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Recherche de l'impact de la pollution par l'ozone sur la croissance radiale du pin cembro -pinus cembra l. dans le massif du Mercantour Aalpes maritimes, France). approche dendroclimatologique.


par Florent Fournier
Université de Droit, d’Economie et des Sciences d’Aix-Marseille III - DEA (Master 2) 2001
  

Disponible en mode multipage

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1

Université de Droit, d'Economie et des Sciences d'Aix-Marseille III

FACULTE DES SCIENCES ET TECHNIQUES DE SAINT-JEROME

Institut Méditerranéen d'Ecologie et de Paléoécologie
Laboratoire de Botanique Historique et Palynologie

D.E.A. BIOSCIENCES DE L'ENVIRONNEMENT, CHIMIE ET SANTE

Option Milieux continentaux

RECHERCHE DE L'IMPACT DE LA POLLUTION PAR L'OZONE
SUR LA CROISSANCE RADIALE DU PIN CEMBRO -Pinus cembra L.-
DANS LE MASSIF DU MERCANTOUR (ALPES MARITIMES, FRANCE).
APPROCHE DENDROCLIMATOLOGIQUE.

Mémoire réalisé par Florent FOURNIER
Sous la direction de M. Jean-Louis EDOUARD

Année universitaire 2000-2001

2

REMERCIEMENTS

Je tiens à remercier M. Jean-Louis EDOUARD pour sa disponibilité, son aide importante et ses conseils précieux tout au long de ce stage.

J'adresse également mes vifs remerciements à M. Frédéric GUIBAL pour m'avoir consacré un peu de son temps ainsi que M. Thierry KELLER pour sa patience et ses conseils éclairés.

Je remercie M. André THOMAS et Mme Nicole DENELLE pour leur aide technique et leurs remarques pertinentes ainsi que Mme Claude GADBIN-HENRY pour son apport au travers de discussions enrichissantes. Enfin, je suis reconnaissant envers M. Jacques-Louis de BEAULIEU pour m'avoir accueilli au sein du LBHP.

3

SOMMAIRE

1. INTRODUCTION 4

2. MATERIELS ET METHODES 6

2.1. Le Pin cembro 6

2.2. Les sites d'étude et leurs caractéristiques 7

2.2.1. Localisation et contexte géomorphologique 7

2.2.2. Le climat 9

2.3. L'échantillonnage 11

2.4. Acquisition des données et traitement des données cernes 11

2.4.1. Méthodes de mesure 11

2.4.2. Chronologies élémentaires, individuelles et maîtresses 13

2.4.3. La standardisation 14

2.5. Les relations cerne/climat : la fonction de réponse 15

2.5.1. Données climatiques 16

2.5.2. Méthodes de calcul : 16

2.5.3. La signification globale : 17

2.5.4. Procédure de calcul 17

2.6. Recherche des perturbations temporelles de la croissance radiale dues à la pollution

atmosphérique sur la base d'une modélisation de la croissance 18

3. RESULTATS 20

3.1. Chronologies maîtresses 20

3.1.1. Séries des largeurs brutes 20

3.1.2. Séries des surfaces des cernes 21

3.1.3. Séries des largeurs indicées 21

3.1.4. Largeur du bois initial 22

3.1.5. Largeur du bois final 22

3.1.6. Densité moyenne du bois initial 23

3.1.7. Densité moyenne du bois final 23

3.2. Fonctions de réponse 24

3.2.1. Modèle sur données standardisées/Modèle ARMA 24

3.2.2. Fonction de réponse calculée sur la période (1932-1966) pour les largeurs résidus de la

modélisation ARMA confrontés au couple PTmoy des stations météorologiques 24

3.3. Recherche de l'influence de la pollution par l'ozone sur la croissance radiale 28

3.3.1. Analyse des résidus 28

3.3.2. Estimation des largeurs des cernes 29

3.3.3. Récapitulatif 32

4. DISCUSSION 33

4.1. Les chronologies 33

4.2. Les relations cernes/climat 33

4.2.1. Précipitations et températures moyennes hivernales 33

4.2.2. Les températures de mars, avril et mai 35

4.2.3. Les précipitations et les températures estivales 35

4.3. Quelle influence de la pollution par l'ozone sur la croissance radiale ? 36

5. CONCLUSION 39

4

1. Introduction

Depuis le début des années 1980, dans les Alpes Maritimes et plus particulièrement dans le massif du Mercantour, l'état de santé du pin cembro est l'objet d'une attention soutenue. En effet, des jaunissements et défoliations de la partie supérieure des houppiers ont été signalés sur des arbres, par les agents du Parc National, dans la vallée du Boréon (Vésubie).

Une concentration élevée de polluants atmosphériques (l'ozone en particulier) dans le massif est actuellement incriminée. Ce gaz s'accumule sur la barrière montagneuse située dans l'arrière-pays des agglomérations urbaines de Nice en France et Cuneo-Turin en Italie. L'ozone et ses précurseurs sont transportés depuis le littoral niçois par exemple. Il est ainsi constaté dans le sud-ouest du Mercantour l'arrivée d'un front d'ozone du littoral le jour et la persistance de concentrations élevées la nuit (Dalstein-Richier, 1997). Cette situation est classique en montagne : les substances réductrices (NO) qui détruisent l'ozone la nuit en ville sont absentes car elles restent confinées dans les vallées du fait des inversions thermiques. Pour l'Europe, la commission économique des Nations Unies a défini les « niveaux critiques » en ozone pour la forêt comme le cumul des dépassements horaires au dessus du seuil de 40 ppb (ou 80 jig/m3). Cet indice d'exposition appelé AOT 40 correspond à la somme des différences entre les concentrations horaires et la valeur de 40 ppb pour chaque heure pendant laquelle la concentration excède 40 ppb. Cette exposition cumulative est calculée pour les heures ensoleillées durant une période de 6 mois à partir du 1er avril. Un seuil critique de 10000 ppb.h au-dessus de 40 ppb pour cette période a été adopté. Pour la station expérimentale d'Adrechas-Mercantour (vallée de Mollières, Tinée), la valeur de l'AOT 40 est dépassée de plus du double en 2 mois de saison de végétation. En Europe de l'Ouest, le taux d'ozone a plus que doublé depuis les années 1930 (figure 1).

Figure 1 : Evolution de l'ozone dans l'atmosphère libre au dessus de l'Europe de l'Ouest durant le XXème siècle, déduite des mesures effectuées au Pic du Midi et dans diverses stations européennes d'altitude.

5

L'objectif de l'étude est de déterminer si les symptômes (jaunissements, défoliation) observés s'accompagnent d'une perturbation de la croissance des arbres. Il s'agira donc de rechercher un changement dans la croissance radiale annuelle, plus précisément de rechercher un éventuel déficit de croissance significatif des arbres des Cembraies du Mercantour. La croissance annuelle en diamètre pourrait être considérée comme un bon indicateur de l'état de santé des arbres. Cependant, les variations inter-annuelles sont influencées par les fluctuations des paramètres climatiques. Il est donc nécessaire de séparer dans les séquences de cernes annuels, la part de variation attribuable au rythme interne de la croissance et celle liée aux variations inter-annuelles du climat. En d'autres termes, il est indispensable de mieux discerner le rôle du climat du rôle éventuel de la pollution atmosphérique

Une analyse dendroclimatologique a donc été réalisée pour avoir une image plus complète des variations des caractéristiques de la croissance radiale et de la sensibilité climatique du pin cembro au cours du temps. La première étape a été d'établir les relations cernes/climat sur une période dite « non polluée » (1932-1966) pour mieux cerner l'écologie du pin cembro. La méthodologie mise en oeuvre conduit à l'établissement d'un modèle statistique des relations cerne/climat basé sur les variations de haute fréquence. L'analyse porte sur plusieurs paramètres descripteurs du cerne : l'épaisseur totale du cerne, l'épaisseur du bois initial et final, la surface des cernes, les densités moyennes du bois initial et final. La deuxième étape a été de rechercher un impact de la pollution atmosphérique (ozone en particulier) sur la croissance radiale pour une période dite « polluée » (1967-1998) avec comme période de calibration la période « non polluée ». Une telle méthode est une adaptation de celle employée auparavant pour étudier l'impact de la pollution fluorée sur la croissance radiale des conifères en Maurienne par Tessier et al. (1989).

Cette étude s'inscrit dans un programme de recherche financé par la Direction Santé des Forêts de l'Office National des Forêts (2000-2001).

6

2. Matériels et Méthodes

2.1. Le Pin cembro

Existant en Sibérie au Tertiaire, le pin cembro (Pinus cembra L.), appelé couramment Arolle (en Savoie) ou Auvier (Briançonnais) est une essence intra-alpine venue de l'est qui s'est développée aux époques interglaciaires.

L'aire de répartition du pin cembro est restreinte et morcelée. Elle est principalement située dans les Alpes internes et intermédiaires. Les plus beaux peuplements de pin cembro se rencontrent en Autriche, notamment dans la province du Tyrol (Fourchy, 1968). L'aire de répartition dans les Alpes françaises est très réduite qui couvre seulement 12500 ha environ est morcelée, les secteurs les plus étendus sont situés dans le Briançonnais, le Queyras, et le Mercantour.

Le pin cembro est un arbre très longévif qui peut vivre jusqu'à 1000 ans (Oswald, 1995). Il présente une croissance lente et atteint rarement plus de 25 m de hauteur. Monoïque, il fleurit de juin à juillet. Le rôle du casse-noix est essentiel dans la régénération du pin cembro. Les graines sont lourdes mais leur dispersion est assurée par le casse-noix moucheté (Nucifraga cryocatactes) qui s'en nourrit et qui constitue des réserves en enfouissant les graines dans des caches (anfractuosité de rochers, souches, etc). Cet arbre n'est donc pas une essence colonisatrice mais au contraire une essence apte à former des forêts stables de longue durée.

