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Les représentations sociales des enseignants à  l’égard de l’orientation de leurs élèves. Cas des enseignants exerà§ant au collège dans la région de Marrakech au Maroc.


par Said MAGOURI
Université de Rouen - Master 2 de recherche à  distance Francophone 2013
  

Disponible en mode multipage

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    UNIVERSITÉ DE ROUEN

    U.F.R. Sciences de l'Homme et de la Société
    Département Sciences de l'Éducation
    Laboratoire CIVIIC
    Année universitaire 2012-2013

    Les représentations sociales des enseignants

    à l'égard de l'orientation de leurs élèves

    Cas des enseignants exerçant au collège dans la région de Marrakech au Maroc

    En vue de l'obtention du

    Master 2 de recherche à distance Francophone

    Sous la direction de :

    - Louise Bélair, professeur à l'Université du Québec à Trois-Rivières - Valérie Cohen-Scali, professeur à l'Université de Caen

    Saïd MAGOURI

    N° d'étudiant : 20913117

    Résumé :

    Notre recherche s'inscrit dans le cadre des inégalités sociales face à l'orientation scolaire. Ces inégalités sont dues, pour partie, aux décisions d'orientation généralement affectées par un ensemble de biais sociaux (Duru-Bellat, 2002). Ceux-ci, sont largement structurés par des représentations sociales qui prennent forme différemment selon la personne qui décide (l'enseignant) et/ou qui demande (l'élève) une orientation scolaire et le contexte social dont cette personne évolue. Nous avons donc tenté d'aborder la problématique de l'orientation sous l'angle des représentations sociales des enseignants en nous appuyant, principalement, sur les travaux d'Abric (2011) et de Moliner et al. (2002). Notre question problématique est la suivante : «dans un contexte différent que celui de l'Europe en l'occurrence le contexte marocain, quelles seraient les caractéristiques des représentations sociales, que se font les enseignants à l'égard de l'orientation de leurs élèves? ». Pour répondre à cette question, nous avons mené une enquête auprès de 12 enseignants de disciplines différentes exerçant dans un collège à la ville de Marrakech. Cette enquête nous a permis de mettre en exergue les éléments partagés par les enseignants et qui ont trait à certains aspects de leur pratique enseignante en matière d'orientation :

    · L'orientation scolaire consiste soit à faire un choix, soit à orienter l'élève (et non pas l'aider à s'orienter), soit les deux. De plus, les filières scolaires sont réduites aux deux filières dichotomiques (sciences et lettres).

    · Tout comme les prérequis d'une orientation scientifique, ceux d'une orientation littéraire sont souvent ramenés aux bonnes notes dans les disciplines de qualification.

    · Le profil scientifique est qualifié plus souvent par le raisonnement logico-déductif. Le profil littéraire par le fait d'utiliser beaucoup de détails et d'informations dans l'explication des choses.

    · Les positions des enquêtés vis-à-vis de leur rôle en orientation varient d'un rejet catégorique à une reconnaissance délibérée voire même une responsabilité affirmée. Leur démarche d'aide à l'orientation consiste essentiellement à conseiller l'élève (généralement sur la façon d'envisager son choix d'orientation) et à la vérification de ses capacités (à travers l'observation du comportement de l'élève en classe et la passation d'un test d'évaluation).

    · Au regard de la note scolaire, les enseignants ont deux attitudes opposées. D'une part, ils nient sa validité prédictive et, d'autre part, ils considèrent qu'elle constitue le seul critère plus ou moins objectif sur lequel ils peuvent se baser pour prendre des décisions d'orientation.

    · Les trois premiers critères retenus par les enseignants pour prendre des décisions d'orientation sont les notes chiffrées obtenues dans les disciplines qualifiantes (à l'une ou l'autre orientation). Ils constituent les éléments centraux dans les représentations sociales des enseignants quant aux critères retenus en général. L'hétérogénéité observée dès le quatrième critère à retenir témoigne de la diversité des approches personnelles que peuvent faire les enseignants en l'absence des critères objectifs ou des critères reconnus et désirés socialement. Ces autres critères (voeux d'orientation, statut socioéconomique...) peuvent constituer les éléments périphériques de ces représentations sociales.

    · Dans le contexte marocain, les représentations stéréotypées relatives au genre et aux statuts socioéconomiques (Channouf et al., 2005) ne se manifestent pas, nous semble-t-il, de la même manière que dans le contexte européen. Résultats qui doivent être analysés en profondeur dans d'autres études à portée plus généralisatrice avec des outils d'investigations plus précis.

    Mots-clés : orientation scolaire, représentations sociales, pratique enseignante, profil littéraire, profil scientifique.

    Remerciements

    C'est en pensant aux mots de remerciements que je me suis rendu compte que ce travail de longue haleine n'aurait pas pu se réaliser sans la contribution, l'aide et la patience d'un certain nombre de personnes qui m'entourent. Qu'ils trouvent ici l'expression de ma profonde gratitude.

    Je pense en premier lieu, à mes deux directrices de mémoire Mme Louise Bélair et Mme Valérie Cohen-Scali qui ont su me guider dans la voie de la recherche scientifique avec rigueur, méthodologie et subtilité. Je leur remercie donc pour tout ce qu'elles ont apporté à mon travail de mémoire, pour leur grande patience, leur confiance en moi, leur encouragement et particulièrement leur disponibilité.

    Mes sincères remerciements s'adressent aussi aux répondants à cette recherche (les enseignants au secondaire collégial) et Mme la directrice du collège pour sa collaboration dans l'organisation des entrevues.

    Je tiens à remercier également mon collègue Said Ouaboudou, cadre en orientation de l'éducation, pour sa relecture de ce mémoire.

    Enfin, mes plus sincères remerciements aux membres de ma petite et grande famille qui ont su accepter que l'ordre des priorités soit si injustement bouleversé pendant des mois. Merci pour tout.

    Table des matières

    Résumé : i

    Remerciements ii

    Table des matières : iii

    Liste des tableaux v

    Liste des figures vi

    Introduction générale 1

    PARTIE I : CADRE PROBLEMATIQUE GENERAL

    Chapitre I. Émergence de l'objet de recherche : 5

    1.1. Rôle des représentations sociales dans les processus d'orientation des jeunes : 5

    1.2.Entrée épistémologique : l'orientation en tant qu'objet social 7

    Chapitre II. Problématique de la recherche : 11

    PARTIE II : CONTEXTE DE LA RECHERCHE

    Chapitre I. Aperçu sur le système d'éducation au Maroc 17

    1.1. Evolution historique du système éducatif : 17

    1.2. Structure du système éducatif marocain : 19

    1.3. Architecture du système scolaire au Maroc : 20

    Chapitre II. Le système d'orientation scolaire et professionnelle au Maroc: 21

    2.1. Le processus d'orientation scolaire et professionnelle: 21

    2.2. Organisation des services d'orientation : 21

    2.2.1. Au niveau des districts scolaires de l'orientation : 22

    2.2.2. Au niveau provincial : 22

    2.2.3. Au niveau régional : 23

    2.3. Procédure administrative d'orientation: 24

    2.4. Les acteurs de l'orientation scolaire: 27

    PARTIE III : APPORT THÉORIQUE

    Chapitre I. Quelques déterminants de l'orientation scolaire : 30

    1.1. Définition : 30

    1.2. Rôle des enseignants en orientation : 31

    1.3. Inégalités sociales face à l'orientation : 34

    1.3.1. La sélectivité en orientation scolaire : 35

    1.4. Les facteurs influençant les décisions de l'orientation : 36

    1.4.1. Influence de l'évaluation sur l'orientation des élèves: 37

    1.4.2. Les facteurs relatifs aux caractéristiques personnelles : 38

    1.4.3. Les facteurs relatifs au contexte : 40

    Chapitre II. Perception sociale et représentations sociales: 43

    2.1. La perception sociale : 43

    2.1.1. La formation d'impressions sur autrui : 44

    2.1.2. Les théories implicites de la personnalité : 44

    iv

    2.1.3. Le jugement des enseignants :

     

    45

    2.1.4. L'imaginaire collectif :

     

    47

    2.2. Les représentations sociales :

     

    49

    2.2.1. Définition du concept de représentations sociales :

     

    49

    2.2.3. Les caractéristiques d'une représentation sociale :

     

    50

    2.2.4. Fonctions des représentations sociales :

     

    51

    2.2.5. Le processus de formation des représentations sociales

    :

    51

    2.2.6. Processus de structuration des représentations sociales

    :

    54

     

    PARTIE IV : CADRE PRATIQUE

    Chapitre I. Approche méthodologique :

     

    59

    Introduction :

     

    59

    1.1. Choix de la population :

     

    59

    1.2. Les outils utilisés :

     

    60

    1.2.1. L'entretien semi-directif :

     

    62

    1.3. Traitement et analyse des données obtenues :

     

    64

    1.3.1. Technique utilisée :

     

    64

    1.3.2. La démarche d'analyse de contenu:

     

    64

    1.3.3. Validité et fidélité de la méthode utilisée :

     

    67

    1.4. Contraintes méthodologiques et limites de la recherche :

     

    68

    Chapitre II. Présentation et analyse des résultats :

     

    70

    2.1. Résultats de l'enquête par entretien semi-directif:

     

    71

    2.1.2. La notion d'orientation scolaire vue par les enseignants :

     

    72

    2.1.3. Facteurs influençant le choix d'orientation des élèves:

     

    75

    2.1.4. Représentations des différentes filières scolaires après la troisième

    :

    79

    2.1.5. Pratiques enseignantes en matière d'orientation :

     

    89

    2.2. Résultats de l'activité (le cas présenté aux enquêtés) :

     

    101

    2.2.1. Présentation des données :

     

    101

    2.2.2. Analyse des données recueillies de l'activité :

     

    106

    2.2.3. Exploitation des données recueillies de l'activité:

     

    111

    Chapitre III. Synthèse globale des résultats de la recherche

     

    118

    Conclusion et perspectives

     

    129

    Bibliographie :

     

    134

    Sitographie :

     

    138

    Annexe n°1: Guide d'entretien

     

    141

    Annexe n°2 : Cas présenté aux enquêtés

     

    142

    Annexe n°3 : Grille d'analyse thématique

     

    143

     

    Liste des tableaux

    Tableaux

    Intitulé du tableau

    Pages

    Tableau n°1

    Les filières scolaires après la troisième collégiale

    24

    Tableau n°2

    Disciplines qualifiantes et caractéristiques personnelles pour intégrer les troncs communs

    25

    Tableau n°3

    Informations générales sur l'échantillon de l'enquête

    71

    Tableau n°4

    Notion d'orientation scolaire vue par les enseignants

    72

    Tableau n°5

    Facteurs influençant le choix d'orientation des élèves:

    76

    Tableau n°6

    Pré-requis d'une orientation scientifique

    81

    Tableau n° 7

    Profil d'un élève scientifique

    28

    Tableau n° 8

    Prérequis pour une orientation littéraire

    86

    Tableau n° 9

    Profil d'un élève littéraire

    88

    Tableau n°10

    Rôle des enseignants dans l'orientation des élèves

    90

    Tableau n°11

    Influence des enseignants sur les choix d'orientation des élèves

    92

    Tableau n°12

    Démarches d'aide à l'orientation pratiquées par les enseignants

    93

    Tableau n°13

    Critères retenus pour se prononcer sur l'orientation d'un élève

    95

    Tableau n°14

    Évaluation de la procédure administrative d'orientation par les enseignants:

    97

    Tableau n°15

    Améliorations des pratiques enseignantes en orientation selon les enseignants

    99

    Tableau n°16

    Critères utilisés dans le cas présenté aux enseignants

    102

    Tableau n°17

    Répartition des critères proposés aux enseignants selon leurs catégories

    103

    Tableau n° 18

    Répartition des critères choisis par les enseignants selon les scénarios proposés et la discipline enseignée

    104

    Tableau n° 19

    Répartition des critères choisis par les enseignants selon les scénarii proposés, la discipline enseignée et leurs catégories (genre, voeux d'orientation, statut socioéconomique et notes chiffrées)

    105

    Tableau n° 20

    Répartition des critères choisis par les enseignants selon le type de scénario établi

    106

    Tableau n° 21

    Classement décroissant des critères retenus en fonction de leurs nombres d'apparition

    112

    Tableau n° 22

    Classement décroissant des critères utilisés par les enseignants en fonction de leurs indices d'importance dans les scénarios scientifiques

    114

    Tableau n° 23

    Classement décroissant des critères utilisés par les enseignants en fonction de leurs indices d'importance dans les scénarios littéraires :

    116

     

    vi

    Liste des figures

    Figures

    Intitulé de la figure

    Pages

    Figure n°1

    Architecture du système scolaire au Maroc

    20

    Figure n°2

    Répartition des critères proposés aux enseignants selon leurs catégories

    103

    Figure n°3

    Répartition des critères choisis par les enseignants selon le type de scénario établi

    106

    Figure n°4

    v Répartition des critères choisis par les enseignants dans les scénarios scientifiques

    107

    Figure n°5

    Répartition des critères choisis par les enseignants dans les scénarios littéraires

    107

    Figure n°6

    Indice d'importance et type de critère utilisés dans les scénarios scientifiques

    115

    Figure n°7

    Indice d'importance et type de critère utilisés dans les scénarios littéraires

    117

     

    N.B. : dans la présente recherche, le recours au masculin pour désigner les personnes enquêtées a comme seul objectif d'alléger le texte.

    1

    Introduction générale

    On ne fait jamais une recherche sans qu'il y ait écho en soi de l'objet, avec une survalorisation affective de certains éléments en relation avec son histoire personnelle. Jean-Michel Berthelot

    En tant que professionnel de l'orientation, il nous arrive souvent de rencontrer des personnes qui semblent avoir vécu, à un moment donné de leur scolarité, une orientation perturbée. Plusieurs sources peuvent en être la cause (le manque d'informations, l'indécision, vouloir plaire au parent, le manque de maturité, influence d'autrui, pairs, parents, professeurs...). Mais ce qui retient plus notre attention c'est le rôle que jouent les enseignants dans l'orientation de leurs élèves. En effet, suivant les entretiens d'orientation que nous menons dans les établissements scolaires, il s'avère que certains enseignants étaient en grande partie responsables des choix d'orientation de leurs élèves ; soit en les encourageant, soit en les démotivant. En tant qu'éducateurs très proches des élèves, possédant un pouvoir de jugement, et en fonction de la réussite ou de l'échec de l'élève dans la matière qu'ils enseignent, les enseignants peuvent renvoyer à l'élève (de manière souvent inconsciente) un reflet de lui-même plus ou moins valorisant. Ceci peut influencer l''image que l'élève se fait de lui-même et par conséquent contribuer à la construction de son identité. Ainsi certains parcours d'orientation peuvent se voir bouleversés par un professeur non avisé des conséquences de sa pratique sur le devenir scolaire et professionnel de ses élèves.

    Comme le rappelle le rapport du Haut Conseil de l'Education en France sur l'orientation scolaire de 2008, l'orientation est étroitement liée à la pédagogie et à la démarche d'évaluation. De ce fait, les enseignants ont donc « un rôle naturel et essentiel » dans le processus d'orientation des élèves. D'autant plus que leurs attentes construites en fonction de certaines informations, représentations et stéréotypes relatifs aux résultats scolaires, au sexe de l'élève, à la catégorie sociale associée à la réussite ou à l'échec... sont aussi déterminantes (Mangard et Channouf, 2007, Pelletier, 2004).

    Par ailleurs, et en tant que conseiller en orientation, exerçant dans un district scolaire se composant de deux collèges et un lycée, nous avons souvent l'occasion de rencontrer des professeurs, de discuter avec eux des problématiques de l'orientation, des choix des élèves. Mais c'est surtout lors des conseils de classe réservés à l'orientation qu'on peut voir émerger des positions, des opinions, des croyances et des représentations à l'égard de l'orientation des élèves. Ce que nous avons pu constater lors de ces conseils, c'est que généralement les

    2

    enseignants se prononcent sur l'orientation des élèves en se basant principalement sur les notes scolaires de leurs élèves. Quand celles-ci sont en adéquation avec le choix d'orientation de l'élève (selon nos constats, l'adéquation pour les professeurs revient, à ce que les meilleurs élèves doivent suivre une filière scientifique et les faibles une filière littéraire), on lui accorde automatiquement son choix sans tenir compte d'autres informations susceptibles d'infléchir les décisions d'orientation. Quand c'est l'inverse ou quand il s'agit des élèves moyens faibles, une brève discussion peut alors avoir lieu. Quelques professeurs se trouvent obligés d'aller voir la photo de l'élève, et on peut se demander ici : comment peut-on délibérer sur le choix d'orientation d'un élève qu'on ne connaît pas ? D'autres, font ressortir des critères, des positions, des attitudes pour décider de l'orientation de l'élève, tels que : la conduite disciplinaire (on a tendance à juger défavorablement les choix de certains élèves vu leurs cas disciplinaires), l'état de santé... Mais surtout quand il s'agit d'un élève dont on connaît les parents (professeur au collège, ami d'un des professeurs présents dans le conseil), on s'attarde, souvent, sur le choix exprimé par cet élève pour veiller à ce que la décision d'orientation n'aille pas à l'encontre des attentes des parents. Nous nous retrouvons donc devant des situations où, à dossier scolaire identique des élèves peuvent être orientés différemment. N'est-il pas là un traitement inégalitaire des voeux d'orientation des élèves ? N'interviennent-ils pas là d'autres facteurs personnels, subjectifs outre que la valeur scolaire de l'élève dans les décisions d'orientation ?

    Dans le même ordre d'idées, nous avons eu l'occasion, dans le cadre d'un projet ministériel visant l'instauration d'un système efficient d'information et d'orientation au Maroc (Programme d'Urgence 2009-2012), d'assurer une formation continue sur l'orientation scolaire au profit d'une soixantaine de professeurs de collège et lycée. Lors de ces sessions de formation, nous nous sommes confronté à une résistance, un refus de la part d'un certain nombre d'enseignants. Ceux-ci, lorsqu'on leur avait demandé d'exprimer leurs attentes à l'égard de la formation, nous ont répondu qu'ils assistaient à la formation par obligation administrative et que ce domaine n'est pas le leur ; « c'est l'affaire des conseillers en orientation ! ». Nous avons été surpris d'entendre de telle déclaration. Suite aux ateliers de formation, il nous est apparu que ces enseignants ont une représentation très réductrice de la notion d'orientation et de leur rôle dans l'orientation des élèves. Nous avons eu l'occasion aussi de travailler avec une équipe ministérielle à la conception, l'élaboration et l'expérimentation d'un guide des activités d'information et de l'aide à l'orientation. Lors de l'expérimentation du dit guide dans les établissements scolaires, nous avons aussi constaté qu'un nombre important des enseignants ignore leur rôle dans le processus d'orientation des

    3

    élèves. Pourtant ils y sont partie prenante puisqu'ils doivent décider du devenir scolaire de l'élève lors des conseils d'orientation.

    Suite à tous ces constats, il nous a paru intéressant de mener une recherche auprès de ces enseignants pour identifier et analyser la façon dont ils se représentent, en général, le domaine de l'orientation et en particulier l'orientation de leurs élèves. Il serait question d'investiguer les représentations qui influencent les positions des enseignants quand ils apportent une aide à l'orientation ou quand ils sont amenés à se prononcer sur les choix d'orientation des élèves. Tel est l'objet de cette recherche qui se veut une recherche exploratoire sur la pratique enseignante en matière d'orientation scolaire sous l'angle des représentations sociales.

    Notre recherche se structure da la façon suivante : d'abord nous allons aborder le cadre problématique en explicitant, en premier lieu, l'émergence de l'objet de recherche et, en deuxième lieu, nous allons définir la problématique de la recherche. Ensuite, et pour situer le contexte de notre recherche, un aperçu sur le système d'éducation et d'orientation au Maroc sera présenté. Une troisième partie constituera notre apport théorique dont il sera question d'avancer les notions utilisées pour orienter notre démarche de recherche. Nous développerons, particulièrement, un ensemble d'aspects relatifs aux deux notions fondamentales de cette recherche en l'occurrence l'orientation scolaire et les représentations sociales. Et enfin, en dernière partie, nous exposerons l'approche méthodologique et les résultats de l'enquête du terrain.

    4

    PARTIE I : CADRE

    PROBLEMATIQUE GENERAL

    5

    Chapitre I. Émergence de l'objet de recherche :

    1.1. Rôle des représentations sociales dans les processus d'orientation des jeunes :

    D'après les conseils d'orientation auxquels nous avons assisté, nous avons constaté que les décisions d'orientation se basent principalement sur l'évaluation scolaire des élèves, en l'occurrence la note scolaire. Ceci nous a interpelé pour mener une recherche en Master 1 sur l'influence de l'évaluation, telle quelle est pratiquée à l'école, sur l'orientation des élèves. Les résultats de cette recherche nous ont permis de relever un constat premier : cette évaluation ne permet pas à tous les élèves de faire des choix d'orientation pertinents. En tenant compte de cet état de fait, nous avons envisagé de poursuivre notre recherche en Master 2 sur la même thématique mais en explorant davantage les différentes possibilités permettant l'amélioration de l'évaluation scolaire pour qu'elle soit beaucoup plus au service de l'orientation des élèves. Cependant, et après une longue réflexion, il est apparu qu'il serait judicieux de travailler sur les représentations sociales et leur influence sur les décisions d'orientation. En effet, les propositions d'orientation données par les enseignants se basent effectivement sur la note scolaire, mais elles la dépassent à un niveau beaucoup plus subjectif, notamment celui des représentations que ces enseignants ont sur le devenir de l'élève. Bien que l'intérêt porté aux représentations sociales dans le champ éducatif a commencé depuis les années soixante-dix, nous avons estimé que traiter la problématique de l'orientation sous l'angle des représentations sociales des enseignants constitue un objet de recherche à portée heuristique. Ajoutons aussi que la question de l'orientation se joue, en partie, au niveau de la relation maître-élève. Plusieurs recherches ont confirmé que les élèves, surtout au collège, considèrent le professeur comme étant l'acteur privilégié en matière d'orientation (Conseil supérieur de l'éducation, 1995). En effet, l'enseignant a un rôle central dans le développement de certaines compétences psychosociales chez les élèves, notamment les compétences à s'orienter. Dans bien des cas, il est le modèle à suivre. L'enseignant, conscient ou pas de ce rôle, pratique de l'orientation et influence, de ce fait, le choix de l'élève. Du point de vue institutionnel, l'enseignant est membre du conseil d'orientation (seule instance responsable des décisions d'orientation) où il est amené à se prononcer sur les choix d'orientation de ses élèves. En amont, l'enseignant est appelé à évaluer les performances de l'élève, et nous savons à quel point cette évaluation est décisive dans le choix de l'orientation. En effet, selon les résultats

    6

    de notre recherche en Master 1), la majorité des enseignants enquêtés1 croit que les résultats scolaires permettent de juger les capacités et les aptitudes des élèves. 63,4% parmi eux estiment que l'orientation vers le tronc commun scientifique doit se baser uniquement sur les résultats scolaires. Ils déclarent même qu'ils sont incapables de se prononcer sur les capacités de l'élève hors ses résultats scolaires. Ils signalent aussi, qu'ils se sentent influencés à des degrés différents par la perception globale qu'ils ont de l'élève lors des conseils d'orientation. Nous constatons donc, le poids des résultats scolaires sur les décisions d'orientation.

    Pour ces raisons nous avons envisagé d'explorer davantage la pratique enseignante en matière d'orientation nous intéressant à l'influence des représentations sur ces pratiques. Faudrait-il signaler aussi que très peu d'études ont pu explorer certaines facettes des représentations que les enseignants se construisent autour de la problématique de l'orientation. En effet, des chercheurs, tels Duru-Bellat (1986, 2002) Channouf (2004), Mangard et Channouf (2007), Dumora et Lannegrand (1996), Bourdieu et Passeron (1964), Baudelot et Establet (1971), Boudon (1973) ...), se sont penchés principalement sur le rôle des déterminants socioculturels, les résultats scolaires, l'appartenance socioprofessionnelle, le sexe, les stéréotypes... dans les choix d'orientation. Par ailleurs, et sans vouloir remettre en cause le rôle des enseignants dans l'orientation des élèves, il nous semble légitime de nous demander si les enseignants eux-mêmes sont en mesure d'identifier le profil de l'élève susceptible de suivre avec succès sa scolarisation dans une filière donnée. D'autant plus que les enseignants au collège, au Maroc, n'ont jamais enseigné en secondaire qualifiant et n'ont pas suivi au préalable des formations dans le domaine de l'orientation. Comment peuvent-ils se prononcer sur l'orientation d'un élève en ignorant, ou du moins avec des informations éparses, les exigences de la poursuite des études dans une filière ou dans une autre ? Il nous semble, que dans de telle situation, l'enseignant mobilise des connaissances, des idées autour d'une filière donnée et qu'il s'est construit au travers de son histoire personnelle, des personnes rencontrées et de son contexte d'exercice. Ce processus de construction fait appel aux représentations sociales, à des théories subjectives élaborées par les enseignants pour appréhender l'objet complexe qui est dans notre cas l'orientation (Dann, Schlee et Wahl, 1982,1984 cités dans Anadon et Minier, 1996). On pourrait se demander aussi si les professeurs qui ont suivi une formation continue de deux jours dans le domaine de l'orientation ou ceux qui se sont engagés dans l'expérimentation du guide des activités de l'aide à l'orientation ont pu développer certaine position à l'égard de l'orientation. Leurs

    1 47 enseignants des matières dites de qualification pour le tronc commun scientifique (matières scientifiques et le français)

    7

    représentations dans ce domaine, sont-elles restées inchangées ? Ou bien ont-elles connu une évolution ? Sur ce point, Vergès (1997) affirme que les représentations ne se modifient que lentement, et lorsque des adultes suivent une formation de quelques jours, voire de quelques semaines, ces représentations se complexifient et peuvent ne pas changer.

    Certes, les enseignants peuvent avoir des attentes différenciées envers leurs élèves selon leur sexe, leur environnement socioculturel, l'appartenance socioprofessionnelle de leurs parents, leurs résultats scolaires... Ceci peut engendrer une pratique professionnelle différenciée touchant, au sein des établissements scolaires, les différents aspects de l'action éducative y compris les décisions d'orientation :

    [...les enseignants ayant tendance à soutenir davantage les demandes plus ambitieuses des jeunes de milieu favorisé, même avec un niveau de réussite moyen, alors que la prudence domine face aux choix des jeunes de milieu plus populaire [...] les attentes sont fondées sur les représentations, nécessairement stéréotypées comme toute représentation, de l'élève idéal, des élèves censés réussir ou échouer et donc, sur toute une théorie explicative implicite de l'échec scolaire, probablement étayée par la vulgarisation des travaux sociologiques eux-mêmes.] (Duru-Bellat, 2003, p. 57).

    1.2. Entrée épistémologique : l'orientation en tant qu'objet social

    La problématique de l'orientation se situe, en général, à l'intersection de trois dynamiques : la dynamique du monde socio-économique, la dynamique du développement personnel de l'individu et la dynamique des parcours de formation (Pelletier et Dumora, 1984). Il est donc impératif, pour qu'un individu, en situation d'orientation/transition, fasse un choix pertinent, d'avoir la capacité de se positionner par rapport à ces trois dynamiques. Cette capacité nécessite, d'une part, que l'individu développe des stratégies de collecte d'informations, de prise de décision et d'élaboration d'un plan d'action, et d'autre part, qu'il lui soit possible d'accéder à des services/prestations de conseil, d'aide à l'orientation et d'accompagnement tout au long de sa vie. La complexité dans cette démarche réside dans l'articulation entre ses aspirations/aptitudes et les possibilités existantes de l'insertion sociale et professionnelle (Guichard, 2008). L'orientation relève donc d'enjeux divers, d'autant plus que les attentes vis-à-vis de l'orientation sont nombreuses et variées en fonction des centres d'intérêt des acteurs en question (politiques, économiques, enseignants, élèves, parents d'élèves...). Le marché du travail, avec son évolution qui fait la règle et sa stabilité qui fait l'exception, constitue aussi

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    un énorme défi devant l'orientation des élèves. Aujourd'hui, il n'est pas aussi simple pour un jeune de se projeter dans l'avenir pour en démêler la carrière professionnelle qui lui soit destinée.

    Au niveau plus proche de l'élève à savoir celui du contexte scolaire, les choix d'orientation relèvent de quatre acteurs principaux : l'institution scolaire, les professeurs, les parents et l'élève. Ces acteurs interagissent entre eux dans une sorte de négociation qui se termine par une décision d'orientation. Celle-ci peut satisfaire ou non la demande de l'élève. Ces interactions font surgir des représentations sociales que chaque acteur élabore sur soi, sur l'autre et sur la situation (Abric, 1987 cité par Anadon et Minier, 1996). Ainsi les parents ont des représentations du devenir scolaire de leur enfant qui peuvent différer de celles de l'enfant lui-même et de celles de ses enseignants. Ces derniers ont tendance à élaborer des représentations sociales qui légitiment leurs pratiques professionnelles (Gilly, 1988), voire anticipent leurs conduites (Abric, 1987, Ibidem). La part des représentations sociales est donc grande dans les choix d'orientation.

    Etant donné que « l'orientation est déclarée partie intégrante du processus d'éducation et de formation... » (Levier 6, article 99, Charte nationale de l'éducation et de formation, 1999), y a-t-il donc des recherches qui se sont intéressées aux représentations sociales dans les systèmes éducatifs ? Car comme l'ont souligné Roussiau et Bonardi (2001) c'est en « regardant la forêt que l'on pourra se faire une meilleure idée de l'arbre, en conservant visibles toutes les alternatives, que l'on pourra former le projet d'en apprendre davantage sur la pensée sociale telle qu'elle se formalise à travers les représentations sociales. » (P. 226). En réponse à cette question, Gilly (1989) nous rapporte qu'avant les années quatre vingt-dix peu de travaux comme ceux de Mollo (1970, 1986) ou Siano (1985) qui se sont intéressés à l'étude des représentations sociales au sein de l'école. Pour lui, les auteurs abordaient les représentations sociales généralement sous certaines manifestations (attitudes, stéréotypes...) ou bien elles sont évoquées en tant que facteurs expliquant des résultats portant sur des faits qui n'ont pas en eux-mêmes, statut de représentation sociale. Mais depuis, il est devenu courant de s'intéresser aux représentations sociales dans l'éducation (Baillauques, 1996). L'école, en tant qu'espace d'interactions sociales entre différents acteurs (élèves, enseignants, parents, agents éducatifs...), « est un objet de prédilection pour les représentations sociales» (Garnier et Rouquette, 2000, p.VII cités par Fontaine, 2007). Des auteurs ont étudié par exemple les représentations sociales dans le champ de la didactique des disciplines (Triby, 1992; Beitone et Legardez, 1997; Legardez, 2001, 2002 ; Simonneaux, 2004 cités dans

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    Legardez, 2004), des décisions de planification de cours (Charleir, 1989; Roy, 1991 cités dans Bousquet, 2003), de la formation (Baillauques, 1996), de l'échec scolaire (Emprin et Jourdain, 2010; Gosling, 1990 cités par Bousquet, 2003)... D'autres se sont intéressés à l'étude d'une classe particulière des représentations sociales en l'occurrence les représentations professionnelles des enseignants (Blin, 1997).

    Par ailleurs, Gilly (1989) insiste sur l'intérêt de la notion des représentations sociales pour comprendre les faits de l'éducation et ce, parce qu'elle « oriente l'attention sur le rôle d'ensembles organisés de significations sociales dans le processus éducatif. » (p. 382). De leur part Deschamps et al., (1982) cités par Gilly (1989), soulignent que les représentations sociales permettent, d'une part, l'explication de mécanismes par lesquels des facteurs proprement sociaux agissent sur le processus éducatif et en influencent les résultats, et d'autre part, elles favorisent les articulations entre psychosociologie et sociologie de l'éducation. Le contexte scolaire est investi par différents acteurs de différents niveaux (les politiciens, les gestionnaires, les agents, les usagers) que chacun apporte un discours, une vision sur le quotidien de l'école. De ce fait, il est un champ d'interaction sociale par excellence favorisant la construction des représentations sociales. Il est aussi « un champ privilégié pour voir comment se construisent ; évoluent et se transforment des représentations sociales au sein des groupes sociaux, et nous éclairera sur le rôle de ces constructions dans les rapports de ces groupes à l'objet de leur représentation ». (Ibid. p.348). Dans un entretien mené par Bataille (2000), Moscovici caractérise la question des représentations sociales dans l'éducation de « tautologique ». Pour lui, l'éducation est diffusion de connaissances qui sont en général des représentations sociales ou du moins des connaissances saisies à travers des représentations sociales.

    Etant donné que l'orientation est une composante du système éducatif, elle est donc sujette à des représentations sociales. D'autant plus que son caractère problématique (décrit ci-dessus) où se mêle ce qui est psychologique, sociologique, culturel, économique et politique, lui confère le statut d'un objet social complexe. Un objet qui se prête bien au cadre des représentations sociales car celles-ci constituent des formes «de connaissance, socialement élaborée et partagée, ayant une visée pratique et concourant à la construction d'une réalité commune à un ensemble social » (Jodelet, 1989, p. 36). Selon Jodelet (1984) cité par Nehme (2009), la théorie des représentations sociales «devrait permettre d'unifier l'approche de toute une série de problèmes situés à la croisée de la psychologie et des autres sciences sociales » (p. 378). Cette théorie, que nous allons présenter dans le cadre théorique de ce mémoire, nous

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    permettra donc de mieux appréhender les enjeux de l'orientation, de mieux cerner les différents discours, les différents points de vue entourant cette notion et les pratiques professionnelles qu'elle suscite. De plus, les pratiques professionnelles sont liées aux représentations sociales de par la capacité de celles-ci d'engendrer (Rocher, 2000), de guider (Rouquette, 2000) et de prédire des conduites individuelles et collectives. Bref, les représentations sociales «offrent des repères pour l'action » (Rouquette, 2000, p. 18). En revanche, cette relation doit être nuancée, car il peut y exister des différences entre les représentations et les pratiques sociales (Moliner, Rateau, Cohen-Scali, 2002). Généralement, les résultats des recherches menées sur cette thématique sont inférés à partir des pratiques rapportées et non pas des pratiques effectives (Abric, 1994).

    Nous avons passé en revue un certain nombre de recherches réalisées en contexte éducatif y compris notre recherche exploratoire de Master 1 en sciences de l'éducation et ce, dans l'entreprise de poser un ensemble de bases nous permettant d'apprécier la pertinence de notre objet de recherche. Un objet qui se prête, nous semble-t-il, parfaitement à la théorie des représentations sociales. Cela étant, notre problématique de recherche, que nous allons exposer par la suite, s'inscrit dans un cadre plus global à savoir celui des inégalités sociales face aux systèmes scolaires.

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    Chapitre II. Problématique de la recherche :

    Depuis plus de trois décennies, les chercheurs n'ont cessé d'interroger le fonctionnement inégalitaire des systèmes éducatifs. Pour ce faire, « ouvrir la boîte noire » (Haech, 1990) constitue la solution sine qua non permettant de saisir, d'appréhender le système éducatif par rapport à ses différents enjeux sociaux, culturels, politiques et économiques. La boîte noire n'est autre que l'école ou la classe. Cette boîte noire constitue un champ de recherche intéressant bon nombre de chercheurs soucieux de la problématique d'inégalités de chance face à l'école. Une problématique qui reste inscrite à l'ordre du jour dans les politiques éducatives. Les chercheurs ont souvent une tendance d'aborder cette problématique « in vivo au coeur même de l'enceinte scolaire » (Ibid., p. 151). Bien que les systèmes scolaires soient démocratisés en grande partie, dans les pays industrialisés et dans une moindre mesure dans les pays en voie de développement (notamment le Maroc), ce qui a atténué considérablement les inégalités sociales en matière d'accès à l'éducation (inégalité d'ordre quantitatif), nous assistons toujours à une certaine inégalité de nature différente ; inégalité des parcours (inégalité d'ordre qualitatif) car « Il ne suffit donc pas de fréquenter l'école pour éliminer les inégalités scolaires : il faut aussi s'assurer que les chances de réussite ne sont pas biaisées par l'origine sociale ». (Orivel en préfaçant le document produit par Duru-Bellat, 2003, p.12). Pour Duru-Bellat (2002), deux mécanismes expliquent ces inégalités sociales de parcours scolaires. Le premier concerne l'inégalité de réussite qui débute dès le primaire et continue, en s'accumulant, tout au long de la scolarité. Quant au deuxième qui vient accentuer les effets du premier, il correspond aux inégalités de choix scolaires qui surgissent à chaque palier d'orientation (à possibilités équivalentes des élèves peuvent s'orienter différemment).

    Dans un article publié dans l'« Observatoire des inégalités » 2 en novembre 2008, Duru-Bellat réaffirme que dans les inégalités sociales de carrières scolaires3, les inégalités de choix et d'orientation pèsent autant que les inégalités de réussite. Elle observe que des élèves, à réussite scolaire identique, connaissent des destinées scolaires très divergentes. Plus récemment encore, Caille (2005) a mis en évidence qu'avec une moyenne comprise entre 10 et 12 sur 20 en contrôle continu du brevet, presque tous les enfants des cadres demandent une orientation vers la seconde générale et technologique. Par contre, ce choix d'orientation ne

    2 http://www.inegalites.fr/spip.php?article955&id_mot=31 consulté le 30/07/2012

    3 A ce sujet Duru-Bellat, Jarrousse et Mingat (1993) ont observé « un continuum entre les enfants d'ouvriers (qui accèdent à un second cycle long à hauteur de 31,9%) et de cadres supérieurs (pour lesquels le chiffre correspondant est de 86,8%) » (p. 48)

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    concerne que les trois quarts des enfants des employés et les deux tiers des enfants d'ouvriers. Il s'agit là d'une orientation nettement différenciées socialement. Pour Duru-Bellat (2008), si la méritocratie est respectée, seule la valeur scolaire (réussite académique) décidera de l'avenir scolaire des élèves. En d'autres termes, si deux élèves ont le même niveau scolaire ils devront avoir la même destinée scolaire. Mais la réalité semble différente. On voit bien ici l'enjeu de l'orientation dans les inégalités sociales face à l'école.

    Sur cette thématique, les travaux de Duru-Bellat se rapportent principalement au contexte européen. Dans le document produit pour l'UNESCO en 2003, elle affirme que les conclusions auxquelles elle a abouti ne peuvent pas être transférables dans d'autres contextes très différents du point de vue culturel et économique. Pour soutenir ses affirmations, elle s'appuie, entre autres, sur les travaux de Heyneman et Loxley (1983). Ces deux chercheurs ont montré que certaines variables, telle que l'origine sociale, expliquant l'inégalité sociale face à l'école dans les pays industrialisés, n'ont pas le même pouvoir explicatif dans les pays en voie de développement. D'autres variables doivent être mises en avant pour expliquer ces inégalités, notamment les ressources matérielles destinées à l'enseignement. Néanmoins, Duru-bellat, souligne que les constats et les analyses réalisés dans le contexte européen ne sont pas sans valeur au-delà de leur contexte, notamment en ce qui concerne les choix de filière. A cet endroit, Duru-Bellat observe que dans de nombreux pays « chaque fois que des choix de filières ou d'orientation se présentent, qu'à niveau scolaire comparable, les enfants de milieu populaire visent moins haut (notamment quand ils sont de niveau scolaire médiocre), ou se rallient plus volontiers aux conseils, par ailleurs plus prudents, de leurs enseignants. » (Idem, p. 27). Dans le même document, elle estime qu'il est impératif pour saisir les inégalités sociales face à l'école de commencer par la détermination des différents milieux sociaux qui l'entourent puis d'aller fouiller en profondeur le fonctionnement de la famille, de l'école et de ses classes. Pour Heyneman et Loxley (1983) cités par Duru-Bellat (2003), les inégalités de la réussite scolaire, dans les pays en voie de développement, s'expliquent beaucoup plus par les facteurs scolaires que les facteurs familiaux.

    C'est dans ce sens, et étant donné que le Maroc est un pays en voie de développement, que nous envisageons, dans le cadre de ce mémoire, d'aborder les inégalités face à l'école et plus particulièrement les inégalités face à l'orientation ayant un lien avec les facteurs scolaires. Notre propos est que ces inégalités, au-delà de leur genèse en contexte familial et social, se présente avec acuité dans le fonctionnement même du système éducatif et de ses différentes composantes. L'orientation en est une de ces composantes qui semble incarner une part

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    importante des inégalités face à l'école. Des inégalités irréparables puisqu'elles touchent d'une manière irréversible l'avenir scolaire et professionnel des élèves.

