IV. Discussion
A Saint Cyr-en-Val, il y a beaucoup d'eau stagnante en hiver
et une sécheresse édaphique en été. Ceci s'explique
par la composition du sol. En effet, les 40 premiers centimètres sont
composés de sable qui est un matériau très drainant.
Cependant, en-dessous de cette couche de sable, il y a une épaisse
strate d'argile, ce qui fait que de l'eau a plus tendance à être
retenue dès lors qu'il y a de fortes précipitations ou bien en
hiver lorsque le sol est saturé. De plus, un étang se trouve non
loin de la parcelle provoquant des remontées capillaires d'eau et
formant une nappe affleurante. Les peupliers sont inféodés aux
zones humides mais ne supportent pas l'eau stagnante, ils ont besoin qu'elle
soit continuellement renouvelée. En été, les sols sont
asséchés dû à l'horizon superficiel très
perméable. L'eau qui est retenue dans la glaise en profondeur n'est pas
du tout disponible pour les plantes. Les sols argileux ont beau avoir une forte
capacité de rétention de l'eau, leurs réserves
mobilisables ne constituent que la moitié de ce qu'ils peuvent retenir.
L'eau est le paramètre le plus limitant pour la production de biomasse
végétale ce qui fait que les arbres qui sont exposés
à des épisodes de sécheresse et qui ne peuvent les
éviter modifient leur stratégie d'utilisation du carbone. Au
contraire, à Echigey, le sol est bien équilibré avec un
pourcentage limoneux plus élevé. La couche d'argile se trouve
également plus profondément, n'empêchant pas l'eau de
circuler.
1. Variabilité génétique et
plasticité phénotypique des réserves glucidiques
À la suite des dosages glucidiques
réalisés sur les arbres des deux sites, nous avons observé
qu'il existait de la variabilité entre les génotypes sur les deux
sites quelle que soit la variable (sucres solubles, amidon et NSC).
Les résultats obtenus pour les NSC étaient
à chaque fois sensiblement ressemblant à ceux des sucres solubles
sur les deux sites. Cela peut s'expliquer par le fait que ces derniers
représentent la part la plus importante dans les NSC totaux en
comparaison de l'amidon. Cependant, ces résultats sont en contradiction
avec ceux trouvés chez d'autres espèces ligneuses en 2012 (Sala
et al.). En effet, cette étude a mesuré la composition
des NSC sur diverses espèces d'arbres sur une période d'un an et
révèle une quantité plus importante d'amidon par rapport
aux sucres solubles. Elle n'a cependant pas été
réalisée chez le peuplier.
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Les peupliers cultivés en TTCR à ECH avaient en
moyenne une plus faible quantité de sucres solubles stockés que
ceux à SCV alors qu'on retrouvait le schéma inverse pour ce qui
est de l'amidon. On peut alors supposer que les conditions hydriques
défavorables font augmenter les réserves en sucres solubles et
baisser les réserves d'amidon. Ceci pourrait s'expliquer par le fait que
lorsqu'il y a un manque de nutriments, l'arbre vient puiser dans ses
réserves pour pouvoir continuer à alimenter ses tissus. L'amidon
est une macromolécule de réserve, pour la déstocker, la
plante a besoin de l'hydrolyser, obtenant ainsi du D-Glucose et faisant
augmenter son stock de sucres solubles. Les variations des teneurs en amidon et
en sucres solubles en fonction de la disponibilité en eau dans notre
étude étaient conformes à celles déjà
observées chez le peuplier dans une étude
précédente (Bouyer, 2019). Elle montrait qu'en condition de
sécheresse modérée, les teneurs en amidon diminuaient mais
les NSC persistaient principalement grâce à un pool
réfractaire de sucres solubles. Ceci confirme la première
hypothèse suggérant que les conditions pédoclimatiques
contrastantes des deux sites provoqueraient une mobilisation différente
des glucides.
En plus de cela, bien qu'il y ait un sens de variation moyen
entre site, tous les génotypes ne répondaient pas
nécessairement dans le même sens. Plus précisément,
certains génotypes voyaient leurs stocks d'amidon baisser à SCV
par rapport à ECH alors que d'autres suivaient le schéma inverse.
Cette interaction génotype x environnement n'est pas significative pour
les sucres solubles et les NSC bien que le diagramme d'interaction semble nous
montrer le contraire puisque plusieurs droites se croisent. Cette
non-significativité pourrait s'expliquer par une amplitude de
concentrations trop faible. Il existe donc de la variation
génétique pour la plasticité phénotypique. La
question sera de savoir dans quelle mesure cette plasticité peut
être reliée aux performances et les génotypes
présentant des sens de réponse très différents
constitueront à ce titre des candidats intéressants à
étudier davantage.
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