Publicités commerciales et protection du consommateur en Côte d'Ivoire.par Paul-Philippe Albert DJEDJESS Université Catholique de l'Afrique de l'Ouest (UCAO) - Master 2 2018 |
B. L'élément matérielQuelles que soient la forme et le support publicitaire utilisés, la publicité est répréhensible lorsqu'elle comporte une tromperie sur l'un ou l'autre des éléments indiqués par la loi en fonction du consommateur moyen35(*). La publicité commerciale telle que définie plus haut36(*), fait intervenir dans son champ d'application différentes formes et cela, quel que soit le support par lequel elle est transmise. La généralité des termes employés par la loi permet d'englober « toute publicité comportant sous quelque forme que ce soit, des allégations, indications ou présentations fausses (...) »37(*). En se déclarant applicable aux allégations, indications ou présentations de nature à induire en erreur, la loi englobe aussi bien les textes écrits ou parlés que les messages exprimés par un dessin, une photographie, un bruitage, une omission. L'allégation fausse ou de nature à induire en erreur, est une affirmation qui prend un sens particulier en la matière, puisqu'elle laisse croire au cocontractant à une proposition relative au bien ou au service qui s'avère inexacte38(*). L'un des exemples les plus célèbres est l'affaire « Tang » : dire qu'une boisson composée de produits chimiques a le goût de fruits pressés est une affirmation exacte ; mais placer à côté de la boisson chimique des oranges fraîches peut laisser croire qu'elle est faite à base de fruits frais39(*). L'indication fausse ou de nature à induire en erreur par contre, consiste en l'attribution de qualités au produit ou au service qu'il n'a pas40(*). C'est l'exemple del'affiche laissant croire aux consommateurs qu'ils bénéficiaient d'une garantie de cinq ans, les conditions particulières de cette prétendue garantie étant dissimulées dans un coin, en très petit caractère41(*). Quant à la présentation fausse ou de nature à induire en erreur, elle renvoie aux modalités de rédaction du message publicitaire42(*).Il en va ainsi des mentions rectificatives ou des conditions de l'offre écrites en petits caractères, illisibles43(*). L'annonceur peut choisir de diffuser la publicité délictueuse sur divers supports à savoir un panneau d'affichage44(*), bon de commande et facture45(*), prospectus et catalogue46(*), radiotélévision etc.Nombreuses sont les publicités qui renvoient à des précisions et autres conditions identifiés par des astérisques, une étoile, un chiffre ou une autre technique. Le consommateur doit avoir connaissance de ces mentions ; mais encore faut-ilpour cela qu'il puisse les lire correctement. Leur présentation illisible peut être sanctionnée de publicités trompeuses. En outre, la publicité mensongère ou trompeuse n'est punissable que si elle porte sur un objet et dans un lieu bien déterminé47(*). De l'objet de la publicité litigieuse, le législateur affirme qu'elle doit porter sur un objet bien précis qui peut être soit un produit, soit un bien ou un service. La notion de produit comporte tout résultat d'un processus de fabrication.Le vocable `'services'' désigne toutes prestations immatérielles ou pour lesquelles la fourniture d'un produit constitue qu'un élémentsecondaire (activités de conseils, locations, réparations...). La notion de `'biens'' quant à elle recouvre toute une généralité. On peut citer : les immeubles et titres mobiliers (actions, obligations etc.)48(*) En ce qui concerne le lieu de la publicité, « le délit de publicité mensongère ou trompeuse est constitué dès lors que la publicité est faite, reçue ou perçue en Côte d'Ivoire »49(*). La publicité qui est faite est celle dont l'auteur y est établi ou y exerce son activité commerciale. Elle est conçue en Côte d'Ivoire, par des professionnels de la publicitéet diffusée par