Le pin cembro forme des peuplements peu denses, dans la partie supérieure de l'étage subalpin, en limite supérieure des forêts des Alpes internes, entre des altitudes échelonnées entre 1800 et 2500 m. Il est souvent en association avec le mélèze, plus rarement avec le pin à crochets. Les peuplements purs, les cembraies, sont assez rares (bois des Ayes dans le Briançonnais, Col de Salèse dans le Mercantour, par exemple). En allant vers les Alpes internes, il est en mélange avec l'épicéa commun et/ou le sapin pectiné. Depuis la fin du siècle dernier marquée par la déprise agricole en montagne, le pin cembro est en pleine expansion. Il colonise les espaces autrefois pâturés dans la zone ouverte entre la limite de la forêt et la limite supérieure des arbres.

Son métabolisme est adapté aux zones de hautes altitudes et lui permet de résister aux conditions extrêmes rencontrées : c'est une espèce à affinité continentale, qui ne craint pas les écarts de températures élevés et brutaux, une luminosité vive, une hygrométrie peu élevée et des vents violents (Contini et Lavarelo, 1982). Mais le pin cembro a aussi une grande tolérance à l'égard de l'humidité de l'air et une certaine répulsion à l'égard d'un renforcement des caractères méditerranéens du climat tels que la sécheresse d'été (Fourchy, 1968).

7

Son système racinaire est traçant ce qui lui permet de s'installer sur des sols très minces- soit parce que la roche-mère est à faible profondeur, soit parce que le sol « utile » est peu épais, en raison de la présence d'horizons pédologiques très lessivés (Fourchy, 1968). A haute altitude, le cembro est relativement indépendant de l'orientation s'il est dans son aire de répartition naturelle. Le pin cembro peut occuper indifféremment toutes les expositions mais avec une prédilection très nette pour les expositions fraîches (nord et voisines), sans toutefois qu'on puisse faire la part exacte de l'écologie et de l'influence humaine qui a été beaucoup plus forte aux expositions chaudes dans cette répartition. L'homme a aussi longtemps favorisé le mélèze qui présentait des qualités plus intéressantes que celles du pin cembro pour l'élevage et la construction.

2.2. Les sites d'étude et leurs caractéristiques

2.2.1. Localisation et contexte géomorphologique

Dans le cadre de cette étude, 7 sites ont été retenus dans le massif du Mercantour où 7 populations ont été échantillonnées, respectivement du nord-ouest au sud-ouest (figure 2) :

> Le vallon de la Braïsse (1) et le Bois de Sestrière (2), en amont de Saint Dalmas le Selvage, correspondant à deux placettes d'observation ONF, (dans la vallée de la Haute-Tinée).

> Le vallon de Chastillon (Isola 2000) (Tinée),

> le versant nord du col de Salèse (1), le versant sud du col de Salèse (2), le vallon de Salèse (3) (sites de la Haute vallée de la Vésubie).

> Le vallon de Prals plus au Sud (vallée de la Madone de Fenestre).

Les altitudes des populations prélevées sont comprises entre 1900 et 2250 m. 5 populations sont en exposition nord et 2 en exposition sud sur des versants de pente moyenne, cependant plus forte en versant nord qu'en versant sud.

Les sites de Salèse, d'Isola et de Prals sont localisés sur un substrat cristallin (magmatique). Les sites du vallon de la Braïsse sont sur un substrat gréseux (sédimentaire).

Quelques très jeunes arbres présentent des jaunissements et des signes de dessèchement importants. Les arbres les plus gros, peut-être les plus vieux ont souvent une cime avec des branches défoliées, et un jaunissement des extrémités des touffes d'aiguilles sommitales. Les arbres plus jeunes bien développés présentent un ourlet jaunissant vers les sommet de la cime. L'observation rapprochée des rameaux de très nombreux de tous les secteurs visités permet de constater la présence sur les aiguilles de petites nécroses plus ou moins nombreuses, jaunes, avec parfois un point marron au centre de la tache.

Alpes de Haute-Provence

0 3 5

7 0

Tinée

Alpes-Maritimes

N

kilometres

St-Dalmas

Auron

ITALIE

N

Braisse

Sestrière

Isola

Salèse

!

1

2

3

Vallon de Prals

Valdeblore

St-Martin-Vésubie

Alpes-Maritimes

8

Figure 2 : Localisation des sites (rouge) et des stations météorologiques (vert) dans le Mercantour.

Le tableau 1 rassemble les principales caractéristiques des 5 sites.

Tableau 1 : Caractéristiques principales des sites échantillonnés.

 

longitude

latitude

altitude

exposition

pente

substratum

végétation

Salèse 1

7°14' E

44°08' N

2030 m

N

35°

cristallin

Cembraie

Salèse 2

7°14' E

44°08' N

2010 m

SW

30°

cristallin

Cembraie

Salèse 3

7°15' E

44°08' N

1900 m

SW

20°

cristallin

Cembro-Larix

Braisse 1

6°48' E

44°17' E

2230 m

NNE

25°

grès

Cembro-Larix

Sestrière 1

6°49' E

44°17' E

2000 m

N

25°

grès, calcaire

Cembro-Larix

Isola 1

7° 09 E

44° 11' N

2100- 2170 m

NE

25°-30°

granite

Cembro-Larix

Vallon de

Prals

7° 21' E

44° 04' N

2050 m

NE

25°

granite

Cembro-Larix

9

2.2.2. Le climat

a) Angles de Gams

L'angle de Gams (Michalet, 1991), est un descripteur du climat qui permet une différenciation climatique des sites alpins. Il permet de s'affranchir de l'effet de l'altitude pour comparer les précipitations (G est d'autant plus élevé que les précipitations sont faibles à une même altitude).

Cotg G = P(mm)/A(m)

G=angle de Gams

P=précipitations annuelles (mm) A= altitude (m)

Suivant la valeur de l'angle G, on distingue 3 domaines : > G<45°: domaine externes des Alpes humides ,

> 45°<G<55°:domaine intermédiaire,

> G>55°: domaine interne « continental ».

Altitude (m)

1800

1600

1400

1200

1000

400

800

600

200

0

0 200 400 600 800 1000 1200 1400 1600 1800 Précipitations (mm)

Auron =57.7 °

St Dalmas =53.6 °

St Martin - Vésubie = 41.5° St Dalmas

Valdeblore= 44.6° Dalmas

angle alpha

Auron

Valdeblore

St Martin - Vésubie

Figure 3 : Angles de Gams calculés à partir de 4 stations du Mercantour.

Ainsi est constaté un gradient décroissant de continentalité du nord-ouest au sud-ouest du Mercantour dans lesquelles se rangent 2 groupes de stations météorologiques : Auron et St Dalmas au nord-ouest qui sont des stations plus sèches en domaine interne, St Martin Vésubie et Valdeblore au sud-ouest qui sont des stations plus humides à la limite Alpes intermédiaires/Alpes externes. Les stations du sud-ouest sont en effet influencées par la proximité de la mer.

L'application saisonnière de l'angle de Gams plus adaptée à l'étude de la répartition de la végétation (tableau 3) permet d'exprimer l'aridité estivale :

10

> Ge (G estival) (juin, juillet, août) exprime l'aridité estivale. A altitude constante, l'aridité estivale est d'autant plus forte que Ge est élevé et donc que les précipitations estivales sont faibles.

> Gh (G hivernal) (décembre, janvier, février) exprime la continentalité hydrique. A altitude constante, la continentalité hydrique est d'autant plus forte que Gh est élevé et que les précipitations hivernales sont faibles.

Tableau 2 : Angles de Gams globaux et saisonniers.

 

Auron

St Dalmas

St Martin

Valdeblore

G (°)

57.70

53.60

41.50

44.60

Ge (°)

62.11

60.77

46.91

49.66

Gh (°)

60.37

56.45

45.92

50.10

Cela permet de différencier nettement la Tinée (stations Auron et St Dalmas), plus sèche en hiver et en été, de la Vésubie.

b) Diagrammes ombrothermiques des stations météorologiques du Mercantour

P (mm)

P (mm)

140

120

100

140

120

100

40

20

80

60

40

20

80

60

0

0

JAN MAR MAY JUL SEP NOV

AN MAR MAY JUL SEP NOV

Auron

aldebloreValdeblore

40

20

70 T°(C)

60

50

30

0

10

40

20

70

T°(C)

60

50

30

10

T°moy

-écart-type

+écart-type

P

P (mm)

Tmoy

-écart-type

+écart-type

P (mm)

P (mm)

140

120

100

140

120

100

40

20

80

60

40

20

80

60

0

0

JAN MAR MAY JUL SEP NOV

AN MAR MAY JUL SEP NOV

St Dalmas

St Martin de Vésubie

40

20

70

60
T°C

50

30

0

10

40

20

70

T°(C)

60

50

30

0

10

Tmoy

-écart-type

+écart-type

Pmoy

P moy T moy

-écart-type

+écart-type

Figure 4 : Diagrammes ombrothermiques des stations météorologiques du Mercantour.

Cependant, aucune région étudiée ne présente de mois sec au sens de Gaussen (Pmm<2T) et seule la station de St Dalmas présente un mois sub-sec (juillet) défini par 2T<Pmm<3T (figure 4).

11

Le massif du Mercantour, situé dans les Alpes internes, est sous l'influence du climat Méditerranéen. Les pluies sont abondantes en automne et au printemps, l'été est la période la plus sèche. Les précipitations élevées (toujours plus de 1000 mm par an) résultent de l'influence directe de la mer. Mais, les températures sont caractéristiques d'un climat de montagne avec des températures moyennes proches de 0°C l'hiver. Les angles de Gams montrent un gradient croissant de continentalité du sud-est vers le nord-ouest.

2.3. L'échantillonnage

Sur chaque site, 15 à 20 arbres ont été prélevés, à raison de 3 carottes par arbre. Les arbres ont été identifiés sur place par des numéros. Les arbres présentent tous un état similaire en terme de jaunissement et de défoliation sans qu'il ait été possible de définir des classes différentes.

