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La colonie oaxonne du Boulonnais
Mémoire pour l'obtention du Diplôme d'Etudes
supérieures
Claude Masset, Vaudringhem 1946
Revu et augmenté en janvier-juin 2007
Introduction
Dans le bouleversement qui suivit la disparition de la
puissance romaine, tandis que les peuples barbares s'établissaient
partout sur le sol de l'Empire, le Nord de la France fut le siège d'un
phénomène particulier, que l'on pourrait dasser à part
dans l'histoire des grandes invasions : il fut la seule région du
continent qui ait été colonisée de façon durable
par les pirates saxons, en face de la grande île dont ils firent d'autre
part leur fief.
Il n'y a que peu de temps que l'on connaît cet
établissement saxon sur notre sol. Il a été
découvert à la fin du XIXème siède par le
toponymiste français Longnont, et, depuis cette époque, notre
connaissance à son sujet n'a guère progressé, bien que
quelques historiens aient voulu l'interpréter pour éclairer le
haut Moyen-âge anglais. C'est pourquoi je me propose d'étudier
cette question aussi complètement que possible, et si je ne puis - loin
de là - résoudre tous les problèmes qu'elle
soulève, j'essaierai au moins d'en réunir des
éléments de solution.
Le maximum de densité des toponymes d'origine saxonne
se trouvant dans la région boulonnaise, c'est elle surtout que
j'étudierai ; je serai obligé toutefois de donner à cette
expression un sens fort large, car les localités d'origine saxonne sont
nombreuses, de Boulogne à Saint-Orner, comme de Calais à
Fauquembergues ; quelques unes se trouvent même en dehors de ces
limites.
Je me propose donc d'étudier successivement qui
étaient ces Saxons, et quels rapports antérieurs relatés
par les historiens anciens ils ont eus avec notre pays ; ensuite, quelles
traces ils ont laissées dans la région que j'ai définie,
et quelles preuves nous avons de leur passage ; d'où est venue leur
invasion, et à quelle date ; enfin, quel y fut leur comportement - et en
particulier leurs rapports avec les envahisseurs francs - jusqu'à
l'époque où l'on a cessé de parler anglo-saxon dans le
Boulonnais.
1 Les noms de lieux de la France, p.188 sq.
2
I. Les Saxons.
Quels sont donc ces Saxons dont nous allons essayer de retrouver
la trace ?
1. Les premiers textes.
Il est impossible de savoir à quel moment les peuples
riverains de la Mer du Nord ont commencé à s'adonner à la
piraterie. La chose paraît très ancienne, puisque les invasions
gaëliques de l'an mille avant Jésus-Christ, de même que
l'invasion belge du Illème siècle av. JC semblent être
parties de l'Allemagne du Nord ou de la Hollande par la voie maritime, pour
gagner la Grande-Bretagne. Mais c'est en 41 après J.C. que l'histoire
nous offre pour la première fois le récit d'une de ces
opérations de piraterie. Elle est le fait d'un peuple du nord de
l'Allemagne, que les Romains appellent "Chauques (Chauci)". On voit
à cette date une flotte chauque venir piller la région de
l'embouchure du Rhin ; elle est alors détruite par le consul de
Basse-Germanie, surnommé depuis Cauchiusz. Six ans plus tard ils
viennent ravager les côtes de la Gaule, exactement comme, plus tard, les
Saxons et les Normands ; il ne fallut pas moins que Cn. Domitius Corbulon pour
les réduirez. Ils tiennent leur place dans l'Histoire pendant les reste
du premier siècle et le début du second, jusqu'à
l'année 170 où ils ont encore assez de vigueur pour aller
attaquer les côtes de la Belgique4. On n'en entendra jamais plus
parler.
A ce moment même apparaissent les Saxons. Leur nom est
pour la première fois évoqué par Ptolémée',
qui les place à cheval sur la Chersonèse Cimbrique, à peu
près à la place du Holstein actuel. Pendant tout le Thème
siècle, et jusqu'à leur installation définitive en
Angleterre, ils feront le même métier d'écumeurs de
côtes que les Chauques, ou que plus tard les Normands. Il est impossible
de savoir pourquoi les Chauques ont disparu si brusquement, au moment où
se lève l'étoile des Saxons. Qu'ils aient été
exterminés par une petite nation paraît peu probable, d'autant
plus que Tacite les dit le peuple le plus noble des Ge.unains6. Il semble
plutôt - c'est l'opinion de F. Loti, d'O. Bremerz, qu'il s'agit toujours
du même peuple, parlant la même langue, qui aurait
été soumis par un parti d'habitants du Holstein, lesquels
pouvaient être une branche de leur nation. Cette hypothèse est
d'autant plus vraisemblable que les Chauques faisaient partie de la
confédération des Ingueones, à
côté,
2 Suétone : Claud. 24
3 Tacite : Annales XI, 18-20.
4 Spartien : Didus Julianus, I
5 Ptolémée : II, II, « ...Er TOV o{u)(Evoc
Trlcr Kllif3OLXIN XEPQovncrou Xa
oveç»
6 Tacite : Germanie 35 "populus inter Germanos
nobilissimus"
7 Les migrations saxonnes en Gaule et en
Grande-Bretagne
8 Ethnologie der germanischen Stamme
3
d'une part, des Cimbres et des Teutons, d'autre part des
Angles et des Frisons9. Et l'on sait les rapports étroits, allant
jusqu'à la communauté de langage, qui existaient entre ces
deux derniers peuples et les Saxons.
Quoiqu'il en soit, des bandes de pirates, appartenant
peut-être à ces trois peuples, sinon à d'autres, mais tous
confondus sous le nom générique de Saxons, vont continuer les
vieilles traditions de course et de piraterie, le long des côtes de la
Mer du Nord et de la Manche. Et précisément à la fin du
IIIème siècle on les trouve mêlés à une
histoire très curieuse, et d'autant plus intéressante pour nous
qu'elle eut la ville de Boulogne pour centre, l'aventure de Carausius.
2. Carausius.
Cette aventure, que nous connaissons par un passage d'Eutrope,
et par des panégyriques de Constance et de Constantin, débute
comme une de ces usurpations si fréquentes aux époques
troublées de l'Empire Romain. Marcus Aurelius Valerius Carausius, soldat
sorti du rang, s'était vu confier la tâche de purger la mer des
pirates francs et saxons qui l'infestaient ; il avait le commandement d'une
flotte dont Boulogne était le port d'attache. Mais, accusé de
malversations - de laisser passer les pirates à l'aller et de les
arrêter au retour afin de saisir leurs dépouilles et s'en enrichir
personnellement - il fut condamné à mort par Maximin en 287. A
cette nouvelle il s'empressa de se déclarer empereur - de "prendre la
pourpre", comme on disait - et de s'emparer de la Grande-Bretagne (la
"Bretagne" des Romains)1o. Pendant six ans son usurpation fut
tolérée, faute de troupes pour la réduire. Mais en 293
Constance Chlore passa à l'attaque, assiégea Boulogne par terre
et par mer, bloquant le port par une digue construite au large (à la
façon de Richelieu devant La Rochelle) afin d'éviter que la ville
ne fût ravitaillée par la flotte de Bretagne (la "classis
britannica"). Après avoir contraint la garnison à capituler,
il se retourna vers "l'île des Bataves" (?) et tailla en pièces
les alliés barbares de Carausiusn. Ceux-ci furent déportés
en Gaule avec femmes et enfants12. Ces Barbares sont appelés par le
panégyrique de Constantin "Chamaves" et "Frisons"13. Les Chamaves, qui
habitaient dans les provinces néerlandaises actuelles de Gueldre et
d'Overijssel ainsi qu'au Hanovre, faisaient partie de la
confédération des Francs. Ces alliés barbares de Carausius
paraissent être
9 E Lot : Les invasions germaniques p.31.
10 Eutrope, Breviarum Historiae Romanae IX, 21 "Per haec
tempore, Carausius, qui vilissime natus, in strenuae militiae ordine famam
egregiam consequutus, quum apud Bononiam per traction Belgicae et Armoricue
pacandum mare accepisset, quod Franci et Saxons infestabant, multis barbatis
saepe captis, nec praeda integra aut provincialibus reddita, ant imperatoribus
missa, quum suspicio esse coepisset consulta ab eo admitti barba-ras, ut
transeuntes cum praeda exciperet, atque hac se occasione ditaret; a Maximiano
jussus occidi, purpuram sumpsit et Britannias occupavit."
11 Panégyriques: (Incerti) Panegyricus Constantion
Caesari dictus 7 (p. 135 et 136 de la Teubneria-na) et (Incerti) Panegyricus
Constantino Augusto dictus 5 (p. 163).
12 "In romanas nationes" (paneg. Constantin 5)
"cum conjungibus ac liberis... ad loca olim deserta, quae fortasse ipsi
quondam deprecando vastaverant" (Paneg. Constantin 8).
13 Paneg. Constantin 9 "arat ergo nunc mihi Chamavus et
Frisius et ille vagus"
4
précisément les pirates qu'il était
chargé de combaltie !
Quoiqu'il en soit, Constance n'osa pas traverser le
détroit et fit la paix avec Carau-sius resté en Bretagne14.
Celui-ci, la même année, fut assassiné par son
préfet du prétoire, Allectus, qui régna encore trois ans.
En 292, Constance revint à la charge, prépara sa flotte à
Boulogne, tandis que son préfet du prétoire Asdépiodote,
parti de l'embouchure de la Seine, débarquait à l'ouest de
l'île de Wight, taillait en pièces l'armée britannique et
tuait Allectus. Constance, cependant, remontant la Tamise avait pris Londinium
(Londres)15.
Je me suis étendu assez longuement sur cette anecdote,
car elle est intéressante du point de vue du Boulonnais comme de celui
des Saxons : il a existé brièvement au IlIème
siècle un empire britto-morin, s'étendant d'un côté
sur ce qui sera plus tard l'Angleterre, de l'autre sur le Boulonnais et
peut-être un peu au delà16. La capitale de cet empire paraît
avoir été Boulogne ; sa force, la flotte romaine de la Mer du
Nord ; ses alliés, les pirates francs et saxons. Il y aura des
érudits pour dire que c'est de cette époque que date
l'installation saxonne dans le Boulonnais.
Après cette crise, qui n'est en somme qu'une querelle
intérieure romaine, et durant tout le IVème siècle, les
Saxons font encore parler d'eux. On les voit en Bretagne, sous Théodose,
pillant et ravageant'. Ce dernier réussit à les refouler ; mais
quelques années plus tard, on les voit débarquer dans le nord de
la Gaule78, dans une région inconnue qui semble, étant
donnés le délais de communication entre les chefs romains,
être voisine des bouches de l'Escaut, mais qui pourrait être notre
Boulonnais. Une fois encore la force romaine réussit à les
éloigner, par traîtrise d'ailleurs19. Mais le temps approchait
où la force romaine ne serait plus qu'un souvenir.
3. La Notitia Dignitatum.
Dans les dernières années de l'empire,
toutefois, nous avons un texte d'un haut intérêt car, à une
époque relativement très reculée, il semble faire allusion
à une instal-
14 Eutrope XI, 22 : "Cum Carausius tamen, quum bella frustra
tentata essent contra rerum rei militaris peritissimum, ad postremum pax
convenit...".
15 Eutrope IX, 22 ; Paneg. Constance 14 à 17 et Paneg.
Constantin 5. Eutrope ne parle que du rôle d'Asclépiodote.
16 A l'époque de la conquête de la Gaule, ce qui est
aujourd'hui le Pas-de-Calais était habité par les Morins à
l'ouest et par les Atrébates à l'est. Ces derniers ont
donné leur nom à l'Artois ainsi qu'à sa capitale, Arras.
En dépit de sa faible étendue, le pays des Morins se vit
divisé par l'autorité romaine en deux "civitates",
décision sans doute en rapport avec l'érection de Boulogne
au rang de capitale maritime. Autour de cette ville se trouvaient les
"Bononienses" (de Bononia : Boulogne) ; et, plus à
l'est, les "Morini" qui avaient gardé le nom primitif de la
région. Ces derniers avaient pour capitale Thérouanne, laquelle
fut détruite en 1553 par Charles-Quint, et son siège
épiscopal transféré à Saint-Orner.
17 Ammien Marcelin, Rerum Gestarum XXVII, 8 : "Picti,
Attacotti, Scotti... malta populabantur... Gallicanos vero tractus Franci et
Saxones, iisdem confines, quo quisque erumpere potuit terra vel mari, praedis
acerbis incendiisque, et captivorum fiineribus hominem violabant..."
18 Ammien Marcelin XXVIII, 5 : "Erupit Augustus ter cos,
Saxon= multitudo, et ocani difficultatibus permeatis, Romanum limiteur gradu
petebat intento..."
19 ibid, et Pacatus Drapanius, Panegyricus Theodosio Augisto
dicatus V
5
lation de tribus saxonnes tout le long de nos côtes ;
l'interprétation, hélas, n'en est pas très sûre.
Il s'agit de la "Notitia Dignitatum utriusque imperii"20,
texte dont la date, incertaine, doit avoisiner l'an 400 ; elle
paraît avoir rédigée dans une chancellerie
impériale, probablement celle de Byzance.
On y trouve plusieurs fois l'expression ' littus
saxonicum" (rivage saxon), appliquée tant aux côtes de la
Gaule qu'à celles de Bretagne, aux chapitres suivants :
$ XXV : Comte du Rivage Saxon en Bretagne :... sous les
ordres du comte du rivage saxon en Bretagne... suit une liste de 9
préfets et tribuns, accompagnés des 9 villes de garnison de leurs
troupes21. Ces villes, qu'on a assez bien pu identifier (J. Ramsey, the
Foundations of England I, p. 91), sont toutes côtières ou
proches de la mer ; elles représentent une bande de côtes allant
du Norfolk au Sussex. A savoir : une dans le Norfolk, une dans l'Essex, quatre
dans le Kent et deux dans le Sussex. L'importance de ce "rivage saxon" devait
être assez grande, car le comte du rivage saxon n'était pas le
subordonné, mais le collègue, du comte de Bretagne, l'un et
l'autre ressortissant directement du Maître des Soldats du Palais22.
En face de ce rivage saxon de Bretagne en existe un autre en
Gaule ; il est cité en deux endroits :
$ XXXVI : Duc du pays armoricain et nervien23 ; en haut de son
cartouche apparaît la mention "littus saxonicum Blabia". Blabia,
ou Blavia, est probablement Blaye, sur la Gironde. Le premier de ses
subordonnés tient garnison à Grannona, localité dont il
est précisée qu'elle est "sur le rivage saxon". Elle
apparaît plus loin au neutre ("Gran-nono"). Il n'a malheureusement pas
été possible de l'identifier. On a proposé Gué-
20 "Notitia Dignitatum et administratum omnium tam
civilium quam militarium in partibus Orientis et Occidentis"
21 XXV Cornes littoris saxonici per Britanniam... sub
dispositione viii spectabilis comitis littoris saxonici per Britanniam
:
Prepositus numeri Fortensiurn Othonae (Itanchester,
Essex)
Prepositus militum Tungrecanorum Dubris (Douvres,
Kent)
Prepositus numeri Turnacensiurn Lemannis (Lymne by
Hythe, Kent)
Prepositus equitunn Dalmatarznm Branodunensium Branoduno
(Brancaster, Norfolk)
Prepositus stablesianorum Grannonensium Gariannonorum
(Garrianonum : Burgh Castle on the Yar,e, Norfolk)
Tribunus cohortis primae Vetasiorum Regulbiae (Reculver,
Kent)
Praefectus legionis Secundae Augustae Rutupis (Rutupiae :
Riclnborough by Sandwich, Kent) Prepositus numeri Abulcorum Anderidas
(Anderida : Pevensey, Sussex)
Prepositus numeri exploratorum Portum Adurni (Portus
Adurni, lieu inconnu presque sûrement sur l'Adur, Sussex).
22 Not. Dign. V : "sub dispositione viri spectabilis magistri
militum presentalis... Cornes Britanniarum
Cornes littoris saxonici per Britannias".
23 Not. Dign. XXXVI : Dux tractus armoricani et
nervicani... sub dispositione viii spectabilis ducis tractus armoricani et
nervicani :
Tribunus cohortis prirnae novae armoricae Grannona in
littore saxonico Praefectus militum grannonensium Grannono.
6
rande (Loire Atlantique), Château Grannon (à 4 km
de Guérande), Granville, etc. On l'a surtout cherchée dans le
Calvados et le Cotentin.
$ XXXVII : Duc de Belgique Seconde. En haut de son cartouche
apparaît à nouveau la mention "littus saxonicum", sans
nom de localité. Il a sous ses ordres des cavaliers dalmates (comme
à Brannodunum), lesquels cantonnent à "Marcae" sur le
rivage saxon24. Pour "Marcae" ont été proposées
trois identifications possibles, toutes trois assez voisines, à l'ouest
du Pas-de-Calais : Marquise, Marck, Mardyck. Marck, près de Calais, a eu
la préférence des érudits : son nom est le même,
elle a des restes de voie romaine, et au Xème siècle était
un lieu de fisc25 et le chef-lieu d'un "pagellus"26.
Personnellement, je pencherais pour Marquise. Cette dernière
localité a commencé par s'appeler "Marchia"
(Xlème siècle) pour ne prendre le nom de "Markisa"
qu'en 120827 - alors que Marck s'appelait "Merkisa" en 877 dans un
diplôme de Charles le Chauve.. Marquise a livré des bas-reliefs,
et était un carrefour de voies romaines.. Il suffit d'un coup d'oeil sur
la carte des voies romaines de la région (carte n°3) pour se rendre
compte de la supériorité de Marquise du point de vue de la
défense de la côte : de là il est facile de gagner
rapidement n'importe quel point du rivage morin, notamment rejoindre la flotte
de Bretagne à Boulogne, son port d'attache (cette flotte existait encore
en 368.. Ajoutons que les prairies herbagères de la Slack sont propres
à nourrir un corps de cavalerie. De nos jours, Marquise est un centre
d'élevage de chevaux boulonnais.
Que "Marcae" soit Marck ou Marquise, elle est proche
de Boulogne et "sur le rivage saxon".
Il y a donc eu un "rivage saxon" qui sétendait sur les
côtes de Bretagne (dans sa partie la plus proche du continent), et sur
les côtes de la Gaule. Cela signifie-t-il que, dès le IVème
siècle, il y ait eu des colonies saxonnes installées dans ces
deux pays ? L'expression "littus saxonicum" n'est pas univoque. Elle
signifie "rivage qui a rapport avec les Saxons" ; mais cela peut être
aussi bien "côtes occupées par les Saxons" que "rivage
défendu contre les Saxons". Les érudits se sont partagés
en deux camps sur cette question. Les partisans de l'interprétation la
plus naturelle ont voulu en général s'en servir pour
étayer des théories plus vastes, mais ont souvent
été conduits à donner un sens différent au rivage
saxo-breton et au rivage saxo-gaulois31. Les tenants
24 Not. Dign. X)OCVII : Dux Belgicae Secundae... sub
disposition viri spectabilis ducis Belgicae Secundae Equitus dalmatae Marcis in
littore saxonico
25 "Fiscus Mercki" (Cartulaire de Saint-Bertin p. 142,
année 933)
26 "Terra de Merck (1084) ; comitatus de Merck
(1141) (A. de Loisne, Dictionnaire Topographique du
Pas-de-Calais)
27 Au Xlème siècle : Dict. Topogr. du
Pas-de-Calais, article "Marquise" p. 247.
28 ibid. Introduction p. VIII.
29 Haigneré, Recueil Historique du Boulonnais II,
p. 380.
30 Ammien Marcelin, Rerum Gestarum XXCII, 8.
31 Pour le point de vue du littus saxonicum per Britannias :
Lappenberg, Geschichte von England I, p. 183 ; Schaumann, Zur
Geschichte der Eroberung Englands durcit germanische Stiimme p. 5 à
15 ; Taylord, Words and Places p. 92. Pour le littus saxonicum
gaulois, O. Bremer, Ethnographie der germanische Stamrne;
7
d'une notion "rivage défendu contre les Saxons font valoir
les points suivants :
1) L'interprétation directe, disent-ils, n'est pas
défendable pour l'Angleterre car aucun autre texte ne permet de croire
à une immigration saxonne avant le début du Vème
siècle (il est vrai qu'il est difficile de conclure de l'absence de
texte à l'inexistence d'un fait) ; ils ajoutent que plusieurs des villes
citées sont en pays angle ou jute (mais les Anciens savaient-ils
toujours faire la différence ? Zozime, par exemple, confond les Saxons
et les Quades, lesquels habitaient... la Bohême) ; et l'on sait qu'avant
Bède le Vénérable, tous les pirates de la Mer du Nord sont
indistinctement confondus sous l'appellation commune de Saxons.
2) Ils ajoutent qu'en ce qui concerne le littus saxonicum
gaulois, il n'est pas concevable qu'il ait eu une autre signification que
son vis-à-vis de Grande-Bretagne. Et si Marcae et Grannona paraissent
être en territoire plus tard saxon, on imagine mal qu'il en ait
été de même de tout un "littus" s'étendant
de Calais à Bordeaux : les envahisseurs eussent dû être bien
plus nombreux que ne le permettent de supposer l'archéologie et les
textes anciens. Enfin, que signifie "Marcae" sinon "marche" :
région frontière à protéger ?
Comment choisir entre deux sens opposés ? Aucun des
deux partis n'apporte d'argument péremptoire. On peut retenir
néanmoins deux choses : s'il y a eu des Saxons dans la région,
ils ne devaient pas être très nombreux ; d'autre part, le fait que
Mamie soit un nom germanique tend à indiquer qu'il y avait des
Germains dans la région, avant de préciser qu'il s'agissait d'une
marche.
Il me semble que, des deux côtés, on s'est trop
aventuré, cherchant à traduire en langue moderne une expression
latine d'un sens imprécis. Je crois que l'idée
éveillée par ce mot dans l'esprit du lecteur latin devait
ressembler à "rivage exposé aux incursions saxonnes" ; rivage
donc fréquemment pillé et qu'il fallait défendre, ceci
sans préjuger si les pillards quittaient toujours le pays ou s'ils
parfois s'installaient dans quelque site qui leur paraissait convenable. Ce
n'est pas forcément à une date déterminée que les
susdits pillards se sont transformés soudain en envahisseurs. Il est
donc fort possible que les Germains qui ont baptisé "Marcae" aient
été précisément des Saxons.
En conclusion, retenons que le pays qui devait devenir plus
tard la petite Saxe boulonnaise était, dès le Bas-Empire,
exposé aux incursions saxonnes -- voir aussi, plus loin : «
Epilogue ».
Nous avons suivi d'abord les Chauques puis les Saxons durant
tout l'Empire Romain, et constaté leurs rapports étroits avec le
pays morin. Comme le note l'auteur de
J. Hoops, Waldbâume und Kultuipfldnzen im germanischen
Altertum p. 580, 582 ; SchSnfeldt, Historische Grammatik van het
Nederlands, introduction ; G. Kurth, La Frontière linguistique
en Belgique et dans le Nord de la France p. 530-538.
32 E Lot, Les migrations saxonnes en Gavle et en Grande
Bretagne p. 37-39; H. Ehmer, Die sachsische Siedlungen auf dem
franzbsischen "littus saxonicum" p. 2-5.
33 Zozime, Histoires III, 5-8.
8
la Cambridge Medieval History, "Saxon attacks fell more
heavily on the Gaulish than on the British coasts" (I, p. 380). Pourquoi
ont-ils plus tard préféré la grande île à la
Gaule ? Sans doute à cause de la concurrence de ces puissants voisins
qu'étaient les Francs ? On est réduit aux conjectures.
4. Les invasions saxonnes.
Après la chute de l'Empire, on voit partout s'installer
des peuples germaniques , lesquels ne cessent pas pour autant d'exécuter
des raids, des "razzias", là où ils le peuvent. Les Saxons ne
font pas exception. Aux Vème et Vlème siècle, des textes
nous les montrent installés dans l'est de l'Angleterre, dans le Calvados
et dans la région de Nantes, ce qui ne les empêche pas de
continuer à piller les côtes et les estuaires, comme feront plus
tard les Normands. Il en date des portraits effrayés, haineux,
admiratifs aussi, telle cette célèbre page de Sidoine Apollinaire
écrivant à un Goth chargé de la lutte contre les Saxons :
"De tous les ennemis, c'est le plus terrible. Lorsqu'on ne l'attend pas, il
attaque ; si l'on est sur ses gardes, il se dérobe ; il dédaigne
qui le défie, et abat l'imprudent. S'il poursuit, il atteint ; s'il
fuit, il échappe. Les naufrages les instruisent et ne les effraient pas.
Non seulement ils connaissent les périls de l'océan, mais
même ils les aiment. Aussi lorsqu'une tempête se lève,
tandis qu'elle rassure les futures victimes, elle cache les assaillants qui
dans l'espoir d'une surprise se lancent au milieu des flots et des âpres
récifs". Voilà certes de hardis marins et une jolie page, plus
propre à faire briller les style de l'auteur qu'à rassurer le
destinataire. Il existe d'autres descriptions de pirates saxons de cette
époque. Le nom de "Saxon" devient presque un substantif désignant
un bandit cruel et invulnérable.
Sans abandonner le métier de pirate, ils deviennent
envahisseurs. Chacun sait qu'ils ont occupé l'Angleterre ; il est
intéressant de savoir à quelle époque. Autour de 400 leurs
pillages redoublent, les légions romaines, avec l'usurpateur Maxime
ayant quitté la Bretagne en 38736. Le premier royaume saxon, celui du
Sussex, est fondé en 477 par Aelle37. Les arrivées massives de
Saxons se sont produites entre ces deux dates. Il existe un texte curieux,
appelé "Chronica Gallica", qui date cette invasion saxonne : en
409 ils dévastent la Grande-Bretagne ; en 444, celle-ci tombe entre
leurs
34 Sid. Apoll. Epist. VIII, 6, sub finem (Monumenta Germaniae
Auctores Antiquissimi VIII, p. 132) : "Hostes est omni hoste
truculentior. Inprovisus aggreditur, praevisus elabitur; spernit objectos
sternit incautos; si sequatur, intercipit, si ft giat, evadit. Ad hoc exercent
illos naufragia, non terrent. Est eis quaedam cum discri-minibus pelagi non
noticia solum, sed fatniliaritas. Nam quoniam ipsa si qua ternpestas est huc
securos efficit oc-cupandos, ltuc prospici vetat occupaturos, in medio fluctuum
scopulorttm que confragosorum spe superventus laeti periclitantur".
