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La détention préventive et protection des droits de l'homme au Togo.


par Lar KOMBATE
Université de Nantes (France) - Master 2 droit international et européen des droits fondamentaux 2016
  

Disponible en mode multipage

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1

 

UNIVERSITE DE NANTES

FACULTE DE DROIT ET SCIENCES POLITIQUES DE NANTES
& AGENCE UNIVERSITAIRE DE LA FRANCOPHONIE

ANNEE UNIVERSITAIRE 2015-2016

LA DETENTION PREVENTIVE ET LA PROTECTION DES

DROITS DE L'HOMME AU TOGO

MEMOIRE DE RECHERCHE

MASTER 2 SPECIALITE DROIT INTERNATIONAL ET EUROPEEN
DES DROITS FONDAMENTAUX

Présenté par :

Lar KOMBATE

Tuteur :

Dr. Martial JEUGUE DOUNGUE

Enseignant - Chercheur, Expert en Droits de l'Homme et Droit Humanitaire

Mai 2016

2

DEDICACE

Je dédie le présent mémoire :

V' A tous, femmes, hommes et enfants détenus dont les droits sont violés ;

V' A tous ceux qui ont perdu leur vie ou emploi au cours de la détention préventive ;

V' A tous ceux qui mènent une lutte acharnée pour la jouissance effective des droits et libertés fondamentaux des détenus préventifs dans le monde.

REMERCIEMENTS

3

Je voudrais ici exprimer ma sincère gratitude à mon tuteur de mémoire, le Docteur Martial JEUGUE DOUNGUE, pour m'avoir assuré un enrichissant et indéfectible encadrement.

Toute ma reconnaissance au collège des enseignants et à l'administration de l'Université de Nantes, pour leur disponibilité et leurs recommandations, ainsi qu'à l'Agence Universitaire de la Francophonie pour l'opportunité qu'elle m'a offerte de poursuivre des études juridiques à distance.

Merci aussi à tout le corps judiciaire et pénitentiaire du Togo, aux détenus, pour le temps consacré aux entretiens et pour leurs précieuses suggestions.

Toute ma sympathie aux autres lauréats de la promotion Master 2 Droit International et Européen des Droits Fondamentaux de l'Université de Nantes, année 2015 - 2016.

A mes enfants KOMBATE Youmandaan et KOMBATE Damnan et à mon épouse AKARA Massalo, pour l'amour et le réconfort.

A mes amis, aux familles KOMBATE, KAMBOURE et à tout le personnel du Tribunal de Première Instance d'Atakpamé pour leurs encouragements.

A tous ceux qui ont contribué, de près ou de loin à la réalisation de ce travail, je dis

merci.

LISTE DES SIGLES ET ABBREVIATIONS

4

AL. : Alinéa

ART. : Article

CEDEAO : Communauté Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest

CEDH : Convention Européenne des Droits de l'Homme

CPP: Code de Procédure Pénale

CNDH : Commission Nationale des Droits de l'Homme

ED. : Edition

EPU : Examen Périodique Universel

DUDH : Déclaration Universelle des Droits de l'Homme

HCDH : Haut-Commissariat des Nations Unies aux Droits de l'Homme

IDH : Indicateur de Développement Humain

INDH : Institutions Nationales des Droits de l'Homme

J.O.R.T : Journal Officiel de la République Togolaise

LGDJ : Librairie Générale de Droit et de Jurisprudence

NCP : Nouveau Code Pénal

NCPP : Nouveau Code de Procédure Pénale

ODDH : Organisations de Défense des Droits de l'Homme

OIF : Organisation Internationale de la Francophonie

ONG: Organisations Non Gouvernementales

ONU : Organisation des Nations Unies

OSC : Organisation de la Société Civile

PARA. : Paragraphe

PAUSEP: Projet d'Appui d'Urgence au Secteur Pénitentiaire

PIDCP: Pacte International relatifs aux Droits Civils et Politiques

PIDESC: Pacte international relatif aux Droits Economiques, Sociaux et Culturels

PNMJ: Programme National de Modernisation de la Justice

PNUD : Programme des Nations Unies pour le Développement

PUF : Presses Universitaires de France

SCAPE : Stratégie de Croissance Accélérée et de Promotion de l'Emploi

UE : Union Européenne

UNICEF : Fonds des Nations Unies pour l'Enfance

UNESCO : Organisation des Nations Unies pour l'Education, la Science et la Culture

5

RESUME

Le Togo est partie à nombreux instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme dans l'administration de la justice pénale. Des mécanismes et institutions internationaux et nationaux ont été mis en place ou renforcés afin d'assurer l'application de ces instruments. Des réformes judiciaires et pénitentiaires ont également été entreprises. Malgré les progrès réalisés, le cadre légal national demeure lacunaire et peu appliqué. Les juridictions et prisons civiles sont toujours confrontées à des dysfonctionnements empêchant une prise en charge effective des détenus. Les mécanismes nationaux présentent des défaillances qui ne permettent pas de lutter contre les violations récurrentes des droits et libertés des détenus préventifs. Pour garantir l'effectivité de ces droits et libertés, il est urgent que l'Etat se mobilise davantage. De même, l'intervention accrue des organisations internationales et des organisations de la société civile togolaise s'avèrent indispensable.

Mots clés : Détention préventive, Droits de l'homme, Protection, Principe de la présomption d'innocence, Togo.

ABSTRACT

Togo is party to many international standards on human rights relating to the administration of criminal justice. National and international mechanisms and institutions have been set up or reinforced to ensure the implementation of these instruments. Likewise judicial and penitentiary reforms have been undertaken. In spite of some advancement made therein, the national legal framework is still faulty and poorly applied. Courts and civil prisons continue to face malfunctions which hinder an effective management of prisoners. National mechanisms embody deficiencies that do not help fight against recurrent violations of pretrial detainees' rights and freedoms. To ensure the effectiveness of these rights and freedoms, there is an urgent need for the government to be mobilized. Similarly, the increased involvement of international organizations and organizations of Togolese civil society is essential.

Keywords: Pre-trail detention, Human rights, Principle of the presumption of innocence, Togo.

SOMMAIRE

6

INTRODUCTION GENERALE 07

PREMIERE PARTIE : UNE PROTECTION LIMITEE DES DROITS DE L'HOMME AU COEUR DE

LA DETENTION PREVENTIVE AU TOGO 27

CHAPITRE I : UNE PROTECTION MITIGEE DES DROITS ET LIBERTES CIVILS ET

POLITIQUES DES DETENUS PREVENTIFS AU TOGO 29

Section 1: Les limites de la protection des droits et libertés civils et politiques des détenus préventifs 29

Section 2 : Les violations récurrentes des droits et libertés civils et politiques des détenus préventifs au Togo

35

CHAPITRE II : UNE PRECARITE DE PRISE EN CHARGE DES DROITS ECONOMIQUES,

SOCIAUX ET CULTURELS DES DETENUS PREVENTIFS AU TOGO 43

Section 1 : Les défaillances des établissements pénitentiaires et des mécanismes de contrôle de prise en charge

des détenus 44

Section 2: Une prise en charge insuffisante des droits économiques, sociaux et culturels des détenus préventifs

50

DEUXIEME PARTIE : UNE PROTECTION PERFECTIBLE DES DROITS DE L'HOMME AU

COEUR DE LA DETENTION PREVENTIVE AU TOGO 58

CHAPITRE I : L'URGENCE DE LA MOBILISATION DE L'ETAT TOGOLAIS EN FAVEUR DE

LA PROTECTION DES DROITS DES DETENUS PREVENTIFS 60

Section 1 : L'effectivité des mécanismes de protection des droits de l'homme dans la phase procédurale de la

détention préventive 60

Section 2 : L'amélioration de la prise en charge des droits économiques, sociaux et culturels 68

CHAPITRE II : L'INTERVENTION ACCRUE DES ORGANISATIONS INTERNATIONALES ET

DES ORGANISATIONS DE LA SOCIETE CIVILE 76

Section 1 : L'intervention accrue des institutions internationales et des partenaires en développement 76

Section 2 : L'intervention accrue des organisations de la société civile et des Organisations de défense des

droits de l'homme 83

CONCLUSION GENERALE 90

BIBLIOGRAPHIE 95

TABLE DES MATIERES 103

7

INTRODUCTION GENERALE

La protection de la dignité humaine au cours d'une procédure pénale est l'un des fondements de tout système démocratique respectueux des droits de l'homme1. Ainsi, un Etat de droit n'est-il pas seulement un Etat qui garantit la prééminence du droit, c'est aussi un Etat qui assure la protection des personnes et notamment celles impliquées dans des affaires pénales. L'un des principes fondamentaux en droit pénal, garantissant le respect des droits fondamentaux des personnes soupçonnées d'avoir commis ou tenté de commettre une infraction, est la présomption d'innocence2. Ce principe dispose que « tout prévenu ou accusé est présumé innocent jusqu'à ce que sa culpabilité ait été établie à la suite d'un procès qui lui offre les garanties indispensables à sa défense »3. Selon l'article 14, paragraphe (PARA.) 2 du Pacte International relatifs aux Droits Civils et Politiques (PIDCP)4 : « toute personne accusée d'une infraction pénale est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie». La présomption d'innocence implique en principe, qu'à ce stade les mesures privatives de liberté ne devaient pas être prises contre le prévenu ou l'accusé. Mais pour les nécessités de l'instruction et des mesures de sûreté, toutes les personnes contre lesquelles pèsent des charges suffisantes susceptibles de motiver leur culpabilité peuvent être placées en détention préventive avant jugement.

Mesure grave, mais nécessaire, la détention préventive doit faire l'objet d'une attention particulière, car les abus ou atteintes en la matière ont des répercussions néfastes sur la protection des droits et libertés fondamentaux des détenus préventifs.

De nos jours, le souci majeur de la Communauté internationale est sans nul doute une protection efficace des droits de l'homme dans l'administration de la justice. Ainsi, presque tous les Etats s'efforcent de réglementer au mieux et de surveiller plus rigoureusement toutes les mesures qui peuvent porter atteinte aux libertés et droits fondamentaux au cours de la procédure pénale notamment la garde à vue et la détention préventive.

1Déclaration Universelle des Droits de l'Homme adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies le 10 décembre 1948.

2 Le principe de la présomption d'innocence est inscrit dans la Déclaration Universelle des droits de l'homme (art.11) et dans la Constitution togolaise (art. 18). Ce principe est aussi garanti par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (art. 14, para. 2), par la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples (art. para. 1 b), la Convention américaine relative aux droits de l'homme (art. 8, para. 2) et la Convention européenne des droits de l'homme (art. 6, para.2).

3 Art. 18 al.1er de la Constitution togolaise du 14 octobre 1992, modifiée le 31 décembre 2002.

4Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques (PIDCP) adopté le 16 décembre 1966 et entrée en vigueur le 23 mars 1976.

8

Le Togo en tant qu'Etat membre des Nations Unies5, a fait d'énormes efforts pour introduire dans son droit positif des normes et mécanismes internationaux et régionaux relatifs aux droits économiques, sociaux, culturels, civils ou politiques dont t'il a ratifiés.

La mise en application de ces mécanismes juridiques nécessite l'intervention d'un grand nombre d'acteurs, l'apport de moyens et expertises, lesquels concourent à garantir le respect des droits de l'homme dans le contexte de la détention préventive. A ce titre, on peut citer le pouvoir exécutif, le pouvoir législatif, les Organisations non gouvernementales (ONG), la Communauté internationale, les partenaires en développement et de coopération et bien entendu le pouvoir judiciaire, notamment les magistrats, les avocats, greffiers et le personnel de l'administration pénitentiaire. Chacun de ces acteurs constitue un maillon important dans le processus de protection des droits fondamentaux des détenus préventifs.

La présente étude analyse les normes internationales de protection des droits de l'homme en matière de détention préventive, ainsi que le cadre légal et la pratique en la matière au Togo. Elle propose en outre une évaluation sur la base de ces considérations juridiques afin de mieux appréhender le degré d'effectivité des droits fondamentaux des détenus préventifs. Aussi, «la détention préventive et la protection des droits de l'homme au Togo», tel est l'intitulé de la présente étude.

L'introduction de notre étude s'articule autour de trois parties : le contexte et la délimitation (I), le cadre (II) et la conduite de l'étude (III).

I. CONTEXTE ET DELIMITATION DE L'ETUDE

Dans cette partie, il sera abordé tour à tour le contexte de l'étude (A) et sa délimitation(B).

A. CONTEXTE DE L'ETUDE

Les conditions de détention déplorables et dégradables observées ces dernières années au Togo sont consécutives à plusieurs facteurs tels que les détentions préventives massives et

5Le Togo est membre de l'ONU depuis le 20 septembre 1960.

9

prolongées, cause de la surpopulation carcérale, à s'en tenir aux statistiques de l'Administration pénitentiaire du Togo6.

Les conditions de détention actuelles laissent croire que l'inculpé ou le prévenu subit anticipativement la peine encourue avant même sa condamnation. Cette situation aussi bien choquante que révoltante heurte les principes de la présomption d'innocence, de délais raisonnables, de procès équitables pourtant prescrits par les instruments internationaux et régionaux relatifs aux droits de l'homme ratifiés par le Togo. Montesquieu le relevait déjà : « les peines, les dépenses, les longueurs, les dangers mêmes de la justice sont le prix que chaque citoyen donne pour sa liberté »7. Comme le dit souvent « la procédure c'est la prudence, la trêve, la réflexion. »

Conscient de l'ampleur des mauvaises conditions de détention, du non-respect des garanties procédurales et de la lenteur judiciaire ainsi que de leurs impacts, les autorités togolaises ont initié depuis 2003 des réformes importantes en vue d'assainir le secteur judiciaire8 et pénitentiaire.

Ces dysfonctionnements se justifient par certains facteurs socio-politiques (1) et économiques (2) qui sont autant d'obstacles au respect des droits fondamentaux des détenus préventifs au Togo9.

1. Contexte socio-politique

Longtemps condamné pour son déficit démocratique, pour les violations des droits de l'Homme et des libertés fondamentales par la Communauté internationale suite aux troubles socio- politiques des années 1990 et 2005, le Togo a souscrit depuis 2006 à plusieurs

engagements internationaux et régionaux afin de refaire son image et de regagner la confiance

des opérateurs économiques.10 Cette situation a eu un impact majeur sur plusieurs aspects du développement économique et social. Après une longue période d'isolement, marquée par

6Statistiques des détenus : Au 04 décembre 2015, sur un effectif total de 4518 détenus, on dénombre 3013 détenus préventifs et 1505 détenus condamnés soit un taux de 66,69 % et 33,31 % ; au 1er décembre 2014, sur un effectif total de 4231 détenus, on retrouve 2596 détenus préventifs et 1635 détenus condamnés soit un taux de 61,36 % et 38,64 %.

7Montesquieu, « de l'esprit des lois », nouvelle édition, Paris, Garnier, 1871, p. 72.

8Projet d'appui d'urgence au secteur pénitentiaire (PAUSEP) et Programme national de modernisation de la justice (PNMJ) financés par l'Union Européenne et PNUD.

9République du Togo, Rapport national de mi-parcours dans le cadre de l'EPU, 2011, p.20.

10 Accords politiques global avec les 22 engagements, signés le 14 avril 2004 auprès de la Commission de l'Union européenne, la Déclaration de Kampala sur la détention en Afrique des 19-21 septembre 1996, la Déclaration d' Ouagadougou sur l'accélération de la réforme pénale et pénitentiaire en Afrique des 18 et 20 septembre 2002.

10

11

l'interruption de l'aide au développement et l'absence d'investissements, l'Etat togolais s'est engagé en 2006 dans une politique d'ouverture qui a permis la reprise de la coopération politique et économique avec les partenaires internationaux, notamment avec l'Union Européenne (UE). C'est dans cette optique que le pays a signé en 2006 un accord de siège avec le Haut-Commissariat des Nations Unies aux Droits de l'Homme (HCDH)11. La mission du HCDH était de veiller à la promotion et au respect des droits de l'homme, à l'instauration de la démocratie et de l'Etat de droit en apportant à l'Etat togolais son expertise. Ainsi, le premier rapport présenté en 2011 par le Togo dans le cadre de l'Examen Périodique Universel (EPU) fait état d'un faible respect des droits de l'homme dans l'administration de la justice, notamment aux textes laconiques, aux conditions de détention et la lenteur des procédures judiciaires, source de la surpopulation carcérale avec comme corollaire la détérioration des conditions de détention.

En dépit de l'adhésion du Togo aux conventions internationales, régionales en matière de la protection et promotion des droits de l'homme et malgré la mise en oeuvre des programmes de réformes des administrations de la justice et pénitentiaire, le régime de la détention préventive prévu par le Code de Procédure Pénale (CPP) n'a pas connu de réformes visant à le réajuster ou à le conformer aux standards internationaux relatifs aux droits de l'homme dans l'administration de la justice pénale.

L'usage systématique des mandats de dépôt et mandats d'arrêt justifient les détentions provisoires de longues durées et arbitraires.

Les détenus préventifs et les condamnés définitifs partagent les mêmes cellules dans les prisons civiles. Les conditions de détention ne respectent pas les règles minima en la matière : ineffectivité de mesures alternatives à la détention, manque de soins médicaux entrainant parfois des pertes en vies humaines, surpopulation carcérale, insuffisance des moyens de subsistance.

Cette situation n'est pas spécifiquement propre au Togo. Les conditions de détention demeurent, presque partout en Afrique, déplorables. Tel est, en effet, le constat fait à Kampala les 19, 20 et 21 septembre 1996 par cent trente-trois (133) délégués venant de quarante-sept (47) pays dont quarante (40) Etats africains impliqués dans les questions pénales et pénitentiaires12. Après avoir relevé que dans de nombreux pays d'Afrique, le taux de surpopulation dans les prisons avait atteint des limites inhumaines, que l'alimentation était

11 Accord entre le Haut-Commissariat des Nations Unies aux Droits de l'Homme et le Gouvernement de la République togolaise relatif à l'établissement d'un bureau du HCDH au Togo, signé le 10 juillet 2006. 12Déclaration de Kampala sur la santé en prison en Afrique tenu à Kampala les 12 et 13 décembre 1999.

insuffisante en qualité et en quantité, que l'accès aux soins était difficile, les délégués ont recommandé, « que soient assurées aux détenus, des conditions de détention compatibles avec la dignité inhérente à la personne humaine».

Dans un souci de mise en oeuvre des recommandations de mécanismes internationaux et institutions en matière de respect des droits de l'homme dans l'administration de la justice, le Togo a entrepris entre 2005 et 2010 un vaste Programme National de Modernisation de la Justice (PNMJ). Cela a été possible grâce à l'appui du PNUD et de l'UE.

Dix ans après la mise en oeuvre du PAUSEP et PNMJ, on constate toujours un nombre pléthorique des détenus préventifs qui sont en attente de jugement depuis plusieurs mois voire plusieurs années. Selon un rapport établi en 2012 par l'Inspection générale des services juridictionnels et pénitentiaires, plus de 70% des détenus dans les prisons sont des détenus préventifs. En matière criminelle, les procédures durent au minimum 36 mois et peuvent aller jusqu'à sept (7) ans13. Ce constat dans la mise en oeuvre de la détention a très souvent des répercussions néfastes sur le bien-être physique, mental et social du détenu. Cette situation a longtemps alimenté des critiques des autorités togolaises et des acteurs de la justice par la communauté internationale. Les reproches formulés contre le régime de la détention préventive en vigueur au Togo ont pour essentiels caractéristiques : le défaut d'obligation de motiver les décisions de placement en détention, l'usage abusif des titres de détention, l'absence d'indemnisation des victimes de détention abusive, la vétusté et à l'exiguïté des prisons civiles qui ne permettent pas toujours le respect des droits des prisonniers14. Cette situation déplorable n'a pas laissé le pouvoir législatif togolais indifférent, a visité plusieurs centres de détention15 du 11 au 14 novembre 2015 afin de s'imprégner des réalités.

2. Contexte économique

La situation économique du Togo est très défavorable à la protection effective et efficiente des droits fondamentaux des détenus préventifs. Pays pauvre très endetté, le Togo a connu depuis les années 1990 jusqu'en 2005 des troubles socio - politiques qui ont fortement freiné son processus de développement et ont occasionné une rupture de l'aide extérieure. La

13 Haut- Commissariat des Droits de l'Homme, Rapport sur le respect et la mise en oeuvre des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans l'administration de la justice au Togo, Décembre 2013, p. 26.

14 Le taux d'occupation totale des prisons civiles au Togo est de 166 % au 04 décembre 2015 et de 156 % au 1er décembre 2014. Dans les prisons civiles de Lomé, Aného, Tsévié, Notsè, Atakpamé et Dapaong, ce taux varie entre 191 % à 326 %. (Source : Statistiques de la Direction de l'Administration Pénitentiaire et de la Réinsertion du Togo).

15 Les douze centres de détention du Togo sont : Dapaong, Mango, Kanté, Kara, Bassar, Sokodé, Atakpamé, Notsè, Tsévié, Lomé, Vogan et Aného.

12

population togolaise était de 6 191 155 habitants en 201016, avec un taux de croissance annuel moyen de 2,84%. Le Produit Intérieur Brut (PIB) est passé de 1 581,3 milliards de FCFA en 2010 (année de référence) à 2 076,6 milliards de FCFA en 2015, soit un PIB par habitant respectivement de 255 419 FCFA et de 291 583 FCFA. Malgré les progrès réalisés (0,459 en 2012 -Rapport IDH 2013- soit une amélioration de 0,007 par rapport à 2010), l'Indicateur de Développement Humain (IDH) du Togo reste faible (159e rang sur les 187 pays considérés). La pauvreté demeure très élevée au Togo et concerne encore 58,7% de la population en 2011 (SCAPE, août 2013) contre 61,7% en 200617. Du 166e rang en 2013 au 164e en 2014. Selon le rapport « Doing Business » 2015, le Togo fait partie des dix économies du monde dont le climat d'affaires s'est sensiblement amélioré. Il a fait un bond de quinze places pour être classé à 149e dans le monde.18

A l'heure actuelle, la croissance économique du Togo ne permet pas de pallier à tous les maux dont souffre le secteur judiciaire et pénitentiaire. La ligne budgétaire accordée au Ministère de la Justice pour son fonctionnement est dérisoire. Elle varie en moyenne entre 0,3 et 1 % du budget général. Les réformes entreprises dans ce secteur avancent au ralenti ou restent inachevées à cause de manque de financement. Les juridictions et les prisons civiles ne disposent pas des moyens financiers et matériels pour faire face aux besoins urgents dans le cadre de la détention préventive. Le Ministère de la Justice fait toujours appel aux partenaires en développement et de coopération pour le soutenir dans ses différents programmes de modernisation de la justice respectueuse des droits de l'homme en général et ceux des détenus préventifs en particulier. Malgré les efforts remarquables entrepris par les autorités togolaises, les droits fondamentaux des détenus préventifs demeurent toujours précaires.

Dans ce double contexte socio-politique et économique, une réflexion sur la détention préventive et la protection des droits de l'homme au Togo s'avère indispensable. Aussi, convient-il de bien circonscrire ce sujet.

16 4e Recensement Général de la Population et de l'Habitat, 2010.

17 Contribution prévue déterminée au niveau national (CPDN) dans le cadre de la convention cadre des nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), septembre 2015, p.21.

18 Groupe de la Banque Mondiale, Rapport « Doing Business » relative à l'évolution de la règlementation des affaires dans le monde, éd. 2015, p.4.

B. DELIMITATION DE L'ETUDE

13

Pour mener à bien notre étude, une délimitation doit être faite sur trois points essentiels : matériel (1), temporel (2) et spatial (3).

1. Délimitation matérielle

Les droits fondamentaux des détenus préventifs sont multiples. Ils portent sur certains aspects des garanties procédurales, des conditions de détention et de traitement. Leur exercice permet d'assurer un procès équitable respectant la dignité humaine des détenus préventifs. Ces droits sont méconnus par la majorité des togolais. Pour ces raisons, la présente étude analyse la protection des droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels des détenus préventifs. Elle se fait sous l'angle de l'application effective des instruments juridiques internationaux, régionaux relatifs à la protection des droits de l'homme dans l'administration de la justice et de l'analyse du cadre légal et institutionnel de la détention préventive au Togo afin de dégager les forces et les faiblesses des mécanismes nationaux de la détention préventive.

En somme, cette recherche nous permet d'évaluer l'effectivité de la protection des droits de l'homme dans le contexte de la détention préventive au Togo afin d'en déceler les limites ou insuffisances pour envisager de possibles réformes. On a recours à d'autres disciplines telles que les sciences sociales et le droit comparé. Notre expérience professionnelle en tant que greffier me permet de mieux cerner les contours du sujet. La présente étude ne prend pas en compte le régime de la garde à vue et de la détention définitive.

2 . Délimitation temporelle

Depuis son accession à la souveraineté nationale le 27 avril 1960, le Togo a eu quatre constitutions19 et connu un nombre important de lois.

19Depuis son indépendance en 1960, le Togo a connu une première Constitution en 1961, puis une deuxième Constitution en 1963, la troisième Constitution n'a cependant été adoptée qu'en 1979. La Constitution de la quatrième République a été mise en place, en 1992.

14

Mais, l'année 199220 est celle qui marque véritablement l'ère de la promotion et de la protection des droits de l'homme. Ainsi, les différentes Conventions ratifiées par le Togo font partie intégrante de la Constitution de 1992. Il faut toutefois signaler que le Togo fait partie de l'un des tous premiers Etats africains à créer une Commission Nationale des Droits de l'Homme (CNDH)21. Il vient d'effectuer une avancée très remarquable avec l'adoption de la loi n°2O15-10 du 24 novembre 2015 portant Nouveau Code Pénal (NCP) au Togo qui a incorporé pas moins de trente-huit (38) instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme.

La présente étude porte sur la situation actuelle des droits fondamentaux des détenus préventifs à l'heure de l'universalisation. Elle évalue l'arsenal juridique et institutionnel de protection des droits de l'homme dans l'administration de la justice pénale datant respectivement des années1978, 1983 et 201522.

3. Délimitation spatiale

Le sujet couvre tout le territoire togolais. Ce dernier dispose de douze (12) prisons civiles et de trente-quatre (34) juridictions. Toutes ces institutions seront prises en compte dans le cadre de ce travail. Ce choix se justifie par l'ampleur des violations des droits fondamentaux des détenus préventifs sur toute l'étendue du territoire national. L'étude de l'arsenal juridique et de toutes les institutions de la détention préventive permet donc de rendre amplement compte du faible respect des droits fondamentaux des détenus préventifs dans l'administration de la justice au Togo.

Après la précision du contexte et de la délimitation du sujet, il convient de définir le cadre de cette étude.

20 L'année 1992, correspond à l'année d'adoption de la Constitution de la quatre République togolaise. C'est à partir de cette date que les traités ratifiés par le Togo ont été incorporés dans la Constitution. Cette constitution procède visiblement à une reconnaissance plus claire et plus directe des droits fondamentaux proclamés par les textes internationaux, et institue des instances et des procédures visant à contrôler, et éventuellement à censurer toute violation desdits droits.

21La CNDH du Togo a été créée en 1987.

