02- Le foncier :
02-1- La taille des exploitations et leurs modes
d'acquisitions :
Les enquêtés de notre échantillon
possèdent des terres dont la superficie varie de 5 à 200
hectares.
Selon les résultats des enquêtes, on peut classer
les exploitations en fonction de la superficie des terres en trois
catégories :
- Les exploitations de petite taille, dont la surface est
inférieure ou égale à 50 hectares (66 %).
- Les exploitations de taille moyenne, dont la surface est
comprise entre 50 à100 hectares (24 %). - Les exploitations de grande
taille, dont la surface dépasse les 100 hectares (10 %).
La majorité des exploitations de la commune de Zaafrane
au niveau de notre échantillon enquêté sont de petites
tailles (33/50). Généralement, les petites exploitations sont
celles qui ont été acquises soit par achat ou par
héritage, ce dernier processus est la principale cause de l'amenuisement
continuel de la taille des exploitions dans notre région
d'étude.
La catégorie des grandes exploitations est
composée exclusivement par les riches et les notables de la commune de
Zaafrane ; cela nous montre la place qu'occupe le foncier dans le
phénomène d'acquisition du pouvoir. De ce point de vue, au fur et
à mesure que l'individu possédera de vaste superficie de terre,
le revenu de son exploitation augmentera et il sera perçu en tant que
riche. Par conséquent, il occupera une place entre les notables de la
commune.
02-2- Le statut juridique des terres :
Les terres de la steppe algérienne sont soit : des
terres privées, soit des terres collectives gérées par les
tribus (terres tribales), soit des terres communales gérées par
la commune, ou bien des terres domaniales (appartenant au domaine public)
gérées par l'Etat. Toutefois, à l'exception de terres
cédées dans le cadre de l'APFA en 1983 (accession à la
propriété foncière agricole), les terres des zones
steppiques sont juridiquement propriété de l'Etat, selon le code
pastoral (1975). Les résultats des enquêtes ont
révélés que 40 % (20/50) des terres que possèdent
les agents économiques éleveurs de notre échantillon sont
de statut collectif (terres de tribus). Ces vastes espaces à usage
commun dans la steppe algérienne, marqués par la grande
mobilité des groupes ou communautés ethniques sans habitats
fixes, sont la proie d'une agitation politique continuelle liée aux
conflits sur l'espace et à l'opposition au pouvoir central (Chiche,
1992). Mais bien qu'ancien, ce droit traditionnel fait encore
référence, car il intègre de multiples pratiques
liées à l'exploitation des ressources et à la conduite des
troupeaux. Ces usages se trouvent parfois consignés dans des coutumiers,
mais relèvent le plus souvent d'un droit oral qui ne s'appuie pas sur
d'autres preuves que la reconnaissance par le voisin et l'ancienneté
avérée et reconnue par l'usage. L'utilisation des terres
collectives et les conditions d'usage sont donc plus ou moins
contrôlées par les collectivités. Ces organisations
coutumières sont d'une grande variété mais toutes
marquées par leur fragilité et leur progressive inadaptation aux
changements actuels. Elles reposent sur quelques règles simples
(Bourbouze, 1999). L'espace est découpé en territoires pastoraux
aux limites précises connues de tous et intégrant
différents niveaux sociaux, confédération de tribus,
tribu, fraction, village, voire lignage.
79
C'est l'appartenance au groupe (héréditaire,
donc un droit du sang en quelque sorte) qui ouvre l'accès aux ressources
aux seuls ayants droits précisément identifiés.