35 Ammien Marcelin XXVIII, 2, 12 et XXX, 5, 8 ; Sidoine
Apollinaire Panegyricus dictas Avito Au-gusto V, 369-371 ; Claudius
Claudianus In Eutropium I, 5, v 391-393.
36 Wroxeter brûlée en 400, Silchester
abandonnée avant 420 (aucune monnaie n'y est postérieure) :
Cambridge Medieval History I, p. 381, 382.
37 Ibid.
9
mains38 - Remarquons par ailleurs que c'est en 441-442 que les
Bretons commencent l'invasion de l'Armorique. Les Saxons mirent d'ailleurs
très longtemps à conquérir la Grande-Bretagne : au milieu
du Vlème siècle ils n'avaient pas encore dépassé
une ligne allant de l'embouchure de la Tweed à Salisbury.
Alors même qu'ils conquièrent l'Angleterre, les
Saxons apparaissent sur les bords de la Loire, probablement dans les îles
de son embouchure. Grégoire de Tours les cite plusieurs fois entre 463
et 471. Cn les voit attaquer Angers, mais se faire tailler en pièces par
les Francs qui prirent même leurs îles et les anéantirent39.
Cependant, un siècle plus tard, on en trouvait encore dans cette
région : le poète latin Fortunat félicite en effet
l'évêque de Nantes Félix d'avoir converti les Saxons. Ceci
entre 556 et 57340.
On les voit également s'attaquer à He de Jersey,
au Vlème siècle, du moins s'il faut en croire une vie assez
tardive de Saint Marcou, laquelle n'est pas antérieure à la
seconde moitié du IXème siècle. Mais la contrée
qu'ils semblent avoir habité le plus longtemps est la région de
Bayeux. Cette colonie ne nous est connue que par Grégoire de Tours qui
la cite deux fois, sous le nom de "Saxones Baiocassini" : en 578,
alliés de Chilpéric, ils sont battus par le duc de Bretagne
Waroch ; en 590, alliés de Waroch, ils sont battus par l'armée
franque de Gontran42. Aucun autre texte n'en parle ; mais au IXème
siècle on rencontre dans cette même région une division
territoriale, un "pagellus" du nom de Otlinga saxonia.
Malheureusement, cette appellation est inconnue avant 802 et après
860 ; aussi a-t-on soutenu43 que ce pagellus n'avait pas de rapport
avec les Saxones Baiocassini, et qu'il ne représentait que des
Saxons de Basse Allemagne qui auraient été déportés
par Charlemagne. II n'est pas possible d'arriver à une certitude,
malgré le caractère paradoxal de cette dernière
thèse.
Outre ces localités, on voit un chef saxon du nom de
Childéric apparaître à Poitiers, vers 584-58944; on voit
aussi une bande de Saxons entrée en Italie avec les Lombards, en 571,
revenir en Saxe en passant par la Provence et l'Auvergne45 ; mais peut-
38 Chronica Gallica (Monumenta Germaniae Auctores
Antiquissimi IX, p. 654, n. 62) : "Britanniae Saxo-num incursione
devastatae". C'est daté de l'olympiade 297, mais viennent ensuite
des faits correspondants à 409, 410, 411 ; et Chr. Gall. p.
660, n.126 "Britanniae usque ad hoc tempus varus cladibus eventi-busque
latae in dicionem Saxonum rediguntur" (olymp. 306) ; suit la pris de
Carthage par les Vandales.
39 Grégoire de Tours, Historia Francorum II, 19
(Mon. Germ. Scriptores rerum merovingicarum I, p. 83) : "Saxones,
terga venantes, multos de suis, Romanis insequentibus, gladio reliquerunt ;
insulae eorum cuum multo populo interempto a Francis captae atque subversae
sunt". G. des Maretz (Le Problème de la Civilisation
Franque et du Régime Agraire en Belgique) a soutenu que ces
"insulae" n'étaient autre que les ancienne îles de la
Flandre Maritime. Le texte suivant me paraît faire justice de cette
hypothèse.
40 Fortunat, Opera poetica III, pièce IX,
à Félix évêque de Nantes, pour la fête de
Pâques et la gloire du Christ Roi, vers 103 et 104 (Patrologie LXXXVIII,
p. 133) : "Aspera gens Saxo, vivens quasi more ferino, Te medicante, sacer,
bellua reddit ovem".
41 Vita Sancti Marculfi, AA. SS. ord. S. Benedicti,
saeculum I, p. 132, c. 15 et 16.
42 Grégoire de Tours V, 26 et X, 9 (Mon. Germ. script.
rerum merovingicarum. I, p. 221 et 416.
43 H. Prentout 1911: Littus saxonicum, Saxones
Baiocassini, Otlinga saxonia. Revue Historique CVII, p. 285-309
44 Greg. de Tours VII, 3 et X, 22.
45 Ibid. IV, 42.
10
être s'agit-il de Saxons continentaux bas-allemands : le
nom de "Saxon", comme celui de "Franc", est une étiquette qui a servi
à désigner des peuples de langues différentes.
Remarquons qu'il peut y avoir eu bien d'autres colonies
saxonnes. Supposons, par exemple, que les Saxons de Bayeux n'aient pas eu
maille à partir avec Waroch, et qu'ils ne se soient pas
réconciliés avec lui quelques années plus tard : jamais
nous n'aurions connu leur existence. Quant à l'énorme colonie de
Grande-Bretagne, on compterait sur ses doigts les textes de cette époque
qui l'évoquent. Qui dira le nombre des colonies saxonnes dont aucun
écrivain mérovingien n'a parlé et qui ont sombré
dans l'oubli ?
Or il se trouve qu'une de ces colonies dont personne n'a
parlé fut suffisamment importante, pour laisser une empreinte durable
dans la région où elle s'était installée : la
colonie saxonne du Boulonnais.
11
II. Les Saxons dans le Boulonnais.
Bien qu'aucun auteur, qu'il soit ancien ou
médiéval, n'évoque cette colonie, son existence est aussi
assurée que si nous possédions sur elle une abondante
littérature : paradoxe de l'Histoire du Haut Moyen-Age ! Il s'agit
essentiellement de noms de lieux, mais il y a également d'autres traces
: nous les examinerons plus loin.
1. Traces saxonnes dans la toponymie
La plupart du temps, il est difficile d'utiliser cette science
pour différencier des peuples germaniques, leurs langues - surtout aux
époques anciennes - étant trop proches voisines. Par chance, les
Francs de l'ouest et les Saxons maritimes parlaient des langues appartenant
à deux groupes linguistiques assez sensiblement différents, bien
qu'appartenant tous deux à la branche dite "germanique occidental"46.
Les premiers parlaient un dialecte bas-allemand, ancêtre du
néerlandais, et les seconds une variété d'anglo-frison",
à l'origine de l'anglais. D'autres Francs parlaient haut-allemand, et
d'autres Saxons bas-allemand. Il y a lieu de noter, en passant, que ces
expressions, "Francs" et "Saxons" ont recouvert des réalités
ethniques un peu différentes ; on peut le regretter, mais il faut en
prendre acte.
Notre chance est précisément d'avoir affaire
à des langues plus distinctes qu'on aurait pu le craindre. Il y a entre
elles des différences, notamment d'ordre phonétique ou
sémantique. On appelle "inguéonismes" (du nom de l'antique
confédération des "Ingueones") les particularités
phonétiques propres aux langues anglo-frisonnes (frison, saxon maritime,
angle, jute). Les principales sont les suivantes.
- La palatisationrimaire, ou fermeture des voyelles "non
protégées". Elle atteint son maximum sur le a qui devient ae
ou e : au bas-allemand dag correspond le vieil-anglais daeg
(de nos jours : day).
- La fracture des voyelles (en allemand "i-umlaut"),
qui diphtongue en certaines positions les voyelles a, e, i (a > ea,
e > eo, i > io) ; elle est plus fréquente en anglo-saxon
qu'en frison.
- La "métaphonie en i", qui palatalise les
voyelles précédant une syllabe contenant un
i ou un "yod" ("yod" veut dire i
consonne) : a > ae, ae > e, ea > le, o > oe et >
e, u > il et i.
- Propre à l'anglo-saxon est la palatalisation dite
secondaire, qui affecte les consonnes dites gutturales : g, k, h, sk.
Elle ne nous concernera pas.
46 Classement des langues germaniques :
1) Germanique oriental : gothique, burgonde, vandale, etc.
2) Germanique septentrional : suédois ;
dano-norvégien ; islandais
3) Germanique occidental :
Anglo-frison : anglais ; frison
Proto-allemand (urdeutsch, ou
germano-néerlandais) : Bas-allemand ("plattdeutsch") ;
Néerlandais
Haut-allemand
12
Nous saisirons sur le vif, parmi les noms de lieux boulonnais,
quelques unes de ces transformations phonétiques. Mais la principale
preuve de l'immigration saxonne est d'ordre sémantique : c'est le
suffixe toponymique "-thun".
A. Les noms de lieux en -thun.
Un substantif "tûn" est commun à toutes
les langues gettnaniques. Il signifie proprement "haie". C'est le sens qu'on
lui voit en vieil-islandais ("tûn") et en vieil-haut-allemand
("zûn") - d'où l'allemand moderne zaun. En bas-allemand
et en frison, il prend également le sens d'enclos. En vieil-anglais il
perd le sens de "haie" pour ne garder que celui de "lieu enclos de haies ou de
palissades", et en vient à traduite le latin villa. Ecrit
tan, tùn ou tuun, il devient plus tard tounne,
townne, et finalement town en anglais moderne. On sait qu'il est
très usité dans la toponymie anglaise, jusqu'à affecter 1
/ 10 du total des noms des lieux, alors qu'il est pratiquement inconnu dans
celle des autres pays de langues germaniques : en les réunissant tous,
pas plus d'une dizaine de cas, et toujours d'infimes lieux-dits. Plus
intéressant encore, le suffise composé -ington (-ing
marque une appartenance47), qui forme la majorité des noms anglais
en -ton, se rencontre exclusivement, d'un côté en
Angleterre, de l'autre dans le Pas-de-Calais, sous la forme
"-incthun"
On compte dans ce dernier département une cinquantaine
de noms de lieux en "-thun" ou en "-incthun" ; plusieurs
d'entre eux ont des correspondants de l'autre côté du
détroit. Le radical en est le plus souvent un nom d'homme anglo-saxon.
En voici la liste, avec leurs plus anciennes formes attestées98, leur
correspondant anglais le cas échéant, et la traduction du radical
quand elle paraît possible (carte n°4)
Liste des toponymes en -thun ou -incthun
1. Albinthun : écart disparu de
Wierre-au-Bois (arrondissement de Boulogne, canton de Samer) - Albinthon
ou Albincthon, 1769.
2. Alenthun : hameau de Pihen (Calais, Guines) -
Ellingatum 1084. De Ala, Alli, francique Alolf, latin
Alulfus, français Mon. Cf. en Angleterre Alenton
(comté de Winchester), et 1 article suivant.
3. Alincthun : commune (Boulogne, Desvres) - Alinthun
1173, Alinghetun 1199, Alingetuna 1208. Même
racine que le précédent. Cf. en Angleterre, de nombreux
Allington (Dorset, Wales, Devon, Hants, Middlesex, Wilts) et quelques Ellington
(Kent, Northumberland).
4. Audenthun ou Audinthun : hameau de Zudausques
(Saint-Orner, Lumbres) - Hodin-gentun en 1200. De Oddo, Auding. Cf.
Oddington (Gloucester).
5. Audincthun : commune (Saint-Omer, Fauquembergues) -
Odingatun 1016. Cf. n° 4;
6. Audincthun : hameau d'Audinghen (Boulogne, Marquise) -
Dodingthun XVIème siècle.
47 On dispute sur le sens exact du suffixe -ing. On a voulu le
rapprocher du mot "Jung" et le traduire par "fils de" : les
Carolingiens ne sont-ils pas descendants de Charles, et Witta Wecting le fils
de Wecta ? Mais Longnon (Les noms de lieux de la France, p. 175 et
176) a fait ressortir que les "Kerlingen" sont parfois les sujets des
Carolingiens, la Lotharingen le fief de Lothaire, le Mscopfingen
le diocèse ; il a donc voulu traduire -inga par "sujet de
", ce qui est peut-être trop précis. C'est un suffixe
d'appartenance, signifiant peut-être "relevant du clan Untel", comme
O' ou Mc' en gaélique, ius en latin, ibnS en
grec. Quoiqu'il en soit, c'est un des suffixes toponymiques les plus
répandus, tant aux Pays-Bas ("Flessingue") et en Allemagne ("Thuringe")
qu'en Lorraine ("Hayange" en Moselle), en pays burgonde ("Fareins" dans l'Ain)
ou wisigoth ("Conserans" dans l'Ariège)
48 Données d'après de Loisne (Dictionnaire
topographique de la France : Pas-de-Calais), et d'après Kurth (La
Frontière Linguistique en Belgique et dans le Nord de la
France).
13
Cf. n° 4.
7. Audinthun : village disparu, cité par
Gamillscheg49 (Saint-Orner, Lumbres). On pourrait supposer qu'il
s'agit du n° 4, ci-dessus, mais celui-ci est loin d'avoir disparu : c'est
un hameau important de la commune de Zudausques..
8. Baincthun : commune (Boulogne, Boulogne Sud) -
Bagingatun 811. De Baga (Baginus). Cf. en Angleterre Baginton
(Warwick) ; Bainton (York).
9. Baudrethun : hameau de Marquise (Boulogne, Marquise) -
Boudertun 1286. De Baldo, Balder (?). Cf Beddington (?).
10. Le Boutura : ancien hameau d'Outreau (Boulogne, Outreau)
- Le Bouteuns, XVème siècle ; Le Boutun
1506.
11. Caltun : lieu inconnu, près de Moyecques, hameau
de Landrethun-le-Nord (Boulogne, Marquise) ; cité par
Kurth50. Cf. Colton (Lancaster, Norfolk, Stafford, Worcester,
York).
12. Colincthun : hameau de Bazinghen (Boulogne, Marquise) -
Collingetun XIVème siècle. De Cola, Colinc (?). Cf.
Collington (Hereford) ; Collinstown (Westmeath) ?
13. Connincthun : hameau de Beuvrequen (Boulogne, Marquise) -
Coninghetun 1298. Cf. n° 11.
14. Dirlinggthun : ancien village sur la commune de
Harnes-Boucres (Calais, Guines) - Diorwaldingathun
865-86651, puis Dirlingatun 1107. De Diorwald (?), nom
propre inconnu qui paraît signifier littéralement "celui qui
commande aux bêtes sauvages" (!). Cf Dirleton (Had-dington) ;
peut-être Darlington (Durham).
15 Fauquetun : écart de Saint-Venant (Béthune,
Lillers) - Foukeston 1296, Foukestun 1307. De Folko (?).
Cf. Folkington (Sussex) ; voire Folkestone (Kent).
16. Florincthun : hameau de Condette (Boulogne, Samer) -
Florinthon 1165. Peut-être un combiné roman-saxon se
rattachant à Florus.
17. Fréthun : commune (Calais, Calais Nord-Ouest) -
Fraitum 1084. On a soutenu que ce n'était pas un nom saxon (qui
serait venu de Frith ou de Wulfer), mais un nom roman se rattachant
à fretum (détroit). L'accentuation rend cette
hypothèse peu vraisemblable (l'accent de fretum est sur la
première syllabe, celui de Fréthun sur la seconde) ; ajoutons que
Fréthun est dans l'intérieur des terres, à 18
kilomètres du cap Gris-Nez. De surcroît,
Rodière52 cite une pièce des Archives d'Artois qui
appelle une certaine dame tantôt dame de Fréthun, tantôt
dame d'Offerthun. En Angleterre, Frieston. Cf. n° 27.
18. Godincthun : écart de Pernes-en-Boulonnais
(Boulogne, Boulogne Nord-Est) - Godin-getuna 1208. De God, Godinc.
Cf. Goddington (Kent).
19. Guiptun : ferme à Tardinghen (Boulogne, Marquise)
- Guibbingatun 1130.
20. Hardenthun : hameau de Marquise (Boulogne, Marquise) -
Harden tuna 1208. De Heard, Heardinc. Cf. Hardington
(Sommerset).
21. Honnincthun : écart de Wimille (Boulogne, Boulogne
Nord-Est). Honingetuna 1208. De Huna, Huninc.
22. Huncthun : fief à Wavrans (Saint-Orner, Lumbres),
cité par Gamillscheg53.
23. Imbrethun : ancien hameau de Wierre-Effroy (Boulogne,
Marquise) - Imbrethun 1525. De Imma, Imper.
24. Landrethun-le-Nord : commune (Boulogne, Marquise) -
Landringhetun 1179. De Lan-derich (?).
25. Landrethun-les-Ardres : commune (Saint-Orner, Ardres) -
Landregatun 1084. Cf. n° 23.
26. Ledrethun : lieu-dit, commune de Beuvrequen (Boulogne,
Marquise) - Ledrethun 1491. De Ledi, Leod. - pas de forme ancienne
27. Offrethun : commune (Boulogne, Marquise) - Guelferton
1181 ; Wolfertun 1286. De Wulfere. Cf Offerton (Derby) ;
Wolferton (Bucks, Hants, Norfolk, Warvick).
28. Olincthun : hameau de Wimille (Boulogne, Boulogne
Nord-Est) - Olinguetun 1367. De
49 E. Gamillscheg, Germanische Siedlungen in Belglen und
Nordfrankreich, p.160.
50 G. Kurth, La Frontière Linguistique en Belgique et
dans le Nord de la France. p 539.
51 Ce nom présente une "fracture" phonétique propre
à l'anglo-saxon, à l'intérieur du groupe an-glo-frison. Sa
première syllabe représente le saxon deor (bête
sauvage - fier, hardi ; anglais moderne deer). La "fracture" a
brisé, devant le r final, le e du germanique commun
(cf. allemand tier).
52 Rodière, Les Noms de Lieux de l'Arrondissement de
Boulogne. Etudes toponymiques.
53 Gamillscheg, op. cit. p. 160.
14
011o. Cf. 011erton (Cheshire, Nottingham).
29. Paincthun : hameau d'Echinghen (Boulogne, Boulogne Sud) -
Panningatum 1118. De Panno. Cf. Paington (Devon).
30. Pélincthun : hameau de Nesles (Boulogne, Samer) -
Panningetun 1112. Cf. n° 29.
31. Polincthun : ancien hameau de Verlincthun (Boulogne,
Samer) ; cité par Kurth54, donc pas de forme ancienne.
32. Raventhun : hameau d'Ambleteuse (Boulogne, Marquise) -
Raventurn 1084. Pour racine on a proposé Ravo55 ;
mais le spécialiste, Redin, ne connaît pas ce patronymes'.
Pourquoi pas (sous toute réserve !) Hrae (anglais moderne
raven : corbeau) : au lieu d'un hypothétique *Ravingtûn,
, ce serait H aefnûn. Il a été proposé de
l'assimiler à Ravenstone (Derby), lequel me paraîtrait
plutôt "La Pierre aux Corbeaux".
33. Rocthun : hameau de Leubringhen (Boulogne, Marquise) -
Rokethun 1297, Rocquethun 1550. De rock (rocher) ?
Pourquoi pas : le mot rocca, dans ce sens, est attesté en
vieil-anglais. A. de Loisne rapproche bizarrement Rocthun de la localité
irlandaise Rockstowns'. Cet auteur ne connaît pas cet hameau de
Leubringhen, et place Rocthun sur la commune de Longueville (Boulogne,
Desvres)S8. Y aurait-il eu deux Rocthun ?
34. Samblethun : ancien village sur la commune de CoyeccAues
(Saint-Omer, Fauquem-bergues) ; c'est aujourd'hui un lieu-dit "Le Grand
Semblethun - Senpleton 1120, Sempletun 1124.
35. Sodincthun : lieu inconnu cité par
Bückmann59. De Sodda - Donc pas de forme ancienne
36. Sombrethun : ancien hameau de Wimille (Boulogne, Boulogne
Nord-Est), plus connu sous le nom de Pichevert - Pissevelt et
Zummertun (même date) 1305 ; Sombreton 1339 ;
Zinbre-thun alias Pichevert 1603.
37. Tardincthun : ancien hameau de Tardinghen (Boulogne,
Marquise. Pas de forme ancienne. De Tardo ? cf. n° 38.
38. Terlincthun : hameau de Wimille (Boulogne, Boulogne
Nord-Est) - Telingetum 1208. De Tela, Tella. Cf. Terrington (York,
Norfolk, Devon, Oxford).
39. Todincthun : hameau d'Audinghen (Boulogne, Marquise) -
Totingetum in pago Bono-niensi 807: le plus anciennement cité
de tous les noms en -thun ou -incthun. De Theod, ou de Tota, Totta. Cf
Toddington (Bedford).
40. Totingetum : ancien hameau de Guines (Calais, Guines). -
pas de forme ancienne Cf. n° 39.
41. Tourlincthun : hameau de Wirwignes (Boulogne, Desvres) -
Tourlinctun 1699. De Tor-lo, Torro. Cf Torleton (Gloucester)
; Torrington (Devon).
42. Verlincthun : commune (Boulogne, Samer) - Verlingtun
1173. De Walla ? Cf Warlin-gham (Sussex).
43. Wadenthun : hameau de Saint-In Levert (Boulogne,
Marquise) - Wadingatun 1084. De Wada, Waldo, Walding. Cf
Waddington (York, Lincoln).
44. Waincthun : ancien écart de Saint-Léonard
(Boulogne, Samer) - Wainghetun 1340. De Waga. Cf Winkton
(Hants).
45. Warincthun : hameau d'Audinghen (Boulogne, Marquise) -
Wadingetuna 1208, Wan-dinghetun 1297, et encore
Waudingthun 1491. De Wara, Warinc (?). Cf Warrington
(Lancaster).
46 (?). Warneton. Sous réserve, à cause de sa
finale qui toutefois est récente ; ajoutons que sa situation est
franchement excentrique, voisine toutefois d'un petit groupe de toponymes en
-inghem dont l'ascendance saxonne est plausible (voir ci-dessous H. 1
D : "Les noms de lieux en -inghem"). Warneton es trouve à la
fois en France dans le département. du Nord (Lille, Le
Quesnoy-sur-Deule), et en Belgique (Province du Hainaut, arrondissement de
Mouscron, commune "Comines-Warneton") ; en flamand : Waesten - Warnasthun
1007, Gar-nestun 1119.
54 op. cit. p. 293.
55 A. de Loisne, La colonisation saxonne dans le Boulonnais
p. 9.
56 M. Redin, Studies on uncompounded personal names in old
English.
57 op. cit. p. 10.
58 Dictionnaire topographique du Pas-de-Calais, p.
326
59. Bückmann, Die germanische Ortsnamen bis zum 50
Breitengrad ; cité par H. Ehmer, Die sachsische Siedlungen auf
dein franztisischen "littus saxonicum" p. 16.
47.
15
Wincthun : fief à Tardinghen (Boulogne, Marquise) -
Waynghetun 1326. Cf n° 44.
48. Witrethun : hameau de Leubringhen (Boulogne, Marquise) -
Westretin Xfflème siècle, Westretun 1496. De
Witta, Withere. Cf WiddringtonNorthumberland).
49. Zeltun : hameau de Polincove (Saint-Omer, Audruicq) -
Sceltun 1084. De Zello ? Cf. Scelton (York).
A cette liste il faudrait peut-être ajouter Verton
(commune : Montreuil, Montreuil - Vertunum 856, Vertum
Xlème siède) et Béthune. Leur situation, à
l'un et à l'autre est excentrique et leur finale peu satisfaisante,
surtout celle de Béthune avec sa forme féminine - Bitunia
VIIIème siècle. Il est vrai que certains des noms saxons
cités plus haut ont parfois une finale en a (Alingetuna,
Godingetuna, Hardengetuna, Honingetuna, Wadingetuna) ; mais c'est une
seule fois dans leur histoire, et tous dans le même texte, une charte de
Notre-Dame de Boulogne de 1208. En sens inverse, il y a lieu de noter, sur le
territoire de Béthune, la présence d'un lieu-dit qui pourrait
bien être d'origine saxonne60.
Leur répartition est intéressante. Ils sont
massés dans l'arrondissement de Bou-logne61 (38 sur 47
localisés), et surtout dans l'ouest de celui-ci, parallèlement
à la côte quoique toujours à une certaine distance de
celle-ci, avec une préférence pour le canton de Marquise, qui en
possède la moitié. Ensuite vient l'arrondissement de Saint-Omer
où ils sont assez dispersés ; ils s'y trouvent surtout dans sa
partie occidentale, mais sa partie la plus à l'ouest en est presque
dénuée : zone de plateaux secs tardivement peuplés ?
Quelques enfants perdus semblent se manifester dans l'arrondissement de
Béthune (Fauquetun ; Béthune ?), et peut-être dans celui de
Montreuil (Ver-ton ?) et dans la Belgique voisine (Warneton ?).
On ne connaît pas en France d'autre toponyme analogue en
-tun. Le Calvados fait exception. On y trouve dans l'arrondissement de
Bayeux - ancien territoire des Saxones Baiocassini - trois
localités du nom de Cottun, dont l'une présente en 1036 la forme
Coltun (cf. Caltun en Boulonnais, et de nombreux Colton en
Angleterre). Il s'agit d'une commune du canton de Bayeux, un écart de
Barbeville (même canton) et un écart de Tournières (canton
de Balleroy).