22 Les années 1978, 1983 et 2015 correspondent respectivement aux dates d'adoption des textes suivants : Ordonnance N°78- 35 du 7 septembre 1978 portant organisation judiciaire au Togo, J.O.R.T, N° 21 bis spécial du 11 septembre 1978, loi N°83 -1 du 2 mars 1983 instituant le code de procédure pénale au Togo, et la loi n° 2015 -10 du 24 novembre 2015 instituant le Nouveau Code pénal au Togo.

15

II. CADRE DE L'ETUDE

Le cadre de l'étude est expliqué en fonction de l'approche conceptuelle (A), de l'intérêt de l'étude (B), de la problématique et des hypothèses (C).

A. APPROCHE CONCEPTUELLE

Les concepts à définir sont ceux de détention préventive (1) et Droits de l'Homme(2).

1. Définition de la notion de détention préventive

Dans le cadre de cette étude, les terminologies détention provisoire ou détention préventive sont des synonymes et font apparaitre le caractère anormal et exceptionnel de la détention avant le jugement. Les instruments juridiques internationaux emploient le terme détention provisoire alors que le législateur togolais a retenu l'expression détention préventive. Ainsi, les deux termes seront utilisés tout au long de cette étude.

Mesure privative de liberté individuelle, la détention préventive bien que prévue par le législateur togolais n'a pas été définie. Pour mieux cerner cette notion, il faut recourir à la doctrine française dont le droit togolais s'inspire.

Pour l'opinion courante, la détention provisoire est l'incarcération d'un prévenu dans une maison d'arrêt avant son jugement.

Pour le Professeur Jean Pradel, la détention provisoire s'entend comme l'incarcération de l'inculpé dans une maison d'arrêt pendant tout ou partie de l'instruction préparatoire23. Elle peut également être définie comme «l'incarcération dans une maison d'arrêt d'un individu inculpé de crime ou délit, avant le prononcé du jugement24 ».

Au Togo, avant le 02 mars 1983, la détention préventive était règlementée par le Code d'instruction criminelle français, rendu applicable au Togo par décret du 22 mai 1924. Mais à partir de mars 1983, la détention provisoire sera consacrée par la loi n° 83 - 01 du 2 mars 1983 portant Code de procédure pénale au Togo. Le législateur togolais tout comme son homologue français, qualifie ainsi la détention provisoire de « mesure exceptionnelle ».

23 Jean Pradel, Procédure pénale, 14e éd, CUJAS, 2008/2009, p.678.

24 Gérard CORNU, Association Henri Capitant, « Vocabulaire juridique », 10e éd, QUADRIGE, mise à jour, Puf, IMPRIM VERT, juillet 2015, p.340.

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En définitive, il convient de retenir que la détention préventive est une mesure d'incarcération d'un inculpé au cours de l'information judiciaire, ou d'un prévenu dans le cadre de la procédure sommaire. C'est cette dernière définition qui sera retenue pour la présente étude.

A partir de ces définitions, il ressort que la détention préventive est une mesure provisoire, et en tant que telle, elle ne saurait être décidée contre un prévenu que si elle n'est indispensable. C'est-à-dire qu'elle doit rester le seul moyen susceptible de faciliter la manifestation de la vérité. Elle résulte souvent de la délivrance d'un mandat de dépôt, d'arrêt ou ordonnance pris par une autorité judiciaire à savoir le ministère public, un juge d'instruction ou un magistrat du siège25.

Quid des droits de l'homme ?

2. Définition de la notion de Droits de l'Homme

Le concept de droits de l'homme est une notion complexe et diversifiée. Selon Frédéric Sudre, les droits de l'homme sont : « des droits et facultés assurant la liberté et la dignité de la personne humaine et bénéficiant de garanties institutionnelles»26. C'est également « l'ensemble de facultés et prérogatives considérées comme appartenant naturellement à tout être humain dont le droit public, notamment Constitutionnel, s'attache à imposer à l'Etat le respect et la protection en conformité avec certains textes de portée universelle »27.Dans le cadre de ce travail, le concept des droits de l'Homme désigne l'ensemble des droits fondamentaux inhérents à la personne poursuivie au cours d'une procédure pénale. En effet, les droits de l'homme véhiculent des valeurs qui ont une force obligatoire. Ces valeurs sont entre autres : l'universalité, l'inaliénabilité, l'indivisibilité, l'interdépendance, la corrélation, la non-discrimination, l'égalité, la participation, l'inclusion l'obligation de rendre compte et la primauté du droit.

25 Art.112 du C.P.P.T

26Frédéric Sudre, « Droit européen et international des droits de l'homme », 7e éd, Coll. Droit fondamental, Paris, PUF, 2005, cité par Eric MONDIELI, Droit international des droits de l'homme, Syllabus de cours 20132014, p. 34.

27 Gérard CORNU, Association Henri Capitant, « Vocabulaire juridique », 10e éd, QUADRIGE, mise à jour, Puf, IMPRIM VERT, juillet 2015, p.375.

L'analyse de la définition et des principes des droits de l'homme font ressortir que le droit international des droits de l'homme a une portée générale et universelle. Lorsqu'un Etat devient partie à un traité, le droit international l'oblige à respecter, protéger et instaurer les droits de l'homme. Respecter les droits de l'homme signifie que les Etats évitent d'intervenir ou d'entraver l'exercice des droits de l'homme. Protéger signifie que les Etats doivent défendre les individus et les groupes contre les violations des droits de l'homme. Instaurer c'est-à-dire que les Etats doivent prendre des mesures positives pour faciliter l'exercice des droits fondamentaux de l'homme28. Les normes internationales relatives aux droits de l'homme sont supranationales, et de ce fait s'imposent dans l'ordre juridique interne.

B. INTERET DE L'ETUDE

Le thème de cette étude revêt à la fois un intérêt social (1) et un intérêt scientifique(2).

1. Intérêt social

Du point de vue social, cette étude contribuera modestement à promouvoir et à protéger efficacement les droits fondamentaux des détenus préventifs longtemps décriés par des Organisations de la société civile et des Organisations de défense des droits de l'homme comme Amnesty International Section Togo29. Elle permettra de concilier efficacement le recours à la détention préventive et le respect du principe de la présomption d'innocence.

Le souci majeur est avant tout, d'essayer à travers cette étude, d'attirer l'attention des autorités publiques, de la société civile, les acteurs de la justice et de l'administration pénitentiaire sur les irrégularités ou atteintes de garanties procédurales dans la phase de détention provisoire, les conditions de détention dégradables des personnes privées de liberté et leurs impacts. Elle s'assigne pour objectif également d'encourager les décideurs politiques et les ONG à s'intéresser davantage aux personnes privées de liberté en mettant les moyens nécessaires pour le bon fonctionnement des institutions de détention préventive. Cette étude

28 Source : site des Nations Unies : « Documents de base concernant les droits de l'homme » http://www.ohchr.org/english/bodies/treaty/index.htm (consulté le 17 mai 2016).

29Amnesty International Section Togo, Rapport relatif au respect des droits humains au Togo, publié le 05 mai 2016. https://www.amnesty.org/.../2016/05/togo (consulté le 29 mai 2016).

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vise également à interpeller les pouvoirs législatif et exécutif à réformer les principaux textes régissant les institutions judiciaires et pénitentiaires en se conformant aux standards internationaux.

Enfin, cette recherche vise à sensibiliser la société togolaise sur les différents mécanismes internationaux, régionaux et nationaux relatifs à la protection et à la promotion des droits fondamentaux des détenus préventifs.

2. Intérêt scientifique

Dans le cadre de cette étude, il convient de s'interroger sur l'importance que revêt une telle réflexion sur un thème relatif à la problématique de la protection des droits de l'homme au cours de la détention provisoire. Ce thème est d'actualité car, il a fait l'objet de maintes réflexions et de plusieurs codifications tant internationales, régionales que nationales sus - citées.

Cette étude présente un intérêt scientifique car la production de la recherche scientifique sur la détention provisoire et la problématique de la protection des droits de l'homme au Togo est limitée. A part quelques rapports de séminaires et études relatifs aux conditions de détention actuelles, aucune recherche scientifique approfondie traitant spécifiquement de la problématique de la protection des droits de l'homme dans le contexte de la détention préventive n'a encore été entreprise au Togo à notre connaissance.

La présente étude constitue donc une base de données à même de fournir des informations récentes et crédibles aux différents travaux de modernisation de l'administration judiciaire et pénitentiaire en cours au Togo notamment : l'élaboration d'une politique sur les conditions de détention préventive, d'une nouvelle loi portant organisation judiciaire et d'une nouvelle loi régissant l'organisation et le fonctionnement des prisons civiles au Togo.

Ce travail de recherche apporte également un nouvel éclairage sur la question des garanties procédurales en matière de protection des détenus.

C. PROBLEMATIQUE ET HYPOTHESES

La présente recherche traite le problème relatif à la protection des droits fondamentaux des détenus préventifs (1). Pour y parvenir, elle formule des hypothèses et fait des propositions de réponses qui seront confirmées ou infirmées (2).

1. Problématique

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Le Togo tout comme la plupart des pays africains a ratifié les traités relatifs aux droits humains. Une fois ratifiés par le Togo, ces instruments intègrent dans le corpus juridique national et créent une obligation d'assurer, grâce à des mesures concrètes, la protection effective et efficace à tout citoyen suspect mais aussi à tout détenu préventif vivant sur son territoire.

Cependant, les droits et libertés des détenus préventifs semblent mieux garantis dans les pays développés que dans les pays en développement, en raison du fait que ces derniers ne disposent pas assez de moyens pour assurer l'effectivité de ces droits et libertés. Ainsi, la question de la protection ou de la prise en charge des droits des détenus préventifs se pose avec plus d'acuité dans ces pays en développement à l'instar du Togo. A cet effet, on peut dès lors se demander : quel est le degré de protection des droits des détenus préventifs au Togo ? Quelles sont les contraintes liées à l'exercice de ces droits ?

Autant d'interrogations qui attestent à la fois de la complexité et de l'intérêt de cette problématique. Parler de l'effectivité des droits fondamentaux des détenus préventifs n'est donc pas du tout aisée.

Pour pouvoir atteindre l'objectif de départ, il a été formulé plusieurs hypothèses qui ont ensuite été testées par une enquête sur le terrain.

2. Hypothèses

Pour répondre à ces questions, nous avons formulé plusieurs hypothèses qui ont ensuite été testées par une enquête menée sur le terrain.

Pour mieux appréhender ces questions, nous avons formulé deux hypothèses, d'une part une hypothèse principale et d'autre part une hypothèse secondaire. Elles permettent d'anticiper les réponses relatives au problème de protection des détenus préventifs que l'étude va aborder.

a. Hypothèse principale

Le cadre juridique de la détention préventive au Togo tire son fondement dans sa Constitution. Or les différentes normes internationales et régionales ratifiées par le Togo sont incorporées dans cette Loi fondamentale.

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Outre le cadre légal, des mécanismes et institutions de protection des droits fondamentaux ont été mis en place.

Cela suppose donc que le cadre juridique et institutionnel est propice pour garantir une meilleure effectivité de la protection des droits de l'homme au cours de la détention préventive sur tout le territoire togolais.

b. Hypothèses secondaires

Hormis la Constitution et le nouveau Code pénal, la plupart des instruments juridiques nationaux existants tels que le Code de procédure pénale et l'arrêté régissant les prisons civiles, l'ordonnance relative à l'organisation judiciaire sont un peu en décalage avec les standards internationaux.

Cependant, il existe des écarts entre la théorie et la pratique de la détention préventive. En effet, la protection des droits de l'homme au cours de la détention préventive demeure très limitée et inefficace. Cette situation confirmerait la nécessité de renforcer la protection des droits fondamentaux des détenus en général et ceux des détenus préventifs en particulier. C'est dans ce contexte bien précis que notre étude a pour objectif d'évaluer le degré de la protection des droits fondamentaux des personnes privées de liberté afin d'identifier les moyens pour améliorer les pratiques de la chaîne pénale en scrutant tout d'abord les causes et les conséquences des atteintes aux droits de l'homme.

III. CONDUITE DE L'ETUDE

La conduite de l'étude repose sur la revue de littérature (A) et sur la méthodologie choisie (B) qui aboutissent à l'articulation et à la justification du plan (C).

A. REVUE DE LITTERATURE

Très peu d'auteurs togolais se sont penchés sur la question de la protection des droits de l'homme dans le contexte de la détention préventive. Cette revue de littérature s'appuie donc sur les documents d'auteurs étrangers, de standards internationaux et des rapports d'activités en la matière.

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Pour le juge togolais Kodjo Woayi, la détention préventive-t-elle que réglementée par la loi n° 83-1 du 2 mars 1983, portant Code de procédure pénale est conforme aux standards internationaux et régionaux en matière de respect de la dignité humaine30. Elle reflète « les réalités togolaises », bien que reprenant à certains endroits les dispositions françaises. L'auteur estime qu'afin d'éviter qu'il n'y ait trop d'abus dans la détention, il faudrait rendre plus efficace les contrôles des juridictions d'instruction ; outre ce contrôle juridictionnel, des efforts doivent également être consentis sur le plan d'investissement humain.

Selon Yves Cartuyvels31, historiquement, les droits de l'homme ont principalement servi de « bouclier » contre les excès potentiels du droit pénal, en limitant son intervention à un triple point de vue : normatif - en excluant ou en restreignant toute forme d'incrimination portant atteinte aux droits de l'homme ; sanctionnateur - en interdisant toute forme de peine inhumaine et dégradante incompatible avec le respect fondamental de la dignité humaine ; procédural enfin - en exigeant un ensemble de garanties liées au droit de l'inculpé à un procès équitable.32

Cette assertion est d'autant plus vérifiée que pratiquement tous les pays du monde abandonnent progressivement la procédure de type inquisitoire au profit de la procédure de type accusatoire qui est fille du principe du contradictoire. Ainsi, paraphrasant le célèbre dictum de l'arrêt Campbell et Fell contre Royaume- Uni, rendu en 1984-« La justice ne saurait s'arrêter à la porte des prisons », Professeur Frédéric Sudre a pu affirmer sans crainte que « la Convention européenne des droits de l'homme ne s'arrête pas à la porte des prisons ».33Pour lui, une lecture superficielle de la jurisprudence de la Cour EDH montre en premier lieu que cette dernière cherche de manière constante à trouver un juste équilibre entre le respect de la personne humaine du détenu et de ses droits fondamentaux d'une part, et la protection de la société et de l'ordre public d'autre part. Il estime que contrairement à d'autres traités internationaux de protection des droits fondamentaux, la Convention européenne des droits de l'homme protège les personnes privées de liberté exclusivement contre les détentions arbitraires (article 5). Nonobstant cette lacune textuelle, les personnes privées de

30Kodjo Woayi, La règlementation de la détention préventive dans le Code de procédure pénale de la loi n°83 - 1 du 2 mars 1983, Mémoire présenté en vue de l'obtention du Diplôme du Cycle III, Ecole Nationale d'Administration du Togo, section magistrature, 1989, p. 45-47.

31Juriste, criminologue, philosophe et Professeur ordinaire à la Faculté de Droit de l'Université Saint-Louis - Bruxelles (USL-B).

32 Yves Cartuyvels, « Droits de l'homme, bouclier ou épée du droit pénal », éd. Facultés Universitaires Saint-Louis Bruxelles - F.U.S.L., Bruylant, 2007, p.23.

33Frédéric Sudre, op. Cité dans la préface de l'oeuvre de Béatrice Belda : Les droits de l'homme des personnes privées de liberté, Contribution à l'étude du pouvoir normatif de la Cour européenne des droits de l'homme, Prix de thèse de la Faculté de droit de Montpellier I, p. 2.

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liberté jouissent au sein du système conventionnel d'une protection effective de leurs droits fondamentaux. Béatrice Belda34 relève en ce sens que« la problématique relative à la pertinence de la pénétration des droits de l'homme dans les lieux privatifs de liberté est, par conséquent, largement dépassé. Elle laisse à présent place, logiquement, à la question plus précise de l'effectivité et de l'efficacité de la protection des droits des détenus»35.

Certaines études, relatives à la détention provisoire ont relevé que les conditions de détention demeurent, presque partout en Afrique, déplorables. Me Jean-Marie Dado Tossou36 précisait ainsi justement que «l'état sanitaire des détenus dans les lieux de détention au Bénin très préoccupant reflète les conditions abominables dans lesquelles végètent la population carcérale béninoise». Pour lui, c'est ce qui explique l'existence des infections qui sont des infections de manque d'hygiène essentiellement dermatologiques comme la gale37. De même, il estime que c'est dans ces conditions déplorables de détention, que les justiciables constatent un recours excessif à la détention préventive.

D'autres études menées par le système des Nations Unies et d'autres ONG telles que Amnesty International, Prisonniers Sans Frontières ont démontré que les longues détentions provisoires violant le principe de délai raisonnable, sont souvent sources de surpopulation carcérale. Selon ces mêmes études, l'usage excessif de mandat de dépôt dans les phases de procédures sommaire et d'information porte atteinte au principe de la présomption d'innocence38. Pour Me Gilbert Collard39, quand la justice va mal, c'est la société dans son ensemble qui va très mal. Me Guy Danet40 renchérit en disant que la justice pénale française devient indigne de son pays, terre présumée de liberté et de respect des droits de l'homme; les motifs prévus et les conditions de mise en oeuvre de la détention provisoire ne sont plus acceptables, la présomption d'innocence est devenue une notion creuse, vide de toute réalité et de toute signification; quant au secret percé de l'instruction, il ne sert plus qu'à nuire à ceux qu'il est censé protéger.

34 Maître de Conférences de Droit public à l'Institut de Droit Européen des Droits de l'Homme.

35 Béatrice Belda : Les droits de l'homme des personnes privées de liberté, Contribution à l'étude du pouvoir normatif de la Cour européenne des droits de l'homme, Prix de thèse de la Faculté de droit de Montpellier I, p.24.

36Greffier au Tribunal de Parakou (R/Bénin).

37 Jean-Marie Dado Tossou : La garantie du droit à la santé des détenus préventifs dans les prisons du Bénin », Mémoire de recherche, Université de Nantes, 2012 - 2013, p.56.

38Haut-commissariat des droits de l'homme au Togo, Rapport sur le respect et la mise en oeuvre des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans l'administration de la justice au Togo, décembre 2013, p. 26 ; 39 Gilbert Collard, Les dérives judiciaires ; et si ça vous arrivait ? Eyrolles, 2011, p.193.

40Me Guy Danet, Président du Conseil national des barreaux, Gazette du Palais, 30 juillet 1996.

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Dans un article, Jean-Manuel Larralde41, disait à juste titre que « les droits des personnes incarcérées présentent de nombreuses particularités théoriques, mais leur exercice concret doit également attirer l'attention.»42Des réformes, urgentes et radicales, sont indispensables.

On peut à présent se demander quelles sont les meilleures garanties substantielles et procédurales en matière de protection des droits de l'homme au cours d'une détention préventive ?

Aujourd'hui, le système universel et les systèmes régionaux de protection des droits de l'homme privilégient les mesures alternatives à la détention préventive. En effet, la Commission Européenne des Droits de l'Homme avait déjà souligné dans sa décision B. contre la France de 1988, que « l'Etat est tenu de contrôler en permanence les conditions de détention de manière à garantir la santé et le bien être des prisonniers, compte tenu des exigences habituelles et raisonnables de l'emprisonnement »43. Ainsi pour la Communauté internationale, les Etats ont des obligations de garantir les droits fondamentaux des détenus préventifs qui sont entre autres : le droit à la vie, le droit à un logement carcéral, le droit au respect de son intégrité physique, le droit à l'information, le droit à la santé, le droit à une alimentation saine et équilibrée, le droit d'être jugé dans un délai raisonnable et le droit au respect de la présomption d'innocence.

En somme, les auteurs suscités ainsi que les instruments juridiques internationaux44 et régionaux45 préconisent que toute législation doit viser l'intérêt supérieur de l'être humain voire la dignité du détenu préventif dans une procédure pénale, gage d'un procès équitable

41Maître de conférence en droit public à l'Université de Caen Basse-Normandie.

42Jean-Manuel Larralde, Les droits des personnes incarcérées : entre punition et réhabilitation, CRDF, n°2, 2003, p. 73.

43 CEDH, 10 mars 1988, décision B. c/RFA, DR 55. p 271, p. 290.

44 Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) (adhéré le 24 mai 1984) ; le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC) (adhéré le 24 mai 1984), la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (signé le 25 mars 1987 et ratifié le 18 novembre 1987) et son protocole facultatif (signé le 15 septembre 2005 et ratifié le 20 juillet 2010), la convention relative aux droits de l'enfant (signé le 26 janvier 1990 et ratifié le 1er août 1990) et les conventions de Genève de 1949 et les Règles minima des Nations Unies pour l'élaboration de mesures non privatives de liberté (Règles de Tokyo) adoptées par l'Assemblée générale dans sa résolution 45/110 du 14 décembre 1990.

45 Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, Convention européenne des droits de l'homme, La Déclaration américaine des droits et des devoirs de l'homme, La Convention américaine relative aux droits de l'homme, la Charte Africaine des droits de l'Homme et des peuples ; l'Acte constitutif de l'Union africaine, la Charte Africaine des Droits et du Bien-être de l'enfant, le protocole à la charte africaine des droits de l'homme et des peuples, relatif aux droits de la femme, le protocole relatif à la charte africaine des droits de l'homme et des peuples, relatif à la cour africaine des droits de l'homme et des peuples.

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respectueux des droits de l'homme. C'était déjà l'avis d'un grand juriste, Faustin Hélie, qui écrivait : « en Angleterre, la liberté provisoire n'est pas seulement dans les lois, elle est dans la «Common law», elle est dans les moeurs, elle est dans l'état d'esprit du juge ». Qu'en est-il au Togo? Les juges togolais ont- ils ce souci des libertés individuelles à l'instar des juges anglais?

L'originalité de notre étude réside dans l'évaluation du degré de protection des droits de l'homme au cours de la détention préventive dans un pays où les institutions de la République sont en pleine modernisation. Notre travail consiste à étudier l'impact potentiel des instruments et mécanismes internationaux relatifs aux droits fondamentaux des détenus préventifs sur la réglementation de la détention préventive afin de déceler les forces et faiblesses. Cela nous permettra d'envisager les perspectives pour une bonne administration de la justice pénale respectueuse des droits fondamentaux des détenus préventifs.

B. METHODOLOGIE

Il est question ici des méthodes d'analyse (1) et des techniques de recherche (2).

1. Méthodes

Pour aborder mieux cette étude, nous adoptons la méthode juridique et la méthode systémique.

La méthode juridique selon le Pr. Charles Einsenmann46, a deux composantes : la dogmatique et la casuistique. La dogmatique consiste à analyser les textes et les conditions de leur édiction. Il s'agit de l'étude du droit écrit, de la norme juridique au sens strict, et plus spécifiquement du droit positif tel qu'il ressort de l'armature législative. Elle permettra de s'appesantir sur le sens des lois, la consistance de la contribution des mécanismes de protection des droits de l'homme au cours de la détention préventive. Elle permettra aussi de rechercher les lacunes des textes dans le but d'apporter une possible amélioration. Cependant, la méthode juridique, dans cette seule composante se confondrait à une spéculation

46 Charles EISENMANN, Cours de droit administratif, Paris, Les cours de droit, L.G.D.J., 1969, cité par NACH MBACK C, Démocratisation et décentralisation, Paris, Karthala, PDM, 2003, p. 45.

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philosophique. Pourtant, « la recherche juridique échappe au danger de la spéculation abstraite »47.

La norme juridique nécessite une confrontation aux réalités sociales, car la fonction essentielle du droit est d'établir un ordre social. C'est en ce moment qu'interviendra la casuistique. Cette seconde composante permettra d'apprécier le cadre légal et institutionnel en vigueur au Togo afin de déterminer si les différents mécanismes nationaux existants garantissent la protection des droits de l'homme dans le contexte de la détention préventive.

L'analyse systémique, nous permettra de répondre à la question « comment », à travers la construction d'un cadre théorique adapté à l'analyse de l'objet d'étude appréhendé comme un « système ». La tendance cybernétique de l'analyse systémique sera privilégiée et plus précisément l'analyse de David Easton plus dynamique que celle de Talcott Edger Parsons48. Pour D. Easton, tout système comprend une communauté (membres du système), un régime (règles du jeu, normes) et des autorités. Il comporte aussi cinq activités essentielles : la formulation d'exigences diverses, le choix ou la conversion de ces exigences par la législation ou la coutume, la prise de décision, l'exécution par les moyens administratifs ou autres ainsi que les soutiens du système et moyens de les renforcer.

Cette combinaison de méthodes permettra non seulement de mieux appréhender les éléments qui permettent d'assurer la protection des droits du détenu, mais surtout de vérifier l'effectivité de cette protection.

Nos expériences professionnelles acquises au greffe et au secrétariat du parquet permettront de faire les suggestions nécessaires.

2. Techniques d'enquête

Trois techniques de recherche ont été adoptées ou utilisées au cours de cette étude : la technique documentaire, l'observation et l'entretien.

Avec la lecture des documents et rapports, nous avons une vue d'ensemble du système de protection de droits de l'homme dans l'administration de la justice. Elle consiste à passer en revue les principes généraux, les textes légaux en vigueur et les documents de politique pertinents afin d'analyser le fondement juridique de la détention préventive au Togo, pour avoir un cadre théorique de référence lorsqu'il s'agissait de faire les analyses de données.

47 Henri BATTIFOL, Aspects philosophiques du Droit international privé, Paris, Dalloz, 2002, p.6.

48 Auteur de la tendance structuro-fonctionnaliste de l'analyse systémique.

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Des interviews, à la fois structurées et non structurées, ont été administrées à travers des entretiens individuels et focus groups, des données qualitative sont été collectées sur le constat des écarts existant entre le prescrit de telle ou telle disposition et la pratique ; les causes et les conséquences des écarts et des manquements constatés par l'enquêté ; l'efficacité et/ou l'inefficacité des mesures déjà prises par le Gouvernement ; et les propositions de solutions pour faire face aux défis relevés.

Les personnes interviewées ont été identifiées en fonction de certains critères bien précis comme la connaissance et leur implication dans la procédure pénale, l'exposition quotidienne aux problèmes de détention préventive, leurs conséquences, la maîtrise des différentes mesures prises ainsi que de la Politique sectorielle du Ministère de la Justice. Les interviews ont été accordées par certains acteurs concernés par la question de la détention préventive et de la surpopulation carcérale à savoir : les magistrats du siège et du Parquet, les Chefs secrétariats de parquet et les greffiers en chef des Tribunaux, des Cours d'Appel et de la Cour suprême du Togo.

Dans le milieu carcéral, des entretiens ont été organisés avec le directeur de l'Administration pénitentiaire, les régisseurs des prisons civiles, les greffiers, les surveillants de prisons et les responsables des différents services des prisons y compris le service juridique, le service social, le service de l'approvisionnement et l'infirmerie. Des focus groups ont été aussi tenus à l'intérieur des prisons. Enfin, des entretiens avec les détenus préventifs ont également été conduits.

L'ensemble de ces méthodes et techniques a permis de mesurer le degré de protection des droits fondamentaux des détenus préventifs dans l'administration de la justice au Togo.

