrédité à Yaoundé, le président de république Paul Biya avait lancé un appel à la solidarité internationale, en direction de la communauté internationale par ses termes : « à menace globale, riposte globale »172(*).

Durant cette période, l'armée camerounaise était débordée par les attaques sanglantes des islamistes de Boko Haram. Cette intervention militaire avait donné naissance à l'opération binationale baptisée, Opération Logone 2015. L'un des premiers objectifs des FATIC était, la reconquête de la ville de Baga en territoire nigérian dont l'occupation par les islamistes constituait un danger pour la sécurité nationale du Tchad du fait, de sa proximité avec le territoire tchadien. En effet, le 3 janvier 2015, Boko Haram lance une grande offensive sur la ville de Baga et sur plusieurs localités voisines. La principale cible est l'importante base militaire de Baga qui abritait le quartier général de la Force Multinationale (Multi National Joint Task Force - MNJTF en anglais)173(*). En l'absence des soldats nigériens et tchadiens, les combattants islamistes « ont submergé les troupes nigérianes et les ont forcé à abandonner la base », a témoigné sur AFP Usman Dansubbu, un habitant de Baga qui a fuit vers Gubuwa au Tchad. Ils ont alors massacré tous les habitants qui n'avaient pas réussit à fuir et ont incendié et détruit 90% de la ville de Baga et de Doron-Baga. Dans cette attaque, Boko Haram avait massacré des centaines voire, près de deux mille personnes ce qui constituerait le pire massacre de ce groupe terroriste.

Le déploiement des militaires Tchadiens dont les capacités opérationnelles sont avérées depuis la guerre du Mali de 2012, apparait ici comme « un ouf de soulagement » pour les troupes camerounaises déployées au front. Depuis des mois celles-ci essuyaient des assauts meurtriers et quasi-quotidiens des terroristes. Il est à noter ici, qu'à la différence avec l'armée camerounaise, l'armée tchadienne disposait le droit de poursuite dans le territoire nigérian, ce que les forces armées camerounaises n'avaient pas. Cette situation mettait donc l'armée camerounaise dans une position désavantageuse face aux offensives des islamistes. En effet, l'armée camerounaise se contentait de défendre leurs positions face aux offensives des islamistes, sans toutefois pouvoir mener des opérations de contre offensive sur les positions tenues par Boko Haram près de la frontière en territoire nigérian. Ce désavantage va en droite ligne avec la position du théoricien de la guerre Clausewitz qui considère que, défendre est aisé que d'attaquer. Mais, l'offensive reste la seule et l'unique posture permettant d'atteindre un but positif.

Stationnés à Maltam, Fotokol et Mora, les soldats tchadiens ont mené des offensives contre les positions tenues par Boko Haram au Nigéria. C'est le cas de la bataille de Baga ou celle de Gambaru. Les troupes tchadiennes ont également mené des opérations conjointes avec l'armée camerounaise en territoire camerounais, l'attaque sanglante contre la ville de Fotokol par Boko Haram en février 2015174(*) est illustrative à ce point. La petite ville nigériane de Gambaru bordant la frontière camerounaise, conquise le 24 août 2014 par Boko Haram, est conquise par les troupes tchadiennes le 3 février 2015175(*). Le lendemain, alors qu'elles sont entrain de ratisser la ville, les islamistes s'infiltrent à Fotokol, de l'autre coté de la frontière. Et y mènent ce qui est sans doute le pire massacre qu'ils n'aient jamais commis au Cameroun, tuant jusqu'à 400 personnes en quelques heures, avant de disparaitre176(*). Néanmoins, cette attaque sanglante illustre tout de même le manque de coordination des actions qui prévalait entre les forces engagées au front.

Du moins, à partir de leur posture défensive, les militaires camerounais ont souvent pénétré au Nigéria et pilonné les positions tenues par Boko Haram à partir du territoire camerounais, notamment dans les localités de Banki et de Gambaru177(*). Dans le même sens, les mentalités ont évolué entre les militaires camerounais et nigérians pour une coordination de leurs efforts dans la lutte contre Boko Haram. La coopération entre les deux armées s'est nettement améliorée depuis l'élection de Buhari à la tête du Nigéria en mai 2015. Les deux armées depuis cette période, mènent des opérations coordonnées et échangent régulièrement des renseignements178(*)dans la lutte contre les terroristes de Boko Haram.

De ce qui précède, l'action de l'armée tchadienne aux cotés de l'armée camerounaise a été décisive pour contenir les assauts de Boko Haram en territoire camerounais. Elle a permis de déloger les islamistes dans leurs positions proches du territoire camerounais. Ceci nous amène donc à examiner par la suite l'action de l'armée camerounaise dans une action régionale de lutte contre le groupe terroriste.

B-L'OPERATIONNALISATION DE LA FORCE MULTINATIONALE MIXTE DE LA CBLT

L'Afrique est le continent le plus affecté par des crises et des conflits, et bon nombre d'initiatives de développement et de la lutte contre la pauvreté affrontent l'hypothèque de la permanence des violences sociopolitiques, militaires. Auxquelles s'ajoutent, d'autres menaces transversales. S'agissant de la menace terroriste de Boko Haram, sa montée en puissance au Nigéria et au Cameroun a amené les pays transfrontaliers à mener des initiatives nationales contre ce mouvement terroriste. Face à la régionalisation de cette menace transversale, la construction d'une réponse adaptée, donnant plus de place à la coordination, à la complémentarité et à la cohérence des politiques s'est avérée capitale. Dans cette perspective, les pays membres CBLT179(*), après le sommet extraordinaire des chefs d'Etats de la CBLT et du Benin, du 07 octobre 2014 à Niamey (Niger), ceux-ci ont décidé de conjuguer leurs efforts en opérationnalisant la FMM de sécurité du Bassin du Lac Tchad.

En effet, la FMM est un dispositif offensif de stabilisation ayant pour objectif la lutte contre le groupe terroriste Boko Haram et d'autres groupes qualifiés de terroristes dans les pourtours du bassin du lac Tchad. Sa mise en forme a été décidée lors du sommet des chefs d'Etats de gouvernements de la CBLT tenu à Niamey. Le 25 novembre 2014, le Conseil de Paix et de Sécurité (CPS) de l'Union Africaine (UA) a apporté son plein soutien à son opérationnalisation180(*). Mais, ce n'est que lors de la réunion du 29 janvier 2015 que le CPS a formellement autorisé son déploiement pour une durée de 12 mois. Cette autorisation a été renouvelée le 14 janvier 2016 pour 12 mois supplémentaires181(*).

Pour rappel, l'origine de la FMM date de 1994. La décision de mettre en place cette Force pour lutter contre la criminalité, le grand banditisme avait été prise en 1994182(*). Ce n'est que quatre ans plus tard, en 1998, que la Force sera effectivement mise en place. Toutefois, cette décision se traduit par peu d'actes concrets. La Force est demeurée dans une léthargie totale, se limitant à l'organisation de quelques patrouilles183(*). Il faut rappeler que le Cameroun, avait refusé de participer à ce mécanisme. Compte tenu des relations tendues qu'il entretenait avec le Nigéria, sur fond de différends frontalier et territorial portant sur la péninsule de Bakassi et dans la région du lac Tchad.

Il aura donc fallu l'aggravation de la situation sécuritaire régionale dès le début de l'année 2014 pour que le réalisme l'emporte, et que la réactivation effective de la Force Multinationale Mixte connaisse un début de concrétisation. Ainsi, à l'issue de leur deuxième réunion organisée du 17 au 18 mars 2014 à Yaoundé, les ministres de la Défense et les chefs d'états-majors des pays de la CBLT ont approuvé la mise en place d'une Force multinationale avec pour mandat « d'assurer la paix et la sécurité dans le bassin du lac Tchad afin de garantir la libre circulation des biens et des personnes et le développement économique et social »184(*). La mise en oeuvre de ce mandat consiste entre autres, à effectuer des opérations militaires afin d'empêcher une expansion des activités du groupe terroriste ; conduire des patrouilles militaires ; prévenir tout transfert d'armes et de soutien au groupe ; rechercher et libérer tous les captifs, y compris les centaines de filles enlevées à Chibok en avril 2014 ; réaliser des opérations psychologiques visant à entrainer des défections des membres de Boko Haram185(*). La FMM devrait également mener des actions dans le renseignement, de la protection des droits humains et de la communication186(*). Chaque pays est appelé à contribuer au dispositif à la hauteur d'un bataillon de 700 hommes187(*). Des troupes nigériennes et tchadiennes seront déployées188(*) aux cotés des soldats nigérians dans la ville de Baga, située au Nigéria où avait été installé le quartier général de la Force.

En ce qui concerne le champ d'intervention de la FMM, chaque contingent qui la constitue est déployé dans les limites de son territoire national et opère en priorité en l'intérieur de cet espace189(*). De ce fait, quatre secteurs ont été définis : le secteur n°1, appartient au contingent camerounais, avec pour poste de commandement la ville de Mora (Cameroun), le secteur n°2 localisé dans la ville de Baga-Sola (Tchad), le secteur n°3 positionné à Baga (Nigéria) et le secteur n°4 dont la base a été établie dans la ville de Diffa (Sud-Est du Niger). Il faut rappeler que le secteur camerounais de la FMM est placé sous le commandement du général de brigade Bouba Dobékréo. Et le contingent camerounais de la FMM est rattaché de fait sous le commandant de l'opération Emergence 4 dans la gestion quotidienne des soldats.

De ce fait, la mise place de cette Force a eu pour retournement, la réduction considérable des capacités militaires du groupe terroriste Boko Haram. L'appui militaire tchadien, la mutualisation des forces, le réajustement des problèmes rencontrés sur le plan opérationnel, combinés à la mobilisation régionale et internationale ont eu pour retournement la décapitation des tentacules de Boko Haram. Cette situation a conduit la secte terroriste à opérer un revirement stratégique, par l'adoption des méthodes de combat de plus en plus irrégulières.

PARAGRAPHE 2 : LA MODIFICATION DU FORMAT DE FORCE DE L'ARMEE CAMEROUNAISE

Le format de force ici, renvoie au dispositif de défense, à la qualité de force et au matériel militaire utilisé par l'armée camerounaise face à la nature asymétrique du conflit. A cet effet, la tournure asymétrique qu'a prise le conflit Cameroun-Boko Haram semblait donner de l'avantage aux insurgés du groupe terroriste. Ces méthodes de combat sont difficiles à prévenir, voire à anticiper par l'armée régulière. D'où la nécessité d'un format de force adapté à la nature des combats.

Les conflits évoluent, selon les retournements de l'avantage des uns et des autres. Dans ce sens, la tournure quasi-asymétrique du conflit Cameroun-Boko Haram fait référence aux méthodes de combat irrégulières adoptées par le mouvement terroriste. Ce revirement fait suite à la montée en puissance de l'armée camerounaise et à l'action des armées des pays de la ligne de front. Au de cette asymétrie des méthodes de combats, l'armée camerounaise a procédé par une adaptation de sa force à la nature asymétrique du conflit (A), et par l'émulation du tryptique Peuple-Armée-Nation dans la lutte contre le groupe terroriste (B).

A-L'ADAPTATION DE L'ARMEE CAMEROUNAISE A LA NATURE ASYMETRIQUE DES COMBATS

Pour contourner l'avantage des forces armées camerounaises, Boko Haram a adopté une tactique de combat basée sur les actions asymétriques. Ceci pour complexifier l'action de l'armée camerounaise sur le terrain et de ce fait, retourner la situation à son avantage.

Dans ses actions, Boko Haram fait recours aux bombes humaines, perpétrées par les personnes vulnérables (les jeunes enfants, les femmes et les personnes âgées). Les islamistes de Boko Haram font aussi usage des mines (mines anti-personnelles), et aussi des Engins Explosifs Improvisés (EEI, IED en anglais). Ces méthodes de combat ont causé de pertes énormes dans les rangs de l'armée camerounaise. En effet, ces engins sont très imprévisibles, difficiles à détecter et disséminer dans de vastes étendues de terrain. Ces EEI ont couté la vie à un officier supérieur du BIR-Alpha lors d'une opération extérieure (opération Arrow)190(*) en territoire nigérian191(*).

Selon certains observateurs, le recours aux actions asymétriques, notamment le recours aux attentats-suicides par Boko Haram, illustre la défaite des terroristes dans leur entreprise diabolique au Cameroun. Dans notre travail, nous ne pouvons adhérer à cette analyse simpliste. En effet, le recours aux attentats suicides et aux EEI par les terroristes de Boko Haram ici, inaugure une nouvelle phase générationnelle du conflit par le modus operandi véhiculé par le terrorisme international.

Avec l'intensification des attentats suicides à l'Extrême-Nord du Cameroun, les autorités de Yaoundé avec l'appui de ses partenaires traditionnels internationaux, l'armée camerounaise s'est dotée de nouveaux équipements militaires adaptés à la nouvelle conflictualité. C'est dans ce sens que fin 2015 les USA ont fourni à l'armée camerounaise des véhicules blindés de transport des troupes anti-mines MRAP (Mine Resistant Ambush Protected)192(*). Dans la même veine, les USA ont déployé au Cameroun fin 2015 début 2016, 300 militaires chargés de « conduire des opérations de renseignement aéroporté, de surveillance et de reconnaissance dans la région », selon les mots du président Obama. En effet, les USA venaient de créer une nouvelle base de drones Predator à Garoua dans la région du nord193(*).

Figure N°6 : Un VBCI avec le dispositif anti-mines de l'armée camerounaise en opération.

Source : Jeune Afrique.

Dans la même logique, la France avait organisé des formations à des unités spéciales de l'armée camerounaise au déminage. Alors qu'en octobre 2015 une quarantaine d'officiers camerounais se rendaient à Libreville au Gabon pour les stages du commandement de bataillon et d'aguerrissement au combat194(*). Paris a par ailleurs annoncé dans la foulé en mars 2015, la mise en place, comme à Diffa au Niger, d'un détachement de liaison et de contact au Cameroun195(*), chargé de collecter le renseignement « sur le terrain » dans le cadre de « l'opération Barkhane ». Composé de deux officiers, il a été déployé à Maroua, chef lieu de la région la plus touchée par les actions terroristes de Boko Haram196(*). Dans le même sens, la France a également doté l'armée camerounaise 11 véhicules tactiques tout-équipés en janvier 2016197(*).

Dans le même sens, l'armée camerounaise s'est dotée de nouveaux matériels de détection des mines, des drones d'observation. L'armée camerounaise s'est par ailleurs dotée d'un avion de surveillance de type Cessna198(*). Se faisant, le partage de renseignements entre les américains déployés au Cameroun et l'armée camerounaise combinés aux renseignements fournis par les forces françaises de « Barkhane », ont permis de contourner l'avantage de l'ennemi. Ceci a également permis de réduire considérablement la fréquence des attentats suicides sur le sol camerounais. Ces renseignements permettent de prévenir et d'anticiper l'action de l'ennemi. En collaboration avec l'armée nigériane, l'armée camerounaise mène dès lors, des opérations extérieures en territoire nigérian. L'objectif est de détruire les usines de fabrication des explosifs utilisés par les kamikazes et de neutraliser les artificiers.

Dans un souci de gagner en efficacité dans la lutte contre Boko Haram, l'armée camerounaise a également intensifié la lutte contre les activités connexes qui servent de logistique au groupe terroriste dans l'Extrême-Nord du Cameroun. Le terrorisme de Boko Haram dans l'Extrême-Nord du Cameroun est intimement lié aux activités illicites pratiquées dans la région. Parmi celles-ci nous pouvons citer, le braconnage, le vol de bétail à grande échelle, le trafic de carburant frelaté et les trafics d'armes, etc. Ces trafics illicites constituent la logistique et d'une manière ou d'une autre, une source de financement du terrorisme dans cette région. Puisque, dans le cadre de cette lutte, les personnes arrêtées par l'armée camerounaise exerçant ces activités ont été reconnues comme des membres présumés du groupe terroriste199(*). L'ensemble de ces mesures ont permis à l'armée camerounaise de réduire d'une manière considérable les actions asymétriques du groupe terroriste sans toutefois remporter la victoire décisive.

B-L'EMULATION DU TRYPTIQUE PEUPLE-ARMEE-NATION DANS LA LUTTE CONTRE BOKO HARAM

L'émulation du triptyque Peuple-Armée-Nation ici, fait référence à la consolidation et à l'objectivation du lien entre l'armée et la nation contre la secte terroriste Boko Haram. Face à la montée en puissance des actions violentes de Boko Haram au Cameroun, l'on a observé une mobilisation de toutes les couches sociales de la population pour condamner les actes terroristes de la secte Boko Haram. Il était également question de soutenir l'action des forces de défense engagées au front et de démontrer la solidarité de la Nation aux populations de l'Extrême-Nord du Cameroun soumises au terrorisme de Boko Haram.

Cette mobilisation populaire a donné naissance à des opérations de collecte des fonds et de dons en particulier, mais aussi les meetings. Les marches politiques et les offices religieux ont été organisés en l'honneur des disparus et aux militaires engagés dans cette lutte200(*). Cette mobilisation nationale contre Boko Haram vient objectiver le concept de défense du Cameroun qui est « la défense populaire », et l'émulation du couple Armée-Nation. Au Cameroun, les actions de Boko Haram sont considérées par la population camerounaise comme une agression de la secte islamiste contre le peuple camerounais. Malgré comme en stratégie le terrorisme aussi violent soit-il ne peut-être assimilé à une agression. Car, selon Jean Pierre Queneudec, « pour qu'il y ait agression stricto sensu, il faut, qu'il y ait, emploi de la force armée par un Etat. Selon la formule retenue par la résolution 3314 portant définition de l'agression par l'Assemblée Générale de l'ONU le 14 décembre 1974 »201(*). L'union sacrée au tour de l'action des forces armées camerounaises constitue donc un avantage stratégique pour l'armée camerounaise.

Pour assécher la base de soutien et de recrutement des jihadistes au Cameroun, les autorités de Yaoundé en collaboration avec les autorités religieuses, notamment le Conseil des Imans et des Dignitaires Musulmans du Cameroun (CIDIMUC)202(*) et l'Association Camerounaise pour le Dialogue interreligieux (ACADIR)203(*), ont mis en place des initiatives allant dans le sens de lutter contre la radicalisation et le fondamentalisme religieux. L'objectif est la réalisation du dialogue interreligieux et de l'implication des musulmans et des chrétiens dans la construction de la paix au Cameroun. Ces associations constituent un rempart contre la radicalisation et un contre-discours pour les terroristes de Boko Haram au Cameroun en quête de militants et de soutien local.

A l'épreuve des actions asymétriques, les autorités camerounaises ont eu recours à l'action des comités de vigilance. Une sorte de milice populaire formée et encadrée par les autorités administratives et militaires pour conjuguer les efforts contre le groupe terroriste. Outre le renseignement prévisionnel et opérationnel apporté par les comités de vigilances, ceux-ci sont également chargés de mener des opérations de repérages, de pistages et de sécurité civile204(*). D'après un témoignage reçu d'un militaire du BIR-Alpha à Maroua, « Les membres des comités de vigilance sont nos yeux et nos oreilles dans la lutte contre Boko Haram. Ils nous fournissent le renseignement qu'aucun appareil ne pourra nous fournir, ils veillent jour et nuit à pister les potentiels Kamikazes »205(*). A cet effet, l'importance des comités de vigilances est décisive dans la lutte contre les attentats suicides, notamment dans le repérage des kamikazes.

Dans l'optique de gagner les coeurs et les esprits des populations locales, les militaires camerounais ont organisés des opérations de charme envers les populations civiles, à travers, les Actions Civilo-Militaires (ACM). Ces actions sont menées par les militaires du BIR-Alpha et de l'Emergence4 auprès des populations locales. Il s'agit des opérations de distribution des médicaments, des vivres ou des consultations médicales et de construction des routes, des salles de classe dans les localités touchées par les actions de Boko Haram.

CONCLUSION DU CHAPITRE

Au regard de l'évolution polémologique de Boko Haram, qui tend vers un système revendicatif et insurrectionnel, ceci rappelle les trois phases de la guerre révolutionnaire théorisée par Mao Zedong206(*). « 1) Attaques sporadiques et escarmouches contre les forces et les symboles du gouvernement afin de lancer l'insurrection, s'entrainer au combat, harasser l'adversaire, recruter et préparer des actions de grande envergure ; 2) Constitution de bases, expansion des poches de résistance, ouverture d'un ou plusieurs fronts parallèlement à la poursuite et à la sophistication des opérations de la phase 1 ; 3) Au moment opportun et de l'affaiblissement, voire de la délégitimation des autorités établies, attaques massives pour battre militairement lesdites autorités et proclamer un nouveau régime ou un nouveau système sociopolitique »207(*).

Ainsi, ce chapitre était axé sur les mécanismes de défense mises en oeuvre par l'armée camerounaise dans la lutte contre Boko Haram. Dans la progression de notre étude nous nous sommes attelés à présenter les mesures militaires prises par le Cameroun durant ce conflit. De ce fait, le Cameroun a su adapter son format de force selon les différentes phases du conflit et en fonction des méthodes de combat utilisées par Boko Haram. C'est ce qui justifie l'affaiblissement considérable de la secte terroriste au Cameroun en particulier, et dans tout le bassin du lac Tchad en général. Le maillage stratégique des forces des pays de la ligne de front participe également à la décapitation de la secte terroriste, et la tournure du conflit à l'avantage du Cameroun. Toutefois, les forces armées camerounaises n'arrivent toujours pas à remporter la victoire décisive dans ce conflit face à la nature irrégulière qu'a prise le conflit. Boko Haram fait toujours preuve de résilience et d'adaptation au conflit.

CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE

Au sortir de cette partie, où il a été question de faire l'analyse de l'action des forces armées nationales dans la lutte contre le terrorisme. Durant notre étude nous avons pu analyser certains conflits majeurs de lutte contre le terrorisme, ayant impliqué l'action des forces armées nationales (l'Afghanistan, le Sahel et le bassin du lac Tchad). Dans ce sens, il ressort que l'action des forces armées nationales dans la lutte contre le terrorisme reste confrontée par de grandes difficultés. Du moment où, la victoire décisive dans cette lutte ne peut s'obtenir sur le plan militaire. En effet, les forces armées ont été conçues pour remporter la victoire décisive dans le champ de bataille, a travers, la possession d'une grande puissance de feu. Malgré une meilleure adaptation de la force sur le théâtre d'opérations, une armée aussi puissante que soit-elle ne peut combattre efficacement contre les groupes terroristes. Car, cette menace n'entre pas dans le cadre d'actions classiques d'une armée. La lutte contre le terrorisme international est une lutte globale qui ne peut-être l'apanage des militaires, ou d'une armée. C'est en mutualisant les efforts que la lutte contre les mouvements terroristes ne pourra trouver une efficacité certaine.

Dans un contexte de montée en puissance du terrorisme international, il apparait urgent de renforcer les capacités opérationnelles des forces armées nationales, dans le souci de leur permettre de garder durablement l'initiative face aux terroristes. Il s'agit surtout de promouvoir de nouvelles stratégies pour adapter de nouvelles doctrines d'emploi des forces des pays confrontés au terrorisme.

DEUXIEME PARTIE

L'INSUFISANCE DE L'ACTION DES FORCES ARMEES DANS LA LUTTE CONTRE LES GROUPES TERRORISTES

La guerre n'est pas morte, comme l'avait pourtant prétendue certains penseurs de l'époque moderne. Nous admettons tout de même avec un des grands théoriciens de la guerre Thucydide que, les motifs de la guerre pour lesquels les hommes entrent en guerre se trouvent dans : l'honneur, la peur et les intérêts. On ne peut que souscrire à la pertinence de cette catégorisation qui demeure d'actualité. En fait, nous observons que la plupart des conflits contemporains en Afrique et dans le monde trouvent leurs causes profondes dans la convoitise des intérêts208(*), soit dans l'expression de la peur d'être envahi par un pays voisin potentiellement dangereux. Manifestement, comme un cas comme dans l'autre, « la guerre n'est pas morte ». Pour autant, les principes qui s'appliquaient aux guerres classiques ne trouvent plus leur champ d'expression dans les conflits modernes. Dans ce schéma anachronique, désuet, obsolète il était légitime de penser que la victoire décisive appartiendrait au plus fort, ou au à force égale, au plus déterminé, à la détention d'une grande puissance de feu, ou encore à détermination égale à celui qui saisirait l'initiative et la surprise. Ainsi, les conditions de l'efficacité militaire ne sont plus les mêmes dans les conflits du 21e siècle, la supériorité technologique, le droit, n'offrent plus la légitimité et encore moins la supériorité jadis utile pour gagner une guerre.

