RÉPUBLIQUE DU BÉNIN
******
UNIVERSITÉ D'ABOMEY-CALAVI
**********
FACULTÉ DE DROIT ET DE SCIENCES
POLITIQUES
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ÉCOLE DOCTORALE
**********
MEMOIRE PRESENTÉ EN VUE DE L'OBTENTION DU
DIPLÔME DE MASTER EN DROIT INTERNATIONAL ET
ORGANISATIONS INTERNATIONALES
THÈME
LA MISE EN OEUVRE DE LA RESPONSABILITÉ
DE
PROTÉGER EN AFRIQUE : ÉTUDE DE
QUELQUES
CAS RÉCENTS (MALI, CENTRAFRIQUE,
LIBYE)
Réaliséet présenté par:
Bansopa Linda DARATÉ
Sous la direction de:
Arsène-Joël ADELOUI
Professeuragrégé de droit public Université
døAbomey-Calavi
Année académique 2015-2016
La mise en oeuvre de la responsabilité de
protéger en Afrique : Etude de quelques cas récents (Mali,
Centrafrique, Libye)
AVERTISSEMENT
La Faculté de Droit et de Sciences Politiques
nøentend
donner aucune approbation ni improbation aux
opinions émises dans ce mémoire. Celles-ci
sont
considérées comme propres à leur
auteur.
Réalisé et présenté par Bansopa Linda
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La mise en oeuvre de la responsabilité de
protéger en Afrique : Etude de quelques cas récents (Mali,
Centrafrique, Libye)
DEDICACE
A René DARATE, mon père et à Chantal
TIGRI, ma mère ;
Je dédie ce mémoire.
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La mise en oeuvre de la responsabilité de
protéger en Afrique : Etude de quelques cas récents (Mali,
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REMERCIEMENTS
Nous remercions le Professeur Arsène-Joël
ADELOUI d'avoir accepté de travailler sur ce sujet passionnant. Merci
pour son aide, sa disponibilité, et ses conseils avisés. Merci
d'avoir pris le temps de nous faire bénéficier de sa connaissance
approfondie de la matière.
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La mise en oeuvre de la responsabilité de
protéger en Afrique : Etude de quelques cas récents (Mali,
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RÉSUMÉ
Notion dégagée des travaux de la Commission
internationale sur l'intervention et la souveraineté des Etats (la
CIISE) mise sur pied à l'initiative du gouvernement canadien et
coprésidée par Gareth Evans et Mohamed Sahnoun, la
responsabilité de protéger met en avant une acception
renouvelée de la souveraineté de l'Etat. Celle-là ne peut
plus reposer seulement, sur un principe de liberté et
d'immunités, mais comporte des obligations à l'égard des
populations vivant sur son territoire, que l'Etat doit respecter et dont il
doit répondre. Ainsi, en cas de manquements graves de l'Etat à
ses obligations de protection, la souveraineté ne saurait plus
être, dans tous les cas, un obstacle infranchissable à une action
de la Communauté internationale, tenue elle-même d'exercer ses
propres responsabilités en matière de protection des populations.
La responsabilité de protéger a donc une dimension individuelle
et collective, appelée à être exercée solidairement
en faveur des populations menacées ou victimes de violences de masse. La
notion de responsabilité de protéger qui a le soutien d'une large
partie de la communauté internationale, mais aussi des
détracteurs, fait l'objet d'un travail de réflexion et
d'approfondissement sous l'égide des Nations Unies.
Cette contribution a pour objet de montrer, derrière
les procès d'intention faits à ce concept, les questions et les
difficultés que son application peut soulever aux différentes
phases de sa mise en oeuvre, tant pour l'Etat territorial auquel cette
responsabilité incombe au premier chef, que pour la communauté
internationale, investie de cette responsabilité, à titre
subsidiaire, en cas d'impossibilité ou de mauvaise volonté de
l'Etat territorial de s'acquitter de ce devoir.
Préciser les différents moyens et conditions
d'action au titre de la responsabilité de protéger est d'autant
plus urgent aujourd'hui que la pratique de l'intervention en Libye a fait
passer la notion de responsabilité de protéger de la
théorie à la pratique.
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La mise en oeuvre de la responsabilité de
protéger en Afrique : Etude de quelques cas récents (Mali,
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ABREVIATIONS ET SIGLES
AFRI Annuaire Français de Relations
Internationales
AGNU Assemblée Générale des
Nations Unies
Art. Article
AUF Agence Universitaire de la Francophonie
CEDEAO Communauté Economique des
États de l'Afrique de l'Ouest
CEEAC Communauté Economique des Etats de
l'Afrique Centrale
CER Communautés Economiques
Régionales
CICR Comité International de la
Croix-Rouge
CIISE Commission Internationale de
l'Intervention et de la Souveraineté
des États
CIJ Cour Internationale de Justice
COPAX Conseil de Paix et de
sécurité de l'Afrique Centrale
CPI Cour Pénale Internationale
CSNU Conseil de Sécurité des
Nations Unies
Dir. Directeur
Doc. Document
ECOMOG ECOWAS Monitoring Group
EUFOR European Union Force (Force de l'Union
européenne)
FORPRONU Force de protection des Nations
Unies
GPHN Groupe de Personnalités de Haut
Niveau sur les menaces, les
défis...
HCDH Haut Commissariat aux Droits de l'Homme
HCR Haut Commissariat des Nations unies pour les
Réfugiés
Ibid. Ibidem
Id. Idem
In Dans
Infra Ci-dessous
MICOPAX Mission de Consolidation de la Paix en
Centrafrique
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La mise en oeuvre de la responsabilité de
protéger en Afrique : Etude de quelques cas récents (Mali,
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MINUAD Mission conjointe des Nations unies et de
l'Union africaine au
Darfour
MINUSCA Mission multidimensionnelle
intégrée des Nations unies pour la Stabilisation en
Centrafrique
MINUSMA Mission multidimensionnelle
intégrée des Nations unies pour la Stabilisation au Mali
MISCA Mission Internationale de soutien à
la Centrafrique sous conduite africaine
MISMA Mission Internationale de soutien au Mali
sous conduite africaine
MONUC Mission de l'Organisation des Nations
unies en République
Démocratique du Congo
n° : Numéro
OCHA Bureau de la coordination des affaires
humanitaires
OMP Opérations de maintien de la paix
ONG Organisation non gouvernementale
ONU Organisation des Nations Unies
ONUCI Opération des Nations Unies en
Côte d'Ivoire
op. cit. Opus Citatem (ouvrage
déjà cité)
OTAN Organisation du Traité de
l'Atlantique Nord
OUA Organisation de l'Unité Africaine
p. Page
PAM Programme Alimentaire Mondial
par. Paragraphe
pp. Pages
R2P Responsabilité de protéger
Rap. Rapport
RCA République Centrafricaine
RDIDC Revue de droit international et de droit
comparé
Rec. Recueil
Res. Résolution
RGDIP Revue Générale de Droit
International Public
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protéger en Afrique : Etude de quelques cas récents (Mali,
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RICR Revue Internationale de la
Croix-Rouge
s. Suivant(e)s
SFDI Société Française
pour le Droit International
SGNU Secrétaire Général
des Nations Unies
Supra Ci-dessus
TPI Tribunal Pénal International
TPIR Tribunal Pénal International pour
le Rwanda
TPIY Tribunal Pénal International pour
løex-Yougoslavie
UE Union Européenne
UA Union Africaine
UMA Union du Maghreb Arabe
V. Voir
Vol. Volume
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La mise en oeuvre de la responsabilité de
protéger en Afrique : Etude de quelques cas récents (Mali,
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SOMMAIRE
INTRODUCTION GENERALE 1
PREMIERE PARTIE : UN CADRE DE MISE EN OEUVRE
IMPRECIS ..12
CHAPITRE I: DES MODALITES DE MISE EN OEUVRE VARIABLES
..14
Section 1 : Le traitement des crises au cas par cas
|
14
|
Section 2 : L'appréciation ambiguë des
critères de l'intervention militaire
|
23
|
CHAPITRE II : DES MOYENS DE MISE EN OEUVRE CONFUS
|
.32
|
Section 1 : Le mélange de l'humanitaire et du militaire :
l'humanitaire armé
|
32
|
Section 2 : La conséquence : une situation intenable
40
|
|
DEUXIEME PARTIE : UNE MISE EN OEUVRE EQUIVOQUE
.
|
50
|
CHAPITRE I : UNE FERME VOLONTE DE PREVENIR
|
. 52
|
Section 1 : Les mécanismes pertinents de prévention
|
. 52
|
Section 2 : Les faiblesses des mécanismes de
prévention .
|
63
|
CHAPITRE II : DES INTERVENTIONS CONTROVERSEES
|
72
|
Section 1 : Des réactions lentes et peu efficaces
|
72
|
Section 2 : Des processus de reconstruction inachevés
|
. 84
|
CONCLUSION GENERALE
|
96
|
BIBLIOGRAPHIE
... 99
|
|
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La mise en oeuvre de la responsabilité de
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Les événements tragiques tels que l'Holocauste,
les champs de la mort du Cambodge, le génocide au Rwanda et les
massacres de Srebrenica1 ont profondément assombri le
XXe siècle, conduisant ainsi Kofi Annan alors
Secrétaire général des Nations Unies et d'autres
dirigeants dans le monde à se demander si l'Organisation des Nations
Unies et les autres institutions internationales devaient s'attacher
exclusivement à la sécurité des États sans tenir
compte de celle des populations vivant sur leur territoire. Reconnaissant la
justesse de cette inquiétude ainsi que les carences du système
international en ce qui concerne la protection des civils dans les conflits
armés, son successeur, le Secrétaire général Ban
Ki-Moon2, relèvera dans son rapport intitulé "La
mise en oeuvre de la responsabilité de protéger", que ces
diverses tragédies témoignent de « l'incapacité
foncière de chaque État de s'acquitter de ses
responsabilités les plus élémentaires et
impérieuses, ainsi que de l'échec collectif des institutions
internationales »3.
En effet, la Communauté internationale, souvent
partagée entre le respect de la souveraineté nationale et
l'impératif d'intervenir à des fins humanitaires, n'a pas
toujours su comment réagir face aux atrocités de masse. Le
débat relatif à l'action onusienne en situation de crise a connu
de nombreuses évolutions ; mais une étape fondamentale a
été franchie en 2000 avec l'avènement du concept de
responsabilité de protéger. Adopté par les
États membres des Nations unies en 2005, lors du 60ème
Sommet mondial des Nations Unies4, le principe de la
responsabilité de protéger a été appliqué
pour la première fois en Afrique notamment en Libye5 et en
Côte d'Ivoire6 en 2011.
1 Les deux derniers sous la surveillance du Conseil de
sécurité et des forces de maintien de la paix de l'ONU.
2 Prédécesseur de l'actuel
Secrétaire général Antonio Guterres.
3 Assemblée générale de l'ONU,
Rapport du Secrétaire général, La Mise en oeuvre de la
responsabilité de protéger, Doc. ONU, A/63/677, 12 janv.
2009, paragraphe 5, p. 4.
4 Réunion plénière de Haut
niveau de la soixantième session de l'Assemblée
Générale des Nations Unies, tenue du 14 au 16 septembre 2005 au
siège de l'ONU à New York.
5 La Libye a connu un conflit armé issu d'un
mouvement de contestation populaire, assorti de revendications sociales et
politiques, qui s'est déroulé entre le 15 février 2011 et
le 23 octobre 2011. Cette crise est à l'origine de l'intervention
militaire internationale de 2011. Celle-ci est une opération militaire
multinationale sous l'égide de l'ONU, qui s'est déroulé
entre le 19 mars 2011 et le 31 octobre 2011, dont l'objectif est la mise en
oeuvre de la résolution 1973 du Conseil de sécurité des
Nations unies. Cette résolution instaure une zone d'exclusion
aérienne au dessus du territoire de la Jamahiriya arabe libyenne et
permet de « prendre toutes les mesures jugées nécessaires
pour protéger les populations civiles »
Les noms de codes des interventions mandatées par l'ONU
sont : l'opération Harmattan menée par la France,
l'opération Ellamy menée par le Royaume-Uni,
l'opération Odyssey Dawn menée par les Etats-Unis,
l'opération Mobile menée par le Canada et l'opération
Unified Protector menée par l'OTAN.
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La mise en oeuvre de la responsabilité de
protéger en Afrique : Etude de quelques cas récents (Mali,
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Ainsi, les récentes crises en Afrique, notamment en
Libye et en Côte d'ivoire ont relancé la polémique sur la
notion de « responsabilité de protéger », ou
sur ce que certains7 appellent encore le « droit »
ou le « devoir d'ingérence humanitaire »8.
Ces expressions qui, depuis bientôt trente ans, sont
présentes dans les médias, suscitent inlassablement de vifs
débats, aussi bien politiques, juridiques que philosophiques. Si, en ce
XXIème siècle, tout le monde s'accorde à dire
que l'on ne peut plus tolérer des violations flagrantes et massives des
droits de l'homme, l'intervention onusienne pour motifs humanitaires a toujours
suscité des controverses, voire des critiques, que ce soit par sa
présence ou par son absence9. On se trouve en effet
tiraillé entre la nonintervention éthiquement
problématique et l'intervention toujours risquée et jamais
incontestée10. La responsabilité de protéger
alimente aujourd'hui des débats alléchants dans le monde des
internationalistes. Pour ne pas se laisser emporter par l'engouement
médiatique qui utilise souvent les expressions sans en donner la
véritable portée, il est nécessaire d'éclaircir la
notion de responsabilité de protéger, en retraçant ses
origines et en précisant son contenu.
Impuissante face à la situation au Rwanda,
paralysée face à la situation au Kosovo, l'ONU avait
laissé d'un côté se perpétrer un génocide et
de l'autre se dérouler une intervention armée sans l'accord du
Conseil de sécurité. Aussi, consciente de la gravité de
ces manquements et des contradictions qu'ils révélaient une fois
de plus, la Communauté internationale a commencé à
débattre sérieusement de la manière de réagir avec
efficacité quand les droits des citoyens sont violés de
manière flagrante et systématique. La question fondamentale qui
se posait alors était celle de savoir si les
6 La Côte d'Ivoire a connu une crise qui
s'est déroulée du 28 novembre 2010 au 4 mars 2011, après
le second tour de l'élection présidentielle ivoirienne de 2010
dont le résultat a conduit à un différend
électoral. Ce deuxième tour des élections a opposé
le président sortant Laurent Gbagbo à l'ex Premier ministre
Alassane Ouattara. Ce dernier sera déclaré vainqueur par la
Commission Electorale Indépendante tandis que le premier après un
recours devant le Conseil constitutionnel sera proclamé vainqueur par
cet organe. La Côte d'Ivoire s'est alors trouvée dotée de
deux présidents, de deux premiers ministres et de deux gouvernements.
L'échec des négociations afin d'amener Laurent Gbagbo a
reconnaître sa défaite face à son adversaire largement
soutenu par la Communauté internationale, et le déclenchement
dès janvier 2011 des heurts entre partisans des deux camps motiveront le
Conseil de sécurité de l'ONU a adopter la résolution 1967
du 19 janvier 2011 autorisant l'envoi de 2000 casques bleus
supplémentaires dans le cadre de l'ONUCI (opération des nations
unies en Côte d'Ivoire).
7 Peters A., « Le droit d'ingérence et
le devoir d'ingérence ÀVers une responsabilité de
protéger », Revue de droit international et de droit
comparé, 2002, pp. 290-308, ici p. 296.
8 Massrouri M., « La responsabilité de
protéger », MOREILLON L., Droit pénal humanitaire,
2ième édition, Bruxelles, Bruylant, 2009, p.197.
9Ibid.
10 Abdelhamid H., Bélanger M., Crouzatier
J.-M., Douailler S., Maila J., Mbonda E.-M, Mihali C., Tassin E., (dir),
Sécurité humaine et responsabilité de protéger,
l'ordre humanitaire international en question, Archives contemporaines,
AUF, 2009, p. 112.
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La mise en oeuvre de la responsabilité de
protéger en Afrique : Etude de quelques cas récents (Mali,
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Etats jouissent d'une souveraineté inconditionnelle sur
leurs propres affaires ou si la Communauté internationale a le droit
d'intervenir dans un Etat à des fins humanitaires. C'est dans ce
contexte que l'ancien Secrétaire général Kofi Annan, a
lancé à l'Assemblée générale des Nations
Unies en 1999 puis en 2000, des appels éloquents invitant la
Communauté internationale à parvenir une fois pour toutes
à un consensus sur ces problèmes et à forger une nouvelle
unité sur les questions fondamentales de principe et de
procédure. Le Secrétaire général a posé
directement la question incontournable en ces termes : si l'intervention
humanitaire constitue effectivement une atteinte inadmissible à la
souveraineté, comment devons-nous réagir face à des
situations comme celles dont nous avons été témoins au
Rwanda ou à Srebrenica, devant des violations flagrantes, massives et
systématiques des droits de l'homme, qui vont à l'encontre de
tous les principes sur lesquels est fondée notre condition d'êtres
humains?11 . En réponse à cet appel, le
Gouvernement du Canada et un groupe de grandes fondations, annonçaient
à l'Assemblée générale en septembre 2000 la
création d'une Commission internationale de l'intervention et de la
souveraineté des États (ci-après CIISE ou Commission).
D'abord avancé par Francis M. Deng12 dans
ses travaux sur le sort réservé aux personnes
déplacées et aux réfugiés13, ensuite
évoqué dans un rapport produit par le Danish Institute of
International Affairs en 199914, puis développé
dans un rapport de la Commission internationale de l'intervention et de la
souveraineté des États (CIISE) publié en décembre
200115, le concept de responsabilité de protéger a
subséquemment été interprété comme une
nouvelle « norme prescrivant une obligation collective internationale de
protection » par le Groupe de personnalités de haut niveau sur les
menaces, les défis et le changement16 ; et certains le
considèrent désormais comme l'innovation « la plus
importante en lien avec les menaces d'atrocités de
11 Tiré du Rapport du Millénaire du
Secrétaire Général intitulé « Nous les
peuples : le rôle des Nations Unies au XXIè
siècle », Doc. A/54/2000, 27 mars 2000, p. 36.
12 Homme politique et diplomate originaire du
Soudan du sud. Il débuta sa carrière aux Nations Unies en tant
que spécialiste des droits de l'homme.
13 Deng F. M., Kimaro S., Lyons T., Rothchild D.
& Zartman I.W., Sovereignty as Responsibility ; Jentleson
B.W., Coercive Prevention, pp. 18-23 ; Deng F.M., « From
'Sovereignty as Responsibility' to the 'Responsibility to Protect' », pp.
353-370.
14Danish Institute of international Affairs,
Humanitarian Intervention.
15 Commission internationale de l'intervention et
de la souveraineté des États (CIISE), La
responsabilité de protéger, Ottawa, décembre 2001.
16 Nations Unies, Groupe de personnalité de
haut niveau, Un monde plus sûr, §§ 202-203.
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La mise en oeuvre de la responsabilité de
protéger en Afrique : Etude de quelques cas récents (Mali,
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masse depuis l'adoption de la Convention sur le
génocide en 1948 »17. Le concept de
responsabilité de protéger», sera enfin
érigé en principe et adopté par les États membres
des Nations unies en 200518, à l'issue du
60ème Sommet mondial des Nations Unies.
Connu sous le vocable « R2P »19, dans le
jargon des Nations unies, la « responsabilité de protéger
», désigne l'obligation qui incombe à chaque Etat de
protéger ses populations contre les génocides, les crimes de
guerre, les crimes contre l'humanité et les nettoyages
ethniques20. C'est également l'obligation qui incombe
à la Communauté internationale, d'assister l'Etat (en proie
à un conflit), dans la mise en oeuvre de sa responsabilité de
protéger sa population, ou de le suppléer lorsqu'il est
défaillant21.
L'origine du mot « responsabilité » peut
être retracée à deux étymologies
complémentaires : au verbe latin « spondere »
signifiant, promettre, s'engager à se porter garant de quelqu'un ou de
quelque chose, et « respondere » c'est-à-dire,
répondre ou répondre de. Le mot «
répondre » implique dès lors l'idée de se tenir
garant du cours d'évènements à venir22. Plus
spécialement on répond à une exigence ; celle de faire
face à un devoir, à une charge qui nous incombe23.
Dans le domaine du droit, et en particulier du droit civil et du droit
pénal, la notion de responsabilité semble être
définie avec plus de précision. Elle renvoie essentiellement
à une « obligation » : celle de réparer un dommage
causé à autrui24 (droit civil) ou de subir la
17Albright M.K. & Cohen W.S., Preventing
Genocide, American Academy of Diplomacy, 2008, p. 98.
18 Voir les paragraphes 138 et 139 du Document
final du Sommet mondial des Chefs d'Etat et de Gouvernement de septembre 2005
à New-York, doc. ONU A/60/L.1 (2005).
19 L'acronyme R2P À prononcez RtoP, «
à l'anglaise » Àfait partie du langage de l'Organisation des
Nations Unies (ONU).
20 Document final du Sommet mondial de 2005, 16
septembre 2005, Doc. off. NU A/60/L.1, par. 138. 21Ibid.
par. 139.
22 Eberhard C., « La responsabilité
en France: Une approche juridique face à la complexité du monde
», in Sizoo E. (dir), Responsabilité et cultures
du monde. Dialogue autour d?un défi collectif, Éditions
Charles Léopold Mayer, Paris, 2008, pp 155-182. (Version Provisoire).
23 En effet, le terme « responsabilité
» n'est pas dénué de toute ambiguïté. En 1970,
la Cour internationale de Justice dans l'arrêt Barcelona Traction
débute son raisonnement en l'utilisant comme un synonyme du mot
« obligation ». Cela suggère donc, à première
vue, que la responsabilité de protéger est un devoir des
États et de la communauté internationale À « a
duty to protect ». Néanmoins, le mot «
responsabilité » peut aussi revêtir une connotation plus
morale, un engagement solennel ou une promesse.
24 Le droit civil rattache la notion de
responsabilité à la réparation des
préjudices individuels. L'article 1382 du Code Civil français de
1804 dispose à cet effet « Tout fait quelconque de l'homme qui
cause dommage à autrui, oblige celui par la faute duquel il est
arrivé à le réparer ».
Réalisé et présenté par Bansopa Linda
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La mise en oeuvre de la responsabilité de
protéger en Afrique : Etude de quelques cas récents (Mali,
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punition prévue comme conséquence de ce
dommage25 (droit pénal). Il faut remarquer que la notion
d'obligation est centrale dans le concept même de responsabilité.
Qu'il s'agisse de réparer un dommage ou de subir un châtiment, la
situation se présente toujours sous le signe d'une « obligation
». Mais dans la thématique de la « responsabilité de
protéger », si la notion d'obligation conserve toute sa place, il
n'en est pas de même des autres éléments comme la
réparation et le châtiment qui perdent tous leur sens. Ici,
l'objet de cette responsabilité (protéger), affecte le concept et
oblige à rechercher son sens dans d'autres domaines tels la morale et la
politique.
Le registre de la morale vient enrichir le concept de
responsabilité en lui donnant une extension qui déborde le cadre
de la réparation et de la punition pour englober l'engagement que l'on
peut avoir à l'égard des autres et surtout des personnes qui sont
à notre charge. C'est cette responsabilité qui est définie
par Emmanuel Levinas26 en termes de « responsabilité
pour autrui », en tant qu'obligation qu'impose à chaque personne le
visage ou le regard de l'autre. La modalité de cette
responsabilité est la prospection et non la rétrospection, comme
le souligne Hans Jonas27. On envisage non pas ce qui est
arrivé, mais ce qui peut arriver, en particulier aux autres.On retrouve
ici l'enjeu de la responsabilité de protéger. Si la protection
consiste à mettre des personnes à l'abri d'un danger potentiel,
soit en empêchant que ce danger se produise, soit en limitant ses
conséquences une fois qu'il se manifeste ; la responsabilité de
protéger renvoie vers ce qu'il convient de faire en pareille situation
d'imminence du danger.
Dans un autre registre, la responsabilité devient
politique quand elle se définit comme obligation incombant à un
Etat ou à une institution publique d'assurer la protection ou la
sécurité des personnes qui sont à sa charge. La
responsabilité du point de vue politique, en rapport avec la
thématique de la sécurité humaine, met en évidence
l'une des fonctions principales d'un Etat. Le rapport de la CIISE fait de
l'Etat le principal titulaire de la responsabilité de protéger et
relie la légitimité de l'Etat au respect de cette obligation. Tel
est le sens de la souveraineté mise en oeuvre par ledit
25 Voir Cornu G. (dir.) et Association Henri
Capitant, Vocabulaire juridique, Paris, PUF, coll. « Quadrige »,
2005, 7e éd., 970 p., « Responsabilité pénale
».
26 Levinas E., Ethique et infini, Paris,
Fayard, 1982, p. 92.
27 Jonas H., Le Principe
responsabilité, Paris, Flammarion, 1995, p. 179.
Réalisé et présenté par Bansopa Linda
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La mise en oeuvre de la responsabilité de
protéger en Afrique : Etude de quelques cas récents (Mali,
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rapport28. Non plus une souveraineté dans un
sens défensif, mais une souveraineté prise comme devoir d'un Etat
envers ses citoyens. Dès lors, un Etat qui n'assume pas la
responsabilité politique de protection de ses citoyens est un Etat
défaillant. Par cette défaillance, il oblige, d'autres instances
(organisations internationales, gouvernementales ou non gouvernementales)
à intervenir afin que les citoyens appartenant à cet Etat
bénéficient de la protection qui leur est due. C'est une
responsabilité subsidiaire, au second degré (la
responsabilité première incombant toujours à l'Etat
territorial), mais elle révèle toute son importance quand l'Etat
territorial n'assume pas sa propre responsabilité et, pire, quand il est
lui-même, à l'origine des menaces qui pèsent sur ses
citoyens29.
Inscrite aux paragraphes 138 et 139 du Document final du
Sommet mondial des Chefs d'Etat et de Gouvernement de septembre 2005 à
New-York, la responsabilité de protéger est
désignée comme le devoir général tant des Etats que
de la communauté internationale de « protéger les
populations du génocide, des crimes de guerre, du nettoyage ethnique et
des crimes contre l'humanité »30.Selon ce Document
« cette responsabilité consiste notamment dans la
prévention de ces crimes, y compris l'incitation à les commettre,
par les moyens nécessaires et appropriés
»31.Ainsi, à travers ces définitions, on
peut déduire que la responsabilité de protéger comprend
trois (03) obligations particulières : la responsabilité de
prévenir, la responsabilité de réagir et
la responsabilité de reconstruire.
La première obligation consiste à
éliminer à la fois les causes profondes et les causes directes
des conflits internes et des autres crises produites par l'homme qui mettent en
danger les populations.
Quant à la seconde, elle consiste à
réagir devant des situations où la protection des êtres
humains est une impérieuse nécessité, en utilisant des
mesures appropriées
28 Rapport de la CIISE, La
Responsabilité de protéger, Publication du Centre de
recherches pour le développement international(CRDI), déc. 2001,
p. 14, § 2. 15.
29 Cette perspective pose l'épineux
problème de l'ingérence politique ou, selon la terminologie
apparemment moins choquante, de l'ingérence humanitaire. Mais en
même temps, si la responsabilité est de nature politique, dans le
sens où elle est ci- dessus définie, elle se soumet aux
aléas de ce que l'on appelle, dans les théories réalistes
des relations internationales, la realpolitik. Et du coup, la
dimension politique de la responsabilité, qui était censée
donner à la responsabilité morale la force pragmatique qui lui
manquait, risque d'être ce par quoi cette responsabilité est
susceptible de ne point s'exercer selon les conditions dictées,
précisément, par la rationalité instrumentale de ladite
realpolitik.
30 Document final du Sommet mondial des Nations Unies,
doc. ONU A/60/L.1 (2005), §138. 31Ibid.
Réalisé et présenté par Bansopa Linda
DARATE Page 8
La mise en oeuvre de la responsabilité de
protéger en Afrique : Etude de quelques cas récents (Mali,
Centrafrique, Libye)
pouvant prendre la forme de mesures coercitives telles que des
sanctions et des poursuites internationales et, dans les cas extrêmes, en
ayant recours à l'intervention militaire. Enfin, en ce qui concerne la
troisième obligation, elle consiste à fournir, surtout
après une intervention militaire, une assistance à tous les
niveaux afin de faciliter la reprise des activités, la reconstruction et
la réconciliation, en agissant sur les causes des exactions auxquelles
l'intervention devait mettre un terme ou avait pour objet d'éviter.
Evoqué dans plusieurs situations de crises à
travers le monde, le principe de la responsabilité de protéger a
trouvé en Afrique le premier terrain de sa mise en oeuvre. Ce qui
justifie à plus d'un titre le thème de nos travaux, « La
mise en oeuvre de la responsabilité de protéger en Afrique
».
En effet, après les horribles massacres des guerres
sierra-léonaises et libériennes, le génocide rwandais et
la guerre sans fin du Congo Kinshasa, le début des années 2000
avait semblé marquer pour l'Afrique, un certain nouveau départ.
Mais dès 2010, la guerre civile ivoirienne, larvée depuis une
dizaine d'années, s'est achevée sur une épreuve de force
où plus de 3000 personnes ont connu la mort. La partition du Soudan,
censée ramenée la paix dans cette région, tourne à
l'affrontement armé. Pire, les coups d'Etats militaires, que l'on
croyait définitivement dépassés, ont de nouveau refait
surface. Nous en voulons pour preuve la récente expérience
burkinabé32. Ainsi, l'Afrique, devons-nous l'admettre, est
depuis plusieurs décennies le théâtre de nombreuses crises
sociopolitiques, d'une complexité sans cesse croissante33,
faisant de la protection des populations, une obligation difficile à
remplir34. Par conséquent, nous présenterons notre
thème en tenant compte particulièrement des récentes
crises intervenues en Afrique et plus précisément en Libye, en
Côte d'Ivoire, en République
32 Gilbert Diendéré, ex bras-droit de
l'ancien Président Blaise Compaoré, nommé le 17 septembre
2015 dans la matinée, à la tête du Conseil national de la
démocratie (CND) prit au soir, par un coup d'état militaire, les
rênes du Burkina Faso en prenant en otage une partie du gouvernement de
transition (établi après le départ de Blaise
Compaoré) dont le Président de la transition, Michel Kafando, et
son Premier ministre Isaac Zida, déclarés
démissionnaires.
33 La fin de la Guerre froide a transformé
la nature et la typologie des conflits armés auxquels est
confronté le monde du XXIe siècle. Le contexte
d'après la chute du mur de Berlin est caractérisé par la
multiplication des conflits internes plus meurtriers et la multiplication des
conflits interétatiques.
34« Les victimes civiles sont en effet de loin les
plus importantes. On sait que c'est une tendance qui se
généralise à travers le monde, et les deux
premières guerres mondiales sont révélatrices de ce
changement. Au début de ce siècle, environ 90% des victimes de
guerre étaient des soldats ; aujourd'hui, environ 90% sont des civils
».GENDREAU F., « La dimension démographique des conflits
armés africains », in L'Afrique face aux conflits,
Revue Afrique contemporaine, numéro spécial,
4e trimestre 1996, p. 135.
Réalisé et présenté par Bansopa Linda
DARATE Page 9
La mise en oeuvre de la responsabilité de
protéger en Afrique : Etude de quelques cas récents (Mali,
Centrafrique, Libye)
Centrafricaine et au Mali. En outre, la mise en oeuvre de la
responsabilité de protéger faisant intervenir le triptyque
prévention--réaction--reconstruction, nous nous
intéresserons aux modalités d'application de chacun de ces trois
(03) éléments.
La fréquence et l'intensité des conflits
armés en Afrique rendent hélas d'une permanente actualité
le principe de la responsabilité de protéger et la question de
son applicabilité. L'enjeu étant de préserver les droits
et la vie de personnes qui sont victimes innocentes d'un conflit, le principe
de la responsabilité de protéger a une grande
légitimité. Mais on s'aperçoit que, dès lors qu'il
s'agit de sa mise en oeuvre concrète, énormément de
questions se posent. On a beau avoir établi des critères
précis pour délimiter le pouvoir d'intervention de la
communauté internationale ou de l'un ou l'autre de ses membres au nom de
la responsabilité de protéger, la définition de la
frontière en-deçà de laquelle on doit rester devient
très vite une question d'interprétation, voire
d'intérêt. C'est dans ce cadre qu'on se demande si le principe de
la responsabilité de protéger est assez efficace quand il s'agit
de la question de sa mise en oeuvre dans le contexte régional africain ?
Autrement dit, quelle est la portée des moyens de mise en oeuvre de la
responsabilité de protéger dans les conflits armés en
Afrique ?
Si nous admettons que la responsabilité de
protéger a sans doute influencé un nombre croissant de
discussions et de processus décisionnels35, les principales
questions opérationnelles restent en suspens : Qui décide ? Qui
agit ? Quelle action ? A cet égard ; il n'y a guère eu
d'évolutions depuis le rapport de la CIISE qui préconisait le
développement de lignes directrices claires sur ces différentes
questions. Au cours de la décennie écoulée, nombreuses ont
été les occasions manquées de prouver l'efficacité
concrète de la responsabilité de protéger. L'ONU et les
35 Si, en 2008, la R2P n'est que brièvement
mentionnée parmi les principaux thèmes abordés par le
Secrétaire général de l'ONU dans son rapport à
l'Organisation (Où la R2P figure dans la rubrique relative aux droits de
l'homme, à l'Etat de droit, à la prévention du
génocide à laquelle elle est associée, ainsi qu'à
la démocratie et à la bonne gouvernance. Cf. Rapport du
Secrétaire général sur l'activité de
l'Organisation, AGONU, Doc. off. 63e session, sup. n° 1
(A/63/1), p. 17), en janvier 2009, ce dernier consacrait un rapport
développé à la mise en oeuvre du principe. Et,
après qu'en juillet 2009, elle lui eut consacré plusieurs jours
de débats à l'initiative de son président (Documents
officiels de l'Assemblée générale, soixante
troisième session, Séances plénières,
96e à 101e séance, et rectificatif,
A/63/PV.96 à 101), l'Assemblée générale des Nations
Unies adoptait par consensus, le 14 septembre 2009, sa première
résolution en la matière (Assemblée générale
de l'ONU, A/RES/63/308). Cette résolution était
présentée par le Guatémala et coparrainée par 67
Etats, dont la France avec toute l'Union européenne. L'année 2009
a donc été, comme l'a souligné le Secrétaire
général, « une année décisive pour la mise
en oeuvre de la responsabilité de protéger »
(Assemblée générale de l'ONU, Rapport du
Secrétaire général, Alerte rapide, évaluation
et responsabilité de protéger, A/64/864, 14 juil. 2010,
§14.