C. ARTICULATION ET JUSTIFICATION DU PLAN

La démarche de cette étude se propose d'évaluer l'effectivité de la protection des droits de l'homme dans le cadre de la détention préventive au Togo.

Elle fait donc apparaître une protection limitée des droits de l'homme au coeur de la détention préventive au Togo (Première partie). Cependant, cette protection est perfectible dans la mesure où des efforts considérables de protection et de promotion des droits de l'homme seront entrepris sur le plan national et international (Seconde partie).

UNE PROTECTION LIMITEE DES DROITS DE L'HOMME AU COEUR DE

LA DETENTION PREVENTIVE AU TOGO

PREMIERE PARTIE :

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« Le principe de traitement humain des personnes privées de liberté constitue le point de départ de toute réflexion sur les conditions de détention et la conception des régimes de détention. »49, a martelé Monsieur Juan Mendez, Rapporteur Spécial des Nations Unies sur la torture lors de l'Assemblée générale des Nations Unies qui s'est tenue le 9 août 2013.

Ainsi, les détenus préventifs doivent être traités avec humanité et avec le respect de la dignité inhérente à la personne humaine50, ce qui est considéré comme une règle fondamentale d'application universelle, dont la mise en oeuvre ne dépend pas des ressources disponibles au sein d'un Etat partie. En effet, les détenus doivent pouvoir exercer leurs droits sans discrimination d'aucune sorte et sont égaux devant la loi51.Toutefois, l'article 10 para. 2 du PIDCP établit le droit spécial des prévenus à être séparés des condamnés et à recevoir un traitement distinct, approprié à leur condition de personnes non condamnées. C'est pourquoi, l'Etat assume la responsabilité de tous les aspects de la vie d'un détenu. Le droit à la dignité assure des garanties minimales d'un traitement humain en conjonction avec d'autres droits importants, fréquemment violés en détention préventive, comme le droit à la vie privée, y compris le secret de la correspondance, l'interdiction de la discrimination, ainsi que les libertés de religion, d'expression, d'information ou le droit de vote.

Cependant, dans la pratique de la détention provisoire, les différents droits et libertés sus -cités sont constamment violés sans qu'aucune mesure ne soit prise. L'évaluation du degré de protection des droits et libertés fondamentaux des détenus préventifs au Togo révèle une protection mitigée des droits et libertés civils et politiques des détenus (Chapitre I) et une précarité de la prise en charge des droits économiques, sociaux et culturels des détenus préventifs (Chapitre II).

49 Rapport intérimaire du Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitement cruels, inhumains ou dégradants, A/68/295, 9 août 2013, para.35.

50 Art. 10, para.1 du PIDCP, Art. 5 de la CADHP.

51 Art. CESCR, Art.26 PIDCP; Art.15 CEDAW et Art.5, 12 CDPH.

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CHAPITRE I :

UNE PROTECTION MITIGEE DES DROITS ET LIBERTES CIVILS ET
POLITIQUES DES DETENUS PREVENTIFS AU TOGO

La nécessité d'assurer l'effectivité des droits et libertés fondamentaux des détenus préventifs partout dans le monde est un défi majeur qui pèse sur toute la communauté internationale, d'autant plus que la garantie de ces droits et libertés est l'un des fondements des droits de l'homme, reconnu et consacré par les instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme52, notamment la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme (DUDH).Le Togo, tout comme la plupart des pays africains a ratifié ces traités. En effet, si la grande majorité des Etats a signé et ratifié les traités internationaux garantissant les droits et libertés des détenus, peu ont créé des cadres législatifs et administratifs garantissant le respect de ces droits et libertés dans la pratique. Certains Etats, comme le Togo ont pris des mesures même si elles sont insuffisantes.

Cependant la question de la protection effective des droits et libertés civils et politiques des détenus préventifs se pose avec acuité au Togo en raison de certaines limites (Section 1). Ces limites sont à l'origine des violations récurrentes des droits et libertés civils et politiques des détenus préventifs (Section 2).

Section 1:Les limites de la protection des droits et libertés civils et politiques des

détenus préventifs

Les limites de la protection des droits et libertés civils et politiques des détenus préventifs sont liées aux insuffisances de textes (Paragraphe 1) et aux institutions (Paragraphe 2).

52Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 1966 ; Convention relative aux droits de l'enfant, 1989 ; Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, 1986 ; Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, 1979.

Paragraphe 1 : Les limites textuelles

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L'état des lieux du cadre légal (A) a permis de faire ressortir des insuffisances notoires (B).

A. L'état des lieux du cadre légal

Au Togo, le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales des personnes poursuivies est spécifiquement inscrit dans la Constitution, qui engage l'Etat à garantir, entre autres53, l'intégrité physique et mentale des personnes poursuivies, la vie et la sécurité (article 13), la prohibition de l'arrestation ou la détention arbitraire (article 15),le droit du prévenu d'être examiné par le médecin de son choix, d'être assisté par un avocat et de bénéficier d'un traitement qui préserve sa dignité, sa santé physique et mentale et qui aide à sa réinsertion sociale (article 16), la notification immédiate des charges retenues contre toute personne suspectée d'avoir commis une infraction (article 17), la présomption d'innocence (article 18), le droit à un procès équitable et dans un délai raisonnable (article 19), l'interdiction de la torture, des traitements cruels, inhumains et dégradants (article 21) et l'indépendance du pouvoir judiciaire (article 113).

En résumé, le droit à un procès équitable est défini en premier lieu par les dispositions de la Constitution togolaise. En plus de la loi fondamentale togolaise, le cadre légal est également constitué d'autres instruments nationaux qui définissent les droits et libertés civils et politiques en matière de la détention préventive. Les principaux textes sont : l'arrêté n° 488 du 1er septembre 1933 réorganisant le régime pénitentiaire indigène au Togo, l'ordonnance n°78- 35 du 7 septembre 1978 portant organisation judiciaire au Togo, la loi n° 83 -1 du 2 mars 1983 instituant le Code de procédure pénale au Togo, la loi n°2007 - 017 du 06 juillet 2007 instituant le Code de l'enfant au Togo et la loi n° 2015 -10 du 24 novembre 2015 instituant le Nouveau Code pénal au Togo.

B. Les insuffisances inhérentes au cadre légal

En examinant le cadre législatif et réglementaire togolais en la matière, on peut soutenir que les traités relatifs à la protection des droits de l'homme dans l'administration de

53Sous - titre 1 intitulé Droits et libertés tirés du Titre « des droits, libertés et devoirs des citoyens »de la Constitution Togolaise de 1992, p.6 et 7.

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la justice pénale ont connu une intégration constitutionnelle effective, mais paradoxalement sont moins traduites dans les textes législatifs et réglementaires tels que le code de procédure pénale, l'ordonnance n°78- 35 du 7 septembre 1978 portant organisation judiciaire au Togo et l'arrêté n°488 du 1er septembre 1933. En effet, l'avancée significative enregistrée ces dernières années est entre autre l'adoption du Nouveau Code pénal togolais54. Il y a lieu de noter que la modification du Code pénal de 1980 était nécessaire pour pallier aux exigences de l'environnement national et international ainsi qu'à l'évolution de la société togolaise. On relevait également l'absence de sanctions de nombreuses infractions, incluant celles résultant de conventions internationales auxquels le Togo est partie. C'est ainsi qu'il existait de nombreuses dispositions du code pénal en contradiction avec la plupart des conventions internationales relatives aux droits humains. A titre d'illustration, le corpus normatif des droits de l'homme était lacunaire en ce qui concerne les dispositions pénales relatives à la torture, alors que le Togo est partie à la convention des Nations unies contre la torture et les traitements inhumains, cruels et dégradants. Il faut toutefois relever que ce Code était déjà une avancée lors de sa publication, et innovateur notamment par l'intégration de définitions conformes au droit international des droits de l'homme, des infractions ayant trait à la torture et aux traitements cruels, inhumains et dégradants55et des mesures alternatives à la privation de la liberté. Afin d'éviter les recours excessifs à la détention provisoire et à la surpopulation carcérale, le NCPT a prévu des alternatives aux poursuites pénales (articles 58 à 62). Les articles 93 à 95 du NCPT ont créé une alternative aux poursuites qui constitue aussi bien une alternative à la détention qu'a la reconnaissance préalable de culpabilité qui définira le code de procédure pénale à venir.

L'analyse approfondie du cadre légal togolais a permis de relever également une série de lacunes notamment : absence de mesures de substitution à l'emprisonnement, absence d'institutionnalisation du juge des libertés et de la détention, du juge de l'application des peines, absence de définition des délais raisonnables en matière criminelle, l'absence d'un décret d'application de la loi sur l'aide juridictionnelle, les délais de procédure trop longs, la non transposition du principe de la présomption d'innocence dans le code de procédure pénale actuel, l'absence d'harmonisation des textes, l'absence de garanties contre la torture et les mauvais traitements dans le CPPT, l'absence d'une disposition expresse imposant de séparer les prévenus des condamnés, l'absence de limitation de motifs de la détention préventive pour

54Loi n° 2015 -10 du 24 novembre 2015 instituant le Nouveau Code pénal au Togo.

55Articles 198 à 206 de la Section 1 intitulé « De la torture et des autres mauvais traitements tiré du Chapitre IV « Des atteintes à l'intégrité physique de la personne » du NCPT, p. 38 - 39.

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lesquels le juge d'instruction ou le procureur de la République peuvent ordonner cette mesure que le CPPT qualifie d'exceptionnelle.

Au Togo, les prisons civiles continuent d'être régies par l'arrêté N°488 du 1er septembre 1933 réorganisant le régime pénitentiaire indigène au Togo. Une lecture attentive de ce texte, permet de noter qu'il est en déphasage avec le contenu de l'article 16 de la Constitution togolaise suscitée. Cet arrêté met l'accent sur le châtiment et certaines autres sanctions56. C'est une violation grave du droit au respect de l'intégrité physique du détenu préventif.

Il n'existe pas également un règlement intérieur régissant les prisons civiles togolaises. Ce vide juridique est souvent source de violences récurrentes, d'insécurité et d'indiscipline dans les prisons.

Ces insuffisances juridiques ci-dessus constatées constituent des handicaps pour le bon fonctionnement de l'administration de la justice pénale togolaise.

Paragraphe 2 : Les limites institutionnelles

L'administration de la justice togolaise est confrontée aux problèmes de dysfonctionnements. Ces derniers sont liés au système judiciaire (A), aux acteurs judiciaires et à leurs conditions de travail (B).

A. Les dysfonctionnements liés au système judiciaire

La lenteur judiciaire est un problème crucial qui affecte toutes les juridictions togolaises. Ce problème est dénoncé à presque tous les niveaux du système judiciaire à savoir : les tribunaux de première instance, les deux cours d'appel et la Cour suprême. Cette

56Art. 32 de l'arrêté n°488 du 1er septembre 1933 :« toute faute commise par un détenu est sanctionnée par l'une des punitions suivantes infligées par le directeur de la prison assisté du surveillant - chef : suppression des pauses dans le travail, corvée supplémentaire le dimanche, demi-ration sans viande ni poison ; pour une durée maximale de 40 jours à ration normale ; cellule pour une durée maxima de trente jours ; salle de discipline, pour une durée maxima de trente jours ; mise aux fers en cellule en cas de fureur ou de violence grave. Les détenus qui se sont déclarés malades et n'ont pas été reconnus tels par le médecin de la prison sont punis soit de corvée supplémentaire le dimanche, soit de suppression, pendant un jour, de ration de viande ou de poisson. Les

détenus qui n'ont pas exécuté le travail qui leur avait été imposé n'ont droit qu'à la demi-ration sans viande ni poisson. »

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lenteur est due au manque de moyens matériels et de personnel pour permettre le fonctionnement normal et régulier de l'appareil judiciaire57. Pour la CNDH et le HCDH, la principale conséquence de ces dysfonctionnements est que les décisions ne sont pas rendues dans des délais raisonnables et les actes de procédure ne sont pas accomplis dans les délais légaux.

Selon une étude réalisée au Togo en 2013, le HCDH a relevé que : « L'observation de l'organisation et du fonctionnement des juridictions togolaises et de certaines réalités du pays, permet de constater que le respect et la mise en oeuvre des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans l'administration de la justice ne sont pas totalement effectifs. Les raisons sont diverses. A travers une observation attentive, il est possible de lier ces difficultés tout d'abord aux insuffisances relatives à l'organisation et au fonctionnement défaillant de l'appareil judiciaire58.»

Par ailleurs, l'absence de juges que ce soit le juge des libertés et de la détention, le juge de la mise en état et le juge de l'application des peines, aux différents stades de la procédure constitue un obstacle au bon fonctionnement de l'appareil judiciaire. De plus, le principe de la séparation des fonctions de poursuite, d'instruction et de jugement qui est directement lié au respect de l'impartialité et de l'indépendance des juges, consacré à l'article 14 al. 1 du PIDCP, n'est pas toujours respecté dans certaines juridictions à effectifs restreints59. De nombreuses dérogations sont apportées à ce principe de la séparation des fonctions, du fait de l'article 32 al. 2 de l'ordonnance du 7 septembre 1978 portant organisation judiciaire.60 En tout état de cause, cette situation fait entorse au principe d'impartialité. A cela s'ajoute le manque de contrôle régulier de ces juridictions. Tout ceci nuit à un traitement effectif des dossiers et prive le détenu préventif de son droit à un procès équitable dans un délai raisonnable (article 14 PIDCP).

57Commission Nationale des Droits de l'Homme, Rapport d'activité d'exercice 2014, Togo, p. 33-40.

58 Haut-commissariat des Nations unies aux droits de l'homme, Rapport sur le respect et la mise en oeuvre des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans l'administration de la justice au Togo, décembre 2013, p.32.

59 Les tribunaux à effectif restreint sont à ce jour : Amlamé, Elavagnon, Guérin Kouka, Bafilo, Pagouda, Niamtougou, Tandjouaré, Agou et Mandouri, Dany et Tohoun.

60Aux termes de cet article, « le Tribunal de Première Instance peut toutefois si le nombre des affaires ne justifie pas l'affectation de trois magistrats, comprendre un président du tribunal, un juge d'instruction chargé du parquet ou un juge unique qui cumule les fonctions de président, de juge d'instruction et de procureur de la République.»

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B. Les dysfonctionnements liés aux conditions de travail des acteurs judiciaires et pénitentiaires

Les cours et tribunaux, dans leur ensemble, rencontrent d'importantes difficultés matérielles et financières pour assurer une justice rapide, efficace et accessible à tous les citoyens. Sur le plan matériel, on relève l'insuffisance et l'inadaptation d'infrastructures dans la plupart des juridictions du système judiciaire. La plupart des bâtiments existants ont été baillés et le reste, appartenant à l'Etat togolais est vétuste et dans un état de délabrement total, exposant les acteurs judiciaires et pénitentiaires aux intempéries et aux maladies. Les dysfonctionnements de l'appareil judiciaire togolais sont certes structurels, mais aussi le fait des acteurs qui l'animent, à savoir le personnel judiciaire et pénitentiaire.

Les conditions de travail dans certains tribunaux et établissements pénitentiaires tels que le Tribunal et la prison civile de Tsévié sont précaires en raison de la défectuosité du cadre de travail61. Ces administrations judiciaires et pénitentiaires sont confrontées au manque de personnel, aux problèmes de logistiques entre autres.

Ainsi, les administrations judiciaires et pénitentiaires emploient du personnel bénévole dans l'exécution des tâches subalternes. Les conditions de vie de ces bénévoles sont très précaires.

Les causes de la précarité des conditions de travail sont liées aux réalités socio-économiques et politiques du pays.

A cela s'ajoute la corruption qui gangrène l'appareil judiciaire. Les citoyens togolais n'ont plus confiance en la justice togolaise en raison de son manque de crédibilité62.

Par ailleurs, les acteurs judiciaires et pénitentiaires se plaignent de l'insuffisance de fonds de fonctionnement. Selon Monsieur le Directeur de l'administration pénitentiaire, la ligne budgétaire pour l'achat de produits pharmaceutiques pour toutes les prisons civiles a été revue à la baisse. Elle est passée de trente millions (30.000.000) de francs CFA en 2013 à neuf millions cent quatre sept mille cinq cent (9.187.500) francs CFA en 2016. Cette baisse a impacté négativement dans l'approvisionnement des produits pharmaceutiques. Il n'existe pas

61CNDH, Rapport d'activités exercice 2014, p.36.

62République Togolaise, Rapport national relatif à l'examen périodique universelle, présenté conformément au paragraphe 15A de l'annexe à la résolution 5/1 du Conseil des Droits de l'Homme de l'ONU, 2011, p.7.

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une ligne budgétaire destinée pour l'hospitalisation des détenus malades ou les entretiens des installations électriques et hydrauliques dans les prisons civiles63.

Pour lui, l'insuffisance de ressources humaines, financières et matérielles pour les administrations pénitentiaires a un impact considérable sur le non-respect de certains droits des détenus. Elle porte également atteintes aux garanties procédurales en matière de détention préventive.

Section 2 : Les violations récurrentes des droits et libertés civils et politiques des

détenus préventifs au Togo

Les limites ci-dessus mentionnées ont pour conséquences la violation des garanties procédurales (Paragraphe 1) et des droits fondamentaux liés aux libertés civiles et politiques des détenus préventifs (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : La violation des garanties procédurales en matière de détention

préventive

« Pour réaliser une protection efficace des droits de l'homme, il ne suffit pas de consacrer le droit matériel. Encore faut-il des garanties fondamentales de procédures de nature à renforcer les mécanismes de sauvegarde de ces droits64 ».

Dans ce paragraphe, il serait question d'examiner les entorses aux principes du procès équitable (A) et de la présomption d'innocence (B).

A. Les entorses au principe du procès juste et équitable

L'une des exigences essentielles caractéristiques d'un procès juste et équitable est, aux termes de l'article 19 de la constitution togolaise, le droit de toute personne, objet de

63Propos de Monsieur Idrissou Akibou tenus lors de l'entretien du jeudi 12 mai 2016.

64 Jacques VELU et Rusen ERGEC, La Convention européenne des droits de l'homme, Bruylant, Bruxelles, 1990, p.435. Le but est, pour citer la Cour « de protéger des droits non pas théoriques illusoires mais concrets et effectifs», Cour Européenne des Droits de l'Homme, arrêt du 9 octobre 1979, Airey, para.24. Cité par François BERNARD et Antoine BERTHE, tous doctorants, dans « Les garanties procédurales en matière de reconduite à la frontière au regard de la Convention européenne des droits de l'homme », p.1.

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poursuites judiciaires, d'être jugée dans un délai raisonnable par une juridiction indépendante et impartiale. Les prévenus tirent ainsi de ce texte deux garanties fondamentales : le droit d'être jugés dans un délai raisonnable et par une juridiction indépendante et impartiale.

Dans la pratique, ces droits connaissent des restrictions du fait des dysfonctionnements de l'appareil judiciaire. Ainsi, la Constitution togolaise fait du pouvoir judiciaire le garant des droits et libertés de tous les citoyens65. Cependant ce pouvoir judiciaire qui est, censé protéger tous les citoyens togolais, n'est pas en mesure de l'assumer. Il est à l'origine même de certaines violations des droits de l'homme tels que le non-respect des droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels des détenus préventifs.

Le Département d'Etat Américain souligne à cet égard que « bien que la constitution togolaise prévoit un pouvoir judiciaire indépendant, le pouvoir exécutif continue d'exercer un contrôle sur le pouvoir judiciaire. La corruption judiciaire était un problème. Il y avait une grande perception selon laquelle les avocats soudoient souvent des juges pour influencer les jugements. Le système judiciaire est resté surchargé et sous-effectif. La Constitution prévoit le droit à un procès équitable, mais l'influence de l'Exécutif sur le pouvoir judiciaire limite ce droit. Les accusés ont le droit d'accéder à des preuves détenues par le gouvernement en rapport avec leurs cas, mais ce droit n'a pas été respecté. Il y avait de nombreux retards dans le système judiciaire. La constitution et la loi prévoient des recours civils et administratifs pour des actes répréhensibles, mais le pouvoir judiciaire ne respecte pas ces dispositions, et la plupart des citoyens ne connaissaient pas de telles dispositions. Certains cas antérieurs soumis à la Cour de justice de la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest ont donné lieu à des décisions que le gouvernement n'a pas mises en oeuvre, cas des affaires Kpatcha, Bodjona... »66

En effet, la protection des droits fondamentaux des détenus est conditionnée par l'existence de plusieurs éléments mêlés dont la remise en cause de l'un influe sur tous les autres. Elle subit les soubresauts de son environnement qui reste lui-même marqué par de profonds déséquilibres.

65Article 113 al. 3 de la Constitution togolaise.

66 Etats-Unis d'Amérique, 40e Rapport sur la situation des droits humains au Togo, avril 2016. Cité le 3 mai 2016 par une presse privée, Liberté -Togo ; http://www.27avril.com/ (consulté le 14 mai 2016).

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Aux termes des dispositions de l'actuel Code de Procédure Pénale, la détention préventive est définie comme une mesure exceptionnelle. Contrairement au principe énoncé dans ledit Code, la détention préventive n'est pas utilisée comme une mesure exceptionnelle, mais continue d'être la règle. Cependant, aucune autre base légale n'est énoncée dans la loi qui justifierait l'ordre de détention préventive. Cela constitue une violation du principe de la présomption d'innocence.

B. Les entorses au principe de la présomption d'innocence

Le principe de la présomption d'innocence est l'une des garanties fondamentales de la procédure pénale. Il est consacré par l'article 18 de la constitution togolaise qui dispose que : « tout prévenu ou accusé est présumé innocent jusqu'à ce que sa culpabilité ait été établie à la suite d'un procès qui lui offre les garanties indispensables à sa défense. Le pouvoir judiciaire, gardien de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi. »

L'analyse de cette disposition, fait ressortir deux caractéristiques : la culpabilité et l'innocence. Par conséquent, la présomption d'innocence suppose donc la protection des prévenus préventifs. Toute personne poursuivie pour une infraction est considérée comme innocente des faits qui lui sont reprochés, tant qu'elle n'a pas été déclarée coupable par la juridiction de jugement compétente. Elle implique en principe, qu'à ce stade les mesures privatives de liberté ne peuvent pas être prises contre le prévenu ou l'accusé. La procédure doit être secrète, le prévenu ou l'accusé ne peut être présenté comme auteur ou coupable de l'infraction et la charge de la preuve de la culpabilité du prévenu incombe au ministère public, ainsi, le doute bénéficie au prévenu ou à l'accusé.

C'est dans cette perspective que, le Comité des droits de l'homme des Nations-Unies a indiqué dans son Observation générale sur le droit à un procès équitable qu'«il est interdit, en tout temps, de s'écarter des principes fondamentaux qui garantissent un procès équitable, comme la présomption d'innocence67. (...) Les Etats parties ne peuvent en aucune circonstance invoquer l'article 4 du Pacte pour justifier des actes attentatoires au droit humanitaire ou aux normes impératives du droit international, par (...) l'inobservation de principes fondamentaux garantissant un procès équitable comme la présomption d'innocence.

67Comité des droits de l'homme des Nations Unies, Observation générale 29 relative au PIDCP (2007), para. 6.

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(...) De l'avis du Comité, ces principes [les principes de légalité et la primauté du droit] (...) exigent le respect des garanties judiciaires fondamentales pendant un état d'urgence. (...) La présomption d'innocence doit être strictement respectée68.»

Mais dans la pratique togolaise, la présomption d'innocence est constamment violée dans la phase de la détention préventive. Les magistrats du parquet et les magistrats instructeurs ont érigé la détention préventive en règle et non en exception. Ainsi, la détention préventive vient malheureusement heurter l'essence de ce principe cardinal et sacré de la procédure pénale puisqu'elle constitue un pré-jugement pouvant être interpréter comme une répression avant le jugement. La détention préventive implique à l'égard de l'inculpé une véritable présomption de culpabilité entraînant, une augmentation des risques de condamnation et parfois, un durcissement de la répression, en incitant le juge à prononcer une peine d'emprisonnement égale à la durée de la détention69. Le Comité des droits de l'homme a également précisé que la durée de la détention provisoire ne doit jamais être prise comme une indication de la culpabilité70.

Selon la jurisprudence Wairiki Rameka et al. Contre la Nouvelle-Zélande, la détention préventive n'affecte normalement pas non plus le droit des personnes à être présumées innocentes car ces formes de détention ne comportent pas d'accusation en matière pénale contre une personne71. Cependant, dans l'affaire Cagas contre Philippines, le Comité les droits de l'homme a estimé qu'une période excessive de détention préventive, de plus neuf ans dans ce cas, avait porté atteinte au droit à la présomption d'innocence et, par conséquent, avait constitué une violation de l'article 14 (2) de le PIDCP72.

Le placement excessif en détention préventive de personnes soupçonnées n'est seulement pas en contradiction avec le principe de la présomption d'innocence mais il atteint psychologiquement ces personnes également. En effet, l'incarcération de l'individu soupçonné créée chez celui-ci un choc psychologique par la rupture qu'elle entraîne avec le milieu familial, social et professionnel, par la tendance qu'ont beaucoup de gens à croire coupable celui qui est détenu à titre préventif. Cette détention affecte gravement l'inculpé qui

68 Comité des droits de l'homme des Nations Unies, Observation générale 32 relative au PIDCP (2007), para. 11.

69 Jean PRADEL, Droit pénal, procédure pénale. Tome II, 2e édition. CUJAS Paris 1976, p.482.

70Comité des droits de l'homme des Nations Unies, Observation générale 32 relative au PIDCP (2007), par. 30. Voir aussi Comité des droits de l'homme des Nations Unies Observations finales du Comité des droits de l'homme: Argentine, UN Doc CCPR/CO/70/ARG (2000), para. 10.

71Wairiki Rameka et al. Contre Nouvelle-Zélande, Comité des droits de l'homme (HRC), Communication 1090/2002, UN Doc CCPR/C/79/D/1090/2002 (2003), par. 7.4. Cité dans Recueil juridique des standards internationaux relatif au droit à un procès équitable, p. 92 ; OSCE/ODIHR 2013 ; osce.org/odihr (consulté ce 19 avril 2016).

72Lutz c. Allemagne [1987] CEDH 20, par. 63.

se voit atteint dans son honneur et sa réputation. Cela entraîne chez lui un déséquilibre psychologique avec la perte de son confort moral, qu'aucune décision de non-lieu rendue à l'issue de l'information ne saurait rétablir. C'est l'exemple des ex- inculpés dans les affaires d'incendies des grands marchés de Lomé et Kara. Les 9 et 11 janvier 2013, ces grands marchés ont été consumés par de terribles incendies d'origine criminelle. Au lendemain de ces incendies, certains cadres et militants de l'opposition notamment du Collectif Sauvons le Togo (CST) ont été appréhendés. Les nommés Loma Essohana, Panakina Kodjovi, Tchisse Kokoutsè Eklou, Kodjo Messan Agbeyomé, Dogbevi-Nukafu Suzanne, Bode Tchagnao et consorts ont été inculpés pour les faits de groupement de malfaiteurs et complicité de destruction volontaires.