Les sondages ont été effectués à la tarière de Pressler. Les carottes ont été prélevées à 120° les unes des autres, si possible à hauteur de poitrine (1,30 m environ), sinon à des hauteurs variables en fonction de la pente, de la configuration du terrain et des anomalies liées à la ramification du tronc ou les blessures.

2.4. Acquisition des données et traitement des données cernes

2.4.1. Méthodes de mesure

a)Interdatation

Après séchage, les carottes sont poncées afin que les cernes soient parfaitement visibles. Les cernes sont ensuite comptés et interdatés. L'interdatation consiste à attribuer à chaque cerne l'année de sa formation. Le comptage commence par le cerne directement en contact avec l'écorce ; il s'agit alors du cerne formé durant l'année en cours. Cette opération s'effectue par observation comparée des séquences de cernes, d'abord sur les carottes recueillies sur le même individu, puis sur l'ensemble des carottes d'une même population. Pour éviter toute erreur, on utilise les cernes caractéristiques (cernes très minces) ou des séries de cernes caractéristiques de l'arbre, synchrones sur l'ensemble des individus d'une même population (Schweingruber, 1988). Cela permet de contrôler l'exactitude de la date de chaque cerne. En remontant jusqu'à la moelle, on peut ainsi attribuer à chaque individu son âge, du moins son âge minimal si la carotte n'atteint pas la moelle.

b) 12

Mesure de la largeur des cernes

La mesure de la largeur des cernes s'effectue sous loupe binoculaire avec une table à mesurer (mesureur d'Eklund), reliée à un ordinateur sur lequel les mesures sont enregistrées (en centième de millimètre). Chaque carotte mesurée fournit une chronologie élémentaire.

c) Mesure densitométrique

Une deuxième méthode permet non seulement de mesurer la largeur des cernes mais aussi de mesurer des variations intrannuelles de la densité des cernes.

La structure générale du cerne, chez les conifères (homoxylés), présente schématiquement deux zones : le bois initial, d'aspect clair et le bois final d'aspect plus sombre. Dans les régions à saisons climatiques marquées, les arbres subissent chaque année une période de repos et une période d'activité cambiale. Ainsi, de mars à juin (début de la période d'activité), on observe la formation du bois initial (zone claire du cerne) correspondant à des trachéides larges et à parois minces avec un lumen important. La fin de la période d'activité (de juin à octobre) conduit à l'élaboration du bois final (foncé), où les éléments conducteurs sont plus petits et présentent une paroi plus épaisse (Schweingruber, 1988, Nicault, 1999).

L'analyse densitomérique implique une préparation spécifique des échantillons conduisant à l'obtention d'un cliché radiographique des carottes. Après avoir été débarrassées des traces de résines par un passage dans un soxhlet à alcool, les carottes sont débitées en éprouvettes calibrées (lames de bois) d'1 mm d'épaisseur, perpendiculairement aux trachéides (Schweingruber, 1988). Seules les carottes dont les trachéides ne divergeaient de la perpendiculaire de l'axe de la carotte que de moins de 5° sont conservées. Cette sélection sévère est indispensable pour avoir des radiographies correctes des éprouvettes c'est à dire pour que les limites des cernes soient parfaitement nettes, condition nécessaire pour des mesures de densité fiables. Les lames de bois sont exposées sous une source de rayon X distante de 2.5 m et pendant une heure à une heure et demie selon l'espèce et l'épaisseur des échantillons. Les films obtenus sont des négatifs dont les niveaux de gris correspondent à des densités plus ou moins élevées du bois. La densité du bois correspond à la densité absolue de la matière cellulaire : parois cellulaires (cellulose et lignine), vides (lumen) et proportion cellulose/lignine. L'analyse densitométrique consiste donc à mesurer les variations des niveaux de gris (densité optique) et à les convertir, grâce à une calibration préalable, en densité. Il est obtenu au final, dessiné sur l'écran de l'ordinateur auquel est couplé le microdensitomètre, le profil détaillé des variations de densité du cerne.

Pour chaque éprouvette, 7 séries de données-cerne annuelles sont fournies par le densitomètre, ce sont :

13

- la largeur totale du cerne complet, la largeur du bois initial et celle du bois final exprimées en microns. - les densités maximale et minimale exprimées en kg/m3

- les densités moyennes du bois initial et du bois final exprimées en kg/m3.

La structure du cerne est donc appréhendée ci à travers l'analyse densitométrique. La limite bois initial / bois final est définie, pour chaque cerne, en fonction de sa densité minimale et maximale (figure 5).

Figure 5 : Variations intrannuelles de densité d'un cerne de croissance.

Les mesures de densité ont été faites pour 5 populations. Mais le traitement des données ne porte dans ce travail que sur 3 populations.

2.4.2. Chronologies élémentaires, individuelles et maîtresses a) Définitions

A partir des mesures de la largeur des cernes des carottes, trois types de chronologies sont

construites :

> Les chronologies élémentaires : Elles représentent la séquence chronologique des largeurs de cernes de chacune des carottes.

> Les chronologies individuelles : Elles représentent la croissance moyenne d'un individu en fonction du temps et sont construites en faisant la moyenne des séries élémentaires d'un même individu.

> Les chronologies maîtresses : Elles sont réalisées à partir de la moyenne de toutes les séries élémentaires d'une population. Elles représentent le patron général de la croissance de la population du site étudié. Ces chronologies suppriment ou, du moins, minimisent les variations atypiques propres à chaque arbre et dues à des phénomènes particuliers, le plus souvent micro-stationnels. Les variations inter-annuelles des cernes observées sont dues essentiellement au climat (Fritts, 1976, Nefaoui, 1996). On peut également construire des chronologies en utilisant les échantillons de plusieurs populations

14

situées dans un site géographique donné. On obtient alors une chronologie maîtresse régionale où ressortent les variations communes à toutes les populations. Il est alors possible de voir si certaines variations sont à l'échelle régionale ou stationnelle.

b) Recherche du synchronisme entre les chronologies

La superposition des chronologies élémentaires d'un même individu permet une première vérification visuelle de l'interdatation et donc du bon synchronisme des chronologies. Des corrections pourront être apportées si, par exemple, des cernes sont manquants sur une partie de la circonférence. Ainsi en théorie, la largeur des cernes est identique pour une année donnée, dans une population d'arbres soumis aux mêmes conditions environnementales

Une autre méthode pour vérifier la bonne synchronisation des chronologies ainsi construites est de calculer le pourcentage de coïncidence ou d'effectuer un test de Student sur des valeurs transformées (test de Baillie-Pilcher). Ce test permet d'apprécier l'homogénéité de comportement des arbres échantillonnés.. Le pourcentage de coïncidence se définit comme le pourcentage de cas où la variation entre deux cernes consécutifs se fait dans un sens identique pour les deux courbes. Ce test ne tient donc compte que du sens de variation de l'épaisseur des cernes d'une année sur l'autre ou pente des écarts inter-annuels. Ce calcul exprime donc la concordance des variations inter-annuelles des deux chronologies. Ces tests sont exécutés avec un sous-programme du logiciel de dendrochronologie TSAP.

2.4.3. La standardisation

La standardisation est effectuée pour éliminer des variations inter-annuelles l'effet à long terme de l'âge et l'ensemble des bruits d'origines différentes pour ne conserver que la part de la variance de haute fréquence principalement due aux facteurs climatiques. Ceci permet aussi la comparaison de courbes issues d'arbres d'âges différents comme c'est le cas dans les populations étudiées. Deux méthodes de standardisation ont été utilisées : celle des indices (ou indexation) et celle des résidus (modélisation ARMA).

a) L'indexation

La standardisation utilisée ici consiste à convertir les épaisseurs brutes en indices. La méthode employée a consisté à utiliser un filtre, avec une fenêtre permettant de conserver les fréquences souhaitées. Un filtre passe bas assorti d'une fenêtre de 10 ans a été adopté, pour conserver les variations de haute-fréquence principalement dues aux variations inter-annuelles du climat. Puis les indices ont été obtenus en substituant à chaque largeur de cerne mesurée le quotient de la largeur annuelle observée du cerne par la valeur filtrée de celui-ci.

15

b) La modélisation ARMA (Auto Regressive Moving Average)

Cette méthode de standardisation a été privilégiée dans cette étude car le signal aléatoire climatique est plus fort que celui fournit par l'indexation. Le processus ARMA est basé sur la décomposition de la croissance Ct en une partie aléatoire at (ou résidu) et une partie, prédéterminée, fonction de la croissance antérieure aux temps t-1, t-2,...t-p. On peut écrire :

Ct = f(Ct-1, ..., Ct-p)+at

Ct : grandeur brute (épaisseur ou surface) du cerne au temps t

f (Ct-1,..., Ct-p) : part du cerne de l'année t dont la construction est prédéterminée avant même que n'intervienne le facteur climatique de l'année t

La partie prédéterminée peut s'exprimer sous la forme d'un processus autorégressif d'ordre p noté AR(p) qui prend en compte la grandeur des cernes des années t-1, t-2,...,t-p, soit :

Ct = Ö1Ct-1+Ö2C t-2+...+ÖpCt-p+at avec Öi : coefficients « autorégressifs »

La modélisation ARMA prend en compte les deux facteurs intrinsèque et extrinsèque majeurs de la croissance que sont la tendance d'âge et le climat.

Chaque série moyenne de cernes est d'abord modélisé par un processus de type ARMA et adapté à l'analyse des séries temporelles que constituent les cernes (Guiot et al., 1982). Le programme CALARE du logiciel 3Pbase a été utilisé. Un modèle simple autorégressif 1-0 (autocorrélations calculées avec le programme GALOTO du logiciel 3PBASE), dans la plupart des cas étudiés ici, suffit à expliquer la presque totalité de la variance liée à l'autocorrélation des cernes. L'épaisseur du cerne au temps t est donc toujours exprimée sous la forme :

Ct = Ö1 Ct-1 + at

Le premier terme, lié à l'autocorrélation des cernes, exprime le degré d'inertie de la réponse des arbres aux facteurs externes. Le dernier terme (at) aléatoire appelé résidu, lié à l'année où se construit le cerne, exprime la réponse des arbres aux facteurs externes et en particulier au climat. Les séries de résidus sont ainsi isolées par la modélisation ARMA.