B, Les noms de lieux en -brique
Le suffixe -thun n'est pas la seule trace saxonne
dans la toponymie du Pas-de-Calais : il y en a d'autres, dont l'une au moins
semble égaler -thun en certitude : le suffixe -brique.
Ici, il ne s'agit plus de sémantique, mais de phonétique :
la "métapho-nie en i". Le germanique commun, pour
désigner un pont, avait un substantif féminin : *bruggjo62.
Ce mot a subi des évolutions différentes dans chacune des
langues germaniques. En francique, il a simplement perdu sa finale et assourdi
sa dernière consonne : *bruggjo, passant par *brug est
devenu bruk, noté brouck en flamand et en
60 cf. plus bas, p.171 n° 3.
61 Carte n° 4
62 L'astérique indique qu'il s'agit d'un mot reconstruit
d'après des langues postérieures ; le u se prononce
comme le français ou, et le j représente un
yod, c'est à dire un i consonne.
16
néerlandais (cf. en allemand le féminin
"Brücke"63). En anglo-saxon l'évolution a
été marquée par la "métaphonie en i", dont
nous avons vu qu'elle palatalise les voyelles précédant une
syllabe contenant un i ou un "yod" (i consonne) le u de
*bruggjo, passant probablement par ii, est devenu i,
et la finale s'est palatalisée : brycg, bricg en
vieil-anglais (plus précisément en west-saxon), bridge
en anglais moderne. En anglo-saxon du Vlème siècle, le mot
pour désigner un pont devait se dire à peu près *brig.
Le dialecte picard assourdit souvent les finales" : pour brig,
une personne parlant picard devait entendre, ou au moins prononcer,
brik, écrit brique. Nous sommes donc en possession
d'un critère excellent pour distinguer, en Boulonnais, entre le
francique et le saxon : selon qu'un pont s'appellera" brouck" ou "brique", il
aura été baptisé dans une langue ou dans l'autre.
Certains de ces noms sont composés, c'est à dire
que le mot signifiant pont prend la place d'un suffixe, en tant que
"déterminé" (ce système de composition est le même
dans toutes les langues germaniques) ; rarement il est déterminant.
Dans d'autres cas, l'on n'éprouvera pas le besoin de
donner un qualificatif au pont : on l'appellera simplement "le pont", "la
brique". Dans ce dernier cas, on s'interroger sur l'homonymie avec le mot
français - ou picard - désignant un matériau de
construction, mot qui est également du féminin. Est-elle
gênante ? A vrai dire, non, car ce dernier vocable n'est pas
utilisé en toponymie (sauf, le cas échéant, au pluriel
"Les Briques"). Sur 31 départements français, les 31 volumes
parus en 1946 du Dictionnaire Topographique de la France, je ne l'ai
trouvé qu'une seule fois ("Le Bois de la Brique", dans la Meuse"). Je
laisse de côté un autre cas dans le Gard, où "La Brique"
représente un ancien "L'Albric", et deux cas dans le Calvados, pays
saxonisé. Dans ce dernier département, ainsi que dans la Manche,
on trouve volontiers "brique" en composition : Bricqueville, Briquessard
(Calvados), et Bricquebec, Bricquebosc (Manche).
Dépassant de très loin les autres
départements, Pas-de-Calais fournit près de vingt exemples de
toponymes en "brique" : soit 11 isolés, 7 en composition et 3 douteux.
Dans plusieurs cas, il s'agissait effectivement de sites de ponts ; pour l'un
d'eux, Vebrighe (ci-dessous) ce caractère est même
précisé dans une charte : "ponton qui dici-tur Vebrighe".
Dans d'autres cas, il s'agissait d'écarts ou de lieux-dits dont le
nom pouvait évoquer un pont voisin, lequel n'avait pas besoin
d'être bien important. En voici la liste ; comme il s'agit le plus
souvent d'endroits peu habités, il n'y a guère d'anciennes
attestations.
1) Isolés :
1. A Brique : écart de Marck (arrondissement de Calais,
canton de Calais Est).
2. La Brique : château et écart de Bellebrune
(Boulogne, Desvres) ; dit aussi Cobrique -
63 La métaphonie en i se rencontre à des
degrés différents dans les différentes langues germaniques
; en anglo-frison, elle a été plus forte et plus rapide
qu'ailleurs. On voit que le haut-allemand l'a également subie, mais sans
dépasser le stade ü : *bruggjo > briicke.
64 Exemples : "cafe" pour "cave", "cuite" pour "cidre", "rosse"
pour "rose", "roite" pour "roide"...
17
Quodbrigge 1286, I<abrigue 1302,
Quodbrige 1652, La Brique XiXème siècle -
cf. en Angleterre Cobridge.
3. La Brique : fief, à (Béthune, Béthune) -
Le Bricqueb5 XVIllème siècle.
4. La Brique : hameau et fief à Brunembert (Boulogne,
Desvres) - La Bricque, 1553.
5. La Brique : fief à Colembert (Boulogne, Desvres) -
Le Bricque 1631
6. La Brique : fief à Quercamp (Saint-Omer, Lumbres) -
La Bricque 1631.
7. La Brique d'Or : fief à Mentque-Nortbécourt
(Saint-Omer, Lumbres) - Le Bricke 1359 ; La Bricque d'Or
1739.
8. La Brique d'Or : ancien surnom de Galpanne, fief à
Racquinghem (Saint-Orner, Aire-sir-la-Lys) : "Galpanne dite La Bricque
d'Or" en 1759.
9. Pont-de-Briques : quartier de Saint-Léonard
(Boulogne, Samer) - Le Pont de le Brike 1203 ; Le Pont de le Bric
ques 1506 ; Pont de le Bricque 1525 . La présence de
l'article dans les formes anciennes suffit à démontrer qu'il ne
s'agit en aucun cas d'évoquer un pont qui aurait été
construit en briques. Il s'agit d'un pléonasme roman-saxon, datant
probablement de l'époque où l'on a cessé de comprendre le
saxon. Il est intéressant de remarquer que c'est
précisément à Pont-de-Briques que la voie romaine de Lyon
à Boulogne traversait la Liane.
10. Pont-de-Briques : à Coulogne (Calais,
Calais-Centre) - pas de forme ancienne
11. Pont-de-Briques : à Isques (Boulogne, Samer)
12. Pont-de-Briques : à Nortkerque (Saint-Omer,
Audruicq). Pour ces trois derniers cas, le manque d'anciennes formes
empêche d'être tout à fait sûr qu'il s'agit bien de
pléonasmes roman-saxons, comme dans le cas du quartier de
Saint-Léonard. Remarquons toutefois qu'il n'y a aucun "Pont-de-Briques"
dans les 30 autres départements français possédant un
dictionnaire topographique.
En Composition.
1. Briquecheul : écart d'Outreau (Boulogne,
Outreau)66
2. Cambrique : ancien écart de Saint-Léonard
(Boulogne, Samer) - La Gambrique 149267. Cf. n° 17, et en Angleterre
Cambridge.
3. Dyébrighes : ancien écart de
Marquise68 (Boulogne, Marquise) : Tiebrighe 1340,
Dyebri-ghes 1388.
4. L'Etiembrique ou l'Estiembrique : hameau de Wimille
(Boulogne, Boulogne Nord-Est) -L'Estiebricq 1492. Probablement
*stdn-brig, pont de pierres, devenu stênbrig par
métaphonie en i. En Pays de Galles Stembridge (Glamorgan).
?. Le Gambrique : lieu-dit inconnu 149169; sans doute
à assimiler à Cambrique (n° 13).
5. Lansbrighe : fief à Sainte-Marie-Kerque
(Saint-Omer, Audruicq) - pas de forme plus ancienne
6. Vebrighe70 : ancien lieu-dit à
Saint-Omer, connu par une charte de 1247 ; c'est elle qui contient le passage
évoqué plus haut : "pontera qui dicitur Vebrighe".
La répartition des noms de lieux en - brique est
semblable à celle des noms en -thon, avec cette différence qu'on
les voit déserter le canton de Marquise pour remplir ceux de Desvres et
surtout de Samer : régions plus argileuses, plus riches en ruisselets.
Dans l'ensemble, au moins dans la "fosse" boulonnaise, ils sont plus
également répartis, avec une préférence pour
l'est.
65 La forme masculine de I'article n'est pas gênante,
l'article picard étant neutre ; lorsque l'article a une forme
féminine, il s'agit de l'article français.
66 Kurth, La Frontière Linguistique en Belgique et
dans le Nord de la France p. 360.
67 A. de Loisne, La colonisation saxonne dans le Boulonnais.
Toutefois, Cambrique et Cobrique ne sont pas dans le Dictionnaire
Topographique de la France, Pas-de-Calais paru un an plus tard.
68 Kurth, op. cit.
69 De Loisne, op. cit.
70 Kurth, op. cit. p. 227, d'après Giry, Histoire de
la ville de Saint-Orner et de ses institutions.
18
C. Les noms de lieux en -ness.
Aux suffixes -thun et -brique on peut ajouter, avec peu de
chance d'erreur, un suffixe -ness, avec le sens de "pointe, cap". Le
fait qu'il n'existe pas en flamand mo-derne71 n'oblige pas à
préjuger du francique ; mais le fait est qu'il est absent de la
toponymie flamande, alors qu'il est fréquent de l'autre
côté de la Manche. On le trouve de ce côté-ci du
détroit dans les noms de lieux suivants :
Toponymes en -ness
1. Cap Blanc-Nez : sur Escalles (Calais, Calais Nord-Ouest) -
Hildernesse 1124.
2. Cap Gris-Nez : sur Audinghen (Boulogne, Marquise)-
Blacquenès 1546 Blacquenetz 1550. Cf. en
Angleterre Blackness.
3. Hernesse (La) : fief à Saint-Orner-Capelle et
à Sainte-Marie-Kerque (Saint-Omer, Au-druicq) - pas de forme ancienne
4. Lampernesse : lieu-dit de Tardinghen (Boulogne, Marquise)
- pas de forme ancienne
5. Longuenesse : commune, faubourg de Saint-Omer (Saint-Omer,
Saint-Omer Sud) - Lo-conesse 877.
6 Le Nez : hameau d'Audinghen (derrière le cap Gris-Nez
; Boulogne, Marquise) - Le Nesse 1312
7. Péternesse : ancien nom de Saint-Pierre-les-Calais,
à Calais - La forme hésite longtemps entre Petresse 962,
Petressa 1026, Pieterse 1227, et Piternesse 1093,
Pitarnesse 1093, Peternessa 1107 ; Seint-Pierre
1253-1270, Sanctus Petrus juxta Calesium 1307.
8 Selnesse : ancien château à Ardres
(Saint-Orner, Ardres) - Salunels 1148 ; Selnessa
XIIIème siècle.
9. Witternesse (Béthune, Norrent-Fontes) - Witernes
1119, Wautrenès 1365
Quelques noms de lieux contiennent le radical "Ingl-", sans
qu'on sache trop ce qu'on peut en tirer. Ce n'est pas le cas de
Saint-Inglevert, personnage qui n'a pas existé et encore moins
canonisé (Sontingeveld 1148)72. On peut citer :
1. Inglebert : hameau de Quelmes (Saint-Omer, Lumbres) -
Ingelberga 1149.
2. In linghem : hameau de Norbécourt (Saint-Omer,
Ardres). : Iglighem 1223, Inghelin-ghem 1338.
Il doit exister beaucoup d'autres noms d'origine saxonne dans
notre région ; au moins la majorité des noms germaniques du
Bas-Boulonnais (eux-mêmes plus nombreux que les noms romans). L'absence
de critères sûrs empêche d'y distinguer ce que nous devons
aux Francs et aux Saxons.
Il y a pourtant une classe de noms pour lesquels la philologie
n'apporte rien, mais dont la répartition est des plus suggestives.
Très nombreux, la plupart sinon tous sont, selon toute vraisemblance,
d'origine saxonne :
71 Le néerlandais emploie un mot "nes" dans ce
sens, mais ce mot est moderne, dérivé du moyen-néerlandais
"nasu" (nez). La même évolution sémantique s'est produite
à mille ans de distance en anglo-saxon et en néerlandais.
72 "Sontium campus vulgo Sontinghevelt" au
XIIIème siècle (en néerlandais, champ se dit
veld)... mais "Sanctus Ingelbertus" au XVlIème siècle !
- notre région connaît un autre cas de canonisation abusive :
"Saint-Denoeux" (Montreuil, Campagne-lès-Hesdin), lequel était
à l'origine Sendenodum (1170) ; il devint Saint-Denoes en 1431
en passant par Saindenoeuf en 1338... et même, sous la Révolution,
"Denoeux-l'Inflexible" !
19
D. Les noms de lieux en -inghem.
On reconnaît dans cette terminaison la combinaison de
deux suffixes : -ing que nous avons déjà
rencontré au chapitre des toponymes en -incthun (plus haut p.
12, note 47 ; et -hem, -ham qui désigne un lieu de
résidence
Ce dernier vocable existe dans toutes les langues germaniques,
avec le sens d'habitation : anglais home, allemand heim. Il
est partout utilisé en toponymie, quoique de façon variable selon
les régions, le plus souvent en suffixe : le haut-allemand et le
francique ripuaire l'emploient souvent (cf. Mannheim) ; le francique
salien (celui qui intéresse notre région) en fait un moindre
usage, et l'écrit sans h : par exemple, Eerne-gem, Zedelgem
près de Bruges. On le rencontre assez fréquemment dans la
région boulonnaise (exemples : Audrehem, Dohem, Ostrehem, Westrehem...
etc), sans qu'il soit possible de l'attribuer à coup sûr au saxon
plutôt qu'au francique).
Si le suffixe -ing est employé un peu partout,
il n'en est pas de même du suffixe composé -ingham
lequel n'est utilisé strictement qu'en Angleterre (cf
Birmingham, Buckingham, etc.) et, de ce côté-ci du
détroit, dans la région qui fait face à la grande
île. Il apparaît en France sous la forme -inghem,
écrit aussi -inghen (carte n° 14 et 17) : à
Buckingham correspond chez nous Bouquinghen et, à Birmingham, Barbinghem
("Birminghaem" au Xlème siècle).
Les noms de lieux en -inghem, -inghen, sont presque
au nombre de 150 pour le seul département du Pas-de-Calais (on en
trouvera la liste en annexe). Ils fourmillent dans les arrondissements de
Boulogne et de Saint-Omer ; on en trouve dans ceux de Montreuil et de
Béthune, et sporadiquement dans ceux de Saint-Pol et d'Arras, ainsi que
dans le département du Nord, avec quelques enfants perdus au delà
de la frontière belge. On relève parmi eux plusieurs doublets ou
triplets, et même deux quadruplets (Matringhem, ainsi que Vaudringhem
auquel s'ajoute peut-être Waudrin-ghem).
Leur ligne de force est dirigée d'ouest en est comme
celle des noms en -thun, mais ils débordent assez largement
ceux-ci, et sont plus éparpillés. Doit-on penser qu'ils sont tous
de fondation anglo-saxonne, les gens qui parlaient cette langue ayant
manifesté - à la différence des Francs Saliens - un
goût prononcé pour les suffixes composés ? Plausible, voire
probable cette hypothèse se heurte à une difficulté des
plus sérieuses. Elle donnerait en effet à la colonie saxonne une
étendue telle, qu'on comprendrait mal le silence des textes. La colonie
saxonne aurait-elle été, à l'époque des toponymes
en -inghem, plus étendue qu'à celle des noms en
-thun ? Peut-être est-il permis d'envisager un effet de
contamination, sociale ou linguistique, dans les régions
franciques qui étaient les plus proches de celles occupées
par les Saxons ? En effet, bien que séparés, les suffixes
-ing et -ham y coexistaient déjà.
Peut-être y eut-il jadis des implantations de villages saxons plus ou
moins isolés, éparpillés en zone francique ? On ne le
saura sans doute jamais. De toutes façons, les toponymes en -in-ghem
sont tous évidemment, directement ou indirectement, d'influence
anglo-
20
saxonne. Quand on les rencontre au voisinage de noms en
-thun, on peut être sûr qu'ils sont eux-mêmes
saxons. Et peut-être la colonisation saxonne fut-elle plus étendue
que la répartition des noms en -thun le ferait supposer.
Puisque ces deux sortes de toponymes pouvaient être
voisins les uns des autres, il devait bien y avoir entre eux une distinction
sémantique. A l'époque du Haut Moyen-Age anglais, Bède le
Vénérable assimile ham au latin civitas, et
tun à villa73. Ham paraît donc désigner quelque
chose de plus important que thun ; il aurait été ce que
nous concevons comme un assez gros village, et thun plutôt comme
un assez grand domaine, moindre toutefois que le ham.
De nos jours il en reste quelque chose. En effet, les noms en
-inghem du Pas-de-Calais sont un peu plus souvent des communes (50 sur
148, soit un tiers - alors que les noms en -thun sont pour la plupart
des écarts ou des hameaux (8 communes seulement sur 48 en tout, en
excluant les deux Warneton comme douteux) : soit un sixième au lieu d'un
tiers). De surcroît, on peut remarquer qu'après pourtant dix
à quinze siècles, les toponymes en -thun et -incthun
demeurent, statistiquement, subordonnés à ceux en
-inghem. En face de deux hameaux de Baincthun pourvus de noms de la
forme en -inghem (Macquinghen et Questinghen), auxquels s'ajoute un
hameau de Verlincthun (Mazinghen) on observe en revanche dix hameaux en
-thun situés dans l'orbite de communes en -inghem :
Audincthun, Todincthun et Warincthun pour Audinghen, Colincthun pour
Bazinghen, Pincthun pour Echinghen, Rocthun et Wi-trethun pour Leubringhen,
Guiptun, Tardincthun et Wincthun pour Tardinghen.
Ces recherches toponymiques donnent la certitude de
l'existence d'anciens établissements anglo-saxons dans cette
région assez vaste voisine du détroit, et centrée sur la
ville de Boulogne-sur-Mer. En dehors des noms de lieux, y eut-il d'autres
traces saxonnes dans la région ? Nous allons les rechercher en
interrogeant successivement les textes des vies de saints, puis
l'archéologie, l'anthropologie, l'onomastique, et les coutumes.
2. Les Vies de Saints.
Notre région a été christianisée
assez tard, malgré les efforts de Saint Victrice de Rouen au
IVème siècle.. Au VIIème siècle elle était
encore complètement païenne. Il y a donc peu de Saints ayant
vécu assez tôt pour avoir connu l'invasion saxonne, et même
pour avoir parcouru un pays encore saxon, et leurs vies sont trop
récentes. Il y a pourtant un petit groupe de Saints assez anciens : le
petit noyau qui a fondé l'abbaye de Saint-Bertin et qui a repris le
diocèse de Thérouanne. Des deux premiers évêques de
Thérouanne, Saint Antimond (512-549) et Saint Athalbert (549-552) on ne
connaît que le nom et la date, cela d'après les tableaux
chronologiques de l'abbaye de
73 Cité par Ehmer 1937 p. 15. Bède traduit
"inter civitates sive villas" par "betwih his hammum o##e hulule
.
74 E. de Moreau 1926 - Saint Victrice de Rouen, apôtre
de la Belgica Secunda. Revue Belge de Philologie et d'Histoire V, p.
71-79
21
Saint-Bertin. Nous sommes mieux lotis en ce qui concerne Saint
Orner, 3ème évêque de Thérouanne (633-668,
après une vacance de 80 ans), et Saint Bertin, premier abbé de
Sithiu. On n'a pas les vies des compagnons de ce dernier, Saint Mommelin et de
Saint Ebertran.
Rien dans la vie de Saint Bertin ne fait penser aux Saxons. Le
pays est païen, c'est tout ce qu'on apprend. A la lecture de la Vita
Sancti Bertini on a l'impression d'une époque calme. A leur
arrivée, dans la première moitié du VIIème
siècle, on les voit fonder un monastère, le
"vieux-monastère", aujourd'hui Saint-Mommelin près de Saint-Omer,
ainsi qu'une église ornée de pierres rares et de plaques
d'or,. On les conçoit mal bâtissant avec un tel luxe en
période d'invasion (que l'on pense aux déprédations, plus
tardives, des pirates normands !).
Dans la Vie de Saint Orner, on a cru trouver une allusion
à un territoire saxon sur la côté boulonnaise7b. Le texte
est malheureusement moins affirmatif qu'il n'y paraît. C'est le
récit d'un miracle. Saint Orner était allé à
Boulogne, lorsqu'un enfant de la ville, qui était monté par jeu
dans une petite barque utilisée pour la traversée de la Liane, se
vit soudain emporté par le vent vers la pleine mer. Terrifié, il
implora Dieu "par les mérites de Saint Orner" et fut
déposé "sur la terre saxonne"? la situation, pour s'être
améliorée, n'était toujours pas enviable, les habitants de
la région pouvant être animés de mauvaises intentions ;
aussi, dans une confiance parfaite en Dieu et en Saint Omer, il remonta dans
son bateau et fut ramené par un vent favorable sur une mer calmée
à sa cité natale.
Selon de Loisne, jamais un frêle esquif n'eut
traversé le détroit "en l'espace de temps assigné par le
récit", dit-il. Donc, selon lui, la terre saxonne ne serait pas
l'Angleterre, mais une autre portion de la côte française.
Construire un raisonnement en graduant le vraisemblable et
l'invraisemblable dans un miracle me paraît une entreprise bien
scabreuse, spécialement quand le miracle est raconté dans une vie
de Saint du début du Moyen-Age. Ajoutons qu'il est dit qu'à un
certain moment l'enfant ne voyait plus aucune terre : i1 était donc
déjà assez loin en mer, et si la violence du vent ne mollissait
pas, il pouvait fort bien être entraîné jusqu'à
l'Angleterre. Ajoutons que, pour l'avoir ramené en France, il aurait
fallu que, par la suite, ce violent vent d'est se transforme en gentil vent
d'ouest. Pourquoi
75 Cartulaire de Saint Bertin t. I, chap II, p. 17-18 : "Anno
incarnationis domini nostri Jhesu Christi DCXLV, qui est annus XI regis
Ludovici, filii Dagoberti" ; un peu plus tôt (626) d'après
les Acta Sanctorum, vita Sancti Bertini septembre II, p. 559.
76 A. de Loisne, la colonisation sxonne dans le Boulonnais
p. 3 et 4.
77 Vita Sancti Audomari (AA. SS. ord. Sancti Bernardi II
p. 561 A.). Quodam vero die Audomarus egre-gius Christi confessor, in
Bononia orbe perseverans... Ast ilium (juvenem) in pelagus rapuit vis valida
venti. Tunc subito surgens in fonte saeva tempestas, ipsa navicula undis
tumescentibus quassata, nec gubernacula nec gubernatorem habens, huc et
fluctibus errans natabat in mari, quod magno Britanniam gurgite secernit a
Francis, quod saepe fortissimis mersis hic navibus nocet. Ast miser nec
propriam cernens, nec alteram terram... tunc ilium per merita Deus Audomari
precantem trepidum saxonicam ilico deduxit ad terrain. Turn iterum stupidus
ignota cernens arva, raptores tremulus se denudare timebat, si solus diutius
illic expectare tentasset... Audoma-rum tremula clamans tunc voce patronum, in
Dominum fidens cito recurrit ad navem. Ilico Omnipotens yen-turn illi concedens
aptum, mitescere pelago jubens...
22
pas ? Il est vrai qu'au cours d'une tempête, le vent peut
tourner assez rapidement.
Le raisonnement de de Loisne exige que Boulogne n'ait pas
été peuplée de Saxons, alors que ses environs l'auraient
été. Cela n'est pas impossibles. Mais alors, comment l'auteur du
récit, le sachant, aurait-il dit du Pas-de-Calais qu'il "sépare
la Bretagne des Francs" ? ("Britanniam secernit a Francis").
Enfin, n'oublions pas que, si Saint Orner a vécu au Vlème
siècle, ce récit qui le concerne doit être daté du
début du IXème siècle : pour être assuré
d'être compris, il aurait fallu que la colonie saxonne existât
encore à cette époque, et fût même relativement
importante : nous la connaîtrions sans doute par d'autres textes. Aucun
de ces arguments n'est décisif, mais il me paraît vraisemblable
que l'auteur, en écrivant terram saxonicam, a voulu signifier
tout bonnement l'Angleterre.
Il n'y a rien à trouver dans les textes. C'est une
chose fort curieuse que personne n'ait parlé, ni directement, ni par
allusion, d'une colonie aussi importante. On doit en accuser le recul de
civilisation qu'avait subi le Nord de la Gaule à cette époque.
L'archéologie nous réserve une moisson plus
intéressante..
3. Autres traces saxonnes éventuelles.
A. Archéologie funéraire.
On a découvert un assez grand nombre de
sépultures d'époque mérovingienne dans la région
boulonnaise, groupées par cimetières d'une centaine de tombes. En
1946, ces cimetières étaient au nombre d'une quarantaine. Les
plus célèbres, les plus importants par la qualité du
matériel funéraire qu'on y a trouvé sont ceux d'Uzelot
(hameau de Leulinghen : arrondissement de Boulogne, canton de Marquise), et de
Nesle-lès-Verlincthun (Boulogne, Samer). On y a trouvé notamment
des armes (épées, lances, "umbos" de boucliers, couteaux, pointes
de flèches, framées, francisques ; des pièces
d'orfèvrerie (colliers, pendants d'oreilles, broches, bagues) ; des
poteries, des objets divers (peignes en os, sceaux, coquilles, dents de
sanglier, pinces à épiler, clefs) ; et même des monnaies,
assez rares d'ailleurs.