Réalisé et présenté par Bansopa Linda
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La mise en oeuvre de la responsabilité de
protéger en Afrique : Etude de quelques cas récents (Mali,
Centrafrique, Libye)
organisations régionales africaines ont à
maintes reprises fait recours à la responsabilité de
protéger en Afrique. Cependant, la question qui se pose est celle de
savoir si l'application qui est faite de ce principe rend possible la
protection efficace et satisfaisante des populations vulnérables ?
La responsabilité de protéger a, depuis son
origine, souffert de son amalgame avec l'intervention militaire. De ce fait,
les débats ont souvent été monopolisés par la
question du recours à la force. Même si, aujourd'hui, les
partisans de la responsabilité de protéger mettent l'emphase sur
la prévention ainsi que sur les autres moyens d'intervention et de
coercition (médiation, sanctions mais aussi mesures judiciaires), nombre
de discussions portent, de fait, sur l'utilisation de la force
armée.Selon le Rapport de la CIISE, la responsabilité de
protéger contient non seulement la responsabilité de
réagir et de reconstruire, mais surtout la responsabilité de
prévenir. Cependant, il est aisé de constater que les poursuites
internationales de même que l'intervention militaire ont ravi la vedette
à la prévention ainsi qu'à la reconstruction. De fait,
cela suscite des interrogations quant à la place réservée
à la prévention et à la reconstruction dans la mise en
oeuvre de la responsabilité de protéger en Afrique.
Le premier intérêt de ces questions est qu'elles
nous aident à penser ou à repenser, dans une perspective
analytique, le principe de la responsabilité de protéger. Le
second intérêt est qu'elles nous aident à étudier ce
principe dans une perspective plus pratique, à l'épreuve de sa
mise en application en Afrique notamment. C'est dans ce sens que le cas de la
Lybie, au-delà de son caractère tragique, peut constituer un
exemple intéressant. En fait, ce cas permet d'évaluer la
portée éthique et politique de la responsabilité de
protéger, présentée comme réponse au dilemme de
l'intervention humanitaire, et appliquée pour la première fois en
Libye en 2011.
La responsabilité de protéger constitue une
avancée importante dans l'éthique des relations
internationales36, si l'on considère en particulier ce qui en
constitue l'objet central : faire de la protection des droits de l'homme une
responsabilité globale, en accordant à ce principe de
responsabilité globale une supériorité éthique et
même une priorité politique par rapport au principe juridique de
non-ingérence. Cette
36 MBONDA (E.-M.),« Responsabilité de
protéger et éthique de l'intervention humanitaire armée :
réflexions éthiques a partir du cas libyen », Institut
Afrique Monde, Université Catholique d'Afrique centrale, Yaoundé,
p. 2.
Réalisé et présenté par Bansopa Linda
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La mise en oeuvre de la responsabilité de
protéger en Afrique : Etude de quelques cas récents (Mali,
Centrafrique, Libye)
importance de la responsabilité de protéger
n'est pas fondamentalement remise en cause par son instrumentalisation et ses
dévoiements par les acteurs internationaux. En réalité,
aucun grand principe normatif, aucune grande doctrine n'est à l'abri de
pareilles dérives (on a pratiqué l'inquisition au nom de
Jésus, et on tue au nom d'Allah). Celles-ci doivent être
considérées comme une interpellation, une invitation à
retravailler le principe pour en éliminer autant que possible les
ambiguïtés. Et c'est toujours le principe lui-même qui
fournit des arguments pour dénoncer son instrumentalisation.
Il est indéniable que plusieurs
études37 ont été consacrées à la
protection des populations civiles en temps de guerre. On peut donc se demander
à juste titre pourquoi une étude de plus sur ce thème ? La
réponse à cette interrogation réside dans le fait qu'un
sujet aussi complexe nécessite plusieurs approches, dans le sens
où aucune analyse ne peut prétendre instruire à elle seule
l'étude d'une réalité sociale. Notre démarche
méthodologique sera basée sur l'analyse fonctionnaliste, à
travers laquelle nous montrerons l'utilisation réelle qui est faite du
principe de la responsabilité de protéger en Afrique et
particulièrement en Libye, en Centrafrique et au Mali.
En vue d'analyser l'efficacité de la
responsabilité de protéger en Afrique, il convient d'aborder dans
un premier temps le cadre de sa mise en oeuvre (Première partie)
afin de rendre compte de ses différentes facettes. Ensuite,dans
un second temps, il convientd'examiner l'effectivité de son application
en Afrique (Deuxième partie).
37 SASSE (A.), L'ONU et la
responsabilité de protéger en Afrique, Mémoire de
DEA, Université d'Abomey-Calavi, 2012, 91 pages. KELLY (A.),
Populations civiles et conflits armés dans la CEDEAO,
Mémoire de DEA, Université d'Abomey-Calavi, 2004. BALGUY-GALLOIS
(A.), Droit international et protection de l'individu dans les situations
de troubles intérieurs et de tensions internes, Thèse,
Université de Paris I, 2008. CODJO (J.), La régionalisation
de la mise en oeuvre de la responsabilité de protéger : cas de la
CEDEAO, Mémoire de DEA, Université d'Abomey-Calavi,
décembre 2012.
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La mise en oeuvre de la responsabilité de
protéger en Afrique : Etude de quelques cas récents (Mali,
Centrafrique, Libye)
PREMIERE PARTIE : UN CADRE DE MISE EN OEUVRE
IMPRECIS
Réalisé et présenté par Bansopa Linda
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La mise en oeuvre de la responsabilité de
protéger en Afrique : Etude de quelques cas récents (Mali,
Centrafrique, Libye)
Dans la sphère académique, médiatique
comme politique, on se réfère souvent à la R2P comme
à une norme émergente38. L'article 38 du
Statut de la Cour internationale de justice énumère les sources
reconnues du droit international et reconnaît que : les conventions et
traités constituent des sources de droit. Le droit coutumier ainsi que
les « principes généraux de droit reconnus par les nations
civilisées »39 en sont d'autres. La R2P n'est
présente dans aucun traité, ne constitue pas non plus une
règle de droit coutumier, et va plutôt à l'encontre des
principes généraux du droit international. Cependant, dans son
rapport intitulé "La mise en oeuvre de la responsabilité de
protéger"40, le Secrétaire général
Ban Ki-moon souligne que « les dispositions des paragraphes 138 et 139 du
Documentfinal du Sommet sont fermement ancrées dans des principes bien
établis de droit international ». Il constate également qu'
« en vertu du droit international conventionnel et coutumier, les
Étatssont tenus de prévenir et de réprimer le
génocide, les crimes de guerre et les crimescontre l'humanité
»41. En outre, certains auteurs considèrent que la R2P
est qualifiée de soft Law, puisque adoptée par
l'Assemblée générale des Nations unies en 2005.
Quoi qu'il en soit, ce principe a dans son application
révélé ses insuffisances et son manque de clarté du
point de vue des conditions de sa mise en oeuvre (Chapitre 1)
ou encore du point de vue des moyens de son application
(Chapitre 2).
38 Rapport du Groupe de Personnalité de Haut
niveau sur les menaces, défis, et changements, 2004, paragraphe 203,
http://www.un.org/peacebuilding/pdf/historical/hlp_more_secure_world.pdf
39 « Les conventions internationales, soit
générales, soit spéciales, établissant des
règles expressément reconnues par les Etats en litige; la coutume
internationale comme preuve d'une pratique générale,
acceptée comme étant le droit; les principes
généraux de droit reconnus par les nations civilisées;
sous réserve de la disposition de l'article 59, les décisions
judiciaires et la doctrine des publicistes les plus qualifiés des
différentes nations, comme moyen auxiliaire de détermination des
règles de droit », Statut de la Cour internationale de Justice,
article 38.
40 Rapport du secrétaire
général, La mise en oeuvre de la responsabilité de
protéger, Doc. off. NU, A/63/677, 12 janvier 2009, p. 8.
41Ibidem, paragraphe 3, page 4.
Réalisé et présenté par Bansopa Linda
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La mise en oeuvre de la responsabilité de
protéger en Afrique : Etude de quelques cas récents (Mali,
Centrafrique, Libye)
CHAPITRE I: DES MODALITES DE MISE EN OEUVRE
VARIABLES
« On ne peut attendre que la théorie soit
perfectionnée pour commencer à répondre aux situations
urgentes dans le monde » a déclaré Edward
Luck42 le 12 juillet 201143. Mais s'il est vrai que
certaines régions du monde telle que l'Afrique font face à des
crises sécuritaires et humanitaires auxquelles il est impérieux
de répondre efficacement, il faudrait tout de même que les
pratiques tendant à porter secours et à protéger
relèvent de l'application de règles claires ayant
préalablement fait l'objet d'un consensus au sein de la
Communauté internationale ; ce qui ne semble pas être le cas du
principe de la responsabilité de protéger. Aussi, assiste-t-on
à une application sélective du principe en fonction de la crise
(Section 1), ainsi qu'à une appréciation ambiguë des
critères du recours à la force dans le cadre du principe (Section
2).
Section 1 : Le traitement des crises au cas par cas
Libye, Mali, République centrafricaine, trois (03)
Etats dont les noms résonnent désormais comme des dossiers
majeurs de politique internationale en raison des crises auxquelles ils font
face. Dans chacun de ces Etats, des interventions militaires sont menées
à des fins de protection des populations civiles. L'analyse de ces
différents cas fait état d'une divergence des fondements des
interventions (Paragraphe 1), ainsi que d'une
légalité ambivalente des interventions (Paragraphe
2).
Paragraphe 1 : La divergence des fondements des
interventions
Dans les trois crises analysées, l'action de la
Communauté internationale a été une réaction au cas
par cas à des situations déjà critiques, afin
d'éviter que celles-ci ne s'aggravent davantage et avec l'idée
qu'au-delà d'un certain seuil il serait trop tard pour agir. Ainsi,
alors qu'en Libye et au Mali, c'est la menace de
dégénérescence de la crise qui a fondé
l'intervention militaire (A), en RCA, celle-ci a été
décidée suite aux nombreux massacres enregistrés et face
à l'imminence d'un crime de génocide (B).
42 Conseiller spécial du Secrétaire
Général Ban Ki-moon de 2008 à 2013.
43Conférence sur l'importance des
arrangements régionaux et sous régionaux dans l'application du
principe de « responsabilité de protéger », AGNU,
65e session, 3e dialogue interactif informel sur le
thème de la « responsabilité de protéger », 12
juillet 2011
Réalisé et présenté par Bansopa Linda
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La mise en oeuvre de la responsabilité de
protéger en Afrique : Etude de quelques cas récents (Mali,
Centrafrique, Libye)
A- La menace de commission de crimes internationaux
comme base des interventions en Libye et au Mali
La R2P a un champ d'application matérielquel que peu
délimité. En effet, les paragraphes pertinents44 du
Document final de 2005 intitulés « Devoir de protéger
les populations contre le génocide, les crimes de guerre, le nettoyage
ethnique et les crimes contre l'humanité » sont assez clairs
sur ce point. Ces quatre crimes internationaux sont à la fois la
condition de la mise en oeuvre et l'objet de la R2P. Cependant, les
interventions en Libye et au Mali tendent à montrer que même en
l'absence de ces crimes internationaux, la probabilité de leur
survenance peut suffire à déclencher la R2P.
L'intervention militaire, représente une
ingérence directe et physique à l'intérieur des
frontières d'un Etat. C'est une intrusion très grave, qui
présente des risques inévitables d'abus45. Pourtant,
dans certains cas exceptionnels, où « la violence est si
manifestement attentatoire à la conscience de l'humanité
»46, il est nécessaire d'entreprendre une
intervention coercitive armée. Dès lors, il paraît
primordial de déterminer le seuil de violence qui justifierait une telle
intervention. La Commission prévoit que l'intervention armée ne
pourra se justifier que dans les cas les plus extrêmes, celle-ci devant
avoir pour but de mettre un terme ou d'éviter « des pertes
considérables en vies humaines, effectives ou
appréhendées, qu'il y ait ou non intention génocidaire,
qui résultent soit de l'action délibérée de l'Etat,
soit de sa négligence ou de son incapacité à agir, soit
encore d'une défaillance dont il est responsable; ou un
nettoyage ethnique' à grande échelle, effectif ou
appréhendé, qu'il soit perpétré par des tueries,
l'expulsion forcée, la terreur ou le viol »47.De
manière plus générale, la Commission s'abstient de
définir ce que l'on doit comprendre par l'acception « à
grande échelle » ou « des pertes considérables
en vies humaines ». L'optimisme de la CIISE, qui justifie
cetteimprécision en avançant que, dans la pratique, des
situations de ce type nedonneront pas lieu à des désaccords
majeurs, n'est pas partagé par tous. Eneffet, à quel moment
pourra-t-on estimer
44 Document final du Sommet mondial de 2005, 16
septembre 2005, Doc. off. NU A/60/L.1, par. 138 & 139.
45 Voir entre autres BRICMONT J.,
Impérialisme humanitaire, Droit de l'homme, droit
d'ingérence, droit du plus fort ?, Aden, Bruxelles, 2005.
46 Expression empruntée à la CIISE
(rapport de la commission internationale de l'intervention et de la
souveraineté des Etats, cité ad note 2, § 4.13).
47 Pour davantage de détails, voir infra
« principes de précaution », section 2 du présent
document, paragraphe 1
(B).
Réalisé et présenté par Bansopa Linda
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La mise en oeuvre de la responsabilité de
protéger en Afrique : Etude de quelques cas récents (Mali,
Centrafrique, Libye)
que la condition de la juste cause est bien
réalisée? Plus cyniquement, à partir de combien de morts
peut-on considérer qu'une intervention s'avère
nécessaire?
La Commission a inclus dans la première
catégorie de circonstances, les cas où la population aurait
été massivement exposée à la famine et/ou à
la guerre civile, ainsi que les cas de catastrophes naturelles ou
écologiques extraordinaires48. Dans toutes ces circonstances,
la finalité est d'arrêter ou d'éviter le péril d'une
population civile, dans les cas où l'Etat n'interviendrait pas. La CIISE
va encore plus loin, en prévoyant qu'une action militaire peut
êtrejustifiée pour anticiper ces massacres à grande
échelle. Cette possibilité posetoutefois une série de
problèmes, dont le plus manifeste est celui de la preuveclaire de la
menace de « pertes en vies humaines considérables» ou
de «nettoyage ethnique à grande échelle ».
Comme solution à cette difficulté, la Commission propose que
la gravité de la situation soit évaluée par un organisme
non gouvernemental, impartial et universellement respecté tel quela
Croix-Rouge49.
La crise libyenne surgit de manière assez inattendue
dans le contexte du Printemps arabe50 qui s'est
déclenché en Tunisie en décembre 2010 par une
révolte populaire qui provoqua la chute de Ben Ali. Le même
mouvement s'étend en Égypte et se solde par le départ de
Hosni Moubarak. En Libye par contre, ce mouvement s'est
développé, mais s'est vite transformé en guerre civile
entre les partisans de Khadafi et un groupe de rebelles basé en
particulier à Benghazi. Le Guide libyen, Mouammar Khadafi essaie alors
de garder le contrôle de la situation en organisant une action
combinée de résistance et de répression. Mais très
vite la crise s'intensifie et se transforme en guerre civile entre les
Khadafistes et les groupes rebelles ayant pour fief Benghazi. C'est dans ce
contexte que le Conseil des droits de l'homme dans son rapport A/HRC/RES/S-15/1
du 25 février 2011, condamne la détérioration de la
situation des droits de l'homme en Libye depuis février 2011, notamment
les violations flagrantes et systématiques des droits de l'homme en
cours, et en particulier les attaques aveugles contre des civils, les
exécutions extrajudiciaires, les disparitions forcées, la
détention arbitraire, la torture et les violences sexuelles contre des
femmes
48 Rapport de la commission internationale de
l'intervention et de la souveraineté des Etats (CIISE), par. 4 §20.
49Ibid., par. 4 § 29.
50 Vague de révoltes dans les pays d'Afrique
du Nord contre leurs « dictateurs ». Il a concerné notamment
la Tunisie, la Libye et l'Égypte.
Réalisé et présenté par Bansopa Linda
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La mise en oeuvre de la responsabilité de
protéger en Afrique : Etude de quelques cas récents (Mali,
Centrafrique, Libye)
et des enfants, violations dont certaines pourraient
constituer selon ledit Conseil, des crimes contre
l'humanité51. Ainsi, le Conseil de Sécurité
adopta le 26 février 2011, la Résolution 1970. Dans cette
résolution, le Conseil de Sécurité « se
déclarant gravement préoccupé par la situation en
Jamahiriya arabe libyenne, et condamnant la violence et l'usage de la force
contre des civils », fait état de « violations
flagrantes et systématiques des droits de l'homme, notamment la
répression exercée contre des manifestants pacifiques
», tout en « exprimant la profonde préoccupation que
lui inspire la mort de civils et dénonçant sans équivoque
l'incitation à l'hostilité et à la violence émanant
du plus haut niveau du Gouvernement libyen et dirigée contre la
population civile ».Suite à l'échec manifeste de la
résolution197052, le Conseil de sécurité tirant
argument de l'urgence martelé avec beaucoup d'emphase par la
France53 notamment, adopta le 17 mars 2011, la Résolution
1973 par laquelle, il instaure une zone d'exclusion aérienne en Libye
« afin d'aider à protéger les
civils54». Et autorise les États membres à
prendre « toutes les mesures nécessaires » pour
protéger la population civile.
Pour ce qui est de l'intervention armée au Mali, bien
que sollicitée par les autorités maliennes, elle a
également été motivée par l'imminence du danger ;
la gravité de la menace. En effet, profitant de la confusion qui a suivi
le coup d'Etat militaire du 22 mars 2012, les séparatistes touareg du
Mouvement National de Libération de l'Azawad (MNLA) se sont
emparés du nord du Mali avec le soutien d'Ansar Dine, un mouvement
islamiste lié à Al-Qaida au Maghreb islamique
(AQMI). Des dissensions sont ensuite apparues entre les deux formations.
Les séparatistes touareg ont proclamé l'indépendance de la
zone, mais les djihadistes ont récusé
51§1 de la résolution A/HRC/RES/S-15/1 du
25 février 2011.
52 Appel à l'arrêt de toute violence
contre les civils et au respect des Droits de l'homme, saisie de la Cour
Pénale Internationale, embargo sur les armes, interdiction de voyage et
gel des avoirs concernant les autorités politiques et militaires
libyennes et certains fils de Kadhafi.
53 Alain Juppé, par exemple, lors des
délibérations du Conseil de sécurité pour
l'adoption de la résolution 1973, a affirmé : «Nous n'avons
plus beaucoup de temps. C'est une question de jours, c'est peut-être une
question d'heures. Chaque jour, chaque heure qui passe, resserre l'étau
des forces de la répression autour des populations civiles
éprises de liberté, et notamment de la population de Benghazi.
Chaque jour, chaque heure qui passe alourdit le poids de la
responsabilité qui pèse sur nos épaules. Prenons garde
d'arriver trop tard ! Ce sera l'honneur du Conseil de sécurité
d'avoir fait prévaloir en Libye la loi sur la force, la
démocratie sur la dictature, la liberté sur l'oppression.»
Voir le Compte-rendu de la 6498e séance du Conseil de
sécurité. Conseil de sécurité, « Couverture
des réunions »,
http://www.un.org/press/fr/2011/CS10200.doc.htm.
54 Résolution 1973, paragraphe 6.
Réalisé et présenté par Bansopa Linda
DARATE Page 18
La mise en oeuvre de la responsabilité de
protéger en Afrique : Etude de quelques cas récents (Mali,
Centrafrique, Libye)
l'initiative et se sont engagés à poursuivre
leur combat pour l'instauration de la "charia" dans tout le pays.
Mieux armés, ces derniers ont pris le dessus. Ainsi, au Mali,
l'intervention et plus précisément le lancement de
l'opération Serval55 a été
décidée alors que les groupes armés avaient pris le
contrôle d'une partie du pays depuis plusieurs mois et qu'ils
avançaient sur Bamako, dont la chute aurait signifié la
désagrégation définitive de l'État malien.
S'il est vrai qu'une action rapide face à une crise
peut permettre d'en limiter les effets, il n'en demeure pas moins qu'une action
précipitée et insuffisamment préparée peut
fortement entacher les processus de négociations. En Libye, la
motivation invoquée est certes humanitaire, puisqu'il s'agit de
protéger les populations, notamment celles de Benghazi qui
étaient sous la menace d'une brutale répression de la part des
autorités libyennes. Mais l'intervention militaire des alliés
occidentaux n'a pas été précédée d'une
véritable tentative de négociation puisque les premiers
bombardements contre les objectifs libyens ont commencé deux jours
seulement après l'adoption de la résolution. De même,
l'urgence est elle-même dictée par l'évolution très
rapide de la situation au Mali. Ainsi, le Président François
Hollande annonça-t-il la décision d'intervenir au Mali le 11
janvier 2013 au matin, l'action militaire commençant dès la fin
de la journée. Ce très faible préavis était la
conséquence de la reprise de l'offensive des djihadistes au nord du Mali
début janvier qui pouvait directement menacer Bamako.
B- La commission de massacres massifs comme base de
l'intervention en
RCA
En République centrafricaine, l'intervention a
été décidée après plusieurs semaines
d'aggravation des troubles et l'apparition de massacres. En effet, en
décembre 2012, les rebelles de la Séléka --alliance de
factions dissidentes de l'UFDR (Union des Forces Démocratiques pour le
Rassemblement) et CPJP (Convention des Patriotes pour la Justice et la Paix),
et de plusieurs petits groupes rebelles --s'emparent de plusieurs villes
stratégiques. En janvier 2013, un accord entre le Président
Bozizé et les opposants est conclu à Libreville. Au mois de mars
2013, suite aux multiples
55 Opération militaire conduite par la
France déployée le 11 janvier 2011 et autorisée par la
Résolution 2104 de Conseil de sécurité de l'Onu
(Paragraphe 26) le 25 juin 2014.
Réalisé et présenté par Bansopa Linda
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La mise en oeuvre de la responsabilité de
protéger en Afrique : Etude de quelques cas récents (Mali,
Centrafrique, Libye)
violations de l'accord, le Président Bozizé est
chassé du pouvoir par un coup d'Etat et Michel Djotodia, chef du groupe
rebelle Séléka se proclame président. Très
tôt, des affrontements meurtriers éclatent à Bangui entre
habitants et combattants de la Séléka. En l'espace de quatre
mois, des centaines de meurtres sont commis, dont plus de 400 attribués
au groupe rebelle Séléka. La Fédération
internationale des ligues des droits de l'homme qualifie ces meurtres de «
crimes les plus graves contre la population ». C'est dans ce contexte que
le Conseil de Paix et de Sécurité de l'Union africaine
décide lors de sa 380ème réunion, le 17 juin
2013, de soutenir la mise en place d'une Mission internationale de soutien
à la Centrafrique sous conduite africaine (MISCA). Cette décision
est confirmée dans le Communiqué PSC/PR/COMM.2 (CCCLXXXV) du
Conseil le 19 juillet 2013, qui vient préciser les contours de la
mission devant englober les forces de la MICOPAX56 (Mission de
consolidation de la paix en Centrafrique) déjà présentes
en Centrafrique. Aussi, le Conseil de sécurité de l'ONU se
déclarant « vivement préoccupée par la situation
qui règne en République Centrafricaine sur le plan de la
sécurité, qui se caractérise par un effondrement total de
l'ordre public et par l'absence de l'état de droit57 »
; insistant également sur « les violations du DIH et les
nombreuses violations des droits de l'homme qui sont commises notamment par des
éléments de la Séléka, notamment les
exécutions extrajudiciaires, les disparitions forcées, les
arrestations etdétentions arbitraires, les actes de torture, les
violences sexuelles à l'encontre des femmes et d'enfants, les viols, le
recrutement et l'emploi d'enfants et les attaques contre les
civils58 » ; et « soulignant à cet
égard la nécessité d'une intervention rapide de la
communauté internationale59 », « Autorise le
déploiement de la MISCA pour une période initiale de 12
mois60 » par sa résolution 2127 du 5
décembre 2013. Par cette même résolution, le Conseil de
sécurité « Autorise les forces françaises en
République centrafricaine à prendre toutes mesures
nécessaires, temporairement et dans la limite de leurs
56 Mission de la Force multinationale des Etats
d'Afrique centrale (FOMAC) bénéficiant du soutien financier de la
logistique de l'Union européenne et de la France. Ayant pour but
d'assurer la sécurité des populations en RCA, la MICOPAX prend
effet le 12 juillet 2008 et est remplacée le 15 décembre 2013 par
la MISCA.
57 Résolution 2121 autorisation du
déploiement de la MISCA en RCA, CSNU, 10 octobre 2013.
58Ibid.
59 Résolution 2127 sur la situation en RCA,
CSNU, S/RES/2127 (2013), p. 1, paragraphe 3. 60Ibid,
paragraphe 28, p. 7.
Réalisé et présenté par Bansopa Linda
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La mise en oeuvre de la responsabilité de
protéger en Afrique : Etude de quelques cas récents (Mali,
Centrafrique, Libye)
capacités et dans les zones où elles sont
déployées, pour appuyer la MISCA dans l?exécution de son
mandat, énoncé au paragraphe 28 [...] ».
Paragraphe 2 : La légalité ambivalente des
interventions
La décision d'intervenir dans un conflit n'est pas un
acte anodin. C'est pourquoi celle-ci doit absolument refléter la
volonté de la Communauté internationale. Cette volonté
s'exprime par le biais d'un mandat, c'est-à-dire une autorisation.Si
dans la pratique le pouvoir d'autoriser une intervention semble appartenir au
Conseil de Sécurité (B), celui-ci est parfois
écarté de certaines interventions lorsqu'il manque d'agir
promptement (A).
A- L'intervention française non autorisée
a priori au Mali
La Commission est absolument persuadée qu'il n'y a pas
d'organe mieux placé, que le Conseil de sécurité pour
s'occuper des questions d'intervention militaire à des fins
humanitaires. La Commission est donc convenue de ce qui suit :
- L'autorisation du Conseil de sécurité doit
être dans tous les cas sollicitée avant d'entreprendre toute
action d'intervention militaire. Ceux qui préconisent une intervention
doivent demander officiellement cette autorisation, obtenir du Conseil qu'il
soulève cette question de son propre chef, ou obtenir du
Secrétaire général qu'il la soulève en vertu de
l'Article 99 de la Charte des Nations Unies; et
- Le Conseil de sécurité doit statuer
promptement sur toute demande d'autorisation d'intervenir s'il y a
allégations de pertes en vies humaines ou de nettoyage ethnique à
grande échelle; le Conseil devrait dans ce cadre procéder
à une vérification suffisante des faits ou de la situation sur le
terrain qui pourraient justifier une intervention
militaire61.
Pour mieux étayer sa démonstration, la
Commission analyse la capacité juridique du Conseil de
sécurité, sa légitimité, la question du veto, sa
volonté politique ainsi que les résultats attendus.
Sur le plan juridique, le Conseil de sécurité
tire sa capacité de l'article 42 de la charte des nations unies. Cet
article l'autorise, lorsque les mesures d'ordre non militaire s'avèrent
inadéquates, à décider toute action qu'il juge
nécessaire au maintien
61Rapport de la commission internationale de
l'intervention et de la souveraineté des Etats, La
responsabilité de protéger, p. 54, par. 6§ 15.
Réalisé et présenté par Bansopa Linda
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La mise en oeuvre de la responsabilité de
protéger en Afrique : Etude de quelques cas récents (Mali,
Centrafrique, Libye)
ou au rétablissement de la paix et de la
sécurité internationales.Au regard des dispositions de cet
article, le Conseil de sécurité possède les pouvoirs
nécessaires pour déclencher une intervention militaire à
des fins humanitaires dans le cadre de la responsabilité de
protéger. Ces pouvoirs ont fait l'objet d'une interprétation
stricte pendant la guerre froide mais, depuis qu'elle a pris fin, le Conseil de
sécurité a adopté une conception très large de ce
qui constitue « la paix et la sécurité internationales
» à cette fin et, dans la pratique, une autorisation
accordée par le Conseil de sécurité a pratiquement
toujours été universellement considérée comme
conférant une légalité internationale à l'action
à entreprendre62.
Plusieurs interventions militaires se sont
succédées au Mali (la MISMA, la MINUSMA et l'opération
Serval). Alors que la MISMA63 et la MINUSMA64 ont
reçu une autorisation du Conseil de sécurité,
l'opération Serval conduite par la France a été
déployée le 11 janvier 2013 sans mandat du Conseil de
sécurité65, avant d'être autorisée
postérieurement dans la résolution 216466.
B- Des interventions autorisées en Libye et en
RCA
L'intervention militaire de 2011 en Libye est une
opération multinationale sous l'égide de l'ONU. Autorisée
par la Résolution 1973 du Conseil de sécurité de l'ONU,
elle s'est déroulée du 19 mars au 31 octobre 2011. A travers
cette résolution, le Conseil de sécurité autorise certains
Etats membres de l'ONU agissant à titre national ou dans le cadre
d'organismes ou d'arrangements régionaux et en coopération avec
le Secrétaire général, « à prendre toutes
mesures nécessaires f...] pour protéger les populations et les
zones civiles menacées d'attaques en Jamahiriya arabe libyenne, y
compris à Benghazi, tout en excluant le déploiement d'une force
d'occupation étrangère sous quelque forme que ce soit et sur
n'importe quelle partie du territoire libyen ...»67.
62 Rapport CIISE, La responsabilité de
protéger, pp. 54-55, par. 6 §16, 17, 18.
63Rés. 2085, CSNU, 20 déc. 2012.
64Rés. 2164 sur la situation au Mali,
paragraphe 13 (mandat de la MINUSMA).
65 Cependant dans sa Résolution 2056 (2012) sur
la situation au Mali, le Conseil de Sécurité « demande
aux
Etats membres d'envisager et de prendre des mesures pour
empêcher la prolifération d'armes et de matériels
connexes de tout type dans la région du Sahel, en
particuliers des systèmes portatifs de défense
antiaérienne,
conformément à sa résolution 2017 (2017)
» (Paragraphe 21).
66Rés. 2164, paragraphe 26 (mandat de
l'opération Serval).
67Rés 1973, par. 4.
Réalisé et présenté par Bansopa Linda
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La mise en oeuvre de la responsabilité de
protéger en Afrique : Etude de quelques cas récents (Mali,
Centrafrique, Libye)
Les noms de codes des interventions des armées
mandatées par l'ONU sont l'opération Harmattan pour la
France, l'opération Ellamy pour le Royaume-Uni,
l'opération Odyssey Dawn pour les Etats-Unis,
l'opération Mobile pour le Canada. L'ensemble de ces
opérations sont conduites par l'OTAN à partir du 31 mars 2011
dans le cadre de l'opération Unified protector.
En RCA, le Conseil de sécurité, vivement
préoccupé par l'état de la sécurité qui se
caractérise par la faillite totale de l'ordre public, l'absence de
l'état de droit et des tensions interconfessionnelles, autorise le
déploiement de la MISCA dans sa résolution 212768 du 5
décembre 2013. Appuyée par des forces françaises (agissant
dans le cadre de l'opération Sangaris) autorisées « à
prendre temporairement toutes mesures nécessaires »69,
la MISCA est chargée, notamment, de contribuer à protéger
les civils et rétablir la sécurité et l'ordre public,
à stabiliser le pays et à créer les conditions propices
à la fourniture d'une aide humanitaire aux populations qui en ont
besoin. Elle sera remplaçée par la MINUSCA70
créée par la résolution 214971 adopté le
10 avril 2014 par le Conseil de sécurité de l'ONU pour une
période initiale venant à expiration le 30 avril 2015.
En effet le Conseil de sécurité prend le soin de
rappeler que c'est « au gouvernement centrafricain qu'il incombe au
premier chef d'améliorer la sécurité et de protéger
ses civils, dans le plein respect de l'état de droit, des droits de
l'homme et du droit international humanitaire »72. Le 10
octobre 2013, le Conseil rappelle à nouveau cette obligation, en
déclarant qu'il compte sur la mise en place rapide de la mission
internationale de soutien à la Centrafrique, sous une direction
africaine (MISCA) qui contribuerait à la création d'une
République centrafricaine stable et démocratique, laquelle serait
en mesure d'assumer « sa responsabilité de protéger sa
population civile »73. Mais la situation se
dégradant chaque jour davantage, le Conseil finit par autoriser le 10
avril 2014, la création d'une opération de maintien de la
paix,
68 S/RES/2127 (2013), par. 28.
69 S/RES/2127 (2013), par. 50.
70Les tâches prioritaires du mandat de la
MINUSCA sont énumérées au paragraphe 30 de la
résolution. Il s'agit
entre autre de la protection des civils, de l'appui à la
mise en oeuvre de la transition, y compris les efforts en
faveur de l'extension de l'autorité de l'Etat et du
maintien de l'intégrité territorial.
71 S/RES/2149 (2014), par. 18.
72S/RES/2031 (2011).
73S/ RES/2121 (2013).
Réalisé et présenté par Bansopa Linda
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La mise en oeuvre de la responsabilité de
protéger en Afrique : Etude de quelques cas récents (Mali,
Centrafrique, Libye)
la Mission multidimensionnelle intégrée pour la
stabilisation des Nations unies en République centrafricaine
(MINUSCA)74. La MINUSCA succède ainsi à la
MISCA75.
Section 2 : L'appréciation ambiguë des
critères de l'intervention militaire
La responsabilité de protéger comporte dans sa
phase réactionnelle la possibilité d'une intervention militaire.
