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De l'avoir pour la valorisation de l'être. essai de compréhension de l'être et l'avoir chez Gabriel Marcel


par Ange TEZANGI AZAKALA
Université Saint-Augustin de Kinshasa - Grade en philosophie 2020
  

Disponible en mode multipage

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0. INTRODUCTION GENERALE

0.1. PROBLEMATIQUE

Parler de l'être dans sa relation avec l'univers matériel revient en fait à montrer que notre recherche se situe non seulement dans l'anthropologie philosophique, mais aussiet surtout dans la métaphysique. Elle s'intitule : De l'avoir pour la valorisation de l'être. Essai de compréhension de l'« Etre et Avoir » de Gabriel Marcel.

Observant le monde actuel, il en découle qu'il est plongé dans une situation de violence prolongée occasionnant la destruction de vies humaines et le non-respect de la dignité de l'homme dans son intégrité conduisant à la déshumanisation ou à l'animalisation. Les hommes se dressent les uns contre les autres en vue de valoriser la possession tout en détruisant la vie d'autrui. L'avoir est considéré comme le primat devant l'être et pourtant, il devrait être son accompagnateur et pour sa valorisation. L'humanité entière semble être exposée aux inclinations liées à l'être même de l'homme. L'avoir-possession préside de plus en plus les relations interpersonnelles dans la vie actuelle. La coexistence paisible et harmonieuse des êtres devient presqu'un impossible eu égard les catastrophes, les phénomènes et les actions désagréables qui surgissent çà et là. Les plus riches dictent et imposent la raison, le mode et la règle de vie aux pauvres. Autrement dit, le bien ou l'avoir fait de l'homme riche, un être puissant, doué de pouvoir et de force pour dominer les autres et même la nature. Le fait d'avoir beaucoup plus et la mauvaise gestion de l'avoir semblent conduire certains hommes à la perdition et à la déchéance totale. N'est-ce pas cette décadence de l'homme d'aujourd'hui qui pousse G. Marcel à affirmer que le monde est cassé ?

Par ailleurs, si nous sommes bien d'accord avec G. Marcel, on pourrait en déduire avec lui, que l'être a perdu sa considération suite à l'avoir-possession qui entraîne une dévalorisation de celui-ci au profit de l'avoir. Cependant, précisons que l'avoir dont nous avons intérêt d'amorcer l'étude, n'est rien d'autre qu'une multiplicité de biens matériels ou de l'avoir dans sa généralité ainsi que de l'avoir technique en particulier. Ainsi, cet aspect montre que l'être dans le monde n'est rien d'autre qu'une méfiance, qu'une chose chosifiée. Le monde cherche à valoriser les étants plus que l'être, c'est d'ailleurs ce qui pourrait entraîner l'oubli de l'être. A cause de l'avoir et sa mauvaise gérance par l'homme, l'on est capable de sacrifier la vie humaine aujourd'hui et cela sans remords. Or l'avoir est censé exister pour contribuer au bien-être de la personne humaine, son progrès et sa réalisation. On peut tout faire pour conserver l'avoir mais on ne peut rien pour conserver l'être. L'humain est déshabillé pour habiller l'avoir. Autrement dit, l'humain est sacrifié pour valoriser l'avoir au lieu que l'avoir valorise son être. Cela entraîne évidemment la faillite de l'être. Or en réalité, l'« Etre et Avoir sont deux catégories irréductibles. Tout homme éprouve sans doute la tentation de s'identifier à ce qu'il a, mais y céder ce qu'il est, et donc manque de l'accès de la métaphysique. L'avoir n'a de sens que dans l'ordre des corps où celui qui possède est distinct de ce qu'il a. Il engendre trois tendances : tendance à se servir de l'objet, à l'utiliser, à le traiter comme un pur instrument ; tendance à s'y attacher, s'y aborder ; tendance à exclure autrui de la possession en la considérant comme un privilège personnel »1(*). Bon nombre d'attitudes humaines appartiennent à cette catégorie.

Aujourd'hui, cette prédominance de l'avoir sur l'être se perçoit et se manifeste dans notre existence d'abord par la considération absolue que nous accordons à la possession matérielle et ensuite par la manière dont nous traitons et considérons nos semblables vis-à-vis de l'avoir. L'homme n'occupe plus la place de choix dans l'existence, mais c'est plutôt l'avoir-possession qui devient la référence principale. La dignité de l'homme est dès lors sacrifiée dans la société. Du reste, il y a nécessairement une relation entre l'homme et les biens qu'il possède. Car, les propriétés, loin d'être simplement innocentes, se présentent au contraire intimement liées à l'existence individuelle, « Comme s'il y avait entre elles et l'homme qui possède une communication par le dedans »2(*). Cette relation montre aussi bien que l'avoir en soi n'est pas forcément dangereux pour l'être mais qu'il peut aussi et surtout avoir une dimension axiologique pour celui-ci.

Cette situation criante dans laquelle se trouve vautrée l'humanité dans la relation être-avoir ne peut en aucun cas nous laisser indifférent. Cependant, que peut-on faire pour éradiquer ce contraste ? Ne serait-il pas opportun pour nous de savoir quelle est la portée phénoménologique de l'avoir dans sa relation avec l'être ou la valeur qu'a l'avoir sur l'être ? Aussi, que faut-il pour redonner à l'homme sa juste valeur et retrouver sa vraie primauté face à l'avoir ou le matérialisme ambiant dont fait preuve la société moderne ? Quel est l'impact de l'intersubjectivité dans la nature de l'être ? Ce sont là les quelques inquiétudes auxquelles nous tenterons de répondre.

La problématique de l'être dans sa relation avec l'avoir a déjà été sujet de diverses recherches ou investigations scientifiques par des auteurs forts considérables. Cependant, nous nous permettons de soutenir qu'aucune réalité matérielle de quelle envergure qu'elle soit ne peut remplacer l'être humain, elle ne pourra qu'être pour sa valorisation et non pour sa réduction. Et que les rapports dans les relations interpersonnelles ne doivent pas se fonder sur l'avoir qui occasionnerait la réduction des humains à des matériels manipulables ou à des êtres chosifiés. Il faut que le matériel ne dépersonnalise pas l'homme mais qu'il soit à son service et non le contraire pour que soient conservées la valeur et la dignité de l'homme.

0.2 INTERET DU SUJET

Dans cette démarche, en nous focalisant sur être et avoir, notre ambition comme un son de cloche, s'avère intéressante parce que, nous voulons faire un appel pratico-pratique sur l'expérience de l'existence humaine qui actuellement n'est plus dans son séant à cause du matérialisme moderne qui réduit l'existence humaine à une animalisation existentielle. C'est une présentation qui vise à galvaniser l'homme afin que celui-ci prenne conscience de son existence et surtout de son semblable qui est tombé dans l'oubli à cause des multiplicités des avoirs, l'avoir technique en particulier en tenant compte d'un bon usage de ceux-ci pour favoriser une authentique existence. Ainsi, il saura nettement comment se définir, comment traiter l'autre et/ou se distinguer dans son historicité devant celui-ci. De ce fait, restituer à l'homme sa dignité ou sa valeur ontologico-anthropologique, ne va pas sans enjeux majeurs pour notre monde tombé dans l'oubli. Cette restitution permettra d'une part de freiner l'apogée de l'empire du matérialisme régnant sur l'être. Et d'autre part de montrer également que l'avoir n'est pas un danger pour l'être mais un élément fondamental sur quoi dépend l'existence même de l'être car dit-on, il n'est rien sans avoir quelque chose. L'avoir fait partie d'élément fondamental pour sa réalisation existentielle et non pour sa dépression.

0.3 LIMITE DE LA RECHERCHE

Notre travail n'entend pas aborder toutes les théories sur l'anthropologie philosophique. Nous nous cramponnerons en effet à celle de Gabriel Marcel dans sa relation ontologique avec le monde du matériel. Aussi, faut-il préciser que nous ne manquerons pas de faire souvent référence à d'autres auteurs pour étayer davantage notre argumentation. Ce serait beaucoup plus le cas lorsqu'il s'agira de la reprise critique.

0.4. METHODE ET SUBDIVISION DU TRAVAIL

En vue de mieux atteindre les objectifs que nous nous assignons dans la présente recherche, nous adopterons la méthode analytico-compréhensive, qui permettra de mener une démarche discursive, faisant appel à la compréhension de la vision marcellienne de l'avoir pour la valorisation de l'être.

Pour mieux entreprendre cette oeuvre intellectuelle, outre l'introduction et la conclusion générales, nous la présenterons en trois chapitres. Le premier portera sur la phénoménologique de l'être et de l'avoir. Il sera question pour nous de faire ressortir ici l'essentiel de ce que nous entendons par Etre et Avoir, problème et mystère, dans la relation de coexistence et aussi la médiation du corps-sujet (corporéité comme relation de l'être et de l'avoir). C'est-à-dire de l'avoir ayant une fonction dans son apport à l'existence humaine.

Dans le deuxième, il sera question de décrire la conception de l'avoir et la crise de l'être dans la société moderne. Dans cette partie, nous montrerons que la crise de l'être est celle d'autrui face à l'objectivation matérialiste causée parle l'évolution de l'avoir technologique et bien d'autres avoirs occasionnant sa réduction par la mauvaise gestion de ceux-ci.

Le troisième et le dernier volet, traitera de l'intersubjectivité comme fondement de l'existence. Nous insisterons sur le fait que selon Gabriel Marcel, l'autre existe, j'existe. Exister, c'est coexister. C'est-à-dire nous traiterons de la relation de l'être avec autrui sans détour. Celui-ci prouvera également la considération, la primauté de l'être au-delà de toute réalité existentielle.

CHAPITRE I : PHENOMENOLOGIE DE L'ETRE ET DE L'AVOIR

I.0. INTRODUCTION

La phénoménologie de l'Etre et de l'Avoir dans leur mouvance ou dans leur rapport, sont deux réalités existentielles liées à l'essence même de l'être humain.L'être et l'avoir relèvent d'une importance capitale dans la dynamique de connaissance de l'homme. De ce fait, on ne peut cerner l'homme dans son existence sans toutefois se référer à certaines propriétés fondamentales qui mettent en jeu l'Etre et l'Avoir. De ce point de vue, Gabriel Marcel place l'être dans l'ordre ontologique considéré comme mystère, puis l'avoir, dans l'ordre de possession considéré comme problème.

Par ailleurs, il préconise que ces deux modes d'existence sont indissociables dans la mesure où on ne peut que parler de l'homme si et seulement si celui-cia ces deux réalités en lui.Elles luipermettenten effet de pouvoir mieux se réaliser car l'être doit nécessairement avoir pour exister. Dans ce sens, l'avoir en premier lieu n'est pas un danger pour l'être, mais son accompagnateur authentique ou éternel. La fidélité de leur mariage ou la cohabitation harmonieuse dans leur mode existentiel est inévitable. C'est en cela que se justifie cet adage populaire qui soutient que« celui qui n'a rien n'est rien ». Autrement dit, il faut avoir pour exister et cette exigence paraît catégorique aujourd'hui pour l'êtrese trouvant jeté dans le monde. La simple preuve est lefait que l'homme est reconnu et identifié dans le monde parce qu'étant tributaire d'un corps.Celui-ci est ce qui constitue sa représentation effective dans le monde,mais pas totalement,puisqu'il estaussi doté de certaines facultés essentielles telles que: l'esprit, l'intelligence, la sagesse,etc. Il a aussi d'autres attributionsnécessairescomme la maison, la famille etc. C'est l'ensemble de ces propriétés qui fontque l'homme soitappeléhomme, c'est ce qui le valorise.

En effet, toute la philosophie marcellienne explique l'être de l'homme partant de sa vie concrète ou réelle. C'est pourquoi ce présent chapitre se veut une présentation phénoménologique de l'avoir et de l'être dans leur mouvance afin de prouver leur relation incontournable. Pour atteindre notre but, notre devoir portera sur laphénoménologiede l'avoir et de l'êtredans le mode existential. Il s'agira d'abord pour nous de comprendre et ensuite d'établir la distinction de l'être et l'avoir, du mystère du problème, et enfin, de montrer la coexistence possible de l'être et de l'avoir.

I.1. APPREHENSION MARCELIENNE DE LA PHENOMENOLOGIE

La phénoménologie est un domaine bien vaste en philosophie à tel point que d'un auteur à un autre, on rencontre diverses appréhensions de la question. Concernant Gabriel Marcel, que peut-on retenir de lui à propos de la phénoménologie ?

De prime abord, Gabriel Marcel conçoit la phénoménologie comme une science ou encore, la théorie de l'apparence. Ensuite, il va plus loin en précisant que la phénoménologie est un inventaire de la conscience comme milieu de l'univers. De ce fait, la phénoménologie pourrait en plus être considérée comme l'inverse de la physique sans pour autant êtreréduite à une métaphysique, encore moins à une morale. En clair,la phénoménologie est une démarche partant de l'expérience en tant qu'intuition sensible des phénomènes pour essayer d'extraire les dispositions essentielles de ladite expérience ainsi que l'essence de ce dont on a fait expérience.Mais par quelle méthodologie faut-il y arriver ?

Nous avons tantôt dit que Gabriel Marcelconçoit la phénoménologie comme une science. Il en va de soi qu'il y applique une certaine méthodologie afin de mieux analyser cette science. Pour ce faire, il restreint son champ d'analyse en ne considérant que le point essentiel de la phénoménologie. Faire cependant une telle restriction est bien loin de la description phénoménologique. Il le précise comme suit :« Je tiens à prévenir que cette analyse ne sera pas une réduction. Elle montrera que nous sommes au contraire en présence d'une donnée opaque, que nous ne pouvons peut-être même pas investir complètement »3(*). Mais, poursuit-il, « la reconnaître d'un irréductible constitue déjà sur le plan philosophique une démarche extrêmement importante et qui peut même transformer en quelque manière la conscience qui l'effectue »4(*). La phénoménologie de Marcel essaye en effet de saisir l'expérience avant même qu'elle soit objectivée, afin de la transmuer en pensée sans la dénaturer par un traitement scientiste. Elle ne porte pas sur des étatspsychologiques ou mentaux, mais beaucoup plus sur les modes fondamentaux de la vie personnelle ou sur la concrétude de l'homme, sur les aspirations, les exigences et les contenus implicites qu'il faut faireémerger, affleurer à la lumière de la réflexion. L'expérience, c'est donc la vie normale, la plus quotidienne, la vie humaine considérée dans ses expressions les plus humbles et les plus ingénues.

Au regard de ce qui précède, précisons que la phénoménologiede G. Marcel diffère de celle deEdmundHusserl en ce sens qu'elle ne consiste pas à une simple réduction des faits.Elle essaye de se situer d'emblée au niveau d'une expérience où le psychique et le corps propre viendraient se donner. Tandis que chez Husserl, il faut faire la réductiontranscendantale, qui seule enseigne ce que signifie Ego, et ensuite le mêler au monde. Chez Gabriel Marcel, la phénoménologie est une reconnaissance aussi lucide que possible d'unirréductible ou mieux, de la « situation existentielle qui est mienne et au sein de laquelle je me fais moi »5(*). Il ne s'agit donc pas du subjectivisme où le sujet est isolé ou de l'objectivation où l'homme est objectivé. La situation métaphysique fondamentale qui « me fait moi » n'est pas une donnée simple.Cela exige une distinction de l'être et de l'avoir dans leur mode de vie.