Est-il possible de distinguer les cimetières saxons des
cimetières francs ? On a essayé de la faire au moyen des
"scramasaxes Ce sont de longs couteaux de combat, plats, munis d'une rainure
longitudinale, d'environ 0,47 cm de longueur sans la soie ; on les trouve le
plus souvent le long de la cuisse des morts, dans presque toutes les
78 Nous verrons plus loin (p.46) qu'a existé une ancienne
colonie franque au nord de Boulogne, à une date qui n'est pas
fixée. Par ailleurs, la Vita SS. Luglii et Lugliani fratrum
(AA. SS. octobre, t. 10 p. 71-121) nous montre deux Irlandais
convertissant Boulogne au Vllème siècle, puis gagnant
immédiatement Thérouanne, ville capitale d'un royaume franc aux
Vème et VIème siècles. On sait que les Irlandais
n'aimaient pas les Anglo-saxons (pas plus d'ailleurs qu'aujourd'hui...) : "Nous
aimons mieux aller en enfer que les retrouver au paradis"...
79 Certains indices tendent à faire croire qu'elle
avait déjà disparu, ou qu'au moins sa disparition était
bien avancée : voir p.49
80 A. de Loisne, Colonisation saxonne dans le Boulonnais
p. 13 et 14.
23
tombes masculines. Le scramasaxe était, semble-t-il,
utilisé dans le combat corps à corps et dans la défensive
; on a dit qu'il a donné en vieux-français "estramaçon"
(mais ce dernier est une longue et lourde épée, dont le nom peut
venir de l'italien). L'étymologie du mot "scramasaxe" renverrait
à scrama, qui exprime une idée de protection
(suédois skirma, allemand schirmen) et du
vieil-anglais seex : couteau (cf. latin seco).
Dans quelques textes, le scramasaxe est donné comme
spécifiquement saxon81 : il aurait même donné son nom
à ce peuple. Cette étymologie n'est pas sûre ; et
même si c'était le cas, on observe que le scramasaxe est tout
aussi fréquent dans les cimetières francs, si fréquent
qu'on pourrait y voir une arme typiquement franque".
On ne peut guère utiliser les armes pour discriminer
entre Francs et Saxons. En effet, l'industrie guerrière a toujours eu
tendance à uniformiser ses types sur de vastes régions, cela
à cause du grand intérêt des inventions, et aussi à
cause de la disparition des peuples mal armés. Toutes les tribus
germaniques ont à peu près le même armement, et celui des
légions romaines n'en diffère guère. Il est heureusement
une autre dasse de trouvailles utilisables, celle des objets de parure
où s'impose l'influence de la mode. Chaque région, chaque
époque a sa mode qui permet de la reconnaître, chaque
orfèvre même a son style. L'inconvénient, pour nous, c'est
leur petitesse : ce sont des objets qui voyagent. On rencontrerait
donc sans difficulté des objets saxons chez les Francs, et
réciproquement. Les objets de facture saxonne sont heureusement nombreux
dans notre région.
On a trouvé en particulier des colliers d'ambre, ou du
moins composés par parties égales de grains d'ambre et de
morceaux de verre multicolores, et même de pièces de monnaie.
L'ambre est recueilli sur les rives de la mer Baltique, en particulier dans la
péninsule de Samland. Les Romains le connaissaient et l'utilisaient,
mais il restait pour eux une substance rare, d'un prix élevé,
recherché à l'égal des pierres précieuses". Dans le
Boulonnais, par contre, on en trouve dans plus du tiers des tombes
féminines, ce qui paraît dénoter un commerce actif,
probablement par voie maritime, avec son pays d'origine, sinon une importation
directe par les immigrants saxons. Dans les tombes franques du Pas-de-Calais,
en revanche - dans les vastes et nombreux cimetières mérovingiens
de l'arrondissement d'Arras - l'ambre est très rare. Il y a bien
sûr des colliers, mais ils sont composés de perles de verre de
toutes formes et de toutes couleurs ainsi que de billes de terre
émaillées. Pour avoir recours à cette dernière
substance, il faut n'avoir pas d'ambre, ou avoir bien du mal à s'en
81 Witikind, De gestis saxonis, I : "cultelli enim nostra
lingua salis dicuntur, ideoque Saxones nuncupa-tos". Et Godefroy de
Viterbe XV, p. 313 :
"Ipse brevis gladius apud illos saxo vocatur "onde sibi saxo
nomen perperisse notatur".
Enfin, dans le Glossarium de Du Cange, V, art. "Saxo" :
"Saxones longis cultellis pugnasse auctor est enim continuator Florentii
Vigorniensis anno 1138". Indeque genti datum nomen".
82 Ehmer, Siichsische Siedlungen p. 50.
83 Daremberg et Saglio, Dictionnaire des Antiquités
gréco-romaines II, p. 534.
24
procurer.
A côté des colliers d'ambre on trouve
également des bracelets de type anglais ; l'un de ces types est
particulièrement frappant tant son aspect est inhabituel sur le
continent. Il s'agit d'un bracelet trouvé à
Nesle-lès-Verlincthun, formé d'un barreau d'argent cylindrique
étiré et aminci, en respectant néanmoins les deux
extrémités, recourbé ensuite de façon à
fournir d'un côté deux faces circulaires affrontées, de
l'autre un fil métallique, d'un diamètre égal au quart du
barreau primitif.
La trouvaille la plus intéressante est peut-être
une broche découverte à Harden-thun. Elle est en argent, et
présente la particularité de porter un grenat en son centre. Il
se trouve que l'usage de placer un grenat au milieu d'une matière
blanche quelconque est un usage anglais et plus particulièrement
kentient. C'est une mode du Vlème siècle dans le Kent. Ou cette
broche est venue du Kent, ou les rapports ente ces deux régions
étaient si étroits au Vlème siècle que la technique
d'orfèvrerie y était la même. En dehors du Boulonnais
proprement dit, on a retrouvé des objets de facture saxonne dans les
cimetières de Waben près de Verton (Montreuil, Montreuil) et de
Mareuil (Arras, Dainville). Ce sont deux broches que Roeder dit venues
d'Angleterre, car elles appartiennent à une espèce de "broches
composées" d'origine saxonne.
J'ai trié les objets dont l'exemple est le plus net. Ce
qui ne paraît pas dans ces descriptions, c'est l'air de famille entre les
sépultures boulonnaises et les sépultures anglaises. Cette
similitude est si forte, qu'elle a fait dire à un observateur du
XIXème siècle, lequel ignorait l'ancienne immigration saxonne et
prenait les cimetières boulonnais pour des cimetières francs : "A
défaut de toute autre preuve historique, l'identité de race entre
les hommes dont les sépultures se découvrent ainsi, sur l'un
comme sur l'autre bord du détroit, en ressortirait nette, vive,
indiscutable"".
A feuilleter à la fois les planches de
l'Archaeologia cantiana, et celles des Mémoires de la
Société Académique de Boulogne, on ne peut trouver de
différence entre toutes ces reproductions, et l'on en arriverait
à ne plus savoir ce qui provient du sol anglais ou du sol
français. Quant à la disposition des sépultures, elle est
partout la même : les tombes sont alignées par longues
rangées, les corps sont inhumés (les incinérations sont
exceptionnelles, on n'en a trouvé qu'à Olincthun (hameau de
Wimille, Boulogne, Boulogne Nord-Est) ; les corps étaient sans suaire,
dans un cercueil de bois (sans sarcophage de pierre), orientés la
tête à l'ouest et les pieds à l'est.
Je n'ai pas parlé des monnaies, qui
s'échelonnent depuis Constance (337-361) jusqu'à un
monétaire du VlIème siède, Charemundus : elles ne sont pas
saxonnes. En revanche, elles peuvent aider à la datation de l'invasion.
C'est sous cette rubrique
84 Brown, The Arts en Early England IV, p. 544.
85 Roeder, Die silchsische Siedlungen in der
Vôlkerwanderungszeit p. 24.
86 V. Vaillant- Le cimetière de
Nesle-lès-Verlincthun. Bulletin de la Commission des
Antiquités Départementales du Pas-de-Calais VI, p. 103.
25
que nous les aborderons (ci-dessous, chap. III).
B. L'anthropologie de la région boulonnaise.
(Cette discipline ayant beaucoup évolué, on
trouvera ci-dessous un texte très différent de celui de 1946. A
la fin du présent mémoire, j'ajoute de surcroît un
complément sous la forme d'un « Epilogue »).
Il n'est guère possible de comparer les populations
actuelles, tant du Jutland que de Grande-Bretagne ou du Boulonnais. On observe
en effet une évolution des caractères physiques au cours des
siècles qui nous séparent des grandes invasions. La taille a
varié, et il en est de même de l'indice céphalique
horizontal, lequel sert à diviser les gens en
"dolichocéphales" (à tête longue) et
"brachycéphales" (à tête large). Assez bas à
l'époque des invasions, l'indice céphalique s'est
élevé progressivement au cours du Moyen-Age, au point qu'à
l'heure actuelle les "dolichocéphales" ne sont plus qu'une
minorité, alors qu'à l'origine ils étaient les plus
nombreux.
Tout au plus peut-on remarquer que les habitants actuels du
Jutland sont un peu moins grands que leurs voisins d'Allemagne du Nord, et
qu'en Grande Bretagne la stature est plus faible à l'est qu'à
l'ouest de la grande île (c'est à l'ouest de l'Ecosse qu'on trouve
les plus grands des Européens). Les Britanniques de l'est sont aussi
plus souvent blonds que ceux de l'ouest. Tout cela donne, peut-être, une
idée de l'allure éventuelle des pirates saxons (?). Ce qui pour
nous est fâcheux, c'est qu'on n'observe guère de différence
entre les Boulonnais et les autres habitants du Nord de la France.
L'étude des squelettes qui proviennent des
cimetières d'époque mérovingienne aurait pu être
plus instructive. Ceux du Boulonnais ont été trouvés pour
la plupart aux confins du XlXème et du XXème siècle, et
l'on sait que les fouilleurs de cette époque ne prêtaient
guère d'attention aux squelettes qu'ils exhumaient. L'un de ces
cimetières fait exception, celui d'Hardenthun, qui a été
publié par E.T. Hamy", accompagné d'une étude
anthropologique ; celle-ci comporte des mensurations, des statistiques, et
aussi des comparaisons avec des crânes provenant d'autres stations de la
même époque dans le Boulonnais. Cet auteur a mesuré 9
crânes féminins et 13 crânes masculins, ce qui n'est pas une
base statistique bien considérable. Il observe néanmoins
d'importantes différences entre ces deux catégories. Les premiers
présentent selon lui un aspect relativement moderne, avec des traits
adoucis et, toujours selon lui, des signes de métissage. Les
crânes masculins ont, dit-il, un aspect "barbare", avec des contours
"brutaux", une bosse occipitale forte, des arcades sourcilières
saillantes, une face volumineuse et très haute, un menton puissant.
Femmes et hommes sont 'dolichocéphales" , avec un indice
céphalique de 75,9 pour les premières, de 73,06 pour les seconds.
L'un de ces derniers est hyperdolichocéphale, avec un indice
crânien de 64,2, ce qui serait un record d'Europe. Cela pour le
cimetière
87 I (indice céphalique) = L*100/1, L étant la
longueur de la tête, et 1 sa largeur.
88 E. T. Hamy, 1893 - Crânes mérovingiens et
carolingiens du Pas-de-Calais. L'Anthropologie IV, p. 513-538
26
d'Hardenthun. Dans l'ensemble du Boulonnais, l'indice
céphalique masculin était, paraît-il, de 74,21 pour les
femmes, et de 73,80 pour les hommes. Avons-nous affaire à un
échantillon non trié de l'ancienne population d'Hardenthun ?
Venus par mer, les hommes étaient-ils arrivés en
célibataires, et auraient-ils pris femmes dans la population
préexistante ? - le cimetière d'Hardenthun paraît pourtant
relativement récent (ci-dessus, p27). Seraient-ils, plus que leurs
compagnes, les représentants d'une classe supérieure
conquérante, leurs épouses représentant mieux le fond de
la population ? Peut-être...
4. Divers...
L'onomastique devrait nous apporter quelque chose. Grâce
à l'abbaye de Saint-Bertin dont on a le cartulaire, on connaît un
grand nombre de noms de personnes du Xème et du Xlème
siècle, quelques-uns même du Vllème et du VIIIème
siècle. La plupart sont germaniques ; mais, selon Mansion", on ne trouve
que très peu d'in-guéonismes dans le cartulaire de Saint-Bertin :
personnellement, je n'en ai pas rencontré. Par conséquent, tous
ces noms peuvent parfaitement être franciques. Le suffixe -bert
(latin bertus : Adalbertus, Rodbertus, etc.) est très
fréquent. Le suffixe saxon correspondant est -beort, le e
se brisant devant r appuyé. On rencontre d'autres suffixes
analogues, comme -bern, non fracturés, et, dans
l'intérieur des mots, de nombreux cas de fracture où celle-ci n'a
pas eu lieu. Il semblerait donc que la colonie saxonne soit disparue au
IXème siècle, du moins en grande partie.
Cette preuve, à mon sens, n'est pas définitive.
En effet, si un scribe flamand entend Adelbeort, ne comprendra-t-il pas,
n'écrira-t-il pas Adelbert ? Etant donné la position de l'abbaye
de Saint-Bertin, on peut présumer que ses moines se recrutaient surtout
parmi des gens de langue franque. Il y eut pourtant un évêque de
Thérouanne, ville franque, qui a porté un nom, paraît-il,
purement saxon : Saint Bein ("Baginas")90 - dont on retrouve semble-t-il le nom
dans celui du village de Baincthun.
Plus féconde aurait pu être la linguistique. Le
dialecte picard a en effet un vocabulaire assez germanisé.
Malheureusement, les mots francs et les mots saxons se ressemblaient trop, pour
qu'une fois passés dans le système phonétique picard ils
puissent rester faciles à distinguer. On observe bien dans le patois
boulonnais des mots d'allure anglaise ("neque" pour cou : "neck"
en anglais... mais aussi "nek" en néerlandais) ; que tirer de ce
genre de ressemblances ?
Quant à trouver des usages saxons dans la
région, la chose est difficile. Tel qu'il nous est parvenu, le droit
saxon d'Angleterre est le résultat d'une évolution assez longue,
il est à la fois germanique et insulaire. De son côté, le
Boulonnais a été romanisé par des populations qui
étaient passées par la langue et par les coutumes
89 J. Mansion, 1926 - Le problème saxon, p.
12.
90 Rodière, 1896 - Dans Les Noms de Lieux de
l'Arrondissement de Boulogne. Etudes toponymiques. , articles "Bayenghem"
et "Baincthun".
27
franques, cela avant que nous puissions étudier ses
institutions. On ne constate pas de différence nette entre l'ancien
droit coutumier de Boulogne et celui d'Arras. Il est impossible d'affirmer en
Boulonnais l'existence d'usages spécifiquement saxons, tel que le
folcland (une variété de tenure foncière), ou
l'importance politique des communautés de villages. Il a pourtant
été noté que le plan de la ville de Bergues (chef-lieu de
canton, près de Dunkerque), assez singulier, affecterait la forme d'un
"ring" saxon...
Nous avons trouvé des traces saxonnes indiscutables
dans la région boulonnaise, surtout dans la toponymie, mais aussi dans
l'archéologie et peut-être l'anthropologie. D'autres sciences,
dont on aurait pu attendre des informations, ne nous ont rien apporté.
Il faut sans doute en accuser l'ancienneté des établissements
anglo-saxons dans notre région. Peut-on préciser cette
ancienneté ?
28
III. Date et origine de l'invasion saxonne
Il est nécessaire de préciser d'emblée
que nos envahisseurs ne sont ni des Saxons continentaux déportés
par Charlemagne91, ni des Frisons arrivés en suivant la
côte. Les noms de lieux en -incthun et en -inghem
renvoient directement à l'Angleterre ; il en est de même des
fractures syllabiques de type vieil-anglais, telle que celle du toponyme
Diorwaldingatun, et des pièces d'orfèvrerie d'aspect
kentien.
Le problème de la date de l'invasion saxonne est
inséparable de celui de l'origine des envahisseurs. Les auteurs qui ont
écrit sur cette question se partagent en trois positions distinctes :
Les uns croient notre région saxonisée
dès le Vème siècle, voire dès le IIlème
siècle, avant même la Grande-Bretagne. Elle aurait partiellement
servi de tremplin aux Anglo-Saxons pour la conquête de celle-ci. D'autres
envisagent au contraire une époque tardive, manifestant une invasion
venue de l'autre côté du détroit (fin du Vlème
siècle, éventuellement Vllème, voire début du
VIIIème siècle). D'autres enfin ont apparemment dans l'esprit une
seule invasion, qui serait venue du Jutland et de l'Allemagne du Nord et qui
aurait déferlé simultanément des deux côtés
du Pas-de-Calais. Ils ne l'ont pas exprimée explicitement et a
fortiori ne l'ont pas systématisée.
1. Arrivée ancienne.
Au XIXème siècle, l'abbé Haigneré,
ignorant la philologie saxonne, avait eu néanmoins le mérite de
reconnaître l'originalité des noms de lieux boulonnais en
-thun et leur ressemblance avec les noms anglais en -ton. Il
se demandait s'ils n'étaient pas "antérieurs à la rupture
de l'isthme par lequel l'Angleterre se trouvait autrefois réunie au
continent européen"92. Sans remonter aussi loin, on peut citer F. Lot
qui, se basant sur l'ancienneté de la romanisation du Boulonnais, en
concluait que les Saxons y étaient établis "avant l'époque
mérovingienne, et même antérieurement aux Francs"93. Citons
aussi A. Longnon qui, avant sa découverte des noms de lieux saxons dans
le Boulonnais, faisait remonter les Saxons de Bayeux à l'époque
du littus saxoni-cum9-' ; ainsi que A. de Loisne, qui partage cette
opinion en ce qui concerne les Saxons du Boulonnais95 ; enfin J. Mansion qui,
contre Lot lui-même, faisait valoir que le littus saxonicurn ne
devait pas être désert de colonies saxonnes puisque la Notitia
Dignita-tum signale, dans la région boulonnaise un nom germanique,
Marcae96.
91 F. Lot (Les migrations saxonnes en Gaule et en
Grande-Bretagne, p. 24) a pris la peine de réfuter cette opinion,
en faisant valoir que Charlemagne aurait disséminé ses Saxons par
petits paquets, et non en un bloc compact. Ajoutons que les Saxons continentaux
sont à l'origine des actuelles populations bas-allemandes, et non
anglo-frisonnes : ils n'auraient pas laissé les mêmes traces
linguistiques
92 Dictionnaire historique et archéologique du
Pas-de-Calais t. II, p. 298.
93 Op. cit. p. 24.
94 A. Longnon 1878 - Géographie de la Gaule au
VIème siècle
95 A. de Loisne 1906 - La colonisation saxonne du Boulonnais,
p. 3.
96 J. Mansion, 1926 - Le problème saxon p. 12.
29
Les principaux défenseurs d'une arrivée ancienne
des Saxons ont été G. Kurth et J. Hoops.
A. Théorie de G. Kurth97.
Cet auteur se base sur les faits suivants :
a) Il est impossible qu'aux Vème et Vlème
siècles les Saxons aient essayé d'arracher aux Francs
"alors dans le premier feu de leur expansion" une partie du littoral
boulonnais.
b) Pourquoi les Saxons auraient-ils divisé leurs
forces, la conquête de la grande île étant loin d'être
une promenade militaire ?
Ergo, les Saxons étaient déjà en
place au Vème siècle. Or précisément, on assiste,
durant tout le Bas-Empire, à des incursions incessantes de pirates
saxons sur les côtes de la Gaule. La Notitia Dignitatum ne
parle-t-elle pas d'un rivage saxon, sur lequel on trouve
précisément trois colonies saxonnes attestées, celles de
la Loire, de Bayeux et de Boulogne ? Selon notre auteur, il n'est pas difficile
de savoir à quelle date ce peuple a occupé le Boulonnais :
à l'époque de Carausius. Celui-ci ayant le plus grand
intérêt à être maître du rivage continental, il
y aurait installé ces barbares devenus ses alliés.
N'était-il pas, dès avant sa révolte, accusé de
pactiser avec l'ennemi ? Que l'on examine la situation topographique des
villages saxons : on les voit, dit-il, disposés en deux rangées
concentriques formant une véritable ceinture stratégique autour
de Boulogne98 ; ils trahissent une "volonté intelligente".
On voit que Kurth fait un peu flèche de tout bois, sans
parvenir à se montrer tout à fait convaincant. Il a
peut-être raison... d'autant plus que quelques menus faits, inconnus de
lui, viennent à l'appui de sa thèse.
Pour lui, une alliance entre Carausius et les pirates n'est
qu'une conjecture, qu'il juge plausible à partir du texte d'Eutrope. Or
les panégyriques la dénoncent nettement : Carausius avait des
alliés barbares, en particulier des Frisons99. Cela dit, cette
amitié ne devait pas aller très loin. Nous avons de lui des
monnaies qui le glorifient comme vainqueur des Germains. Elles portent les
légendes suivantes :
VICTORIA GERM
GERMANICVS MAX V
VICTOR' CARAUSI
accompagnées d'un trophée entre deux
captifsl°°.
On possède par ailleurs quelques textes qui montrent, aux
alentours de l'an 400 -
97 G. Kurth, 1895 - La Frontière Linguistique en
Belgique et dans le Nord de la France p. 530-537. A cette se rattache
celle de I. Taylor : voir plus bas, p. 33.
98 C'est un peu vrai si l'on restreint l'examen aux villages en
-thun. L'impression disparaît si on leur ajoute les toponymes en
-brique et en -inghem.
99 Panégyrique de Constantin V, ,p. 163 ;
Panégyrique de Constance VII, p. 135 et 136. Voir plus haut,
p.
4.
100 P. Webb, 1907 - The reign and coinage of
Carausius.
30
époque de la Notitia Dignitatum - le pays
morin occupé par des Barbares. Il s'agit de deux lettres. L'une est de
Saint Paulin de Nole qui, écrivant en 399 à Saint Victrice de
Rouen, le félicite d'avoir converti la terre des Morins, que seuls
peuplaient "des étrangers barbares et des indigènes
brigands"i01. L'autre est de Saint Jérôme à une
jeune veuve ("de Monogamia", 409) : énumérant des
peuples barbares qui occupent la Gaule, il cite les Saxons ; et, quelques
lignes plus loin, évoque la Morinie parmi les ci-
tés "devenues gel tuniques"102. On peut imaginer que la
décision administrative
ayant un jour démembré la
civitas Morinorum, pour en détacher la civitas
Bononien-sium (ex pagus bononiensis)103, n'a pas
intéressé outre mesure Saint Paulin et Saint Jérôme
: quand ils parlent de la Morinie, c'est probablement de la région toute
entière. Plus précis, le texte de Saint Jérôme est
pourtant le moins informatif. Il se place en effet après le passage du
Rhin par la grande invasion du 31 décembre 406: dorénavant, il y
avait des Barbares un peu partout en Gaule. Notons toutefois que les Francs
n'avaient pas pris part à ladite grande invasion. Ils étaient, en
effet, chargés de garder la frontière du Rhin, et c'est à
leur corps défendant que les autres tribus germaniques avaient
traversé le fleuve. Les Francs, qu'on croit partis des îles
zélandaises, occupaient à la fin du IVème siècle la
région de l'embouchure du Rhin et le nord-est du cours inférieur
de l'Escaut : cela à la suite d'un accord conclu en 358 avec l'empereur
Julien. C'est après la grande invasion de 406 qu'on les voit franchir
l'Escaut et remonter la Lys jusqu'à Courtrai, pour atteindre Cambrai
vers 430. Ils sont arrivés trop tard pour être les Barbares
germains que Saint Paulin signale en Morinie. Cela dit, on ne voit pas pourquoi
Saint Paulin aurait éprouvé le besoin de faire l'allusion
précitée si elle avait été pure imagination. M. de
Moreaul0} a développé l'idée que cet écrivain
était très au courant des faits et gestes de Saint Victrice, et
qu'il avait à ses côtés, lorsqu'il rédigea sa
lettre, deux clercs venus de Rouen.
Il y avait sûrement des Germains dans la région
dès le IVème siècle : mais lesquels ? Sans parler du
"Marcae" évoqué à la fin du siècle par la
Notitia Dignitatum, on a signalé à Uzelot (hameau de
Leulinghen ; Boulogne, Marquise) un collier d'aspect tout à fait
germanique (cf. plus haut, p. 22 "Archéologie
funéraire"). Il se compose de 42 perles de verre, 9 d'ambre et 10
pièces de monnaie. Ces dernières, en bronze, sont à
l'effigie de Constantin (306 à 337), de Constance II (337 à 361)
et de Crispus (César de 317 à 326).
101 Sancti Paulini Nolani episcopi epistola XVIII,
colonne 239, t. 61 de la Patrologie : Ita est nunc in terra Morinorum,
situ orbis extrema, quam barbaris fluctibus fremens tondit Oceanus... ubi
quondam deserta sil-varum ac littorum punter intuta advenue barbari aut
latrones incolae frequentabant, nunc venerabiles et angelici sanctorum
chori..."
102 Sancti Eusebii Hieronymi epistola CXXIII; Patrologie
t. 22, colonnes 1057 et 1058 : "innumerabiles et ferocissimae nationes
universas Gallias occuparunt. Quidquid inter Alpes et Pyrenaeum est, quod
Oceano et Rheno incl ulitur, Quadus, Vandalus, Sarmata, Halani, Saxones,
Burgundiones, Alamani... Vangiones longa ob-sidione deleti.. Remum urbs
praepotens, Ambiani, Atrebatae, extremi hominum Morini, Tornacus, Nemetae,
Argentoratus, translatae in Germanium".
103 Cf. plus haut, note 16.
104 E. de Moreau, 1926 - Saint Victrice de Rouen,
apôtre de la Belgica Secunda.
