CHAPITRE 2 : REVUE DE LA LITTERATURE
Notre revue de la littérature va être
structurée en deux sections : la revue théorique qui, va
être segmenté en deux parties: la première partie sera
relative au lien entre la libéralisation financière et la
croissance et la deuxième partie mettra en exergue la relation entre le
développement financier et la croissance ; et la deuxième section
structurera la revue empirique.
Cela nous permet d'analyser, du point de vue théorique
et empirique, la relation entre le développement du système
financier et la croissance. Une analyse économétrique nous
permettra par la suite de tester l'impact du système financier sur la
croissance économique au Sénégal.
Section 1. Revue Théorique
A. Libéralisation financière et croissance
économique
Le lien entre finance et croissance renvoie à la
question de la répression financière. Selon certaines analyses,
le maintien du taux d'intérêt bas imposé plus
généralement par l'ensemble des interventions publiques visant
à réprimer l'activité bancaire ne permet pas d'atteindre
le taux de croissance optimal de l'économie. Dans cette partie, nous
allons présenter la théorie de la libéralisation
financière et les critiques à l'égard de cette
théorie.
I. L'école de la libéralisation
financière et son prolongement
Dans de nombreux pays en développement, le secteur
bancaire est amené à jouer un rôle considérable dans
le processus d'allocation des ressources car il n'existe que peu ou pas de
marchés financiers d'actifs publics ou privés. A ce titre, les
gouvernements le considèrent, très souvent, comme un secteur
stratégique.
Ils cherchent donc à exercer un contrôle direct
ou indirect sur lui. Ces contrôles ont pris des formes diverses et
variées telles que la fixation des taux d'intérêt au-
dessous de leur niveau d'équilibre de marché ou la constitution
de réserves obligatoires permettant à l'Etat de financer son
déficit budgétaire à faible cout. Pourtant, La
répression
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financière, selon Mc Kinnon, Shaw et un grand nombre
d'auteurs, conduit à un ralentissement de la croissance
économique.
1. L'école de la libéralisation
financière
La notion de la répression financière a
été introduite par Mc kinnon et Shaw
(1973) pour caractériser les pays en développement. Dans
ces pays, le gouvernement contrôle le système bancaire et joue un
rôle important dans l'allocation du crédit, par le maintien de
taux d'intérêt négatifs en termes réels, par le taux
bonification pour les secteurs prioritaires et les réserves obligatoires
élevées.
A travers l'utilisation de ces instruments, les
autorités monétaires perturbent les prix relatifs et l'allocation
des ressources. La répression financière réduit les
services fournis par le système financier aux épargnants,
entrepreneurs et producteurs : elle étouffe l'activité novatrice
et ralentit la croissance économique (King et Livine, 1993).
Par conséquent, la libéralisation du
système financier doit tout d'abord favoriser le niveau
d'épargne, en élargissant l'offre d'instruments d'épargne
et en augmentant le rendement anticipé à travers des taux
d'intérêt réels plus élevés. Le taux
d'intérêt débiteur qui maximise la croissance est le taux
d'équilibre du marché concurrentiel. Ce taux d'équilibre
est atteint en libérant le taux créditeur, en payant un taux de
marché sur les réserves obligatoires ou en les supprimant, et par
la diminution du taux d'inflation. Atteindre ce taux d'intérêt
d'équilibre permet d'accroître les ressources dont peut disposer
le secteur financier, car la rémunération compétitive des
dépôts bancaires réduit l'incitation à la
consommation courante et attire l'épargne qui échappait
auparavant au secteur formel.
Les partisans de la libéralisation financière
montrent que celle-ci a également un effet sur l'efficience de
l'investissement.
Pour Mc kinnon (1973), dans une
économie financièrement réprimée, la tendance
à financer les investissements qui rapportent un rendement à
peine supérieur au plafond du taux de crédit est forte. Ce
plafond décourage la prise de
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risque de la part des intermédiaires financiers et
élimine les investissements à fort rendement potentiel.
Shaw (1973) montre que les plafonds de taux
aggravent l'aversion pour le risque et la préférence pour la
liquidité des intermédiaires financiers. Les banques
privilégient les emprunteurs non risqués, à
réputation bien établie, et ne sont incitées à
exploiter des occasions nouvelles de prêts plus risqués. Par
contre, quand le taux est à l'équilibre, les
intermédiaires financiers peuvent utiliser leurs compétences pour
allouer de manière efficiente un plus grand volume de fonds à
investir.
Le prolongement de l'école de la répression
financière.
Les modèles initiaux de Mc Kinnon et Shaw (1973) ont
été repris et enrichis par un grand nombre d 'auteurs.
Kapur (1976) fut un des premiers à
compléter l'analyse en l'intégrant dans un modèle
dynamique. Il conclut qu'il est préférable d'accroître le
taux nominal servi sur les dépôts plutôt que de
réduire le rythme de croissance de la masse monétaire. En effet,
la première solution permet d'atteindre simultanément deux
objectifs: la réduction de l'inflation (grâce à une
diminution de la demande de monnaie) et la stimulation directe de
l'épargne.
Galbis (1977), quant à lui, construit
un modèle à deux secteurs: un secteur «traditionnel »
où le rendement du capital est constant et faible et un secteur
«Moderne» où le rendement du capital est aussi constant mais
plus élevé.
Le premier secteur autofinance totalement ses investissements
(il n'a pas accès au crédit bancaire), tandis que le second les
finance par son épargne et par les prêts bancaires (eux-
mêmes déterminés par l'importance des dépôts
bancaires).
Dans ce modèle, la libéralisation
financière conduit à un accroissement de la productivité
moyenne de l'investissement dans la mesure où elle permet un
déplacement de l'épargne du secteur traditionnel vers le secteur
moderne.
Vogel et Buser (1976) reprennent
l'hypothèse de complémentarité monnaiecapital de Mc Kinnon
en l'intégrant dans un modèle d'analyse en termes de risque
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rendement. Les deux auteurs introduisent explicitement un
troisième actif qui prend la forme de stocks de biens finis ou
semi-finis considérés comme des valeurs-refuges contre
l'inflation. Alors que Mc Kinnon et Shaw (1973) s'attachent à
considérer la répression financière comme le fait que le
rendement réel de la monnaie {différence entre taux nominal sur
les dépôts et inflation) est réprimé, Vogel et Buser
la décrivent en terme de risque croissant attaché à ce
même rendement. D'où l'idée que la libéralisation
financière peut prendre deux formes: une augmentation du rendement
réel de la monnaie et une stabilisation du niveau du rendement
réel (une baisse du risque attaché à la détention
de monnaie).
Mathieson (1979), quant à lui,
construit un modèle de libéralisation financière en
économie ouverte. L'idée principale consiste à tenir
compte des variations possibles du taux de change réel induites par la
libéralisation financière. En effet, l'augmentation des taux
d'intérêt réels consécutive à la levée
de la répression financière peut susciter de très
importantes entrées de capitaux. Celles-ci sont essentiellement dues au
comportement des entreprises domestiques.
En effet, la libéralisation financière, qui
renchérit de manière importante le coût du crédit,
peut pousser les entreprises à emprunter à l'extérieur du
pays. On peut donc assister à des entrées massives de capitaux"
propres à alimenter des pressions inf1ationnistes. Dans un
système de change fixe, et dans la mesure oll la balance globale des
paiements devient excédentaire suite à des entrées de
capitaux, on assiste à une augmentation automatique (en l'absence de
politique de stérilisation) de l'offre de monnaie,
phénomène générateur d'inflation. Cette hausse des
prix réduit le niveau des taux d'intérêt réels, ce
qui peut provoquer une nouvelle hausse des taux nominaux.
Pour éviter ce problème, Mathieson (1979)
préconise une dévaluation importante de la monnaie pour
accompagner la politique de libéralisation financière. Cette
dévaluation viendra réduire les entrées de capitaux, et
donc, la hausse non désirée des taux d'intérêt.
Enfin, des modèles récents viennent enrichir
l'approche initiale de Mc Kinnon et Shaw (1973). C'est le cas, notamment, des
travaux de N. Roubini et X. Sala-i-Martin (1992). Leur modèle vise
à étudier les conséquences des distorsions exogènes
sur les marchés financiers (en particulier, l'existence d'une
répression financière) et sur la
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croissance de long terme. Ils s'appuient sur les
hypothèses suivantes: le développement financier améliore
la croissance de long terme de l'économie grâce à
l'augmentation de la productivité marginale de l'investissement qu'il
génère; le gouvernement peut voir dans la répression
financière un moyen privilégié d'accès à des
ressources bon marché. Il peut donc avoir intérêt à
empêcher le développement du secteur financier dans la mesure
où celui-ci rend la perception de l'impôt d'inflation plus
difficile. La répression financière, en interdisant le
développement financier, expliquerait les écarts de
développement entre les différents pays.
L'approche de McKinnon et Shaw (1973) conduit donc,
invariablement, à souligner le caractère néfaste de la
répression financière. La mise en place de taux nominaux
administrés ou de réserves obligatoires et la poursuite de
politiques monétaires trop laxistes génératrices
d'inflation affecteraient négativement la croissance
économique.
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