La CIISE dans son rapport énumère les critères
particuliers (Paragraphe 1) auxquels doit répondre
toute intervention militaire. Cependant, face à la récurrence de
l'usage de la force dans l'application de la responsabilité de
protéger, le respect de ces critères est aujourd'hui
aléatoire (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : Les conditions particulières du
recours à la force
Lancer une intervention militaire étant une mesure
extrême, elle doit être prise dans des conditions et circonstances
bien définies. La CIISE énumère six critères qui
recoupent l'ensemble des conditions requises pour justifier une action
coercitive armée. Il s'agit de la juste cause, la bonne intention, le
dernier recours, la proportionnalité des moyens, les perspectives
raisonnables et l'autorité appropriée. Nous décrirons dans
un premier temps les deux critères qui nous semblent les plus difficiles
à appréhender, à savoir la juste cause et
l'autorité appropriée (A). Ensuite nous examinerons les quatre
autres critères, connus sous l'appellation de « principes de
précaution » (B).
A- La juste cause et l'autorité
appropriée
L'intervention militaire à des fins de protection
humaine étant considérée comme une mesure exceptionnelle
et extraordinaire nécessite pour qu'elle soit justifiée, un
préjudice grave et irréparable touchant des êtres humains
qui se commet ou risque de se commettre76. Walzer, l'un des
théoriciens à qui l'on doit la résurgence de la doctrine
de la guerre juste, estimait que seuls, la destruction imminente ou effective
d'une communauté politique et les actes qui « choquent la
conscience morale de l'humanité » peuvent donner lieu à
l'intervention étrangère et, ipso facto, constituer
74S/RES/2149 (2014).
75 Le transfert d'autorité entre les deux
entités devant avoir lieu le 15 septembre 2014 selon la
résolution S/RES/2149.
76 Rapport CIISE, La responsabilité de
protéger, p. 37, par. 4 § 18.
Réalisé et présenté par Bansopa Linda
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La mise en oeuvre de la responsabilité de
protéger en Afrique : Etude de quelques cas récents (Mali,
Centrafrique, Libye)
une exception au paradigme légaliste77. La
Commission prône comme critère décisif pour cela la «
juste cause ». Celle-ci est en effet atteinte lorsque l'une des deux
conditions suivantes est remplie:
a) des pertes considérables en vies humaines,
effectives ou appréhendées, qu'il y ait ou non intention
génocidaire, qui résultent soit de l'action
délibérée de l'État, soit de sa négligence
ou de son incapacité à agir, soit encore d'une défaillance
dont il est responsable; ou
b) un « nettoyage ethnique » à grande
échelle, effectif ou appréhendé, qu'il soit
perpétré par des tueries, l'expulsion forcée, la terreur
ou le viol78.
Les situations nécessitant une intervention militaire
peuvent être perceptibles par tout le monde. Mais il demeure vital de
déterminer au delà de tout doute raisonnable si les
évènements satisfont aux critères à remplir, car on
est souvent confronté malgré la sacralité des faits
à des versions multiples et contradictoires, présentées
parfois dans le but de désorienter ou de tromper l'opinion. Dans ces
cas, obtenir une information objective et précise est une tâche
difficile mais essentielle. Le problème serait résolu s'il
existait un organisme universel, impartial et respecté chargé de
signaler la gravité de la situation et de démontrer
l'incapacité ou le refus de l'Etat concerné d'agir79.
Le CICR a été proposé mais pour des raisons
évidentes, il a refusé d'assumer un rôle de ce
type80.
En ce qui concerne la condition relative à
løautorité appropriée, la Commission érige le
Conseil de sécurité en autorité compétente et
appropriée pour décider de la mise en oeuvre d'une intervention
militaire dans le cadre de la responsabilité de protéger. Elle
énonce en ces termes : « il n'y a pas de meilleur organe, ni de
mieux placé que le conseil de sécurité de l'organisation
des nations unies pour autoriser une
77 WALZER M., Just and Unjust Wars: A Moral
Argument with Historical Illustrations (New York: Basic Books, 1977),
chapitre VI.
78Rapport CIISE, op. cit., p. 37, par. 4
§ 19.
79 Vu la carence institutionnelle, selon la
Commission, il est essentiel de tenir compte des rapports de certains
organismes crédibles tel que le Haut Commissariat des nations unies aux
Droits de l'Homme, le Haut Commissariat des nations unies aux
Réfugiés ainsi que d'autres ONG crédibles en la
matière. Par ailleurs, la Commission note avec beaucoup d'insistance le
rôle moteur que peut jouer le Secrétaire général sur
la base de l'article 99 de la Charte des nations unies qui lui permet d'attirer
l'attention du Conseil de sécurité sur toute affaire qui,
à son avis, pourrait mettre en danger le maintien de la paix et de la
sécurité internationales. Il s'agit là d'un pouvoir qui
pourrait avoir une influence extrêmement importante, mais qui est
jusqu'ici « sous utilisé ». Rapport CIISE, La
responsabilité de protéger, p. 40.
80 Rapport CIISE, op. cit., p. 37, par. 4
§ 19.
Réalisé et présenté par Bansopa Linda
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La mise en oeuvre de la responsabilité de
protéger en Afrique : Etude de quelques cas récents (Mali,
Centrafrique, Libye)
intervention militaire à des fins de protection
humaine »81. On ne pouvait raisonnablement pas s'attendre
à ce que la commission envisage un recours à des institutions
autres que celles qui existent déjà, et qui ont
déjà eu à gérer, avec des échecs comme avec
quelques succès, des crises d'une gravité
extrême82. Mais la Commission introduit une
extensibilité lorsqu'elle juge nécessaire - après avoir
cependant insisté sur le fait qu'il ne s'agit pas d'envisager des
solutions de rechange au critère de l'autorité appropriée,
puisque les Etats envisageant d'intervenir devront solliciter l'autorisation du
Conseil - de ne pas non plus « écarter complètement
toute possibilité de recours à d'autres moyens d'assurer la
responsabilité de protéger », dans le cas où le
Conseil « rejette[rait] expressément une proposition
d'intervention alors que des questions humanitaires et de droits de l'homme se
posent très clairement, ou qu'il ne donne[rait] pas suite
à cette proposition dans un délai
raisonnable83».L'indétermination apparaît
dès lors de façon très claire. L'autorité
appropriée pour déclencher l'intervention peut être le
Conseil de sécurité, et en cas d'inaction de celui-ci, un Etat ou
une association ponctuelle d'Etats peuvent mettre en oeuvre la
responsabilité de protéger par une coercition militaire lorsque
d'importantes pertes en vies humaines se produisent ou risquent de se
produire84. Comme si la Commission s'était rendue compte de
l'ambigüité créée à ce sujet, pour se
justifier elle termine l'examen de la question de l'autorité
appropriée en s'interrogeant pour déterminer au fond, quel serait
le moindre mal entre celui que « l'ordre international subit parce que
le Conseil de sécurité a été court-circuité
ou celui qu'il subit parce que des êtres humains sont massacrés
sans que le conseil de sécurité ne lève son petit
doigt85 ». Il est vrai que l'hypothèse d'un silence
de la part du Conseil de sécurité face à des massacres,
des viols et des tortures est inadmissible, mais la stabilité et l'ordre
juridique international voudraient que le Conseil de sécurité
soit le seul organe à lancer une telle intervention, encore qu'il faille
résoudre ses problèmes intrinsèques notamment ceux de la
représentativité et du droit de veto.
81Rapport CIISE, p. XII.
82 MBONDA Ernest-Marie, «
Responsabilité de protéger et éthique de
løintervention humanitaire armée : réflexions
éthiques a partir du cas libyen », Institut Afrique Monde,
Université Catholique d'Afrique centrale, Yaoundé, p. 15.
83 Rapport CIISE, op. cit., par. 6 §
23.
84 THIBAULT Jean-François, «
L'intervention humanitaire armée, du Kosovo à la
responsabilité de protéger : le défi des critères
», in Annuaire français des relations internationales,
Volume X, 2009, p. 6.
85 Rapport CIISE, par 6 § 37.
Réalisé et présenté par Bansopa Linda
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La mise en oeuvre de la responsabilité de
protéger en Afrique : Etude de quelques cas récents (Mali,
Centrafrique, Libye)
La commission essaie de résoudre ces problèmes
en recommandant aux cinq membres permanents du Conseil de
sécurité, un usage moins égocentrique de ce droit de veto,
en précisant qu'ils « devraient s'entendre pour renoncer
à exercer leur droit de veto, dans les décisions ou leurs
intérêts vitaux ne seraient pas en jeu, afin de ne pas faire
obstacle à l'adoption des résolutions autorisant des
interventions militaires qui, destinées à assurer la protection
humaine, recueillent par ailleurs la majorité des
voix86». Mais pareille recommandation, estime le
professeur Ernest-Marie Mbonda, ne modifie en rien l'ordre des choses. Si les
intérêts vitaux des membres du Conseil de sécurité
constituent le critère à partir duquel ils peuvent être
amenés à renoncer à l'exercice de leur droit de veto, on
est très loin de la priorité accordée aux besoins des
personnes qui se trouvent dans la détresse et qui ont besoin d'un
secours urgent, indépendamment, précisément, des
intérêts vitaux de quiconque87. En outre, poursuit le
professeur Mbonda88, un membre permanent peut bien
considérer, comme contraire à ses intérêts vitaux,
une intervention dans un territoire soumis à son contrôle pour des
raisons économiques, idéologiques ou stratégiques (le cas
du Darfour, avec la Chine, constitue à cet égard un exemple plus
qu'illustratif)89.
B- Les principes de précaution
Ces principes sont au nombre de quatre, il s'agit : de la
bonne intention, du dernier recours, de la proportionnalité et des
perspectives raisonnables.
D'abord la bonne intention. Ce critère veut
que toute intervention militaire soit motivée par le but primordial de
faire cesser ou d'éviter des souffrances humaines. Ainsi l'emploi de la
force ne peut viser dès le départ la modification des
frontières, la promotion d'une revendication d'autodétermination
ou encore le reversement pur et
86 Rapport CIISE, p. XIII.
87 MBONDA Ernest-Marie, «
Responsabilité de protéger et éthique de l'intervention
humanitaire armée : réflexions éthiques a partir du cas
libyen », Institut Afrique Monde, Université Catholique d'Afrique
centrale, Yaoundé, p. 16.
88 MBONDA Ernest-Marie, «
Responsabilité de protéger et éthique de l'intervention
humanitaire armée : réflexions éthiques a partir du cas
libyen », Institut Afrique Monde, Université Catholique d'Afrique
centrale, Yaoundé, p. 16.
89 Selon le professeur Mbonda, une décision
plus audacieuse et plus cohérente aurait consisté, pour les
rédacteurs de ce rapport, à proposer une élimination pure
et simple du droit de veto, et un élargissement du Conseil de
sécurité à d'autres Etats représentant des
régions et des intérêts jusque là exclus des grandes
instances de décision. La proposition, faite par un certain nombre
d'auteurs, d'instituer à l'ONU une seconde chambre représentant
la société civile, avec droit de veto, à côté
de l'Assemblée générale qui représente les
gouvernements, revêt ici toute son importance. A ne pas lui
reconnaître cette importance, on compromet durablement les chances pour
les deux milliards d'êtres humains en proie à l'extrême
pauvreté et à toutes les formes d'insécurité.
Réalisé et présenté par Bansopa Linda
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La mise en oeuvre de la responsabilité de
protéger en Afrique : Etude de quelques cas récents (Mali,
Centrafrique, Libye)
simple d'un régime en place. Pour cristalliser le
critère de bonne intention, la Commission prône des interventions
collectives, la détermination du soutien de la population à
l'intervention, et l'opinion des pays de la région à ladite
intervention90.
Etant donné que le désintéressement total
relève de l'idéal, mais pas toujours de la réalité,
c'est à une combinaison de motivations, dans les relations
internationales comme partout ailleurs, qu'il faudra s'attendre. Vu aussi le
coût et les risques d'une intervention militaire, l'Etat peut être
contraint politiquement de justifier son intervention en prétendant agir
dans son propre intérêt. Cet intérêt propre peut
prendre selon la Commission, la forme d'une volonté d'éviter que
ne s'installent dans le voisinage des réfugiés en nombre
excessif, des trafiquants de drogues ou des terroristes91. En fait,
il est impossible dans l'état actuel des relations internationales de
faire preuve d'une bonne intention qui soit exempte de vices ; si
c'était le cas les interventions à des fins de protection humaine
seraient fort nombreuses, car dans le monde, rares sont les Etats qui
respectent scrupuleusement les droits de l'homme, et c'est chaque jour que l'on
commet dans un coin du monde mille barbaries, et en général aucun
Etat ne songe à les faires cesser92. Il faut donc que les
Etats recherchent à tout prix à éviter les confusions, les
zones d'ombre et les demi-mesures, et se prononcer de façon très
claire sur leur position et agir toujours en collégialité.
Ensuite le dernier recours. Avant de penser à
une coercition militaire dans la mise en oeuvre de la responsabilité de
protéger, toutes les voies diplomatiques et non militaires de
prévention ou de règlement pacifique des crises humanitaires
doivent avoir été explorées et épuisées. Ce
qui revient à dire que l'intervention ne saurait être
justifiée tant que la responsabilité de prévenir n'a pas
été pleinement accomplie93. Il faut donc passer au
peigne fin toute la palette de mesures préventives ainsi que toute la
gamme d'action autres que militaires et constater leur échec avant de se
lancer dans une action militaire directe.
Puis la proportionnalité des moyens.
L'intervention doit employer des moyens proportionnels à l'objectif
humanitaire poursuivi. Ainsi par sa durée, son ampleur et
90 Rapport CIISE, La responsabilité de
protéger, p. 40. 91Idem.
92 ALIBERT C., Du droit de se faire justice
dans la société internationale depuis 1945, Paris, L.G.D.J,
1983, p. 250.
93 Rapport CIISE, La responsabilité de
protéger, p. 41
Réalisé et présenté par Bansopa Linda
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La mise en oeuvre de la responsabilité de
protéger en Afrique : Etude de quelques cas récents (Mali,
Centrafrique, Libye)
son intensité, l'intervention doit être
limitée à ce qui est strictement nécessaire pour
réaliser son but94. Les interventions à des fins de
protection humaine doivent être menées dans le strict respect des
règles du droit international humanitaire, et éviter d'aggraver
la situation ou d'avoir des répercussions non escomptées sur
l'Etat objet de l'intervention.
Enfin, les perspectives raisonnables. Une coercition
militaire doit avoir la possibilité de réussir,
c'est-à-dire de faire cesser ou d'éviter les atrocités ou
souffrances qui l'ont motivé, de façon raisonnable. A
l'opposé, l'intervention militaire perd tout son sens et ne saurait
être justifiée si elle n'assure pas effectivement la protection
voulue, ou si elle aboutit à des conséquences pires que celles de
l'inaction, surtout si elle déclenche un conflit plus vaste.
Paragraphe 2 : Le respect des critères face à
la récurrence du recours à l'option militaire
Bombardements de grande ampleur en Libye (A), reconquête
au sol au Mali (B), sécurisation de certaines zones en République
centrafricaine, bref le recours répété à l'outil
militaire en si peu de temps a de quoi interpeller. Certes, les modes
d'interventions mobilisés ou envisagés ont été
différents et évalués au cas par cas. La force a
néanmoins été présentée chaque fois comme la
solution. Les moyens engagés se composent le plus souvent des moyens
interarmés, mais sont de nature différente. Tous les engagements
récents ont pour point commun une supériorité des
Occidentaux, que ce soit la supériorité aérienne, la
supériorité de feu, ou encore la supériorité
technologique. Dès lors, face à l'arsenal de guerre souvent
mobilisé notamment par les forces occidentales, est-il toujours possible
de concilier les objectifs militaires et le respect des critères
d'intervention (tels que la bonne intention, le dernier recours, la
proportionnalité des moyens et des perspectives raisonnables)?
A- Les bombardements de grande ampleur en Libye
La réponse de la Communauté internationale au
conflit en Libye repose sur deux résolutions du Conseil de
sécurité des Nations unies ouvrant la voie à de nombreuses
mesures politiques, légales, humanitaires et militaires. La
résolution 1970,
94Rapport CIISE, op. cit., p. 42.
Réalisé et présenté par Bansopa Linda
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La mise en oeuvre de la responsabilité de
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Centrafrique, Libye)
adoptée le 27 février 2011, a imposé un
embargo sur les armes, gelé les avoirs à l'étranger des
leaders libyens, imposé une interdiction de voyage aux principales
figures politiques du pays, et saisi de la situation le procureur de la Cour
pénale internationale. La résolution 1973, adoptée le 17
mars 2011, a autorisé « toutes les mesures nécessaires
» pour mettre en place une zone d'exclusion aérienne
destinée à protéger les civils des attaques imminentes et
faciliter la délivrance de l'aide humanitaire. Le 19 mars 2011, une
coalition initiale conduite par les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la France
a été formée afin d'appliquer la résolution 1973.
Le 30 mars 2011, l'OTAN prit le contrôle de l'action militaire
internationale95 en Libye dans le cadre de l'opération
« Unified Protector », afin d'assurer l'embargo sur les
armes, la zone d'exclusion aérienne et la protection des civils des
attaques ou des menaces d'attaque.
Depuis le début des opérations, jusqu'au 28 mai
2011, les forces aériennes de l'OTAN ont opéré 8729
sorties, dont 3327 sorties de frappe96. Les frappes aériennes
de l'OTAN sur les cibles militaires établies à Tripoli et dans
d'autres villes du pays ont inévitablement donné lieu à
des inquiétudes sur les éventuels « dommages
collatéraux ». L'expérience de l'ONU lors de son
intervention « humanitaire » au Kosovo dans les années 1990
est un rappel salutaire que la force aérienne n'est pas, à elle
seule, un moyen efficace pour mettre un terme à la violence contre la
population civile, et qu'elle peut même devenir contre-productive
à court terme. De plus, l'action militaire en Libye est perçue
comme ayant pris le pas sur les efforts qui auraient pu permettre d'arriver
à une résolution politique. Et, au-delà du désir
évident de voir l'élimination du régime de Kadhafi, il
reste que l'orientation stratégique de la mission demeure floue. Bien
que les informations fournies par l'OTAN ne mentionnent pas de frappes
aériennes ayant causé des dommages civils, de nombreux articles
de presse et des rapports font référence à de tels
incidents. Lors de son rapport sur la Libye, HumanRights Watch a annoncé
la mort de 72 civils qui ont péri pendant les raids
95 Au 31 mai 2011, la coalition est
constituée de plusieurs Etats dont : Belgique, Bulgarie, Canada,
Danemark, France, Grèce, Italie, Jordanie, Pays-Bas, Norvège,
Qatar, Roumanie, Espagne, Suède, Turquie, Emirats arabes unis,
Grande-Bretagne, États-Unis.
961er rapport de la Commission d'enquête internationale
chargée d'examiner les allégations de violation du droit
international humanitaire et des droits de l'homme, Conseil des droits de
l'homme (ONU), juin 2011.
Réalisé et présenté par
Bansopa Linda DARATE Page 30
La mise en oeuvre de la responsabilité de
protéger en Afrique : Etude de quelques cas récents (Mali,
Centrafrique, Libye)
militaires de l'OTAN97. Pour Fred
Abrahams98, Seules les attaques sur des cibles militaires sont
permises par le droit international et dans certains cas, de graves questions
restent posées sur la nature réelle des cibles que l'OTAN
visait.Le nombre des civils tués dans les raids aériens de l'OTAN
en Libye est resté bas compte tenu de l'ampleur des bombardements et de
la longueur de la campagne, a souligné HumanRights Watch.
Néanmoins, l'absence d'une cible militaire clairement définie
dans sept des huit sites visités par Human Rights Watch suscite
l'inquiétude quant à la possibilité que les lois de la
guerre aient été violées99. Les interventions
causent généralement des « dommages collatéraux
», non négligeables. Alors qu'on fait valoir l'importance d'apaiser
les populations et de vaincre le terrorisme, les suites de ces interventions
rappellent qu'il reste très improbable d'imposer la démocratie ou
une révolution populaire, et encore moins en bombardant une population.
Déstabiliser une région a des conséquences humaines
à long terme. Les conséquences sociales et économiques
d'un conflit ne sont pas non plus à négliger dans ce calcul.
L'agriculture, les infrastructures, le commerce local ne se rebâtissent
pas du jour au lendemain et cela vulnérabilise les populations pendant
plusieurs années après un conflit.
B- La reconquête au sol au Mali
L'intervention au Mali a engagé diverses forces
armées au sol. D'abord la MISMA, ensuite la MINUSMA et enfin Serval.
La première intervention tire son mandat de la
Résolution 2085 du Conseil de sécurité en date du 20
décembre 2012 qui « autorise le déploiement sous conduite
africaine d'une mission internationale de soutien au Mali pour une
période initiale d'une année ». La Résolution 2085
attribut à la MISMA la mission d'aider à « reconstituer la
capacité des forces armées maliennes » afin de permettre aux
autorités de reprendre le contrôle des zones du nord de son
territoire, tout en préservant la population civile. Créée
le 17 janvier 2013 pour une période initiale d'une année, cette
force sera dissoute puis remplacée par la MINUSMA en juillet 2013. Cette
dernière
97
http://www.hrw.org/fr/news/2012/05/14/otan-les-op-rations-ayant-entra-n-la-mort-de-civils-en-libye-doivent-faire-lobjet-de
(page consultée le 17 août 2017 à 23h 45 min).
98Fred Abrahams est conseiller spécial à
Human Rights Watch et auteur principal du rapport.
99Art 14 de la convention de Genève relative
à la protection des personnes civiles en temps de guerre dispose :
« Les Puissances protectrices et le Comité international de la
Croix-Rouge sont invités à prêter leurs bons offices pour
faciliter l'établissement et la reconnaissance de ces zones et
localités sanitaires et de sécurité ».
Réalisé et présenté par Bansopa Linda
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La mise en oeuvre de la responsabilité de
protéger en Afrique : Etude de quelques cas récents (Mali,
Centrafrique, Libye)
créée le 25 avril 2013 par la résolution
2100 du Conseil de sécurité (votée à
l'unanimité) est autorisée à prendre toutes les mesures
requises pour s'acquitter entre autre du mandat de stabilisation de la
situation dans les principales agglomérations et de contribuer au
rétablissement de l'autorité de l'Etat dans tout le pays. Le
déploiement maximal de la MINUSMA autorisé par l'ONU est de 12
640 personnels, dont 11 200 soldats.
Quant à l'Opération Serval menée
par la France, l'histoire retient qu'elle fut un succès même si
des critiques acerbes se font entendre. En effet, le 11 janvier 2013, la France
déclenchait sa plus importante opération militaire depuis 50 ans
: elle déployait dans l'urgence 4 000 hommes sur le sol malien pour
stopper l'offensive des djihadistes vers le sud du pays et reconquérir
le nord tombé entre leurs mains dix mois plus tôt.
L'opération Serval fut applaudie quasi unanimement, de Paris à
Bamako. Un an plus tard, pourtant, des sifflets commencèrent à se
faire entendre. Au Mali, la militante altermondialiste et ancienne ministre
Aminata Traoré se fait l'écho d'une opinion publique qui a
amèrement rangé ses drapeaux français brandis en janvier
2013 pour tirer à boulets rouges sur la gestion française de
l'après-guerre100. Dans Ø'La gloire des imposteurs
: lettre sur le Mali et l'Afrique101'', Aminata Traoré
et l'écrivain sénégalais Boubacar Boris Diop racontent au
jour le jour l'effondrement du Mali. Ils s'insurgent contre Ø'la lecture
purement militaire de la crise Ø' adoptée par la France, ainsi
que sa posture guerrière qui a masqué un vide politique
abyssal.
Le but ultime de la R2P est la protection des populations
civiles en des situations précises. L'atteinte de ce but requiert le
déploiement des moyens aussi bien militaires qu'humanitaires.
Historiquement, l'action des militaires se distinguait clairement de celle
deshumanitaires, cette situation a évolué depuis la mise en place
d'opérations multidimensionnelles comportant à la fois les volets
militaire et humanitaire qui ont souvent tendance à se confondre.
100
http://m.nouvelobs.com/monde/guerre-au-mali/20140110.OBS2015/mali-serval-un-opération-pas-si-réussie.html,
(consulté le 20 août 2017 à 08 h 39 min).
101 Boubacar Boris Diop & Aminata Traoré, La
gloire des imposteurs : lettre sur le Mali et l'Afrique, éd.
Philippe Rey, 2014, 240 p.
Réalisé et présenté par Bansopa Linda
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protéger en Afrique : Etude de quelques cas récents (Mali,
Centrafrique, Libye)
CHAPITRE II : DES MOYENS DE MISE EN OEUVRE CONFUS
L'humanitaire est devenu un justificatif d'intervention
militaire102. Une intervention pour motif humanitaire peut recouvrir
diverses actions diplomatiques, des actions médicales et de secours
d'urgence, des pressions politiques, des sanctions économiques comme le
rappelle la Résolution 1674103 du Conseil de
sécurité; mais elle peut aussi consister dans une action
militaire officiellement motivée par le secours d'une population
touchée par la répression. C'est ce mélange des genres qui
sera au coeur de cette étude : l'analyse sera centrée sur les
risques que présente l'intervention militaire d'un Etat ou plusieurs sur
le territoire d'un autre Etat dans un but officiellement humanitaire, et sur
les dangers qui découlent du mélange de l'humanitaire et du
militaire. Car, la confusion ne manque pas souvent de s'installer entre
l'humanitaire et le militaire (Section 1). De cette confusion,
découlent des conséquences (Section 2) qu'ils
convient de relever.
Section 1 : Le mélange de l'humanitaire et du
militaire : l'humanitaire armé
Les textes internationaux notamment les rapports104
du Secrétaire général des Nations unies relatifs au
concept de « responsabilité de protéger » sont clairs :
la détresse d'une population appelle une assistance humanitaire, puis en
l'absence d'accord entre les intéressés, une intervention
politique des Nations unies pour trouver diplomatiquement une solution
politique. Le militaire ne doit être employé que dans des cas
extrêmes et rarissimes. Cependant, il est aisé de constater que l'
« humanitaire armé » se généralise depuis une
décennie sous deux formes principales. Il s'agit des opérations
civilo-militaires (Paragraphe 1) d'une part, et des missions
intégrées de maintien de la paix (Paragraphe 2),
d'autre part.
102 On en arrive ainsi à qualifier une guerre d' «
humanitaire » (expression largement utilisée par les journalistes
et les analystes politiques lors de la guerre du Kosovo en 1999) comme si
l'adjectif pouvait adoucir la réalité d'un conflit où des
personnes sont tuées et des « dommages collatéraux »
acceptés au nom de la croisade nécessaire contre le mal du
moment.
103 Résolution sur la protection des civils dans les
conflits armés, CSNU, 28 avril 2006.
104 Rapport du Secrétaire Général des
Nations Unies, La protection des civils dans les conflits
armés, New York, ONU, 28 octobre 2007, S/2007/643. Rapport du
Secrétaire général, Responsabilité de
protéger : réagir de manière prompte et
décisive, Doc. A/66/874À S/2012/578, 25 juillet 2012.
Réalisé et présenté par Bansopa Linda
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La mise en oeuvre de la responsabilité de
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Paragraphe 1 : Les opérations civilo-militaires
De prime abord antinomique, ce couple civilo-militaire est la
résultante d'un dilemme plus large, qui est celui du devoir moral et
éthique d'intervenir au nom des droits fondamentaux de la personne, et
des limites auxquelles cette même intervention est confrontée si
elle reste exclusivement dans le « pré carré » de
l'intervention d'humanité. De nature diverse (A), les opérations
civilo-militaires ont une portée relative (B).
A- La nature des opérations
La réflexion débouchant sur une militarisation
de l'humanitaire a débuté dans les années 1990, aux
États-Unis. Un processus de coordination inter-agences est mené
entre le département d'État, le Pentagone105 et
USAID106 (United States Agency for International
Development) ; il s'agit d'intégrer les systèmes civils et
militaires destinés à gérer les crises. L'objectif est
double : rationaliser l'action publique (et ainsi, faire des économies)
; rechercher l'unité de l'effort pour plus d'efficacité
militaire. L'idée est d'impliquer les forces armées
américaines dans des opérations de stabilisation et de secours
d'urgence en même temps que de combat ; ainsi en Afghanistan et en Irak,
les PRT107 (Provincial Reconstruction Teams) pratiquent des
interventions humanitaires et des actions de reconstruction, mais aussi des
missions de renseignement et de propagande. La confusion des genres est totale
: le militaire « étasunien » fait de l'humanitaire un
instrument de domination asymétrique de l'ennemi. Ce qui signifie bien
sûr la fin de l'humanitaire indépendant, neutre108,
impartial109, garantissant l'accès à toutes les
victimes110.
105Par métonymie,
Département de la Défense des Etats-Unis.
106Agence des Etats-Unis pour le
développement international, USAID est chargée du
développement économique et de l'assistance humanitaire dans le
monde.
107Ces équipes régionales,
constituées d'experts civils et militaires aux ordres du commandement,
ont pour but de favoriser le rétablissement de la normalité
institutionnelle et économique dans leur zone d'action en
parallèle et en accompagnement de l'action sécuritaire des
unités agissant dans la même zone. Cette évolution, sans
doute inéluctable, pose avec une acuité nouvelle la question de
la relation entre forces armées et ONG humanitaires dans les zones
d'intervention internationale.
108La neutralité signifie ne pas prendre
parti dans les hostilités, et ne jamais s'engager dans des controverses
d'ordre politique, religieux ou idéologique.
109L'impartialité est le corollaire du
principe d'humanité en ce qui concerne les souffrances humaines ; elle
peut être définie comme l'absence de toute discrimination
basée sur la race, la nationalité, la religion, les opinions
politiques ou tout autre critère similaire.
110 D'autant que se développent, parallèlement,
des sociétés privées d'aide humanitaire, branches des
« sociétés privées de sécurité »:
un phénomène encore marginal, mais qui pourrait
représenter un danger et une dérive en termes
d'éthique.
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La mise en oeuvre de la responsabilité de
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Ce modèle a ensuite été diffusé en
Europe au nom de l'interopérabilité entre alliés au sein
de l'OTAN. Ainsi en France, le Livre blanc sur la défense111
publié en juin 2008 insiste-t-il sur « l'importance des
opérations civiles et mixtes civilo-militaires dans la gestion des
crises » et affirme-t-il rechercher une « synergie entre les
composantes militaires et civiles des interventions ». L'aide à la
population, les projets de développement économique et culturel
s'imposent comme des actions tactiques permettant d'atteindre les objectifs
fixés aux armées par les chefs politiques, au même titre
que les actions coercitives de sécurité ; le nouveau concept est
celui d' « approche globale de la gestion du conflit ». La diffusion
des normes anglo-saxonnes112 est encore facilitée par la
politique européenne de sécurité et de défense :
cette dernière est fondée sur le principe d'une capacité
globale et cohérente pour la prévention et la gestion des crises,
comportant des capacités militaires mais aussi des capacités
civiles de gestion des crises, pour mener les missions dites de Petersburg
(missions humanitaires, de maintien de la paix ou d'évacuation de
ressortissants ; désarmement et stabilisation)113. L'union
européenne souligne la complémentarité entre le militaire
et l'humanitaire pour la réalisation de ce type de mission. Mais la
réalité est moins simple. Cette évolution inquiète
de plus en plus les acteurs humanitaires indépendants, car en diluant le
rôle de chacun, la confusion de genre est un danger réel.
B- La portée des opérations
La répartition des tâches entre institutions
militaires et civiles relève souvent d'un principe flexible et ad
hoc qui fait que l'armée se charge des activités pour
lesquelles les organisations civiles ne sont pas du tout compétentes ou
qu'elles ne pourraient accomplir à court terme. Les tâches civiles
sont conduites provisoirement par les forces militaires et transmises aux
organisations civiles dès que possible. Les activités conduites
par les civils et les militaires se chevauchent inévitablement, mais
l'action de l'armée doit clairement compléter, et non pas
concurrencer, celle des acteurs humanitaires.
111 Livre blanc chargé de définir une
stratégie globale de défense et de sécurité pour la
France de 2009 à 2020.
112 Dès 1996, l'armée américaine a
adopté la théorie des trois blocs : les Marines doivent
être à même de développer, dans un contexte et en
même temps, trois types de missions : maintien de la paix, guerre totale
et opérations humanitaires. (Voir Biquet (J.-M.),
Militaires-humanitaires : une relation difficile, Morale Laïque,
n° 139, avril 2003.)
113 Parmi les missions (dites de « tâches de
Petersburg ») attribuées par le traité d'Amsterdam à
l'armée européenne, se trouve en bonne place l'assistance
humanitaire.
Réalisé et présenté par Bansopa Linda
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La mise en oeuvre de la responsabilité de
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Il n'est pas toujours aisé de faire cohabiter, et
surtout coopérer, acteurs militaires et acteurs humanitaires bien qu'ils
soient de facto engagés dans une démarche globale ayant
la même finalité ultime, la paix et la normalité. Si la
coopération entre ces deux acteurs est relativement facilitée
lorsqu'ils relèvent tous deux d'autorités étatiques ou
internationales, il n'en va pas de même quand il s'agit, pour la
composante humanitaire, d'ONG soucieuses par principe d'échapper soit
à la tutelle des forces d'intervention soit à l'assimilation de
leur action spécifique à celle de ces forces. Avant d'examiner
plus loin, cette problématique de la relation entre forces armées
et organisations humanitaires non gouvernementales, il paraît
nécessaire de préciser quel est le positionnement
général, doctrinal et pratique, des forces armées
vis-à-vis de l'action humanitaire.
En premier lieu, il convient de rappeler que, par destination,
les forces armées sont organisées et équipées pour
agir dans les contextes les plus difficiles et exigeants, ce qui bien sûr
leur confère une certaine aptitude matérielle à intervenir
dans le champ de l'humanitaire de « crise ». Riches en
systèmes de communication et d'information, en moyens de mobilité
tous terrains, en capacités logistiques leur garantissant une grande
autonomie, les forces armées sont un outil régalien que les
autorités politiques sont toujours enclines à utiliser pour faire
face à des situations de catastrophe ou d'urgence humanitaire.