31
Je viens d'indiquer des faits qui viennent à l'appui de
la thèse de G. Kurth. D'un autre côtés, on peut-être
assuré que si Carausius avaient installé des Barbares saxons dans
les environs de Boulogne, les panégyriques n'auraient sans doute pas
manqué de les dénoncer, au lieu d'aller chercher ses
alliés jusque en Frise. Quant à la répartition des
villages en -thun en deux rangées concentriques autour de
Boulogne, j'ai indiqué plus haut la raison pour laquelle je crois que
c'est une illusion d'optique. Ajoutons que la transformation sémantique
qui a affecté le mot thun en vieil-anglais paraît assez
tardive, ne pouvant guère être antérieure au VIème
siècle (plus bas, p. 33. Les Saxons auraient donc observé pendant
près de trois sièdes les emplacements attribués par
Carausius ?
B. Théorie de l'étape, ou de T. Hoops.
Défendu par plusieurs auteurslc , elle a
été notamment défendue par J. Hoops'°, lequel a
découvert les phénomènes philologiques sur lesquels elle
repose. Il y a, dit-il, dans l'anglo-saxon d'Angleterre, un certain
nombre de mots d'origine latine qui désignent des objets d'usage
courant, et dont la phonétique dénonce un emprunt très
ancien, antérieur à l'invasion de la grande île. Ce sont,
par exemple, biscop, stroet, persoc (pêche), cealc
(chaux). De tels mots paraissent nécessiter, pour passer d'une
langue dans une autre, plus que de simples relations commerciales, mais une vie
côte à côte pendant un certain temps. Ils se retrouvent dans
d'autres langues germaniques, ce qui suppose, un temps d'emprunt commun. Pour
J. Hoops, ce terrain d'emprunt ne pouvant avoir été le Slesvig,
il faut chercher ailleurs. Sur la foi du témoignage de Zo-zime'°',
il le place sur le Rhin inférieur. Les auteurs qui ont adopté son
point de vue y verraient une bande côtière allant de l'embouchure
du Rhin à celle de la Canche, avec un maximum de densité dans le
Boulonnais.
F. Lote et J. Mansions' ont montré que ces arguments
sont bien moins solides qu'ils n'y paraissent. Les phénomènes
phonétiques latins sur lesquels s'appuie Hoopsll° sont mal
datés, et peuvent n'être pas antérieurs au Vlème
siècle. Il n'y aurait que 4 termes qui aient résisté
à cette contre-épreuve philologique. Ce sont walnut
(noyer) qui pourrait s'expliquer par des relations commerciales ;
soeterdaeg (latin : sabbati dies), assimilation qui peut
avoir été faite par un missionnaire érudit aussi bien en
Allemagne qu'en Grande-Bretagne ; enfin cleofa ( latin : cubile)
et miltestre (mere-trix), qui ne sont d'ailleurs employés
que pour rendre des passages de la Bible. Un long contact avec la culture
latine ne serait attesté que par les mots signifiant
105 0. Bremer - Ethnographie der germanischen Stiimme;
M. Schônfeldt - Historische Grammatika van bet
Nederlands
106 J. Hoops - Waldbkume und Kulturpflanzen in germanischen
Altertum.
107 Zozime, Histoires III, 5 à 8. Il raconte
que les Saxons chassèrent les Francs de l'île des Bataves et
furent soumis par Julien. Mais on sait le peu de créance que
mérite cet auteur : dans un passage voisin, il confoncd les Saxonx avec
les Quades.
108 J. Mansion - Le problème saxon.
109 F. Lot - Les migrations saxonnes en Gaule et en
Grande-Bretagne
110 Maintien de la tenue latine intervocale, de l'i bref, du
c dur devant voyelle
32
"chambre" et "prostituée" ?
On aurait sans doute tort de voir les Saxons se transportant
en bloc d'un endroit défini à un autre endroit défini. Il
suffit qu'un petit groupe d'émigrants soit venu de régions
romanisées ; ou que de jeunes Saxons aient servi dans l'armée
romaine11. Parmi les pirates germains qui ont conquis l'Angleterre, il pouvait
y avoir des gens venus de régions autres que celles où l'on
parlait "englisc" (l'ancêtre du vieil-anglais). On n'a pas le droit,
écrit J. Mansion, de conclure d'une unité politique ou
ethnographique à une unité de langage'l2.
Cette théorie de l'étape laisse donc à
désirer. Rien n'oblige à croire que ceux que les Romains
appelaient "Saxons" (l'ensemble de pirates germains, qu'ils soient Angles,
Jutes ou " Saxons" sensu stricto) n'étaient pas venus
directement en Angleterre en venant d'Allemagne du Nord et du Slesvig. Quant
à ceux qui vinrent un jour s'établir en Boulonnais et y fonder
des villages en -incthun, on est sûr que la plupart d'entre eux
parlaient "l'englisc" : le vieil-anglais.
2. Arrivée tardive.
A la différence des partisans d'une arrivée
ancienne, lesquels sont en désaccord sur le lieu d'origine de la
migration, ceux qui croient à une arrivée tardive la voient tous
venir d'Angleterre : il s'agirait donc d'une très ancienne invasion
anglaise en France. Cette théorie a été soutenue
principalement par deux auteurs, I. Taylor et H. Ehmer, qui s'appuient sur des
arguments très différents.
A. Théorie de Ta Ior113
Sa thèse est assez étrange, car tandis qu'il
retarde l'occupation saxonne du Boulonnais, il recule le plus possible celle de
l'invasion de l'Angleterre, remontant presque jusque à César. Ses
arguments auraient donc pu servir indirectement à des auteurs tels que
G. Kurth. Nombreux, ces arguments ne sont pourtant guère probants. Il
avait, par exemple, découvert des Parisoi ("Parisoi") au
Ilème siècle dans le Yorkshire, dans le district de Holderness
(au nord de la Humber) ; il veut y voir des "Frisii", p aspiré
valant f La plupart des autres auteurs, y reconnaissent une fraction
de la tribu celtique des Parish, installée par ailleurs en
Ile-de-France (Parisii a donné Paris, étant
accentué sur le premier i, de même que Parisoi). Une semblable
division géographique pour un groupe celtique n'est pas un fait
isolé : avant d'apparaître en Gaule Cisalpine, les "Boii"
avaient donné leurs nom à la Bohême ; les
Atrébates, qui ont donné le leur à l'Artois, occupaient
aussi le nord-est du Wessex ; les Ménapiens
111 Ehmer - Scichsische Siedlungen.
112 J. Mansion, op. cit. p. 13. Il illustre cet axiome
de l'exemple frappant des Francs, dont les uns utilisaient un ancêtre du
bas-allemand et du néerlandais, tandis que d'autres parlaient vieux
haut-allemand. Le cas des "Saxons" est aussi probant, quoique en sens inverse :
ont été appelés de ce nom, aussi bien des populations
bas-allemandes (les "Saxons" soumis par Charlemagne) que des tribus parlant
vieil-anglais.
113 I. Taylor, 1882 - Words and Places, or Etymological
illustration of History.
33
sont connus en Flandre et en friande, et les Tectosages
à la fois dans les Cévennes et dans la partie "galate" (=
gauloise) de l'Asie Mineure.
I. Taylor conjecture que les pirates saxons se seraient
installés dans le Boulonnais parce que Carausius les auraient
empêchés de continuer à envahir la Grande-Bretagne. Pi
appuie son raisonnement sur l'absence, dans la région boulonnaise, de
noms en -ing, logiquement plus anciens que les noms en -incthun,
alors qu'ils sont assez fréquents en Angleterre (cf.
Hastings, Dorking...). Cette assertion repose sur une erreur. Le suffixe
-ing apparaît en effet dans plusieurs noms de notre
région, tels que Affringues (Saint-Omer, Lumbres), Autingue - proche de
Landrethun-lès-Ardres, etc. (on en trouvera la liste dans le chapitre
qui suit). Par ailleurs, je ne vois pas pourquoi les noms en -ing
doivent être forcément plus anciens que les noms en
-ing-thun.
Si j'ai évoqué cette théorie, ce n'est
pas pour sa solidité, mais plutôt pour l'influence qu'elle a
exercé sur d'autres auteurs. Autrement sérieuse me paraît
celle de H. Ehmer.
B. Théorie d'Ehmer114 ; la
"métaphonie en i", et les toponymes en
-ingue
Comme la théorie de Hoops, celle d'Ehmer repose sur un
phénomène philologique ; avec toutefois cette différence
que la sienne parait solide. Les noms saxons en -ing-tùn ne
peuvent être antérieurs au Vlème siècle, dit-il,
tant en France qu'en Angleterre, pour la raison suivante.
Ces toponymes sont formés par la juxtaposition de ce
suffixe composé à un nom d'homme, avec un sens voisin de "le tan
du clan N". Ces noms propres sont pour la plupart reconnaissables, car on
connaît assez bien l'onomastique des Saxons. Ces derniers, en particulier
ceux du Wessex, ont écrit en effet très tôt dans leur
langue. Suivis du i du suffixe, ces noms d'homme doivent avoir subi la
métaphonie en ins (voir plus haut p. 10), à moins
qu'ils ne soient postérieurs à cette évolution
phonétique. Or cette transformation cessa son action à une date
que l'on peut fixer, avec une assez bonne approximation, au voisinage de la fin
du Vlème siècle116. Ce fait est à rapprocher de
l'époque de l'invasion de la Grande-Bretagne par les Angles, les Jutes
et les Saxons., invasion dont Bède la Vénérable rapporte
qu'elle prit place à partir de 449 sous la direction des frères
Hengist et Horsam.
114 H. Ehmer, 1937 - Die sachsische Siedlungen auf dem
franziisischen "littus saxonicum"
115 Transformation vocalique des syllabes suivies d'un i ou d'un
yod. Voir plus haut, p. 12.
116 Les philologues se divisent sur cette question, les uns
optant pour le début du Vième siècle, d'autres pour le
début du VIIème. Karl Luick, dans sa monumentale Historische
Grammatik der en-glischen Sprache, la place "dans le courant du
VIème siècle et plutôt dans sa première
moitié" Il est certain qu'elle est postérieure à la
conquête de la Grande-Bretagne par des populations qui parlaient
"englisc". En effet, le fleuve Sabrina devint Saefern
(aujourd'hui Severn), Cantiis devint Cent puis Kent; en
sens inverse, on sait qu'un des chefs de la conquête s'appelait Hangist :
plus récent, il se serait appelé Hengest.
117 Bède le Vénérable. Historia
ecclasiastica gentis anglorum. On trouve, paraît-il, la même
information dans une "Chronique anglo-saxonne", rédigée
par des mains anonymes au plus tôt au VIIIe siècle
34
Les noms en -ing-tùn ont-ils subi la
métaphonie en i ? Ehmer examine successivement ceux de France
et d'Angleterre. En France, sur 36 toponymes examinés, 10 ne sauraient
l'avoir, n'ayant que le suffixe simple -thunu18. Mais 19 ne la
montrent pas, et 7 l'ont peut-être mais peuvent s'expliquer sans elle. Ce
sont, selon Ehmer :
Sans métaphonie :
1 et 2. Audrethun et Audincthun : de Alda
3. Baincthun : de Baga
4. et 5. Colincthun et Connincthun : de Cola
6. Florincthun : de Florus
7. Godincthun : de Goda
8. Hardenthun : de Heard
9. Honnincthun : de Huna
10 et 11. Les deux Landrethun : de Landric
12. Olincthun : de 011a
13. Todincthun : de Tota
14. Tourlincthun : d'un abrégé de Tourlahom ?
15, 16 et 17. Wadenthun, Waincthun et Warincthun (de Wada -
peut-être, selon moi, de Waga pour Waincthun et de Wara pour
Warincthun)
18. Auquel s'ajoute Tardincthun, de radical inconnu, mais qui
ne semble pas avoir subi la métaphonie, sa voyelle étant
gutturale. Pourrait venir de Tardo, d'après de Loisne119
Douteux :
1 et 2. Alenthun (Ellingatum, Allingatum 1084), et Alincthun : de
Alla ou Aella 3. Guipthun : de Guba ; mais Cubbingetum 1103
4 et 5. Paincthun et Pélincthun : de Panno ou Falla ;
mais Panningatum 1118 et Panniga-turn 1112
6. Terlincthun (Telingetum 1208) : de Talla.., ou de Tella
7. Verlincthun (Verlingtun 1173) : origine inconnue,
peut-être une abréviation "Wern" de Wernbeald ou Wernbeorht ;
sinon Waer + suffixe.
En Angleterre, sur 131 toponymes examinés, 110 ne
montrent pas de métaphonie en i (dont 58 sûrement pas),
et 19 seulement l'admettent, mais peuvent s'expliquer sans elle. Les
proportions sont donc les mêmes qu'en France. En conséquence, tant
en France qu'en Angleterre les noms en -ing-tun sont
postérieurs à ce phénomène phonétique,
quoiqu'on puisse admettre que les plus anciens en soient contemporains. Ils ne
sont donc pas antérieurs au Vlème siècle, et l'on peut
même admettre que la majorité en date du VIIème
siècle, voire du VILIème.
Ehmer a fait subir une contre-épreuve aux noms anglais
en -ing, considérés comme étant plus anciens.
Effectivement, sur 42 noms examinés de l'autre côté de la
Manche, il n'y en a que 9 qui n'aient sûrement pas subi la
métaphonie en i : 1/5 au lieu de 1/ 2 pour les noms en
-ing-ticn - alors qu'une dizaine la présentent "avec une grande
certitude". Il n'a pas fait la même recherche sur les noms en -ingue
de ce côté-ci du Pas-de-Calais ; peut-être ignorait-il
leur existence. Personnellement, sur 16 noms en -ingue dans la
région du maximum de densité des noms en -thun, j'en
ai
118 Baudrethun, Fauquethun, Fréthun, Offrethun,
Raventhun, Rocthun, Semblethun, Sombrethun, Witrethun, Zeltun.
119 A. de Loisne - La colonisation saxonne du Boulonnais
,p. 10
35
trouvé 6 qui ne la présentent sûrement
pas, 2 qui peuvent effectivement l'avoir subie, et 8 incertains. Il est vrai
que les résultats peuvent -être tant soit peu faussés par
la présence de noms flamands en -ingue (cf. Poperinge en
Belgique, Flessingue aux Pays-Bas). Les voici ci-dessous :
Liste des toponymes en -ingue Apparemment sans
métaphonie :
1. Affringues (Saint-Omer, Lumbres) - Hafferdinges
1182 et Arfrenges 1186 : de Arfra, Aerfre
2. Aingues, lieudit du Portel (Boulogne, Le Portel) -
Aingues 1389
3. Autingues (Saint-Orner, Ardres) - Altenges 1084,
Altinges 1122 : de Atta
4. Bonningues-lès-Ardres (Saint-Orner, Ardres) -
Bovengia 1069, Boninges 1084: de Beova ou Beonna
5. Bonningues-lès-Calais (Calais, Calais Nord-Ouest) -
Bonigues 1153, Boninghes 1084 : comme le
précédent
6. Haffreingue : écart de Saint-Etienne au Mont
(Boulogne, Samer) - Hafrengues 1231 : cf. n° 1.
6. Hazuingue : fief à Réty (Boulogne, Marquise)
- Asewinche 1157, Hasewinkel 1286, Has-sengues
XVème siècle
7. Hollingues : fief à Nordausques (Saint-Orner, Ardres)
- Hollinghes 1452
8. Noir-Bonningue : fief à Bazinghen (Boulogne,
Marquise) - Nort-bonningues XIIlème siècle
9. Rabodinghes : fief, à Wisques (Saint-Omer, Lumbres)
- Rabodenghes 1370... Raboudin-ghes 1456
10. Rabondingue : fief, à Zudausques (Saint-Orner,
Lumbres) - pas de forme ancienne 11 La Wambringue : hameau d'Audembert
(Boulogne, Marquise) - La Wameringue 1709
Pouvant avoir subi la métaphonie :
1. Beussingue : écart de Peuplingues (Calais, Calais
Nord-Ouest). De Bosa ? On pourrait considérer ce toponyme comme ayant
sûrement subi la métaphonie, si son ancienne forme Bissingehem
(1084) n'était explicable par Bisi. Cependant, il n'est pas facile
d'expliquer la transformation de Bissingehem en Beussingue en picard.
2. Leulingue : hameau de Saint-Tricat (Calais, Calais
Nord-Ouest). Leulingue 1584. De Lul, Love!.
? Peuplingues : voir ci-dessous
Incertains :
1. Aubingue : fief à Wimille (Boulogne, Boulogne
Nord-Est) - Hoilbinghes 1480
2. Audingue : ferme à Bazinghen (Boulogne, Marquise) -
pas de forme ancienne
3. Gontardinghes : ancien nom de Pontardennes ou
Gondardennes, hameau de Wizernes (Saint-Omer, Saint-Orner Sud) - Guntardinges
1227, Gontardinghes 1399
4. Herquelingue : hameau d'Isques (Boulogne, Samer), distinct
du précédent - Hel-keninges 1208 : de Hereca
5. Peuplingues : fief à Outreau (Boulogne, Outreau) ;
Le son ce peut venir de o par méta-phonie, mais je n'ai
trouvé aucun nom saxon qui corresponde.
6. Peuplingues (Calais, Calais Nord-Ouest). Ce Peuplingues-ci
- le plus important des deux - a commencé par s'appeler Peuplinghem (6
textes entre 1069 et 1179). Il n'est "Peu-plingues" que depuis 1254, aussi
vaut-il sans doute ne pas le retenir.
7. Poulaingue : fief à Zutkerque (Saint-Omer,
Audruicq)
8. Questelingues : lieudit d'Outreau (Boulogne, Outreau)
9. Rebertingue : hameau de Réty (Boulogne, Marquise) -
Rumertenges 1286, Robertengue 1492
10.
36
Relingues : fief à Delettes (Saint-Omer, Lumbres)
11. Relingues : fief à Lillers (Béthune,
Lillers) - Relengue 1298, Relenghe XIIIème siècle, et Relingue
1660
12. Sevelingues : hameau d'Essart (Béthune,
Béthune Est)) - Seveleng 1152, Sevelenges 1354
13 Wilbedingue : hameau de Wavrans-sur-l'Aa (Saint-Orner,
Lumbres) - Hilbudemghen 1119, Hebeldingehen 1157,
Wilbodinges 1175
14. Wulverdinghe (dépt. du Nord ; Dunkerque, Bourbourg
: à une douzaine de kilomètres au nord de Saint-Omer)
- j'exclue Hermeringues/Hermerangue (hameau d'Isques ;
Boulogne ; Samer) à cause de l'hésitation sur sa finale -
Hermerenges 1112, Hermarenghes 1199. A vrai dire, il pourrait
éventuellement s'expliquer par Haram métaphonisé si ce
prénom, dans les textes vieil-anglais, n'était toujours
porté par des Scandinaves
De ces considérations philologiques, Ehmer tire la
conclusion suivante : puisque la colonie saxonne du Boulonnais nous est connue
par les noms en -incthun, et comme ceux-ci sont postérieurs au
début du Vlème siècle, l'invasion saxonne ne peut
être antérieure à cette date.
Pour bien saisir le sens de ce raisonnement, il faut bien voir
qu'Ehmer n'envisage que deux théories ; celle de Hoops qu'il veut
réfuter (invasion venue du Pas-de-Calais vers la Grande-Bretagne) et
l'inverse, qui devient sa propre théorie : invasion venue de la
Grande-Bretagne en direction du littoral boulonnais. A priori, écrit-il,
avant toute recherche phonétique, trois cas étaient à
envisager :
1) Les noms des villages français en -incthun
avaient subi la métaphonie en i. Alors la théorie
de Hoops était admissible, ces villages ayant pu avoir été
fondés avant l'invasion saxonne en Grande-Bretagne.
2) Les noms français ne la montraient pas, mais les
noms anglais la montraient. Il était possible alors que les
localités françaises aient été fondées avant
l'invasion et la métaphonie, leurs homologues anglaises après.
Même conclusion que précédemment.
3) Ni les unes ni les autres ne présentaient la
métaphonie. La formation en -ing-tùn est donc
spécifiquement anglo-saxonne et insulaire, puisque postérieure
à l'invasion. Si donc on trouve en France des noms de lieux en
-incthun, ils ne peuvent avoir été apportés que
par une invasion anglaise, en provenance de la grande île,
invasion très ancienne puisque antérieure à la
métaphonie en i.
Ehmer a cherché d'autres témoignages. Il pense
en avoir trouvé un dans un texte de Procope, dont à vrai dire il
ne conteste pas le peu de valeur dans l'absolu, mais qu'il juge
intéressant de comparer à ses résultats philologiques.
Dans ce texte, Procope fait mention de migrations d'Angles, de Frisons et de
Bretons, en provenance de la grande Ile et venant s'installer chez les Francs,
avec la permission de ceux-ci, dans les terres les plus désertes... Il
ajoute que, chaque année, le roi franc, "par respect",
120 Procope -"YITEp TWV TtOXE1.AWV, t. VIII, 20. " BpLTTLIXv 5E
TnV vricrov EBvn TpLIX
TTOXUO(VBpwTTOTOETIX, paCTIXEUÇ TE EIS IXUTWV EKO(OTW
E(pEOTrjKE. KIXL OV0pOrra KELTIXI TOIS E8VE01 TOUTOLÇ AyytXOU TE I(IXL
(bpLO'0'OVES KOU 01. Tri Vri6W OI.IWVUtAOL BpITTOVES. TOOEO(UTrj SE r) TWVSE
TWV eerjwv TTOXuavepWTTLO( (P XLVETIXLODUIX WOEE 0(VIX TTIXV ETOS KIXTIX
TTOXXOU[ EOî9EV8e I.IETIXNLOTO(IIEVOL C,UV
37
envoie quelques Angles à l'empereur Justinien, avec
quelques uns de ses antrustions.
Quant aux témoignages, il n'en voit pas un seul pour
lesquels on puisse affirmer une antiquité très haute ; il est
d'ailleurs facile, dit-il, de s'appuyer sur le type kantien de la broche
d'Hardenthun pour étayer l'hypothèse d'une invasion venue
d'Angleterre.
Toutefois, si ses résultats philologiques
paraissent très solides, ses condusions le sont moins. Il lui
paraît aller de soi qu'une innovation linguistique survenue d'un des deux
côtés du Pas-de-Calais ne puisse avoir eu lieu pareillement de
l'autre côté du détroit : celui-ci serait un obstade, non
un lien ; or on sait que la mer unit autant qu'elle sépare. Trente-et-un
kilomètres de détroit auraient donc suffi, selon Ehmer, à
assurer une coupure linguistique entre les Anglo-saxons d'Angleterre et ceux de
France, alors qu'en Grande-Bretagne, entre le Kent et le Northumberland, six
cent kilomètres n'y ont pas suffi ? Durant toute l'antiquité, les
Saxons sont considérés comme un peuple qui vit sur l'eau (cf.
plus haut, p. 8, le portrait qu'en trace Sidoine Apollinaire). C'est cette
précondition, nécessaire à la théorie d'Ehmer, qui
ne me paraît pas s'imposer de façon absolue. Pourquoi une
innovation linguistique survenue d'un côté du détroit ne
pourrait-elle, en aucun cas, être apparue en même temps de l'autre
côté ?
Nous avons vu plus haut (p18) qu'il existe dans les noms de
lieux en -brique (qu'Ehmer n'avait d'ailleurs pas
repérés) au moins un cas de métaphonie en i
(Estiembrique ; et peut-être Dyébrighes) . Si je ne me suis
pas trompé dans mon analyse desdits noms en -brique, elle vient
contredire ce que notre auteur avait tiré des noms en
-ing-tùn. Ce qui me paraît le plus probable, c'est que
:
1) Des deux côtés du détroit, les noms en
-ing-tùn sont tardifs et, pour la plupart sinon tous,
postérieurs à la métaphonie en i.
2) Ladite métaphonie est intervenue, aux environs du
Vlème siècle, des deux côtés du Pas-de-Calais. Le
plus vraisemblable est qu'elle soit intervenue de façon
simultanée en Boulonnais et dans le Kent ; mais un léger
décalage ne me gênerait pas.
Même si nous acceptions l'hypothèse de Kurth
selon laquelle des Saxons se seraient installés dans notre région
à la fin du Vème siècle, d'autres Saxons occupant plus
tard l'Angleterre, on peut admettre que chez ces deux peuples de même
langue et se faisant face, l'évolution linguistique ait
été parallèle, et que la création de noms en
-ing-tùn y soit apparue pareillement. Je ne crois pas que l'on
puisse utiliser l'argument philologique pour établir l'origine de
l'invasion saxonne.
Quant au texte de Procope, il prête le flanc à
bien des critiques. Cet auteur affectionne les jolies histoires, sans accorder
grande importance à leur authenticité. Il a suffi qu'il ait eu
vent de l'existence de colonies saxonnes en pays franc (Nantes,
yUVIXI I KIXl TIIXIOIV ES OpayyOUÇ KWPOUOIV. OI SE 0(UTOUS
EVOIKICO0O1V ES ynç Tns vc)ETEPIXÇ TfV EPf pOTEP0(V SOKOOTOEV
EIVIXI, KIXl IXTt'IXUTOU T f V V fO'OV lTpOOTCOlElaeal (Da6IV"
38
Bayeux, Boulogne), pour qu'il ait pu l'expliquer de cette
façon ; les migrations frisonnes qu'il évoque ne correspondent
à rien qui soit connu par ailleurs ; quant à celles des Bretons,
personne ne soutiendra qu'elles ont pris place avec la permission des Francs.
Ajoutons que, ni le Bessin ni le Boulonnais ne sont des terres
déshéritées : il aurait donc fallu que les habitants de
ces deux régions aient été auparavant massacrés, ce
qui commence à faire beaucoup de conjectures. A la "polyanthropie"
manifestée en Grande-Bretagne (c'est le termes qu'utilise Procope)
aurait donc fait pendant une oliganthropie sur le continent ? On ne voit pas
trop pourquoi.