Dans cette affaire, une ordonnance définitive de non-lieu partiel, de requalification et de transmission de pièces à Monsieur le Procureur général près la Cour d'Appel de Lomé a été rendue par Monsieur Idrissou Djagba, doyen des juges d'instruction du Tribunal de Lomé. Après quatre et un (41) mois d'ouverture d'information, le Doyen des juges d'instruction a, dans son ordonnance en date du 9 mai 2016,estimé que : « l'information n'a pas permis de mettre en exergue un quelconque acte matériel de la participation, des inculpés Loma Essohana, Panakina Kodjovi, Tchisse Kokoutsè Eklou, Kodjo Messan Agbeyomé, Dogbevi-Nukafu Suzanne, Bode Tchagnao, Aziadouvo Zeus Komi, Kpande-Adzaré Nyama Raphaél, Afangbedji Kossi Jil-Bénoit, Kaboua Essokoyo dit Abass, Dupuy Eric Théophile, Ameganvi Henri Claude Kokouvi, AmevoYaovi, Athiley Ayaovi Anani Apolinaire, Akpovi Tairou, Ametepe Kossi John Fofo, Akakpo Dodji, comme auteurs ou complices ; qu'il ne résulte donc pas charges suffisantes contre eux d'avoir commis les crimes de groupement de malfaiteurs et complicité de destruction volontaires », plus loin, « vu l'article 148 et 150 du Code de procédure pénale, disons n' y avoir lieu à suivre contre les susnommés de ces chefs. En conséquence, ordonnons la levée des mesures de contrôle judicaire qui leur sont imposées à compter de ce jour. »

Il y a lieu de relever que certains ex-inculpés ont passé entre douze et trente-huit mois de détention préventive et ont perdu leur emploi en raison de leur détention. D'autres ex-inculpés ont été mis sous contrôle judiciaire. Dans cette même affaire, l'inculpé Etienne Yakanou, a perdu sa vie en détention préventive.

Le dysfonctionnement de l'appareil judiciaire met à mal les garanties procédurales assurant la protection des détenus préventifs. Ainsi, le droit à la défense au cours d'un procès

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pénal et le droit de toute personne interpellée d'être traduite devant un juge dans un bref délai et d'être jugée dans un délai raisonnable, souffrent de sérieuses restrictions. Le délai légal de détention provisoire est quasi systématiquement inobservé73. Cette situation a pour corollaire la violation des droits fondamentaux des détenus.

Paragraphe 2 : La violation des droits civils et politiques au cours de la détention

préventive

Le détenu préventif est la personne qui, à l'exception de la liberté de circuler, jouit des droits liés à son statut. Ces droits concernent l'assistance d'un conseil, la communication avec l'extérieur et l'exercice des autres droits civils et politiques.

Dans cette partie, il sera abordé tour à tour le non-respect du droit d'assistance et la communication avec l'extérieur (A) et le non-respect de l'exercice des droits civils et politiques des détenus préventifs (B).

A. Le non-respect du droit d'assistance d'un conseil et de communication avec l'extérieur

Le droit à l'assistance d'un avocat fait parti des garanties du droit à un procès équitable de toute personne accusée d'une infraction pénale. L'assistance d'un avocat peut se faire à tout moment de la procédure. La constitution d'un conseil dans une procédure est un moyen important pour faire respecter les droits d'une personne détenue.

Dans la pratique, en raison du manque de moyens financiers, les prévenus qui sont les plus vulnérables n'ont pas toujours accès aux services d'un avocat. L'Etat non plus ne satisfait pas à son obligation de commettre d'office un conseil au prévenu lorsque ce dernier ne peut se l'offrir lui-même sauf en matière criminelle. Il faut préciser que cette assistance n'intervient qu'au cours du jugement. Le droit d'accès à un avocat à toute étape de la procédure pénale, bien que consacré par la Constitution, n'est pas toujours effectif dans la pratique. De même, la loi relative à l'aide judiciaire est ineffective en raison du fait de l'absence d'un décret

73Conseil des droits de l'homme, Rapport de suivi de la mise en oeuvre des recommandations de l'EPU du 1er cycle au Togo, 11 février 2015.

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d'application et d'un système opérationnel d'aide juridictionnelle74. Cette situation ne permet pas au détenu de payer les honoraires d'un avocat afin que ce dernier puisse le défendre.

Le droit de communiquer avec l'extérieur est restreint. Dans la pratique, Il est conditionné au paiement d'une somme de trois cent (3.00) F.CFA par jour de visite ou d'une autorisation spéciale délivrée par le procureur de la République ou par le juge d'instruction. Il y a lieu de souligner que le paiement de la somme de trois cent (3.00) F.CFA relève de la pratique et non de la loi. Cette pratique empêche le détenu de communiquer avec l'extérieur car la majorité des parents ou alliés des détenus éprouvent souvent des difficultés à trouver cette somme. Le paiement du droit de visite est une entorse au droit de visite.

B. Le non-respect de l'exercice des autres droits civils et politiques des détenus préventifs

Le prévenu qui n'a pas été antérieurement frappé d'une condamnation restreignant sa capacité civile et politique, jouit de la plénitude de ses droits civils et politiques. C'est la conséquence logique de la présomption d'innocence dont il bénéficie. Cette règle doit être appliquée au prévenu placé sous mandat de dépôt ou d'arrêt puisque l'incarcération, pur fait, n'emporte pas, à elle seule de conséquence juridique.

Le détenu préventif est juridiquement libre d'agir en matière de droit patrimonial ou extra- patrimonial par le biais du mandataire. Il faut signaler que l'exercice des droits civils et politiques se heurte à des obstacles matériels dont le règlement pénitentiaire doit tenir compte, et qui oblige à admettre que la détention préventive limite en fait la capacité d'exercice du détenu.

Quant à l'exercice du droit de vote, les textes sont muets sur la question. Ce silence dans la législation togolaise fait pérenniser un usage constant selon lequel les détenus ne votent pas. Le vote par correspondance ou par procuration ne leur est pas non plus reconnu. Cependant, l'analyse du droit comparé fait ressortir que le droit de vote des détenus est un droit fondamental, consacré par certaines législations. Elle est effective au Canada, en Afrique du Sud et dans les Etats du Conseil de l'Europe75.C'est l'arrêt Scoppola c/ Italie de

74 Ibid., précité.

75 L'article 3 (droit à des élections libres) du Protocole n° 1 à la Convention européenne des droits de l'homme dispose que : « Les Hautes Parties contractantes s'engagent à organiser, à des intervalles raisonnables, des élections libres au scrutin secret, dans les conditions qui assurent la libre expression de l'opinion du peuple sur le choix du corps législatif. »

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2012 qui est venu clarifier l'interprétation de l'article 3 du Protocole 1 de la CEDH qui garantit le droit de vote aux citoyens des Etats parties.

La volonté ou le désir seul ne suffit pas pour réaliser l'effectivité d'une règle de droit. De même, la proclamation de celle-ci et l'installation d'organes de contrôle ne suffisent pas pour atteindre son but social recherché.

Au Togo, les conditions économiques et sociales ne sont pas des plus reluisantes. Cette situation influence dans une large mesure la mise en oeuvre des conventions internationales relatives à la prise en charge des détenus préventifs. Cette situation est partout en Afrique généralisée, c'est le constat fait par l'Honorable Med SK Kaggwa76les détenus provisoires sont souvent dans l'ombre du système de justice pénale car leur détention et leur traitement ne sont pas soumis aux mêmes niveaux de surveillance que les prisonniers condamnés. Ils subissent des conditions de détention qui ne répondent pas au droit à la vie et la dignité, et sont vulnérables aux violations des droits de l'homme, y compris l'arrestation et la détention arbitraire, le risque de torture et d'autres mauvais traitements, ainsi que la corruption (où leur libération ou leur accès au service dépend de leur volonté à répondre aux demandes monétaires ou autres des officiers). Des taux élevés de détention provisoire contribuent à la surpopulation des installations de détention. Les garanties et les conditions procédurales qui ne sont pas conformes aux normes minimales convenues et qui portent atteinte à l'Etat de droit, ont un impact significatif sur le reste de la chaine de la justice pénale, gaspillent les ressources publiques et mettent en danger la vie des détenus.»77

Ainsi, l'effectivité de la protection des droits fondamentaux des détenus préventifs fait aussi appel à la prise en charge des droits économiques, sociaux et culturels des détenus.

76Commissaire à la Commission Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples et Rapporteur Spécial des Prisons et Conditions de Détention en Afrique.

77La Commission Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples, les Lignes directrices sur les conditions d'arrestation, de garde à vue et de détention provisoire en Afrique, Luanda : Angola, du 28 avril au 12 mai 2014, p.38.

CHAPITRE II :

UNE PRECARITE DE PRISE EN CHARGE DES DROITS ECONOMIQUES,
SOCIAUX ET CULTURELS DES DETENUS PREVENTIFS AU TOGO

43

L'accès aux droits économiques, sociaux et culturels pour tous les détenus sans discrimination est garanti par les divers instruments internationaux et régionaux des droits de l'homme tels que les Conventions internationales et régionales78 ; et les standards internationaux et régionaux79. Ces droits ont pour but de traiter toute personne privée de liberté avec humanité et dignité. C'est pourquoi leur instauration est un défi qui incombe à la Communauté internationale, l'Etat togolais n'étant pas du reste. L'obligation morale pour l'Etat de respecter, protéger et réaliser les droits civils et politiques s'appliquent également à cette catégorie de droits de l'homme.

Cependant le Comité des droits économiques, sociaux et culturels observe avec préoccupation que : « les possibilités de recours effectif en cas de violations de droits économiques, sociaux et culturels sont réduites au Togo en raison du coût prohibitif des procédures judiciaires, de l'absence d'aide juridictionnelle et de la méconnaissance du Pacte et des voies de recours80. »

Ainsi, la problématique de l'effectivité de ces droits fondamentaux se pose avec acuité au Togo. Elle est due aux défaillances des établissements pénitentiaires et des mécanismes de contrôle dans la prise en charge des détenus (Section 1), justifiant ainsi une insuffisance de prise en charge des détenus (Section 2).

78Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels de 1966 ; la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants de 1984 ; la Convention relative aux droits de l'enfant ; la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples de 1986 ; etc.

79Ensemble de règles minimales pour le traitement des détenus : ONU, 1957 ; Ensemble de règles minima concernant l'administration de la justice pour mineurs : ONU, Beijing, 1985 ; Principes fondamentaux relatifs au traitement des détenus : ONU, 1990 ; Déclaration de Kampala sur les conditions de détention dans les prisons civiles en Afrique, 1997 ; Déclaration d'Arusha sur la bonne pratique en matière pénitentiaire, 1999 ; Plan d'Action de Ouagadougou sur la réforme pénale et pénitentiaire en Afrique, 2002 ; etc.

80 Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a examiné, rapport initial du Togo sur l'application du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (E/C.12/TGO/1) à ses 12e à 14e séances (E/C.12/2013/SR.12 à 14), les 6 et 7 mai 2013, et a adopté, à sa 28e séance, le 17 mai 2013.

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Section 1 : Les défaillances des établissements pénitentiaires et des mécanismes

de contrôle de prise en charge des détenus

La mise en oeuvre de la détention provisoire au Togo est attentatoire aux droits économiques, sociaux et culturels des détenus préventifs.

Cette situation est liée à l'état de l'environnement carcéral (Paragraphe I) et aux défaillances des mécanismes de contrôle de la légalité de la détention et d'inspection des conditions de détention (Paragraphe II).

Paragraphe 1 : L'état critique de l'environnement carcéral

L'environnement carcéral togolais est caractérisé par une carence et à l'inadaptation des établissements pénitentiaires (A) et une surpopulation carcérale(B).

A. La carence et l'inadéquation des établissements pénitentiaires

Les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires togolais restent préoccupantes malgré la mise en oeuvre du PAUSEP81 et du PNMJ. Les lieux de détention carcérale sont vétustes, exigus et délabrés. En effet, il existe douze (12) prisons civiles au Togo réparties sur toute l'étendue du territoire avec une capacité d'accueil de deux mille sept cent vingt (2.720). Ce nombre est insuffisant par rapport aux nombres élevés des détenus enregistrés courant les cinq premiers mois de l'année 201682. A cela s'ajoutent l'inadéquation entre la population carcérale et les infrastructures existantes. Il faut noter que les capacités d'accueil des différentes structures ne cadrent plus avec la réalité démographique actuelle et ne correspondent pas avec le nombre croissant des délinquants. A part la prison civile de Kpalimé83qui vient d'être construite récemment, la plupart des prisons civiles datent de

81Financée par l'Union européenne, ce projet a permis la réhabilitation de la prison civile de Lomé. Mais la surpopulation carcérale demeure un sujet d'inquiétude. A titre d'illustration, la prison civile de Lomé construite depuis plus de 50 ans pour abriter 666 personnes en compte à la date du 1er décembre 2014 un effectif de 2144, soit le triple (Source : Direction de l'Administration pénitentiaire et de la réinsertion).

82 Statistiques des détenus dans les douze prisons civiles du Togo : 05 janvier 2016 (4.452), 02 février 2016 (4.523), mars 2016 (4.493), avril 2016 (4.471) et mai 2016 (4.404).

83 Financée par l'Union européenne dans le cadre du Programme national de modernisation de la justice au Togo. Elle n'est pas encore opérationnelle.

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l'époque coloniale et ne sont pas conformes avec les standards internationaux et régionaux en la matière84.

La carence des prisons civiles et l'inadéquation des prisons civiles existantes sont des facteurs de la dégradation des conditions de détention. La conséquence immédiate de ces conditions de détention déplorables est à base de prolifération de certaines maladies telles que la gale, la diarrhée, la perte en vie humaine, etc. Ces mauvaises conditions de détention

constituent des violations flagrantes et récurrentes des droits de l'homme dans
l'administration de la justice pénale.

D'une manière générale, les établissements pénitentiaires existants ne répondent plus aux exigences modernes de conditions de détention dignes et humaines. La carence de structure d'accueil pour les détenus est également les autres causes de la surpopulation carcérale.

B. La surpopulation carcérale

La lenteur de la procédure judiciaire et le recours excessif à la détention préventive sont les causes immédiates de la surpopulation carcérale85. Selon les statistiques de l'administration pénitentiaire en date du 05 mai 2016, le nombre de détenus s'élevait à quatre mille quatre cent quatre pour une capacité d'accueil de deux mille sept cent vingt places soit un taux d'accueil de 162 %.Pour la même période, le nombre total des prévenus et des inculpés était de trois mille (3.000) et celui des condamnés est de mille quatre cent quatre (1.404). Il est à noter que le taux d'occupation national durant le premier semestre de l'année de 2016 est de : 164 % en janvier, 166 % en février, 165 % en mars, 164 % en avril 2016.

L'une des causes de surpeuplement des prisons et des retards constatés dans le procès pénal, est, sans aucun doute, le nombre élevé des personnes en attente de jugement. Le nombre élevé de détenus préventifs s'explique en partie par la lenteur dans la procédure judiciaire86. Ceci

84 Ensemble des règles minimales pour le traitement des détenus adoptées par le premier Congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et le traitement des délinquants, tenu à Genève en 1955 et approuvées par le Conseil économique et social dans les résolutions 663 C (XXIV) du 31 juillet 1957 et 2076 (LXII) du 13 mai 1977.

85Les prisons civiles les plus surpeuplées dans la période janvier- mai 2016 sont : Dapaong (le taux d'occupation varie entre 202 % et 222 %) ; Bassar (152 % et 187 %) ; Atakpamé (152 % et 295 %) ; Notsè (264 % et 311 %) ; Tsévié (329 % et 421 %) ; Aného (196 % et 221 %) et Lomé (le taux d'occupation varie entre 310 % et 324 %).Source : Direction de l'administration pénitentiaire.

86CNDH : Rapport d'activités exercice 2014, p. 39.

est une violation du droit des détenus d'être jugés dans un délai raisonnable reconnu par l'article 19 de la constitution togolaise.

Le phénomène et il convient de le rappeler, n'est pas propre au Togo. Il est commun à tous les Etats, y compris les Etats développés. Il faut relever que le NCPT a fait allusion aux mesures alternatives laissant ainsi la place au futur code de procédure pénale de définir les différentes mesures et leurs conditions d'application. En raison des lacunes juridiques en la matière, les juges togolais sont souvent contraints de recourir à un mandat de dépôt violant ainsi le caractère exceptionnel de la détention préventive87. Il découle du NCPT que le respect de la liberté individuelle doit être une préoccupation permanente du juge qui doit en faire une règle sacro-sainte.

Il est courant de constater que le juge d'instruction lorsqu'il n'a pas l'intention d'inculper, ou le magistrat du parquet qui se retranche derrière le défaut de temps nécessaire au traitement du dossier, ont recours à la « note de service » pour placer en détention l'individu qui leur est conduit88. Il s'agit en fait d'un procédé illégal, attentatoire à la liberté individuelle et aux droits de l'inculpé ou du prévenu.

Les abus en la matière sont d'autant plus importants que le magistrat qui ordonne la détention provisoire se prévaut de son pouvoir souverain d'appréciation des faits. Aujourd'hui, tout porte à croire contrairement au principe posé par l'article 112 du CPPT précité, qu'en cas d'infraction grave la détention devient la règle et la liberté l'exception.

Il y a lieu de signaler que les mécanismes de contrôle de la légalité de placement en détention préventive sont défaillants. Pire, l'inexistence des juges de l'application des peines et des libertés complique la situation des détenus togolais.

Cependant il faut relever qu'avec la surpopulation carcérale, il est impossible de contrôler des actes ou des mouvements de violence déclenchés à partir de l'intérieur de la prison. Il est très difficile d'identifier et localiser les provocateurs et de les maîtriser. Interrogé sur les atteintes à la dignité humaine, un détenu déclarait: «Chaque détenu, s'il n'est pas innocent, accepte plus ou moins une punition. Mais si la somme de souffrances et des atteintes à la dignité dépasse le supportable, il ne se sent plus coupable mais victime89.»Cette

87 Art.112 « La détention préventive est une mesure exceptionnelle. Lorsqu'elle est ordonnée, les règles ci-après doivent être observées » du CPPT.

88 Ibid., p.43.

89GAMATHO (P.), « le respect des droits de l'homme dans l'administration de la justice Togolaise », Ateliers régionaux de renforcement des capacités des magistrats et des officiers de police judiciaire sur le respect des droits de l'homme dans l'administration de la justice, 2012, p.32.

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citation interpelle tout le monde et témoigne des défaillances des mécanismes de contrôle existants.

Paragraphe 2 : Les défaillances des mécanismes de contrôle

Les défaillances des mécanismes de contrôle de la légalité de détention et d'inspection des conditions de détention (A) et l'insuffisance des allocations des établissements pénitentiaires (B) sont également des limites à l'effectivité des droits socio-économiques des détenus préventifs.

A. Les mécanismes de contrôle de la légalité de détention et d'inspection des conditions de détention carcérale

Il existe des mécanismes de contrôle juridictionnels (1) et des mécanismes de contrôle non juridictionnels (2).

1. Les mécanismes de contrôle juridictionnel

Au titre des mécanismes juridictionnels de contrôle de l'exécution des conditions de détention, le législateur togolais a prévu deux contrôles internes et un contrôle externe.

Le Procureur de la République et le Juge d'Instruction assurent le contrôle des lieux de détention relevant de leur ressort. Selon les dispositions de l'article 500 du CPPT : « Le Ministère Public visite périodiquement les établissements pénitentiaires de sa circonscription. Il vérifie la situation des détenus et fait élargir tous ceux qui seraient détenus arbitrairement. Il fait rapport au Ministère de la Justice du résultat de ses visites, quant à l'application des dispositions relatives à la condition pénitentiaire.» Cette mission est également confiée au Juge d'Instruction. Aux termes des dispositions de l'article 501 du CPPT : «Le juge d'instruction visite au moins chaque trimestre le quartier des prévenus des établissements de son ressort et veille au respect des dispositions générales et particulières applicables aux prévenus. Il dresse rapport de ses visites et le transmet au Procureur Général par la voie hiérarchique. » L'objectif de ces visites périodiques est de permettre à ces acteurs judiciaires, de faire appliquer dans la mesure du possible la règle 8 de l'ensemble des règles minimales pour la protection des personnes détenues.

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Cependant dans la pratique, ces prescriptions légales ne sont pas observées. Ces visites périodiques sont inexistantes. Ainsi, les détenus vulnérables sont laissés à la merci des détenus plus forts et au personnel pénitentiaire.

Le contrôle juridictionnel externe est effectué par l'Inspection Générale des Services juridictionnels et pénitentiaires. L'équipe de l'Inspection Générale est composée de deux hauts magistrats nommés par décret présidentiel pris en Conseil des Ministres.

L'Inspecteur général des services juridictionnels et pénitentiaires a pour attributions de : contrôler le fonctionnement et la gestion interne des services et juridictions (organisation, méthodes de travail, manière de servir du personnel d'appui) ; mener des enquêtes et instruire les plaintes et requêtes adressées au Garde des Sceaux, centraliser les rapports des chefs de cours ; exploiter les données et toutes études nécessaires à une bonne administration de la justice.

Il existe une défaillance dans le fonctionnement de l'inspection générale de l'administration des services judiciaires et pénitentiaires en raison de l'irrégularité de contrôles. Ce contrôle se fait une fois par an90. Cela se justifie par le manque de ressources humaines et financières. Ces irrégularités de contrôle contribuent à la lenteur de l'appareil judiciaire, à la dégradation des conditions de détention. Elles favorisent également aux détentions abusives.

2. Les mécanismes de contrôle non juridictionnel

Le système de justice togolais n'a pas en son sein un mécanisme séparé uniquement mandaté pour faire des enquêtes et des poursuites pénales sur des allégations d'actes de torture, de mauvais traitements et autres formes d'abus commis par des représentants de l'Etat. Alors que la Commission Nationale des Droits de l'Homme (CNDH) a pour mandat de «vérifier» et d'examiner les allégations de violations de droits de l'homme91, elle ne dispose pas de pleins pouvoirs d'enquête et de poursuites pénales.

Il faut relever que le Mécanisme National de Prévention contre la Torture n'est pas encore opérationnel au Togo. Ce mécanisme est intégré à la CNDH.

La commission des droits de l'homme de l'Assemblée nationale exerce aussi un contrôle non juridictionnel dans les établissements pénitentiaires.

90Ibid.,p.43.

91Article 2 lit c) et Articles 17 ff. de la Loi Organique No. 96-12 of 11 Décembre 1996 relative à la composition, l'organisation et au fonctionnement de la CNDH, modifiée et complétée par la Loi Organique No. 2005-004 du 9 février 2005 (ci-après «Loi Organique de la CNDH»).

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Cependant, il y a lieu de relever que les différents mécanismes de contrôle susmentionnés effectuent rarement des visites dans les lieux de détention afin de dissuader les auteurs de violation des droits des détenus. C'est dans cette perspective que le département d'Etat américain a relevé dans son rapport que : « Il n'y avait pas des inspecteurs pour aider à résoudre les plaintes des prisonniers et des détenus. Les plaintes des détenus sont rarement l'objet d'enquêtes, et quand elles le sont, les résultats ne sont jamais rendus publics. Aussi, les enquêtes gouvernementales sur les mauvaises conditions de détention sont-elles rares. Les Organisations non gouvernementales locales et internationales comme le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) accréditées par le ministère de la Justice ont, quant à elles, l'autorisation de visiter les prisons. »92

En plus de ces défaillances de contrôle, il existe également une insuffisance des allocations de prise en charge.

B. L'insuffisance des allocations de prise en charge des détenus

Malgré la mise en oeuvre du Programme National de la Modernisation de la Justice et du Plan d'appui d'urgence au secteur pénitentiaire, les résultats de la prise en charge des droits socio-économiques des détenus sont toujours mitigés. En effet, le budget de fonctionnement alloué à l'administration pénitentiaire est très dérisoire et ne permet pas d'améliorer les conditions de détention des détenus93.

Ainsi, le manque de moyens financiers et le manque de volonté politique sont à l'origine des risques de violation de la plupart des droits humains, surtout les droits à l'alimentation, l'eau, les vêtements, les soins de santé et un minimum d'espace pour une existence digne et humaine. L'environnement carcéral togolais constitue donc un terrain fertile pour les violations des droits humains, de l'intégrité et de la dignité personnelle.

Pour Me Maître Véronique LAMONTAGNE : « La réforme du système pénitentiaire est souvent l'enfant pauvre de réforme de la justice. On observe une réticence fréquente des gouvernements et partenaires financiers à agir dans ce secteur et ce malgré, les grands

92Gouvernement des Etats-Unis, 40e Rapport sur la situation des droits humains au Togo, avril 2016.

93Les lignes budgétaires pour l'alimentation des détenus des 12 prisons civiles du Togo pour les quatre dernières années sont de : 380.000.000 (année 2013) ; 400.000.000 (année 2014) ; 300.000.000 (année 2015) et 300.000.000 (année 2016). Source : Direction de l'administration pénitentiaire du Togo.

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défis94. » Selon l'ONUDC, il existe cinq failles dans le système pénitentiaire en Afrique de l'Ouest : « surpeuplement; absence de prisons et centres de détention conformes à l'ensemble des règles minimales des Nations Unies pour le traitement des détenus et d'autres normes internationales pertinentes; manque de systèmes de gestion des données; manque de personnel pénitentiaire formé aux normes et règles pertinentes; manque de programmes de réadaptation des détenus, de formation professionnelle et de possibilités de s'instruire en prison.95 »

En effet le constat fait par l'ONUDC n'épargne pas le Togo. Très peu de succès ont été enregistrés dans l'amélioration des conditions de détention préventive. La surpopulation imposante dans les établissements pénitentiaires affecte l'accessibilité de ressources matérielles et humaines. Elle a toujours entraîné des effets néfastes pour la société et sur la vie des détenus.

Section 2: Une prise en charge insuffisante des droits économiques, sociaux et

culturels des détenus préventifs

« Les détenus, qu'ils soient condamnés, accusés d'un crime en garde à vue et en détention provisoire, (...) font partie des êtres humains les plus vulnérables et oubliés dans nos sociétés. », tels sont les propos de Monsieur Nowak Manfred, rapporteur spécial des Nations Unies sur la torture96. Pour lui, les détenus sont vulnérables à la torture ainsi que d'autres formes de mauvais traitements tels que la malnutrition, la sous-alimentation, manque d'hygiène et soins.

Ce qui nous amène à parler de l'insuffisance de la prise en charge des droits économiques, sociaux et culturels des détenus préventifs (Paragraphe 1) et ses répercussions sur l'ensemble de la société (Paragraphe 2).

94PNUD, Rapport final sur Évaluation du projet «Recours au volontariat pour un appui juridique aux groupes vulnérables en milieu carcéral au Togo » 11 février 2014.

95 Ibid., précité.

96NOWAK Manfred, « Etude sur les phénomènes de torture, de traitements cruels, inhumains ou dégradants dans le monde, incluant une évaluation des conditions de détention », 5 février 2010, A/HRC/13/39/Add.5.