Différente est l'action à vocation humanitaire qui peut
être conduite par les forces armées dans le cadre d'une
intervention militaire, en général internationale, dans une zone
de crise globale plus ou moins aiguë. Il s'agit alors, pour les forces,
d'une action « annexe », qui a pour objet premier de concourir
à la satisfaction d'un mandat général de
préservation, de rétablissement ou d'imposition de la paix dans
une zone de conflits114.
Pour les militaires, dans ce cadre d'action additionnelle aux
actions qui relèvent de la sécurité (qui est leur mission
première et toujours principale), l'engagement « humanitaire »
répond à des principes de base clairement définis. Ainsi
les actions humanitaires ne doivent pas constituer un « frein »
à l'action militaire proprement dite et l'engagement de moyens à
cet effet est toujours secondaire par rapport à
114 A cette fin et pour concevoir et organiser cette action,
les états-majors opérationnels disposent en Europe notamment d'un
bureau spécifique, celui de l'Action civilo-militaire (ACM), qui a pour
mission de traiter de toutes les relations entre forces et environnement civil,
dont la composante humanitaire n'est, il faut le souligner, qu'un des
éléments.
Réalisé et présenté par Bansopa Linda
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La mise en oeuvre de la responsabilité de
protéger en Afrique : Etude de quelques cas récents (Mali,
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l'engagement des moyens nécessaires pour les
tâches de sécurité. De ce fait, la disponibilité des
forces armées à prendre en charge des actions humanitaires est
éminemment variable selon les théâtres d'opération,
selon le moment ou la phase de gestion de la crise et selon le niveau de forces
engagées. L'engagement « humanitaire » dépend donc
beaucoup du contexte sécuritaire en lui-même, mais aussi de «
l'intérêt » qu'il peut représenter pour les forces
dans le cadre de l'atteinte de leurs objectifs. Il peut en effet concourir, par
la nature du contact qu'il permet avec les populations, à obtenir des
informations fort utiles, ou encore à éviter que les militaires
ne soient perçues comme une armée d'occupation, si leur
présence se prolonge. Il peut aussi contribuer à renforcer le
moral du soldat, par les actions gratifiantes qu'il induit moralement et
psychologiquement, et aussi, plus largement, renforcer la
légitimité de l'intervention militaire, en particulier si
celle-ci n'est pas indiscutablement établie (que ce soit aux yeux des
autochtones ou de l'opinion publique). On voit donc bien que si les
considérations éthiques ne sont certes pas absentes dans
l'engagement des soldats dans les actions humanitaires, celles-ci sont, d'un
point de vue plus global, un moyen de contribuer à la réalisation
de l'objectif sécuritaire et non une fin en soi. De ce fait, elles se
distinguent nettement dans leurs fondements de l'action conduite par les ONG
humanitaires.
Paragraphe 2 : Les missions « intégrées
» de maintien de la paix
Le maintien de la paix est une tâche essentielle des
Nations unies. Les opérations de maintien de la paix de l'ONU se sont
diversifiées (A) au fil du temps ; allant des opérations
traditionnelles de maintien de la paix115, aux opérations
élargies de maintien et d'imposition de la paix116, puis aux
opérations de soutien de la paix117.
115 Pendant la première phase, les Nations Unies ont
développé et mis en pratique ce que l'on appelle aujourd'hui des
opérations traditionnelles de maintien de la paix. L'accent y
était mis sur le consentement et la coopération, ainsi que sur le
non-recours à la force, excepté en cas de légitime
défense. Ces missions ont consisté à veiller au respect
d'accords de cessez-le-feu et d'armistice dans le cadre de conflits
armés internationaux, à surveiller des frontières,
à jouer le rôle de tampon entre belligérants, à
assister à des opérations de retrait de troupes, et à
contrôler ou même organiser des élections. Elles se sont
clairement révélées à la fois distinctes des
activités humanitaires et complémentaires de ces
dernières.
116 Dans la période de l'immédiate
après-guerre froide, le concept de maintien de la paix a acquis une
dimension plus large et plus ambitieuse. Les opérations ont conduit les
Nations Unies à s'engager toujours davantage dans toute une série
de conflits armés non internationaux, ainsi qu'à participer au
processus de reconstruction politique nationale, notamment la
réhabilitation de structures étatiques effondrées.
Certaines des tâches assignées aux forces de maintien de la paix
n'étaient plus clairement distinctes de l'action humanitaire, par
exemple dans des contextes où il s'agissait notamment de distribuer des
secours humanitaires. Dans certains cas, l'attribution floue
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La mise en oeuvre de la responsabilité de
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Le maintien de la paix implique de plus en plus un volet
humanitaire en plus du volet militaire. Il convient d'analyser la portée
de l'élargissement des activités de maintien de la paix(B).
A- La nature des missions
A observer les activités de l'ONU depuis le milieu des
années 1990, on se rend compte que les opérations humanitaires
sont de plus en plus militarisées; le recours aux forces armées
dans les tâches d'assistance humanitaire est désormais la
règle. Tout comme les armées occidentales ont
développé le concept d'Actions civilo-militaires, le
Département des opérations de maintien de la paix des Nations
unies a développé la notion de mission «
intégrée » ou « multidimensionnelle » : le chef de
la mission de paix (représentant spécial du Secrétaire
général) dirige les militaires mais coordonne également
les agences spécialisées (PAM, UNICEF, HCR, OMS...). De
même, le concept, d'origine militaire, de CIMIC (Civil Military
Cooperation) défini comme : « la coordination et la
coopération, dans l'appui à une mission, entre le commandant et
les acteurs civils, incluant la population nationale, les autorités
locales, ainsi que les organisations non-gouvernementales et les agences
internationales et régionales », consiste à nouer des
contacts avec les civils, en réalisant des projets de court terme
intéressant la population, afin de « gagner les esprits et les
coeurs ». De plus, les quick impact projects menés par les
unités combattantes sont censés faciliter l'acceptation de la
force dans la zone concernée. Il peut s'agir de la création ou de
la réfection des infrastructures, d'aide à l'agriculture, de
soutien éducatif ou sanitaire.
Depuis le début des années 2000, un nombre
croissant d'opérations de paix ont vu inclure dans leurs mandats des
clauses relatives à la protection des civils en situation de conflit
armé. En 2000, le Conseil de sécurité établissait
dans sa résolution 1296118 que les pratiques qui consistent
à prendre délibérément pour cible des civils,
à commettre des violations systématiques, flagrantes et
généralisées du droit international humanitaire, ainsi
qu'à refuser au personnel humanitaire l'accès aux civils durant
un conflit armé, pouvaient constituer une menace contre la paix et la
des responsabilités s'est vue aggravée par le
fait que les objectifs politiques des forces de maintien de la paix et
d'imposition de la paix étaient peu clairs et leurs mandats mal
définis.
117 Certains signes indiquent aujourd'hui que les Nations
Unies entrent dans une nouvelle phase en matière de maintien de la paix,
une phase marquée par un accroissement de l'assistance humanitaire.
118 Résolution sur la protection des civils dans les
conflits armés, S/RES/1296 (2000).
Réalisé et présenté par Bansopa Linda
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La mise en oeuvre de la responsabilité de
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sécurité internationales. Le Conseil de
sécurité affirmait être disposé, le cas
échéant, à prendre les mesures appropriées et
à veiller à ce que les opérations de maintien de la paix
se chargent, si possible, de la protection des civils en cas de menace
imminente contre leur intégrité physique119. Cet
engagement a été honoré à l'occasion de nombreuses
opérations de paix et conformément aux recommandations du rapport
Brahimi120, la protection humaine dimension, désormais
primordiale du maintien de la paix s'est reflétée dans les
mandats121, les règles d'engagement et dans les effectifs des
missions. La notion de sécurité élargie ou globale,
défendue par de nombreux États, est à cet égard
venue appuyer les politiques de sécurité humaine mises en oeuvre
au sein des opérations complexes.
Les missions militaires des Nations Unies constituent un
élément essentiel de la gestion réussie d'un conflit. Dans
certains contextes chaotiques, elles peuvent se révéler
indispensables pour assurer le respect du droit international humanitaire et
rétablir ainsi les conditions de sécurité
nécessaires à la conduite d'activités humanitaires. Cela
dit, il conviendrait que les opérations de maintien de la paix, et
spécialement celles d'imposition de la paix, se distinguent clairement,
de par leur nature, des activités humanitaires122. Les forces
militaires ne devraient pas être directement impliquées dans
l'action humanitaire. En effet, si c'était le cas, les organisations
humanitaires seraient associées, dans l'esprit des autorités et
de la population, à des objectifs politiques ou militaires qui vont bien
au-delà des préoccupations d'ordre humanitaire.
119 S/RES/1296 (2000), par. 15 : Le Conseil de
sécurité « Se déclare disposé à
examiner s'il est approprié et possible de créer des zones de
sécurité provisoires et des couloirs de sécurité
pour la protection des civils et l'acheminement de l'assistance lorsqu'il y a
menace de génocide, de crimes contre l'humanité et de crimes de
guerre contre la population civile ».
120 Rapport du Groupe d'étude sur les opérations
de paix de l'Organisation des Nations Unies, Doc. A/55/305-S/2000/809, 21
août 2000.
121 Résolutions 1973 (2011), 2100 (2013), 2121 (2013).
122 Cornelio Sommaruga, président du Comité
international de la Croix-Rouge. Discours prononcé lors d'une
conférence sur l'action humanitaire et les opérations de
maintien de la paix, [organisée par l'Institut des Nations Unies
pour la formation et la Recherche (UNITAR), l'Institute of Policy
Studies (Singapour) et le National Institute for Research
Advancement (Japon). Elle s'est tenue à Singapour, du 24 au 26
février 1997], soulignait que « Le recours à la force contre
la volonté des parties à un conflit à même pour des
raisons humanitaires valables, par exemple pour permettre la fourniture de
l'assistance à transformerait nécessairement l'action humanitaire
en opération militaire ». Pour lui, « la simple menace
d'employer la force dans le but de faciliter l'action humanitaire peut
compromettre celle-ci, en particulier parce qu'une telle menace ne peut
être maintenue indéfiniment. »
Réalisé et présenté par Bansopa Linda
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La mise en oeuvre de la responsabilité de
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Centrafrique, Libye)
B- La portée des missions
Plusieurs opérations de maintien de la paix ont
été chargées de protéger des civils. Il s'agit
notamment de la MONUC, la MINUAD, la FINUL II et récemment, de la
MINUSMA, de la MINUSCA et de l'intervention militaire menée en Libye sur
le fondement de la résolution 1973 du Conseil de sécurité
tout comme d'autres, menées par des organisations régionales. En
effet, à côté de la croissance des opérations de
paix onusiennes et de leurs pans civils, une certaine régionalisation de
la sécurité collective s'est imposée dans les
années 2000, consacrant l'Union africaine, l'Union européenne ou
l'OTAN en tant qu'acteurs du maintien de la paix. En dépit de
dissonances certaines au sein de leurs institutions respectives, l'Union
européenne et l'Union africaine ont d'ailleurs plébiscité
la responsabilité de protéger. L'Acte fondateur123 de
l'UA organisait dès 2000 un mécanisme de lutte contre les
génocides et autres crimes de masse au sein des États membres de
l'Organisation. Certains mandats délivrés par le Conseil de
sécurité à des organisations régionales ont ainsi
inclus ou consacré des missions de protection, à l'instar de
l'opération militaire de l'Union européenne EUFOR Tchad-RCA en
2008-2009 ou de la Mission de l'Union africaine au Soudan (pour le Darfour),
à laquelle succédera la mission hybride UN-UA, la MINUAD, en
2008, le Conseil de sécurité a également autorisé
le déploiement de la MISCA124 en Centrafrique, et celui de la
MISMA125 au Mali (des missions sous conduite africaine).Dans le
cadre de ces opérations, cependant, bon nombre de missions de protection
ne furent pas encadrées par la responsabilité de protéger.
La résolution 1706 votée en 2006 par le Conseil de
sécurité invoquait bien la responsabilité de
protéger comme l'un des fondements de l'opération, mais celle-ci
n'avait pu être déployée face au refus de Khartoum. Il
faudra attendre la résolution 1769, votée près d'un an
plus tard et dépourvue de référence à la
responsabilité de protéger, pour que le déploiement de la
MINUAD soit finalement accepté par le gouvernement soudanais.
123 Article 4 « L'Union africaine fonctionne
conformément aux principes suivants : [...] h. Le droit de l'Union
d'intervenir dans un Etat membre sur décision de la Conférence,
dans certaines circonstances graves, a savoir : les crimes de guerre, le
génocide et les crimes contre l'humanité ».
124 Résolution 2121, CSNU, 10 octobre 2013.
125 Résolution 2085, CSNU, 20 déc. 2012.
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La mise en oeuvre de la responsabilité de
protéger en Afrique : Etude de quelques cas récents (Mali,
Centrafrique, Libye)
De manière générale, ces missions de
protection humaine demeurent hautement sensibles. Sur le terrain, elles
nécessitent un commandement éclairé : pour des soldats de
la paix, recourir à l'usage de la force armée, même
à un niveau tactique, est une gageure. En effet, comment
interpréter en temps voulu des règles d'engagement telles que
l'intention hostile ou la menace imminente contre l'intégrité
physique de civils, sans pour autant entrer en guerre ou remettre en cause la
légitimité de la mission ? Les « retours d'expérience
» de la MONUC témoignent de ces difficultés. Au niveau
stratégique, les contributions des États membres à l'ONU,
via les organisations régionales demeurent soumises à une
conditionnalité politique et opérationnelle. Des
coopérations ponctuelles et structurelles ont été
développées ces dernières années, entre les
différents acteurs du maintien de la paix (renforcement des
capacités africaines, coordination UE-ONU, par exemple) ; et la
construction des capacités occupe une place substantielle au sein de
nombreuses opérations, consacrant une stratégie de lutte contre
la faillite des États. Néanmoins, les opérations de paix
continuent d'être pourvues au cas par cas et selon une logique ad hoc
et les missions de protection humaine ne font pas exception à la
règle.
Section 2 : La conséquence : une situation
intenable
Les actions d'intégration sont souvent accueillies
défavorablement en raison de la confusion des genres qu'elles suscitent
dans l'esprit des populations. Pour accéder aux victimes et revendiquer
une certaine liberté d'expression, il est indispensable de
n'apparaître ni partie prenante dans le conflit, ni dépendant de
la politique d'une puissance étrangère, l'amalgame est courant :
les ONG sont perçues par les populations afghanes, ivoiriennes ou
irakiennes comme « occidentales » et assimilées aux forces
d'occupation. En Somalie déjà, l'intervention militaire
américaine avait permis l'acheminement des convois d'assistance, mais
n'avait guère contribué à améliorer la
sécurité des personnels des ONG humanitaires, vite
assimilés aux forces américaines. C'est pourquoi en août
2004, Médecin Sans Frontière quitte l'Afghanistan après
vingt-quatre ans de présence ininterrompue ; elle dénonce le
risque que les forces alliées font courir aux équipes
humanitaires et condamne l'implication de militaires dans les actions
humanitaires et de reconstruction ; elle réaffirme qu'en période
post-conflit, les actions humanitaires doivent relever de la
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La mise en oeuvre de la responsabilité de
protéger en Afrique : Etude de quelques cas récents (Mali,
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seule compétence des ONG. De ces faits, l'on
déduit aisément qu'il existe des tensions entre militaires et
humanitaires (Paragraphe 1). Cette difficile cohabitation tend
à dénaturer l'humanitaire (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : Les tensions entre militaires et
humanitaires
L'interaction entre les militaires et les agences humanitaires
(A) est régie par des directives civilo-militaires, mais dans les faits,
les tensions entre les deux parties sont nombreuses. L'existence de telles
tensions, met souvent en péril la protection des civils (B).
A- L'interaction entre agences humanitaires et forces
militaires
L'illustration la plus récente du mélange des
genres est sans doute le conflit sanglant commencé en février
2011 à Benghazi, puis étendu à l'ensemble de la Libye. Il
s'agit dans un premier temps d'un conflit armé non international, devenu
conflit armé international126 après les deux
résolutions du Conseil desécurité : le 27 février
2011, la résolution 1970 impose un embargo sur les armes, gèle
les avoirs à l'étranger des dirigeants libyens, leur impose une
interdiction de voyage, saisit le procureur de la Cour pénale
internationale et le 17 mars 2011, la résolution 1973 autorise «
toutes les mesures nécessaires » pour mettre en place une zone
d'exclusion aérienne destinée à protéger les
populations civiles contre les attaques et faciliter la délivrance d'une
aide internationale ; l'OTAN prend le contrôle de l'action militaire
internationale.
Dans l'interaction entre les agences humanitaires et les
forces militaires, les tensions sont quotidiennes. D'une part, les humanitaires
refusent que les militaires interviennent dans la gestion de l'aide, alors que
ces derniers font remarquer qu'en cas de conflit, le droit international
humanitaire leur donne la responsabilité morale et légale de
protéger les civils et de faciliter la distribution de l'aide. D'autre
part, les militaires ne comprennent pas la contribution des humanitaires en
situation de crise, alors que les agences et les O.N.G. sont parfaitement
expérimentées pour évaluer les besoins, assurer des soins,
acheminer et distribuer l'aide alimentaire et autre.
126 «Un conflit armé existe chaque fois qu'il y a
un recours à la force armée entre Etats [CAI] ou un conflit
armé prolongé entre les autorités gouvernementales et des
groupes armés organisés ou entre de tels groupes au sein d'un
Etat [CANI]». T.P.I.Y., arrêt Tadic, 1995, §70.
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La mise en oeuvre de la responsabilité de
protéger en Afrique : Etude de quelques cas récents (Mali,
Centrafrique, Libye)
En effet, les opérations menées en Libye
poursuivent deux objectifs officiels : d'abord protéger la population
civile ; c'est l'application du principe de la responsabilité de
protéger. Les agences humanitaires sont sceptiques sur
l'opération de l'OTAN pour trois raisons : la nature asymétrique
du conflit qui est en fait une guerre civile plus qu'un conflit international ;
la méthode des frappes aériennes, qui provoquent des dommages
collatéraux importants127; le défaut d'orientation
stratégique claire de la part de l'OTAN et l'absence d'une solution
politique. Ensuite, faciliter l'aide : les agences ne souhaitent pas un soutien
des militaires. Elles s'appuient sur les « directives des Nations unies
pour l'utilisation des ressources et de la protection civile dans le cadre
d'opérations d'aide humanitaire et de situations d'urgence complexes
»128; or l'idée essentielle développée
dans ces directives est celle du « dernier ressort129» :
les ressources militaires peuvent être utilisées pour l'aide
humanitaire uniquement lorsqu'aucune ressource civile équivalente n'est
disponible, lorsque toutes les options alternatives ont été
explorées, lorsque ces ressources sont utilisées à des
fins précises et pendant une période limitée. L'adoption
de ces directives est une conséquence de la confusion humanitaire -
militaire en Irak et en Afghanistan et des effets dommageables de cette
confusion pour les populations civiles et les humanitaires. Pour les
populations civiles : soit elles refusent les soins et les vivres des
humanitaires, car elles sont attaquées à titre de
représailles si elles les acceptent ; soit elles les détournent
au profit des belligérants (et donc n'en profitent pas). Pour les
humanitaires : soit ils sont confondus avec les militaires ; soit ils ne sont
pas considérés comme neutres et impartiaux ; dans tous les cas,
ils sont attaqués par les belligérants.
Il existe également des tensions quant au rôle
des militaires internationaux dans la « facilitation » de l'aide
humanitaire. Alors que l'OTAN a insisté sur le fait qu'elle ne jouerait
pas le « rôle de leader » dans la fourniture de l'aide, l'Union
européenne (UE) a planifié le déploiement d'une force
militaire (EUROFOR Libye) pour soutenir les efforts humanitaires, y compris en
sécurisant les ports et les corridors
127 Comme c'était le cas au Kosovo, en Afghanistan et en
Irak.
128 Directives MCDA-mars 2003, Révision I- 2006
129 Il ne doit être fait appel aux ressources militaires
que lorsqu'il n'existe aucune ressource civile comparable et que seule
l'utilisation des ressources militaires permettra de répondre à
un besoin humanitaire impératif. Les ressources militaires auxquelles il
a été fait appel doivent en conséquence être les
seules disponibles et les seules capables de répondre aux besoins de la
situation.
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La mise en oeuvre de la responsabilité de
protéger en Afrique : Etude de quelques cas récents (Mali,
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humanitaires130. Certains acteurs humanitaires ont
refusé que les militaires aient un rôle à jouer dans la
réponse humanitaire. Une telle position s'avère cependant
inappropriée, faute de prendre en compte le fait que les militaires,
particulièrement lorsqu'ils sont partie prenante à un conflit,
ont la responsabilité morale et légale de protéger les
civils et de faciliter leur accès à l'aide131. En
Libye, les deux principaux objectifs du Conseil de sécurité sont
la protection des civils et la facilitation de l'aide humanitaire. Ils
nécessitent donc pour être atteints des efforts coordonnés
par les militaires et les humanitaires, que cela se fasse dans le cadre d'une
véritable coopération ou d'une simple coexistence.
B- Les répercussions sur la protection des
civils
Bien que déployés sur les même zones de
conflit, militaires et humanitaires ont en effet des logiques d'engagement
différentes. Ils ne poursuivent pas les mêmes objectifs. Les
actions civilo-militaires prônées aux États-Unis et en
Europe ne servent qu'à créer un environnement favorable à
la force ; l'humanitaire n'y est conçu que comme un outil de gestion des
crises. Pour les ONG humanitaires en revanche, une séparation claire
doit être établie entre l'activité militaire et leurs
actions sur le terrain. Cependant, dans le débat qui ne manque pas de
les opposer, le militaire l'emporte fatalement sur l'humanitaire. En
témoigne, le livre blanc français, publié en 2005,
intitulé « Doctrine sur la coopération civilo-militaire
» : il distingue le rôle des militaires (pour réduire les
menaces) et celui des diplomates et des humanitaires (en termes de soutien
à la gouvernance, à la reconstruction et au
développement). Il souligne que« l'approche globale, c'est la
coordination des efforts de tous les acteurs au profit d'un objectif commun
» ; et indique que celle-ci «ne vise pas à militariser les
actions humanitaires ». Mais en cas d'urgence, les militaires sont les
seuls à disposer des capacités d'intervention spécifiques
et rapidement mobilisables. De plus, quand l'action militaire est au premier
plan, il revient aux militaires de coordonner l'ensemble des actions sur le
terrain.
130ØLibya : UN will only request military
support for aid mission «as last resort°, The Guardian, 18
avril 2011. 131Humanitarian Policy Group, « Libye : la
possible confusion humanitaire-militaire en question », Humanitaire,
[En ligne], URL :
http://humanitaire.revues.org/936
(consulté le 27 août 2017 à 17h 24 min).
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La mise en oeuvre de la responsabilité de
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Bernard Kouchner132 dans le numéro de
janvier-mai 2007 de la revue Inflexions (26-29), prétend, qu'il
existe une « convergence » entre humanitaires et militaires. Pour
Crouzatier, cette « convergence » n'est pas neutre; elle est au
contraire potentiellement dangereuse133. La confusion est dangereuse
parce qu'il est difficilement concevable qu'une opération militaire se
limite à des objectifs strictement humanitaires ; ce serait un «
service minimum humanitaire »134, alors qu'une intervention
militaire doit servir à appuyer ou imposer une solution politique. Une
puissance qui déclenche une intervention militaire agit
systématiquement en fonction d'objectifs politiques et
stratégiques qui sont toujours prépondérants par rapport
aux mobiles humanitaires proclamés. Et c'est toujours en fonction de ces
mobiles prépondérants qu'une action militaire sera menée.
Il n'existe pas de « soldats humanitaires » ; il n'y a que des
soldats avec une mission... forcément militaire. La confusion est
également dangereuse parce que les erreurs qu'elle entraîne, dans
l'esprit des populations, sur l'image et les intérêts des ONG va
conduire ces dernières, pour ne pas exposer les volontaires
internationaux et les équipes locales, à éviter certaines
zones et certains pays; on assistera alors à un recul des
capacités d'intervention et une réduction de l'aide effectivement
apportée aux populations nécessiteuses.
Qualifier une opération militaire d' « humanitaire
» signifie implicitement que l'intervenant est humanitaire et celui qui
s'y oppose diabolique ; elle conduit naturellement à une discrimination
entre les « bonnes » victimes du côté humanitaire, et
les « mauvaises » victimes parmi les opposants, comme on l'a
constaté hier en Irak, en Libye et ailleurs. Les objectifs
déclarés de la mission de l'OTAN, tels que soulignés par
le Conseil de sécurité, sont partagés par les humanitaires
: protéger la population civile et garantir leur accès à
une aide vitale. Les tensions se font sentir au niveau des différentes
stratégies et tactiques que les acteurs militaires et humanitaires
estiment adaptées pour parvenir à ces fins. La manière
dont la mission militaire sera mise en oeuvre pour protéger la
population civile, sa chance probable de réussite et la perception de
cette situation en Libye et plus généralement dans toute la
région
132 Médecin et homme politique français,
cofondateur de Médecin sans frontières et de Médecins du
monde, ministre de différents gouvernements de Gauche et de Droite.
Ministre des Affaires étrangères et européennes de mai
2007 à novembre 2010. Egalement Représentant spécial du
SGNU au Kosovo de juillet 1999 à janvier 2001.
133 CROUZATIER Jean-Marie, La responsabilité de
protéger : avancée de la solidarité internationale ou
ultime avatar de l'impérialisme, in revue aspect n° 2,
2008, p. 27.
134Ibid.
Réalisé et présenté par Bansopa Linda
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La mise en oeuvre de la responsabilité de
protéger en Afrique : Etude de quelques cas récents (Mali,
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façonneront le degré de coordination possible
entre civils et militaires. Le dialogue est essentiel afin de limiter les
risques pour les civils, que ce soit par le partage d'analyses ou la promotion
de l'adhésion au droit international humanitaire. De solides efforts de
coordination civile et militaire sont nécessaires pour gérer la
relation entre les agences militaires et humanitaires, pour faciliter leur
entente complémentaire et justifier leur séparation lorsque des
motifs tactiques et conceptuels l'exigent. En Libye, tout comme en Afghanistan,
en Irak et au Pakistan, toute confusion entre les objectifs humanitaires,
militaires et politiques peut avoir de lourdes conséquences sur la
population civile, mettant en péril les efforts déployés
pour atteindre les objectifs partagés consistant à sauver des
vies et fournir de l'aide.
Il est vrai que l'humanitaire seul est quelques fois
impuissant ; mais s'il est accompagné de l'intervention militaire, il
est forcément dénaturé.
Paragraphe 2 : La dénaturation de l'humanitaire
« Le recours à la force contre la
volonté des parties à un conflit, même pour des raisons
humanitaires valables, par exemple pour permettre la fourniture de
l'assistance, transformerait nécessairement l'action humanitaire en
opération militaire »135. La « militarisation
» de l'humanitaire a donc pour corollaires, le détournement des
objectifs humanitaires (A) d'une part et le recul des capacités
d'intervention humanitaire (B) d'autre part.
A- Des objectifs détournés
Dans le numéro de janvier-mai 2007 de la revue
Inflexions136, Bernard Kouchner explique que les convergences
entre militaires et humanitaires doivent beaucoup à la pratique : c'est
sur le terrain en Bosnie, au Kosovo, en Somalie et en Afghanistan que les
humanitaires et les militaires ont appris à travailler ensemble et
à collaborer. Par delà les différences historiques et
culturelles, il souligne les similitudes des problématiques auxquelles
militaires et humanitaires sont confrontés, la progressive convergence
de leurs outils et de leurs pratiques, et enfin leurs objectifs
135 CROUZATIER Jean-Marie, La responsabilité de
protéger : avancée de la solidarité internationale ou
ultime avatar de l'impérialisme, in revue aspect n° 2,
2008, p. 49.
136Voir Revue Inflexions, numéro de
janvier-mai 2007, pp. 26-29.
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La mise en oeuvre de la responsabilité de
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communs : « la protection des populations, la paix, la
démocratie »137. Et d'insister sur leur
complémentarité : « Si les militaires disposent d'outils
logistiques supérieurs à ceux des organisations humanitaires,
celles-ci sont en revanche plus à même d'offrir des services de
proximité aux populations»138.
Bernard Kouchner oublie pourtant de revenir aux origines du
phénomène : l'humanitaire armé est d'abord au service de
la politique de puissance ; l'Afghanistan en est une sorte de laboratoire
depuis 2001139. Dans ce pays ravagé par des décennies
de guerre, une grande partie de la population survit grâce à
l'aide internationale au début des années 2000. Or le 11
septembre 2001, le gouvernement afghan est dénoncé par les
Etats-Unis comme « ennemi » et Washington commence des
préparatifs militaires. En prévision de la campagne de
bombardement, les Etats-Unis exigent la suppression des convois humanitaires en
provenance du Pakistan et la fin des actions du PAM et des ONG sur le terrain,
créant un début de famine dans certaines régions.
L'opération militaire impériale est
qualifiée « d'humanitaire » puisque les avions larguent
successivement des bombes, des colis de vivres et des tracts de propagande.
Après l'invasion de l'Irak, les opérations humanitaires restent
sousle contrôle américain140. Avec cette invasion,
l'humanitaire devient une arme : le 17 mars 2003, le président Bush
déclare que les Etats-Unis apporteront une aide alimentaire dans le
sillage des opérations militaires, mais à condition que Saddam
Hussein soit chassé141 ; autrement dit, il conditionne la
survie dela population à la capitulation du régime ; sur le
terrain l'aide est parfois utilisée comme un outil de marchandage,
subordonnée à la fourniture d'informations par la population
civile.
137Ibidem p. 27. 138Ibidem
p 28.
139 CROUZATIER Jean-Marie, La responsabilité de
protéger : avancée de la solidarité internationale ou
ultime avatar de l'impérialisme, in revue Aspect n° 2,
2008, p. 49.
140 Cette expérience est sans doute
considérée comme positive puisque l'humanitaire est
enrôlé à partir de 2002 dans la « guerre contre le
terrorisme ». L'USAID exige de la part des ONG l'adhésion explicite
à ses principes politiques de lutte contre le terrorisme pour avoir
accès à son financement ; bien peu d'ONG refuseront (à
notre connaissance, seules Handicap International, AICF et Oxfam) ; les
dirigeants « étasuniens » décident ainsi quels pays et
quelles populations méritent de bénéficier d'une aide
humanitaire.
141?...as our coalition takes away
their power [the lawless men who rule Iraq], we will deliver the food and
medicine you need.??. Discours du président Bush à la
nation. Ce discours établissait un bilan des douze années de
diplomatie sur la question irakienne depuis la fin de la Guerre du Golfe
Persique en 1991. Le président Bush y annonçait l'envoi de
troupes américaines dans le cadre d'une intervention armée en
Irak dans le but de préserver la sécurité des Etats-Unis.
Discours disponible sur
https://www.monde-diplomatique.fr/cahier/irak/a9941
(consulté le 19 octobre 2017 à 21h 20 min).
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La mise en oeuvre de la responsabilité de
protéger en Afrique : Etude de quelques cas récents (Mali,
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Par ailleurs, l'action militaire en Libye est perçue
comme ayant pris le pas sur les efforts qui auraient pu permettre d'arriver
à une résolution politique. Et, au-delà du désir
évident de voir l'élimination du régime de Kadhafi, il
reste que l'orientation stratégique de la mission demeure floue.Mais les
preuves disponibles attestent néanmoins du besoin apparent de protection
physique des civils sous la menace imminente d'une attaque. À ce stade,
la capacité des agences humanitaires à fournir cette protection
physique semble restreinte, mais l'OTAN et les acteurs humanitaires peuvent
jouer des rôles complémentaires de protection, prôner le
respect du droit international humanitaire y compris par l'OTAN elle-même
et mener un plaidoyer pour le droit d'asile.
B- Le recul des capacités d'intervention
humanitaire
Si les militaires nationaux et les forces de paix
multinationales sont critiqués par les ONG pour leur empiètement
de plus en plus manifeste sur le terrain humanitaire, la dérive
politique de certaines ONG est tout aussi manifeste. Nous sommes bien loin des
affirmations d'indépendance par rapport aux États durant les
années soixante-dix, et de la volonté de rendre compte des
réalités constatées sur le terrain, aussi
dérangeantes soient-elles pour les puissances. Mais les ONG n'ont pas le
choix, en raison de la part croissante dans leurs budgets de financements
institutionnels, et de la pression des bailleurs de fonds publics : l'UE, les
États-Unis déterminent les priorités et orientent l'aide,
et les ONG doivent volens nolens142 s'y adapter ; ou elles
seront dans l'impossibilité d'obtenir leur part sur le «
marché » des crises humanitaires. Les notions
d'impartialité, d'indépendance et d'éthique semblent
aujourd'hui bien désuètes. C'est ainsi que les bailleurs de fonds
décident des sujets à la mode : Droits de l'homme et promotion
des femmes, puis plus récemment lutte contre la corruption, et
sauvegarde de l'environnement. C'est ainsi que les ONG deviennent leurs
prestataires de services, éléments complémentaires des
stratégies militaires143. Il est certain que l'accès
aux populations les plus vulnérables ne sera possible que si un climat
de confiance s'établit entre humanitaires et acteurs locaux. Cela
nécessite une transparence dans
142 Locution latine synonyme de l'expression « bon
gré mal gré ». En droit international public, cette locution
signifie : « qui est indépendant de la volonté des parties
».
143 CROUZATIER Jean-Marie, La responsabilité de
protéger : avancée de la solidarité internationale ou
ultime avatar de l'impérialisme, in revue aspect n° 2,
2008, p. 27.
Réalisé et présenté par Bansopa Linda
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La mise en oeuvre de la responsabilité de
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leursmanières d'opérer (au profit exclusif des
civils dans le besoin), leurs objectifs et leur identité qui se doit
d'être neutre, indépendante et impartiale. Aussi, dans une
perspective optimiste faudra t-il envisager l'action militaire de la
responsabilité de protéger comme un continuum dans
lequel la communauté internationale a un droit de regard, et dont celui
qui s'engage doit exécuter les trois paliers du principe dont la
reconstruction, troisième palier, estaussi important que les autres.