L'argument archéologique concernant la broche
d'Hardenthun n'est pas beaucoup plus solide. Ce bijou peut être un
vestige d'une invasion kantienne en Boulonnais, comme il peut tout aussi bien
refléter l'intensité d'anciennes communications de part et
d'autre du détroit.
Enfin, la théorie d'Ehmer présente le
défaut sérieux de séparer la colonie saxonne du Boulonnais
de celles de Nantes et de Normandie, connues l'une et l'autre dès le
milieu du Vème siècle. Dans ceux de l'embouchure de la Loire
Ehmer voit de simples bases de pirates, et non des établissements
d'agriculteurs installés là avec femmes et enfants. Il a
probablement tort, puisque on les y trouve encore à la fin du
Vlème siècle, le poète Fortunat évoquant leur
conversion au christianisme par l'évêque de Nantes (voir plus
haut, p. 8-9). H. Ehmer ignorait ce texte.
En ce qui concerne les Saxons de Bayeux, Ehmer ne sait s'il
faut les assimiler à ceux de Boulogne ou à ceux de Nantes. Il y a
pourtant près de Bayeux trois noms en -tun, mais tous trois ont
la même forme, "Cottun" et l'on n'y rencontre pas -incthun. On y
trouve aussi des noms en -brique, le plus souvent d'ailleurs en
composition du type "Bricquebec" (voir plus haut, chap. II, 1, B, p.14), mais
Ehmer ne les avait pas repérés. Le tout, joint au texte
de Grégoire de Tours (cf. plus haut, p. 9) laisse supposer une assez
forte densité. En dépit de l'absence de noms en -incthun,
le plus vraisemblable me parait d'atLtibuer des dates comparables à
l'arrivée des Saxons, tant en Bessin et dans les environs de Nantes ou
de Boulogne ; la principale particularité de cette dernière
région ayant été d'y voir la colonie saxonne
persister plus longtemps qu'ailleurs, en union sans doute plus étroite
avec l'Angleterre, et ayant perduré jusqu'à l'époque de la
formation des noms en -incthun.
De toutes les théories qui ont été
proposées, celle d'Ehmer est la plus solidement étayée et
la plus scientifiquement construite ; elle ne me satisfait pourtant pas.
Mais alors, d'où sont venus les Saxons du Boulonnais, et
à quelle époque ?
2. Essai de solution.
Malgré sa modestie, ce titre est encore trop hardi.
Avec les sources dont nous disposons actuellement, cette question ne peut pas
recevoir de réponse certaine, ni même très vraisemblable.
Néanmoins, nous possédons quelques éléments qui
39
peimettent d'envisager un certain nombre de
possibilités.
A. Lieu d'origine.
Sur le lieu d'origine, trois hypothèses sont en
présence : invasion venue d'Angleterre, migration arrivée par
terre d'Allemagne du Nord (théorie de l'étape), et enfin
occupation du Boulonnais par des marins "saxons" en même temps qu'ils
s'installaient en Grande-Bretagne (voire un peu avant). Aucune de ces trois
conjectures ne peut être rejetée à coup sûr. Les deux
premières, toutefois, manquent d'arguments vraiment solides. Ehmer,
après Lot et Mansion, a fait justice de la théorie de
l'étape, mais malgré ses efforts n'a pas pu établir sur
des bases bien assurées celle de l'invasion anglaise.
Reste la troisième hypothèse qui, à
défaut d'argument dirimant, a l'avantage d'être la plus
vraisemblable a priori. Qu'un peuple qu'on nous décrit comme
essentiellement marin ait commencé par arriver par voie de terre des
côtes du Jutland à celles du Boulonnais, cela paraît quand
même bizarre. Occupés comme on sait, avec bien des
difficultés, à vaincre la résistance des populations
brittoniquesl2l, qu'ils aient dispersé leurs efforts en
expédiant tardivement un rameau occuper le Boulonnais, n'est-ce pas
curieux ? S'il est permis d'assimiler les Chauques au Saxons (voir plus haut
chap. I, 1), on voit, depuis le premier siècle de notre ère,
l'Allemagne du Nord et le Jutland nourrir des populations qui s'adonnent
à la piraterie. Ces navigateurs ne se bornent pas à infester
l'Océan, ils pillent les côtes, remontent les fleuves, cela, nous
dit-on, plus encore en Gaule qu'en Grande-Bretagne. N'est-il pas vraisemblable
qu'ils aient installé quand ils le pouvaient des bases, des relais -
à l'image de ce que feront les Normands près de mille ans plus
tard. A la faveur des circonstances, certains de ces relais ont pu se muer
progressivement en colonies, plus ou moins éphémères, mais
pouvant parfois devenir de vrais centres de peuplement. Ce que je viens
d'exposer est un peu plus qu'une conjecture : nous assistons sur le vif
à ce processus dans le cas de la colonie saxonne des Îles de la
Loire : vers 465 ils attaquent Angers, un siècle plus tard ils se
convertissent au christianisme.
Si seule la Grande-Bretagne est devenue - en partie -
l'Angleterre, c'est sans doute par suite de causes indépendantes, au
premier rang desquelles l'absence d'autres envahisseurs germaniques. Les
Anglo-Saxons n'ont pas conquis la Grande-Bretagne en une seule bataille, comme
le fit plus tard Guillaume de Normandie. ils arrivèrent en petits
groupes au cours d'un siècle, non pas "vers l'Angleterre", mais vers les
terres bonnes à prendre plus loin en mer. Boulogne, Bayeux, Nantes
répondaient à leurs desiderata aussi bien que l'archipel
britannique. Reste à savoir à quelle époque.
B. L'arrivée des Saxons
Si l'on admet l'hypothèse formulée ci-dessus, on
est amené à envisager que la ré-
121 Rappelons qu'un siècle après le début
de l'invasion, ils n'avaient pas encore dépassé une ligne allant
de l'embouchure de la Tweed à Salisbury (plus haut, p.8-9)
40
gion boulonnaise a été conquise en même
temps que l'Angleterre. Des difficultés pourtant se présentent.
Bien qu'une tradition respectable propose une date précise, à
savoir 449 (ci-dessus,pp. 8 et 33, ainsi que la note 116), il est fort possible
que la conquête ait commencé petitement à une date plus
ancienne ; d'autre part, on sait que les différentes régions de
l'île n'ont pas été conquises en même temps. Par
ailleurs, certains indices pourraient faire conclure à une
antiquité plus grande pour le Boulonnais.
Rappelons que Notifia Dignitatum, rédigée aux
environs de l'an 400, parle d'un "rivage saxon" ("littus saxonicum ") -
expression qui n'est pas univoque - et y place "Marris", qui a un
nom germanique. Nous avons vu plus haut (chap. 29 III, 1, A, p. 29) qu'il
semble bien y avoir eu des Geintains dans notre région dès le
IVème siècle, et que ces derniers n'étaient pas des Francs
(voir plus loin « Epilogue »). Le Boulonnais aurait-il
été colonisé avant la grande île ? Pourquoi pas ?...
mais, d'un autre côté, pourquoi n'y aurait-il pas eu quelques
poignées de Germains en Angleterre bien avant Hengist et Horsa ? il y a
eu des auteurs pour le soutenir (cf. plus haut, chap. III, 1, B p. 31).
En sens inverse, associées à des bijoux d'allure
germanique, le cimetière de Ver-lincthun et d'Hardenthun ont
livré des monnaies assez tardives. Citons, à Verlinc-thun, un
triens particulièrement bien daté. A l'effigie de Julien
l'Ancien, (518 à 527), il porte au verso l'inscription :
VICTORIEAUGG
Plus d'un Auguste : cela suppose un Auguste associé ;
la chose est arrivée du 1er avril 527 au 1er août de la même
année, date de la mort de Justin. Ledit Auguste associé
était son neveu, le grand Justinien.
Encore plus récent, un triens du cimetière
d'Hardenthun porte l'inscription : CHAR.IVIVNDV
C'est le nom d'un monétaire de la seconde moitié du
VIlème siècle.
En résumé, mon hypothèse est que le
Boulonnais et ses environs immédiats ont vu - comme peut-être la
Grande-Bretagne - arriver quelques Anglo-Saxons dès l'époque du
Bas-Empire romain ; l'essentiel de la colonisation s'étant faite,
toutefois, au Vème siècle et peut-être encore au
début du VIème.
41
IV. Histoire des Saxons du Boulonnais
après l'invasion.
En l'absence de textes, l'existence de notre micro Angle-Terre
n'est avérée que de façon indirecte. Il est donc
difficile de reconstituer son histoire. Aussi ne peut-on guère faire
mieux que passer en revue les problèmes qui se posent, trop heureux de
pouvoir hasarder des hypothèses dans les cas les plus favorables.
1. Extension maximale.
Il
n'est pas certain que cette extension maximale coïncide
exactement avec celle de la répartition des noms en -thun :
nous avons vu que l'époque de la création de ces toponymes
est relativement tardive : on pourrait même admettre que la
majorité en date du VlIème siècle, voire du VIIIème
siècle (plus haut, p. 31). On ne peut donc exclure l'idée
qu'à cette date, la colonie saxonne ait déjà
dépassé son apogée. C'est un peu l'impression que donnent
les colonies de Nantes et de Bayeux ; il pourrait en être de même
de la nôtre.
Si l'on imagine que le suffixe -tun a
précédé dans le temps le suffixe composé
-ing-tun - ce qui n'est que plausible - il peut être
intéressant d'en observer la répartition (cartes n° 6
à 9). Un problème se pose toutefois en ce qui concerne six noms
terminés par "-inthun" ou "-enthun", sans la gutturale
c ou g: à savoir
Toponymes en -inthun ou -enthun
'
Albinthun - Albinthon ou Albincthon 1769"
Alenthun - Elingatum 1084, Allingatum 1119, mais Allantun
XVIIIème siècle)
Audenthun - Hodingentun 1200 mais Odenten 1401 ; à
nouveau Audincthun 1623-1634 puis Odinthun 1739
Hardenthun - Hardentuna 1208, Harlentun 1305
Raventhun - Raventum 1084, Raventun 1208, Ravetun
1340
Wadenthun - Wadingatun 1084 Wadingetuna
1208
Quatre d'entre eux présentent d'anciennes formes en
ing, avec toutefois un certain flottement pour Albinthun et Audenthun.
Doit-on les assimiler aux toponymes en -incthun ? Mais alors, comment
ont-ils pu perdre leur gutturale ? Il n'est pas défendu d'imaginer aussi
des particularités orthographiques, effets de scribes ayant subi la
contamination des noms en -incthun...
Un coup d'oeil sur les cartes n° 6 et 8 montre une petite
différence de répartition entre les noms en -thun seul
et ceux en -incthun seul : ces derniers sont plus occidentaux, ils
tendent davantage à se regrouper derrière la côte. Quant
aux noms en -in-thunl-enthun (cartes 7 et 9), ils tendraient, me
semble-t-il, à accompagner ceux en -thun seul plutôt que
ceux en -incthun. De toutes manières, ces différences
sont trop faibles pour que l'on puisse en tirer grand chose en ce qui concerne
l'histoire des
42
Saxons du Boulonnais.
D'un autre côté, rappelons que les noms en
-inghem peuvent être tous saxons. Très nombreux en
Angleterre, ils ne sont représentés en France que dans une petite
partie du territoire national, la plus voisine de la région boulonnaise,
de surcroît centrée sur l'aire de répartition des noms en
-thun. On observe une extension supérieure à celle de
ces derniers. Paradoxalement, la difficulté vient ici du très
grand nombre des noms en -inghem (cartes 14 et 16) : il vont si loin
qu'il devient difficile de les attribuer tous à la présence sur
place de colonies d'Anglo-Saxons. Celle-ci eût été si
vaste, qu'on a du mal à imaginer qu'elle ait pu autant prospérer,
sans qu'aucun texte n'en ait fait mention. Peut-être s'était-il
agi d'une simple influence, presque d'un effet de mode, sur des populations
franciques voisines ?
Quoiqu'il en soit, là où se rencontrent des noms
en -thun ou en -incthun, on trouve toujours dans leur
voisinage des noms en -inghem : cartes 16 et 17.
2. De quel groupe ethnique s'agit-il au juste Angles,
Jutes ou Saxons sensu stricto ?
Jusqu'à présent, nous n'avons pas essayé
de les distinguer, vu qu'ils parlaient à peu de chose près une
même langue : l'englisc, langue non écrite, ancêtre du
vieil-anglais, lequel nous est connu par quelques textes, notamment
l'épopée du Beowulf. Lors de la conquête de la
Grande-Bretagne, les trois peuples nommés plus haut se sont
partagé la grande île ; Bède le Vénérable
nous en précise la répartition.
Quid du Boulonnais ? Vu la proximité du Kent,
et les rapports étroits évoqués plus haut entre les deux
côtés du détroit (chap II, 3, A), on penserait
naturellement aux Jutes, puisque c'est à eux que Bède attribuait
le Kent.
Par ailleurs, des Angles semblent intervenir dans la
toponymie. Il existe en effet deux hameaux, dont l'un s'appelle "Inglebert" (Le
mont de l'Angle ?), et l'autre In-glinghem (Habitation du clan de l'Angle)ln
Cela dit, pour que l'on éprouve le besoin de remarquer la
nationalité de ces hameaux, il faudrait évidemment que la
population qui a procédé à ce baptême ait
été d'une autre origine : Jutes ? Francs ? - dans ce dernier cas,
ces hameaux auraient reçu leurs noms très tard, à une
époque où l'en-glisc était en train de disparaître.
On ne peut pas tirer grand chose de ces indices, sinon l'impression que les
Jutes (si c'est bien d'eux qu'il s'agit) n'étaient pas les seuls
Anglo-Saxons dans le Boulonnais.
En dépit de la communauté de langage existaient
cependant de menues différences dialectales. Par exemple, les Saxons, et
sans doute aussi les Jutes, brisaient l'a du verbe waldan (commander ;
allemand walten, anglais to wield), contrairement aux Angles
: ils en faisaient wealdan. Or ce verbe semble bien apparaître
en toponymie,
122 Le pays de l'Angle, dans le canton d'Audruicq au nord de
Saint-Omer, ne nous concerne pas. Il est appelé "Hooc" en
flamand (cf. néerlandais hoek : angle, crochet ; allemand Haken :
crochet) : "An-gulum quod dicitur Hoec" en 1242.
43
notamment dans "Dirlincthun" (Diorwaldingathun 865 ;
Calais, Guines), et aussi dans Vaudringhem (Vualdringahem 867 ;
Saint-Omer, Lumbres). On n'y constate pas de fracture : cela fait donc pencher
en faveur des Angles. Remarquons toutefois que le scribe audomarois,
écrivant en latin et pouvant très bien être de langue
maternelle francique, peut parfaitement n'avoir pas noté la fracture du
verbe wealdan, si même il l'avait entendue, ce qui n'est pas
sûr.
On voit que la question est difficile. On a un peu
l'impression d'un mélange - c'est peut-être, aussi, d'ailleurs, ce
qui se passait parfois en Angleterre. On ne connaît pas la valeur exacte
de la distinction établie jadis par Bède le
Vénérable.
3. Comment les envahisseurs ont-ils
pénétré la région?
La majorité des toponymes en -thun et
-incthun se regroupent dans la fosse boulonnaise, un petit nombre
escaladant au nord la cuesta. Un autre groupe, beaucoup moins dense, se
manifeste dans l'arrondissement de Saint-Omer, au voisinage de la Hem, de l'Aa
et de la haute Lys. Entre ces deux groupes s'étend une région
à peu près vide. Cela doit vouloir dire quelque chose, mais quoi
? On trouve, sur les plateaux crayeux, un certain nombre de lieux dits "Le
Wast" ou "La Wastine" (mot qui s'applique à des terrains
médiocres, voire incultes ou même inhabités). Est-ce
à dire que la colonisation saxonne tendit à éviter les
plateaux ? Peut-être, du moins en ce qui concerne les lieux d'habitation.
Cette impression s'atténue beaucoup si, aux noms en -thun, on
associe sur une même carte ceux en -brique et en -ness.
Elle disparaît tout à fait si l'on considère la
répartition de ceux en -inghem. Même si ces derniers ne
sont pas tous saxons, ils remontent en tous cas au Haut Moyen-Age, à une
époque où l'on parlait des langues germaniques dans la
région qui nous occupe. Il serait intéressant d'examiner,
toponyme par toponyme, comment se répartissent dans le relief les noms
germaniques (plutôt dans les vallées ?) et les noms romans
médiévaux (plutôt sur les plateaux ?). Ce serait un autre
travail. Pour se borner à la vallée d'un affluent de l'Aa, le
Bléquin, on trouve au voisinage de la rivière et de ses
tributaires les villages et les hameaux de Bléquin, Ledinghem,
Floyecques, Vaudringhem, Nielles, Laërt et Af-fringues : la plupart sont
germaniques, Floyecques et Nielles faisant exception. Sur les plateaux :
Watterdal, Le Mesnil, Drionville, Marie-Val, Cantemerle, Saint-Pierre : seul
Wattterdal est gemanique. A quelques exceptions près dans chacune de ces
deux listes, la première renvoie à la période des grandes
invasion, la seconde aux défrichements du Moyen-Age.
II n'apparaît d'association particulière, ni avec
les principaux cours d'eau, ni avec les voies romaines. On aurait pu s'attendre
à ce que ces hardis marins aient manifesté une
préférence pour les rivages. C'est le contraire que l'on
constate. Sur une douzaine de toponymes sûrement saxons le long de la
côte, tous se tiennent à bonne distance de la mer. Le plus proche,
Terlincthun (hameau de Wimille ; Boulogne, Bou-
44
logne Nord-Est) en est à un bon kilomètre, perdu
derrière la falaise. D'autres noms de lieux germaniques (Sangatte,
Wissant) peuvent aussi bien être d'origine fran-cique123 ; c'est
sûrement le cas d'Audresselles (ci-dessous, chap. IV, 4, même
page).
On peut penser qu'A l'époque de la mise en place des
établissements saxons, les questions de sécurité
primaient-elles : par mer pouvaient arriver d'autres pirates. Ils
étaient bien placés pour le savoir.
4. Comment a disparu la colonie saxonne ? - toponymes
en -zelle, en -brouck et en
-bègue
Plus précisément : comment s'est
résorbé le rameau qui chez nous parlait "en-glisc" , cet
ancêtre du vieil-anglais. Ce ne sont pas les gens qui ont disparu :
pareille extermination aurait laissé des traces écrites. Les
habitants de notre région ont simplement changé de langue.
Sont-ils passé directement de l'englisc au roman ? Dans
une partie au moins de l'aire qu'ils occupaient, ils sont sûrement
passé par le francique, cette autre langue germanique qui est à
l'origine du flamand. Ce fut le cas notamment de la région de
Saint-Omer, qui n'a parlé picard - puis français -qu'à
partir du XIlème siècle. On peut reconnaître plusieurs
toponymes saxons, notamment en -ness et en -brique (cartes 10
et 12), au delà de ce qui fut, au Xlème siècle, la limite
entre dialectes romans et germaniques (carte n° 2).
Au sein même de l'aire d'expansion de notre anglo-saxon
s'observent une commune et quelques hameaux, dont les noms, germaniques, sont
d'apparence francique. Ils sont en effet composés du mot "Selle"
(en suffixe : -selle ou -zelle), qui paraît
désigner une habitation seigneuriale par opposition au bain,
village de paysans121. Selle, en toponymie, est très commun en
Flandre et dans le Brabant alors qu'il n'a jamais été
rencontré avec certitude en Angleterre. Propre au francique salien, il
est exceptionnel en territoire ripuaire. Parmi les toponymes
évoqués ci-dessous, l'un d'eux, Audresselles, présente
d'ailleurs une caractéristique morphologique du francique : l'r de
flexion au nominatif singulier, r qui n'existe pas en vieil-anglais :
Audresselles - Older seele - est le "vieux manoir", comme Audruicq,
autre toponyme francique - 01-der wick - est le "vieux bourg"
(Saint-Omer, Audruicq). On peut y adjoindre Audre-hem (Saint-Orner, Ardres :
"le vieux village").
Voici la liste des toponymes en selle-zelle, en se
limitant bien entendu à l'aire qui fut par ailleurs plus ou moins
saxonisée. Les toponymes de ce genre fourmillent au delà de l'Aa,
dans la partie flamande du département du Nord. Dans notre
région, on
observe que ce suffixe prend la foi me -zelle
après une voyelle ou une consonne so-
123 Sangatte : La porte du sable "Arenae foramen, vulgo
Sant-Gata" au XIIième siècle ; quant à Wis-sant :
probablement "Le sable blanc" : "Whit-Sant".
124 C'est le sens du mot sala en latin
médiéval (dérivé de cella ?). Son
dérivé saliens s'applique aux Francs "Saliens".
45
pore, -selle à l'initiale ou après une
consonne sourde - Audresselles et Strasselles paraissant faire exceptions.
Toponymes en -selle ou zelle
1. Audresselles (Boulogne, Marquise) - Odersele 1150,
Odressele 1208
2. Fauquezelle : ancien hameau de Clerques (Saint-Orner, Ardres)
- Fauquezelle 1467
3 Floringzelle : hameau d'Audinghen (Boulogne, Marquise) -
Floringesele 1107
4 Framezelle : également hameau d'Audinghen (Boulogne,
Marquise) - Flamersele 1198, Flamezelles 1248
5. Framezelle : fief à Fruges (Montreuil, Fruges) -
Framerselle 1759
6. Haringzelle : encore hameau d'Audinghen (Boulogne, Marquise)
- Haringzelle 1480
7 Hinguezele ou Linguezele : lieu-dit de Quelmes (Saint-Orner,
Lumbres) - Henguezele 1411
8 La Seille (sous réserve ; je la cite, sans plus,
à cause de ses anciennes formes) : fief à Baincthun (Boulogne,
Boulogne Sud) - Celles 1208 ; Celle 1285
9. Selles (Boulogne, Desvres) - Selae 826
10. Selles : hameau d'Audresselles (Boulogne, Marquise) -
Selles 1208
11. Strasselles : fief, à Rackinghem (Saint-Omer,
Aire)
12. Vincelles : écart de Bazinghen (Boulogne, Marquise) -
Strasse11759
13. Waringuezelle : encore hameau d'Audinghen (Boulogne,
Marquise) - Waringuezelle 1456
14. Watrezelle : écart de Wimille (Boulogne, Boulogne
Nord-Est) - Westrezelle 1525
A cette liste, il n'y a sans doute pas lieu d'ajouter les "La
Salle", dont on sait qu'on en trouve dans toute la France ; dans le
Pas-de-Calais on en rencontre un peu partout, aussi bien autour d'Arras qu'aux
environs de Boulogne.
Sur cette dizaine de toponymes en selle, -zelle, une
demi-douzaine forme un groupe compact, en arrière du cap Gris-Nez : dont
quatre hameaux de la seule commune d'Audinghen. S'agirait-il d'un hasard ?
D'après G. des Maretzt26 il existe d'autres exemples de pareils
groupements, toujours aux frontières du pays salien. Cet auteur propose
d'y voir des sortes de postes frontières, affermissant des
conquêtes et protégeant l'arrière-pays contre les
contre-offensives de l'ennemi. Pourquoi pas ? notre petit groupe de villages
pénètre comme un coin au coeur de la colonie saxonne...
A ces noms francs on peut évidemment ajouter les sites
de ponts en "brouck", puisque dans notre colonie saxonne les sites de
ponts sont en -brick, -brique (plus haut, chap. II, 1, B) p.14.
-Brouck est presque aussi fréquent que -brique, avec
une répartition naturellement plus orientale (cartes 12 et 13) :
Toponymes en -broucq
1. Ambrouck fief à Audinghen (Boulogne, Marquise) - pas de
forme ancienne
125 Cette constation me permet d'exclure (à tort ou
à raison) une dizaine de toponymes, d'ailleurs situés pour la
plupart en dehors de notre région. A savoir : 4 "Courcelles"
(respectivement" : fief à Béalencourt, à T"mques, Verquin
et Noeud-les-Mines, et hameau de Rollencourt), 1 Courcelles-le-Comte", 2
"Estracelle" (ferme à Aire et écart de Beuvry). "Frammeselle",
lieudit d'Amettes (Béthune, Auchel) pourrait être une variante
orthographique ; mais elle est, elle aussi, assez éloignée de la
zone qui nous occupe. Peut-être aurais-je dû garder deux
"Maisoncelle" ; mais elles sont passablement excentrées : l'une est
près d'Arras et l'autre de Hesdin (hameau de La Capelle)
126 G. des Maretz - Le problème de la colonisation
franque et du régime agraire en Belgique.
2.
46
Aubrouck : hameau de VVisques (Saint-Omer, Lumbres) - pas de
forme ancienne.