2.5. Les relations cerne/climat : la fonction de réponse

Les arbres sont des enregistreurs plus ou moins fidèles de la variabilité des facteurs externes dont le climat. L'objectif est de trouver une équation statistique traduisant au mieux la relation entre les différents paramètres climatiques (précipitations et températures essentiellement) et la croissance des individus représentée par les séries temporelles des largeurs de cernes : c'est la fonction de réponse. Elle

16

est un moyen d'apprécier l'aptitude d'un modèle statistique à prédire la part de variation de la largeur des cernes attribuable aux facteurs environnementaux dont le facteur climatique.

Une méthode a été utilisée : celle de la régression orthogonalisée à laquelle a été appliquée la procédure Bootstrap.

2.5.1. Données climatiques

L'analyse de la relation cerne/climat nécessite l'utilisation de données météorologiques locales complètes pour la période sur laquelle l'analyse est faite.

Le tableau 2 réunit les stations météorologiques utilisées. Les séries de température (maximales et minimales) couvrent une période d'environ 40 ans. Mais les stations du nord du massif étant significativement corrélées avec la station de Gap et d'autres stations proches, les données manquantes ont pu être reconstituées sur la base de corrélations multiples. La température moyenne est obtenue en faisant (Tmin+Tmax)/2.

Tableau 3 : Postes météorologiques.

poste

longitude

latitude

altitude

Précipitations

T°min

T°max

Gap

6° 05' E

44° 34' N

750 m

1857-1998

1878-1998

1878-1998

St Dalmas le Selvage

6° 51' E

44° 17' N

1510 m

1931-1998

1951-1981

1951-1981

Auron

6° 56' E

44° 13' N

1610 m

1950-1998

1951-1998

1951-1998

St Martin Vésubie

7° 15' E

44° 04' N

1000 m

1952-1998

1959-1998

1959-1998

Valdeblore

7° 10' E

44° 04' N

1000 m

1931-1998

1954-1998

1954-1998

Peira Cava

7° 22' E

43° 56' N

1480 m

1954-1997

1956-1997

1956-1997

St Dalmas-de-Tende

7° 35' E

44° 03' N

650 m

1938-1998

1951-1998

1951-1998

2.5.2. Méthodes de calcul :

Le programme CALROB (logiciel PPPhalos) est utilisé pour calculer les fonctions de réponse. Les différentes étapes de calcul sont les suivantes :

> La régression orthogonalisée : La variable dépendante est le cerne exprimé par la largeur ou la densité. Les variables explicatives (ou régresseurs) sont les paramètres climatiques mensuels: précipitations et températures. L'analyse est une régression multiple se faisant sur les composantes principales des régresseurs, afin d'éliminer la corrélation présente entre les paramètres climatiques. Cette régression est dite orthogonalisée.

> La méthode Bootstrap : Cette méthode (Guiot, 1991) permet de tester la fiabilité de la fonction de réponse sans utiliser les tests d'hypothèse classiques. Elle estime les erreurs des coefficients de régression de la fonction de réponse en étudiant la variabilité des estimations faites à partir de sous-ensembles du jeu de données initiales. Ces échantillons sont obtenus par tirage aléatoire avec remise parmi les observations initiales (Keller, 1999). Ici, le calcul de la régression a été répété cinquante

17

fois (50 tirages) sur le même ensemble de variables. Les fonctions de réponse sont calculées sur ces années dites de calibration et la relation obtenue est vérifiée avec les années non tirées au sort (années de vérification).

2.5.3. La signification globale :

Celle-ci est évaluée sur la base de deux paramètres : la valeur moyenne des coefficients de corrélation multiple relatifs aux années de calibration (RMC) et celle des coefficients de corrélation multiple relatifs aux années de vérification (RMV). La valeur du RMV au carré exprime le pourcentage de variance expliquée par la régression, tandis que la valeur Rv, donnée par le rapport entre RMV et son écart type, permet d'apprécier la signification de la fonction de réponse. Si l'on suppose que Rv présente une distribution normale, son degré de signification est établi selon les seuils suivants :

1.65 < Rv < 1.96 significatif à 90 %

1.96 < Rv < 2.58 significatif à = 95 %

2.58 < Rv < 3.29 significatif à = 99 %

Rv > 3.29 significatif à > 99 %

De la même façon, le rapport entre chaque coefficient de régression partiel moyen et son écart-type (r/s) précise le niveau de signification de la relation (directe ou inverse, selon le signe positif ou négatif) entre la croissance et le paramètre climatique mensuel considéré. Une relation directe (+) associe une augmentation de l'épaisseur du cerne à une augmentation de la variable climatique et inversement.

2.5.4. Procédure de calcul

L'analyse en composante principale et matrice de corrélations sur les mesures indicées, à l'aide du programme GLCPC du logiciel 3Pbase et du logiciel SPAD a montré que les carottes étaient homogènes et qu'il n'y avait pas d'erreurs d'interdatation.

La procédure des calibrations cernes/climat comporte deux phases :

Tout d'abord les fonctions de réponse ont été calculées avec une combinaison de 24 régresseurs (12 précipitations et 12 températures) sur une période allant du mois d'octobre de l'année t-1 au mois de septembre de l'année t (année « biologique » couvrant la phase antérieure à l'élaboration du cerne annuel, d'octobre t-1 à juin de l'année t de fonctionnement cambial, et la phase de construction du cerne de l'année t de juin à septembre) et sur toutes les séries chronologiques individuelles constituant

18

chacune des populations. Le couple de régresseurs est constitué par les précipitations et les températures moyennes mensuelles.

En raison de l'homogénéité de comportement des individus de chaque population, la suite des calculs a été effectuée directement sur la chronologie maîtresse de chaque population. Puis dans un second temps, le modèle est optimisé en réduisant le nombre de régresseurs (Keller, 1999). Les paramètres climatiques sont regroupés en respectant à la fois, la phénologie de l'essence, telle qu'elle peut être traduite en termes saisonniers et le sens des relations dégagées entre le cerne et les paramètres explicatifs.

2.6. Recherche des perturbations temporelles de la croissance radiale dues à la pollution atmosphérique sur la base d'une modélisation de la croissance

Deux périodes ont été définies, d'égale durée, la première (1932-1966) étant prise comme période de référence, au cours de laquelle on peut considérer que le niveau très bas de pollution n'a eu qu'un effet minimal sur la production ligneuse annuelle (période « non polluée »), la seconde (19671998) correspondant à la période marquée par un maximum de pollution, au cours de laquelle la production ligneuse peut avoir été affectée significativement (période « polluée »).

Dans des conditions « normales », hors pollution (période 1932-1966), l'inertie des arbres aux facteurs externes (exprimée par le coefficients Ö1) est au moins partiellement attribuée à la géométrie du cerne et au potentiel biologique de l'arbre dans son biotope, lui même lié à l'âge. La composante climatique est exprimée par la série des résidus at découlant du modèle précédent.

Dans la période avec pollution (1967-1998), l'inertie des arbres aux facteurs externes peut-être considérée comme modifiée par les perturbations vraisemblablement induites par la pollution : jaunissement des aiguilles, défoliation, modification progressive de la biologie de l'arbre. Par voie de conséquence l'intervention du climat au temps t (exprimée par les résidus at) est également modifiée.

La relation cerne-climat est ensuite cherchée sur chacune des 2 périodes par le calcul d'une fonction de réponse. La variable dépendante est la série des résidus fournie, par la modélisation ARMA réalisée à la première étape. Le calcul donne donc, une série de 24 coefficients de régression, différents d'une période à l'autre puisque, malgré une action du climat que l'on peut considérer comme stable au cours des deux périodes prises en compte, les résidus a't de la deuxième période expriment une relation de « l'enregistreur » arbre à ce climat, perturbée par la pollution. L'ultime étape consiste à comparer, sur l'ensemble de la période 1932-1998, la série brute des épaisseurs de cerne mesurées avec une série estimée reconstruite (programme FILARE du logiciel 3Pbase) sur la base des coefficients calculés pour

19

la période « non polluée » de calibration, tant au niveau de la fonction de réponse qu'à celui de la modélisation ARMA. (Tessier et al., 1990, Gandolfo et al., 1994).

Modélisation ARMA (1-0), programme CALARE

Régression sur le climat, programme CALROB

Interdatation mesure

Moyenne des épaisseurs observées

Reconstruction

C1 à partir du climat

Reconstruction

à partir du modèle

1932 1966 1998

1932 1966 1998

24 coefficients de régression

Ö1

Séries météo,12 mois P, 12 mois T.

24 coefficients de régression

Reconstruction

Analyse et calibration

Ö1

Ö'1

Séries météorologiques 12 mois P 12 mois T.

Chronologie des résidus estimés

Chronologies élémentaires

Chronologie de synthèse

Chronologie des épaisseurs estimées

Figure 6 : Organigramme du traitement des séries chronologiques de cernes utilisés pour mettre en évidence les variations de la croissance radiale annuelle attribuables à la pollution. (d'après Tessier et al., 1990, modifié).

20

3. Résultats

3.1. Chronologies maîtresses

L'analyse dendroécologique pratiquée ici porte sur des arbres âgés d'au moins 100 ans. Les pins cembro du vallon de la Braisse sont très vieux (certains ont plus de 600 ans), ceux de Sestrière, du col de Salèse (1 et 2), d'Isola et du vallon de Prals ont plus de 250 ans alors que ceux de Salèse 3 sont plus jeunes, moins de 200 ans.

Les chronologies ont été reconstruites sur la période 1870-2000.

3.1.1. Séries des largeurs brutes

Largeurs (1/100e mm).