Cette perception de la responsabilité de protéger permettra de
diluer certains maux décriés ci-haut.
Réalisé et présenté par Bansopa Linda
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La mise en oeuvre de la responsabilité de
protéger en Afrique : Etude de quelques cas récents (Mali,
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CONCLUSION PARTIELLE
La mise en oeuvre de la responsabilité de
protéger en Afrique présente différentes facettes
notamment en ce qui concerne les fondements de l'intervention dans les
différentes crises analysées ainsi que les divers moyens
déployés en vue de leur résolution.
D'abord, en ce qui concerne les fondements des interventions,
notre étude relève une imprécision et une
variabilité des conditions d'intervention. Cet état de choses
réside principalement dans l'imprécision du cadre d'application
du principe de la responsabilité de protéger. Alors que dans
certains cas, l'imminence de la commission de crimes internationaux a servi de
fondement à l'intervention, dans d'autres cas, l'on a attendu que ces
crimes soient commis avant d'intervenir.
En outre, les moyens mis en oeuvre notamment militaires et
humanitaires dans le cadre de la responsabilité de protéger,
présentent des risques en ce sens que l'humanitaire est de plus en plus
confiée aux militaires ; ce qui altère forcément la
neutralité de l'action humanitaire.
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DEUXIEME PARTIE : UNE MISE EN OEUVRE EQUIVOQUE
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La mise en oeuvre de la responsabilité de
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La responsabilité de protéger a, depuis son
origine, souffert de son amalgame avec l'intervention militaire. De ce fait,
les débats ont souvent été monopolisés par la
question du recours à la force. Même si, aujourd'hui, les
partisans de ce principe mettent l'accent sur la prévention, nombre de
discussions portent, sur l'utilisation de la force armée.
Mettre en oeuvre la responsabilité de protéger
signifie prévenir avant tout, agir ensuite, et reconstruire enfin. Il
s'agit d'un continuum adopté par la Commission et qui consiste
à mettre en oeuvre tous les moyens possibles afin de prévenir la
survenance des crimes ou catastrophes, puis agir lorsque ces moyens se sont
avérés inefficaces. En plus, elle innove avec un aspect qui n'a
souvent pas été pris en compte celle de la reconstruction,
désormais après la prévention et l'action, on a la
responsabilité de reconstruire. Dans ce continuum, toute
tentative visant à délimiter la responsabilité de
protéger selon l'une ou l'autre des opérations de paix est
réductrice. Afin de mieux cerner les différents aspects de la
mise en oeuvre de la R2P, il convient d'aborder dans un premier temps la ferme
volonté des organisations internationales de prévenir la
commission de certains crimes internationaux (Chapitre I).
Ensuite, dans un second temps, il convient de relever les controverses
engendrées par les différentes interventions (Chapitre
II).
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CHAPITRE I : UNE FERME VOLONTE DE PREVENIR
Depuis la fin de la guerre froide, la scène
internationale a enregistré de nombreux conflits, qui se distinguent des
conflits traditionnels par leur caractère davantage civil
qu'international, leur intensité, la nature des victimes et des acteurs
qui y participent, sans que la Communauté internationale parvienne
toujours à y faire face de manière efficace. Il est maintenant
bien connu que certaines crises humanitaires tragiques, comme celle du Rwanda
en 1994, auraient pu être désamorcées si tout le dispositif
de prévention et de réaction prévu par l'ONU et par
certaines autres institutions avait été mis en
place144. En conséquence, en tirant les leçons des
échecs du passé, le concept de prévention semble s'imposer
aujourd'hui comme l'une des notions centrales du discours politique
international, dans un monde toujours traversé par de multiples menaces
(conflits interétatiques, conflits intra-étatiques, terrorismes,
génocides, insécurité humaine, crises humanitaires, etc.).
Si, pendant longtemps, ce sont les notions de « réaction » ou
de « gestion » qui semblaient définir la posture politique et
analytique la plus « appropriée » en matière de crises
politiques et humanitaires, il est devenu aujourd'hui plus « commode
» de se référer à la notion de «
prévention145 » et de lui accorder une importance
primordiale146.
Afin de mieux appréhender la volonté de
prévenir les conflits en Afrique, nous passerons en revue, les
mécanismes pertinents de prévention (Section 1).
Ensuite, nous relèverons les différentes faiblesses qui entravent
l'efficacité de ces mécanismes (Section 2).
Section 1 : Les mécanismes pertinents de
prévention
La CIISE rappelle que la prévention efficace suppose la
réunion de trois conditions essentielles à savoir l'outillage
préventif, l'alerte rapide, et avant tout, la
144 D'après la Commission Carnegie pour la
prévention des conflits meurtriers, la communauté internationale
a consacré dans les années 90 près de 200 milliards de
dollars à la gestion des conflits dans le cadre de sept interventions
majeures (Bosnie-Herzégovine, Somalie, Rwanda, Haïti, golfe
Persique, Cambodge et El Salvador), mais aurait pu économiser 130
milliards de dollars si elle avait opté pour une approche
préventive plus efficace.
145 Fondamentalement, les efforts de prévention visent
bien évidemment à réduire, sinon éliminer
complètement, la nécessité d'une intervention. Cela
étant, même lorsque ces efforts ne permettent pas d'empêcher
un conflit ou une catastrophe, ils constituent une condition préalable
nécessaire à une réaction efficace.
146 La Commission préconise une ferme volonté de
prévention dans les Etats, et celle-ci doit se manifester tant au niveau
des causes profondes (lointaines) que directes (immédiates) des crises
humanitaires. De plus, elle plaide pour un mécanisme d'alerte rapide
comme moyen d'information en vue toujours de prévenir la survenance d'un
péril imminent.
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volonté politique. Elle précise également
que « Par delà les détails concrets, ce qu'il faut de la
part de la communauté internationale, c'est un changement fondamental
d'état d'esprit, un passage d'une «culture de la
réaction» à une «culture de la
prévention"»147. Les moyens de prévention
des conflits se sont énormément diversifiés ces
dernières décennies au plan international (Paragraphe 1)
de même qu'au plan régional africain (Paragraphe
2).
Paragraphe 1 : La diversité des moyens de
prévention au plan international
Dans son rapport sur la prévention des conflits
armés148, le Secrétaire général
Kofi Annan établit une distinction entre la prévention
immédiate, à laquelle on a recours lorsque la violence
paraît imminente et qui, dans une large mesure, relève de la
diplomatie, et la prévention structurelle, qui suppose qu'on
s'attaque aux causes profondes des conflits armés potentiels. C'est
traditionnellement par la diplomatie préventive que l'ONU aborde
directement le problème de la prévention immédiate et
c'est pourquoi les efforts sont actuellement centrés sur le moyen de
progresser dans la mise en oeuvre d'une stratégie de prévention
structurelle, qui traiterait les causes politiques, sociales, culturelles,
économiques, environnementales et autres causes structurelles qui sont
souvent à la base des symptômes immédiats de conflits
armés. Cette approche peut être judicieuse en cas de menaces
à la paix et à la sécurité telle que le terrorisme.
Une telle analyse permet de distinguer les moyens politico-diplomatiques (A) de
prévention des moyens d'ordre économique, judiciaire et militaire
(B).
A- Les moyens politico-diplomatiques
Les mesures de prévention directe d'ordre
politico-diplomatique comportent notamment l'intervention directe du
Secrétaire Général149 de l'ONU, ainsi que
les
147 CIISE, La responsabilité de protéger,
§3.42, p. 30.
148 Rapport SGNU, A/55/985-S/2001/574 et Corr.1, 12 octobre
2003.
149 Le mandat concernant la prévention des conflits
trouve son origine dans l'Article 99 de la Charte aux termes duquel le
Secrétaire général peut attirer l'attention du Conseil de
sécurité sur toute affaire qui, à son avis, pourrait
mettre en danger le maintien de la paix et de la sécurité
internationales. L'efficacité des bons offices dépend souvent de
la marge de manoeuvre dont dispose le Secrétaire
général.
Le Département des affaires politiques est le principal
outil opérationnel qui permet au Secrétaire général
d'exercer ses bons offices.
Réalisé et présenté par Bansopa Linda
DARATE Page 54
La mise en oeuvre de la responsabilité de
protéger en Afrique : Etude de quelques cas récents (Mali,
Centrafrique, Libye)
missions d'établissement des faits150, les
efforts des commissions de personnalités éminentes, le dialogue
et la médiation par le biais des bons offices151, les appels
internationaux et les ateliers de dialogue et de résolution des
problèmes dans le cadre d'une seconde filière non officielle.
Dans son rapport du 26 août 2011 intitulé Les
fruits de la diplomatie préventive152, le
Secrétaire général Ban Ki-Moon met l'accent sur l'action
diplomatique adoptée pour prévenir ou atténuer la
multiplication des conflits armés. Il y énumère plusieurs
outils et instruments à savoir : les bons offices du Secrétaire
général, les envoyés des Nations unies153, les
bureaux régionaux, les missions politiques résidentes (telle que
le Bureau intégré des Nations Unies pour la
150 Par la résolution 2127 (2013), adoptée
à l'unanimité de ses 15 membres, le Conseil de
sécurité décide de créer rapidement une commission
d'enquête internationale, pour une période initiale d'un an,
chargée d'enquêter sur les violations du droit international
humanitaire et du droit international des droits de l'homme qui auraient
été perpétrées en République centrafricaine
« par quelque partie que ce soit » depuis le 1er janvier 2013.
151 Les bons-offices et la médiation ont
été codifiés par le Titre II de la Convention de la Haye
du 18 octobre 1907 pour le règlement pacifique des conflits
internationaux (art. 2 à 8). Ces dispositions indiquent dans quelles
circonstances les parties en conflit ont recours aux bons-offices et à
la médiation, l'objet des bons-offices et de la médiation, le
rôle du médiateur, ainsi que les modalités de leur
organisation. Il ressort de l'article 4, par exemple, que « Le
rôle du médiateur consiste à concilier les
prétentions opposées et à apaiser les ressentiments qui
peuvent s?être produits entre les Etats en conflit ».
152 Rapport du Secrétaire général,
S/2011/552, 26 août 2011, paragraphes 16 et suivants.
153 Immédiatement après le début de la
crise libyenne, le 17 février 2011, Ban Ki-Moon, Secrétaire
général de l'ONU à l'époque, nomma comme
envoyé spécial en Libye le diplomate jordanien Abdelelah
Al-khatib. Al-khatib devait servir de médiateur entre le
Conseil National de Transition (CNT), les dirigeants politiques de la
révolution et le régime de Kadhafi pour mener à une
résolution du conflit.
Le 26 avril 2011, à peine quelques semaines
après avoir fait d'al-Khatib son représentant spécial, Ban
ki-Moon nomma alors le militant des droits de l'homme britannique, Ian
Martin, conseiller spécial sur la Libye, avec pour mission de
commencer la planification post-conflit, en collaboration avec al-Khatib.
Plusieurs semaines plus tard, Martin arriva à Tripoli et assuma la
charge d'installer la Mission de soutien de l'ONU en Libye (UNSMIL). Martin
sera remplacé en octobre 2012 par Tarek Mitri, un
universitaire libanais fort d'une expérience gouvernementale de niveau
ministériel et, surtout, qui maîtrisait l'arabe. Début
2014, Mitri essaya de négocier un accord inclusif de partage du pouvoir,
associant toutes les forces politiques principales du pays; mais son
idée n'obtint pas le soutien escompté de certains acteurs
clés.
Le rôle de l'UNSMIL avait désormais radicalement
changé. Il ne s'agissait plus d'aider la transition vers la
démocratie et de mettre en place de nouvelles institutions publiques
mais d'oeuvrer au rétablissement de la paix et à la
résolution des conflits. Cela mena à nouveau à un
changement : Mitri fut remplacé par Bernardino
León, diplomate espagnol bien ancré dans le paysage
politique.
León prit le relais en août 2014 et
s'attela tout de suite à lancer un nouveau processus inclusif de
dialogue politique. Dès début septembre de nouvelles
négociations furent entamées dans la ville libyenne de Ghadames,
à la frontière algéro-libyenne. Le nouveau processus fut
très mouvementé, et plusieurs processus parallèles se
déroulèrent dans divers pays arabes et européens.
Ce processus culmina avec la signature de l'accord de Skhirat,
au Maroc, le 17 décembre 2015. Cependant, León qui
démmisionna démissionna deux mois plus tôt sera
remplacé par Martin Kobler, diplomate allemand,
nommé fin octobre 2015. Ce dernier sera remplacé en juin
2017 par le nouvel envoyé spécial des Nations unies, le Libanais
Ghassan Salamé, un intellectuel réputé et
un diplomate chevronné.
Réalisé et présenté par Bansopa Linda
DARATE Page 55
La mise en oeuvre de la responsabilité de
protéger en Afrique : Etude de quelques cas récents (Mali,
Centrafrique, Libye)
consolidation de la paix en République centrafricaine
(BINUCA), les missions d'établissement des faits et
d'enquête154, etc.
La diplomatie préventive s'est rapidement
développée et a évolué, mais elle n'est ni
aisée, ni simple, ni forcément toujours couronnée de
succès. Elle continue de buter sur de grands obstacles et aléas,
les chances de succès étant souvent tributaires de multiples
facteurs, dont l'un des plus importants a trait à la volonté des
parties. Si les parties ne veulent pas la paix ou ne sont pas disposées
à faire des concessions, il est extrêmement difficile, en
particulier pour des intervenants externes, de les persuader de changer d'avis.
Ici, le lien entre la diplomatie préventive et le pouvoir de mettre en
action des mécanismes incitatifs et des facteurs dissuasifs peut
être capital pour convaincre les principaux acteurs, en respectant
pleinement leur souveraineté, qu'ils ont intérêt à
opter pour le dialogue et contre la violence et, si nécessaire,
d'accepter une aide extérieure à cet effet.
Cependant, dans les situations de crise interne en
particulier, on peut craindre les ingérences indues ou les «
internationalisations » non souhaitées des affaires
intérieures du pays. Faute de possibilité d'intervention, la
communauté internationale peut se retrouver impuissante devant une
situation qui manifestement se détériore et où les pertes
en vies humaines s'accumulent alors que c'est paradoxalement à ce stade
qu'un espace pour l'action politique peut parfois s'ouvrir et lorsqu'une menace
particulièrement grave ou imminente plane sur la paix et la
sécurité internationales, l'action diplomatique peut ne pas
être efficace et nécessiter d'autres formes complémentaires
de pression, y compris, si nécessaire, des mesures
coercitives155.
Toutefois, des mesures peuvent être prises pour
maximiser les chances de succès de la diplomatie. Les
éléments clefs qui, au vu de l'expérience de l'ONU et d'un
bon nombre de ses partenaires, se sont révélés essentiels
à cet égard sont décrits
154 L'ONU a mis en place un certains nombre de commissions
d'enquêtes dans le cadre de plusieurs crises en Afrique ; en Libye et en
RCA notamment : cas de la Commission d'enquête internationale
chargée d'examiner les allégations de violation du droit
international humanitaire et des droits de l'homme en Libye, établie en
février 2011 par le Conseil des droits de l'homme (ONU) ; et de la
Commission internationale d'enquête sur les violations des droits de
l'homme commises en République centrafricaine, établie en janvier
2014.
155 En cas d'échec de ces mesures, la prévention
directe d'ordre politico-diplomatique peut aller jusqu'à la menace ou
l'imposition des sanctions politiques, l'isolement diplomatique, la suspension
de la participation aux travaux de certaines organisations, les restrictions
frappant les avoirs de certaines personnes, l'opprobre jeté sur des
personnes ou des instances désignées nommément, ou des
mesures de même type. Rapport CIISE, La responsabilité de
protéger, p. 27, paragraphe 3 § 26.
Réalisé et présenté par Bansopa Linda
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La mise en oeuvre de la responsabilité de
protéger en Afrique : Etude de quelques cas récents (Mali,
Centrafrique, Libye)
dans le rapport du Secrétaire
général156. Il s'agit de : l'alerte précoce, la
flexibilité des actions de diplomatie préventive, la
création de partenariats avec les organisations régionales et
sous-régionales, la durabilité des actions de diplomatie
préventive, l'évaluation de l'efficacité des actions de
diplomatie préventive, et la disponibilité des ressources
humaines de qualité.
Aussi bien en Libye, en Centrafrique qu'au Mali, l'ONU a dans
un premier temps essayé d'établir le contact avec les parties au
conflit par le biais notamment des envoyés spéciaux, des
représentants résidant nommés par le Secrétaire
général en vue de mener les négociations devant faciliter
le retour de la paix. Dans chacun de ces cas, l'action diplomatique de l'ONU a
connu différentes facettes.
B- Les moyens économique, judiciaire et
militaire
Les mesures de prévention directe d'ordre
économique peuvent comporter des incitations aussi bien positives que
négatives. Parmi les incitations positives, on peut citer la promesse de
financements ou d'investissements nouveaux ou de conditions commerciales plus
favorables. Une distinction s'impose ici entre, d'une part, les programmes
ordinaires d'aide au développement et d'assistance humanitaire et,
d'autre part, les programmes mis en oeuvre à titre préventif ou
pour consolider la paix et éviter que des problèmes
n'entraînent la reprise d'un conflit violent. Il faut s'attacher tout
particulièrement à faire en sorte que cette assistance contribue
à prévenir ou atténuer les sources de conflit au lieu de
les exacerber. Les efforts de prévention directe d'ordre
économique peuvent aussi avoir un caractère plus coercitif et
prendre la forme, notamment, de menaces de sanctions commerciales et
financières, d'un retrait des investissements, de menaces de retrait du
soutien du Fonds monétaire international ou de la Banque mondiale, et
d'une annulation de l'aide et d'autres formes d'assistance157.
Nous avons aussi une palette de mesures de prévention
directe d'ordre juridique. Parmi lesquelles, on cite les offres de
médiation et d'arbitrage, voire de règlement, et le
déploiement d'observateurs chargés de surveiller le respect des
normes relatives aux droits de l'homme et d'aider à rassurer les
communautés ou groupes qui s'estiment en danger. Par ailleurs, la menace
d'adoption ou d'application effective de sanctions
156 Rapport du SGNU, La mise en oeuvre de la
responsabilité de protéger, paragraphes 43 et suivants.
157 Rapport CIISE, La responsabilité de
protéger, p. 27, paragraphe 3 § 27.
Réalisé et présenté par Bansopa Linda
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La mise en oeuvre de la responsabilité de
protéger en Afrique : Etude de quelques cas récents (Mali,
Centrafrique, Libye)
juridiques internationales est devenue un nouvel
élément important de la panoplie des outils de la
prévention. La création des tribunaux pénaux et
spéciaux internationaux comme ceux de l'ex-Yougoslavie158, du
Rwanda159, de la Sierra Leone160, du Timor Orientale, du
Liban ainsi que la mise en place effective de la Cour pénale
internationale constituent de précieux moyens de
dissuasion161 et de prévention d'autres crimes relevant de la
responsabilité de protéger surtout dans les pays post-conflit.
Concernant les mesures de prévention directe d'ordre
militaire, la Commission note qu'elles sont plus limitées, mais il
importe néanmoins de les mentionner. Elles peuvent prendre la forme
d'opérations de reconnaissance à distance, et en particulier,
d'un déploiement préventif consensuel, dont l'exemple le plus
évident, et le plus réussi à ce jour, est celui de la
force de déploiement préventif des nations unies en
Macédoine (FORDEPRENUE). Dans les cas extrêmes, la
prévention peut aller jusqu'à la menace de l'emploi de la
force162.
La Commission précise également que le passage
d'une prévention à caractère incitatif à des
mesures plus intrusives et contraignantes doit être fait avec tout le
sérieux possible, parce qu'il a des implications majeures.
La prévention des conflits doit être
intégrée aux politiques, à la planification et aux
programmes, aux échelons national, régional et international. Et,
la communauté internationale doit consacrer plus d'énergie, plus
de ressources, plus de compétences et plus de détermination
à la prévention.Une intervention militaire ne doit être
envisagée que lorsque la prévention échoue, et le meilleur
moyen d'éviter l'intervention est donc de faire en sorte qu'elle
n'échoue pas. Le plus important au delà des détails
concrets est qu'il faut de la part de la communauté internationale un
changement fondamental d'état d'esprit.
A l'instar de l'ONU, d'autres organisations internationales
notamment africaines sont également dotées de systèmes de
prévention des conflits.
158 TPIY créé par la Rés. 827 du Conseil de
sécurité du 25 mai 1993.
159 TPIR créé par la Rés. 955 du Conseil de
sécurité du 8 novembre 1994.
160 TSSL créé par la Rés. 1315 du Conseil de
sécurité du 14 août 2000.
161 Rapport CIISE, La responsabilité de
protéger, p. 28.
162 Rapport CIISE, La responsabilité de
protéger, p. 28, par. 3 § 32.
Réalisé et présenté par Bansopa Linda
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La mise en oeuvre de la responsabilité de
protéger en Afrique : Etude de quelques cas récents (Mali,
Centrafrique, Libye)
Paragraphe 2 : L'existence de moyens de prévention
au plan régional africain
L'Afrique, à l'instar d'autres régions du monde
dispose également de moyens de prévention des conflits aussi bien
dans le cadre de l'Union africaine (A), qu'au sein de certaines organisations
sous-régionales (B).
A- Dans le cadre de l'Union africaine
Il ne fait aucun doute qu'au cours du demi-siècle
écoulé, le continent a accompli des progrès significatifs
en matière de paix et de sécurité. Sur le plan
institutionnel, l'OUA et l'UA ont mis en place des structures qui ont permis de
renforcer la capacité du continent à prévenir les crises
et les conflits et à les gérer ou les régler lorsqu'ils
surviennent. Notablement, les initiatives prises au niveau de l'OUA ont abouti
à l'adoption, en juin 1993, de la Déclaration du Caire portant
création du Mécanisme pour la prévention, la gestion et le
règlement des conflits. Subséquemment, ce Mécanisme a,
dans le cadre de la transition de l'OUA à l'UA, donné naissance
au Protocole relatif à la création du Conseil de Paix et de
Sécurité (CPS), qui a été adopté à
Durban, en juillet 2002, et entré en vigueur en décembre
2003. Des étapes importantes ont été
franchies dans l'opérationnalisationde l'Architecture continentale de
paix et de
sécurité163 (APSA) prévue par
le Protocole, ainsi qu'en témoignent la mise en place du Conseil de Paix
et de Sécurité (CPS), du Groupe des Sages et, tout
récemment, du réseau « PanWise
164», constitué du Groupe des structures similaires
au niveau régional et d'autres acteurs actifs dans la prévention
des conflits et la médiation. Afin de s'acquitter de sa mission, l'APSA,
à travers le CPS, peut mettre en oeuvre aussi bien
163 L'Architecture africaine de paix et de
sécurité (APSA) est le dispositif de maintien de la paix et de la
sécurité en Afrique, mis en place sous l'égide de l'Union
africaine. Le principal pilier institutionnel de l'APSA est le Conseil de paix
et de sécurité, qui est appuyé dans l'accomplissement de
sa mission par trois autres piliers, en l'occurrence, le Groupe des sages, le
Système continental d'alerte rapide (SCAR), la Force africaine en
attente (FAA) et le Fonds spécial pour la paix (FSP). Ses objectifs
sont, entre autres, la promotion de la paix, de la sécurité et de
la stabilité, l'anticipation et la prévention des conflits sur le
continent, le rétablissement et la consolidation de la paix, la
reconstruction post-conflit, ainsi que la promotion de la démocratie, de
la bonne gouvernance, de l'Etat de droit et des droits fondamentaux de la
personne humaine. Pour une vue d'ensemble sur l'APSA, voir Matthieu
FAU-NOUGARET et Luc Marius IBRIGA (dir.), L?Architecturede paix et de
sécurité en Afrique. Bilan et perspectives, Paris,
L'Harmattan, 312 p.
164Pan-African Network of the Wise
(Réseau panafricain des sages), créé en 2013 est un
réseau de coordination des acteurs non gouvernementaux dans le domaine
de la médiation. Il a pour but de promouvoir une approche plus
concertée et plus inclusive de la diplomatie préventive, de la
médiation et de la résolution des conflits dans le contexte de
l'architecture africaine de la paix et de sécurité.
Réalisé et présenté par Bansopa Linda
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La mise en oeuvre de la responsabilité de
protéger en Afrique : Etude de quelques cas récents (Mali,
Centrafrique, Libye)
des procédures de règlement pacifique des
conflits que des mesures militaires de règlement des conflits. Les
procédures de règlement pacifique, qui nous intéressent
ici, comprennent, notamment, l'alerte rapide et la diplomatie
préventive, les bons-offices, la médiation, la conciliation et
l'enquête, qui sont expressément visés par l'article 6,
alinéa 1, b) et c) du Protocole relatif à la création du
Conseil de paix et de sécurité. A cet effet, le CPS dispose de
larges pouvoirs et peut, en vertu de l'article 8, § 5, mettre en place des
comités ad hoc de médiation, de conciliation et
d'enquête. Toutefois, aussi bien l'Acte constitutif de l'Union africaine
que le Protocole relatif à la création du Conseil de paix et de
sécurité autorise divers organes à initier des
activités de médiation. Ainsi, la Conférence des Chefs
d'Etat et de Gouvernement, en tant qu'organe suprême de l'Union, peut
donner mandat à un ou plusieurs de ses membres pour engager des missions
de médiation dans un conflit donné. Le Président en
exercice de la Conférence peut également, de son propre chef, ou
sur mandat de celle-ci, entreprendre des activités de médiation.
De même, le Président de la Commission de l'Union africaine, en
tant que premier fonctionnaire de l'Union, peut, de son propre chef ou sur
mandat de la Conférence ou du CPS, entreprendre, de lui-même ou
à travers ses Envoyés ou Représentants spéciaux,
des activités de médiation165. Ainsi, la
médiation occupe une bonne place dans la nouvelle Architecture africaine
de paix et de sécurité. Grâce au dialogue qu'elle engendre,
la médiation permet d'analyser les causes profondes des conflits,
d'appréhender leurs dimensions multiformes et de prendre en
considération les préoccupations et attentes de toutes les
parties. De ce fait, elle peut se révéler particulièrement
utile avant l'éclatement d'un conflit, après la naissance de
celui-ci et même après son apaisement lorsqu'il s'agira de
reconstruire la paix166. A la suite de l'OUA, l'Union africaine a
développé et systématisé la pratique des
médiations comme moyen de règlement pacifique des conflits
interétatiques ou
165 Il ressort de l'article 10, § 2, c) du Protocole
relatif au Conseil de paix et de sécurité que le Président
de la Commission « peut, de sa propre initiative ou à la
demande du CPS, user de ses bons-offices, soit personnellement, soit par
l'intermédiaire d'Envoyés spéciaux, de
Représentants spéciaux, du Groupe des sages ou des
Mécanismes régionaux, pour prévenir les conflits
potentiels, régler les conflits en cours et promouvoir les initiatives
et efforts de consolidation de la paix et de reconstruction post-conflits
».
166 Avant l'éclatement du conflit, la médiation
peut apparaître comme un outil de prévention, dans la mesure
où elle permet de traiter de façon précoce les facteurs
« confligènes » et d'éviter l'escalade de la violence,
en donnant l'occasion aux belligérants de trouver un terrain d'entente
aux problèmes qui les opposent. Après la naissance du conflit, la
médiation peut apparaître comme un instrument efficace
d'apaisement ou de règlement de celui-ci, permettant de parvenir
à un arrêt des hostilités et des violences,
officialisé par un accord de cessez-le-feu. Voir VETTOVAGLIA
Jean-Pierre, « Introduction » à l'ouvrage sur Médiation
et Facilitation dans l'espace francophone : théorie et pratique, op.
cit., pp. 2, 3.
Réalisé et présenté par Bansopa Linda
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La mise en oeuvre de la responsabilité de
protéger en Afrique : Etude de quelques cas récents (Mali,
Centrafrique, Libye)
intra-étatiques, avec des succès variables.
Depuis sa mise en place en 2002, elle a entrepris directement des actions de
médiations dans plusieurs crises internes et apporté son soutien
à des médiations initiées par les Communautés
économiques régionales(CER). Parmi les médiations
importantes qu'elle a initiées, on peut mentionner tout
particulièrement : la médiation de l'ancien Secrétaire
général de l'ONU, Kofi Annan, dans la crise postélectorale
de 2008 au Kenya167, celle du Panel de haut niveau dans la crise
postélectorale en Côte d'Ivoire en 2011168, la
médiation du Panel de haut niveau dans la crise libyenne de
2011169.
Si ces actions sont une source de légitime
fierté, elles ne cachent pas moins les graves défis qu'il reste
à relever dans le domaine de la paix et de la sécurité. De
fait, l'Afrique reste confrontée à la persistance de conflits, de
l'insécurité et de l'instabilité dans différentes
régions du continent, avec les conséquences humanitaires et
socio-économiques qui en découlent. De nouvelles crises comme
celles du Mali et de la République centrafricaine (RCA), ont
éclaté, cependant que d'autres, telles que le conflit du Sahara
occidental, le différend entre l'Ethiopie et l'Erythrée et celui
entre ce dernier pays et Djibouti, ont jusqu'ici tenu en échec toutes
les tentatives de recherche d'une solution. Par ailleurs, les progrès
accomplis en termes de règlement des conflits demeurent
particulièrement fragiles, susceptibles qu'ils sont d'être
à tout moment
167 Suite à la crise postélectorale qui avait
frappé le Kenya après la contestation des résultats du
scrutin présidentiel du 27 décembre 2007, l'ancien
Secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, avait, sous
mandat de l'Union africaine, conduit une médiation réussie entre
les protagonistes, le Président Mwai Kibaki et l'opposant Raila Odinga
à travers la signature d'un accord politique de partage de pouvoir entre
les deux protagonistes. Cet accord de paix a également permis le retour
à la paix et des réformes constitutionnelles au Kenya.
168 A la suite de la crise postélectorale
déclenchée par la proclamation des résultats du second
tour de l'élection présidentielle du 20 novembre 2010 en
Côte d'Ivoire, et face à l'incapacité de la CEDEAO d'y
trouver une issue pacifique, l'Union africaine a successivement
désigné le Président sud-africain Thabo M'Beki, le Premier
Ministre Kényan Raila Odinga et le Président de la Commission
Jean Ping, pour assurer la médiation entre les parties ivoiriennes.
Devant l'échec de ces médiations, elle a mis en place un Panel de
haut niveau composé de cinq Chefs d'Etat (le Président
mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz, le Président tchadien Idriss Deby
Itno, le Président tanzanien Jakaya Kikwete, le Président
sud-africain Jacob Zuma et le Président burkinabè Blaise
Compaoré), du Président de la Commission de l'Union, Jean Ping,
et du Président de la Commission de la CEDEAO James Victor Gbeho. Voir
Communiqué du CPS n° PSC/AHG/COMM(CCLIX) du 28 janvier 2011.
169 Face à la crise libyenne déclenchée
en février 2011, à la suite de la répression sanglante par
le régime de Mouammar El Kaddhafi des mouvements de contestation,
l'Union africaine a mis en place un panel de haut niveau composé de cinq
Chefs d'Etat (Mohamed Ould Abdel Aziz de la Mauritanie, Amani Toumani
Touré du Mali, Jacob Zuma d'Afrique du Sud, Yoweri Museveni d'Ouganda et
Denis Sassou N'Guesso du Congo) pour engager une médiation entre le
gouvernement libyen et les représentants du Conseil national de la
Transition. Ce Comité de haut niveau a proposé, à l'issue
de sa première rencontre tenue le 19 février 2011 à
Nouakchott, une feuille de route en cinq points incluant : un cessez-le-feu
immédiat ; la protection des civils ; l'aide humanitaire ; le
déploiement d'un mécanisme international de surveillance et un
dialogue politique inclusif pour répondre aux aspirations du peuple
libyen. Cependant, cette feuille de route, acceptée par le colonel
Kaddhafi, a été rejetée par le CNT. Voir Communiqué
du CPS n° PSC/PR/COMM.2(CCLXV) du 10 mars 2011.
Réalisé et présenté par Bansopa Linda
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La mise en oeuvre de la responsabilité de
protéger en Afrique : Etude de quelques cas récents (Mali,
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remis en cause, que ce soit au Mali, dans les Grands Lacs, en
Somalie, au Darfour, ou dans les relations entre le Soudan et le Soudan du Sud.
Ces situations requièrent une attention de tous les instants et un
engagement continu.
B- Les divers systèmes de prévention
sous-régionaux
L'Union africaine est composée de huit (08)
Communautés Economiques Régionales170 (CER ,
considérées comme des acteurs clés travaillant avec
l'Union pour garantir la paix et la stabilité dans leurs régions
respectives. Les CER dans le but de rendre efficace la prévention des
conflits dans leurs régions se sont dotées de mécanismes
de prévention bien organisés en théorie, mais d'une
efficacité parfois douteuse en pratique. Dans le souci d'être
succinct, nous n'étudierons que les mécanismes de
prévention de certaines de ces organisations sous-régionales ;
notamment la CEDEAO, la CEEAC et l'UMA.
La décennie 1990 a été
particulièrement décisive pour l'évolution de la CEDEAO
vers une organisation capable d'interventions diplomatiques mais aussi
militaires en cas de menaces graves à la sécurité d'un
Etat membre et de l'espace communautaire dans son ensemble. La CEDEAO à
travers l'ECOMOG171 a ainsi joué un rôle clé
dans la résolution laborieuse des guerres civiles longues et
dévastatrices au Libéria (1990-1997 et 2003-2007) et en Sierra
Leone (1991-2002). Cependant, c'est en janvier 2008 que la CEDEAO adoptera un
Cadre de prévention des conflits. Ce cadre est composé entre
autres, de deux mécanismes essentiels. Il s'agit : de l'alerte
précoce (organisée par le Département d'alerte
précoce, le Réseau d'intervention ECOWARN172, les
Bureaux zonaux d'alerte précoce) et de la diplomatie préventive
(avec pour acteurs principaux : les Bureaux du Représentant et des
envoyés spéciaux du Président de la CEDEAO, le Conseil des
Sages, le Conseil de médiation et de sécurité, le
Président de la Commission). La CEDEAO a initié de nombreux
processus
170 Le Marché Commun pour l'Afrique de l'Est et
l'Afrique Australe (COMESA), la Communauté de l'Afrique de l'EST (CAE),
la Communauté de Développement de l'Afrique Australe (SADC),
l'Autorité Intergouvernementale pour le Développement (IGAD), la
Communauté Économique des États de l'Afrique de l'Ouest
(CEDEAO), la Communauté Économique des États de l'Afrique
Centrale (CEEAC), l'Union du Maghreb Arabe (UMA) et la Communauté des
États Sahélo sahariens (CEN-SAD).