I.2 LA DISTINCTION DE L'ETRE ET DE L'AVOIR

Pour mieux expliciter la distinction de l'être et avoir, il sied de signaler que parler de l'être c'est différent de parler de l'avoir, ce sont deux réalités distincteset irréductibles dans l'existence de leur mode de vie. L'être n'est pas l'avoir et l'avoir non plus n'est pas l'être.C'est pourquoila philosophie de Gabriel Marcel sera un empirisme sur ces deux réalités existentielles. En ce sens qu'elle se veut « concrète », qu'elle refuse le système et se défie de l'abstraction. Mais elle n'est pas phénoméniste, et elle ne se cantonne pas dans la phénoménologie car elle soutient au contraire que l'expérience humaine, prise dans toute son ampleur et dans sa richesse, achemine vers une saisie de l'être en tant qu'être.GabrielMarcel ne s'intéresse aucunement à l'être en tant qu'être d'Aristote qui résulte d'une abstraction. Car, le développement de sa pensée a été dominé, dit-il, par deux préoccupations « qui peuvent sembler contradictoires » ; la première consiste en ce qu'il appelle « l'exigence de l'Etre » etla seconde, ce qu'il qualifie comme « la hantise des êtres saisis dans leur singularité et en même temps atteints dans les mystérieux rapports qui les lient »6(*)Enfin,c'est en approfondissant le sens de toutes les formes de l'expérience humaine qu'il conciliera ces deux soucis.

Chemin faisant, l'effort de Gabriel Marcel porte sur deux points : d'aborddistinguer l'êtrede l'avoir, puis distinguer le mystère du problème.

I.2.1. L'Etre

Le mot Etre a connu une grande évolution dans l'histoire de la philosophie et une grande littérature en fut consacrée. C'est unsujet qui a nourri d'immenses débatset qui a surtout fait couler beaucoup d'encre.Par ailleurs, évoquer l'Etre, c'estse plonger ipso facto dans la métaphysique ;consciemment pour les philosophes scientifiques et inconsciemment pour les non-scientifiques, c'est-à-dire pour ceux qui font la philosophie de Monsieur Joule (faire de la philosophie sans conscience). Partant de ce point de vue,l'exigence philosophique ou scientifique nous recommande de toujours revisiter les anciens pour avoir une idée de leur vision de la question de l'Etre.

En effet, l'histoire nous enseigne que c'est avec Parménide que l'être s'est invité dans l'univers philosophique ou métaphysique. Parménide a fait une grande ouverture sur le questionnement ou la dimension ontologique. Il soutient que rien n'est plus grand que l'être, parce que le concept de l'être embrasse tout et dit tout. Dire « être », cela ne se limite pas au mot prononcé, mais cela exige la raison. L'être ne se saisit que moyennant une activité hautement rationnelle. La raison indique qu'il y a l'être, en-dehors de lui, il n'y a rien d'où sa formule originale : l'être est et le non-être n'est pas7(*).Dans cette logique, « je suis moi-même un être, je participe à l'être, de sorte que je suis englobé à la question que je pose. Il est impossible de séparerde la question : qu'est-ce que l'être, de la question :qui suis-je, moi qui m'interroge sur l'être? Et c'est même la question décisive, car c'est seulement dans ma participation à l'être, qui fait de mon être et me fait moi, que je puisse appréhender l'être »8(*).

Gabriel Marcela toujours été guidé par une réflexion profonde sur l'être.Cetteréflexion sur l'êtrepour lui, est une option qu'il énonce en ces termes : « la neutralité par rapport à l'être et au non-être est précisément impossible. Cela veut tout simplement dire qu'il y a une certaine opposition d'où,il faut choisir entre l'être et le non-être. Cela veut dire qu'il faut toujours s'engager et qu'il faut prendre position »9(*). Il en résulte que l'entière recherche philosophique de Marcel prouve cette option pour l'être.

En effet, la notion de l'être ne s'est précisée que petit à petit. Dans ses réflexions philosophiques, les concepts « être et existence » sont utilisés dans un contexte non technique, mais comme synonyme de réel. C'est justement dans le Mystère de l'être que l'existence prendra une signification propre. Celle-ci ne s'assimile plus à l'être. Si en effet, l'existence ne peut pas être conçue comme synonyme de l'être, elle en demeure une manifestation immédiate10(*). Le problème ontologique est un problème de l'être qui consiste à examiner sur la totalité et sur moi-même, considéré comme une totalité au sens analogique. Cet examen débouche sur la question de l'identité : moi qui m'interroge. En clair, l'être est considéré ici comme l'univers intérieur de l'être humain c'est-à-dire du moi (le moi parlant, le moi agissant, le moi s'interrogeant etc.)

I.2.2. L'Avoir

Le terme « Avoir » dans une vision simple renvoie intuitivement au verbe auxiliaire des temps composés. Dans sa généralité, et d'autant plus qu'il sert davantage : « il peut désigner une possession (« j'ai une voiture »), un affect (« j'ai de l'amour pour lui »), une représentation (« j'ai une idée »), une sensation (« j'ai froid »), un désir (« j'ai faim »), une propriété («  le triangle a trois côtés ») »11(*). Bref, toute relation : intériorisée ou intériorisée, entre un individu et ce qui n'est pas lui, ou qui n'en est qu'une partie. Si j'ai un corps par exemple, c'est que je ne suis pas que mon corps. Sur ce, l'avoir s'oppose à l'être, et le suppose.

Au fond, ce terme renferme une entrée en possession de quelque chose ou une manière d'être ou encore représentationen soi d'un aspect. Par cette compréhension, nous y ressentons une certaine réciprocitémettant en interaction un sujet et un objet. C'est ainsi qu'on peut dire avec forte considération que « l'avoir se rapporte aux choses, et les choses sont constantes et scriptables. Etre se rapporte à l'expérience, et l'expérience humaine est en principe non descriptible12(*). De ce point de vue, Gabriel Marcel élucide cette notion de l'avoir qui s'applique bel et bien aux choses tout en considérant son corps comme son avoir d'une manière axiologique. Dans la mesure où l'avoir est simplement ce qu'on a, ce qu'on possède et qui, en réalité est différent de soi. C'est ce qu'il exprime en affirmant que « ce qu'on a, ce sont les choses(ou ce qui peut êtreassimilé à des choses et dans la mesureprécise où cette assimilation est possible) »13(*). Ici se pose la question du problème et du mystère.

I.2.3. LA DISTINCTION PROBLEME ET MYSTERE

Gabriel Marcel présente une nette distinction entre un problème et un méta-problème qu'il nomme autrement mystère. En général, nous pensons qu'un problème est de l'ordre objectif, matériel ou physique, tandis qu'un méta-problème semble bien être de l'ordre spirituel ou de l'être. Appliquer donc à des méta-problèmes les techniques propres aux problèmes s'avère vain. En d'autres termes, là où il y a problème, le sujet travaille sur des données placées devant lui. Celles-ci lui sont extérieures et sans relation quelconque avec sa nature. En ce sens, le problème est de même ordre que la technique, que l'avoir, puisque le sujet n'est occupé que des objectifs placés devant lui. Les cernant, il les intellectualise et les définit en vue d'une éventuelle connaissance de leur nature ou configuration. Ce qui n'est pas le cas dans le méta-problème. Bref, le problème est de l'ordre ordinaire que l'on peut édulcorer. C'est-à-dire une chose qui se trouve placée devant moi.

De ce point de vue, on est, en fait, loin du plan extérieur sujet-objet, car les questions portent moins sur la chose devant soi, que sur la nature de l'être même de l'homme en tant que corps-sujet qui est censé cerner par la chose. Le statut ontologique du questionnant est donc mis en cause et vient en premier. En ce sens, le mystère est de l'ordre de l'être, c'est-à-dire de l'ordre extraordinaire ou superficiel. Notons toutefois que mystère ne veut pas dire inconnaissable, car un certain repère demeure néanmoins possible. Il est en réalité, « un problème qui empiète sur ses propres données, qui les envahit et se dépasse par là même comme problème »14(*).

A voir de plus près, il est une chose qui se trouve à cheval de cette distinction problème-mystère : le corps humain. En d'autres termes, le corps humainprésente une double nature. Il semble d'abordêtre comme un problème puisque, en effet, une étude objective sur lui, est possible. En second lieu, il paraîtêtre aussi de l'ordre de l'être en ce sens qu'il échappe à toute prisetechnique et dépassemême la connaissance qui veut l'étudier. A notre avis, ce qui est certain, le corps est moins un problème qu'un mystère. Bien qu'il soit un mystère, il n'est pas pour cela inconnaissable. Intéressons-nous maintenant à la relationéventuelle de coexistence du corps-sujet comme avoir-être. Peut-on se demander : l'avoir est-il la condition de possibilité de l'être ou l'inverse ?

I.3. LA COEXISTENCE DE L'ETRE ET DE L'AVOIR DANS LEUR MOUVANCE

I.3.1. La corrélation entre l'être et l'avoir

Il n'y a pas de mots plus usuels que les termes « Etre » et « Avoir », pas de mots plus embarrassants que ceux-ci dans une approche philosophique. Heidegger et Martin Buber en notre temps, Aristote, dans l'antiquité l'ont également fait remarquer. Nous disons : la terre est ronde, ma montre est sur la table. J'ai une femme. Cette propriété est à moi, etc. Autant d'exemples, autant de sens différents qui mettenten relation l'être et l'avoir.Gabriel Marcel n'est pas resté muet face à ces deux concepts et surtout face à leur interrelation dans le temps et l'espace. Gabriel Marcel se veut concret et pragmatique lorsqu'il affirme que, « être et avoir sont deux catégories irréductibles »15(*).« Tout avoir se définit en quelque façon en fonction de mon corps, c'est-à-dire de quelque chose qui, étant un avoir absolu, cesse par là même d'être un avoir en quelque sens que ce soit »16(*). « Je ne puis, poursuit-il, (...) dire que j'ai un corps, du moins à proprement parler, mais la mystérieuse relation qui unit à mon corps est à la racine de toutes mes possibilités d'avoir »17(*). Autrement dit, l'être doit nécessairement avoir comme l'avoir doit nécessairement être pour exister, que ce soit du point de vue concret, psychologique, moral, intellectuel car tout ce que l'être a, fait partie de la possession, de l'avoir. A défaut, son existence sera inexistable.C'est à juste titre que nous affirmerons que non seulement je suis mon corps mais également j'ai mon corps comme j'ai mon être.

Dans la même visée, Erich FROMM souligne que : « Le choix entre avoir et être, en tant que notion contraire, ne frappe pas le sens commun. Avoir, semblerait-il, est une fonction normale de notre vie : pour pouvoir vivre, il faut avoir certaines choses afin d'en tirer plaisir. Au contraire, il semblerait qu'avoir est l'essence même de l'être ; et que celui qui n'a rien n'est rien»18(*). C'est dire que pour subsister, l'homme a besoin des biens élémentaires. Ces biens, sont sa possession, et c'est par elle qu'il affirme : il pense que c'est dans le respect de cette possession que consiste sa liberté19(*). L'homme de droit formel ne trouve sa dignité que dans la possession légale de ses biens. Mais il est impossible d'identifier complètement la dignité humaine à la chose possédée. « Tout être a quelque chose : un corps, des vêtements, un toit... ou, pour l'homme et la femme modernes, un poste de télévision, une machine à laver, etc. Vivre sans rien avoir est pratiquement impossible »20(*). En clair, l'avoir en soi, n'est rien d'autre qu'un élément fondamental pour la valorisation et pour l'accomplissement de l'être car on ne peut pas l'être avec son avoir. Il faut avoir pour exister ou pour survivre. Avoir et être font la spécificité de l'homme. L'avoir est toujours et déjà au service de l'homme depuis son apparitiondans l'univers.Il en va de même pour Denis BOSOMI sur la coexistence de l'esprit et du corps car : « l'esprit (l'être) sans le concours de la matière (avoir) serait inefficace ; l'esprit en nous a besoin du corps pour agir pleinement et donc pour être pleinement lui-même »21(*).L'être a nécessairement besoin de l'avoir pour se réaliser pleinement. C'est pourquoi, le slogan de corporéité, veut tout simplement dire chez Gabriel Marcel, coexistence du corps-sujet ou de l'être et avoir au sens propre de notre terme fondamental.

L'avoir pour Gabriel Marcel, a toujours et déjà été un élément de valeur pour l'êtreà première vue de sa pensée. On peut bien le déduire par cette phrase de Gabriel Marcel : « Il y a bien un sens où il est vrai de dire que le corps est un avoir, puisqu'il est comme zone frontière entre l'être et avoir »22(*). En d'autres termes, le corps est pris comme une médiation entre le moi et la chose possédée (l'avoir).

Pour Gabriel Marcel, bien que le corps soit un avoir, il est aussi une réalité qui est au-delà de toute conception objectivante, il est de l'ordre de l'être.Pour lui, la corporéité, selon qu'elle exprime l'unité de l'homme, corps-sujet (être et avoir), est la manière humaine d'être-au-monde, d'être inséré, d'être-en-situation. De ce fait, la corporéité, c'est « mon corps, c'est renouer avec l'existence »23(*). En effet, sur le plan philosophique, aborder la question de la corporéité, c'est réfléchir sur le sens même de l'existence humaine. Dans la mesure où nous considérons le corps humain comme « la matrice de l'existence » ou le nexus de ma présence au monde rendu manifeste24(*). Dans cette perspective, le corps comme l'avoir ou une possession dans la dimension humaine de l'être, est le lieu de révision de la métaphysique et de toutes les théories qui instrumentalisent l'homme. Il est donc une approche concrète pour une anthropologie philosophique renouvelée.

I.3.2 La corporéité comme épiphanie de l'être dans le monde

En réalité, s'il existe, à la suite de ce qui vient d'être dit, une façon privilégiée et exclusive où les êtres humains sont présents, d'abord à eux-mêmes, aux autres et enfin au monde, c'est bien quand ils sont ou ont un corps. C'est par notre corps comme avoirque nous pouvons nous dire réellement situés dans le monde, dans l'espace. Par le corps, nous sommesdes existants. Précisons cependant que, nous pouvons avoir l'avantage du corps commeun avoir qui valorise la présencede l'être dans le monde.