3. Le Brouckwys, ou Brouchus : ancienne ferme à Arques
(Saint-Omer, Arques) - Le Brou-chus 1334, Le Broucqhuys
1566
4. Brouquestrate : hameau de Moulle (Saint-Omer, Saint-Omer
Nord) -pas de forme ancienne
5. Brouxolles : lieu-dit de Landrethun-le-Nord (Boulogne,
Marquise) - Brockeshole 1286
6. Brouxolles : ancienne ferme à Moringhem
(Saint-Omer, Saint-Omer Nord) - Brouxole 1296
7. Halimbroucq (identique à Hulimbroucq, même
commune ?) : fief, à Saint-Martin-au-Laërt (Saint-Omer, Saint-Omer
Nord) - Le Halincbrouc 1427
8. Hallinebroucq : également fief, à
Saint-Martin-au-Laërt (Saint-Omer, Saint-Omer Nord) - pas de forme
ancienne
9. Le Hallevinbroucq : fief, à Polincove (Saint-Omer,
Audruicq)- pas de forme ancienne
10. Hazebrouck : fief, à Saint-Venant (Béthune,
Liners) - pas de forme ancienne
11. Hazebrouck : lieudit de Wacquinghen (Boulogne, Marquise)
- Hazebreuc 1345, Asse-broec 1393
12. Hellebroucq : hameau d'Eperlecques (Saint-Orner, Ardres)
- Hairebreuc, Hairbrouck 1325
13. Herbroucq : ancien écart de Houlle (Saint-Omer,
Saint-Omer Nord) - Herbrouc 1330, Harbreuc XIVème
siècle
14. Lyselbroucq : écart et marais, à
Saint-Omer, au faubourg de Lysel - L'Iselebroucq 1428
15. Le Middelbroucq : lieudit à Ruminghem (Saint-Omer,
Audruicq) - pas de forme ancienne
16. Le Schoubroucq : hameau de Clairmarais (Saint-Omer,
Saint-Omer Nord) - Scoude-brouc 1264
17. Vincquebroucq : lieudit, à Saint-Omer -
Vinkebrouc 1394
18. Le Voorbroucq : lieudit à Ruminghern (Saint-Orner,
Audruicq) - pas de forme ancienne
19. Widdebroucq : hameau d'Aire-sur-la-Lys (Saint-Omer, Aire)
- Widebroc 1100
20. Zutbroucq : écart de Clairmarais (Saint-Omer,
Saint-Omer Nord) - Zutbrouc 1364
Si "Brouck" est n'est pas très commun,
-breucq en revanche est fréquent, mais sans
intérêt pour nous : s'agit-il d'un ruisseau ( anglais brook,
vieil-anglais broc), ou d'un marécage (néerlandais
broek, allemand Bruch) ? - ce n'est peut-être pas par
hasard, que sur une cinquantaine de lieux-dits "Le Marais", l'un des rares pour
qui on dispose d'une forme ancienne soit précisément "Brocus"
(marais en latin) , pour un hameau de Salperwicq (Saint-Omer, Saint-Orner
Nord), ce qui renvoie au francique (lequel est attesté à
Salperwick au Moyen-Age).
Il en est sans doute de même pour les quelque vingt-cinq
Becques appliqués à des ruisseaux : néerlandais
beek plutôt que vieil-anglais broc. Nombreux dans la
partie flamande du département du Nord, on en trouve aussi dans le
Pas-de-Calais, surtout du côté de Saint-Orner et d'Aire-sur-la-Lys
(ci-dessous, annexe 3). Il y en a pourtant trois ou quatre dans les environs de
Boulogne-sur-Mer, notamment le minuscule fleuve côtier qui, naissant sur
la commune de Condette, se jette dans la mer dans sa voisine d'Hardelot. Ils
apportent ainsi la même information que les toponymes en -broucq :
à savoir qu'on a parlé le francique, non seulement dans les
environs de Saint-Omer mais aussi, sans doute plus brièvement, dans ceux
de Boulogne-sur-Mer. Nous tenons là la trace d'une
éphémère conquête linguistique de la part de ce qui
de-
47
vait devenir le flamand. Éphémère, en
effet, car bientôt le dialecte picard vint re-romaniser toute la
région boulonnaise.
Quoiqu'il en soit, il paraît certain qu'il y a eu des
établissement francs au coeur de la colonie saxonne, et cela
antérieurement à la romanisation de la région. Peut-on
aller plus loin, et admettre que celle-ci a été
entièrement franquisée avant de devenir picarde ? Il n'est pas
possible de le savoir. Trop de toponymes germaniques peuvent relever tout aussi
bien d'une des deux langues que de l'autre.
La disparition de la langue saxonne se place
nécessairement entre le VIème siècle (date de la formation
du suffixe -ingatun) et le Xlème siècle (date de la
romanisation de la région de Guines). Il n'est pas possible d'en dire
plus.
Au VilIème siècle, la région parlait
encore une langue germanique, sans qu'on puisse savoir laquelle. C'est à
cette époque, en effet, qu'on voit le suffixe latin -acum
(resté -ac dans le midi : cf. Bergerac) devenir
é, -ay, -y dans toute la France du Nord ; plus
particulièrement - y en Picardie. Font exception deux régions
où l'on ne parlait pas encore une langue romane au moment où prit
place cette évolution phonétique : à savoir une partie de
la région boulonnaise ainsi que les confins de la Bretagne.
Là-bas, l'aire de répartition dudit suffixe (cf. Loudéac)
matérialise une ancienne extension de la langue bretonne. Chez nous, ce
suffixe, assez fréquent, apparaît sous la forme -èque,
écrit le plus souvent -ecques(cf. Senlècques,
Floyecques). On y parlait donc encore une langue germanique, francique ou
saxon, ce qui excluait cette évolution phonétique propre au
picard.
Sur la carte de répartition du suffixe -acum
au nord-ouest du Pas-de-Calais (carte n° 2), on se serait attendu
à observer une limite nette entre les formes picardes en -y et les
formes germaniques en -èque : cette limite aurait
été un instantané d'une époque où deux
langues s'y affrontaient. Il n'en est rien. On remarque, au contraire, sur une
bande large d'une trentaine de kilomètres, une juxtaposition de ces deux
types phonétiques : une sorte de patchwork, une espèce de peau de
léopard linguistique. Pour quelques noms de lieux on a même la
trace d'un flottement. Réty, par exemple, dans le canton de Marquise, a
commencé par s'appeler "Reetseke". Plus au sud, Embry et Renty
ont été jusqu'à présenter les trois formes,
respectivement : Em-briacum, Embreka, Embri, et Rentiacum,
Renteke, Renthi. On observe donc à cette époque une
étape de transition, étape préliminaire à la
victoire d'une des deux langues. Celle-ci s'est trouvé être le
picard. Pourquoi ce dernier ? on n'en sait trop rien. Sans doute pour la
même raison qui, plus au sud, assura dans quelques cantons le
succès de "breton gallot" (roman) aux dépens du "bas-breton"
(celtique).
Afin de préciser ce point, j'ai cartographié,
à la même échelle, la situation telle qu'elle se
présente aujourd'hui en Bretagne orientale (carte n°2 bis). On y
voit deux blocs s'affronter, quelques outsiders allant
néanmoins se manifester au sein du groupe d'en face. Point de magma
comme dans notre Pas-de-Calais. Je suppose donc que chez nous au
VIIIème siècle, plusieurs petits sous-groupes linguistiques se
côtoyaient dans
48
la région, la plupart des gens étant
probablement bilingues. Cette situation bizarre pourrait-elle refléter
la coexistence d'îlots saxons et franciques, encerclés les uns et
les autres par le picard ? il n'est pas possible de le savoir.
A la fin de ce VIIIème siècle, nous arrivons
à l'époque de Charlemagne. Il me semble que si la langue
anglo-saxonne perdurait alors dans notre région, au voisinage de
l'importante abbaye de Saint-Bertin, quelque texte en ait fait mention. Ce
n'est pas le cas, mais absence d'indice n'est pas forcément indice
d'absence...
Conclusion.
Si nous essayons de faire l'inventaire de cette étude,
nous compterons peu de certitudes historiques. Il n'y en a qu'une en
réalité : on a parlé un proche ancêtre du
vieil-anglais, 1' "englisc", dans la région de Boulogne au
début du Moyen-Age.
Allant plus loin, nous ne rencontrons plus que des
hypothèses. Voici celles qui me paraissent les plus plausibles. Au cours
du IVème siècle de notre ère, avec ou sans l'accord des
autorités romaines, quelques pirates saxons ont commencé à
installer sur les côtes de la Gaule des sortes de repaires,
peut-être des bases pour une piraterie laquelle est bien attestée.
Dès cette époque, sans doute, ils se sont fixés d'une
manière plus ou moins définitive dans le pays morin. On sait
qu'alors y vivaient déjà des gens parlant une langue germanique,
dans laquelle on est tenté de voir l'englisc.
Mais il fallut sans doute attendre le Vème
siècle et le début du Vème, pour que l'immigration des
Anglo-Saxons s'accélère. C'est à peu près à
cette époque, ou peu après, qu'ils commencent à
envahir sérieusement l'Angleterre. Dans le Boulonnais, leur maximum
d'expansion pourrait se placer au Vlème siède ; elle fut
bientôt contenue par l'arrivée des Francs Saliens, dont ils
paraissent avoir subi de plein fouet l'expansion. Sur leurs compatriotes de
Bayeux et de Nantes, ils avaient pourtant l'avantage de la proximité de
la grande île, avec laquelle les rapports étaient restés,
semble-t-il, assez serrés, si l'on en juge par l'orfèvrerie et
plus encore par l'évolution phonétique. En effet, si je ne me
trompe pas, la métaphonie en i s'est manifestée de part
et d'autre du détroit, cela certainement à la même
époque. Elle vient dater l'apparition des toponymes en -incthun :
soit vers la fin du Vlème siècle. Plus réduite que
l'aire couverte par les noms de lieux en -inghem, celle des noms en
-thun pourrait signaler un début de repli de la colonie
saxonne, devant une probable offensive des Francs. Ces derniers, si l'on en
croit la répartition des toponymes en -zelle, auraient eu soin
de couper les communications de nos Anglo-Saxons avec ceux de la grande
île.
Sur le plan linguistique, cette victoire fut
éphémère : l'extinction de l'englisc fut suivie
de près par celle du francique, l'un et l'autre remplacés par
l'héritier local du latin : le picard. Il ne restait de leur
règne que des noms de lieux.
49
Epilogue
A la conclusion qui précède, écrite en
1946, je n'ai pas changé grand-chose. Il existe pourtant un important
fait nouveau.
Dans sa thèse soutenue en 1988, mon ami Joël
Blondiaux présentait une demi-douzaine de cimetières
fouillés dans ce qui fut le Nord de la Gaulel27. Ces séries
anthropologiques sont, cela va sans dire, étudiées au moyen d'un
appareil statistique bien plus élaboré qu'à
l'époque du cimetière d'Hardenthun. L'auteur fait ainsi
apparaître qu'une nécropole du Bas-Empire dans les environs
d'Abbeville, celle de Vron, s'écarte des autres cimetière
gallo-romains de la région, et se rapproche de séries de
squelettes nettement plus septentrionaux, notamment de celle de Haithabu,
site du Jutland (dans ce qui aujourd'hui le Danemark). Comme écrit
J. Blondiaux "On peut donc, avec l'approximation grossière que
permettent les écarts-réduits, rapprocher le site de Vron des
Germains occidentaux, et plus particulièrement des Germains habitant un
quadrilatère situé entre la côte de la Mer du Nord, les
rives occidentales de la Baltique et le Rhin moyen". Nous avons donc là,
selon toute apparence, un spécimen d'une population anglo-saxonne
installée dès le IVème siècle sur le continent,
dans ce que les Romains appelaient le "littus saxonicum".
Vron (dépt. Somme, arrdt. d'Abbeville, canton de Rue),
à quelque vingt kilomètres au nord d'Abbeville est aux confins de
la Somme et du Pas-de-Calais. Elle est donc en dehors de la zone qui fournit
des toponymes anglo-saxons, mais elle est proche de la côte, à une
dizaine de kilomètres de celle-ci ; elle est donc bien dans un
"littus" : le "littus saxonicum". Datant du Bas-Empire, le
cimetière de Vron vient donc préciser la traduction de cette
expression latine qui posait problème (ci-dessus, p. 4 et suivantes) :
il s'agit donc bien d'une zone où existèrent dès le
IVème siècle, des établissement saxons. J'écrivais
plus haut, p. 9 : "Qui dira le nombre des colonies saxonnes dont aucun
écrivain mérovingien n'a parlé et qui ont sombré
dans l'oubli ?" Vron était sans doute l'une d'elles. Disparue trop
tôt pour laisser une trace dans la toponymie de la région, elle
illustre ce que dut être, à ses débuts, la colonie saxonne
du Boulonnais. Elle montre que cette dernière a bien pu exister
dès le IVème siècle, avant la Notitia Dignitatum,
donc bien avant la fin de l'Empire Romain.
127 BLONDIAUX, J., 1988 - Essai d'Anthropologie Physique et
de Paléopathologie des Populations du Nord de la Gaule au Haut
Moyen-Age. Thèse multigraphiée, Université de Lille
III, 2 vol., ensemble 520
pp.
50
Annexes
Annexe 1 : toponymes en -y ou en -èque
(Ces toponymes paraissent continuer une ancienne forme
gallo-romaine en -acum, devenu -y en picard et -èque
en francique ou en saxon).
1) Ry
Auchy-au-Bois (Béthune Norrent-Fontes) - Auciacus
877, Auchiacum 1058
Blessy (Béthune, Norrent-Fontes) - Blessy 1119
Bomy (Saint-Omer, Fauquembergues) - Bommi 1184
Campigny : fief à Tatinghem (Saint-Omer, Saint-Omer Sud) -
pas de forme ancienne
Canchy : hameau de Licques (Calais, Guines) - Canci
1126
Carly (Boulogne, Samer) - Quertliacus in pago Bononensi super
fluvio Elna 867
Cléty (Saint-Omer, Lumbres) - Kilciacum 857,
Kiltiacum 867
Crépy (Montreuil, Fruges) - Crispiacum 1214
Crépy : fief à Calonne-sur-la-Lys (Béthune,
Lillers) -pas de forme ancienne
Créquy (Montreuil, Fruges) - Kreki 1058
Cugny : hameau de Condette (Boulogne, Samer) - Le Cugnie
XVIIIème siècle
Cugny : lieudit de Saint-Etienne (Boulogne, Samer) - pas de forme
ancienne
Embry (Montreuil, Fruges) - Embriacum 826, Embreka 838,
Embri 1311
Embry : fief à Setques (Saint-Omer, Lumbres) - pas de
forme ancienne
Ergny (Montreuil, Hucqueliers) - Erni 1197
Erigny : lieudit de Verlincthun (Boulogne, Samer) - pas de forme
ancienne
Erny-Saint-Julien (Saint-Orner, Fauquembergues) - Herny
1163
Grigny : hameau de Bezinghem (Montreuil, Hucqueliers) - pas de
forme ancienne
Grigny : hameau de Wierre-Effroy (Boulogne, Marquise) - pas de
forme ancienne
Grigny : lieudit de Saint-Etienne (Boulogne, Samer) - pas de
forme ancienne
Guémy (Saint-Omer, Ardres) - Gimiacum
IXème siècle
Herly (Montreuil , Hucqueliers) - Asli 1122, Herli
1166, Herliacum 1171
Journy (Saint-Omer, Ardres) - Jornacus VIIème
siècle, Jornacum IXème siècle et 1173, mais
Jorni 1084
Ligny-lès-Aire (Béthune, Norrent-Fontes) -
Lennacum 1119, Legniacum 1157 Lugy (Montreuil, Fruges) -
Lodia 1042, Luyzi 1112
Menty : hameau de Verlincthun (Boulogne, Samer) -
Minthiacus... in pago Bononensi super fluvio Elna 867
Montigny : fief à Questrecques (Boulogne, Samer) - pas de
forme ancienne
Parenty (Montreuil, Hucqueliers) - Parenti 1190
Pétigny : hameau de Bomy (Saint-Orner, Fauquembergues) -
pas de forme ancienne
Je ne retiendrai ni Le Plouy (hameau de Nordausques) car
Ploich 1255 et Le Ploichz 1544 - et pas davantage Le Plouy
(écart de Seninghem), car Le Plouich 1739 - non plus que Le
Plouy (hameau de Wavrans-sur-l'Aa) car Le Ploich 1326
Pressy (Arras, Heuchin) - Percetum XIème
siècle
Rely (Béthune, Norrent-Fontes) - Relley 1119
Rémilly-Wirquin (Saint-Omer, Lumbres) - Rumliacum in
pago Taruannense 704
Renty (Saint-Orner, Fauquembergues) - Praedium Rentica
Xlème siècle, Rentiacum 1221,
51
Renteke 1361, Renthi 1155.
Réty (Boulogne, Marquise) - Sanctus Martinus de
Teutonicis dictus Reetseke 1130, Tethi et Resthi 1133,
Reteke 1234
Rumilly (Montreuil, Hucqueliers) - Rimelliacum 1134
Sempy (Montreuil, Campagne-1èsHesdin) - Simpiacus
857
Serny : hameau d'Enquin-les-Mines (Saint-Omer, Fauquembergues) -
Serni 1199
Tingry (Boulogne, Samer) - Tingriacum 857
Torcy (Montreuil, Fruges) - Torchi 1276
Vincly (Montreuil, Fruges) - Wencli 1192-1207
2) -èque
De la liste qui suit, ont été retirés
systématiquement les toponymes terminés en -becque, à
cause de la confusion possible avec des noms désignant un ruisseau
("-becque", on l'a vu plus haut, est aussi l'équivalent du
néerlandais beek, même sens). J'ai ôté aussi
ceux, peu nombreux, terminé en -ecq (exemple Bourecq (Béthune,
Norrent-Fontes), car Botritium, Botricium au )(lIème
siècle), ainsi que les cinq "Ba-
zecque" (pour l'un d'eux "Basilica"" en 1098, pour un
autre "Baziècle" en 1474). Blendecques (Saint-Omer, Arques) -
Blandeca 1119
Bléquenecque : hameau de Marquise (Boulogne, Marquise)
- Blekenaker 1286, Blecque-necque 1501.
Brécquerecque : ancien hameau de Saint-Martin-Boulogne -
Bracquerecque 1415 Cambreseque : écart de Landrethun-le-Nord
(Boulogne, Marquise) - Kimbreseca 1087 Coyecques (Saint-Omer,
Fauquembergues) - Coiacus 844
Coyecques : fief à Audruicq (Saint-Orner, Audruicq) - pas
de forme ancienne
Coyecques : fief à Nortkerque et Zudkerque(
Saint-Orner, Audruicq) - pas de forme ancienne
Crecques : hameau de Mametz (Saint-Orner, Aire-sur-la-Lys) -
Kerske 1168, Cerseca 1174 Ecquedecques (Béthune,
Norrent-Fontes) - Eskeldeca 1200
Ecques (Saint-Orner, Aire-sur-la-Lys) - Eka
Xlème siècle ; pour son hameau de West -Ecques, on a
Escha 1139, Westech Xfflème siècle,
Westresca 1304
Eperlecque : fief à Audembert et Bazinghem (Boulogne,
Marquise) - Esprelecque 1432
Eperlecques (Saint-Omer, Ardres) - Spirliacum
Xlème siècle, Sperleca 1129
Espellecques : ancien faubourg de Guines (Calais, Guines) -
Spetleca 1084
Floyecques : hameau de Vaudringhem (Saint-Omer, Lumbres) -
Flaiekes 1365
Hézecques (Montreuil, Fruges) - Heseca 1122
Longuerecques : hameau de Samer (Boulogne, Saurer) -
Langrehega 1113, Langreheca 1113
Melleke : ancien nom de Saint-Blaise, hameau de Guines (Calais,
Guines) - Milleca 1116
Métèque : fief à Aire-sur-la-Lys
(Saint-Omer, Aire-sur-la-Lys) - Meteke 1253
- je ne retiens pas Milletrèque, fief à Samer
(Boulogne, Saurer), à cause de Milestirch 1153
Mimoyecques : hameau de Landrethun-le-Nord (Boulogne,
Marquise) - Midelmoieques XIIIème siècle
Les Moyecques : hameau de Landrethun-le-Nord (Boulogne, Marquise)
- Moykes 1203 Moyecques : fief à Ferques (Boulogne, Marquise) -
Moiecque 1544
Quesques (Boulogne, Desvres) - Kessiacum 830
Questrecques (Boulogne, Samer) - Kestreca 1129
- Saurer (Boulogne, Samer) s'appelait au IXème
siècle Silviacus, mais cette forme n'a dérivé ni
en -y, ni en -ecue, car Silviacus a été
remplacé par "Saint Ulmer", devenu Saurer : Sanctus Ulmarus
1112, Villa Sancti Vulmari qae ab antiquis Selviacus dicitur
1145,.
Senlecques (Boulogne, Desvres) - Senlelces 1199
52
Senlecques : fief à Pernes (Arras, Heuchin) - w 1709
Setques (Saint-Omer, Lumbres) - Sethiacus super fluvius
Agniona 723
Soyecques : hameau de Blendecques (Saint-Omer, Arques) - w
1207
Wardrecque (Saint-Omer, Aire-sur-la-Lys) - Werdric 1096, w
1119
Warnecque : hameau de Merck-Saint-Liévin (Saint-Omer,
Fauquembergues) - 1139
Annexe 2 : toponymes en -inghem
A. Dans le Pas-de-Calais
1. Assinghem : écart de Houlle (Saint-Omer,
Saint-Orner Nord) et d'Eperlec9ues (Saint-Orner, Ardres) - Hessingehem
juxta Sperlaca 1139. Cette dernière désignation evoque une
confusion avec les n° 54 (Hassinghem) et 60. (Hessinghem). Pourtant A de
Loisne les distingue dans son Dictionnaire topographique du
Pas-de-Calais.
2. Assinghem : hameau de Wavrans-sur-l'Aa (Saint-Orner,
Lumbres) - Aissengehem Xlème siècle
3. Attinghen : fief à Audinghen (Boulogne, Marquise) -
Attingen 1553
4. Attinghen ; fief à Tardinghen (Boulogne, Marquise)
- Attinghem 1259
5. Audinghen (Boulogne, Marquise) - Otidinghem
Xème siècle
6. Autinghen : ancien village, commune de Guines (Calais,
Guines) - Hantengehem 1084
7. Auvringhen : hameau de Wimille (Boulogne, Boulogne
Nord-Est) - Overingahem 1084
8. Azelinghen : fief à Leulinghen (Saint-Orner,
Lumbres) - Hazelinghem 1336
9. Bainghen (Boulogne, Desvres) - Baingehem 1121
10. Bainghen : hameau de Leubringhen (Boulogne, Marquise) -
Beingehem 1157
11. Balinghem (Saint-Omer, Ardres) - Bavelengehem
1084
12. Balinghem : fief à Nortkerque (Saint-Omer,
Audruicq) - Ballinghem 1694
13. Balinghem : fief à Nort-Leulinghem (Saint-Omer,
Ardres) Balinghem-en-Nortleulinghem 1739
14. Barbinghem : hameau de Moringhem (Saint-Omer, Saint-Omer
Nord) - Bermingahem 844-864
15. Barlinghem (distinct du précédent) : hameau
de Moringhem (Saint-Omer, Saint-Orner Nord) - Berningahem 850
16. Batinghen : fief à Pernes (Arras, Heuchin) - pas
de forme ancienne
17. Battinghen : hameau d'Outreau (Boulogne, Outreau) -
Bathinghen 1506
18. Baudringhem : hameau de Campagne-Wardrecques (Saint-Omer,
Arques) - Baldringe-hem 1093
19. Bayenghem-lès-Eperlecques (Saint-Orner, Ardres) -
Bainghehem 1084
20. Bayenghem-lès-Seninghem (Saint-Orner, Lumbres) -
Bainga villa 844-864, Beingahem 877
21. Bazinghem : lieudit à Saint-Orner - pas de forme
ancienne
22. Bazinghen (Boulogne, Marquise) - Basingahem
877
23. Bélinghen : village disparu près de Wissant
(Boulogne, Marquise) - Belinghem juxta Witsandum XIIlème
siècle
24. Bertinghen : fief à Bazinghen (Boulogne, Marquise)
- Bertinghen XlIlème siècle
25. Bertinghen : hameau de Saint-Martin-Boulogne (Boulogne,
Boulogne Sud) - Bertingue-hen 1389
26. Bezinghem (Montreuil, Hucqueliers) - Bissingehem
1139
27. Blaringhem : hameau de Pernes-en-Artois (Arras, Heuchin)
- Bladeringhem 1250
28. Blinghem : lieudit d'Echinghen (Boulogne, Boulogne Sud) -
Blinghen 1401
29. Boisdinghem (Saint-Omer, Lumbres) - Bodninaghem
844-864, Botnigahem 855
30. Bonemghem : lieudit à Clairmarais (Saint-Omer,
Saint-Omer Nord) - Boningaham 844-
53
864
31. Bouquinghen : hameau de Marquise (Boulogne, Marquise) -
Bokingehem 4224
32. Bouvelinghem (Saint-Omer, Lumbres) - Bovlingehem
1145
33. Bringhen : ferme à Belle-Houllefort (Boulogne,
Desvres) - pas de forme ancienne
34. Cottenghem : fief à Rebecques (Saint-Omer,
Aire-sur-la-Lys) - pas de forme ancienne 35 Cuinghem : lieudit de Wierre-Effroy
(Boulogne, Marquise) ) Cuinghem 1488
36. Dardingahem : ancien nom de Saint-Martin d'Hardinghem
(Saint-Omer, Fauquem-bergues) - Dardingahem 1016, Dardingehem
1159
37. Dinghem : hameau d'Amettes (Béthune, Auchel) -
Dinguehen 1331-
38. Dringhen : ancien hameau de Saint-Martin-Boulogne
(Boulogne, Boulogne Sud)-Deningehem 1208
39. Echinghen (Boulogne, Boulogne Sud) - Essingehem
1112
40. Elinghen : hameau de Ferques (Boulogne, Marquise) -
Elingahem 1084 41 Elvelinghem : hameau de
Bayenghem-lès-Eperlecques - Helvinghehem 1157
42. Enquinghen, aujourd'hui Equihen : hameau d'Outreau
(Boulogne, Outreau), qui lui-même est en ancien Waubinghen : voir
ci-dessous - Equinguehem, Enquinghen du XIIIème au
XVIème siècle, Esquihen 1554. Voir aussi, ci-dessous, 88
Equihen.