    A ce sujet, Duru-Bellat (1986) constate que l'orientation telle qu'elle fonctionne est sujette à beaucoup d'interrogations « sur le bien fondé de décisions, aussi lourdes de conséquences pour les élèves, porteuses d'inégalités sociales spécifiques, assises sur des critères aussi incertains » (p. 24). Pour en être convaincu, il suffit de remarquer, comme on l'avait constaté au départ, que l'orientation se base principalement sur des évaluations le moins que l'on puisse dire est qu'elles sont faites à des fins autres que celles d'orientation.

    Par ailleurs, plusieurs travaux, notamment (Dumora et Lannegrand, 1996, Channouf, Mangard, Baudry et Perney, 2005, Mangard et Channouf, 2007), ont souligné l'existence des biais sociaux (généralement des stéréotypes) affectant le jugement professoral lors de décisions d'orientation des élèves. D'autres expériences4, telles que celles de Bodenhausen et Lichtenstein datant de 1987, appuient ce constat en démontrant que lorsque le juge (le professeur) est amené à effectuer une tâche complexe (par exemple la prédiction de la réussite scolaire de l'élève) des stéréotypes affectent son jugement même en présence d'informations individuelles (dossier scolaire de l'élève), ce qui n'est pas le cas quand il s'agit d'évaluer les acquis disciplinaires de ses élèves (tâche simple). Les stéréotypes, ici, permettent au professeur de simplifier la tâche relative à l'inférence du devenir scolaire et professionnel de l'élève. Ils jouent ainsi le rôle de principes centraux d'organisation conduisant le professeur à retenir les informations conformes aux stéréotypes en jeu et négliger les informations non conformes. Ceci constitue un biais affectant ses jugements. Merle (1998) cité par Annette Jarlégan et Youssef Tazouti (2007) confirme lui aussi l'effet produit par les stéréotypes sur le jugement des professeurs. Il avance que lorsque les professeurs sont amenés à juger leurs élèves, ils retiennent inconsciemment des informations caractérisant leurs élèves telles que le sexe, l'origine sociale ou le retard scolaire. En effet, plusieurs recherches ont vérifié que la classe sociale influence le jugement des professeurs ; plus elle est favorisée plus les jugements sont favorables, à performance scolaire comparable des élèves. Le genre aussi influence le jugement des professeurs ; Duru-Bellat et Jarlégan, (2001) cités dans Jarlégan et Tazouti (2007) affirment que les professeurs ont des différenciations sexuées concernant les performances des filles et des garçons dans certaines disciplines : les mathématiques pour les garçons (et c'est dû à leur talent et quand des filles excellent dans cette matière c'est plutôt dû à leur travail) et le français pour les filles.

    4 http://www.psychologie-sociale.com/index.php?option=com_content&task=view&id=127&Itemid=83 consulté le 01/08/2012

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    Globalement, les stéréotypes relatifs aux classes sociales, au genre, au retard scolaire, à l'espace géographique... affectent d'une manière ou d'une autre le jugement professoral émis à l'égard des élèves et surtout lors des décisions d'orientation. C'est ce qui ressort d'un ensemble de recherches, y compris celles citées ci-dessus, menées dans les pays industrialisés et qui n'étudient les biais sociaux liés aux décisions d'orientation qu'à travers les effets présumés des stéréotypes. Or ces mêmes stéréotypes sont des éléments parmi d'autres constituant les représentations sociales (pour Moscovici (1976), le contenu d'une représentation sociale est constitué de trois types d'éléments ; les opinions, les attitudes et les stéréotypes) qui, « en tant que systèmes d'interprétation régissant notre relation au monde et aux autres, orientent et organisent les conduites et les communications sociales» (Jodelet, 1989, p.53). Suite à cela, il nous paraît judicieux d'appréhender la pratique enseignante en matière d'orientation sous l'angle des représentations sociales.

    Nous nous demandons donc, dans un contexte différent que celui de l'Europe en l'occurrence le contexte marocain, quelles seraient les caractéristiques des représentations sociales, que se font les enseignants à l'égard de l'orientation de leurs élèves ?

    Pour répondre à cette question centrale de notre recherche, d'autres questions secondaires doivent aussi faire l'objet d'une investigation particulière :

    > Comment les enseignants se représentent-ils la notion de l'orientation scolaire ?

    > Pensent-ils qu'ils ont un rôle à jouer dans l'orientation scolaire de leurs élèves ? Et comment ce rôle se décline au niveau de leur pratique professionnelle?

    > Comment se représentent-ils les différentes filières scolaires après la troisième collégiale ?

    > Quelles sont les critères/indices que les enseignants ont tendance à utiliser pour se prononcer sur l'orientation de tel ou tel élève ?

    Notre objectif opérationnel est donc de déterminer les éléments constitutifs de ces représentations et leurs structures. En d'autres termes, ce qui y fait consensus, ce qui y est stable, collectif, individuel, ce qui y est le noyau central, et ce qui y est périphérique.

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    Intérêts de la recherche :

    Etudier les notions de représentations sociales et d'orientation nous place de facto dans le cadre des études interdisciplinaires. Des études qui se rapportent à la psychologie, à la sociologie et à la psychologie sociale. Ceci constituera, pour nous, une occasion d'élargir notre champ de connaissances en sciences sociales.

    Par ailleurs, notre recherche s'insère dans le cadre de l'exploration des pistes permettant de réduire les inégalités sociales face à l'orientation et ce, à travers la mise en exergue et en suite la réduction des biais sociaux lors des décisions d'orientation en conseil de classe. De ce fait, nous estimons que notre recherche apportera sa petite pierre à l'édifice concernant les problématiques théoriques autour de ce sujet.

    Plus pratiquement encore, notre étude permettra d'éclairer les processus mis en oeuvre par les enseignants dans leurs pratiques d'orientation. Ce qui constituera une première étape pour l'amélioration et l'optimisation des décisions d'orientation et par la suite veiller à une meilleurs justice scolaire et sociale.

    Nous aurons aussi l'occasion, en tant que professionnel de l'orientation, de saisir les résultats de cette recherche et de les partager avec les enseignants pour les sensibiliser sur leur rôle prépondérant dans l'orientation de leurs élèves. Leur faire prendre conscience des facteurs qui agissent à leur insu lors des décisions d'orientation.

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    PARTIE II : CONTEXTE DE LA

    RECHERCHE

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    Chapitre I. Aperçu sur le système d'éducation au Maroc

    1.1. Evolution historique du système éducatif :

    Partant d'un rapport analysant l'éducation au Maroc, publié par l'UNESCO en 2010, nous pouvons relever que le système éducatif marocain a connu une évolution qui s'est influencée, à des périodes différentes, par la situation politique et économique qui régnait dans le pays :

    La période coloniale (1912-1956) et son faible héritage de l'éducation :

    Outre son caractère ségrégatif, le système éducatif hérité de la période coloniale française et espagnole avait marginalisé l'enseignement musulman traditionnel et avait laissé, en 1956, un taux d'analphabétisme des adultes estimé à 82% avec un faible accès à l'éducation de base (environ 187 000 élèves étaient inscrits dans les écoles coloniales, 23 000 dans les écoles « libres » nationalistes, et 2 500 dans les institutions traditionnelles d'éducation).

    Elargissement de l'accès (1960/1970) :

    Après l'indépendance (1956), la politique éducative du pays avait accordé une importance première à la généralisation de l'enseignement primaire. Ainsi, sur une période de dix années, le taux d'accès à l'enseignement primaire est passé de 18% à 53%. C'est après cette décennie qu'on a commencé à s'intéresser à l'enseignement secondaire. De même, l'enseignement privé a été encouragé dans un but d'alléger les dépenses publiques. On signale aussi qu'à cette époque l'enseignement marocain était un tremplin pour tout un chacun souhaitant une ascension sociale. On peut dire qu'à cette période, le Maroc s'est frayé son chemin vers la modernité et la cohésion nationale.

    La déscolarisation des années 1980 :

    La crise de 1980 associée aux changements économiques à l'échelle mondiale avait contraint les autorités marocaines d'adopter des politiques d'ajustement structurel. Ces politiques se sont répercutées sur les performances du système éducatif marocain réalisées jusqu'à l'heure. Bien que le taux d'accès continu d'augmenter dans l'enseignement secondaire, l'enseignement primaire, quant à lui, a connu une régression importante surtout au niveau de la scolarisation en monde rurale.

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    La quasi généralisation du primaire depuis 1997 :

    Cette situation de régression n'a duré qu'une seule décennie. Et c'est grâce à la relance économique des années 90 que le taux de scolarisation au primaire a commencé de grimper à nouveau, d'autant plus qu'un gouvernement socialiste vient d'être établit en 1997. Ce dernier avait fixé l'objectif, qualifié d'historique, de la généralisation de l'enseignement primaire et la réduction des disparités entre les régions et les sexes. Cet objectif est actuellement totalement atteint.

    La crise de la qualité de l'éducation :

    Après avoir réalisé des progrès importants en matière de généralisation de la scolarité, les autorités marocaines ont changé de perspective passant d'une préoccupation d'ordre quantitative à une autre d'ordre qualitative. En effet, des taux élevés d'abandons et de redoublements, touchant presque tous les niveaux de scolarisation, continuent d'être enregistrés. De surcroît, le système scolaire actuel souffre d'une faiblesse en matière des acquis scolaires et une inadéquation entre les outputs du système et les besoins du marché du travail. Il s'agit, en fait, d'une crise de la qualité de l'éducation qui continue de peser sur les politiques éducatives dans le pays.

    La Charte Nationale de l'Education et de la Formation (2000) :

    C'est en 1999 que la Commission Spéciale d'Education et de Formation (COSEF) a pu établir un diagnostic alarmant de la crise de l'éducation au Maroc. Suite à cela, le Maroc avait lancé une profonde réforme de son système éducatif. Une réforme qui a trouvé appui sur une Charte Nationale de l'Education et de la Formation (CNEF) articulant une nouvelle vision à l'horizon 2020. On commençait alors à sentir des améliorations sur plusieurs niveaux : la disparité relative au genre et au milieu de résidence, des curricula, gestion du système...

    La réforme de l'enseignement supérieur :

    La réforme lancée en 2000 ne se limitait pas l'enseignement scolaire, l'enseignement supérieur a connu lui aussi une réforme. On assistait alors à la mise en place du système Licence-Master-Doctorat (LMD).

    Le Plan d'Urgence (2009-2012) :

    Après une décennie de réforme lancée à la suite de la CNEF, le système éducatif marocain continue d'afficher de faibles indices de scolarité sur tous les niveaux. Ceci avait

    19

    alerté les responsables et les avait poussé vers le lancement d'un Plan d'Urgence (P.U) pour la période 2009-2012. Ce plan avait pour objectif de donner un nouveau souffle à la réforme entamée. Sous le gouvernement actuellement en place, on affiche une fois de plus l'échec de la majorité des projets lancés dans le cadre du P.U. Un autre plan d'action étalé sur la période 2012-2015 est lancé dans une tentative d'opérer les réajustements nécessaires afin d'améliorer le rendement du système éducatif (c'est en quelque sorte, un second souffle de la réforme éducative).

    Retenons donc, comme nous l'avons signalé au départ, que les politiques éducatives, à chaque moment de l'histoire du Maroc, ne semblent pas avoir été fondées sur une réflexion scientifique et méthodologique permettant d'assoir un système éducatif sur des bases solides. Ces politiques, sembleraient, plutôt tributaires des conjonctures économiques et sociales traversant le pays.

    1.2. Structure du système éducatif marocain :

    Le système éducatif marocain se répartie en cinq sous-systèmes qui peuvent relever, selon les décisions politiques, d'un ou de plusieurs ministères :

    - le sous-système scolaire comportant le préscolaire, le primaire, le secondaire et le post-secondaire relevant du Ministère de l'Education Nationale ;

    - le sous-système d'enseignement supérieur de la formation des cadres et de la recherche scientifique relevant du Ministère de l'Enseignement Supérieur ;

    - le sous-système de l'alphabétisation et d'éducation non formelle relevant du Ministère de l'Education Nationale ;

    -Le sous-système de la formation professionnelle relevant du Ministère de l'Emploi et de la Formation Professionnelle;

    -le sous système d'enseignement originel relevant du Ministère des Habous et des Affaires Islamiques.

    Suite à la réforme engagée en 2000, résultat de la Charte Nationale d'Education et de Formation, le système éducatif s'est vu doté des structures éducatives décentralisées et déconcentrées dont en particulier les Académies Régionales d'Education et de Formation et les conseils des universités qui disposent d'une certaine autonomie administrative et financière.

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    Le système éducatif marocain est en grande partie public. Selon un rapport du Conseil Supérieur de l'Enseignement (CSE) publié en 2008, seulement 7% de l'offre éducatif relève du secteur privé.

    1.3. Architecture du système scolaire au Maroc :

    Figure n° :1

    Source : Conseil Supérieur de l'Enseignement. Rapport Annuel

    21

    Chapitre II. Le système d'orientation scolaire et

    professionnelle au Maroc:

    2.1. Le processus d'orientation scolaire et professionnelle:

    Pour expliquer brièvement le processus d'orientation scolaire et professionnelle dans le contexte marocain, nous allons nous référer à la Charte Nationale d'Education et de Formation.

    La Charte a consacré le levier 6 à la question de l'orientation. Ce levier est intitulé « Orientation éducative et professionnelle » (de l'article 99 à l'article 103). L'article 99 dispose que « l'orientation est déclarée partie intégrante du processus d'éducation et de formation » ; c'est-à-dire que l'orientation n'est plus considérée comme une entité isolée, mais plutôt comme une entité faisant partie d'un processus qui est celui d'éducation et de formation. Selon cet article, le Maroc adopte une approche éducative de l'orientation scolaire et professionnelle des élèves. L'orientation est conçue donc, dans le dessein d'accompagner et de faciliter la maturation vocationnelle des individus ; c'est-à-dire la maturation des choix éducatifs en premier lieu, mais surtout celle des choix professionnels des apprenants. Quant à l'article 100, il asserte que la progression des apprenants dans les divers cycles éducatifs ne dépend plus des quotas, ni des seuils moyens de passage, mais uniquement de leur mérite, de leurs choix éducatifs et professionnels. Ces derniers sont évalués et arrêtés non seulement par le conseiller en orientation mais par celui-ci en concertation avec les professeurs et les parents (ou tuteurs) de ces apprenants, si ces derniers sont des mineurs. De même, la porte de la réorientation est ouverte à tout apprenant éprouvant le besoin de changer de filière ou de section.

    2.2. Organisation des services d'orientation :

    Pour accompagner les réformes lancées dans le système éducatif en général et le système d'orientation en particulier, le ministère de l'éducation nationale avait lancé, dans le cadre du Plan d'Urgence (2009-2012), un projet (E3P7) visant la mise en place d'un système d'information et d'orientation efficient. Quatre mesures ont été alors prises :

    - Mise à disposition de l'information au profit des bénéficiaires ; - Développement de l'orientation active ;

    - Mobilisation des parties prenantes auteur de l'orientation ;

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    - Renforcement des ressources humaines quantitativement et qualitativement.

    En 2010, une note ministérielle5 avait organisé les structures de service de l'orientation éducative selon trois niveaux :

    2.2.1. Au niveau des districts scolaires de l'orientation :

    Un district scolaire est composé généralement d'au moins deux établissements de l'enseignement secondaire (lycée ou collège). Les conseillers d'orientation affectés dans les districts sont censés aider les élèves et les conseils de classes à prendre des décisions objectives en matière d'orientation éducative et professionnelle. Ainsi, ladite note a chargé les conseillers d'orientation d'un certain nombre de tâches. Citons entre autres :

    · Aider l'apprenant à mieux se connaître;

    · Assurer l'information complète et pertinente des apprenants et de leurs parents sur les possibilités d'études et de travail ;

    · Mener des activités permettant aux apprenants la formulation de leurs choix d'orientation et l'élaboration de leurs projets professionnels ;

    · Participer à l'évaluation des aptitudes et des difficultés d'apprentissage des apprenants ;

    · Conseiller les actions d'appui pédagogique nécessaires;

    · Etudier et exploiter le dossier scolaire de l'apprenant ;

    · Participer aux différents conseils de l'établissement à l'exception des conseils d'enseignement ;

    · Participer à la coordination des interventions, en matière d'aide à l'orientation, menées par les différents acteurs éducatifs.

    2.2.2. Au niveau provincial :

    Pour permettre à toute la population de bénéficier des services d'orientation, le département de l'enseignement scolaire a crée des centres provinciaux d'information et d'aide à l'orientation (CPIAO) auprès des délégations du ministère de l'éducation nationale. Ces centres ont pour mission de :

    · Diffuser l'information sur l'enseignement préscolaire, primaire et secondaire ainsi ses débouchées professionnelles et universitaires au Maroc et à l'étranger.

    5 Note cadre numéro 17 organisant le domaine de l'orientation éducative, ministère de l'éducation nationale, 2010.

    ·

    23

    Fournir le conseil et l'information aux visiteurs de ces centres et mener des entretiens individuels avec les jeunes porteurs de projets personnels ;

    · Contribuer à l'orientation et à l'évaluation pédagogiques ;

    · Coordonner avec les départements de l'enseignement supérieur et de la formation professionnelle pour réaliser des actions communes en matière d'orientation ;

    · Organiser et animer des forums des métiers et des rencontres d'information et d'aide à l'orientation ;

    · Réaliser des études et enquêtes en la matière ;

    2.2.3. Au niveau régional :

    En plus des missions assignées au CPIAO, les centres régionaux d'information et d'aide à l'orientation(CRIAO) implantés au niveau régional, s'occupent de :

    - la coordination entre les CPIAO relevant de la région ;

    - l'investigation relative aux études, formations et métiers ;

    - production des documents de référence et des supports d'information sur les études,

    les formations et les métiers ;

    - distribution de ces documents et supports sur l'ensemble des CPIAO et des districts

    scolaires d'orientation de la région ;

    Pour assurer la coordination, la planification, l'encadrement, le suivi et l'évaluation des structures de service, le système d'orientation marocain est doté de deux autres structures. Une pour l'encadrement et l'autre administrative. Ces deux structures oeuvrent à différents niveaux (provincial, régional, central).

    24

    2.3. Procédure administrative d'orientation:

    Au Maroc l'orientation scolaire des élèves intervient dans trois paliers différents ; à la fin de la troisième année du secondaire collégial, en tronc commun et en première année du Baccalauréat. Le palier de la troisième année constitue l'étape la plus importante dans le cheminement scolaire des élèves. Les filières scolaires après la troisième collégiale ainsi que leurs exigences en matière des acquis disciplinaires et caractéristiques personnelles se présentent comme suit :

    Tableau n° 1 : Les filières scolaires après la troisième collégiale

    Les filières de l'enseignement secondaire qualifiant

    La 1ère année

    Le cycle des troncs communs

    Enseignement Originel

     
     
     

    2ème et 3ème années

    Le cycle de Baccalauréat
    Les filières

    Enseignement Originel

     
     
     
     
     
     
     
     

    Source : Secrétariat d'Etat à l'Enseignement Scolaire (SEES), 2007.

    Tableau n° 2 : Disciplines qualifiantes et caractéristiques personnelles pour intégrer les troncs communs

    Tronc commun

    Disciplines qualifiantes

    Caractéristiques personnelles

    Lettres et Sciences
    Humaines

    Langue arabe Langue française Education islamique HistoireetGéographie

    Intérêt pour la littérature et les sciences humaines, capacité d'expression écrite et orale, capacité d'analyse, esprit critique, intérêt pour la lecture, intérêt pour l'art, la poésie, les romans, le théâtre, le cinéma,

    Tronc commun
    Scientifique

    Mathématiques Sciences physiques Sciences naturelles Langue française

    Intérêt pour l'exploration et la recherche scientifique, capacité d'observation, capacité de réalisation des diagrammes et des courbes, esprit d'analyse et de raisonnement scientifique, intérêt pour l'expérimentation,

    Tronc commun
    Technologique

    Mathématiques Sciences physiques Langue française

    Intérêt pour le travail manuel, bonnes conditions physiques, esprit d'organisation, de gestion, capacité d'observation, d'analyse, de raisonnement scientifique, esprit entrepreneurial, caractère social, compréhension et analyse des données économiques,

    Enseignement Originel

    Langue arabe

    Education islamique HistoireetGéographie

    Prédisposition à étudier les disciplines islamiques, capacité d'apprendre le coran, le hadith...

     

    25

    Source : Guide d'orientation, centre régional d'information et d'aide à l'orientation, Rabat, 2013.

    26

    À l'issue du cursus collégial, l'orientation consiste à répartir les élèves, en référence à des taux et des procédures d'orientation fixés par l'État et fondés généralement sur la seule performance scolaire traduite par la notation. La note ministérielle 90/2007, distingue en plus de l'orientation vers les troncs communs présentés ci-dessus, deux autres opérations de l'orientation. Il s'agit de :

    - la réorientation dans l'enseignement secondaire qualifiant.

    - l'orientation et la réorientation vers la formation professionnelle.

    Pour accomplir ces différentes opérations d'orientation la note (Ibid) prévoit deux phases

    d'orientation :

    - la préparation à l'orientation avec son volet information, éducation à l'orientation : les élèves bénéficient des séances d'informations collectives et/ou individuelles dispensées par un conseiller en orientation et ce, dès la première année collégiale. En début du mois de Mars, les élèves de la troisième année collégiale doivent remplir leurs fiches de voeux en choisissant entre le tronc commun scientifique, littéraire, technologique, enseignement originel ou bien en optant pour une formation professionnelle.

    - l'affectation proprement dite dans un établissement et à une spécialité selon les voeux des élèves et de leurs familles et les capacités d'accueil du système. La tâche d'affectation est conférée au conseil d'orientation de chaque établissement qui se réunit à la fin de l'année scolaire pour l'orientation et au début de l'année pour la réorientation. Il se constitue des membres suivants :

    · le chef de l'établissement comme chef du conseil

    · les surveillants généraux.

    · le conseiller en orientation

    · les professeurs de la classe en question.

    · un représentant de l'association des parents d'élèves de l'établissement.

    Pour prendre des décisions d'orientation à l'égard des élèves, le conseil d'orientation retient les critères suivants :

    · le choix de l'élève exprimé sur la fiche des voeux.

    · les capacités de l'élève, ses qualifications et ses résultats scolaires.

    · les résultats des commissions de présélection pour les choix d'orientation à places limitées (orientation vers le tronc commun technologique et originel).

    · L'avis du conseiller en orientation.

    · L'avis des autres membres du conseil.

    · 27

    La capacité d'accueil des établissements scolaires.

    Normalement ce conseil doit jouer le rôle le plus important dans l'orientation de l'élève, étant donné qu'il regroupe des personnes qui connaissent mieux l'élève, ses aptitudes, ses aspirations, bref plus ou moins son profil.

    2.4. Les acteurs de l'orientation scolaire:

    La note ministérielle n°17 de 2010 du Ministère de l'Education Nationale au Maroc, stipule que l'orientation des élèves est une affaire de tous. Des acteurs internes et externes à l'établissement scolaire, du monde scolaire, social et économique sont concernés par l'orientation des élèves. Ainsi ladite note désigne les acteurs suivants :

    En plus du conseiller en orientation, trois acteurs sont prioritairement impliqués dans le processus d'orientation scolaire : l'élève lui-même, le corps enseignant et l'administration. A ces trois acteurs, s'ajoutent ou se substituent parfois d'autres acteurs, les parents d'élèves, le corps d'inspection, les assistants sociaux et médicaux, les professionnels. L'implication de ces acteurs est soit liée à leur spécificité professionnelle, soit à leur intérêt dans la question de l'orientation.

    · Le conseiller en orientation est considéré, dans l'approche éducative adoptée par la Charte Nationale de l'Education et de Formation, comme le garant d'un cheminement pertinent du processus d'orientation des élèves.

    · L'élève lui-même principal acteur de son orientation. Désormais, il doit construire son orientation au lieu de la subir. A travers la prise de conscience de l'enjeu, du risque, du pari et de l'incertitude de ses choix, il devient le maître de sa décision.

    · Le corps enseignant et particulièrement l'enseignant-tuteur ou encore appelé le professeur principal dans le système éducatif français. Celui-ci est le correspondant privilégié pour permettre un suivi continu de l'élève ainsi que sa préparation à un processus d'orientation. Il joue le rôle de coordinateur de toutes les interventions visant l'aide et le conseil des élèves qui lui sont confiés. Pour le reste des enseignants, c'est à travers leur contact quotidien avec les élèves et leur rôle dans le développement des compétences et des capacités leur permettant d'élaborer et de réaliser des projets personnels tout en donnant du sens à leur apprentissage. Ils ont aussi un rôle dans le suivi individuel des élèves sur le plan scolaire, psychologique et social. Nous y reviendrons plus en détail dans la partie suivante.

    ·

    28

    L'administration et les conseils des établissements : à travers leur rôle principal dans la mise en oeuvre des activités de la vie scolaire et de leur diversification dans le cadre des activités de l'information et de l'aide à l'orientation.

    · Le corps d'inspection ; à travers son rôle dans la mise en place des actions pédagogiques communes entre les différents domaines d'inspection pour une meilleur pertinence des activités de l'information et de l'aide à l'orientation

    · Les parents d'élèves : leur rôle est incontestable dans le développement des compétences et l'épanouissement de la personnalité des élèves ainsi que dans la formulation de leur choix d'orientions. Les établissements scolaires peuvent profiter de leurs expériences professionnelles dans des activités d'orientation visant la découverte du monde professionnel.

    · Les assistants sociaux et médicaux ont aussi un rôle à jouer dans l'orientation des élèves. C'est à travers leur accompagnement personnalisé des élèves en difficultés qu'ils participent à leur réintégration dans la vie en général et dans la vie scolaire en particulier.

    · Les professionnels : ils peuvent être sollicités à titre de personnes ressources permettant aux élèves de découvrir le monde professionnel.

    · Certes, ces types d'acteurs cités en haut ne sont pas exclusifs, d'autres acteurs peuvent intervenir dans l'orientation des élèves, mais ils en constituent souvent la colonne vertébrale.

    29

    PARTIE III : APPORT THÉORIQUE

    30

    Chapitre I. Quelques déterminants de l'orientation scolaire :

    Dans ce chapitre, nous allons développer un ensemble de déterminants qu'ont trait à notre problématique de recherche. Ces déterminants peuvent constituer un arrière-fond susceptible de nous guider dans notre démarche d'exploratoire du terrain. Il est question, tout d'abord, de définir l'orientation scolaire ainsi que le rôle que l'enseignant peut y jouer. Ensuite, nous allons approcher les inégalités sociales face à l'orientation pour terminer avec les facteurs influençant les décisions d'orientation.

    1.1. Définition :

    Suite aux évolutions économiques et sociales qu'a connu le monde ces dernières décennies, l'orientation scolaire et professionnelle est devenue un des leviers principaux des économies et des sociétés développées. Elle constitue le point de jonction entre les systèmes d'enseignement et de formation et le monde de l'entreprise. Cette position de l'orientation scolaire a suscité l'intérêt de nombreux chercheurs en psychologie, en éducation, en économie... que chacun tente de définir ce concept selon des références théoriques et des fondements méthodologiques qui lui sont propres. Nous nous retrouvons donc devant un large éventail de définitions, nous allons nous limiter à quelques unes.

    Selon le Petit Robert (1987), l'orientation est, dans son sens figuré, «l'action de donner une direction déterminée. L'orientation de ses études. L'orientation professionnelle a pour objet d'aider la famille à diriger l'enfant vers la profession qui lui convient le mieux... » (p. 1323).

    Le professeur LEMHOUER (1994) définit l'orientation scolaire comme étant « le processus continu d'aider et d'inciter l'élève à s'informer sur soi-même et sur ses capacités, de l'informer sur les diverses possibilités scolaires et professionnelles existantes, de l'informer sur les perspectives d'emploi, et de l'assister de prendre des décisions appropriées concernant son avenir scolaire et professionnel et à franchir les premiers pas vers l'insertion dans le monde du travail » (p. 20).

    Quant à l'UNESCO*, elle définit l'orientation comme suit :

    « L'orientation consiste à permettre à l'individu de se mettre en capacité de prendre conscience de ses caractéristiques personnelles et de les développer en vue du choix de ses

    * UNESCO : Organisation des Nations Unies pour l'Education, la Science et la Culture.

    31

    études, de ses formations et de ses activités professionnelles, dans toutes les conjonctures de son existence, avec le souci conjoint du devenir collectif solidaire et de l'épanouissement de sa personnalité et de sa responsabilité ».

    Etant donné que notre recherche s'inscrit dans le contexte marocain, nous adopterons la définition de l'orientation présentée par la Charte Nationale d'Education et de Formation (2000): « L'orientation est déclarée partie intégrante du processus d'éducation et de formation. Elle accompagnera et facilitera la maturation vocationnelle, les choix éducatifs et professionnels des apprenants, ainsi que leur réorientation, chaque fois que de besoin, dès la seconde année du collège et jusqu'au sein de l'enseignement supérieur ».

    Après cet essai de définition, nous allons voir comment s'accomplit le processus de l'orientation scolaire et professionnelle des élèves.

    1.2. Rôle des enseignants en orientation :

    Partant des approches éducatives en orientation, nous constatons qu'elles attribuent un rôle important aux enseignants dans le processus d'orientation des élèves. Selon Guichard (1997), les professeurs ont deux missions fondamentales : l'éducation des jeunes et leur orientation-répartition. C'est à travers l'enseignement d'un certain nombre de connaissances jugées utiles aux futurs citoyens de la société qu'ils participent au développement et à la formation de la personnalité des élèves dont ils ont la charge. Leur participation aux conseils de classe pour décider de l'orientation de chaque élève montre leur position décisive dans le processus d'orientation-répartition des élèves. Cette position, selon Guichard (1997), met l'enseignant dans une posture difficilement tenable surtout devant un élève à qui on demande de réfléchir, d'une manière critique, à propos d'une proposition d'orientation qu'il refuse. Cela dit, et comme l'a remarqué Hoyt (1978 cité par Guichard, 1997), les professeurs participent en amont, par des activités ordinaires d'apprentissage, à la préparation des choix des élèves. Ils les conduisent à se former des habiletés, des connaissances et des attitudes requises leur facilitant la formulation de leurs projets d'avenir. Ces activités d'apprentissage peuvent être liées à la lecture, les mathématiques, la communication orale et écrite, l'acquisition d'habitudes de travail... La plupart de ces mêmes activités d'enseignement, nous renseigne Guichard (1997), peuvent être utilisées de manière explicite dans différentes discipline selon la démarche d'éducation à la carrière :

    En histoire, par exemple, le professeur peut s'intéresser à l'histoire des professions, à celle de l'organisation du travail, à son évolution.

    32

    En cours de sciences économiques et sociales ou de philosophie, les élèves peuvent soumettre à la critique certains concepts largement utilisés mais qui n'ont pas acquis une certaine légitimité scientifique tels que les compétences, employabilité (Dubar, 1996, 1997, cité par Guichard 1997).

    En s'inspirant des pédagogies actives, les enseignants pourraient engager les élèves dans un processus de découverte scolaire et professionnelle. Sur ce point, Guichard (1997) souligne que les enseignants pourraient inciter les élèves à découvrir les filières scolaires à travers des enquêtes sur le devenir des "anciens" sortis de la classe au cours des années précédentes et/ou à travers des enquêtes d'insertion professionnelle. Les enseignants pourraient aussi suggérer aux élèves d'organiser des forums des métiers où ils pourront enrichir leurs connaissances du monde professionnel. Ces activités « pourraient donner lieu à des articles dans le journal de l'établissement, au calcul de diverses statistiques, à la confection de tableaux, à la réalisation de films vidéo, à des échanges sur les observations recueillies, au montage d'un forum sur un site "Internet", etc. ». (p. 19)

    Dans le même sens d'idée, Dupont (1984) affirme que l'approche de l'éducation à la carrière met en évidence l'importance du rôle de l'enseignant dans les programmes scolaires travaillant sur l'éducation à la carrière. Elle considère que l'un des aspects du développement personnel est le développement vocationnel sur lequel se fonde l'éducation à la carrière. Tennyson (1971 cité par Dupon, 1984) affirme que le développement vocationnel des élèves est une tache partagée par le personnel de l'école, bien que la position du conseiller en orientation y soit importante, vu ses connaissances et ses habilités en la matière, Tennyson considère l'enseignant comme le plus important acteur contribuant au développement de l'élève. Il argumente ses propos en s'appuyant sur les travaux de Super relatifs au développement vocationnel. Pour lui, la définition donnée par Super à l'orientation en tant que processus permettant à l'individu de développer et accepter une image intégrée et adéquate de lui-même avec satisfaction personnelle et bénéfice pour la société engendre toutes les raisons pour rendre l'enseignant responsable de divers façon du développement vocationnel de l'élève. Ce développement est mieux réalisé quand l'enseignant multiplie les occasions permettant aux élèves de découvrir le monde du travail et de s'explorer eux-mêmes en relation avec ce monde.

    Enfin, Dupont (1984) nous présente un ensemble d'objectifs que l'enseignant doit réaliser pour opérationnaliser le concept d'éducation à la carrière :

    - veiller à ce que les élèves se rend compte de l'utilité des disciplines enseignées ;

    33

    - développer chez les élèves de bonnes habitudes de travail nécessaires à l'acquisition d'une formation de base solide et à la réussite dans la carrière future ;

    - combiner une approche expérientielle et cognitive dans son enseignement et aider les élèves à acquérir des habilités de prise de décision en utilisant des méthodes axées sur des projets ou des activités qui les amènes à apprendre à pouvoir prendre des décisions ;

    - tenter de faire disparaître les stéréotypes qui enlèvent toute liberté dans les choix professionnels ;

    - aider les élèves à devenir conscients et à connaitre la nature d'une variété de professions de même que les exigences scolaires requises pour y réussir ;

    - amener les élèves à une meilleure connaissance du système économique et de l'organisation du travail ;

    - aider les élèves à réfléchir et à considérer l'importance des choix professionnels. Par ailleurs, outre ces rôles clairement définis dans les approches éducatives en orientation, la note d'information 04-14 juin 2004 du Ministère de l'Education Nationale en France, insiste sur le rôle déterminant des enseignants dans le choix d'orientation des élèves. Il ressort de cette note que le fait d'avoir bénéficié ou non des conseils des enseignants exerce, toutes choses égales par ailleurs, une influence sur les élèves presque aussi forte que les variables scolaires. Ils peuvent par exemple être pris pour des modèles à qui l'élève s'identifie dans une sorte de projection de soi dans le statut adulte. Les enseignants peuvent aussi véhiculer une certaine conception stéréotypée des choix d'orientation et des professions ne serait-ce que celle relative au sexe (féminin, masculin) ; les filières scientifiques et technologiques pour les garçons et les filières littéraires pour les filles. Pour Mosconi (1989 cité par Meunier, 2008), c'est « à travers de multiples mécanismes implicites, les relations entre enseignants et élèves concourent à faire vivre des expériences différentes selon les genres où les identités sexuées vont se construire, se transformer et favoriser avec d'autres influences des trajectoires scolaires, universitaires et professionnelles différentes» (p. 21). Le rôle de l'enseignant ici est de déjouer les stéréotypes qui peuvent être véhiculés par les manuels scolaires ou le matériel pédagogique. Dans ce cadre, l'enseignant, conscient de son influence sur les élèves, doit éclairer les choix de ses élèves à travers des éléments qui leur permettent une réflexion sur leur situation de garçons ou de filles (Ministère de l'Education Nationale en France, 2008).

    34

    1.3. Inégalités sociales face à l'orientation :

    Nous l'avons vu plus haut, notre recherche s'inscrit dans un cadre global, celui de l'inégalité sociale face à l'école. En effet, par un jeu de compensation ou non des origines sociales, l'école, véritable « fabrique intensive de jugements sociaux et instance d'évaluation et d'orientation permanentes » (Duru-Bellat, 2002, p. 215), intervient directement dans la boucle des trajectoires sociales plus particulièrement dans les carrières scolaires des élèves. « Elle les affecte à tel ou tel milieu scolaire (filière, établissement, classe), à tel ou tel dispositif, dans le cadre d'une offre donnée, relativement inerte et dont nous avons vu le caractère contraignant. » (Ibidem). L'école se présente donc comme un lieu de sélection par excellence et dont « l'orientation fonctionne comme un processus essentiel de différenciation des individus » (Lannegrand-Willems, 2004, p. 3)

    En termes de comparaison internationale, il paraît que les inégalités sociales face à l'orientation se manifestent beaucoup plus dans les systèmes scolaires là où les choix de familles sont pris en considération, avec un poids important, lors des conseils de classe (Duru-Bellat, 2002). On pourrait donc se demander si le système éducatif britannique, par exemple, est moins inégalitaire de fait que les décisions d'orientation y sont prises sur la base des notes scolaires (Duru-Bellat, 2002). D'autant plus que « même si ces notes scolaires restent marquées par des inégalités sociales, les performances des élèves prennent ainsi un poids relatif plus fort par rapport aux choix des familles, ce qui atténue l'autosélection sensible qui caractérise les milieux populaires » (Gamoran, 1996, cité par Duru-Bellat, 2002, p. 167). Selon les dispositifs d'orientation dans le système scolaire marocain, bien que les textes officiels régissant la procédure d'orientation encouragent les conseils de classe à respecter autant que faire se peut le choix de l'élève et de sa famille, il semble que ces conseils s'attachent beaucoup plus aux notes scolaires pour décider de l'orientation des élèves. On pourrait se demander, ici, si le système d'orientation au Maroc est moins inégalitaire comparé à la Grande-Bretagne.

    Pour Duru-Bellat (2002), les différences en matière des inégalités d'orientation entre pays, résultent en fait de la façon dont on anticipe l'avenir. C'est à ce niveau là que se situe la différence : anticiper l'avenir relève d'un certain nombre de facteurs (en particulier les ressources de la famille, la structure institutionnelle du système éducatif, les incitations à la poursuite des études...) eux-mêmes variables d'un contexte à un autre. Ces inégalités s'accentueraient davantage dans les pays où d'autres inégalités d'ordre socio-économique se présentent avec acuité. On s'attend donc « à ce que les inégalités sociales de carrière se réduisent quand les inégalités économiques s'atténuent, ce qui a été effectivement observé en

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    Suède et en Pays-Bas » (Sahvit et Blossfeld, 1993, cités dans Duru-Bellat, 2002, p. 167). Or le Maroc est doublement concerné par ces inégalités. D'une part, il est un pays en voie de développement et dont les inégalités économiques sont fortement présentes (le rapport du Programme des Nations Unies pour le Développement publié en novembre 2010), et d'autre part, le système éducatif présente des voies scolaires (filière de sciences mathématiques, filière de sciences technologiques...) auxquelles peu d'élèves accèdent (problème de sélectivité) et des voies accueillant la grande partie des élèves au sortir du collège (empruntons le terme utilisé par Duru-Bellat ; les voies de garage comme les filières littéraires ou professionnelles). Nous pouvons donc avancer, sans trop de risque, que les inégalités de carrière scolaire sont bel et bien présentes dans le système éducatif marocain.

    1.3.1. La sélectivité en orientation scolaire :

    Maintenant, regardons de plus près le problème de sélectivité. Pour Duru-Bellat (2002), dans les systèmes éducatifs où les filières scolaires sont hiérarchisées (comme au Maroc par exemple), il est souvent question de méritocratie pour accéder à telle ou telle filière. Cette hiérarchie des filières correspond « d'une part, au mérite tel que l'école le définit (la réussite dans les disciplines abstraites) et, d'autre part, à l'horizon des positions sociales qu'elles prédisposent à occuper » (Guichard et Huteau, 2001, p. 16). D'un autre côté, le mérite est basé sur les aptitudes et la motivation, elles-mêmes conditionnées par la socialisation familiale. Or cette socialisation, selon le niveau économique et culturel de la famille, varie d'un élève à un autre et la sélectivité aura donc comme conséquence d'entériner, pour partie, les inégalités sociales face à l'orientation des élèves (Duru-Bellat (2002).Un autre comportement est observé quand on examine les demandes d'orientation des familles. Il s'agit de l'autosélection (Bressoux, 2006 ; Meunier, 2008) qui est d'abord scolaire (la demande d'orientation de l'élève très bon ou l'élève très faible est respectivement soit ambitieuse soit modeste) ; mais au niveau des élèves moyennement faibles l'autosélection (en présence des demandes d'orientation fortement diversifiées) est structurée selon l'âge et le milieu social d'origine (Duru-Bellat, 2002). De plus, les conseils de classe, dans la majorité des cas, entérinent et même parfois proposent directement ces demandes socialement typées ou orientées (Bressoux, 2006 ; Roux et Davaillon, 2001 cités dans Meunier, 2008 ; Landrier et Nakhili, 2010 ), « et figent de ce fait les inégalités sociales incorporées dans ces demandes » (Duru-Bellat, 2002, p. 79).