400

350

300

250

200

150

100

50

0

1870 1875 1880 1885 1890 1895 1900 1905 1910 1915 1920 1925 1930 1935 1940 1945 1950 1955 1960 1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995

Figure 7 : Chronologies moyennes des largeurs de cerne, populations de Salèse (1-2-3), Sestrière, Braisse, Isola, Prals.

L'allure de ces différentes courbes est sensiblement la même pour les différentes populations sur une période identique, les populations étant toutes sauf une composées d'arbres de plus de 200 ans. En outre, la variable largeur est clairement synchronisée sur le signal de haute fréquence. Seule Salèse 3 se distingue par une croissance plus forte, les arbres étant plus jeunes.

Tableau 4 : Interdatation des chronologies moyennes des 7 populations de pin cembro (% de coïncidence, test de Baillie-Pilcher).

 

Sestrière

Braisse

Salèse 1

Salèse 2

Salèse 3

Isola 1

 

Prals

Sestrière

 

-

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Braisse

83%,

6.80

 

-

 
 
 
 
 
 
 
 
 

Salèse 1

68 %,

4.84

79%,

5.56

 

-

 
 
 
 
 
 
 

Salèse 2

71%,

5.81

73%,

4.67

79%,

8.3

 

-

 
 
 
 
 

Salèse 3

67%,

4.46

71%,

4.2

77%,

6.36

81%,

7.67

-

 
 
 
 

Isola 1

70%,

6.8

74%,

9.1

80%,

8.9

71%,

8.3

71%,

6.2

-

 
 

Prals

65%,

5.9

69%,

4.6

78%,

6.8

77%,

6.9

69%,

7.5

77%,

6.5

-

21

Le pourcentage de coïncidence entre les 7 chronologies est toujours supérieur à 65%. Tous les coefficients Baillie-Pilcher calculés pour les populations du Mercantour sont significatifs à 99%. Ces différentes populations présentent donc un niveau élevé de synchronisme.

3.1.2. Séries des surfaces des cernes

Surfaces (mm2)

4500

4000

3500

3000

2500

2000

1500

1000

500

0

1870 1875 1880 1885 1890 1895 1900 1905 1910 1915 1920 1925 1930 1935 1940 1945 1950 1955 1960 1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995

Figure 8 : Chronologies moyennes des surfaces de cerne, populations de Salèse (1-2-3), Sestrière, Braisse, Isola, Prals.

Les chronologies de surface des cernes des populations d'arbres vieux témoignent d'une tendance légèrement croissante sur les dernières 130 années. Au cours de la période des 20 dernières années, on observe une décroissance marquée (minimum vers 1990), plus accentuée pour la population des arbres plus jeunes, suivie d'une reprise.

3.1.3. Séries des largeurs indicées

Indices

4.5

4.0

5.0

3.5

3.0

2.5

2.0

0.5

0.0

1.5

1.0

1870 1875 1880 1885 1890 1895 1900 1905 1910 1915 1920 1925 1930 1935 1940 1945 1950 1955 1960 1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995

Figure 9 : Chronologies moyennes des largeurs standardisées, populations de Salèse (1-2-3), Sestrière, Braisse, Isola, Prals.

Le synchronisme des chronologies maîtresses indicées des 7 populations est visuellement très fort. Les populations présentent les mêmes fluctuations de largeurs de cernes et ce, tout au long de leur chronologie.

22

3.1.4. Largeur du bois initial

Largeur du bois initial (1/100 mm).

140

120

100

40

80

60

20

0

1870 1880 1890 1900 1910 1920 1930 1940 1950 1960 1970 1980 1990

Figure 10 : Chronologies moyennes des largeurs du bois initial, populations de Salèse (1), Sestrière et Braisse.

Le synchronisme entre les populations est aussi fort. Les populations Salèse 1 et Sestrière ont des fluctuations de haute et basse fréquence très similaires Les amplitudes inter-annuelles sont moins marquées pour la population vallon de la Braïsse, constituée de très vieux arbres Cette dernière population montre des fluctuations de moyenne fréquence pluridécennales nettes.

3.1.5. Largeur du bois final

Largeur du bois final (1/100 mm)

45

40

50

35

30

25

20

15

10

5

0

1870 1880 1890 1900 1910 1920 1930 1940 1950 1960 1970 1980 1990

Figure 11 : Chronologies moyennes des largeurs du bois final, populations de Salèse (1) Sestrière et Braisse.

L'épaisseur du bois final ne montre pas de tendance bien nette même si on observe une légère augmentation depuis 1940. Il est constaté un bon synchronisme entre les populations. Les valeurs des variations des largeurs ont une forte amplitude inter-annuelle (allant de 10 à 50 centièmes de mm).

23

3.1.6. Densité moyenne du bois initial

densité moy du bois initial (kg/m3).

440

420

400

380

360

340

320

300

1870 1880 1890 1900 1910 1920 1930 1940 1950 1960 1970 1980 1990

Figure 12 : Chronologies moyennes des densités moyennes du bois initial, populations de Salèse (1) Sestrière et Braisse.

Le synchronisme visuel est satisfaisant et la densité moyenne du bois initial de la population Salèse 1 est significativement plus élevée que celle des deux autres populations.

3.1.7. Densité moyenne du bois final

densité moyenne du bois final (kg/m3)

450

400

700

650

600

550

500

Figure 13 : Chronologies moyennes des densités moyennes du bois final, populations de Salèse (1) Sestrière et Braisse.

Il est constaté un bon synchronisme entre les courbes de densité moyenne du bois final. Les fluctuations inter-annuelles ont moins d'amplitude que celle pour la densité moyenne du bois initial. La densité du bois final de la population Salèse 1 est aussi plus élevée que celle des deux autres populations.

24

3.2. Fonctions de réponse

3.2.1. Modèle sur données standardisées/Modèle ARMA

Les fonctions de réponse ont été calculées en utilisant les données brutes indicées et les résidus ARMA. L'adéquation du modèle (coefficient de corrélation moyen des années de vérification/écart-type) avec les données ARMA étant meilleur, seuls les résultats avec ARMA seront présentés (cf tableau 5).

Tableau 5 : Coefficients de corrélation multiple de calibration et de vérification et signification globale des fonctions de réponse (exemple pour la population de Sestrière).

 

Coefficient de
corrélation calibration
RMC

Coefficient de
corrélation vérification
RMV

Ratio
RMV/ETV
=Rv

Signification
globale

Sestrière ARMA,
épaisseur

0.725

0.644

8.02

> 99 %

Sestrière standardisation,
épaisseur

0.78

0.43

2.68

=99%

3.2.2. Fonction de réponse calculée sur la période (1932-1966) pour les largeurs résidus de la modélisation ARMA confrontés au couple PTmoy des stations météorologiques

a) Calculs avec 24 régresseurs pour les paramètres largeur et surface Dans l'ensemble, les réponses des populations sont homogènes (Figures 14 et 15).

> Les précipitations : la largeur des cernes et la surface montrent une relation directe avec les précipitations des mois d'hiver. La relation avec les précipitations de juin est inverse.

> Les températures moyennes : la largeur est en relation inverse avec les températures des mois de février, mars. La surface est en relation inverse avec les températures de mars, avril. La largeur et la surface des cernes ont une relation directe avec les températures de juin.

r/s

OCT NOV DEC JAN FEV MAR AVR MAI JUN JUL

AOUT SEP

sa1-P

ses-P

sa1-T

ses-T

Prals-P

iso-P

br-P

Prals-T

iso-T

br-T

3.2-4 2.4-3.2 1.6-2.4 0.8-1.6 0-0.8 -0.8-0 -1.6--0.8 -2.4--1.6 -3.2--2.4

Figure 14 : Signification globale des fonctions de réponses pour les largeurs sur la période octobre t-1 - septembre t pour chaque population du Mercantour calculées sur le couple de paramètres précipitations et températures moyennes.

r/s

OCT NOV DEC JAN FEV MAR AVR MAI JUN JUL AUT SEP

sa1-P

ses-P

sa1-T

ses-T

prals-P

iso-P

br-P

prals-T

iso1-T

br-T

4-4.8 3.2-4 2.4-3.2 1.6-2.4 0.8-1.6 0-0.8 -0.8-0 -1.6--0.8 -2.4--1.6 -3.2--2.4

Figure 15 : Signification globale des fonctions de réponse pour les surfaces sur la période octobre t-1 - septembre t pour chaque population du Mercantour calculées sur le couple de paramètres précipitations et températures moyennes.

b) Calculs avec 24 régresseurs pour les paramètres densitométriques

r/s

OCT

NOV

DEC

JAN

FEV

MAR

AVR

MAI

JUIN

JUIL

AUT

SEP

sal1P

sesP

sal1T

sesT

brP

brT

2.4-3.2 1.6-2.4 0.8-1.6 0-0.8 -0.8-0 -1.6--0.8 -2.4--1.6 -3.2--2.4

25

Figure 16 : Signification globale des fonctions de réponses de la largeur du bois initial sur la période octobre t-1 - septembre t pour chaque population du Mercantour calculées sur le couple de paramètres précipitations et températures moyennes.

On constate une relation inverse avec les températures d'hiver pour toutes les populations, une relation directe avec les températures moyennes d'avril, mai et août pour la population de Sestrière seulement ainsi qu'une relation inverse avec les températures d'août (pour Braisse et Salèse 1). La largeur du bois initial est positivement corrélée avec les précipitations d'hiver et négativement avec les précipitations de juin.

r/s

OCT NOV

DEC

JAN

FEV

MAR

AVR

MAI JUN

JUL

AOUT

SEP

sal1P

sesP

sal1T

sesT

brP

brT

1.6-

2.4

0.8-

1.6

0-0.8

-0.8-0

-1.6--

0.8

-2.4--

1.6

-3.2--

2.4

-4--3.2

26

Figure 17 : Signification globale des fonctions de réponse de la largeur du bois final sur la période octobre t-1 - septembre t pour chaque population du Mercantour calculées sur le couple de paramètres précipitations et températures moyennes.