La notion de l'existence n'a de sens que par la présence desrevêts. Car, exister, selon Gabriel Marcel, n'est rien d'autre qu'être ou avoir un corps, et par sa médiation être de plain-pied avec le monde. Lorsque, écrit-il, je dis : j'existe(...) je vise obscurément le fait que je ne suis pas seulement pour moi que je suis manifeste, il vaudrait mieux de dire que je suis manifeste(...) j'existe : cela veut dire : «  j'ai de quoi me faire connaître ou reconnaître soit par autrui soit par moi-même en tant que j'affecte pour moi une altérité d'emprunt ; et tout ceci n'est pas séparable du fait qu'il y a mon corps»25(*). La corporéité c'est donc la manière propre aux humains d'être au monde, d'être manifesteet pour soi et pour autrui. Dès lors, dire que le moi est présent au monde par son corps revient à affirmer qu'il est dans un corps comme le support du moi et non en dehors de celui-ci. En gros, le moi est inséré ou incarné.

I.3.3. La corporéité comme épiphanie de l'incarnation de l'être

Dans sa position et son approche ontologiques, Gabriel Marcel nous présente l'incarnation comme «  la donnée centrale de la métaphysique, la situation absolument première où s'amorce l'ontologie, mais contrairement à toutes les interprétationsclassiques et courantes, il est impossible de la penser sans tricherie : elle est simplement la donnée à partir delaquelle le fait de l'être est impossible, l'indubitable non pas logique rationnelle, mais existentielle, le centre d'ombre non pensable où s'établit l'acte de penser l'être, le mystère du je suis qui se répercute et se prolonge dans le mystère ontologique, parce qu'ils sont tous deux l'émanation d'une réalité plus profonde encore, que nous nous pourrions appeler le mystère de ontique »26(*).

Partant de cette assertion, le point de départ de toute réflexion philosophique, note Marcel est « le premier pas que doit faire un philosophe, c'est de reconnaître sa situation incarnée au monde. Sa situation d'être incarné est le repère central de la métaphysique »27(*). Dans ce sens, l'homme ne pourra être reconnu que dans la mesure où il a son corps comme son avoir au sens propre du terme, de l'avoir pour la valorisation de l'être. C'est pourquoi, le fait qu'il a un corps valorisedéjà son existence, sa manière d'être au monde parce quesans celui-ci, il ne sera pas reconnu. L'êtren'est reconnu que sur le fait qu'il a et qu'il est.

Sans doute, Gabriel Marcel ne conçoit pas un autre plan d'existence où la conscience(le moi ou l'être) peut êtredonnée à elle-même et aux autres si ce n'est qu'en étant insérée dans un corps. En effet, pour lui, la conscience n'est telle que si elle est dans un corps ; quand elle est « insertion en tant qu'acte »28(*). Il est vrai donc qu'on ne peut pas penser la conscience en dehors du corps car, ainsi qu'on vient de le souligner, la conscience ne peut êtredonnée à elle-même et aux autres consciences que comme corps.Cette dernière phrase ne doit pas porter de confusion. Elle signifie que la conscience n'est corps qu'insérée dans un corps et nécessairement liée à lui au point que leur relation signifie solidarité et identité. Précisons par ailleurs que c'est dans ces termes que Gabriel Marcel pose autrement le problème de l'union de l'âme et du corps, mieux l'union de l'être et avoir.

I.3.4. De l'hylémorphisme comme union du corps et du moi (être et voir)

D'emblée, c'est en s'inspirant de la coexistabilité et de l'indentificabilité de deux modes d'existence du corps dans ses rapports avec la conscience ou de l'être et avoir que Gabriel Marcel affirme l'union du corps et du moi. Dans son entendement, en effet, le corps humain se présente à nous d'une manière objective et individuelle. D'abord comme mode objectif, lequel mode est valable pour toute conscience douée de conditionsde perceptibilités, de perceptions analogues aux nôtres. Puis comme mode individuel qui est lié à la conscience et est saisi dans la perceptibilité de la perception interne. En effet, c'est une perception cénesthésique selon son entendement.

Sur ce, la relation entre ces deux modes marque qu'ils sont solidaires car l'un implique l'autre de manière que le corps ne peutêtre donné au moi dans un rapport interne que parce qu'il lui est donné spécialement29(*). La solidarité entre ces modes implique à son tour l'identité mêmede ces deux modes d'existence du corps par rapport à la conscience. Ainsi, Gabriel Marcel pense que « en tant que ma conscience se transcende elle-même comme immédiate, elle s'oblige à penser un contenu intelligible qui ne participe pas de l'existence ; ce contenuprésente ce caractèreambigu d'être soi tout en sortant en soi(...) Il paraît, poursuit-il, que ceci ne devient intelligible qu'à condition de poser la solidarité et l'identité de ces deux modes d'existence, c'est-à-dire comprendre que ce contenu n'est en soi qu'en sortant de soi »30(*).

Affirmer donc que le corps est uni, solidaire et identique au moi, d'après ce qui précède, revient à conclure que le moi est le corps. Aussi Gabrieldéclarepar ailleurs : « Je suis mon corps »31(*). Cette justification laisse dire : « Il n'est légitime de dire : je suis mon corps, que pour autant que j'arrive à reconnaître ce corps comme n'étant pas en dernièreanalyse assimilable à cet objet, à un objet, comme n'étant pas quelque chose. (...) C'est pour autant que j'entretiens avec lui un mode de relation(...) qui ne se laisse pas objectiver, que je puism'affirmer identique à mon corps(...) »32(*). Je suis mon corps veut dire d'après Gabriel Marcel, je suis identique à mon corps, que le moi et le corps ne font qu'un ensembleinséparable. C'est autant dire que le moi est dans cette perspective l'être, et puis le corps l'avoir. Pour dire qu'on ne peut pas séparer l'être et l'avoir. La coexistence de leur mode de vie est incontournable. Ils font la réalitéde l'homméité de l'homme.

CONCLUSION

Notre préoccupation dans ce premier chapitre a consisté àmener une démarche phénoménologique de l'avoir dans sa mouvance avec l'être humain dans la pensée marcellienne partant de leur mode de vie.C'est-à-dire de la valeur qu'a l'avoir sur l'être car celui-ci ne peut pas ne pas exister sans l'avoir. Ces deux réalitéssont complémentaires. En revanche, l'être est appréhendé dans la sphère de l'esprit et l'avoir dans la sphère de l'objet comme complément de l'êtredans le bon sens du mot et de l'avoir en tant que corps-sujet et comme un bien de l'être.

Cela étant, la condition existentielle de l'être pour l'avoir, se comprend sur le fait que l'être a également certaines possessions qui lui permettent de pouvoir survivrenotamment, au niveau psychologique et matériel, puis sur le fait qu'il a son corps comme le dévoilement de son existence au monde ou bien comme un élément fondamental sur lequel il se fait reconnaître. D'où la pertinence de la corporéitécomme zone frontière entre l'être et l'avoir.

En ce sens, la relation de l'être et de l'avoir stipule déjà notre style de vie ou notre façon d'exister dans le monde. Cela nous donne également la possibilité de reconnaître que nous sommes fait pour avoir, c'est-à-dire être pour avoir, notre existence dépend par ailleurs de notre possession.Pour donner un sens à celle-ci, nous devons être en action pour sa valorisation. Cela doit se réaliser également par le travail car c'est en travaillant que nous pouvons valoriser notre existence.

Au-delà de la réalité de l'Etre et de l'Avoir ou de leur coexistence, nous avons remarqué aussi avec Gabriel Marcel que c'est souvent la mauvaise gestion développée par l'être sur l'avoir qui entraîne sa réduction voire son oubli. Dans cette dynamique, cela entraîne également l'oubli de l'autre au niveau relationnel. Nonobstant cette considération, l'avoir, faut-il le préciser, n'est pas un danger. Cette réduction se base beaucoup plus sur la façon de considérer la technologie. Plus on lui accorde une supra importance, plus on tend à l'objectiver. Or la trop grande objectivation de la technologie implique ipso facto l'aliénation de l'homme et pire même, l'exploitation de l'homme par l'homme. Quelles en sont les conséquences et les manifestations visibles dans le monde moderne ?Le prochain chapitre nous en dira plus.

DEUXIEME CHAPITRE : L'AVOIR ETLA CRISE DE L'ETRE DANS LA SOCIETE MODERNE

II. 0. INTRODUCTION

S'il y a un terme qui est aujourd'hui en vogue, celui de la crise en est un. Qui dit crise dit problème ou difficulté qui se pose et à laquelle il faut trouver une solution, il faut décider. C'est la « crisologie » qui invite à réfléchir pour trouver les voies de sortie. Comme le symbole donne à penser, ainsi la crise donne également à réfléchir sur les voies permettant de la juguler et de l'arrêter. La crise produit une situation défavorable à tous les niveaux et sur tous les plans. Ce qui fait qu'elle revête plusieurs formes entre autres la crise économique, politique, morale, culturelle, de modèles, de valeurs, de vocations religieuses et la crise intersubjective ou de l'altérité33(*). C'est donc un concept prêt à assumer n'importe quelle situation.

De ce fait, ce chapitre se base beaucoup plus sur la conception de l'avoir technique ainsi que sur d'autres avoirs.G. Marceln'est ni hostile, ne dénigre point et ne rejette en aucun cas l'avoir en généralet l'avoir technique en particulier34(*). Car en effet, l'avoir en général participent et contribuent au progrès et au développement de l'être humain dans son intégralité. Par contre, il dénonce le fait que l'être entre en crise à cause de la mauvaise gestion qu'il fait de l'avoir. Et cela pourrait occasionneren lui l'oubli de son existence et celle de sonprochain. Le « nous » et la relation mutuelle sont exclus à cause de cette mauvaise gérance que l'homme manifeste ou cultive surl'avoir. L'homme se chosifie par lui-même et chosifie par la même occasion son alter ego. Il noue ses relations sur base depossession. Nous sommes dans une époque fortement dominée par le matérialisme. Ainsi, pour être considéré et remarqué dans la société actuelle, il faut nécessairement avoir certains moyens matérielsor ceux-ci ne sont pas le fond, nefont pas partiede l'être et ne définissent pleinement pas la trame de fond de l'être dans sa totalité. La mauvaise gestion de l'avoir technique et la louche considération de l'avoir au détriment de l'être, conduisent catégoriquement l'être à la déchéance en lui ôtant sa dignité. L'homme dans de telles conditions perd sa sacralitéet reste radicalement accroché à sa dimension animalemétaphysique et religieuseliée à son essence35(*). Le réduire à un objet, c'est lui enlever son poids ontologique, car l'avoir est fait pour son épanouissement et son progrès, et non pour sa réduction.

Dans ce contexte, une réflexion sur ces problèmes déshumanisants paraît d'emblée comme une nécessité et une condition de survie, car nous déplorons le fait même de nous retrouver dans une société comme celle-ci.Pour donner à l'homme les possibilités de se reconstruire, il faut viser plus haut afin que l'êtreait une vision théologique en usant et en considérant l'avoir. Pour mieux cerner cette réflexion, nous partirons de la crise de l'être du point de vue de l'avoir technologique, de la crise de l'être par objectivation de l'avoir-possession, de l'ambivalence de l'avoir, de l'avoir et la suppression de l'autre ainsi que de la conception logique de la technoscience.

II.1. LA CRISE DE L'ETRE ET L'AVOIR TECHNOLOGIQUE

La crise de l'avoir technologique est celle qui a été occasionnée par la mauvaise gestion qu'a l'homme face à la technologie ou par sa mauvaise manière de l'utiliser. Jadis, la technique ou la technologie était une nécessité pour s'assurer une vie meilleure contrairement à l'usage qu'en fait le monde aujourd'hui. De nos jours, nous constatons que l'homme n'est plus capable de réaliser certaines choses par lui-même à cause de la technique. L'élève des temps contemporains par exemple n'est plus en mesure d'opérer des calculs mentaux à cause de la prolifération des calculettes. Le monde moderne nous apparaît comme un univers où la technique est reine. Cela entraîne également la crise de l'être dans le monde. Prenons le cas d'une mère porteuse ou d'autres femmes qui ne veulent plus supporter leurs charges décident de les transmettre à d'autres personnes. Partant de ces constats, on en vient à l'évidence que l'homme fuit la souffrance, il cherche toujours des échappatoires pour ne pas subir certaines contraintes de la vie. Beaucoup plus de valeurssont accordéesà l'avoir technologique au détriment des personnes humaines. Cette manière de considérer l'avoir technologique dans la société moderne crée des conditions d'existence dans laquelle la vie de l'homme devient invivable et où l'être est tombé en crise,oublié et incapable de se réaliser pleinement par son propre effort.

En fait, la technologie dont l'expansion nous révèle les récentes merveilles et succès, crée le confort, augmente la facilité des communications, fabrique des produits chimiques qui peuvent guérir miraculeusement desmaladies réputées graves. Cela nous pousse à reconsidérer son appréciation et son acceptation. Par ailleurs, pourquoi n'aimerions-nous pas aussi qu'elle garantisse la sécurité économique, la santé naturelle, l'équilibre moral et mental ? Estimons tout simplement avec Alexis Carrel que la réalité vécue, « les dons de la technologie se sont abattus comme une pluie d'orage sur la société trop ignorante d'elle-même pour les employer sagement »36(*). Aussi, sont-ils devenus des facteurs de destruction, à telle enseigne qu'on se demande s'ils ne rendrontpas catastrophique cette troisième guerre à laquelle le monde se prépare. Et encore, si la technologie ou plus précisément les inventions de ladite technologie ne sont-elles pas responsables de la mort de millions d'hommes actuels occasionnée par la Covid-19.251658240

251659264De ce point de vue, la société technocratique, c'est-à-dire, un monde où désormais tout s'explique par la technique, a, aux yeux de Marcel, déshumanisé l'homme, en ce sens qu'elle a amené d'une part, un oubli des valeurs humaines dans la phénoménologie des rencontres et la déconsidération de l'autre, telles que la fidélité, la patience, l'humanité, etc. d'autre part, elle a vidé des mots, tels que la liberté, la personne, la démocratie, le développement... de leur contenu authentique, ainsi que de leur profondeur37(*). Les réalités que ces mots devraient véritablement désigner sont elles-mêmes l'objet d'une inflation monétaire comparable. Cette situation implique de façon logique une disparition générale de la confiance, du crédit entre les personnes. Ici, les relations se présentent sous le mode de l'avoir, car... « L'ordre de l'avoir se confond avec celui où des techniques sont possibles »38(*). Pris dans ce sens, le monde de l'avoir, c'est celui où les êtres sont unis par un rapport externe, de type « sujet-objet ». Ils sont de ce fait, sur eux-mêmes, ils communiquent par des signes médiateurs. Néanmoins, précisons que le terme « objet ou avoir » n'est pas initialement péjoratif chez Marcel comme nous l'avions souligné dans le premier chapitre. L'objet, comme il le définit lui-même, c'est ce qui est « placé devant moi, en face de moi : gegenstand »39(*), auquel je dois trouver solution et non l'objet à ma place.