171 ECOWAS Monitoring Group,
172ECOWAS Early Warning and Response Network,
(Mécanisme d'alerte précoce et de réponse urgente aux
conflits : CEWARN).
Réalisé et présenté par Bansopa Linda
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protéger en Afrique : Etude de quelques cas récents (Mali,
Centrafrique, Libye)
de médiation dans la sous-région ouest
africaineavec des succès variables, notamment en Côted'Ivoire, au
Togo, en Guinée, en Guinée-Bissau et au Mali173.
Pour ce qui est de la CEEAC, elle dispose également
d'un mécanisme de prévention des conflits en Afrique centrale ;
il s'agit du COPAX174 (Conseil de paix et de sécurité
de l'Afrique centrale) dont le protocole fut adopté le 24 février
2000 et est entré en vigueur en janvier 2004. Visant entre autres
à développer et intensifier la coopération
sous-régionale en matière de sécurité et de
défense, le COPAX dispose de quatre (04) instruments
opérationnels : la Commission de défense et de
sécurité, le Mécanisme d'alerte rapide de l'Afrique
centrale (MARAC)175, la Force multinationale de l'Afrique centrale
(FOMAC)176, et la Direction des affaires politiques et diplomatiques
(DAPD). Sur la base de ces divers instruments, la CEEAC s'est investie dans la
résolution de la crise en Centrafrique (Etat membre) en organisant
notamment en janvier 2013 des pourparlers de paix avec le Président
congolais Denis Sassou-Nguesso, comme médiateur. Ces pourparlers
aboutiront à la signature des Accords de Libreville177 le 11
janvier 2013. Par ailleurs, à la suite de deux sommets
extraordinaires178 des chefs d'État et de gouvernement de la
CEEAC tenus à N'Djamena, les 3 et 18 avril 2013, Un Comité de
suivi présidé par le médiateur et composé
d'États membres de la CEEAC et de partenaires internationaux est
créé
173 A l'initiative des parties en conflit ou à la
demande de la CEDEAO, le Président burkinabè, Blaise
Compaoré, a conduit plusieurs médiations en Afrique de l'Ouest,
permettant un retour à la paix ou un apaisement des conflits, notamment
au Togo, en Côte d'Ivoire, en Guinée et au Mali.
174 Organe opérationnel de la CEEAC, créé
le 25 février 2000 à Yaoundé, constitue le principal
instrument de la prévention et du règlement des conflits dans la
sous-région.
175 Il s'agit d'un système de collecte, à
l'échelle de chaque pays membre, de l'information tactique et
stratégique sur les risques, les causes et les dynamiques conflictuelles
dans la CEEAC. L'information, traitée par le Centre d'observation et de
surveillance, alimente en principe une banque de données sur la
sous-région et permet de structurer et de mettre en action les
capacités intégrées (négociation, résolution
des problèmes, médiation, facilitation et assistance
technique).
176 C'est le bras armé du COPAX. Elle est une force,
non permanente, constituée de contingents nationaux interarmées,
de polices et de modules civils, en vue d'accomplir, à titre
préventif ou opérationnel, des missions de paix, de
sécurité et d'assistance humanitaire. Elle est mobilisée
à l'issue de la saisine, soit par un État membre, soit par l'ONU
ou l'UA. Son déploiement est géré par les instances
politiques de la COPAX (conférence des chefs d'État et de
gouvernement qui prend toutes les décisions engageant le COPAX, le
conseil des ministres chargé du suivi et de l'exécution des
décisions de la conférence et composé des ministres des
Affaires étrangères ou des Relations extérieures, de la
Défense ou des Forces armées, de l'Intérieur ou de la
Sécurité, ou de tout autre ministre commis par son
État).
177 Ces Accords recouvrent trois (03) documents : une
déclaration de principe sur la résolution de la crise politique
et sécuritaire du pays, un Accord de cessez-le-feu et un Accord
politique.
178 Sommets au cours desquels les chefs d'État de la
Communauté définissent notamment des nouvelles mesures pour la
transition en RCA, et recommandent la création d'un Conseil national de
transition, qui ferait office de parlement du pays.
Réalisé et présenté par Bansopa Linda
DARATE Page 63
La mise en oeuvre de la responsabilité de
protéger en Afrique : Etude de quelques cas récents (Mali,
Centrafrique, Libye)
pour garantir l'application des accords, ainsi qu'un Groupe de
contact international chargé de mobiliser l'appui de la
communauté internationale.
Au Maghreb, l'Union du Maghreb Arabe (UMA) créé
le 17 février 1989 par le traité de Marrakech et
réunissant cinq Etats (Tunisie, Algérie, Libye, Mauritanie,
Maroc) fait de la contribution à la préservation de la paix, l'un
de ses objectifs. Mais depuis 1994, cette organisation semble être en
sommeil. L'absence d'une réelle implication de sa part dans la crise
libyenne, par le biais évidemment d'initiative commune et
concrète n'a pas étonné.
Médiation, bons offices, alerte rapide constituent
aujourd'hui des outils précieux dans la prévention des conflits
en Afrique. Cependant, il y a, dans le domaine de la prévention, autant
de succès que d'échecs, en raison de nombreux aléas et
risques qui pèsent souvent sur ces différents
mécanismes.
Section 2 : Les faiblesses des mécanismes de
prévention
Les moyens de prévention présentent dans la
pratique certaines limites. On distingue entre autres l'inefficacité du
système d'alerte rapide (Paragraphe 1) et l'absence de
volonté politique (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : L'inefficacité du système
d'alerte rapide
L'analyse lacunaire (A) qui est parfois faite des informations
collectées et les nombreuses sources d'information (B) existantes
constituent souvent les principales faiblesses de ce système.
A- L'analyse lacunaire des informations
Plusieurs possibilités s'offrent à qui tente de
décrire voire de définir la notion d'Alerte Précoce. Ainsi
Lund179 relie-t-il l'Alerte Précoce au concept de diplomatie
préventive qui intègre les efforts pour prévenir ou
contenir les conflits, l'idée principale étant qu'il vaut mieux
intervenir avant que le conflit n'atteigne un niveau de violence difficilement
gérable. Le critère principal dans cette approche
préventive est ainsi l'intensité du conflit et la
préconisation d'une action dans une phase de conflit de
179 Lund, Preventive Diplomacy and American Foreign
Policy: A Guide For the Post-Cold War Era. Bibliothèque du
Congrès, 1994.
Réalisé et présenté par Bansopa Linda
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La mise en oeuvre de la responsabilité de
protéger en Afrique : Etude de quelques cas récents (Mali,
Centrafrique, Libye)
faible intensité, à distinguer des mesures
à prendre dans un contexte de haut niveau de violence180.
D'autres proposent une approche sensiblement différente
et assimilent l'alerte précoce à la notion générale
de prévention des conflits, laquelle se réfère à
des situations dans lesquels l'incompatibilité des buts poursuivis par
des adversaires est contrôlée afin d'éviter le
déclenchement des hostilités. Selon cette approche,
représentée par Rupesinghe181, le but de l'alerte
précoce est la prévention de toute forme de conflit violent.
Telle est la perspective qui a notre préférence et l'on
présentera à la suite la définition donnée par
F.E.W.E.R182 (Forum on Early Warning and Early Response) qui,
aujourd'hui, fait consensus : l'alerte précoce est « la collecte
systématique et l'analyse de l'information sur des régions en
crise et dont la vocation est :
a) d'anticiper le processus d'escalade dans l'intensité
du conflit ;
b) de développer des réponses stratégiques
à ces crises ;
c) de présenter des options d'action aux acteurs
concernés afin de faciliter la prise de décision ».
A ce jour, l'alerte rapide déclenchée en cas de
menace de conflit meurtrier relève essentiellement d'une démarche
ad hoc et non structurée183. Pour remédier
à ce problème, la Commission, emboitant le pas au Groupe
d'étude sur les opérations de paix de l'ONU, propose la mise en
place d'un système d'alerte rapide qui sera centralisé au
siège de l'Organisation, sous le contrôle du secrétariat
général. Il sera donc créé un service,
composé d'un petit nombre d'experts formés à la
prévention des conflits, relevant du secrétariat
général, qui va centraliser et traiter les données venant
de
180 Une telle description tend à montrer que les
notions de diplomatie préventive et d'Alerte Précoce ne visent
pas à la prévention de la violence en tant que telle, mais
à empêcher le déclenchement d'hostilités sans
retour. Le problème est alors de bien distinguer l'Alerte Précoce
de la notion de « Conflict Management », de gestion des
conflits.
181Kumar Rupesinghe, né en 1943 est un
militant des droits de l'homme, de la prévention et de la
résolution des conflits. Secrétaire général de
l'ONG International Alert (AI) de 1992 à 1998. Ecrivain originaire du
Sri-lanka, il est à l'origine de plus de 40 livres et 200 articles dont
Ø?Early Warning, Early Response''.
182 Créé en 1997, FEWER est une organisation
à but non lucratif mise en place pour répondre au génocide
rwandais de 1994.
183 Cette carence a conduit à la création des
ONG tel que « International Crisis Group » qui surveillent des
régions du monde où des conflits semblent en gestation et
informent sur ce qui s'y passe. Elles s'emploient très activement
à alerter les gouvernements et les médias si elles estiment
qu'une action préventive s'impose d'urgence. Leur action est
complétée par les moyens de surveillance et
d'établissement de rapports dont disposent des organisations
internationales et nationales de défense des droits de l'homme telles
qu'Amnesty International, Human Rights Watch et la Fédération
internationale des ligues des droits de l'homme.
Réalisé et présenté par Bansopa Linda
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La mise en oeuvre de la responsabilité de
protéger en Afrique : Etude de quelques cas récents (Mali,
Centrafrique, Libye)
plusieurs sources, et prévenir ainsi des conflits
violents susceptibles de provoquer des violations massives des droits de
l'homme, voire des génocides184.
La mise en place de ce service requiert une participation
active des intervenants régionaux, qui ont une connaissance approfondie
de la situation locale. Les conflits en gestation partagent certes un certain
nombre de caractéristiques communes, mais chacun d'entre eux
possède aussi, sous une forme ou une autre, des traits qui lui sont
propres. Les intervenants régionaux sont souvent mieux placés
pour comprendre la dynamique locale, encore que cela n'aille pas sans
inconvénients, d'autant plus qu'ils ne sont souvent pas
indifférents à l'issue d'un conflit meurtrier. La Commission
recommande de mettre davantage de ressources au service des initiatives
régionales et sous-régionales de prévention des conflits,
ainsi que pour favoriser la réaction de capacités propres
à améliorer l'efficacité des organisations
régionales et sous-régionales dans les domaines du maintien de la
paix, de l'imposition de la paix et de l'intervention185.
B- La grande divergence des sources d'information
Bien que l'alerte précoce s'est
développée et améliorée, le contexte dans lequel
elle s'inscrit a évolué au cours de la dernière
décennie. Il y a quelques années encore, l'information sur les
situations en gestion dans différentes régions du monde
était rare et la difficulté consistait à en obtenir
davantage. Aujourd'hui, les choses se sont en quelque sorte inversées,
en ce sens que l'information disponible est volumineuse et doit être
triée, évaluée et intégrée. Mais la
prévision des crises demeure une affaire hasardeuse et la
communauté internationale est encore, de temps à autre, prise de
court, comme ce fut le cas pour les violences ethniquement ciblées qui
ont ravagé le sud du Kirghizistan en juin 2010 ou le
déclenchement inattendu de la vague de troubles populaires qui a
secoué le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord en 2011.
Il paraît donc important de savoir comment une situation
donnée peut être qualifiée comme étant un cas
réel pour l'application de la R2P.
Le premier pas est évidemment de recueillir des
informations fiables et exactes. Plusieurs acteurs contribuent dans cette phase
à la collecte des informations. D'une part, il existe des sources
indépendantes comme les organismes de la société civile
de
184 Rapport CIISE, La responsabilité de
protéger, p. 24, par. 3 § 13. 185Rapport CIISE,
La responsabilité de protéger, p. 25.
Réalisé et présenté par Bansopa Linda
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La mise en oeuvre de la responsabilité de
protéger en Afrique : Etude de quelques cas récents (Mali,
Centrafrique, Libye)
l'Etat concerné (ou en dehors), les ONG nationales et
internationales et d'autre part, des sources officielles et
intergouvernementales des États et des organisations régionales
et internationales. Au sein de l'ONU, plusieurs organes ou personnes sont
chargés de cette question : le Haut Commissariat aux Droits de l'Homme
(HCDH), le Haut Commissariat pour les Réfugiés (HCR), les deux
conseillers spéciaux du Secrétaire général pour la
prévention du génocide et pour la responsabilité de
protéger et, le cas échéant, le représentant ou
l'envoyé spécial du Secrétaire général pour
une situation spécifique186.
Les informations obtenues sont analysées et permettent
d'évaluer et de qualifier la situation sur le terrain. Ces
dernières années, l'ONU a essayé d'instaurer un
mécanisme d'alerte rapide pour coordonner ces évaluations et
avertir les autorités compétentes en cas de situations
dangereuses187. De toute façon, ces qualifications constatant
les éléments constitutifs des crimes188 constituent
une base suffisante pour déclencher la R2P. Donc la qualification
explicite d'une situation comme pouvant constituer un tel crime n'est
pas nécessaire malgré son importance dans certains
cas189.
La question qui se pose en la matière est de savoir
quel document invoquer pour justifier l'engagement de la Communauté
internationale lorsqu'il existe divers rapports et évaluations parfois
contradictoires, venant d'organes et de personnes différentes au sein ou
en dehors de l'ONU190 ? Il n'y a pas de réponse
définitive. Le défi tient au fait qu'il n'existe pas en droit
international d'autorité exclusivement compétente pour faire une
évaluation. Pourtant, afin d'éviter tout abus de droit, on peut
penser que seules les évaluations officielles de certains organes
compétents de l'ONU comme le Secrétaire général et
ses deux conseillers spéciaux, le Conseil de sécurité ou
le Conseil des droits
186 Pour connaître d'autres organes importants en la
matière au sein de l'ONU V. Rap. du SG : Alerte rapide,
évaluation et la responsabilité de protéger, Doc.
A/64/864, 14 juillet 2010.
187 Cet effort est renforcé surtout par le paragraphe
138 du document de 2005 qui exige la mise en place d'un dispositif d'alerte
rapide. Le Secrétaire général propose que si ses deux
conseillers spéciaux en la matière, après avoir
évalué la situation en tenant compte de toutes les informations
fournies au sein de l'Organisation, estiment qu'il y ait un risque de
commission des crimes, ils en avertissent, par son intermédiaire, le
Conseil de sécurité et d'autres organes compétents. V. son
Rap. (Rapport du millénaire du Secrétaire général
(SG) : Nous les peuples : le rôle des Nations unies au XXIe
siècle, Doc. A/54/2000, 27 mars 2000, p.36), p.8, par.18.
188 Comme par exemple, la torture systématique, prendre
délibérément des civils comme cibles, etc.
189 Surtout pour prendre des mesures coercitives. La
qualification trop tôt d'une situation comme un crime peut compromettre
les efforts diplomatiques déployés afin de résoudre la
crise. Au contraire, faire une telle qualification en temps voulu aide à
mobiliser la volonté politique requise pour l'action rapide.
190 Le risque est que des situations ne relevant pas de la R2P
soient qualifiées comme telles et conduisent donc à une
utilisation abusive de cette notion, ou au contraire, qu'on s'abstienne d'agir
là où il en est le cas.
Réalisé et présenté par Bansopa Linda
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La mise en oeuvre de la responsabilité de
protéger en Afrique : Etude de quelques cas récents (Mali,
Centrafrique, Libye)
de l'homme doivent être prises en compte pour
déclencher une telle responsabilité. Ce qui néanmoins
reste critiquable.
Le rapport Brahimi191 recommande à ce sujet,
la création d'une unité de gestion de l'information etd'analyse
stratégique chargée de satisfaire les besoins du
Secrétaire général et desmembres du Conseil
exécutif pour la paix et la sécurité en matière
d'information etd'analyse. En l'absence d'une unité de ce genre, le
Secrétariat restera une institutionà la remorque des
événements, incapable de les anticiper, et le Comité
exécutif nesera pas en état de remplir le rôle pour lequel
il a été créé. En outre, le rapport propose que
soit mis sur pied un Secrétariat à l'information età
l'analyse stratégique (SIAS) du Comité exécutif pour la
paix et la sécurité (CEPS) chargé de créer et de
gérer des bases de données intégrées sur les
questions relativesà la paix et à la sécurité,
d'assurer une diffusion rationnelle de ces données au seindu
système des Nations Unies, de produire des analyses axées sur les
politiques, deformuler des stratégies à long terme à
l'intention du CEPS et de porter les menacesde crises à son attention.
Le SIAS pourrait aussi proposer et gérer l'ordre du jour duCEPS,
contribuant ainsi à en faire l'organe décisionnel que
prévoyaient les réformesinitiales du Secrétaire
général192. Une bonne volonté politique est
nécessaire pour la réalisation de telles reformes.
Paragraphe 2 : L'absence de volonté politique
Le passage de l'alerte rapide à la réaction
rapide ne peut se faire sans une réelle volonté politique des
divers acteurs capables d'intervenir dans la crise. Cependant, cette
volonté étant encore à bâtir, la réaction
rapide (A) et l'impartialité (B) que requièrent les situations de
crises font gravement défaut et constituent par là même les
faiblesses du système d'alerte rapide.
A- Le manque de réaction rapide
Il faut le reconnaître : les alertes précoces
sont abondantes, non seulement dans les services de renseignement mais aussi
dans la presse, chez les chercheurs, ou encore parmi les hommes d'affaires. Ce
qui manque, ce n'est pas l'alerte mais l'attention, la décision,
l'action. C'est ici que les gouvernements ont tendance à passer à
côté :
191 Rapport du Groupe d'étude sur les opérations
de paix de l'ONU (Rapport Brahimi), Doc. A/55/305-S/2000/809, 21 aout 2000.
192Ibid, Création d'une unité
de gestion de l'information et d'analyse stratégique au Siège
(par. 65 à 75)
Réalisé et présenté par Bansopa Linda
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La mise en oeuvre de la responsabilité de
protéger en Afrique : Etude de quelques cas récents (Mali,
Centrafrique, Libye)
l'observation est plus facile, l'attente est plus sûre,
l'inaction est plus prudente, et soudain, le moment propice à l'action
précoce est passé et l'on se trouve en plein milieu d'une crise.
L'alerte précoce n'est utile que si elle débouche sur l'action
précoce. D'après le rapport Brahimi, les six à 12 semaines
qui suivent un cessez-le-feu ou la conclusion d'un accord de paix sont souvent
la période la plus critique pour l'instauration d'une paix stable et la
crédibilité d'une nouvelle opération. Les occasions
perdues durant cette période se représentent rarement. Le Groupe
d'étude recommande que l'Organisation des Nations Unies revoie la
définition de la « capacité de déploiement rapide et
efficace » de façon à entendre par là l'aptitude
à déployer pleinement des opérations de maintien de la
paix de type classique dans un délai de 30 jours à compter de
l'adoption de la résolution du Conseil de sécurité
créant une telle opération, ou dans un délai de 90 jours
dans le cas d'une opération complexe193.
Par ailleurs, le rapport Brahimi recommande d'élargir
le Système de forces et moyens en attente pour y inclure plusieurs
forces multinationales homogènes de la taille d'une brigade,
dotées des éléments précurseurs nécessaires,
qui seraient établies par des États membres en concertation, de
façon à pouvoir disposer de forces solides pour le maintien de la
paix, comme il l'a préconisé. Il recommande également que
le Secrétariat envoie une équipe sur place pour
déterminer, préalablement au déploiement, si les
États susceptibles de fournir des contingents sont prêts à
répondre aux exigences des opérations de maintien de la paix en
matière de formation et d'équipement. Les unités qui ne
remplissent pas les conditions requises ne doivent pas être
déployées.
Pour faciliter un déploiement rapide et efficace, le
Groupe d'étude recommande l'établissement, dans le cadre du
Système de forces et moyens en attente, d'une liste
régulièrement actualisée de personnels sous astreinte une
centaine d'officiers expérimentés et parfaitement
qualifiés, qui serait soigneusement examinée et approuvée
par le Département des opérations de maintien de la paix. Des
équipes constituées à partir de cette liste, pouvant
être mises à disposition dans les sept jours, seraient
chargées de traduire dans des plans d'opérations concrets et
tactiques, avant le déploiement des contingents, les concepts
stratégiques définis dans leurs grandes
193 Rapport du Groupe d'étude sur les opérations
de paix de l'ONU (Rapport Brahimi), op. cit., Normes de
déploiement rapide et personnel spécialisé sous astreinte
(par. 86 à 91 et 102 à 169).
Réalisé et présenté par Bansopa Linda
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La mise en oeuvre de la responsabilité de
protéger en Afrique : Etude de quelques cas récents (Mali,
Centrafrique, Libye)
lignes au Siège pour les missions et viendraient
renforcer un élément de base du Département des
opérations de maintien de la paix pour faire partie d'une équipe
de démarrage.
Le Groupe d'étude demande également aux
États Membres de constituer des réserves nationales
renforcées de personnel de police civile et d'experts apparentés
désignés à l'avance en vue de leur déploiement pour
des opérations de paix des Nations Unies, pour aider à satisfaire
les besoins importants en services de personnel de police civile et en
spécialistes dans des domaines apparentés (justice pénale
/respect de la loi) dans le cas des opérations en rapport avec un
conflit interne. Le Groupe d'étude exhorte en outre les États
Membres à envisager de mettre en place des programmes et partenariats
régionaux conjoints pour former les membres de leurs réserves
nationales respectives à la doctrine et aux normes des Nations Unies
applicables à la police civile194.
Le Groupe recommande enfin que le Secrétaire
général soit autorisé, avec l'approbation du Comité
consultatif pour les questions administratives et budgétaires (CCQAB),
à engager des dépenses à concurrence de 50 millions de
dollars bien avant l'adoption par le Conseil de sécurité d'une
résolution établissant une opération nouvelle lorsqu'il
est évident que l'opération sera vraisemblablement
créée.
B- L'absence d'impartialité
La mise en oeuvre de la Responsabilité de
protéger doit faire face à des défis considérables,
au premier titre desquels la présence de l'indispensable volonté
politique et d'un consensus international. Face aux risques
d'instrumentalisation du principe à des fins de politique
étrangère, c'est ce dernier qui constitue le gage de
légitimité de son application.
En effet, les mesures au titre de la R2P ou de la protection
des populations sont décidées et mises en oeuvre par les
États : si le consensus au Conseil de sécurité et les
courants des opinions publics sont un test pour les « motifs de protection
», qui doivent en principe constituer l'objectif premier de
l'intervention, les États n'en demeurent pas moins guidés par
leurs objectifs propres, politiques par excellence. Ce dilemme
194 Rapport du Groupe d'étude sur les opérations
de paix de l'ONU (Rapport Brahimi), Doc. A/55/305-S/2000/809, op. cit.,
paragraphe 122, p. 24.
Réalisé et présenté par Bansopa Linda
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La mise en oeuvre de la responsabilité de
protéger en Afrique : Etude de quelques cas récents (Mali,
Centrafrique, Libye)
concerne les opérations de paix onusiennes ou
menées par des organisations régionales, mais il est d'autant
plus prégnant lorsqu'une opération militaire coercitive est en
cause. Ainsi, l'opération coordonnée par l'OTAN en Lybie au
printemps 2011 semble poursuivre non pas un, mais deux agendas : la protection
des civils et la chute du régime. Si le premier relève de la
responsabilité de protéger pour laquelle un mandat de l'ONU a
été voté, le second relève d'un choix politique de
la coalition. Or, ce dernier demeure inavouable dans le cadre de la R2P, parce
qu'il remet directement en cause la souveraineté étatique. Le
même dilemme avait marqué la campagne de bombardements de l'OTAN
au Kosovo en 1999 alors menée sans mandat du Conseil de
sécurité : comme l'expliquait Rony Brauman195. Ces
logiques concurrentes expliquent en partie pourquoi de nombreuses situations
dramatiques pour les civils ne donnent lieu à aucune mesure collective
de la part de la Communauté internationale. Non seulement les rapports
de force au Conseil de sécurité conditionnent la reconnaissance
de l'existence de massacres, d'un génocide ou de crimes contre
l'humanité, nonobstant leur réalité objective, mais la
situation géopolitique ou géostratégique pèse
également lourd sur toute intervention. Ainsi le Conseil de
sécurité a-t-il invoqué la R2P dans plusieurs
résolutions sur le Darfour en 2006, mais pas lors de l'écrasement
des manifestations pacifiques en Birmanie l'année suivante ; de
même une opération militaire de protection a-t-elle
été lancée dès les débuts de la guerre
civile en Libye en mars 2011, tandis que l'idée même d'une
intervention en Syrie, à la même période et dans le
même contexte des révolutions arabes, demeure hors de question.
Par ailleurs, la volonté politique, comme le rappelle
Hugo Slim196, est souvent présentée comme la
clé ultime du succès de la lutte contre les génocides et
autres atrocités massives : une action militaire est bien souvent
susceptible d'engendrer une situation pire, pour les civils, que celle qu'elle
est censée éviter. Ainsi des tergiversations sur le Darfour,
où les options furent limitées par les risques de voir
195 Le discours « humanitariste » qui semblait
guider la guerre contre la Serbie de Milosevic « effaçait les
considérations politiques qui en étaient à l'origine. Que
les Nations européennes décident, dans le cadre d'une alliance
militaire, de mettre un terme à la politique criminelle d'un pays
européen, la Serbie, voilà qui [relevait] pourtant d'un programme
politique décent » Rony Brauman, Humanitaire : le
dilemme, Paris, Textuel, 2007 (nouvelle éd.).
196 Directeur de recherché à l'Institute of
Ethics, Law and Armed Conflict de l'Université d'Oxford. Il a
conseillé plusieurs sociétés en matière de droit de
l'homme et de résolution des conflits dont BP. Auteur de l'ouvrage
intitulé Les civils dans la guerre.
Réalisé et présenté par Bansopa Linda
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La mise en oeuvre de la responsabilité de
protéger en Afrique : Etude de quelques cas récents (Mali,
Centrafrique, Libye)
annuler le processus de paix parallèle Nord-Sud, ou de
provoquer un embrasement régional. En outre, les prévisions
raisonnables de réussite d'une intervention sont trop souvent
dominées par des considérations autocentrées de la part de
leurs promoteurs : à cet égard, l'intervention militaire en
Libye, en dépit de sa légitimité, n'est pas sans faire
craindre le glissement d'un scénario « Kosovo » vers un
scénario à l'irakienne. Dans ces deux cas, nonobstant la
supériorité militaire, c'est le consentement des populations qui
fit la différence.
Les quatre cas auxquels la Communauté internationale a
voulu limiter la portée de la responsabilité de protéger
sont censés en constituer les garde-fous. Or leur qualification, leur
reconnaissance qui doit donner lieu à l'action collective est
conditionnée par des facteurs éminemment politiques. Le recours
à la R2P en Libye, qui en renforce certes la logique dissuasive, ne doit
pas faire oublier les nombreuses situations où aucun consensus ne vient
secourir les civils. Que ce soit en mode diplomatique ou coercitif, pacifique
ou militaire, la responsabilité subsidiaire de la Communauté
internationale reste largement tributaire des intérêts des
États membres.
Réalisé et présenté par Bansopa Linda
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La mise en oeuvre de la responsabilité de
protéger en Afrique : Etude de quelques cas récents (Mali,
Centrafrique, Libye)
CHAPITRE II : DES INTERVENTIONS
CONTROVERSÉES
La responsabilité de protéger est une
institution neutre, et un instrument efficace pour résoudre les
problèmes de l'heure. Mais sous cette apparence généreuse
et désintéressée, le principe est cependant lourd de
dangers. L'histoire européenne et occidentale témoigne de
conquêtes, des croisades, des génocides, des guerres coloniales,
d'exploitation économique et sociale au nom de Dieu, de la civilisation,
du développement. Il y a lieu alors de se demander avec Jean-Marie
Crouzatier sans être exagérément pessimiste, comment ne pas
soupçonner que l'assistance au nom de l'humanitaire repose sur des
motifs politiques ou opportunistes ?
Les interventions à des fins de protection humaine ont
parfois caché des motifs moins avouables dans l'histoire de
l'humanité, encore que la frontière entre l'humanitaire et le
politique est assez souvent floue197. Ce point de vue pourrait
être justifié au regard des réactions lentes et
relativement efficaces (Section 1) face aux crises en Afrique.
De plus, la reprise des conflits que les interventions étaient
censées régler met le doute sur l'effectivité de la mise
en oeuvre de l'obligation de reconstruire (Section 2).
Section 1 : Des réactions lentes et peu
efficaces
La responsabilité de réagir de la
Communauté internationale n'est engagée que lorsque l'État
n'est « manifestement » pas capable d'assumer la
responsabilité de protéger ou qu'il commet lui-même l'un
des quatre crimes mentionnés. De ce point de vue, la
responsabilité de la Communauté internationale n'est que
complémentaire par rapport à celle de l'État. Cela pose un
problème quant au moment de la réaction internationale, à
savoir, quel est le point à partir duquel il devient « manifeste
» que l'État ne va pas assumer la responsabilité de
protéger ? Une difficulté supplémentaire peut
apparaître lorsque la communauté internationale décide de
réagir en l'absence d'une demande précise de l'État
concerné, car celui-ci peut soutenir que la responsabilité
internationale a été engagée trop tôt. D'un autre
côté, attendre que l'incapacité de l'État de
réagir lui-même devienne « manifeste » peut retarder
beaucoup la réaction internationale et causer des pertes
supplémentaires en vies humaines qui auraient pu être
évitées. Ces difficultés sont apparues en pratique lors
de
197BIAD Abdelwahab, Droit international
humanitaire, Paris, Ellipses, p. 93.
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Centrafrique, Libye)
la crise au Darfour198. En Afrique la mise en
oeuvre de la R2P s'est faite à travers d'une part l'instauration de
mesures coercitives dont l'efficacité reste relative (Paragraphe
1). D'autre part, l'on assiste à des interventions militaires
problématiques (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : La relative efficacité des mesures
coercitives autres que la force militaire
L'échec des mesures préventives n'entraine pas
automatiquement une intervention militaire, il est important et
nécessaire de réagir par des mesures coercitives constitutives
des sanctions d'ordre politique, économique et militaire (A), ces
mesures ne sont toutefois pas toujours efficaces (B).
A- Les diverses sanctions appliquées
La sanction internationale, mise en place dans le cadre de
l'ONU, ne doit pas être confondue avec la définition pénale
de la sanction qui existe en droit interne. En effet, les sanctions onusiennes
ont essentiellement pour but de manifester publiquement la réprobation
de la Communauté Internationale face au comportement gravement
illégal d'un Etat. En pratique, les sanctions visent à exercer
une pression politique et /ou une contrainte matérielle sur un acteur.
Depuis les premières mesures à l'encontre de la Rhodésie
du Sud en 1966 puis à l'encontre de l'Afrique du Sud en 1970, le Conseil
de sécurité a eu recours à l'outil des sanctions de
manière croissante et dans des situations de plus en plus variées
: intervention dans un conflit armé, déblocage d'un processus
politique, lutte contre la prolifération d'armes de destruction massives
ou lutte contre le terrorisme.
Ainsi, les mesures prises par le Conseil de
sécurité n'ont pas d'autres ambitions que celle de faire cesser
l'acte illicite. La sanction vise simplement à rétablir
l'efficacité de la règle de droit bafouée mais il n'y a
pas, comme en droit interne, l'idée de réparation ou de
pénitence.
Pour donner effet aux décisions du Conseil de
sécurité, la Charte met à sa disposition deux types de
sanctions. Grâce aux mesures exclusives de l'emploi de la force
prévues à l'article 41, le Conseil peut décider la
rupture, partielle ou totale, des
198Bellamy Alex J., « Responsibility to
Protect or Trojan Horse? The Crisis in Darfur and Humanitarian Intervention
After Iraq », Ethics and International Affairs, vol. 19, 2005,
pp. 3154.
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relations économiques et diplomatiques ainsi que toutes
les communications avec l'Etat visé. L'objectif est d'isoler,
économiquement et politiquement l'Etat cible° pour l'amener à
cesser son comportement fautif. Dans le cas où ces mesures se
révéleraient inadéquates, l'article 42 de la Charte offre
alors la possibilité au Conseil de sécurité de recourir
à l'emploi de la force. Le Conseil a, dans la quasi-totalité des
cas, procédé par gradation dans son utilisation des sanctions. Le
recours aux sanctions militaires représente le stade ultime de la
contrainte et leur efficacité, bien qu'entachée par la lourdeur
de la procédure de décision, n'est pas remise en cause.
Le mécanisme de sanctions exclusives de l'emploi de la
force n'a été utilisé qu'à deux
reprises199, dans la période 1946-1990, en raison d'une
utilisation systématique du droit de veto par les deux grandes
puissances, Etats Unis et URSS.
La fin de la guerre froide a amorcé en 1990 un
renouveau dans l'activité de l'ONU et les régimes de sanctions se
sont multipliés. Cette recrudescence de l'utilisation des mesures
coercitives de l'article 41, a débuté avec le régime de
sanctions prévu par la Résolution 661 du 6 août 1990 avec
pour objectif la libération du Koweït. Ce régime de
sanctions subsiste encore aujourd'hui, malgré le retrait des forces
irakiennes du Koweït en 1991 et malgré la chute du dictateur Saddam
Hussein en 2003, mais avec la suspension de nombreuses mesures, notamment
celles relatives à l'embargo généralisé. En
parallèle de cette intervention en Irak, le Conseil de
sécurité a décidé la mise en place d'environ une
quinzaine de régimes de sanctions, dont la plupart en Afrique.
