Section 2 : Les violations récurrentes des
droits et libertés civils et politiques des
détenus préventifs au Togo
Les limites ci-dessus mentionnées ont pour
conséquences la violation des garanties procédurales (Paragraphe
1) et des droits fondamentaux liés aux libertés civiles et
politiques des détenus préventifs (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : La violation des garanties
procédurales en matière de détention
préventive
« Pour réaliser une protection efficace des
droits de l'homme, il ne suffit pas de consacrer le droit matériel.
Encore faut-il des garanties fondamentales de procédures de nature
à renforcer les mécanismes de sauvegarde de ces
droits64 ».
Dans ce paragraphe, il serait question d'examiner les
entorses aux principes du procès équitable (A) et de la
présomption d'innocence (B).
A. Les entorses au principe du procès juste et
équitable
L'une des exigences essentielles caractéristiques d'un
procès juste et équitable est, aux termes de l'article 19 de la
constitution togolaise, le droit de toute personne, objet de
63Propos de Monsieur Idrissou Akibou tenus lors de
l'entretien du jeudi 12 mai 2016.
64 Jacques VELU et Rusen ERGEC, La Convention
européenne des droits de l'homme, Bruylant, Bruxelles, 1990, p.435. Le
but est, pour citer la Cour « de protéger des droits non pas
théoriques illusoires mais concrets et effectifs», Cour
Européenne des Droits de l'Homme, arrêt du 9 octobre 1979, Airey,
para.24. Cité par François BERNARD et Antoine BERTHE, tous
doctorants, dans « Les garanties procédurales en matière
de reconduite à la frontière au regard de la Convention
européenne des droits de l'homme », p.1.
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poursuites judiciaires, d'être jugée dans un
délai raisonnable par une juridiction indépendante et impartiale.
Les prévenus tirent ainsi de ce texte deux garanties fondamentales : le
droit d'être jugés dans un délai raisonnable et par une
juridiction indépendante et impartiale.
Dans la pratique, ces droits connaissent des restrictions du
fait des dysfonctionnements de l'appareil judiciaire. Ainsi, la Constitution
togolaise fait du pouvoir judiciaire le garant des droits et libertés de
tous les citoyens65. Cependant ce pouvoir
judiciaire qui est, censé protéger tous les citoyens togolais,
n'est pas en mesure de l'assumer. Il est à l'origine même de
certaines violations des droits de l'homme tels que le non-respect des droits
civils, politiques, économiques, sociaux et culturels des détenus
préventifs.
Le Département d'Etat Américain souligne
à cet égard que « bien que la constitution togolaise
prévoit un pouvoir judiciaire indépendant, le pouvoir
exécutif continue d'exercer un contrôle sur le pouvoir judiciaire.
La corruption judiciaire était un problème. Il y avait une grande
perception selon laquelle les avocats soudoient souvent des juges pour
influencer les jugements. Le système judiciaire est resté
surchargé et sous-effectif. La Constitution prévoit le droit
à un procès équitable, mais l'influence de
l'Exécutif sur le pouvoir judiciaire limite ce droit. Les accusés
ont le droit d'accéder à des preuves détenues par le
gouvernement en rapport avec leurs cas, mais ce droit n'a pas été
respecté. Il y avait de nombreux retards dans le système
judiciaire. La constitution et la loi prévoient des recours civils et
administratifs pour des actes répréhensibles, mais le pouvoir
judiciaire ne respecte pas ces dispositions, et la plupart des citoyens ne
connaissaient pas de telles dispositions. Certains cas antérieurs soumis
à la Cour de justice de la Communauté économique des Etats
d'Afrique de l'Ouest ont donné lieu à des décisions que le
gouvernement n'a pas mises en oeuvre, cas des affaires Kpatcha, Bodjona...
»66
En effet, la protection des droits fondamentaux des
détenus est conditionnée par l'existence de plusieurs
éléments mêlés dont la remise en cause de l'un
influe sur tous les autres. Elle subit les soubresauts de son environnement qui
reste lui-même marqué par de profonds
déséquilibres.
65Article 113 al. 3 de la Constitution togolaise.
66 Etats-Unis d'Amérique, 40e
Rapport sur la situation des droits humains au Togo, avril 2016. Cité le
3 mai 2016 par une presse privée, Liberté -Togo ;
http://www.27avril.com/ (consulté le 14 mai 2016).
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Aux termes des dispositions de l'actuel Code de
Procédure Pénale, la détention préventive est
définie comme une mesure exceptionnelle. Contrairement au principe
énoncé dans ledit Code, la détention préventive
n'est pas utilisée comme une mesure exceptionnelle, mais continue
d'être la règle. Cependant, aucune autre base légale n'est
énoncée dans la loi qui justifierait l'ordre de détention
préventive. Cela constitue une violation du principe de la
présomption d'innocence.
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