La notion de puissance n'est plus réductible à la seule puissance militaire comme elle l'était dans le passé. Néanmoins, être puissant c'est toujours avoir la capacité à contraindre l'adversaire à exécuter notre volonté, ou l'empêcher à exécuter sa volonté. Mais, les moyens de ces contraintes se sont diversifiés. A moindre coud, ils sont accessibles à de nouveaux acteurs de la scène internationale. Avec la diversification des moyens de puissance nous savons maintenant qu'il ne faut plus être un Etat pour vaincre un Etat. Les combats modernes sont caractérisés par l'évitement de la puissance, le contournement de la force et de la puissance militaire classique par les acteurs nouveaux, de part leur habilité tactique et leur capacité d'adaptation aux nouveaux théâtres. Les retournements de l'avantage comparatifs constituent la nature même du paradigme de la guerre au sein des populations, où seule l'habilité tactique et la capacité d'adaptation et à réfléchir plus vite que son adversaire permettent de remporter la décision. Dans cette partie, il sera question pour nous d'analyser les difficultés de l'armée camerounaise à combattre Boko Haram (Chapitre 3), et les défis pour un recadrage de l'action des armées nationales dans la lutte antiterroriste (Chapitre 4).

CHAPITRE 3

LES DIFFICULTES DE L'ARMEE CAMEROUNAISE A COMBATTRE LE GROUPE TERRORISTE BOKO HARAM

La création des Forces Armées nationales chargées d'appliquer une politique de défense, relève du domaine réservé de chaque Etat. Et son orientation dépend, de la politique de défense et de sécurité de chaque Etat. Cette activité régalienne est un élément fondamental de tout jeune Etat qui accède à la souveraineté internationale. Les forces armées constituent le bouclier du pouvoir central chargé d'assurer la défense de l'intégrité territoriale du pays, protéger les personnes et les biens contre toute forme de menace venue de l'intérieure ou de l'extérieure. Les forces armées constituent non seulement un gage de crédibilité de l'Etat, mais également, un élément dissuasif contre tout acteur international belliqueux. A ce titre, « la défense militaire pour l'entité Etat-Nation, apparait ainsi comme un impératif catégorique ; une nécessité vitale, sans laquelle les institutions étatiques et les activités économiques et sociales, ne peuvent être assurée d'un fonctionnement normal »209(*). La première armée camerounaise a été formée par les autorités allemandes après la signature du protectorat le 12 juillet 1884. Face à la farouche résistance des indigènes à la pénétration allemande à l'intérieur du Cameroun, « une garde indigène » sera formée afin de venir à bout de cette opposition armée. Ce sont ces troupes indigènes qui fourniront les premiers éléments de l'Armée camerounaise210(*).

La mise en place de l'armée camerounaise obéit à une autre raison. En effet, en 1955, la situation sociopolitique au Cameroun est très instable du fait, des activités criminelles des nationalistes camerounais. Les forces de police débordées, elles ne sont plus capables d'assurer de manière efficiente l'ordre face à la rébellion armée. Par ailleurs, les forces coloniales françaises ont le sentiment de mener une « intervention gratuite, une pacification sans âme qui prend l'aspect d'une mauvaise corvée à assurer dans le pays qu'il faudra en tout état de cause quitter bientôt »211(*). Dans ce contexte, les Etats nouvellement accédés à l'indépendance, dont le Cameroun doit se doter des forces armées nationales212(*)indispensables face au péril national.

Garantes de la sécurité du pays et de l'indépendance nationale, les forces armées, par leur nature et leur posture, témoignent de la volonté de défense de la nation. Elles contribuent par leur action à la mise en oeuvre de la politique de défense militaire du Cameroun.

Comme toute institution étatique qui a trouvé sa place dans le concert des nations, son rythme et ses normes, les forces armées camerounaises ne cessent de s'ajuster pour s'adapter à la dynamique des menaces auxquelles elles pourront faire face. En effet, l'histoire prouvant qu'une politique de défense ne saurait être figée parce que le monde ne l'est pas. La société est dynamique, et le monde est sans cesse évolutif. L'Afrique n'a jamais cessé d'être soumise à l'engrenage conflictuel dû aux revendications territoriales, aux crispations identitaires, aux activités criminelles des groupes terroristes, aux trafics en tout genre, etc.

Les confrontations entre Etats aux moyens des forces armées régulières cèdent le pas à des conflits totalement déstructurés, dans lesquels les nouveaux adversaires apparaissent à côté des Etats adoptant des stratégies alternatives. La spécificité de ces nouveaux adversaires est qu'ils sont mobiles difficiles à neutraliser par les forces armées nationales. Ainsi, dans le cadre de ce chapitre, il sera question, tout d'abord, d'analyser les difficultés pour l'armée camerounaise à mettre en oeuvre une stratégie anti-terroriste dans la lutte contre Boko Haram (Section 1). Par la suite, il sera question d'analyser les difficultés pour l'armée camerounaise à remporter la victoire décisive sur le plan opérationnel (Section 2).

SECTION 1 : UNE STERATEGIE ANTITERRORITE DIFFICILE A METTRE EN OEUVRE FACE A LA COMPLEXITE DE LA MENACE TERRORISTE

Par définition, les menaces asymétriques portées par les acteurs non étatiques, nationaux ou transnationaux, constituent pour l'armée camerounaise un défi stratégique particulièrement difficile à relever. L'expansion terroriste actuelle dans le bassin du lac Tchad en général, et au Cameroun en particulier, rend précisément compte de la complexité d'une équation sécuritaire aux antipodes des pratiques conventionnelles de la guerre. Pour le cas de Boko Haram, l'armée camerounaise, rencontre les difficultés à implémenter une stratégie efficace contre cette menace. Cette situation est due, non seulement à la conception des FAC (Paragraphe 1), mais aussi, sur les difficultés à circonscrire et à identifier les motivations réelles du groupe terroriste Boko Haram (Paragraphe 2).

PARAGRAPHE 1 : LA CONCEPTION DE L'ARMEE CAMEROUNAISE : UN ANDICAP DANS LA LUTTE CONTRE BOKO HARAM

L'acte fondateur des forces armées camerounaises est l'ordonnance du 11 novembre 1959213(*) et sa direction connaitra une dynamique à celle du système politique camerounais. Un texte de 24 articles, l'ordonnance stipule en son article premier qu'« il est créé une armée camerounaise relevant de l'autorité du premier ministre, chef du gouvernement camerounais ». Dans son second article, les missions de cette armée nouvellement créée dont, la mission est la sanctuarisation de l'espace national face aux menaces conventionnelles interétatiques (A), et, dont le but est de faire la guerre conventionnelle (B).

A-L'ARMEE CAMEROUNAISE UN INSTRUMENT DE SANCTUARISATION DE L'ESPACE NATIONAL

C'est le 11 novembre 1959, par l'ordonnance n059/57, portant création de l'armée camerounaise et de l'organisation générale de la défense, que vont naître la Gendarmerie Nationale, l'Armée de Terre, l'Armée de l'Air et la Marine Nationale. Les textes qui structurent l'action de l'Etat au niveau national dans sa volonté de préserver la paix et l'intégrité du territoire sont déterminés par l'environnement national, régional et international.

Nouvellement créée, l'armée camerounaise dans l'article deux (02) de l'ordonnance portant création de la dite armée, celle-ci a pour « mission principale d'assurer en tout temps, en toutes circonstances et contre toutes formes d'agressions, la sécurité et l'intégrité du territoire national ainsi que la vie de la population ». Cette mission est largement inspirée de la conception moderne de la défense qui, ne fait plus de distinction entre l'état de guerre et l'état de paix, érige les forces armées en sentinelles permanentes.

Initialement conçue pour lutter contre la rébellion armée et la défense du sanctuaire national contre toute menace venant de l'extérieure. Vue l'environnement international, à la fluctuation des menaces, et à la résurgence de nouvelles menaces, l'armée camerounaise a subit d'importantes réformes pour pouvoir répondre à la nouvelle donne sécuritaire. En effet, la performance des matériels militaires a atteint un seuil jamais égalé, et le soldat doit être en mesure de s'en servir efficacement. Il doit apprendre à gagner ses batailles en même temps qu'il doit penser la guerre, renoncer à la notion de frontière ou faire abstraction des Etats-Nations actuels, idéaux supranationaux ou des causes humanitaires. Le soldat doit-être habile, capable de s'adapter plus vite que son adversaire dans les champs de batailles. Car, dans les conflits modernes, la victoire décisive appartient au plus habile. Bref, selon les propos de Jean Guitton, l'homme de guerre du 21ème siècle doit être, un penseur, capable de renouveler sa vision des évènements. Il doit être un guerrier philosophe214(*).

Prenant conscience de ces profondes mutations de la réalité internationale, le chef de l'Etat a engagé le 25 juillet 2001, une série de réformes dans l'appareil de défense camerounais, pour lui donner une dimension plus moderne.

Selon l'ordonnance du 11 novembre 1959, et de la réforme des forces armées camerounaises, l'armée camerounaise est composée de l'Armée de terre, de la Marine nationale, de l'Armée de l'air. A ces trois armées s'ajoute, la Gendarmerie nationale qui est une force de sécurité ayant les missions de défense. Dans le cas de notre analyse nous ne parlerons pas de cette force qui n'est pas considérée fondamentalement comme une armée, mais comme une force de défense et de sécurité.

L'Armée de Terre, elle est la principale force de l'armée camerounaise. Elle a pour mission, d'assurer en tout temps, et en toutes circonstances, et contre toute forme d'agressions : la sécurité et l'intégrité du territoire national ; le respect des accords internationaux ; des traités et agréments ; certains services publics ; la participation aux opérations humanitaires ; le tout sous le commandement d'un chef d'état-major. Celle-ci absorbe le plus gros des effectifs de la défense camerounaise, dans la mesure où, c'est le corps qui est chargé de la défense des frontières terrestres du territoire camerounais215(*). Elle est constituée de quatre (04) RMIA et de dix (10) Secteurs militaires. Elle est également constituée des unités de combat, d'intervention, de soutien et de réserves.

Figure N°7 : Les soldats du BIR-Alpha en opération à l'extrême-nord du Cameroun.

Source : Le Monde.fr

La création du BIR ; la combinaison des bataillons d'infanteries motorisées et le BIR ; la mise à jour de l'artillerie dans les régions ; la présence active des unités spéciales sur le terrain notamment, les BIR, le BSA, le BTAP216(*) ; sont des innovations issues de la réforme de 2001. Il est important de souligner ici que, l'action de l'armée de terre s'est amplifiée suite au décret n°2001/183 du 25 juillet 2001217(*). Ainsi, face à la prolifération des conflits dits asymétriques qui donnent lieu à de nouvelles formes de menaces. Il s'est imposé une nécessité de déployer les militaires sur le terrain pour y faire face, à travers leur présence permanente218(*). L'action de l'armée de terre nécessite au préalable une visibilité dans les zones stratégiques et sensible du territoire national. En plus, elle exige des équipements majeurs et des moyens logistiques, de détection, d'orientation et de transmission importants pour renforcer la présence des soldats dans des zones stratégiques, ainsi que de mener des patrouilles sur le renseignement.

L'Armée de l'Air : le Décret n°2002/037 du 4 février 2002219(*) incombe la tâche à celle-ci de «  venir en soutien aux autres forces de défense dans la surveillance et la protection du territoire national »220(*). C'est une armée qui fut formée suite à l'indépendance du Cameroun en 1960. D'un point de vue normatif, l'armée de l'air a une mission double ; en temps de paix et en temps de guerre. En temps de paix, elle prévient toute atteinte à l'intégrité de l'espace aérien national. Et en temps de guerre, elle défend l'espace aérien contre les assauts de l'ennemi. D'après Gabriel Metogo Atangana221(*)concernant les missions de l'armée de l'air, elles s'organisent en trois systèmes : « le système d'avertissement stratégique, le système de contrôle, de commandement et de communication, et, enfin le système de forces anti-aériennes »222(*). Spécifiquement, l'Armée de l'Air a pour mission : la surveillance, la protection et la défense de l'espace aérien ; le soutien et l'appui aux autres forces de défense ; la surveillance et la protection des installations aéroportuaires en liaison avec le Ministère des transports. Chapotée par un chef d'état-major, l'Armée de l'Air, depuis la réforme de 2001, est calquée sur le modèle commun des Armées de Terre et de Mer.

Les forces de l'Armée de l'Air sont aujourd'hui structurées sen trois (03) sous-ensembles. Les forces aériennes : composées des escadrons aériens ; les forces terrestres : composées des forces de protection et de combat, articulées autour des fusiliers de l'air et le bataillon de fusiliers commandos de l'air implanté à Bamenda. Les éléments de soutien et de formation que sont les bases aériennes et les centres d'instruction de l'Armée de l'Air.

La Marine Nationale, elle est une composante des forces armées nationales dont l'utilisation est exclusive en milieux marin et maritime. Sa mission principale est : la protection des espaces maritimes nationaux, fluviaux et lacustres, des installations essentielles à la vie de la nation, placées à proximité immédiate du littoral ; la conduite de l'action de l'Etat en mer, en liaison avec les autres administrations et le soutien aux autres forces de défense. En dehors de ses missions classiques, la Marine camerounaise est également impliquée dans le service public en mer, notamment ; l'assistance des personnes en difficultés ; la recherche et le sauvetage des vies en mer ; l'aide humanitaire lors des catastrophes naturelles ; la régulation et le contrôle du trafic maritime ; la police des pêches dans notre Zone Economique Exclusive (ZEE) ; la lutte contre les trafics illicites en tout genre dans les côtes maritimes camerounaises ; la lutte contre l'immigration clandestine ; la lutte contre la piraterie maritime notamment dans la zone D du Golfe de Guinée et la lutte contre le terrorisme international.

Placé sous le commandement d'un chef d'état-major, la Marine Nationale est composée de deux forces représentant, la composante maritime et terrestre de la taille d'une infanterie. Les forces de surface composées de plusieurs flottilles, les forces de Fusiliers Marins et les Palmeurs de Combat rassemblant la composante terrestre (trois bataillons de fusiliers marins) et la composante Commando : la COPALCO. Lors de la réforme de 2001, la Marine Nationale a connu d'autres innovations, entre autres, la création d'un chantier naval à Douala ; l'activation d'un atelier naval dans chaque Base Navale ; la création d'une Ecole d'Application des Officiers de la Marine à Douala et la création d'une Ecole de Plongée à Issongo ; la création des Centres d'Industrie Navale de Douala et de Perfectionnement des Fusiliers Marins de Man O War Bay. Il est à noter que ces centres existaient déjà mais sans actes de création. La création du Centre Opérationnel de Surveillance Côtière pour la détection de tous les navires et aéronefs longeant nos côtes223(*), vient compléter ces innovations dans les forces de la Marine Nationale.

De ce qui précède, l'on peut observer que les FAC constituent un véritable outil de sanctuarisation du territoire national contre toute forme d'agression venant de l'extérieure ou de l'intérieure.

B-L'ARMEE CAMEROUNAISE UN OUTIL DE DEFENSE PREPARE A LA GUERRE CONVENTIONNELLE

Garante de la sécurité du pays, l'armée camerounaise par son existence, par sa nature et sa posture, témoigne de la défense de la nation camerounaise. Elle contribue par leur action à la mise en oeuvre de la politique de défense militaire de la nation. Organisée, équipée, entrainée pour faire face à toutes les menaces directes et indirectes. Elle doit acquérir les capacités logistiques, opérationnelles nécessaires à l'exécution de leur mission.

Le Cameroun dès son accession à l'indépendance en 1960, va opter pour la défense populaire comme concept d'emploi des forces. Les raisons de ce choix semblent multiples. Le Cameroun accède à l'indépendance en pleine période de guerre froide, au prix du sang de ses compatriotes. Avec les moyens modestes, il parait évident pour les autorités, que pour faire face à une rébellion il faut impliquer toute la nation à la défense de la nation. C'est du moins pour cela que le président Ahidjo affirmait à l'époque que, la défense populaire peut être d'un grand secours, en agissant au-delà de nos frontières avant tout déclenchement.

Le président Paul Biya reviendra sur le concept de défense populaire pour souligner le lien qui existe entre l'armée et la nation. Ce concept a connu des évolutions au fil des années face à un monde en mutation. Pour ce qui concerne la première phase, elle recouvre deux textes fondateurs qui vont de l'ordonnance n0 59/57 du 11 novembre 1959224(*). Dans les articles 3, 5, 17 et 19 l'on retrouve déjà les termes de mobilisation générale et le service national comme ancêtre lointain du concept de défense populaire, à la loi n067/LF/9 du 12 juin 1967 portant organisation générale de la défense.

La seconde phase, tout en se nourrissant de la loi de 1967 rappelée si dessus s'ouvre par le discours du président Ahidjo, le 15 août 1970, devant les élèves officiers de la promotion du 10e anniversaire de l'indépendance. C'est à cette occasion qu'il affirmait, en effet, notre défense doit être nationale, c'est-à-dire l'affaire de tous, l'affaire du peuple tout entier. Cette orientation va se confirmer avec la loi n0 73/12 du 12 décembre 1973 portant organisation générale de la protection civile. Dans le préambule du décret n0 75/700 du 6 novembre 1975 portant règlement de discipline générale dans les forces armées, un texte qui pour la première fois énonce les raisons pour lesquelles le peuple tout entier doit participer à l'effort de défense. C'est en vue, stipule t'il, de dissuader tout agresseur éventuel et de s'opposer par tous les moyens, soit à l'invasion du territoire national, soit aux manoeuvres de l'intérieur ou de l'extérieur.

La troisième phase, va des années 90 à nos jours. Elle se caractérise par deux principales orientations, qui semblent pour certains aspects dépasser le cadre du concept de défense populaire. D'un côté, se propage une forte internationalisation de la politique camerounaise de défense, laquelle se manifeste par une projection des forces de plus en régulières dans la sous-région, en Afrique et dans le monde. Mouvement ayant pour pendant, la signature de nombreux accords et des pactes de non-agression, entre les Etats du continent, voire du monde. De l'autre côté, la publication de 21 décrets réorganisant l'armée du 25 juillet 2001225(*), confirme la tendance observée tout au long des années 90, à savoir, l'émergence de nouveaux territoires de commandement et la création de plus en plus d'unités spécialisées. L'on peut dans ce sens citer les décrets n0 92/156 du 17 juillet 1992 portant organisation du commandement militaire territorial ; n0 93/212 du 4 août 1993, portant nouvelles appellations des formations et unités des forces armées ; n0 93/0940 du 4 septembre 1993, portant mise sur pied du 1er BAFUMAR; n0 94/183 du 29 septembre 1994, fixant les conditions de recrutement et d'admissions dans les écoles militaires de formation des officiers et n0 99/015 du 1er février 1999, portant création du Groupement Polyvalent d'Intervention de la Gendarmerie Nationale (GPIGN). Ainsi, en quadrillant le territoire national dans son ensemble, cette politique de rapprochement des commandements en direction des populations participe de l'esprit de défense populaire.

La doctrine d'emploi de l'armée camerounaise peut donc être considérée comme l'ensemble d'idées directrices dont il faudra s'inspirer non seulement dans la conduite de l'action militaire, mais aussi pour l'organisation l'équipement des forces. Elle est guidée par le souci de préserver la paix et de respecter les règles du droit international contenues dans la Charte des Nations Unies et de l'UA.

Dans ce sens, la politique d'emploi des forces se doit de répondre au préalable à quelques questions : à quel ennemi aura-t-on à faire face dans une guerre éventuelle ? Quel caractère présenterait la guerre probable ? Quelles sont les forces armées nécessaires pour résoudre les problèmes posés et dans quelle direction mener l'organisation militaire ? Comment réaliser la préparation de la guerre ? A quel moment mener la guerre ? De ce fait, le pouvoir exécutif dans l'exercice de ses attributions constitutionnelles, peut prendre une série de mesure et mobiliser les forces armées à différentes missions de défense.

Pour pouvoir atteindre les objectifs assignés, les forces armées camerounaises ont été classées en fonction des hypothèses de défense élaborées par la haute hiérarchie politique et militaire. Ce classement a prouvé son efficacité dans les épreuves de guerre dont le Cameroun a eu à faire face, partant de la lutte contre la rébellion armée des nationalistes camerounais, au conflit transfrontalier de Bakassi, en passant par la tentative du coup d'Etat militaire du 6 avril 1984. D'un point de vue de la défense militaire, les Forces de Défense camerounaises en trois grands groupes. Il s'agit : des unités de réserve générale (la Brigade du Quartier Général (BQG) et la Garde Présidentielle (GP).) ; des unités d'intervention et des unités territoriales. L'utilisation de ces forces est fonction des hypothèses de défense.

Malgré la professionnalisation entamée au sein des FAC, celles-ci restent dominer par un fort encrage, aux guerres classiques. Cette situation est révélatrice dans une certaine mesure, les difficultés pour l'armée camerounaise à remporter la victoire décisive face à Boko Haram.

PARAGRAPHE 2 : LES DIFFICULTES POUR L'ARMEE CAMEROUNAISE A IDENTIFIER ET A CIRCONSCRIRE LES MOTIVATIONS REELLES DE BOKO HARAM

Définie comme la dialectique des intelligences et des volontés, entendue comme réflexion sur la conduite de la guerre, et soumise au préalable théorique et praxéologique, la stratégie trouve tout son sens à travers la reconnaissance et la compréhension de l'altérité. Il s'agit donc comme nous l'enseignent tous les tenants de la pensée stratégique depuis l'antiquité, de reconnaitre (identifier) et de comprendre l'autre.

Ainsi, dans un souci d'élaborer une stratégie de lutte contre la menace terroriste de Boko Haram par l'armée camerounaise, elle se heurte à certaines difficultés, notamment sur l'ambigüité à cerner les motivations réelles du groupe terroriste (A) et sur la transnationalité de cette menace terroriste (B).

A-L'AMBIGUITE SUR LES MOTIVATIONS DU GROUPE TERRORISTE

Des experts de terrain comme le Professeur Saibou Issa nous rappellent la difficulté persistante à cerner les motivations de Boko Haram, donc, de satisfaire l'impératif premier de la guerre enseigné par le vieux Sun Tzu : « connais ton ennemi » ! Il devient alors impératif de compenser l'avance conceptuelle prise en la matière par l'adversaire asymétrique, c'est-à-dire de le situer également pour mieux planifier le contre-contournement.

Qu'est-il donc, cet ennemi ? L'on sait de façon certaine qu'il est islamiste et extrêmement violent. Mais le système asymétrique qu'il constitue est moins dénué d'ambigüité. S'agit-il d'un système prédateur qui aurait réussi par l'entreprenariat violent, et dont les enlèvements ne seraient que la partie la plus médiatisée ? Est-ce un système subversif à structure groupusculaire plus ou moins réticulée, c'est-à-dire un groupe ou une secte terroriste comme le veut la nomenclature courante usitée par l'opinion publique que par les décideurs ? Ne serait-ce pas plutôt un système revendicatif à structure paramilitaire, c'est-à-dire une insurrection ou un irrédentisme islamiste menant comme proclamé une résistance à l'occidentalisation considérée comme corruptrice ? Serait-ce en fait un maelström asymétrique à définir ou toute autre chose226(*) ? Loin d'être purement théorique, la distinction est importante pour l'analyse de la décision aux niveaux stratégique et opérationnel. Dès lors, la détermination de cette ambigüité requiert l'analyse de motivations sociales, religieuses et politiques du mouvement terroriste.