Cependant, l'homme ne peut vivre sans les objets ou l'avoir, mais s'il s'en contente, il n'est pas pleinement homme. S'agissant du but de la technique, Gabriel Marcel estime « qu'au niveau de l'individu, la technique serait entièrement bienfaisante si elle demeurait au service d'une activité spirituelle orientée vers des fins supérieures, même au plan international, la technique pourrait être considérée comme un don inestimable si elle s'exerçait au bénéfice d'une humanité unifiée, ou plus exactement concertante. Mais dès le moment où ceci n'est réalisé ni au plan de l'individu ni au plan des grandes collectivités humaines, il devient tout à fait manifeste que la technique est appelée à changer au contraire en malédiction(...) »40(*). Il méprise quant à lui, la technique d'avilissement qui est pour lui : « l'ensemble des procédés délibérément mis en oeuvre pour attaquer et détruire chez les individus appartenant à une catégorie déterminée le respect qu'ils peuvent avoir sur eux-mêmes, et pour les transformer peu à peu en déchet qui s'appréhende lui-même comme tel, et ne peut enfin de compte que désespérer, non pas simplement intellectuellement, mais vitalement, de lui-même »41(*). En outre, c'est l'homme qui est à la base de cette crise car c'est lui qui a toute potentialité de créer et de manier la technique par sa raison. C'est pourquoi Martin Heidegger dira que « de tous les étants, seul l'homme qui existe parce qu'il est le centre de tout et c'est à lui seul que revient la gérance des autres étants ou de ce qui est, parce que l'être est chaque fois lui-même dont l'être est chaque fois à lui »42(*). Il tombe en crise parce qu'il ne sait pas bien utiliser de la technologie par le désir de pouvoir beaucoup plus accumuler. Martin Buber à son tour souligne que « dans la mesure où l'homme se satisfait des choses qu'il expérimente et utilise, il vit dans le passé et son instant est dénué de présence »43(*).

Cette crise peut être également celle d' « un homme qui a perdu le sens de l'être, qui ne se meut que parmi les choses, et de choses utilisables destituées de leur mystère, l'homme qui a perdu l'amour ; chrétien sans inquiétude, incroyant sans passion, il fait basculer l'univers de sa folle course vers l'infini autour d'un petit système de tranquillité psychologique et sociale »44(*). Donc, l'individu reste préoccupé par le moyen et non par la fin des choses, vivant sans valeurs et dont le souci majeur est l'accumulation des biens, voire de l'avarice précautionneuse sans penser à sa vie, à celle de l'autre et à la nature. De ce fait, la valeur de l'homme n'est pas une valeur économique ou technologique, mais une valeur non mesurable et irremplaçable. Se traiter mutuellement comme moyen et se servir les uns des autres pour atteindre nos buts, serait sans doute la réduction d'autrui à un avoir, à un simple matériau de notre action ou à un objet, c'estôter à autrui sa dignité45(*). C'est dans cette optique que Kant dira : « Agis toujours de manière à traiter l'humanité, aussi bien dans ta personne que dans la personne de l'autre, comme une fin et à ne t'en servir jamais comme d'un simple moyen »46(*). Cette chosification se manifeste aujourd'hui chez les personnes qui mettent l'avoir au détriment de l'être. On pourrait mieux comprendre cela à partir de quelques exemples. Considérons le cas d'un parent qui fracasse la main de son enfant parce que celui-ci aurait éraflé la peinture de sa nouvelle voiture. On pourrait relever également ces personnes qui assassinent d'autres humains puis se servent de certains organes du corps pour sacrifier à des divinités en vue d'obtenir des biens matériels et financiers.Il y a aussi le cas de certaines entreprises dans lesquelles les personnes sont embauchées selon leur pouvoir d'achat, selon leur rang social ou selon leurs relations sociales. Ainsi, en lieu et place de la question centrale d'entretien « que sais-tu faire ? » que le patron devrait poser au candidat, c'est plutôt la question « qui t'envoie? » qui est posée. Et cela en vue de baliser le champ relationnel du candidat avant de se prononcer sur son cas.  Ce faisant, l'ampleur de la technique dans le monde actuel, avec sa prétention d'instrumentaliser à outrance la vie de l'homme, n'a plus à être démontré. En effet, « si le savoir technique s'est imposé dans les domaines de la vie humaine, celle-ci ne saurait se remarquer de façon péremptoire que dans l'éventail des biens actuellement mis à la disposition de l'homme »47(*). Malheureusement aujourd'hui, nous constatons que c'est l'homme qui est mis à la disposition de la technique car il est pris en servitude par sa propre création.

A voir de près les choses, le progrès de la technique a conduit l'homme à une surabondance de biens où trône l'avoir, mieux encore l'homme propriétaire. En effet, tel que mentionné précédemment, l'avoir préside de plus en plus les relations interpersonnelles dans notre monde. Nous assistons à des désastres qui rendent la vie pénible surtout pour les personnes les plus vulnérables. Les plus riches deviennent de plus en plus forts, tandis que les pauvres deviennent de plus en plus pauvres voire miséreux. Et dans cette décadence du tissu social, les riches s'arrogent le pouvoir de dominer sur les pauvres. De ce fait, l'homme devient synonyme de souffrance pour l'homme à cause de l'avoir. Ce dernier modifie les relations entre les êtres. Cela suscite une crise de l'être face à l'avoir du fait que d'autres personnes à cause de leur manque, n'ont plus la capacité, voire la liberté de manifester leur droit, ils vivent comme des personnes qui ne sont pas des sujets de droit. Dans une telle situation, la vie perd son caractère sacré, l'homme n'est plus considéré à sa juste valeur, car au lieu d'être une fin, il devient un moyen, une chose, un objet.

Il est bien triste de constater aujourd'hui que l'existence de l'homme semble se justifier dans une dynamique qui se résume en une course effrénée des biens matériels qui deviennent le ciment qui noue les relations entre les êtres. Relation dans laquelle, une catégorie d'êtres est considérée comme inferieure à cause de sa situation de pauvreté matérielle.Cette relation est aussi biaisée dans le contexte du savoir intellectuel et du pouvoir technique. Certaines personnes dotées d'une puissance intellectuelle remarquable se croient supérieures aux autres ; il en est de même pour celles qui ont une grande maîtrise de la technique. Leur savoir et leur connaissance deviennent un obstacle pour l'épanouissement des autres. Ces personnes deviennent dépendantes de leur savoir, d'où la difficulté à développer une vie sociale louable.Tous ces conflits qui mettent en péril l'être sont liés à la façon dontl'homme considère l'avoir. De ce fait, que représentel'avoir pour l'homme contemporain ? Comment considère-t-il l'avoir ?

II. 2. CRISE DE L'ETRE ET OBJECTIVATIVATION DE L'AVOIR-POSSESSION

La crise de l'êtrea aussi comme agent vecteurl'objectivation de l'avoir-possession. Cependant, qu'entendons-nous par ``objectivation de l'avoir-possession'' ?L'avoir-possession faut-il le rappeler, est une impulsion passionnée de retenir, de garder, d'amasser pour soi et rien que pour soi, c'est avarice incarnée.« Un homme objet, est essentiellement un être dont la valeur d'être en tant qu'être, c'est-à-dire, le point ontologique s'effrite »48(*). Ainsi, pour Marcel, « traiter l'autre, un homme, comme objet, c'est, en effet, le considérer comme nous considérons un ustensile : à la fois identifier son être avec ce que nous connaissons et ne voir en lui qu'une somme de qualités ou de fonctions sur lesquelles nous pouvons exercer des techniques »49(*). Ainsi, dans l'univers marcellien, traiter autrui comme un objet, c'est-à-dire, à la troisième personne, comme un « lui », c'est le traiter comme absent, même si physiquement il est présent. Par présence, Marcel n'entend pas : « le fait de se manifester extérieurement, mais celui bien moins objectivement définissable de me donner à sentir qu'il est avec moi »50(*).

Gabriel est persuadé quant à lui qu'il y a un sens où l'on peut considérer le corps humain ou son autre comme un simple avoir ou une chose car le corps est plus fondamental dans l'ordre de l'être ou du corps-sujet différent des choses matérielles, des objets. C'est sous l'angle scientifique et technique que Marcel voit le corps comme un objet ou un avoir outre cette réalité rien d'autre. En effet, dans ce domaine, toute réalité de l'univers est envisagée comme un objet et étudiée par la science. Il l'exprime en ces termes : « Le corps est « objet » en tant qu'il donne prise à la connaissance « scientifique » et qu'il se prête à tout un ensemble de techniquesextrêmement variées qui vont de l'hygiène à la chirurgie. Ou pour prendre une illustration hélas ! Contemporaine, dans la mesure où il peut être manipulé et malmené par des tortionnaires »51(*). De fait, le corps est confondu avec d'autres objets, il n'est investi par rapport à eux d'aucun privilège quel qu'il soit. Il est objet pour autant puisqu'il peut être étudié par l'anatomie, qu'on peut prendre soin de lui par l'hygiène, qu'on peut le disséquer par la chirurgie.

Par ailleurs,selon Gabriel Marcel, l'avoir-possession est « celui où se trouve exprimé le caractère possessif même quand l'élément possessif lexical a subi une ellipse »52(*). L'avoir peut de cette façon revêtir des modalités très différentes.Remarquons que l'indice de possession ou possessif est aussi marqué lorsqu'on dit par exemple : « j'ai une voiture, de l'argent, une maison ou une arme »53(*). La voiture ou la maison, voire l'argent sont des avoirs. Ce genre de possession engage la personne dans une voie un peu différente que lorsqu'on dit : « j'ai le temps de réaliser ou de faire telle ou telle chose »54(*). Dans cette dernière phrase, nous percevons suffisamment le rapport de possession malgré la résignation de l'indice possessif « ma ou mon ». Ce rapport n'est essentiellement signifiant que dans le contexte d'une chose possédée et d'un possesseur ou d'un sujet possédant. C'est-à-dire que l'avoir-possession, fait appel à un certain contenu ; disons plus, à un centre « qui (chose) rapporté à un qui (sujet) traité comme le pense Marcel « comme un centre d'inhérence ou d'appréhension de cet objet »55(*).

Par conséquent, l'avoir-possession, implique le facteur de revendication exclusive. C'est dire que toute possession se caractérise par la présence d'un sujet revendicateur exclusif. Ce sujet dit possesseur peut être moi-même sujet-centre qui n'est qu'une forme analogue de ce moi qui lui est prototype. Mais le bien que l'homme a, n'est pas en soi une entité intrinsèque à soi-même, comme le cas du nez, desbras, du ventre, des oreilles, de la bouche ou des jambes par exemple ; le bien est extérieur à la personne tant que son existence est indépendante de ce dernier56(*). L'avoir est un ``objet là'', situé dans l'espace et le temps. Disons que l'objet se révèle extérieur au possesseur. Bien qu'il soit extérieur, celui-ci est aussi le lieu où se révèle l'opposition du dedans et du dehors. Mieux, comme le soutient Marcel, cette chose possédée se situe dans le registre où l'extériorité et l'intériorité se distinguent l'une de l'autre.

En effet, le possesseur s'évertue toujours à ajouter à soi son bien et à en faire autant que possible quelque chose qui lui est intérieur. Pourtant, le fait d'être possédé, n'est qu'une caractéristique accidentelle à la chose en question. Surtout lorsque cet objet produit est extérieur au possesseur, distinct de lui dans l'espace et distinct de lui aussi dans leurs destinées. Il s'ensuit que l'avoir revêt une double dimension lui conférant un caractère quelque peu ambigu.

II. 3. L'AMBIVALENCE DE L'AVOIR

De l'opposition susmentionnée, se dégage une tension entre l'intériorité et l'extériorité qui s'exerce dans la personne impliquée dans la relation de l'avoir. Cette tension naît du choc entre l'extériorité qui caractérise tout avoir et de l'effort d'intériorisation déployé par l'homme face au désir de posséder et surtout de mal gérer cet avoir. Il est tout à fait certainqu'il y a un lien entre l'homme et la chose qu'il possède, ce lien n'est pas comme stipule Marcel, une simple conjonction externe, cette chose atteint ce dernier dans son intériorité et s'identifie essentiellement à lui57(*), comme déjà présenté. En effet, Gabriel Marcel nous instruit à ce propos en ces termes : « ce bien en tant qu'une chose soumise aux vicissitudes propres aux choses, peut-être perdu, détruit. Il devient ainsi le centre d'une sorte de tourbillon de craintes, d'anxiétés, par-là se traduit précisément la tension liée (sic) à l'ordre de l'avoir »58(*).

D'autre part, un secret comme cas typique ne peut être traité comme un avoir que dans la mesure où le sujet le garde ou qu'il peut le trahir : c'est en même temps qu'il est sien et mérite d'être exposable, arrachable. Le secret entendu au sens de l'engagement et tel qu'employé ici ne fait pas mention de notre réflexion dans ce travail. Ainsi, Marcel estime que « l'avoir ne se situe donc pas du tout dans un registre(...) où l'intériorité et l'extériorité ne se laissent plus réellement séparer(...) ce qui importe, c'est la tension entre l'une et l'autre »59(*). Ainsi, cette exposition pour se dérouler, nécessite la présence d'autrui. Remarquons en outre que cet autre que moi-même peut être considéré comme une menace qu'il faut écarter afin de garantir la protection de son bien.

II. 4. AVOIR ET SUPPRESSION DE L'AUTRE

Dans l'opposition qui marque le bien possédé, nous supposons nécessairement la présence du qui et du quid, c'est-à-dire qu'il n'y a d'avoir que pour un sujet60(*). Mais cette permanence se veut par essence menacée du fait même de la tension avec l'autre. Dans la dynamique des possessions, nous percevons comme menace l'autre en tant qu'autre, l'autre qui peut être le monde en lui-même et en face duquel on se sent douloureusement soi. Car, comme le dira Marcel, « cet objet exposé qui est mien peut être arraché ou altéré avec l'autre »61(*). Pour garder son bien et éviter qu'il soit arraché, il faut créer l'indifférence vis-à-vis de l'autre, créer une attitude de sabotage entendu ici, un renvoi dos à dos, car l'un est jugé archaïque et conflictuel et l'autre contemporain et souple. Cela entraîne également la crise de l'être.

Dans cette lutte, l'homme devient le centre de tant d'inquiétudes et de craintes. Et dans la mesure où l'avoir peut lui être arraché, le possesseur tente de l'incorporer ; de s'y attacher fermement, de former avec lui un complexe unique et indécomposable, supprimant ainsi l'espace pour l'autre, comme le dit Marcel, en manifestant des comportements d'indifférence De cet attachement, il résulte que lorsque l'avoir n'est pas maintenu dans son rôle de dépendance, le sujet possesseur est asservi, voir exclu.

Par ailleurs, l'homme dans sa possession se trouve souvent en face de choses parmi lesquelles certaines  entretiennent avec lui des relations d'une nature spéciale et mystérieuse62(*). Ces biens ne lui sont pas seulement extérieurs, mais aussi intérieurs. G. Marcel le souligne quand il prône que : « l'homme s'attache à ces objets comme s'il y avait entre ceux-ci et lui communication par dedans mais cette communication pose problème où l'homme ne la gère pas bien et la laisse sublimée sur son être63(*). En d'autres mots, nous pouvons dire que les objets dont dispose l'homme l'atteignent. Et dans la mesure où l'être est attaché à ces derniers sans maîtrise, il est manifeste qu'ils exercent sur lui une puissance que cet attachement même leur confère et qui s'accroît avec lui.