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Paragraphe 1: L'insuffisance de la prise en charge des droits socio-économiques

et culturels des détenus préventifs

La précarité des conditions d'hygiène et leurs impacts sur la santé des détenus, l'insuffisance de l'alimentation sur le plan qualitatif et quantitatif, l'insécurité dans le milieu carcéral, l'absence de formation et d'épanouissement, l'absence de traitement spécifique des détenus préventifs ; telles sont quelques réalités auxquelles sont confrontées les détenus préventifs et qui restent d'actualité.

Il convient d'analyser dans ce paragraphe, la détérioration des conditions matérielles de détention (A) et des conditions religieuses et intellectuelles (B).

A. La détérioration des conditions de détention et les atteintes aux droits socio-économiques des détenus

Dans cette partie, il serait question de démontrer que les mauvaises conditions matérielles de détention portent souvent atteintes aux droits socio-économiques suivants :

1. Les atteintes au droit à l'hébergement et à la literie

De nos jours, le nombre de détenus est deux fois supérieur à la capacité d'accueil des établissements et il n'est pas rare que des cellules soient occupées par trois ou quatre fois plus de détenus qu'elles ne devraient normalement recevoir.

Le manque d'entretien de ces locaux y fait régner une odeur nauséabonde quasi permanente. Cette insalubrité conjuguée avec la surpopulation carcérale facilite la transmission des maladies infectieuses. De plus, l'état défectueux des toits laisse des fuites d'eau pendant la saison pluvieuse. Cette situation aggrave les conditions de vie du détenu préventif présumé innocent.

En ce qui concerne la literie, les détenus ne disposent pas de lit ni de couverture appropriée. Ils ont des nattes étalées à même le sol. Ces nattes sont d'une épaisseur d'un millimètre. Tous les détenus ne sont pas pourvus de couchette97. Dans son rapport d'activités

97CNDH : Rapport d'activités exercice 2014, p. 35.

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exercice 2014, la CNDH a relevé que : « les détenus de la prison civile de Mango dorment dans l'obscurité, les cellules ne disposant pas d'ampoules électriques ou de tout autre moyen d'éclairage. »

Personne ne saurait soutenir que le détenu est traité avec humanité. De même que le problème de logement, l'eau et l'alimentation constituent aussi des préoccupations quasi quotidiennes qui ne peuvent pas être exclus de cette étude.

2. Les atteintes au droit à une alimentation suffisante, saine et équilibrée

Les règles minima pour le traitement des détenus disposent que tout détenu doit recevoir de l'administration aux heures usuelles, une alimentation de bonne qualité, bien préparée et servie, ayant une valeur nutritive suffisante au maintien de sa santé et de ses forces.

Cependant, dans toutes les prisons civiles, la ration alimentaire est de un repas par jour. Le régime alimentaire est composé de pâte, de riz, du haricot, du gari et de protéine. Toutefois les détenus déplorent la quantité et la qualité des repas servis98. Les mouches s'y posent faisant subsister des risques de maladies.

Tout compte fait, les prévenus ont la possibilité de se nourrir à leurs frais en se procurant la nourriture à l'extérieur par l'intermédiaire de leurs familles ou de ceux qui leur rendent visite99. Il est indispensable d'amener l'administration pénitentiaire à offrir aux détenus à des heures usuelles une alimentation de bonne qualité, bien préparée et servie, ayant une valeur nutritive suffisante au maintien de leur santé et de leur force.

Outre ce qui vient d'être exposé, il importe davantage de s'appesantir sur la question des soins médicaux à apporter aux détenus.

3. Les atteintes au droit à la santé et aux soins médicaux

Les soins médicaux, tout comme l'eau et la nourriture, participent au maintien de la santé du détenu. Chaque établissement doit en principe disposer des services d'un médecin qualifié.

98CNDH : Rapport d'activités exercice 2014, p. 35.

99Source : Directeur de l'administration pénitentiaire lors de l'entretien du 12 mai 2016.

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Dans la pratique, certaines maisons d'arrêt ne disposent que d'une infirmerie animée par un seul infirmier. D'autres prisons civiles telles que les prisons civiles d'Atakpamé, Bassar, Kantè n'en disposent même pas de manière permanente, les détenus ne recevant alors la visite d'un infirmier qu'une fois par semaine ou en cas d'urgence. En effet, les détenus de la prison civile d'Atakpamé sont exposés à des maladies dont les plus récurrentes sont le paludisme et la gale alors même que la prison ne dispose pas d'un agent de santé permanent. La promiscuité est la cause de plusieurs maladies telles que les parasitoses et surtout, les dermatoses. Selon le régisseur de cette prison, les détenus malades sont consultés et traités par un infirmier bénévole.100

Les produits pharmaceutiques de premiers soins concernent les pansements et les maux légers. Toutefois, on note une rupture dans l'approvisionnement de ces produits dans les prisons du Togo101.

Les conditions d'hygiène sont désastreuses dans nombre de maisons d'arrêt. La conséquence est que certains détenus sont galleux, maigres et présentent parfois un état diarrhéique inquiétant.

En ce qui concerne les cas graves de maladie, les détenus de Lomé sont conduits au Centre Hospitalier Universitaire Sylvanus Olympio où un espace dénommé« cabanon » est aménagé pour recevoir les détenus. Après la consultation ils retournent en prison. Pour certains cas, les frais pharmaceutiques sont à la charge des parents. Au contraire, ceux qui n'ont plus de contact avec leurs familles n'échappent pas à la mort en raison du manque de moyens financiers pour se traiter. Au demeurant, les demandes de mise en liberté provisoire pour raison de maladie sont souvent refusées, et lorsqu'elles sont accordées, elles sont assorties de caution trop élevée.

Par ailleurs, les détenus ont la possibilité de se faire examiner par leur médecin privé à condition d'en faire la demande adressée à l'autorité judiciaire compétente. L'organisation des soins médicaux dans les maisons d'arrêt au Togo, n'est pas encore satisfaisante et mérite d'être revue afin de garantir une meilleure sécurité sanitaire aux détenus.

100Entretien avec le régisseur de la prison civile d'Atakpamé, le 26 mai 2016. 101Ibid., précité.

4. Les atteintes au droit d'accès aux vêtements

L'administration pénitentiaire met à la disposition des détenus des costumes pénitentiaires. S'agissant du détenu provisoire, celui-ci n'est pas tenu au port de ce costume, mais il peut lui en être fourni.

Le détenu est cependant autorisé à porter ses vêtements personnels. A cet effet, il conserve ses chemises, pantalons, vestes, tricots, pagnes, blouses et robes.

Si de façon générale les conditions matérielles de détention sont déplorables et méritent d'être améliorées, comment se présentent alors les conditions intellectuelles et religieuses du détenu préventif ?

B. La détérioration des conditions de détention et les atteintes aux droits culturels des détenus

Il convient d'analyser ici les atteintes au droit à l'éducation ou à la formation professionnelle et à la culture.

1. Les atteintes au droit à l'éducation ou à la formation professionnelle

L'incarcération ne devrait pas fournir l'occasion de briser la volonté ou le moral d'un détenu. La possibilité d'étudier ou de se former pendant la détention contribue à favoriser le sentiment de dignité et d'humanité des détenus.

En pratique, tous les établissements pénitentiaires ne sont pas organisés de manière à assurer le minimum d'éducation ou de formation aux détenus. A la prison civile de Lomé et de Kara, les détenus bénéficient d'une petite formation technique. Les femmes peuvent apprendre la couture et les hommes ont la possibilité de suivre une formation artisanale notamment la fabrication de paniers, sacs en raphia, savons liquides, bracelets. Ils ne suivent pas des cours de français où ils peuvent apprendre à lire et écrire.

S'agissant de la culture en général, les détenus n'ont pas la possibilité de se cultiver dans la mesure où les maisons d'arrêt ne mettent pas à leur disposition des livres ou des journaux quotidiens, de périodiques ou de publications pénitentiaires spéciales. Néanmoins ils se contentent des postes téléviseurs mis à leur disposition et de leurs propres radios.

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2. Les atteintes au droit culturel et religieux

Toute personne a la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique aussi pour le détenu provisoire, d'avoir ou d'adopter une religion ou une conviction de son choix ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou en commun par le culte et l'accomplissement des rites, les pratiques et l'enseignement. La possibilité de participer à des rites religieux constitue un droit fondamental de l'homme. Dans la pratique carcérale, ce droit connaît une effectivité relative.

A l'analyse de tout ce qui précède, nous sommes d'accord avec l'équipe de l'ONG Atlas of Torture que la grande surpopulation carcérale a de lourdes répercussions sur les conditions de détention carcérale et que cela conduit à une situation dans les prisons qui est souvent qualifiée d'inhumaine102.

Cette situation déplorable des conditions de détention carcérale est une violation des dispositions de l'article 16 de la Constitution togolaise. Pour le constituant togolais « tout prévenu ou détenu doit bénéficier d'un traitement qui préserve sa dignité, sa santé physique et mentale et qui aide à sa réinsertion sociale. »

La pratique de la détention préventive ne porte pas seulement atteintes aux droits et libertés civils, politiques, économiques, sociaux et culturels des détenus préventifs mais elle a également des répercussions socio-économiques sur l'ensemble de la société.

Paragraphe 2 : Les répercussions socio-économiques de la détention préventive

La détention préventive excessive a des conséquences socio-économiques sur la famille du détenu préventif (A) et sur la société togolaise (B).

A. Les répercussions socio-économiques de la détention préventive sur la famille

du détenu

La détention préventive bien qu'étant une mesure de sûreté et de sécurité a des répercussions sur le prévenu et sa famille. Elle atteint socialement ces derniers et les dépouille économiquement. Par exemple, la détention d'un chef de ménage occasionne une perte de

102Atlas of Torture, Contrôle et Prévention de la Torture dans le Monde, rapport d'évaluation de la République Togolaise 2012 : Analyse des problèmes et des besoins dans le domaine de la prévention de torture, p.14.

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revenus pour le reste de sa famille. Ainsi, la situation du détenu va ainsi affecter la vie économique du ménage.

En effet, les défaillances de la prise en charge des droits sociaux et économiques des détenus préventifs contraignent la famille du détenu préventif à venir au secours de leur membre détenu. La famille est prête à céder tous ses biens matériels afin d'obtenir la libération ou la mise en liberté provisoire du détenu préventif. Ainsi, les familles de détenus supportent une charge économique extrêmement lourde en lieu et place de l'Etat. Cette situation rend le détenu ainsi que sa famille plus vulnérable. Une fois sortie de la prison et mal accueilli dans sa famille voire dans sa société, l'ex-prévenu n'a plus de joie que de se relancer dans la délinquance. Il devient un cas social et constitue un danger public.

B. Les répercutions socio-économiques de la détention préventive sur l'ensemble

de la société

La précarité de la protection des droits de l'homme au cours de la détention préventive et les effets font peser un risque sur l'ensemble de la société togolaise. Il faut relever que la population carcérale togolaise n'est pas seulement constituée de grands criminels mais elle regorge aussi de braves personnes très qualifiées issus des grandes écoles de formation, des universités et centres de formation. Ces personnes peuvent contribuées au développement de la société togolaise.

Selon une étude réalisée en Guinée par AVOCATS SANS FRONTIERES GUINEE ET SABOU GUINEE, il ressort que : « la pratique excessive et arbitraire de la détention provisoire est une forme oubliée de violation des droits humains qui affecte chaque année des millions de personne, cause et aggrave la pauvreté, freine le développement économique, propage des maladies et mine l'état de droit. Les personnes en détention provisoire courent le risque de perdre leur emploi et leurs habitations ; contractent et propagent des maladies. Elles sont obligées de payer des pots de vin pour obtenir une libération ou de meilleures conditions de détention, subissent des préjudices physiques et psychologiques qui persisteront longtemps après la fin de leur détention103.»

Selon cette même étude, il ressort que la détention provisoire occasionne des dépenses exorbitantes aux Etats. A titre d'exemple le coût de l'emprisonnement à l'échelle mondiale est

103PNUD, OPEN SOCIETY JUSTICE INITIATIVE, AVOCATS SANS FRONTIERES GUINEE ET SABOU GUINEE, Rapport de la Campagne mondiale sur les mesures judiciaires avant-procès : « L'impact socio-économique de la détention provisoire », Guinée Conakry, 2013, op. cit. p.7.

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difficile à calculer. Mais la meilleure estimation en 1997104, le situe autour de 62,5 milliards de dollars par an. Dans le même sens, l'ONUDC estime que l'impact socio-économique de la détention est très énorme car selon cette institution : « Les coûts directs comprennent la construction et l'administration des prisons ainsi que l'hébergement, l'alimentation et la prise en charge des détenus. Il y a aussi des coûts indirects ou annexes importants, car l'emprisonnement peut affecter l'ensemble de la collectivité de diverses manières. Par exemple, les prisons sont des foyers de maladies telles que la tuberculose et le SIDA, en particulier lorsqu'elles sont surpeuplées, et lorsque les détenus sont libérés, ceux-ci risquent de contribuer à leur propagation105.»

L'étude de la protection des droits de l'homme à l'épreuve de la détention préventive au Togo, a permis d' évaluer le degré de protection et de prise en charge des droits fondamentaux des détenus préventifs en comparaison avec les normes internationales en la matière. En effet, le travail a consisté à examiner les différentes catégories des droits fondamentaux et garanties procédurales impliqués dans la détention préventive. Il ressort de cette évaluation que le système togolais de protection des droits de l'homme au cours de la détention préventive comporte des lacunes d'ordre textuel et des pratiques illégales. C'est ce qui explique la précarité de la protection des droits civils et politiques des détenus et la défaillance de la prise en charge des droits socio-économiques des détenus. Il ressort également de cette évaluation que la détention préventive telle que pratiquée au Togo a des impacts socio-économiques sur le détenus, sa famille et sur la société togolaise. Il faut toutefois signaler que les résultats de cette recherche ont été confortés par des rapports d'études ci-dessus cités. Lesdits rapports révèlent que malgré les efforts que le Togo a consentis dans le domaine de la modernisation de la justice, les résultats sont toujours mitigés106. A la lecture de ce passage, la conclusion à tirer est que le système togolais de protection des droits de l'homme dans le contexte de la détention préventive est encore perfectible. D'où la question de savoir : quelles sont les mesures adéquates à envisager pour une meilleure protection de ces droits ?

104G. Farrell et K. Clark, What does the world spend on criminal justice? (HEUNI Paper No. 20) The European Institute for Crime Prevention and Control, affilié à l'Organisation des Nations Unies (Helsinki, 2004). Cité dans Manuel des principes fondamentaux et pratiques prometteuses sur les alternatives à l'emprisonnement de l'Office contre la drogue et le crime des Nations Unies ; p.10.

105Ibid., p.79.

106 Ibid., p.83

UNE PROTECTION PERFECTIBLE DES DROITS DE L'HOMME

AU COEUR DE LA DETENTION PREVENTIVE AU TOGO

DEUXIEME PARTIE :

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La détention provisoire est une mesure inévitable, selon les cas, dans l'intérêt de la recherche de la vérité. Si elle consiste à priver de liberté la personne soupçonnée d'avoir commis une infraction, cependant, elle n'entraîne pas tout de même à l'aliénation totale de ses droits. De ce point de vue, le détenu mérite un traitement adéquat dans un cadre qui n'avilisse pas son intégrité physique, morale, sa dignité humaine et sa santé. Cela demeure cependant un idéal à atteindre. L'inquiétude persiste sur le respect des droits civils, politiques, socio-économiques et culturels des détenus et la volonté d'améliorer un système pénitentiaire adapté à l'évolution du droit et des valeurs humaines.

Aujourd'hui, plus que jamais l'amélioration de la protection des droits du détenu préventif s'avère importante dans la mesure où le Togo doit tendre vers un Etat de droit dans lequel le souhait est de respecter les droits de tous les individus jouissant ou non de leur liberté d'aller et venir. Afin de maintenir l'intégrité et la dignité des détenus préventifs, ces derniers doivent également continuer à jouir de leurs droits économiques, sociaux et culturels tels que le droit à l'alimentation, au logement, à l'habillement, à la santé, au travail et à l'éducation.

L'amélioration souhaitée, de la protection des droits des détenus passe nécessairement par une mobilisation urgente de l'Etat togolais (Chapitre I) et une intervention accrue des Organisations non gouvernementales en faveur de la protection des droits des détenus préventifs (Chapitre II).

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CHAPITRE I :

L'URGENCE DE LA MOBILISATION DE L'ETAT TOGOLAIS EN FAVEUR DE LA PROTECTION DES DROITS DES DETENUS PREVENTIFS

« Tous les droits humains sont universels, indissociables, interdépendants et intimement liés. La communauté internationale doit traiter des droits humains globalement, de manière équitable et équilibrée, sur un pied d'égalité et en leur accordant la même importance107. » Ce passage invite tous les Etats à ne négliger aucun aspect des droits de l'homme car tous les droits de l'homme même les droits fondamentaux des détenus se valent. Pour l'ancien Secrétaire général des Nations Unies Kofi Annan, les droits humains ne sont étrangers à aucune culture, ils appartiennent à tous les pays, ils sont universels108. L'universalité de ces droits recommande que chaque Etat prenne des mesures urgentes afin de faire cesser les cas de violation des droits de l'homme sur son territoire.

Ainsi, une meilleure protection des droits de l'homme à l'épreuve de la détention provisoire au Togo implique l'accélération des réformes juridiques et institutionnelles entreprises par l'Etat togolais (Section I), mais aussi la responsabilisation des acteurs intervenants dans ce domaine (Section II).

Section 1 : L'effectivité des mécanismes de protection des droits de l'homme dans

la phase procédurale de la détention préventive

Dans le souci d'assainir l'environnement juridique, judiciaire et carcéral en matière de la protection des droits de l'homme, l'Etat togolais a entrepris depuis 2005 de vastes programmes de modernisation de l'appareil judiciaire. Cependant onze (11) ans après la mise en oeuvre de ces programmes, le constat est le même : ratio croissance de la population et croissance de la délinquance, mauvaises conditions de détention avec pour conséquences pertes en vies humaines, impacts socio-économiques, etc.

107Déclaration et Programme d'Action de Vienne, 1993.

108 Allocution prononcée à l'Université de Téhéran, en décembre 1997.

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Si le Togo veut soigner son image, il serait urgent de concrétiser les reformes juridiques et institutionnelles (Paragraphe 1) et d'instaurer un contrôle judiciaire des décisions de placement (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : La concrétisation attendue des reformes législatives et

institutionnelles en matière de la détention provisoire

Une telle concrétisation passe nécessairement par l'accélération de l'adoption du Nouveau Code de procédure pénale, de textes réglementaires régissant l'organisation, le fonctionnement des établissements pénitentiaires et l'effectivité de l'aide juridictionnelle (A) ainsi que la modernisation des institutions de placement (B).

A. La nécessité d'accélérer la révision du code de procédure pénale togolais et des textes réglementaires

Le régime de la détention préventive prévu par le Code de procédure pénale de 1983 n'a pas connu de réformes visant à le réajuster ou le conformer aux exigences de respect des droits de l'homme. En effet, la détention préventive, dans sa mise en oeuvre, constitue l'un des éléments les plus fréquents d'atteinte aux droits de l'homme. Il est urgent de doter l'appareil judiciaire togolais d'un Nouveau Code de Procédure Pénale du Togo (NCPP) conforme au NCPT et aux standards internationaux.

Pour le juge togolais Fiawonou109, le NCPP prendra en compte les principes et droits constitutionnels garantissant la protection des personnes mises en cause pénalement tels que la présomption d'innocence entre autres.

Ainsi, le législateur togolais devrait insérer dans le NCPP, un nouveau régime de la détention préventive et une durée de détention préventive courte et des délais de déroulement de l'information.

Le placement en détention préventive abusive qui est une atteinte directe au principe de la présomption d'innocence résulte aussi bien du mandat d'arrêt que du mandat de dépôt.

109 Marc Yaovi FIAWONOU, Avocat Général près la Cour Suprême du Togo « la présomption d'innocence et ses implications dans les différentes étapes de la procédure judiciaire pénale », thème développé au cours des ateliers régionaux de renforcement des capacités des Magistrats et OPJ en matière de la protection des droits de l'homme dans l'administration de la justice pénale au Togo ; op. Cité. p.66.

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Ce mandat de dépôt, en effet, ne mentionne pas les motifs qui fondent le maintien en détention de l'inculpé.

Dans la pratique les juges font appel à leur intime conviction et décident en toute souveraineté de la détention provisoire. De plus, ces mandats ne sont pas pour autant susceptibles d'appel de la part de l'inculpé.

Dans le souci de lutter contre les détentions préventives trop longues et pour permettre à l'inculpé de contester la décision du juge, il est opportun que ce soit une ordonnance du juge d'instruction qui prescrive la détention préventive. Cette ordonnance doit être suffisamment motivée et ne saurait être prise qu'après l'interrogatoire de l'inculpé. L'ordonnance doit donc être préalable au mandat de dépôt, lequel n'en est que le titre d'exécution. Tel est en réalité le souhait de certains auteurs comme Faustin Helie, lorsque définissant la nature de la délivrance du mandat d'arrêt, il dit : « c'est un jugement provisoire que rend le juge, et ce jugement doit être fondé sur des présomptions sérieuses, puisqu'il place le prévenu en état de détention. » Il renchérit en déclarant par ailleurs que : « jamais la loi ne doit garder le silence sur les motifs de la détention préventive. Ce serait là une lacune grave et dangereuse. »

L'ordonnance de placement en détention préventive est en effet une décision susceptible d'appel. En conséquence, tout moyen de placement en détention contraire à la loi comme par exemple la note de service devrait disparaître. Bien qu'elle soit très pratique, elle constitue une véritable menace pour les droits de l'homme.

En ce qui concerne la durée de la détention provisoire et les délais pour le déroulement de l'information, souvent qualifiés de trop longs, le NCPP devrait instaurer de nouveaux délais plus courts. C'est dans cette optique que l'Avocat général, Marc Yaovi Fiawonou soutient que : « le code actuel ne prévoit aucun délai, autre que ceux qui résultent des textes sur la détention provisoire, quant à la durée des procédures de mise en état des affaires pénales. La lenteur des procédures et l'incertitude sur leur durée font partie des reproches traditionnels adressés à la justice et nuisent tant à son image qu'à son efficacité sociale et aussi à la présomption d'innocence.»

L'analyse de ce passage qui concorde avec les résultats de cette présente recherche a permis de suggérer qu'il serait indispensable que le NCPP mette en exergue à travers les dispositions bien précises le principe de la présomption d'innocence, le droit d'assistance à un avocat ainsi que les modalités de sa pratique. Il devrait également prévoir le droit à l'indemnisation pour erreur judiciaire et le fonctionnement anormal de la justice avec les modalités pratiques pour son application.

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Enfin, il est urgent que les autorités compétentes prennent des textes législatifs ou réglementaires conformes aux règles minima afin de mieux régir l'organisation et le fonctionnement des établissements pénitentiaires. Il est également primordial de prendre, sans délai, le décret et l'arrêté relatifs à l'opérationnalisation du Conseil National de l'Aide Juridictionnelle et des Bureaux d'Aide Juridictionnelle auprès des juridictions et de doter ces mécanismes de moyens adéquats pour leur fonctionnement effectif110.

L'accélération de la révision du cadre juridique ne suffit pas à elle seule pour garantir l'effectivité des droits fondamentaux des détenus préventifs, il faut également reformer rapidement la chaine pénale.

B. La nécessité d'accélérer la réforme de la justice pénale

L'amélioration du système de fonctionnement de la justice pénale passe par la réorganisation des services judiciaires et de la dotation de ces services des moyens humains et matériels afin de rendre plus accessible la justice et lutter contre la lenteur judiciaire. Cela nécessite la mobilisation de beaucoup de fonds de la part de l'Etat. Il faut rappeler que l'Etat a fait de la modernisation de la justice l'une de ses priorités. C'est dans cette perspective que le Togo a inscrit l'accès au droit et à la justice pour tous dans l'axe quatre de la Stratégie de Croissance Accélérée et de Promotion de l'Emploi (SCAPE).

Pour l'Etat Togolais, il s'agit notamment : « d'améliorer l'efficacité du système judiciaire à travers le renforcement des capacités d'administration et de contrôle des juridictions et de renforcer l'accès au droit et à la justice ainsi que la justice de proximité à travers une amélioration de la couverture du territoire des services judiciaires etlerenforcementdudispositifd'accèsàl'aidejuridictionnelleauxpluspauvres111

Cependant à un an de la fin de la SCAPE, la justice togolaise peine toujours à se relever ; les résultats sont toujours insuffisants.

Pour notre part, la modernisation de la justice pénale doit couvrir tous les aspects de la justice pénale c'est-à- dire des infrastructures, équipements, ressources humaines et

11°Conseil des droits de l'homme, Rapport de suivi de la mise en oeuvre des recommandations EPU 1er cycle au Togo, 11 février 2015, p.4.

111Ibid., p.75.

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financières, les campagnes de vulgarisation ou de sensibilisation, la motivation des acteurs intervenants dans la chaine pénale, le rapprochement de la justice des justiciables, le renforcement des capacités des magistrats, régisseurs et l'ensemble du personnel qui intervient dans ce domaine en somme.

En définitive, l'accélération de la réforme de la justice pénale constitue un moyen efficace pour réduire la surpopulation carcérale au Togo. Cette méthode a d'ailleurs été privilégiée lors de la déclaration de Ouagadougou, sur les réformes pénales et pénitentiaires en Afrique. En effet les chefs d'Etats et de gouvernements avaient convenu lors de ce sommet de prendre des mesures appropriées et urgentes afin de réduire la population carcérale. Ils avaient estimé que : « les différents organes de la justice pénale devraient collaborer plus étroitement afin de moins recourir à l'emprisonnement. La population carcérale ne peut être réduite que par une stratégie concertée112

Aussi, la protection des droits fondamentaux des détenus rend-elle nécessaire le contrôle judiciaire de la détention provisoire.

Paragraphe 2 : La mise en oeuvre effective des mesures alternatives à la détention

provisoire comme garantie des droits fondamentaux des détenus préventifs

Si la détention provisoire entraîne inévitablement une perte de liberté, dans la pratique, elle porte aussi régulièrement atteinte à plusieurs autres droits de l'homme. C'est pourquoi le système de justice pénale ne devrait recourir à la détention provisoire que lorsque des mesures alternatives ne peuvent pas répondre aux préoccupations qui justifient l'usage de cette détention.

Les décisions concernant les mesures alternatives à la détention provisoire devraient être prises aussitôt que possible (A). Lorsque la décision est de maintenir une personne en détention provisoire, cette dernière doit pouvoir en faire appel auprès d'une autorité judiciaire113 (B).

112Source: Penal Reform International, cité dans Manuel des principes fondamentaux et pratiques prometteuses sur les alternatives à l'emprisonnement de l'Office contre la drogue et le crime des Nations Unies, p.11.

113La règle 6.1 des Règles de Tokyo et l'article 14.3 du PIDCP.