43. Ferlinghem : hameau de Brêmes (Saint-Omer, Ardres)
- Frelinghem 1069
44. Ferringhem : hameau d'Esquerdes (Saint-Omer, Lumbres) -
Fersingahem super fluvium Agniona 788
45. Floringhem (Arras, Heuchin) - Floringuehem
1145
46. Fringhen : ferme à Saint-Etienne (Boulogne, Samer)
- Faingehem, Froingehem 1208
47. Garlinghem : hameau d'Aire-sur-la-Lys (Saint-Omer,
Aire-sur-la-Lys) - Gerlingehem 1123
48. Glominghem : hameau d'Aire-sur-la-Lys (Saint-Omer,
Aire-sur-la-Lys) : Gomelinghe-hem 1035
49. Grand-Eblinghem (Le) : ancien manoir à Arques
(Saint-Omer, Arques) - pas de forme ancienne
50. Guslinghem, ou Guzelinghem : hameau de Moringhem
(Saint-Omer, Saint-Omer Nord) - Guslinghen 1387
51. Hacquinghem : hameau de Wimille (Boulogne, Boulogne
Nord-Est) - Hachinghehem 1121
52. Halinghen (Boulogne, Samer) - d'abord Vicus Dolucens
Ier siècle, puis Havelingueham 1134
53. Hardinghen (Calais, Guines) ; rien à voir avec
Saint-Martin d'Hardinghem qui est en réalité "Dardinghem" : voir
ce mot - Hervadingahem 1084
54. Hassinghem : ancienne ferme à Houlle (Saint-Omer,
Saint-Omer Nord) - pas de forme ancienne. Peut-être confondu avec les
n° 1 et 60.
55. Hebbinghem : fief à Saint-Orner - pas de forme
ancienne
56. Herbinghen (Calais, Guines) - Helbodingahem
1016
57. Hermelinghen (Calais, Guines) - Hermelingehem
1138
58. Herquelinghen : hameau de Crémarest (Boulogne,
Desvres) - pas de forme ancienne
59. Hervelinghen (Boulogne, Marquise) - Helvetingehem
1084
60. Hessinghem : lieudit de Houlle (Saint-Orner, Saint-Orner
Nord) - Hessinghem 1334. Peut-être confondu avec les n° 1
et 54.
61. Heuringhem (Saint-Orner, Aire-sur-la-Lys) - Huringhem
1171
62. Hézelinghen : ferme à Leulinghen
(Saint-Omer, Lumbres) - Azelinghen 1586
63. Hocquinghen (Calais, Guines) - Hoquingahem
857
64. Hocquinghen : ancien nom de Saint-Léonard
(Boulogne, Samer) - Hokinghem 1121
65. Honninghem : hameau de Febvin-Palfart (Saint-Omer,
Fauquembergues) - Honnen-ghen XVIIIème siècle
66. Hottinghem : lieudit d'Ardres (Saint-Omer, Ardres) -
Hostinghem 1084
67. Houssinghen : lieudit de Boulogne-sur-Mer - pas de forme
ancienne
68.
54
Pour Hydrequent, hameau de Rinxent (Boulogne, Marquise), la
forme a hésité longtemps : Heldrigeham 1119,
Hildringehem 1179 et Hildrtnghem 1275... mais
déjà Hildrikem en 1225
69. Inghem (Saint-Orner, Aire-sur-la-Lys) - Aingehem
1119
70. Inghen : écart de Tardinghen (Boulogne, Marquise) -
Ingehem 1208
71. Inglinghem : hameau de Mentque-Nortbécourt
(Saint-Omer, Ardres) - Iglighern 1223
72. Islinghen : hameau d'Ecques (Saint-Omer, Aire-ssur-la-Lys) -
Yslinghem 1304
73. Istringhem : fief à Hersin-Coupigny (Lens,
Sains-en-Gohelle) - Istringuhen 1700. En dépit des apparences,
ne paraît pas devoir être confondu avec le n°126, Tringhen,
à cause des forlues anciennes.
74. Ledinghem (Saint-Omer, Lumbres) - Lidighem 1161
75. Letingehem : ancien nom de Tihen, hameau du Portel
(Boulogne, Outreau) - 1208, et Tinghen 1525
76. Leubringhen (Boulogne, Marquise) - Leubringuehem
1170
77. Leulinghem (Saint-Orner, Lumbres) - Loeuelingehen
1157
78. Leulinghen (Boulogne, Marquise) - Loningaheimum in
pago Bonensi 776, Loningahem 846-864
79. Linghem ( Béthune, Norent-Fontes) - Leingehem
1142
80. Lisinghem : ancien lieudit de Wimille (Boulogne, Boulogne
Nord-Est) - Lisingehem 1208
81. Locquinghen : hameau d'Audinghen (Boulogne, Marquise) -
Lokingehem 1208
82. Locquinghen : hameau de Réty (Boulogne, Marquise) -
Lokingahem 1084
83. Lotinghem : fief à Fleurbaix (Béthune,
Laventie) - pas de forme ancienne
84. Lottinghen (Boulogne, Desvres) - Lonastingahem
828
85. Lozinghem (Béthune, Norrent-Fontes) - Losengeham
1157
86. Macquinghen : hameau de Baincthun (Boulogne, Boulogne Sud) -
Makingehem 1208 87 Macquinghen : château à Tingry
(Boulogne, Samer) - Maquinguen 1458
88. Manihen, hameau d'Outreau (Boulogne, Outreau) s'est
appelé jadis Maninghen : Maninghen-d'Outreauwe 1338, et
Maninghen 1575. A noter qu'un autre hameau d'Outreau, Equihen (voir
plus haut n° 44) présente la même évolution
phonétique.
89. Maninghem (Montreuil, Hucqueliers) - Menolvingahem in
pago Ternensi 877
90. Maninghen-au-Val : hameau de Bimont (Montreuil,
Hucqueliers) - pas de forme ancienne
91. Maninghen-Wimille (Boulogne, Marquise) - Manengehem
1208
92. Matringhem (Montreuil, Fruges) - Matrinkehem
1120
93. Matringhem : fief à Bomy (Saint-Omer, Fauquembergues)
- pas de forme ancienne
94 Matringhem : ancienne ferme à
Bonningues-lès-Ardres (Saint-Orner, Ardres) - Matrin-ghehem
1287
95. Matringhem : fief à Lestrem (Béthune,
Laventie) - Matringuehem 1589-1590
96. Mazinghem (Béthune, Norrent-Fontes) - Mazinghem
1119
97. Mazinghem : hameau d'Anvin (Arras, Heuchlin) - Masinghem
1119
98. Mazinghen : hameau de Verlincthun (Boulogne, Samer) -
Mazinguehen 1458
99. Minghem : lieudit d'Etaples (Montreuil, Etaples) - In
pago Bonensi Mighem 853, Main-ghem 1340
100. Molinghem (Béthune, Norrent-Fontes) -
Mallingehem 1154
101. Molinghem : fief à Vendin-lès-Béthune
(Béthune, Béthune Nord) - Molingehem 1507 102 Moringhem
(Saint-Omer, Saint-Omer Nord) - Morningehem 844-864
103. Morlinghem : ferme à Balinghem (Saint-Omer, Ardres)
- Morlemgehem 1084
104. Morlinghen : hameau de Hesdin-l'Abbé (Boulogne,
Boulogne Sud) Moringehem 1141 105.Nabringhen (Boulogne, Desvres) -
Nameringehem 1208 106. Nort-Leulinghem (sic ; Saint-Omer,
Ardres) - Lelengehem 1084 107.Oblinghem (Béthune,
Béthune-Nord) - Ablingeham 1157
108.
55
Papinghem : ancien nom de Saint-Venant (Béthune,
Lillers) - Papinghem 1075
109. Pélinghen : fief à Saint-Martin-Boulogne
(Boulogne, Boulogne Sud) - Pelinghen 1505
110. Peuplingues (Calais, Calais Nord-Ouest) qui jadis s'est
appelé Peuplinghem : 6 exemples depuis Pepelinghem 1069 ;
Pepelinghes en 1254
111. Pinguehen : lieudit de Tingry (Boulogne, Saurer) en 1458
- pas de forme ancienne
112. Questinghen : hameau de Baincthun (Boulogne, Boulogne
Sud) - Gestingehem 1208
113 Racquinghem (Saint-Omer, Aire-sur-la-Lys) - Rakingem
1207
114 Radinghem (Montreuil, Fruges) - Rhadinghem
1139
115. Raminghem : hameau d'Audrehem (Saint-Orner, Ardres) -
Raminghem XVIIIème siècle
116. Redinghem (Saint-Omer, Fauquembergues) -
Ricolvingahem 857
117. Redinghen : hameau de Crémarest (Boulogne,
Desvres) - Reclingehem 1157
118. Rézelinghen : hameau de Leulinghen (Boulogne,
Marquise) - apparemment pas de forme ancienne
119. Riquemaninghen, ou Ricques-Maninghen : hameau de
Bazinghen (Boulogne, Mar-quise) - Ripmaninghem 1209
120. Rodelinghem (Saint-Orner, Ardres) - Rolingehem
1157
121. Ruminghem (Saint-Omer, Audruicq) - Rumingahem
850
122. Sanghen (Calais, Guines) - Sanninghehem 1084
(Pour mémoire : Saint-Martin d'Hardinghem : ci-dessus :
Dardingahem) 123 Seninghem (Saint-Orner, Lumbres) - Siningahem 877,
Siningehem 1091 124. Tardinghen (Boulogne, Marquise) - Terdingehem
1070
125 Tatinghem (Saint-Orner, Saint-Omer Sud) - Tatinga
villa 648, Tathingahem 826
126 Tinghen : hameau de Hesdin-l'Abbé (Boulogne,
Saurer) - Tetyngehem 1141 ; quasi ho-monyme : Letingehem
(voir plus haut)
127. Tringhen : fief à Hersin-Coupiny (Lens,
Sains-en-Gohelle) - Teninghem 1407. En dépit des apparences, ne
paraît pas devoir etre confondu avec le n°73, Istringhen, à
cause des formes anciennes.
128. Turbinghen : ferme au Portel (Boulogne, Le Portel) -
Turbodingheim Xème siècle : Ac-taSanctorum
129. Vaudringhem (Saint-Omer, Lumbres) - Vualdringahem in
pago Tarwanensi 877, Wal-dringhem 1200
130 Vaudringhem : fief à Mentque-Nortbécourt
(Saint-Orner, Ardres) - Waudringhen 1542 131. Vaudringhem : fief
à Quelmes (Saint-Omer, Lumbres) - pas de forme ancienne
132 Vaudringhem : lieudit de Wardrecques (Saint-Orner,
Aire-sur-la-Lys) - Waudringhuem 1659-1660
133. Velinghem : hameau de Quelmes (Saint-Omer, Lumbres) -
Denelingehem 1084
134. Vendringhem ou Védringhem : hameau de
Wavrans-sur-l'Aa (Saint-Omer, Lumbres) - Weringehem 1192
135. Wacquinghen (Boulogne, Marquise) - Wakingehem
1208
136. Waringhem : fief à Bourecq (Béthune,
Norrent-Fontes) - Waringuehen XlVème siècle
137. Waringhem : lieudit à Norrent-Fontes
(Béthune, Norrent-Fontes) - Waringuehem 1518
138. Warlinghem : lieudit d'Athies (Arras, Arras Nord) - pas
de forme ancienne
139. Waubinghen : ancien nom d'Outreau (Boulogne, Outreau) -
Vualbodingheim Acta SS (VIIème siècle), Walbodegehem
iXème siècle, Waubingehem 1121, Waubinghen
1121 ; puis Ultra aquam 1154 et Outre Lave XIIIème
siècle
140. Waudringhem : fief à Nortbécourt
(Saint-Omer, Ardres) - pas de forme ancienne
141. Wéringhem : fief (du côté de
Saint-Pol) - Weringheuhen 1474
142. Wicquinghem (Montreuil, Hucqueliers) - Wichingehem
1069
143. Widehem (Montreuil, Etaples) s'est autrefois
appelé Winningahem 838, Widingaham-mum 894, encore
Vuidengaham au Xlème siècle, enfin Widehem en
1311
144. Winguehen : hameau de Tingry (Boulogne, Samer) - pas de
forme ancienne 145 Zéblinghem : ancien hameau d'Arques (Saint-Omer,
Arques) - Zevelinghem 1269
56
B. Dans le département du Nord
Comme il n'existe pas de dictionnaire topographique pour ce
département, nous nous devons nous limiter aux localités de
quelque importance, sans descendre au dessous du niveau de la commune. Pour la
même raison, nous n'avons pas de forme ancienne.
1. Blaringhem (Dunkerque, Hazebrouck Nord)
2. Capinghem (Lille, Armentières)
3. Ebblinghem (Dunkerque, Hazebrouck Nord) 4 Eringhem
(Dunkerque, Bergues)
5. Erquinghem-le-Sec (Lille, Lomme)
6. Erquinghem-Lys (Lille, Armentières)
7. Ledringhem (Dunkerque, Wormhout)
8. Radinghem-en-Weppes (Lille, Lomme)
9. Verlinghem (Lille, Le Quesnoy-sur-Deule) ; cf.
Warlingham (Sussex)
- auxquelles il faut peut-être ajouter Mazinghien (Cambrai,
Le Cateau-Cambrésis), dont la finale est un peu différente, et
qui par ailleurs se trouve très à l'écart des
précédentes, à 70 kilomètres au sud-est de Lille :
à 1 extrême sud du département, aux confins de l'Aisne.
C. Dans la Flandre belge
- Mêmes remarques que pour le département du Nord.
Par ailleurs, je rappelle qu'en Flandre le suffixe -hem s'écrit
sans h.
1. Alveringem (Flandre Occidentale, arrondissement de Furnes)
2. Wulveringem, limitrophe de la précédente.
Annexe 3 ruisseaux et rivières en
-bègue
A) Affluents de la Lys
1. La Becque-du-Biez à Fleurbaix (Béthune,
Laventie)- pas de forme ancienne
2. La Guarbecque, depuis Saint-Hilaire-Cottes (Béthune,
Norrent-Fontes) - Marsbeke 887
3. La Humsbecque, à Lestrem (Béthune, Laventie) -
Hunesbeca 1154:
4. La Bègue, à Roquetoire (Saint-Omer,
Aire-sur-la-Lys) : affluent de la "Vieille-Lys" - Beca 1304
B) La Melde et ses affluents (la Melde se jette dans la Lys)
5. La Becque est un nom que porte la Melde d'Helfaut
(Saint-Orner, Arques) à Heurin-ghem (Saint-Omer, Aire-ssur-la-Lys),
avant de s'appeler 'La Melde" - Le Beque 1388
6. La Becque-de-Caucal à Quiestède (Saint-Omer,
Aire-sur-la-Lys) - pas de forme ancienne
7. La Becque-de-Cochendal, à Quiestède et
Roquetoire (Saint-Omer, Aire-sur-la-Lys) - pas de forme ancienne
8. La Becque de l'Ecouart, à Ecques (Saint-Orner,
Aire-sur-la-Lys) - pas de forme ancienne
9 La Becque-d'Héblin, à Racquinghem (Saint-Omer,
Aire-sur-la-Lys) - pas de forme ancienne
10. La Becque-Jedou, également à Racquinghem - pas
de forme ancienne
C. Affluents de rive droite de l'Aa, ou du canal de
Neuf-Fossé
11. La Becque à Esquerdes (Saint-Omer, Lumbres) - Le
Beke 1292
12. La Becque-à-Poissons à Blendecques
(Saint-Omer, Arques) - pas de forme ancienne
13. La Lennebecque, également à Blendecques - pas
de forme ancienne
14. La Blaubecque, encode à Blendecques - pas de forme
ancienne
15 .La Becque-de-la-Barne, à Campagne-Wardrecques
(Saint-Omer, Arques) - pas de forme ancienne
D. Affluents de rive gauche de l'Aa
16 La Becque-des-Chartreux : de Wisques (Saint-Omer, Lumbres)
à Saint-Omer - pas de forme ancienne
17. Le Sartebecque à Eperlecques (Saint-Omer, Ardres),
affluent de la Liette - pas de forme ancienne
18. Le Quabec, également à Eperlecques,
affluent de la Liette - pas de forme ancienne
E. Affluents de la Hem ou du canal de Calais à
Saint-Omer
19. Le Robecq, encore appelé Heet ou
Rivière-de-Ruminghem (Saint-Omer, Audruicq) - Le Roebecque
1742
20. Bècque-Marie-Voort (La) : ruisseau à
Polincove (Saint-Omer, Audruicq)- pas de forme ancienne
21. Bècque-Véret (La) : ruisseau à
Polincove - pas de forme ancienne
22. Bècque-Rigoulet (La) : ruisseau à
Nortkerque (Saint-Omer, Audruicq), affluent de la Rivière de Nielles -
pas de forme ancienne
23. Bècque-du-Wohaye (La) : ruisseau à Ardres
(Saint-Omer, Ardres), affluent de la Ri-vière de'Ardres - pas de forme
ancienne
F. Dans les environs de Boulogne-sur-Mer
24. La Becque à Condette (Boulogne, Samer).
Authentique fleuve côtier d'une longueur de 4 kilomètres, soit de
Condette à Hardelot - pas de forme ancienne
25. La Bègue à Ferques (Boulogne, Marquise) -
Aqua de Lebecca 1157
26. L'Estebecque à Leubringhen et à Audembert
(Boulogne, Marquise). A ne pas distin-guer, sans doute, de "l'Ertebecque"
cité dans cette dernière commune par de Loisne à
Au-dembert128 - Estrebèque vers 1400
57
128
58
Annexe 4 : cartes de répartition
Sur les cartes qui suivent, tous les emplacements n'ont pas pu
être déterminés avec une parfaite précision.
Certains sites, disparus, ne sont connus que par des documents d'autrefois,
tels que des chartes ; d'autres, trop petits, n'apparaissent que sur les
cadastres de leurs communes respectives : ils sont absents de la carte au 1/ 25
000 de l'I.G.N. En ce qui concerne cette dernière, j'ai disposé
des feuilles "Calais", "Boulogne-sur-Mer", "Lumbres", "Saint-Omer",
"Aire-sur-la-Lys" et "Watten", cette dernière s'étendant surtout
sur le département voisin. Seule m'a manqué la feuille
"Gravelines", pour les environs d'Audruicq".
Au 1/50 000, la feuille 'Desvres" s'est
révélée inutile. En dehors de la partie couverte au 1/25
000 , j'ai dû me rabattre sur la carte de l'I.G.N. au 1/100 000.
Chaque fois qu'un site n'est apparu sur aucune de mes cartes,
je me suis borné à le placer sur le chef-lieu de la commune dont
il dépend. C'est ainsi que sur "Wimille" on trouvera juxtaposés
"Sombrethun, Terlincthun et Honnincthun" que je n'ai pas trouvés sur la
carte au 1/25 000 ; en revanche, sur cette même commune, Olincthun, dont
l'emplacement est connu, se trouve naturellement à sa place.
Liste
1. Etablissements "saxons" au milieu du Vlème
siède
2. Germanisation / Dégermanisation : le sort des
toponymes gallo-romains en
-acum
2 Bis. Le suffixe -acum en Bretagne orientale
3. Les voies romaines de la Morinie
4. Toponymes en -thun et -incthun
5 à 9. Toponymes en -thun et -incthun :
comparaisons
10. Toponymes en -ness
11. Toponymes en -ingue
12. Toponymes en -brique
13. Toponymes en -brouck
14. Les toponymes en -inghem dans le Pas-de-Calais
15. L'étrange répartition des toponymes en
-zelle
16. Toponymes présentant le suffixe -thun
17. Communes présentant le suffixe double
-inghem
59
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Hérault, Isère, Marne, Hte-Marne, Mayenne, Meurthe, Meuse,
Morbihan, Moselle, Nièvre, Pas-de-Calais, Basses-Pyrénées,
Haut-Rhin, Vienne, Yonne). J'ai utilisé principalement ceux du Calvados
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ZO/IME - icrropux vea livre III. Corpus scriptorum historiae
byzantinae t. XLVII.
1. Etablissements "saxons" au milieu du
Vlème siècle
Etablissements attestés par des textes (leurs limites sont
imprécises.
.
Colonie reconnue en dépit de l'absence de texte
en picard
i
/
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· Créqui.
· TolrJ
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·
· -y et -?yue attestés
Limites linguistiques
-- approximatives (Xllème
et XlXème
siècles)
Bchelle : 1/ 550 000
·
· Conti yure a (!wr ier+
·
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en francique
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~._,Ek Qur.yui,
Flo rr yur.
·
Senlrryuet
· N'urnn yur
· Grigny
· Ibrenh
?. (krntanisalion / I )égermani;,tlion : le sort des
toponymes gallo-romains en -acum
3. Les voies romaines de la Morinie
(Mardis )
Sangatte)
(Merck)
Gaines)
aryui.ve)
Castellum Menapiora
lli
(Cassel)
(Saint-Otner)
Lonrbrev
(Desvres
(zoterrx) aruanna
mirr
(Frages)
Gesoriacum Bononia
issant)
Etaplev)
Voies principales :
1. Boulogne - Cassel - "Ile des Bataves"
2. Boulogne - Thérouanne - Arras - Bavai - Cologne
3. Boulogne - Amiens - Lyon - Milan
4.
· -
Audenrhune
Varneton
Huncthun
Boulogne
·Alincthrm
· P âr aiincthun
eWainet~un Liane
Lys
Le Bot1trut
q Lille
Flo l
·inctlurerr
·Albinthun
élincMuneaet P~~o~ tticZn
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Armcntièrc
O Calais
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ctItun
,~p<~t0~``Cv~,' Waden
iFr"tlrrnr
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·~i
:otinget
d 1cthnr AG
·WeRorh~r~lerrthilli gerum
o
rnctiIz
·Warinct/rrur £
tcOlclredruu-le-Nord
· Colirrcthunry4a
eLandreth un-1 ds-Ardres
Raveuf{lune UBaudrethun
Lee/robant urr ~(g1M1
Cmt/ rct Sunt e ard~nrhun éf uru
tpn'bret/ur 1. rnbrel/tup
er net pu ~i,'Ircthun
et F'lomrm hut eiK;odtncthnn
Fauquetur
Béthune
Toponymes en -thun et -incthun
CJ Calais
Blanc Nez
®pétesse
®Witternesse
Béthune O
10. Toponymes en -ness
11. Toponymes en -ingue
® Calais
Peu. inguest.Beussingue Bonin; -lès-Calais®
eLeulingue
· La Wambringue Autingue · ®P
ulaingue
=eto~fngue Hollingues~
|
· Wulverdinghe
|
|
eHazuingueBonningue-lès-Ardres /G _
---..4^`,., eRebertingue
· Aubingue
Boulogne
uesteli gues Peuplingues
· Herquelin
Liane
Rabodingue
·IS\aintpnnér
l
Rabodingues
· i\
Aingu HafJreingue
T ~ eGontardingues
.'
Affringues
·
· Wilbedinghe
Relinguese
Béthune
'I--
D Calais
0A Brique
· Pont-de-Briques
Pont-de-Briques
® Lansbrighe
®Dyébrighes
12. Toponymes en -brique
L'Etiembrique® ®Ln Brique
®La Brique
Boulogne
Briquecheul Canrbrique Pont-de-Br'ques.
Pont-de-Briques
|
®Ln Brique d'Or ®La Brique
etiriglte
|
|
Saint-purer
/l S
Brique d'Or
|
Brique
|
|
|
|
|
Liane
Ln Brique
13. Toponymes en -brouck
®Saint-Pierre Brouck
®Hel ebroucq
,lerbro1.t(cq,
Brouqu str 0111".~ Scheabroucq
aint-Omer : jLyselbroucq ~
·
lVincquebroucq
1.e B ouckwys
·
Aa
~ Lys
Hazebroacq
Haliarbraucq et Hallinebr::'-') r
Aubroucq C
Widdebroucs-;
· Hazebroucq
Boulogne
Hallevinbroucq
Brouxollese
Béthune
14. Les toponymes en -inghem dans le Pas-de-Calais
htg/terve elslinghem /
·Gur(irtghetn
Cottenghente Gln ingla'm~
Ledinghente eVaudringhcnr
q Béthune
6Honninghem
DDinglrenl
Lozinghema
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15. L'étrange répartition des toponymes en
-zele
64
La colonie saxonne du Boulonnais : table des
matières
Introduction
|
1
|
I. Les Saxons
|
2
|
1. Les premiers textes
|
2
|
2. Carausius
|
3
|
|
3. La Notifia Dignitatum
|
4
|
4. Les invasions saxonnes
|
8
|
IL Les Saxons dans le Boulonnais
|
11
|
1. Traces saxonnes dans la toponymie
|
11
|
A. Les noms de lieux en -thun
|
12
|
B. Les noms de lieux en -brique
|
15
|
C. Les noms de lieux en -ness
|
18
|
D. Les noms de lieux en -inghem
|
19
|
|
2. Les Vies de Saints
|
20
|
3. Autres traces saxonnes éventuelles
|
22
|
A. Archéologie funéraire
|
22
|
B. L'anthropologie de la région boulonnaise
|
..25
|
|
4. Divers
|
26
|
III. Date et origine de l'invasion saxonne
|
28
|
1. Arrivée ancienne
|
28
|
A. Théorie de G. Kurth
|
29
|
B. Théorie de l'étape, ou de J. Hoops
|
31
|
2. Arrivée tardive
|
32
|
A. Théorie de Taylor
|
32
|
|
B. Théorie d'Ehmer ; la métaphonie en i
et les topo-
nymes en ingue 33
2. Essai de solution 38
A. Lieu d'origine 39
B. L'arrivée des Saxons 39
IV. Histoire des Saxons du Boulonnais après l'invasion
41
1. Extension maximale 41
2. De quel groupe ethnique s'agit-il au juste : Angles, Jutes
ou Saxons sensu stricto ? 42
3. Comment les envahisseurs ont-ils pénétré
la région? 43
4. Comment a disparu la colonie saxonne ? - toponymes en
-zelle, en -brouck et en -bègue
44
Conclusion 48
Epilogue 49
Annexes 50
Annexe 1 : toponymes en -y ou en -èque 50
Annexe 2 : toponymes en -inghem 52
A. Dans le Pas-de-Calais 52
B. Dans le département du Nord 56
C. Dans la Flandre belge 56
Annexe 3 : ruisseaux et rivières en -bèque
56
Annexe 4 : cartes de répartition 58
Bibliographie 59