des supports de droit ivoirien. La publicité qui n'est pas reçue ou perçue en Côte d'Ivoire donc étrangère, est celle dont la conception a été produite par des professionnels étrangers mais qui est par contre diffusée en Côte d'Ivoire. Elle apparaît sur le marché ivoirien par l'intermédiaire de canaux étrangers après contrôle et autorisation des organes ivoiriens de régulation de la publicité. Si la création publicitaire est faite en Côte d'Ivoire, il ne se pose aucun problème, on peut être sceptique lorsqu'elle y est que reçue ou perçue50(*).En plus de tous les moyens utilisés par les publicitaires, pour être condamnable, la publicité litigieuse doit contenir des éléments bien définis par la loi. Le législateur ivoirien, à travers l'article 03 de la loi portant interdiction et répression de la publicité mensongère ou trompeuse, dresse une liste d'éléments sur lesquels la publicité trompeuse doit porter pour être répréhensible.Ainsi, la publicitésera considérée comme publicité mensongère ou trompeuse, lorsque les éléments portant sur « L'existence, la nature, la composition, les qualités substantielles, les teneurs en principes utiles, l'espèce, la quantité, le mode et la date de fabrication, la propriété du bien, du produit ou du service sont autant d'éléments qui portent sur l'essence même de l'objet de la publicité »51(*). Il y aura tromperie sur l'existence, la disponibilité, la composition ou la nature d'un bien ou d'un service, lorsque l'annonceur offrira à sa clientèle des biens ou services qu'il n'aura pas en sa possession ou qui fait état de fausses propriétés. C'est l'exemple d'un restaurateur qui propose sur sa carte des plats qu'il ne sert pas52(*) ou bien d'annoncer des promotions massives sur des articles en quantité insuffisante53(*) Les tromperies sur les caractéristiques essentielles du bien ou du service concernent ses qualités substantielles, sa composition, son origine, sa quantité, son mode et sa date de fabrication. Ainsi, il y aura tromperie par exemple au casoù la publicité faite en faveur d'une boisson chocolatée qui contiendrait une grande quantité de pur cacao alors qu'en réalité la teneur en cet élément n'est que de 20% (qualités substantielles, teneur en principes utiles). * 35 Le consommateur moyen peut être défini comme étant normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l'égard d'un bien ou d'un service. * 36 Voir introduction. * 37 Art. 3 de la loi n°91-1000, précitée. * 38 ARCELIN LECUYER (L.), Droit de la publicité, leçon 8 : la loyauté dans la publicité, Université Numérique Juridique Francophone, p. 9. * 39 C.A. Versailles, 17 mai 1978 et Cass. crim., 13 mai 1979. * 40ARCELIN LECUYER (L.), Droit de la publicité, leçon 8 : la loyauté dans la publicité, Université Numérique Juridique Francophone, p 7. * 41 Trib. corr. Grenoble, 8 mai 1978. * 42 ARCELIN LECUYER (L.), op. cit., p. 8. * 43 Cass. crim., 23 fév. 2010, n°09-80960. * 44 Cass. crim., 22 déc. 1987, n°86- 92. 463. * 45 Cass. crim., 14 nov. 2000, n°98-85.778, BID 2001, n°4, p.24. * 46 C.A. Douai, 4e ch., 14 oct. 1992. * 47 Loi n°91- 1000 portant interdiction et répression de la publicité mensongère ou trompeuse. * 48 Trib., corr. Paris 25 fév. 1977 : Annonce publicitaire portant sur un immeuble dont la vente serait séparée des droits d'usufruit et de nue-propriété alors que le démembrement du droit de propriété réalisé par l'opération en cause rend les mentions contenues dans la publicité inexactes. * 49Art. 4 de la loi n°91-1000 sus-indiquée. * 50 Pr ISSA-SAYED (J.), LE DROIT IVOIRIEN DE LA CONCURRENCE, communication faite à un colloque sur le droit de la concurrence, Ouagadougou, février 2003. * 51 Art. 3 de la loi n°91-1000 sus-indiquée. * 52C.A. Paris, 13e Ch., 19 mai 1987, Juris-Data n° 1987- 024678. * 53Cass. crim., 24 mars 2009, n°08-86534. |
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