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A. L'efficacité des mesures alternatives à la détention préventive et du juge des libertés et de la détention

La détention préventive est une mesure exceptionnelle114. Cela signifie que la liberté doit être la règle et la détention l'exception. En vertu de cette règle, des mesures alternatives à la détention préventive ont été prévues par le législateur togolais : le contrôle judiciaire115 et le cautionnement. Ainsi, le contrôle judiciaire a été retenu comme mesure alternative à la détention préventive par le CPPT116. Ces mesures sont ordonnées par le juge d'instruction. Elles ont pour but de garantir le paiement des réparations civiles et des frais de justice ou la représentation de l'inculpé. Il faut noter que ces deux mesures contribuent également à limiter les temps de détention préventive cause de la surpopulation carcérale et mieux assurer le respect de la présomption d'innocence.

Aux termes des dispositions de l'article 123 du CPPT, « le cautionnement peut être versé par un tiers pour le compte de l'inculpé. Il est restitué en cas de non-lieu ou d'acquittement sous réserve des oppositions régulières formées par les créanciers de l'inculpé. En cas de condamnation le cautionnement est affecté au paiement des dommages intérêts et des frais. Le reliquat éventuel est restitué au condamné ou au tiers ayant payé pour son compte ».

Quant au contrôle judiciaire, le juge d'instruction peut subordonner la mise en liberté provisoire de l'inculpé par des astreintes telles que l'obligation de résider dans un lieu déterminé, l'interdiction de fréquenter certains lieux ou certains établissements, l'exercice d'un travail régulier, l'obligation de suivre un traitement médical ou une cure de désintoxication117. A cet effet, le juge d'instruction peut désigner un délégué pour veiller spécialement à l'exécution des mesures de contrôle judiciaire conditionnant la remise en liberté. Il peut également ordonner une remise de détention préventive en cas de tout manquement aux obligations particulières fixées par lui118.

114 Ibid., p.71.

115 une mesure mise à la disposition du magistrat instructeur, de la chambre d'accusation ou du tribunal correctionnel, avant le jugement, alternative à la détention provisoire et assortie de moyens coercitifs importants, visant à maintenir sous-main de justice, et en milieu libre, des personnes qui, sinon, auraient fait l'objet d'un mandat de dépôt.

116 Articles 19-24 du CPPT.

117 Article 19 alinéas 2-4 du CPPT.

118 Article 121 du CPPT.

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Cependant au Togo, il existe des écarts entre la théorie et la pratique des mesures alternatives à la détention provisoire. Bien que réglementé par le CPPT, le contrôle judiciaire est presque tombé en désuétude au profit de la détention préventive. Par fautes de garanties suffisantes de représentabilité119ou pour des raisons de sécurité, politiques ou personnelles, le ministère public privilégie la détention préventive en lieu et place des mesures non privatives de liberté120 telles que la médiation pénale et le règlement amiable. Le ministère public et le juge d'instruction ont tendance à recourir à la détention préventive comme un moyen pour satisfaire les `'intérêts personnels». Cette pratique n'est pas conforme avec l'article 6.2 de l'ensemble des règles de Tokyo121. Aussi, il va falloir que les magistrats perçoivent leur métier comme un élément capital qui concourt à la cohésion sociale. Ils doivent cesser d'avoir de telles appréhensions. Pour ce faire, ils doivent privilégier la liberté provisoire à la détention préventive qui constitue un risque pour la santé de la personne mise en détention préventive122.

La recherche d'alternatives à l'incarcération avant le jugement doit être un des objectifs premiers d'une politique pénale respectueuse de la présomption d'innocence et de prévention de la récidive.

Pour la garantie des droits fondamentaux des détenus préventifs, il est très important que le législateur togolais institutionnalise le juge des libertés et de la détention. Le juge des libertés et de la détention s'occupera désormais des questions relatives à la mise en liberté provisoire et de la détention préventive. Mais avant l'institution du juge des libertés et de la détention, la réforme de l'état civil et l'adressage des villes, communes et villages s'imposes.

Tout compte fait, le législateur togolais a prévu des voies de recours en cas de refus de mise en liberté provisoire du détenu préventif.

119En quoi consiste concrètement la non-garantie de représentabilité ? Nous pouvons citer entre autres : un véritable problème d'adressage ; un problème lié à l'état civil ; l'inculpé Kodjo pouvant être véritablement Kpatcha alors que le juge ne dispose d'aucun moyen pour y vérifier. Par ailleurs, le manque de moyen de recherche de l'inculpé laissé en liberté et non comparant.

120 L'ensemble des Règles des Nations Unies pour l'élaboration des mesures non préventives (Règles de Tokyo) adoptées par l'Assemblée générale dans sa résolution 45/110 du 14 décembre 1990.

121« Aucun prévenu ne doit être placé en détention provisoire, à moins que les circonstances ne rendent cette détention strictement nécessaire. La détention provisoire doit ainsi être considérée comme une mesure exceptionnelle et ne jamais être obligatoire ni utilisée à des fins punitives. »

122 Ibid., p.72.

B. Le renforcement de l'efficacité des voies de recours

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Le mandat de dépôt n'est pas susceptible d'appel. Ce mandat n'est pas non plus précédé d'une ordonnance de placement en détention contre laquelle peut exercer son droit de recours.

Le législateur togolais a organisé indirectement le droit de recours en matière de détention provisoire. En effet, d'une façon générale la loi précise que le Procureur de la République a le droit d'interjeter appel devant la Chambre d'Accusation de toute ordonnance du juge d'instruction. Dans tous les cas, ce droit appartient également au Procureur Général. Le même législateur mentionne davantage que le droit d'interjeter appel appartient également à l'inculpé. Ce dernier peut interjeter appel contre les ordonnances de mise en liberté lorsque cette mise en liberté est refusée, soit lorsqu'elle est accordée sous condition123.

Ceci suppose que l'inculpé détenu provisoirement doit d'abord adresser une demande de mise en liberté provisoire au juge d'instruction. Celui-ci statue sur ladite demande par ordonnance motivée, l'accordant ou la refusant.

C'est seulement cette ordonnance du juge d'instruction que l'inculpé peut attaquer. L'appel de l'inculpé doit être formé dans les trois (03) jours de la notification de l'ordonnance, soit par lettre recommandée, soit par déclaration faite à l'officier ou à l'agent de la force publique ou à l'huissier qui procède à la notification ou à la signification. Toute manifestation non équivoque de la volonté de faire appel est valable, qu'elle soit écrite ou verbale, dès lors qu'il est établi que le greffier en a eu connaissance dans le délai d'appel.

Le Procureur général met l'affaire en état dans les quarante-huit (48) heures de la réception des pièces en matière de détention préventive. Celle-ci doit, en la matière, se prononcer dans les brefs délais et au plus tard dans les trente (30) jours de l'appel, sauf si des vérifications concernant la demande de mise en liberté ont été ordonnées124.

A l'occasion de l'appel d'une ordonnance sur la liberté provisoire ou la détention, l'inculpé ne peut invoquer une nullité de procédure ou soulever un moyen touchant le fond de la poursuite. Si tel est le cas, la Chambre d'accusation ne peut que déclarer de tels moyens irrecevables. Elle commettrait un excès de pouvoir si elle statuait sur le fond des moyens ainsi soulevées.

123Art. 159-2 du CPPT. 124Art. 166 du CPPT.

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Eu égard à tout ce qui précède, l'exercice des contrôles judiciaires contribuent à garantir le principe d'innocence et les droits fondamentaux du détenu préventif. En effet, le renforcement de l'efficacité des mécanismes de contrôle au Togo permettra d'éviter les détentions abusives causes de la surpopulation carcérale, désengorger les prisons, les dépenses publiques exorbitantes pour le traitement et l'alimentation des détenus. Il permettra également aux détenus préventifs de garder leur emploi, de ne pas être exposés aux maladies, à la torture et aux traitements cruels, inhumains et dégradants.

Mais une telle effectivité nécessite beaucoup de ressources tant matérielles, humaines que financières.

En définitive, durant toute la procédure, le détenu doit être protégé. Cette protection doit exister également sur les lieux de la détention par l'amélioration des modalités de traitement.

Section 2 : L'amélioration de la prise en charge des droits économiques, sociaux

et culturels

La prise en charge des droits socio-économiques et culturels des détenus préventifs doit répondre aux exigences des règles minima en la matière.

Une meilleure prise en charge passe par l'amélioration des conditions de

détention (Paragraphe I) et l'effectivité des mécanismes de réparation et
d'indemnisation (Paragraphe II).

Paragraphe 1 : L'amélioration des modalités de traitement des détenus

préventifs en milieu carcéral

Les conditions de détention doivent être améliorées au plan matériel (A) et moral(B).

A. Sur le plan matériel

Il s'agit d'améliorer la vie quotidienne du détenu tant au niveau de son logement que de sa santé en général.

1. Construction des prisons modernes

Les maisons d'arrêt existantes sont pour la plupart vétustes et trop exiguës par rapport à la population carcérale. Elles ne sont pas conformes aux standards internationaux en la matière. Il faut donc procéder à leur rénovation pour assurer une meilleure sécurité des détenus.

De plus, il est opportun de construire des maisons d'arrêt à côté des maisons centrales afin de séparer les détenus préventifs des condamnés. Les nouvelles prisons seraient d'une plus grande dimension et dotées de matériels nécessaires au bien être des détenus en général et des détenus préventifs en particulier.

Les locaux de détention doivent répondre aux exigences de l'hygiène, compte tenu du climat, notamment en ce qui concerne le cubage d'air, la surface minimum, l'éclairage et la ventilation. Dans ce cas, les fenêtres doivent être suffisamment grandes pour que le détenu puisse lire et travailler à la lumière naturelle. Ces locaux doivent être maintenus en parfait état d'entretien et de propreté. Il faut également séparer les différentes catégories de détenus.

2. La séparation des détenus

Les détenus provisoires devraient, en raison de la présomption d'innocence dont ils bénéficient, être séparés des condamnés. Pour cela, à défaut de bâtir une maison d'arrêt pour les détenus préventifs, il faut prévoir des quartiers distincts pour les accueillir.

Les détenus devraient aussi faire l'objet d'une surveillance s'agissant de l'hygiène et des soins médicaux.

3. L'hygiène et les soins médicaux

Il est exigé des détenus la propreté personnelle. A cet effet ils doivent disposer d'eau et des articles de toilette nécessaires à leur santé et à leur propreté.

Afin de permettre aux détenus de se présenter de façon convenable et de conserver le respect d'eux-mêmes, des facilités doivent être prévues pour le bon entretien de la chevelure et de la barbe, les hommes devraient pouvoir se raser régulièrement.

L'Etat doit pourvoir à chaque établissement pénitentiaire au moins les services d'un médecin qualifié, psychiatre, laborantin, infirmier, sage-femme et sociologue. Les établissements doivent disposer de matériels, d'un outillage et des produits pharmaceutiques en permanence afin de donner les soins et un traitement convenables aux détenus malades. Les détenus doivent pouvoir bénéficier également des soins d'un dentiste qualifié.

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Par ailleurs, il doit y avoir des installations spéciales nécessaires pour le traitement des femmes enceintes, relevant de couche ou convalescentes.

Le médecin doit être chargé de surveiller la santé physique et mentale des détenus. Il devrait chaque jour voir les détenus malades, tous ceux qui se plaignent d'être malades et tous ceux sur lesquels son attention est particulièrement attirée. Aussi devrait-il surveiller la qualité et la propriété des aliments et de la literie.

4. La nourriture et le matériel de couchage

Le détenu provisoire, et de façon générale, tout détenu doit recevoir de l'administration aux heures usuelles une alimentation de bonne qualité, ayant une valeur nutritive suffisant au maintien de sa santé et de ses forces. Il est tout aussi indispensable de permettre au détenu d'avoir la possibilité de se pourvoir en eau potable lorsqu'il en a besoin.

En outre, à défaut d'un lit et d'une literie individuelle, l'administration doit s'efforcer de mettre à la disposition des détenus, des nattes ou couchettes ayant une épaisseur convenable. Ces couchettes doivent être remplacées périodiquement.

Tout compte fait, l'amélioration des conditions de vie du détenu préventif répond aux exigences des droits de l'homme. Elle l'est davantage lorsque sur le plan moral la personne détenue bénéficie d'un traitement adéquat.

B. Sur le plan moral, intellectuel et religieux

Les établissements pénitentiaires doivent être dotés de services sociaux. Les fonctionnaires sanitaires devraient participer à donner du réconfort moral et psychologique aux détenus. Ils doivent servir d'intermédiaire entre les détenus et leurs familles.

Dans le cadre des contacts avec le monde extérieur, le mécanisme à mettre en place consistera à autoriser, sous la surveillance nécessaire, les détenus provisoires à communiquer avec leurs familles beaucoup plus facilement à intervalles réguliers tant par correspondance qu'en recevant leur visite.

Au plan de l'éducation, un programme spécial doit être élaboré pour favoriser l'épanouissement des détenus.

Au plan religieux, étant donné que les détenus sont de religions différentes, chacun doit être autorisé à pratiquer sa religion sans discrimination. Si l'établissement contient un

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nombre suffisant de détenus appartenant à la même religion, un représentant qualifié de cette religion doit être nommé afin d'accompagner ou de guider les autres détenus dans leurs prières. Le détenu doit être autorisé dans la mesure du possible à satisfaire aux exigences de sa vie religieuse, en participant aux services organisés dans l'établissement et en ayant en sa possession les livres d'édification et d'instruction religieuse de sa confession.

En somme, l'amélioration des conditions de détention énoncées ci-dessus garantit le droit à la santé des détenus qui est un droit fondamental car selon l'OMS : « La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d'infirmité. La possession du meilleur état de santé qu'il est capable d'atteindre constitue l'un des droits fondamentaux de tout être humain, quelles que soient sa race, sa religion, ses opinions politiques, sa condition économique ou sociale125

La seule amélioration des conditions de détention dans les établissements pénitentiaires n'est pas efficace pour la garantie des droits fondamentaux des détenus préventifs. Pour l'effectivité de ces droits, il est indispensable que l'Etat renforce ses mécanismes de contrôle des établissements pénitentiaires.

Paragraphe 2 : L'effectivité des mécanismes de contrôle des établissements

pénitentiaires et de réparation de préjudice

La garantie des droits fondamentaux des détenus préventifs ne sera effective que si les mécanismes de contrôle des conditions de détention (A) et de réparation des violations des droits fondamentaux des détenus (B) seront renforcés efficacement.

A. La nécessite de renforcer l'efficacité des mécanismes de contrôle étatique des établissements pénitentiaires

Les organes étatiques intervenants dans le contrôle des établissements pénitentiaires sont de deux ordres à savoir les organes internes et les organes externes.

125La Constitution a été adoptée par la Conférence internationale de la Santé, tenue à New York du 19 juin au 22 juillet 1946, signée par les représentants de 61 Etats le 22 juillet 1946 (Actes off. Org. mond. Santé, 2,100) et est entrée en vigueur le 7 avril 1948. Les amendements adoptés par la Vingt-sixième, la Vingt-neuvième, la Trente-neuvième et la Cinquante et Unième Assemblée mondiale de la Santé (résolutionsWHA26.37, WHA29.38, WHA39.6 et WHA51.23) sont entrés en vigueur le 3 février 1977, le 20 janvier1984, le 11 juillet 1994 et le 15 septembre 2005 respectivement; ils sont incorporés au présent texte.

1. Le contrôle interne

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Il faut comprendre par contrôle interne, le contrôle effectué par les autorités judiciaires et pénitentiaires. En effet, l'Inspection générale des services judiciaires et pénitentiaires, la Direction de l'administration pénitentiaire, le Procureur de la République, le Juge d'instruction font souvent des visites inopinées dans les établissements pénitentiaires afin de s'imprégner des réalités carcérales. Ils peuvent à la suite de leurs visites, faire des recommandations au Ministère de la Justice afin que des mesures urgentes soient prises.

2. Le contrôle externe

Le contrôle externe est exercé par la Commission Nationale des Droits de l'Homme(CNDH) et la Commission des droits de l'homme de l'Assemblée Nationale. Ainsi, la CNDH du Togo a été créée par la loi N°87-09 du 09 juin 1987 modifiée le 11 mars 2016 par, une loi organique portant composition, organisation et fonctionnement de la Commission Nationale des Droits de l'Homme. Cette loi intègre le Mécanisme National de Prévention de la torture (MNP). C'est une institution constitutionnelle indépendante, ayant en charge la promotion et la protection des droits de l'homme126. Elle est membre du Comité International de Coordination des institutions de protection et de promotion des droits de l'homme (CIC) et y est accréditée au statut A127.

Dans le cadre de la protection des droits fondamentaux des détenus, la CNDH visite les prisons civiles et reçoit les plaintes des victimes des détentions arbitraires, de torture, de mauvais traitement. A la fin de sa mission, la CNDH produit un rapport et fait des recommandations aux autorités compétentes.

Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels, dans son Observation générale n° 10 sur le rôle des institutions nationales de défense des droits de l'homme dans la protection des droits économiques, sociaux et culturels, a souligné que ces institutions « pourraient jouer un rôle capital pour ce qui est de promouvoir et de garantir l'indivisibilité et l'interdépendance de tous les droits de l'homme. Trop souvent, malheureusement, ce rôle ne leur a pas été accordé, ou alors elles s'en sont désintéressées ou l'ont jugé non prioritaire. Il importe par conséquent au plus haut point que les institutions nationales accordent toute

126 Sous-titre I intitulé « de la commission nationale des droits de l'homme » de la Constitution togolais.

127 Conformément aux Principes de Paris et aux Statuts du CIC, les différentes classifications utilisées par le Sous-comité pour l'accréditation sont les suivantes: A: Membre votant-Conformité avec les Principes de Paris; B: Membre sans voix délibérative-la conformité avec les Principes de Paris est incomplète ou les renseignements fournis sont insuffisants pour prendre une décision; C: Sans statut - non-conformité avec les Principes de Paris.

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leur attention aux droits économiques, sociaux et culturels dans le cadre de chacune de leurs activités. »128.Les institutions nationales des droits de l'homme ne peuvent pas répondre aux besoins des groupes vulnérables sans tenir compte des droits économiques, sociaux et culturels.

Cependant les contrôles actuellement existants ont démontré leurs insuffisances alors que du fait de l'augmentation de la population carcérale, ils deviennent plus impératifs en raison de la difficulté croissante de la mission pénitentiaire. L'environnement international incite les Etats à créer un contrôle spécifique des prisons. Pour que le traitement du détenu togolais soit donc conforme aux principes fondamentaux d'un Etat régi par la prééminence du droit et l'objectif primordial de la garantie des droits de l'homme129, il est urgent que l'Etat mette en place les moyens d'une telle politique afin de rendre plus efficace les contrôles existants. Il doit également renforcer les mécanismes de réparation.

B. La nécessité de renforcer les mécanismes de réparation et d'indemnisation

Le droit à la réparation et à l'indemnisation des victimes de violation des droits fondamentaux au cours d'une instance est garanti par l'article 19 al. 4 de la Constitution Togolaise130. Ainsi le constituant togolais a répondu aux exigences des normes internationales en la matière. Dans la pratique, seules les personnes condamnées par erreur peuvent dans le cadre de la demande en révision solliciter des dommages-intérêts à l'Etat131.

En ce qui concerne les détenus provisoires bénéficiant d'une décision de non-lieu, l'Etat doit pouvoir les indemniser. Cette question n'avait pas été la préoccupation majeure du CPPT car ce dernier est presque muet. Néanmoins, le CPPT a effleuré un peu ce sujet à travers les dispositions de l'article 345 : « Le prévenu acquitté peut solliciter des dommages-intérêts dont le montant est fixé par le jugement d'acquittement s'il s'avère que la partie civile a abusé de son droit d'agir en prenant à la légère l'initiative des poursuites. » Il faut

128Haut-Commissariat des Nations Unies aux Droits de l'Homme, Les droits économiques, sociaux et culturels, Manuel destiné aux institutions nationales des droits de l'homme, série sur la formation professionnelle n°12, New York et Genève ,Nations Unies : 2004, p.10.

129« La punition, la privation de liberté ne peut faire du prisonnier un rebut humain, le prisonnier reste un sujet de droit » (P. THIBAUD, Revue Esprit, numéro consacré à la prison, nov. 1979, introduction). Toute personne privée de sa liberté doit être « traitée avec humanité et le respect de la dignité inhérente à la personne humaine » (Pacte relatifs aux droits civils et politiques, art. 10).

130 Article 19 al. 4 de la Constitution Togolaise : «Les dommages résultant d'une erreur de justice ou ceux consécutifs à un fonctionnement anormal de l'administration de la justice donnent lieu à une indemnisation à la charge de l'Etat, conformément à la loi. »

131 Articles 408-412 du CPPT.

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noter que cette mission a été confiée à la Chambre administrative de la Cour d'Appel qui entre temps avait fermé ses portes aux justiciables. Pour rendre effectif cette chambre, le Président de la Cour d'Appel de Lomé a, par une ordonnance désigné un conseiller de ladite cour pour présider cette chambre132.Il faut préciser qu'à la date du 18 mai 2016, aucun juge n'a été nommé comme juge assesseur. Mais cette chambre n'est pas toujours fonctionnelle.

En droit français, la procédure d'indemnisation est réglementée par le code de procédure pénale français et par décret133. En effet, l'indemnisation suppose une détention provisoire ou une incarcération provisoire et non un placement sous contrôle judiciaire, un non-lieu, une relaxe ou un acquittement et un préjudice manifestement anormal et d'une particulière gravité. Cette dernière exigence vise à exclure à la fois une réparation systématique. Mais cette dernière condition a été modifiée par la loi française du 15 juin 2000 qui a assoupli la condition du préjudice.

Cependant, le besoin se fait sentir aujourd'hui de rendre la procédure d'indemnisation plus efficace. Il faut aussi prévoir et simplifier cette procédure c'est-à-dire instaurer une indemnisation à toute personne victime d'une mesure de privation de liberté au cours d'une procédure terminée à son égard par un non-lieu, une relaxe ou un acquittement134. La procédure d'indemnisation peut, par exemple, relever de la compétence d'une Commission composée de magistrats de la cour suprême, des agents des finances, des agents de la Commission Nationale des Droits de l'Homme et la société civile.

Le contentieux de réparation devrait également prendre en compte les victimes de torture, des traitements cruels, inhumains et dégradants. Pour que cela devienne une réalité, l'Etat devrait responsabiliser tous les acteurs intervenant dans ce domaine. En cas de manquement, la responsabilité de l'Etat peut être engagée. Ce dernier à son tour exercera une action récursoire contre l'agent fautif.

A l'analyse de tout ce qui précède et vue la complexité des droits de l'homme, il y a lieu de soutenir que la mise en oeuvre de ces droits exige plusieurs moyens.

Les Principes de Paris reconnaissent que, pour être efficace, une institution nationale doit non pas agir seule, mais établir et entretenir des rapports de coopération avec divers

132La cérémonie de réouverture de la chambre administrative de la Cour d'appel de Lomé a été lancée le 05 décembre 2015.

133 Articles 149 et 150 du CPPF et Décret N°71-5 du 04 janvier 1971 ; op.cité Jean Pradel, procédure pénale, 14e édition Cujas, 2008/2009, p.709.

134 Ibid., op. cit. p.82.

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groupes et organisations135. Cette tâche n'incombe pas seulement à l'Etat togolais mais également à la société civile et à la communauté internationale.

135Principes concernant le statut et le fonctionnement des institutions nationales pour la protection et la promotion des droits de l'homme. Ces principes ont été approuvés par la Commission des droits de l'homme en mars 1992, (résolution 1992/54) et par l'Assemblée générale (résolution A/RES/48/134 du 20 décembre 1993).

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CHAPITRE II :

L'INTERVENTION ACCRUE DES ORGANISATIONS INTERNATIONALES ET DES ORGANISATIONS DE LA SOCIETE CIVILE

Pour le Pr. Paul Gérard POUGOUE : « Il faut bien le dire, il n'y a pas que les juges pour protéger les droits de l'homme. Dans le domaine des droits de l'homme, il ne faut pas minimiser le poids de l'opinion publique par exemple comme mécanisme non juridictionnel de protection des droits de l'homme. A cause de l'opinion publique internationale, quelqu'un ne peut pas faire certaines choses. D'où la place des ONG, de la société civile qui peuvent dénoncer les violations des droits de l'homme. Qu'est ce qui se passe chez nous ? »136

Ainsi, la protection des droits de l'homme est devenue une préoccupation planétaire qui ne laisse personne indifférent. Chaque couche de la société doit apporter sa pierre pour bâtir un Etat de droit, de paix, de cohésion sociale. Cette mission incombe en premier lieu aux autorités togolaises.

Mais cela ne serait possible que grâce à l'intervention accrue des institutions internationales (Section I), aux Organisations de la société et de la défense des droits de l'homme (Section II).

Section 1 : L'intervention accrue des institutions internationales et des partenaires

en développement

L'influence des institutions internationales des droits de l'homme (Paragraphe I) et des partenaires en développement (Paragraphe II) sur l'édification de l'Etat de droit au Togo ont contraint les autorités togolaises à entamer un vaste chantier de reformes du cadre juridique et du cadre institutionnel en matière des droits de l'homme depuis 2004.

Paragraphe 1 : L'influence des institutions internationales des droits

de l'homme

136Paul Gérard POUGOUE, « La problématique des droits de l'homme », p. 205 cité par Martial JEUGUE DOUNGUE dans son Mémoire pour l'obtention du master 2 de droit international et européen des droits fondamentaux de l'université de Nantes, p. 117.

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L'obligation des Etats de protéger les droits et libertés fondamentaux des détenus préventifs est devenue un devoir de la communauté internationale. Cette obligation juridique et contraignante s'impose à l'Etat Togolais. En ratifiant les traités internationaux des droits de l'homme, « les gouvernements s'engagent à prendre des mesures nationales et à adopter des lois compatibles avec les obligations découlant des traités. Lorsque les procédures légales nationales ne permettent pas à remédier aux violations des droits de l'homme, il existe des mécanismes et procédures de plaintes individuelles ou de communications aux niveaux régional et international, qui permettent de garantir le respect, la protection et l'instauration des normes internationales des droits de l'homme au niveau local. »137

A cet effet, la Communauté internationale dispose de puissants mécanismes et institutions pouvant amener le Togo à garantir l'effectivité de ces droits.

A. Les mécanismes et institutions onusiens de protection des droits de l'homme

La protection ou la sauvegarde des droits et libertés fondamentaux des détenus préventifs est garantie par plusieurs mécanismes et institutions internationaux onusiens dont les principaux sont : le Comité des Droits Economiques, Sociaux et Culturels (CODESC) qui est l'organe des Nations Unies chargé de surveiller l'application du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC), le Conseil des droits de l'homme138, le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes (CEDAW), le Comité des Droits de l'Enfant139, le Haut-Commissariat des Nations Unies aux Droits de l'Homme, le Groupe de travail sur la détention arbitraire, l'UNICEF, le Groupe de travail du Conseil des droits de l'homme chargé de l'Examen Périodique Universel et des procédures spéciales140tels que le Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Ces mécanismes ou institutions apportent leur assistance à l'Etat togolais pour la mise en oeuvre des recommandations qu'ils ont formulées dans leurs rapports périodiques.

137Source site Nations Unies ( http://www2.ohchr.org/english/bodies/treaty/index.htm), cité par le professeur Eric MONDIELLI dans le cours droit international des droits de l'homme du master 2 droit international et européen des droits fondamentaux, p.14.

138Le Togo a été élu membre du Conseil des droits de l'homme en octobre 2015.