    De même, Langouet (1990) dans son analyse de l'ouvrage publié par Duru-Bellat en 1988, conclut que « l'orientation ne s'effectue pas de manière mécaniste, ni sur des critères

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    exclusivement scolaires ni sur des critères exclusivement sociaux, qu'elle contribue à la genèse de la diversité des carrières scolaires et, par conséquent, des inégalités sociales » (p. 121). D'autres auteurs (Bourdieu et Passeron, 1970 ; Beaudelot et Establet, 1971 ; Berthelot, 1989 ; Charlot, 1994 ; Dubet et Duru-Bellat, 2000 ; Van-Zanten, 2000 ; Dubet, 2004 cités par Meunier, 2008) poussent leurs analyses plus loin en affirmant qu'en amont des inégalités des parcours scolaires et professionnels existent des inégalités socioculturelles. Celles-ci font qu'à l'opposé des élèves de milieu défavorisé, ceux de milieu favorisé disposent d'un capital social et culturel leur permettant de mieux saisir les opportunités du système éducatif en effectuant les parcours scolaires les plus prometteurs (Lannegrand-Willems, 2004 ; Bressoux, 2006 ; Bourdieu et Passeron, 1970 Duru-Bellat, 1988, Duru-Bellat et Mingat, 1988 cités par Meunier, 2008), et donc l'égalité méritocratique face à l'orientation des élèves n'est en fait qu'un mythe (Dubet, 2004, cité par Meunier, 2008).

    Suite à ces développements théoriques autour des inégalités sociales face à l'orientation nous allons, dans la partie suivante, exposer un ensemble de facteurs qui viennent accentuer ces inégalités.

    1.4. Les facteurs influençant les décisions de l'orientation :

    Reprenons-nous, ici, quelques facteurs influençant la décision d'orientation, déjà cités plus haut, mais cette fois-ci nous les mettons un peu plus en exergue. On l'a vu, en plus de la valeur scolaire de l'élève, généralement appréciée à travers l'évaluations de ses acquis d'apprentissage et ramenée à ses notes scolaires, les décisions d'orientation dépendent à la fois des demandes de familles (socialement typées) et des instances responsables de l'orientation au sein de l'établissement scolaire (les enseignants, le conseil de classe et le directeur) (Duru-Bella, 2002 ; Lannegrand, 2004 ; Dumora et Lannegrand, 1996 ; Mangard et Channouf, 2007). Ces décisions sont affectées par un ensemble de biais sociaux. Ce qui fait qu'à dossier scolaire égal, des élèves peuvent s'orienter différemment. Pour Nathalie Droyer (2004), ces biais peuvent être considérés comme étant le résultat des caractéristiques personnelles - l'élève stratège et maître de son choix suivant la conception individualiste (Boudon, 1973 ; Padioleau, 1986 cités dans Droyer, 2004) - ou bien ils peuvent relever des caractéristiques contextuelles - facteurs objectifs indépendants de l'élève selon la conception déterministe (Bourdieu et Passeron, 1964 et 1970 ; Girard et Bastide, 1966 ; Baudelot et Establet, 1971 cités dans Droyer, 2004 ) - ou encore relever d'une action sociale qui fait que l'élève et sa famille font des choix d'orientation tout en s'identifiant à un groupe d'appartenance sociale qu'on cherche souvent à maintenir ou à consolider (Dubet, 1994 ;

    37

    Dubet et Martuccelli,1996 cités dans Droyer, 2004). Cette dernière source de biais ne fera pas l'objet de notre développement.

    1.4.1. Influence de l'évaluation sur l'orientation des élèves:

    Parmi les fonctions de l'évaluation, la fonction d'amener l'élève à cibler davantage son orientation. Par l'influence de ses notes, l'évaluation l'éclaire sur lui-même, sur ses capacités, sur ses motivations, ses intérêts, ses goûts. Elle éclaire le professeur sur l'élève, affine un profil tout au long de l'année, dévoile des aptitudes, des compétences comme des lacunes, des difficultés scolaires. Elle a comme fonction de guider l'élève et le professeur au travers d'un travail demandé et exécuté. A ce titre nous pouvons avancer avec Perrenoud (1998) « qu'il n'y pas d'orientation scolaire sans évaluation » (p. 56). Dans le même registre Cardinet précise que « les décisions d'orientation devraient se fonder sur une évaluation essentiellement prédictive, puisque il s'agit de déterminer quelle filière conviendra le mieux à chaque apprenant, contenu d'une part de ses goût, de ses intérêts, de ses projets, d'autres part des ses acquis scolaires, de son âge, de son développement, de ses aptitudes à apprendre » (cité dans Perrenoud, 1998). Cependant, la façon avec laquelle sont organisés les examens scolaires, dans la majorité des systèmes scolaires, engendre une valeur prédictive contestable Cardinet (1988). «Tout se passe en effet comme si la performance future était assimilée à la performance passée. L'examen porte sur les branches qui étaient au programme avant l'examen, sans que personne ne semble se demander si ces branches ont une valeur pronostique quelconque » (ibid., p.156). Cardinet ajoute aussi que la progression scolaire ne doit pas être assujettie à la maîtrise des programmes des années précédentes ; il est connu qu'à chaque cycle d'enseignement on recommence dès le début surtout à l'université, les programmes d'enseignement se spécialisent davantage et on ne demande aux étudiants qu'un tout petit de leur connaissances au Baccalauréat : « le jeu des compensations permet à des élèves, même très peu préparés pour une branche d'y entreprendre des études supérieures. On doit donc admettre que les examens ne contrôlent pas sérieusement non plus les prérequis des études ultérieures » (Ibid, p.158). L'objectif des examens se trouve donc tourné vers le contrôle des apprentissages passés et non vers la sélection des élèves les plus capables à apprendre. L'utilité de ces examens est approuvée, l'erreur comme le souligne Cardinet c'est : « d'utiliser les mêmes épreuves pour mesurer des aptitudes, ou contrôler des prérequis. Du fait de leur nature même, ces examens ne peuvent fonder un pronostic valable » (Ibidem).

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    1.4.2. Les facteurs relatifs aux caractéristiques personnelles :

    a. Effet de l'origine sociale :

    L'influence de l'origine sociale (encore appelée socioculturelle ou socioprofessionnelle) sur les décisions d'orientation a été vérifiée par plusieurs sociologues ou psychosociologues (Mangard et Channouf, 2007, Droyer, 2004, Meunier, 2008 ; Landrier et Nakhili, 2010). Pour les uns, l'origine sociale détermine le degré d'accès aux informations et à la compréhension des mêmes renseignements diffusés au près des élèves ; plus on monte dans la hiérarchie sociale plus on est en mesure de comprendre les rouages du système sélectif de l'école et par là de saisir au mieux ses opportunités (Ballion et Oeuvrard, 1991 ; Rufino, 1997 cités dan Droyer, 2004). D'autres, se sont intéressés aux effets des stéréotypes implicites dans les inférences inconscientes établies par les enseignants à partir des informations relatives aux origines socioculturelles (Channouf, 2004, cité par Mangard et Channouf, 2007 ; Channouf, Mangard, Baudry, et Perney, (2005) ; Dumora, Lannegrand,(1996) ; Mangard et Channouf, 2007). Sur ce point, Girard et Clerc avaient déjà constaté en 1964 qu'à dossier scolaire équivalent, les enseignants ont une tendance à orienter plus souvent les élèves du milieu favorisé vers des études longues que les élèves des autres milieux. D'autres ont pu vérifier que l'origine sociale des élèves exerce un impact sur les demandes d'orientation des familles. Cet impact se traduit par une autosélection de telle sorte à ce que les résultats scolaires conditionnent généralement les voeux des familles ; les demandes d'orientation sont ambitieuses ou modeste respectivement quand les résultats scolaires sont bons ou mauvais (Duru-Bellat, 2002 ; Mangard et Channouf, 2007). Cependant, une différence s'observe au niveau des demandes d'orientation pour l'élève moyen ; soit il s'autocensure s'il est d'un milieu socioculturel défavorisé soit il privilégie des filières scolaires prometteuses (filières pour des cycles longs) s'il est d'un milieu socioculturel favorisé (Duru-Bellat et Mingat, 1985 cités dans Mangard et Channouf, 2007 ; Duru-Bellat, 2002).

    b. Effet de l'âge et du retard scolaire :

    Nombreuses sont les études qui ont conclu que l'âge (ou le retard scolaire) est un critère d'orientation parmi d'autres influençant le cheminement scolaire de l'élève (Girard et Clerc, 1964 ; Duru-Bellat, 2002 ; Droyer, 2004 ; Bressoux, 2006 ; Meunier, 2008). En effet, l'âge joue un rôle informatif : il présente un résumé de la scolarité passée de l'élève et fixe le temps disponible dont dispose la famille et le conseil de classe pour mener à bien sa scolarité (Girard et Clerc, 1964). C'est ainsi que l'âge affecte, d'une part, l'élève âgé en le poussant à s'autosélectionner davantage que l'élève moins âgé (Cardi, 1989 ; Duthoit, 1987, cités dan Droyer, 2004 ; Duru-Bellat, 2002), et d'autre part, le jugement professoral car, toutes choses

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    égales par ailleurs, l'élève en retard scolaire est moins bien jugé que les autres et par conséquent il est moins bien satisfait quand il choisi une filière prestigieuse que les autres. Plus nuisible encore, cet élève en retard scolaire est souvent orienté vers des filières de formation professionnelle à courte durée (Girard et Clerc, 1964 ; Bressoux et Pansu, 2003 cités dans Bressoux, 2006). Généralement, la variable âge nous informe partiellement sur le passé scolaire de l'élève et ses difficultés d'apprentissage et « peut intervenir dans le processus d'orientation soit comme inhibiteur, soit comme facilitateur » (Droyer, 2004, p. 4).

    c. Effet d'éducation et stratégies familiales :

    Les familles ont un rôle essentiel à jouer dans le processus d'orientation de leurs enfants. En effet, au-delà des inégalités socioéconomiques affectant différemment l'implication des familles dans le choix scolaire de leurs enfants (plus les familles sont aisées moins leurs demandes d'orientation sont autosélectionnées (Duru-Bellat et Van Zanten, 1992, cités dans Droyer, 2004)), ce rôle varie d'une famille à une autre selon, d'une part, leur degré d'accès aux informations relatives au fonctionnement du système scolaire (ses enjeux, ses opportunités...)et, d'autre part, leurs pratiques éducatives, particulièrement leur éducation implicite (expression introduite par Pourtois et Desmet, 2007 cités dans Liechti, 2012) se rapportant à un ensemble d'éléments constitutifs de l'identité de l'enfant et de son devenir scolaire et professionnel (valeurs, personnalité, intérêts, autonomie, capacités, exploration ...) (ibid.). Cette éducation est elle-même conditionnée par la structure et les caractéristiques de la famille (type de famille et styles éducatifs, parcours scolaire et professionnel des parents, représentations socioprofessionnelles des parents, aspiration et attitude des parents quant à l'avenir de leur enfant, rôles et positions des membres de la famille, l'environnement familial...) ( Liechti, 2012 ; Reuchlin, 1978 cités par Liechti, 2012). Par ailleurs, il a été démontré que les familles interviennent inégalement pour garder voire créer un contexte favorable au cheminement scolaire de leurs enfants (Duru-Bellat, 2002). Cela s'observe quand les familles développent des comportements stratégiques différenciées quant aux choix d'options et des demandes d'orientation : plus le statut socioprofessionnel des parents est élevé, plus ils sont exigeants et optent souvent pour les voies de scolarité susceptibles de positionner leurs enfants dans les filières les plus élitistes et dans les meilleurs classes (les filières scientifiques, le «choix» de langues et d'options...) (Duru-Bellat et Mingat, 1997 cités dans Landrier et Nakhili, 2010 ; Duru-Bellat, 2002). Ajoutons enfin que plus les résultats scolaires de l'élève sont médiocres moins ses parents seront influents au niveau de l'établissement scolaire (Laforgue, 2005, cité par Meunier, 2008).

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    d. Effet de genre :

    Tout comme l'origine sociale, le sexe des élèves, selon des études expérimentales, structure lui aussi les décisions d'orientation prises par les enseignants (Duru-Bellat, 2002 ; Mangard et Channouf, 2007 ; Baudelot et Establet, 1992 ; Duru-Bellat 1995 ; Duru-Bellat et Jarousse 1993, 1996 cités par Droyer, 2004). En effet, à dossier scolaire équivalent, les garçons sont orientés deux à trois fois plus que les filles vers les filières scientifiques (Meng, 2002 ; Rossenwald, 2006 cités dans Meunier, 2008 ; Mangard et Channouf, 2007). D'autant plus que, par le mécanisme d'autosélection, les filles optent davantage que les garçons pour les filières littéraires (Caille et Lemaire, 2002 ; Le Bastard-Landrier, 2005 cités par Landrier et Nakhili, 2010 ; Mangard et Channouf, 2007 ; Meunier, 2008) ou généralement pour des filières qui « permettent de s'insérer dans des métiers reflétant les valeurs spécifiques inculquées par la socialisation, ou alors présentant une certaine flexibilité pour concilier vie professionnelle et vie familiale » (Duru-Bellat, 1990 cité par Droyer, 2004, p. 4).

    Certes, ces caractéristiques personnelles ont une influence considérable sur le devenir scolaire et professionnel, mais il reste aussi que les facteurs contextuels ont leur part de cette influence. Pour Perrenoud (1984, 1995 cité par Droyer, 2004), les pratiques pédagogiques et l'excellence scolaire incorporent la majorité des biais sociaux qui influencent, entre autres, les décisions d'orientation.

    1.4.3. Les facteurs relatifs au contexte :

    Généralement, quand on aborde les effets du contexte, il est question des effets qui se présentent selon trois niveaux; « l'effet établissement », « l'effet classe » et « l'effet maître ». Ces trois niveaux, dont les frontières ne sont pas aussi délimitées, peuvent se déployer de telle sorte à ce que l'un constitue l'autre. « L'effet maître » renvoie à « l'effet classe » et l'agrégation de ce dernier constitue « l'effet établissement » (Bressoux, 1995). Dans ce qui suit, nous allons développer particulièrement « l'effet établissement » étant donné que « l'effet classe » y est inclus et « l'effet maître » a été déjà traité, pour partie, en exposant le rôle de l'enseignant dans l'orientation et sera encore approché un peu plus loin dans le jugement professoral.

    De prime à bord, précisons que le concept contexte scolaire est pris, ici, pour un lieu social fabriqué par ces acteurs y compris les élèves et ce, parce qu'il constitue un espace d' « interactions sociales et pédagogiques » (Duru-Bellat, 2002, p. 96). Un tel lieu produira donc des pratiques éducatives différenciées en son sein et par rapport à d'autres contextes (Ibid.). Cette diversité de pratique concernera tout aussi le processus d'orientation

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    des élèves et par conséquent le contexte scolaire sera en mesure de générer un ensemble de disparités sociales (Landrier et Nakhili, 2010). Un exemple illustrant cette disparité nous est fourni par Le Bastard-Landrier (2004 cité par Landrier et Nakhili, 2010). Cet auteur a remarqué que sur trente-deux lycées constituant son échantillon d'enquête, environ un quart parmi eux « ont tendance soit à accroître les différenciations sociales apparues au moment des voeux d'orientation, soit à en générer de nouvelles » (p. 30). Dans le même sens d'idées, Duru-Bellat (2002), affirme que « les différences entre établissements en matière d'orientation sont très nettes » (p.102). Ces différences ont été soulevées, entre autres, par Cousin (1998 cité par Duru-Bellat, 2002) lorsqu'il a vérifié qu'à milieu social identique, les élèves ont une chance ou non d'accéder à une seconde selon l'établissement fréquenté. Ce fonctionnement inégalitaire du système d'orientation est dû, pour partie, à la logique de contraintes de flux des élèves à gérer et à répartir entre les différentes filières de scolarisation et de formation existantes (Berthet et al., 2007 cité par Landrier et Nakhili, 2010 ; Solaux, 2005). D'une manière générale, il semble que les pratiques d'orientation dans les établissements sont conditionnées par leur public majoritaire : soit on assiste à un certain laxisme dans les décisions d'orientation et/ou les demandes des élèves sont ambitieuses soit on se trouve devant des demandes d'orientation qui varient, toutes choses égales par ailleurs, en fonction, d'une part, du niveau moyen des demandes enregistrées dans l'établissement (plus il est élevé plus les demandes sont ambitieuses) (Duru-Bellat, 2002 ; Meunier, 2008) et, d'autre part, « de la composition sociale et scolaire du public d'élèves » (Landrier et Nakhili, 2010, p. 30). En rapport avec les filières de formation ou encore appelées l'offre de formation; plus celle-ci est abondante et les places sont disponibles dans un lycée ou dans un environnement proche, plus les élèves ont tendance à opter pour l'une de ces formations (une particularité à signaler ici, concerne les élèves moyens du milieu défavorisé qui choisissent beaucoup plus des filières professionnelles que des filières générales), d'autant plus que l'administration du lycée encourage davantage les élèves à s'inscrire dans ces filières (Masson, 1997 cité par Duru-Bellat, 2002 ; Duru-Bellat, 2002 ; Landrier et Nakhili, 2010 ; Davaillon, 1998 ; Duru-Bellat et Van Zanten, 1992 ; Langouët et Léger, 1997 cités par Droyer, 2004). Étant donné que l'offre de formation varie d'un contexte à l'autre, ceci peut générer des disparités en matière d'information et delà apparaissent des inégalités face à l'orientation selon le contexte fréquenté (Droyer, 2004 ; Landrier et Nakhili, 2010).

    Retenons, enfin, que « l'effet établissement » sur l'orientation se traduit par le fait que des élèves socialement et scolairement comparables peuvent s'orienter différemment selon le contexte scolaire fréquenté. Celui-ci est nécessairement variable vu ses composantes (public

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    d'élèves, offre de formation, information, équipe pédagogique...) elles-mêmes variables d'un établissement à un autre. Tous ces facteurs, personnels ou contextuels, concourent à amplifier davantage les inégalités sociales face à l'orientation.

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    Chapitre II. Perception sociale et représentations sociales:

    Etant donné que « la représentation sociale est à la foi un au-delà de la perception, une structure d'opinions, un imaginaire collectif balbutié individuellement, un schéma de pensée, la raison d'une théorie implicite et le reflet d'une idéologie. » (Leyens, 1982, p. 19), il nous est apparu opportun, avant de traiter en détail le concept de représentations sociales, de commencer par quelques notions qui peuvent en être des parties intégrantes ou des substituts notionnels. De plus ces notions contribuent, à différents degrés, à la construction d'un mode de connaissance de l'environnement social dont l'individu évolue. Nous envisageons de définir particulièrement les notions de la perception sociale (dont il sera inclus la formation d'impressions sur autrui, les théories implicites de personnalité et le jugement des enseignants et d'imaginaire collectif) car elle semble très proche de l'objet central de cette recherche.

    2.1. La perception sociale :

    La perception sociale encore appelée, dans le cas de la perception des personnes, « perception mutuelle » (Fiske , 2008), « perception interpersonnelle » ou « perception de personnes » (Tagiuri, 1958 cité par Jodelet et al., 1970), désigne « une connaissance relative aux intentions, attitudes, émotions, idées, aptitudes, buts et traits que l'on infère en observant les actions d'autrui. Ce mode de compréhension de l'action humaine, base de l'interaction entre les personnes, a pour caractéristique majeure la similitude entre observateur et observé. » (Ibid., p. 424). C'est dire que l'individu percevant « son environnement social, il va s'efforcer de donner un sens à la diversité des stimuli immédiats » (Abric, 2011, p. 26). Bressoux (2006) ajoute que la perception sociale n'est pas un simple enregistrement ou reflet de la réalité sociale. Bien plus encore, elle est à la fois une connaissance pratique de par les principes mobilisés dans l'interaction sociale et une méconnaissance car la personne n'est pas en mesure de contrôler ces principes de telle sorte à agir en harmonie avec l'ordre social établi. C'est pour cela que Bressoux (2006) la considère comme étant une connaissance pratique qui agit sans être représentée. Bref, il s'agit d'« une connaissance sans concept » (Bourdieu, 1979 cité par Bressoux, 2006, p. 17).

    Il ressort de ces deux définitions que la perception sociale correspond à notre faculté d'appréhender notre environnement social, de communiquer avec autrui au travers d'un mécanisme d'inférence des informations reçues ou interceptées de l'extérieur. Cette perception peut nous induire en erreur car notre réaction aux stimuli est à la fois basée sur notre perception du réel et modelée selon nos expériences passées et donc notre processus de socialisation, et non pas le réel lui-même.

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    2.1.1. La formation d'impressions sur autrui :

    Nous avons vu que la perception sociale n'est pas un simple enregistrement de la réalité. Elle est, en effet, une connaissance pratique qui permet à l'individu de se construire une image globale cohérente de l'objet ou de la personne perçu. Cette connaissance pratique est le résultat d'un processus qui permet à la fois d'agencer les éléments directement perçus de telle sorte à ce qu'ils occupent une position dans la hiérarchie de l'ensemble (Yzerbyt et Schadron, 1996 cités dans Bressoux, 2006) et d'inférer les autres éléments indirectement perçus pour compléter l'image globale intériorisée au final (Bressoux, 2006). Ce qui pour nous est particulièrement intéressant ici, c'est le rôle joué à la fois par les premiers éléments perçus (effet de primauté) et par les éléments importants (effet de centralité) dans la constitution de cette image ou impression globale. Tout d'abord, signalons que plus les éléments directement perçus sont rares plus l'activité d'inférence est importante (Bressoux, 2006). Ensuite, les éléments perçus en premiers ou ceux perçus comme plus centraux par la personne évaluatrice conditionnent, suivant une « direction évaluative », son interprétation des autres éléments perçus par la suite (Yzerbyt et Schadron, 1996 cités par Bressoux, 2006 ; Asch, 1946 cité par Schiffler, 2012). Le tout est mis en cohérence pour permettre à l'individu d'appréhender les éléments de ses perceptions quotidiennes et ce, grâce à un ensemble de mécanismes, notamment celui mis en oeuvre par les théories implicites de la personnalité (Bressoux, 2006).

    2.1.2. Les théories implicites de la personnalité :

    Nous présenteront, ici, brièvement la notion des théories implicites de la personnalité vu qu'elles entretiennent un rapport étroit d'une part avec le jugement professoral et d'autre part avec la perception sociale et la représentation sociale. En effet, plusieurs auteurs ont pu constater que, le plus souvent, les jugements quotidiens portent particulièrement sur la personnalité des autres ou de soi-même (Beauvois, 1984, 2011 ; Leyens, 1997 ; Skowronski, Carlston et Hartnett, 2008 cités par Schiffler, 2012). En d'autres termes, il est rare de porter un jugement sur une personne rien qu'en se basant sur les seules informations observables (Ibid.) et ce, car les gens peuvent se faire une idée également sur des « manifestations bien plus impalpables tels que des désirs, des besoins, des émotions, le tout d'une façon plus ou moins directe » (Fritz Heider, 1958 cité par Fiske, Susan T, 2008, p. 107). L'homme de la rue, par exemple, a tendance à opérer des inférences à partir d'une information qui lui est donnée pour en produire d'autres (Beauvois, 1982 ; Leyens, 1983 ; Monteil, 1985 ; Bruner, 1957 cité par Schiffler, 2012). On entendra par exemple des adjectifs (ou traits de personnalités pour les chercheurs) tels que : « timide », « dépressif », « scrupuleux », « intelligent », « épanoui », « têtu », « paresseux »... pour décrire la personnalité des autres ou de soi-même. Dès qu'on

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    formule un premier trait, on fait appel à un autre, les deux premiers font appel un troisième et ainsi de suite comme une sorte de « matrice de corrélation de traits»; parle-t-on, par exemple, de la qualité d'un artiste, d'autres traits lui seront attribués tels que générosité, excentrisme... (Leyens, 1983). « Nous regardons une personne et, immédiatement, une impression à propos de sa personnalité se forme en nous » (Asch, 1946, cité par Schiffler, 2012). Peut-être « sommes-nous tous des psychologues ? » s'interroge Leyens (1983) en titrant son ouvrage. Sans y faire attention, nos jugements relèvent en principe de notre perception sociale elle-même dépendante « du rôle des protagonistes et de la situation observée » (Ibid., p. 8). Il est donc nécessaire, pour interagir aisément avec autrui, d'opérer une simplification qui rend la situation d'interaction moins complexe et ce, à travers une représentation générale de cet autrui et de son mode de pensé (Ibid.). Cette représentation constitue « notre connaissance d'autrui et la façon dont nous l'utilisons pour faire des inférences- souvent fausses- à propos de la personnalité de quelqu'un. » (Monteil, 1985, p. 52). Ces inférences sont souvent fausses car quand on décrit la personnalité d'autrui, on se réfère plus à nos « propres théories implicites qu'à la traduction d'une consistance du comportement de la personne ainsi décrite » (Idem, p. 54)

    Précisant enfin que l'expression des implicites de la personnalité (TIP) a été formulée par Bruner, Shapiro et Tagiuri ? (1958, cités dans Monteil, 1985) et correspond « à des croyances générales que nous entretenons à propos de l'espèce humaine, notamment en ce qui concerne la fréquence et la variabilité d'un trait de caractère dans la population » (Leyens, 1982, p. 38). Qu'en est-il du jugement des enseignants sur les élèves ?

    2.1.3. Le jugement des enseignants :

    Si on considère le jugement des enseignants comme un jugement émanant des professionnels de l'enseignement, nous pouvons le qualifier d'un jugement professionnel. Celui-ci est défini par Lafortune (2006 cité par Lafortune et Allal, 2008) comme

    «un processus qui mène à une prise de décision, laquelle prend en compte différentes considérations issues de son expertise (expérience et formation) professionnelle. Ce processus exige rigueur, cohérence et transparence. En ce sens, il suppose la collecte d'informations à l'aide de différents moyens, la justification du choix des moyens en lien avec les visées ou intentions et le partage des résultats de la démarche dans une perspective de régulation...Il est à la fois un processus cognitif individuel et une pratique sociale située, construite au sein d'une communauté professionnelle donnée » (p. 4).

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    Le jugement des enseignants apparaît donc comme un construit complexe intégrant de nombreux éléments qui permettent non seulement la connaissance objective et descriptive (activité intellectuelle) mais aussi la détermination de la valeur des personnes évaluées (leurs places) dans un environnement social donné (activité pratique qui sert l'action) (Bressoux, 2006). En ce sens, le jugement guide l'enseignant dans sa pratique professionnelle en particulier celle relative à ses interactions avec autrui et à la prise de décision (régulation des apprentissages, comportement avec ses élèves, répartition des élèves, orientation ...) (Ibid.). Le jugement des enseignants est entaché d'une composante sociale ; Bressoux (2006) a pu vérifier qu'il n'est pas un simple enregistrement des performances des élèves (fonction scolaire) mais il est aussi un jugement social tout comme les autres jugements qui subissent l'influence des normes sociales générales. Notre tentative ici, est de montrer que le jugement des enseignants est influencé, pour partie, par leurs représentations sociales puisqu' on est dans l'univers social de la pratique professionnelle. Les normes sociales font que les individus, devant une information quelconque, ne cherchent et n'intègrent que ce qui « est compatible avec le schème central» Gilly (1989, p. 391). Cela rejoint les propos de Mollo (1986 cité par Gilly, 1989) lorsqu'il considère que les enseignants se réfèrent, généralement, au modèle hiérarchique pour organiser l'essentiel de leur pratique. En matière d'orientation, les enseignants ont « donc toujours des « forts » et des « faibles » voués à des parcours scolaires inégaux. » (Idem, p. 392).

    Duru-Bellat (2002), quant à elle, insiste sur l'influence des jugements des enseignants sur l'orientation des jeunes. Elle remarque qu'au niveau du secondaire, les écarts entre enfants de cadres et enfants d'ouvriers en matière d'orientation reviennent, avec des parts presque égales, aux inégalités de réussite scolaire, aux différenciations sociales inscrites dans les voeux d'orientation, aux inégalités sociales dans les décisions d'orientation et aux écarts d'orientation. Ces écarts peuvent être imputés partiellement aux jugements portés sur les élèves et « dont la fabrication obéit elle-même à des processus complexes qui mêlent effets de contexte, attentes normatives générales, influence de stéréotypes, observations de comportements et de performances, etc. » (Bressoux, 2006, p. 6). Il s'agit en effet, d'une activité d'inférence qui à partir d'un ensemble d'informations surajoute d'autres éléments en leur donnant une signification particulière dans le processus de formation de jugement scolaire (Ibid.). Cette activité d'inférence, nous l'avons vu, est souvent affectée par différentes sources de biais potentiels (Dépret et Filisetti, 2001 cités dans Bressoux, 2006), nous en citons ceux relatifs aux théories implicites des individus car ils piloteraient fortement l'inférence sociale (Ibid.), les normes sociales générales et les normes institutionnelles (Gilly, 1992, cités dans Bressoux,

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    2006). C'est au niveau de l'articulation de ces deux dernières normes que se situeraient les représentations des enseignants (Ibid.). En d'autres termes, quand l'enseignant est amené à formuler un jugement scolaire, il est, généralement, guidé par ses représentations à la fois de son rôle dans la société (ses valeurs morales) et du fonctionnement de l'établissement (les manières de faire commues aux enseignants) (Bressoux, 2006 ; Gilly, 1989). Ceci expliquerait, pour une bonne part, certains jugements des enseignants où se mêlent des informations objectives (qualités, performances scolaires...) et d'autres subjectives (sexe, apparence physique...) (Bressoux, 2006). La situation devient plus compliquée lorsqu'on demande aux enseignants de formuler des jugements en cas d'incertitude (par exemple le cas d'orientation des élèves). Dans de telle situation, les enseignants ont tendance à utiliser des sortes de raccourcis de pensée encore appelés des heuristiques (Tversky et Kahneman, 1974, 1981 cités par Bressoux, 2006). Il nous semble que c'est, en quelque sorte, le même effet produit par les représentations sociales lorsque le sujet est confronté à un objet complexe et socialement investi. Ces heuristiques, pris pour des biais cognitifs, permettent aux enseignants de formuler des jugements simples (qui peuvent être aussi erronés), notamment la prise de décision en orientation, même en présence des données complexes (Bressoux, 2006).

    Par ailleurs, les jugements des enseignants sont, d'une manière générale, relativement valides par rapport aux performances actuelles des élèves mais ils le sont moins quand il s'agit des performances lointaines, d'autant plus qu'ils n'utilisent pas les mêmes informations pour formuler leurs jugements (Hallinger et Murphy, 1986 ; Teddlie et al., 1989 cités par Bressoux, 2006). Bressoux (2006) rajoute que pour prédire les performances futures (orientations au lycée ou à l'université par exemple) les enseignants fondent leurs jugements sur des critères sociaux. Il nous semble que dans ce cas les jugements des enseignants seraient influencés par leurs représentations sociales de devenir scolaire de leurs élèves et par conséquent ces derniers ne subiraient probablement pas le même traitement lors des conseils d'orientation. Les membres de ces conseils peuvent développer des manières de faire communes rendues possibles grâce à un imaginaire collectif et qui guidera leur pratique professionnelle dans ce genre de conseil.

    2.1.4. L'imaginaire collectif :

    Pour appréhender le concept d'imaginaire collectif nous nous sommes basé sur l'expérience réalisée par Florence (2002) dans un contexte scolaire.

    Pour cette auteure, l'imaginaire collectif prend forme dans un groupe de personnes constitué en tant que collectif de travail (soit dans une institution, une organisation, une association...).

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    Les membres de ce collectif oeuvrent dans un contexte particulier tout en étant contraints, par une prescription externe, à adapter constamment leurs pratiques professionnelles et ce, afin d'aboutir aux résultats escomptés. Ceci contribue à la création d'une certaine dynamique intersubjective entre les membres du groupe. Et c'est de cette rencontre entre les significations sociales de cette prescription et les pratiques effectives de chaque membre du groupe que se construire un contenu imaginaire spécifique. Un tel contenu assimilé par chacun des membres de groupe est une condition préalable à la construction d'un imaginaire collectif. Celui-ci désigne donc :

    «l'ensemble des éléments qui, dans un groupe donné, s'organisent en une unité significative pour le groupe, à son insu. Signification imaginaire centrale qui n'épuise pas les significations imaginaires du groupe, encore moins celles des individus, mais qui se présente comme un principe d'ordonnancement, une force liante déterminante pour le fonctionnement groupal. » (p. 247)

    Selon l'auteure, cet imaginaire collectif remplit un certain nombre de fonctions qui permettent aux membres du groupe d'agir et d'interagir dans un climat harmonieux à travers la réduction de l'écart entre désirs individuels et réalisations collectives. Il s'agit des fonctions suivantes :

    · L'organisation des perceptions et les affects ;

    · L'affirmation et la créativité ;

    · La défense du groupe contre toute menace interne et externe à travers la réduction des désaccords et des conflits ;

    · La détermination des conduites du groupe et l'orientation de sa praxis ;

    · Le conditionnement des représentations secondaires de telle sorte à ce que les membres s'y reconnaissent ;

    · La production du sens de la réalité à travers l'interprétation de celle-ci ;

    · Le garant d'une certaine stabilité de l'objet collectif d'investissement groupal car il incarne le statut d'objectivité. Ceci le positionne en tant que référent incontournable pour interpréter la réalité.

    Cet ensemble de fonctions semble attribuer à l'imaginaire collectif un rôle qui s'approche à celui des représentations sociales que nous allons aborder par la suite.

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    2.2. Les représentations sociales :

    Moscovici, fondateur en 1961 d'un nouveau champ d'étude en psychologie sociale en l'occurrence la théorie des représentations sociales (Abric, 2011), avait confirmé que « si la réalité des représentations sociales est facile à saisir, le concept ne l'est pas » (1976, p. 39) et ce, parce qu'«il pâtit d'un contenu trop large et mal défini...et ne prend sens que grâce à l'usage concret » (1984, cité par Semin, 1989, p. 262). Bien que cette théorie ait été négligée pendant un certain temps après son apparition, les travaux qui lui sont rapportés, depuis plus trois décennies, vont en expansion. En France par exemple, on a vu « tout les trois ans en moyenne, un ouvrage exclusivement consacré à ce thème » (Moliner et al., 2002, 12). Ceci témoigne, en effet, de la vitalité du champ de recherche consacré aux représentations sociales. Celles-ci, sont prises désormais pour « une référence incontournable non seulement en psychologie sociale mais également dans bon nombre d'autres sciences sociales » (Abric, 2011, p. 15). Plus particulièrement encore, elles constituent une théorie qui a vocation d'étudier la pensée « naïve » et le « sens commun » (Idem.) afin de nous éclairer sur ce qui nous relie au monde et aux autres et nous renseigner sur la façon dont se construit ce lien (Moliner et al, 2002). En ce sens, cette théorie est une « théorie du lien social » (Ibid., p. 11). Ajoutons aussi que les représentations sociales, en tant que modalité de connaissance, constituent « des entités presque tangibles. Elles circulent, se croisent et se cristallisent sans cesse à travers une parole, un geste, une rencontre, dans notre univers quotidien.» (Moscovici, 1976, p. 39). Au-delà de leur « préparation à l'action » et leur orientation du comportement, elles agissent sur l'environnement social où le comportement doit avoir lieu en remodelant et reconstituant ses éléments (Ibid.).

    2.2.1. Définition du concept de représentations sociales :

    Moscovici considère les représentations sociales comme « des systèmes de valeurs, des idées, et des pratiques dont la fonction est double : en premier lieu, établir un ordre qui permettra aux individus de s'orienter et de maitriser leur environnement matériel, ensuite faciliter la communication entre les membres d'une communauté en leur procurant un code pour désigner et classifier les différents aspects de leur monde et de leur histoire individuelle et de groupe » (Moscovici, 1961 cité par Semin, 1989, p. 263).

    En rapport avec le questionnement problématique de cette recherche, on peut se demander si les représentations pourraient entretenir des relations avec les attentes. Sur ce point, Moscovici (1981 cité par Hewstone, 1989) souligne que: « nous nous sentons interpelés pour trouver une explication quand quelque chose ou quelqu'un ne se conforme plus à nos représentations...» (p. 278). Il nous semble ici, que les représentations conditionnent, en

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    quelque sorte, notre perception sociale. Dès qu'apparaisse un élément peu familier, étrange ou inattendu, les représentations se mettent en oeuvre pour tenter de l'appréhender (nous en parlerons plus loin).

    Sachant bien que nous aurons, par la suite, l'occasion de revenir sur un ensemble d'aspects de la représentation, nous présenterons une autre définition d'Abric (2011). Pour cet auteur, le fait de restructurer la réalité de telle sorte à faciliter l'appréhension à la fois du côté objectif des choses, des expériences passées du sujet et du système de valeur (attitudes, normes...) « permet de définir la représentation comme une vision fonctionnelle du monde, qui permet à l'individu ou au groupe de donner un sens à ses conduites, et de comprendre la réalité, à travers son propre système de références, et donc de s'y adapter, de s'y définir une place » (Idem., p. 17). Autrement dit, c'est grâce au système représentationnel que l'individu arrive à saisir la réalité qui s'offre à lui et par là, communiquer avec soi-même et le monde extérieur suivant un ensemble d'anticipations et d'attentes (Idem.).

    2.2.3. Les caractéristiques d'une représentation sociale :

    Suite à ces différentes acceptions des représentations sociales, et en présence d'un objet socialement investi, Moliner et al., (2002) considèrent que les distinctions entre les contenus d'une représentation (opinions, informations, croyances, et attitude (Abric, 2011)) est inutile. En revanche, ces auteurs décrivent ces contenus comme un ensemble d'éléments cognitifs relatifs à un objet social. Cet ensemble présente quatre caractéristiques :

    -il est organisé ; les éléments constituants de la représentation entretiennent entre eux des relations de telle sorte à former une structure.

    -il est partagé par les individus d'un même groupe social ; mais pas totalement et ce, vu la nécessité d'une certaine homogénéité du groupe et vu aussi la position des individus par rapport à l'objet de représentation.

    -il est collectivement produit à l'occasion d'un processus global de communication ; c'est à travers les moyens de communication interindividuelle ou de masse que les individus arrivent à mettre en commun les éléments de la représentation qui constituent un consensus. « Rien n'apparaît plus vrai et légitime que ce qui est partagé par le plus grand nombre » (Moliner et al., 2002, p. 13).

    - il est socialement utile ; ceci renvoie à la finalité de la représentation sociale ; outre ses fonctions/rôles citées dans les définitions ci-dessus (appréhender l'objet auquel elle se rapporte, comprendre et interpréter l'environnement social) ; elle participe à la légitimité ou la

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    justification de certaines conduites et ce, à travers les critères d'évaluation de l'environnement qu'elle fournit.

    Une définition qui paraît résumer ces quatre caractéristiques, nous est fournie par Roussiau et Bonardi (2001a, cités dans Moliner et al., 2002, p. 13) :

    « [...] une représentation sociale est une organisation d'opinions socialement construites, relativement à un objet donné, résultant d'un ensemble de communications sociales, permettant de maîtriser l'environnement et de se l'approprier en fonction d'éléments symboliques propre à son ou à ses groupes d'appartenance ».