Les variations inter-annuelles du paramètre largeur du bois final sont très peu influencées par les variations du climat ce qui confirme les résultat constaté aussi sur une autre essence forestière, le pin d'Alep en Provence calcaire à plus basse altitude (Nicault, 1999).

r/s

OCT NOV

DEC

JAN

FEV

MAR

AVR

MAI JUN

JUL

AOUT

SEP

sal1P

sesP

sal1T

sesT

brP

brT

2.4-3.2 1.6-2.4 0.8-1.6 0-0.8 -0.8-0 -1.6--0.8 -2.4--1.6

Figure 18 : Signification globale des fonctions de réponse de la densité moyenne du bois initial sur la période octobre t-1 - septembre t pour chaque population du Mercantour calculées sur le couple de paramètres précipitations et températures moyennes.

L'influence des précipitations sur les variations inter-annuelles de la densité du bois initial est toujours inverse. Les températures moyennes ont peu d'influence sur les variations de la densité du bois initial. Seules les températures de décembre et juillet semblent avoir un poids : la densité réagit indirectement avec décembre et directement avec juillet, en particulier pour la population de Sestrière.

r/s

OCT NOV DEC JAN FEV MAR AVR MAI JUIN JUIL AUT SEP

Sal1P

SesP

Sal1T

SesT

BrP

BrT

2.4-3.2 1.6-2.4 0.8-1.6 0-0.8 -0.8-0 -1.6--0.8 -2.4--1.6 -3.2--2.4

27

Figure 19 : Signification globale des fonctions de réponse de la densité moyenne du bois final sur la période octobre t-1 - septembre t pour chaque population du Mercantour calculées sur le couple de paramètres précipitations et températures moyennes.

La densité moyenne du bois final est corrélée positivement avec les températures d'été, négativement mais plus faiblement avec les températures avec de mars et avril. La densité est inversement corrélée avec les précipitations de mai-septembre en particulier pour la population de Sestrière.

Les variations inter-annuelles de densité du bois final semblent assez faiblement influencées par le climat ce qui a été aussi constaté par Nicault (1999) à propos du Pin d'Alep en basse Provence.

c) Regroupements de régresseurs pour les paramètres largeur, surface et densité

L'utilisation simultanée des 24 régresseurs climatiques ne permet pas d'obtenir une relation cerne/climat simple. Bien que le coefficient de corrélation obtenu sur le sous-ensemble de calibration soit élevé (proche de 0.7 souvent), le coefficient de corrélation sur la vérification est en général très faible (0.3, 0.4) et non significatif au regard de son écart-type.

A partir des résultats précédents, des regroupements permettent d'obtenir une fonction de réponse hautement significative, notamment pour la population la plus sensible aux conditions climatiques (Sestrière) et dont les résultats sont présentés ci dessous (figure 20). Ce nouveau modèle met en évidence l'influence importante des précipitations d'hiver, du mois de juin, des températures de la fin de l'hiver et d'été, sur la croissance radiale (figure 20). En outre, le paramètre largeur du bois final réagit peu puisque le climat n'explique que 18 % de la variance (r2 ou RMV2). Pour les autres paramètres, le climat explique jusqu'à 59 % de la variance, ce qui est un résultat hautement significatif des fonctions de réponse.

r/s

r/s

r/s

-1

-2

-3

-1

-2

-3

-4

-5

-6

-1

-2

-3

-4

-5

4

3

2

0

4

7

6

5

3

2

0

1

1

4

3

2

0

1

 
 

Sestrière, bois initial, Dalmas.

St

largeur

du

 

R=0.81 RMV=0.59 RMV/S=3.18 r2=0.35

 
 
 

TMOYAOUT PRDEC PRFEV

PRJUN

 
 

Ses, épaisseur, St Dalmas

Sestrière, densité
moyenne du bois
initial, St Dalmas.

TMOYMAR

TMOYDEC

PRDEC

TMOYJUL_AOUT

PRFEV

R=0.67 RMV=0.57 RMV/s=4.38 r2=0.32

R=0.72 RMV=0.53 RMV/S=2.94 r2=0.28

PRJUN

PRMAI

PRJUIN

PRJUL

r/s

r/s

r/s

-1

-2

-3

-4

-1

-2

-3

-4

-5

2

3

0

1

4

2

3

0

1

-1

-2

4

2

6

5

3

0

1

Sestrière, densité
moyenne du bois
final, St Dalmas.

TMOYFEV PRNOV PRMAI PRSEP

PRNOV_DE PRFEV_MAR

Sestrière, largeur du bois final, St Dalmas.

TMOYDEC

Ses, surface, St Dalmas

TMOYJUL_AOUT

R=0.62 RMV=0.59 RMV/s=2.68 r2=0.35

R=0.79 RMV=0.53 RMV/S=3.79 r2=0.28

PRJUN

R=0.68 RMV=0.43 RMV/S=2.39 r2=0.18

PRJUN

PRJUL

Figure 20 : Régresseurs significatifs dégagés par les fonctions de réponse pour les paramètres de la croissance radiale de la population de Sestrière.

3.3. Recherche de l'influence de la pollution par l'ozone sur la croissance radiale

3.3.1. Analyse des résidus

-10

-20

-30

-40

40

20

50

30

10

0

1932 1936 1940 1944 1948 1952 1956 1960 1964 1968 1972 1976 1980 1984 1988 1992 1996

-sigma résidus

estimés +sigma

résidus réels

28

Figure 21 : Courbes de la variation des résidus obtenues à partir de la modélisation ARMA pour la population Salèse 2.

29

Les deux lignes pointillés représentent l'intervalle de confiance (au seuil 95 %). Il est à noter que la marge d'erreur reste assez faible. L'échelle (axe y) est identique pour toutes les courbes et indique des variations par rapport à la moyenne qui est égale à 0.

Les séries de résidus, supposés représenter au mieux l'impact des variations inter-annuelles du climat sur la croissance, sont caractérisées par une diminution de la variabilité inter-annuelle à partir des années 1972, 1982 et 1990. Les écarts-types suivent cette tendance et restent dans un faible intervalle autour de la moyenne.

3.3.2. Estimation des largeurs des cernes

> Population de Sestrière :

Largeurs (1/100 mm)

160

140

120

100

40

80

60

20

0

1932 1937 1942 1947 1952 1957 1962 1967 1972 1977 1982 1987 1992 1997

largeurs estimées

largeurs réelles

Figure 22 : Comparaison largeurs des cernes réelles/estimées pour la population de Sestrière.

La courbe des épaisseurs réelles est constamment au dessus des épaisseurs estimées.

Sur la période de calibration, les données réelles et reconstruites ne se superposent pas parfaitement. Le modèle n'est pas parfait et tend à sous-estimer la croissance. En effet, la différence entre la courbe réelle et estimée est significative au seuil 95% pour la période de référence.

La période dite « polluée » (1967-1998) est caractérisée par des largeurs de cerne largement supérieures et significative à celle de la période non polluée malgré la sous-etimation constatée.

Sur le plan dendroclimatique, pour les dernières décennies quelques constatations sont possibles.

Des années exceptionnelles peuvent être constatées, notamment 1949, 1976, 1992, caractérisées par une forte chute de la croissance radiale.

30

> Population de Salèse 1 :

Largeurs (1/100 mm).

140 120 100 80 60 40 20

0

 

épaisseurs estimées

épaisseurs réelles

1932

1937

1942

1947

1952

1957

1962

1967

1972

1977

1982

1987

1992

1997

 

Figure 23 : Comparaison largeurs des cernes réelles/estimées pour la population de Salèse 1.

La différence entre les largeurs réelles et estimées n'est pas significative pour la période polluée. Les valeurs estimées par le modèle sont assez bien reconstituées en terme de variation et sont stables sur toute la période.

> Population de Salèse 2 :

Largeurs (1/100 mm)

160

140

120

100

40

80

60

20

0

1932

1937

1942

1947

1952

1957

1962

1967

1972

1977

1982

1987

1992

1997

largeurs estimées

largeurs réelles

Figure 24 : Comparaison largeurs des cernes réelles/estimées pour la population de Salèse 2.

La croissance estimée est légèrement supérieure à la croissance réelle pour les 20 dernières années. La différence était significative pour la période 1985-1998 au seuil 95 % (test de Student). La différence pour la période 1964-1998 n'est pas significative.

31

> Population de Prals :

Largeur (1/100 mm)

200

180

160

140

120

100

40

20

80

60

0

1932

1937

1942

1947

1952

1957

1962

1967

1972

1977

1982

1987

1992

1997

largeurs estimées

largeurs réelles

Figure 25 : Comparaison largeurs des cernes réelles/estimées pour la population de Prals.

La correspondance courbe croissance radiale réelle et estimée n'est, là aussi, pas parfaite pour la période de référence, il existe des phases pendant lesquelles la croissance est surestimée, d'autres où elle est sous-estimée.

La différence est significative (au seuil de 95 %) pour la période 1984-1992 seulement, où la croissance réelle serait inférieure à ce qu'elle aurait due être. La différence n'est pas significative sur la totalité de la période « polluée » 1964-1998.

> Population d'Isola 1 :

Largeurs (1/100 mm).

120

100

40

80

60

20

0

1932 1936 1940 1944 1948 1952 1956 1960 1964 1968 1972 1976 1980 1984 1988 1992 1996

largeurs estimées

largeurs réelles

Figure 26 : Comparaison largeurs des cernes réelles/estimées pour la population d'Isola 1.

La croissance pendant la période dite polluée est le plus souvent supérieure à celle estimée. La différence n'est pas significative pour l'ensemble de la période « polluée ». La différence est significative pour la période 1980-1998 mais dans le sens réel>estimé.

32

3.3.3. Récapitulatif

Tableau 6 : Différences entre les valeurs moyennes des largeurs mesurées et les valeurs estimées pour les périodes « non polluées » et « polluées ».

 

Largeurs moyennes (1/100e mm)

réelles/estimées

 

1932-1966

1967-1998

Différence significative au seuil 95 %

Ses

92.26/80.86

95.25/75.44

Oui (les 2 périodes)

mais dans le sens
réel>estimé

Sal 1

81.24/79.97

80.15/81.94

non

Sal 2

85.91/81.70

77.93/80.67

non

Iso 1

71.53/72.05

72.65/72.77

non

Prals

116.03/120.5

119.67/116.24

non

Remarque : les différences sont significatives pour des sous-périodes de la période polluée dans le sens estimé>réel (populations de Salèse 2 et Prals, cf § 3.3.2.) et dans le sens réel>estimé (population de Prals.

33

4. DISCUSSION

4.1. Les chronologies

Les chronologies du Mercantour présentent un bon synchronisme visuel confirmé par les tests statistiques. Cela signifie que les différentes populations réagissent de façon homogène à un facteur externe commun qui est le climat régional de la Tinée à la Vésubie. Celui ci semble donc assez homogène même s'il existe un gradient de continentalité hydrique du nord-ouest au sud-est.

4.2. Les relations cernes/climat

Les relations cernes-climat fournies par les fonctions de réponse permettent d'avoir une idée du rôle du climat sur la croissance des arbres. Mais une relation statistique ne signifie pas forcement une relation simple de cause à effet : en effet les différents paramètres climatiques n'ont pas forcément une action directe et immédiate sur la largeur des cernes. Par exemple, les précipitations peuvent avoir une action positive sur la croissance des individus par l'alimentation en eau qu'elles apportent mais aussi par le fait que, en milieu de montagne, la pluie entraîne une baisse des températures qui, elles-mêmes, peuvent exercer un effet inverse sur la croissance des arbres.

Afin d'obtenir une meilleure interprétation des fonctions de réponse et pour mieux comprendre les mécanismes de croissance des individus ainsi que l'action spécifique du climat, il est nécessaire de replacer les différentes populations dans leur environnement propre et d'y intégrer les connaissances disponibles sur l'autoécologie et l'écophysiologie de l'essence.

4.2.1. Précipitations et températures moyennes hivernales

-Les précipitations : Sur la période octobre t-1-septembre t, la relation est directe entre les précipitations hivernales et les paramètres largeur totale, largeur du bois initial et surface des cernes. Cela peut être interprétée comme une influence positive sur la croissance radiale des individus, mais différée. En effet, l'arbre entre progressivement en phase de dormance qui commence à la mi-novembre pour être complète en décembre. L'arbre est inactif entre décembre et mars, période pendant laquelle le bilan de CO2 est quotidiennement négatif (Wieser, 1996).

Les précipitations hivernales ont deux rôles primordiaux :

> Le premier rôle est de reconstituer les réserves hydriques du sol utilisées par les arbres lors de la reprise de l'activité photosynthétique qui aura lieu au cours du mois d'avril en montagne (Pernin, 1999).

34

> Le deuxième rôle est un rôle de protection vis à vis de l'arbre (Pernin, 1999). En hiver, les précipitations tombent essentiellement sous forme de neige et la couverture neigeuse empêche la température du sol de descendre en dessous de 0°C (Contini, Lavarelo, 1982). Elle évite donc au sol de geler et par conséquent évite des dégâts irrémédiables aux plantes. Les plantes soumises à une forte dessiccation hivernale (due au vent froid notamment) doivent puiser l'eau des réserves du sol pour pallier les pertes causées par l'évapo-transpiration. Le pin cembro possède de nombreuses adaptations à la vie en conditions extrêmes dont la faculté de réguler la fermeture des stomates grâce à une augmentation d'une phytohormone, l'ABA (acide abscissique), dans les aiguilles (Christmann et al., 1999) pour minimiser les pertes d'eau vers l'atmosphère. Malgré cela, l'épaisseur de sa cuticule est mince et entraîne des pertes d'eau importantes qui doivent être compensées. Si le sol est gelé, l'absorption d'eau du sol et le transport dans les vaisseaux est interrompu. Les pertes dues à la transpiration peuvent entraîner des dessèchements mortels. Une couche de quelques dizaines de centimètres suffit à protéger le sol contre le gel. De plus la neige, facilement piégée par les aiguilles groupées par cinq, forme un volume capable d'isoler l'extrémité de la pousse et les bourgeons (Tranquilini, 1978).

-Les températures : Les températures moyennes de décembre et février sont en relation inverse avec l'épaisseur des cernes, c'est à dire que plus les températures sont basses (jusqu'à - 2°C) plus les cernes sont épais.

Des études écophysiologiques montrent que la dormance dans laquelle l'arbre se trouve en hiver n'est pas sous la dominance de la photopériode réduite mais serait plutôt d'origine endogène (Contini, Lavarelo, 1982). Toutefois, le pin cembro peut continuer à avoir une assimilation notable en hiver dans des conditions favorables d'ensoleillement (Keller, 1970). Or des températures élevées en hiver, liées à un fort ensoleillement peuvent entraîner une hausse de la respiration et de la transpiration qui mobiliseraient une partie des réserves nécessaires lors de la période végétative suivante. Cet ensoleillement est également renforcé par l'action de la couverture neigeuse qui peut doubler l'énergie reçue (Tranquilini, 1978).

Des températures froides hivernales sont donc nécessaires à la mise en place du cerne initial au printemps et agissent comme une véritable « vernalisation ».

Le paramètre largeur du bois final est peu influencé par les variations inter-annuelles. La largeur du bois final est en effet très faible par rapport à celle du bois initial et sa mise en place est rapide ; il est donc difficile de mettre en évidence d'éventuelles variations inter-annuelles.

35

4.2.2. Les températures de mars, avril et mai

L'effet inverse des températures de mars et avril montre que la couverture neigeuse a un rôle de protection très important. En effet, les températures qui restent basses assurent le maintien de cette couverture neigeuse et donc la protection des individus contre d'éventuels gels tardifs très fréquents à cette période et à cette altitude. De plus, la présence de la neige tardivement dans la saison n'empêche en rien la reprise de l'activité photosynthétique car le pin cembro possède la particularité de reprendre son activité à basse température (à partir de - 4°C) (Aussenac, 1994). De ce fait, le pin cembro peut profiter d'une période de végétation relativement étendue, d'avril-mai à novembre, contrairement à d'autres espèces de conifères tels que le mélèze qui, pendant cette période, ne possède pas encore d'aiguilles.

Seule la largeur du bois initial est corrélée positivement avec les températures de mars et avril, cette période correspondant au début de la croissance du cerne.

De même, seul le paramètre largeur du bois initial est corrélé positivement avec les températures du mois de mai. L'épaisseur des parois cellulaires est en effet un meilleur enregistreur des conditions climatiques que la largeur des cernes. Le pin cembro est l'espèce la plus sensible à la chaleur (par rapport au mélèze et au sapin notamment) et utilise le plus efficacement la chaleur pour sa croissance (Kronfuss, 1992). Cette espèce démarre sa croissance en premier au mois de mai.

4.2.3. Les précipitations et les températures estivales

Les précipitations du mois de juin ont un effet inverse sur la croissance des arbres tandis que les températures ont, elles, un effet direct. Le pin cembro est perturbé par ces fortes précipitations qui signifient des températures basses. Le mois de juin correspond à la pleine période végétative. Les premières chaleurs d'été sont nécessaires au pin cembro qui est génétiquement programmé pour utiliser efficacement la chaleur de l'air et terminer le plus tôt possible la croissance. Le pin cembro est l'espèce la plus sensible, la plus réactive à la chaleur (par rapport au mélèze et au sapin notamment) (Kronfuss, 1992).

Inversement, les températures élevées du mois de juillet, qui est le mois le plus chaud, entraînent une forte évapo-transpiration qui n'est compensée ni par les réserves en eau accumulée les mois précédents, ni par les faibles précipitations qui tombent durant cette période. Par conséquent, une baisse dans l'activité photosynthétique des arbres peut se traduire par une diminution de la largeur des cernes pendant cette période. Les pins cembro sont sensibles à la chaleur (Kronfuss, 1992), c'est pourquoi les pluies du mois de juillet, qui jouent un rôle positif sur la croissance des individus, sont nécessaires pour alimenter les arbres en eau et limiter les pertes en eau par transpiration grâce aux nébulosités associées.

36

De plus, de par leur appareil racinaire très développé mais traçant qui leur permet de s'installer sur des substrats de types éboulis, crêtes, l'alimentation en eau doit être importante ou du moins régulière (Fourchy, 1968).

Les températures trop élevées d'été (juin, juillet notamment) ont une influence négative sur la croissance du bois initial. La grande sensibilité du pin cembro est confirmée.

Le paramètre largeur du bois initial est corrélé positivement avec les températures du mois d'août, contre toute attente, pour une population, celle de Sestrière. Comme cette station est un milieu plus fermé, forestier, l'humidité y est plus élevée et la chaleur de l'été peut entraîner une reprise de la croissance. Le paramètre densité du bois initial est sous la dépendance de la disponibilité en eau du début de l'été.

Globalement, on constatera dans toutes les fonctions de réponse l'influence dominante des précipitations qui sont le facteur limitant en région méditerranéenne par rapport aux températures.

4.3. Quelle influence de la pollution par l'ozone sur la croissance radiale ?

La difficulté est grande d'isoler le facteur pollution par l'ozone des autres facteurs susceptibles d'intervenir sur la croissance radiale annuelle des arbres.

La croissance radiale estimée des cernes étant significativement inférieure à la croissance réelle durant la période « polluée » pour 2 populations sur 5, il semble difficile de relier catégoriquement une éventuelle diminution des largeurs à une augmentation du niveau de pollution atmosphérique (ozone en particulier).

Cette difficulté tient au fait que la croissance des cernes subit les effets de multiples influences :

> L'âge, regroupant des facteurs internes propres à chaque individu. Les mécanismes physiologiques normaux de vieillissement des arbres s'accompagne souvent d'une dégradation de l'état du houppier. (Dalstein, 1999) ;

> La compétition interspécifique (vis à vis du mélèze notamment) ;

> L'environnement local (conditions stationnelles). Le micro-environnement où pousse chaque arbre est plus ou moins favorable à sa croissance, dès sa naissance et tout au long de sa vie. L'état de santé des houppiers pourrait traduire ces différences stationnelles. La pauvreté des sols type Ranker sur un substratum cristallin (carences en éléments nutritifs, tels que magnésium, azote et potassium), pourraient constituer un facteur prédisposant local. Les jaunissements pour les populations étudiées ici sont visibles alors que le substratum est de type cristallin ou gréseux. Tout se passe donc comme si les difficultés d'alimentation jusqu'ici chroniques étaient brusquement mises au grand jour sous l'influence d'un facteur nouveau. Le jaunissement des

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aiguilles serait déclenché et aggravé par des conditions climatiques défavorables de ces dernières années (faibles enneigements hivernaux, enneigements tardifs au printemps, fortes chaleurs et sécheresses estivales), et par les concentrations croissantes d'ozone dans l'atmosphère durant l'été. De plus, les dépôts acides pourraient induire l'apparition de difficultés d'alimentation en magnésium et calcium sur les sols pauvres, extériorisés par les jaunissements.

D'autre part, l'augmentation du taux de CO2 atmosphérique depuis le début de l'ère industrielle pourrait masquer l'effet négatif de l'ozone sur la croissance. Il a été constaté une augmentation significative de la largeur des cernes (pour une même classe d'âge) d'un millimètre par an depuis le milieu du siècle dernier pour une population de pin cembro de l'étage subalpin du Tyrol Autrichien (Nicolussi et al., 1995). De plus, l'augmentation continuelle du CO2 dans l'atmosphère, en entraînant une fermeture partielle des stomates, pourrait limiter l'impact de l'ozone sur les arbres.

Les entrées azotées atmosphériques (nitrates et ions ammonium) contenues dans la pluie ou les dépôts secs azotés, en constante augmentation ces 20-30 dernières années, pourraient également constituer un stimulant de la croissance. (Nicolussi et al., 1995).

Il existe cependant de fortes présomptions pour que les symptômes observés (atteintes des membranes cellulaires des aiguilles) soient dus à l'ozone (Dalstein, 1997). De plus, la diminution de la variabilité inter-annuelle des résidus à partir des années 1970 pour la population Salèse 2 (la plus touchée) pourrait signifier un impact de plus en plus important des taux d'ozone sans cesse croissants. En effet, l'augmentation du taux d'ozone s'est accélérée ces 15-20 dernières années en passant de +1.6 % à + 2.4% par an (Le Cloirec, 1998) (figure 1). En ce qui concerne l'analyse des largeurs des cernes, pour les populations Salèse 2 et Prals, la croissance réelle a été significativement inférieure à la croissance potentielle pour la période 1984-1985 jusqu'en 1992 (Prals) et 1998 (Salèse 2). L'hypothèse forte que l'on peut émettre est qu'il existe une interaction entre les effets du climat et l'impact de l'ozone. Les dépérissements, les défoliations, caractériseraient donc en partie au moins, des « réajustements » parfois brutaux mais normaux en réponse à des stress climatiques. Les effets de l'ozone et des dépôts acides humides, occultes (nuages, etc) et secs entreraient en interaction avec l'influence à moyen terme (quelques années) et à long terme des cycles d'années sèches (puisque l'on a vu l'influence prédominante des précipitations sur la croissance au travers des fonctions de réponse). Les effets de la pollution atmosphérique viendraient s'ajouter à ceux du climat et pourraient même agir comme un déclencheur du dépérissement. Des divergences de croissance entre arbres sains et arbres défoliés existent dans les plus vieux peuplements de Forêt-Noire dès la fin du siècle dernier ce qui peut indiquer que le climat a toujours eu une influence primordiale. On notera ainsi que les années exceptionnelles constatées par exemple dans la figure 22 sont à mettre en relation avec des accidents

38

climatiques. La chute spectaculaire de la croissance en 1992 a lieu suite à un mois de juin très froid (inférieur à la moyenne-2 fois l'écart-type) et très pluvieux alors que l'hiver a été très sec (non reconstitution des réserves hydriques du sol). On remarquera l'effet des grandes sécheresses de 1949 et 1976. La chute de croissance de 1954 fait suite à un hiver (mois de janvier et février) plus froid que la normale et à un mois de juin plus chaud.

Cependant, l'étendue et l'intensité du dépérissement des années 1980 et 1990 dépasse celle des phénomènes anciens et appelle la mise en jeu d'un autre facteur perturbateur.

Enfin, une conduite sylvicole ancienne localement négligée peut avoir des conséquences néfastes à long terme. Elle peut induire une compétition très accrue pour l'eau et l'engagement d'un processus d'affaiblissement irréversible, accélérés par les sécheresses de 1959, 1962, 1964 puis 19731976. (Becker et al., 1994).

39

5. CONCLUSION

Les 7 populations du Mercantour étudiées, produisent les mêmes types de réponse croissance/climat que les populations du Queyras à des divergences stationnelles près. Le climat régnant sur les stations étudiées semble ainsi exercer une influence suffisamment importante pour que la variabilité inter-annuelle soit semblable. Cependant, le climat n'explique que 59 % de la variance au maximum et laisse supposer une influence importante d'autres facteurs sur la croissance radiale. Il faut donc conserver à l'esprit que les conditions stationnelles comme l'exposition, la topographie, l'édaphisme, les phénomènes de compétition, etc. sont également des facteurs à prendre en compte pour expliquer la croissance des individus. Les paramètres largeur totale, surface, largeur du bois initial, densité moyenne du bois final se révèlent les plus sensibles vis à vis des facteurs climatiques. Le paramètre largeur du bois final n'est pas un bon descripteur des variations inter-annuelles de la croissance radiale, résultat en accord avec Nicault (1999). Les relations entre les différents paramètres climatiques révèlent l'importance du rôle inverse des températures de l'hiver, du printemps de l'année t et du rôle direct des précipitations hivernales sur la croissance des individus.

Concernant l'influence d'une pollution par l'ozone, des études antérieures ont montré que « la dynamique de croissance radiale des jeunes arbres jaunissants ou défoliés n'est pas incompatible avec l'hypothèse d'un effet des polluants atmosphériques puisqu'une augmentation du décalage de croissance radiale est constatée entre les arbres verts et jaunissants depuis une quinzaine d'année ». (Dalstein, 1999). La modélisation ARMA et l'estimation d'une croissance radiale potentielle pour la période « polluée » ne permet ni de confirmer ni d'infirmer le rôle de l'ozone sur l'état de santé du pin cembro dans le Mercantour. Cela signifie que le climat, facteur pris en compte dans les modèles de croissance, n'influence qu'en partie mais pas en totalité la croissance radiale. Un déficit de croissance par rapport à une croissance potentielle modélisée apparaît comme significatif pour les 20 dernières années, en particulier chez la population du site de Salèse 2. Cette évolution de la croissance peut, outre l'ozone, avoir des causes multiples avec en premier lieu des accidents climatiques de plus en plus fréquents ces deux dernières décennies comme des étés très secs (stress hydrique) ou des fins de printemps très froids. L'âge élevé des arbres, des carences en ressources minérales locales ou la sensibilité du pin cembro aux excès d'eau (ce n'est pas le cas des sites étudiés, bien drainés du fait d'une forte pente) peuvent jouer aussi un rôle important. L'impact négatif de l'ozone sur la croissance peut être masqué par l'augmentation du taux de CO2 ou l'apport d'éléments azotés atmosphériques.

La sensibilité de la méthode, satisfaisante dans le cas des études déjà citées (Tessier et al., 1990, Gandolfo et al., 1994) ne met pas en évidence un effet négatif. Il est possible que cette pollution atmosphérique soit masquée par les effets fertilisants évoqués plus haut. Enfin, peut-être que le taux

40

d'ozone est encore insuffisant pour influer significativement sur la croissance radiale et que les atteintes ne sont encore pas trop intenses mais pas globale à l'échelle d'une région malgré les symptômes visibles sur tous les arbres.

Cependant, il semble aujourd'hui qu'il faille prendre en compte l'influence de la pollution par l'ozone en raison de la destruction des tissus qu'elle provoque. Ces jaunissements encore localisés (pins cembros dans le Mercantour, pins parasols en zones urbaines et suburbaines des Alpes-Maritimes et des Bouches-du-Rhône) sont-ils les signes avant-coureurs des problèmes qui attendent les forêts à venir ? La concentration d'ozone dans l'atmosphère moyenne de l'Europe augmente de 1 ppbv par an, et tous les écosystèmes forestiers vont se trouver confrontés à des concentrations d'ozone croissantes. Cependant, il faut garder à l'esprit que les émissions annuelles naturelles (1 million de tonnes / an) de COV précurseurs de l'ozone seraient d'environ la moitié des émissions anthropiques. Dans les forêts de pins des régions méditerranéennes, les émissions naturelles (sous forme d'isoprène et de monoterpènes essentiellement) peuvent largement dépasser durant certaines périodes les émissions anthropiques (Luchetta et al., 2000).

Au final, pour mieux discerner la part de la pollution atmosphérique (ozone en particulier) dans l'influence sur la croissance radiale (par rapport au climat et à l'augmentation du taux de CO2 notamment), il conviendrait d'étendre les études spatialement à d'autres populations, ainsi qu'à d'autres espèces touchées (sapin par exemple) pour dégager une tendance à plus grande échelle. Une perspective lourde à mettre en place, parce que nécessitant de travailler sur de gros effectifs, consisterait à chercher des différences significatives de la croissance moyenne d'arbres de même âge mais à différentes époques.

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BIBLIOGRAPHIE

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