139 Organe des Nations Unies qui est chargé de surveiller l'application de la Convention relative aux droits de l'enfant.

140Procédures spéciales" est le terme généralement attribué aux mécanismes mis en place par le Conseil des droits de l'homme, qui s'occupent de la situation spécifique d'un pays ou de questions thématiques dans toutes les régions du monde. Il existe actuellement 38 mandats thématiques et 14 mandats par pays.

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En cas de violation des droits de l'homme, le Système des Nations Unies a pour rôles d'ordonner, de contrôler, et de sanctionner les violations des droits des individus. Ainsi saisi pour violation des droits et de libertés fondamentaux dans l'affaire d'atteinte à la sûreté nationale, le Groupe de travail sur la détention arbitraire a, dans son avis N° 45/2014, qualifié la privation de liberté de Kpatcha Gnassingbé, Ougbakiti Seïdou, Esso Gnassingbé, et consorts, d'arbitraire et de violation des droits et libertés proclamés dans les articles 9, 10 et 11 de la Déclaration universelle des droits de l'homme ainsi que dans les articles 9 et 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques141. Par conséquent, le Groupe de travail « prie le Gouvernement togolais de procéder sans attendre à la libération de Kpatcha GNASSINGBE, OUGBAKITI Seïdou, Esso GNASSINGBE et consorts et d'ordonner une enquête indépendante et impartiale sur les actes de torture dont ces derniers auraient fait l'objet pendant leur détention au secret, d'en tirer toutes les conséquences légales relativement à ses engagements internationaux, en révisant leur procès ou en procédant à la réparation intégrale de leur préjudice, conformément à l'article 9, paragraphe 5, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. » Ne disposant pas de force juridique contraignante, ledit avis est resté lettre morte. Aucune mesure n'a été prise par les autorités togolaises afin que les victimes rentrent dans leurs droits. Les auteurs de ces exactions ont été simplement mutés de leurs postes de travail et promus ailleurs. Cet exemple n'est pas l'unique cas de violation des droits des prévenus. Les conditions de détention actuelles dans les établissements pénitentiaires sont très déplorables et constituent un danger pour la santé publique.

Le système universel de protection et de garantie des Droits de la personne humaine ne prévoit pas un contrôle juridictionnel, ce rôle étant dévolu plutôt au Comité des Droits de l'homme, organe du système des Nations unies. Il s'appuie sur l'action des cours régionales à savoir la Cour européenne des Droits de l'homme, la Cour interaméricaine des Droits de l'homme et la Cour africaine des Droits de l'homme et des peuples. Lesdites cours assurent déjà un contrôle juridictionnel effectif par l'application de leurs dispositions conventionnelles respectives. Bien que la convention européenne ne soit applicable qu'aux pays membres du Conseil de l'Europe, la jurisprudence de ces organes de contrôle que sont la Cour et la Commission, est d'une telle richesse qu'il est tout indiqué de s'en inspirer.

Les organisations de la société civile et le système des Nations-Unies doivent faire pression morale sur le Togo afin qu'il réinstaure les droits et libertés fondamentaux des

141 Conseil des droits de l'homme, Avis adoptés par le Groupe de travail sur la détention arbitraire à sa soixante et onzième session, 17-21 novembre 2014, A/HRC/WGAD/2014/45, Distr. Générale 11 février 2015.

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détenus préventifs. Il est urgent que les mécanismes onusiens interviennent davantage et de façon régulière dans les établissements pénitentiaires togolais.

Hormis l'influence du Système des Nations Unies, il existe d'autres institutions de défense des droits de l'homme qui interviennent au Togo.

B. Les institutions internationales non onusiennes des droits de l'homme

Plusieurs organismes internationaux et ONG internationales ou régionales oeuvrent inlassablement pour la protection des droits humains en général et des personnes vulnérables comme les détenus. Il s'agit de :l'Organisation Mondiale de la Santé, Comité International de la Croix-Rouge pour personne en détresse, Penal Reform international pour les conditions de détention, la Fédération internationale de l'Action des chrétiens pour l'abolition de la torture, Prisonniers sans frontières et Amnesty international, Human Rights Watch, Union Chrétienne de Jeunes Gens142, la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples, le Rapporteur Spécial des Prisons et Conditions de Détention en Afrique143, le Comité de prévention de la torture en Afrique et le Réseau des Institutions Nationales Africaines des Droits de l'Homme. Il faut préciser que cette liste n'est pas exhaustive.

Dans le cadre de la protection des Droits de l'homme, la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples a mis en place la Commission Africaine des Droits de l'homme et des Peuples. Cette Commission a crée quinze mécanismes spéciaux de protection des droits de l'homme. Les principaux mécanismes spéciaux intervenants dans l'administration judiciaire et pénitentiaire sont : Rapporteur spécial sur les prisons, les conditions de détention et l'action policière en Afrique, Rapporteur spécial sur les défenses des droits de l'homme, Comité pour la prévention de la torture en Afrique, Groupe de travail sur la peine de mort et les exécutions extrajudiciaires sommaires ou arbitraires en Afrique.144Depuis 1998, elle a été renforcée par le protocole instituant une Cour africaine des Droits de l'homme et des peuples.

142Union Chrétienne de Jeunes Gens joue un rôle remarquable en matière de monotoring dans les lieux de détention dans le monde.

143La fonction de Rapporteur spécial sur les prisons et les conditions de détention a été créée lors de la 20e session ordinaire de la Commission, à la suite du Séminaire sur les conditions carcérales en Afrique (Kampala, 19-21 septembre 1996). Il est donc un des plus anciens mécanismes spéciaux. Le Rapporteur spécial est habilité à examiner la situation des personnes privées de leur liberté dans les territoires des Etats parties à la Charte africaine sur les Droits de l'Homme et des Peuples.

144 Source : site de l'Union Africaine, http://www.achpr.org/fr/instruments/achpr/, (consulté le 29 mai 2016).

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Toujours dans le cadre régional de protection des droits de l'homme, le Togo est membre de l'Union africaine et de la Communauté Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO). Cette dernière est devenue une communauté des droits de l'homme sans renoncer à l'esprit communautaire initial qui la sous-tendait. Elle s'est inscrite dans un processus d'intégration plus dynamique dont les fonds baptismaux ont été posés par le Protocole Additionnel A/SP.1/01/05 du 19 Janvier 2005, portant amendement du Protocole A/P /17 /91, relatif à la Cour de justice de la Communauté. Ce qui confère un droit d'accès direct des justiciables au prétoire du juge communautaire de la CEDEAO. En effet, la nouvelle mission de la Cour de justice de la CEDEAO est de trancher des différends relatifs aux droits de l'homme c'est-à-dire des droits dont les individus sont directement titulaires. Cette institution sous régionale a été saisie à plusieurs reprises par les citoyens togolais pour violation des droits de l'homme. En effet, la Cour de Justice de la CEDEAO a, dans l'affaire Pascal BODJONA et autres, poursuivis des faits d'escroquerie internationale, affaire Kpatcha GNASSINGBE et autres, inculpés pour atteinte à la sûreté nationale, et dans l'affaire incendies du grand marché de Lomé et celui de Kara, condamné l'Etat togolais pour violation des droits de l'homme dans l'administration justice pénale notamment pour détention préventive arbitraire et de longue durée, procès inéquitable, pour traitements cruels, inhumains et dégradants.

L'analyse de la jurisprudence de la Commission africaine et de la Cour de Justice de la CEDEAO font ressortir que ces instances régionales de protection des Droits de l'homme sont en quelque sorte boudées par des justiciables parce qu'elles sont inféodées à la Conférence des chefs d'Etat et de Gouvernement. Elles ont donc montré leurs limites. Les espoirs suscités par l'institution de ces Cours, en vue de pallier aux insuffisances des Commissions, s'émoussent face à la résistance des Etats membres à ratifier les textes relatifs à la création de ces Cours et à exécuter les décisions et arrêts desdites Cours, comme se fût le cas dans les affaires Kpatcha GNASSINGBE et Pascal BODJONA. La Cour régionale ne dispose pas de pouvoir coercitif afin de faire exécuter ses décisions.

Néanmoins, ces institutions et ONG apportent à l'Etat togolais leur assistance et coopération technique en matière de la protection des droits de l'homme. Ils jouent un rôle prépondérant. Ils dénoncent les cas de violation des droits humains. Leur présence sur le territoire togolais, oblige les autorités à ne pas négliger les questions de détention.

Le recours à ces institutions spécialisées est indispensable pour la mise en oeuvre du droit à la santé pour tous en général et du droit à la santé des détenus en particulier. En effet, en matière de la protection des droits de l'homme, la priorité est donnée aux groupes

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vulnérables ou aux groupes marginalisés de la population parmi lesquels se trouvent les détenus, en matière d'aide médicale, de répartition et de gestion des ressources comme l'eau potable, les denrées alimentaires et des fournitures médicales.145

Le Togo devrait profiter au maximum de leurs expertises afin d'améliorer la prise en charge et la protection effective des droits fondamentaux des détenus préventifs.

Ces actions en faveur du respect des droits fondamentaux des détenus sont également impulsées par les partenaires en développement.

Paragraphe 2 : L'influence des partenaires en développement et de coopération

Comme l'a s y bien constaté, Docteur Martial JEUGUE DOUNGUE146, « L'influence de la communauté internationale valide et légitime donc l'internationalisation de la protection des droits de l'individu, fonde et justifie l'adoption et l'imposition en politique internationale (politique d'aide au développement, aide à la démocratie) des conditionnalités comme moyens de contrainte employés par la communauté internationale pour faire respecter les droits de l'homme, sans pour autant exclure les devoirs de l'individu147. » Il convient dans ce paragraphe d'examiner l'influence des institutions financières et de coopération (A), l'Organisation de la Francophonie et sur la protection des droits fondamentaux des détenus au Togo (B).

A. Les institutions financières et de coopération

Le respect des droits de l'homme, de la démocratie et de la bonne gouvernance sont des critères d'éligibilité de l'aide au développement. Ces critères constituent des armes très puissantes que les institutions financières et de coopération telles que la Banque Mondiale, le Fonds Monétaire International, l'Union Européenne et les Etats Unis d'Amérique retiennent pour conditionner l'octroi de l'aide au développement dans les pays en développement. Ces institutions sont très rigoureuses sur leurs conditions d'éligibilité. Pour qu'un pays puisse

145Observation générale N°14 du CODESC sur le droit de la santé, § 64.

146Enseignant-chercheur et expert en droits de l'homme et droit humanitaire au Cameroun. 147 Ibid., précité.

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bénéficier de ces aides, il doit répondre impérativement à l'ensemble des critères définis par ces institutions.

Il faut relever que les principaux mécanismes des droits de l'homme interagissent avec des agences et partenaires des Nations Unies et des institutions de coopération tels que : PNUD, l'UNHCR, l'UNESCO, l'ONUDC, le FNUAP, l'UNIFEM, l'ONUSIDA148. La plupart de ces organisations interviennent ou sont présentes au Togo où elles participent à la promotion et à la protection des droits de l'homme.

Longtemps accusé de déficit démocratique, de violations des droits de l'homme, de détentions arbitraires, les partenaires en développement ont fait pression sur l'Etat togolais afin qu'il entame des reformes.

Dans le cadre de la modernisation de la Justice togolaise, le Togo a bénéficié de l'appui technique et financier du PNUD, de la Coopération Française, de la Coopération allemande, de l'Union Européenne et de l'Ambassade des Etats Unies d'Amérique. Ces financements ont permis à l'Etat togolais de mettre en oeuvre certaines reformes des cadres juridique et institutionnel telles que l'adoption du Nouveau Code pénal, la construction d'une nouvelle prison civile à Kpalimé, la construction des deux Cours d'Appel du Togo et l'aménagement des Tribunaux d'Aného et d'Atakpamé. Ces réalisations ont eu un impact considérable dans le traitement des dossiers des détenus ainsi que l'amélioration des conditions de détention des zones bénéficiaires. En effet, la prison civile de Kpalimé a permis de désengorger la prison civile de Lomé. Le Togo devrait désormais compter sur l'appui de ces partenaires afin de parachever les reformes qu'il a entreprises depuis 2005.

Le Togo devrait également compter sur l'appui des autres organisations internationales comme l'Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) dont il est membre depuis 1970. Pour garantir le respect des libertés et la sauvegarde de la démocratie dans l'ensemble de l'espace francophone, des structures de défense des droits de l'Homme sont mises en place ou renforcées. Les acteurs gouvernementaux et non-gouvernementaux dans chacun des pays sont encouragés à intégrer les normes et les instruments internationaux dans leur système. A cet effet, le Togo a bénéficié de l'expertise de l'OIF afin de rendre plus crédible le fichier électoral pour les présidentiels de 2015. L'OIF appuie également l'Etat togolais dans l'élaboration de son deuxième rapport relatif à l'EPU qu'il présentera devant le Conseil des Droits de l'Homme en octobre 2016.

148Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP), Fonds de développement des Nations Unies pour la femme (UNIFEM), Programme commun des Nations Unies sur le VIH/SIDA (ONUSIDA).

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Les organisations internationales, à travers leurs observatoires, groupes de travail et mécanismes sur les droits de l'homme et de la démocratie, suivent la situation des droits de l'homme dans le pays.

B. L'impact des organisations internationales

L'action des organisations internationales en faveur de l'amélioration, de la protection et de la prise en charge des droits fondamentaux des détenus préventifs n'est plus à démontrer. Le bilan est positif. L'influence de ces organisations internationales a eu un impact considérable sur le fonctionnement de l'appareil judiciaire et pénitentiaire.

En effet, il existe une complémentarité avec les actions en cours de l'Union Européenne et celles des Etats-Unis, principaux partenaires avec le PNUD dans ce secteur. L'UE prévoit des actions futures en milieu carcéral : assainissement, santé et activités génératrices de revenus. En matière d'accès à la justice, l'Ambassade des Etats-Unis oeuvre pour l'instauration de Cliniques d'aide juridique à l'université de Lomé et de l'aide juridictionnelle aux détenus nécessiteux. Ces institutions ont également apporté leurs appuis au Centre de Formation des Professions de Justice149. Les Etats-Unis amorcent quant à eux un appui à l'aide juridictionnelle en collaboration avec le Barreau.

La dynamique régionale pourrait aussi être accrue. Plusieurs initiatives ont permis de définir les normes applicables à la détention150.

Pour éviter tout chevauchement, une coordination étroite doit être maintenue et renforcée avec les organisations de la société civile et aux Organisations non gouvernementales de défense des droits de l'homme du Togo.

Section 2 : L'intervention accrue des organisations de la société civile et des
Organisations de défense des droits de l'homme

Les organisations de défense des droits de l'homme (ODDH) et de la société civile (OSC) sont des partenaires essentiels du Togo. Leurs actions contribuent efficacement à l'éclosion de la démocratie et l'état de droit garantissant ainsi la protection de tous les

149 Ibid.

150La Déclaration d'Ouagadougou et son Plan d'action pour l'accélération des réformes pénitentiaires et pénales en Afrique. http://www.achpr.org/instruments/ouagadougou-planofaction.

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citoyens sans discrimination (Paragraphe 1). Pour une meilleure protection des droits fondamentaux des détenus, les ODDH et OSC ont un rôle correctif majeur (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : La contribution des organisations de la société civile et de

défense des droits de l'homme

Les organisations de la société civile et de défense des droits de l'homme constituent des acteurs très importants non négligeables dans la protection et la promotion des droits de l'homme en général et des droits et libertés du détenu préventif en particulier.

Pour la garantie des droits des détenus préventifs, les OSC et ODDH ont formé une coordination nationale (A). Elles constituent des mécanismes de contrôle externe de la détention (B).

A. La Coordination des Partenaires des Prisons du Togo

Plusieurs OSC et ODDH contribuent d'une manière ou d'une autre à garantir la protection des droits civils et politiques des détenus d'une part et la prise en charge effective des droits économiques, sociaux et culturels des détenus préventifs d'autre part.

Les principales ODDH intervenant en milieu carcéral sont entre autres : l'Action des Chrétiens pour l'Abolition de la Torture (ACAT), Amnesty international section togolaise, le Collectif des Associations Contre l'Impunité au Togo (CACIT), l'Union Chrétienne de Jeune Gens (UCJG), la Ligue Togolaise des droits de l'Homme (LTDH) et le Bureau National Catholique pour l'Enfance (BNCE). Elles participent activement par différentes actions, à l'instauration, à la promotion et à la protection des droits des détenus préventifs au Togo.

Pour une meilleure protection des détenus, les OSC et ODDH togolaises ont décidé de se mettre en synergie. Ainsi, une vingtaine d'ONG regroupées au sein de la Coordination des partenaires des prisons du Togo (COPAPTO) a vu le jour à Lomé le 04 juillet 2015. Cette nouvelle coordination s'est fixée pour objectif d'aider le gouvernement et la société civile à améliorer les conditions de vie des détenus dans les prisons du Togo. Pour Monsieur Ewoénam DIAM, président de la nouvelle structure : « la COPAPTO vise à alléger auprès des autorités publiques les difficultés liées à la mise en oeuvre des actions des acteurs , consolider et promouvoir l'assistance nécessaire aux associations et organisations

intervenant dans les prisons ; améliorer entre autres l'esprit de collaboration, de communication et d'harmonisation dans leurs différentes interventions afin que la vie des détenus soit moins pénibles possibles ».

Ainsi, la COPAPTO constitue également une force externe en matière de la violation des droits de l'homme dans l'administration de la justice pénale.

B. Les OSC et ODDH : des mécanismes efficaces de contrôle externe et indépendant des lieux de détention

Les organisations de la société civile et de défense des droits de l'homme travaillent aussi bien pour la protection que pour la prévention de violation des droits humains y compris l'interdiction de la torture151. Afin de garantir un maximum de contrôle externe et indépendant des lieux de détention, ces organisations s'investissent davantage dans les activités de monitoring. Elles disposent habituellement de bons réseaux sur le terrain, de bonnes connaissances du contexte local, de sources directes de renseignement et peuvent intervenir rapidement en cas d'urgence. La plupart de leurs activités sont concentrées dans la capitale et les villes environnantes. Dans les campagnes, les défenseurs sont moins visibles.

Dans le souci de rendre la justice togolaise plus efficace, plus indépendante, avec un accès amélioré pour tous les citoyens en général et pour les détenus en particulier, les organisations de la société civile et leurs alliés multiplient les actions. Ces actions sont : l'assistance juridique, assistance juridictionnelle, l'assistance financière et plaidoyers auprès des autorités togolaises. A cet effet, elles ont élaboré des guides pratiques sur le monitoring préventif des lieux de détention, créé des clubs juridiques152de la prison, aménagé des infrastructures existantes. Elles veillent également sur la santé et l'hygiène des détenus.

Il est à noter que les actions de certaines confessions religieuses sont aussi très salutaires car elles soutiennent moralement et spirituellement les détenus.

Grâce aux actions de dénonciation de violation des droits de l'homme dans l'administration de la justice pénale, les organisations de défense des droits de l'homme ont amené les autorités togolaises à prendre conscience de la situation qui prévaut dans les prisons civiles togolaises.

151Union Chrétienne de Jeunes Gens-Togo, vue d'ensemble des mécanismes de la société civile faisant le monitoring préventif de lieux de détention au Togo, p.72.

152 Cette action est l'oeuvre de l'Union Chrétienne de Jeunes Gens-Togo

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Les OSC peuvent également jouer un rôle correctif majeur en abordant des questions que d'autres organismes de monitoring pourraient avoir négligées, ou en remédiant à des lacunes potentielles dans l'efficacité du travail des Mécanismes Nationaux de lutte contre la Torture153.

Pour Madame Navanethem Pillay154, Haut- Commissaire des Nations-Unies aux droits de l'homme, les défenseurs des droits de l'homme, les organisations non gouvernementales et toutes les autres parties prenantes de la société civile exécutent leur mission de défense des droits de l'homme de diverses manières« en se communiquant des informations, en préconisant et en suivant scrupuleusement la mise en oeuvre des droits de l'homme, en révélant des violations, en aidant les victimes d'abus et en menant des campagnes en faveur de l'élaboration de nouvelles normes relatives aux droits de l'homme. Ce faisant, elles prennent le pouls de leurs communautés et des groupes d'intérêt qu'elles représentent et donnent la parole aux impuissants dans des enceintes qui pourraient, sinon, être hors de portée des victimes, notamment dans les forums et les mécanismes internationaux de défense des droits de l'homme. »155

Des actions devraient donc être entreprises pour donner plus de force aux organisations de la société civile et des organisations de défense des droits de l'homme. Cela milite en faveur d'un suivi des actions, d'une recherche de synergie, d'une meilleure coordination nationale dans ce secteur pour l'avenir.

Paragraphe 2 : Le développement de la coopération pour mieux garantir les

droits économiques, sociaux et culturels des détenus préventifs

Le renforcement de la coopération est un moyen efficace pour combattre les maux dont souffre la garantie des droits fondamentaux des détenus.

Il convient dans cette partie de démontrer les bénéfices de la coopération entre le ministère de la justice et d'autres ministères togolais (A), les OSC et les institutions internationales (B).

153 Ibid., p. 96.

154Le Haut-Commissaire actuel, Mme Navanethem Pillay, a pris ses fonctions en septembre 2008. Mme Pillay a été précédée à ce poste par Mme Louise Arbour (2004-2008), M. Sergio Vieira de Mello (2002-2003), Mme Mary Robinson (1997-2002) et M. José Ayala Lasso (1994-1997). Mr. Bertrand G. Ramcharan a été Haut - Commissaire en exercice de 2003 à 2004.

155Haut-Commissariat des Nations Unies aux Droits de l'Homme, Travailler avec le programme des Nations Unies pour les droits de l'homme: un Manuel pour la société civile, Palais des Nations CH-1211 Genève 10, Suisse, p.iii.

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A. La coopération entre le ministère de la justice et d'autres ministères

La garantie des droits civils, politiques, socio-économiques et culturels des détenus relèvent des attributions du Ministère de la Justice. Dans la pratique, la prise en charge de tous ces droits n'est pas aisée en raison de la complexité de certaines catégories de droit, tel que le droit à la santé. Les autorités togolaises devrait initier une coopération entre le ministère de la justice et le ministère de la santé, du bien-être, de l'action sociale et de la formation professionnelle, afin de garantir respectivement le droit à la santé, le droit d'assistance sociale et à la réinsertion des détenus.

En France, la prise en charge des détenus est réglée par la loi du 18 janvier 1994156.Trois mesures complémentaires ont été prises afin d'atteindre cet objectif : « le transfert de compétence au service public hospitalier, l'affiliation de tous les détenus aux assurances maladie et maternité du régime général de la sécurité sociale et une augmentation significative des moyens qui conduit, au plan national, à un doublement des effectifs médicaux et infirmiers. »

Le Togo devrait emboiter le pas de la France en adoptant le modèle français au contexte local. Pour la réalisation de ces objectifs, le ministère de la justice devrait signer un partenariat avec l'Institut National d'Assurance Maladie du Togo afin d'étendre la couverture sanitaire dans tous les établissements pénitentiaires. Cette couverture devrait être automatique une fois entrée en prison. Il devrait également signé un partenariat avec le ministère de la santé afin que ce dernier affecte des agents de santé dans toutes les prisons civiles.

La politique de la réinsertion sociale des détenus devraient être confiée aux ministères de l'action sociale et celui de la formation de l'alphabétisation et de la formation professionnelle. Ces ministères auront pour missions de former des détenus, de préparer le terrain par leur réinsertion sociale.

Mais pour que ces partenariats soient efficaces, des tâches doivent être bien définies et une structure de coordination et de suivi doit être mise en place.

156La loi du 18 janvier 1994 a confié au service public hospitalier la prise en charge des personnes détenues, qui étaient assurée auparavant par l'administration pénitentiaire.

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B. La coopération entre les OSC, les institutions nationales et les institutions internationales des droits de l'homme

Les OSC togolaises travaillent régulièrement avec d'autres institutions internationales et régionales en vue d'une plus grande efficacité dans la mise en oeuvre de leurs actions. Ce travail de collaboration revêt différentes formes qui vont de la mobilisation et de l'appui en ressources humaines, à la création de réseaux, ou encore de coalitions, en passant par des partenariats et des appuis techniques, matériels et financiers avec lesdites institutions. Dans le cadre de leurs missions de protection et de protection des droits de l'homme, les OSC et ODDH reçoivent des financements de la part des partenaires en développement. Ainsi, dans le cadre de l'Examen Périodique Universel, les OSC et ODDH sont associées dans le contrôle de l'exécution des recommandations formulées à l'endroit du pays.

A la 12e Conférence internationale des institutions nationales de promotion et de protection des droits de l'homme qui s'est tenue à Merida en Mexique du 8-10 octobre 2015, les participants ont convenus que : « les INDH peuvent influencer le processus national de mise en oeuvre et d'obligation de rendre compte afin de faire en sorte que les droits de l'homme soient intégrés dans le processus d'adaptation et de suivi des objectifs, cibles et indicateurs à l'échelle nationale. Elles peuvent aussi conseiller le gouvernement sur l'adoption d'une approche de mise en oeuvre des Objectifs Développement Durable axée sur les droits de l'homme, en veillant tout particulièrement à ce que les principes d'égalité et de non-discrimination soient respectés157

A l'heure de la mondialisation, les organisations de la société civile sont en train de devenir des acteurs importants des relations internationales. Dans cet ordre d'idées, les Principes de Paris reconnaissent la nécessité pour les Institutions Nationales des Droits de l'Homme (INDH) d'interagir étroitement avec les organisations de la société civile (OSC) et d'autres organisations des droits de l'homme dans leurs efforts pour promouvoir et protéger les droits de l'homme. En effet, la collaboration entre les INDH et les OSC est une occasion unique d'ancrer une culture des droits de l'homme au sein de chaque État. Ces partenariats,

157Note conceptuelle, 12e conférence internationale des institutions nationales de promotion et de protection des droits de l'homme : « les objectifs de développement durable : quel rôle pour les institutions nationales des droits de l'homme ? », Merida : Mexique, 8-10octobre, 2015, 9 p.

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lorsqu'ils sont robustes, débouchent sur des progrès en matière de promotion et de protection des droits de l'homme158

158Voir par exemple CHRI: A Partnership for Human Rights: Civil Society and National Human Rights Institutions (2011) http://www.humanrightsinitiative.org/programs/CHOGM/CHRI%202011%20CHOGM%20Report.pdf.Cité dans note conceptuelle, 12e conférence internationale des institutions nationales de promotion et de protection des droits de l'homme : « les objectifs de développement durable : quel rôle pour les institutions nationales des droits de l'homme ? », Merida : Mexique, 8-10octobre, 2015, p.6.

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CONCLUSION GENERALE

« Il n'y a pas de développement sans sécurité, il n'y pas de sécurité sans développement, et il ne peut y avoir ni sécurité, ni développement si les droits de l'homme ne sont pas respectés (...) ».159Cette citation de Kofi Annan, qui invoque la triple nécessité, pour les Nations Unies d'assurer la sécurité, le développement et les droits de l'homme, lève en réalité le voile sur un grand débat qui porte sur la relation qu'entretiennent ces trois notions. Ainsi à l'heure de la mondialisation, l'effectivité des droits de l'homme est un défi majeur.