    2.2.4. Fonctions des représentations sociales :

    Les représentations sociales remplissent un ensemble de fonctions qui permettent « le maintien de l'identité sociale et de l'équilibre sociocognitif qui s'y trouve lié » (Jodelet, 1989, p. 68). Ainsi elles assurent « un rôle fondamental dans la dynamique des relations sociales et dans les pratiques » (Abric, 2011, p. 21). La première fonction est cognitive (Jodelet, 1989) ou encore appelée de savoir (Abric, 2011) car elles facilitent la compréhension et l'intégration, suivant un processus cognitif, de nouveaux éléments qui apparaissent dans l'environnement social des individus. La deuxième fonction est celle qui permet la protection et la légitimation du groupe (Jodelet, 1989) en lui attribuant une identité spécifique « compatible avec des systèmes de normes et de valeurs socialement et historiquement déterminés » (Mugny et Carugati, 1985 cités dans Abric, 2011, p. 21). Vient ensuite une troisième fonction celle d'orientation qui guide les comportements et les pratiques (Abric, 2011), les conduites et les communications (Jodelet, 1989). La dernière fonction consiste pour (Abric, 2011) à justifier à posteriori l'action car il considère que la fonction d'orientation comprend en elle-même la justification qui préside les actions. Pour Jodelet citant (Doise, 1973) considère que cette dernière fonction permet la justification, d'une manière anticipée ou rétrospective, des actions en interactions sociales ou intergroupe.

    2.2.5. Le processus de formation des représentations sociales :

    Avant de développer ce processus, signalons que Jodelet (1989) avait soulevé que l'appréhension des représentations sociales peut se faire suivant l'une des deux orientations suivantes :

    > la première orientation consiste à considérer ces représentations comme étant un champ structuré et il sera question, en premier lieu, de relever ses éléments constitutifs (informations, images, opinions, valeurs...). Ensuite, déterminer le principe de

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    cohérence structurant les champs de la représentation « organisateurs socioculturels, attitudes, modèles normatifs ou encore schémas cognitifs » (p. 72).

    > La seconde orientation traite ces représentations en tant que noyau structurant (champ sémantique) dont on doit « dégager les structures élémentaires autour desquelles se cristallisent les systèmes de représentation » (p. 72). C'est selon cette seconde orientation que nous allons appréhender les représentations sociales des enseignants à l'égard de l'orientation de leurs élèves.

    Ces deux orientations concernent des représentations déjà constituées, mais en amont il existe des processus qui président à leur formation. Abric (2011) citant le travail de Moscovici (1961) sur la représentation de la psychanalyse avait repéré deux processus :

    · Le premier processus est celui de l'objectivation qui conduit l'individu « à retenir de manière sélective une partie de l'information circulant dans la société à propos de la psychanalyse, pour aboutir à un agencement particulier des connaissances concernant cet objet. » (p. 27). Ce processus permet à l'individu, devant un objet complexe comme celui de la théorie de la psychanalyse, d'opérer une schématisation de cette théorie de telle sorte à ce qu'elle lui soit facilement assimilable. Cette schématisation passe par la sélection de quelques éléments concrets afin de créer, sans avoir besoin de tenir compte des règles logico-déductives de type scientifique, un savoir naïf caractérisé « par sa non-distanciation vis-à-vis de l'objet auquel il se rapporte » (Moliner et al., 2002, p. 25). Ceci contribue, au final, à la formation de ce que Moscovici (1976) appelle un modèle figuratif ou noyau figuratif. Les éléments de ce noyau subissent une

    décontextualisation et acquièrent une certaine autonomie qui les rend réutilisables dans d'autres contextes qui ne ressemblent pas forcement au contexte initial. Généralement, le processus d'objectivation consiste à « résorber un excès de significations en les matérialisant » (Ibid., p. 52). Ainsi, tout phénomène ou savoirs complexes sera approprié et intégré facilement par les individus qui, au moment de communiquer à propos de ce phénomène ou savoirs, auront le sentiment de le décrire « tel qu'il est réellement et tel qu'il est perçu par les autres » (Moliner et al., 2002, p. 26). Baggio (2006) avait rapporté que ce processus comporte trois phases : * la première phase : trier les informations perçues ou reçues, à travers un filtre culturel et surtout normatif, pour ne retenir que les éléments importants. C'est unephase de « la construction sélective » (Jodelet, 1989, p. 73)

    * la deuxième phase : les éléments retenus seront organisés en un noyau figuratif

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    « concret, simple, et cohérent avec les normes et la culture dans lesquelles il s'insère. C'est lui qui détermine la signification de la représentation » (p. 102). Plus encore, il « prend pour le sujet un statut d'évidence, il est pour lui la réalité même, il constitue le fondement stable autour duquel va se construire l'ensemble de la représentation. » (Abric, 2011, p. 27). Bref, c'est la phase de la formation d'un modèle ou noyau figuratif encore appelée « schématisation structurante » (Jodelet,

    1989, p. 73). Nous y reviendrons plus bas.

    * la troisième phase : après avoir attribué aux éléments qui composent la représentation (notamment le noyau figuratif) des propriétés ou des caractéristiques, il peut y avoir des éléments qui restent insaisissables. C'est pourquoi en dernière phase d'objectivation, l'individu est amené à apprivoiser ces éléments restants. Cette action est appelée naturalisation. Pour saisir celle-ci, prenons pour exemple, dans le travail de Moscovici sur la psychanalyse, quelques termes comme inconscient, refoulement, complexe... « revêtent une réalité tangible qui les rend accessibles » (p. 102).

    L'objectivation apparaît donc comme un processus mental qui concrétise ce qui est abstrait et rend pratique ce qui est théorique.

    Remarquons enfin avec Jodelet (1989) que c'est au niveau des deux premières phases que se manifeste « l'effet de la communication et des contraintes liées à l'appartenance sociale des sujets sur le choix et l'agencement des éléments constitutifs de la représentation. » (p.73).

    ~ Le second processus est L'ancrage : il « permet d'enraciner la représentation dans le social. » (p. 103). On l'a vu, les représentations dépendent largement d'un ensemble de filtres renvoyant aux croyances, appartenances socioculturelles et expériences des personnes qui les élaborent. Cet ancrage est qualifié de psychologique par Doise (1992 cité par Moliner et al., 2002) car il intervient dès la présence des éléments peu familiers et tente par la suite de les appréhender. Ainsi, tout en ayant une portée utilitaire, il opère les inférences nécessaires pour appréhender l'objet de la représentation (Moliner et al., 2002 citant Moscovici, 1961). Pour Jodelet (1989), ce processus infléchit et le contenu et la structure de la représentation en amont et en aval de sa formation. En amont, le rôle de l'ancrage est capital ; il permet d'enraciner la représentation et son objet dans un système de significations et de valeurs préexistant tout en veillant à l'harmonisation de l'ensemble des éléments. En d'autres termes, l'ancrage invite la mémoire structurée

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    suivant un système de pensée socialement établi d'accueillir et d'intégrer, en toute harmonie, de nouveaux éléments reçus ou perçus par l'individu. En aval, l'ancrage s'inscrit sur la même lignée de l'objectivation et contribue, à son tour, à l'instrumentalisation du savoir en le dotant des caractéristiques facilitant l'appréhension de l'environnement de l'individu. Autrement dit, « la structure imageante de la représentation devient guide de la lecture, et, par généralisation fonctionnelle, théorie de référence pour comprendre la réalité » (p. 73). Cela étant, cette relation dialectique entre l'objectivation et l'ancrage fait que ce dernier articule les fonctions de représentation citées ci-dessus. Signalons enfin, que le processus d'ancrage est plus présent dans la phase d'élaboration de la représentation vu qu'à ce stade le discours des individus à propos de l'objet n'est pas encore autonome (Moliner et al., 2002 citant Flament, 1989).

    Le processus de formation étant décrit, présentons à présent l'organisation et la structure des représentations sociales.

    2.2.6. Processus de structuration des représentations sociales :

    Pour étudier les représentations sociales, il faut tout d'abord déterminer le niveau d'observation. S'agit-il du niveau d'une société globale ou du niveau d'un groupe particulier ou du niveau individuel. Chaque niveau d'observation sous-tend un intérêt particulier dans l'étude des représentations sociales. Dans le cadre de notre recherche, nous nous focaliserons sur l'exploration des représentations au niveau d'un groupe particulier en l'occurrence un groupe des enseignants exerçant dans un collège. L'intérêt porté pour l'étude des représentations de ce groupe sera précisément de comprendre la structuration de la représentation (Moliner et al., 2002).

    Le groupe que nous allons étudier est pris pour un groupe social car il s'agit « d'un ensemble d'individus interagissant les uns avec les autres et placés dans une position commune vis-à-vis d'un objet social. » (Idem., p. 21). Celui-ci se rapporte, dans le cadre de notre recherche, à l'orientation des élèves. De plus, les enseignants au collège, au travers leurs interactions régulières, semblent occuper une position commune à l'égard de l'orientation de par leurs pratiques comparables ainsi que leurs niveaux d'intérêt et d'implications semblables (Idem.). Dans le groupe social, les représentations sociales se présentent, nous l'avons vu, sous forme « de connaissance, socialement élaborée et partagée» (jodelet, 1989, p. 36). Ces connaissances ou savoirs, dans un groupe social homogène, apparaissent beaucoup moins diversifiés (Moliner et al., 2002) mais pas tout à fait semblables. Sur ce point, Moliner (1993a

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    cité par Moliner et al., 2002) affirme que les objets sociaux sont « par nature polymorphes, composites ou complexes » (p. 22). Ceci rend leur appréhension différenciée et génère de ce fait une multitude d'expérience. Il paraît donc qu'en matière de représentation sociale, un objet social est appréhendé par les membres d'un groupe social suivant quelques éléments (informatifs, cognitifs, idéologiques, normatifs, valeurs, attitudes, images, opinions, croyances... (Jodelet, 1989)) saillants qui sont unanimes pour eux et d'autres mais moins importants relevant de l'expérience de chacun. En d'autres termes, il est question d'une part, d'un ensemble réduit d'éléments (qui font consensus dans le groupe et qui forme « sa vision commune » (Moliner et al., 2002) encore appelé noyau central chez Abric (1976, 1987 cité par Abric, 2011), noyau figuratif chez Moscovici (1976) et, d'autre part, un ensemble plus large d'éléments sur lesquels les membres du groupe se départagent (Moliner et al., 2002), et qui correspond aux éléments périphériques de la représentation chez Abric (1976, 1987 cité par Abric, 2011). Mais on se demande avec Moliner et al., (2002), comment les membres du groupe social gardent cette vision commune rien qu'avec un petit nombre d'éléments alors que le grand nombre d'éléments, produit des expériences individuelles variées, est censé départager les membres du groupe. Il nous semble que le petit nombre d'éléments est doté d'un certain pouvoir unificateur, sans pour autant contrarier le grand nombre, et des qualités particulières permettant la définition de l'objet de la représentation (Moliner et al., 2002). En d'autres termes, le petit nombre d'éléments agit sur le grand nombre de telle sorte à rendre la représentation sociale du groupe beaucoup plus stable. Pour Abric (2011), dans sa théorie du noyau central, le petit nombre d'éléments appelé noyau central est le composant fondamental de la représentation, car « c'est lui qui détermine à la fois la signification et l'organisation de la représentation » (Idem., p. 28). Il a deux fonctions :

    - Une fonction génératrice ou signifiante (Moliner et al., 2002) : il crée ou transforme la signification des autres éléments pour donner un sens global de l'objet et le partager par les membres du groupe.

    - Une fonction organisatrice : en déterminant la nature de la relation logique entre chacun des éléments de la représentation, il est l'élément unificateur et stabilisateur de la représentation.

    La variabilité des objets et des situations d'interaction sociale fait que le noyau central se présente selon deux dimensions :

    - Une dimension fonctionnelle : là ou les situations ont une finalité opératoire et dont le noyau central de la représentation est constitué des éléments (par exemple des images opératives) sans lesquels on ne peut réaliser la tâche.

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    - Une dimension normative : prenne forme dans les situations où intervient directement le socio-affectif, l'idéologique ou le sociale.

    Quant au grand nombre d'éléments, il constitue les éléments périphériques (l'essentiel de la représentation) qui gravitent autour du noyau central. Celui-ci détermine leurs valeurs, leurs pondérations et leurs présences. Ces éléments se positionnent à l'interface entre le noyau central et le monde extérieur dont lequel fonctionne ou s'élabore la représentation. De ce fait, ils sont les plus accessibles, les plus concrets et les plus vivants. C'est à leur niveau que les informations sont « retenues, sélectionnées et interprétées, des jugements formulés à propos de l'objet, et de son environnement, des stéréotypes et des croyances. » (Abric, 2011, p. 33). Ces éléments périphériques répondent à trois fonctions essentielles :

    - La fonction concrétisation : ils matérialisent l'ancrage de la représentation à travers l'intégration des éléments de la situation dans laquelle se forme cette représentation. « ils disent le présents et le vécu des sujets » (p. 33)

    - La fonction régulation : les éléments périphériques, de par leur caractère souple, arrivent à adapter la représentation aux évolutions de l'environnement. Ainsi, ils peuvent intégrer de nouvelles informations même celles qui risquent de déstabiliser le fondement de la représentation et ce, en minimisant leurs statuts ou en rapprochant leurs sens à la signification centrale ou en leur traitant en tant qu'exceptionnelles.

    - La fonction défense : comme un « pare-chocs » (Flament, 1987 cité par Abric, 2011), ils arrivent à sauvegarder l'intégrité de la représentation. Etant donné que le noyau central est généralement stable, c'est à leur niveau que s'opèrent les éventuels changements de la représentation.

    Au-delà de ces fonctions, Flament (1987, 1988, 2011 cité par Abric, 2011) indique que ces éléments périphériques, en tant que schèmes organisés par le noyau central, ont un rôle important dans le fonctionnement de la représentation. Pour lui, ces schèmes constituent « une grille de décryptage d'une situation » (Flament, 1989 cité par Abric, 2011, p. 34-35) et leur importance résulte de trois fonctions :

    - Ils sont prescripteurs des comportements (des prises de position pour Abric (2011) du sujet. ils lui permettent de réagir instantanément aux stimuli, sans avoir recours aux significations centrales, suivant deux formes de comportement dichotomiques (normal ou pas normal).

    - Modulation personnalisée des représentations et des conduites qui leur sont associées. C'est dire qu'une représentation, bien qu'elle possède un noyau central

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    unique, peut se manifester différemment à travers l'appropriation du système périphérique qui diffère d'un individu à un autre. Toutefois, ces différences deviennent possibles à condition qu'elles « soient compatibles avec un même noyau central » (p. 35)

    - Ils protègent, si besoin est, le noyau central. C'est la fonction de défense relative aux éléments périphériques. Cependant, Flament (1987 cité par Abric, 2011) rajoute une particularité à cette fonction. Pour lui, lorsqu'une représentation est sévèrement atteinte et donc la stabilité de son noyau dur est menacée, les schèmes prescrivant le normal de ce qui ne l'est pas se transforment en schèmes étranges. Ceux-ci sont définis par quatre composantes : « le rappel du normal, la désignation de l'élément étranger, l'affirmation d'une contradiction entre ces deux termes, l'appropriation d'une certaine rationalisation permettant de supporter (pour un temps) la contradiction » (Flament, 1987 cité par Abric, 2011, p. 35).

    Au terme de cet exposé sur la théorie des représentations sociales, nous pouvons retenir d'abord, que c'est une théorie qui a vocation de comprendre et d'expliquer, d'une part, la façon avec laquelle un groupe de personnes arrive à se construire une vision commune de son environnement social et, d'autre part, comment cette vision même constitue, pour partie, l'arrière plan du système d'interprétation que chaque individu de ce groupe s'y réfère pour saisir la réalité dont il évolue et interagir avec son monde social.

    A la lumière de ce cadrage théorique, nous allons, dans la partie suivante, présenter l'approche méthodologique adoptée afin d'apporter des éléments de réponse à nos questions de recherche:

    > Comment les enseignants se représentent-ils la notion de l'orientation scolaire ?

    > Pensent-ils qu'ils ont un rôle à jouer dans l'orientation scolaire de leurs élèves ? Et comment ce rôle se décline au niveau de leur pratique professionnelle?

    > Comment se représentent-ils les différentes filières scolaires après la troisième collégiale ?

    > Quelles sont les critères/indices que les enseignants ont tendance à utiliser pour se prononcer sur l'orientation de tel ou tel élève ?

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    PARTIE IV : CADRE PRATIQUE

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    Chapitre I. Approche méthodologique : Introduction :

    D'emblée, il faut souligner que notre démarche compréhensive est fondée sur un paradigme descriptif qui « vise à décrire des phénomènes ou une situation » (Pourtois, Desmet et Lahaye, 2001). Il s'agit donc d'une approche descriptive répondant à la question : « Quelles sont les caractéristiques des représentations sociales, que se font les enseignants à l'égard de l'orientation de leurs élèves ?». L'option choisie nous place ainsi dans une perspective exploratoire des pratiques enseignantes en matière d'orientation. Cette recherche exploratoire est essentiellement qualitative car elle examine les dires des enseignants et elle est centrée davantage sur leurs productions discursives. Celles-ci représentent, en effet, une des sources majeures susceptibles de nous informer sur les représentations sociales d'un groupe d'individus (Moliner et al., 2002).

    1.1. Choix de la population :

    Nous avons choisi d'enquêter dans un seul établissement scolaire (un collège situé dans une zone défavorisée de la ville de Marrakech) et ce, pour pouvoir identifier une pratique commune des enseignants. D'ailleurs, plusieurs enquêtes ethnographiques (Vanzatan, 2000a cité dans Duru-Bellat, 2002) montrent que « les manières de faire des enseignants, leurs normes professionnelles s'élaborent au sein de leur contexte d'exercice ; elles intègrent les représentations qu'ils se font de leur public, de ses acquis ou de ses carences, et de ses intérêts» (p. 127). D'autres travaux, notamment ceux de Brookover et al., (1979 cités par Bressoux, 2006) ont pu vérifier que chaque établissement scolaire développe sa propre culture (valeurs, attentes, normes...) de telle sorte à se constituer en tant que véritable organisation sociale.

    Nous avons donc enquêté auprès de douze professeurs au collège de disciplines différentes. Ce choix a été dicté par la volonté de recueillir des informations qui peuvent être différentes selon, d'une part, le poids de la discipline dans le programme scolaire et, d'autre part, la nature même du contenu enseigné. Notre échantillon se compose comme suit :

    > Quatre professeurs des disciplines qualifiées de littéraires :

    Arabe, français, histoire, géographie et éducation islamique. > Quatre professeurs des disciplines qualifiées de scientifiques :

    Mathématiques, sciences physique et sciences naturelles.

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    > Quatre professeurs des disciplines qualifiées de disciplines de découverte : Technologie, éducation physique, anglais et éducation musicale.

    1.2. Les outils utilisés :

    Vouloir examiner les dires des enseignants sous-entend l'utilisation des enquêtes par entretien semi-directif. Celui-ci est souvent utilisé « pour collecter les discours exprimant opinions, idées, croyances et attitudes concernant divers objets sociaux. » (Moliner et al., 2002, p. 52). Nous avons conduit, donc, une dizaine d'entretiens auprès des enseignants au collège.

    Selon Abric (2011), une représentation sociale se définit par deux composantes : son contenu (informations et attitudes) et son organisation (sa structure interne). Ceci implique que l'étude des représentations sociales nécessite une approche multiméthodologique. D'abord, il faut repérer le contenu de la représentation. Ensuite étudier les relations entres les éléments constitutifs de la représentation pour en déterminer finalement le noyau central. Or, l'entretien, bien qu'il permette l'accès au contenu des représentations sociales, ne permet que rarement d'accéder directement à son organisation et sa structure interne (Abric, 2011, p. 76). Nous avons utilisé donc, pour chaque enquêté, en première phase l'entretien semi-directif, et en deuxième phase la démarche associative et réflexive à partir d'un ensemble d'informations (Moliner et al., 2002). Cette démarche est appelée aussi méthode de cas. Pour Mucchielli (1996 cité dans Moliner et al., 2002), cette méthode consiste « à rapporter une situation réelle précise dans son contexte et à l'analyser pour voir comment se manifestent et évoluent les phénomènes auxquels le chercheur s'intéresse » (p. 77). Stake (1994, cité dans Moliner et al., 2002) souligne un type de cas qualifié d'instrumental et considéré par Mucchielli (1996) comme étant le plus approprié pour identifier les contenus des représentations sociales car il comporte un ensemble de traits typiques par rapport à un objet donné. C'est en quelque sorte une démarche inspirée à la fois de la technique des choix successifs par blocs (Guimelli, 1988 cité dans Abric, 2011) et de la technique utilisée pour l'analyse des représentations des professionnels intervenant dans le placement d'enfants et d'adolescents (Bonte et Cohen-Scali, 2000 cité dans Moliner et al., 2002).

    Plus concrètement encore et afin de répondre aux différentes questions de la recherche, nous avons enquêté auprès de douze professeurs (quatre enseignants des matières scientifiques, quatre enseignants des matières littéraires, quatre enseignants des matières artistiques). Notre objectif, rappelons-le, est de déterminer les caractéristiques des représentations sociales que se

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    font les enseignants à l'égard de l'orientation de leurs élèves. Nous nous sommes focalisé sur l'orientation des élèves de niveau scolaire moyen vers la filière scientifique et littéraire car ces deux filières forment généralement les deux options dichotomiques.

    Notre entrevue avec chaque enquêté s'est déroulée en deux phases :

    > La première phase consistait à réaliser des entretiens semi directifs (voir annexe n°1) avec les enseignants (ces entretiens étaient d'une durée de 25 à 50 mn). Ils étaient conduits à partir de quatre thèmes structurant le guide d'entretien. Ces thèmes sont conçus de telle sorte à répondre principalement aux questions de recherche (nous y reviendrons un peu plus bas) :

    Thème n°1 : la notion d'orientation scolaire ;

    Thème n°2 : les facteurs influençant le choix d'orientation ;

    Thème n°3 : les représentations des différentes filières après la troisième ;

    Thème n°4 : les pratiques enseignantes en matière d'orientation.

    Ces entretiens semi-directifs nous ont permis aussi de recueillir des informations personnelles sur les professeurs enquêtés.

    > Dans la deuxième phase, nous leur avons présenté une activité (la méthode de cas) sous forme d'une liste de critères (voir annexe n°2) concernant les élèves et que l'enseignant devait y opérer une certaine sélection. Cette liste de critères de natures différentes (critères relatifs à la note chiffrée, au statut socio-économique, au genre et aux voeux d'orientation) a été conçue en combinant deux types d'informations :

    - Des informations sur un élève qui a des performances scolaires moyennes car, comme l'a signalé Jean-Pierre Zirotti (1980), quand les performances sont moyennes, c'est en fonction des variables autres que la valeur scolaire tels que l'âge, le comportement...que se joue la décision d'orientation, elles-mêmes largement structurées par l'origine sociale et le sexe (Duru-Bella, 2002). Ceci rend les jugements des enseignants portés sur les élèves un peu en dessous de la moyenne largement discutables (Van Zanten, 2001 ; Berthelot, 1993 cités dans Olivier Meunier, 2008).

    - De quelques informations susceptibles de déclencher les représentations stéréotypées comme celles utilisées par Channouf et al., (2005).

    Ainsi, l'enseignant enquêté a été amené à choisir parmi ces critères, quatre sur lesquels il peut se baser pour se prononcer sur l'orientation de l'élève dans la filière scientifique ou littéraire. Nous avons considéré le choix effectué par l'enquêté comme étant le scénario pertinent pour orienter l'élève. Trois autres scénarios

    62

    devaient être établis par le professeur et classés du plus prédictif au moins prédictif. Il est à signaler, ici, que nous avons opté pour une activité qui demande aux enquêtés non seulement de se prononcer sur l'orientation d'un élève à partir d'un ensemble d'informations connues, mais aussi de choisir et d'ordonner, eux-mêmes, les critères qu'ils jugent déterminants dans la prise de décisions d'orientation. Nous avons, en quelque sorte, inversé la situation ; au lieu de présenter un cas d'élève avec certaines informations et demander à l'enseignant de proposer l'orientation qui lui paraît la mieux adaptée à cet élève, nous l'avons incité à déterminer les informations pertinentes pour se prononcer sur l'orientation d'un élève. Suivant ce procédé, il nous est possible, nous semble-t-il, de contourner les difficultés rencontrées pour cerner, au mieux, les critères sur lesquelles se basent les enseignants ou ceux qu'ils retiennent en premier lieu pour prendre les décisions d'orientation.

    Cette démarche d'enquête, nous a permis, via une analyse de contenu et certaines statistiques descriptives, d'identifier les caractéristiques des éléments qui structurent la représentation de l'orientation des élèves chez les enseignants et les éléments les plus retenus par ces derniers et qui influencent leurs décisions d'orientation.

    1.2.1. L'entretien semi-directif : 1.2.1.1. Elaboration :

    Vu le caractère complexe de notre objet de recherche qui consiste, rappelons-le, à explorer les représentations sociales que se font les enseignants à l'égard de l'orientation de leurs élèves, nous aurons donc une multitude d'aspects sur lesquels il faut s'interroger pour rendre compte de ces représentations « les représentations sociales d'un groupe d'individus ou une société à une époque donnée n'apparaissent pas de manière explicite dans les différentes sources d'informations étudiées. Même lorsqu'il est centré sur un objet unique, un corpus discursif ou textuel est forcément traversé de thématiques connexes » ( Moliner et al., p. 79). Nous avons donc essayé de multiplier les entrées de recueil des données afin de tracer un tableau suffisamment complet de l'objet de notre recherche. Toutefois, les questions de notre recherche ont constitué l'arrière-fond du processus qui nous a conduit à l'élaboration des thèmes de l'entretien semi-directif. Pour Paillé et Mucchielli (2003), il est possible de « partir de ces questions de recherche pour ensuite les formaliser, développer, subdiviser, compléter, pour les utiliser comme canevas d'analyse...» (p. 110).

    > Comment les enseignants se représentent-ils la notion de l'orientation scolaire ?

    63

    > Pensent-ils qu'ils ont un rôle à jouer dans l'orientation scolaire de leurs élèves ? Et comment ce rôle se décline au niveau de leur pratique professionnelle ?

    > Comment se représentent-ils les différentes filières scolaires après la troisième collégiale ?

    > Quelles sont les critères/indices que les enseignants ont-ils tendance à utiliser pour se prononcer sur l'orientation de tel ou tel élève ?

    Nous avons donc identifié quatre thèmes principaux autour desquels s'est déroulé l'entretien avec les enquêtés :

    · La notion de l'orientation ;

    · Les facteurs influençant l'orientation ;

    · Les représentations des différentes filières scolaires après la troisième ;

    · La pratique enseignante en matière d'orientation scolaire.

    Nous avons introduit dans le guide d'entretien des questions formulées différemment mais qui se rapportent à l'un ou/et à l'autre thème cités avant. La première version du guide ayant été élaborée, nous l'avons par la suite finalisée après l'avoir testée avec un enseignant au collège.

    1.2.1.2. Déroulement :

    Pour s'assurer du bon déroulement des entretiens susceptibles de nous éclairer sur les différents aspects relatifs à notre objet de recherche, nous avons veillé à ce que :

    - Les entretiens se déroulent dans un même lieu ;

    - Les enseignants enquêtés adoptent une posture réflexive par rapport à leur pratique enseignante en matière d'orientation. Pour se faire, nous leur avons donné, au début de l'entretien, une même consigne générale leur présentant l'objectif et le déroulement de l'entretien.

    Et pour limiter, autant que faire se peut, les effets de la désirabilité sociale (Crahay, 2007), étant nous-même conseiller en orientation, et de peur que les enseignants enquêtés n'essayent d'adopter une posture qui sera plus compatible, dans ce genre de situation, aux normes professionnelles et sociales en vigueur, nous avons invité les enseignants à se comporter le plus librement possible et de communiquer leurs pensées sans censure. Ainsi, nous leur avons dit de nous prendre pour un apprenti-chercheur qui vient, en « non-savant » attentif, chercher quelques réponses sur le sujet de l'orientation des élèves.

    64

    Enfin, nous avons informé les enquêtés du caractère anonyme de l'enquête et nous leur avons promis, en les remerciant pour leur collaboration, de leur restituer un dossier contenant les résultats de cette recherche.

    1.3. Traitement et analyse des données obtenues :

    1.3.1. Technique utilisée :

    Pour traiter les informations recueillies auprès des enseignants, nous avons mobilisé la technique d'analyse de contenu et ce, car cette technique est « l'une des plus anciennes et des plus utilisées pour étudier les représentations sociales » (Moliner et al., 2002, p. 79). Elle « est la technique la plus appropriée pour identifier les opinions, les croyances, les prise de position et les points de vues véhiculés par les discours. » (Ibid., p. 80). Cette technique doit nous aider, en analysant le réel comme réalité, à mettre en évidence, les éléments dicibles et remarquables de notre corpus. Enfin elle devra surtout être en mesure de répondre à notre question centrale : « quelles sont les caractéristiques des représentations sociales que se font les enseignants à l'égard de l'orientation de leurs élèves ? ».

    1.3.2. La démarche d'analyse de contenu:

    1.3.2.1. L'analyse inductive générale : a. Définition :

    Précisons, ici, que notre objectif n'est pas d'esquisser une interprétation ou une théorisation pour elle-même, mais de répondre aux questions de notre recherche à travers l'exploration et la description d'un ensemble d'aspects entourant la pratique enseignante en matière d'orientation et rapportés par douze enseignants au collège. Pour se faire, nous nous sommes basé, pour traiter les données recueillies, sur la démarche d'analyse inductive générale. Celle-ci « se prête particulièrement bien à l'analyse de données portant sur des objets de recherche à caractère exploratoire, pour lesquels le chercheur n'a pas accès à des catégories déjà existantes dans la littérature » (Blais, Martineau, 2006, p. 4). Ces deux auteurs définissent donc cette démarche d'analyse comme étant :

    « Un ensemble de procédures systématiques permettant de traiter des données qualitatives, ces procédures étant essentiellement guidées par les objectifs de recherche. Elle s'appuie sur différentes stratégies utilisant prioritairement la lecture détaillée des données brutes pour faire émerger des catégories à partir des interprétations du chercheur qui s'appuie sur ces données brutes » (p. 3)

    Selon Thomas (2006 cité dans Blais et Martineau, 2006), cette démarche nous permettra, d'une part, de reproduire les données brutes, variées et nombreuses, sous un format condensé

    65

    et résumé que nous appelons catégories et, d'autre part, d'établir des liens entre ces catégories et les réponses attendues aux questions de notre recherche.

    b. Etapes d'analyse :

    Nous avons utilisé la technique d'analyse inductive générale pour analyser le contenu des discours produits par les enquêtés. Nous avons commencé par la retranscription intégrale des entretiens sur un fichier Word. Ensuite, bien qu'il existe des logiciels spécialisés dans l'analyse de contenu, nous avons préféré nous servir du Tableur Excel (vu qu'il offre de nombreux avantages : disponibilité, facilité d'utilisation, libre configuration, mettre le texte transcrit dans une colonne et d'ajouter les remarques et les annotations là où on veut, la possibilité d'avoir une vue d'ensemble de l'analyse effectuée, le passage rapide d'un entretien à un autre suivant les feuilles du classeur, utilisation des couleurs pour coder les catégories et sous-catégories, faire la consolidation des résultats, les statistiques nécessaires...). Cette analyse a consisté, en premier lieu, à une lecture attentive de tous les entretiens transcrits. Ensuite, nous avons établi une grille d'analyse préliminaire en se basant sur les thèmes de l'entretien semi-directif (conçus à partir des questions de notre recherche). Les thèmes sont pris, dans notre analyse, pour le premier niveau de catégorie qui, d'habitude, « devrait être directement lié aux objectifs ou aux questions de recherche. Les autres niveaux proviennent des lectures » (Kaufmann, 2007, p. 7). Nous avons mentionné, au départ, quelques catégories qui nous ont apparu particulièrement saillantes lors de nos premières lectures des entretiens. Ainsi nous avons procédé par une déconstruction-reconstruction de chaque entretien suivant les unités de sens qui y figurent et ce, parce que « chaque entretien compose un univers singulier, de points de vue et d'émotions propres à un individu interrogé. C'est grâce à l'opération secondaire de regroupement des discours au sein d'une analyse globale que sera recomposé le monde social brossé par les différents sujets. » (Moliner et al., 2002, p.52).

    Pour établir une grille d'analyse finale (voir annexe n°3), nous avons procédé par une thématisation continue. Celle-ci « consiste en une démarche ininterrompue d'attribution de thèmes et, simultanément, de construction de l'arbre thématique. Ainsi les thèmes sont identifiés et notés au fur et à mesure de la lecture du texte, puis regroupés et fusionnés au besoin, et finalement hiérarchisés sous la forme de thèmes centraux regroupant des thèmes associés » (Paille, Mucchielli, 2003, p. 124). Nous avons donc revu toutes les unités de sens extraites et procédé par regroupement, en sous-catégories selon la technique de l'entonnoir, de celles qui ont la même portée significative. Pour rendre compte, avec plus de détail, des éléments qui composent l'univers représentationnel des enquêtés autour des thèmes abordés

    66

    dans l'entretien semi-directif, nous avons veillé à ce que toutes les unités significatives susceptibles de nous informer sur le thème en question soient représentées dans la grille d'analyse thématique; des plus significatives (là où se présente un certain consensus entre les enquêtés) au moins significatives (là où une personne enquêtée, au moins, les avait introduites dans son discours). Ce choix a été dicté par la nature même de notre objet de recherche. Rappelons-le, notre recherche tente de déterminer les éléments constitutifs des représentations sociales des enseignants à l'égard de l'orientation de leurs élèves. Or ces représentations se composent de deux groupes d'éléments : un groupe constituant les éléments centraux (les plus significatifs et largement repris par les enquêtés lors des entretiens) et un groupe d'éléments périphériques (qui ne semblent pas occuper une place centrale dans les discours des enseignants mais qui viennent créer une certaine harmonisation de l'ensemble des discours produit autour d'une thématique donnée). La tâche semble donc proche d'un travail de documentation mettant en exergue « l'importance de certains thèmes au sein de l'ensemble thématique, donc de relever des récurrences, des regroupements, etc. » (Paille, Mucchielli, 2003, p. 124). A la fin, nous avons soumis tous les entretiens à cette grille finalisée pour entamer, par la suite, un dépouillement systématique permettant de quantifier ce qui est qualitatif. Cette quantification consiste, en plus des calculs relatifs au nombre des occurrences des catégories, en un calcul permettant de juger de la représentativité d'une catégorie et l'espace qu'elle occupe par rapport aux autres catégories. Ce deuxième calcul (voir son explication au niveau la sous-section 1.3 présentant les facteurs influençant le choix d'orientation des élèves) n'est effectué que lorsque nous estimons nécessaire de mettre au clair la place occupée par chaque catégorie dans l'analyse du thème en question. Nous présenterons dans ce qui suit la grille d'analyse thématique suivant les thèmes et les questions abordés dans l'entretien et qui sont sensés apporter des réponses aux questions de la recherche.

    1.3.2.2. Présentation de la grille d'analyse de contenu (annexe n° 3):

    Etant donné que nous avons utilisé l'entretien d'enquête pour collecter les informations auprès des enseignants enquêtés, notre grille d'analyse de contenu a été conçue à partir du guide d'entretien semi-directif utilisé. Cette grille, en tant qu'outil déterminant dans le traitement et l'analyse des données, a été dressée puis complétée au fur et à mesure de l'analyse des entretiens. L'analyse de contenu obtenu consistait « à la réorganisation de chacun des entretiens de façon à ce qu'ils soient tous présentés exactement de la même façon » (Moliner et al., 2002, p. 92). Cette réorganisation résultait, on l'a vu, « d'un travail de

    67

    codage et de catégorisation des unités de discours » (p. 92). Dans notre conception des

    catégories et sous-catégories regroupant à leur tour des indices (unités de sens : mots ou

    expressions), nous avons veillé à ce qu'elles respectent les règles de l'exclusion mutuelle, de

    l'homogénéité, de la pertinence et de l'objectivité (Bardin, 2001 cité par Moliner et al., 2002,

    p.91).

    Ajoutons aussi que nous avons appliqué une procédure ouverte (Moliner et al., 2002), sans

    hypothèse de départ servant de guide, mieux adaptée aux phases exploratoires de recherche,

    comme c'est le cas dans notre étude. Nous présentons, ci-dessous, les thèmes et les catégories

    principales de notre grille d'analyse (la grille en intégralité figure en annexe n°3) :

    Thème n°1 : la notion de l'orientation

    1.1. Action propre à l'élève

    1.2. Action partagée pour orienter l'élève

    Thème n°2 : les facteurs influençant le choix d'orientation

    2.1. Contexte familial

    2.2. Contexte scolaire et professionnel

    2.3. Caractéristiques personnelles

    Thème n°3 : les représentations des différentes filières scolaires après la troisième

    3.1. Orientation scientifique

    3.2. Orientation littéraire

    Thème n°4 : la pratique enseignante en matière d'orientation scolaire

    4.1. Rôle dans l'orientation des élèves

    4.2. Influence sur le choix d'orientation

    4.3. Démarches d'aide à l'orientation

    4.4. Critères retenus pour se prononcer sur l'orientation d'un élève

    4.5. Évaluation de la procédure administrative d'orientation

    4.6. Amélioration des pratiques en orientation

    1.3.3. Validité et fidélité de la méthode utilisée :

    Etant conscient que « quels que soient l'intérêt et la puissance d'une méthode d'analyse, il est bien évident que le type d'informations recueillies, leur qualité et leur pertinence déterminent directement la validité des résultats obtenus et des analyses réalisées. » (Abric, 2011, p. 73), nous avons essayé de respecter, autant que possible, les trois règles d'une recherche rigoureuse (Paille, Mucchielli, 2003). D'abord, la triangulation en utilisant plusieurs sources d'informations (l'entretien semi-directif et l'activité proposée aux enquêtés). Ensuite, nous avons constitué une banque d'informations (enregistrements audio des entretiens, leur

    68

    transcription intégrale sur un fichier Word, leur analyse et traitement sur un fichier Excel, un ensemble d'annotations de corpus, d'essais de sens et de textes répertoriés...) à laquelle nous nous sommes retourné chaque fois que besoin. Enfin, nous avons soumis la transcription des entretiens à certains enquêtés afin d'y opérer des modifications ou des rajouts susceptibles d'enrichir davantage ce qui leur paraissaient incomplet).

    1.4. Contraintes méthodologiques et limites de la recherche :

    Pour rendre compte des contraintes méthodologiques et limites de notre recherche, nous pensons, particulièrement, à la contrainte souvent soulevé par Bourdieu (1994, cité dans Denave, 2006) dans ce type de recherche. Pour lui, dans une enquête par entretien, il faut se méfier des discours des enquêtés. Ceux-ci peuvent, par un désir de donner sens à leurs histoires, se voir tentés une sélection, « en fonction d'une intention globale », de « certains événements significatifs » et d'établir « entre eux des connexions propres à les justifier d'avoir existé et à leur donner cohérence » (p. 95). Ceci rejoint les propos d'Abric (1994) lorsqu'il considère que les résultats d'enquête par entretien sur les pratiques sont, généralement, inférés à partir des pratiques rapportées et non pas des pratiques effectives. Nous aimerions ensuite, émettre certaines réserves quant aux dires des enseignants, car il se peut que d'autres facteurs entrent en jeu dans l'entretien et biaisent de ce fait les résultats de l'enquête, notamment l'effet de la désirabilité sociale (Crahay, 2007).

    Par rapport aux limites de notre recherche, nous estimons que celle-ci présente les limites suivantes :

    D'abord, les résultats de cette recherche ont une portée limitée au contexte dans lequel s'est déroulée l'enquête du terrain. En effet, vu que cette recherche est essentiellement qualitative, nous n'avons pu explorer les représentations que d'un panel réduit des enseignants au collège. Il nous est donc difficile de prétendre la généralisation des conclusions de cette recherche sur la pratique enseignante en matière d'orientation au Maroc.

    Ensuite, cette recherche ne vise pas la proposition des solutions à la problématique de l'orientation, mais plutôt de susciter une réflexion à propos des représentations sociales traitées dans ce mémoire. Cette réflexion permettra, peut être, au lecteur d'avoir un certain recul quant à l'influence de ses propres représentations dans sa pratique professionnelle et/ou sociale.

    69

    Enfin, pour faire preuve de plus de précision, cette recherche a besoin d'être prolongée mais, cette fois-ci, en se focalisant sur un ou deux aspects issus des représentations sociales de l'objet de notre recherche tels que la notion d'orientation scolaire, les facteurs influençant le choix d'orientation, le rôle de l'enseignant dans l'orientation, sa démarche d'aide à l'orientation, les critères qu'il retient pour prendre des décision d'orientation, etc.

    70

    Chapitre II. Présentation et analyse des résultats :

    Dans ce chapitre, les résultats sont présentés en incluant leur analyse car « décrire c'est choisir; donc, déjà, c'est analyser : classer le matériel, c'est l'analyser. » (Deslauriers, 1991 cité par Fortin, 1992, p. 216). Nous commençons, dans une première partie par la présentation des résultats issus de l'analyse qualitative du corpus recueilli. Dans cette partie, nous présentons les caractéristiques de l'échantillon enquêté suivies de l'analyse des données qualitatives qui sera conduite selon les thèmes structurant le guide d'entretien et qui sont, rappelons-le, conçus à partir des questions de notre recherche exploratoire :

    Thème n°1 : la notion d'orientation scolaire ;

    Thème n°2 : les facteurs influençant le choix d'orientation ;

    Thème n°3 : les représentations des différentes filières après la troisième ; Thème n°4 : les pratiques enseignantes en matière d'orientation.

    Toutefois, ces thèmes sont repris, tour à tour, en faisant ressortir l'analyse sur ce qui fait consensus et ce qui ne le fait pas entre les enseignants enquêtés à travers des appuis relatifs au cadre théorique. Dans la deuxième partie de ce chapitre nous présentons les résultats de l'activité proposée aux enquêtés (la méthode de cas). Cette approche qualitative et exploratoire des représentations de l'orientation des élèves chez leurs enseignants dans un établissement solaire au Maroc, nous permettra donc d'identifier des indicateurs sur les attentes, les opinions, les croyances et les pratiques enseignantes en matière d'orientation.

    71

    2.1. Résultats de l'enquête par entretien semi-directif:

    Tableau n°3 : Informations générales sur l'échantillon de l'enquête

     

    Informations générales

     

    Age (en années)

    Ancienneté dans

    l'enseignement (en années)

    Nombre d'années d'enseignement en 3ème collégiale

    Niveau d'étude

    Suivi d'un cours de
    base en évaluation
    des apprentissages

    Suivi des formations continues en

    orientation scolaire

    Participations à

    quelques activités

    d'aide à l'orientation

    Enseignant de

    Mathématiques

    F

    54

    30

    30

    Bac

    Non

    Non

    Non

     

    F

    55

    32

    32

    Bac

    Non

    Oui

    Non

     

    M

    57

    27

    27

    Bac+2

    Non

    Non

    Non

     

    M

    53

    35

    35

    Bac+2

    Oui

    Oui

    Non

     

    F

    52

    35

    22

    Licence

    Oui

    Non

    Non

     

    F

    50

    26

    26

    Maîtrise

    Oui

    Oui

    Non

     

    F

    42

    25

    25

    Licence

    Oui

    Oui

    Oui

     

    F

    50

    25

    25

    Bac+2

    Oui

    Non

    Non

     

    M

    53

    25

    25

    Bac

    Oui

    Non

    Non

     

    M

    52

    28

    26

    Bac

    Oui

    Non

    Non

     

    M

    42

    14

    0

    Licence

    Oui

    Non

    Non

     

    F

    31

    8

    8

    Licence

    Oui

    Non

    Non

     

    *F= Féminin M= Masculin

    2.1.1. Caractéristiques de l'échantillon :

    Notre échantillon se compose de 12 enseignants de disciplines différentes. Sept femmes et 5 hommes. Ces enseignants sont relativement âgés. Leur âge varie de 31 ans à 57 ans, soit une moyenne de 49,5 ans. Ceci peut être expliqué par le fait que l'établissement dont ils exercent se situe en zone urbaine dans une grande ville au Maroc. Les enseignants exerçant en milieu urbain sont généralement plus âgés que ceux exerçant en milieu rural. Leur expérience dans l'enseignement est aussi relativement longue. A l'exception des enseignants de l'éducation musicale et de l'anglais qui ont respectivement 14 ans et 8 ans d'expérience, les autres enseignants ont une expérience d'au moins 25 ans dans l'enseignement. Au cours de l'exercice de leur fonction d'enseignant, la majorité des enquêtés ont eu, le plus souvent, des classes de troisième collégiale. Cette position les confronte souvent aux problèmes d'orientation scolaire vu que la troisième collégiale constitue le premier palier d'orientation des élèves. Concernant leur niveau d'étude, quatre enseignants ont un niveau bac, trois ont un bac+2, quatre ont une licence et une personne a une maîtrise. Par rapport au suivi d'un cours de base en évaluation, à l'exception de trois personnes, les autres enquêtés ont affirmé l'avoir suivi. Par contre, seulement quatre parmi douze enseignants ont déclaré avoir suivi une

    72

    formation en orientation et une seule personne a déclaré avoir participé à des activités d'aide à l'orientation. Nous nous attendons donc à ce que cette dernière donnée constituera une des sources d'influence sur leur appréhension du domaine de l'orientation et par conséquent sur leur pratique enseignante en matière d'orientation.

    2.1.2. La notion d'orientation scolaire vue par les enseignants :

    Nous présentons dans cette première section de l'analyse, la notion d'orientation scolaire telle que la conçoivent les enseignants enquêtés. Le tableau n° 4 reprend les différentes acceptions de la notion d'orientation scolaire. Son analyse nous permettra de répondre à la première question de notre recherche : comment les enseignants se représentent-ils la notion de l'orientation scolaire ?

    Avant d'analyser les données de ce tableau, soulignons que lors des entretiens, nous avons constaté que, globalement, chaque enquêté avait construit une part importante de son discours autour d'un mot/expression/idée structurant l'essentiel de sa pensée relative à l'objet de notre recherche. C'est dire que ce mot/expression/idée, en tant que fil conducteur ou une chaine d'idées centrales, reprend la surface plusieurs fois au cours de l'entretien comme par exemple « l'implication dans l'orientation des élèves », « l'acquisition des langues », « le scientifique est celui qui a de bons résultats », « la note », « le modèle », « la mode » « le test », « la compétence », « faire aimer sa discipline » « l'autorité épistémique »... Ceci semble permettre à l'enquêté de maintenir une position relativement stable par rapport aux thèmes abordés dans l'entretien et d'éviter, autant que possible, la production d'un discours contradictoire.

    Tableau n° 4 :

    Catégories

    Entretien avec l'enseignant de

    total des (Oui)

     

    sc. physique 1

    sc. physique 2

    sc. naturelles

    français

    arabe

    histoire-géo

    éducation islamique

    technologie

    éducation physique

    anglais

    éducation musicale

     

    1.1.1. un choix à faire

    1

    0

    0

    1

    0

    1

    1

    0

    1

    1

    1

    1

    8

     

    0

    0

    0

    1

    1

    0

    0

    1

    0

    0

    0

    0

    3

    1.2. Action partagée pour orienter l'élève

    1.2.1. ensemble d'opérations pour optimiser le parcours scolaire de l'élève

    0

    1

    1

    1

    1

    0

    1

    1

    0

    1

    0

    0

    7

     

    0

    0

    0

    1

    1

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    2

     

    Oui=1 Non=0

    73

    Par rapport à la notion d'orientation scolaire, nous avons relevé, lors des entretiens, que presque les deux tiers des enquêtés ne semblent pas avoir une idée préconçue et assez claire de ce qui est l'orientation. Ils ont éprouvé, en effet, une certaine difficulté à trouver les mots convenables pour définir un objet aussi complexe soit-il. Ceci confirme notre position théorique de départ qui consistait à considérer l'orientation scolaire en tant que notion assez complexe se prêtant bien au cadre des représentations sociales. Devant un objet complexe et socialement investi, généralement, c'est grâce aux représentations sociales que l'on se fait de cet objet qu'on en peut se construire une idée, une image facilement assimilable pour soi et transférable pour en communiquer avec autrui. Deux enquêtés ont essayé de répondre à la première question concernant la définition de l'orientation comme suit :

    « Comment je défini l'orientation scolaire ? C'est... euh...la détermination...la détermination de l'orientation des élèves...n'est-ce pas ? Par exemple à partir de...de leurs niveaux...n'est-ce pas ? Par exemple l'élève...je sais ... » (enseignant de l'éducation islamique). « L'orientation scolaire pour l'élève... ça veut dire après... cette étape du collégial... qu'est-ce qu'il doit faire ?... où va-t-il s'orienter ?... c'est ça l'orientation pour moi ... » (enseignant des mathématiques).

    Il y a même un enseignant qui a affiché clairement, au début de l'entretien, bien qu'il ait accepté de le faire, sa méconnaissance de ce domaine en se justifiant par le fait qu'il n'a pas eu la classe de la troisième pendant une longue période. « Euh...je veux attirer votre attention... que je n'ai pas beaucoup de choses à dire dans ce domaine...car je n'ai pas eu de classe de troisième cela fait plus de dix années ... » (enseignant d'arabe).

    Cela étant dit, d'autres enseignants, en particulier ceux des disciplines scientifiques et du français, ont montré un flot de paroles immédiatement disponibles à l'inverse de ceux des disciplines de découverte. Ces derniers, leurs phrases recueillies étaient pauvres, rares et brèves. Cette pauvreté de la parole n'est pas un problème en soi. En y travaillant, elle a constitué pour nous, un exercice particulièrement formateur. Nous avons pu en retirer certaines informations pertinentes rien qu'à partir d'un mot ou deux. D'ailleurs, « les mots les plus simples sont rarement lancés au hasard (Kaufmann, 2007, p.97). L'objectif dans ce cas, sera de tirer de larges conclusions à partir de petits faits » (Geertz, 2002, cité dans Kaufmann, 2007, p.89).

    En analysant les différentes acceptions données pour la notion d'orientation scolaire, nous avons relevé qu'elles se rapportent, en général, à deux actions différentes, mais complémentaires, partageant les enseignants en trois catégories :

    74

    La première catégorie (5 enquêtés sur 12) rapporte la notion d'orientation à une action propre à l'élève. C'est-à-dire que c'est à lui de faire un choix. « L'orientation c'est...euh quand l'élève est amené à choisir son parcours scolaire ... » (enseignant de l'arabe). « ...c'est un euh une occasion pour l'élève pour voir son choix et les disciplines dont il est à l'aise ... » (enseignant de l'éducation physique).

    Pour l'enseignant de l'éducation musicale, l'orientation est particulièrement un choix à faire mais ce choix prend toute son importance à l'entrée de l'université. « L'orientation est une euh étape importante dans la vie de l'élève...dont il lui faut choisir entre tout ce qui est offert dans notre système éducatif euh...même si...moi personnellement je tends vers d'autres écoles qui considèrent que l'orientation ne doit avoir lieu qu'à l'entrée de l'université.»

    La deuxième catégorie est constituée de deux enseignants (ceux de la physique). Pour eux, l'orientation est une action partagée pour orienter l'élève. Cette action consiste, en impliquant un ensemble d'acteurs principalement l'enseignant, à mobiliser tous les moyens nécessaires pour optimiser le choix d'orientation de l'élève.

    «... A partir de l'étude de ses notes scolaires de ses... lors des conseils de classe en présence du conseiller en orientation et... nous vérifions ces intérêts, s'il est par exemple... si ses notes son bonnes en matières scientifiques ou en matières littéraires et on vérifie avant tout ses voeux d'orientation... mais quand on trouve qu'il y a contradiction entre ses notes scolaires et ses voeux on revient sur son travail en classe, je prends une filière... s'il peut y suivre son parcours scolaire, c'est dans cette filière qu'on va l'orienter ...» (enseignant de physique 1).

    La troisième catégorie regroupe le reste des enseignants (soit 5 enquêtés parmi 12). Ceux-ci rapportent la notion d'orientation en même temps à l'action propre à l'élève et l'action partagée pour l'orienter. Pour l'enseignant d'histoire-géo :

    « L'orientation scolaire représente tous les moyens qu'on peut présenter à un élève pour qu'il face un bon choix à la fin de l'année et dont il y a les trois parties : l'enseignant, l'établissement qui est l'administration ainsi que l'élève et l'orienteur, c'est-à-dire... c'est ça l'orientation scolaire...c'est lorsqu'on détermine un parcours correct qui rend l'élève capable de, avec notre aide, de faire un choix...un bon choix ... ».

    L'enseignant du français développe clairement l'idée du projet professionnel que doit construire l'élève, avec l'encadrement des spécialistes, pour une meilleure orientation :

    « L'orientation euh...est une opération euh...menée par des spécialistes pour orienter le parcours de...de l'élève...où il va continuer ses études ...est-ce qu'il a des intérêts littéraires, des intérêts scientifiques, des intérêts artistiques ou mathématiques...donc tu orientes ses études et par là tu détermines euh...son projet professionnel qui vient après... ».

    75

    Globalement, la majorité des enseignants enquêtés s'accordent, en premier lieu, à définir l'orientation en se rapportant à l'action propre à l'élève ; c'est un choix à faire et/ou une direction à suivre dans le cheminement de sa scolarité. En second lieu, c'est au niveau de l'action partagée pour orienter l'élève que se situent les acceptions de l'orientation pour les enseignants enquêtés. Signalons à la fin, qu'à l'exception de l'enseignant de l'histoire-géo, les enquêtés n'ont parlé, à aucun moment des entretiens, de l'aide à l'orientation des élèves. Pour eux l'orientation consiste soit à faire un choix, soit à orienter l'élève (et non pas l'aider à s'orienter), soit les deux. Ceci peut être expliqué par le fait que l'enseignant en question, en plus de la formation qu'il a suivi dans le domaine de l'orientation, est le seul parmi tous les enquêtés qui a déclaré avoir participé à des activités d'aide à l'orientation des élèves. Ceci nous fait penser à la relation dialectique entre les représentations sociales et les pratiques sociales (Abric, 2011).

    2.1.3. Facteurs influençant le choix d'orientation des élèves:

    Dans le prolongement de la première question qui consiste à mettre en exergue certains éléments constitutifs de l'environnement représentationnel des enseignants quant à la notion d'orientation scolaire, nous leur avons posé une question sur les facteurs influençant le choix d'orientation des élèves. L'analyse des données du tableau n° 5 nous permettra, en plus de l'identification de ces facteurs, de déterminer ceux mis en avant par les enseignants enquêtés. Nous allons appuyer nos résultats d'analyse par un calcul de la représentativité de chaque catégorie figurant dans le tableau.

    La représentativité d'une catégorie :

    Suite à l'analyse thématique des discours des enseignants, nous avons pu regrouper (cf. tableau n° 5) l'ensemble des facteurs cités en dix sous-catégories, elles-mêmes regroupées en trois catégories. Et pour juger de la représentativité d'une catégorie par rapport aux autres catégories suivant un thème donné, nous avons calculé la fréquence rendant compte de l'espace occupé par cette catégorie.

    Dans un premier temps, nous avons calculé l'espace occupé par chaque catégorie. Cet espace est égal au nombre de sous-catégories appartenant à chaque catégorie multiplié par le nombre des enquêtés l'ayant abordée divisé par le nombre total des sous-catégories relatives au thème

    contenant l'ensemble des catégories. Soit E (cat 2.1) = (2x8)/10 =1.6

    On fait le même calcul pour (cat 2.2) et (cat 2.3) : Soit E (cat 2.2) = (5x9)/10= 4.5

    E (cat 2.3) = (3x7)/10= 2.1

    76

    Dans un deuxième temps nous avons calculé la fréquence d'apparition qui est égale à l'espace occupé par la catégorie (cat 2.1) divisé par la somme des espaces occupés par chaque catégorie multipliée par 100 pour obtenir un pourcentage.

    Soit : La fréquence d'apparition de (cat 2.2) 1.6/(1.6+4.5+2.1)*100 = 25.60% La fréquence d'apparition de (cat 2.2) = 4.5/(1.6+4.5+2.1)*100 = 54.88% La fréquence d'apparition de (cat 2.3) = 2.1/(1.6+4.5+2.1)*100 =19.52%

    Nous pouvons refaire le même calcul, si besoin est, pour les catégories composant les autres thèmes de notre analyse qualitative.

    Par rapport au thème en question, les catégories (2.1), (2.2) et (2.3) ont occupé respectivement des espaces de 25.60%, 54.88% et 19.51%. Nous pouvons donc constater que la catégorie (2.2) contenant les facteurs relatifs au contexte scolaire et professionnel est la plus représentative des catégories. Vient ensuite la catégorie (2.1) relative au contexte familial et en dernière position la catégorie (2.3) regroupant des facteurs liés aux caractéristiques personnelles de l'élève.

    Tableau n° 5 :

    Catégories

    Entretien avec l'enseignant de

    total des (Oui)

    Espace occupé par la catégorie en (%)

     

    sc. physique 1

    sc. physique 2

    0

    0

    1

    0

    1

    0

    0

    0

    0

    1

    sc. ueesralltn

    1

    0

    1

    0

    0

    1

    1

    1

    0

    0

    çsanfair

    0

    0

    1

    0

    1

    0

    0

    0

    1

    0

    beaar

    1

    1

    0

    1

    0

    0

    0

    0

    1

    0

    histoire-géo

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    éducation islamique

    technologie

    1

    0

    1

    0

    0

    0

    1

    0

    0

    0

    éducation physique

    anglais

    1

    0

    1

    1

    0

    1

    0

    0

    0

    0

    éducation musicale

     

    2.1.1. les parents

     
     
     
     

    8

    25.60

     
     
     
     

    3

     

    2.2.1. influence des camardes de classes

     
     
     
     

    6

    54.88

     
     
     
     
     

    4

     
     
     
     

    3

     
     
     
     
     

    3

     
     
     
     
     

    3

     

    2.3.1. peur des mathématiques

     
     
     
     

    3

    19.52

     
     
     
     
     

    3

     
     
     
     

    2

     

    Oui=1 Non=0

    77

    Nous avons voulu savoir quels sont les facteurs influençant l'orientation des élèves et que les enseignants mettent en avant. Il ressort du tableau n° 5 que les facteurs relatifs au contexte scolaire et professionnel occupent une position centrale (54.88%) dans la représentation des enseignants des facteurs influençant le choix d'orientation d'élèves. Ce résultats rejoignent ce que Heyneman et loxley (1983) cité par Duru-Bellat (2003) avaient vérifié par rapport aux inégalités de la réussite scolaire (et donc de la carrière scolaire) dans les pays en voie de développement. Pour ces deux auteurs, ces inégalités s'expliquent beaucoup plus par les facteurs scolaires que par les facteurs familiaux. Il s'agit des facteurs relatifs à l'influence des camarades de classe (avec six voix), « généralement euh...je trouve que chez nous ...euh ce sont les camardes de classe qui influencent le choix d'orientation » (enseignant de la technologie). Vient ensuite ceux de l'effet maître (avec quatre voix). Sur ce point un enquêté affirme que « si le professeur se comporte bien en classe, l'élève peut poursuivre ses études dans n'importe quelle filière ... » (enseignant de physique 1). Nous allons revenir sur cet effet maître un peu plus loin dans le thème relatif aux pratiques enseignantes en matière d'orientation. Les trois autres facteurs de cette catégorie (les possibilités d'insertion professionnelle, l' « effet de mode » de s'orienter en scientifique et le manque d'encadrement) ont eu trois voix pour chacun. Un enseignant avait insisté sur l'impact exercé par la situation économique du pays sur la promotion de l'emploi des diplômés. Pour lui, cet impact aurait des retombées sur la façon d'anticiper le parcours scolaire et l'avenir professionnel de l'élève.

    « ...le plus influençant c'est la réalité économique du pays... c'est-à-dire... l'après euh orientation... car l'apprenant se demande souvent : « qu'est-ce que je vais faire dans l'avenir ?...vais-je faire ingénieur ? Vais-je faire médecin ? » ... il n'y a pas beaucoup de solutions que cet élève peut choisir pour s'orienter et assurer une insertion professionnelle ... » (enseignant de physique 2).

    Un enseignant avait mis l'accent sur l'influence du manque d'encadrement, particulièrement celui du conseiller en orientation, sur le choix d'orientation « ...l'orienteur qui vient deux ou trois fois toute l'année parce qu'il a plusieurs écoles et lycées...il vient de temps à autre...donc l'élève ne pourra pas savoir les débouchés de celle-ci ou de celle-là...donc le manque de l'information » (enseignant des sciences naturelles). La mode de s'orienter vers le scientifique peut aussi exercer une influence sur les choix des élèves « ...l' « effet de mode » aujourd'hui c'est de faire scientifique...oui on ne fait pas scientifique parce que on y travaille mais c'est parce que c'est un « effet de mode ... » (enseignant de l'anglais). C'est dire que le contexte scolaire en tant qu'espace d'« interactions sociales et pédagogiques » (Duru-Bellat,

    78

    2002, p. 96) crée une diversité de pratique susceptible de générer un ensemble de disparités sociales (Landrier et Nakhili, 2010).

    Bien que la catégorie des facteurs relatifs au contexte familial vienne en deuxième position en matière de représentativité, elle contient, néanmoins, un élément relativement central dans la représentation des facteurs influençant le choix d'orientation chez les enseignants. Il s'agit de l'influence des parents. En effet, huit enquêtés sur douze insistent sur l'influence que peuvent avoir les parents sur le choix d'orientation des élèves. La fratrie influence aussi le choix d'orientation puis qu'elle est reprise par trois enquêtés parmi douze. « Euh... tout d'abord il y a le milieu familial...le milieu familial, ses frères... comment ils ont vécu leur scolarité, car si vous voulez, à 80%, si ses frères étaient scientifiques, il choisira lui aussi le scientifique ... » (enseignant des mathématiques). Donc la structure et les caractéristiques de la famille ; les rôles et les positions des membres de la famille influencent sur le choix d'orientation des élèves (Liechti, 2012 ; M. Reuchlin, 1978 cités dans Liechti, 2012).

    La catégorie des caractéristiques personnelles contient trois facteurs influençant le choix d'orientation : le premier est engendré par la peur des mathématiques (3 voix) qui fait qu'une partie des élèves « ...fuient vers le littéraire... même s'ils sont bons ...» (enseignant des mathématiques). L'enseignant de l'éducation islamique trouve, quant à lui, que « l'élève qui...qui te dit : « moi, je veux faire seulement les lettres... » ...comme s'il se protège derrière cette branche littéraire ». Le deuxième correspond à l'influence du modèle (3 voix). Celui-ci peut être l'enseignant lui-même, un ami, une personne dans la famille, une personnalité...et qui représente pour certains élèves un exemple à suivre ou à imiter. L'élève donc

    « regarde le modèle...il regarde une personne qui a réussi sa vie, surtout s'il a une belle voiture ...il rêve lui aussi de devenir comme lui...donc il a ce modèle...et la représentation mentale de cette personne...il a réussi sa vie donc il se dit : « moi aussi...je veux »...il fait...il en fait une auto-projection » (enseignant du français)

    Le troisième facteur, cité par deux enseignants, est relatif à un comportement scolaire des élèves caractérisé par le délaissement de certaines disciplines aussi bien littéraires que scientifiques et ce, selon l'intérêt que leur donne l'élève.

    Enfin, il est à souligner ici, qu'en rapport avec notre cadrage théorique des facteurs influençant le choix d'orientation des élèves, il paraît qu'un certain nombre de ces facteurs ne sont pas pris en considération par les enquêtés. En effet, l'influence de l'origine sociale, l'âge, le redoublement et le genre sur le choix d'orientation n'ont été cités par aucun enquêté. Ceci peut être expliqué par le contexte différent de la production des recherches scientifiques sur

    79

    l'orientation des élèves. D'ailleurs, Heyneman et Loxley (1983 cité dans Duru-Bellat, 2003) ont montré que certaines variables, telle que l'origine sociale, expliquant l'inégalité sociale face à l'école dans les pays industrialisés, n'ont pas le même pouvoir explicatif dans les pays en voie de développement. Ils avancent que d'autres variables doivent être mises en avant pour expliquer ces inégalités, notamment les ressources matérielles destinées à l'enseignement. Celles-ci n'apparaissent pas, non plus, dans le discours des enseignants sur les facteurs influençant le choix d'orientation des élèves. Il semble que les enseignants enquêtés n'ont pas assez de recul pour pouvoir développer une vision plus globale de tous ces facteurs.

    2.1.4. Représentations des différentes filières scolaires après la troisième :

    Par rapport aux connaissances qu'ont les enseignants des filières scolaires après la troisième collégiale, nous avons constaté qu'ils en ont peu. En effet, la majorité des enquêtés, nous semble-t-il, n'a pas le recul nécessaire pour répondre à la question portant sur les filières après la troisième. Certains d'entre eux n'hésitent pas à afficher clairement leur ignorance et leur méconnaissance des différentes filières scolaires.

    « Euh pour les filières, je ne peux pas vous dire quelque chose...mais pour la branche de l'éducation physique, j'ai quelques informations ...» (enseignant d'éducation physique). « Moi...je ne suis pas tout à fait au courant des filières après la troisième ... » (enseignant d'anglais). « A ma connaissance, il y a les lettres et les sciences...je pense qu'il y a d'autres branches mais euh elles ne me viennent pas là ... » (enseignant d'arabe).

    Pour les uns, cette situation est due à plusieurs raisons. Ils se justifient, par exemple, en évoquant l'existence d'une personne responsable de l'orientation des élèves « Je ne sais pas...euh...je crois qu'il y a une personne qui est responsable de l'orientation des élèves... l'orienteur...moi je pense que mon rôle est très limité ... » (enseignant d'anglais). Pour d'autres, c'est le fait de ne pas enseigner les classes de la troisième (premier panel d'orientation) qui justifie leur méconnaissance des filières scolaires « ...je veux attirer votre attention que je n'ai pas beaucoup de choses à dire dans ce domaine...car je n'ai pas eu de classe de troisième cela fait plus de dix années ... » (enseignant d'arabe). Ainsi, ces enseignants peuvent se sentir exempts de connaître le système d'orientation scolaire. En revanche, d'autres enseignants, en particulier ceux des disciplines qualifiantes pour l'orientation littéraire ou scientifique (cf. tableau n° 2), ont montré un assez bon niveau de connaissance des filières scolaires. Outre les filières classiques (lettres ou sciences), ils ont

    80

    cité les filières techniques (ou technologiques), certaines filières de la 2ème et la 3ème année du cycle de Baccalauréat et la formation professionnelle.

    Nous avons relevé aussi que la majorité des enquêtés ne semble pas maîtriser les appellations des filières et branches scolaires, pourtant adoptées depuis l'an 2006. Cinq enquêtés parmi 12 ont cité l'appellation du tronc commun quoiqu'avec une précision moins grande « Après la troisième... il y a le tronc commun ?... ». Aucun enquêté n'a pu citer l'ensemble des quatre troncs communs qui viennent juste après la troisième collégiale (scientifique, littéraire, technologie, enseignement originel) et encore moins les filières du cycle de baccalauréat ou celles de l'après-bac. La formation professionnelle en tant que filière de formation parmi d'autres, a été citée par deux enseignants enquêtés. Il est probable, ici, que la poursuite des études dans cette formation est considérée par les autres enquêtés non pas comme une orientation scolaire mais plutôt comme un échec scolaire.

    Globalement, ce sont les enseignants des disciplines dites de découvertes et ceux qui n'ont pas la classe de troisième qui ont affiché clairement leur méconnaissance du domaine d'orientation. Ceci peut être expliqué par leur implication plus au moins forte dans les décisions d'orientation de fin d'année. Cette implication est elle-même conditionnée par la position qu'occupent leurs disciplines consécutives dans la hiérarchie des disciplines qualifiantes à l'une ou l'autre filière scolaire. Nous avons relevé aussi que la majorité des enseignants enquêtés n'ont qu'une connaissance rudimentaire et non actualisée des filières après la troisième. Ses filières scolaires sont généralement réduites aux deux filières dichotomiques ; les lettres et les sciences. Cela étant, nous pouvons avancer, sans trop de risque, que les enseignants enquêtés, ne seront pas en mesure d'apporter une aide efficace aux élèves en matière d'orientation, encore moins prendre des décisions d'orientation bien fondées. Il est probable donc que ces décisions seront entachées d'une certaine subjectivité résultat, pour partie, des représentations sociales que ces enseignants mettent en oeuvre pour appréhender un objet peu connu (les filières et branches scolaires après la troisième). Nous allons explorer dans la section suivante ces représentations en identifiant principalement les pré-requis retenus et le profil dressé pour chaque type d'orientation (scientifique et littéraire).

    81

    2.1.4.1. Représentations de l'orientation scientifique :

    a. Pré-requis d'une orientation scientifique : Tableau n° 6 :

    Catégories

    Entretien avec l'enseignant de

    total des (Oui)

     

    sc. physique 1

    sc. physique 2

    sc. naturelles

    français

    arabe

    histoire-géo

    éducation islamique

    technologie

    éducation physique

    anglais

    éducation musicale

     

    1

    1

    0

    1

    1

    1

    1

    1

    1

    1

    1

    1

    11

    3.1.1.2. intérêts et penchants scientifiques

    0

    1

    1

    0

    0

    0

    0

    1

    0

    0

    0

    0

    3

    3.1.1.3. compréhension des textes et lois scientifiques

    0

    1

    1

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    1

    3

    3.1.1.4. capacité de résolution de problème

    1

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    1

    3.1.1.5. maîtrise du français

    0

    0

    0

    0

    1

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    1

    3.1.1.6. maîtrise de la langue

    0

    0

    1

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    1

     

    Oui=1 Non=0

    L'analyse des données du tableau n° 6 nous permet de relever certains prérequis mis en avant par les enseignants pour qu'un élève accède à une filière scientifique. Ces prérequis sont au nombre de six. Le prérequis relatif aux bonnes notes en matières scientifiques constitue un élément central sur lequel s'accorde la majorité des enquêtés. En effet, cet élément détient à lui seul l'essentiel des voix (11 voix parmi 12). Remarquons aussi qu'il s'agit bien de « bonnes notes » et non pas assez bonnes ou moyennes. Un enseignant avait précisé ce qu'il entend par les bonnes notes « l'élève ...par exemple qui est meilleur, qui a des notes élevées par exemple 17, 18 c'est-à-dire au dessus de 16, je considère que cet élève est scientifique euh...dans les sciences naturelles, la physique et les mathématiques ... un scientifique avec 12 de moyenne n'est pas scientifique» (enseignant de l'histoire-géo). Pour entreprendre des études en branches scientifiques, il faut donc avoir absolument et en premier lieu de bonnes notes dans les disciplines scientifiques. Viennent ensuite les prérequis concernant les intérêts et penchants scientifiques et la compréhension des textes et lois scientifiques avec 3 voix chacun. Enfin, nous avons relevé trois prérequis, quoiqu'avec une seule voix pour chacun, qui peuvent appartenir aux éléments périphériques qui composent les représentations sociales des enseignants quant aux prérequis pour une orientation scientifique. Il s'agit de la capacité à résoudre des problèmes, la maîtrise du français et la maîtrise de la langue. Par rapport à ces

    82

    derniers prérequis, un enseignant avait insisté sur le rôle prépondérant de la langue française dans la poursuite des études en sciences particulièrement au-delà du baccalauréat.

    « ...s'il ne maitrise pas la langue, il rencontrera de grands problèmes dans l'enseignement supérieur...car les sciences et les disciplines scientifiques s'enseignent en français...même s'il excelle en mathématiques dans les ...euh les classes préparatoires...bien évidemment il rencontrera...il rencontrera...ce qu'on appelle... un blocage qui va limiter son... il ne communiquera pas avec les enseignants...il ne communiquera pas avec les autres élèves...même dans les écoles privées ... » (enseignant du français).

    L'enseignant de la physique 2, quant à lui, affirme que la compréhension du texte scientifique est liée, pour partie, à la maîtrise de la langue et qualifie le délaissement des disciplines littéraires « d'erreur fondamentale » que commettent beaucoup d'élèves voulant entreprendre des études scientifiques.

    « ...le cas où l'élève opte pour le scientifique et délaisse les disciplines littéraires... et ça c'est une erreur fondamentale... cet élève doit acquérir les langues pour qu'il puisse comprendre les sciences... s'il n'a pas les langues... il n'arrive pas à comprendre le texte scientifique pour l'exploiter... il n'a pas les outils, il lui manque la maîtrise de la langue pour exploiter cet exercice scientifique et donner une réponse complète... ».

    Retenons enfin que la majorité des enseignants enquêtés s'accorde à considérer les bonnes notes en disciplines scientifiques (mathématiques, physique et sciences naturelles) comme étant le prérequis sine qua non pour une orientation scientifique. Un préreuis, outre qu'il est disciplinaire, semble revêtir, pour eux, un caractère plus ou moins objectif.

    83

    b. Profil d'un élève scientifique :

    Tableau n° 7 :

    Catégories

    Entretien avec l'enseignant de

    total des (Oui)

     

    sc. physique 1

    sc. physique 2

    sc. naturelles

    français

    arabe

    histoire-géo

    éducation islamique

    technologie

    éducation physique

    anglais

    éducation musicale

     

    3.1.1.1.1. raisonnement logico- déductif

    0

    1

    1

    1

    1

    1

    0

    0

    0

    1

    0

    0

    6

     

    1

    1

    1

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    1

    0

    4

     

    1

    0

    0

    1

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    2

     

    0

    0

    0

    1

    1

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    2

     

    0

    0

    0

    0

    1

    0

    0

    0

    0

    0

    1

    0

    2

     

    0

    0

    0

    0

    1

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    1

     

    1 0 0 0 0 0 0

    0 0 0 0 0 0 0

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    1

     
     
     
     

    1

    3.1.1.2. qualifications
    disciplinaires

    3.1.1.2.1. s'intéresse à l'objectif et l'essentiel des choses

    0

    1

    0

    1

    0

    1

    0

    1

    0

    1

    0

    0

    5

     

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    1

    0

    0

    0

    0

    0

    1

     

    0

    0

    0

    1

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    1

     

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    1

    0

    0

    0

    0

    1

     

    Oui=1 Non=0

    Dans l'objectif de restituer, le plus fidèlement possible, l'ensemble des caractéristiques d'un élève à profil scientifique citées par les enseignants, nous avons essayé de les grouper suivant huit sous-catégories nettement différentes l'une de l'autre. Ensuite, et pour y voir plus clair, nous avons réparti ces sous-catégories suivant deux catégories. La première concerne les qualifications personnelles et la deuxième concerne les qualifications disciplinaires. Le tableau n° 7 affiche cette répartition et organisation des catégories.

    Avant d'analyser les données de ce tableau, signalons, que lors des entretiens, nous avons remarqué que les enseignants de chaque catégorie de disciplines (scientifiques ou littéraires) ont eu, la plupart du temps, une position valorisant le profil qui a trait à leurs disciplines de spécialité. Nous avons remarqué par exemple que les enseignants des disciplines littéraires, particulièrement celui du français, décrivent le profil littéraire avec plus de détail et plus de caractéristiques positives propres à lui.

    84

    « ...nous avions une idée fausse qui fait que l'élève en échec fait la spécialité des lettres...c'est erroné...pourquoi ? Car si je n'étais pas...si je n'avais pas des intérêts littéraires...et j'ai des intérêts...j'ai un style...j'écris bien en arabe et en français...j'analyse bien en...ce qu'on appelle ... l'histoire-géo... je ne peux pas réussir ... » (enseignant du français).

    Par contre trois enseignants parmi quatre des disciplines scientifiques, en plus de valoriser eux aussi le profil scientifique, essaient de relever ses caractéristiques qui généralement s'opposent à celles du profil littéraire. C'est comme si, pour ces enquêtés, le profil scientifique est pris pour l'opposé du profil littéraire.

    « ...la logique d'un scientifique n'est pas celle d'un littéraire... le littéraire essaie de t'expliquer avec trop de détails et... par contre le scientifique résume l'explication ...» (enseignant de physique 1). « On peut leur poser une question dans les connaissances scientifiques... celui qui va répondre c'est celui qui a le profil scientifique et on va voir que le littéraire ne pourra pas répondre... donc à travers cette évaluation on peut identifier le littéraire et le scientifique ...» (enseignant de physique 2).

    Seul l'enseignant des sciences naturelles avait affiché une position assez différente de celle exprimée par les enseignants des autres disciplines scientifiques. Cette position consiste à considérer chaque profil selon ses propres caractéristiques. Celles-ci ne sont quasiment pas différentes mais au contraire, elles peuvent avoir certaines ressemblances « ...à ce niveau nous avons un problème souvent rencontré à la fin d'année...s'il n'est pas scientifique donc il est littéraire automatiquement ...» (enseignant des sciences naturelles). L'enseignant du français avait exprimé, lui aussi, son désaccord avec l'idée d'opposer souvent le scientifique au littéraire dans le déroulement des conseils de classe « le fait que l'élève n'a pas pu poursuivre en scientifique donc « envoyez-le !...envoyez-le ! » euh au dépotoir entre... entre parenthèses le dépôt des lettres... ». Il rajoute qu'un ensemble des caractéristiques de l'élève scientifique figure en même titre chez l'élève littéraire « il y a un télescopage entre les deux ». Tous les deux sont caractérisés par un ensemble de prédispositions et d'aptitudes. L'enseignant de l'histoire-géo trouve que les élèves excellents le sont aussi bien dans les disciplines scientifiques que dans les disciplines littéraires « l'élève qui est meilleur...on ne peut pas le caractériser scientifique ou littéraire...parfois l'élève est meilleur dans toutes les disciplines...».

    Revenons à présent sur notre tableau. Nous relevons que les deux tiers des caractéristiques du profil scientifique sont regroupées dans la catégorie des qualifications personnelles. Le tiers restant est regroupé dans la catégorie des qualifications disciplinaires. Par rapport à la première catégorie, nous avons relevé que le raisonnement logico-déductif est la qualification la plus mise en avant pour caractériser un profil scientifique (citée par la moitié des enquêtés). Vient en deuxième position la caractéristique de la rapidité. Pour quatre enseignants enquêtés

    85

    sur douze (trois enseignants des disciplines scientifiques plus celui de l'anglais), un élève scientifique c'est une personne rapide dans la réalisation des tâches, dans les réponses « ...le scientifique quand je lui donne un exercice je m'attends à ce qu'il répond rapidement ... » (enseignant des mathématiques). « ...c'est quelqu'un qui est euh rapide...rapide dans l'observation...je veux dire c'est quelqu'un qui a un réflexe rapide » (enseignant de l'anglais). En troisième position, nous avons les qualifications suivantes : l'esprit et réflexe scientifique, le sens d'analyse, d'observation et de détection avec deux voix pour chacune. Et en dernière position, se situent les qualifications relatives au sens critique, à la persévérance et à l'intelligence avec une voix pour chacune.

    Concernant la deuxième catégorie, les enseignants sont beaucoup moins nombreux (six enquêtés parmi 12) à citer les qualifications disciplinaires pour caractériser le profil scientifique. Cinq parmi eux considèrent que le fait de s'intéresser souvent à l'objectif et l'essentiel des choses caractérise l'élève à profil scientifique. « ...le scientifique résume l'explication » (enseignant de physique). « Une fois tu lui donnes un document, il l'analyse ...et suivant une analyse scientifique... il regarde ce que toi... ce que tu veux de ce document...te dis par exemple : « cette chose mène vers ceci...ce problème nécessite ceci... ». Il te déduit un problème scientifique ... » (enseignant des sciences naturelles). Trois autres qualifications disciplinaires (une voix pour chacune) ont été cités par les enquêtés : le fait d'avoir de bonnes notes, d'être capable de réaliser un graphe et de se désintéresser des matières littéraires.

    Relevons enfin, que deux enseignants (de technologie et de l'histoire) ont montré des positions relativement distinctes par rapport à celles des autres enquêtés. En effet, au moment où tous les enseignants ont cité ne serait-ce qu'un seul élément caractérisant l'un ou l'autre profil, l'enseignant de la technologie avait pris une position différente quant à la description des deux profils. Pour lui, il est difficile d'identifier le profil d'un élève en l'absence d'un test élaboré spécialement à cette fin. « Je peux caractériser les profils...euh...en utilisant un test...oui, ce sont les tests qui peuvent nous donner une idée sur le profil d'un élève... ». Mais en l'absence des tests, il a affirmé que c'est sur les notes scolaires qu'il se base pour identifier le profil de l'élève. Cette position se rapporte, en effet, aux premières pratiques de l'orientation scolaire encadrées par le courant psychométrique initié par Parsons en 1944. Ces pratiques consistaient à aider le candidat, via une évaluation objective de ses aptitudes et de ses goûts, à faire le choix d'une profession et des études qui y préparent (Guichard et Huteau, 2001). Quant à l'engeignant de l'histoire-géo, il a conclu son discours sur les qualifications d'un élève à profil scientifique en déclarant que les élèves dans son collège

    86

    « ...ne sont ni littéraires ni scientifiques car...si tu prends les littéraires...ils sont tous faibles en français...et n'ont ni soutien ni quoi que ce soit...et si tu prends les scientifiques...pour la majorité...la majorité de nos élèves ne dépasse pas 12 ou 10 en mathématiques...on n'a pas de scientifiques dans cette établissement... ».

    Cet enseignant semble se référer à ce que Mollo (1986 cité dans Gilly, 1989) appelle le modèle hiérarchique. Ce modèle permet à un certain nombre d'enseignants d'organiser l'essentiel de leur pratique. En matière d'orientation, ils ont « donc toujours des « forts » et des « faibles » voués à des parcours scolaires inégaux. » (Idem, p. 392). Il est possible aussi de ramener ces propos à la représentation qui a de l'orientation des élèves défavorisés socialement. «...on sait que ces pauvres élèves n'ont pas les moyens...l'élève compte sur soi-même...et la manière avec laquelle fonctionne l'enseignement...avec les heures supplémentaires qui ne laissent pas beaucoup d'espoir pour ces élèves». En effet, Channouf et al., (2005) avaient relevé que les stéréotypes liés à l'appartenance sociale peuvent influencer les décisions d'orientation. Ce qui fait qu'à dossier scolaire équivalent, les enseignants ont une tendance à orienter plus souvent les élèves du milieu favorisé vers des études longues que les élèves des autres milieux (Girard et Clerc, 1964)

    2.1.4.2. Représentations de l'orientation littéraire :

    a. Prérequis pour une orientation littéraire : Tableau n° 8 :

    Catégories

    Entretien avec l'enseignant de

    total des (Oui)

     

    sc. physique 1

    sc. physique 2

    sc. naturelles

    français

    arabe

    histoire-géo

    éducation islamique

    technologie

    éducation physique

    anglais

    éducation musicale

     

    0

    1

    0

    0

    0

    1

    1

    1

    0

    1

    1

    1

    7

    3.2.1.2. maîtrise des langues

    1

    1

    0

    1

    1

    0

    1

    0

    0

    0

    0

    1

    6

    3.2.1.3. intérêts littéraires (poésie, théâtre...)

    0

    1

    1

    0

    1

    0

    0

    1

    0

    0

    0

    0

    4

    3.2.1.4. lecture des livres

    1

    0

    0

    0

    1

    0

    1

    0

    0

    0

    0

    0

    3

    3.2.1.5. capacité de rédaction

    1

    0

    0

    0

    1

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    2

    3.2.1.6. capacité d'analyse en histoire-géo

    0

    0

    0

    0

    1

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    1

    3.2.1.7. culture générale

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    1

    0

    0

    0

    0

    0

    1

     

    Oui=1 Non=0

    La lecture des données du tableau n° 8 fait ressortir que les enseignants s'accordent en général à considérer que l'élève souhaitant s'orienter en lettres, doit avoir de bonnes notes dans les

    87

    disciplines littéraires (7 voix) et maîtrise les langues (6 voix). « ...pour le littéraire il faut qu'il maîtrise les langues, ceci est essentiel... en tout cas, l'élève doit maîtriser les trois disciplines qui sont l'arabe, l'histoire-géo et l'éducation islamique ... » (enseignant d'histoire). Nous retrouvons ici le critère relatif à la note dans les disciplines qualifiantes tout comme dans l'orientation scientifique. Letiers des enquêtés ont évoqué aussi le rôle des intérêts littéraires (poésie, théâtre...) dans la poursuite des études de l'élève en branche littéraire. D'autres prérequis ont été cités par les enquêtés : être habitué à lire des livres (4 voix), avoir une capacité de rédaction (2 voix) et d'analyse en histoire-géo (une voix) et enfin avoir une culture générale (une voix).

    Nous avons également pu constater que les enseignants ont tendance à opérer une sorte d'hiérarchisation des filières scolaires après la troisième. Ils mettent, de ce fait, la filière scientifique en première place et la filière littéraire en seconde place. Certains d'entre eux rapportent ou laissent entendre que la filière littéraire est prise pour « une filière de garage » ou « dépôt des lettres » (prof du français) non seulement chez les enseignants mais aussi chez les élèves, les parents et les administrateurs.

    Globalement, tout comme les prérequis d'une orientation scientifique, ceux d'une orientation littéraire sont souvent ramenés aux bonnes notes dans les disciplines de qualification. Il semble donc que les enseignants, en l'absence d'une alternative susceptible de juger objectivement les aptitudes des élèves, se voient contraints de regarder du côté des notes disciplinaires, seules informations qui leur paraissent plus ou moins objectives et socialement désirées.

    88

    b. Profil d'un élève littéraire :

    Tableau n° 9 :

    Catégories

    Entretien avec l'enseignant de

    total des (Oui)

     

    sc. physique 1

    sc. physique 2

    sc. naturelles

    français

    arabe

    histoire-géo

    éducation islamique

    technologie

    éducation physique

    anglais

    éducation musicale

     

    3.2.2.1.1. capacités discursives

    0

    0

    0

    1

    1

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    2

     

    0

    0

    0

    0

    1

    1

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    2

     

    0

    0

    0

    0

    1

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    1

     

    0

    0

    0

    0

    1

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    1

     

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    1

    0

    0

    1

     

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    1

    0

    0

    0

    0

    0

    1

    qualifications

    3.2.2.2.1. utilise beaucoup de détails et d'informations

    0

    1

    0

    1

    0

    1

    0

    0

    0

    0

    1

    0

    4

     

    0

    1

    0

    1

    1

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    3

     

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    1

    0

    0

    0

    0

    1

     

    3

    Oui=1 Non=0

    Le tableau ci-dessus montre, à première vue, qu'à l'opposé de la description faite par les enseignants du profil scientifique, celle faite pour le profil littéraire est moins abondante en matière d'informations, indices ou critères (9 caractéristiques du profil littéraire reprises différemment 16 fois contre 12 caractéristiques du profil scientifique reprises différemment 27 fois). De plus, cette description s'organise beaucoup plus autour des qualifications disciplinaires. Celles-ci sont citées par six enseignants enquêtés parmi 12 tandis que les qualifications personnelles sont utilisées par 4 enquêtés parmi 12. Il semble donc que les enseignants enquêtés éprouvent une certaine difficulté à dresser un profil littéraire en dehors des qualifications disciplinaires. Celles-ci peuvent être, par exemple, le fait d'utiliser beaucoup de détails et d'informations dans l'explication de choses (4 voix parmi 12). Pour l'enseignant des sciences naturelles, un littéraire

    « ...te dis quelque chose qui n'a rien avoir avec ce qu'on fait mais il te donne par exemple sa propre analyse littéraire .
    · « l'essentiel c'est d'avoir ceci et cela... » et continu à parler ... je lui dis .
    · « moi... je ne veux pas une expression écrite...moi je veux une analyse

    89

    scientifique...donnes-moi une seule phrase qui résume ce que je veux mais les autres choses je n'ai rien à faire avec... ».

    On trouve aussi dans ce passage la capacité d'analyse littéraire (cités par deux autres enquêtés) comme caractéristique disciplinaire du profil littéraire. L'enseignant d'éducation islamique avait insisté, quant à lui, sur la capacité d'apprendre par coeur (expression reprise 5 fois dans son discours) qui caractérise en premier lieu le profil littéraire.

    Concernant les qualifications personnelles figurant dans le tableau ci-dessus, nous constatons qu'elles sont plus au moins hétérogènes à tel point que deux enquêtés au plus s'accordent sur une même qualification. En effet, nous avons relevé les qualifications relatives à la capacité discursive et la communication avec deux voix chacune. Vient après, avec une seul voix chacune, les qualifications suivantes : l'amour pour la lecture qui est indispensable pour un littéraire « ...un littéraire qui ne lit pas n'est pas un littéraire ... » (enseignant du français), le sens critique, le fait de s'exprimer souvent par ses émotions et d'avoir ses propres productions littéraires.

    2.1.5. Pratiques enseignantes en matière d'orientation :

    Nous tenons à préciser, ici, que les pratiques des enseignants en matière d'orientation, décrites ci-dessous, sont exclusivement des pratiques rapportées par eux-mêmes et donc ne sont pas, nécessairement, des pratiques effectivement réalisées. D'ailleurs Abric (1994), affirme que les pratiques rapportée par les enquêtés peuvent être différentes des pratiques effectives. Les pratiques que nous allons décrire dans cette section sont regroupées suivant six catégories. Celles-ci sont conçues à partir des questions du guide d'entretien. Il s'agit donc du rôle des enseignants dans l'orientation scolaire, leur influence sur les choix des élèves, leurs démarches d'aide à l'orientation, les critères qu'ils retiennent pour se prononcer sur l'orientation des élèves, leur évaluation de la procédure d'orientation et leurs propositions quant à l'amélioration des pratiques enseignantes en matière d'orientation.

    90

    2.1.5.1. Rôle des enseignants dans l'orientation des élèves :

    Tableau n° 10 :

    Catégories

    Entretien avec l'enseignant de

    total des (Oui)

     

    sc. physique 1

    sc. physique 2

    sc. naturelles

    français

    arabe

    histoire-géo

    éducation islamique

    technologie

    éducation physique

    anglais

    éducation musicale

     

    4.1.1.1. acteur important dans l'orientation

    0

    1

    0

    0

    0

    0

    0

    1

    1

    0

    0

    0

    3

     

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    1

    0

    0

    0

    0

    1

    4.1.2.

    secondaire

    4.1.2.1 à titre de consultation

    1

    0

    0

    1

    1

    0

    1

    0

    0

    1

    1

    1

    7

     

    0

    0

    1

    0

    0

    1

    0

    0

    1

    0

    0

    0

    3

     

    Oui=1 Non=0

    Les positions des enseignants vis-à-vis de leur rôle dans l'orientation des élèves sont très différentes. Elles varient d'un rejet catégorique de ce rôle à une reconnaissance délibérée voire même une responsabilité affirmée de l'enseignant dans l'orientation de ses élèves. Cette variation semble être conditionnée à la fois par la place qu'occupe chaque discipline dans la hiérarchie des disciplines qualifiantes (à l'une ou l'autre orientation) et par le fait d'enseigner ou non en classe de troisième (premier palier d'orientation). Certains enseignants affirment donc qu'ils n'ont aucun rôle à jouer dans l'orientation ou du moins leur rôle serait limité ou secondaire. Ils justifient cette position en évoquant soit le manque d'informations et/ou de formations dans ce domaine soit l'existence d'une personne responsable de l'orientation scolaire (le conseiller en orientation) « personnellement je dis que ceci est la tâche du professeur qui s'occupe de cette opération ... » (enseignant de l'éducation musicale). D'autres enseignants, qui se sentent impliqués dans l'orientation de leurs élèves, considèrent l'enseignant comme étant le premier responsable de l'échec scolaire dans le cas d'une orientation inadaptée de l'élève.

    « ...quand on l'oriente dans une filière qui lui est difficile... tu l'as exposé à un risque éminent s'il ne trouve pas une aide quelque part...c'est moi donc qui est responsable de son échec ... donc toi tu représentes un acteur important dans l'orientation de l'élève dans son futur parcours scolaire » (enseignant de physique 1).

    Pour l'enseignant de la technologie, ce rôle existe bel et bien ne serait-ce qu'en tant que personne ressource par rapport à sa discipline de spécialité « Ah oui...j'ai un rôle à jouer dans

    91

    l'orientation de mes élèves surtout ceux qui veulent faire le tronc commun technologique... chaque professeur, selon sa discipline...peut être une personne ressource pour aider les élèves dans leur choix d'orientation... ». D'autres poussent plus loin leur réflexion en considérant que l'aide à l'orientation des élèves est tout simplement un « devoir professionnel» (enseignant de l'éducation islamique). Cette position s'apparente parfaitement avec notre cadrage théorique du rôle de l'enseignant dans l'orientation des élèves. En effet, Guichard (1997) affirme que l'enseignant est l'acteur incontournable du processus de l'orientation parce que, d'une part, il est un acteur très proche de l'élève et, d'autre part, il enseigne une discipline qui peut constituer un tremplin pour la découverte des intérêts scolaires et professionnels de l'élève.

    Le tableau n° 10 nous renseigne sur ces différentes positions en fonction de la discipline spécialité. En effet, nous pouvons relever que les enseignants des disciplines scientifiques se sentent beaucoup plus concernés par l'orientation de leurs élèves. Viennent après, les enseignants des disciplines littéraires et en dernier lieu les enseignants des disciplines dites de découverte. Ceux-ci se sont montrés relativement désintéressés par rapport à la question d'orientation des élèves... leurs productions discursives lors des entretiens témoignent de cet état de fait ; ils parlaient peu et affichaient clairement leur méconnaissance du domaine de l'orientation exception faite du professeur de la technologie. Celui-ci, au contraire, a montré un intérêt particulier à l'orientation des élèves...D'ailleurs, il est le seul parmi tous les enquêtés à pouvoir donner plus d'informations sur les filières d'orientation après la troisième collégiale. Cet enseignant a reconnu son rôle déterminant dans l'orientation de ses élèves...il a même la conviction qu'il peut aider les élèves dans leur orientation surtout celle technologique. « ... ils se disent que je suis le mieux placé pour les aider dans... pour le choix de ce parcours...donc à travers la matière que j'enseigne euh si je vois qu'un élève a un intérêt pour les sciences ou la technologie je peux lui apporter des informations...je peux l'aider à s'orienter vers la filière technologique... ».

    Quoique certains enseignants confirment leur rôle important dans l'orientation des élèves, il reste qu'une bonne partie parmi eux considère ce rôle plutôt secondaire. En d'autres termes, ils n'interviennent dans l'orientation de l'élève que sous la demande de celui-ci et généralement à titre consultatif.

    92

    2.1.5.2. Influence des enseignants sur les choix d'orientation des élèves :

    Tableau n° 11 :

    Catégories

    Entretien avec l'enseignant de

    total des (Oui)

     

    sc. physique 1

    sc. physique 2

    sc. naturelles

    français

    arabe

    histoire-géo

    éducation islamique

    technologie

    éducation physique

    anglais

    éducation musicale

     

    4.2.1.1. personne-ressource pour l'élève

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    1

    1

    1

    0

    1

    1

    5

     

    0

    0

    0

    1

    0

    0

    1

    0

    0

    1

    0

    0

    3

    4.2.2. indirecte

    4.2.2.1. la notation ne reflète pas le niveau de l'élève

    1

    1

    1

    1

    1

    1

    0

    1

    0

    0

    0

    0

    7

     

    0

    1

    1

    1

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    3

     

    0

    0

    0

    1

    1

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    2

     

    Oui=1 Non=0

    En réponse à la question concernant l'influence des enseignants sur le choix d'orientation des élèves, nous avons pu identifier deux types d'influence ; directe et indirecte (cf. tableau n° 11). L'influence est indirecte quand les enseignants affirment par exemple que la notation ne reflète pas le niveau de l'élève (7 vois parmi 12) ou quand ils mènent une pédagogie d'enseignement/apprentissage susceptible de rendre leurs disciplines appréciables (3 voix) « par exemple un élève qui s'entend avec toi...qui pose des questions...qui répond à d'autres et qui se reconnaît dans cette discipline... donc tu l'influences, et il se dit je vais poursuivre dans cette discipline... quand il trouve des encouragements... aime cette discipline... ça influence son orientation ... » (enseignant de la physique 1). Concernant l'influence directe, cinq enseignant parmi douze reconnaissent leur statut de personnes ressources à qui les élèves se tournent pour demander de l'aide à l'orientation. D'autant plus que « les enfants du milieu populaire visent moins haut (notamment quand ils ont un niveau scolaire médiocre), ou se rallient plus volontiers aux conseils, par ailleurs plus prudents, de leurs enseignants. » (Duru-Bellat, 2003, p. 27).

    Généralement, les enseignants enquêtés s'accordent à considérer leur influence sur l'orientation des élèves beaucoup plus indirecte (12 voix) que directe (8 voix).

    93

    2.1.5.3. Démarches d'aide à l'orientation pratiquées par les enseignants :

    Tableau n° 12 :

    Catégories

    Entretien avec l'enseignant de

    total des (Oui)

    Espace occupé par la catégorie en (%)

     

    sc. physique 1

    sc. physique 2

    sc. naturelles

    français

    Arabe

    histoire-géo

    éducation islamique

    technologie

    éducation physique

    anglais

    éducation musicale

     

    4.3.1.1. son niveau dans les autres disciplines

    1

    0

    0

    1

    0

    1

    0

    1

    0

    0

    1

    0

    5

    16.5

     

    0

    0

    0

    1

    0

    1

    0

    0

    1

    0

    1

    0

    4

     

    0

    0

    1

    0

    0

    0

    0

    0

    1

    0

    1

    0

    3

     

    4.3.2.1. par observation du comportement

    1

    1

    0

    1

    1

    0

    1

    1

    1

    1

    0

    0

    8

    23.08

     

    1

    1

    1

    1

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    1

    5

     

    0

    0

    0

    0

    1

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    1

     

    4.3.3.1. sur les exigences et débouchés de certaines filières de formation

    0

    1

    0

    0

    1

    0

    1

    1

    1

    1

    0

    1

    7

    12.31

     

    0

    0

    0

    1

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    1

     

    4.3.4.1. à propos de son choix d'orientation

    0

    0

    1

    0

    0

    0

    1

    1

    1

    0

    0

    0

    4

    48.46

     

    0

    0

    0

    1

    1

    0

    1

    0

    0

    1

    0

    0

    4

     

    0

    1

    0

    0

    0

    0

    1

    0

    0

    0

    0

    0

    2

     

    0

    0

    1

    0

    1

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    2

     

    0

    0

    1

    0

    0

    0

    0

    1

    0

    0

    0

    0

    2

     

    1

    0

    0

    1

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    2

     

    1

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    1

     

    Oui=1 Non=0

    94

    Vis-à-vis des actions à entreprendre lorsqu'un élève a besoin d'une aide à l'orientation, nous avons relevé (cf. tableau n° 12) que les enseignants en ont cité quatre types : donner des conseils aux élèves (constitue 48.46% de leur démarche d'aide à l'orientation), la vérification des capacités des élèves (23.8%), s'informer sur l'élève (16.5%) et informer l'élève (12.31%). Les conseils que donnent les enseignants aux élèves se rapportent, pour la grande partie, à la façon d'envisager leur choix d'orientation (4 voix). Ces conseils peuvent être donnés à partir de l'expérience de l'enseignant et celle de son entourage (4 voix). D'autres conseils sont cités par un ou deux enseignants tels que l'encouragement à solliciter l'aide de tous ses professeurs dans son choix d'orientation, l'incitation à travailler dans toutes les disciplines et à faire plus d'exercices.

    Par rapport à la vérification des capacités des élèves à suivre telle ou telle filière scolaire, nous avons relevé que les enquêtés s'accordent en premier lieu sur la démarche d'observation du comportement de l'élève en classe (8 voix). En second lieu, cette vérification s'accomplit à travers la passation d'un test d'évaluation (5 voix). « ...dans ce genre de cas je me réfère souvent aux compétences...j'essaye de poser une situation problème dans la classe » (enseignant de physique 2).

    Retenons, enfin, que la démarche d'aide à l'orientation entreprise par les enseignants enquêtés consiste essentiellement à conseiller l'élève. Ceci confirme, en grande partie, les déclarations de ces enseignants concernant leur rôle dans l'orientation des élèves. Nous avons constaté, rappelons-le, qu'une bonne partie des enquêtés estiment que leur rôle dans l'orientation des élèves est plutôt secondaire. Ils interviennent généralement à titre consultatif et sous la demande de l'élève lui-même. Ceci est d'autant plus vrai qu'une partie des enquêtés a déclaré ne pas avoir assez de recul pour appréhender les différentes possibilités et exigences des études après la troisième. De plus, certains enquêtés, ont éprouvé un énorme besoin en matière d'information et de formation en orientation scolaire (nous y reviendrons un peu plus bas).

    95

    2.1.5.4. Critères retenus pour se prononcer sur l'orientation d'un élève :

    Tableau n° 13 :

    Catégories

    Entretien avec l'enseignant de

    total des (Oui)

     

    sc. physique 1

    sc. physique 2

    sc. naturelles

    français

    arabe

    histoire-géo

    éducation islamique

    technologie

    éducation physique

    anglais

    éducation musicale

     

    4.4.1.1. notes scolaires

    0

    1

    0

    1

    1

    1

    1

    1

    1

    1

    1

    1

    10

     

    1

    0

    1

    1

    0

    0

    1

    1

    0

    0

    1

    0

    6

     

    1

    1

    0

    1

    1

    0

    0

    0

    0

    1

    1

    0

    6

     

    1

    1

    1

    1

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    4

     

    0

    0

    1

    1

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    2

     

    0

    0

    1

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    1

    2

     

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    1

    0

    0

    1

     

    0

    0

    0

    1

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    1

    4.4.2. relatifs au choix

    4.4.2.1. voeux exprimés d'orientation

    0

    1

    1

    0

    0

    0

    0

    1

    0

    0

    1

    0

    4

     

    0

    0

    0

    1

    1

    0

    1

    0

    0

    0

    0

    0

    3

     

    0

    1

    0

    0

    1

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    2

     

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    1

    0

    0

    0

    0

    1

     

    Oui=1 Non=0

    Nous avons pu relever, jusqu'à présent, un ensemble d'aspects et d'éléments qui brossent, pour partie, les contours du champ représentationnel de l'orientation chez les enseignants. Toutefois, et pour éclairer davantage ces éléments et ces aspects, nous nous sommes conduit à explorer, particulièrement, les éléments qui nous semblent centraux dans la pratique enseignante en matière d'orientation. Il s'agit, précisément, des critères que retiennent les enseignants pour se prononcer sur l'orientation des élèves. Pour se faire, nous leur avons, d'une part, posé une question directe lors des entretiens « Quelles sont les critères/indices sur lesquelles vous vous basez pour se prononcer sur l'orientation de tel ou tel élève ? » et, d'autre part, proposé une activité dont ils étaient amenés à choisir les critères qui leur

    96

    paraissent plus pertinents pour prendre des décisions d'orientation (les résultats de cette activité seront présentés dans la deuxième section de cette analyse).

    Suite à l'analyse du contenu des discours produits par les enquêtés en réponse à la question ci-haut, nous avons identifié deux catégories de critères : la catégorie des critères disciplinaires (huit critères) et celle des critères relatifs au choix d'orientation de l'élève (4 critères). Le tableau n°13 nous fait ressortir qu'à l'exception des critères relatifs aux notes scolaires (cités par 10 enquêtés parmi 12), au niveau dans les disciplines de qualification (6 enquêtés) et à l'aisance dans l'apprentissage de la discipline (6 enquêtés), les autres critères sont généralement hétérogènes. Remarquons aussi que les enseignants ont cité deux fois plus des critères relevant de la première catégorie que ceux relevant de la deuxième. Les critères disciplinaires semblent donc plus retenus par les enseignants pour décider de l'orientation de leurs élèves. Nous retrouvons, ici, l'exemple de certains enseignants (ceux de l'arabe et de l'éducation musicale), affirmant clairement que c'est principalement sur la note scolaire qu'ils se basent pour prendre des décisions d'orientation « pour moi ...euh seules les notes scolaires peuvent nous informer sur le niveau d'élève et se prononcer ensuite sur son orientation ... » (enseignant d'arabe). Bien que la majorité des enquêtés reconnaissent l'influence de la note scolaire sur le choix d'orientation (selon eux cette note ne reflète pas le niveau réel de l'élève) « un élève même avec une note de 10, s'il a l'esprit scientifique il passe scientifique... donc pour moi ...la note ne montre pas tout» (enseignant des sciences naturelles), ils n'hésitent pas, en revanche, à la prendre pour le critère le plus retenu dans les décisions d'orientation. « Les notes scolaires...oui...je trouve que c'est le seul critère un peu...euh...comment dirais-je ?...objectif ... » (enseignant de la technologie). « ...souvent, les notes sont les critères essentiels ...» (enseignant de l'éducation musicale). Il nous emble, dans ce cas, qu'au regard de la note scolaire, les enseignants ont deux attitudes opposées. D'une part ils nient sa validité prédictive et, d'autre part, ils considèrent qu'elle est le seul critère plus au moins objectif sur lequel ils peuvent se baser pour prendre des décisions d'orientation.

    97

    2.1.5.5. Évaluation de la procédure administrative d'orientation par les enseignants:

    Tableau n° 14 :

    Catégories

    Entretien avec l'enseignant de

    total des (Oui)

     

    sc. physique 1

    sc. physique 2

    sc. naturelles

    français

    arabe

    histoire-géo

    éducation islamique

    technologie

    éducation physique

    anglais

    éducation musicale

     

    4.5.1.1. procédure inappropriée

    1 0 0 0 1 0 1

    0 0 0 1 1 0 1

    0

    1

    0

    1

    0

    1

    0

    5

     
     
     
     

    4

     

    0

    1

    1

    0

    0

    0

    0

    1

    0

    0

    0

    0

    3

     

    0 0 0 0 1 0 1

    0 0 0 0 0 1 0

    0 0 0 0 1 0 0

    0 0 0 0 0 0 1

    0

    0 0 0 0

    0

    0 0 0 0

    0

    2

     
     
     
     

    2

     
     
     
     

    1

     
     
     
     

    1

    4.5.2. inconvénients relevés

    4.5.2.1. voeu de l'élève prévaut dans les conseils

    1

    0

    0

    0

    1

    0

    0

    0

    1

    1

    0

    0

    4

     

    0

    0

    0

    0

    1

    0

    0

    0

    1

    1

    0

    0

    3

     

    1

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    1

    0

    0

    2

     

    1

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    1

    0

    0

    2

     

    1

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    0

    1

    0

    0

    2

     

    0 0 0 0 1 0 0

    0

    0

    0

    0

    0

    1

     

    Oui=1 Non=0

    Le tableau ci-dessus présente une vue globale des réponses qui ont été apportées par les enseignants quand on leur avait demandé d'évaluer la procédure d'orientation au Maroc. Ces réponses ont été réparties suivant deux catégories. La première catégorie regroupe des réponses sous forme d'appréciations générales et la deuxième catégorie concerne les inconvénients de cette procédure. Pour ce qui est de la première catégorie, nous relevons que, majoritairement, les appréciations quant à la procédure d'orientation sont défavorables. Elle est jugée inappropriée par cinq enquêtés. L'enseignant de l'histoire-géo l'avait même jugée « déshonorante » pour le système éducatif en décriant la relation superficielle entre l'orienteur et les élèves.

    98

    Quand les enseignants émettent des jugements défavorables à l'encontre de la procédure d'orientation, ils pensent, particulièrement, au fonctionnement du conseil d'orientation « la procédure aussi n'est pas bien...quand tu précises à l'avance le seuil de réussite...donc je préfère ne pas participer aux conseils de classe ... » (enseignant de l'éducation sportive). En effet, quatre enseignants parmi douze avaient soulevé un ensemble d'inconvénients entravant le bon fonctionnement de ce conseil (le voeu de l'élève qui prévaut, un conseil juste pour la forme, les notes comptent plus, faible prise en compte de l'avis de l'enseignant et les risques d'erreurs qui peuvent « jalonner le parcours scolaire de l'élève » (enseignant du français)). Ceci semble accentuer les inégalités sociales face à l'orientation des élèves. Par rapport à ce dernier point, des enquêtés ont attiré l'attention sur le contexte inégalitaire dans lequel se déroule la procédure d'orientation. Ils observent, par exemple, qu'une partie importante des élèves de leur établissement (contexte socialement défavorisé) remplissent les fiches de voeux sans avoir recours à leurs parents ou à une personne susceptible de les aider. Ils les remplissent généralement en classe avec leur camarade (problème d'influence des camarades sur les demandes d'orientation qui peut conduire soit à une auto-sélection soit à ou une demande plus ambitieuse). Cette auto-sélection fait partie d'un ensemble de biais sociaux entourant les demandes d'orientation (Duru-Bellat, 2002). De plus les conseils d'orientation ont tendance à entériner ces demandes au lieu de chercher à tirer vers le haut les ambitions scolaires et professionnelles des élèves. Les propos de l'enseignant de l'histoire-géo révèlent un mode de pensée de certains enseignants vis-à-vis de l'orientation des élèves socialement défavorisés.

    « ... car avec 12 qu'est-ce qu'il va faire en sixième année et le bac ?...quoi ? ...s'il ne fait pas des cours de soutien...et on sait que ces pauvres élèves n'ont pas les moyens...l'élève compte sur soi-même...et la manière avec laquelle fonctionne l'enseignement...avec les heures supplémentaires qui ne laissent pas beaucoup d'espoir pour ces élèves, il me paraît que les élèves dans notre collège ne sont ni littéraires ni scientifiques ».

    Ainsi, l'identité et l'estime de soi de certains élèves peuvent être affectées et par conséquent n'auront probablement pas l'ambition de faire des études très prometteuses.

    99

    2.1.5.6. Améliorations des pratiques enseignantes en orientation selon les enseignants :

    Tableau n° 15 :

    Catégories

    Entretien avec l'enseignant de

    total des (Oui)

    anglais

    Espace occupé par la catégorie en (%)

     

    sc. physique 1 0 0 0 1 0 0 0 0

    sc. physique 2 0 0 0 0 0 0 0 0

    sc. naturelles 0 0 0 1 1 0 1 0

    çsanfair 0 0 1 0 1 1 1 0

    beaar

    gsoeéorthii- 0 0 0 1 1 0 1 0

    éducation islamique

    technologie

    1

    0

    0

    0

    0

    0

    1

    0

    éducation physique

    0

    0

    0

    1

    0

    0

    1

    0

    éducation musicale

     

    4.6.1.1. travailler suivant l'ancienne procédure (l'enseignant décide de l'orientation de l'élève)

    0

     
     
     
     

    3

    32.6

    1

     

    1

     
     
     
     

    1

     

    0

     
     
     
     

    1

     

    4.6.2.1. accompagnement des élèves dans leur orientation

    0

     
     
     
     

    4

    32.6

    1

     

    0

     
     
     
     

    3

     

    0

     
     
     
     

    1

     

    4.6.3.1. formation et

    information sur le domaine et les filières d'orientation

    1

     
     
     
     

    7

    34.7 8

     

    0

     
     
     
     

    1

     

    Oui=1 Non=0

    A la fin de l'entretien semi directif, nous avons demandé aux interviewés de nous faire part de leurs propositions d'amélioration de la pratique enseignante en matière d'orientation. Le tableau ci-dessus présente l'ensemble des propositions réparties (à part presque égale) selon trois niveaux. Le premier niveau contient des propositions relatives à l'amélioration de la procédure d'orientation. Le deuxième niveau regroupe les propositions qui ont trait à

    100

    l'encadrement des élèves dans leur processus d'orientation. Le troisième et dernier niveau concerne les besoins des enquêtés en matière de formation/information en orientation.

    Par rapport au premier niveau, nous avons relevé que trois enquêtés parmi cinq qui en ont parlé, veulent travailler suivant l'ancienne procédure d'orientation. Une procédure qui, selon eux, confère à l'enseignant un rôle déterminant dans la prise de décisions d'orientation « c'est le professeur qui voit si cet élève mérite ou pas » (enseignant de l'éducation islamique). D'autres enquêtés (au nombre de cinq) ont soulevé le manque d'encadrement des élèves dans leurs choix d'orientation. Pour remédier à cette situation, l'enseignant de l'histoire-géo « parle de ce qui doit se faire avant cette fiche de voeux...il doit y avoir une préparation en amont avant de la donner à l'élève...une relation...un contact qui doit être direct et permanent ... ». Pour l'enseignant du français « s'il y a un orienteur dans un seul établissement il va pouvoir connaître et suivre tous les élèves de l'établissement et ...ce serait bénéfique pour les élèves... ». Et par rapport au besoin de formation/information en orientation, huit enquêtés l'avait exprimé contre quatre qui ne l'ont pas fait.

    Globalement, les propositions d'amélioration de la pratique enseignante en matière d'orientation sont relativement différentes d'un enseignant à un autre. Ceci témoigne du caractère complexe du domaine de l'orientation nécessitant une multitude d'entrées éducatives susceptibles de développer une action pertinente de l'aide à l'orientation des élèves.

    101

    2.2. Résultats de l'activité (le cas présenté aux enquêtés) :

    Cette deuxième section de l'analyse des données pratiques met en évidence ce que les enseignants ont tendance à retenir, en premier lieu, comme critères pour se prononcer sur l'orientation de leurs élèves. Elle permettra donc de répondre, avec plus de nuance, à la dernière question spécifique de notre recherche : Quelles sont les critères/indices que les enseignants ont-ils tendance à utiliser pour se prononcer sur l'orientation de tel ou tel élève ?

    Pour répondre donc à cette question, nous nous sommes intéressé particulièrement aux critères retenus pour une orientation scientifique et ceux retenus pour une orientation littéraire. Quatre scénarios pour chacune des deux orientations sont établis par chaque enquêté selon ce qu'il lui paraît plus prédicteur. Un tableau récapitulatif de l'activité est présenté. Il permet d'observer plus facilement les critères saillants retenus par les enseignants pour concevoir les deux types de scénarios demandés. D'autres calculs sont effectués permettant d'apprécier l'importance accordée à chaque critère par rapport à l'ensemble des critères proposés dans l'activité.

    2.2.1. Présentation des données :

    L'objectif de notre recherche, rappelons-le, consiste à déterminer les caractéristiques des représentations sociales que se font les enseignants à l'égard de l'orientation de leurs élèves. Nous allons présenter dans ce qui suit, les résultats d'une activité proposée aux enquêtés (étude de cas). Cette activité nous a permis, d'une part, de mettre en exergue les éléments les plus retenus pour caractériser un profil littéraire et un autre scientifique et, d'autre part, d'opposer, s'il y a lieu, les dires des enseignants avec les résultats de cette activité (validité instrumentale).

    L'analyse des résultats de cette activité est effectuée en faisant ressortir :

    - Le nombre de critères retenus par les enseignants toutes disciplines confondues ; - Les critères retenus suivant la filière d'orientation (scientifique ou littéraire) ;

    - Les critères retenus et qui servent à décrire autant les scénarios littéraires que ceux scientifiques ;

    - Les critères qui vont généralement ensemble dans les scénarios ;

    - Les critères retenus en présence des notes disciplinaires très faibles ;

    - Les critères retenus selon la nature de la discipline enseignée (scientifique, littéraire, ou de découverte).

    Code

    Critère

    Type
    de
    critère

    A1

    Math : 11/20

    note chiffrée

    A2

    Math : 6/20

     

    Math : 9/20

     

    Math : 5/20

     

    Français : 14/20

     

    Français : 8/20

     

    Français : 9/20

     

    Français : 7/20

     

    Physique : 13/20

     

    Physique : 9/20

     

    Physique : 11/20

     

    Physique : 3/20

     

    Sc naturelles : 12/20

     

    Sc naturelles : 5/20

     

    Sc naturelles : 9/20

     

    Sc naturelles : 7/20

     

    Arabe : 5/20

     

    Arabe : 11/20

     

    Arabe : 9/20

     

    Arabe : 12/20

     

    His-Géo : 3/20

     

    His-Géo : 13/20

     

    His-Géo : 11/20

     

    His-Géo : 8/20

     

    Moyenne : 11.5/20

     

    Moyenne : 11/20

     

    Moyenne : 9.5/20

     

    Moyenne : 9/20

     

    Code

    Critère

    Type
    de
    critère

    H1

    Inscrit au conservatoire

    socioéconomique

    H2

    Aime la natation

     

    Fait du théâtre

     

    Participe à l'aide aux devoirs du collège

     

    Joue au foot

     

    Joue à la Boxe

     

    Regarde des séries télévisées

     

    Fait du shopping

     

    Il a une bourse

     

    Passionné de littérature

     

    Se balade en ville avec ses amis

     

    Aime les jeux vidéo

     

    Fille

    genre

    K2

    Garçon

     

    Voeux d'orientation

    Scientifique

    voeux d'orientation

     
     

    Voeux d'orientation

    Littéraire

     
     

    Voeux d'orientation

    Scientifique

     
     

    Voeux d'orientation

    Littéraire

     
     

    102

    Tableau n°16 : Critères utilisés dans le cas présenté aux enseignants

    103

    Tableau n° 17 : Répartition des critères proposés aux enseignants selon leurs catégories

     
     

    Critères relatifs aux

     
     
     

    statuts socioéconomiques

    voeux d'orientation

    genre

    total

    nombre

    28

    12

    4

    2

    46

    pourcentage

    60,87%

    26,09%

    8,70%

    4,35%

    100,00%

     

    Figure n° : 2

    Le tableau n°16 présente l'ensemble des critères proposés aux enquêtés pour établir les scénarios demandés. Ces critères sont de quatre types. Le tableau n° 17 présente une répartition des critères selon leur type. Le premier type concerne les notes chiffrées (regroupe 60.87 % des critères proposés). Le deuxième type est relatif aux statuts socioéconomiques (26.09%). Le troisième type présente des voeux d'orientation (8.70%) et le quatrième type est relatif au genre (4.35%). Rappelons, ici, que l'ensemble de ces critères se rapporte généralement à un élève de niveau moyen ou à un élève de niveau moyennement faible.

    enseignant de

    technologie

    éducation physique

    mathématiques

    français

    histoire-géographie

    éducation islamique

    éducation musicale

    Sc. physiques 1

    Sc. physiques 2

    Sc. naturelles

    arabe

    anglais

    A1 L1 C1 H4

    A1 C1 D1 B2

    A1 C1 D1 L1

    A1 C1 D1 L1

    A1 J4 C1 G1

    A1 C1 D1 B1

    A1 C1 D1 B1

    A1 C1 D1 B1

    A1 C1 D1 G1

    A1 C1 D1 H1

    A1 C1 D1 G1

    A1 C1 D1 G1

    scénario 1

    A3 C3 D1 L3

    A3 C3 G1 L1

    A3 C3 D3 L3

    A3 C3 B1 H4

    A3 C3 D3 B2

    A3 C3 D3 G2

    A3 C3 D3 G2

    A3 C3 D3 L1

    C3 B1 L1 G2

    C3 A3 B3 D3

    C3 D3 F2 E4

    C3 G1 J4 K2

    pour une orientation scientifique pour une orientation littéraire

    scénario 2

    A2 B3 D3

    A2 D4 G1

    D1 A3 D3 L3

    H4 A2 D4

    J1 G4 H4 L3

    D3 G1 A2

    D3 G1 H1

    G1 H4 L1 F2

    D4 B2 H4

    G1 J4 K1 L1

    G2 A3 J1

    D4 G3 H4

    scénario 3

    scénarii proposés par les enseignants

    A4 D4 B4 L3

    A4 C4 D2 G2

    F2 G2 L3 I2

    A2 D4 H4

    A2 D4 G2

    A3 F3 G2

    A4 D4 J4 I4

    D3 G3 H2 H4

    A2 F2 G4 L1

    G2 A4 D4 J4

    G1 J1 L1 J4

    D4 G3 L4

    scénario 4

    L2 B1 E4 G1

    B1 E4 F2 H3

    E4 B1 F2 H3

    B1 E4 H3 L2

    E4 B1 J2 H3

    B1 E4 F2 G1

    B1 J2 E4 K2

    B1 E4 F2 G1

    B1 E4 F2 G1

    E4 B1 F2 H3

    B1 E4 F2 G1

    B1 E2 F2 L2

    scénario 1

    L4 E2 F2 G2

    B3 E2 G2 F3

    E2 B3 F3 J2

    B3 E2 G1 J2

    E2 B3 F2 L2

    E2 B3 F3 G2

    E2 F2 H3 H4

    E2 F3 B3 G2

    B3 E2 F3 G2

    E2 F3 J2 J3

    B3 E2 F3 H4

    B3 E4 G1 H4

    scénario 2

    E3 B3 F3 H4

    B2 E3 F4 H4

    E3 B2 G2 L2

    F2 G2 B2 H4

    F3 B2 G1 E3

    B2 E3 F4 G3

    F3 B3 E3 H1

    D1 E3 G3 J2

    B2 E3 F4 G3

    A1 G1 I3 F4

    B2 E3 G2 J2

    F3 E3 G2 J2

    scénario 3

    J2 F4 B2 H3

    B4 G3 I3 L2

    F4 B4 H4 G1

    E3 F3 H1 L4

    B4 E1 F4 G2

    B4 E1 F1 G4

    L2 J1 B2 G1

    L2 H1 A2 K2

    B4 G4 H3 J2

    L2 G2 H1 H2

    B4 E1 F4 L2

    H1 I3 G3 L4

    scénario 4

    104

    Tableau n° 18 : Répartition des critères choisis par les enseignants selon les scénarios proposés et la discipline enseignée

    Tableau n° 19 : a

    scénarii proposés par les enseignants

    pour une orientation scientifique

    pour une orientation littéraire

    scénario 4

    A1 L1 C1

    114

    A3 C3 D1

    L3

    J4

    L2

    B1 E4 G1

    L4

    113

    L1

    L3

    B1 E4 F2

    113

    I3

    L2

    A1 C1 D1

    L1

    A3 C3 D3

    L3

    113

    E2 B3 F3

    J2

    E3 B2 G2

    L2

    F4 B4

    114

    G1

    A1 C1 D1

    L1

    A3 C3 B1

    114

    D3 G1

    111

    F2 G2

    L3

    I2

    B1 E4 113

    L2

    B3 E2 G1

    J2

    F2 G2 B2

    114

    E3 F3

    111

    L4

    L1

    G2 D1 A3 D3

    L3

    A2 D4

    114

    L2

    114

    L1

    F2

    114

    G1

    J1

    L1

    J4

    B1 J2 E4

    K2

    E2 F2

    113 114

    F3 B3 E3

    111

    L2

    J1 B2 G1

    J4

    K1

    L1

    J2

    L2

    111 A2

    K2

    114

    J4 I4

    A1 C1 D1

    111

    C3 G1

    J4

    K2

    G2 A3

    J1

    D3 G3

    112 114

    E4 B1 F2

    113

    I3

    F4

    L2

    G2 111 112

    114

    A2 F2 G4

    L1

    L2

    L1

    J1

    G4

    114

    L3

    D4 G3

    L4

    B1 E4 F2

    L2

    L4

    A1 C1 D1 B2 A3 C3 G1

    A1 J4 C1 G1 C3 B1

    A1 C1 D1 B1 C3 A3 B3 D3 G1

    A1 C1 D1 B1 A3 C3 D3 B2 D4 B2

    A1 C1 D1 B1 C3 D3 F2 E4 G1

    A1 C1 D1 G1 A3 C3 D3 G2

    A1 C1 D1 G1 A3 C3 D3 G2 D4 G3

    A1 C1 D1 G1 A3 C3 D3

    scénario 1 scénario 2 scénario 3

    A2 B3 D3 A4 D4 B4

    A2 D4 G1 A4 C4 D2 G2 E4 B1 F2

    D3 G1 A2 G2 A4 D4

    A2 D4 A4 D4

    A2 D4 G2 B1 E4 F2 G1 E2 B3 F3 G2 B2 E3 F4 G3 B4 E1 F1 G4

    A3 F3 G2 B1 E4 F2 G1 E2 F3 B3 G2 D1 E3 G3

    E4 B1 J2 113 E2 B3 F2

    B1 E4 F2 G1 B3 E2 F3 G2 B2 E3 F4 G3 B4 G4 113 J2

    B1 E4 F2 G1 B3 E2 F3 114 B2 E3 G2 J2 B4 E1 F4

    scénario 1 scénario 2 scénario 3 scénario 4

    B3 E2 G2 F3 B2 E3 F4 114 B4 G3

    E2 F3 J2 J3 A1 G1

    B3 E2 G1 114 F3 E3 G2 J2 111 I3 G3

    E2 F2 G2 E3 B3 F3 114 J2 F4 B2

    F3 B2 G1 E3 B4 E1 F4 G2

    Sc. naturelles

    français

    arabe

    anglais

    enseignant de

    technologie

    éducation physique

    mathématiques

    histoire-géo

    éducation islamique

    éducation musicale

    Sc. physiques 1

    Sc. physiques 2

    critères relatifs au genre

    critères relatifs aux voeux d'orientation critères relatifs aux statuts socioéconomiques critères relatifs aux notes chiffrées

    105

    106

    2.2.2. Analyse des données recueillies de l'activité :

    Avant d'analyser les données des tableaux n°18 et n°19, nous allons présenter la répartition des critères qui y figurent :

    Tableau n° 20 : Répartition des critères choisis par les enseignants selon le type de scénario établi

     

    scénarios scientifiques

    scénarios littéraires

    tous scénarios
    confondus

     

    pourcentage

    nombre

    pourcentage

    Nombre

    pourcentage

    Critères relatifs aux

    notes chiffrées

    150

    78,13%

    141

    73,44%

    291

    75,78%

     

    23

    11,98%

    36

    18,75%

    59

    15,36%

     

    17

    8,85%

    13

    6,77%

    30

    7,81%

     

    2

    1,04%

    2

    1,04%

    4

    1,04%

     

    total

    192

    100,00%

    192

    100,00%

    384

    100,00%

     

    Sachant bien qu'environ 40% des critères proposés aux enseignants sont de nature différente de la note chiffrée, nous avons relevé que presque les trois-quarts des critères retenus par les enquêtés, pour établir les scénarios d'orientation, sont sous forme d'une note chiffrée. Le quart restant est partagé entre les critères relatifs aux statuts socioéconomiques avec 15.36%, aux voeux d'orientation avec 7.81% et au genre avec 1.04%. Cette répartition est observée, avec une légère différence, aussi bien pour les scénarios scientifiques que pour les scénarios littéraires.

    Figure n° : 3

    107

    Figure n° : 4

    Figure n° : 5

    Analyse des tableaux n°18 et n°19 :

    Au vu du déroulement de la deuxième étape de notre enquête du terrain, nous aimerions souligner, que la majorité des enseignants avaient éprouvé une certaine difficulté quant à la réalisation de l'activité proposée. Celle-ci leur paraissait relativement contraignante vu la nature des critères à choisir qui y figurent. Ceci a été volontairement prévu car l'activité présente une situation de choix peu confortable pour les enseignants enquêtés. En effet, plus l'enseignant avance dans la proposition des scénarios plus il se rend compte qu'il lui est difficile d'opérer encore des choix pertinents parmi les critères restants. Cette difficulté a été constatée par Bressoux (2006). Pour cet auteur, les enseignants arrivent, facilement, à émettre

    108

    des jugements relativement valides par rapport aux performances actuelles de leurs élèves. En revanche, ces jugements sont moins valides quand ils sont amenés à prédire les performances futures d'un élève. Cela étant, les décisions d'orientation seraient donc moins fondées vu qu'elles constituent une forme de prédiction de la réussite future de l'élève dans telle ou telle filière.

    Par rapport aux données du tableau n° 17, nous pouvons relever que :

    Dans la plupart des premiers scénarios aussi bien scientifiques que littéraires, les enseignants ont retenu exclusivement des critères relatifs à la note chiffrée. Ceci semble être parfaitement en harmonie avec leurs dires lors des entretiens. En effet, ils se sont généralement accordés à retenir, en premier lieu, les notes scolaires pour se prononcer sur l'orientation des élèves (cf. tableaux n°6, n°8 et n°13).

    Tous les enseignants enquêtés ont mis le critère 11/20 en mathématiques en première position dans leurs meilleurs scénarios relatifs à l'orientation scientifique alors que même en présence des notes 14/20 en français, 11/20 en arabe et 13/20 en histoire-géo, les enseignants sont relativement départagés sur le premier critère à mettre dans les scénarios littéraires : huit ont choisi la note du français, trois celle de l'arabe et une personne a choisi le voeu d'orientation.

    Généralement, en matière de disciplines qualifiantes à l'une ou l'autre orientation, les enseignants choisissent pour les scientifiques d'abord les mathématiques puis la physique et ensuite les sciences naturelles. Pour les littéraires, ils choisissent l'arabe ou le français puis l'histoire-géo. Par rapport à la discipline du français, il apparaît que les enseignants des disciplines scientifiques ne l'ont pas introduit comme discipline importante pour l'orientation scientifique (ne figure pas dans leurs premiers scénarios établis) contrairement aux enseignants des disciplines littéraires. Exception faite pour l'enseignant du français qui, en plus des mathématiques et de la physique, a préféré mettre un critère relatif aux jeux vidéo et un autre relatif à la moyenne générale.

    Pour les trois premiers critères retenus pour établir les meilleurs scénarii scientifiques, la majorité des enseignants ont utilisé les critères relatifs aux notes dans les disciplines scientifiques ; les mathématiques, la physique et les sciences naturelles. Mention faite à deux enseignants : l'enseignant du français qui a préféré mettre à la place des sciences naturelles, le critère relatif aux jeux vidéo. Pour lui, le fait qu'un élève aime les jeux vidéo révèle son

    109

    potentiel scientifique. L'enseignant des mathématiques, quant à lui, a jugé le voeu d'orientation de l'élève plus prédictif de sa réussite future que sa note en sciences naturelles.

    Au-delà des trois premiers critères sur lesquels les enseignants s'accordent généralement dans les scénarios scientifiques, les différences commencent à s'observer d'un enseignant à l'autre au niveau du quatrième critère retenu. Certains enseignants ont mis la note en français (trois enseignants des disciplines littéraires). D'autres ont mis la moyenne générale (quatre enseignants, celui du français et les autres des disciplines de découverte). L'enseignant des mathématiques a mis le soutien scolaire et les deux enseignants de physique ont mis le choix d'orientation et la note en français. Les enseignants des sciences naturelles, du français et d'éducation musicale ont mis respectivement le choix d'orientation, la moyenne générale et l'inscription aux conservatoires.

    Pour les scénarios littéraires, les deux critères relatifs à la note en arabe et la note en français sont souvent alternés entre la première et la deuxième position dans le classement des critères retenus par les enseignants. La note en histoire-géo occupe généralement la troisième position. Comme dans les scénarios scientifiques, le quatrième critère semble varier d'un enseignant à un autre (cinq ont mis « la moyenne = 11.5/20 », trois ont mis « faire du théâtre deux ont mis « le voeu d'orientation littéraire » et un seul enquêté a introduit le critère relatif au genre).

    Le tableau n°19 fait apparaître que les enseignants ont introduit dans leurs premiers scénarii des critères autres que les notes chiffrées (au nombre de 8 pour les scénarios scientifiques et de 11 pour les scénarios littéraires). Mais, de manière générale, c'est lorsque l'on a épuisé les critères relatifs aux notes moyennes et moyennement faibles pour établir les premiers scénarios que les enseignants ont commencé à intégrer et en nombre croissant d'autres critères de nature différente dans le reste des scénarios.

    Les critères relatifs aux voeux d'orientation représentent 15.36% du total des critères retenus par les enseignants pour établir les scénarios demandés. Ces critères sont retenus aussi bien dans les scénarios littéraires que scientifiques avec une légère augmentation au niveau de ces derniers. Encore mieux, trois enseignants (de disciplines scientifiques) les avaient retenus pour les premiers scénarios scientifiques et littéraires. Il paraît donc que le voeu d'orientation constitue chez certains enseignants un critère essentiel pour prédire la réussite scolaire des élèves alors que pour d'autres, il est moins important voire sans intérêt (enseignant de la technologie). Cela rejoint les propos de certains enseignants désirant travailler selon

    110

    l'ancienne procédure d'orientation qui confie à l'enseignant la prise des décisions d'orientation de l'élève et que le voeu de celui-ci n'y est que facultatif.

    A part les critères « participe à l'aide aux devoirs du collège », « passionné de littérature », « fait du théâtre », « inscrit au conservatoire » et « il a une bourse » qui ont été retenus différemment par au moins quatre enquêtés, les autres critères socio-économiques (aime la natation, fait du théâtre, pratique la boxe, regarde des séries télévisées, fait du shopping, se balade en ville avec ses amis, aime les jeux vidéo) n'ont été retenus que par un ou deux enquêtés (cf. tableau n°21). Le critère « joue au foot », quant à lui, n'a été retenu par aucun enseignant. Ceci peut avoir plusieurs explications. Nous en proposant deux :

    D'abord, il nous semble qu'aux yeux des enseignants enquêtés, les critères socio-économiques qui ont trait aux intérêts et aux capacités disciplinaires (largement évoqués par les enseignants lors des entretiens) sont plus informatifs sur le profil scolaire de l'élève que les autres critères.

    Ensuite, il est possible que cette différence observée soit imputée, pour partie, au contexte social de l'établissement scolaire. En effet, celui-ci est fréquenté généralement par un public défavorisé et ce genre d'informations (les autres critères socio-économiques) ne semble pas éclairer les enseignants sur ce qui peut aider l'élève à poursuivre ses études aussi bien en lettres qu'en sciences. Par contre, le fait d'avoir une bourse ou faire des cours de soutien ou être passionné de littérature peut représenter dans le contexte marocain une aide considérable pour qu'un élève de ce milieu scolaire poursuive ses études dans de meilleures conditions.

    De même, les critères relatifs au genre paraissent eux aussi moins informatifs et ne suscitent chez les enquêtés qu'un intérêt très minime (retenus par 4 enquêtés parmi douze et généralement à partir du troisième scénario). Pour eux, être fille ou garçon ne semble pas conditionner la nature des études à entreprendre après la troisième collégiale.

    Tous ces résultats ne nous permettent d'avancer que dans le contexte marocain, les représentations stéréotypées relatives au genre et aux statuts socio-économiques (Channouf et al., 2005) ne se manifestent pas , nous semble-t-il, de la même manière que dans le contexte européen. Résultats qui doivent être analysés en profondeur dans d'autres études à portée plus généralisatrice.

    Globalement, les trois premiers critères retenus aussi bien dans les scénarios scientifiques que littéraires marquent une certaine stabilité. Nous pouvons avancer que ces trois critères

    111

    constituent les éléments centraux autour desquels se forgent les représentations sociales des enseignants quant aux critères retenus pour prendre des décisions d'orientation. L'hétérogénéité observée dès le quatrième critère à mettre (alors qu'il reste douze autres critères à sélectionner) témoigne de la diversité des approches personnelles que peuvent faire les enseignants en l'absence des critères objectifs ou des critères reconnus et désirés socialement. Ces critères peuvent constituer les éléments périphériques de ces représentations sociales. Le voeu d'orientation constitue lui aussi, chez certains enseignants, un critère essentiel pour prédire la réussite scolaire des élèves alors que pour d'autres, il est moins important voire sans intérêt. Par rapport aux critères socio-économiques, nous avons remarqué que ceux qui ont trait aux intérêts et capacités disciplinaires (largement évoqués par les enseignants lors des entretiens) semblent, aux yeux des enquêtés, plus informatifs sur le profil scolaire de l'élève que les autres critères. Enfin, les critères relatifs au genre paraissent eux aussi moins informatifs et ne suscitent chez les enquêtés qu'un intérêt très minime.

    Nous présenterons par la suite une exploitation des données des tableaux n°18 et n°19 susceptible de nous éclairer davantage sur la nature des critères les plus retenus par les enseignants pour réaliser cette activité.

    2.2.3. Exploitation des données recueillies de l'activité:

    Pour rendre compte de l'importance accordée à un critère par rapport aux autres critères, il faut déterminer à la fois son nombre d'apparition et le rang qui lui est consigné par chaque enquêté. Un critère sera d'autant plus important qu'il est choisi par le plus grand nombre d'enquêtés et classé par ceux-ci dans les premiers scénarios établis. Nous avons donc calculé un indice, qu'on appellera indice d'importance (II) du critère. Cet indice égal au nombre d'apparition d'un critère, dans chaque type de scénario, multiplié par la somme des poids qui lui sont affectés suivant son rang dans les scenarios. Ceux-ci sont au nombre de quatre pour chaque type d'orientation (scientifique et littéraire) et comprenant quatre critères pour chacun. Ce qui donne au total, seize critères à choisir parmi quarante-six. On affectera, par exemple, le poids « 16 » au premier critère choisi, « 15 » pour le deuxième, « 14 » pour le troisième et ainsi de suite jusqu'au 16ème critère choisi auquel on affectera le poids « 1 ». Soit donc la formule suivante :

    Indice d'importance (II) du critère= nombre d'apparition du critère*somme des poids affectés au critère selon son rang dans les scénarios.

    La formule abrégée peut être écrite ainsi : II= nombre d'apparition* somme des poids

    112

    Pour afficher cet indice en pourcentage, nous allons le diviser sur la somme des indices des critères et multiplier le tout par le chiffre 100.

    Tableau n° 21 : Classement décroissant des critères retenus en fonction de leurs nombres d'apparition :

     

    Nombre d'apparition des critères

     
     
     

    dans les scénarios littéraires

    au total

    critères utilisées

    G1

    G2

    B1

    F2

    H4

    A1

    B3

    D1

    E4

    F3

    A3

    B2

    C1

    C3

    D3

    E2

    E3

    D4

    J2

    L1

    L2

    A2

    F4

    G3

    H3

    B4

    H1

    J4

    L3

    A4

    G4 J1

    L4 E1

    I3 K2

    H2

    C4

    D2 F1 I2

    I4

    J3 K1 I1

    12

    11

    23

     

    11

    20

     

    12

    17

     

    12

    16

     

    7

    16

     

    1

    13

     

    11

    13

     

    1

    13

     

    12

    13

     

    12

    13

     

    0

    12

     

    9

    12

     

    0

    12

     

    0

    12

     

    0

    12

     

    0

    12

     

    12

    12

     

    11

    11

     

    0

    10

     

    10

    10

     

    0

    10

     

    10

    10

     

    1

    8

     

    8

    8

     

    5

    8

     

    8

    8

     

    6

    7

     

    5

    7

     

    0

    6

     

    0

    6

     

    0

    4

     

    2

    4

     

    1

    4

     

    3

    4

     

    3

    3

     

    3

    3

     

    2

    3

     

    1

    2

     

    0

    1

     

    0

    1

     

    1

    1

     

    0

    1

     

    0

    1

     

    1

    1

     

    0

    1

     

    0

    0

     

    113

    Le tableau n° 21 présente le classement décroissant des critères retenus en fonction de leurs nombres d'apparition. Nous pouvons en relever que la moyenne générale est le critère le plus retenu tous scénarios confondus (avec 43 apparitions). La moyenne générale, dans ce cas, semble informer l'enseignant, pour partie, sur la scolarité future de l'élève abstraction faite de ses acquisitions disciplinaires. Sur ce point, nous avons pu vérifier dans notre recherche en Master 1 que la moyenne générale en tronc commun scientifique est fortement corrélée à celle de la troisième collégiale (corrélation de 0.81 et dépendance très significative). Cette réalité est largement évoquée par plusieurs chercheurs ; Malone et Fleming (1983, cités par Chbani, 2002) Op.cit, p.130) ont démontré que le niveau général de capacité des élèves influence leur réussite ultérieure en sciences. Ils ont trouvé une corrélation de 0.43 à partir de 42 enquêtes. Vient après le critère relatif à la langue française (avec 17 apparitions). La maîtrise de celle-ci est effectivement considérée comme indispensable pour la poursuite des études littéraires et, dans une moindre mesure, pour la poursuite des études scientifiques. L'histoire-géo et la participation à l'aide aux devoirs du collège ont été reprises 16 fois chacune. Pour certains enseignants, une bonne note en histoire-géo peut aussi les informer sur les capacités d'analyse et d'observation de l'élève et donc elle est prise, quoique dans les derniers scénarios, comme un critère pour décider d'une orientation scientifique. La participation à l'aide aux devoirs du collège peut constituer, nous l'avons vu, une forme d'aide utile pour développer les capacités littéraires et scientifiques de l'élève. Les autres critères sont soit déterminants dans un type d'orientation et non pas dans l'autre soit ils sont généralement mois retenus par les enquêtés.

    A1 16 16 16 16 16 16 16 16 16 16 16 16 192 12 14,11

    C1 14 15 15 15 14 15 15 15 15 15 15 15 178 12 13,09

    D1 10 14 14 14 8 14 14 14 14 14 14 14 158 12

    A3 12 12 12 12 7 11 12 4 12 7 12 12 125 12 9,19

    G1 6 10 5 6 13 8 4 8 13 11 13 13 110 12 8,09

    D3 7 5 10 7 6 9 10 11 10 4 10 10 99 12 7,28

    L1 15 9 13 13 10 6 2 5 0 0 1 9 83 10

    8 7 7 8 1 3 8 3 6 6 8 4 69 12 5,07

    114 13 0 0 9 2 7 5 0 8 1 5 6 56 9

    critères utilisés

    G2 4 0 1 3 9 1 0 1 9 8 9 0 45 9 2,48

    D4 2 3 6 0 3 2 7 0 5 0 7 3 38 10 2,33

    B1 0 0 0 10 11 13 13 13 0 0 0 0 60 5 1,84

    A2 5 8 8 0 4 4 0 0 7 0 4 0 40 7 1,72

    J4 1 0 0 0 15 0 1 7 2 10 0 0 36 6 1,32

    L3 9 1 9 2 5 0 0 0 0 0 0 5 31 6 1,14

    F2 0 0 0 4 0 5 0 10 0 0 3 0 22 4 0,54

    B2 0 13 0 0 0 0 9 0 0 0 0 0 22 3 0,40

    A4 3 4 4 0 0 0 0 0 4 0 0 0 15 4 0,37

    J1 0 0 0 0 0 0 3 0 0 5 0 8 16 3 0,29

    111 0 0 0 5 0 0 0 0 0 13 0 0 18 2 0,22

    G3 0 0 0 0 0 0 0 0 0 3 6 2 11 3 0,20

    B3 0 6 0 0 0 10 0 0 0 0 0 0 16 2 0,20

    G4 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 2 7 9 2 0,11

    E4 0 0 0 0 0 0 0 9 0 0 0 0 9 1 0,06

    K2 0 0 0 0 0 0 0 0 0 9 0 0 9 1 0,06

    K1 0 0 0 0 0 0 0 6 0 0 0 0 6 1 0,04

    C4 0 0 3 0 0 0 0 0 0 0 0 0 3 1 0,02

    B4 0 2 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 2 1 0,01

    D2 0 0 2 0 0 0 0 0 0 0 0 0 2 1 0,01

    F3 0 0 0 0 0 0 0 2 0 0 0 0 2 1 0,01

    112 0 0 0 0 0 0 0 0 0 2 0 0 2 1 0,01

    I2 0 0 0 1 0 0 0 0 0 0 0 0 1 1 0,01

    I4 0 0 0 0 0 0 0 0 1 0 0 0 1 1 0,01

    L4 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 1 1 1 0,01

    E1 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0,00

    E2 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0,00

    E3 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0,00

    F1 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0,00

    F4 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0,00

    113 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0,00

    I1 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0,00

    I3 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0,00

    J2 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0,00

    J3 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0,00

    L2 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0,00

    C3 11 11 11 11 12 12 11 12 11 12 11 11 136 12

    mathématiques

    sc. physiques 1

    sc. physique 2

    sc. naturelles

    français

    Enseignant de

    arabe

    histoire-géo

    éducation islamique

    technologie

    éducation musicale

    éducation physique

    anglais

    Somme des poids

    nombre

    d'apparition

    Indice

    d'importance (II) en %

    11,61

    10,00

    5,08

    3,09

    114

    Tableau n° 22 : Classement décroissant des critères utilisés par les enseignants en fonction de leurs indices d'importance dans les scénarios scientifiques :

    115

    Figure n° : 6

    Le tableau n° 22 et le graphe ci-dessus nous montrent clairement que pour se prononcer sur l'orientation des élèves, les enseignants enquêtés se basent principalement sur des critères relatifs à la note chiffrée (soit plus de 75% d'importance par rapport à l'ensemble des critères retenus par les enquêtés). Ces critères semblent constituer les éléments centraux des représentations sociales que se font les enseignants des critères à mettre en avant pour fonder leurs décisions d'orientation. Autour de ces éléments centraux, gravitent un ensemble d'éléments périphériques constitués par d'autres critères (relatifs aux voeux d'orientation, aux statuts socio-économiques et au genre) qui peuvent jaillir différemment selon la personne et le contexte dans lequel se met en oeuvre la représentation sociale. Pour l'orientation scientifique, comme nous l'avons déjà identifié, ce sont les notes dans les disciplines scientifiques (dans l'ordre : les mathématiques, la physique et les sciences) qui constituent les critères les plus retenus par les enseignants. Les critères relatifs aux voeux d'orientation, quant à eux, viennent en 8ème position derrière sept critères relatifs à la note chiffrée. En 9ème position se situent les critères relatifs aux statuts socio-économiques. Et enfin, les critères relatifs au genre n'apparaissent qu'à la 26ème position. Ceci témoigne de leur portée insignifiante au regard des autres types de critères. La position qu'occupe la note chiffrée par rapport aux autres types de critères peut être expliquée, nous l'avons vu, par l'absence d'une alternative permettant aux enseignants de juger objectivement les aptitudes des élèves. Ils se voient donc contraints de regarder du côté des notes disciplinaires, seules informations qui leur paraissent plus ou moins objectives et socialement désirées.

    B1 15 16 15 16 15 16 16 16 16 15 16 16 188 12

    E4 14 15 16 15 16 15 14 15 15 16 15 15 181 12

    F2 10 14 14 8 10 14 11 14 14 14 14 14 151 12

    E2 11 11 12 11 12 12 12 12 11 12 11 11 138 12

    B3 7 12 11 12 11 11 7 10 12 0 12 12 117 11 7,64

    F3 6 9 10 3 8 10 8 11 10 11 10 8 104 12 7,41

    G1 13 0 1 10 6 13 1 13 13 7 13 10 100 11 6,53

    G2 9 10 6 7 1 9 0 9 9 3 6 6 75 11 4,90

    E3 8 7 8 4 5 7 6 7 7 0 7 7 73 11 4,77

    J2 4 0 9 9 14 0 15 5 1 10 5 5 77 10

    L2 16 1 5 13 9 0 4 4 0 4 1 13 70 10

    113 1 13 13 14 13 0 10 0 2 13 0 0 79 8

    critères choisis

    B2 2 8 7 6 7 8 2 0 8 0 8 0 56 9 2,99

    114 5 5 2 5 0 0 9 0 0 0 9 9 44 7 1,83

    F4 3 6 4 0 2 6 0 0 6 5 2 0 34 8 1,62

    B4 0 4 3 0 4 4 0 0 4 0 4 0 23 6 0,82

    G3 0 3 0 0 0 5 0 6 5 0 0 2 21 5 0,62

    111 0 0 0 2 0 0 5 3 0 2 0 4 16 5 0,48

    L4 12 0 0 1 0 0 0 0 0 0 0 1 14 3 0,25

    I3 0 2 0 0 0 0 0 0 0 6 0 3 11 3 0,20

    K2 0 0 0 0 0 0 13 1 0 0 0 0 14 2 0,17

    E1 0 0 0 0 3 3 0 0 0 0 3 0 9 3 0,16

    J3 0 0 0 0 0 0 0 0 0 9 0 0 9 1 0,05

    A1 0 0 0 0 0 0 0 0 0 8 0 0 8 1 0,05

    D1 0 0 0 0 0 0 0 8 0 0 0 0 8 1 0,05

    G4 0 0 0 0 0 1 0 0 3 0 0 0 4 2 0,05

    J1 0 0 0 0 0 0 3 0 0 0 0 0 3 1 0,02

    A2 0 0 0 0 0 0 0 2 0 0 0 0 2 1 0,01

    F1 0 0 0 0 0 2 0 0 0 0 0 0 2 1 0,01

    112 0 0 0 0 0 0 0 0 0 1 0 0 1 1 0,01

    A3 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0,00

    A4 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0,00

    C1 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0,00

    0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0,00

    C3 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0,00

    C4 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0,00

    D2 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0,00

    D3 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0,00

    D4 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0,00

    I1 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0,00

    I2 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0,00

    I4 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0,00

    J4 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0,00

    K1 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0,00

    L1 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0,00

    L3 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0,00

    mathématiques

    sc. physiques 1

    sc. physique 2

    sc. naturelles

    français

    Enseignant de

    arabe

    histoire-géo

    éducation islamique

    technologie

    éducation musicale

    éducation physique

    anglais

    Somme des poids

    Nombre

    d'apparition

    Indice

    d'importance (II) en %

    13,40

    12,90

    10,76

    4,57

    4,16

    9,83

    3,75

    116

    Tableau n° 23 : Classement décroissant des critères utilisés par les enseignants en fonction de leurs indices d'importance dans les scénarios littéraires :

    117

    Figure n° : 7

    A partir du graphe ci-dessus, nous pouvons remarquer, à première vue, que l'analyse des données du tableau n°23 peut se faire de la même manière que celle effectuée pour le tableau n°22 à quelques nuances près. En effet, il n'est pas difficile de constater le caractère central des critères relatifs à la note chiffrée par rapport aux autres types de critères. Les disciplines jugées plus qualifiantes au tronc commun littéraire sont dans l'ordre, le français, l'arabe et l'histoire-géo. Quant les critères relatifs à la note chiffrées dans ces disciplines commencent à descendre au dessus de la valeur 10/20, les enquêtés préfèrent mettre la moyenne générale pour compléter leurs scénarii littéraires. Nous relevons aussi, à la différence des scénarios établis pour une orientation scientifique, que dans les scénarii littéraire, les critères relatifs aux statuts socio-économiques (apparaissent sur le graphe à partir de la 10ème position) prennent le dessus sur ceux relatifs aux voeux d'orientation (apparaissent sur le graphe à partir de la 11ème position). Nous avons expliqué cela, lors de l'analyse de contenu, par le fait que les enseignants semblent éprouver une certaine difficulté à dresser un profil littéraire en dehors des acquisitions disciplinaires. Néanmoins, nous remarquons que dans les scénarii littéraires, les enseignants n'hésitent pas à mettre beaucoup plus de critères relatifs aux statuts socio-économiques ou aux voeux d'orientation que dans les scénarii scientifiques.

    Généralement, tout comme dans les scénarii scientifiques, les critères relatifs à la note chiffrée constituent l'élément central qui structure les représentations sociales des enseignants à l'égard des qualifications nécessaires pour s'orienter vers le tronc commun littéraire.

    118

    Chapitre III. Synthèse globale des résultats de la recherche

    Nous avons voulu explorer les représentations sociales que se font les enseignants à l'égard de l'orientation de leurs élèves. Pour se faire, nous nous sommes posé quatre questions de recherche qui nous ont guidées dans notre démarche d'enquête par entretien semi-directif:

    > Comment les enseignants se représentent-ils la notion de l'orientation scolaire ?

    > Pensent-ils qu'ils ont un rôle à jouer dans l'orientation scolaire de leurs élèves ? Et comment ce rôle se décline au niveau de leur pratique professionnelle?

    > Comment se représentent-ils les différentes filières scolaires après la troisième collégiale ?

    > Quelles sont les critères/indices que les enseignants ont-ils tendance à utiliser pour se prononcer sur l'orientation de tel ou tel élève ?

    « Lorsqu'on étudie des représentations, les catégories peuvent être des composantes voire des sous-composantes de ces représentations. Ainsi elle exprime des attitudes à l'égard d'un objet, des descriptions de l'objet des relations avec d'autres objets ». (Moliner et al., 2002, p. 91). Les réponses donc aux questions de recherches seront synthétisées suivant les thèmes et les catégories de notre grille d'analyse thématique ainsi que les résultats de l'activité proposée aux enquêtés. Rappelons que les pratiques enseignantes en matière d'orientation décrites dans cette recherche sont exclusivement rapportées par les enquêtés.

    Thème n°1 : la notion de l'orientation

    Globalement, la majorité des enseignants enquêtés s'accordent, en premier lieu, à définir l'orientation en se rapportant à l'action propre à l'élève ; c'est un choix à faire et/ou une direction à suivre dans le cheminement de sa scolarité. En second lieu, c'est au niveau de l'action partagée pour orienter l'élève que se situent les acceptions de l'orientation pour les enseignants enquêtés. Signalons, ici, qu'à l'exception de l'enseignant de l'histoire-géo, les enquêtés n'ont parlé, à aucun moment des entretiens, de l'aide à l'orientation des élèves. Pour eux l'orientation consiste soit à faire un choix, soit à orienter l'élève (et non pas l'aider à s'orienter), soit les deux. Ceci peut être expliqué par le fait que l'enseignant en question, en plus de la formation qu'il a suivi dans le domaine de l'orientation, est le seul parmi tous les enquêtés qui a déclaré avoir participé à des activités d'aide à l'orientation des élèves. Ceci nous fait penser à la relation dialectique entre les représentations sociales et les pratiques sociales (Abric, 2011).

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    Thème n°2 : les facteurs influençant l'orientation

    Par rapport aux facteurs influençant le choix d'orientation de l'élève, nous avons constaté que la catégorie contenant les facteurs relatifs au contexte scolaire et professionnel est la plus représentative des catégories (influence des camardes de classes, possibilités d'insertion professionnelle, l' « effet de mode » de s'orienter en scientifique, effet maître, manque d'encadrement en orientation). Vient ensuite la catégorie relative au contexte familial les (parents, l'expérience de la fratrie) et en dernière position la catégorie regroupant des facteurs liés aux caractéristiques personnelles de l'élève (peur des mathématiques, le modèle, délaissement de certaines disciplines). Partant de notre cadrage théorique des facteurs influençant le choix d'orientation des élèves, il paraît qu'un certain nombre de ces facteurs ne sont pas pris en considération par les enquêtés. En effet, l'influence de l'origine sociale, l'âge, le redoublement et le genre sur le choix d'orientation n'ont été cités par aucun enquêté. Ceci peut être expliqué par le contexte différent de la production des recherches scientifiques sur l'orientation des élèves. D'ailleurs, Heyneman et Loxley (1983 cité dans Duru-Bellat, 2003) ont montré que certaines variables, telle que l'origine sociale, expliquant l'inégalité sociale face à l'école dans les pays industrialisés, n'ont pas le même pouvoir explicatif dans les pays en voie de développement. Ils avancent que d'autres variables doivent être mises en avant pour expliquer ces inégalités, notamment les ressources matérielles destinées à l'enseignement. Celles-ci n'apparaissent pas, non plus, dans le discours des enseignants sur les facteurs influençant le choix d'orientation des élèves. Il semble que les enseignants enquêtés n'ont pas assez de recul pour pouvoir développer une vision plus globale de tous ces facteurs.

    Thème n°3 : les représentations des différentes filières scolaires après la troisième

    Concernant les connaissances qui ont les enquêtés du système d'orientation, nous avons constaté que la majorité n'a pas le recul nécessaire pour répondre à la question portant sur les filières après la troisième. Leur connaissance des filières scolaires après la troisième paraît rudimentaire et non actualisée. Ses filières scolaires sont généralement réduites aux deux filières dichotomiques ; les lettres et les sciences. Globalement, ce sont les enseignants des disciplines dites de découvertes et ceux qui n'ont pas la classe de troisième qui ont affiché clairement leur méconnaissance du domaine d'orientation. Ceci peut être expliqué par leur implication plus au moins forte dans les décisions d'orientation de fin d'année. Cette implication est elle-même conditionnée par la position qu'occupent leurs disciplines

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    consécutives dans la hiérarchie des disciplines qualifiantes à l'une ou l'autre filière scolaire. Cela étant, nous pouvons avancer, sans trop de risque, que les enseignants enquêtés, ne seront pas en mesure d'apporter une aide efficace aux élèves en matière d'orientation, encore moins prendre des décisions d'orientation bien fondées. Il est probable donc que ces décisions soient entachées d'une certaine subjectivité résultat, pour partie, des représentations sociales que ces enseignants mettent en oeuvre pour appréhender un objet peu connu (les filières et branches scolaires après la troisième). Par rapport à ces représentations sociales, nous avons identifié principalement celles en rapport avec les prérequis retenus et le profil dressé pour les deux types d'orientation dichotomiques ; l'orientation scientifique et l'orientation littéraire.

    Représentations de l'orientation scientifique : Prérequis pour une orientation scientifique:

    Les prérequis mis en avant par les enseignants pour qu'un élève accède à une filière scientifique sont au nombre de six. Ceux relatifs aux bonnes notes en matières scientifiques (mathématiques, physique et sciences naturelles) constituent un élément central sur lequel s'accorde la majorité des enquêtés. Viennent ensuite les prérequis relatifs aux intérêts et penchants scientifiques et la compréhension des textes et lois scientifiques. Nous avons relevé trois autres prérequis, quoiqu'avec une seule voix pour chacun, qui peuvent appartenir aux éléments périphériques composant les représentations sociales des enseignants quant aux prérequis pour une orientation scientifique. Il s'agit de la capacité à résoudre des problèmes, la maîtrise du français et la maîtrise de la langue d'une manière générale.

    Profil d'un élève scientifique :

    L'ensemble des caractéristiques d'un élève à profil scientifique citées par les enseignants relèvent de deux catégories. La première concerne les qualifications personnelles et la deuxième concerne les qualifications disciplinaires. Nous avons relevé que les deux tiers des caractéristiques du profil scientifique sont regroupées dans la catégorie des qualifications personnelles. Le tiers restant est regroupé dans la catégorie des qualifications disciplinaires. Dans la première catégorie, le raisonnement logico-déductif est la qualification la plus mise en avant pour caractériser un profil scientifique (cité par la moitié des enquêtés). Vient en deuxième position la qualification de la rapidité. En troisième position, nous avons les qualifications suivantes : l'esprit et le réflexe scientifique, le sens d l'analyse, de l'observation et de détection avec deux voix pour chacune. Et en dernière position, se situent les qualifications relatives au sens critique, à la persévérance et à l'intelligence.

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    Concernant la deuxième catégorie, le fait de s'intéresser souvent à l'objectif et l'essentiel des choses caractérise, pour presque la moitié des enquêtés, l'élève à profil scientifique. Trois autres qualifications disciplinaires viennent compléter ce profil: le fait d'avoir de bonnes notes, d'être capable de réaliser un graphe et de se désintéressé des matières littéraires. Cependant, nous avons relevé chez deux enseignants (technologie et histoire-géo) des positions nettement distinctes de celles des autres enseignants. Pour l'enseignant de la technologie, il est difficile d'identifier le profil d'un élève en l'absence d'un test élaboré spécialement à cette fin. Quant à l'engeignant de l'histoire-géo, les élèves fréquentant son établissement scolaire ne sont ni littéraires ni scientifiques et ce, parce que, selon lui, ils sont socialement défavorisés.

    Représentations de l'orientation littéraire :

    Prérequis pour une orientation littéraire :

    Pour les prérequis d'une orientation littéraire, nous avons relevé que les enseignants s'accordent, en général, à considérer que l'élève souhaitant s'orienter en lettres, doit avoir de bonnes notes dans les disciplines littéraires et maîtrise les langues. Le tiers des enquêtés ont évoqué aussi le rôle des intérêts littéraires (poésie, théâtre...) dans la poursuite des études de l'élève en branche littéraire. D'autres prérequis ont été cités par les enquêtés : être habitué à lire des livres, avoir une capacité de rédaction et d'analyse en histoire-géo et enfin avoir une culture générale.

    Globalement, tout comme les prérequis d'une orientation scientifique, ceux d'une orientation littéraire sont souvent ramenés aux bonnes notes dans les disciplines de qualification. Il semble donc que les enseignants, en l'absence d'une alternative susceptible de juger objectivement les aptitudes des élèves, se voient contraints de regarder du côté des notes disciplinaires, seules informations qui leur paraissent plus ou moins objectives et socialement désirées. Nous avons pu constater aussi que les enseignants ont tendance à opérer une sorte de hiérarchisation des filières scolaires après la troisième. Ils mettent, de ce fait, la filière scientifique en première place et la filière littéraire en seconde.

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    Profil d'un élève littéraire :

    A l'opposé de la description faite par les enseignants du profil scientifique, celle faite pour le profil littéraire est moins abondante en matière d'informations, indices ou critères. De plus, cette description s'organise beaucoup plus autour des qualifications disciplinaires. Il semble donc que les enseignants enquêtés éprouvent une certaine difficulté à dresser un profil littéraire en dehors des qualifications disciplinaires (le fait d'utiliser beaucoup de détails et d'informations dans l'explication des choses, la capacité d'analyse littéraire, la capacité d'apprendre par coeur).

    Concernant les qualifications personnelles de l'élève littéraire, nous avons constaté qu'elles sont plus au moins hétérogènes à tel point que deux enquêtés au plus s'accordent sur une même qualification. En effet, nous avons relevé les qualifications relatives à la capacité discursive et la communication avec deux voix chacune. Vient après, avec une seul voix chacune, les qualifications suivantes : l'amour de la lecture qui est indispensable pour un littéraire, le sens critique, le fait de s'exprimer souvent par ses émotions et d'avoir ses propres productions littéraires.

    Thème n°4 : la pratique enseignante en matière d'orientation scolaire

    Les catégories relevant de ce thème sont conçues à partir des questions du guide d'entretien. Il s'agit du rôle des enseignants dans l'orientation scolaire, leur influence sur les choix des élèves, leurs démarches d'aide à l'orientation, les critères qu'ils retiennent pour se prononcer sur l'orientation des élèves, leur évaluation de la procédure d'orientation et leurs propositions quant à l'amélioration des pratiques enseignantes en matière d'orientation.

    Rôle dans l'orientation des élèves :

    Les positions des enseignants vis-à-vis de leur rôle dans l'orientation des élèves sont très différentes. Elles varient d'un rejet catégorique de ce rôle à une reconnaissance délibérée voire même une responsabilité affirmée de l'enseignant dans l'orientation de ses élèves. Cette variation semble être conditionnée à la fois par la place qu'occupe chaque discipline dans la hiérarchie des disciplines qualifiantes (à l'une ou l'autre orientation) et par le fait d'enseigner ou non en classe de troisième (premier palier d'orientation). Certains enseignants (ceux des disciplines de découverte) affirment donc qu'ils n'ont aucun rôle à jouer dans l'orientation ou du moins leur rôle serait limité ou secondaire. Ils justifient cette position en évoquant soit le manque d'informations et/ou de formations dans ce domaine soit l'existence d'une personne

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    responsable de l'orientation scolaire (le conseiller en orientation). D'autres enseignants (ceux des disciplines scientifiques et littéraires), qui se sentent impliqués dans l'orientation de leurs élèves, considèrent l'enseignant comme étant le premier responsable de l'échec scolaire dans le cas d'une orientation inadaptée de l'élève. D'autres poussent plus loin leur réflexion en considérant que l'aide à l'orientation des élèves est tout simplement un « devoir professionnel» (enseignant de l'éducation islamique).

    Quoique certains enseignants confirment leur rôle important dans l'orientation des élèves, il reste qu'une bonne partie considère ce rôle plutôt secondaire. En d'autres termes, ils n'interviennent dans l'orientation de l'élève que sous la demande de celui-ci et généralement à titre consultatif.

    Influence sur le choix d'orientation :

    En réponse à la question concernant l'influence des enseignants sur le choix d'orientation des élèves, nous avons pu identifier deux types d'influence ; directe et indirecte. L'influence est indirecte quand les enseignants affirment par exemple que la notation ne reflète pas le niveau de l'élève ou quand ils mènent une pédagogie d'enseignement/apprentissage susceptible de rendre leurs disciplines appréciables. Concernant l'influence directe, cinq enseignants parmi douze reconnaissent leur statut de personnes ressources vers lesquelles les élèves se tournent pour demander de l'aide à l'orientation. D'autant plus que « les enfants de milieu populaire visent moins haut (notamment quand ils sont de niveau scolaire médiocre), ou se rallient plus volontiers aux conseils, par ailleurs plus prudents, de leurs enseignants. » (Duru-Bellat, 2003, p. 27). Généralement, les enseignants enquêtés s'accordent à considérer leur influence sur l'orientation des élèves beaucoup plus indirecte.

    Démarches d'aide à l'orientation :

    Selon les enseignants, les actions entreprises lorsqu'un élève a besoin d'une aide à l'orientation sont de quatre types : donner des conseils aux élèves (constitue 48.46% de leur démarche d'aide à l'orientation), la vérification des capacités des élèves (23.8%), s'informer sur l'élève (16.5%) et informer l'élève (12.31%). Les conseils que donnent les enseignants aux élèves se rapportent, pour la grande partie, à la façon d'envisager leur choix d'orientation. Ces conseils peuvent être donnés à partir de l'expérience de l'enseignant et celle de son entourage. D'autres conseils sont cités par un ou deux enseignants tels que l'encouragement à solliciter

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    l'aide de tous ses professeurs dans son choix d'orientation, l'incitation à travailler dans toutes les disciplines et à faire plus d'exercices.

    Par rapport à la vérification des capacités des élèves à suivre telle ou telle filière scolaire, nous avons relevé que les enquêtés s'accordent en premier lieu sur la démarche d'observation du comportement de l'élève en classe. En second lieu, cette vérification s'accomplit à travers la passation d'un test d'évaluation. Retenons, ici, que la démarche d'aide à l'orientation entreprise par les enseignants enquêtés consiste essentiellement à conseiller l'élève. Ceci confirme, en grande partie, les déclarations de ces enseignants concernant leur rôle dans l'orientation des élèves. Ceci est d'autant plus vrai qu'une partie des enquêtes a déclaré ne pas avoir assez de recul pour appréhender les différentes possibilités et exigences des études après la troisième. De plus, certains enquêtés, ont éprouvé un énorme besoin en matière d'information et de formation en orientation scolaire.

    Critères retenus pour se prononcer sur l'orientation d'un élève :

    Pour éclairer davantage ces éléments et ces aspects déjà identifiés dans les thèmes précédents nous avons exploré, en profondeur, les éléments qui nous semblent centraux dans la pratique enseignante en matière d'orientation. Il s'agit, précisément, des critères que retiennent ces enseignants pour se prononcer sur l'orientation des élèves. Pour se faire, nous leur avons, d'une part, posé une question directe lors des entretiens « Quelles sont les critères/indices sur lesquelles vous vous basez pour se prononcer sur l'orientation de tel ou tel élève ? » et, d'autre part, proposé une activité dont ils étaient amenés à choisir les critères qui leur paraissent plus pertinents pour prendre des décisions d'orientation.

    Suite à l'analyse de contenu des discours produits par les enquêtés en réponse à la question ci-haut, nous avons identifié deux catégories de critères : la catégorie des critères disciplinaires (huit critères) et celle des critères relatifs au choix d'orientation de l'élève (4 critères). Outre les critères relatifs aux notes scolaires (largement retenus par les enquêtés), nous avons relevé les critères suivants (retenus par au moins six enquêtés) : le niveau dans les disciplines de qualification, l'aisance dans l'apprentissage de la discipline, les autres critères sont généralement hétérogènes. Nous avons remarqué aussi que les enseignants ont cité deux fois plus des critères relevant de la première catégorie que ceux relevant de la deuxième. Les critères disciplinaires semblent donc beaucoup plus retenus par les enseignants pour décider de l'orientation de leurs élèves.

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    Bien que la majorité des enquêtés reconnaissent l'influence de la note scolaire sur le choix d'orientation (selon eux cette note ne reflète pas le niveau réel de l'élève), ils n'hésitent pas, en revanche, à la prendre pour le critère le plus retenu dans les décisions d'orientation. Il nous semble, dans ce cas, qu'au regard de la note scolaire, les enseignants ont deux attitudes opposées. D'une part ils nient sa validité prédictive et, d'autre part, ils considèrent qu'elle constitue le seul critère plus au moins objectif sur lequel ils peuvent se baser pour prendre des décisions d'orientation. Ce résultat a été confirmé une fois de plus suite à l'analyse des données recueillies de l'activité. En effet, en présence d'environ 40% des critères de nature différente de la note chiffrée, nous avons relevé que presque trois-quarts des critères retenus par les enquêtés, pour établir les scénarios d'orientation, sont sous forme d'une note chiffrée. Le quart restant est partagé entre les critères relatifs aux statuts socio-économiques avec 15.36%, aux voeux d'orientation avec 7.81% et au genre avec 1.04%. Cette répartition est observée, avec une légère différence, aussi bien pour les scénarios scientifiques que pour les scénarios littéraires. La position qu'occupe la note chiffrée par rapport aux autres types de critères peut être expliquée, nous l'avons vu, par l'absence d'une alternative permettant aux enseignants de juger objectivement les aptitudes des élèves. Ils se voient donc contraints de regarder du côté des notes disciplinaires, seules informations qui leur paraissent plus ou moins objectives et socialement désirées.

    Généralement, en matière de disciplines qualifiantes à l'une ou l'autre orientation, les enseignants choisissent pour les scientifiques d'abord les mathématiques puis la physique et ensuite les sciences naturelles et pour les littéraires l'arabe ou le français puis l'histoire-géo. Par rapport à la discipline du français, il apparaît que les enseignants des disciplines scientifiques ne l'ont pas introduite comme discipline importante pour l'orientation scientifique (ne figure pas dans leurs premiers scénarios établis) contrairement aux enseignants des disciplines littéraires. Exception faite pour l'enseignant du français qui, en plus des mathématiques et de la physique, a préféré mettre un critère relatif aux jeux vidéo et un autre relatif à la moyenne générale.

    Au-delà des trois premiers critères sur lesquels les enseignants s'accordent généralement dans les scénarios scientifiques, les différences commencent à s'observer d'un enseignant à l'autre au niveau du quatrième critère retenu. Certains enseignants ont mis la note en français. D'autres ont mis la moyenne générale. L'enseignant des mathématiques a mis le soutien scolaire et les deux enseignants de physique ont mis le choix d'orientation et la note en

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    français. Les enseignants des sciences naturelles, du français et de l'éducation musicale ont mis respectivement le choix d'orientation, la moyenne générale et l'inscription aux conservatoires.

    Pour les scénarios littéraires, les deux critères relatifs à la note en arabe et à la note en français sont souvent alternés entre la première et la deuxième position dans le classement des critères retenus par les enseignants. La note en histoire-géo occupe généralement la troisième position. Comme dans les scénarios scientifiques, le quatrième critère semble varier d'un enseignant à un autre. De manière générale, c'est lorsque l'on a épuisé les critères relatifs aux notes moyennes et moyennement faibles pour établir les premiers scénarios que les enseignants ont commencé à intégrer en nombre croissant d'autres critères de nature différente dans le reste des scénarios.

    Par rapport aux critères relatifs aux voeux d'orientation, nous avons relevé qu'ils représentent 15.36% du total des critères retenus par les enseignants pour établir les scénarios demandés. Ces critères sont retenus aussi bien dans les scénarios littéraires que scientifiques avec une légère augmentation au niveau de ces derniers. Encore mieux, trois enseignants (de disciplines scientifiques) les avaient retenus pour les premiers scénarios scientifiques et littéraires. Il paraît donc que le voeu d'orientation constitue chez certains enseignants un critère essentiel pour prédire la réussite scolaire des élèves alors que pour d'autres, il est moins important voire sans intérêt (enseignant de la technologie). Cela rejoint les propos de certains enseignants désirant travailler selon l'ancienne procédure d'orientation qui confie à l'enseignant la prise des décisions d'orientation de l'élève et que le voeu de celui-ci n'y est que facultatif.

    A part les critères « participe à l'aide aux devoirs du collège », « passionné de littérature », « fait du théâtre », « inscrit au conservatoire » et « il a une bourse » qui ont été retenus différemment par au moins quatre enquêtés, les autres critères socio-économiques (aime la natation, fait du théâtre, fait de la boxe, regarde des séries télévisées, fait du shopping, se balade en ville avec ses amis, aime les jeux vidéo) n'ont été retenus que par un ou deux enquêtés. Le critère « joue au foot », quant à lui, n'a été retenu par aucun enseignant. Ceci peut voir plusieurs explications. Nous en proposant deux. D'abord, il nous semble qu'aux yeux des enseignants enquêtés, les critères socio-économiques qui ont trait aux intérêts et capacités disciplinaires (largement évoqués par les enseignants lors des entretiens) sont plus informatifs sur le profil scolaire de l'élève que les autres critères. Ensuite, il est possible que

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    cette différence observée soit imputée, pour partie, au contexte social de l'établissement scolaire. En effet, celui-ci est fréquenté généralement par un public défavorisé et ce genre d'informations (les autres critères socio-économiques) ne semble pas éclairer les enseignants sur ce qui peut aider l'élève à poursuivre ses études aussi bien en lettres qu'en sciences. Par contre le fait d'avoir une bourse ou faire des cours de soutien ou être passionné de la littérature peut représenter dans le contexte marocain une aide considérable pour qu'un élève de ce milieu scolaire poursuive ses études dans de meilleures conditions. De même, les critères relatifs au genre paraissent eux aussi moins informatifs et ne suscitent chez les enquêtés qu'un intérêt très minime. Pour eux, être fille ou garçon ne semble pas conditionner la nature des études à entreprendre après la troisième collégiale.

    Tous ces résultats nous permettent d'avancer que dans le contexte marocain, les représentations stéréotypées relatives au genre et aux statuts socio-économiques (Channouf et al., 2005) ne se manifestent pas , nous semble-t-il, de la même manière que dans le contexte européen. Résultats qui doivent être analysés en profondeur dans d'autres études à portée plus généralisatrice.

    Globalement, les trois premiers critères retenus aussi bien dans les scénarios scientifiques que littéraires marquent une certaine stabilité. Nous ne pouvons avancer que ces trois critères (notes dans les disciplines qualifiantes à l'une ou l'autre orientation) constituent les éléments centraux autour desquels se forgent les représentations sociales des enseignants quant aux critères retenus pour prendre des décisions d'orientation. L'hétérogénéité observée dès le quatrième critère à mettre (alors qu'il reste douze autres critères à sélectionner) témoigne de la diversité des approches personnelles que peuvent faire les enseignants en l'absence des critères objectifs ou des critères reconnus et désirés socialement. Ces critères peuvent constituer les éléments périphériques de ces représentations sociales.

    Évaluation de la procédure administrative d'orientation :

    Les appréciations des enseignants quant à la procédure d'orientation sont, généralement, défavorables (elle est jugée inappropriée, insuffisante, injuste, sans utilité...).

    Quand les enseignants émettent ces jugements défavorables à l'encontre de la procédure d'orientation, ils pensent, particulièrement, au fonctionnement du conseil d'orientation. En effet, certains enquêtés ont mentionné plusieurs inconvénients qui entravent son bon fonctionnement (le voeu de l'élève qui prévaut, un conseil juste pour la forme, les notes

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    comptent plus, faible prise en compte de l'avis de l'enseignant et les risques d'erreurs qui peuvent « jalonner le parcours scolaire de l'élève »). Ceci semble accentuer les inégalités sociales face à l'orientation des élèves. Par rapport à ce dernier point, des enquêtés ont attiré l'attention sur le contexte inégalitaire dans lequel se déroule la procédure d'orientation. Ils observent, par exemple, qu'une partie importante des élèves de leur établissement (contexte socialement défavorisé) remplissent les fiches de voeux sans avoir recours à leurs parents ou à une personne susceptible de les aider. Ils les remplissent généralement en classe avec leur camarade (problème d'influence des camarades sur les demandes d'orientation qui peut conduire soit à une auto-sélection soit à ou une demande plus ambitieuse). Cette auto-sélection fait partie d'un ensemble de biais sociaux entourant les demandes d'orientation (Duru-Bellat, 2002). De plus les conseils d'orientation ont tendance à entériner ces demandes au lieu de chercher à tirer vers le haut les ambitions scolaires et professionnelles des élèves.

    Amélioration des pratiques enseignantes en orientation :

    Les propositions d'amélioration de la pratique enseignante en matière d'orientation se déploient sur trois niveaux : le premier niveau contient des propositions relatives à l'amélioration de la procédure d'orientation. Cette amélioration passe, pour certains enseignants enquêtés par le recours à l'ancienne procédure d'orientation. Une procédure qui, selon eux, confère à l'enseignant un rôle déterminant dans la prise des décisions d'orientation. Le deuxième niveau regroupe les propositions qui ont trait à l'encadrement des élèves dans leur processus d'orientation (accompagnement, aide, présence permanente d'un orienteur dans l'établissement scolaire). Le troisième et dernier niveau concerne la satisfaction des besoins des enquêtés en matière de formation/information en orientation.

    Globalement, les propositions d'amélioration de la pratique enseignante en matière d'orientation sont relativement différentes d'un enseignant à un autre. Ceci témoigne du caractère complexe du domaine de l'orientation nécessitant une multitude d'entrées éducatives susceptibles de mettre en place une pratique pertinente de l'aide à l'orientation des élèves.

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    Conclusion et perspectives

    Arrivé au terme de ce travail, nous allons, tout d'abord, rappelé les principaux éléments de notre démarche de recherche. Ensuite, nous reprenons, succinctement, les résultats les plus significatifs par rapport à notre problématique de recherche. Enfin, tout en rappelant les limites de notre démarche d'enquête, nous indiquerons quelques perspectives de recherche.

    Rappelons-nous que la question problématique de cette recherche est la suivante : « dans un contexte différent que celui de l'Europe en l'occurrence le contexte marocain, quelles seraient les caractéristiques des représentations sociales, que se font les enseignants à l'égard de l'orientation de leurs élèves ? ». Ainsi, notre objectif de recherche consiste à explorer les caractéristiques des représentations sociales que se font les enseignants à l'égard de l'orientation de leurs élèves. Nous avons donc mené une enquête auprès d'un échantillon constitué de douze enseignants, de disciplines différentes, exerçant dans un collège à la ville de Marrakech. Notre démarche d'enquête a été menée en deux phases. La première phase consiste à réaliser un entretien semi-directif avec les enseignants enquêtés. Quant à la deuxième phase, elle porte sur une activité (méthode de cas) à réaliser par les enquêtés.

    Tout au long de notre recherche nous avons cherché donc à repérer les éléments composants l'environnement représentationnel des enseignants quant à l'orientation de leurs élèves. Après repérage de ces éléments, nous avons analysé leurs caractéristiques en matière de centralité et de périphérie dans la représentation sociale des enseignants. En effet, il s'agissait de mettre en exergue les éléments partagés par les enseignants et qui ont trait à certains aspects de leur pratique enseignante en matière d'orientation. Nous nous somme donc intéressé particulièrement aux aspects suivants :

    · La notion de l'orientation scolaire vue par les enseignants (y compris leur connaissance du système d'orientation) ;

    · Les facteurs qui influencent le choix d'orientation des élèves ;

    · Les représentations des différentes filières après la troisième collégiale (prérequis et profil des deux types d'orientation dichotomique, scientifique et littéraire) ;

    · Les pratiques enseignantes en matière d'orientation (rôle en orientation des élèves,

    influences sur leur orientation, critères retenus pour prendre des décisions
    d'orientation, démarches d'aide à l'orientation, évaluation de la procédure de l'orientation et l'amélioration des pratiques enseignantes en orientation).

    Après avoir analysé les données recueillies, nous avons relevé que les enquêtés appréhendent l'orientation généralement suivant deux systèmes de représentation distincts mais

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    complémentaires : soit elle est définie en se rapportant à l'action propre à l'élève (c'est un choix à faire et/ou une direction à suivre dans le cheminement de sa scolarité), soit c'est au niveau de l'action partagée pour orienter l'élève que se situent les acceptions de l'orientation. Signalons que la démarche d'aide à l'orientation des élèves n'est soulevée que par un seul enquêté. Pour eux, l'orientation consiste soit à faire un choix, soit à orienter l'élève (et non pas l'aider à s'orienter), soit les deux.

    Par rapport aux facteurs influençant le choix d'orientation de l'élève, nous avons constaté qu'ils sont généralement relatifs au contexte scolaire et professionnel (influence des camardes de classes, possibilités d'insertion professionnelle, « l'effet de mode » de s'orienter en scientifique, effet maître, manque d'encadrement en orientation).

    Concernant les connaissances qu'ont les enquêtés sur le système d'orientation, nous avons relevé qu'elles sont rudimentaires et non actualisées. En effet, les filières scolaires citées sont généralement réduites aux deux filières dichotomiques ; les lettres et les sciences. Globalement, les enseignants des disciplines dites de découvertes et ceux qui n'enseignent pas en classe de troisième ont affiché clairement leur méconnaissance du domaine d'orientation.

    Tout comme les prérequis d'une orientation scientifique, ceux d'une orientation littéraire sont souvent ramenés aux bonnes notes dans les disciplines de qualification et, dans une moindre mesure, aux intérêts de l'élève. Il semble donc que les enseignants, en l'absence d'une alternative susceptible de juger objectivement les aptitudes des élèves, se voient contraints de regarder du côté des notes disciplinaires. Celles-ci leur paraissent plus ou moins objectives et socialement désirées.

    Pour le profil scientifique, l'essentiel de ses caractéristiques sont des qualifications personnelles : le raisonnement logico-déductif est la qualification la plus mise en avant puis la rapidité et d'autres qualifications (l'esprit et réflexe scientifique, le sens d'analyse, d'observation et de détection, le sens critique, la persévérance et l'intelligence). Les autres qualifications sont disciplinaires (s'intéresser souvent à l'objectif et l'essentiel des choses, avoir de bonnes notes, être capable de réaliser un graphe, se désintéresser des matières littéraires). Concernant le profil littéraire, les enseignants s'accordent généralement à lui attribuer plus de qualifications disciplinaires (le fait d'utiliser beaucoup de détails et d'informations dans l'explication des choses, la capacité d'analyse littéraire, la capacité d'apprendre par coeur) que de qualifications personnelles.

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    Nous avons appréhendé la pratique enseignante en matière d'orientation à partir des aspects suivants : d'abord, au niveau du rôle que ces enquêtés s'attribuent dans l'orientation des élèves. Il s'est avéré qu'ils en ont des positions très variées. Ces positions varient d'un rejet catégorique de ce rôle à une reconnaissance délibérée voire même une responsabilité affirmée de l'enseignant dans l'orientation de ses élèves. Cette variation est conditionnée à la fois par la place qu'occupe chaque discipline dans la hiérarchie des disciplines qualifiantes (à l'une ou l'autre orientation) et par le fait d'enseigner ou non en classe de troisième (premier palier d'orientation). Ensuite, au niveau de leur influence sur le choix d'orientation de l'élève, les enseignants se sont départagés. En effet, nous avons relevé deux types d'influence ; directe et indirecte. Elle est directe quand l'enseignant reconnaît son statut de personne ressource à qui les élèves se tournent pour demander de l'aide à l'orientation et indirecte quand il affirme par exemple que la notation ne reflète pas le niveau de l'élève ou quand il mène une pédagogie d'enseignement/apprentissage susceptible de rendre leurs disciplines appréciables. Généralement, les enseignants enquêtés s'accordent à considérer que leur influence sur l'orientation des élèves est beaucoup plus indirecte.

    Par rapport à la démarche d'aide à l'orientation entreprise par les enseignants enquêtés, nous avons relevé qu'elle consiste essentiellement à conseiller l'élève (généralement sur la façon d'envisager son choix d'orientation). Elle peut consister aussi à vérifier les capacités des élèves à suivre telle ou telle filière (à travers l'observation du comportement de l'élève en classe et la passation d'un test d'évaluation), à s'informer sur l'élève et à l'informer.

    En matière de critères retenus par les enseignants pour se prononcer sur l'orientation de leurs élèves, il nous est apparu qu'ils sont de deux types : les critères disciplinaires qui semblent donc beaucoup plus retenus par les enseignants (les notes scolaires, le niveau scolaire dans les disciplines de qualification, l'aisance dans l'apprentissage de la discipline, les autres critères sont généralement hétérogènes) et les critères relatifs au choix d'orientation (voeux exprimés d'orientation, projet scolaire et professionnel, les intérêts dominants...). Bien que la majorité des enquêtés reconnaît l'influence de la note scolaire sur le choix d'orientation (selon eux, cette note ne reflète pas le niveau scolaire réel de l'élève), elle n'hésite pas, à la prendre pour le critère le plus retenu dans les décisions d'orientation. Il nous semble, dans ce cas, qu'au regard de la note scolaire, les enseignants ont deux attitudes opposées. D'une part ils nient sa validité prédictive et, d'autre part, ils considèrent qu'elle constitue le seul critère plus au moins objectif sur lequel ils peuvent se baser pour prendre des décisions d'orientation. Ce résultat a été confirmé une fois de plus suite à l'analyse des données recueillies de l'activité.

    132

    En effet, les trois premiers critères retenus aussi bien dans les scénarios scientifiques que littéraires marquent une certaine stabilité. Nous pouvons avancer que ces trois critères (notes dans les disciplines qualifiantes à l'une ou l'autre orientation) constituent les éléments centraux autour desquels se forgent les représentations sociales des enseignants quant aux critères retenus pour prendre des décisions d'orientation. L'hétérogénéité observée dès le quatrième critère à retenir (alors qu'il reste douze autres critères à sélectionner) témoigne de la diversité des approches personnelles que peuvent faire les enseignants en l'absence des critères objectifs ou des critères reconnus et désirés socialement. Ces critères peuvent constituer les éléments périphériques de ces représentations sociales.

    De manière générale, c'est lorsqu'on a épuisé les critères relatifs aux notes moyennes et moyennement faibles, pour établir les premiers scénarios, que les enseignants ont commencé à intégrer et en nombre croissant d'autres critères de nature différente dans le reste des scénarios. Tous ces résultats nous permettent d'avancer que dans le contexte marocain, les représentations stéréotypées relatives au genre et aux statuts socioéconomiques (Channouf et al., 2005) ne se manifestent pas , nous semble-t-il, de la même manière que dans le contexte européen. Résultats qui doivent être analysés en profondeur dans d'autres études à portée plus généralisatrices et avec des outils plus précis.

    Les appréciations des enseignants quant à la procédure d'orientation sont, généralement, défavorables (elle est jugée inappropriée, insuffisante, injuste, sans utilité...) et leurs critiques s'adressent, particulièrement, au fonctionnement du conseil d'orientation. En effet, certains enquêtés ont mentionné plusieurs inconvénients qui entravent son bon fonctionnement (le voeu de l'élève prévaut plus, « un conseil juste pour la forme », « les notes comptent plus », prise en compte marginale de l'avis de l'enseignant et les risques d'erreurs qui peuvent « jalonner le parcours scolaire de l'élève »). Ceci semble accentuer les inégalités sociales face à l'orientation des élèves. Par rapport à ce dernier point, des enquêtés ont attiré l'attention sur le contexte inégalitaire dans lequel se déroule la procédure d'orientation. Ils observent, par exemple, qu'une partie importante des élèves de leur établissement (contexte socialement défavorisé) remplissent les fiches de voeux sans avoir recours à leurs parents ou à une personne susceptible de les aider. Ils les remplissent généralement en classe avec leurs camarades (problème d'influence des camarades sur les demandes d'orientation qui peut conduire soit à une autosélection soit à une demande plus ambitieuse). Cette autosélection fait partie d'un ensemble de biais sociaux entourant les demandes d'orientation (Duru-Bellat,

    133

    2002). De plus, les conseils d'orientation ont tendance à entériner ces demandes au lieu de chercher à tirer vers le haut les ambitions scolaires et professionnelles des élèves.

    Globalement, les propositions d'amélioration de la pratique enseignante en matière d'orientation sont relativement différentes d'un enseignant à un autre (travailler suivant l'ancienne procédure qui donne à l'enseignant le pouvoir de décider de l'orientation de l'élève, accompagner les élèves dans leur orientation, présence permanente d'un orienteur dans l'établissement scolaire, formation et information sur le domaine et les filières d'orientation). Ceci témoigne du caractère complexe du domaine de l'orientation nécessitant une multitude d'entrées éducatives susceptibles de mettre en place une pratique pertinente d'aide à l'orientation des élèves.

    Bien que notre recherche ait permis de repérer le contenu du système représentationnel des enseignants quant à l'orientation de leurs élèves, elle doit être prolongée par des investigations plus systématiques concernant son contenu et sa structure interne. Ce prolongement nous permettra d'affiner le repérage du noyau central et des éléments périphériques et d'appréhender la nature des éléments du noyau (normatifs et fonctionnels). En effet, cette recherche ne constitue qu'une exploration de certains aspects du système représentationnel de l'orientation des enseignants. L'exploitation et l'analyse des données recueillies par entretien semi-directif et par l'activité (la méthode de cas) ont montré la nécessité de s'appuyer sur d'autres outils de recueil de données permettant notamment l'appréciation de la centralité de certains éléments composant la représentation. Concernant nos données recueillies, nous estimons qu'il serait judicieux de les exploiter davantage afin de mieux connaître les éléments périphériques, qui par leur fonction d'adaptation à la réalité permettent de concrétiser les représentations et les dires (Abric, 2011) des enseignants. Ce prolongement doit aussi recadrer le champ d'investigation et le centrer sur un thème tel que : la notion d'orientation scolaire, les facteurs influençant le choix d'orientation, le rôle de l'enseignant dans l'orientation, sa démarche d'aide à l'orientation, les critères qu'il retient pour prendre des décisions d'orientation, etc. Enfin, il serait judicieux de déterminer la façon avec laquelle ces représentations agissent sur les pratiques sociales et professionnelles.

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    Annexe n°1: Guide d'entretien

    1. Comment définiriez-vous ce qui est l'orientation scolaire ? Et pour vous personnellement, comment voyez-vous l'orientation scolaire?

    2. Pour vous à quoi préparent les différentes filières scolaires après la troisième collégiale ? Quelles en sont les prérequis pour y accéder?

    3. Comment caractérisez-vous un élève à profil scientifique et un élève à profil littéraire ?

    4. Quel rôle pensez-vous devoir jouer dans l'orientation scolaire de vos élèves ? Et comment ce rôle se décline-t-il au niveau de vos pratiques professionnelles?

    5. Dans quelle mesure les enseignants peuvent-ils influencer le choix de l'orientation de leurs élèves ?

    6. Dans quels cas êtes-vous intervenu directement pour aider vos élèves dans leur choix d'orientation ?

    7. Comment procédez- vous pour les aider ?

    8. Quelles sont les critères/indices sur lesquelles vous vous basez pour se prononcer sur l'orientation de tel ou tel élève ?

    9. Quels sont selon vous les facteurs qui agissent sur le choix d'orientation des élèves ?

    10. Comment jugez-vous la procédure administrative de l'orientation ?

    11. Que proposeriez-vous pour l'améliorer ?

    12. Actuellement, quels seraient vos besoins les plus importants en matière d'orientation scolaire?

    13. Informations générales

    Matière enseignée Nombre d'années d'enseignement

    Nombre d'années d'enseignement en 3ème année secondaire collégial .

    Niveau d'étude : ~ Baccalauréat ~ Bac +2 ~ Licence ~ Maîtrise ~ Doctorat

    Age Sexe : ~ Masculin ~ Féminin

    V' Avez-vous suivi un cours de base en évaluation des apprentissages ?

    V' Avez-vous suivi des formations continues en orientation scolaire ?

    V' Avez-vous participez à quelques activités d'aide à l'orientation dans votre établissements scolaires ?

    Si oui, cette formation et/ou ces activités ont-elles influencé votre conception de l'orientation de vos élèves ?

    142

    Annexe n°2 : Cas présenté aux enquêtés

    À partir de la liste des critères ci-dessous, essayer d'établir quatre scénarios pour une orientation scientifique et quatre autres pour une orientation littéraire qui, selon vous, mènent à une orientation réussie. Puis classer les des plus prédictifs au mois prédictifs. Chaque scenario doit contenir au plus quatre critères (pour chaque type d'orientation, les critères sont à utiliser une seule fois dans chaque type des scénarii)

    Vous pouvez désigner les critères par la lettre et le chiffre qui les renseignent. Exemple :

    Scénario 1 : A1+F4+K1+G4

     

    1

    2

    3

    4

    A

    Math : 11/20

    Math : 6/20

    Math : 9/20

    Math : 5/20

    B

    Français : 14/20

    Français : 8/20

    Français : 9/20

    Français : 7/20

    C

    Physique : 13/20

    Physique : 9/20

    Physique : 11/20

    Physique : 3/20

    D

    Sc. naturelles : 12/20

    Sc. naturelles : 5/20

    Sc. naturelles : 9/20

    Sc. naturelles : 7/20

    E

    Arabe : 5/20

    Arabe : 11/20

    Arabe : 9/20

    Arabe : 12/20

    F

    Histoire-Géo : 3/20

    Histoire-Géo : 13/20

    Histoire-Géo 11/20

    Histoire Géo : 8/20

    G

    Moyenne : 11.5/20

    Moyenne : 11/20

    Moyenne : 9.5/20

    Moyenne : 9/20

    H

    Inscrit au conservatoire

    Aime la natation

    Fait du théâtre

    Participe à l'aide aux devoirs du collège

    I

    Joue au foot

    Joue à la Boxe

    Regarde des séries télévisées

    Fait du shopping

    J

    Il a une bourse

    Passionné de littérature

    Se balade en ville avec ses amis

    Aime les jeux vidéo

    K

    Fille

    Garçon

     
     

    L

    Voeux d'orientation

    Scientifique

    Voeux d'orientation

    Littéraire

    Voeux d'orientation

    Scientifique

    Voeux d'orientation

    Littéraire

    Scientifique

    Littéraire

    Littéraire

    Scientifique

    143

    Annexe n°3 : Grille d'analyse thématique

     

    Catégories

    Thème n°1 : la notion
    d'orientation scolaire

    1.1. action propre à l'élève

    1.1.1. un choix à faire

     
     

    1.1.2. une direction à suivre

     
     

    1.2. action partagée pour orienter l'élève

    1.2.1. une opération pour optimiser le parcours scolaire de l'élève

     
     

    1.2.2. déterminer le projet professionnel de l'élève

     
     

    Thème n°2 : fauteurs influençant le choix d'orientation

    2.1. contexte familial

    2.1.1. les parents

     
     

    2.1.2. l'expérience de la fratrie

     
     

    2.2. contexte scolaire et professionnel

    2.2.1. influence des camardes de classes

     
     

    2.2.2. effet maître

     
     

    2.2.3. possibilités d'insertion professionnelle

     
     

    2.2.4. l' « effet de mode » de s'orienter en scientifique

     
     

    2.2.5. manque d'encadrement en orientation

     
     

    2.3. caractéristiques personnelles

    2.3.1. peur des mathématiques

     
     

    2.3.2. le modèle

     
     

    2.3.3. délaissement de certaines disciplines

     
     

    Thème n°3 : représentations des différentes filières après la

    troisième

    3.1. orientation scientifique

    3.1.1. prérequis

    3.1.1.1. bonnes notes en matières scientifiques

     

    3.1.1.2. intérêts et penchants scientifiques

     

    3.1.1.3. compréhension des textes et lois scientifiques

     

    3.1.1.4. capacité de résolution de problème

     

    3.1.1.5. maîtrise du français

     

    3.1.1.6. maîtrise de la langue

     

    144

     
     

    3.1.1. Profil scientifique

    3.1.1.1. qualifications personnelles

    3.1.1.1.1. raisonnement logico-déductif

    3.1.1.1.2. rapidité

    3.1.1.1.3. esprit et réflexe scientifique

    3.1.1.1.4. sens d'analyse

    3.1.1.1.5. sens d'observation et de détection

    3.1.1.1.6. sens critique

    3.1.1.1.7. persévérance

    3.1.1.1.8. intelligent

    3.1.1.2. qualifications disciplinaires

    3.1.1.2.1. s'intéresse à l'objectif et l'essentiel des choses

    3.1.1.2.2. a de bonnes notes

    3.1.1.2.3. capable de réaliser un graphe

    3.1.1.2.4. désintéressé par les matières littéraires

    3.2. Orientation littéraire

    3.2.1. prérequis

    3.2.1.1. bonnes notes dans les disciplines littéraires

     

    3.2.1.2. maîtrise des langues

     

    3.2.1.3. intérêts littéraires (poésie, théâtre...)

     

    3.2.1.4. lecture des livres

     

    3.2.1.5. capacité de rédaction

     

    3.2.1.6. capacité d'analyse en histoire-géo

     

    3.2.1.7. culture générale

     

    3.2.2. Profil littéraire

    3.2.2.1. qualifications personnelles

    3.2.2.1.1. capacités discursives

    3.2.2.1.2. la communication

    3.2.2.1.3. amour pour la lecture

    3.2.2.1.4. le sens critique

    3.2.2.1.5. s'exprime souvent par ses émotions

    3.2.2.1.6. il a ses propres productions littéraires

    3.2.2.2. qualifications disciplinaires

    3.2.2.2.1. utilise beaucoup de détails et

    d'informations

    3.2.2.2.2. discours et analyse littéraire

    3.2.2.2.3. apprentissage par coeur

    145

    Thème n°4 : pratiques enseignantes en matière d'orientation

     

    4.1. rôle dans l'orientation des élèves

    4.1.1. essentiel

    4.1.1.1. acteur important dans l'orientation

     

    4.1.1.2. c'est un devoir

     

    4.1.2. secondaire

    4.1.2.1 à titre de consultation

     

    4.1.2.2. en tant que professeur

     

    4.2. influence sur le choix d'orientation

    4.2.1. directe

    4.2.1.1. personne-ressource pour l'élève

     

    4.2.1.2. dans la demande d'aide à l'orientation

     

    4.2.2. indirecte

    4.2.2.1. la notation ne reflète pas le niveau de l'élève

     

    4.2.2.2. faire aimer sa discipline

     

    4.2.2.3. conscience professionnelle de l'enseignant

     

    4.3. démarches d'aide à l'orientation

    4.3.1. s'informer

    sur l'élève

    4.3.1.1. son niveau dans les autres disciplines

     

    4.3.1.2. ses notes dans les disciplines scolaires

     

    4.3.1.3. ses intérêts

     

    4.3.2. vérification des capacités des élèves

    4.3.2.1. observation du comportement

     

    4.3.2.2. par évaluation

     

    4.3.2.3. à travers les jeux de rôle

     

    4.3.3. informer l'élève

    4.3.3.1. sur les exigences et débouchés de certaines filières de formation

     

    4.3.3.2. sur la façon de remplir sa fiche des voeux

     

    4.3.4. conseiller l'élève

    4.3.4.1. à propos de son choix d'orientation

     

    4.3.4.2. à partir de l'expérience de l'enseignant et celle de son entourage

     

    4.3.4.3. à travers des encouragements

     

    4.3.4.4. à solliciter l'aide de tous ces professeurs dans son choix d'orientation

     

    4.3.4.5. à travailler dans toutes les disciplines

     

    4.3.4.6. à faire des exercices

     

    4.3.4.7. dissiper sa peur des mathématiques

     

    4.4. critères retenus pour se prononcer sur l'orientation d'un élève

    4.4.1. disciplinaires

    4.4.1.1. notes scolaires

     

    4.4.1.2. niveau dans les disciplines de qualification

     

    4.4.1.3. aisance dans

    l'apprentissage de la discipline

     

    4.4.1.4. participation en classe

     

    4.4.1.5. capacité d'analyse scientifique

     

    4.4.1.6. compétences

     

    4.4.1.7. pratique du sport pour l'orientation sportive

     

    4.4.1.8. esprit scientifique

     

    146

     
     

    4.4.2. relatifs au choix

    4.4.2.1. voeux exprimés d'orientation

     

    4.4.2.2. projet scolaire et professionnel

     

    4.4.2.3. les intérêts dominants

     

    4.4.2.4. l'objectivité du choix d'orientation

     

    4.5. évaluation de la procédure administrative d'orientation

    4.5.1. appréciations générales

    4.5.1.1. procédure inappropriée

     

    4.5.1.2. insuffisante

     

    4.5.1.3. pas de problème, bonne, importante

     

    4.5.1.4. injuste

     

    4.5.1.5. pas de commentaires

     

    4.5.1.6. sans utilité

     

    4.5.1.7. déshonorante

     

    4.5.2. inconvénients relevés

    4.5.2.1. voeu de l'élève prévaut dans les conseils

     

    4.5.2.2. conseil d'orientation juste pour la forme

     

    4.5.2.3. les notes comptent plus dans les conseils

     

    4.5.2.4. faible prise en compte de l'avis de l'enseignant dans les conseils

     

    4.5.2.5. seuil de passage détermine la réussite de l'élève

     

    4.5.2.6. risque d'erreur

     

    4.6. amélioration des pratiques enseignantes en orientation

    4.6.1. au niveau de la procédure d'orientation

    4.6.1.1. travailler suivant

    l'ancienne procédure (l'enseignant décide de l'orientation de l'élève)

     

    4.6.1.2. prise en compte de l'avis de l'enseignant en premier lieu

     

    4.6.1.3. le conseil doit être à titre indicatif

     

    4.6.2. au niveau de l'encadrement des élèves

    4.6.2.1. accompagnement des élèves dans leur orientation

     

    4.6.2.2. présence permanente d'un orienteur dans l'établissement scolaire

     

    4.6.2.3. l'orienteur doit aider les élèves à remplir la fiche des voeux

     

    4.6.3. au niveau de la formation des enseignants

    4.6.3.1. formation et information sur le domaine et les filières d'orientation

     

    4.6.3.2. données statistiques sur la scolarité des élèves

     





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