Notons en plus que l'avoir implique le pouvoir de disposer. C'est pourquoi l'homme ne peut disposer de son bien que dans la mesure de son pouvoir. Ainsi posséder un bien présuppose en effet, les capacités et les limites d'appropriation. De cette façon, le bien ou l'avoir fait de l'homme un être puissant, doué de pouvoir et de force qui influe sur les autres. En d'autres termes, si la personne qui possède quelque chose (un bien) tente toujours «  d'intérioriser et s'incorporer à l'avoir en s'y accrochant sans mesure, son être devient assimilable à ce bien »64(*). Dans ce sens, « l'avoir tend à se sublimer, à se transmuer en être »65(*).

Il en va de même dans une situation ouvrière causée par la technique. En effet, dans un monde soumis au primat de la technique, les ouvriers sont réduits non seulement à un ensemble de fonctions, ou simplement assimilables à la machine ; mais encore, la majeure partie des ouvriers ne se rendent plus compte de leur état, soit ils ont perdu la capacité et/ou la possibilité de réfléchir sur leurs propres conditions, soit ils sont séduits et aliénés, par l'émancipation de la technologie.

Ce faisant, la mentalité technologique crée un sous-homme ayant perdu la capacité de réflexion et de discernement dont les attributs sont caricaturés de la vie contrefaite. On a ainsi tendance à oublier dans le rapport politique, économique, et industriel la considération de la dignité de l'autre en tant que personne. Tout dépend alors de la conception qu'on se fait de la personne. Dans un tel monde,« l'archétype humain, c'est l'homme dont le rendement est objectivement discernable qui vaut tant de dollars » c'est-à-dire, en fin de compte, celui dont l'activité est plus assimilable à celle d'une machine. C'est sur le modèle de la machine que l'homme est plus couramment pensé(...) »66(*). Partant de ce constat, l'ouvrier se sent mal à l'aise dans son existence, dépouillé de son ipséité, comme le dira G. Marcel. La dégradation menace l'intégrité humaine, tandis que la technique tente de la réduire à rien. L'homme moderne se trouve devant un embarras de choix, ne sachant plus à quoi s'en tenir entre l'important et l'accessoire.

II. 5. LA CONCEPTIONLOGIQUE DE LA TECHNOSCIENCE

L'évolution de la théorie marcelliennesur l'avoir comme susmentionné, se justifie dans le sens où elle nous permet de saisir l'ambiguïté et les conséquences qu'instaure l'avoir dans le contexte actuel de la technoscience. Ceci est d'autant plus vraisemblable qu'en ce début du troisième millénaire, les avoirsengendrent par le développement de la science et de la technologie,une influence sans condition sur l'existence de l'homme et paraissentune préoccupation majeure. D'oùla nécessité pour nous de nous interroger comme suit : quelle est la portée ontologique de l'homme d'aujourd'hui dans sa relation avec l'avoir ?Est-elle prometteuse ou réductrice pour sa dignité ?

II. 5. 1. Vers la dérive ontologique de l'avoir

Au regard du paragraphe précédent, il sied de noter que l'homme en se soumettant à la domination de la production scientifique, se réduit à un objet et devient par ce fait étranger à lui-même. Ainsi, le fait d'être sous l'emprise ou l'asservissement de l'avoir, l'homme tente de se définir dans la dynamique de l'extériorité.L'être humain devient pour ainsi dire objectivable et caractérisable,c'est-à-dire qu'il devient comme un objet. Pis encore, il s'assimile à ce qu'il possède à cause de la mauvaise gestion de cet éventuel avoir. Cette identification à l'objet entraîne une dissipation brusque de la profondeur métaphysique de l'être existentiel.

De cette manière, se présente, en effet, le danger ontologique que court l'homme à l'heure actuelle de s'identifier aux avoirs et aussi de se laisser emballer et dominer par le progrès de la technologie. Gabriel Marcel souligne cette déchéance en précisant que, le risque de l'homme, accumulateur des avoirs, est de tenter de faire un avec ces derniers, qui, cependant sont loin d'être en réalité l'être.

Remarquons, par ailleurs, que cette tentative de s'identifier à son avoir et de faire un avec lui devient le propre de la civilisation occidentale.Une forme d'individualisme radical se développe dans la mesure où la présence de l'autre dans son espace vital est perçue comme une perpétuelle menace contre son bien-être, son confort.Et cela entraîne logiquement la tendance au repli sur soi, à l'isolement, à la fermeture vis-à-vis des autres.La mauvaise gérance ou la tendance à placer l'avoir au détriment de l'être,occasionne la crise de l'être. Il se révèle donc une sorte d'anxiété ressentie par l'homme comme un souci rongeur, paralysant et brisant tout élan d'initiative d'altérité et d'intersubjectivité dans le monde actuel. L'alter ego pour l'homme devient son avoir, cet avoir avec qui il partage son existence. Il s'ensuit que cette peur peut, par ailleurs, se transmuer comme le dit Marcel : « en une inertie intérieure qui vit le monde comme une stagnation »67(*). Par-là, l'homme devient fermé à toute espérance. A travers ce désespoir, se décrète en quelque sorte « la mort de la vie », la mort anticipée par l'homme au contact des avoirs produits par le progrès de la technoscience. Cette mort est la conséquence directe de l'asservissement par l'avoir, car l'être possédant, devient inévitablement l'être possédé.

II. 5. 2. Le drame de l'avoir technoscientifique sur l'être

L'appropriation de l'avoir scientifique semble influer mortellement sur l'être de notre temps. Cette influence opère une sorte d'obstacle déchirant qui fait perdre à l'homme son poids ontologique, engendrant même son auto-négation. Cela apparaît clairement dans le lien entre avoir et désir ainsi que dans l'avoir et l'indisponibilité.

II. 5. 2. 1. Avoir et désir

La phénoménologie de G. Marcel reconnaît que l'avoir est déjà en substance présent dans le désir ou la convoitise provoquée par la mauvaise foi de l'homme. Ces désirssont à la fois « auto-centrique et héro-centrique »68(*) ; disons qu'ils apparaissent en lui-même comme héro-centrique, alors qu'en réalité, il est auto-centrique. De plus, désirer, c'est avoir en n'ayant pas encore ; c'est avoir en pensée. Par ailleurs, le désir, comme le soutient G. Marcel relève « du nous voudrions bien, et porte, comme l'avoir sur quelque chose qui est extérieur à soi-même »69(*). L'avoir désiré, se veut être « présent, immédiat »70(*). D'où la contradiction au sein du désir entre le rêve de possession et l'indigence dans la réalité qui entraîne au coeur de l'homme une souffrance et une brûlure. Ce faisant, cette souffrance entraînée par le désir caractérise surtout l'homme moderne qui est fasciné par le mode de vie paré par l'éclat de la production scientifique.

Cette fascination est porteuse d'un partage de l'être dans la mesure où la soif, ou l'envie de l'abondance des avoirs impressionnants de la technoscience, transporte ce dernier par ses désirs vers les milieux où se trouvent accumulés ces biens. A travers ce refuge, s'opère alors la négation de son être qui veut s'identifier définitivement à l'être foncier et extérieur, la situation dans laquelle il se sent repu existentiellement. Nous pouvons le remarquer, l'homme dans ce monde impressionné par les avoirs scientifiques, vit en homme d'une espérance enfouie dans l'autre et, dans son effort, il rêve toujours de posséder comme l'autre.

II. 5. 2. 2. Avoir et indisponibilité

Faire de l'avoir un objet de désir radical, empêche l'homme d'établir une relation existentielle vraie et juste. Ceci dit, lorsque l'homme se crispe sur son bien, celui-ci devient, pour lui, le centre du monde, l'instance suprême à partir de laquelle il juge les autres. Selon G. Marcel, « la préoccupation de ce dernier reste anxieusement braquée sur ce bien qui alors absorbe totalement son coeur »71(*).L'homme se met de cette façon dans un état d'indisponibilité radicale dont il est difficile de l'arracher. Cette indisponibilité place l'homme dans une inertie et une stérilité qui limitentson effort de créativité.

Par ailleurs, quand nous réfléchissons sur les guerres, sur le désordre et les conflits qui existent dans le monde, nous voyons également que l'avoir a instauré une attitude d'indisponibilité qui caractérise les hommes de ce temps à la poursuite effrénée de ces avoirs mis à leur disposition par le progrès de la technoscience. Ainsi, l'homme parvenu à l'accumulation des biens, s'y accroche au prix même de perdre sa dignité et de subir l'humanisation sous-humanisante. G. HOTTOIS le montre bien en stipulant que « les attitudes de sous humanisation prises par les accumulateurs nordiques, non contents de voir se partager leurs avoirs n'ont point réussi à injecter la conscience de l'effort libérateur en vue de l'indépendance »72(*).

CONCLUSION

Tout au long de notre parcours, il a été question de remarquer que l'homme face aux multiples inventions créées par lui-même et par ricochet, la mauvaise gestionqu'il fait de ses inventions (avoir technologique et bien d'autres avoirs),perd de plus en plus l'essentiel de son être, et surtout sa propre dignité puis discrédite également la dignité des autres par le fait de donner beaucoup plus de valeur aux avoirs récents oubliant son autre et lui-même. La fraternité authentique n'existe presque plus et même le sens du partage est exclu au sein de la société moderne. L'avoir n'est plus au service de l'être mais l'être au service de l'avoir.

Partant de cela, nous avons constaté que les relations sont présentées, dans cette analyse, tout simplement comme un rapport extrinsèque, rapport de « choses » dans l'espace et le temps, sans qu'il y ait pour autant l'essentiel du « nous », à savoir la présence naturelle de deux sujets, l'intimité spirituelle. L'objet ou l'avoir s'il est physiquement présent devant moi, en face de moi, demeure absent ; il est le type même de l'absence, car il existe sans tenir compte de moi73(*). Il n'a pas de conscience. Le fait d'accorder beaucoup de crédit à l'avoir tout en oubliant son existence et celle des autres est à la base de la crise liée à notre existence. A ce propos, écrit Marcel, « nous pouvons, par exemple, avoir le sentiment très fort que quelqu'un qui est là dans la même pièce, tout près de nous, quelqu'un que nous voyons et que nous pouvons toucher, n'est cependant pas présent, qu'il est infiniment plus loin de nous que tel être aimé qui est à des milliers de lieues ou qui, même, n'appartient plus à notre monde » 74(*).

Mais aussitôt que cet inconnu se découvre à moi comme un foyer de vie, de souffrance, de souci, une transfiguration s'opère ipso facto. Parce qu'en ce temps, nous coexistons. Il s'approche de moi, il n'est plus absent, il m'est présent, il n'est plus « lui », il devient « toi ». Il y a donc là un passage, un progrès de « lui » au « toi », de la connaissance à l'amour. Cet amour, relève du « toi », de la deuxième personne.

En ce moment, l'autre cesse d'être pour moi quelqu'un dont je m'entretiens avec moi-même, il cesse d'être encadré entre moi-même ; ce moi-même avec qui j'étais coalisé pour l'examiner, pour le juger, a comme fondu dans cette unité vivante qu'il forme maintenant avec moi. Et par là, s'ouvre le chemin qui mène à la dialectique de l'amour et de l'altérité.De ce fait, la relation être et autrui est évidente. Etre avec autrui consiste réellement à donner sens à son existence car l'autre est le miroir de mon existence. La considération de l'autre comme humain consiste à reconnaître sa propre dignité étant donné que pour Gabriel Marcel, l'être n'est pas dans l'ordre de l'avoir mais bien plus de celui de mystère. Il est essentiellement intersubjectif.Mais quel est le fondement de l'existence humaine dans sa relation interpersonnelle ? Laissons le prochain chapitre tenter d'y répondre.

CHAPITRE III : L'INTERSUBJECTIVITE : FONDEMENT DE L'EXISTENCE AUTHENTIQUE

III. 0. INTRODUCTION

La spécificité du deuxième chapitre était de prouver la crise de l'être face aux avoirs par la mauvaise gestion que l'être ou l'homme cultive sur ceux-ci. Le présent chapitre se veut une reconnaissance de soi et la considération de l'autre, par une approche intersubjective qui semble, un effort d'entrevoir des possibilités de la restitution ontologique de l'homme afin de favoriser une ambiance existentielle authentique d'être-avec et non celle de l'avoir qui réduit l'être à un objet ou à une chose. L'homme transcende ce plan, il est un être. Sa relation avec autrui est une relation existentielle75(*). Marcel soutient à ce propos que, rencontrer  quelqu'un « n'est pas seulement le croiser, c'est être au moins un instant auprès de lui, avec lui, c'est dirai-je d'un mot dont je devrai user plus d'une fois, une co-présence »76(*). « Ainsi l'altérité est l'expérience la plus immédiate de la vie humaine, la réalité la plus fondamentale à la quelle personne ne peut échapper »77(*).

Cette considération ne s'opère qu'à partir de l'incarnation. Celle-ci est le véritable moyen de reconnaissance de soi et de l'autre. Car « si tu veux connaître les autres, regarde dans ton propre coeur. Mais si tu veux te comprendre toi-même, regarde comment se comportent les autres »78(*). L'autre est le miroir de mon existence, il n'est ni un enfer, ni un avoir ou un objet mais bien plus, mon alter ego, celui par qui, je me réalise amplement, celui par qui je partage la même condition d'existence. Il est, en effet, le fondement de mon existence. 

Notons d'emblée que le terme d'intersubjectivité est d'un usage assez récent dans la philosophie concrète de G. Marcel. La réalité qu'il désigne était cependant perçue par lui-même dès ses premières recherches. C'est elle qui a frappé bon nombre de commentateurs, lesquels ont considéré la pensée marcellienne sous la rubrique d'une philosophie de la communion. C'est en effet sur la communion, la présence, la participation, que cette philosophie est centrée et c'est sur cet aspect qu'elle tâche d'expliquer en définitive ces grands axes : union au monde, à soi, telle que nous l'avions présentée au premier chapitre et l'union à Dieu79(*). Dans sa philosophie, le métaphysicien de la communion s'oppose à celle de Sartre, pour qui l'enfer c'est, les autres. Pour Marcel, il n'y a qu'une souffrance, c'est d'être seul (égoïsme). Selon lui, le bonheur consiste dans la communion avec autrui c'est-à-dire dans l'altérité ou dans l'intersubjectivité80(*).

