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Intégration sous-régionale et développement du commerce entre les états membres de la zone CEMAC.


par Serge Guy BILOA
IPD-AC - Master en science de programmation du développement et intégration régional 2010
  

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II.2.3 La qualité des institutions

« Les contrats régissent les flux d'échanges internationaux. Ils précisent les mécanismes de prise de décision et de résolution des litiges et permettent ainsi de sécuriser les relations marchandes. Or, la mise en application des contrats repose sur l'efficacité et sur la qualité des institutions »19.

La disponibilité de l'information et l'évaluation du risque sont des préoccupations particulièrement importantes pour des étrangers qui font du commerce avec un pays. Même si un pays réduit ses obstacles au commerce, les tiers peuvent avoir des réticences à commercer avec ce pays si, par exemple, ils ne sont pas convaincus que les contrats seront exécutés ou ne sont pas sûrs que les paiements seront effectués. La qualité des institutions nationales a donc de l'importance pour le commerce international (Anderson L. H. et Young J.; 2000)20. La notion d'institution est multiple: elle recouvre des règles formelles et informelles de comportement, des moyens de faire respecter ces règles, des procédures de médiation en cas de litige, des sanctions en cas d'infraction aux règles et des organisations apportant leur appui à des opérations marchandes21. Les institutions sont plus ou moins développées, selon que ces différents éléments fonctionnent plus ou moins bien. Elles peuvent inciter les individus à se lancer dans des activités commerciales, à investir dans le capital humain et physique et à entreprendre des travaux de recherche-développement et d'autres travaux, ou les en dissuader. Il est depuis longtemps reconnu que le bon fonctionnement du marché dépend dans une large mesure de la qualité des institutions. Les activités marchandes font intervenir des êtres humains, et les institutions ont pour objet de réduire les incertitudes que soulève une information insuffisante au sujet du comportement d'autres individus dans ce processus d'interaction humaine. Les institutions peuvent agir de plusieurs façons:

19 DE Sousa et Disdier, 2006, page 126

20 Anderson et Young (2000) présentent un cadre théorique dans lequel l'absence de respect du droit a un effet négatif sur le commerce.

21 Voir North (1994) et Banque mondiale (2002). North (1990) établit une distinction entre institutions et organisations, qualifiant les premières de règles et les secondes d'acteurs. Cette distinction joue aussi un rôle dans la présente section, bien que dans le terme générique «institutions» y désigne également les organisations.

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· Elles réduisent les asymétries de l'information en transmettant des renseignements sur les conditions, les produits et les acteurs du marché;

· Elles réduisent le risque en définissant et faisant respecter les droits et contrats de propriété qui précisent quels sont les bénéficiaires, les biens et les dates de transaction;

· Elles limitent l'action des responsables politiques et des groupes d'intérêt en leur faisant rendre des comptes aux citoyens.

Les institutions sont donc de nature à influer fortement sur les activités économiques en général et sur le commerce en particulier. Les institutions nationales contribuent pour beaucoup au succès des réformes commerciales. La qualité des institutions a tendance à influer sur le volume des échanges générés par la libéralisation commerciale, avec des conséquences implicites sur le plan du bien- être et de la croissance induits par cette même libéralisation. L'organisation institutionnelle d'un pays peut aussi influer sur le niveau d'acceptation sociale des réformes commerciales intérieures, ce qui s'explique par le fait que la libéralisation des échanges peut être désavantageuse pour certaines personnes à court et éventuellement à long terme. Le mode de traitement de ces dommages individuels et la mesure dans laquelle ils sont pris en compte par les institutions peuvent infléchir les sentiments d'une partie de la population vis-à-vis de la libéralisation des échanges.

Pour comprendre l'importance des institutions pour le commerce en général et le commerce international en particulier, il est intéressant d'étudier de plus près l'histoire des institutions qui ont soutenu le commerce international. Les problèmes que rencontrent les négociants n'ont guère changé avec le temps, à l'inverse des institutions qui ont cherché à résoudre ces problèmes. Or les institutions ont toujours dû s'acquitter des mêmes tâches. De nos jours, le contrôle de l'exécution des contrats peut représenter un problème pour le commerce international.

L'absence d'un système juridique efficace peut être très préjudiciable au commerce, comme l'explique, par exemple, BIGSTE L. (2000). Cet auteur examine les pratiques contractuelles des entreprises manufacturières africaines en utilisant les résultats d'enquêtes menées au Burundi, au Cameroun, en Côte d'Ivoire, au Kenya, en Zambie et au Zimbabwe. Ils montrent que la flexibilité contractuelle est très répandue et qu'il s'agit d'une réponse rationnelle au risque. Plus l'environnement est risqué, plus les cas d'inexécution d'un contrat sont nombreux et plus la probabilité de renégociation d'un contrat est élevée. Les manquements aux

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obligations contractuelles et le recours à des avocats et aux tribunaux pour faire exécuter le contrat initial sont rares pour la simple raison qu'il n'existe pas de système juridique efficace. Au lieu de cela, les fournisseurs et les clients remplissent leurs obligations, mais d'une manière «flexible» les livraisons sont parfois en retard ou la qualité des produits livrés est parfois différente de ce qui a été commandé, il arrive aussi que les clients paient tardivement. Dans ces conditions, les étrangers sont souvent surpris par les retards dans l'exécution des engagements et par les demandes de renégociation des contrats. Ils sont habitués à travailler dans un environnement très différent et peuvent avoir du mal à comprendre qu'un comportement apparemment imprévisible soit une réponse rationnelle à un système inefficace. Cela peut expliquer pourquoi les sociétés étrangères éprouvent des difficultés à exercer leurs activités dans de telles conditions et pourquoi les fabricants locaux peinent à prendre pied sur les marchés d'exportation.

Un autre problème lié aux institutions qui joue un rôle important dans les échanges est le contrôle de l'exécution des contrats lorsque la fourniture des biens ou des services et leur paiement n'ont pas lieu au même moment. Le commerce implique généralement un échange de biens ou de services contre de l'argent. La probabilité que des transactions aient lieu s'accroît si des crédits (commerciaux) peuvent être utilisés c'est-à-dire s'il est possible de payer aujourd'hui pour quelque chose qui sera fourni ultérieurement ou d'obtenir des marchandises aujourd'hui et de les payer plus tard. Le problème est que la personne qui accorde le crédit, que ce soit sous forme monétaire ou sous forme de biens ou de services, doit avoir une certaine assurance qu'elle obtiendra ultérieurement ce qui a été décidé au moment où l'affaire a été conclue. Pendant ce qu'il est convenu d'appeler la révolution commerciale qui a eu lieu entre le XIe et le XIVe siècle, le recours au crédit était déjà chose courante en Europe entre des personnes vivant non loin les unes des autres. Des partenaires commerciaux proches sont supposés se connaître et, par conséquent, être en mesure de juger s'ils peuvent se faire confiance ou non.

Depuis l'article pionnier D'ANDERSON J. et MARCOUILLER D. (2002), plusieurs auteurs se sont intéressés au lien entre la qualité des institutions et les échanges. ANDERSON J. et MARCOUILLER D. (2002) montrent que les institutions faibles accroissent les risques inhérents au commerce international que sont, le respect imparfait des contrats, le vol et la corruption. A partir d'un modèle de demande d'importation, dans un modèle risqué, ils mettent en évidence que l'insécurité des échanges réduit les importations bilatérales car elle augmente le prix des biens échangeables de façon équivalente à une taxe cachée ou à un droit

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de douane. Dans le même élan, TURINI et PERSELE VAN Y (2002), soulignent que les différences de cadres juridiques entre les pays expliquent en partie les effets frontières (CALLUM MC, 1995). En effet, dans leur modèle, le changement de cadre juridique accroit le risque de non-respect des contrats.

Le choix de cette variable pour expliquer le commerce intra CEMAC trouve tout son sens quand on considère le mauvais positionnement qu'occupent les pays de cette sous-région dans le classement de plusieurs ONG s'intéressant à cette question. en effet, en zone CEMAC, La corruption qui résulte de la complexité des règles administratives, de l'insuffisante information des acteurs sur les lois, règles et dispositions régissant les échanges régionaux notamment, sont autant arguments qui militent en faveur du choix de cette variable. A cela il faut ajouter la cupidité des agents affectés au contrôle, pratiques qui se traduisent par la multiplication des points de contrôle, le long des corridors nationaux et régionaux. Les conclusions du 11ème rapport de l'observatoire des pratiques anormales, publiées en 2010, constataient une sorte d'aggravation des rackets opérés par les forces de contrôle dans la sous-région: Le nombre minima de contrôles aux 100 km se situe autour de deux. Il est de 3 en Côte-d'Ivoire et 4 au Sénégal ; le montant minima de rackets aux 100 km se chiffre à 999 FCFA et est observé en RCA. Le maximum se chiffre à 7 443 FCFA et est observé au Cameroun et au Congo.

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