Le statut domanial représente 26 % (13/50) de
l'ensemble des terres des éleveurs enquêtés. Le premier
texte posant les règles générales sur les concessions de
terres domaniales en Algérie ainsi que la création des centres de
colonisation, est un arrêté de Maréchal Thomas Bugeaud , en
date du 18 avril 1841. C'est le système de la concession gratuite, le
concessionnaire doit résider sur le sol qui lui a été
concédé, élever toutes les constructions utiles pour son
exploitation, débroussailler, défricher et planter etc. Le titre
définitif n'est attribué qu'après l'accomplissement des
conditions imposées par le titre de concession. Tant que le titre n'est
pas définitif, le colon ne pouvait ni vendre ni hypothéquer la
terre, en tout cas sans autorisation administrative. La terre ainsi
concédée est donc juridiquement inaliénable, par suite
insaisissable. Cet arrêté est modifié et
complété par les ordonnances du 21 juillet 1845 et du 9 novembre
1845 , aux termes desquelles les concessions sont accordées et les
acquéreurs tenus de payer une redevance. Enfin, on admet la vente aux
enchères publiques, la vente de gré à gré
après estimation préalable, l'échange. Une ordonnance du 5
juin 1847 permet au Gouverneur général d'accorder des concessions
ne dépassant pas 25 hectares. Après l'indépendance, la
première forme d'accès à l'exploitation de la terre du
domaine privé de l'Etat en Algérie est celle contenue dans la loi
10-03 du 15 août 2010, fixant les conditions d'exploitation des terres du
domaine privé de l'Etat. L'accès à ces terres est
réservé en priorité aux membres des exploitations
agricoles collectives ou individuelles actuelles créées dans le
cadre de la loi 87-19 du 18 décembre 1987. Cette formule concerne 2,5
millions d'hectares exploitées par 118 000 personnes dans près de
97 000 exploitations (statistiques du ministère de l'agriculture et du
développement rural 2010). Ensuite, pour les terres rendues disponibles
sur appel à candidatures, parmi les exploitants concessionnaires
restants dans le cas d'une exploitation agricole à plusieurs exploitants
concessionnaires, aux exploitants concessionnaires riverains en vue d'agrandir
leurs exploitations, aux personnes ayant des capacités techniques et
présentant des projets de consolidation et de modernisation de
l'exploitation agricole. Le droit de concession est accordé par acte
établi par l'administration des domaines pour une durée de 40 ans
renouvelable à la demande de l'exploitant concessionnaire, en
contrepartie du paiement d'une redevance domaniale dont le montant a
été fixé par l'article 41 de la loi de finances
complémentaire pour 2010.
En ce qui concerne les terres privées au niveau de
notre échantillon, elles représentent un taux de 24 % de
l'ensemble. Le désir d'appropriation dans la steppe algérienne
lié au souci de s'accaparer des terres de parcours à titre
individuel pour les semer en céréales ou les complanter, s'est
considérablement renforcé au fil des années. Sous les
effets de la pression démographique, de très nombreux collectifs
dans les sites les plus favorables furent ainsi partagés au sein des
communautés et mis en culture tout au long du 20ème
siècle. Le passage d'un système pastoral à un
système d'élevage mixte recourant partiellement à des
ressources alimentaires d'origine agricole (chaumes, paille, grains, repousses
sur jachères...) fut donc progressif, s'accélérant dans la
deuxième moitié du siècle et remontant vers les
régions les moins favorables. Sur les steppes algériennes, la loi
83-18 du 13 août 1983 portant sur "l'accès à la
propriété foncière agricole" (APFA) ouvre des
possibilités d'investissement sur les terres de tribu, mises à
profit par de nombreux détenteurs de capitaux urbains totalement
étrangers à la steppe (Bedrani, 1993 ; Chassany, 1994). C'est une
appropriation officielle des terres du domaine public, mais qui s'inscrit dans
un climat hostile et dont les résultats sont très
décevants : investissements inadaptés, systèmes non
durables...ect. Cette formule a été confortée par la loi
d'orientation agricole en son article 18. Depuis 1983, cette loi a permis
l'attribution de 687 000 hectares à 106 000 bénéficiaires
(statistiques du ministère de l'agriculture et du développement
rural, 2010). Tandis que les terres de statut communal représentent
seulement une infime partie qui est de 10 % (5/50) de l'ensemble de notre
échantillon enquêtés dans la commune de Zaafrane (voir
figure N° : 14).
80
Figure N° 14 : Le statut juridique des terres
au niveau de notre échantillon enquêté
|