Dans cette logique, l'intersubjectivité est quelque chose de totalement nouveau par rapport au rapport objectif qui semble la précéder et l'engendrer. Elle n'en est nullement le prolongement. Les signes médiateurs du rapport objectif restent tout à fait étrangers à la formation de cette nouvelle expérience de l'autre81(*). Le rapport objectif est un rapport tout abstrait, constitué simplement par le savoir qui n'atteint que des termes logiques et jamais l'être même, tandis que l'intersubjectivité est un rapport concret, une participation amoureuse comme qui, seule, atteint vraiment l'être dans toute sa richesse, son essence voire son épanouissement, en laissant la profondeur de l'autre se manifester. Ainsi, pour mieux cerner la cogitation de cette philosophie dialogique, nous parlerons dans un premier temps de l'intersubjectivité horizontale, dans un deuxième temps de l'amour comme principe fondamental de de l'intersubjectivité authentique, puis de l'intersubjectivité verticale ou fondamentale. Une conclusion mettra fin à cette cogitation.

III. 1. INTERSUBJECTIVITE HORIZONTALE

L'intersubjectivité horizontale est celle que nous appelons et considérons chez Gabriel Marcel comme l'intersubjectivité qui noue la relation de l'`'être-avec''. C'est un rapport qui est essentiellement un rapport d'être à être, un rapport de présence mutuelle en  `'toi'' ou en  `'nous''. C'est-à-dire de l'être-avec-autrui comme le fondement de l'existe authentique. L'autre, c'est celui par qui nous communion et vivons ensemble de par notre existence. C'est une intersubjectivité « katabaino », il s'agit de l'intersubjectivité terrestre. En effet, l'ouverture à l'autre, la communion avec l'autre ou encore le problème de l'autre dans sa considération métaphysique diffèrent de celle de la relation objective que Marcel appelle « une relation d'absence ». Elle est une des grandes conquêtes de la philosophie existentielle. La philosophie dialogique clame que l'homme en tant qu'être humain n'est pas autosuffisant, il ne s'accomplit que dans la relation avec autrui, car au commencement était la relation82(*). La relation est donc primordiale dans la nature de l'homme. Dans ce sens, le problème de l'autre se présente dans la dynamique de G. Marcel comme une implication de la question « qui suis-je ? ». Le sujet qui pose la question se rend compte qu'il n'a pas la qualité nécessaire de la résoudre. Il y a en lui comme un certain vide existentiel. L'autre surgit alors comme suppléant cette carence constatée. L'autre est comme le point de repère pour vérifier la validité de ma réponse sur moi-même d'abord et sur l'être ensuite. Dans ce sens, Gabriel Marcel pense que cette démarche ne doit pas être dans la ligne du  « je pense donc je suis » cartésien ou le « ich denke » kantien, mais dans celle « les autres existent donc je suis »83(*). Ceci dit l'autre est celui qui me révèle mon existence, celui par qui je me vois comme un être existant, le fondement de mon existence.

L'homme ne tombe pas du ciel dans sa venue au monde, mais il passe par la médiation des personnes pour devenir personne et cette dimension de la personnalité se réalise dans la société avec les autres. L'existence authentique est l'existence-en-commun pour Marcel; c'est le toi qui restitue à la personne son véritable être ; ce qui le rend lui-même. L'homme se définit essentiellement par son ouverture, sa disponibilité à autrui.

De cette manière, la communion ou la relation avec autrui devient résultante d'un effort incessant et héroïque de chacun pour élucider ses propos ténébreux intérieurs et pour se rendre ainsi perméable, ouvert, disponible à autrui. L'originalité de Marcel consiste ici dans le fait d'avoir mis l'accent sur « l'affectivité, mieux sur l'amour, au point que l'intersubjectivité se confonde ou s'identifie avec l'amour »84(*). « L'être-avec n'est pas chez lui, une simple appartenance ou coappartenance au monde, une existence en commun dans une entreprise ou une action, etc. Tous ces «lieux« sont la base matérielle de la rencontre véritable qui est `réciprocité des consciences', communauté des coeurs, communion spirituelle. L'intersubjectivité est pour lui, l'ouverture à autrui, détente, le décentrement de soi et accueil de l'autre ; elle exclut toute tension »85(*), elle est `intercourse', ``nexus'', ``unité sentie'', participation basée sur un consensus qui par définition ne peut être que senti et qu'inintellectualisable »86(*). Elle suppose un domaine où les mots toi-même, moi-même, cessent de désireux noyaux distinctions l'un de l'autre. Elle est une communion ineffable, un lieu intime tel que celui qui existe entre moi et mon corps. Elle n'est pas seulement un échange réciproque entre des personnalités distinctes ; elle affecte aussi le sujet lui-même, lequel est foncièrement intersubjectif87(*).

De ce qui précède, l'intersubjectivité horizontale n'est possible que dans le domaine du `'toi'', c'est-à-dire, de l'autre vu à la deuxième personne, à qui je peux m'adresser, lancer un appel, une invocation, avec qui je peux me réaliser pleinement comme humain. Sans l'autre l'existence n'est rien. L'existence authentique ne peut qu'être vraie et juste en vivant avec les autres qui, au fond donnent du sens à notre existence. C'est dans cette perspective que Martin BUBER dans sa philosophie du `'Je-Tu'', met en lumière le caractère concret et sensible de l'altérité. Celle-ci nous est intimement intime. La constitution de notre humanité est ouverture à l'autre, puisque le `'Tu'' nous es inné88(*). Les hommes, en naissant, ont tous toujours et déjà un `'Tu'' inné qui ne se réalise pleinement que dans la relation. Dans la relation `'Je-Tu'', chacun a son rôle que l'un ne peut inclure dans l'autre.  Le `'Je'' est responsable au-devant du `'Tu'' comme également le `'Tu'' ne peut ignorer la présence du `'Je''. Il n'y a pas de relation que là où il y a la présence de deux termes. Dans cette perspective, « toute relation est réciprocité »89(*). Cela montre également que l'existence authentique ne se réalise qu'en relation avec les autres.

Dans « Mit-sein », Martin Heidegger nous démontre que le `'Je'' jouant le rôle du Dasein comme (l'être jeté dans le monde)être-dans-le-monde n'a jamais été seul, mais avec les autres étants. Il affirme à ce propos qu'exister, c'est exister avec les autres et que « le monde auquel je suis a toujours été un monde que je partage avec les autres, parce que l'être-au-monde est un avec. Le monde où réside le Dasein est un monde partagé avec le prochain90(*). Les autres nous accompagnent, ils sont ceux par lesquels je suis. Il s'agit principalement d'un rapport selon lequel, le sujet se reconnaît en tant que tel, que par rapport à autrui, et c'est dans cette reconnaissance d'autrui que naît l'existence. L'homme ne peut être, et être conscient que s'il se trouve en présence d'autres sujets conscients qui éveillent sa conscience.

De ce fait, la réflexion de Marcel sur le `'Je-Tu'' n'aboutit qu'à la communion de `'nous''. Il ne voit aucun autre chemin que le moyen dynamique de l'expérience où nous nous rencontrons consubstantiellement. C'est dans celle-ci qu'il y a ou devrait avoir une mutuelle réceptivité, une communion sans anfractuosité, une véritable co-présence. Pour lui, l'être serait le `'nous'' dont participent `'je'' et `'Tu'' qui ne sont qu'au titre des termes de cette relation. C'est dans une même vision qu'apparaissent l'être-relation, ma personnalité et celle d'autrui, termes de cette relation91(*).

Pour DenisBOSOMI, « le `'Je-Tu'' confère à la personne sa pleine valeur. La personne ne s'accomplit totalement que dans cette référence à l'autre. »92(*). C'est dans cette logique que nous comprenons la pensée de Tshiamalenga Ntumba. Selon cette conception, seule une communion « bisoiste » (nous), est compatible avec l'avènement de cette société mondiale, qui garantit la paix, la fraternité, le développement et la prospérité pour tous93(*). Ce faisant, « nous sommes avec tous et avec tout, c'est-à-dire, nous sommes `'un'' avant d'être distincts en `'Je'', `'Tu'',... Cela, c'est le primat de la bisoité tant théandrique qu'anthropologico-cosmique (...). Bref, toutes les relations consacrées par l'histoire et la culture »94(*).

Dans cette relation, il n'y aura pas de pouvoir de domination, de la réduction de l'être ou une stratégie en titre lucratif, mais bien plus celle de la considération de l'autre en tant que toi-même dans son fond, c'est-à-dire dans sa valeur ontologique intégrale. Elle sera également celle où l'avoir sera au service de l'être et non l'inverse. Comme on le voit, l'intersubjectivité dans ce sens ne peut qu'être conditionnée par l'invocation, par l'appel que je lance à autrui. L'amour fait partie de cet élément qui crée l'intersubjectivité car pour Marcel, l'amour me révèle à moi-même en même temps qu'il me révèle à l'autre. En quoi consiste cet amour ?

III. 2. L'AMOUR : PRINCIPE FONDAMENTAL DE L'INTERSUBJECTIVITE AUTHENTIQUE

L'intersubjectivité à en croire Gabriel Marcel, se fonde sur le principe d'amour. Il ne s'agit pas ici d'un amour stratégique ou par intérêt, où se trouve les personnes qui tissent leurs relations en fonction du bien matériel mais, bien plus d'un amour vrai, sincère, juste et clair extrinsèquement qu'intrinsèquement. C'est-à-dire l'amour dans sa pleine dimension métaphysico-anthropologique. Un amour qui valorise l'être et qui met en dehors toutes mauvaises considérations de l'être comme un avoir ou une chose afin de le laisser apparaître dans toute sa dimension, sa capacité et sa qualité. Dans cette optique, l'amour profit ou encore l'amour basé sur des intérêts égoïstes n'existe pas dans l'entreprise de ce fameux philosophe chrétien. C'est d'ailleurs ce type d'amour égoïste que le fondateur de l'Académie appelle autrement `'trompe-l'oeil''. Pour Platon en effet, le Vrai ne demeure pas dans les apparences ou dans le monde sensible mais bien plus dans le monde intelligible c'est-à-dire dans le fond de l'être95(*). Ainsi, l'amour ne pourra qu'être Vrai si et seulement s'il est vrai dans son essence, dans sa complétude dans l'intimité de l'homme.

Gabriel Marcel dans Journal Métaphysique souligne que « dès le moment où on aime un autre être, où on est aimé par lui, une redouble solidarité se crée »96(*). Pour lui, l'amour est échange, créateur et vie. De ce fait, sans amour vrai, il n'y aurait pas d'amitié vraie et sans amitié vrai, personne ne choisirait de vivre.

Ainsi considéré, l'amour n'est pas objet de la pensée, il est mystérieux par nature. C'est ce que NGIMBI NSEKA soutient cetteidée lorsqu'il affirme que  Marcel est hardi et va plus loin quand il réclame l'amour comme méthode d'approche de la réalité humaine. Avec l'amour dit-il, « nous sommes d'emblée passés de l'ordre du `'lui'', de l'impersonnel qui caractérise la science, la connaissance objective, à l'ordre du  `'toi'', du personnel ou de l'interpersonnel, à un objet où les catégories de l'objectif et du subjectif perdent la signification qu'elles ont en épistémologie, a un ordre où, même si ces catégories sont corrélatives l'une à l'autre, elles sont pourtant indifférentes chacune au sort de l'autre. L'objet, c'est ce qui ne tient pas compte de moi. Or pour me réaliser moi-même, pour m'accomplir, j'ai besoin d'un autre qui m'apporte la part de richesse dont, être fini, je manque forcément. Cet autre qui peut jouer ce rôle, c'est celui dont je peux attendre une réponse. C'est l'autre que moi, que j'appelle `'tu''. Car autrui dans sa plénitude de l'altérité personnelle, c'est la deuxième personne »97(*).

En aimant vraiment et réellement, je deviens tout à fait différent, je suis transfiguré. L'autre aussi transfiguré par le même amour ; l'amour fait disparaître l'objet comme objet, et `'lui'' cède la place au `'toi''98(*). L'amour, vu comme vie spirituelle, est créateur : créateur du sujet, de l'aimant, mais aussi de ce sur quoi il porte, c'est-à-dire, de l'être aimé. Car l'homme est un « être-avec » : c'est en réalité à partir de l'autre ou des autres que nous pouvons comprendre et seulement à partir d'eux. Avec l'autre donc, l'homme est plus que lui-même, sans l'autre, il devient moins que lui-même. Pour Marcel, le rapport avec l'autre suppose fondamentalement une réceptivité réciproque. Recevoir c'est faire participer à une certaine plénitude. Nous sommes consubstantiellement unis les uns aux et unis à l'être99(*). Dans la mesure où cette réceptivité est posée, on peut parler de la communauté car celle-ci « n'est possible qu'à partir du moment où des êtres se reconnaissent mutuellement comme différents, comme existant ensemble dans une différence même100(*). On pourrait encore dire mieux que les hommes forment la communauté dans la mesure où ils se reçoivent mutuellement dans leurs différences même.

Ainsi aimer l'autre de telle manière est sans doute bien mais, Gabriel Marcel vise encore plus loin ; il vise en effet l'intersubjectivité verticale ou fondamentale car d'après lui, la relation d'homme à homme, est une relation finie. Cette relation se prolonge au `'Toi Suprême'', le divin. Celui-ci occupe une place primordiale dans la pensée de ce philosophe français, à cause de sa forte référence à la religion et au christianisme en particulier. A travers l'autre, on arrive au Toi divin, principe et fondement de toutes choses et de toute existence. En tant que Toi Absolu, il est Un, il est Vrai, il est Bon et Beau, c'est en lui que l'homme s'accomplit fondamentalement dans son intégralité101(*). C'est dans l'intersubjectivité verticale que l'exclusivité et l'inclusivité absolues coïncident en une unité qui englobe le Tout.

C'est dans cette optique de la finalité et de grandeur que le monde de l'Etre s'oppose radicalement au monde de l'Avoir, nonobstant leur corrélation ainsi que la valeur que l'Avoir occasionne à l'Etre. Ce dernier reste au sommet, son existencen'est pas nécessairement dépendant de l'avoir. Il n'y a rien de plus grand que L'Etre ;il englobe tout et dit tout.

De ce fait, la méthode qui peut dévoiler l'être dont s'occupe la métaphysique constitue un véritable effort rationnel. Cette méthode se fait par questionnement progressif. Ainsi, ayant poussé jusqu'aux derniers questionnements, on parvient à affirmer l'être comme la nécessité absolue qui garantit le processus même par lequel nous menons notre réflexion. La métaphysique confesse ouvertement l'existence de l'être, en niant radicalement le néant. C'est donc la seule lumière de la raison qui, en remontant de cause en cause, vient placer Dieu au bout de la chaîne pour ne pas remonter à l'infini102(*). Ceci est purement le résultant d'une démarche strictement métaphysique. Venons-en.

III. 3. L'INTERSUBJECTIVITE VERTICALE OU FONDAMENTALE

L'intersubjectivité verticale ou fondamentale est celle de la communion de l'homme avec Dieu, le Toi Suprême ; le Toi Absolu dans l'expression marcellienne. Le plus caractéristique de cette option est l'aspect personnel que Marcel attribue, en dernière analyse, à cet au-delà. La transcendance absolue, l'au-delà authentique, une personne absolue, qui enveloppe une fidélité absolue103(*). La sommité de toute chose.

C'est l'intersubjectivité « anabaino », il s'agit précisément de monter, c'est-à-dire disposer l'esprit à s'élever vers la contemplation des réalités plus les hautes et sublimes, celle de l'Etre Suprême. Le rapport de l'homme avec Dieu est un rapport de la nécessité. Comme un plus un font nécessairement deux, l'homme aussi a nécessairement besoin de Dieu pour sa pleine réalisation. L'homme sans Dieu n'existe pas. S'agissant de la relation avec Dieu, Kierkegaard souligne que, pour un homme ou chrétien, les plaisirs sensuels ou les valeurs universelles ne comptent pas, mais c'est le rapport que chacun entretient avec Dieu qui importe104(*). Ceci dit, dans toute la réalisation de l'homme, Dieu est et demeure la référence par excellence et incontournable sur laquelle l'homme peut compter pour son épanouissement et son accomplissement. L'ouverture au Toi Absolu est fondamentale dit Marcel, « puis qu'en la niant, je me nie moi-même. Car sans Transcendance, tout se chosifie, le sens de l'existence est alors étouffé et l'homme entre dans la désespérance »105(*). De ce fait, l'homme est appelé à exprimer toujours les germes de la Transcendance, pour préserver sa valeur anthropologico-métaphysique.

Pour Gabriel Marcel, l'intersubjectivité ne trouve son couronnement que dans la communion avec Dieu. Il est son fondement nécessaire et sa justification métaphysique. D'après lui, l'amour entre personnes est la seule façon d'affirmer Dieu car celui-ci, nous a créé que par son image et par son amour, le visage de l'autre est le même que celui de Dieu. Dieu est le `'Toi Suprême''. Ici Marcel n'essaye pas de prouver l'existence de Dieu car cette attitude aurait pour conséquence l'objectivation de Dieu. Mais son problème est d'envisager la possibilité de justifier l'acte de foi. Celui du rapport de la liberté qui existe entre l'homme et Dieu. Pour lui, ce rapport authentique entre l'homme et Dieu, c'est celui du type que l'amour parvient à constituer entre les amants106(*). Le `'Toi Suprême'' pour lui est la non-convertibilité de Dieu en un `'lui''. Car celui-ci réduit la personne à une chose. La seule façon d'atteindre cette Transcendance, c'est l'invocation et la prière. Jugée, traitée comme on objet du savoir, elle cesserait d'être Dieu, de telle sorte que « lorsque nous parlons de Dieu, ce n'est pas de Dieu que nous parlons »107(*). Dieu est toujours dans le présent de ma vie, il est toujours réponse à la carence existentielle ou des questions qui tenaillent l'origine à laquelle je bute.

Pour Gabriel Marcel, Dieu est considéré comme le couronnement et le fondement fondamental de l'intersubjectivité. L'être n'est vraiment présent qu'en la pensée aimante. La relation aux autres constitue une voie qui mène à l'être, mais d'elle-même elle ne se vit pas pleinement. Elle a besoin de trouver un fondement solide. Ce n'est que dans la transcendance qu'elle peut le trouver. Ainsi, les considérations sur le `'Toi Suprême'' sont bien le prolongement et le couronnement qui mène à l'intersubjectivité verticale qui fait, le fondement authentique de notre existence.

Nous pouvons déduire de ces considérations que quelle que soit « l'attribut par quoi on veut designer Dieu, il s'agit toujours d'un concept-limite »108(*). Ce concept vise « une réalité qui peut être accessible qu'à l'invocation, qu'à la prière »109(*). Autant dire que Dieu est objet de foi et non de la connaissance objective. Mais la foi, loin d'être une évasion, est l'acte par lequel l'homme s'accomplit et se réalise véritablement. C'est l'acte par lequel, ayant reconnu, préalablement, son indigence fondamentale, sa déficience ontologique qui le rend impuissant à `'résoudre'' l'énigme qu'il est lui-même, l'homme s'en remet à celui qui seul connait vraiment et donne sens à sa vie ; Dieu.

Ainsi, axer la vie sur le transcendant ou sur l'au-delà ne peut pas vouloir dire une « évasion par le haut ». L'exigence de transcendance, c'est l'exigence ontologique, l'exigence d'être, qui est au coeur de la vie, l'ultime secret dont la vie n'est que l'obscur, laborieux enfantement. Et le Toi Suprême ou Dieu, c'est cette exigence qui découvre son visage authentique110(*).

CONCLUSION

Au terme de ce troisième chapitre, nous sommes en droit de rappeler que notre exercice a été celui de prouver la théorie de l'intersubjectivité comme fondement de l'existence authentique. Dans le premier point, nous avions parlé de l'intersubjectivité horizontale qui est celle qui noue la relation de l'être avec autrui. Dans le deuxième point, nous nous sommes attelé sur l'amour principe fondamental de l'intersubjectivité authentique et le dernier point sur l'intersubjectivité verticale ou fondamentale qui avait pour tâche de démontrer la relation de l'homme avec le Toi Suprême, le Divin.

Démontrer la théorie de l'intersubjectivité comme fondement de l'existence a montré que je n'existe qu'à partir des autres. L'autre est le miroir de mon existence étant donné que notre vie est fondamentalement intersubjective de par son essence. L'existence de l'homme sans le concours de l'autre n'est rien, elle n'est qu'une souffrance. Le bonheur ne réside qu'en étant avec les autres. Car l'homme ne pourra mieux se réaliser qu'en vivant avec les autres, parmi ses semblables, où réside une vie ou une existence authentique. L'autre me rappelle mon existence, c'est par lui et avec lui que j'existe, je me reconnais et je me réalise comme un être existant.

Cette intersubjectivité se fonde et se réalise par l'amour, un amour véritable et sincère. C'est une intersubjectivité où l'existence humaine prime sur l'avoir c'est-à-dire elle s'écarte de la réduction de l'autre à un objet ou une chose, un avoir. L'Etre humain demeure au-dessus de toute réalité existentielle.

L'intersubjectivité reste imparfaite sans fondement solide qui est Dieu, le Toi Suprême qui n'en est pas seulement le fondement, mais aussi son couronnement nécessaire. La communion avec l'autre qui constitue le nous n'a de sens plein que lorsqu'il a son fondement en Dieu. Car toute existence trouve son accomplissement en Dieu. Dieu est l'Etre par qui tout découle, le fondementfondamental et la finalité de toute chose, l'Alpha et l'Omega de tout.

CONCLUSION GENERALE

Notre recherche sur « De l'avoir pour la valorisation de l'être » chez Gabriel Marcel avait pour but de saisir la corrélation entre l'être et l'avoir Dans le premier chapitre; nous avons d'abord saisi l'originalité de la conception marcellienne de l'être et l'avoir, mystère et problème partant de l'analyse phénoménologique. Nous y avons souligné que la relation entre l'être et l'avoir est incontournable de par la nature de l'homme. L'homme pour mieux se réaliser à nécessairement besoin d'avoir certaines propriétés. L'être et l'avoir relèvent d'une importance capitale dans la dynamique de connaissance de l'homme. C'est dire que celui qui n'a rien n'est rien, il faut avoir pour exister, c'est une exigence catégorique.

Dès lors, l'être se place dans l'ordre du mystère, l'avoir dans l'ordre de la possession considérée comme problème. Il en ressort que l'homme nese reconnaîtcomme homme que partant de son corps, c'est-à-dire de la corporéité comme son épiphanie dans le monde qui constitue sa présence, l'union de l'être et de l'avoir, celle de l'autre dans le monde ; et d'autres facultés spirituelles qui constituent son essence ainsi que d'autres attributions extérieures comme la maison, l'argent, etc. ; pour sa réalisation. C'est non seulement l`ensemble de ces propriétés qui le fonde et le valorise. Et cela conduit à la problématique de l'avoir et la crise de l'être dans la société moderne; laquelle problématique fut l'objet de notre deuxième chapitre.

Cette crise ne s'occasionne pas par l'avoir ou les biensmatériels, mais bien plus de celle de la mauvaise gestion que l'homme cultive sur celui-ci, car seul l'homme est conscient parmi tous les étants, l'avoir n'a pas de conscience. C'est la crise des multiples avoirs et la crise de l'avoir technique en particulier. Le fait de mal gérer celle-ci et donner beaucoup de primat à l'avoir à la place de l'être brise l'élan émancipateur de l'homme voire sa déchéance et celle de son alter ego. C'est-à-dire ça brise le sens de l'intersubjectivité. L'homme par le fait de beaucoup accumuler s'oublie lui-même et son autre. Le nous et la relation mutuelle sont exclus à cause de cette mauvaise gérance que l'homme manifeste sur l'avoir. Cette mauvaise gestion joue en défaveur de l'être et le conduit catégoriquement audéclin en lui ôtant sa dignité. Alors que l'avoir est fait pour son épanouissement et son progrès, et non pour sa réduction. Le corps humain n'est pas un avoir au sens profond de la chose, il relève au contraire du domaine de l'être, il est un, il est corporéité selon Marcel. La vie de l'homme est sacrée de par son essence.

Dans cette vision, il y a la nécessité de placer l'être au-dessus de toute réalité existentielle. L'homme de ce fait, ne peut vivre sans les objets ou l'avoir, mais s'il s'en contente, il n'est plus pleinement homme. Se traiter comme un moyen et se servir les uns des autres pour atteindre nos buts, serait sans doute la réduction de soi-même et de l'autrui à un avoir, à un simple matériau, c'est ôter àlui-même et à autrui sa valeur ontologique. Ainsi, l'être reste dans l'ordre de mystère et non de problème ou de l'avoir.

Le troisième chapitre s'est penché sur l'intersubjectivité authentique qui constitue le fondement et la récupération de l'existence de cette crise de l'être. La relation interpersonnelle est évidente. Etre avec autrui consiste réellement à donner sens à son existence car l'autre est le miroir de mon existence. La considération de l'autre comme humain consiste ici à reconnaître sa propre dignité et celle des autres. L'autre n'est ni un enfer, ni un objet ou un avoir mais plutôt mon alter ego, celui avec qui je partage la même condition de l'existence. Il est en effet, le fondement de mon existence. L'avoir dans cette condition, ne pourra qu'être un moyen pour la valorisation de l'être et non pour sa ruine.

Nous ne pouvions que mieux nous réaliser lorsqu'on se traitera mutuellement comme des humains. En mettant notre existence en premier lieu dans toute chose,cela nous permettra de vivre une vie authentiquement, humaine et morale. La communion véritable entre être et autrui nous plonge dans la dynamique spirituelle, celle de l'amour. Ce dernier me révèle à moi-même en même temps qu'il me révèle à l'autre. Un amour parfait, véritable, sincère et juste. Avec l'amour, nous passons de l'ordre du `'lui'' qui caractérise la personne à une absence, à un objet, à l'ordre du `'toi'' qui est fondamental.

En aimant réellement et véritablement, cela nous conduit directement vers le Toi Suprême, vers Dieu. A travers l'autre, on arrive au divin qui n'est rien d'autre que le couronnement et le fondement de l'intersubjectivité. C'est dans cette optique de la finalité et de la grandeur que le monde de l'être s'oppose radicalement à celui de l'avoir. Dans notre condition existentielle, nous devrons toujours mettre l'homme en évidence. La possession nous aide simplement à nous réaliser, mais l'existence, la vie quantà elle, dépasse tout et dit tout. L'on doit luter afin que l'être ne soit jamais sacrifié à cause du bien matériel mais au contraire,c'est l'avoir qui doit être subordonné à l'être. L'avoir sera dans cette société matérialiste au service de l'être pour sa valorisation et non pour sa dépression. Il n'y a rien qui dépasse la vie humaine, elle est et elle demeure dans toute son ampleur fondamentale, métaphysique et mystère.

BIBLIOGRAPHIE

Ouvrage de base  

MARCEL, G., Etre et Avoir, Paris, Aubier-Montaigne, 1968.

Autres ouvrages de l'auteur

1. MARCEL, G., Journal métaphysique, Paris, Gallimard, 1935.

2. IDEM, Les hommes contre l'humain, Paris, La colombe, 1951.

3. IDEM, Le mystère de l'être. Réflexion et mystère, T.1, Paris, Ed. Aubier-Montaigne, 1963.

4. IDEM, Du refus à l'invocation, Paris, Gallimard, 1964.

5. IDEM, Essai de la philosophie concrète, Paris, Gallimard, 1967.

6. IDEM, Position et approches concrètes du Mystère ontologique, Paris, Béatrice-Nauwelaerts, 1967.

Autres ouvrages :

7. BANONA NSEKA, D., Technique et dignité humaine. Perspectives contemporaines à partir de Gabriel Marcel, Bruxelles, Louvain-la-Neuve, 1998.

8. BOSOMI LIMBAYA, D., L'homme et sa destinée. Le parcours de l'anthropologie philosophique de s. Augustin, s. Thomas et J. de Finance, Kinshasa, USAWA, 2013.

9. IDEM, L'ardeur métaphysique. Manuel d'enseignement classique, Kinshasa, USAKIN, 2015.

10. IDEM, Les thèmes majeurs de la philosophie contemporaine. Itinéraire systématico-spéculatif, KINSHASA, USAKIN, 2016.

11. IDEM, La laïcité et la religiosité. A la recherche de l'essence de l'homme, KINSHASA, USAKIN, 2019.

12. BUBER, M., Je et Tu, Traduit de l'allemand par G. Bianquis. Préface de Gaston Bachelard, Paris, Aubier, 1992.

13. CARREL A., L'homme, cet inconnu, Paris, Plon, 1935.

14. COMTE-SPONVILLE, A., Dictionnaire philosophique, Paris, PUF, 4e éd., 2013.

15. DENIS, H., Dictionnaire des philosophes. Préface de Ferdinand ALQUIE, de l'Institut Introduction de Marcel CONCHE, Avant-propos de Bernard BOURGEOIS. Deuxième édition revue et augmentée :1993, novembre, Paris, PUF, 1984.

16. FROMM, E., Avoir ou Etre ? Un choix dont dépend l'avenir de l'homme. Traduction française : Edition Robert Laffont, S.A., Paris, 1978.

17. HEIDEGGER, M., Etre et Temps, Paris, Gallimard, 1927.

18. KANT, E., Fondement de la métaphysique des moeurs. Trad. V. Deblos in OEuvres philosophiques, Paris, Gallimard, T. II, 1985.

19. MOUNIER, E., Le personnalisme. Coll. Que sais-je ?, Paris, 1995.

20. MORFAUX, L-M., L'homme et le monde, Paris, Armand Colin, 1977.

21. NGIMBI NSEKA, H., Tragique et intersubjectivité dans la pensée de Gabriel Marcel, MAYIDI, 1981.

22. PALMIER, J-M., Hegel. Essai sur la formation du système hégélien, Paris, Cherche-Midi, 1968.

23. VAN PARYS, J.-M., Dignité et droit de l'homme, Recherche en Afrique, Kinshasa, Canisius, 1996.

24. WAELHENS, A.,La philosophie de Martin Heidegger. Esquisse d'une lecture interne, Paris, L'Harmatan, 2003.

25. THONNARD, J.-F., Extraits des grands philosophes, Paris, Desclée, 1963.

26. TROISFONTAINE, R., De l'existence à l'être. La philosophie de Gabriel Marcel, T.1, Paris, Louvain-Nauwelaerts, 1968.

Revues :

27. BAGOT, Connaissance et Amour. Essai sur la philosophie de Gabriel Marcel (Bibliothèque des Archives de philosophie, 7è section : philosophie contemporaine, 2), Paris, Beauchesnes et ses fils, 1958, Cité par C. ELONGO LUKULUNGA, Pensée Agissante, p. 71-80.

28. ELONGO LUKUNGA, « De l'être avec dans la philosophie de G. Marcel. Une approche ontologique de la communication » in Pensée Agissante, Vol. 2, n°4, (juillet-décembre, 1996), p. 71-80.

29. NKETO LUMBA, C., Cité par Hubert KAVUSA, « Entrevue avec le professeur NKETO LUMBA Cléophas » in L'homme, cette excédentarité inclôturable, N°83, Kinshasa, Canisius, (janvier 2010), p. 69-74.

TABLE DES MATIERES

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DEDICACE 2

AVANT-PROPOS 3

0. INTRODUCTION GENERALE.....................................................................6

0. 1. PROBLEMATIQUE.................................................................................6

0.2 INTERET DU SUJET 8

0.3 LIMITE DE LA RECHERCHE 8

0.4. METHODE ET SUBDIVISION DU TRAVAIL 8

CHAPITRE I : PHENOMENOLOGIE DE L'ETRE ET DE L'AVOIR 9

I.0. INTRODUCTION 9

I.1. APPREHENSION MARCELLIENNE DE LA PHENOMENOLOGIE 10

I.2 LA DISTINCTION DE L'ETRE ET DE L'AVOIR 12

I.2.1. L'Etre 12

I.2.2. L'Avoir 14

I.2.3. LA DISTINCTION PROBLEME ET MYSTERE 14

I.3. LA COEXISTENCE DE L'ETRE ET DE L'AVOIR DANS LEUR MOUVANCE 15

I.3.1. La corrélation entre l'être et l'avoir 15

I.3.2 La corporéité comme épiphanie de l'être dans le monde 17

I.3.3. La corporéité comme épiphanie de l'incarnation de l'être 18

I.3.4. De l'hylémorphisme comme union du corps et du moi (être et avoir) 19

CONCLUSION 20

DEUXIEME CHAPITRE : L'AVOIR ET LA CRISE DE L'ETRE DANS LA SOCIETE MODERNE 21

II. 0. INTRODUCTION 21

II.1. LA CRISE DE L'ETRE ET L'AVOIR TECHNOLOGIQUE 23

II. 2. CRISE DE L'ETRE ET OBJECTIVATION DE L'AVOIR-POSSESSION 27

II. 3. L'AMBIVALENCE DE L'AVOIR 29

II. 4. AVOIR ET SUPPRESSION DE L'AUTRE 29

II. 5. LA CONCEPTION LOGIQUE DE LA TECHNOSCIENCE 31

II. 5. 1. Vers la dérive ontologique de l'avoir 31

II. 5. 2. Le drame de l'avoir technoscientifique sur l'être 32

II. 5. 2. 1. Avoir et désir 33

II. 5. 2. 2. Avoir et indisponibilité 33

CONCLUSION 34

CHAPITRE III : L'INTERSUBJECTIVITE : FONDEMENT DE L'EXISTENCE AUTHENTIQUE 36

III. 0. INTRODUCTION 36

III. 1. INTERSUBJECTIVITE HORIZONTALE 38

III. 2. L'AMOUR : PRINCIPE FONDAMENTAL DE L'INTERSUBJECTIVITE AUTHENTIQUE 41

III. 3. L'INTERSUBJECTIVITE VERTICALE OU FONDAMENTALE 43

CONCLUSION 45

CONCLUSION GENERALE 46

BIBLIOGRAPHIE 49

TABLE DES MATIERES 52

* 1 G.MARCEL, Cité par R. VERNEAUX, Histoire de la philosophie contemporaine, Seizième Edition, Paris, Beauchesne, 1960, p. 152.

* 2IDEM, Etre et Avoir, Paris, Aubier-Montaigne, 1968, p. 206.

* 3 G. MARCEL, Etre et Avoir, Paris, Aubier-Montaigne, 1935, p. 227.

* 4Ibid.

* 5 R. TROISFONTAINES, De l'existence à l'être, Paris, Louvain-Nauwelaerts, 1968, p. 2010.

* 6H. Denis, Dictionnaire des philosophes. Préface de Ferdinand ALQUIE, de l'institut introduction de Marcel CONCHE, avant-propos de Bernard BOURGEOIS. Deuxième édition revue et augmentée :1993, novembre, Paris, PUF, 1984, p.1910.

* 7 Cf. D. BOSOMI LIMBAYA, L'ardeur métaphysique. Manuel d'enseignement classique, Kinshasa, USAKIN, 2015, p. 39.

* 8 G. MARCEL, cité par R. VERNAUX, Histoire de la philosophie contemporaine, op.cit., p. 154.

* 9 Cf. IDEM, Présence et immortalité, Paris, Flammarion, 1959, p. 136.

* 10 G. MARCEL, Mystère de l'être. Réflexion et Mystère, Paris, Aubier-Montaigne, 1963, p. 26.

* 11 A. COMTE-SPONVILLE, Dictionnaire philosophique, Paris, PUF, 4e éd., 2013, p. 112.

* 12 Cf. E. FROMM, Avoir ou Etre ? Un choix dont dépend l'avenir de l'homme, Paris, Robert Laffont, 1978, p. 107.

* 13 G. MARCEL, Etre et Avoir, op.cit., p. 225.

* 14 G. MARCEL, Etre et avoir, op.cit., p. 250.

* 15 G. MARCEL, Cité par Roger Vernaux, op.cit., p. 152.

* 16 IDEM, Etre et Avoir, op.cit., p. 119.

* 17Ibid. p. 122.

* 18 E. FROMM, op.cit., p. 33.

* 19 Cf. J-M. PALMIER,Hegel. Essai sur la formation du système hégélien, Paris, Cherche-Midi, 1968, p. 98.

* 20 E. FROMM, op.cit., p. 41.

* 21 D. BOSOMI LIMBAYA, L'homme et sa destinée. Le parcours de l'anthropologie philosophique de s. Augustin, s. Thomas et J. de Finance, Kinshasa, USAWA, 2013, p. 75.

* 22 G. MARCEL, Etre et Avoir, op.cit., p. 102.

* 23 NGIMBI NSEKA, Tragique et intersubjectivité dans la pensée de Gabriel Marcel, MAYIDI, 1981, p. 55.

* 24Cf. C. NKETO LUMBA, cité par H. KAVUSA, « Entrevue avec le professeur NKETO LUMBA Cléophas » in L'homme, cette excédentarité inclôturable, N°83, Kinshasa, Canisius, (janvier 2010), p. 69-74.

* 25 G. MARCEL, Essai de philosophie concrète, Paris, Gallimard, 1940, p. 30.

* 26 IDEM, Position et approches concrètes du Mystère ontologique, Paris, Béatrice-Nauwelaerts, 1967, p. 16.

* 27 G. MARCEL, Etre et Avoir, op.cit., p. 144.

* 28 NGIMBI NSEKA,op.cit., p. 56.

* 29 Cf. Ibid., 57.

* 30NGIMBI NSEKA, op.cit., p. 58.

* 31 G. MARCEL, Mystère de l'être, op.cit., p. 119.

* 32Ibid., p. 116-117.

* 33Cf. D. BOSOMI LYMBAYA, Les thèmes majeurs de la philosophie contemporaine. Itinéraire systématico-spéculatif, KINSHASA, USAKIN, 2016, p. 120-121.

* 34 Cf. D. BANONA NSEKA, Technique et dignité humaine. Perspectives contemporaines à partir de Gabriel Marcel, Bruxelles, Louvain-la-Neuve, 1998, p. 11-12.

* 35 Cf. D. BOSOMI LYMBAYA, La laïcité et la religiosité. A la recherche de l'essence de l'homme, KINSHASA, USAKIN, 2019, p. 21.

* 36 A. CARREL, L'homme, cet inconnu, Paris, Plon, 1935, p. 20.

* 37 Cf. G. MARCEL, Mystère de l'être, op.cit., p. 41.

* 38 IDEM, Etre et avoir, op.cit., p. 208.

* 39Ibid.

* 40 G. MARCEL, Les hommes contre l'humain, Paris, La Colombe, 1951, p. 50.

* 41Ibid., p. 36.

* 42 M. HEIDEGGER, Etre et Temps, p. 156.

* 43 M. BUBER, Je et Tu, p. 31.

* 44 E. MOUNIER, Le personnalisme. Coll. Que sais-je ?, Paris, 1995, p. 493.

* 45Cf. D. BANONA NSEKA, op.cit., p. 53.

* 46 E. KANT, Fondement de la métaphysique des moeurs. Trad. V. Deblos in OEuvres philosophiques, Paris, Gallimard, T. II, 1985, p. 295.

* 47 G. HOTTOIS, op.cit., p. 36.

* 48 ELONGO LUKUNGA, « De l'être avec dans la philosophie de G. Marcel. Une approche ontologique de la communication » in Pensée Agissante, Vol. 2, n°4, (juillet-décembre. 1996) p. 75.

* 49 J. PARRAIN-VIAL, Gabriel Marcel et les niveaux de l'expérience (Philosophies de tous les temps), Paris, Seghers, 1966, p. 208.

* 50 G. MARCEL, Du refus à l'invocation, Paris Gallimard, 1940, p. 201.

* 51TROISFONTAINES, R, De l'existence de l'être, op.cit., p. 176.

* 52 G. MARCEL, Etre avoir, op.cit., p. 199.

* 53Ibid.p. 200.

* 54Ibid.

* 55Ibid., p. 201

* 56Ibid., p. 198.

* 57G. MARCEL, Être et avoir, op.cit., p. 201.

* 58Ibid., p. 203-204.

* 59Ibid.

* 60 Cf. G. MARCEL, Être et Avoir, op.cit. p. 204.

* 61Ibid.

* 62 Cf. Ibid.

* 63Ibid., p. 206.

* 64G. MARCEL, Être et avoir, op.cit., p. 207.

* 65Ibid., p. 208.

* 66 R. TROISFONTAINES, op.cit., p. 86.

* 67 G. MARCEL, Etre et avoir, op.cit., p. 209.

* 68G. MARCEL, Etre et avoir, op.cit., p. 2010.

* 69Ibid., p. 213.

* 70Ibid., p. 211.

* 71 G. MARCEL, Etre et avoir, op.cit., p. 217.

* 72 G. HOTTOIS, cité par Kizito, « Technoscience en Afrique », in Raison ardente, n°57, Kimwenza, 1999, p. 126.

* 73 Cf. ELONGO LUKULUNGA, « De l'être avec dans la philosophie de Gabriel Marcel. Une approche de la communication », op.cit., p. 73-74.

* 74 G. MARCEL, Mystère de l'être, op.cit., p. 221.

* 75 Cf. G. MARCEL, Cité par R. Vernaux, Histoire de la philosophie contemporaine, op.cit., p. 153.

* 76 IDEM, Essai de la philosophie concrète, Paris, Cerf, 1940, p. 22.

* 77 D. BOSOMI LIMBAYA, Les thèmes majeurs de la philosophie contemporaine. Itinéraire systématico-spéculatif, op.cit., p. 60.

* 78 A. WAELHENS, La philosophie de Martin Heidegger. Esquisse d'une lecture interne, Paris, L'harmattan, 2003, p. 36.

* 79 Cf. NGIMBI NSEKA, Tragique et intersubjectivité dans la pensée de Gabriel Marcel, op.cit., p. 3.

* 80 Cf. Ibid., p. 4.

* 81 Cf. BAGOT, « Connaissance et Amour. Essai sur la philosophie de Gabriel Marcel » (Bibliothèque des Archives de philosophie, 7è section : philosophie contemporaine, 2), Paris, Beauchesnes et ses fils, 1958, cité par ELONGO LUKULUNGA, Pensée Agissante, p. 74.

* 82 M. BUBER, Je et Tu, op.cit., p. 127.

* 83 G. MARCEL, Etre et Avoir, op.cit., p. 129.

* 84 IDEM, Mystère de l'être, op.cit., p. 37.

* 85Ibid. p. 193.

* 86Ibid. p. 132.

* 87 Cf.H. NGIMBI NSEKA, Tragique et intersubjectivité dans la pensée de Gabriel Marcel, op.cit., p. 7.

* 88 Cf. M. BUBER, Je et Tu, op.cit., p. 119.

* 89Ibid., p. 25.

* 90 Cf. L-M. MORFAUX, L'homme est le monde, Paris, Armand Colin, 1977, p. 76.

* 91 Cf. TROISFONTAINES R, op.cit., p. 227.

* 92D. BOSOMI LIMBAYA, Les thèmes majeurs de la philosophie contemporaine. Itinéraire systématico-spéculatif, op.cit., p. 62.

* 93 Cf. C. ELONGO LUKUNGA, « De l'être avec dans la philosophie de G. Marcel. Une approche ontologique de la communication » in Pensée Agissante, Vol. 2, n°4, (juillet-décembre. 1996), p. 79.

* 94Ibid., p. 80.

* 95 Cf. J.-F. THONNARD, Extraits des grands philosophes, Paris, Desclée, 1963, p. 43.

* 96 G. MARCEL, Journal métaphysique, Paris, Gallimard, 1935, p. 138.

* 97 H. NGIMBI NSEKA, Tragique et intersubjectivité dans la pensée de Gabriel Marcel, op.cit., p. 195.

* 98 Cf. G. MARCEL, Journal métaphysique, op.cit., pp. 145-146.

* 99 Cf. G. MARCEL, Essai de la philosophie concrète, op.cit., p. 16.

* 100 Cf. Ibid.

* 101 Cf. D. BOSOMI LIMBAYA, L'ardeur métaphysique. Manuel d'enseignement classique, op.cit., p. 61.

* 102 Cf. Cf. D. BOSOMI LIMBAYA, L'ardeur métaphysique. Manuel d'enseignement classique, op.cit., p. 39.

* 103 Cf.G. MARCEL, Etre et Avoir, op.cit., p. 119.

* 104 D. BOSOMI LYMBAYA,Les thèmes majeurs de la philosophie contemporaine. Itinéraire systématico-spéculatif, op.cit., p. 24.

* 105 G. MARCEL, Du refus à l'invocation, Paris, Gallimard, 1964, p. 217.

* 106 G. MARCEL, Journal métaphysique, op.cit., p. 137.

* 107 G. MARCEL, Journal métaphysique, op.cit., p. 158.

* 108 IDEM, Etre et Avoir, op.cit., pp. 213-214.

* 109Ibid., p. 37.

* 110Ibid., p. 113.






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"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery