Publicités commerciales et protection du consommateur en Côte d'Ivoire.par Paul-Philippe Albert DJEDJESS Université Catholique de l'Afrique de l'Ouest (UCAO) - Master 2 2018 |
CONCLUSIONINTRODUCTION« Dieu lui-même croit en la publicité puisqu'il a mis des cloches dans chacune de ses églises »1(*). Cette citation de Sacha Guitry montre avec une certaine ironie l'utilité de la publicité. Aujourd'hui, la publicité est indispensable dans la vie du consommateur. Elle lui permet de s'informer sur les produits et services et d'avoir une variété de choix. Toutefois, le consommateur n'a pas toujours une connaissance réelle et approfondie du rôle de la publicité. Rare sont les personnes qui s'interrogent sur la véracité ou l'authenticité des informations véhiculées par la publicité avant de contracter.Ce constat n'est pas sans influence dans la vie du consommateur. Car, l'équilibre des rapports qui devrait exister entre les consommateurs ivoiriens et les professionnels n'est pas toujours respecté par ces derniers du fait du non-respect des règles régissant la publicité commerciale. C'est sans doute, les raisons qui ont motivé le choix de notre sujet :« PUBLICITES COMMERCIALES ET PROTECTION DU CONSOMMATEUR EN COTE D'IVOIRE ».Le point de jonction entre la publicité commerciale et un segment du droit de la consommation (la protection des consommateurs) pose d'emblée un problème de délimitation qui ne peut être résolu sans une définition au préalable des termes du sujet. Deux courants de définition peuvent être distingués pour caractériser la publicité. Le premier, plus large, se contente de lier publicité et information.Elle est définie comme étant un moyen d'information destiné à permettre au client potentiel de se faire une opinion sur les caractéristiques des biens ou services qui lui sont proposés2(*). Le second, restrictif, associe publicité et promotion. La promotion des ventes est l'ensemble des techniques tendant au développement des ventes. Définie au regard du critère promotionnel, la publicité est l'ensemble des techniques mises en place afin d'inciter à l'achat en proposant des offres attractives, sur les prix par exemple3(*). Le dernier critère est le plus retenu en ce sens qu'il a été adopté par le lexique des termes juridiques qui définit la publicité comme toute communication quelle qu'en soit la forme destinée à promouvoir la fourniture de biens ou de services4(*). La publicité commerciale n'a pas fait expressément l'objet d'une définition juridique en droit ivoirien. Toutefois, il s'agit de celle qui prend la forme de « toute communication de caractère commercial, industriel ou professionnel faite dans le but de promouvoir la fourniture de biens ou services et de manière générale, tous les moyens utilisés pour faire connaître une personne physique ou morale, ou bien, un produit ou un service ou pour inciter à l'achat ou à la demande de bien ou service quels que soient les supports utilisés y compris les emballages, les étiquettes ainsi que les documents commerciaux »5(*). Ce qui caractérise la publicité commerciale, c'est avant tout de promouvoir la fourniture de biens et services. Contrairement à la publicité non commerciale qui en plus d'avoir un caractère non lucratif, ne communique que des informationsutiles au public.Si toute publicité est une communication, l'inverse n'est pas exact. Il convient de faire la distinction entre quelques notions voisines de la publicité à savoir les communications d'opinions, ainsi que d'autres communications commerciales. La communication d'opinion est définie comme le message ayant pour objet de donner le point de vue de l'entreprise sur un thème donné afin de faire changer l'opinion du public ou des pouvoirs publics. Le message véhiculé n'a pas de but lucratif.La notion de communication semble plus large que celle de publicité commerciale. Elle ne se résume pas uniquement à la publicité, mais peut englober d'autres formes. Elle est utilisée dans certains textes à la place du terme publicité. Ainsi, la loi n°91-1000 du 27 décembre 1991 portant interdiction et répression de la publicité mensongère ou trompeuse en Côte d'Ivoire l'exprime en son article 1 en tant que « toute communication de caractère commercial, industriel ou professionnel faite dans le but de promouvoir la fourniture de biens.» Par ailleurs, la publicité commerciale intervient principalement dans le mécanisme contractuel dès l'entame de celui-ci.Elle entre précisément dans la phase précontractuelle. Les relations entre le consommateur et le professionnel sont encadrées par le droit de la consommation avant le contrat qui les lie afin de garantir une protection maximale au consommateur.Pour s'en rendre compte, on peut citer la décision de se rendre dans un point de vente ou un magasin, d'entrer dans une boutique (par exemple, après avoir pris connaissance d'une affiche dans la vitrine ou d'un panneau d'affichage dans la rue), d'accepter une présentation commerciale faite par un professionnel, ou d'effectuer une réservation en ligne. Le consommateur doit être informé de manière lisible et compréhensible par le professionnel : il doit lui communiquer les caractères essentiels des produits ou prestations, leurs prix ainsi que toutes les informations utiles et préalables à la conclusion d'un contrat6(*).Cette obligation qui pèse sur tout professionnel fait souvent défaut au mépris des droits des consommateurs.Il convient pour la bonne compréhension du sujet, de définir la notion de consommateur. Le Professeur Jean Calais AULOY, définit le consommateur commeune personne physique qui se procure ou qui utilise un bien ou un service dans un but non-professionnel7(*). Pour lui, qu'il s'agisse du consommateur qui se procure ou qui utilise, il est presque toujours une personne physique dans la mesure où l'exclusion du caractère professionnel suppose l'existence de besoins privés. Toutefois, il peut arriver que certaines personnes morales de droit privé, ayant une activité non professionnelle, prennent la qualité de consommateur : par exemple des associations sans but lucratif, des syndicats de copropriétaires8(*). En Côte d'ivoire, le terme consommateur apparaît pour la première fois dans la loi du 1er août 1905 sur la répression des fraudes dans la vente des marchandises et des falsifications des denrées alimentaires et des produits agricoles. Aussi, les lois n°91-999 relatives à la concurrence et n°91-1000 interdisant et réprimant la publicité mensongère ou trompeuse. Ces lois faisaient mention du terme sans qu'aucune définition n'en soit donnée. Il faut attendre plus d'un demi-siècle après l'indépendance de la Côte d'ivoire pour voir l'adoption de la loi n°2016- 412 du 15 juin 2016 relative à la consommation.Au sens de ladite loi, on entend par consommateur, « toute personne qui : - achète ou offre d'acheter des technologies, des biens ou services pour des raisons autres que la revente ou l'utilisation à des fins de production, de fabrication, de fourniture de technologie ou de prestations de services ; - reçoit ou utilise des technologies, des biens ou services pour lesquels il y a déjà eu un paiement ou une promesse de paiement ou tout autre système de paiement différé. Cette définition inclut tout utilisateur de technologies, de biens et de services autres que la personne qui les achète ou en paie le prix lorsque cette utilisation est approuvée par l'acheteur »9(*) La définition du consommateur donnée par le législateur ivoirien est imprécise sur la nature juridique de la personne considérée comme étant consommateur. Comparé au droit français, le code de la consommation est clair en définissant le consommateur comme étant une personne physique.10(*) Cette imprécision a fait l'objet de plusieurs débats doctrinaux11(*) et laisse sous-entendre que les professionnels pourront dans une certaine mesure se prévaloir de la qualité de consommateur pour bénéficier de certains droits réservés à ces derniers. Néanmoins, il faut noter que suite aux excès connus au sein de la société de consommation ivoirienne, pouvoirs publics, professionnels et associations de défense ont mis en avant la position de faiblesse dans laquelle se trouvait le consommateur face aux professionnels. C'est donc afin de protéger le consommateur contre les abus dont il est objet que s'est développé un corps de règles spéciales contenu dans la loi relative à la consommation sus-indiquée. La protection du consommateur dans notre cadre d'étude se définit à deux niveaux. Elle consiste d'une part, à l'édiction d'un ensemble de règles légales destinées à garantir les droits des personnes exposées à toutes sortes d'informations précontractuelles en dehors des professionnels eux-mêmes. Et d'autres part, à la mise en place d'institutions destinées à sauvegarder sa santé, ses intérêts économiques et à préserver son cadre de vie en lui conférant les moyens de les défendre et en assurant une meilleure application des règles en la matière. Comme les sentiments qu'elle inspire, la notion de publicité de nos jours est protéiforme. Entre ses supports variés (affiches classiques, affiches digitales, télévision, radio, internet, tracts...), et le contenu de ses messages qui peuvent vanter de façon isolée le produit ou le comparer à un autre à travers la publicité comparative12(*).Il s'agira de s'appesantir surles publicités liées à la santé, aux intérêts économiques et touchant au cadre de vie des consommateurs. Initialement, la protection du consommateur, à une époque où le terme n'existait pas encore, était assurée ponctuellement, par l'intermédiaire du droit pénal ainsi que du droit commun des contrats. Les relations entre clients et fournisseurs, essentiellement rurales, étaient des relations de confiance : le fournisseur cherchait alors à préserver sa réputation.13(*) Pourtant, avec la mondialisation, l'urbanisation, le développement des transports et la création de grands magasins, c'est l'anonymisation et le déséquilibre qui vont progressivement caractériser les rapports économiques. L'autonomie de la volonté comme garant de l'équilibre contractuel conserve son emprise : le législateur comme le juge refuse encore de protéger en tant que tel le consommateur14(*). Il faut attendre une loi française du 1er août 1905 sur les fraudes et falsifications en matière de produits ou de services pour voir naître une protection embryonnaire du consommateur. En effet, ce texte sanctionne pénalement plusieurs délits de tromperie et de falsification sur la marchandise vendue, tout particulièrement les manoeuvres dolosives du vendeur. Les années 1960 constituent une période de développement économique majeur, qui conduit à multiplier l'offre faite aux consommateurs et généralement à améliorer leur qualité15(*). La disproportion des forces entre le consommateur et le professionnel résulte de la mise en place de stratégies de publicité et de marketing destinées à inciter les consommateurs à réaliser des achats parfois inutiles ou déraisonnables, pouvant les conduire à une situation financière périlleuse16(*). La faiblesse économique et l'isolement du consommateur justifient déjà sa protection. Mais, en outre la tendance est de faire du consommateur un assisté, incapable de résister à la tentation suscitée notamment par la publicité : il faut le protéger contre lui-même17(*).C'est en réaction à ce phénomène que naît le mouvement consumérisme. Le mouvement s'étend en Europe dans les années 1970, les pouvoirs publics européens vont alors prendre conscience que la libre concurrence ne suffit pas à réguler le marché et au contraire, qu'elle peut donner lieu à certains abus qu'il convient de sanctionner voire de prévenir. Les droits du marché apparaissent alors : le droit de la concurrence vise ainsi à prévenir ces comportements nuisibles à la structure du marché et le droit de la consommation est destiné à assurer la protection des consommateurs. Sous l'influence du mouvement consumérisme, plusieurs textes sont adoptés parmi lesquels est voté, le 09 Avril 1985, par l'Assemblée Générale de l'Organisation des Nations Unies des «Principes Directeurs pour la Protection du Consommateur» (P.D.P.C.) qui légitimera définitivement les droits du Consommateur en tant que tel sous la forme de huit droits fondamentaux18(*). EnEurope et plus précisément en France, cela va aboutir à l'adoption, par la loi n°93-949 du 26 juillet 1993 d'un Code de la consommation modifié par l'ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016 relative à la partie législative du Code de la consommation. L'objectif étant de faciliter la connaissance de leurs droits par les consommateurs. A la suite de l'Union Européenne,le législateur communautaire de l'UEMOA et les législateurs nationaux africains ont pris un ensemble de règles destinées à protéger les consommateurs. Dans ce cadre, un projet de législation communautaire sur l'information et la protection des consommateurs est créé visant à leur donner un sentiment de sécurité, à leur assurer un minimum de stabilité sociale19(*). En Côte d'Ivoire, le pilier législatif de base est constitué par la nouvelle loi n°2016-412 du 15 juin 2016 relative à la consommation et la loi n° 91-1000 du 27 décembre 1991 portant interdiction de la publicité mensongère ou trompeuse. Ces lois visent à assurer la protection du consommateur et particulièrement contre les pratiques publicitaires malhonnêtes des professionnels. Il est primordial de protéger le consommateur, parce que la publicité doit respecter ses intérêts, stimuler la demande tout en honorant les conditions auxquelles elle est soumise avant sa diffusion.Elle ne doit pas le manipuler ou le tromper. En tant que cible directe de tout message publicitaire, les consommateurs se trouvent atteints dans leurs droits fondamentaux à l'information claire et loyale, leur droit à la sécurité, ainsi que celui à un environnement sain par les diverses pratiques publicitaires. Leur protection implique des exigences imposées par la loi quant au contenu qu'à la forme de la publicité commerciale. L'un des dangers majeurs que pourrait constituer la publicité commerciale malveillanteou non encadrée, peut découler du fait qu'elle est susceptible d'affecter le jugement du consommateur sur ce qui lui est proposé comme produit ou service de sorte à faire des choix peu judicieux. Aussi, avec l'avènement des technologies de l'information et de la communication, les supports et stratégies