Dette du petrocaribe à l'épreuve des droits économiques et sociaux en Haïti.par Jean-DonàƒÂ¨s LETANG Université Catholique de Louvain Saint-Louis-Bruxelles - Master de spécialisation en droits de l'homme 2018 |
1.3-Explosion de la dette externe d'Haïti au coeur du détournement des fonds du PetrocaribeLa mauvaise gestion de ce fonds par Haïti a entrainé une augmentation croissante de la dette externe publique. Cette conséquence néfaste préjudicie aux droits des couches les plus vulnérables. Pourtant cette aide publique au développement octroyée par le Venezuela à Haïti visait à favoriser la mise en oeuvre des infrastructures de développement. Sa mauvaise gestion caractérisée par la corruption fait naitre aujourd'hui une dette odieuse pour Haïti en répétant l'expression de Erick Toussaint29. Ziegler a déclaré : « A mon avis, doivent être considérées comme dettes odieuses toutes les dettes extérieures des pays du tiers-monde qui induisent le sous-développement économique, la réduction des populations au servage et la destruction des êtres humains par la faim »30. Cette observation faite par Ziegler ne fait que décrire la réalité de l'endettement d'Haïti depuis son entrée dans l'alliance pétrolière dénommée Petrocaribe. Ce fonds n'ayant pas été utilisé au bénéfice de la population haïtienne. Dans ces conditions, « Haïti est le pays le plus pauvre de l'Amérique latine et le troisième plus pauvre 27. Voir à ce sujet : : http://elsie-news.over-blog.com/2019/05/lu-sur-le-net.la-trace-des-millions-voles-par-laurent-lamothe-michel-martelly-et-jovenel-moise.html, le 10/08/2019 28 . Gabriel Zucman, La richesse cachée des nations, Edit. du Seuil et La République des idées, 2013 et 2015, p. 72. 29. www.liberation.fr, Eric Toussaint : la répudiation de la « dette odieuse » est légitime, article écrit par Vittorio Filippis 18/12/2017, consulté le 14 juin 2019. 30 . Jean Ziegler, L'Empire de la honte, Edit. FAYARD, Paris, 2005, P. 126. Page | 13 du monde »31. D'où la justesse de la déclaration de « Kesner Pharel, économiste haïtien affirme que 2,5 millions d'haïtiens vivent en dessous du seuil de pauvreté avec moins de 1,23 dollars par jour »32. Il y a lieu de considérer qu'« Haïti est le pays le plus pauvre de l'Hémisphère occidental et marquée par des inégalités sociales criantes, plus de 78% de la population vit sous le seuil de pauvreté absolue »33. La dette extérieure représente un fardeau insupportable pour les pays en développement dont Haïti. Le poids que représente la dette publique externe d'Haïti empêche la réalisation des droits économiques et sociaux. La dette publique extérieure ne cesse de grimper en Haïti. Cette situation galopante impacte le seuil de développement du pays. En effet, « dans la Loi de finance de l'exercice fiscal 2017-2018, le montant qui est alloué au service de la dette publique s'élève à 10% du Budget national soit 13,721,382,623 milliards de gourdes du budget total de 144.200,000,000 milliards de gourdes »34. Cette dette publique externe représente un défi majeur pour la population haïtienne. L'objectif premier de Petrocaribe était d'abord de réaliser les projets de développement en vue de rendre effectif les droits économiques et sociaux au profit des populations des pays bénéficiaires. Contrairement aux obligations qui sont les leurs, les différents présidents et gouvernements qui ont été amené à gérer ce fonds ne font qu'affaiblir le pays en augmentant sa dette publique externe. Tel qu'il ressort des rapports de la CSCCA, la quasi-totalité des contrats qui ont été exécutés par des firmes nationales et internationales avec les fonds soutirés du Petrocaribe sont entachés de fraudes et d'irrégularités manifestes. De plus, il faut remarquer que la dette contractée par Haïti au titre du programme de Petrocaribe va au bénéfice catégories aisées. D'abord, ce fonds va au service des dirigeants corrompus qui ont dirigé le pays durant ces deux décennies en instrumentalisant les personnes pauvres du pays. Par ailleurs, : « l'endettement apporte nombre d'autres bienfaits aux classes dominantes autochtones. Ce sont eux qui bénéficient en premier lieu des investissements d'infrastructures lourdes financés par l'emprunt »35. Pour les dirigeants, la dette contractée au titre du Petrocaribe est vraiment avantageuse. C'est pourquoi on peut les considérer comme des « cosmocrates »36 en paraphrasant les propos de Jean Ziegler. La mauvaise gestion du fonds entraine des conséquences économiques fâcheuses. Les dirigeants haïtiens ont dilapidé des millions de cette manne financière. La fin du programme de Petrocaribe constitue un manque à gagner pour les dilapidateurs et provoque une situation économique de plus en plus dégradée entrainant la chute de la gourde, monnaie nationale. Selon le gouverneur de la BRH, les causes de la fluctuation de la monnaie haïtienne sont : « le chaos politique et les troubles civiles qui ponctuent le quotidien d'Haïti, la prise en otage de cinq sources de devises et l'inflation qui grimpe à 17,6% sont, selon Jean Baden Dubois, les différentes causes de la forte volatilité du taux de change liée à des facteurs extra- 31 Si l'on retient le revenu par habitant comme critère de classement. 32 . Voir à ce sujet : www.lenouvelliste.com , Haïti et l'extrême pauvreté : un budget de rupture s'impose, publié le 17/07/2018, consulté le 09/O7/2019. 33 . Voir à ce sujet www.cncd.be , Haïti en crise la communauté internationale responsable, le 11/08/2019 34 . Le Moniteur spécial no 27, Loi de finance de l'Exercice fiscal 2017-2018, Port-au-Prince, P.61 35 . Jean Ziegler, L'Empire de la honte, Edit. Op. Cit., P. 98. 36 . Jean Ziegler, L'Empire de la honte, Op. Cit., P. 96. Page | 14 économiques »37. Ces mouvements sont tous liés à des soupçons de dilapidation et de détournement du fonds de Petrocaribe par des politiques. Cet endettement du pays a eu lieu au mépris de la protection et de la réalisation des économiques et sociaux dans un pays où le terme de pauvreté abjecte se trouve presque sur toutes les lèvres. Cette flambée spectaculaire de la dette publique fait l'affaire des grandes STN fonctionnant dans le pays en toute impunité et qui travaillent de connivence avec des dirigeants corrompus qui n'ont aucun souci pour l'effectivité des droits humains en particulier les droits économiques et sociaux. Ces sociétés transnationales sont considérées également comme les nouveaux-maitres du monde ou les cosmocrates38 d'Haïti en utilisant l'expression de Ziegler. L'implication des multinationales dans le détournement du fonds de Petrocaribe n'est pas négligeable. |
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