Aux yeux de certains stratèges, Boko Haram parait plus d'autant plus inquiétant qu'il se développe dans un pays qui connait déjà de fortes tensions « religieuses » et qui comptent le plus grand nombre de musulmans en Afrique. A priori, rien ne prédestinait les membres de ce groupe terroriste à se rapprocher de la mouvance Al-Qaïda qui professe une forme d'islam différente. Lorsqu'elle s'enracine à Maiduguri dans les années 2000, le mouvement est avant tout, un mouvement de protestation social contre la politique du gouvernement central, sous l'égide de son leader spirituel Mohammed Yusuf. Après avoir fomenté leurs premières attaques contre les postes de police dans l'Etat de Yobé en 2003, ses fidèles les plus radicaux disparaissent dans la nature et semblent se terrer en milieu rural et dans les pays transfrontalier. Mais le mouvement se nourrit des désillusions qu'alimente la corruption des gouverneurs des régions du Nord du Nigéria chargés d'appliquer la charia (loi islamique). Il réapparait sur le devant de la scène à la suite d'un affrontement avec la police à Kano en 2007. Depuis lors, le mouvement n'a cessé d'élargir sa base sociale et géographique, tout en mutant sa tactique de combat.

De ce point de vue, l'émergence d'un terrorisme islamiste au Nigéria aux motivations ambigües reflète sans doute les difficultés à appréhender et à comprendre un mouvement qui perdure de plus de 10 ans227(*). A la confluence des mouvements salafistes et islamistes républicains, Boko Haram révèle d'une espèce assez difficile à définir. Le mouvement est sectaire quand il cherche à endoctriner les jeunes. Totalitaire quand il développe une vision holistique d'un gouvernement islamique régulant tous les aspects de la vie privée. Et intégriste quand il prohibe les événements serrés et veut interdire aux femmes de voyager seules ou de monter dans les motos taxis. Sa position religieuse n'est pas moins ambigüe, voire, synergique, et en tout cas éloigné du modèle Wahhabite d'Al-Qaïda. Ainsi, Mohammed Yusuf condamnait dans un même élan le Soufisme, le Judaïsme, le Parsisme, le Polythéisme, l'Athéisme et la Démocratie.

Mohammed Yusuf avait formellement interdit ses fidèles d'entrer à la fonction publique sous prétexte qu'on les obligerait à couper la barbe228(*). Il récusait complètement la constitution nigériane, les forces de sécurité et toute forme d'autorité de l'Etat importé par le colonisateur et considéré comme une innovation. La contestation de Boko Haram de l'ordre religieux, les partisans de Mohammed Yusuf s'en sont pris aux chefs traditionnels suspectés de collaborer avec les forces de sécurité nigérianes.

Figure N°8 : Image de propagande du leader de Boko Haram Abubakar Shekau

Source : Agence France Presse.

Appelés Talibans, Yusufiyya, Mujahideen, Kwawarji (« renégats »), « Disciples du Prophète pour la propagation de l'islam et la guerre sainte » (jama'atu Ahlis-Sunnah Lidda'awati Wal jihad) ou « Compagnons du Prophète de la communauté des musulmans » (Ahl as-Sunnah wa al-Jama'ala Minhaj as-Salaf), les partisans de la secte eux, réclament une application stricte du droit coranique et rejettent la modernité du Sud du Nigéria, dont « l'éducation » dévoyée est considérée comme un « péché » (d'où la signification Boko Haram). De ce fait, Mohammed Yusuf considère que l'école occidentale détruit la culture islamique plus précisément la communauté musulmane que les croisades. Il condamne tout à la fois la mixité des sexes, le relâchement des moeurs, la corruption des valeurs traditionnelles, l'utilisation du calendrier grégorien... et la pratique du sport qui distrait la religion.

Sans doute, le programme de Boko Haram est « politique », car, il tend vers l'idéal d'une république islamiste intégriste, bien plus vers la conquête du pouvoir. Le rejet des valeurs occidentales ne porte pas cependant sur l'école moderne à proprement parler229(*). En outre, les adeptes de Boko Haram ne condamnent pas tous les livres importés, mais seulement les mauvais. Les fidèles eux, ne se reconnaissent pas dans l'appellation Boko Haram et préfèrent signer leurs communiqués du nom des « disciples du prophète pour la propagation de l'Islam et la guerre sainte »). A sa manière, Boko Haram critique le monde moderne se rattache donc à un courant de pensée anticolonial, et pas seulement islamiste et obscurantiste. De part sa genèse et sa posture doctrinale, le mouvement Boko Haram ne relève pas du moins d'une insurrection qui est d'essence religieuse avant d'être politique.

Ainsi, dans un souci de mettre en oeuvre une stratégie efficace anti-Boko Haram, l'armée camerounaise se heurte à la difficulté d'identifier d'une manière précise les motivations réelles du mouvement terroriste non seulement au Nigéria, mais aussi au Cameroun. Ainsi, l'ambigüité sur les motivations réelles de Boko Haram constitue un obstacle majeur, non seulement au développement d'une épistémologie du terrorisme, mais également dans la conceptualisation d'une doctrine du contre-terrorisme par l'armée camerounaise.

B-LA TRANSNATIONALITE DE LA MENACE TERRORISTE

L'armée camerounaise fait face à une menace terroriste dont le centre de gravité est situé hors du territoire national. Comme nous l'avons relevé en amont, Boko Haram est un groupuscule terroriste d'origine nigériane. Mais, qui dans une logique de conquête territoriale évolue vers les pays frontaliers du Nigéria, dont le Cameroun. En effet, le Cameroun et le Nigéria partagent une longue frontière avec la zone d'activités de Boko Haram qui s'étend du lac Tchad au Nord, au fleuve Ine, au Sud de Yola, la capitale de l'Etat de l'Adamawa230(*). Une frontière poreuse qui facilite les mouvements d'armes et des combattants de la secte terroriste de part et d'autres. Comme toutes les frontières des pays de la CBLT, celles-ci sont difficiles à contrôler d'une manière efficace, du fait, non seulement d'un déficit de moyens, mais aussi par la continuité ethnolinguistique entre les populations de l'Extrême-Nord du Cameroun et celles du Nigéria. La porosité de la frontière Cameroun-Nigéria est également alimentée par une géographie peu favorable aux manoeuvres militaires.

Les actions terroristes de Boko Haram au Cameroun se situent essentiellement dans la partie septentrionale du pays, au croisement des frontières avec le Nigéria et le Tchad, où les différentiels monétaires et les activités douanières sont importants. C'est l'une des régions les plus pauvres du Cameroun231(*), où le taux d'alphabétisme est le plus bas. La sous-scolarisation justifie la contagion islamiste au Cameroun. Il s'agit d'un constat de retard de la scolarisation qui prédispose cette région à l'endoctrinement, une zone historique de trafics de tout genre : carburant frelaté (zoua-zoua), Tramol, cannabis ou chanvre indien (drogue locale), armes, médicaments, véhicules volés et pièces détachées232(*). Ainsi, dans le département du Logone et Chari l'un des trafics les plus en vus est celui des ALPC. Ce trafic est alimenté depuis le Tchad, la Centrafrique, le Soudan et la Libye233(*).

L'Extrême-Nord du Cameroun présente également une grande proximité avec le Nord-Est du Nigéria, sur le plan historique, religieux, socioculturel, linguistique, ethnique et commercial. Des deux côtés de la frontière, on trouve les mêmes ethnies Kanuri234(*), Glavda, Mandara, Arabes Choa, les mêmes familles parfois les mêmes villages et villes. La culture islamique leur est aussi commune, d'autant plus que de nombreux camerounais étudient les écoles coraniques au Nigéria. Il n'existe fondamentalement pas de différence sociologique notable entre les groupes ethnoculturels vivant dans cette région. Il s'agit souvent des familles vivant dans deux pays distincts qui ne se sentent pas le plus souvent concernées par cette géopolitique. Nombreux parmi ces habitants se considèrent binationaux. Souvent, ceux qui viennent du Nigéria font plus usage de leur carte d'identité du Cameroun qui leur parait plus exigeant en matière d'immigration pour se « débarrasser » des tracasseries au moment de la traversée de la frontière. Cette porosité de la frontière fait également de l'Extrême-Nord du Cameroun, un territoire soumis à l'influence islamique du Nigéria. Ce qui contribue à l'endoctrinement et au développement d'un islamisme violent au Cameroun. Et par conséquent rend difficile toute perspective efficace de contre-terrorisme par les forces armées camerounaises.

L'histoire explique davantage et même justifie le fait que, Boko Haram ait fait des sympathisants et recrute dans les zones frontalières du Nigéria notamment au Cameroun. La première et la principale raison vient de ce que cette région est en réalité issue du démembrement du Califat de Sokoto à partir de l'émirat peul de l'Adamawa, d'une part, du Bornou majoritairement Kanouri, d'autre part. La secte terroriste est fortement active dans trois Etats dans le Nord-Est du Nigéria, l'Adamawa, Bornu et Yobé. Les deux premiers Etats partagent une frontière de plus de 1000 km avec l'Extrême-Nord du Cameroun. L'essentiel des attaques contre le territoire camerounais y est concentré. Et, c'est dans cette région que le groupe terroriste avait annoncé la création de son Califat.

L'un des difficultés pour l'armée camerounaise à mettre en oeuvre une stratégique de lutte contre ce mouvement terroriste est que, celui-ci dispose un double sanctuaire pour les forces armées camerounaises. En effet, le sanctuaire historique de Boko Haram se situe dans la ville de Maiduguri, plus précisément dans la forêt de Sambissa. Le territoire nigérian en lui-même constitue un sanctuaire pour le groupe terroriste vis-à-vis de l'armée camerounaise. Par conséquent, l'efficacité de la lutte contre Boko Haram au Cameroun réside non seulement dans l'engagement des forces de défense nigérianes à combattre le groupe terroriste, mais aussi, dans la mutualisation des forces avec les autres armées des pays de la région.

SECTION 2 : LES DIFFICULTES POUR L'ARMEE CAMEROUNAISE A REMPORTER LA VICTOIRE DECISIVE SUR LE PLAN OPERATIONNEL

Sur le plan opérationnel, les forces armées camerounaises ont été confrontées à plusieurs difficultés qui ne leur permettent pas d'obtenir la victoire décisive sur le plan opératif. Ces difficultés se résument dans l'irrégularité des méthodes de combat du groupe terroriste (Paragraphe 1), et dans les difficultés de projection des forces dans le théâtre d'opérations anti-Boko Haram (Paragraphe 2).

PARAGRAPHE 1 : L'IRREGULARITE DES METHODES DE COMBAT DU GROUPE TERRORISTE

Comme la petite guerre (la guerre révolutionnaire), le terrorisme fait partie des stratégies alternatives et irrégulières, par opposition aux guerres conventionnelles et régulières, interétatiques. La menace terroriste de Boko Haram défavorisée par le rapport de forces, utilise la terreur non pas pour vaincre militairement l'Etat, mais pour le déstabiliser, le faire vaciller et dans ce sens installer une zone de non droit. Les conflits du 21e siècle sont caractérisés par leur nature irrégulière. Les combats modernes font recours aux stratégies alternatives qui contournent la puissance traditionnelle des forces armées nationales par des actions asymétriques. C'est ce qui s'est observé avec Boko Haram où les actions de celui-ci sont caractérisées par leur nature hybride (A), et par la capacité d'adaptation du groupe terroriste (B).

A-LA NATURE HYBRIDE ET DIFFUSE DES METHODES DE COMBAT DE BOKO HARM

L'évolution du statut polémologique de Boko Haram s'est faite de façon cumulative comme le démontre l'utilisation récente des attentats suicides, impliquant des femmes et des enfants parallèlement à l'engagement au front des forces armées nationales de la région. L'hybridité de ce conflit peut notamment déconcerter l'analyse classificatoire. Mais, l'attention à la progression permet d'établir clairement que, la rhétorique violente et les attentats font de Boko Haram un groupe terroriste islamiste classique dont les modes opératoires ne permettent pas à l'armée camerounaise de remporter facilement la décision.

Les ressources et l'expérience acquises, notamment au contact avec les alliés et les partenaires des réseaux djihadistes transsahariens dont AQMI et moyen-orientaux à l'instar d'Al-Qaïda et de l'EI, permettaient à Boko Haram de passer à un stade supérieur. La prise de contrôle de l'Etat de Borno au Nigéria avait inauguré le modus operandi que la communauté internationale avait mis un point d'honneur à empêcher depuis les attentats du 11 septembre de 2001 : la conquête et le contrôle territorial par une organisation terroriste. Les réussites de l'insurrection touarègue au Nord du Mali en 2012 et de l'EI au Nord-Ouest de l'Iraq et au Nord-Est de la Syrie émulent celui de Boko Haram qui bénéficie de leur considération et de leur collaboration.

L'année 2015 et l'engagement accru des armées de la région ont entrainé une refondation des méthodes de combat de Boko Haram, non seulement au Nigéria mais aussi au Cameroun. Alors qu'en 2013 et 2014 Boko Haram était dans une logique des méthodes quasi conventionnelles, dans la mesure où les djihadistes n'hésitaient à lancer les attaques massives235(*) à l'aide de roquettes, de pickups, de motos et de centaines de fantassins, sur des bases ou des positions de l'armée sans craindre les pertes en hommes236(*). Ce genre d'assauts ont pratiquement disparu depuis. D'une part, les attaques contre les forces de défense sont devenues bien plus rares, tant au Nigéria qu'au Cameroun, les deux pays qui étaient les plus visés. Et d'autre part, si elles ont lieu, elles prennent la dimension d'attentats suicides. Cependant, depuis janvier 2015, les attentats suicides sont devenus le mode opératoire par excellence de Boko Haram en territoire camerounais.

Sur le plan des cibles, ce sont moins des objectifs militaires qui sont visés. Mais, essentiellement des civils, souvent dans des petites localités, peu protégées, tués par de petits groupes de quelques kamikazes, généralement des femmes ou de jeunes enfants. Outre les attentats suicides, Boko Haram a fait les enlèvements de masse une arme de guerre contre les pays engagés contre lui. Les combattants du groupe terroriste n'hésitent pas à kidnapper ou à enrôler des jeunes garçons inexpérimentés qu'ils « rééduquent »237(*) et utilisent à des fins de renseignement ou comme des combattants. Des enlèvements forcés auxquels s'ajoutent celles des jeunes filles dont l'instrumentalisation servirait à des opérations kamikazes et même comme des esclaves sexuels.

Face à la mutualisation des forces entre les armées des pays de la région qui commence enfin à déboucher sur des résultats certains, Boko Haram a décidé de ne plus mener les opérations militaires de grande envergure. Le mouvement terroriste a muté vers des méthodes de combats totalement asymétriques. L'usage de ces méthodes de combat non conventionnelles a eu pour conséquence, la complexification de l'action de l'armée camerounaise sur le théâtre d'opérations. En effet, en faisant usage des actions irrégulières notamment le recours aux kamikazes, les terroristes compensent leur infériorité sur le plan militaire par l'usage des tactiques de combat difficiles à combattre et à prévenir par l'armée régulière. En dehors des attentats suicides les terroristes font également usage des Engins Explosifs Improvisés (EEI) et des mines anti-personnelles

Profitant de leur capacité à pouvoir se fondre dans la population civile, les terroristes de Boko Haram se mêlent à la population locale pour complexifier l'action de l'armée camerounaise. Cette hybridité des méthodes de combat de Boko Haram ne permet donc pas aux FAC de remporter facilement la victoire décisive dans cette lutte.

B- LA CAPACITE D'ADAPTATION DU GROUPE TERRORISTE

Il est désormais connu que, selon les lois propres de la guerre, l'adversaire modifie ses manières de combattre autant que les circonstances l'exigent. Les nouveaux acteurs s'adaptent plus vite, profitant de leur connaissance du milieu et des forces armées nationales pour épaissir le « brouillard de la guerre » et diminuer l'effet de la puissance technologique des armées nationales. S'agissant du cas de Boko Haram, ce groupe terroriste jouit d'une capacité d'adaptation dans le conflit qui l'oppose à l'armée camerounaise. Dans la mesure où, le terrain dans lequel se déroule les opérations militaires en bien connu des terroristes. Les configurations sociologiques de la région sont à l'avantage des terroristes. Aussi, les terroristes de Boko Haram jouissent d'une forte capacité à pouvoir contourner la force traditionnelle de l'armée et à exploiter ses vulnérabilités.

Au cours de ces dernières années, Boko Haram a connu plusieurs évolutions majeures, en réaction aux stratégies et méthodes des forces gouvernementales des pays de la région et induites par les changements du contexte international dans lequel le groupe s'inscrit.

Le terrorisme de Boko Haram en Afrique Occidentale s'inscrit dans le Jihadisme international inspiré par la figure emblématique du terrorisme global d'Oussama Ben Laden. Celui-ci est d'ailleurs soupçonné d'avoir encouragé et financé le jihad au Nigéria via le groupe terroriste lors de sa création238(*). C'est à partir de 2009 que le groupe a renforcé ses liens avec les mouvements terroristes étrangers à la suite de la répression violente qu'avait connu le groupe terroriste cette année la. Des dirigeants du groupe ayant survécu à la répression notamment Mamman Nur, ont fuit le pays en direction du Mali, l'Algérie, en Somalie, voire même en Afghanistan. Ils auraient reçu des entrainements aux actions terroristes et à la guérilla. De retour au pays, ceux-ci ont développé les enseignements reçus à l'étranger auprès des spécialistes du terrorisme international. C'est ce qui justifie en partie les victoires tactiques engendrées par ce groupe face aux forces armées nationales.

La vaste campagne militaire dont le Tchad a pris l'initiative aux côtés de leurs frères d'armes camerounais au début de janvier 2015 a permis d'obtenir des résultats significatifs contre le mouvement terroriste. L'armée tchadienne associée à leurs frères d'armes camerounais, nigériens et nigérians ont tout de même réussi à contrer les ambitions régionales de celui qui a pris l'appellation de l' « Etat islamique en Afrique de l'Ouest », d'étendre ses tentacules dans les pays de la sous-région notamment au Cameroun. Si l'action des armées de la sous-région a permis d'amoindrir d'une manière significative les capacités opérationnelles du mouvement terroriste, mais celui-ci n'a pas coulé. Il a plutôt fait preuve de sa capacité d'adaptation face à la montée en puissance des armées de la région. Boko Haram garde toujours sa capacité à imprimer la terreur au Cameroun et dans le bassin du lac Tchad.

Sa puissance de feu considérablement réduite, par la perte ou la destruction de son arsenal. Boko Haram ne désarme pas, il mue dans son action, en exploitant les vulnérabilités des pays de la région. Cette situation constitue un avantage pour le groupe terroriste qui lui permet de se reconstruire dans sa structure et son mode de fonctionnement. Vu que celui-ci prouve de jour en jour sa capacité à imprimer la terreur au Nigéria et au Cameroun par les attentats suicides et les embuscades tendues aux forces armées.

Boko Haram exerce une emprise territoriale significative localisée dans le Nord-Est du Nigéria, malgré la libération de nombreuses localités par l'appui des armées de la région. Mais, la zone d'action du groupe est nettement plus large. Bénéficiant de réseaux reposant sur la continuité de l'espace ethnique Kanouri dans les Etats du bassin du lac Tchad, mais également de réseaux plus ou moins structurés de sympathisants à leur cause, ou à leur idéologie et d'opportunistes (criminels, voleurs, etc.). Il ne peut être exclu que Boko Haram dispose de cellules dormantes et opérationnelles dans les pays de la sous région239(*).

PARAGRAPHE 2 : DIFFICULTES DE PROJECTION DES FORCES DANS LES OPERATIONS ANTI-BOKO HARAM

L'Etat du Cameroun est doté des forces armées, instruments de sa puissance et de la violence légitime, dont la vocation consiste en la préservation de l'indépendance et de la défense nationale. Ces Forces sont préparées à la guerre conventionnelle selon la logique réaliste et westphalienne opérationnelle dans le cadre d'une configuration de guerre interétatique.

Comme nous l'avons évoqué en amont, le conflit entre l'armée camerounaise et les terroristes de Boko Haram se déroule en milieu sahélien. Et la particularité avec cette région est que, celle-ci n'est pas favorable pour l'armée régulière. Dans la mesure où cette région n'est pas favorable pour les manoeuvres militaires (A), certains matériels militaires n'y sont pas adaptables (B).

A-DIFFICULTES D'OPERER LES MANOEUVRES MILITAIRES DANS LES ZONES DE COMBATS

Le Sahel, est caractérisé par des températures hostiles très élevées dépassant facilement 500C. Ces températures sont marquées par de fortes amplitudes. Les vents sont forts, chauds, secs et chargés de poussière. La longue saison sèche de huit à dix mois laisse la place à une courte saison humide durant laquelle les précipitations, parfois, sont violentes. Elles provoquent un fort ruissellement car leur intensité dépasse la capacité d'infiltration des sols. Le degré de la pluviométrie permet de diviser le sahel en trois zones : la zone saharo-sahélienne ; la zone sahélienne et la zone soudano-sahélienne, zone à laquelle appartient l'Extrême-Nord du Cameroun. Le sahel est traversé par quatre grands fleuves : le Sénégal, le Niger240(*), le Logone-Chari et le Nil. Il s'y ajoute le Lac Tchad, lequel a perdu 80% de sa superficie en un siècle. Le réseau hydrographique se compose de cours d'eau éphémères241(*)alimentant des mares temporaires dont certaines retiennent l'eau jusqu'au printemps. Ce qui est favorable aux troupeaux.

Ainsi, mener les opérations militaires dans la zone sahélienne nécessite une meilleure connaissance du terrain. Dans le cas d'espèce, les militaires camerounais déployés dans l'Extrême-Nord du Cameroun pour lutter contre les terroristes de Boko Haram souffrent d'une mauvaise connaissance de la région. Car, le gros des effectifs est constitué des militaires en provenance du Sud Cameroun. Par contre, cette région offre une grande mobilité pour les groupes armés notamment pour les terroristes de Boko Haram qui ont une parfaite connaissance de la région.

Le relief de l'Extrême-Nord du Cameroun comprend de vastes étendus sableuses, parsemées de relief gréseux peu vigoureux, mais découpés et troués par l'érosion. Cette région est propice au camouflage pour les combattants du mouvement terroriste Boko Haram pour se constituer des bases de repli. Par contre, cette région n'offre pas une parfaite mobilité pour les forces armées camerounaises. Caractérisée par une géographie difficile pour les opérations militaires (montagnes rocheuses, l'avancée du désert, etc.), la région de l'Extrême-Nord camerounais constitue un désavantage pour l'armée camerounaise déployée au front. De part la lourdeur et la rigidité des forces armées, celles-ci ont du mal à se déployer efficacement dans les théâtres d'opérations militaires. En effet, dans certaines zones de l'Extrême-Nord les manoeuvres militaires sont totalement inopérables, la reconnaissance aérienne est même aléatoire et l'accès aux colonnes motorisées s'avère même impossible. Bref, il parait très difficile pour l'armée camerounaise de réussir les opérations de surprise, terrestre ou héliportée dans cette zone.

L'une des règles du combat en milieu désertique stipule que, « la rébellion doit avoir une base inattaquable, un lieu à l'abri non seulement d'une attaque, mais de la crainte d'une attaque ». Il est même parfois impossible pour l'armée camerounaise de mener les actions en profondeur dans certaines zones notamment dans les mont Mandara. Selon le témoignage recueilli auprès de certains militaires d'Emergence4 à Maroua : « nos blindés et nos véhicules 4x4 sont souvent incapables de manoeuvrer dans certaines zones d'opérations »242(*). L'environnement local ne permet donc pas de manoeuvrer ou de circuler dans certains endroits. Ceci, à cause du sable, et pendant la saison pluvieuse, tous les Mayo (cours d'eau) se communiquent entre eux et rendent encore plus difficile la circulation pour les forces armées.

Ainsi, les obstacles géographiques de la région de l'Extrême-Nord camerounais ne permettent pas un meilleur déploiement des forces armées camerounaises. Dans ce sens, ne permettent pas à celles-ci de gagner en efficacité dans cette lutte. A ces obstacles géographiques, il faut relever que les militaires camerounais sont également confrontés à un autre obstacle, celui de la barrière sociologique et ethnolinguistique des populations du septentrion camerounais. Comme nous l'avons déjà évoqué, les militaires camerounais déployés au front sont constitués majoritairement par les militaires en provenance du Sud. Par conséquent, ils ne comprennent pas les langues locales. Considérées par certains comme des forces de protection mais d'autres les prennent comme des forces étrangères.

B-INADAPTATION DE LA FORCE MILITAIRE A LA NATURE ASYMETRIQUE DES COMBATS

Comme nous l'avons eu à l'admettre un peu plus haut dans ce travail, le terrorisme en général, celui de Boko Haram en particulier fait parti d'une catégorie conflictuelle, guerrière productrice d'insécurité. Dans le contexte actuel marqué par la globalisation des menaces, le terrorisme est devenu une menace déterritorialisée caractérisée par sa mobilité et son évanescence. Les forces armées camerounaises qui sont un instrument de puissance pour le Cameroun, sont chargées de protéger le sanctuaire national contre toute menace extérieure ou intérieure. Dans le cas d'espèce, elles n'arrivent pas à remplir efficacement cette mission. En effet, conçues pour faire la guerre conventionnelle interétatique dans la logique réaliste, les forces armées camerounaises tombent sous le coup d'une infériorité stratégique face à des combattants de Boko Haram insaisissables.

En effet, les terroristes de Boko Haram compensent leurs faiblesses dans l'organisation, la formation et l'armement, par la rapidité, l'effet de surprise et le non respect des lois et coutumes de guerre (jus ad bellum et jus in bello). La lutte contre le terrorisme en zone sahélienne a ses propres spécificités. Sur le plan militaire elle exige une prise en compte des spécificités de la région. Il s'agit également une prise en compte de la région dans laquelle les forces armées sont déployées. Ainsi, l'armée camerounaise dans la lutte contre le terrorisme de Boko Haram a été confrontée à cette triste réalité. En effet, le matériel militaire déployé par l'armée camerounaise ne répondait toujours pas, ou n'était pas totalement adapté aux spécificités de la lutte contre le terrorisme dans ladite région. Non seulement certains matériels de l'armée régulière étaient dans un état vétuste, ils n'étaient pas totalement adaptés aux combats en milieu sahélien. A ces difficultés s'ajoutent, les disfonctionnement enregistrés dans la chaîne logistique.

Conscient du fait que l'armement ne détermine pas l'issue des combats, c'est plutôt une meilleure adaptation de l'armement à la nature des combats qui conditionne son efficacité. A ce sujet, les forces armées camerounaises outil de défense à faire la guerre conventionnelle interétatique, ne s'auraient remporté facilement la victoire décisive face à des adversaires insaisissables, à moins d'opérer une refondation de la doctrine qui guide son action.

CONCLUSION DU CHAPITRE

Au terme de ce chapitre, il s'agissait de faire ressortir les différentes difficultés auxquelles les forces armées camerounaises sont confrontées dans le combat contre les terroristes de Boko Haram. Après avoir mis en exergue les difficultés à mettre en oeuvre une stratégie efficace de lutte contre terrorisme par le haut commandement militaire camerounais. Nous avons également analysé les difficultés rencontrées sur le plan opératif et tactique qui ne leur permettent pas, non seulement de mener les « actions décisives », mais également de remporter la « victoire décisive ».

CHAPITRE 4

LES DEFIS POUR UN RECADRAGE DE L'ACTION DES ARMEES NATIONALES DANS LA LUTTE ANTITERRORISTE

La guerre n'a pas changé, elle est toujours fondamentalement un acte politique constitué de lutte entre deux volontés indépendantes243(*). Mais, elle a changé de nature. Après les attentats du 11 septembre 2001, la guerre avait en effet, pris un nouveau visage, tandisque l'évolution constante des circonstances constituait la capacité d'adaptation en qualité essentielles des armées face à des adversaires plus doués que les forces armées nationales pour l'innovation. Même si nous admettons que la puissance militaire reste indispensable pour les guerres modernes, il faut admettre que, celle-ci ne garantie plus l'efficacité de l'action militaire dans les combats modernes. Confronté à une puissance trop forte pour oser s'y frotter avec ses propres armes, le faible jugeant le puissant hors d'atteinte, invente les nouvelles formes de défis qui modifient la notion même de victoire244(*).

A cet effet, il se pose un défi pour les forces armées nationales pour pouvoir gagner les conflits modernes, notamment dans la lutte contre les groupes terroristes. Le défi stratégique et tactique que le terrorisme représente pour les forces armées nationales d'une manière générale, l'armée camerounaise d'une manière particulière, peut se résumer en ces termes : comment pourrait-elle devenir un acteur crédible dans la lutte globale contre le terrorisme, dont le pays est entré ces dernières années ? Autrement dit, quels seraient en ce qui les concerne, les éléments d'une initiative stratégique camerounaise, apte à relever ce défi ? La réponse à ce questionnement prescrit un recadrage de l'action des forces armées nationales pour l'adapter aux spécificités des combats modernes.

Concernant donc les défis pour un recadrage de l'action de l'armée dans la lutte antiterroriste, nous analyseront le défi pour l'armée camerounaise à mettre en oeuvre une stratégie claire et précise face de la menace terroriste (Section 1), et la nécessité d'une mutualisation des moyens (Section 2).

SECTION 1 : LES DEFIS POUR L'ARMEE CAMEROUNAISE DE METTRE EN OEUVRE UNE STRATEGIE CLAIRE ET PRECISE DE LA MENACE TERRORISTE

Créée au moment de l'indépendance en droite ligne avec la pensée stato-centrée occidentale, l'armée camerounaise a originellement été formée et entrainée pour faire la guerre conventionnelle au sens clausewitzien du terme. Avec la mutation des menaces de plus en plus asymétriques, dont le terrorisme islamiste, où la conflictualité ne relève pas des canons traditionnelles de la guerre. Pour gagner en efficacité dans les nouveaux champs d'opérations, celle-ci est appelée à relever un défi stratégique et tactique (Paragraphe 1), et par, une adaptation aux spécificités et à la nature des nouvelles menaces (Paragraphe 2).

PARAGRAPHE 1 : UN DEFI STRATEGIQUE ET TACTIQUE POUR L'ARMEE CAMEROUNAISE

Les menaces asymétriques d'une manière générale, le terrorisme islamiste d'une manière particulière, constituent pour les armées nationales, un défi stratégique et tactique particulièrement difficile à relever. L'expansion actuelle du terrorisme dans le monde rend précisément compte de la complexité d'une équation sécuritaire semble-t-il aux antipodes des us et coutumes de la guerre classique. En ce qui concerne le défi stratégique et tactique à relever pour l'armée camerounaise, nous verrons, qu'il faut relever le défi dû au déni de reconnaissance de l'ennemi terroriste (A). Il faut aussi relever un défi tactique (B).

A-LE DENI DE RECONNAISSANCE DE L'ENNEMI TERRORISTE

Sun Tzu, grand maître de la science et de l'art de la guerre de l'époque héroïque de la Chine des royaumes combattants, prescrit de « comprendre l'autre et ne pas faire ce qu'il attend de vous ». La reconnaissance et la compréhension de l'ennemi devient le postulat irréductible dans l'établissement du rapport de forces. Autrement dit, c'est par rapport à l'autre, réel ou possible, que se détermine ou que l'on se prédétermine. Toute stratégie trouve sa pertinence au regard de l'autre.

Hors, la menace terroriste comme le reste de toutes les menaces relevant des stratégies alternatives et irrégulières, souffre historiquement de la part des Etats d'un déni de réalité qui obère substantiellement sa compréhension, pourtant nécessaire. C'est ce déni de reconnaissance que souffrent les terroristes de Boko Haram par le haut commandement militaire camerounais, mais aussi par les autorités politiques camerounaises. La conséquence en apparait au travers des nombreuses difficultés qu'il y a encore de nos jours à cerner et à conceptualiser la phénomélogie du terrorisme en tant que menace à sécurité nationale des Etats, d'une manière générale, et de l'Etat du Cameroun d'une manière particulière.

La connotation diabolisante de l'acteur terroriste visant à vider son action de toute action rationnelle et de toute légitimité. Cette connotation est due à ce qu'il faut bien appeler le dogmatisme westphalien, qui constitue un obstacle majeur, non seulement pour la mise en oeuvre d'une stratégie antiterroriste, mais également d'une épistémologie du terrorisme. En outre, la difficulté la plus probante qu'il y a à cerner la menace terroriste se situe également dans la multitude et la complexité des enjeux qu'il incarne dont les plus constants se situent aux niveaux religieux et politique.

L'immixtion du religieux est en effet récurrente dans l'histoire du terrorisme. La sacralisation de l'action terroriste, « la terreur sacrée », trouve déjà son empreinte dans la violence des Zélotes juifs au premier siècle de l'ère chrétienne et celle des Sectes ismaélienne des Assassins entre les XI et XIIIème siècles. Pour ne pas oublier celle des croisés du christianisme catholique au cours de cette dernière période. Autant dire que le fanatisme religieux n'est pas une particularité du fondamentalisme islamiste.

Quant à l'enjeu politique, il est substantiel à l'enjeu de puissance, de pouvoir et de domination dans une optique désormais étatique (Etat Islamique en Iraq et en Syrie, et le Kalifa de Boko Haram au Nord-Est du Nigéria). Bref, du conflit hégémonique, qui structure fondamentalement l'histoire et la géopolitique des sociétés humaines depuis la nuit des temps. Dans ce sens, la violence est un moyen pour la réalisation des finalités politiques. Il s'agit de « faire plier la volonté de l'adversaire en affectant sa capacité de résistance ». Tout comme la guerre que Carl Von Clausewitz définit comme : « la continuation de la politique par tous les moyens », le terrorisme vise à, « amener notre ennemi à exécuter notre propre volonté ».

Ainsi donc, l'absence d'une objectivation stratégique précise de la menace terroriste de Boko Haram dans le corpus doctrinal d'emploi des forces de l'armée camerounaise accentue ici plus qu'ailleurs, un mélange de genres. Et les conflits d'écoles à propos de la catégorie stratégique réelle à laquelle appartient la menace terroriste de Boko Haram, ainsi, qu'à propos des approches contre-terroristes y afférentes. Cette absence explique par conséquent, les carences opérationnelles dans la lutte contre Boko Haram par l'armée camerounaise et les difficultés des acteurs engagés dans ladite lutte peuvent éprouver quant à intégrer au sein des dispositifs mutualisés.

Le défi stratégique de la lutte contre la menace terroriste de Boko Haram par l'armée camerounaise, est aussi un défi tactique.

B-UN DEFI TACTIQUE

Comme nous l'avons déjà évoqué plus haut, tout comme la petite guerre (guerre révolutionnaire) le terrorisme fait parti des stratégies irrégulières à l'opposition aux guerres conventionnelles interétatiques. L'on parle alors dans ce sens, de conflits asymétriques ou irréguliers, s'agissant d'un conflit opposant deux acteurs différents non seulement dans leur nature, mais par la dissymétrie de leurs rapports de forces. Et la nature des buts poursuivis et leurs comportements respectifs, dans la conflictualité.

En termes de dividendes stratégiques, ce qui intéresse plus que tout l'acteur terroriste, c'est l'écho, le retentissement médiatique et l'impact psychologique, produit, au-delà de l'ennemi à travers le monde. C'est dans ce sens que les conflits asymétriques d'une manière générale, la lutte antiterroriste d'une manière particulière, inscrits dans la logique du faible au fort, sont des conflits d'affirmation et d'expression.

C'est à la fin du 20èmesiècle que les stratégies alternatives, catégorie à laquelle appartient le terrorisme, cèdent devant la pression de ce qu'Hervé Coutau-Bégarie appelle « la vogue d'offensive », dans le contexte de la course aux armements d'avant la première Grande Guerre. Laquelle est historiquement, comme on le sait, l'apogée et la montée aux extrêmes des conflits hégémoniques qui secouent le vieux continent depuis les Traités de Westphalie de 1648.

Expurgés de la pensée stratégique notamment en France, les stratégies alternatives parviennent tout de même à retenir l'attention des Britanniques. Charles Callwell, qui leur a consacré une étude approfondie, montre que si la supériorité tactique des armées régulières est évidente, celle des acteurs irréguliers l'est tout aussi sur le plan stratégique245(*). Une manière pour lui de dire que, la supériorité des armées nationales, de loin mieux équipées, mieux organisées, mieux formées face à un ennemi insaisissable et particulièrement mobile, tombe sous le coup d'infériorité stratégique qui les rend incapables de s'assurer une victoire décisive pour la réalisation des objectifs politiques.

Cette problématique se pose avec acuité toute particulière au sein des Etats d'Afrique subsaharienne déjà fragilisés par une incurie politique et un déficit capacitaire en matière de projection stratégique et de déploiement opérationnel.

En effet, ces derniers sont demeurés héritiers, sinon continuateurs d'une tutellisation productrice de pesanteurs politiques et stratégiques y endiguant le développement d'une capacité autonome de défense et de sécurisation. Or, ladite capacité autonome est précisément l'indicateur par excellence de l'assomption étatique, appréhendée du point de vue des attributs de la souveraineté.

C'est-à-dire à quelle enseigne le terrorisme de Boko Haram constitue un défi pour l'armée camerounaise, également au-delà de la conceptualisation de la menace qu'il représente au niveau de la capacité logistique et des approches opérationnelles. En effet, il est du moins difficile et hasardeux d'entreprendre pour la mettre en oeuvre une doctrine d'emploi des forces. Ceci, en dehors d'un socle conceptuel qui rend compte de la catégorie stratégique de la menace terroriste, ainsi que, ses mécanismes de reproduction. C'est en fonction de ces derniers que l'on pourrait construire une réponse un peu plus appropriée au niveau tactique.

L'absence d'une objectivation stratégique et précise de la menace terroriste, dans le corpus doctrinal d'emploi des forces armées nationales d'une manière générale, celles du Cameroun d'une manière particulière, explique d'une certaine manière les carences opérationnelles observées dans la conduite des opérations militaires antiterroristes par l'armée camerounaise. Cette situation éprouve également une fois les Etats concernés par le terrorisme confrontés à la perspective de leur intégration au sein des dispositifs mutualisés de la géostratégie du contre terrorisme.

Mais il sera tout de même judicieux de bâtir les pistes pour une modification du concept d'emploi des forces armées camerounaises pour mieux l'adapter à la nature des conflits modernes.

PARAGRAPHE 2 : S'ADAPTER AUX CARACTERISTIQUES DES NOUVELLES MENACES

La société internationale prise d'une manière générale, la société camerounaise d'une manière singulière, manifeste une exigence croissante pour une sécurité individuelle et collective de la part des pouvoirs publics. Ce besoin de sécurité parfois du seul ordre du sentiment s'applique aux armées qui sont en charge de la défense de la nation contre toutes actions menaçant la sécurité nationale. Il s'avère maintenant qu'avec la mutation de nouvelles menaces, ces forces armées n'arrivent pas à contenir facilement ces nouvelles formes de violences.

Dans une dynamique d'adapter les mentalités des éléments des forces armées camerounaises aux spécificités de la lutte antiterroriste, notre analyse s'articulera sur la nécessité d'un format de force adapté aux spécificités et à la nature de la menace terroriste (A), et l'adaptation du modèle de force (B) à la menace terroriste.

A-LE PRIMAT D'UN FORMAT DE FORCE ADAPTE AUX SPECIFICITES ET A LA NATURE DE LA MENACE TERRORISTE

Dans un contexte de lutte contre le terrorisme par les forces armées nationales d'une manière générale, l'armée camerounaise d'une manière particulière, l'usage de la force demeure intimement lié aux objectifs politiques et militaires. Il doit être ajusté à tout moment et être adapté à chaque phase du conflit, à la violence qui y règne et à l'environnement des troupes. En intervenant par la force, les forces armées doivent dominer l'ennemi en le contraignant à cesser les attaques.

En outre, la maîtrise de la force n'est pas la pusillanimité dans l'action. Engager une force terrestre impose de disposer les moyens suffisants pour atteindre l'objectif fixé. Intervenir par la force par exemple pour la libération des otages, c'est pouvoir supplanter l'adversaire par la supériorité tactique, la qualité des hommes, leur endurance, leur entraînement, leur détermination, la performance de leur armement et la maîtrise de l'information et de l'environnement.

Dans ce sens, la lutte contre le terrorisme en zone sahélienne a ses propres spécificités. C'est dans cette zone que l'armée camerounaise est confrontée aux islamistes de Boko Haram. Sur le plan militaire, elle exige du soldat une prise en compte de l'environnement dans lequel sont menées les opérations militaires. A chaque région ses propres réalités, à chaque problème, sa solution spécifique. La lutte contre le terrorisme en milieu sahélien, ne saurait être celle que mène l'armée iraquienne avec ses alliés contre l'EI, ou bien, celle que mènent les armées américaines avec le soutien des forces internationales de l'ISAF en Afghanistan. Ainsi, l'on ne peut transposer les résultats obtenus dans la « guerre » contre le terrorisme en Irlande du Nord par les Britanniques, à celle que mène l'armée camerounaise contre Boko Haram.

Ainsi donc, il faudra adapter une doctrine d'emploi des forces, qui soit en phase avec les réalités de la région à laquelle les forces armées seront déployées. Pour le cas qui nous incombe, c'est la zone sahélienne. A cet effet, il faut faire usage d'une force utile, adaptée aux spécificités de la région sahélienne. C'est-à-dire, faire usage d'un format de forces adapté aux spécificités de la lutte contre le terrorisme en milieu sahélien, disposer un format de force qui prend en compte le côté irrégulier de la menace terroriste. Dans ce sens, il faut une force flexible et lourde, capable de répondre à la nature hybride de la menace terroriste. Ceci, avec l'étroite collaboration entre les forces spéciales et les autres forces régulières. Ceci permettra à l'armée, de mener les actions en profondeur.

Dans le cas de la lutte contre Boko Haram par l'armée camerounaise, il a été observé que, Boko Haram au départ était très lourd, avec l'utilisation des blindés et de l'artillerie. Cette situation avait mis le BIR dans une position désavantageuse. Il fallait donc répondre aux attaques terroristes avec du lourd tout en restant léger, pour pouvoir aller vite, afin de mener les actions décisives.

Dans les nouveaux conflits, la technologie joue un rôle indispensable de démultiplicateur de la puissance246(*), ceci à la nature conventionnelle et asymétrique des nouveaux conflits. Dans ce sens, il faut disposer un matériel électronique, dernière génération (les drones de surveillance, véhicules anti-mines, cameras thermiques à vision nocturne, etc.). Ledit équipement militaire doit répondre aux conditions climatiques de la région. Cette expérience a été faite au Mali, avec les unités « Méharistes »247(*)qui opèrent en chameaux dans le Sahel dans le cadre de la lutte contre les groupes armés qui écument cette région. A tout ceci il faut faire l'économie des moyens ; c'est-à-dire, disposer une force qui soit en fonction de nos moyens.

B-ADAPTER LE MODELE DE FORCES

Même s'il serait irresponsable de se départir des moyens de répondre à la résurgence d'une menace militaire majeure au cas où l'on n'aurait pas su le prévenir. Il n'y aura pas, au cours du quart de siècle à venir des armées nationales capables de rivaliser avec les coalitions sous régionales. Il faut pourtant conserver les capacités utiles d'action conventionnelle248(*). Elles sont pourtant nécessaires pour prévenir la remontée de ce type de menace en dissuadant l'adversaire éventuel d'une course éventuelle à la puissance. Mais aussi, pour conforter l'indispensable diplomatie coercitive en crédibilisant la dissuasion militaire par la complétude du spectre des menaces et permettre, autant que de besoin, d'imposer la force contraignante dans les opérations extérieures de soutien à la paix.

Cependant, l'effet pervers de cet excès de puissance, est d'engendrer à la fois son rejet des modèles sociétaux qui l'on produite et l'improbabilité des guerres dont le mode lui est naturel ; diminuant lui-même l'éventualité des vastes actions antiforces. Il trouve paradoxalement dans le déséquilibre des arsenaux la limite même de son utilité. A force de dissuader, il décourage, et conduit même à des pratiques qui vont là contester et là contourner. La guerre, passée d'une logique capacitaire à une logique finalitaire, ne fonde plus le succès des rapports de forces classiques. Elle suppose, pour le règlement des crises, la mise en oeuvre des instruments militaires sophistiqués, mais aussi politiques, diplomatiques, sociaux, à travers l'existence des forces capables de jouer, dans les conflits modernes, de ces différents registres.

Dans ce sens, les nouveaux engagements, comme la lutte antiterroriste modifient l'activité stratégique et nivellent les avantages nés de la haute technologie. L'influence remplace la puissance. Il s'agit souvent moins de conquérir l'espace que de pacifier les coeurs et les esprits, de gagner l'adhésion de la population à l'action que l'on mène. L'aptitude n'est plus à la destruction, mais la capacité d'assurer le contrôle politique de l'espace et d'établir, grâce à la maîtrise de la violence d'une action perçue comme légitime, les conditions d'émergence d'un nouveau contrat social. Il s'agit de montrer une indispensable détermination dans la volonté de résolution d'une crise.

A l'aube de la deuxième Grande Guerre, la plupart des guerres se sont déroulées à l'intérieur des Etats et le mouvement s'amplifie de nos jours. Ce constat remet en cause les concepts et les modèles traditionnels qui valaient pour les guerres interétatiques et diminue l'apport de la haute technologie aux nouvelles applications de la diplomatie. Le nouveau paysage conflictuel estompe ainsi progressivement les certitudes quantitatives, rationnelles et classiques du 20ème siècle : la dérégulation de la guerre a donné naissance à des formes de conflits qui replacent l'homme au coeur du dispositif de défense249(*). Pour les armées nationales, le principe d'adaptation doit dominer en imposant les arbitrages internes et externes nécessaires, afin que les modèles de forces soient capables de coercition, mais également de produire sur le terrain de l'efficacité politique.

L'expérience montre que les Armées Nationales qui gagnent, sont des armées qui apprennent, celles qui s'adaptent, celles qui tirent du réel leur efficacité pour l'avenir. « Learn and adapt » disent les anglo-saxons : c'est un impératif. L'armée camerounaise doit aller plus loin que là ou elle est aujourd'hui ; elle ne doit pas se contenter d'écrire les leçons qu'elle a apprise. Elle doit surtout apprendre les leçons qu'elle a écrites et en tirer toutes les conséquences pour le modèle de forces, leur équilibre, l'entrainement des unités, l'équipement des forces, la formation des hommes aux mentalités des conflits modernes.

SECTION 2 : LA NECESSITE D'UNE MUTUALISATION DES MOYENS DANS L'ANTI-TERRORISME

La lutte contre le terrorisme par les armées nationales, impose aux acteurs une mutation d'approches dans la conduite des opérations militaires. Il est évident de nos jours que seule l'action militaire ne garantie pas la victoire décisive, à celle-ci il faudra associer l'appui de la population civile, notamment la population locale. Celle la qui est confrontée à la violence des mouvements terroristes.

Aucune armée au monde, aussi puissante soit-elle ne peut combattre seule avec succès cette menace transnationale. C'est en mutualisant les forces avec les autres forces armées confrontées à la même menace, que cette lutte trouvera une efficacité certaine. Dans ce sens, notre analyse se fera à travers, l'émulation de la relation Armée-Nation dans la lutte contre le terrorisme (Paragraphe 1), et par la mutualisation des forces entre les Armées des pays limitrophes confrontés à la menace terroriste (Paragraphe 2).

PARAGRAPHE 1 : L'EMULATION DU COUPLE ARMEE-NATION DANS LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME

La menace terroriste est une menace transnationale, à laquelle il faut une riposte globale, une affaire de tous y compris celle des populations civiles. Il sera donc question ici de voir, l'action décisive des comités de vigilance dans la lutte antiterroriste (A), et le renforcement des relations civilo-militaires dans l'antiterrorisme (B), comme étant des mesures garantissant l'efficacité de l'action militaire.

A-L'APPUI DECISIF DES COMITES DE VIGILANCE

La lutte antiterroriste par les forces armées nationales nécessite un appui constant de la part de la population locale. Au Cameroun, cet appui se résume part l'action décisive des Comités de Vigilance apporté à l'armée camerounaise engagée dans la lutte contre Boko Haram. L'efficacité de l'action de ceux-ci peut faire école dans les autres pays confrontés à la même menace.

Au Cameroun, les Comités de Vigilance encore appelés groupes d'autodéfense ont été créés dans les années 1960, et à l'Extrême-Nord. Ces comités de vigilance ont été activés en juillet 2015, après que le territoire ait enregistré les premiers attentats suicides. Créés par les autorités administratives, et parfois à l'initiative des populations locales exacerbées par la violence des terroristes de Boko Haram. Placés sous l'autorité des autorités administratives et parfois des chefs traditionnels, maîtrisant l'environnement local, ceux-ci jouent un rôle d'informateur auprès de l'armée, et parfois de barragistes ou de milices de protection250(*). Armés de pétoires, de bâtons, d'arcs et de flèches empoisonnées, ils patrouillent autour de leurs villages dans l'Extrême-Nord du Cameroun, non loin de la frontière nigériane.

Figure N°9 : Les membres d'un comité de vigilance à l'extrême-nord du Cameroun

Source : International Crisis Group

Malgré les attaques à répétition de Boko Haram dont ils sont victimes, ils ont choisi de ne pas quitter leurs terres et de défendre leur patrie. Au péril de leur vie, les membres des comites de vigilance ont permis d'éviter une quinzaine d'attentats suicides et ont contribué à l'arrestation d'une centaine de terroristes251(*). Selon le témoignage recueilli par l'AFP, auprès d'Aladji Adjobo, chef du comité de vigilance de Waza déclarait : « nous citons en exemple la bravoure de nos gars qui ont perdu la vie par ce qu'ils ont même arrêté des kamikazes, malheureusement pour eux, ils ont explosé et ça les a emporté »252(*). Depuis 2016, ils sont associés à de centaines d'opérations de l'armée (y compris au Nigéria) contre les terroristes de Boko Haram253(*). « Ça tirait partout, se souvient-il. La première fois, j'ai eu peur mais après je m'y suis habitué »254(*), déclarait Alhaji Mohamed Dale membre du comité de vigilance de Kolofata devant l'envoyé spécial du Monde Afrique.

Toutefois, le recours à ces comités de vigilance n'est pas sans risque. Le risque le plus élevé est que ceux-ci se transforment en milices incontrôlables. Car derrière les arcs et les flèches mis en avant, il y'a souvent des kalachnikovs qui circulent, dispersées au fil des guerres successives du Soudan, du Tchad et de la RCA. Des règlements de comptes ont eu lieu via des dénonciations calomnieuses aux forces de défense255(*). Malgré les enquêtes de moralité sommaires, des connivences ont existé entre certains membres des comités de vigilance et les membres de Boko Haram. Des rackets, tandis que d'autres ont commis des extorsions sur fond religieux256(*). Ainsi, à Amchidé, les membres chrétiens du premier groupe de comité de vigilance constitué par le Bataillon d'Intervention Rapide (BIR) en 2014 ont procédé à des rackets, dénonciations calomnieuses et chantages contre certains musulmans. Ce comité de vigilance a été dissous au bout de six mois et réhabilité de façon paritaire257(*). Certains n'hésitent même plus à mener des offensives pour aller mener des pillages au Nigéria, régler les comptes ou affronter Boko Haram. Comme en Avril 2016, lorsque 70 éléments du comité de vigilance de la ville frontalière de Limani sont allés au Nigéria récupérer deux femmes kidnappés par les terroristes.

Ainsi donc, face au risque que peut susciter l'action décisive de ces comités de vigilance dans la lutte contre le terrorisme, l'idéal serait de renforcer les capacités d'encadrement des autorités. Car à l'absence de réel contre-pouvoir, ils ne rendent de compte à personne et peuvent se constituer en une véritable milice incontrôlable.

Malgré cela, la collaboration des comités de vigilance avec l'armée est déterminante dans la lutte contre le terrorisme, notamment dans la traque des terroristes, et à la prévention des attentats-suicides. Au Cameroun, l'importance de ces comités de vigilance dans le combat contre Boko Haram est sans appel, plus précisément à l'épreuve des actions quasi-asymétriques de Boko Haram. La collaboration de ceux-ci aux côtés des militaires au front, fait des émules dans les autres pays transfrontaliers engagés dans la même lutte, plus précisément au Nigéria. Dans ce sens, l'apport des comités de vigilance permet désormais de combattre efficacement les groupes terroristes.

B-LE RENFORCEMENT DES RELATIONS CIVILO-MILITAIRES

Les relations civilo-militaires ne sont pas récentes. Mais, depuis la recrudescence des activités terroristes au lendemain des attentats du 11 septembre 2001. Au regard de mutations des nouvelles formes de menaces, les rapports entre les civils et les militaires se sont révélées d'une importance capitale. La relation entre « civil et militaire » se définit, au contact de la mutation de la scène internationale comme celle qui se caractérise à la fois par l'irruption de nouveaux acteurs dans la scène internationale, et par les nouvelles formes d'expression de la violence. Lors des guerres classiques où les forces armées nationales avaient comme adversaire une armée bien identifiée, l'action des civils ne faisaient pas partir de l'effort de guerre. Au service d'une action défensive ou offensive, la question de la relation civilo-militaire pouvait sembler être négligeable dans l'atteinte des objectifs de l'Etat. Mais depuis le 11 septembre 2001, le monde fait face à une nouvelle dynamique de menaces mettant à mal la souveraineté des Etats. Il s'agit de l'« ennemi invisible » qui ne se fait sentir que par l'ampleur de ses actions. Du fait de son habilité tactique et sa capacité à se diluer dans la population civile. Il opère dans l'ombre sous l'impuissance des forces armées nationales à l'attente d'un ennemi identifié.

Il apparait donc ici, que l'absence d'une véritable relation civilo-militaire a coûté cher aux USA car, la multitude d'instances entre les acteurs civils et le commandement militaire n'a pas été au service de la spontanéité requise, face au terrorisme. Or, une symbiose est entre les deux parties, l'une apportant les informations, l'autre la puissance agissante aurait permis d'étouffer le mal dans l'oeuf. A l'épreuve des faits, le terrorisme véhiculé par les acteurs irréguliers, responsables des nouvelles formes de menaces impose comme mesure stratégique, une relation civilo-militaire, les civils à même de détecter l'ennemi qui se frotte à eux en toute sécurité à la quête des zones d'affluence, les militaires capables d'annihiler tout foyer d'insécurité.

Tout gage de sécurité passe donc par la mise à contribution de cette relation à trait d'union. Il est donc question pour les instances politiques de sensibiliser et d'informer la « partie civile » de la nouvelle réalité internationale porteuse de nouvelles menaces avec pour cible privilégiée les populations civiles, de la relative capacité de la « partie militaire » à assurer leur sécurité sans leur véritable participation258(*).

Au Cameroun, la réponse à la crise sécuritaire dont fait face le pays passe par un renforcement des relations civilo-militaires, ce qui relève à bien des égards, au soutien apporté aux militaires engagés dans la lutte contre Boko Haram, par le peuple camerounais. Cette relation s'illustre au Cameroun par la réalisation d'importants projets de développement tels que la construction des routes et autres édifices par l'armée camerounaise. Ces actions sont encore appelées les Actions Civilo-Militaire (ACM). Parmi ces actions nous avons la réalisation de certaines oeuvres sociales telles que la santé (hôpitaux militaires, les campagnes de santé faites par le BIR), l'éducation (la construction des salles de classe). Un vaste programme qui ne peut-être réalisé que s'il existe une véritable synergie d'actions entre l'Armée et la Nation.

Après être apparue sous l'action violente la plus déterminante, la prise de l'initiative de Boko Haram au Cameroun a véritablement déclenché une sorte d'euphorie au sein de la population camerounaise. Une sorte d'émulation du concept de défense populaire du Cameroun. En effet, elle s'est manifestée par les opérations de dons et les marches de soutien au profit des militaires camerounais engagés au front. A en témoigne la « Grande marche patriotique » du boulevard du 20 mai à Yaoundé, qui a été présenté comme une « marche de soutien aux forces armées et aux populations de l'Extrême-Nord ». Dans le même sens, le compte d'affectation spécial ouvert par le Ministère de Finances est présenté comme destiné à « retracer les contributions des différentes couches de la population au titre de leurs appuis à nos forces de défense et de sécurité engagées sur le front de la guerre contre l'organisation terroriste Boko Haram »259(*). Le titre même du compte est : « contribution du peuple dans la lutte contre Boko Haram ». La récolte de fonds et de dons est appelée « effort de guerre ».

Il ressort que cet appui de la Nation à l'effort de défense participe au renforcement des relations civilo-militaires, indispensables dans la lutte contre le terrorisme. Dans le même sens, il solidifie la collaboration du couple Armée-Nation dans la lutte contre le terrorisme, qui constitue un gage d'efficacité pour l'action des forces armées dans la lutte contre cette menace.

PARAGRAPHE 2 : POUR UNE MUTUALISATION DES FORCES ENTRE LES ARMEES DES PAYS LIMITROPHES CONFRONTES AU TERRORISME

Aucune armée au monde, aussi puissante soit-elle ne peut faire face avec la plus grande efficacité contre les acteurs transnationaux. C'est en mutualisant les efforts que les armées pourront combattre avec efficacité le terrorisme. Car, le terrorisme est une menace globale qui nécessite une approche conjuguée.

Il sera donc ici question d'analyser, la nécessité d'une vision globale, des capacités proactives (A) et la nécessité d'un partenariat stratégique crédible (B).

A-LA NECESSITE D'UNE VISION GLOBALE ET DES CAPACITES PROACTIVES

La mise en place d'une stratégie de lutte contre le terrorisme par les armées nationales, dans une approche à la fois individuelle et collective des Etats, pose comme préalable, la construction d'une vision, d'une grille de lecture et d'analyse de la menace terroriste. Il s'agit pour le Cameroun de ne pas se contenter de se laisser imposer une vision ou de s'en inspirer aveuglement, mais de prendre pour sa sécurité l'initiative de la recherche fondamentale et de l'action. A propos de l'Europe, Alain Bauer et Xavier Raufer constatent : « le vieux continent semble (...) incapable de dire qui est l'ennemi aujourd'hui, ce qui est l'hostilité en 2009. Pays par pays, la défense administre, gère et réagit coup par coup, mais l'Europe manque d'une doctrine claire en matière d'hostilité. Soit qu'elle en ait pas conçue une elle-même, soit qu'on lui en ait pas fourni une convaincante et opérationnelle »260(*). Selon eux, « cette situation est regrettable » pour des raisons suivantes :

« 1 - La défense d'un Etat souverain, ou d'une coalition d'Etats, dépend normalement de la nature des entités hostiles que ces Etats pourraient affronter et non pas l'inverse. L'inverse relève de la médecine soviétique, qui soigne le patient, non selon sa maladie, mais en fonction des potions en rayonnage. En matière de défense, cette pratique revient à modeler un adversaire ou des menaces fictives, à créer un ennemi de confort selon les forces ou le matériel que l'on a en stock.

« 2 -Qui ne connait pas de recherche originale sur la sécurité se condamne à adopter celles d'autres puissances en ayant, elle, produit, une. Accepter cette position subalterne c'est se ravaler au rang tactique : d'autres édictent la doctrine dans laquelle vous évoluez désormais sans pouvoir s'en sortir.

« 3 -La recherche fondamentale produite par d'autres peut-être contraignante mais, pire encore fausse, ou sciemment truquée. Accepter de tels travaux comme base de ses propres recherches égare forcément... »261(*).

Nous pouvons donc retenir ici que, sans vision claire et précise de la menace terroriste, point de stratégie. Que la vision et la stratégie qui en découlent participent d'une initiative de réflexion et d'action, sauf à s'abandonner dans la supplétive.

La vision, quant à elle est le produit d'une observation, d'une recherche personnelle, à travers la compréhension du terrorisme, de se définir une ligne d'action propre prenant en compte les enjeux du local et du global (glocalisation), et d'échapper au diktat des concepts et des théories imposées par la pensée dominante. C'est donc l'appréhension de la menace terroriste qui détermine l'approche de la lutte qui lui est réservée. De ce point de vue, il convient de relever que l'appréhension de la menace terroriste s'articule autour de deux approches. L'approche policière et judiciaire, qui est celle de la France, définit le terrorisme comme un crime et le terroriste comme un criminel. Elle prescrit par conséquent une action civile, visant successivement l'établissement par les forces de sécurité de la factualité criminelle, et la condamnation par la justice des acteurs terroristes262(*).

Quant à l'approche militaire, sublimée par les Etats-Unis, et qui s'articule autour de des concepts de « guerre globale contre le terrorisme » (Terrorism with a global reach) et de « défense contre le terrorisme ». Elle met en oeuvre ainsi en évidence les dimensions offensive et défensive d'une même réalité stratégique. Elle a été adoptée par les USA au lendemain des attentats de 2001.

Au-delà de ses aspects, une appréhension globale mais précise de la menace terroriste, dans ses dimensions politique, religieux et psychologique..., permettrait de comprendre son environnement et le comportement généralement fluctuant de ses acteurs. De manière, le cas échéant à anticiper et à gérer les incertitudes liées à cette menace. Prospective et proactivité, telles sont les capacités fondamentales nécessaires à une stratégie et à une tactique anti-terroristes. Mais celles-ci ne trouveraient toute leur efficacité que si elles sont nourries par un renseignement prévisionnel toujours actualisé.

De même, l'anticipation et l'interopérabilité des systèmes de défense et de sécurité : tels pourraient être les éléments fondateurs d'une initiative stratégique contre le terrorisme au Cameroun et par extension dans le continent africain. C'est cette approche opérationnelle intégrée, favorable au développement des complémentarités entre les différents outils de défense et de sécurité qui doit guider la gouvernance et la réforme du secteur de la défense et de sécurité. Une telle initiative qui, pour être camerounaise ou africaine, ne trouvera sa pleine efficacité opérationnelle que dans un partenariat global de lutte anti-terroriste.

B-LA NECESSITE D'UN PARTENARIAT STRATEGIQUE

La globalité de la menace terroriste impose une approche sécuritaire globale, tant du point de vue géographique que de celui de l'interdépendance du local au glocal, de l'interconnexion des systèmes des réseaux263(*). L'opérationnalisation d'une telle approche passe aussi par la mise sur pied d'un partenariat stratégique véritable, au sein duquel le Cameroun et les autres pays confrontés au terrorisme notamment ceux de l'Afrique subsaharienne auraient leur place et leur rôle de partenaire crédible, par leur force de proposition et d'action.

Il y aurait en effet tout à craindre qu'ils ne soient confinés, autant du fait de leurs impérities propres que de celui de la préemption géostratégique des grandes puissances, notamment les plus actives en Afrique à savoir, la France et les Etats-Unis, à la supplétive stratégique et géostratégique. A propos de celle USA, Saida Bedar souligne à juste titre que « la stratégie globalisante des Américains implique une extension de l'emprise géostratégique »264(*). Allant dans la même logique, Tanguy Struye de Swielande écrit que, « les Etats-Unis se sont donnés une vision politique globale, à savoir, maintenir l'avantage de leur position hégémonique, afin de garantir leurs intérêts de sécurité et de prospérité nationale et, par voie de conséquence, pensent-ils celle du monde entier. Telle est la nouvelle destinée manifeste »265(*).

Pour être des acteurs crédibles dans la lutte contre le terrorisme, l'armée camerounaise, comme le reste des armées des pays d'Afrique confrontés au terrorisme en général, n'y parviendront qu'à travers une dynamique régionale africaine intégrant les menaces transversales dans la doctrine, les directives et les concepts opérationnels de la Force Africaine en Attente (FAA). Et dans le Conseil de Paix et de Sécurité (CPS) de l'Union et de ses cinq brigades correspondant aux Communautés Economiques Régionales (la CEEAC, la CEDEAO, l'UMA, la SADC et l'IGAD). Sachant que la crédibilité stratégique tient de la capacité à produire une pensée endogène et opérationnelle et de mobiliser la logistique à la hauteur des contraintes stratégiques et opérationnelles, liées à l'instar de la menace qui nous intéresse dans ce travail.

CONCLUSION DU CHAPITRE

Ce chapitre nous a permis, d'établir les défis pour un recadrage de l'action des forces armées nationales dans la lutte contre le terrorisme. Ainsi, les forces armées nationales d'une manière générale, et l'armée camerounaise d'une manière particulière ont du mal à relever le double défi des menaces asymétriques, dont la menace terroriste. De ce fait, pour sortir de cette ornière, elles doivent non seulement renforcer la relation entre l'armée et la nation. Mais aussi, se donner une vision, une stratégie claire et précise et des moyens opérationnels appropriés pour le traitement de cette menace dans une optique de spécialisation et de mutualisation des forces aux niveaux, national, régional et international conformément à la sécurité collective. C'est de cette manière que les armées nationales d'une manière générale, l'armée camerounaise d'une manière particulière, leur action trouvera une efficacité certaine dans la lutte contre le terrorisme.

CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE

Au sortir de cette partie, où notre analyse portait sur la présentation du terrorisme comme une menace difficile à combattre par les forces armées nationales. Dans ce sens, nous avons mobilisé notre réflexion sur l'insuffisance de l'action de l'armée camerounaise dans la lutte contre le mouvement terroriste Boko Haram. En effet, les forces armées camerounaises, comme les autres forces armées nationales ont été préparées à la guerre conventionnelle, par conséquent, il leur est difficile de remporter facilement la décision face à des acteurs transverses, utilisant les méthodes de combats irréguliers. Aussi, il a été question de faire l'analyse sur un recadrage de l'action des forces armées nationales à travers, une stratégie et les moyens opérationnels appropriés pour le traitement de la menace terroriste. Ce recadrage doit se faire dans une optique de spécialisation et de mutualisation des forces, aux niveaux national, régional et international en conformité avec le droit international.

CONCLUSION GENERALE

PERSPECTIVES POUR UN RENFORCEMENT DES CAPACITES OPERATIONNELLES DES ARMEES NATIONALES DANS LA LUTTE ANTITERRORISTE

Dans un contexte international marqué par une mutation des guerres, des conflits traditionnels aux conflits irréguliers, une question principale s'imposait celle de savoir si les armées nationales conçues et préparées pour les menaces conventionnelles sont à même d'assurer la sécurité nationale face aux acteurs irréguliers ? Partant de l'hypothèse selon laquelle, les armées nationales ne sont pas suffisamment outillées pour faire face au terrorisme en dehors d'une réelle modification de leur carde d'action. Cette étude menée à l'aune de la théorie et de l'analyse stratégique nous a permis de justifier cette hypothèse.

Tout au long de ce travail de recherche, il a été question de nous interroger sur la problématique des difficultés des armées nationales dans la lutte contre les groupes terroristes d'une manière générale, l'armée camerounaise d'une manière particulière. Le choix des armées nationales en générale, l'armée camerounaise en particulier se justifiait par le fait que, depuis les attentats du 11 septembre 2001, le monde est plongé dans un régime de terreur sans précédent véhiculé par les groupes terroristes qui menacent la sécurité internationale. Les forces armées, outils de défense, chargées d'assurer la sécurité nationale des Etats éprouvent des difficultés à combattre efficacement contre cette forme de menace. La fixation sur l'armée camerounaise se justifiait quant à elle par le fait que, depuis la prise de l'initiative de Boko Haram sur le territoire camerounais en 2012, l'armée camerounaise fait face à une menace d'un genre nouveau qui n'entre pas dans son cadre d'action.

Pour se faire, un travail préliminaire a été effectué en amont. Nous nous sommes appesantis au préalable sur l'analyse de l'action des forces armées nationales dans les théâtres de lutte antiterroriste. Ici, il a été question de mettre en relief les expériences vécues par les armées américaines et françaises dans le théâtre afghan. Celles des armées malienne et nigériane dans la lutte contre les groupes terroristes au Sahel et dans le bassin du lac Tchad. Il était également question d'analyser d'une manière spécifique l'action de l'armée camerounaise dans la lutte contre le groupe terroriste Boko Haram.

Par la suite, il a été question d'analyser l'insuffisance de l'action des forces armées dans la lutte contre les groupes terroristes, en faisant les difficultés de l'armée camerounaise face au groupe terroriste Boko Haram, et les défis pour un recadrage de l'action des forces armées dans la lutte contre les groupes terroristes.

Tout au long de nos développements, il est apparu que les armées nationales dont l'armée camerounaise, n'arrive pas mettre à combattre efficacement Boko Haram, vue la complexité des enjeux du groupe terroriste, la transnationalité de cette menace et du caractère irrégulier de ses méthodes de combat. Il ressort donc que, la puissance militaire classique de l'armée camerounaise ne répond pas totalement à la nature de la menace terroriste Boko Haram.

Au regard de cette situation, il s'est avéré nécessaire de recadrer l'action des forces armées nationales dans la lutte contre le terrorisme. Ceci passe par, une valorisation du couple Armée-Nation ; se donner une vision ; une stratégie et des moyens opérationnels adéquats pour le traitement du terrorisme, dans une optique de professionnalisation et de mutualisation des forces, aux niveaux national, régional et international conformément à la sécurité collective. C'est précisément pour le cas du Cameroun le rôle qu'exerce l'ESIG dans l'enseignement militaire supérieur. En effet, l'enseignement militaire supérieur conditionne durablement les capacités opérationnelles des armées nationales, notamment dans les conflits modernes.

PERSPECTIVES POUR UN RENFORCEMENT DES CAPACITES OPERATIONNELLES DES ARMEES NATIONALES DANS LA LUTTE ANTITERRORISTE

La guerre au 21e siècle reste toujours un choc des volontés opposées, mais, celle-ci a changé de nature ainsi que les conditions conduisant à la victoire décisive. Aujourd'hui on parle des guerres de 4e génération ; des guerres irrégulières ou des stratégies alternatives ; ou encore des guerres au sein des populations, catégorie conflictuelle à laquelle appartient la lutte antiterroriste. Que se soit la guerre d'Iraq, en Syrie, d'Afghanistan ou du Liban, l'on observe une grande difficulté pour les forces armées même les plus puissantes du monde à gagner les guerres d'aujourd'hui. Les conditions de l'efficacité militaire ne sont plus les mêmes, d'où l'enjeu et le défi de renforcer les capacités opérationnelles des armées nationales à gagner les guerres contemporaines. Pour se faire, il est intéressant de faire une étude prospective pour renforcer les capacités opérationnelles des armées nationales dans la lutte antiterroriste. Cette étude se fera à travers trois (03) piliers.

Pilier 1 : La réduction des fragilités des Etats et des conditions sous-jacentes propices à l'enracinement et à l'expansion du terrorisme

L'objectif ici est de comprendre, transformer et éliminer les conditions sociopolitiques et culturelles susceptibles de favoriser l'expansion du terrorisme. En plus de la criminalisation, non seulement des actes terroristes mais aussi l'incitation à les commettre, ainsi que des mesures socioéconomiques propres à réduire des vulnérabilités des couches des moins favorisées de la population au recrutement ainsi que leur exclusion réelle ou perçue. Puisqu'il est avéré que se sont ces facteurs qui favorisent l'implosion et l'enracinement du terrorisme dans un Etat. La Stratégie Générale des Nations Unies Contre le Terrorisme (SGNUCT) prescrit le renforcement de la culture de paix, le respect de toutes les religions et le dialogue interreligieux qui, ensemble, sont cruciales pour assurer la coexistence pacifique entre toutes les religions. Dans la même logique, il faut la mise en oeuvre d'ambitieux programmes socioéconomiques propres à réduire les vulnérabilités des régions exposées au terrorisme, l'inclusion de toutes les couches de la population à la gestion de la chose publique, mettre en place des initiatives de développement socio-économiques et culturelles, la lutte contre l'analphabétisme et l'insertion socioprofessionnel des jeunes, la distribution de l'aide, la communication sur les programmes économiques et d'investissement public et privé, aussi par le renforcement de la pénétration de la puissance publique dans les zones les plus reculées.

En même temps, il est impératif de coordonner et d'harmoniser la législation antiterroriste en la calquant sur le cadre normatif global et les instruments panafricains en la matière, notamment la convention de l'OUA de 1999 sur la prévention et la lutte contre le terrorisme de 2004. En clair, comme il est indiqué dans le document sur le plan d'action, les objectifs thématiques de la lutte contre le terrorisme et le trafic d'armes en Afrique Centrale. « Il faudra envisager de créer des mécanismes de consultation régulière entre acteurs gouvernementaux pour échanger sur la menace en évolution et les stratégies possibles pour y faire face, y compris en dressant les conditions qui la favorisent »266(*). Un tel renforcement dans ce pilier est susceptible de réduire drastiquement les possibilités de radicalisation violente et d'assécher les robinets du recrutement de Boko Haram pour le cas du Cameroun et par extension pour les autres groupes terroristes qui pullulent dans le monde.

Pilier 2 : Le développement capacitaire et institutionnel de l'Etat en collaboration les Nations Unies, et le respect des Droits de l'Homme dans la lutte contre le terrorisme

La problématique globale des avantages tactiques ou psychologiques pouvant découler de l'usage de mesures non démocratiques pour saisir des opportunités et prendre l'avantage face aux groupes terroristes. Comme dans d'autres parties du monde, le désir de vengeance, de représailles, de justice sommaire, dont la tentation pèse à la fois sur les militaires et les populations meurtries, manifestera son ambigüité : en finir tout de suite, par les atrocités ou une contre-violence sauvage, avec un ennemi à la merci peut affaiblir l'adversaire. Mais, peut être contre productif en raison du risque de le radicaliser davantage, voire lui attirer sympathies et soutiens.

Face à l'impératif de renforcer les capacités nationales et sous-régionales voire même internationale en matière de protection légale et de poursuites judiciaires des terroristes, des bavures et accidents comme la mort accidentelle en détention de Mohamed Yusuf au Nigéria. Et celle récente des membres de Boko Haram gardés non loin du théâtre des opérations au Cameroun ne se réduiront qu'avec le temps, vraisemblablement le développement des institutions légales et adaptées. Procès des terroristes se multiplieront en même temps que les pressions des associations de victimes. La jurisprudence des Etats s'enrichira, ainsi que l'expérience politique et les capacités de protection concertée des minorités et des groupes vulnérables, vraisemblablement avec les plans et programmes nationaux et sous-régionaux de protection des victimes et de gestion des crises. Cependant, cet ensemble ne pourra s'organiser efficacement qu'avec les capacités avérées de gagner la bataille pour conduire à une paix durable.

Pilier 3 : Les nouveaux Conflits, les nouveaux Soldats

Le nouveau soldat doit comprendre sa place, cruciale mais non unique dans les conflits modernes. Il doit avoir saisi toute l'importance de l'action globale et le rôle fondamental des différents acteurs non militaires (acteurs humanitaires, diplomatiques, sécuritaires, ceux du mondes des entreprises, etc.). Pour le livre blanc 2008 en France, « la complexité des crises internationales oblige à définir des stratégies réunissant l'ensemble des instruments, diplomatiques, financiers, civils, culturels et militaires, aussi bien les phases de prévention et de conflit »267(*). Le nouveau soldat doit donc apprendre à préparer avec les acteurs civils, en amont, cette phase décisive qui est la stabilisation. Le soldat doit donc savoir passer du militaire au sécuritaire, de l'humanitaire, à l'acteur politique et de développement. Il doit savoir passer le relais dans la marche commune vers la normalisation en conjuguant les efforts vers la reconstruction et la résolution des crises. Il est désormais établit que, tant en termes d'équipements que de formation d'hommes, la règle du qui « peut le plus peut le moins » ne peut s'appliquer. Car, il ne s'agit plus de faire un peu moins, mais d'agir autrement avec une autre approche dans les nouveaux conflits. Il s'agit d'une diversification du spectre des actions qui complexifient encore plus le métier du soldat, car ce dernier doit demeurer expert dans ses rôles traditionnels tout en excellant dans les conflits modernes.

BIBLIOGRAPHIE

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B -Ouvrages méthodologiques

1. BATISTELLA, D, Théories des Relations Internationales, 2èmeéd, Paris, Presses de Science Po, 2006 ;

2. BAUD, M., L'art de la thèse, Paris, la Découverte, 2003 ;

3. GRAWITZ, M, Méthode des sciences sociales, Paris, Dalloz, 2001 ;

4. Olivier LAWRENCE, BEDARD Guy et FERRON Julie, L'élaboration d'une problématique de recherche : Sources, outils et méthode, Harmattan, 2005 ;

5. QUIVY, R. et VAN CAMPENHOUDT, L., Manuel de recherche en sciences sociales, 3e édition, Paris, Dunod, 2006.

C - Revues et Articles

1. ADAM, B, « Mali l'intervention militaire française à la reconstruction de l'Etat », GRIP, 2013 ;

2. BERGHEZAN, G, « Boko Haram : Evolution de 2012 à aujourd'hui », Note d'Analyse du GRIP, Janvier 2016 ;

3. BERGHEZAN, G, « Eradiquer Boko Haram : acteurs multiples résultat incertain », Note d'Analyse du GRIP, 7 Mars 2016 ;

4. BRUSTLEIN, C, « La surprise stratégique ; De la notion aux implications », in Focus Stratégiques, No 10, Octobre 2008, IFRI ;

5. CAKPO, B, « Boko Haram, bras armé du terrorisme international, déstabilisation du Nigéria et reconfiguration géopolitique de la zone sahélienne. », Institut des Relations Internationales et Stratégiques ;

6. COLANTONI, C, « L'émergence de Boko Haram au Cameroun », Mars 2015 ;

7. CONESA Pierre, « la guerre selon Daesh marque t-elle la fin des interventions militaires occidentales », Diploweb, samedi 10 décembre 2016, http://www.diploweb.com/La-guerre-selon-Daesh-marque-t.html

8. COUMONT, B, « Les conflits asymétriques : l'avenir de la guerre ? », Revue Internationale et Stratégique, Puf, 2003, p.191 ;

9. DESPORTES, V, « Peut-on encore gagner une guerre ? », in Défense et Sécurité Internationale, No 74, Octobre 2011, pp. 44-53 ;

10. DAGUZAN, J-F, « D'Al-Qaïda à AQMI, de la menace globale aux menaces locales », Diploweb, mercredi 28 Décembre 2011 ;

11. DINAND, C-H, « Le sud libyen une poudrière régionale. Entre trafics et terrorisme »,Diploweb, lundi 01 Février 2016 ;

12. Document de Travail, « Terrorisme et Trafic de drogue en Afrique subsaharienne », Institut Espagnol d'études stratégiques et l'institut militaire de la documentation de l'évaluation prospective ;

13. DOSSIER IRIS, « Afghanistan, 10 ans de conflit », 16ème Conférences Stratégiques annuelles de l'IRIS organisées le 11 mai 2011 à Paris ;

14. DOSSIER VIGIE, « Boko Haram, Comprendre le Terrorisme pour mieux le Combattre », Bulletin d'Analyse Stratégique et Prospective de l'EIFORCES, Nos 003 et 004, Décembre 2014;

15. Fédération Internationale des Droits de l'Homme, « Nigéria, les crimes de masse de Boko Haram », Rapport, Février 2016 ;

16. FIONRINA, J-F, « Religion et frontières en Afrique », Clés, Notes d'Analyse géopolitique, Février 2015 ;

17. FONTIER, M, « Des armées africaines : comment et pourquoi faire ? », in Outre-terre, No2005 ;

18. GALY, M, « La guerre au Mali, comprendre la crise au Sahara et au Sahel enjeux et zones d'ombre », Nouvel Observateur ;

19. ANDREANI Giles, « La guerre contre le terrorisme. Le piège des mots », http://www.diplomatie.fr/fr/IMG/pdf/FDOO ;

20. Giles DORRONSORO, « l'Otan en Afghanistan : l'Avenir incertain du Titanic », Le Monde, 29 septembre 2007 ;

21. GOURDIN, P, « Géopolitique du Mali : Un Etat failli ? », Diploweb, 23 Septembre 2012 ;

22. GUIBAUD, P, « Boko Haram : Le nord-Cameroun dans la tourmente ? », Eclairage, GRIP, 3 Juin 2014 ;

23. HAM Carter, « Armées africaines : pourquoi sont-elles si nulles ? », Jeune Afrique, 27 Septembre 2012, p.26 ;

24. HELLY, D, Theroux-Benoni, L-A, GALEAZZI, G., MAIGA, I., OUEDRAOGO, F., « Stratégies Sahel: l'impératif de la coordination », in Note d'Analyse, No 76 Mars 2016, Institut d'Etudes de Sécurité ;

25. Le Monde Afrique, « L'impasse du contre-terrorisme au Sahel», 21 Décembre 2015 ;

26. LEPRI Charlotte, « Les leçons de la guerre en Afghanistan », N023- Fondation jean-Jaurès/Orion-Observatoire de la défense, 26 février 2013 ;

27. LOUNNAS DJALLIL, « Al-Qaïda au Maghreb Islamique et la crise malienne », Sécurité globale, Eté, 2012 ;

28. LARROQUE, A-C, « L'islamisme aujourd'hui : du quiétisme au djihadisme », Diploweb, samedi 10 Octobre 2015 ;

29. MARGAUX, S., « Boko Haram : face à sa régionalisation », Diploweb, samedi 19 Mars 2016 ;

30. MBIA YEBEGA, G-H., « Terrorisme et contre-terrorisme en Afrique Centrale : Quelle vision stratégique pour le Tchad et Cameroun ? », In Groupe de Recherche et d'Information sur la Paix et la Sécurité, No 15, Janvier 2015 ;

31. MEHDI TAJE, « Terrorisme, crise au Mali : Pourquoi le Sahel est une région si sensible ? », Nouvel Observateur ;

32. MEMIER, M., « Que reste-t-il d'AQMI dans le nord Mali ? Evaluation des conséquences de l'Opération Serval », Note d'Analyse du GRIP, 12 Décembre 2013 ;

33.  MICHIAILOF, S., « Face à l'expansion de Daesh en Libye et au risque de déstabilisation du Sahel : La réponse ne peut-être uniquement militaire », Diploweb, dimanche 21 Février 2016 ;

34. MOUAHA-BELL, Stans., « Combattre en coalition les groupes armés terroristes : principes et pratiques dans les engagements contemporains en Afrique », Ecole Supérieure Internationale de Guerre de Yaoundé, 2015 ;

35. Pérouse de MONTCLOS, M-A., « Boko Haram et le terrorisme au Nigéria : Insurrection religieuse, contestation politique ou protestation sociale », in Questions de Recherche No 40, juin 2012 ;

36. Pérouse de MONTCLOS, M-A, « Où va l'islam en Afrique de l'Ouest ? », In Développement et Civilisations, No 413, 2013 ;

37. Rapport Afrique de Crisis Group, No241, « Cameroun : faire face à Boko Haram », 16 novembre 2016 ;

38. Rapport Afrique d'International Crisis Group No230, 21 Septembre 2015 ;

39. Rapport GAFI, « Financement du terrorisme en Afrique de l'Ouest », Octobre 2013 ;

40. Rapport PANYARACHUN, « Un monde plus sûr : Notre affaire à tous », Rapport du groupe de personnalité de haut niveau sur les menaces, les défis et le changement, Nations Unies, 2004, p.109 ;

41. Rapport sur l'Afrique de l'Ouest « La Force multinationale de lutte contre Boko Haram : quel bilan ? », Institut d'Etudes de Sécurité, N019, août 2016 ;

42. TANGUY Struye de Swielande, « La grande stratégie américaine dans l'après 11 septembre », Stratégique, N086-87.

43. TAWFIK Mouline, M, « La sécurité au Sahel après la crise du Mali : quels enjeux et défis pour les pays régionaux et internationaux ? », In Séminaire International, organisé le 28 mars 2014 à Rabat No04/2014 ;

44. TISSERON, A, « Lutte contre le terrorisme au Sahara : La militarisation comme solution ? », Recherches Internationales, No 97, octobre-décembre 2013, pp.111-113 ;

45. UNODC, « Criminalité transfrontalière organisée en Afrique de l'Ouest : Une évaluation des menaces », février 2013 ;

46. VANDENDRIESCHE, « Comprendre et Lutter contre les groupes armés au Sahel », In Note de Recherche, Thinking Africa No24, janvier 2016 ;

47. VILANOVA, P., Paule de Castro, « Mali-Sahel, de la crise à l'intervention militaire de 2013 », in Secteurs stratégiques sécurité et politique ;

48. WELDLING, C., « Approche globale ; Quelle efficacité ? », in Défense et Sécurité Internationale, No 67, février 2011.

D- Thèses et Mémoires

1. DIALO Boubacar, Les armées de l'Afrique de l'Ouest face à la menace des groupes politico-militaires : La consolidation des alliances comme alternatives, Ecole Supérieure Internationale de Guerre de Yaoundé, mémoire de Géopolitique, 2014 ;

2. HEUNGOUP Hans De Marie, Le BIR et la GP dans la politique de défense et de sécurité du Cameroun : socioanalyse du rôle présidentiel, des concepts stratégiques et de l'emploi des forces, Université Catholique d'Afrique Centrale, mémoire de Master en Gouvernance et Politiques Publiques, 2011 ;

3. MPAY, J-C., Les forces de défense et le maintien de la paix en Afrique, Ecole Supérieure Internationale de Guerre de Yaoundé, mémoire de Géopolitique, 8e promo, 2012-2013 ;

4. SELESSON Noël Bienvenu, Les forces de défense africaine : Quelle approche face aux nouveaux conflits ?, Cours Supérieur International de Défense, mémoire de Géopolitique, 2011 ;

5. NANA NGASSAM, R., Les défis du terrorisme au Sahel. AQMI une menace stratégique ?, Université de Douala, mémoire de Master en science politique, 2014 ;

6. MESSINGA, E-C., Les forces de défense camerounaises face aux nouvelles formes de menaces à la sécurité : d'une armée de garde vers une armée d'avant-garde 1960-2010, Université de Yaoundé II-SOA.

TABLE DES MATIERES

AVERTISSEMENT i

DEDICACE ii

REMERCIEMENTS iii

SIGLES ET ABREVIATIONS iv

LISTE DES ILLUSTRATIONS vii

RESUME viii

ABSTRACT ix

SOMMAIRE x

INTRODUCTION GENERALE 1

1.1. CONTEXTE D'ETUDE 2

1.2. DELIMITATION DE L'ETUDE 5

a - Délimitation spatiale 5

b - La délimitation temporelle 5

1.3. INTERET 6

1.3.1. Intérêt scientifique 6

1.3.2. Intérêt stratégico-politique 7

1.3.3. Intérêt social 7

1.4. CLARIFICATION CONCEPTUELLE 7

1- Difficultés 8

2-Armées nationales 8

3-Lutte 10

4-Terrorisme 10

1.5. REVUE DE LITTERATURE 13

1.6. PROBLEMATIQUE 24

1.6.1. Question de recherche 25

16.2. Hypothèses de recherche 25

1.7. METHOLOGIE DE RECHERCHE ET DE COLLECTE DES DONNEES 26

1.7.1. La théorie et l'analyse stratégique 26

1.7.2. Les instruments de collecte de données 28

a - Les entretiens et l'observation (les sources de première main) 28

b - Les documents (sources de première et seconde main) 29

1.8. PLAN DE L'ETUDE 29

PREMIERE PARTIE 31

L'ACTION DES FORCES ARMEES NATIONALES DANS LA LUTTE CONTRE LES GROUPES TERRORISTES 31

CHAPITRE 1 33

LES DIFFICULTES DES FORCES ARMEES NATIONALES DANS LES THEATRES D'OPERATIONS DE LUTTE ANTITERRORISTE 33

SECTION 1 : LES MANOEUVRES DES ARMEES AMERICAINE ET FRANCAISE EN AFGHANISTAN 34

PARAGRAPHE 1 : l'ARMEE AMERICAINE DANS LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME EN AFGHANISTAN 36

A- PROJECTION DES FORCES ARMEES AMERICAINES DANS LA « GUERRE GLOBALE » CONTRE LE TERRORISME SUR LE THEATRE AFGHAN 37

B-INCAPACITE POUR L'ARMEE AMERICAINE DE REMPORTER LA VICTOIRE DECISIVE FACE AUX TERRORISTES 39

PARAGRAPHE 2 : L'ACTION DE L'ARMEE FRANCAISE DANS LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME EN AFGHANISTAN 42

A-L'ENGAGEMENT DES FORCES ARMEES FRANCAISES DANS LE THEATRE AFGHAN 43

B-L'ENLISEMENT DES FORCES ARMEES FRANCAISES DANS LE CONFLIT AFGHAN 45

SECTION 2 : LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME AU SAHEL ET DANS LE BASSIN DU LAC TCHAD : CAS DES ARMEES MALIENNE ET NIGERIANE 47

PARAGRAPHE 1 : L'ARMEE MALIENNE DANS LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME AU SAHEL 48

A-LE DISPOSITIF OPERATIONNEL DE L'ARMEE MALIENNE FACE A LA MENACE GROUPES ARMES TERRORISTES 48

B-LA DEROUTE DE L'ARMEE MALIENNE FACE AUX ORGANISATIONS TERRORISTES DANS LA GUERRE DE 2012 51

PARAGRAPHE 2 : L'ARMEE NIGERIANE FACE AU TERRORISME DE BOKO HARAM 54

A-LE DISPOSITIF OPERATIONNEL DE L'ARMEE NIGERIANE FACE AU TERRORISME DE BOKO HARAM 55

B-LE MAINTIEN DE L'INITIATIVE PAR BOKO HARAM SUR L'ARMEE NIGERIANE 58

CONCLUSION DU CHAPITRE 61

CHAPITRE 2 62

L'ARMEE CAMEROUNAISE FACE AU GROUPE TERRORISTE BOKO HARAM 62

SECTION 1 : LE MAILLAGE STRATEGIQUE DES FORCES ARMEES CAMEROUNAISES POUR PARER AU TERRORISME DE BOKO HARAM 64

PARAGRAPHE 1 : LE DISPOSITIF OPERATIONNEL DE L'ARMEE CAMEROUNAISE MIS EN OEUVRE POUR CONTENIR LE TERRORISME DE BOKO HARAM 65

A-LE DEPLOIEMENT DE L'ARMEE REGULIERE DANS LA PARTIE SEPTENTRION DU PAYS 66

B-LE DEPLOIEMENT DES UNITES D'ELITE DE L'ARMEE 68

PARAGRAPHE 2 : LE REAJUSTEMENT DE LA CARTE TERRITORIALE DE COMMANDEMENT DE L'ARMEE CAMEROUNAISE 70

A-LA CREATION D'UNE 4E REGION MILITAIRE SPECIFIQUE 71

B-L'OPERATIONNALISATION ET LE REDEPLOIEMENT DES UNITES DE COMBAT DE L'ARMEE REGULIERE 72

SECTION 2 : LA MONTEE EN PUISSANCE DE L'ARMEE CAMEROUNAISE DANS UNE ACTION COALISEE DE LUTTE CONTRE BOKO HARAM 73

PARAGRAPHE 1 : L'ARMEE CAMEROUNAISE DANS LA MUTUALISATION DES FORCES DANS LA LUTTE CONTRE BOKO HARAM 74

A-L'OPERATION LOGONE 2015 74

B-L'OPERATIONNALISATION DE LA FORCE MULTINATIONALE MIXTE DE LA CBLT 77

PARAGRAPHE 2 : LA MODIFICATION DU FORMAT DE FORCE DE L'ARMEE CAMEROUNAISE 79

A-L'ADAPTATION DE L'ARMEE CAMEROUNAISE A LA NATURE ASYMETRIQUE DES COMBATS 80

B-L'EMULATION DU TRYPTIQUE PEUPLE-ARMEE-NATION DANS LA LUTTE CONTRE BOKO HARAM 83

CONCLUSION DU CHAPITRE 85

CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE 86

DEUXIEME PARTIE 87

L'INSUFISANCE DE L'ACTION DES FORCES ARMEES DANS LA LUTTE CONTRE LES GROUPES TERRORISTES 87

CHAPITRE 3 89

LES DIFFICULTES DE L'ARMEE CAMEROUNAISE A COMBATTRE LE GROUPE TERRORISTE BOKO HARAM 89

SECTION 1 : UNE STERATEGIE ANTITERRORITE DIFFICILE A METTRE EN OEUVRE FACE A LA COMPLEXITE DE LA MENACE TERRORISTE 91

PARAGRAPHE 1 : LA CONCEPTION DE L'ARMEE CAMEROUNAISE : UN ANDICAP DANS LA LUTTE CONTRE BOKO HARAM 91

A-L'ARMEE CAMEROUNAISE UN INSTRUMENT DE SANCTUARISATION DE L'ESPACE NATIONAL 92

B-L'ARMEE CAMEROUNAISE UN OUTIL DE DEFENSE PREPARE A LA GUERRE CONVENTIONNELLE 96

PARAGRAPHE 2 : LES DIFFICULTES POUR L'ARMEE CAMEROUNAISE A IDENTIFIER ET A CIRCONSCRIRE LES MOTIVATIONS REELLES DE BOKO HARAM 98

A-L'AMBIGUITE SUR LES MOTIVATIONS DU GROUPE TERRORISTE 99

B-LA TRANSNATIONALITE DE LA MENACE TERRORISTE 102

SECTION 2 : LES DIFFICULTES POUR L'ARMEE CAMEROUNAISE A REMPORTER LA VICTOIRE DECISIVE SUR LE PLAN OPERATIONNEL 104

PARAGRAPHE 1 : L'IRREGULARITE DES METHODES DE COMBAT DU GROUPE TERRORISTE 104

A-LA NATURE HYBRIDE ET DIFFUSE DES METHODES DE COMBAT DE BOKO HARM 105

B- LA CAPACITE D'ADAPTATION DU GROUPE TERRORISTE 106

PARAGRAPHE 2 : DIFFICULTES DE PROJECTION DES FORCES DANS LES OPERATIONS ANTI-BOKO HARAM 108

A-DIFFICULTES D'OPERER LES MANOEUVRES MILITAIRES DANS LES ZONES DE COMBATS 108

B-INADAPTATION DE LA FORCE MILITAIRE A LA NATURE ASYMETRIQUE DES COMBATS 110

CONCLUSION DU CHAPITRE 112

CHAPITRE 4 113

LES DEFIS POUR UN RECADRAGE DE L'ACTION DES ARMEES NATIONALES DANS LA LUTTE ANTITERRORISTE 113

SECTION 1 : LES DEFIS POUR L'ARMEE CAMEROUNAISE DE METTRE EN OEUVRE UNE STRATEGIE CLAIRE ET PRECISE DE LA MENACE TERRORISTE 114

PARAGRAPHE 1 : UN DEFI STRATEGIQUE ET TACTIQUE POUR L'ARMEE CAMEROUNAISE 115

A-LE DENI DE RECONNAISSANCE DE L'ENNEMI TERRORISTE 115

B-UN DEFI TACTIQUE 116

PARAGRAPHE 2 : S'ADAPTER AUX CARACTERISTIQUES DES NOUVELLES MENACES 118

A-LE PRIMAT D'UN FORMAT DE FORCE ADAPTE AUX SPECIFICITES ET A LA NATURE DE LA MENACE TERRORISTE 119

B-ADAPTER LE MODELE DE FORCES 120

SECTION 2 : LA NECESSITE D'UNE MUTUALISATION DES MOYENS DANS L'ANTI-TERRORISME 122

PARAGRAPHE 1 : L'EMULATION DU COUPLE ARMEE-NATION DANS LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME 122

A-L'APPUI DECISIF DES COMITES DE VIGILANCE 122

B-LE RENFORCEMENT DES RELATIONS CIVILO-MILITAIRES. 125

PARAGRAPHE 2 : POUR UNE MUTUALISATION DES FORCES ENTRE LES ARMEES DES PAYS LIMITROPHES CONFRONTES AU TERRORISME 127

A-LA NECESSITE D'UNE VISION GLOBALE ET DES CAPACITES PROACTIVES 127

B-LA NECESSITE D'UN PARTENARIAT STRATEGIQUE 129

CONCLUSION DU CHAPITRE 131

CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE 132

CONCLUSION GENERALE 133

PERSPECTIVES POUR UN RENFORCEMENT DES CAPACITES OPERATIONNELLES DES ARMEES NATIONALES DANS LA LUTTE ANTITERRORISTE 133

BIBLIOGRAPHIE 139

TABLE DES MATIERES X

* 1 Au sortir de la seconde guerre mondiale, l'on assiste à la formation de deux blocs antagonistes dans le camp des vainqueurs à savoir : d'un coté le bloc capitaliste sous la houlette des USA et de l'autre, le bloc communiste dirigé par l'URSS. Ainsi, de 1947 à 1991 la scène internationale est marquée par un affrontement idéologique (guerre froide) entre le monde capitaliste et le monde communiste.

* 2Le terme menace a plusieurs sens, elle « est un danger éventuel aux développements imprévisibles ». Mais, c'est la définition du rapport Panyarachun qui cadre avec le contexte de notre étude. Le Rapport Panyarachun considère ainsi comme menace « tout événement ou phénomène meurtrier qui compromet la survie ou sape les fondements de l'Etat en tant qu'élément de base du système international ».

* 3 Shantanu Chakrabarti, Privatisation of security in the Post War Period: an overview of its nature and implications, Institute for Defense Studies and Analyses, New Delhi, December 2009, p.xi.

* 4 L'Etat Islamique fait l'objet d'interprétations divergentes né d'inspiration d'Al-Qaïda, pour les USA et l'Union Européenne (UE), l'EI est une hydre auto-générée de criminels et de fanatiques sans aucun rapport avec l'Islam apparue pour conquérir les intérêts pétroliers avec la complicité des jeunes gens embrigadés sur internet. De nombreux pays arabo-musulmans voient dans l'EI une création américaine permettant de déployer le chaos au Moyen-Orient et ainsi mieux capter ses ressources. Les Iraniens quant à eux voient en revanche dans l'EI comme une création américaine pour détruire le chiisme.

* 5 Voir à ce sujet l'interview de Desportes, http://defense.blogs.lavoixdunord.fr/archives/2013/10/14general-vincent-desportes-12232.html

* 6 Cyrille Caron, « Anticiper sur les nouvelles menaces : Au-delà du combat », in Collège interarmées de défense, 2010, p.3.

* 7 Jean-Paul Joubert cité par Eustache Akono Atangane, in Les conflits Internationaux, Cours Magistral3eannéeSciencepolitique, Université de Yaoundé II, année académique 2012-2013.

* 8 Dario Battistella Cité par Eustache Akono Atangane, in Les conflits Internationaux, Cours Magistral 3E année, Science politique, Université de Yaoundé II, année académique 2012-2013.

* 9 Le général Vincent Desportes, La guerre probable : penser autrement, Economica, 2007, p.1.

* 10 La Doctrine est la lunette à travers laquelle les armées entrevoient leurs actions. La définition officielle américaine du terme « Doctrine » qui se trouve dans Le Dictionary of Military Terms est assez floue et complexe : « principes fondamentaux selon lesquels une force armée ou une partie de cette force oriente ses actions en fonction des objectifs. La Doctrine fait autorité, mais, requiert un jugement nuancé dans son application », pp18 et 19. Toutefois, c'est la définition du concept que donne l'International Military and Defense Encyclopédia qui parait approprier et Trévor N.Dupuy écrit que : « Dans le milieu militaire, la doctrine se comprend en fonction de la stratégie et de la tactique ; c est la base de la formation théorique et des exercices pratiques ; dans certains cas, elle permet aux militaires de mener le combat dans les opérations à venir ». Ainsi, à titre d'exemple la doctrine camerounaise d'emploi des forces , qui s'apparente à celle de plusieurs Etats africains repose sur le concept d'une défense populaire ferme du sanctuaire national qui suppose une riposte immédiate aux frontières nationales, en cas d'agression par une puissance ennemie. Tout en excluant toute attaque préventive, elle préconise le droit de poursuite.

* 11 Cyrille Caron, « Anticiper les nouvelles menaces : Au-delà du combat », op.cit. p.2.

* 12 Selon Carl Maria Von Clausewitz (1780-1831), général prussien l'un des principaux inspirateurs des doctrines stratégiques occidentales, pour lui la Guerre est « un acte de violence avec l'intention de contraindre l'opposant à accomplir ma volonté ». D'où sa célèbre formule : « la guerre est (...) une simple continuation de la politique par d'autres moyens ». D'où sa conception de la guerre comme ultime instrument de la politique.

* 13 Cette expression est de David Galula (1919-1968).

* 14 Lexique de science politique, Dalloz_2008, p.22.

* 15 Marc Frontier, Des armées africaines : comment et pourquoi faire ?, Carin info, Outre-Terre 2/ (n0 11), p. 347-374, consulté le 12 février 2015, URL : www.carin.info/revue-outre-terre-2005-2-page-347.htm

* 16 Dominique Bangoura, Etat et sécurité : des idéologies sécuritaires à l'insécurité ou l'incapacité de l'Etat à assurer ses fonctions de défense et de sécurité, in gemdev.org/publications/cahiers/PDF/24/cah_24_Bangoura.PDF, P. 154.

* 17 Encyclopaedia universalis, France, S.A, 1988.

* 18 Anicet Bolongi Ekoto Nzowu, L'Armée dans la stabilisation politique d'un Etat : cas de la RDC, Université pédagogique nationale, Licence en science politique 2009, https://www.memoireonline.com/.../L-armée-dans-la-stabilisation-politique-d-un-etat-cas-de-la-RDC.htlm

* 19 Alain Didier Olinga, « l'armée la construction et la construction de l'unité nationale », In Armée et Nation Ensemble pour Consolider la Paix et le Développement, Yaoundé, mai, 2009.

* 20 Arnaud Blin, Terrorisme : Histoires, formes et méditation, Questions Internationales, Dossier décembre 2004, p. 1.

* 21 Société Française pour le Droit International SFDI, « Les nouvelles menaces contre la paix et la sécurité internationales », Paris, éditions, A. Pedone, 2004, P. 34.

* 22 Brian Jenkis cité par Bruce Hoffman, la mécanique Terroriste, Calmann-Lévy, 1999, p. 39.

* 23 Isabelle Soumier, Le Terrorisme, Paris, 2000, p. 39.

* 24 Khader Bichara, Terrorisme islamiste localisé. Terrorisme islamiste globalisé. Essai de définitions. CERMAC, 15 mars, 2005, p. 1.

* 25 Gwenaëlle Calcerrada, cité par Rodrigue Nana, la « Tactique du faible au fort » : Apports et Limites des explications structurelles et stratégiques du terrorisme par la discipline des Relations Internationales, IEP de Bordeaux, SPIRIT, 26 aout 2010, p. 2.

* 26 Stephen Di Rienzo, « Terrorisme : une forme inédite d'expression de la puissance », in Politique Etrangère, été 2006, no 2, p. 375-384.

* 27 Alex Schmitt and Albert Jongman et Al political Terrorism: a new guide to actors, concepts, data bases, theories and literature, New Brunswick, Transaction Books, 1988.

* 28 Jean Marie Balancier : «Les Milles et un visage du Terrorisme contemporaine », in Questions Internationales, Documentation française, no 8, 2004, p.6.

* 29 Arnaud Blin, Terrorisme Histoires, op.cit.

* 30 Cyrille Caron, « Anticiper les nouvelles menaces : Au-delà du combat », Collège Interarmées de Défense, 2010, op. cit.

* 31 Cyrille Caron. Idem.

* 32 Ibid.

* 33 Vincent Desportes, « Peut-on encore gagner une guerre ? », Défense et Sécurité Internationale, N0 74, octobre 2011.pp.40-53.

* 34 Vincent Desportes, Op cit.

* 35 Cette expression est du général français Vincent Desportes pour qualifier les futurs engagements des forces armées.

* 36Messinga Claude Ernest, Les Forces Armées Camerounaises face aux nouvelles formes de menaces à la sécurité : d'une armée de garde vers une armée d'avant-garde 1960-2010, Université de Yaoundé 2-Soa, thèse pour le Doctorat/Ph.D en Science Politique, 2012, https://www.memoireonline.com/.../Les-forces-armées-camerounaises-face-aux-nouvelles-formes-de-menaces-la-securite-dune-arm.html

* 37Messinga Ernest Claude, Op cit.

* 38 Mouaha-Bell Stans, « Combattre en coalition les groupes armés terroristes : Principes et pratiques », ESIG, Cameroun, 2015.

* 39 Boubacar Diallo, « les Armées de l'Afrique de l'Ouest face à la menace des groupes politico-militaires : la consolidation des alliances comme alternative », mémoire de géopolitique, ESIG, 2014.

* 40 Laurence Aida Ammour, « les défis sécuritaires dans la zone Sahélo-Saharienne et leurs répercutions dans la région méditerranéenne », ponencia presentada en el IX seminario international sobre seguridad y defensa en el mediterraneo. Una visioncompartida para el mediterraneo y su vecindad, organizado en Barcelona por CIDOB y el Ministedad de Defensa el dia 25 de octubre de 2010, p. 1.

* 41 Pauline Guibaud, « Boko Haram : le nord-Cameroun dans la tourmente ? », Note d'analyse du GRIP, éclairage, 03 juin 2013.

* 42 Germain-Hervé Mbia Yebega, « Terrorisme et contre terrorisme en Afrique Centrale : Quelle vision stratégique pour le Tchad et le Cameroun ? », Groupe de Recherche et d'Information sur la Paix et la Sécurité, No 15, 22 janvier 2015.

* 43 Wulson Mvomo Ela, « L'Afrique Subsaharienne dans la géostratégie du terrorisme et du contre terrorisme : Défi politique, stratégique et opérationnel pour la communauté de défense et de sécurité », Vigie, Bulletin d'analyse stratégique et prospective, EIFORCES, Nos 003 et 004, décembre 2014.pp.30-38.

* 44 Jean-Eudes Biem, « Evolution du statut polémologique de Boko Haram face à la stratégie globale des Nations Unies en Afrique centrale : Esquisse de prospective intégrée », VIGIE, bulletin d'analyse stratégique et prospective de l'EIFORCES, Ns 003, 004, décembre 2014.

* 45 Gorges Bergezan, « Eradiquer Boko Haram : Acteurs multiples, résultats incertains », GRIP, 07 mars 2016.

* 46 Honoré Lucien Nombre, « Face au terrorisme, les défis de l'option militaire », in Défense Nationale, 2011.

* 47 Jeans-Eudes Biem, « Evolution du statut polémologique de Boko Haram face à la stratégie globale des Nations Unies en Afrique Centrale : Esquisse de prospective intégrée », op.cit.p.18.

* 48 Mohamed Tawfik Mouline, « La sécurité au Sahel après la crise du Mali : quels enjeux et défis pour les pays régionaux et internationaux », Séminaire international organisé le 28 mars 2014 à Rabat, no 04/2014.

* 49 Mfoula Edjomo Marie Thérèse Chantal, « La mobilisation sous régionale, continentale et internationale dans la lutte contre Boko Haram », in Vigie, Bulletin d'analyse stratégique et prospective, Nos 003 et 004, décembre 2014, pp.86-93.

* 50Mfoula Edjomo Marie Thérèse Chantal, Idem.

* 51 Wullson Mvomo Ela, « L'Afrique Subsaharienne dans la géostratégie du terrorisme et du contre terrorisme : un défi politique stratégique et opérationnel pour la communauté de défense et de sécurité », op.cit.p.18.

* 52 Koungou Léon, Boko Haram : Le Cameroun à l'épreuve des menaces, Harmattan. 2015. p.185.

* 53 Koungou Léon, Idem.

* 54 Un exercice binational entre 35 militaires des forces spéciales américaines et 70 militaires camerounais issus essentiellement du 3e BIR de Bamenda (région du nord-ouest du Cameroun), et du Centre Anti-terroriste de Limbé.

* 55 Madeleine Grawitz, lexique des sciences sociales, 5e éd, Paris, Dalloz, 1991, p. 113.

* 56 Beaud Michel, l'art de la thèse, Paris, la découverte, 1996, p. 38.

* 57 Cette expression est du général britannique Rupert Smith pour qualifier les guerres modernes.

* 58 Claude Bernard, introduction à la science expérimentale, Paris, Garnier, 1975, p.65.

* 59Karl Popper, la connaissance objective, Bruxelles, Ed, Complexe, 1978, p.82.

* 60 Carl Von Clausewitz, De la guerre, Paris, Editions Rivage poche, 2006.

* 61 Basil Liddell Hart, Strategy: the indirect approach, third edition, London, India: Natraj publishers, 2003.

* 62 Le général André Beaufre, Introduction à la stratégie, p.34.

* 63 General, Robert B. Neller, «The Marine Corps Operating Concept: How an Expeditionary Force Operates in the 21st Century», septembre 2016, P.1.

* 64 Bertrand De Jouvenel, De la politique pure, Paris, Calmann-Lévy, 1963, p.56.

* 65 Cf. Guy Mvelle, « interdisciplinaire et pluridisciplinarité en science politique. Contribution à une meilleure gestion des inconscients académique chez le jeune chercheur », in Revue Africaine d'Etudes Politique et stratégiques, no 5, 2008, p.234.

* 66 Centre de Recherche d'Etudes Politiques et Stratégiques.

* 67 http://news.bbc.co.uk/

* 68 Taliban est un mot pachtoune qui signifie étudiant. De nombreux talibans sont d'anciens élèves des écoles coraniques où l'on enseigne la loi islamique. Le mouvement armé des Talibans apparait dès 1990, composé de moudjahidine pachtounes démobilisés, de jeunes afghans réfugiés au Pakistan et des pakistanais défavorisés. Le mouvement se compose en deux courants distincts. Le premier serait composé de « vrais » Talibans, des fanatiques religieux souvent liés à ceux qui étaient au pouvoir entre 1996 et 2001. Le deuxième courant n'a pas fréquenté les écoles coraniques et rassemble des hommes pour la plupart des analphabètes : chefs de guerre, trafiquants et surtout paysans miséreux motivés principalement par la perspective d'un salaire.

* 69 Cette opération était baptisée « Justice sans limite » avant d'être rebaptisée plus tard « Liberté immuable ». Qui s'est suivi par le déploiement des forces américaines dans le golfe Persique.

* 70 http://www.isaf.nato.int/article/isaf-releases/index.php.

* 71 La guerre globale contre le terrorisme est officiellement présentée comme une guerre pour préserver les populations dans le choix de leur mode de vie.

* 72 Acronyme utilisé dans les documents américains.

* 73 Michael Howard, «What's a name. How to fight terrorism?» Foreign affairs, janvier-février 2002.

* 74 Olivier Roy, les illusions du 11 septembre, La république des idées, Seuil 2002, p. 9.

* 75 Pays qui a autorisé le stationnement des troupes américaines sur son sol dans la région.

* 76 Thythy Nsumbu Tshikala, L'apport des USA dans la lutte contre le terrorisme international, université de Kinshasa, Licence 2008, https://memoireonline.com/.../Lapport-des-USA-dans-la-lutte-contre-le-terrorisme-international.html

* 77 Le 9 septembre 2001, le commandant Massoud, héros de la résistance afghane a été assassiné par deux tunisiens appartenant à l'organisation Al-Qaïda.

* 78 Zune Stephen, la poudrière, la politique américaine du Moyen Orient et les racines du terroriste, Paragon, 2002, p. 22.

* 79 Zune Stephen, op. cit. P.24.

* 80 Thythy Nsumbu Tshikala, L'apport des USA dans la lutte contre le terrorisme international, op. cit.

* 81 De nationalité américaine.

* 82 Walzer Michael, De la guerre ou le terrorisme, Bayard, Paris, 2004, p. 70.

* 83 French people daily, « un soldat de l'OTAN tué dans le Sud de l'Afghanistan », 4 septembre 2012.

* 84 « (...) Contre le terrorisme, ce n'est pas une guerre qu'il faut engager » ; déclaration du gouvernement français sur la situation du Proche-Orient et la participation de la France à la mise en oeuvre de la résolution 1701 (2006) adoptée par le Conseil de Sécurité des Nations Unies, par Dominique de Villepin, 7 septembre 2006.

* 85 Général Vincent Desportes, « enseignement stratégiques et militaires du conflit afghan », affaires-stratégiques.info, septembre 2011, p. 17.

* 86 Voir les propos de Yann Braem lors du colloque CERI/SD « l'action militaire extérieure de la France : enjeux et perspectives », 14 juin 2007.

* 87 Le CENTOM joue un rôle très important dans la lutte contre le terrorisme. Il a été créé en 1983 et son quartier général se trouve à Mac Dill en Floride. Il couvre une zone de responsabilité de 25 pays parmi lesquels les pays du Proche-Orient et les pays d'Asie centrale. Et la campagne militaire américaine d'Afghanistan a été sous son commandement.

* 88 Engagement d'une compagnie renforcée du 2e régiment d'infanterie marine (21e RIMa) chargée de sécuriser l'aéroport de Mazar-e- Sharif et Kaboul afin d'évaluer la situation et de prendre contact avec les forces spéciales américaines et les acteurs locaux ; engagement d'un détachement de 200 membres des forces spéciales aux côtés des forces spéciales américaines dans le sud de l'Afghanistan dans des actions de lutte contre les Talibans (missions de reconnaissance aérienne - 21 octobre 2001 - 8 février 2002 ; opérations aériennes offensives conduites par l'aéronavale et l'armée de l'air en appui direct des forces terrestres américaines).

* 89 La marine nationale contribuait à la guerre globale au terrorisme au travers du dispositif allié Enduring Freedom. A trois reprises, la France a assuré le commandement de la Task Force 150 (septembre 2003 - janvier 2004, juin - septembre 2004 et août - décembre 2005), une force marine composée de près de 10 bâtiments appartenant à huit pays, dont les USA, la Grande-Bretagne, le Pakistan, l'Allemagne, la France.

* 90 Créée le 20 décembre 2001, la résolution 1386 crée la Force Internationale d'Assistance et de Sécurité sous l'égide de l'OTAN et l'autorise à opérer en Afghanistan, avec pour missions : protéger le peuple afghan par lutte contre l'insurrection ; renforcer les capacités des forces de sécurité afghanes ; permettre le développement économique et la reconstruction politique du pays.

* 91 En visite en Afghanistan le 17 décembre 2006, le Ministre de la Défense a annoncé le retrait, en janvier 2007, de 200 Forces Spéciales qui opéraient sous commandement américain (proche de la frontière avec le Pakistan) et le lancement d'un programme d'entrainement des forces spéciales afghanes.

* 92 Institut des Relations Internationales et Stratégiques.

* 93 L'express, l'Afghanistan : le sommet de Chicago a acté la défaite de l'OTAN, 24 2012.

* 94« Dix semaines à Kaboul- Chroniques d'un médecin militaire », Patrick Clervoy, Editions Steinkis, 2012.

* 95 Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (UNODOC), Programme Sahel 2013-2017 « Renforcer le Sahel contre le crime et le terrorisme », Rapport d'activités, janvier 2016, p. 25.

* 96 Groupe des 5 du Sahel (G5 Sahel) a vu le jour à Nouakchott (Mauritanie), le 19 décembre 2014. Le G5 Sahel regroupe le Burkina Faso, le Mali, le Niger, La Mauritanie et le Tchad. Il a pour objectif : de garantir des conditions de développement et de sécurité dans l'espace des pays membres ; d'offrir un cadre stratégique d'intervention permettant d'améliorer les conditions de vie des populations ; d'allier le développement et la sécurité, soutenu par la démocratie et la bonne gouvernance dans un cadre régional et international mutuellement bénéfique et de promouvoir le développement inclusif et durable.

* 97 Claude-Henry Dinand, « le sud de la Libye une poudrière régionale : entre trafics et terrorisme », www.diploweb.com , consulté le lundi 01 février 2016.

* 98 Modibo Keita, « La résolution du problème touarègue au Mali et au Niger », Note de recherche du GRIP, no10 juillet 2002, p. 4.

* 99 Battistella Dario, Théories des Relations Internationales, paris, les Presses de Sciences PO, 2006.

* 100 Antonin Tisseron « Enchevêtrements géopolitiques autour de la lutte contre le terrorisme dans le Sahara », Hérodote, no 142, La Découverte, 3e trimestre 2011, p.99.

* 101 Ceux-ci comprennent les programmes d'aide à la lutte contre le terrorisme, d'interdiction du terrorisme et d'autres programmes liés du département d'Etat américain. Voir département d'Etat américain, « Congressional Budget Justification : Foreign Operations, Fiscal Year 2010 », http://www.state.gov/documents/organization/123415.pdf.

* 102 Le TSCTP comprend les pays pan-sahéliens suivants : le Mali, la Mauritanie, le Niger, et le Tchad, ainsi que l'Algérie, le Maroc, le Nigéria, le Sénégal et la Tunisie.

* 103Pour une présentation du programme, voire : http://www.africom.mil/tsctp.asp.

* 104 Etat-major du commandement militaire des Etats-Unis pour l'Afrique, « Le Partenariat Transsaharien Contre leTerrorisme (Trans-Sahara Counter Terrorism Partenership TSCTP) », n.d. http//www.africom.mil/tsctpEnFrançais.asp.

* 105 L'Espagne, la France, le Royaume-Uni, l'Allemagne et les Pays-Bas ont apporté une assistance lors de ses exercices.

* 106 Hélène Bravin, la question touarègue, www.defnat.com/site_fr/pdfBravin1.pdf, p. 1.

* 107 Un ancien rebelle touareg des années 1990, plus connu pour son opportunisme. Il est d'ailleurs connu pour rôle de négociateur lors des prises d'otages dans la région.

* 108 Mali : Hamada Ould Mohamed El Kheirou, le cerveau du Mujao, L. Touchard, B Ahmed, Ch. Ouazani, Jeune Afrique, 3 mars 2012.

* 109 Un ancien vétéran de la guerre d'Afghanistan et ancien commandant d'AQMI entré en dissidence avec le réseau mère.

* 110 Idem.

* 111 Patrice Gourdin, « Al-Qaeda au Sahara et au Sahel. Contribution à la compréhension d'une menace complexe », www.Diploweb.com, le 11 mars 2012, p. 13. Op. cit.

* 112 « Adrar » signifie « montagne » dans les langues berbères.

* 113 Michel Goya, « Mali : l'intervention militaire en perspectives », www.Diploweb.com, 21 juin 2013.

* 114 Au sens de William S. Lind dans « The changing Face of the War: Into the Fourth Generation » (1989). Voire également Mary Kaldor (2012), New and old Wars: organization violence in Global Era, Cambridge: polity.

* 115 Julia Dufur et Claire Kupper « Groupes armées au Nord-Mali : état des lieux », Note d'Analyse du GRIP, 6 juillet 2012, p. 3.

* 116 El Watam, cité dans « Comment le sahel est devenu une poudrière », Le Monde Diplomatique, avril 2012.

* 117 Mehdi TAJE, « la réalité de la menace d'AQMI à l'aune des révolutions démocratiques au Maghreb », Géostratégie no 32. 3e Trimestre 2011, p. 292.

* 118 Mohamed Yusuf a étudié la théologie à l'université de Médine en Arabie saoudite. Il s'inspire des prêches intolérants de l'égyptien Shukri Mustafa. Fondé sur l'excommunication et l'exil, profère de violentes critiques à l'endroit des autorités nigérianes et s'oppose notamment aux fidèles d'un aux fidèles d'un autre prêcheur nigérian, Abubakar Gumi, idéologue du mouvement néo-hanbalite Yan Izala, décédé en 1992 (le hanbalisme est le rite le plus rigoriste des quatre écoles de pensée religieuse de droit musulman de l'islam sunnite).

* 119 12 des 36 Etats de ce pays le plus peuplé du continent africain appliquent déjà cette loi islamique.

* 120 Boko Haram estime que la culture occidentale et en particulier l'école occidentale, présenté comme le bras armé de l'expansionnisme occidental est un péché.

* 121 Sanni Umaru, membre de Boko Haram se présentant comme le successeur du leader charismatique de Boko Haram affirme au mois d'aout 2009 que les combats de juillet 2009 ont fait 1000 morts parmi les combattants de la secte islamiste. Voir sur internet dans url http://allafrica.com/stories/200908150006.html.

* 122 Curbing Violence in Nigeria (II): The Boko Haram Insurgency, Crisis Group Africa Report no 216, ICG, 3 avril 2014.

* 123 Nigeria : Boko Haram kills 2,053 civilians in 6 months, human rights watch, 15 juillet 2014.

* 124 David Blair, Boko Haram is now a mini-Islamic State, with its own, The Telegraph, 20 janvier 2015.

* 125 Priscilla Sadatchy, Boko Haram, un an sous état d'urgence, Note d'Analyse du GRIP, 3 juin 2014.

* 126 Vincent Duhem, Lutte contre Boko Haram : les couacs de la coopération entre le Tchad et le Nigéria, Jeune Afrique, 27 mars 2015.

* 127Nigeria army arrests Senior Officers, African Defense, 30 janvier 2015.

* 128 Nigeria drafts in foreign mercenaries to take on Boko Haram, Reuters, 12 mars 2015; Nigeria taps South African Mercenaries in fight against Boko Haram, Foreign Policy, 12 mars 2015; Boko Haram: Etat islamique, armes françaises et mercenaries sud-africains...Jeune Afrique, 12 mars 2015 ; Adam Noster, Mercenaries join Nigeria's military campaign against Boko Haram, The York Times, 12 mars 2015.

* 129 Boko Haram: Nigerian military moves command centre to Maiduguri, Premium Times, 8 juin 2015; Military bows to Buhari, moves command, control centre to Maiduguri, Vanguard, 8 juin 2015.

* 130 Nigeria: nouvel attentat à Maiduguri, le président limoge les chefs militaires, France 24, 13 juillet 2015 ; Nigerian president replaces military's top brass, Aljaweera, 14 juillet 2015.

* 131 Nigeria's president: Ex-officer stole billions in arms deals, Associated Press, 18 novembre 2015.

* 132 Boko Haram crisis: Nigerian military chiefs given deadline, BBC News 13 aoùt 2015.

* 133 Nigeria army court-martial sentences Brigadier general Ransome-Kuti to six months in jail, Sahara Reporters, 15 octobre 2015.

* 134 Frédéric Powelton, Boko Haram : le président Buhari impuissant face à la secte terroriste, Sahel intelligence, 2 octobre 2015.

* 135 Ndahi Marama, Boko Haram kills soldier, 6 others in fresh Borno attacks, vanguard, 30 novembre 2015.

* 136 Nigeria stells Chad, aims to beat Boko Haram before election, Reuters, 3 mars 2015.

* 137 Vincent Duhem, op. cit.

* 138 Fanny Pigeaud, Dans la lutte contre Boko Haram, le Tchad jugé ambigu, Mediapart, 16 février 2015.

* 139 Voire Ebogo Franck, Hydro-politique et Hydro-stratégie du Cameroun : collisions et collusions des trajectoires dans la gestion des sources et des ressources en eaux, Université de Yaoundé 2, Thèse de Doctorat P.D en science politique, DEA Master recherche en science politique, juin 2013, p 5.

* 140 Ntuda Ebode Vincent Joseph, « cinquante ans de politique camerounaise des frontière. D'une conception géopolitique à la construction géoéconomique des zones de contact », In Annales de l'Université de Toulouse 1, Capitole, Vol. L2, 2010-2011, p 63.

* 141Libye, Cameroun, Centrafrique...l'effet domino du terrorisme, Jeune Afrique, 4 juin 2014.

* 142 Haart Liddel Basil, Strategy: the indirect approach, third edition, London, India: Natraj Publishers, 2003.

* 143Stratégie maritime, stratégie aérienne, stratégie terrestre.

* 144Stratégie de dissuasion, stratégie de coercition.

* 145Stratégie des armements.

* 146 Alain Didier Olinga, « l'armée et la construction de l'unité nationale », op. cit.

* 147Ntuda Ebodé Vincent Joseph, « l'armée et l'édification de la nation camerounaise », Armée et Nation, Ensemble pour Consolider La Paix et le Développement, Yaoundé, mai, 2009.

* 148 Pauline GUIBBAUD, op.cit.

* 149 Priscilla Sadachy, « Boko Haram : un an sous état d'urgence », Note d'Analyse du GRIP, Bruxelles, 3 juin 2014.

* 150 « Terrorisme : la menace Boko Haram aux portes du Cameroun », Jeune Afrique, 4 avril 2014.

* 151 « Fotokol, Boko Haram exige la fermeture des bars et des auberges », L'oeil du Sahel, 5 novembre 2012 ; « Boko Haram chasse les évangélistes d'Amchidé », L'oeil du Sahel, 7 janvier 2013, cité par Rapport Afrique de Crisis Group : « Cameroun : faire face à Boko Haram », no 241, 16 novembre 2016 pp.9-10.

* 152 « Le Cameroun, plaque-tournante d'un trafic d'armes destinées à Boko Haram », op.cit.

* 153 « Fotokol : le film des affrontements entre l'armée et Boko Haram », L'oeil du Sahel, 7mars 2014.

* 154 Les forces de défense camerounaises sont réparties dans quatre régions militaires interarmées (RMIA), le concept émergence date depuis la réforme des forces armées camerounaises en 2001, mais a été opérationnalisé face à la menace de Boko Haram. Entretien avec un officier au ministère de la défense en septembre 2016.

* 155 L'Opération Alpha est distincte de l'opération Emergence 4.

* 156Bataillon Léger d'Intervention

* 157 Hans De Marie Heungoup, Le BIR et la GP dans la politique de défense et desécurité du Cameroun : socioanalyse du rôle présidentiel, des concepts stratégiques et de l'emploi des forces, Université Catholique d'Afrique Centrale, mémoire de Master 2 en Gouvernance et politiques publiques, 2011, https://www.memoireonline.com/.../m_Le-BIR-et-la-GP-dans-la-politique-de-defense-et-de-securite-du-Cameroun-Socioanalyse-du-rle-pr0.html

* 158 Pelene François, « Bataillon d'Intervention Rapide, composante essentielle des forces de défense », in Honneur et Fidélité, n°spécial du 20mai 2009, p30.

* 159 Entretien avec un officier de l'Opération Alpha. Op. cit.

* 160 Compagnie Anti-terroriste.

* 161 Entretien avec un lieutenant-colonel du BIR à Maroua, en mai 2016.

* 162 Rapport Afrique de Crisis Group « Cameroun : faire face à Boko Haram », op.cit.

* 163 Ateba Eyene Charles, Le Général Pierre Semengue. Toute une vie dans les Armées, Yaoundé, Editions clé, 2002.

* 164 Le Cameroun se dote d'une 4ème région militaire interarmées à Maroua, op.cit.

* 165 Les BRIM sont des unités tactiques de combat de l'armée de terre, dont la création remonte à la réforme de l'armée camerounaise en 2001 et dont l'activation a été faite en 2014.

* 166 La création des commandements opérationnels permet de confier, à titre provisoire, des missions spéciales de police aux militaires placés sous le commandement des généraux.

* 167 Libye, Mali, Cameroun, Centrafrique...l'effet domino du terrorisme, op.cit.

* 168 Entretien avec un officier militaire au ministère de la défense, op.cit.

* 169 FIDH, Nigéria : les crimes de masses de Boko Haram, op. cit. p.27.

* 170 Voir le rapport Afrique de Crisis Group, No 233, Tchad entre ambitions et fragilités, 30 mars 2016.

* 171 Christophe Chatelot, « Pourquoi le Tchad s'engage dans la lutte contre Boko Haram », Le Monde, 6 février 2015. Le bétail, qui représente 40% des exportations du pays et dont 90% partait vers le Nigéria, est particulièrement concerné (Gaëlle Laleix « Tchad : l'économie asphyxiée par l'insécurité », RFI, 10 mars 2015. Après le pétrole, l'exportation de bétail est la deuxième source commerciale de revenues du Tchad).

* 172 Cf, discours de Paul Biya devant les chefs de missions diplomatiques accrédités à Yaoundé le 8 janvier 2015.

* 173 Créée en 1998 par le Nigéria, le Tchad et le Niger initialement pour lutter contre la criminalité transfrontalière entre les trois pays, la MNJTF a été élargie pour inclure le Cameroun et le Benin, et couvrir les opérations de lutte anti-terroriste contre Boko Haram dans la région.

* 174 Entretien avec colonel du BIR à Maroua, op.cit.

* 175 Nigéria : Gambaru libérée par l'armée tchadienne, Alwihda Info, 3 février 2015.

* 176 Cameroun : Fotokol sous le choc après l'attaque sanglante de Boko Haram, RFI, 16 mars 2015.

* 177 « L'armée camerounaise pilonne Boko Haram au Nigéria », L'oeil du Sahel, 26 octobre 2015.

* 178 Entretien avec un lieutenant-colonel du BIR à Maroua, mai 2016.

* 179 Les pays membres de la CBLT sont composés du Nigéria, du Cameroun, du Niger, du Tchad, auxquels s'ajoute le Benin.

* 180 Union Africaine, communiqué de la 469e réunion du CPS, 25 novembre 2014, www.peaceau./uploads/cps-469-com-terrorisme-25-11-2014.pdf

* 181 Union africaine Communiqué de la 567e réunion du CPS sur le groupe terroriste Boko Haram, 14 janvier 2016, www.peaceau.org/fr/article567eme-reunion-du-cps-sur-le-groupe-terroriste-boko-haram

* 182 Commission du bassin du lac Tchad, 8e Sommet des chefs d'Etats et de gouvernements de la CBLT, Abuja (Nigéria), 21-23 mars 1994, dans Répertoire des décisions des Sommets des chefs d'Etat et de gouvernement : vol. 11964-2010, N'Djamena, 2011, www.cblt.org/sites/default/files/conference_chefs_etat.decision.fr_.pdf

* 183 Voir M Luntumbue, La CBLT et les défis sécuritaires du bassin du lac Tchad, Note n° 14, Bruxelles : Groupe de recherche d'information sur la paix et la sécurité, 2014, 6, www.grip.org/sites/grip.org/files/NOTES_ANALYSE/2014/Notes%20DAS%20-%20Afrique%20EQ/OB2011-54_GRIP_NOTE-14_CBLT.pdf.

* 184 Yaoundé : réunion de sécurité, LCBC News Magazine, février-juillet 2014, 32, www.cblt.org/sites/défault/files/maquette_cblt_mag_vf_13.pdf.

* 185 Rapport de la de la présidence de la commission de l'UA sur la mise en oeuvre du communiqué PSC/AHG/COMM.2 (CDLXXXIV) sur le groupe terroriste Boko Haram et les efforts internationaux connexes, voir point 9, 3 mars 2015, www.peaceau.org/fr/article/rapport-de-la-presidente-de-la-commission-sur-la-mise-en-oeuvre-du-communique-pcs-ahg-comm-2-cdlxxxiv-sur-le-groupe-terroriste-boko-haram-et-les-efforts-internationaux-connexes.

* 186 Voir Concept stratégique d'opération de la force multinationale mixte de la commission du bassin du lac Tchad pour la lutte contre Boko Haram, 24 février 2015.

* 187 Ibid.

* 188 L'expansion du territoire de Boko Haram aura par la suite conduit le Niger et le Tchad à retirer leurs troupes un plus d'un mois plus tard avant la prise de Baga par Boko Haram survenue le 13 janvier 2015. Voir Nigéria : Boko Haram s'empare d'une base militaire sur les rives du lac Tchad, Radio France Internationale, 5 janvier 2015, http://www.rfi/afrique/20150104-nigeria-boko-haram-s-empare-une-base-militaire-rives-lac-tchad.

* 189 Bien que chaque contingent national soit censé opérer à l'intérieur de ses frontières nationales, il leur est tout de même permis, selon des règles et les modalités particulières, d'opérer sur le territoire du pays voisin sur une distance inférieure à 25 km.

* 190 Les opérations Arrow sont les noms de baptême donné aux opérations menées par le BIR-Alpha en territoire nigérian.

* 191 Entretien avec un colonel du BIR-Alpha, op.cit.

* 192 Cameroon welcomes US Assistance against Boko Haram, Voice of America, 1er janvier 2016.

* 193 OBAMA sends, US troops, drones to Cameroon in anti-Boko Haram fight, Reuters, 14 octobre 2015.

* 194 Formation militaire : la France aux cotés des forces de défense camerounaises, communiqué de presse, Ambassade de France à Yaoundé, 6 octobre 2015.

* 195 Boko Haram : la France va déployer un détachement de liaison et de contact au Cameroun, zone militaire opex360.com, 17 mars 2015.

* 196 La France appuie le Cameroun dans sa lutte contre Boko Haram, journal du Cameroun.com, 18 mars 2015.

* 197 Cameroun coopération militaire : la France offre des véhicules tactiques tout-équipés à l'armée, Campost, 21 janvier 2016.

* 198 Le matériel de surveillance, les drones ont été achetés à Israël et aux USA, les blindés, hélicoptères et avions de combat à la Chine et à la Russie et en Afrique du Sud. Entretien avec un colonel du BIR à Maroua le 11 mai 2016.

* 199 Op.cit.

* 200 Le 30 avril 2015, le compte d'affectation spécial ouvert par le comité interministériel de gestion des dons affichait un montant de 1 milliard 29 millions, selon le président de ce comité.

* 201 Jean-Pierre Queneudec, Société Française pour le Droit Internationale, Les nouvelles menaces contre la paix et la sécurité internationale, Paris, éd A. Pedone, 2004, p.290.

* 202 Le CIDIMUC depuis sa création a organisé trois conférences qui ont réuni, à chaque fois des leaders religieux musulmans et chrétiens autour des thématiques paix et coexistence pacifique entre les peuples du Cameroun. La première conférence a eu lieu en 2009 sous le thème : « paix au Cameroun : une culture à enrichir », la 2e tenue en 2010 sous le thème : « la paix au Cameroun : une culture à consolider ». La troisième conférence s'est tenue en 2014 sous le thème : « Sécurité et paix au Cameroun : Enjeux, défis et responsabilité des acteurs sociaux ». Elle a vu la participation des autorités administratives et le chef de l'Etat camerounais a envoyé un représentant. Les discussions ont tourné autour de trois sous thèmes : 1. « De la construction à la consolidation de la paix » ; 2. « «les Imams : acteurs du maintien de la paix » et 3. «Le rôle du sermon de vendredi : théories et pratiques ».

* 203 Elle a organisé un colloque interreligieux dans la ville de Maroua, le 23 au 24 avril 2014 sous le thème « Chrétiens et Musulmans, ensemble pour la Paix. Fruit, défit et perspectives du dialogue interreligieux dans la Région de l'Extrême Nord » disponible sur internet sur l'adresse, fr.allafrica.com/stories/200801170614.html, « Association Camerounaise pour le Dialogue Interreligieux (ACADIR), colloque interreligieux. Maroua, 23-24 avril 2014.

* 204 Ibid.

* 205 Entretien avec un militaire du BIR-Alpha à Maroua-Salack, 5 mai 2016.

* 206 Voir entre autres, Le Petit livre rouge : citations de Mao Tsé-toung, chapitre VIII : « la guerre populaire ».

* 207 Cité par Jean Eudes Biem, op.cit.

* 208 Généralement des ressources, au premier rang desquelles le pétrole et les pierres précieuses.

* 209 Ela Ela ; La politique de défense du Cameroun depuis 1959 : contraintes et réalités, Thèse de Doctorat, Université de Nantes, UFR d'Histoire et Sociologie, 2000, p.38.

* 210 Ela Ela, op.cit. p.41.

* 211 Chaffard, G., Les carnets secrets de la colonisation, Tome 2, Calmann-Lévy, Paris, 1962, p.399.

* 212 Bangoura Dominique, Les Armées africaines : 1960-1990, la Documentation française, Paris, 1992, p.25.

* 213 Ordonnance N0 59/57 portant création de l'armée camerounaise et de l'organisation générale de la défense.

* 214 Onana Mfégué.

* 215Extrait du journal le Messager du 06mai 2011

* 216 Nkoa Atenga Camille, Army, In the mood of change, Honneur et Fidélité, numéro Spéciale, 2005, p.20-21.

* 217Décret portant réorganisation des formations de combat de l'armée de terre, op. cit.

* 218J.P Meloupou, «  les grands repères indicatifs », in Honneur et Fidélité, Yaoundé, MINDEF, décembre 2010, p. 9.

* 219Décret portant organisation des Forces de l'Armée de l'Air.

* 220Article 2 du Décret n°2002/037, op.cit.

* 221 Colonel ancien commandant le Secteur Militaire Terrestre n°3.

* 222Gabriel Metogo Atangana, in  les problématiques sécuritaires des frontières en Afrique, 2014, p. 95.

* 223 Ngouah N'gally Guillaume, Marine Nationale, Cap vers l'avenir, Honneur et Fidélité, Numéro spécial, 2005, p.24-25.

* 224 L'ordonnance portant création des forces armées camerounaises et organisation générale de la défense.

* 225 Voire les décrets du 25 juillets 2001 portants réformes de l'armée camerounaise.

* 226 La typologie des systèmes asymétriques utilisée ici est empruntée à Bruno Tertais (Dir), Atlas militaire et stratégique : menaces, conflits et forces armées dans le monde, Paris, Autrement, 2008. Cité par Jean Eudes Biem, « Evaluations du statut polémologique de Boko Haram face à la stratégie globale des Nations Unies en Afrique Centrale : Esquisse de prospective intégrée », Bulletin d'Analyse Stratégique et Prospective de l'EIFORCES, N0003 et 004, décembre 2014, p. 74.

* 227 Parmi les rares articles sur ce sujet, on peut citer: Abimbola Adesoji, « The Boko Haram Uprising and Islamic Revivalism in Nigeria », Africa Spectrum, vol. 45, n02, 2010, pp.54-67; « Between Maitatsine and Boko Haram: Islamic Fundamentalism and the Response of the Nigerian State», Africa Today, vol. 57, n04, 2011, pp. 99-119.

* 228 Dans son livre, Mohammed Yusuf s'opposait en l'occurrence au principe d'une séparation de la religion et de l'Etat. Pour lui, la démocratie platonicienne était une « doctrine de mécréants » parce qu'elle favorisait le polythéisme et défait les citoyens en proclamant le gouvernement du peuple par le peuple. A l'en croire, la justice était forcément d'essence divine et les hommes n'étaient pas en mesure d'arbitrer eux-mêmes les querelles. De plus, la liberté d'expression, la liberté d'association encourageait le blasphème et l'immoralité. Il convenait donc de condamner la règle de la majorité parce qu'elle pouvait entériner le règne de « l'erreur, de l'impiété et de la licence ». Mohammed Yusuf, This is our Faith and our Da'wa, Maiduguri, Al Fatha, vers 2005 (livre à compte d'auteur, interdit à la vente). p. 66.

* 229 Il est d'ailleurs fort possible qu'à l'occasion, certaines déclarations de guerre contre les universités aient obéi à des considérations très prosaïques. En septembre 2011, des menaces d'attaques contre les campus, relayées par des textos, auraient par exemple été lancées par les étudiants qui cherchaient à reprendre du travail en pleine période d'examen ! De fait, il est parfait utile d'invoquer les questions religieuses pour régler les comptes. Lors d'une autre affaire qui avait défrayé la chronique en mars 2007, une enseignante chrétienne de Gandu (Etat de Gombé) avait été accusé d'avoir profané le Coran et tuée parce qu'elle avait surpris et renvoyé les étudiants musulmans en train de tricher aux examens.

* 230 Ouba Abdoul-Bagui, « De la contagion islamiste dans l'Extrême-Nord du Cameroun : risques et limites », Bulletin d'Analyse Stratégique et Prospective de l'EIFORCES, N0 003 et 004, décembre 2014, p. 42.

* 231 « Tendances, profil et déterminants de la pauvreté au Cameroun entre 2001 et 2014 », Institut national de la statistique (INS), décembre 2015, p.43.

* 232 Le Tramol ou Tramadol est un puissant antalgique sous forme de comprimés, fabriqué légalement en Inde et commercialisé illégalement au Nigéria, d'où des trafiquants l'achètent pour approvisionner les pays voisins. Courriels de Crisis Group, universitaires à Maroua, juillet 2016. Cyril Musila, « L'insécurité transfrontalière dans la zone du bassin du lac Tchad », Institut français des relations Internationales (IFRI), juillet 2016.

* 233 « Cameroun : faire face à Boko Haram », Rapport Afrique de Crisis Group N0241, 16 novembre 2016, p.3.

* 234 L'ethnie Kanuri est très souvent stigmatisée et pointée du doigt comme étant complices des islamistes de Boko Haram, du fait de l'appartenance d'une grande majorité des membres de Boko Haram à l'ethnie Kanuri.

* 235 Priscilla Sadatchy, Boko Haram, un an sous état d'urgence, op. cit.

* 236 Par exemple, l'attaque contre l'armée camerounaise à Fotokol en septembre 2014.

* 237 Les terroristes de la secte terroriste s'appuient sur les liens de proximité que créent la région, la tribu, le clan, la famille, la religion ou le voisinage pour faire jouer les ressorts traditionnels de l'embrigadement. C'est-à-dire le basculement des motivations, d'ordre social ou familial, vers un engagement politico-religieux à finalité collective et particulièrement sensible, pour la dresser contre « l'ennemi ».

* 238 Terrence McCoy, This how Boko Haram funds its evil, The Washington Post, 6 juin 2014 ; Robin Simcox, Boko Haram and defining the `al-Qaeda network', Al Jazeera, 8 juin 2014.

* 239 Les attaques de Boko Haram contre les forces nigériennes et tchadiennes au Niger mais également contre les localités tchadiennes et camerounaises confirment à minima les infiltrations du groupe terroriste.

* 240 Joliba (en mandingue), Issa Beri (le grand cours d'eau en songhaï) et le fleuve pour les Touareg.

* 241 Appeler Mayo à l'Extrême-Nord du Cameroun.

* 242 Entretien avec un officier de l'Opération Emergence4 à Maroua, le 5 mai 2016.

* 243 Vincent Desportes, La guerre probable : penser autrement, op. cit, p. 187.

* 244 Vincent Desportes, Idem.

* 245 Charles E. Callwell, Petites Guerres, Paris, ISC-Economica, Bibliothèque stratégique, 1998, p. 77.

* 246 Vincent Desportes, La guerre probable : penser autrement, op.cit. p. 192.

* 247 Les Méharistes sont des unités de l'armée malienne, les militaires montés sur les dromadaires, spécialement formées pour mener les opérations militaires en milieu désertique.

* 248 Vincent Desportes, op.cit. p. 189.

* 249 Vincent Desportes, op.cit, p. 7.

* 250 « Cameroun : faire face à Boko Haram », Rapport Afrique de Crisis Group N0241, 16 novembre 2016, p. 25.

* 251 Le BIR-Alpha a formé plusieurs comités de vigilance à la collecte de renseignements. Entretien de Crisis Group, avec un officier supérieur du BIR, Kolofata, mars 2016.

* 252 AFP, le 22 décembre 2015.

* 253 « Limani : 70 membres de comités de vigilance attaquent Boko Haram au Nigéria », L'oeil du Sahel, 3 mai 2016 ; « Au Cameroun, les soldats de l'ombre oubliés de la lutte contre Boko Haram », Le Monde, 30 mars 2016.

* 254 Des membres du « comité de vigilance » de Kolofata, à l'Extrême-Nord du Cameroun, Le Monde Afrique, novembre 2016.

* 255 Entretien par un officier du BIR-Alpha à Maroua-Salak, op.cit.

* 256 « Cameroun les membres des comites de vigilance complices de Boko Haram », L'oeil du Sahel, 20 décembre 2014.

* 257 « Cameroun : faire face à Boko Haram », Rapport Afrique de Crisis Group, op.cit.

* 258 www.memoireonline.com/ Ernest Claude Messinga, Les F.A.C face aux nouvelles formes de menaces à la sécurité : d'une Armée « de garde » vers une Armée « d'avant-garde » 1960-2010, Thèse de Doctorat/Ph. D en Science politique, Université de Yaoundé2, op. cit.

* 259 Augustin Charles A. Mbia, « La « mobilisation contre la secte Boko Haram » au Cameroun : une objectivation du tryptique Peuple-Armée-Nation. », Bulletin d'Analyse Stratégique et Prospective de l'EIFORCES, N0003 et 004, décembre 2014, p. 85.

* 260 Alain Bauer et Xavier Raufer, La face noire de la mondialisation, Paris, CNRS Editions, 2009, pp. 7-8.

* 261 Alain Bauer et Xavier Raufer, op.cit.

* 262 Cf, Intervention de Loïc Garnier (Contrôleur Général de Police), Chef de l'Unité de coordination de la lutte anti-terroriste (UCLAT), sur la lutte contre le terrorisme, au 12ème FICA/IHEDN, Paris du 18 au 26 mai 2011 à Paris.

* 263 Wulson Mvomo Ela, « l'Afrique subsaharienne dans la géostratégie du terrorisme et du contre terrorisme : un défi politique et opérationnel pour la communauté de défense et de sécurité », Bulletin d'Analyse Stratégique et Prospective de l'EIFORCES, N0003 et 004, op.cit, p. 38.

* 264 Saida Bedar, « les nouvelles frontières de l'empire américain », in Arabies, Novembre 2001, pp. 23-25.

* 265 Tanguy Struye de Swielande, « la grande stratégie américaine dans l'après le 11 septembre », Stratégique, N086-87, p. 23.

* 266 « Plan of action, Implication and Thematic Objectives of the Fight against Terrorism and arms Trafficking in the Central African Sub-Region », p. 8.

* 267 Vincent Desportes, op. cit.






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