publicitaires se sont perfectionnés sans pour autant que les règles et les organes de contrôles s'adaptent à cette évolution. Notre sujet présente un intérêt juridique et théorique. L'intérêt juridique se justifie en ce sens que le consommateur est lésé dans ses droits face aux pratiques publicitaires malhonnêtes des opérateurs économiques ainsi qu'aux nouvelles formes de communications publicitaires.C'est l'exemple de plusieurs consommateurs ivoiriens, abonnés de la compagnie de téléphonie mobile MTN qui à la suite d'une offre promotionnelle faite par la compagnie annonçant 5Go d'internet pour 10.000frs au lieu de 19.000 frs n'ont pas bénéficié des avantages escomptés20(*). L'agence soutenait un dysfonctionnement de leur service pendant la période de la promotion. Face à ces situations déplorables, il convient que le consommateur puisse connaître ses droits et les faire valoir devant les instances judiciaires lorsqu'il est trompé par de fausses informations publicitaires. L'intérêt théorique s'explique au travers de l'existence d'un cadre juridique encadrant la publicité commerciale mais qui se révèle au cours de notre étude insuffisant. D'où, la nécessité de proposer de solutions pour l'améliorer. Dès lors, il importe d'axer la réflexion sur l'efficacité juridique de la protection du consommateur face à la publicité commerciale en Côte d'Ivoire. En d'autres termes, le consommateur ivoirien est-il suffisamment protégé par les règles et institutions encadrant la publicité commerciale? Ainsi, après avoir justifié l'existence d'uncadre juridique ivoirien réglementant la publicité commerciale (Partie 1), il sera question d'y relever les limites afin de proposer des solutions pour une protection améliorée du consommateur ivoirien (Partie 2). * 1 GUITRY (S.) extrait du site L'Etudiant, https://www.letudiant.fr/les-citations-sur-la-publicité (consulté le 2 mars 2018). * 2ARCELIN LECUYER (L.), Droit de la publicité, Leçon 1 : Introduction, Université Numérique Juridique Francophone p. 2. * 3 Ibidem. * 4 CORNU (G.), Vocabulaire juridique, 9e éd., Paris, Association Henri Capitant, 2011, PUF, p. 823. * 5 Art. 1 de la loi n°91-1000 du 27 décembre 1991 portant interdiction et répression de la publicité mensongère ou trompeuse en Côte d'Ivoire. * 6 ARCELIN (L.), Droit de la publicité, Leçon 8 : La loyauté dans la publicité, Université Numérique Juridique Francophone, p.3 * 7 CALAIS-AULOY (J.), STEINMETZ (F.), Droit de la consommation, 9e éd., 2015, Dalloz, p.7 * 8 Paris, 13 nov.1997 (D.1998.IR.11) * 9 Art. 1 de la loi n°2016-412 du 15 juin 2016 relative à la consommation * 10 Article liminaire du Code de la Consommation français. * 11CALAIS-AULOY (J.), STEINMETZ (F.),Droit de la consommation, op.cit., p.9 La doctrine majoritaire retenait généralement que seules les personnes physiques peuvent être qualifiées de consommateur, dans la mesure où le but extra professionnel suppose l'existence de besoins privés. Pourtant la personne morale qui exerce une activité non professionnelle pourra parfois bénéficier de la protection consumériste. Le droit de la consommation a une finalité protectrice. Dans cette hypothèse, il trouve à s'appliquer dès lors qu'un professionnel contracte en situation de faiblesse. Autrement dit, lorsqu'il intervient en dehors de son domaine de compétence (par exemple l'achat d'un logiciel de comptabilité par un médecin.) * 12La publicité comparative est définie comme étant la publicité qui met en comparaison des biens ou services en identifiant implicitement ou explicitement un conçurent. Quel que soit le support autorisé, la publicité comparative reste soumise au respect d'un certain nombre de conditions cumulatives. Ces exigences visent à protéger les consommateurs mais également les professionnels. La publicité comparative en elle-même est légitime. Elle devient préjudiciable lorsqu'elle dénigre les produits d'un autre concurrent. C'est une forme de publicité règlementée parce que faussant le jeu de la concurrence. Cependant, elle ne fait pas l'objet de notre étude parce que touchant directement aux intérêts des professionnels et moins ceux des consommateurs. * 13 ETIENNEY (A.),Droit de la consommation, Leçon 1 : Introduction, Université Numérique Juridique Francophone, p. 2 * 14 ETIENNEY (A.), ibid., p. 3 * 15 Ibid. * 16ETIENNEY (A.), op. cit., p. 4 * 17 Ibid. * 18 Extrait du site de l'UEMOA Source : htpps://docplayer.fr/12910374-Programme-qualite-uemoa-onudi-ue-projet-de-legislation-communautaire-sur-l-information-et-la-protection-des-consommateurs-expose-des-motifs.html (consulté le 20 février 2018). * 19 Site de l'UEMOA sus-indiqué * 20 Amy, KOACI.COM, http://koaci.com/m/cote-divoire-temoignage-dune-victime-publicite-mensongère consulté le 9 mars 2017 |
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