Il s'agit des sanctions qui limitent la capacité de
l'Etat visé dans ses interactions avec le monde extérieur sans
l'empêcher physiquement d'agir à l'intérieur de ses
frontières, et elles ont pour but de persuader les autorités de
l'Etat en question d'agir ou de s'abstenir d'agir de telle ou telle autre
manière.
199 La première intervention fait suite à la
déclaration d'indépendance de gouvernement rhodésien en
1965. Le Conseil de sécurité a rapidement pris une
résolution interdisant toutes relations commerciales et
financières avec cette colonie anglaise. Le régime de sanction a
cependant perduré jusqu'en 1979 malgré la création de
l'Etat du Zimbabwe. La deuxième intervention du Conseil de
sécurité au titre de l'article 41 a, elle aussi, duré plus
de dix ans. La résolution 418 (1977) a imposé un embargo sur les
armes à destination de l'Afrique du Sud pour manifester la
désapprobation de la Communauté Internationale vis à vis
de la politique d'apartheid de cet Etat. La doctrine s'accorde pour
reconnaître la contribution des sanctions à l'abolition du
régime d'apartheid, bien que d'autres facteurs soient entrés en
ligne de compte. Le Conseil a mis fin au régime de sanctions à
l'encontre de l'Afrique du Sud en 1994.
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Centrafrique, Libye)
A partir des sanctions énumérées à
l'article 41 de la Charte, le Conseil de sécurité a
développé, dans la pratique, toute une palette de mesures qui lui
permettent d'adapter son intervention en fonction de l'objectif qu'il cherche
à atteindre. Dans la pratique, il ne se limite pas à un seul type
de sanctions, ils les emploient souvent cumulativement afin de renforcer leur
impact sur l'Etat cible.
Sur le plan militaire200 :
Les embargos sur la vente de matériel militaire et de
pièces de rechange201 ; L'interruption de la
coopération militaire et des programmes d'entrainement.
Sur le plan économique202 :
Les sanctions financières visant les avoirs
étrangers d'un pays, d'un mouvement
rebelle ou d'une organisation terroriste, ou d'un dirigeant bien
déterminé ;
Les restrictions frappant les activités lucratives
touchant par exemple le pétrole, le diamant, le bois, les drogues,
étant entendu que ces produits sont souvent la principale motivation des
conflits ;
L'interdiction des liaisons aériennes à
destination ou à provenance d'un lieu donné.
Sur le plan politico-diplomatique :
Les restrictions touchant la représentation diplomatique
notamment l'expulsion du personnel diplomatique ;
Les restrictions sur les déplacements des dirigeants
politiques des mouvements rebelles dans le monde ;
200 Lorsqu'il décide la mise en place d'un embargo sur
les armes, le Conseil de sécurité ne vise pas à isoler
économiquement le pays mais simplement à le priver des moyens de
poursuivre son comportement fautif. En effet, la guerre, qu'elle soit entre
Etats ou entre différentes factions à l'intérieur d'un
Etat, ne peut se poursuivre sans armes.
201Par sa résolution 2127 (2013) sur la
situation en République centrafricaine, le Conseil de
sécurité décide d'instaurer, pour une période
initiale d'un an, un embargo sur les armes pour empêcher la fourniture,
la vente ou le transfert à la République centrafricaine
d'armements et de matériels connexes de tous types. Il décide de
plus de créer un comité des sanctions chargé, en
particulier, de veiller au respect, par tous les États Membres, dudit
embargo.
202 Les sanctions économiques sont les plus importantes
des sanctions imposées à un Etat. Elles sont de deux natures. Il
peut s'agir de sanctions commerciales ou de sanctions financières. Elles
sont destinées à asphyxier un pays jusqu'à ce qu'il vienne
à composition, leur but [est de] le contraindre à se conformer
aux décisions substantielles du Conseil, en exerçant sur lui une
pression par des atteintes à des intérêts le plus souvent
étrangers au domaine de l'obligation violée.
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La suspension de la participation203, l'expulsion
ou encore le refus d'admission dans une organisation internationale et
l'interruption de la coopération technique ou financière offerte
par ces organismes.
Toutes ces mesures sont censées prouver la bonne foi de
la Communauté internationale qui s'abstient jusqu'à
l'extrême de mener une action militaire, ce qui peut dissiper tout
malentendu sur les motifs et les intentions des décideurs au moment du
lancement d'une action militaire, mais aussi attirer l'attention de l'Etat
concerné sur le risque d'une intervention militaire auquel il s'expose
s'il s'entête ou reste réticent à toute intervention
extérieure.
Le cas de la Libye est à cet effet très
illustratif. En effet, alors que l'idée d'une intervention militaire en
Libye était encore en gestation, de nombreuses sanctions d'ordre
économique et politique furent prises dès février 2011
contre les responsables libyens pour tenter de mettre un terme aux violences
perpétrées par le régime°. Ainsi, le 24 février
2011, la Suisse fût-elle le premier État à décider,
de bloquer, avec effet immédiat, tous les éventuels avoirs que le
dirigeant libyen et son entourage pourraient détenir dans le pays. Le 28
février 2011, les États-Unis ont indiqué avoir
bloqué au moins "30 millions de dollars d'actifs libyens".
L'Union européenne a quant à elle adopté,
le 3 mars, une série de sanctions contre la Libye. Elle a notamment
décidé de mettre en place un embargo sur les armes et une
interdiction d'exporter du matériel susceptible d'être
utilisé à des fins de répression interne. Le texte
prévoit en outre un gel des avoirs financiers du colonel Kadhafi ainsi
que d'une vingtaine de ses proches.
Entre temps, le 26 février 2011, le Conseil de
sécurité des Nations unies a saisi la Cour pénale
internationale (CPI) sur la situation dans le pays. Plus tard, le procureur de
la CPI, Luis Moreno-Ocampo, a annoncé l'ouverture d'une enquête
contre Mouammar Kadhafi et plusieurs hauts responsables libyens,
suspectés de "crimes contre l'humanité".
L'Assemblée générale des Nations unies a
également suspendu le 1er mars 2011 la Libye du Conseil des
droits de l'Homme, par un vote à l'unanimité.
203La suspension de la République
centrafricaine (le 23 mai 2013) du Processus de Kimberley de certification des
diamants au lendemain du putsch du 24 mars 2013; au motif que le diamant aurait
servi à financer la rebéllion ayant renversé le
régime de François Bozizé.
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Centrafrique, Libye)
Etant donné le caractère non limitatif de
l'énumération des mesures prévues par l'article 41 de la
Charte, le Conseil de sécurité n'a pas hésité
à diversifier les domaines d'intervention des sanctions et à
étendre leur champ d'application. Il a aussi prévu la mise en
place de comités de sanctions et de groupe d'experts pour
contrôler le respect des sanctions. Cette malléabilité a
permis la création de régimes de sanctions très
variés et spécifiques à chaque situation.
Cependant, à l'heure du bilan, les diplomates et les
experts concluent à un résultat mitigé et des doutes se
font entendre quant à l'efficacité des régimes de
sanctions non coercitives mis en place par le Conseil de
sécurité.
B- L'effectivité ambiguë des sanctions
Le mécanisme de sanctions prévu par la Charte
des Nations unies offre énormément de possibilités
d'interventions au Conseil de sécurité. Car les mesures
envisageables sont diverses et variées, elles peuvent s'adapter à
tout type de situation. De plus, le Conseil a, dans la pratique,
respecté une certaine graduation dans l'emploi des sanctions. Les
sanctions peuvent être graduées en fonction de leur champ
d'application matériel. Ainsi, les mesures mises en place ont pu
être renforcées, au fur et à mesure, face à
l'absence de résultats positifs. En effet, l'article 41 prévoit
que les mesures peuvent être "totales ou partielles". Le Conseil de
sécurité peut recourir aux mesures coercitives de façon
graduelle en imposant tout d'abord à l'Etat concerné un embargo
sélectif et en augmentant peu à peu la pression sur cet Etat en
instaurant un embargo généralisé. Cette progression dans
l'usage des sanctions permet au Conseil de sécurité d'assortir
ses résolutions d'un «ultimatum», ce qui
«favorise le dialogue par l'invocation d'une contrainte encore
virtuelle»204.
Cependant, malgré la souplesse et l'adaptabilité
des sanctions ainsi que les efforts du Conseil de sécurité pour
"calibrer" ces mesures en fonction de chaque situation, le bilan est
plutôt mitigé quant à leur efficacité. Il est
difficile de déterminer la part de succès attribuable à un
régime de sanction lorsque l'objectif de celle-ci a été
atteint, étant donné la multitude de facteurs qui peuvent
intervenir. Il existe des désaccords dans la doctrine concernant
l'efficacité ou non de certains régimes de
204 MEDHI R., « Les Nations Unies et les sanctions, le
temps des incertitudes », in MEDHI R. eds. Les Nations Unies
et les sanctions: Quelle efficacité?, Huitièmes rencontres
internationales d'Aix en Provence (10 et 11 septembre 1999), Pedone, Paris,
2000, page 31.
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sanctions. L'un des arguments qui peut être
avancé pour prouver l'inefficacité des sanctions est celui de la
prolongation dans le temps de nombreux régimes, avant de pouvoir aboutir
à des résultats plus ou moins positifs. Le processus de sanctions
coercitives est effectivement long à mettre en place notamment en ce qui
concerne les sanctions économiques et militaires et un certain
délai peut être nécessaire avant que les sanctions
produisent l'effet attendu. Il faut quelques jours voire quelques semaines pour
que les produits visés par un embargo commencent à manquer. De
plus, à l'annonce d'une future résolution du Conseil de
sécurité, les factions armées des pays concernés
profitent du temps nécessaire à l'adoption et à la mise en
place du régime de sanction, pour établir un stock d'armes. Selon
certains experts, des sanctions appliquées trop longtemps sans produire
de résultats significatifs perdent leur justification205.
Ce qui nuit surtout à l'efficacité des mesures
coercitives et conduit à leur pérennisation est le non respect de
ces régimes de sanctions par les Etats membres de l'Organisation soit
parce qu'ils ne peuvent pas en assurer le respect, soit parce que le respect de
ce régime est contraire à leurs intérêts. Les
sanctions prises par le Conseil de sécurité au titre de l'article
41 de la Charte des Nations Unies sont aujourd'hui confrontées à
une remise en cause de leur efficacité, c'est-à-dire leur
capacité à atteindre l'objectif qui leur est assigné. En
effet, la plupart des régimes ont mis plusieurs années avant
d'obtenir des résultats plus ou moins positifs. Certains régimes
n'ont d'ailleurs pas pu empêcher le recours à la force, n'ayant
qu'un impact limité sur la situation. De plus, même lorsque les
sanctions parviennent au résultat recherché, il est impossible de
déterminer la part de succès imputable aux mesures collectives,
étant donné la multitude d'éléments qui participent
au règlement de la situation (négociations, présence
militaire, menace ou utilisation de sanctions unilatérales).
Mais au-delà de leur capacité à atteindre
l'objectif fixé, l'efficacité des sanctions a été
sérieusement entamée par les conséquences
désastreuses qu'elles ont pu avoir sur les droits de l'homme. En effet,
l'une des critiques formulées par la doctrine, d'ailleurs largement
reprise par les médias, est la dimension collatérale des
205 Selon Kofi Annan, Si les sanctions peuvent, dans certains
cas, apparaître comme des outils performants, certains types de
sanctions, notamment les sanctions économiques, sont des instruments
grossiers, infligeant souvent de graves souffrances à la population
civile, sans toucher les protagonistes°, K. ANNAN dans son rapport de
début 1999 sur l'Afrique.
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Centrafrique, Libye)
sanctions à l'encontre de la population de l'Etat cible
mais aussi à l'encontre des Etats tiers. Dans le Supplément
à l'agenda pour la paix de 1995, le Secrétaire
Général des Nations Unies reconnaît que les "sanctions ont
toujours des effets non intentionnels ou non souhaités". Il est vrai que
les sanctions interviennent la plupart du temps dans des Etats en crise dont la
population est déjà gravement touchée par la guerre, la
disette ou encore l'absence de soins médicaux. Mais alors que leur but
est de rétablir le droit, les sanctions vont aboutir à l'effet
inverse de celui recherché et aggraver une situation déjà
alarmante. L'exemple extrême de l'Irak repris par de nombreux
spécialistes et journalistes n'est malheureusement pas le seul exemple
d'effets "pervers" des sanctions.
La question est alors de savoir s'il faut privilégier
la réalisation de l'objectif visé par la sanction sur les
dommages collatéraux envers la population de l'Etat cible et des pays
tiers. L'efficacité des sanctions oui, mais à quel prix ?
Pour atténuer les répercussions humanitaires des
mesures économiques, le Conseil de sécurité assortit, tous
ses régimes de sanctions "d'exceptions humanitaires". Cependant,
celles-ci ne permettent pas de remédier à la gravité de la
catastrophe humanitaire qui touche les pays sanctionnés. D'où la
réflexion actuelle des auteurs206 mais aussi des experts de
l'ONU sur la notion de "sanctions intelligentes" (smart sanctions),
des sanctions plus humaines et sans répercussion sur les populations.
Paragraphe 2 : Des interventions militaires
problématiques
Lancer une intervention militaire étant une mesure
extrême, elle doit être prise dans des conditions et circonstances
bien définies. Cependant, dans la pratique, l'on assiste souvent au non
respect aussi bien des conditions de l'intervention (A), que des mandats du
Conseil de Sécurité (B).
A- Le respect partiel des conditions de
l'intervention
Au printemps 2011, l'OTAN a ainsi utilisé la
responsabilité de protéger les civils pour justifier une
intervention militaire rapide en Libye. Pourtant, il existait
206United Nations, Les Nations
Unies Aujourd'hui, United Nations Publications, 2008, 418 p. ; Djacoba
Liva Tehindrazanarivelo, Les sanctions des Nations unies et leurs
effets secondaires: Assistance aux victimes et voies juridiques de
prévention, Graduate Institute Publications, 2014, 526 p. ;
Pascal Teixeira, Le Conseil de sécurité à l' aube
du XXIe siècle: quelle volonté et quelle capacité a-t-il
de maintenir la paix et la sécurité internationales?, Rapports
de recherche, United Nations publication, United
Nations Institute for Disarmament Research, UNIDIR, 2002, 107 p.
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La mise en oeuvre de la responsabilité de
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plusieurs autres alternatives d'intervention et la guerre
lancée pouvait déstabiliser la région entière
à court et moyen terme. Des médiations politiques ont
été rejetées par l'OTAN. La première proposition de
sortie de crise a été celle de février 2011 initiée
par des pays d'Amérique du Sud : l'Alliance Bolivarienne207
(AB) a offert une médiation pour une résolution pacifique en vue
d'empêcher l'attaque des grandes puissances occidentales, car les pays de
l'Alliance Bolivarienne estiment être dans la ligne de mire et que leur
processus de transformation sociale exige d'abord et avant tout la paix et la
souveraineté nationale. Ils ont ainsi suggéré d'envoyer
une délégation internationale qui puisse être conduite par
l'ex-président des États-Unis Jimmy Carter208 pour
commencer un processus de négociation entre le gouvernement et les
groupes armés coalisés derrière le Conseil national de
transition (CNT). L'Espagne s'est dite intéressée par cette
idée qui a été rejetée par Nicolas Sarkozy et David
Cameron. Pour sa part, le ministre allemand des Affaires
étrangères, Guido Westerwelle209, a notamment
exhorté la France à ne pas rejeter cette offre sans
l'examiner.
Second exemple : en mai 2011, Jacob Zuma210, le
président sud-africain, a été chargé par l'Union
africaine (UA) de négocier un accord de paix et ce pour la
deuxième fois, la précédente tentative d'avril 2011
n'ayant pas abouti. Jacob Zuma a réitéré son appel au
cessez-le-feu, déplorant que les raids aériens de l'OTAN sapaient
les efforts de l'UA. Le cessez-le-feu était le premier point d'une
feuille de route qui prévoyait notamment une période de
transition, suivie d'élections démocratiques. L'initiative a
été acceptée par le régime de Kadhafi mais
rejetée par le CNT, l'organe
207Les ministres des Affaires
étrangères des pays de l'Alba, l'Alliance bolivarienne des pays
de la gauche latino-américaine se sont retrouvés le 4 mars 2011
à Caracas en présence d'Hugo Chavez pour trouver une solution
politique à la crise libyenne. Les ministres ont signé un
communiqué commun qui appelle à éviter toute intervention
militaire. Disponible sur :
http://www.rfi.fr/ameriques/20110305-crise-libye-hugo-chavez-met-garde-le-monde-occidental-contre-toute-tentative-mili
(consulté le 22 octobre 2017 à 14h 42).
208Homme d'État
américain, 39e président des
États-Unis en fonctions de 1977 à 1981. Après son
départ de la Maison-Blanche, il se pose en médiateur de
conflits internationaux et met son prestige au service de causes caritatives.
En 2002, il reçoit le prix Nobel de la paix. Il se distingue
également en littérature politique, étant l'auteur de
nombreux livres. Il est actuellement le plus ancien président
américain encore en vie et le deuxième plus âgé
après George H. W. Bush.
209(1961-2016), il fut un homme politique allemand
membre du Parti libéral-démocrate (FDP). Ministre
fédéral des Affaires étrangères d'Allemagne du 28
octobre 2009 au 17 décembre 2013.
210Homme d'État sud-africain,
président de la République depuis le 9 mai 2009. Issu
de l'ethnie Zoulou, autodidacte, membre de l'aile gauche du
Congrès national africain (ANC), il est vice-président de
la République d'avril 1999 à juin 2005 et
succède à la tête du Congrès national
africain (ANC) au président Thabo Mbeki lors du
congrès du parti en décembre 2007. Ancien cadre de la
lutte anti-apartheid emprisonné durant dix ans à Robben
Island, au large du Cap, Jacob Zuma est très populaire auprès
des militants de l'ANC. En mai 2008, le Time le classe
huitième sur sa liste des cent personnes les plus influentes au
monde.
Réalisé et présenté par Bansopa Linda
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La mise en oeuvre de la responsabilité de
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de direction des rebelles, et les pays dominants de l'OTAN.
Lors de cette mission, Jacob Zuma211 a relevé que le fait de
« demander la permission de l'OTAN » pour se rendre en Libye «
sapait l'intégrité de l'Union africaine ».
Avant que la France et la Grande-Bretagne ne décident
de renverser le régime libyen, celui-ci a été pendant
plusieurs années un allié de l'Union européenne (UE),
notamment dans sa lutte contre l'immigration irrégulière, dite
clandestine, venant d'Afrique. La Libye a ainsi participé au
contrôle du départ des migrants à partir de son territoire
en appui à l'Union européenne.
C'est avec précipitation que le Conseil de
Sécurité a adopté la Résolution 1970 du 26
février 2011, quelques jours seulement après le début des
événements de Benghazi. En comparaison, de nombreux conflits dans
le monde ne suscitent que des réactions très tardives, notamment
en République démocratique du Congo. Les observations de l'Inde
regrettant le fait « qu'il n'existait pratiquement aucune information
crédible sur la situation sur place » n'ont pas été
prises en considération. Pourtant, comme ce fut le cas lors de
l'intervention en Irak en 2003, toutes les preuves d'exactions massives du
régime libyen n'étaient pas réunies et cela ne pouvait
donc justifier une intervention. L'intervention a tout de même
été lancée, à l'instigation de la France, des
États-Unis et de la Grande Bretagne, malgré l'abstention de la
Chine, de la Russie, de l'Inde, du Brésil et de l'Allemagne. Au moment
de l'intervention et par la suite, personne ne pouvait affirmer, preuves
à l'appui, que la paix et la sécurité mondiales
étaient menacées. En cautionnant l'intervention militaire
étrangère en Libye, l'ONU a contrevenu à l'article 2(7) de
sa Charte qui proscrit l'intervention dans les affaires internes d'un pays,
sauf si la paix et la sécurité internationales sont
menacées.
Les tentatives de médiation politique initiées
par de nombreux pays d'Amérique du Sud212 et de l'Union
africaine ont été rejetées en bloc par les grandes
puissances. Le
211 Dans le cadre de cette mission, un comité
composé de cinq chefs d'Etat - Afrique du Sud, Congo, Mali, Ouganda et
Mauritanie - a été installé. Ce comité a
passé en revue les efforts de médiation devant aider à un
règlement de la crise. D'emblée, Jacob Zuma a
souligné la «préoccupation» du comité et de
l'assemblée de l'UA devant les «bombardements continus de
l'OTAN», ajoutant que «la finalité de la résolution
1973 [NDLR : de l'ONU, adoptée le 17 mars] était de
protéger le peuple libyen et faciliter les efforts
humanitaires».
212M. Carter pourrait faire partie de la mission
internationale visant à régler la situation en Libye. C'est un
homme de bonne volonté, ce que Fidel Castro a plusieurs fois
souligné", a déclaré M. Chavez en mars 2011. Le plan du
leader vénézuélien prévoyait d'envoyer en Libye une
mission de médiateurs de plusieurs pays d'Amérique latine,
d'Europe et de Proche-Orient. Elle sera chargée de négocier une
sortie de crise afin
Réalisé et présenté par Bansopa Linda
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La mise en oeuvre de la responsabilité de
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17 mars, la Résolution 1973 s'ajoute à la
Résolution 1970 du 26 février. Leur fondement est le «
devoir de protéger les populations civiles », sans que le Conseil
de Sécurité ne néglige de rappeler « son ferme
attachement à la souveraineté, à l'indépendance
» de la Libye. Le but de la Résolution 1973 est de « faire
cesser les hostilités » et « toutes les violences » face
à l'augmentation des morts civiles dont l'ampleur sera par la suite
remise en question, notamment par Amnesty International. Les méthodes
recommandées par les deux résolutions pour y parvenir sont de
« faciliter le dialogue », de mettre en oeuvre un « embargo sur
les armes », de geler « les avoirs du clan Kadhafi et de ses
affiliés », tout en instaurant un contrôle de l'espace
aérien pour éviter l'intervention de l'aviation libyenne.
L'intervention terrestre en est exclue par le Conseil de
sécurité. Pourtant, elle a bel et bien débuté avant
même le début des frappes aériennes213.
B- Le dépassement des mandats
C'est en 2011 que la responsabilité de protéger
devient un instrument à part entière dans les enceintes de l'ONU,
à la suite de l'adoption des résolutions 1970 puis 1973 du
Conseil de sécurité qui autorisent une intervention de la
Communauté internationale en Libye, dans l'objectif de faire face
à un manquement manifeste de l'État libyen à
protéger sa population.
En effet, les mises en demeure adressées au
gouvernement du Colonel Kadhafi par le Conseil de sécurité
étant restées sans réponse, le Conseil décide dans
sa résolution 1973 de l'application de mesures coercitives sur le
territoire. L'intervention de l'OTAN, dans le cadre d'une coalition
internationale et sous l'égide de l'ONU est alors critiquée par
de nombreux États qui accusent cette dernière de violer les
limites de son mandat, la Charte des Nations Unies et la R2P elle-même.
Ces États
d'empêcher une intervention militaire
étrangère. La France et les Etats-Unis se sont opposés aux
propositions du président vénézuélien. Disponible
sur:
https://fr.sputniknews.com/international/20110305188779319/
(consulté le 22 octobre 2017 à 14h 08 min).
213 Le ministre russe des Affaires étrangères a
estimé que l'Otan "dérapait vers une opération terrestre"
en Libye, qui serait "déplorable", après la première
intervention d'hélicoptères de combat britanniques et
français, ont rapporté samedi 4 juin les agences russes.
"Nous avons donné notre vision des actions de l'Otan.
Nous considérons que ce qui se déroule, consciemment ou
inconsciemment, dérape vers une opération terrestre," a
déclaré Sergueï Lavrov, cité par l'agence
Interfax.
"Cela serait tout à fait déplorable", a-t-il
ajouté, à l'occasion d'une conférence de presse à
Odessa, en Ukraine,
après le premier engagement d'hélicoptères
de l'Otan. Disponible sur:
http://tempsreel.nouvelobs.com/monde/20110604.OBS4517/libye-l-otan-derape-vers-une-intervention-terrestre.html
(consulté le 22 octobre 2017 à 14h02 min.)
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La mise en oeuvre de la responsabilité de
protéger en Afrique : Etude de quelques cas récents (Mali,
Centrafrique, Libye)
soupçonnent également l'ONU de vouloir provoquer
l'avènement d'un changement de régime politique214, et
non uniquement de protéger une population civile des crimes de droit
international, comme le prévoit normalement la responsabilité de
protéger.
Les analystes politiques, de même d'ailleurs que les
autres membres du Conseil de sécurité qui avaient approuvé
cette résolution, à savoir la Chine et la Russie, n'ont pas
manqué après-coup de souligner ou de dénoncer une
interprétation extensive de la résolution 1973 qui ne prescrivait
ni implicitement, encore moins explicitement, le bombardement des objectifs
militaires libyens au sol, le soutien à l'opposition armée
(Conseil National de Transition) et au final le renversement du Gouvernement
Khadafi dans les conditions tragiques bien connues.
Pour d'autres situations postérieures à la crise
libyenne, la responsabilité de protéger a également
été invoquée mais à moindre échelle,
notamment en raison de la situation actuelle en Libye, dont l'environnement
sécuritaire et politique demeurent très fragile. Il en est ainsi
pour la crise centrafricaine qui a éclos depuis quelques années,
lorsque les groupes armés, de confession musulmane pour la plupart, les
Séléka (« l'alliance ») ont chassé le
président François Bozizé du pouvoir pour y placer le
musulman Michel Djotodia, tandis que la Centrafrique abrite une population
majoritairement chrétienne. Cette crise a suscité moins de
débats au Conseil que les crises libyennes et syriennes.Si la situation
centrafricaine dispose de tous les éléments de faits
réunis pour invoquer la responsabilité de protéger, cette
dernière a été en réalité peu
développée dans les résolutions du Conseil de
sécurité de l'ONU, ou alors de façon implicite au point de
donner l'impression d'un abandon du terme de « responsabilité de
protéger ». Toutefois, les idées maitresses de cette
doctrine sont bel et bien omniprésentes dans les travaux du Conseil de
sécurité concernant la République centrafricaine.
L'application de la responsabilité de protéger
en Libye en 2011 a suscité bien des critiques. L'OTAN et ses
alliés ont été accusés d'avoir utilisé la
force pour « changer le régime » et, ce faisant, d'être
allés au-delà du mandat qui visait la prévention de
massacres. La polémique s'est instaurée. Arguant qu'il fallait
faire
214 Drain Michel, Madinier Jacqueline & Viénot
Denis, La responsabilité de protéger, colloque du 26
janvier 2013, faculté des sciences sociales et économiques
(FASSE) de l'institut catholique de paris, Justice et paix France & Pax
christi À France, Paris, janvier 2015, p. 17.
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La mise en oeuvre de la responsabilité de
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preuve de « responsabilité en protégeant
», le Brésil a demandé que la responsabilité de
protéger soit encadrée. La Russie, soutenue par la Chine, avait
de son côté désormais un prétexte pour mettre un
frein à une évolution qui lui déplaisait et redonner force
au principe de souveraineté. Depuis, ses vetos
répétés sur la Syrie ont fait fi des souffrances de la
population. La responsabilité de protéger n'est pas pour autant
jetée aux oubliettes. Une résolution récente215
du Conseil de sécurité sur le génocide se
réfère d'ailleurs au texte du sommet de 2005. Au Soudan du Sud et
en République centrafricaine, l'action collective, sans être
menée au nom de la responsabilité de protéger, est
conforme à son esprit216. Mais si le principe est toujours
accepté, soutenu même par une grande majorité
d'États, le désaccord sur les modalités est profond. Le
débat engagé à l'ONU est pour l'instant infructueux.
Derrière les discours, l'interventionnisme occidental, jugé
excessif, est sur la sellette. Les opposants à la responsabilité
de protéger peuvent s'en réjouir. Le débat est toutefois
toujours alimenté par la proposition française d'un renoncement
volontaire des membres permanents à l'exercice de leur droit de veto en
cas de massacres massifs. Mais la France pourrait faire davantage et marquer
plus de disponibilité dans la discussion sur les conditions de l'usage
de la force dans ces situations, avec un objectif : parvenir à une
application moins contestée d'un principe qui se voulait un
progrès de civilisation mais qui reste encore une entreprise
inachevée.
Section 2 : Des processus de reconstruction
inachevés
La responsabilité de réagir doit ipso facto
s'accompagner de la responsabilité de reconstruire, telle est le
voeu de la Commission et le troisième palier de la responsabilité
de protéger. Il faut donc établir une stratégie
post-intervention, afin de mieux consolider et garantir la paix «
peace bulding217 » après les conflits et d'assurer
une véritable réconciliation et de relancer le
développement du pays. L'objectif ici est d'empêcher que ne
réapparaissent les facteurs qui ont suscité l'intervention
militaire. Pour réussir le pari de la reconstruction la Commission
propose de travailler sur trois domaines majeurs sur lesquels les efforts
doivent se concentrer, il s'agit de la sécurité,
215 Résolution 2150, adopté à
l'unanimité le 16 avril 2014, CSNU, 7155e séance.
216 Le Conseil de sécurité ne mentionne plus
explicitement la R2P. Dans de nombreuses résolutions relatives aux
crises, par exemple dans le cas du Mali ou de la République
centrafricaine, il maintient néanmoins une référence
atténuée à la protection des populations civiles, tout en
soulignant qu'elle relève en premier lieu de leur Etat.
217 DUPUY P-M., Droit International Public,
9ème édition, Paris, Dalloz, 2008, p. 645.
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La mise en oeuvre de la responsabilité de
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de la justice, et du développement218. C'est
là un processus dynamique, à l'instar d'une courroie de
transmission, au sein duquel les efforts et les investissements engagés
dans la reconstruction d'un pays, dans ses dimensions politiques,
sécuritaire, économique et sociale sont autant de maillons qu'il
s'agit de connecter les uns aux autres afin d'assurer le bon déroulement
et le succès de l'ensemble : un maillon manquant ou faible risquant de
bloquer le fonctionnement de l'ensemble de manière à mener
à l'impasse ou à la rechute. La phase post-intervention
(Paragraphe 1) est donc une étape fragile qui
s'accompagne de la poursuite pénale (Paragraphe 2) des
auteurs des crimes.
Paragraphe 1 : La phase post-intervention
La responsabilité de protéger implique non
seulement la responsabilité de prévenir et de réagir mais
aussi celle de reconstruire. En conséquence, si une intervention
militaire est décidée, il faut qu'il y ait un véritable
engagement à contribuer à ramener une paix durable et à
promouvoir la bonne gouvernance et un développement durable. La
nécessité de se doter d'une stratégie post-intervention
est d'une extrême importance lorsqu'une intervention militaire doit
être envisagée. L'objectif d'une stratégie
post-intervention doit donc être d'aider à empêcher les
facteurs qui ont suscité l'intervention militaire de renaître ou
simplement de refaire surface. Plusieurs obligations sont inhérentes (A)
à la réalisation de la responsabilité de reconstruire.
Celle-ci passe également par une bonne politique de désarmement
(B).
A- Les obligations inhérentes
Rien ne saurait remplacer une stratégie claire et
efficace post-intervention.L'organisation d'un système judiciaire
efficace est une condition sine qua non pour compléter le but
de l'intervention. En effet, si une force d'intervention a pour mission de
protéger les populations contre de nouvelles violations des droits de
l'homme mais qu'il n'existe aucun système en état de
fonctionnement pour traduire les coupables en justice, non seulement la mission
de la force est de ce point de vue irréalisable, mais l'ensemble de
l'opération risque de perdre en crédibilité tant sur place
qu'au plan international219. Les décideurs internationaux
doivent donc veiller à ce que la reforme de la justice, et la dotation
à celle-ci de tous moyens humains et matériels
218 Rapport CIISE, La responsabilité de
protéger, par. 5, p. 43 et suivants.
219 Rapport CIISE, La responsabilité de
protéger, p. 46.
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nécessaires à son bon fonctionnement en vue de
poursuivre les coupables des crimes soient effectives. Sinon la
réconciliation nationale reste un vain slogan.
Une question connexe liée à la justice et
à la réconciliation concerne le retour des
réfugiés, des déplacés, et les droits légaux
des rapatriés originaires des minorités ethniques ou autres. Ces
derniers ne sont pas toujours traités sur le même piédestal
que les autres en ce qui concerne la prestation des services de base, l'aide au
rapatriement, les pratiques d'embauche et les droits de
propriété. De sérieux problèmes se posent
lorsqu'ils doivent expulser des occupants temporaires de leurs
propriétés, encore que ceux-ci peuvent aussi être
réfugiés, ou encore lorsqu'ils veulent recouvrer leurs biens. A
cela, il faut ajouter les obstacles bureaucratiques ou administratifs, qui
compliquent davantage la situation220. Il faut pour remédier
à cela, selon la Commission, supprimer les complications bureaucratiques
et administratives sur le retour des uns et des autres, mettre un terme
à l'impunité des criminels de guerre connus ou
présumés, et adopter des lois non discriminatoires en
matière de propriété. Au lieu d'expulser encore, il vaut
mieux agrandir notablement le parc immobilier selon des projets bien
conçus qui doivent être pris en compte par les donateurs et
décideurs internationaux.
Le développement constitue l'épine dorsale de
l'indépendance et de la stabilité d'un Etat. C'est pourquoi toute
intervention devrait se donner pour finalité, en matière de
consolidation de la paix, de promouvoir autant que faire se peut la croissance
économique, la renaissance des marchés et le développement
durable.Les autorités (internationales) intervenantes sont tenues
d'oeuvrer pour le transfert des projets de développement aux acteurs et
dirigeants locaux, et de veiller au financement de ces projets. Cette
démarche est très importante car si les combattants prennent vite
conscience des choix et des possibilités qui s'offrent à eux, et
si la communauté a rapidement des preuves concrètes que la vie
civile peut effectivement retrouver son cours normal dans des conditions de
sécurité, leur réaction sera d'autant plus positive sur la
question du désarmement et les questions connexes221. En
clair, les intervenants doivent tout mettre en oeuvre pour relancer
l'économie de l'Etat concerné. Ils doivent pour cela travailler
avec les autorités locales et une coordination des efforts des ONG
220Ibid.
221 Rapport CIISE, La responsabilité de
protéger, p. 47.
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La mise en oeuvre de la responsabilité de
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Centrafrique, Libye)
qui peuvent apporter une contribution non négligeable
en la matière. Il faut pour cela une planification préalable et
un financement certain.
Notons que les dispositions du chapitre XII de la charte de
l'ONU confortent les propos de la Commission à ce sujet. La disposition
pertinente à cet égard est l'article 76, où il est
noté que le but du système est de favoriser le progrès
politique, économique et social des populations du territoire
considéré ; d'encourager le respect des droits de l'homme ;
d'assurer l'égalité de traitement dans le domaine social,
économique et commercial à tous les peuples ; et d'assurer
également l'égalité de traitement dans l'administration de
la justice.
Au sujet de l'autodétermination, la Commission
précise que fondamentalement, la responsabilité de
protéger est un principe conçu pour réagir à des
menaces à la vie humaine, et non un instrument servant à
réaliser des objectifs politiques tels que l'autonomie politique accrue,
l'autodétermination ou l'indépendance de groupes particuliers
dans le pays concerné. L'intervention elle-même ne doit pas servir
de base à de nouvelles revendications séparatistes222.
Néanmoins, la mise en oeuvre de la protection signifie
généralement le soutien ou le rétablissement d'une forme
ou une autre d'auto-administration et d'autonomie territoriale, ce qui signifie
aussi généralement que des élections soient
facilitées et éventuellement supervisées, ou tout au moins
surveillées, par les autorités intervenantes.
B- La pénible mise en oeuvre du processus
Désarmement-Démobilisation-Réinsertion
L'une des fonctions essentielles d'une intervention
étant la sécurité de la population, il est essentiel de
prévoir cette protection même après le conflit à
tous les membres de la population indépendamment de leur appartenance
politique ou origine ethnique, car assez souvent les situations post-conflits
sont caractérisées par de massacres perpétrés en
représailles, voire d'un nettoyage ethnique, parce que les groupes
victimes peuvent s'en prendre à ceux qui étaient alliés
à leurs anciens oppresseurs comme ce fut le cas au
Rwanda223.
222Ibid, p. 48.
223 Lire à ce sujet NKUNZUMWAMI Emmanuel, La
Tragédie Rwandaise : Historique et perspectives, Paris,
L'Harmattan, 1996.
Réalisé et présenté par
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La mise en oeuvre de la responsabilité de
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La sécurité englobe aussi la question du
désarmement, de la démobilisation, et de réinsertion des
combattants des différents groupes armés. Il est donc important
de prévoir ce programme dès le départ de l'intervention
à des fins de protection humaine. La reconstitution de l'armée et
de la police nationales doit se faire avec beaucoup de soins, surtout parce
qu'elles doivent intégrer des combattants des anciennes forces
militaires rivales. Ce processus est important parce qu'il contribue
efficacement à la réconciliation nationale. Les donateurs et
décideurs internationaux doivent veiller à ce qu'il y ait des
fonds suffisants pour former après l'intervention les nouvelles forces
de l'armée et de la police, mais aussi des officiers militaires et de
police pour servir des formateurs aux forces locales.
Le dernier aspect de la sécurité est lié
au désengagement des troupes d'intervention qui doit être
planifié préalablement à l'intervention. Le
problème est très capital parce que tout désengagement non
planifié ou mené dans la précipitation, peut avoir des
conséquences désastreuses et peut au bout du compte
discréditer les aspects positifs de l'intervention. La place
accordée au suivi des interventions n'a pas été la
même pour l'opération au Mali et celle en Libye. Les deux pays
sont différents et la nature même du problème qui s'est
posé impliquait des traitements différents. On constate
néanmoins en Libye que, une fois le « succès »
militaire passé, le manque de préparation du suivi de
l'intervention a abouti à une dégradation importante de la
situation224, dans ce pays. L'ensemble de la Communauté
internationale se trouve en difficulté225, car les
autorités centrales ne gouvernent guère au-delà des
environs de la capitale. La situation est telle que les représentants de
l'État libyen sont entièrement soumis à des jeux de clans
et de milices sur lesquels ils n'ont guère d'influence. Qu'il s'agisse
du blocage de certains terminaux pétroliers de l'Est du pays depuis
août 2013
224La Jamahiriya est en proie à un
véritable chaos entretenu par des chefs de guerre, et autres milices
tribales incontrôlables sur fonds d'infiltration criminelle et
terroriste. Elle est devenue le repaire des trafiquants de toutes sortes
notamment d'êtres humains parmi les nombreux migrants qui y transitent.
Elle abrite de nombreuses cellules djihadistes affiliées à DAESH
qui profite de la situation pour s'implanter et mener des actions terroristes
dans la région et même en Europe.
225Le Président Macron a organisé le
25 juillet 2017 dernier une rencontre à la Celle-Saint-Cloud entre les
deux principaux protagonistes de la crise libyenne, le Maréchal Khalifa
Haftar, chef de l'Armée Nationale Libyenne (ANL) et le Président
Fayez El Serraj à la tête du gouvernement d'Union Nationale
reconnu par la Communauté Internationale. Cette réunion tenue en
présence de Ghassan Salamé, médiateur de l'ONU pour la
Lybie, a débouché sur une déclaration en guise
d'engagement notamment le désarmement des milices, la lutte contre le
terrorisme, la gestion des flux migratoires et la tenue d'élections
démocratiques au printemps. Disponible sur:
https://blogs.mediapart.fr/thierry-paul-valette/blog/080917/crise-libyenne-primaute-la-mediation-africaine
(consulté le 22 octobre 2017 à 16h15 min).
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ou de l'enlèvement, pour quelques heures, le 10 octobre
2013, d'Ali Zeidan, le Premier ministre libyen, chaque semaine atteste que la
tendance n'est pas à la construction de l'État libyen, mais
plutôt au délitement de la situation politique et
sécuritaire. Le Sud libyen pourrait devenir une zone franche à
même d'abriter des camps d'entraînement liés à des
réseaux terroristes. Cet état de choses laisse à penser
que la décision d'intervenir ait été prise sans
anticipation de ce qui pourrait se passer par la suite.
Au Mali, le processus de transition politique a
été lié à la feuille de route de l'opération
militaire Serval notamment. Peu après la fin de
l'opération militaire, les troupes de l'ONU sont entrées en
action et un processus s'est enclenché, là où il
s'était complètement enlisé en Libye. La Communauté
internationale a lancé au Mali des programmes de développement.
L'élection présidentielle malienne s'est bien
déroulée, les tractations entre les autorités centrales et
les groupes du nord du pays se poursuivent et les réflexions sur la
forme institutionnelle du Mali progressent vers l'idée d'une relative
décentralisation. La situation malienne, comme la situation au Sahel en
général, demeure très complexe et très incertaine.
L'existence d'une volonté nationale et internationale d'appliquer une
approche globale portée avant tout par les maliens ne garantit
absolument pas le succès de la transition. Les efforts français
et internationaux se heurtent à un problème de leviers pour
toucher aux causes profondes de la crise. Les problématiques de
développement et de reconstruction de l'État malien sont
très complexes, et la communauté internationale ne dispose pas
nécessairement d'outils. Les tensions entre le nord et le sud du Mali,
les menaces qui pèsent sur l'activité pastorale (structurante
dans le modèle économique traditionnel de la zone) ou encore les
gains que représentent les multiples trafics (drogues à
destination du marché européen, armes en provenance d'Afrique du
Nord, produits subventionnés en provenance d'Algérie ou de Libye
vendus dans tous les pays frontaliers) sont autant d'obstacles à un
règlement des problèmes qui ont mené à la crise au
Nord Mali.Par ailleurs, dans un autre contexte, la République
centrafricaine continue de connaître son
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La mise en oeuvre de la responsabilité de
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cortège d'exactions et l'accumulation des haines entre
les diverses composantes de sa population226.
Paragraphe 2 : La brûlante question des poursuites
pénales
La création du Tribunal Pénal International pour
le Rwanda, du Tribunal Pénal International pour l'ex-Yougoslavie et du
Tribunal Spécial pour la Sierra Leone a profondément
modifié l'ordre juridique pénal en mettant fin à
l'exclusivité de la compétence étatique pour juger les
individus. Ces juridictions jouissent d'une primauté sur les
juridictions nationales étatiques pour juger les coupables de crimes
contre l'humanité. Un tel bouleversement est important, puisqu'il met en
cause l'un des attributs essentiels de l'Etat : la justice. Et si la
création consécutive de la Cour Pénale Internationale ne
correspond nullement à la mise en place d'un ordre juridictionnel
international227, il n'y a pas de doute, en revanche, sur le fait
que la justice pénale internationale existe, à travers l'ensemble
de ces juridictions ad hoc, spéciales ou permanentes qui la
composent à ce jour et qui pourraient être créées
demain sur le même modèle. Toutefois, la question de son
effectivité reste incertaine (A). C'est pourquoi des perspectives (B)
sont proposées en vue de sa dynamisation.
A- L'effectivité contestée de la justice
pénale internationale
Plus encore que les tribunaux pénaux internationaux, la
justice mondialisée qu'incarne la Cour Pénale Internationale doit
affronter des défis juridiques, politiques et même culturels de
taille, pour la mise en oeuvre de ce devoir de poursuite. Ces défis sont
d'abord ceux qui concernent l'affirmation de l'existence même d'une
justice pénale internationale effective, c'est-à-dire
acceptée et mise en oeuvre par l'ensemble des Etats membres de la
Communauté internationale ou avec leur aide ou leur coopération.
Ces défis sont aussi, et ceci se révèle à la
pratique, ceux liés à la conduite des procès, dans un
souci de bonne administration de la justice, celle qui allie à la
fois
226 Dans un entretien accordé à France 24,
Faustin-Archange Touadéra rejette l'analyse de l'ONU pointant "des
risques avant-coureurs de génocide" dans son pays. Selon le
président centrafricain, les violences sont
générées par un "vide sécuritaire" qui profite aux
groupes armés tournés vers la "prédation" et le "grand
banditisme".
Le départ de Centrafrique de la force
française Sangaris, début 2016, était
"prématuré", regrette-t-il par ailleurs. "L'armée
centrafricaine doit se reconstruire. Aujourd'hui, il faudrait renforcer la
capacité des casques bleus de la Minusca", la mission de l'ONU
dans le pays, affirme-t-il, estimant qu'il faudrait "trois ou quatre
contingents supplémentaires" pour couvrir les besoins
sécuritaires. Disponible sur:
http://www.france24.com/fr/20170920-entretien-faustin-archange-touadera-president-republique-centrafrique-violences
(consulté le 22 octobre 2017 à 17h07 min).
227 Conformément à l'article 17 du Statut de la
CPI, cette dernière est une juridiction complémentaire et
subsidiaire aux juridictions internes.
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La mise en oeuvre de la responsabilité de
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Centrafrique, Libye)
la nécessité de réprimer (punir les
coupables), de réparer, mais aussi d'aider à la reconstruction
(le retour à la paix).
Le développement des principes de juridiction
universelle et la création parallèle de juridictions
pénales internationales est bien la concrétisation d'une
mondialisation de la justice caractérisée par une synchronisation
des principes légaux issus de différents systèmes
juridiques, où les coupables peuvent être jugés par
différents tribunaux - internationaux, nationaux ou étrangers -
mais bénéficient des mêmes normes de procès
équitable. Ce fut un défi en soit, que de parvenir à la
mise en place d'un tel système de justice pénale
internationale228.
Mais il reste, à l'égard de la mise en oeuvre
effective de la justice pénale internationale, deux défis
à surmonter : le premier est l'adaptation des législations
pénales nationales aux exigences du droit pénal international ;
le second est la coopération effective des Etats avec les juridictions
pénales internationales229. Au-delà du symbole et de
son rôle essentiel aujourd'hui, la Cour pénale internationale
apparaît en effet comme une institution fondamentale pour la promotion et
la survie de la responsabilité de protéger. La CPI
véhicule un message juridique fort, qui compose avec la R2P, un ensemble
qui doit se parfaire et parvenir à un compromis qui conviendrait
à l'ensemble de la Communauté internationale, malgré son
fonctionnement encore fragile du à la non ratification de son
Statut230 par de nombreux États et des obstacles politiques
ou diplomatiques importants qui freinent son activité. En effet, des
États influents comme les États Unis ou la Russie n'ont pas
ratifié le statut. Cela affecte et diminue l'impact fort que pourrait
avoir la Cour sur une justice internationale sans faille, et démontre
à quel point les intérêts des États sont
fondamentaux pour le bon fonctionnement tant d'une doctrine que d'une
institution juridique internationale.
Dans le cadre de la mise en oeuvre de la R2P en Libye, le
Procureur de la CPI a été saisi par la résolution 1970 du
Conseil de sécurité231. En application de cette
228Abessolo (S.), « Responsabilité de
protéger et ordre juridictionnel international : les défis de la
justice pénale internationale », Colloque international sur «
la prévention des conflits et la sécurité humaine en
Afrique : la mise en oeuvre de la responsabilité de protéger
», Libreville, 20 et 21 juin 2007, p. 13.
229 Coopération remise en cause notamment par l'UA qui
soutient les déclarations de retrait de certains Etats africains de la
Cour pénale internationale accusée de s'acharner sur
l'Afrique.
230 Statut de Rome, Acte constitutif de la CPI, entré en
vigueur le 1er juillet 2002.
231 L'article 13 du Statut de Rome attribue cette
compétence au Conseil de sécurité de l'ONU.
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résolution, un Bureau concernant la Libye a
été mis en place aux fins de procéder à des
enquêtes sur les allégations de violations graves des droits de
l'homme. Depuis la résolution 1970 du Conseil, la CPI a
délivré plusieurs mandats d'arrêt contre des
individus232 accusés d'avoir commis ou ordonnés la
commission des actes contraires au droit international humanitaire en Libye. En
outre, la question des exactions et crimes commis au Mali est également
pendante devant la CPI.
Par ailleurs, en RCA la création de la Cour
pénale spéciale233, tribunal mixte (national et
international) chargé de juger les crimes les plus graves est
inédite. Cependant, dans un pays contrôlé par les groupes
armés et toujours déchiré par les violences, les moyens
d'enquête de cette Cour semblent dérisoires.
B- Les perspectives de dynamisation
La Cour Pénale Internationale procède d'un tout
autre contexte. Etablie par un traité à la participation
facultative, elle « repose sur une idée plus générale
et plus abstraite de justice comme une composante autonome de l'ordre du monde,
qui existe indépendamment de toute politique concrète
»234. A cet égard, le défi du Statut de Rome
était sa ratification par soixante Etats, pour que celui-ci entre en
vigueur. Ce défi a été relevé. Mais il en reste un
autre, majeur, difficile : la conciliation de l'indépendance de
l'autorité judiciaire avec une politique pénale internationale
dont l'action dépend de la coopération des Etats et de la
volonté du Conseil de Sécurité des Nations Unies. Le
concept de politique pénale d'une juridiction internationale
dépasse donc celui des poursuites et recouvre l'ensemble de
l'activité du tribunal. Ce défi, étroitement lié
aux intérêts particuliers des Etats, est plus difficile à
relever.
L'exploration des perspectives d'une justice pénale
internationale universelle au service de la mise en oeuvre de la
responsabilité de protéger inspire deux observations finales,
pour terminer. Tout d'abord, il n'échappera à personne les liens
évidents entre les différents crimes internationaux : ils sont
tous commis dans des situations conflictuelles et de grande instabilité
politique, où prospèrent tant la grande criminalité
23215 août 2017 : la CPI délivre un
mandat d'arrêt contre Mahmoud Al-Werfalli (Officier de l'armée du
Général Haftar) accusé de crimes de guerre ; 27 juin 2011
: la CPI délivre des mandats d'arrêt contre Saif Al-Islam Kadhafi
(fils de M. Kadhafi), et Mouammar Kadhafi (Dirigeant libyen) pour crimes contre
l'humanité.
233 Créée par la loi n° 15.003 du 3 juin
2015, afin d'enquêter, instruire et juger les violations graves des
droits humains et du droit internetional humanitaire commis sur le territoire
de la RCA depuis le 1er janvier 2003.
234 Sur Serge, « Le droit international pénal
entre l'Etat et la société internationale »,
Actualité et Droit International, Octobre 2001.
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organisée que les trafics d'armes et le terrorisme.
Dans ce contexte, mettre fin à l'impunité pour des crimes qui
mettent en péril l'Humanité est non seulement une obligation
morale, mais aussi une exigence politique pour assurer la stabilité
géopolitique de toutes les régions du monde. A cet égard,
quelle que soit la différence de nature entre les Tribunaux
Pénaux Internationaux et la Cour Pénale Internationale, il
convient que la justice pénale internationale, dans son ensemble,
apparaisse comme un instrument de retour à la paix, pouvant s'adapter
à ses diverses exigences, et non comme un mécanisme automatique
de justice abstraite. C'est de cette manière que la communauté
internationale pourra assumer cette exigence de stabilité
géopolitique à l'échelle du monde.
Ensuite, ainsi que le souligne Martin Kirsch, Président
de la Cour Pénale Internationale, « avec l'évolution de
certaines législations nationales, les Tribunaux pénaux
internationaux crées en 1993 et 1994 représentent une des
premières manifestations du passage de la communauté
internationale d'une culture de l'impunité à une culture
d'imputabilité. Leur héritage est considérable puisqu'ils
ont démontré qu'une justice pénale internationale
était faisable et viable. Leur expérience a servi de
référence pour la rédaction du Statut de Rome et du
Règlement de Procédure et de Preuve de la Cour, et leur
jurisprudence servira certainement de précédent lorsque la CPI
traitera des affaires qui seront portées devant elle
»235. Autrement dit, si un ordre juridictionnel
international n'existe pas encore, le processus de création d'une
justice pénale internationale efficace est irréversible ; il
constitue un inexorable pas en avant dans l'histoire de l'humanité et
dans la lutte contre l'impunité.
Ainsi, le système actuel de protection des droits de
l'homme bénéficie de moyens juridiques et institutionnels
suffisamment développés pour assurer la mise en oeuvre judiciaire
de la responsabilité de protéger. Il doit être
complété par les initiatives que prendront les Etats pour le
renforcer. A ce stade, il convient de rappeler qu'en vertu du principe de
complémentarité de la Cour Pénale Internationale, la
responsabilité principale de l'administration de la justice
pénale internationale revient aux Etats. Dès lors, l'une des
premières conséquences indirectes de l'existence de la
235 Kirsch Martin, Les enjeux et les défis de la
mise en oeuvre de la C.P.I. : la construction des institutions,
Conférence à l'Université de Montréal, les 2 et 3
mai 2003.
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protéger en Afrique : Etude de quelques cas récents (Mali,
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Cour Pénale Internationale est la modification de la
législation interne des Etats parties au Statut de Rome afin d'y
intégrer la sanction des crimes internationaux.
Il n'est pas contestable que les Tribunaux Pénaux
Internationaux ont démontré leur aptitude à juger en toute
indépendance les responsables des crimes commis en ex-Yougoslavie et au
Rwanda, quelle que soit leur place dans la hiérarchie civile ou
militaire et leur communauté d'origine.
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La mise en oeuvre de la responsabilité de
protéger en Afrique : Etude de quelques cas récents (Mali,
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CONCLUSION PARTIELLE
Après avoir épuisé tous les moyens
préventifs si un Etat ne peut pas ou ne veut pas, redresser la
situation, des mesures interventionnistes de la part d'autres membres de la
communauté des Etats dans son ensemble peuvent s'avérer
nécessaires. Ces mesures peuvent être d'ordre politique,
économique, judiciaire et dans les cas extrêmes elles peuvent
comprendre une action militaire.
L'on comprend que l'action militaire est le dernier des
recours, et d'autres mesures autres que l'intervention militaire, peuvent
être mises en oeuvre.
En outre, une société qui sort d'un conflit a
des besoins particuliers. Pour éviter que les hostilités
n'éclatent à nouveau tout en posant les bases d'un
développement robuste, elle devra s'attaquer en priorité aux
impératifs que sont la réconciliation, le respect des droits de
l'homme, la représentativité du régime politique et
l'unité nationale, le rapatriement et la réinstallation rapide,
sûre et bien ordonnée des réfugiés et des personnes
déplacées, la réinsertion des ex-combattants, notamment,
dans une société productive, la résorption de la masse des
armes de petit calibre en circulation et la mobilisation de ressources
intérieures et internationales pour la reconstruction et la reprise
économique. Chacun de ces impératifs prioritaires est lié
à tous les autres et le succès suppose un effort concerté
et coordonné sur tous les fronts.
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protéger en Afrique : Etude de quelques cas récents (Mali,
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protéger en Afrique : Etude de quelques cas récents (Mali,
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Le continent africain est sans conteste aujourd'hui l'une des
parties du monde qui fait face au plus grand nombre de conflits armés
(une quarantaine depuis les années 1970), la plupart étant
constitués de conflits internes à l'image des guerres en Libye,
au Mali et en Centrafrique. Ces nouvelles formes de conflits ont la
fâcheuse conséquence de toucher directement à la
sécurité des populations civiles. C'est pourquoi le principe que
tout Etat a la responsabilité de protéger sa propre population
contre le crime de génocide, les crimes de guerre, les crimes contre
l'humanité et le nettoyage ethnique a été consacré
par le Sommet mondial de 2005 à l'unanimité des chefs d'Etat et
de gouvernement présents. La responsabilité de protéger
semble être un instrument efficace pour résoudre les
problèmes de l'heure. Elle a vocation à être un principe au
coeur de la souveraineté interne de l'Etat, principe déterminant
de son comportement vis-à-vis de sa population. Mais la R2P conditionne
également le respect dû à la souveraineté externe de
l'Etat, inviolable seulement et pour autant que l'Etat, avec ou sans l'aide de
la communauté internationale, est en mesure d'empêcher, de stopper
et de réprimer toute violence de masse subie par sa population sur son
territoire. Susceptible sans doute de constituer à terme un
progrès significatif de l'effectivité du droit international des
droits de l'homme et du droit international humanitaire dans l'ordre interne
des Etats comme dans l'ordre international, la responsabilité de
protéger vient prêter main forte à l'ensemble des efforts
de la communauté internationale pour faire sortir nombre d'Etats de la
violence dans laquelle ils sont enferrés et favoriser l'avènement
de la paix civile. La R2P se révèle un concept structurant une
série d'actions, incombant à un nombre important d'acteurs. Sans
être encore une norme de droit international général, la
R2P s'affirme comme un principe de comportement universel pour tous les Etats
et la communauté internationale, que leurs différentes
organisations représentatives sont appelés à
intégrer dans leur action. La responsabilité de protéger
participe ainsi à l'affirmation, à l'aube d'un nouveau
siècle encore lourd de risques et de menaces, du plus essentiel des
nouveaux droits émergents des populations : celui de vivre en paix et
à l'abri de la peur à l'intérieur des frontières de
leurs Etats.
Toutefois, sous son apparence généreuse et
désintéressée, le principe est lourd de dangers. Il y a
fort à craindre que la responsabilité de protéger ne soit
qu'un simple
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La mise en oeuvre de la responsabilité de
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instrument pour servir des intérêts
égoïstes dans un monde où les Etats ne visent que leurs
intérêts236. En effet, la responsabilité de
protéger est un principe à l'opposé d'un droit
d'intervention armée, même s'il n'exclut pas in fine
cette éventualité. Or, le débat, qu'il soit politique
ou doctrinal, s'est engagé presqu'immédiatement dans cette voie,
retombant dans les ornières dont la responsabilité de
protéger entendait précisément faire sortir la
question237. En outre, à l'analyse de l'application de la R2P
en Libye, au Mali et en Centrafrique, il ressort que la réaction de la
communauté internationale n'appelle pas l'exécution d'une
stratégie dont il faudrait suivre à la lettre les
différentes étapes ni ne nécessite la survenance
d'événements déclenchants" qui feraient l'objet d'une
définition rigoureuse"238. S'il est évident que
vouloir enserrer la R2P dans des critères déterminés et
des procédures strictes, risquerait de paralyser l'action ou de la
retarder de façon préjudiciable aux populations, cette
résolution peut s'avérer nécessaire lorsqu'on
considère le pouvoir de décision dévolu au Conseil de
sécurité en matière d'application du principe de la R2P.
Le rôle reconnu au Conseil de sécurité renvoie
inévitablement à ce stade à la question du droit de veto
de ses membres permanents, lesquels pourraient soit faire échec à
toute réaction de la communauté internationale dans des
situations où manifestement il y a nécessité d'intervenir,
soit autoriser des interventions sur la base de raisons fallacieuses. Miser sur
la bonne volonté des membres permanents et sur leur seul sens des
responsabilités pour s'abstenir de recourir à un droit de veto
particulièrement soumis aux intérêts nationaux et
stratégiques de ceux qui en usent peut sembler une parade bien fragile.
Néanmoins, il n'est pas exclu que l'affirmation d'un principe engageant
la communauté internationale dans son ensemble, comme celui de la R2P
puisse par lui-même être susceptible de faire évoluer
l'appréciation que l'on peut avoir de l'usage du droit de veto et de
faire apparaître une forme de responsabilité politique, au
plan international239.
236 BIAD Abdelwahab, Droit international humanitaire,
Paris, Ellipses, p. 93
237SZUREK (S.), « La responsabilité de
protéger : Mauvaises querelles et vraies questions », Anuario
Colombiano de Derecho Internacional (ACDI) n.° 4, Bogota, 2011, p.
58.
238 ONU, A.G., La mise en oeuvre de la
responsabilité de protéger. Rapport du Secrétaire
général, Doc. A/63/677, 12 janvier 2009, par. 49 à 66, pp.
23-31.
239 Sur l'idée de responsabilité politique,
voir SZUREK S., «Responsabilité de protéger,
nature de l'obligation et responsabilité internationale», in
S.F.D.I., La responsabilité de protéger, Colloque
de Nanterre, Paris, Pedone, 2008, pp. 126-133.
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La mise en oeuvre de la responsabilité de
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S/RES/2085, autorisant le déploiement
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S/RES/2071 concernant la protection des
populations civiles et la condamnation des violations des droits de l'homme au
Nord Mali
S/RES/2029, Tribunal international
chargé de juger les personnes accusées d'actes de génocide
ou d'autres violations graves du droit international humanitaire commis sur le
territoire du Rwanda et les citoyens rwandais accusés de tels actes ou
violations
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La mise en oeuvre de la responsabilité de
protéger en Afrique : Etude de quelques cas récents (Mali,
Centrafrique, Libye)
commis sur le territoire d'Etats voisins entre le 1er
janvier et le 31 décembre 1994, (2011).
S/RES/1975, La situation en Côte d'Ivoire,
(2011).
S/RES/1973, La situation en Jamahiriya arabe
libyenne, (2011).
S/RES/1970, Paix et sécurité en
Afrique, (2011).
S/RES/1674, Protection des civils en
période de conflit armé, (2006).
S/RES/1304, Situation concernant la
République Démocratique du Congo, (2000). S/RES/ 955,
Situation concernant le Rwanda, (1994).
VI- THESES
BALGUY-GALLOIS (A.), Droit international
et protection de l'individu dans les situations de troubles intérieurs
et de tensions internes, Thèse, Université de Paris I,
2008.
CARVALLO-DIOMANDE (A. H.), L'action
humanitaire en cas de catastrophes : droit applicable et limites,
Thèse Droit public, Université de Poitiers, 2014. Disponible sur
Internet <
http://theses.univ-poitiers.fr>
VII- MEMOIRES
BIDOUZO (T. S.), Le Conseil de
Sécurité des Nations Unies et la crise somalienne : renonciation
ou carence fonctionnelle ?, Mémoire de DEA, Université
d'Abomey-Calavi, novembre 2012, 126 pages.
CODJO (J.), La régionalisation de la
mise en oeuvre de la responsabilité de protéger : cas de la
CEDEAO, Mémoire de DEA, Université d'Abomey-Calavi,
décembre 2012.
IROTORI (R. G.), Les conflits armés
devant la diplomatie humanitaire, Mémoire de DEA, Université
d'Abomey-Calavi, 2010, 106 pages.
SASSE (A.), L'ONU et la
responsabilité de protéger en Afrique, Mémoire de
DEA, Université d'Abomey-Calavi, 2012, 91 pages.
KELLY (A.), Populations civiles et conflits
armés dans la CEDEAO, Mémoire de DEA, Université
d'Abomey-Calavi, 2004.
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La mise en oeuvre de la responsabilité de
protéger en Afrique : Etude de quelques cas récents (Mali,
Centrafrique, Libye)
VIII- JURISPRUDENCE
Affaire Bemba, Le Procureur c. Jean-Pierre Bemba
Gombo, ICC-01/05-01/08, 21 juin 2016.
Affaire du détroit de Corfou, Albanie
contre Royaume-Uni, Arrêt sur le fond, CIJ, Rec. 1949.
Barcelona Traction, Light and Power
Company Ltd (Belgique c. Espagne), fond, C.I.J., arrêt du 5
février 1970, Rec. 1970.
Affaire Thomas Lubanga, Décision de
confirmation des charges, le Procureur contre Thomas Lubanga, 29 janvier 2007,
ICC-01/04-01/06.
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La mise en oeuvre de la responsabilité de
protéger en Afrique : Etude de quelques cas récents (Mali,
Centrafrique, Libye)
TABLES DES MATIERES
Avertissement . i
Dédicace . ii
Remerciement . iii
Résumé iv
Abréviations et sigles . v
Sommaire .. viii
INTRODUCTION GENERALE 1
PREMIERE PARTIE : UN CADRE DE MISE EN OEUVRE IMPRECIS
12
CHAPITRE I : Des modalités de mise
en oeuvre variables ..14
Section 1 : Le traitement des crises au cas par cas 14
Paragraphe 1 : La divergence des fondements des
interventions .14
A- La menace de commission de crimes internationaux comme base
de
l'intervention en Libye et au Mali 15
B- La commission de massacres massifs comme base de
l'intervention en
RCA 18
Paragraphe 2 : La légalité ambivalente des
interventions 20
A- L'intervention française non autorisée a
priori au Mali 20
B- Des interventions autorisées en Libye et en RCA 21
Section 2 : L'appréciation ambiguë des
critères de l'intervention militaire 23
Paragraphe 1 : Les conditions particulières du
recours à la force 23
A- La juste cause et l'autorité appropriée 23
B- Les principes de précaution 26
Paragraphe 2 : Le respect des critères face
à la récurrence du recours à l'option
militaire 28
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La mise en oeuvre de la responsabilité de
protéger en Afrique : Etude de quelques cas récents (Mali,
Centrafrique, Libye)
A- Les bombardements de grande ampleur en Libye
|
. 28
|
B- La reconquête au sol au Mali
|
.. 30
|
|
CHAPITRE II : Des moyens de mise en oeuvre confus .
|
. 32
|
Section 1 : Le mélange de l'humanitaire et du militaire :
l'humanitaire armé
|
32
|
Paragraphe 1 : Les opérations civilo-militaires
|
33
|
A- La nature des opérations
|
. 33
|
B- La portée des opérations
|
.... 34
|
Paragraphe 2 : Les missions « intégrées »
de maintien de la paix
|
. 36
|
A- La nature des missions .
|
37
|
B- La portée des missions
|
39
|
|
Section 2 : La conséquence : une situation intenable
|
. 40
|
Paragraphe 1 : Les tensions entre militaire et humanitaire
|
.41
|
A- L'interaction entre agences humanitaires et forces
militaires 41
B- Les répercussions sur la protection des civils
43
Paragraphe 2 : La dénaturation de l'humanitaire
... 45
A- Des objectifs détournés .. 45
B- Le recul des capacités d'intervention humanitaire
.. 47
Conclusion partielle 49
DEUXIEME PARTIE : UNE MISE EN OEUVRE EQUIVOQUE 50
CHAPITRE I : Une ferme volonté de
prévenir .. 52
Section 1 : Les mécanismes pertinents de
prévention 52
Paragraphe 1 : La diversité des moyens de
prévention au plan international 53
A- Les moyens politico-diplomatiques . 53
Réalisé et présenté par Bansopa Linda
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La mise en oeuvre de la responsabilité de
protéger en Afrique : Etude de quelques cas récents (Mali,
Centrafrique, Libye)
B- Les moyens économique, judiciaire et militaire ...
56
Paragraphe 2 : L'existence de moyens de
prévention au plan régional africain . 58
A- Dans le cadre de l'Union africaine 58
B- Les divers systèmes de prévention
sous-régionaux .. 61
Section 2 : Les faiblesses des mécanismes de
prévention 63
Paragraphe 1 : L'inefficacité du système
d'alerte rapide 63
A- L'analyse lacunaire des informations 63
B- La grande divergence des sources d'information 65
Paragraphe 2 : L'absence de volonté politique
67
A- Le manque de réaction rapide ... 67
B- L'absence d'impartialité . 69
CHAPITRE II : Des interventions controversées
72
Section 1 : Des réactions lentes et peu
efficaces 72
Paragraphe 1 : La relative efficacité des
mesures coercitives autres que la force
militaire ..73
A- Les diverses sanctions appliquées ... 73
B- L'effectivité ambiguë des sanctions . 77
Paragraphe 2 : Des interventions militaires
problématiques 79
A- Le respect partiel des conditions de l'intervention .
79
B- Le dépassement des mandats 82
Section 2 : Des processus de reconstruction
inachevés 84
Paragraphe 1 : La phase post-intervention .... 85
A- Les obligations inhérentes 85
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La mise en oeuvre de la responsabilité de
protéger en Afrique : Etude de quelques cas récents (Mali,
Centrafrique, Libye)
B- La pénible mise en oeuvre du processus
Désarmement-
Démobilisation-Réinsertion . 87
Paragraphe 2 : La brûlante question des
poursuites pénales ... 90
A- Løeffectivité contestée de la justice
pénale internationale 90
B- Les perspectives de dynamisation ... 92
Conclusion partielle 95
CONCLUSION GENERALE . 96
Bibliographie .. 99
Table des matières 108
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