Pour la Communauté internationale, toute personne privée de liberté doit être traitée avec dignité.160Il va sans dire que la détention provisoire est une mesure exceptionnelle, et c'est à ce titre que peut être affirmée son interprétation restrictive. Elle a pour finalité le maintien de la personne suspectée pour les nécessités de l'instruction, la préservation de l'ordre public et la protection de l'individu lui-même161. La durée de la détention tient compte de la nature de l'infraction commise et de la peine correspondante162.

Mesure grave mais nécessaire, la détention préventive doit faire l'objet d'une utilisation raisonnable, car il paraît contradictoire de priver une personne de sa liberté pour la commission d'une infraction dont on n'a pas la certitude qu'elle en soit l'auteur alors que la présomption d'innocence nous impose de penser qu'en effet, elle ne l'est pas, tout du moins pour le moment. Il est important de noter que la détention provisoire excessive est un problème mondial qui affecte tant les pays développés que ceux en développement.

C'est pourquoi il incombe à chaque Etat de prendre des mesures adéquates afin de garantir l'effectivité des droits fondamentaux dans l'administration de la justice pénale. A cet effet, le législateur togolais a su comprendre cette philosophie des droits de l'homme. Il n'a pas hésité à intégrer dans sa Constitution les différents instruments internationaux et régionaux relatifs aux droits de l'homme163.

Ce travail de recherche tout en traitant de façon générale la protection des droits de l'homme dans le régime de la détention préventive au Togo comporte cependant des limites liées aux questions de l'enfance. La détention provisoire des mineurs en conflit avec la loi n'a

159 Dans une liberté plus grande : développement, sécurité et respect des droits de l'homme pour tous, Rapport du

Secrétaire général, 24 mars 2005, A/59/2005.

160Article 10 par.1 du PIDCP.

161Jean PRADEL, procédure pénale, Editions CUJAS, 14è édition 2008/2009, 678 p.

162 Article 113 du Code de procédure pénale du Togo.

163Les différents instruments internationaux et régionaux des droits de l'homme ratifiés et signés par l'Etat

togolais font parties intégrante à notre Constitution.

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pas été abordée spécifiquement dans le cadre de ce travail. L'approfondissement de ce sujet pourrait faire l'objet d'une autre recherche vue la complexité de cette procédure.

Au terme de la présente étude, il ressort que bien consacrée par les instruments juridiques internationaux et régionaux faisant partie intégrante de la Constitution togolaise164, la protection des droits des détenus préventifs est précaire et limitée en raison des défaillances textuelles et institutionnelles. En effet, la détention provisoire est réglementée au Togo par la Constitution, Code pénal et le Code de procédure pénale. Il faut noter que ce dernier n'a pas connu beaucoup de réformes visant à réajuster ou à conformer la détention préventive aux exigences de respect des droits de l'homme. Dans la pratique, beaucoup de défis restent à être relevés165 : l'absence de motivation du mandat de dépôt, les détentions abusives de longues durées, les conditions de détention dégradantes et déplorables, la surpopulation carcérale, les pertes en vies humaines, les droits et libertés élémentaires des détenus bafoués, l'ineffectivité d'indemnisation des détenus bénéficiant d'une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement. A tous ces problèmes, doivent être trouvés rapidement des remèdes.

A qui incombe la responsabilité de cette situation ?

A priori, il est probable de l'imputer au corps judiciaire.

Cependant, il convient de relever que la responsabilité doit être partagée entre tous ceux qui interviennent dans la conception des mécanismes et l'exécution de la mesure de la détention provisoire au Togo.

En premier lieu, le législateur n'a pas pris assez de dispositions pour mieux protéger les droits des personnes détenues provisoirement. A titre d'exemple, l'actuel Code de procédure pénale et l'ordonnance portant sur l'organisation judiciaire au Togo sont en écart avec la Constitution et le Nouveau Code pénal. L'absence d'institutionnalisation des juges des libertés et de la détention ne garantit pas le respect des droits fondamentaux des détenus préventifs.

En deuxième lieu, l'exécutif ne met pas à la disposition des acteurs judiciaires et pénitentiaires des moyens matériels, institutionnels et humains suffisants pour leurs missions.

164La Constitution du 14 octobre 1992, modifiée le 31 décembre 2002 et 2007.

165Bureau du Haut-commissariat des Nations unies aux droits de l'homme au Togo : Rapport sur le respect et la mise en oeuvre des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans l'administration de la justice au Togo, publié en Décembre 2013, p. 26.

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En troisième lieu, les acteurs judiciaires, l'Inspection Générale des Services Judiciaires et Pénitentiaires, les mécanismes chargés de contrôle des conditions de détention font preuve d'un manquement grave dans leurs tâches d'exécution et de contrôle.

Alors, que faire pour mettre fin à toutes ces défaillances ? La présente étude est opportune et pourrait contribuer à améliorer la protection des droits fondamentaux des détenus préventifs au Togo. A cet effet, elle suggère donc :

Sur le plan législatif, une révision du Code de procédure pénale du Togo s'avère indispensable. Le nouveau Code de procédure pénale devrait introduire les mesures alternatives non privatives de liberté d'une part, et d'autre part institutionnaliser le juge des libertés et de la détention. Il est impérieux que le législateur redéfinisse clairement les délais et motifs de la détention provisoire.

Le nouveau Code de procédure pénale devrait instituer un recours juridictionnel afin que les détenus préventifs puissent contester les mandats de dépôt décernés par le ministère public pendant leur détention.

Aussi une révision de l'arrêté colonial régissant les prisons civiles au Togo s'avère-t-elle nécessaire. Le nouveau texte devrait prendre en compte les règles minimales de Tokyo et autres textes relatifs à la détention provisoire. Chaque juridiction doit être dotée d'une prison civile ou au moins une maison d'arrêt respectant les normes internationales.

Le législateur devrait revoir l'ordonnance N°78- 35 du 7 septembre 1978 portant organisation judiciaire au Togo afin de régler le problème de juge unique qui ne garantit pas souvent le principe d'impartialité. Les règlements intérieurs des juridictions relatifs à l'organisation des audiences doivent être repensés car ces règlements contredisent les délais légaux (48 à 72 heures) que le Code de procédure pénale a prévu pour qu'une affaire soit appelée à l'audience.

Sur le plan pratique, les pouvoirs publics doivent accroître le budget de fonctionnement alloué à l'administration pénitentiaire afin d'améliorer les conditions matérielles et morales d'exécution de la mesure de détention provisoire. Les pouvoirs publics doivent également augmenter le nombre d'acteurs judiciaires, les surveillants de l'administration pénitentiaire et le personnel pénitentiaire. Leur niveau d'instruction doit être amélioré par des cours et des stages de recyclage sur la protection des droits de l'homme dans l'administration de la justice, sur l'éthique et la déontologie.

Les magistrats doivent faire preuve de sagesse et d'éthique dans l'usage de la détention provisoire. Avant de recourir à un mandat de dépôt, ils devront se demander si c'est l'unique moyen pour parvenir à la manifestation de la vérité. Pour certaines infractions moins

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graves, ils doivent procéder à la médiation pénale en s'inspirant de celle des enfants en conflit avec la loi166.

Sur le plan du contrôle de la mesure de détention provisoire, l'Inspection Générale des Services Judiciaires et Pénitentiaires et les Organisations de défense des droits de l'homme doivent faire régulièrement des visites inopinées dans les juridictions et dans les lieux d'exécution de la détention provisoire afin de toucher du doigt les réalités du terrain et par conséquent prendre des mesures appropriées s'il y a lieu. Ceci contribuerait également à dissuader les magistrats et le personnel pénitentiaire véreux, et partant à mieux garantir la protection des droits des détenus provisoires.

A moyen terme, les Cours d'appel doivent organiser des audiences d'assises foraines au moins six à sept assises par an en matière criminelle au lieu d'une seule session ; les tribunaux doivent tenir des audiences de jugement au moins sept à huit audiences par mois en matière correctionnelle. Ces audiences foraines permettront de désengorger les prisons civiles togolaises voire réduire le nombre des prévenus ou inculpés préventifs.

A long terme, les autorités publiques devraient conclure des partenariats publics-privés d'une part, et d'autre part instituer la coopération entre les services publics dans la gestion des prisons civiles à savoir : Ministère de la santé, Ministère de la justice, Ministère de l'Action sociale. La nécessité d'étendre la couverture sanitaire aux personnes privées de libertés s'avère très indispensable.

Il en va de l'intérêt des pouvoirs publics, car une détention préventive faite dans de bonnes conditions et dans les délais réguliers constitue également un indice de respect des droits de l'homme et permet ainsi d'apprécier le degré de libéralisme et la capacité du pays au respect du droit et à la mise en oeuvre d'une justice saine et efficace.

Pour que la garantie des droits fondamentaux des détenus préventifs devienne une réalité, il faut une intervention accrue de la Communauté internationale, des organisations de la société civile et des organisations de défense des droits de l'homme.

Aujourd'hui, la justice togolaise a besoin d'actes pour écrire au fronton des palais de justice, prisons civiles et en lettre d'or, cette phrase qui est inscrite à l'entrée du Palais de l'Europe à Strasbourg « Là où les hommes sont condamnés à vivre dans la misère, les Droits de l'Homme sont violés. S'unir pour les faire respecter est un devoir sacré ». Les citoyens togolais notamment les autorités politiques, les ONG, les ODDH, la CNDH, la société civile,

166La loi n°2007 - 017 du 06 juillet 2007 instituant le Code l'enfant au Togo.

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les acteurs judiciaires et pénitentiaires doivent pouvoir faire leurs ces mots du Père Joseph WRESINSKI167 et prendre conscience de leur devoir sacré de garantir et de protéger les Droits de l'Homme au Togo.

167Joseph WRESINSKI est un prêtre diocésain français, fondateur du Mouvement des droits de l'homme ATD Quart Monde, initiateur de la lutte contre l'illettrisme.

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BIBLIOGRAPHIE

MANUELS

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TEXTES INTERNATIONAUX ET REGIONAUX

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-Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, adoptée le 21 décembre 1965 et entrée en vigueur le 4 janvier 1969, ratifié le 1er septembre 1972.

-Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, adoptée le 10 décembre 1984 et entrée en vigueur le 26 juin 1987, ratifiée le 18 novembre 1987.

-Convention Internationale relative au Droit de l'Enfant, adoptée le 20 novembre 1989 et entrée en vigueur le 2 septembre 1990, ratifiée le 1er août 1990.

-Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des Femmes, adoptée le 18 décembre 1979 et entrée en vigueur le 3 septembre 1981, ratifiée le 26 septembre 1983.

-Déclaration Universelle des Droits de l'Homme (DUDH), Adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies, adoptée le 10 décembre 1948.

-Déclaration et Programme d'Action de Vienne adoptée le 25 juin 1993 par la conférence mondiale sur les droits de l'homme.

-Déclaration de Kampala sur la santé en prison en Afrique, adoptée par les participants à l'atelier sur la santé en prison en Afrique : le 13 décembre 1999.

-Ensemble de principes pour la protection de toutes les personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d'emprisonnement, adopté par résolution 43/173 du 9 décembre 1988.

-Ensemble des Règles minima pour le traitement des détenus, adoptés à Genève en 1955 et approuvés le 31 juillet 1957.

-Les Lignes directrices sur les conditions d'arrestation, de garde à vue et de détention provisoire en Afrique (les Lignes directrices Luanda), adoptées par la Commission Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples au cours de sa 55èmeSession Ordinaire à Luanda, Angola du 28 avril au 12 mai 2014.

-Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques (PIDCP) adopté le 16 décembre 1966 et entrée en vigueur le 23 mars 1976, ratifié le 24 mai 1984.

-Pacte International relatif aux Droits Economiques, Sociaux et Culturels (PIDESC) adopté le 16 décembre 1966 et entrée en vigueur le 3 janvier 1976, ratifié le 24 mai 1984.

-Principes fondamentaux relatifs au traitement des personnes détenues Adoptés par l'Assemblée générale des Nations Unies dans sa résolution 45/111 du 14 décembre 1990.

-Les Principes de Paris relatifs au statut et au fonctionnement des institutions nationales pour la protection et la promotion des droits de l'homme, recommandations approuvées par la Commission des droits de l'homme en mars 1992, (résolution 1992/54) et par l'Assemblée générale (résolution A/RES/48/134 du 20 décembre 1993)

-Protocole relatif à la Cour de Justice de La CEDEAO, signé le 1991 et entré en vigueur le 5 novembre 1996.

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-Protocole relatif à la Charte africaine des droits de l'Homme et des peuples portant création d'une Cour africaine des droits de l'Homme et des peuples, signé le 10 juin 1998 et entré en vigueur le 25 janvier 2004, ratifié le 23 juin 2003.

-le Protocole Additionnel A/SP.1/01/05 du 19 Janvier 2005 portant amendement du Protocole A/P /17 /91 relatif à la Cour de justice de la Communauté.

-Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, adopté par l'Assemblée générale, adopté le 10 décembre 2008.

-Règles minima des Nations Unies pour l'élaboration des mesures non privatives de liberté (Règles de Tokyo), adoptées par la résolution 45/110 du 14 décembre 1990.

-Résolution A/RES/56/161 du 20 février 2002 de l'Assemblée générale des Nations Unies, relative à la place des droits de l'homme dans l'administration de la justice.

-Résolution sur les lignes directrices et mesures d'interdiction et de prévention de la torture et des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants en Afrique, adoptée le 23 octobre 2002 par la Commission africaine des droits de l'homme.

TEXTES NATIONAUX

-Constitution de la IVe République, adoptée par Référendum, le 27 septembre 1992, promulguée le 14 octobre 1992 et révisée par la loi n° 2002 - 029 du 31 décembre 2002. -Loi n° 83 -1 du 2 mars 1983 instituant le Code de procédure pénale au Togo, J.O.R.T, N°32 du 03 mars 1983.

-Loi n° 87-09 du 09 juin 1987 instituant la Commission Nationale des Droits de l'Homme au Togo.

-Loi n°2007 - 017 du 06 juillet 2007 instituant le Code de l'enfant au Togo.

100

-Loi N°2013-010 du 27 mai 2013 portant sur l'aide juridictionnelle.

-Loi n° 2015 -10 du 24 novembre 2015 instituant le Nouveau Code pénal au Togo.

-Ordonnance N°78- 35 du 7 septembre 1978 portant organisation judiciaire au Togo, J.O.R.T, N° 21 bis spécial du 11 septembre 1978.

-Arrêté n° 488 du 1er septembre 1933 réorganisant le régime pénitentiaire indigène au Togo ; J.O du territoire du Togo placé sous mandat de la France, du 16 septembre 1933.

RAPPORTS

-Amnesty international, Rapport2014/2015 sur la situation des droits humains dans le monde, 502 p, (http// amnistie.ca/sites/default/files/upload/.../rapport_annuel_-_air1415.pdf) (consulté le 18 novembre 2015) ;

-AMNESTY INTERNATIONAL, Rapport 2015/16 sur la situation des droits humains dans le monde, 485 p ;

-Bureau du Haut-Commissariat des Nations Unies aux Droits de l'Homme au Togo, Compilation des travaux des ateliers régionaux de renforcement des capacités des magistrats et officiers de police judiciaire sur le respect des droits de l'homme dans l'administration de la justice, éd l'Harmattan : Togo, 11 octobre 2011 au 23 mars 2012, 237 p.

-Bureau du Haut-commissariat des Nations unies aux droits de l'homme au Togo,Rapport sur le respect et la mise en oeuvre des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans l'administration de la justice au Togo : décembre 2013, 55 p.

-Commission Nationale des Droits de l'Homme, Rapport d'activités exercice 2014, Togo, p.140.

101

-Etats Unis d'Amérique, 40eRapportannueldu Département américain sur la situation des Droits Humains dans le monde, 2015. ( www.state.gov/g/drl/rls/hrrpt), consulté le 16 mai 2016.

-Haut-commissariat des Nations Unies aux Droits de l'Homme, les Droits de l'Homme et les Prisons : Compilation des instruments internationaux des droits de l'homme concernant l'administration de la justice, Genève et New York : Nations Unies, 2005, 405 p.

-Ligue Togolaise des Droits de l'Homme (L.T.H.D), Note sur la situation des droits de l'Homme au Togo dans le cadre de l'examen du rapport du Togo, 50e session, Banjul, la Commission africaine des droits de l'Homme et des peuples : 24 octobre - 7 novembre 2011, 20 p.

-Office Contre la Drogue et Crime, Mesures carcérales et mesures non privatives de liberté, le système pénitentiaire : Compilation d'outils d'évaluation de la justice pénale, New York : Nations Unies, 2008, 64 p ;

-OPEN SOCIETY FOUNDATIONS et PNUD, Rapport de la campagne mondiale sur les mesures judiciaire avant-procès, l'impact socio-économique de la détention préventive, New York : Etats-Unis,80 p ;publié par Open Society Foundations 400 West 59th Street, NY 10019 ( www.soros.org).

-Penal Reform International, Recommandations africaines pour la réforme pénale, dédicacé à Ahmed Othmani : 2008, 114 p ; ( www.penalreform.org) (consulté ce 17 mars 2016).

-Plate-forme des Organisations de la Société Civile togolaise, Rapport sur la situation des Droits de l'Homme de 2005 à 2010, présenté devant le Conseil des Droits de l'Homme des Nations Unies dans le cadre de l'Examen périodique universel, 12e session : Togo, 2011, 12 p.

102

AUTRES DOCUMENTS

-CORNU (G) ET ASSOCIATION HENRI CAPITANT, Vocabulaire juridique, QUADRIGE : 10e édition, PUF, 10e édition mise à jour ;

-CENTRE FOR HUMANRIGHTS, Recueil de documents clés de l'Union africaine relatifs aux droits de l'homme, Pretoria University Law Press : Afrique du Sud, 2013, 575 p. ( www.pulp.up.ac.za).

-HAUT-COMMISSARIAT DES NATIONS UNIES AUX DROITS DE L'HOMME, les Droits de l'Homme et les Prisons, Répertoire de poche sur les instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme à l'usage des agents pénitentiaire, Genève et New York, Nations Unies : 2005, 37 p. http://www.ohchr.org

-MONDIELLI(E) : Cours du Droit international des Droits de l'Homme, université de Nantes : France : année académique 2015-2016, 194 p.

-OLINGA (A D), Pilote de cours sur le système africain de garantie des droits de l'homme, université de Nantes : France, septembre 2009, année académique 2015-2016.

- Organisation des Nations Unies : http://www.un.org.

- Revue électronique « Droits Fondamentaux » http://www.droits-fondamentaux.org.

-SAMTA B. (M), Cours de procédure pénale, Université de Kara, TOGO : 2011 - 2012, 100 p.

-SOUKOUDE - FIAWONOU (S B.), Guide des droits du détenu, avec l'appui financier de l'Ambassade des Etats Unies d'Amérique au Togo : Equinoxe, décembre 2009, 58 p.

- Union Africaine, http://www.achpr.org/fr/instruments/achpr.

103

TABLE DES MATIERES

DEDICACE 2

REMERCIEMENTS 3

LISTE DES SIGLES ET ABBREVIATIONS 4

RESUME 5

ABSTRACT 5

SOMMAIRE 6

INTRODUCTION GENERALE 7

I. CONTEXTE ET DELIMITATION DE L'ETUDE 8

A. CONTEXTE DE L'ETUDE 8

1. Contexte socio- politique 9

2. Contexte économique 11

B. DELIMITATION DE L'ETUDE 13

1. Délimitation matérielle 13

2. Délimitation temporelle 13

3. Délimitation spatiale 14

II. CADRE DE L'ETUDE 15

A. APPROCHE CONCEPTUELLE 15

1. Définition de la notion de détention préventive 15

2. Définition de la notion de Droits de l'Homme 16

B. INTERET DE L'ETUDE 17

1. Intérêt social 17

2. Intérêt scientifique 18

C. PROBLEMATIQUE ET HYPOTHESES 18

1. Problématique 19

2. Hypothèses 19

a. Hypothèse principale 19

b. Hypothèses secondaires 20

III. CONDUITE DE L'ETUDE 20

A. REVUE DE LITTERATURE 20

B. METHODOLOGIE 24

1. Méthodes 24

2. Techniques d'enquête 25

C. ARTICULATION ET JUSTIFICATION DU PLAN 26

PREMIERE PARTIE : UNE PROTECTION LIMITEE DES DROITS DE

L'HOMME AU COEUR DE LA DETENTION PREVENTIVE AU TOGO 27

104

CHAPITRE I : UNE PROTECTION MITIGEE DES DROITS ET LIBERTES

CIVILS ET POLITIQUES DES DETENUS PREVENTIFS AU TOGO 29

Section 1: Les limites de la protection des droits et libertés civils et politiques des détenus

préventifs 29

Paragraphe 1 : Les limites textuelles 30

A. L'état des lieux du cadre légal 30

B. Les insuffisances inhérentes au cadre légal 30

Paragraphe 2 : Les limites institutionnelles 32

A. Les dysfonctionnements liés au système judiciaire 32

B. Les dysfonctionnements liés aux conditions de travail des acteurs judiciaires et

pénitentiaires 34

Section 2 : Les violations récurrentes des droits et libertés civils et politiques des détenus

préventifs au Togo 35

Paragraphe 1 : La violation des garanties procédurales en matière de détention préventive

35

A. Les entorses au principe du procès juste et équitable 35

B. Les entorses au principe de la présomption d'innocence 37
Paragraphe 2 : La violation des droits civils et politiques au cours de la détentionpréventive

40

A. Le non-respect du droit d'assistance d'un conseil et de communication avec

l'extérieur 40

B. Le non-respect de l'exercice des autres droits civils et politiques des détenus

préventifs 41

CHAPITRE II : UNE PRECARITE DE PRISE EN CHARGE DES DROITS ECONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS DES DETENUS PREVENTIFS AU

TOGO 43

Section 1 : Les défaillances des établissements pénitentiaires et des mécanismes de contrôle

de prise en charge des détenus 44

Paragraphe 1 : L'état critique de l'environnement carcéral 44

A. La carence et l'inadéquation des établissements pénitentiaires 44

B. La surpopulation carcérale 45

Paragraphe 2 : Les défaillances des mécanismes de contrôle 47

105

A. Les mécanismes de contrôle de la légalité de la détention et d'inspection des

conditions de détention carcérale 47

1. Les mécanismes de contrôle juridictionnel 47

2. Les mécanismes de contrôle non juridictionnel 48

B. L'insuffisance des allocations de prise en charge des détenus 49
Section 2: Une prise en charge insuffisante des droits économiques, sociaux et culturels des

détenus préventifs 50

Paragraphe 1: L'insuffisance de la prise en charge des droits socio-économiques et culturels

des détenus préventifs 51

A. La détérioration des conditions de détention et les atteintes aux droits socio-

économiques des détenus 51

1. Les atteintes au droit à l'hébergement et à la literie 51

2. Les atteintes au droit à une alimentation suffisante, saine et équilibrée 52

3. Les atteintes au droit à la santé et aux soins médicaux 52

4. Les atteintes au droit d'accès aux vêtements 54

B. La détérioration des conditions de détention et les atteintes aux droits culturels des

détenus 54

1. Les atteintes au droit à l'éducation ou à la formation professionnelle 54

2. Les atteintes au droit culturel et religieux 55

Paragraphe 2 : Les répercussions socio-économiques de la détention préventive 55

A. Les répercussions socio-économiques de la détention préventive sur la famille du détenu 55

B. Les répercutions socio-économiques de la détention préventive sur l'ensemble de la

société 56

DEUXIEME PARTIE : UNE PROTECTION PERFECTIBLE DES DROITS DE

L'HOMME AU COEUR DE LA DETENTION PREVENTIVE AU TOGO 58

CHAPITRE I : L'URGENCE DE LA MOBILISATION DE L'ETAT TOGOLAIS EN

FAVEUR DE LA PROTECTION DES DROITS DES DETENUS PREVENTIFS 60

Section 1 : L'effectivité des mécanismes de protection des droits de l'homme dans la phase

procédurale de la détention préventive 60

Paragraphe 1 : La concrétisation attendue des reformes législatives et institutionnelles en

matière de la détention provisoire 61

A. La nécessité d'accélérer la révision du code de procédure pénale togolais et des

textes réglementaires 61

B. La nécessité d'accélérer la réforme de la justice pénale 63

106

Paragraphe 2 : La mise en oeuvre effective des mesures alternatives à la détention provisoire

comme garanties des droits fondamentaux des détenus préventifs 64

A. L'efficacité des mesures alternatives à la détention préventive et du juge des

libertés et de la détention 65

B. Le renforcement de l'efficacité des voies de recours 67
Section 2 : L'amélioration de la prise en charge des droits économiques, sociaux et culturels

68

Paragraphe 1 : L'amélioration des modalités de traitement des détenus préventifs en milieu

carcéral 68

A. Sur le plan matériel 68

1. Construction des prisons modernes 69

2. La séparation des détenus 69

3. L'hygiène et les soins médicaux 69

4. La nourriture et le matériel de couchage 70

B. Sur le plan moral, intellectuel et religieux 70
Paragraphe 2 : L'effectivité des mécanismes de contrôle des établissements pénitentiaires et

de réparation de préjudice 71

A. La nécessite de renforcer l'efficacité des mécanismes de contrôle étatique des

établissements pénitentiaires 71

1. Le contrôle interne 72

2. Le contrôle externe 72

B. La nécessité de renforcer les mécanismes de réparation et d'indemnisation 73
CHAPITRE II : L'INTERVENTION ACCRUE DES ORGANISATIONS

INTERNATIONALES ET DES ORGANISATIONS DE LA SOCIETE CIVILE 76

Section 1 : L'intervention accrue des institutions internationales et des partenaires en

développement 76

Paragraphe 1 : L'influence des institutions internationales des droits de l'homme 76

A. Les mécanismes et institutions onusiens de protection des droits de l'homme 77

B. Les institutions internationales non onusiennes des droits de l'homme 79

Paragraphe 2 : L'influence des partenaires en développement et de coopération 81

A. Les institutions financières et de coopération 81

B. L'impact des organisations internationales 83
Section 2 : L'intervention accrue des organisations de la société civile et des Organisations

de défense des droits de l'homme 83

107

Paragraphe 1 : La contribution des organisations de la société civile et de défense des droits

de l'homme 84

A. La Coordination des Partenaires des Prisons du Togo 84

B. Les OSC et ODDH : des mécanismes efficaces de contrôle externe et indépendant

des lieux de détention 85

Paragraphe 2 : Le développement de la coopération pour mieux garantir les droits

économiques, sociaux et culturels des détenus préventifs 86

A. La coopération entre le ministère de la justice et d'autres ministères 87

B. La coopération entre les OSC, les institutions nationales et les institutions

internationales des droits de l'homme 88

CONCLUSION GENERALE 90

BIBLIOGRAPHIE 95

MANUELS 95

OUVRAGES 96

THESES ET MEMOIRES 96

TEXTES INTERNATIONAUX ET REGIONAUX 97

TEXTES NATIONAUX 99

RAPPORTS 100

AUTRES DOCUMENTS 102

TABLE DES MATIERES 103






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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld