Master de spécialisation en droits de
l'homme
Séminaire interdisciplinaire Travail de fin
d'études (TFE)
Thème : Dette du Petrocaribe à
l'épreuve des droits économiques et sociaux en
Haïti.
Préparé par : Jean-Donès
LETANG
Etudiant du Master de Spécialisation de
l'homme Sous la direction du professeur : Olivier DE SCHUTTER
Août 2019
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Thème : Dette du Petrocaribe à
l'épreuve des droits économiques et sociaux
en Haïti.
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Remerciements
Mes remerciements s'adressent tout d'abord à mon
estimable encadreur Monsieur Olivier DE SCHUTTER, Professeur de droit
international à l'Université Catholique de Louvain, (UCL). Ce
travail représente un dernier hommage tant mérité que
j'adresse à Ma maman Erèse BORGELLA LETANG,
décédée le 08 juillet 2019 suite d'un cancer gastrique
courageusement supportée. A mon avis, ce travail représente son
oeuvre posthume. Elle m'a donné des mots d'encouragement même aux
derniers instants de sa vie. Elle a cru dans l'éducation comme valeur
fondamentale pouvant élever chacun de ses enfants à la pleine
dimension de son être. En fin de compte, mes remerciements s'adressent
à mon épouse, ma fillette, mes soeurs et frères, tous les
membres de ma famille sans distinction aucune et à tous ceux et celles
qui ont contribué à la réalisation de ce travail de fin
d'études.
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Sommaire
Listes des abréviations, Sigles et Acronymes
utilisés 5
Introduction 6
Chapitre I-Dilapidation du fonds de Petrocaribe au
détriment de la réalisation et la protection
des droits économiques et sociaux.
8
1.1-Corruption, facteur déstabilisateur du
fonds du Petrocaribe 8
1.2- Placement des fonds détournés dans
des paradis fiscaux à l'échelle internationale 11
1.3-Explosion de la dette externe d'Haïti au
coeur du détournement du fonds de Petrocaribe 12
1.4-Responsabilité des multinationales dans le
détournement de ce fonds 14
1.5-Poursuite des faits de corruption liés
à la dette du Petrocaribe 15
Chapitre II- Impacts de la dette du Petrocaribe sur des
droits économiques et sociaux en Haïti 17
2.1-Impacts de la dette du Petrocaribe sur le droit
à l'alimentation 17
2.2- Incidences de la dette du Petrocaribe sur le
droit au logement en Haïti 21
2.3- Effets de la dette du Petrocaribe sur le droit
à l'éducation 24
2.4- Effets de la dette du Petrocaribe sur le droit
à la santé en Haïti 26
2.5- Conséquences de la dette du Petrocaribe
sur le droit à la sécurité sociale 29
Conclusion 32
Bibliographie 33
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Listes des abréviations, Sigles et Acronymes
utilisés
BMPAD : Bureau de Monétisation et des Programmes D'Aide
au Développement.
BRH : Banque de la République d'Haïti.
DUDH : Déclaration universelle des droits de
l'homme.
CSCCA : Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux
Administratif.
FAES : Fonds d'Assistance Economique et Sociale.
HUEH : Hôpital de l'Université d'Etat
d'Haïti.
FAO : Organisation des Nations Unies pour l'Alimentation et
l'Agriculture
MARNDR : Ministère de l'Agriculture des Ressources
Naturelles et du Développement
Rural.
OPS : Organisation Panaméricaine de la santé.
PIDCP : Pacte international relatif aux droits civils et
politiques.
PIDESC : Pacte International relatif aux droits
économiques, sociaux et culturels.
PDVSA : Petroleos de Venezuela S.A.1
UCLBP : Unité de Construction de Logements et de
Bâtiments Publics.
STN : Société Transnationale.
TSE : Traité de Sécurité
Energétique.
1.
https://fr.wikipedia.org/wiki/PDVSA,
consulté le 08/06/2019.
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Introduction
Dans le contexte de la mondialisation économique et la
libéralisation du marché international, la dette externe publique
constitue un fardeau insupportable pour les Etats, en particulier les Etats
pauvres comme Haïti. La dette à l'instar de la faim constitue l'une
des véritables limites des Etats en développement dans un monde
globalisé. En effet, la quasi-totalité des Etats de la
planète sont endettés parmi lesquels Haïti. Tout d'abord, le
Petrocaribe est une convention énergétique que 18 Etats de la
région des Caraïbes et certains Etats de l'Amérique centrale
ont bénéficié. Haïti est partie à cette
convention. Cet accord a été contracté entre les
République d'Haïti et du Venezuela. Cet accord: « est une
alliance entre les pays des Caraïbes et le Venezuela. Ce dernier, premier
pays exportateur de pétrole brut latino-américain, permet aux
pays membres de Petrocaribe de lui acheter le pétrole à des
conditions de paiement préférentielles. Cette alliance a
été créée le 29 juin 2005 en signant l'accord au
départ avec 13 pays. Elle regroupe actuellement 18 pays
»2. Cet accord bilatéral a été
signé entre les deux pays le 15 mai 2006 et ratifié par
l'Assemblée Nationale le 29 août 20063. C'est pour la
première fois depuis son histoire que l'Etat d'Haïti a
bénéficié un prêt aussi considérable.
Haïti a obtenu ce prêt à un taux préférentiel
de 1% l'an durant une période de 25 ans4. Ce traité
conclu par Haïti et le Venezuela est un Traité de
Sécurité énergétique (TSE)5. Aussi
paradoxal que cela puisse paraitre, le mauvais usage du fond de Petrocaribe
contribue foncièrement à augmenter considérablement
l'endettement de l'Etat d'Haïti vis-à-vis du Venezuela. C'est la
raison pour laquelle, « en 2008 constatant l'augmentation du prix du
pétrole sur le marché international, le président
vénézuélien proposa que les membres de cette alliance
pétrolière ne paient plus que 40% de leurs factures
pétrolières dans les 90 jours suivant la livraison et les 60%
restants dans un délai de 25 ans »6. C'est
évidemment ce pourcentage restant qui constitue la dette du Petrocaribe
en Haïti.
2 . Voir le site internet
https://fr.wikipedia.org/wiki/PetroCaribe/
Le 22/06/2019
3 . Cour Supérieure des
Comptes3 . Voir préambule de la Constitution haïtienne
de 1987 adoptée après le départ de la dictature des
Duvalier dans le pays, Port-au-Prince, P. 1.
3 . Voir CSCCA, Rapport d'Audit
spécifique de gestion du fonds Petrocaribe, No 1, Port-au-Prince, 2019,
P. 26, disponible sur le site internet :
https://www.haitilibre.com/docs/PETROCARIBE-31-01-2019.pdf,
consulté le 08/04/2019
4 . Voir CSCCA, Rapport d'audit
spécifique de gestion du fonds de Petrocaribe, Op. Cit. P. 29.
https://www.haitilibre.com/docs/PETROCARIBE-31-01-2019.pdf,
consulté le 07/052019
5. Voir CSCCA, Rapport d'audit spécifique de gestion du
fonds de Petrocaribe, No 1, Op. Cit. p. 27, disponible sur
le site internet :
https://www.haitilibre.com/docs/PETROCARIBE-31-01-2019.pdf,
consulté le 16/04/2019.
6. Voir CSCCA, Idem, disponible sur le site internet
:
https://www.haitilibre.com/docs/PETROCARIBE-31-01-2019.pdf,
consulté le 07/05/2019
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La corruption, le détournement et la mauvaise
utilisation de ces fonds ont entrainé des mouvements de mobilisation
dans le pays. Dans sa tradition mobilisatrice, les haïtiens revendiquent
constamment le respect, la protection et la réalisation des droits
économiques et sociaux au bénéfice de tous les
haïtiens. Ces mobilisations populaires exigeant la reddition des comptes
poussent le Sénat de la République a réalisé une
enquête par le biais de sa Commission d'Ethique et Anti-corruption. Les
rapports du Sénat ont été qualifiés de politique
par les dilapidateurs et leurs complices. En raison des indices concordants, le
Sénat a décidé de saisir la plus haute juridiction
administrative du pays qui devait approfondir les allégations de
corruption : « en date du 1er février 2018,
l'assemblée sénatoriale demande à la CSCCA d'effectuer un
audit de gestion des ordonnateurs du fonds Petrocaribe sur la période
allant de septembre 2008 à septembre 2016 conformément à
l'article 200 de la Constitution haïtienne »7. Dans
le but de déterminer la véracité de ces accusations, la
CSCCA a réalisé un audit sur ces fonds durant la période
2008-2016. Ce programme de prêt et les opportunités qu'il aurait
pu constituer pour améliorer la question des droits humains devait
être un levier important pour la relance d'Haïti. Cependant, les
rapports du Sénat et de la CSCCA montrent que ce prêt a
été détourné massivement par les dirigeants. Ce
détournement a impacté les droits humains en Haïti. Depuis
son existence en haïtien, la dette du Petrocaribe accumule un montant
4,237,598,789,12 USD 8. Ces fonds collectés par
l'Etat haïtien dans le cadre de cet accord de coopération au
développement constituent une opportunité historique pour
Haïti afin de rehausser l'effectivité de ses obligations en
matière de droits humains. En d'autres termes, ce prêt s'inscrit
dans la logique d'une coopération au développement et de la
solidarité internationale des Etat comme prévu aux termes de
l'article 2 du PIDESC9. Cet instrument a été
ratifié par Haïti en date du 10 octobre 2013 et rentré en
vigueur le 1er janvier 201410. Ce prêt substantiel
trouve également son fondement dans l'article 1er du
PIDCP11. Le Petrocaribe s'inscrit dans la logique d'une aide au
développement dans un rapport Sud-Sud. La corruption émaillant la
gestion de ces fonds est liée à des facteurs endogènes et
exogènes qui empêchent la réalisation des droits
économiques et sociaux en Haïti.
La dette du Petrocaribe est : « une affaire dans
laquelle Haïti est touchée par un scandale
politico-économique qui implique quatre présidents haïtiens
et six gouvernements12 ». Les soupçons pesant sur
la mauvaise utilisation de ces fonds ont suscité
7 . Voir CSCCA, Rapport d'audit
spécifique de gestion du fonds de Petrocaribe, Op. Cit., P. 2,
disponible sur le site :
https://www.haitilibre.com/docs/PETROCARIBE-31-01-2019.pdf,
consulté le 17/05/2019.
8. Voir CSCCA Rapport sur la gestion du fonds de
Petrocaribe, Op. Cit., P.29, disponible sur le site :
https://www.haitilibre.com/docs/PETROCARIBE-31-01-2019.pdf,
consulté le 18/05/2019.
9. Voir article 2 du Pacte international relatif aux
droits économiques, sociaux et culturels adopté par
l'assemblée générale des Nations-Unies dans sa
résolution 2200 A(XXI) du 16 décembre 1966 et ouvert à la
signature à new- York le 19 décembre 1966 et entré en
vigueur le 3 janvier 1976 et ratifié par Haïti le 10 octobre
2013.
10 . Voir Rapport national
(Haïti) présenté conformément au paragraphe 5 de
l'annexe à la résolution 16/21 du Conseil des droits de l'homme
des Nations Unies, 2016, Genève, p. 8.
11. Voir article 1er du Pacte
international relatif aux droits civils et politiques adopté par
l'Assemblée générale des Nations-Unies dans sa
résolution 2200(XXI) du 16 décembre 1966 et ouvert à la
signature à New-York le 19 décembre 1966 et entré en
vigueur le 23 mars 1976
12 .
https://fr.m.wikipédia.org,
vu le 16/11/2018
13. Voir article 118 de la Constitution de 1987 :
chaque chambre a le pouvoir d'enquêter sur les questions dont elle est
saisie.
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l'élaboration de deux rapports de deux commissions
sénatoriales d'enquête13 en vue de montrer que les
gouvernements qui se sont succédé au pouvoir en Haïti n'ont
pas fait une gestion saine et efficace de ce fonds. Les obligations de
respecter, de protéger et de réaliser constituent la toile de
fond de l'effectivité des droits humains dans un Etat
démocratique. C'est ainsi que la première motivation qui nous
pousse à choisir une telle thématique réside dans le fait
que nous sommes originaires d'Haïti. En outre, cette problématique
se trouve dans la lignée des sujets ayant rapport avec la mondialisation
économique et les droits humains. Elle peut aider les communautés
nationale, internationale et les universitaires en particulier à
comprendre les incidences de cette dette sur les droits économiques et
sociaux. La question de recherche de ce travail est : en quoi la dilapidation
et le détournement de ces fonds constituent-t-ils un manque à
gagner pour la jouissance effective des droits économiques et sociaux de
la population haïtienne ? La dette du Petrocaribe a-t-elle des impacts sur
le respect, la protection et la réalisation des droits
économiques et sociaux en Haïti ? Autrement dit, dans quelle mesure
que cette dette a contribué à l'augmentation de la dette externe
publique de l'Etat d'Haïti ? Ces fonds sont caractérisés par
la mauvaise gouvernance plongeant le pays dans une situation de crise
économique permanente vu son impact sur le budget national chaque
année mais également une situation de crise politique liée
à des mobilisations populaires exigeant la reddition des comptes de la
part des gouvernants, des politiques et la démission du pouvoir en
place. Ce qui risque de plonger le pays dans une situation chaotique de grande
envergure.
Dans la perspective des démarches, on abordera la
dilapidation des fonds du Petrocaribe au détriment de la
réalisation et la protection des droits économiques et sociaux
(I) et les impacts de cette dette sur des droits économiques et sociaux
en Haïti (II).
Chapitre I-Dilapidation des fonds du Petrocaribe au
détriment de la réalisation et la protection des droits
économiques et sociaux.
La dilapidation des fonds contractés au titre du
programme Petrocaribe a fait surface à la suite de deux rapports
réalisés par le Sénat haïtien qui ont montré
que le détournement, la mauvaise gouvernance et la corruption sont les
principales caractéristiques de la gestion de ces fonds. Ainsi, le
Sénat a saisi la plus haute juridiction administrative haïtienne en
l'occurrence la CSCCA par une résolution prise en séance
plénière. Sur cette base, la Cour des Comptes a
réalisé un audit en vue de déterminer si ces fonds ont
été utilisé de manière saine et efficace.
1.1-Corruption, facteur déstabilisateur des fonds
du Petrocaribe
Depuis quelque temps, la corruption constitue un fléau
qui déstabilise l'administration publique haïtienne. La mauvaise
gouvernance et le détournement de fonds publics sont aussi des facteurs
qui influent sur la gestion des fonds du Petrocaribe en Haïti. Plus d'un
s'accorde à faire croire que les causes de corruption en Haïti sont
multiples. En effet,« les principales
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causes qui génèrent la corruption en
Haïti sont : les mauvaises conditions de travail au sein de la fonction
publique, la centralisation excessive de l'administration publique et la
lenteur enregistrée dans les prestations de services publics à
fournir aux usagers, la non-reconnaissance du mérite et de la pratique
du népotisme, la faiblesse et la dépendance du système
judiciaire haïtien, l'inapplication des dispositions légales de
répression de la corruption, l'impunité, l'absence de
transparence dans la gestion des affaires de l'Etat, l'absence de reddition de
comptes de la part des gestionnaires des deniers publics et la
non-règlementation de l'accès aux informations publiques
»14. Les conclusions du rapport d'audit émanant de
la CSCCA sont, on ne peut plus accablantes. Il en ressort un nombre
d'importants d'infractions économiques et financières :
« pot-de-vin, concussion, enrichissement illicite, blanchiment des
avoirs provenant des crimes économiques, abus de fonctions, trafics
d'influence, malversation, fraude fiscale, surfacturation des services à
l'Etat, sous-facturation des redevances à l'Etat, népotisme,
détournement de fonds et passation illégale de marchés
publics »15. Ces faits particulièrement graves
illustrent de façon évidente la plus grande opération de
fraude qu'Haïti n'ait jamais connue depuis son
indépendance16. Nonobstant cette gestion calamiteuse des
fonds de Petrocaribe qui met à mal le développement
économique du Pays, les plus hautes autorités de l'Etat n'ont
pris aucune mesure de redressement pour protéger aux mieux les droits
économiques et sociaux de la population haïtienne.
Tel qu'il est indiqué dans le rapport de la CSCCA, les
six gouvernements issus de quatre mandats présidentiels
différents qui se sont succédé au pouvoir n'ont pris
aucune mesure significative pour faciliter une gestion saine des fonds
Petrocaribe au profit de la collectivité ; l'intérêt
individuel et personnel ayant emporté sur l'intérêt
général. L'Etat haïtien n'a pas pu adopter de
véritables politiques publiques vivant à faciliter la mise en
oeuvre de projets de développement respectant les pratiques de bonne
gestion et de bonne gouvernance dans le pays. Les différents rapports
d'enquête concluent tous dans le même sens : corruption et
dilapidation de fonds publics. Ce qui n'est pas sans conséquence sur le
respect et la protection des économiques et sociaux de la population
haïtienne. Les couches les plus vulnérables sont doublement
touchées. Les besoins primaires sont négligés, le citoyen
ordinaire n'a pas accès aux services sociaux de base. C'est dans ce sens
que « cet audit sur la gestion de fonds prêtés à
Haïti par le Venezuela dans le cadre d'un mécanisme de livraison de
pétrole à des conditions préférentielles
révèle une gestion calamiteuse, sinon même la corruption
des élites aux dépens des habitants du pays le plus pauvre des
Amériques »17. Le phénomène de la
corruption a pris une proportion sans précèdent en Haïti
depuis ces dernières décennies. Les autorités de l'Etat
garantes de la bonne gestion des fonds publics, sont pourtant impliquées
dans le détournement et la dilapidation de l'argent public. Cette
attitude peu
14. Voir Ministère de L'économie et des
Finances (MEF) Unité de Lutte contre la Corruption (ULCC) La
Stratégie Nationale de Lutte contre la Corruption, Edit. Henri
Deschamps, Port-au-Prince (Haïti), P. 11, disponible sur le site :
http://www.oas.org/juridico/PDFs/mesicic4htistrat.pdf
. Consulté le 03/07/2019.
15. Idem,
http://www.oas.org/juridico/PDFs/mesicic4htistrat.pdf
. consulté le 03/07/2019 16 . Haïti a acquis
son indépendance le 1er janvier 1804.
17. Voir le site
https://www.lalibre.be,
le 19/06/2019
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responsable des autorités est de nature à violer
les droits économiques et sociaux de la population haïtienne.
Force est de constater que la corruption est un mal
endémique empêchant le respect des droits économiques et
sociaux des citoyens haïtien. La corruption traverse toutes les
sphères de l'administration publique. Elle devient presqu'une
règle. Depuis plusieurs années, Haïti atteint de
façon récurrente un score négatif en matière
d'indice de corruption au niveau de la scène internationale. Plusieurs
rapports de Transparency international dressés à des
périodes différentes montrent clairement qu'Haïti est
classée parmi les pays les plus corrompus avec des Scores accablants. Si
: « selon les rapports des années 2006 et 2007 de Transparency
International, Haïti est classée parmi les pays les plus corrompus
avec les scores respectifs de 1,8 et 1,6 sur 10 sur l'échelle des
indicateurs de perception établis par cet organisme
»18. Le constat est encore très accablant pour
haiti durant l'année 2018. Il convient de mentionner que «
l'Indice de perception de la corruption (IPC) 2018, publié le mardi
29 janvier 2019 par Transparency International, montre qu'Haïti a
régressé dans le classement mondial de la corruption en
s'installant à une peu enviable 161e place sur 180 pays avec un score de
20 sur 100. En 2017, à pareille époque, le score d'Haïti
était de 22 sur 100 contre 20 sur 100 en 2016 et contre 17 sur 100 en
2015, soit le pire score du pays sur ces trois dernières années
»19. En matière d'indice de corruption est
considérée comme une mauvaise élève.
Haïti continue à patauger dans la corruption alors
qu'elle est partie à de nombreuses conventions internationales traitant
de la lutte contre la corruption. Si au niveau régional, Haïti a
ratifié, la Convention interaméricaine contre la corruption en
date du 18 juillet 200220. Au niveau universel, elle a
ratifié la Convention des Nations-Unies contre la corruption en date du
14 mai 200721. La ratification de ces deux textes conventionnels
n'empêche pas pour autant les agents de l'Etat à violer de
façon répétée les obligations d'Haïti en
matière de lutte contre la corruption. Il importe de noter que «
la corruption sape en outre la capacité des Etats de mobiliser des
ressources pour la fourniture de services essentiels à la
réalisation des droits économiques, sociaux et culturels
»22. Elle devient de plus en plus un
phénomène structurel et institutionnalisé notamment avec
l'arrivée en Haïti de cette aide au développement
octroyée par le Venezuela sous la présidence de Hugo Chavez. Elle
contribue à plonger le pays dans l'endettement voire le surendettement.
Depuis ces derniers mois, les fonds collectés avec les maigres recettes
fiscales des contribuables haïtiens ont plutôt servi à
rembourser annuellement la dette générée par le fonds
Petrocaribe. De plus, cette dette a un impact majeur sur la collectivité
: « la population haïtienne est doublement
pénalisée : en plus
18. Citer dans Ministère de l'Economie et des
Finances, Stratégie nationale de Lutte contre la Corruption, Op. Cit.,
P. 12.
http://www.oas.org/juridico/PDFs/mesicic4htistrat.pdf
. Consulté le 09/07/2019.
19. Voir à ce sujet :
https://lenouvelliste.com/article/197650/corruption-haiti-recule-dans-le-classement-2018-de-transparency-international,
consulté le 17 juillet 2019.
20. Voir Stratégie nationale de lutte contre la
corruption, Op. Cit. P. 22., disponible sur le site :
http://www.oas.org/juridico/PDFs/mesicic4htistrat.pdf
. Consulté le 05/07/2019.
21. Voir Stratégie nationale de lutte contre la
corruption, Op. Cit. P. 23. Disponible sur le site internet :
http://www.oas.org/juridico/PDFs/mesicic4
hti strat.pdf . Consulté le 05/07/2019.
22 . Observation
générale no 24(2017) sur les obligations des Etats en vertu du
Pacte international relatif aux économiques, sociaux et culturels dans
le contexte des activités, disponible sur le site
internet :
https://www.refworld.org/cgibin/texis/vtx/rwmain/opendocpdf.pdf?reldoc=y&docid=5beae
cc74
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de ne pas avoir profité de cette aide au
développement, elle voit aujourd'hui les maigres ressources
budgétaires du pays, majoritairement tirées des taxes à la
consommation, allouées au remboursement de la dette Petrocaribe
»23. Cette situation conduit à une gestion
catastrophique du pays.
Au demeurant, ces faits mettent en avant la gestion
calamiteuse des fonds collectés par Haïti dans ce programme d'aide
au développement : « infractions aux lois sur les passations de
marchés publics, fraude fiscale, contrats signés sans description
des travaux ni échéancier, dépassements budgétaires
sans factures explicatives...N'ayant aucun compte à rendre au Venezuela,
les six gouvernements haïtiens qui se sont succédés depuis
2008 ont lancé pour près de deux milliards de dollars de projets
sans, le plus souvent, se soucier des principes de base de la gestion de fonds
publics »24. Les deux rapports de la CSCCA et ceux du
Sénat de la République montrent clairement que la
corruption était au coeur de la gestion de ces fonds. Alors que cette
aide a été octroyée à Haïti dans le cadre
d'une coopération au développement qui devait être
profitable à la réalisation des droits économiques et
sociaux dans le pays. Ces fonds destinés au développement ont
été au contraire mal gérés, dilapidés et
détournés pour être déposés dans des paradis
fiscaux internationaux.
1.2- Placement des fonds détournés dans
des paradis fiscaux à l'échelle internationale
La pratique de détournement des fonds public ne
constitue pas un fait nouveau dans le système politique mis en branle
dans le pays au lendemain de l'indépendance le 1er janvier
1804. Toutefois, il a pris une ampleur considérable avec
l'arrivée de la dictature des Duvalier au pouvoir en Haïti vers les
années 1950. C'est dans ce contexte que Ziegler a présenté
la situation désastreuse d'Haïti dans son fameux ouvrage
dénommé Empire de la Honte : « Haïti est
le pays le plus pauvre d'Amérique latine et le troisième plus
pauvre du monde. Durant son règne de plus de vingt-quatre ans, le clan
des Duvalier a dérobé dans les caisses publiques, et
transféré sur ses comptes privés dans des banques
occidentales, 920 millions de dollars. Or la dette extérieure
d'Haïti s'élève aujourd'hui à peu près
à cette somme »25. En effet, la soustraction
frauduleuse de ces sommes colossales ne fait qu'enliser le pays dans la
pauvreté. Ce tableau est tout à fait identique à la
gestion des fonds de Petrocaribe dérobés par les gouvernements
impliqués dans cette vaste opération de fraude au
détriment de l'intérêt public. Ces sommes mirobolantes
dilapidées par les gouvernants de 2008-2016 sont déposées
sur des comptes bancaires dans des paradis fiscaux à l'échelle
internationale. A titre illustratif, « il y a des haïtiens qui
placent leurs millions au Panama aussi. Ils se servent de
sociétés écran pour cacher leur identité mais des
investigations approfondies ont pu remonter à ces figures et Laurent
Lamothe, ancien Premier Ministre pendant la gestion de Petrocaribe est en
tête avec en total, 450 millions de dollars gardés sur 3 comptes
»26. Ces sommes colossales volées contribuent
considérablement à plonger le pays dans une situation de crise
permanente sans
23 . Voir le site internet :
https://www.lalibre.be,
le 19/06/2019.
24 .
https://www.lalibre.be,
le 19/06/2019.
25 . Jean Ziegler, L'Empire de la honte, Op.
Cit., 2005, P. 103-104
26. Voir à ce sujet :
http://elsie-news.over-blog.com/2019/05/lu-sur-le-net.la-trace-des-millions-voles-par-laurent-lamothe-michel-martelly-et-jovenel-moise.html,
le 10/08/2019
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avoir le minimum de souci pour la réalisation des
droits économiques et sociaux. Entre autres, ces sommes faramineuses
pillées sont placées dans FBS Banking un paradis fiscal qui est
présente au Panama et en Suisse27. Dans ce paradis fiscal, de
fortes sommes d'argents dérobées du Petrocaribe seraient
déposées par des dirigeants haïtiens en violation des droits
humains. Toutes ces opérations sont effectuées en toute
impunité sous les yeux de l'appareil judiciaire haïtien. En ce
sens, les fraudeurs deviennent de plus en plus puissants. Car ce sont eux qui
dictent leur loi dans le pays. Dans le scandale récent autour de
Panama Papers28, on a cité énormément
des dirigeants haïtiens qui avaient des montants inestimables
placés dans ce paradis fiscal.
Il convient de noter que deux raisons justifient le recours
des dilapidateurs des fonds de Petrocaribe aux services des paradis fiscaux
pour dissimiler l'argents sale émanant des pratiques de corruption et de
détournement des fonds publics. La première raison est d'ordre
fiscal. Elle consiste dans le fait que ces gens ne veulent pas obéir aux
normes nationales en payant les impôts et les taxes. La deuxième
raison est d'ordre juridique : ils veulent échapper à tout pris
aux poursuites de la justice haïtienne. En définitive, ce
phénomène reste et demeure un manque à gagner pour l'Etat
haïtien qui n'arrive pas à trouver les ressources
nécessaires pour la réalisation progressive des droits
économiques et sociaux. En conséquence, il convient d'affirmer
que la mauvaise gestion du fonds de Petrocaribe par les gouvernements
haïtiens a contribué largement à l'explosion de la dette
publique externe d'Haïti.
1.3-Explosion de la dette externe d'Haïti au coeur
du détournement des fonds du Petrocaribe
La mauvaise gestion de ce fonds par Haïti a
entrainé une augmentation croissante de la dette externe publique. Cette
conséquence néfaste préjudicie aux droits des couches les
plus vulnérables. Pourtant cette aide publique au développement
octroyée par le Venezuela à Haïti visait à favoriser
la mise en oeuvre des infrastructures de développement. Sa mauvaise
gestion caractérisée par la corruption fait naitre aujourd'hui
une dette odieuse pour Haïti en répétant l'expression de
Erick Toussaint29. Ziegler a déclaré : « A
mon avis, doivent être considérées comme dettes odieuses
toutes les dettes extérieures des pays du tiers-monde qui induisent le
sous-développement économique, la réduction des
populations au servage et la destruction des êtres humains par la faim
»30. Cette observation faite par Ziegler ne fait que
décrire la réalité de l'endettement d'Haïti depuis
son entrée dans l'alliance pétrolière
dénommée Petrocaribe. Ce fonds n'ayant pas été
utilisé au bénéfice de la population haïtienne. Dans
ces conditions, « Haïti est le pays le plus pauvre de
l'Amérique latine et le troisième plus pauvre
27. Voir à ce sujet : :
http://elsie-news.over-blog.com/2019/05/lu-sur-le-net.la-trace-des-millions-voles-par-laurent-lamothe-michel-martelly-et-jovenel-moise.html,
le 10/08/2019
28 . Gabriel Zucman, La richesse cachée
des nations, Edit. du Seuil et La République des idées, 2013
et 2015, p. 72.
29.
www.liberation.fr, Eric Toussaint : la
répudiation de la « dette odieuse » est légitime,
article écrit par Vittorio Filippis 18/12/2017, consulté le 14
juin 2019.
30 . Jean Ziegler, L'Empire de la honte,
Edit. FAYARD, Paris, 2005, P. 126.
Page | 13
du monde »31. D'où la justesse
de la déclaration de « Kesner Pharel, économiste
haïtien affirme que 2,5 millions d'haïtiens vivent en dessous du
seuil de pauvreté avec moins de 1,23 dollars par jour
»32. Il y a lieu de considérer qu'«
Haïti est le pays le plus pauvre de l'Hémisphère
occidental et marquée par des inégalités sociales
criantes, plus de 78% de la population vit sous le seuil de pauvreté
absolue »33. La dette extérieure représente
un fardeau insupportable pour les pays en développement dont
Haïti.
Le poids que représente la dette publique externe
d'Haïti empêche la réalisation des droits économiques
et sociaux. La dette publique extérieure ne cesse de grimper en
Haïti. Cette situation galopante impacte le seuil de développement
du pays. En effet, « dans la Loi de finance de l'exercice fiscal
2017-2018, le montant qui est alloué au service de la dette publique
s'élève à 10% du Budget national soit 13,721,382,623
milliards de gourdes du budget total de 144.200,000,000 milliards de gourdes
»34. Cette dette publique externe représente un
défi majeur pour la population haïtienne. L'objectif premier de
Petrocaribe était d'abord de réaliser les projets de
développement en vue de rendre effectif les droits économiques et
sociaux au profit des populations des pays bénéficiaires.
Contrairement aux obligations qui sont les leurs, les différents
présidents et gouvernements qui ont été amené
à gérer ce fonds ne font qu'affaiblir le pays en augmentant sa
dette publique externe. Tel qu'il ressort des rapports de la CSCCA, la
quasi-totalité des contrats qui ont été
exécutés par des firmes nationales et internationales avec les
fonds soutirés du Petrocaribe sont entachés de fraudes et
d'irrégularités manifestes.
De plus, il faut remarquer que la dette contractée par
Haïti au titre du programme de Petrocaribe va au bénéfice
catégories aisées. D'abord, ce fonds va au service des dirigeants
corrompus qui ont dirigé le pays durant ces deux décennies en
instrumentalisant les personnes pauvres du pays. Par ailleurs, : «
l'endettement apporte nombre d'autres bienfaits aux classes dominantes
autochtones. Ce sont eux qui bénéficient en premier lieu des
investissements d'infrastructures lourdes financés par l'emprunt
»35. Pour les dirigeants, la dette contractée au
titre du Petrocaribe est vraiment avantageuse. C'est pourquoi on peut les
considérer comme des « cosmocrates »36 en
paraphrasant les propos de Jean Ziegler.
La mauvaise gestion du fonds entraine des conséquences
économiques fâcheuses. Les dirigeants haïtiens ont
dilapidé des millions de cette manne financière. La fin du
programme de Petrocaribe constitue un manque à gagner pour les
dilapidateurs et provoque une situation économique de plus en plus
dégradée entrainant la chute de la gourde, monnaie nationale.
Selon le gouverneur de la BRH, les causes de la fluctuation de la monnaie
haïtienne sont : « le chaos politique
et les troubles civiles qui ponctuent le quotidien d'Haïti, la prise en
otage de cinq sources de devises et l'inflation qui grimpe à 17,6% sont,
selon Jean Baden Dubois, les différentes causes de la forte
volatilité du taux de change liée à des facteurs
extra-
31 Si l'on retient le revenu par habitant
comme critère de classement.
32 . Voir à ce sujet :
www.lenouvelliste.com ,
Haïti et l'extrême pauvreté : un budget de rupture
s'impose, publié le 17/07/2018, consulté le 09/O7/2019.
33 . Voir à ce sujet
www.cncd.be ,
Haïti en crise la communauté internationale responsable, le
11/08/2019
34 . Le Moniteur spécial no 27, Loi de
finance de l'Exercice fiscal 2017-2018, Port-au-Prince, P.61
35 . Jean Ziegler, L'Empire de la honte,
Edit. Op. Cit., P. 98.
36 . Jean Ziegler, L'Empire de la honte, Op.
Cit., P. 96.
Page | 14
économiques »37.
Ces mouvements sont tous liés à des soupçons
de dilapidation et de détournement du fonds de Petrocaribe par des
politiques. Cet endettement du pays a eu lieu au mépris de la protection
et de la réalisation des économiques et sociaux dans un pays
où le terme de pauvreté abjecte se trouve presque sur toutes les
lèvres. Cette flambée spectaculaire de la dette publique fait
l'affaire des grandes STN fonctionnant dans le pays en toute impunité et
qui travaillent de connivence avec des dirigeants corrompus qui n'ont aucun
souci pour l'effectivité des droits humains en particulier les droits
économiques et sociaux. Ces sociétés transnationales sont
considérées également comme les nouveaux-maitres du
monde ou les cosmocrates38 d'Haïti en utilisant
l'expression de Ziegler. L'implication des multinationales dans le
détournement du fonds de Petrocaribe n'est pas négligeable.
1.4-Responsabilité des multinationales dans le
détournement de ces fonds
De nombreuses sociétés
transnationales39 ont contribué à cette vaste
opération de détournement des fonds de Petrocaribe en Haïti.
La première entreprise multinationale impliquée dans cette
affaire qualifiée par plus d'un en Haïti comme l'affaire du
siècle est PDVSA. Cette dernière n'avait pas à
exécuter des projets mais cette multinationale
vénézuélienne négociait avec le Bureau de
Monétisation et du Programme d'Aide au Développement (BMPAD),
organisme autonome de l'Etat d'Haïti chargé de la gestion du Fonds
de Petrocaribe. Au moment de la levée de bouclier contre les fraudeurs
de ces fonds, les responsables du PDVSA sont montés au créneau en
faisant croire à la population que ces fonds ont été bien
gérés par l'Etat haïtien. Ce qui constitue une
ingérence dans les affaires internes du pays. Qui plus est, cette
entreprise multinationale se fait passer pour un donneur de leçons au
peuple haïtien qui exige à longueur des journées la
reddition des comptes des présumés dilapidateurs des fonds
destinés à des projets de développement, à
même de rendre concrets et effectifs les droits économiques et
sociaux dans le pays. En fonction de ce constat, Haïti sous la base de
cette ingérence a hypothéqué en majeure partie sa
souveraineté. En effet, la force de frappe de cette multinationale qui
est présente à travers les différentes parties du monde
est beaucoup plus puissante que l'Etat d'Haïti. Cette STN
vénézuélienne n'avait pas de projet à
exécuter certes, mais elle est impliquée foncièrement dans
cette vaste opération de fraude au détriment de la
réalisation des droits humains dans le pays. Dans ce cadre, les droits
humains ont été violés en toute impunité. Car les
deux rapports d'audit réalisés par la Cour montrent clairement
que ce fonds a été gaspillé par des gouvernants, des
entreprises nationales et par des sociétés transnationales
chargées d'exécuter certains projets mégalomanes.
37 . Voir
www.Loophaiti.com, Chute
accélérée de la gourde-les trois mesures adoptées,
le 11/08/2019.
38 . Terme utilisé par Jean
Ziegler dans son ouvrage titré « Empire de la honte » pour
qualifier les grands Etats occidentaux et les sociétés
transcontinentales
39. Le concept de « société
transnationale est considéré selon les Principes Directeurs de
l'OCDE comme des entreprises ou d'autres entités établies dans
plusieurs pays et liées de telle façon qu'elles peuvent
coordonner leurs activités de diverses manières. Une ou plusieurs
de ces entités peuvent être en mesure d'exercer une grande
influence sur les activités des autres, mais leur degré
d'autonomie au sein de l'entreprise peut être très variable d'une
multinationale à l'autre. Leur capital peut être privé,
public ou mixte. Définition proposée par Eric David et Gabrielle
Lefevre dans leur ouvrage : juger les multinationales, Edit. Mardaga,
Bruxelles, 2015, P. 72
Page | 15
En paraphrasant les propos de Jean Ziegler, ces
sociétés transcontinentales sont considérées comme
les cosmocrates40 qui prennent leur malin plaisir de violer les
droits humains en toute impunité. L'Etat d'Haïti en sa
qualité d'Etat faible se trouve dans l'impossibilité
d'établir non seulement la responsabilité civile mais
également la responsabilité pénale de ces STN. C'est dans
ce sens que « la corruption constitue l'un des obstacles principaux
à la promotion et à la protection effective des droits de
l'homme, notamment s'agissant des activités des entreprises
»41. En effet, diverses entreprises multinationales ont
leur part de responsabilité dans le gaspillage systématique du
fonds de Petrocaribe. C'est dans ce sens qu'il faut souligner la
responsabilité d'une entreprise transnationale canadienne connue sous le
nom de SNC-Lavalin. En effet, « la firme SNC-Lavalin est sur la liste des
fournisseurs de l'ONU »42. Cette société
transnationale canadienne est présente en Haïti par
l'intermédiaire de sa filiale SNC-Haïti. Cette dernière
avait la responsabilité d'exécuter le projet de construction du
viaduc au niveau du Carrefour de l'aéroport. L'exécution
défaillante de ce projet montre le degré d'implication de cette
entreprise dans la dilapidation des fonds. Il est à remarquer que cette
multinationale à laquelle la référence est faite dans le
cadre de ce travail possède des ramifications au travers les
différentes parties du monde. Elle obéit essentiellement à
tous les critères de définition du terme de société
transnationale.
C'est dans ce sens, « à l'automne 2012,
SNC-Haïti, connue sous le nom de LGL S.A., a mis à jour son analyse
antérieure du viaduc. Le 27 décembre 2012, le gouvernement
haïtien a signé un contrat de 16,6 millions de dollars avec cette
société, pour la construction du viaduc de Delmas
»43. Dans la réalisation de ce projet, on
présume que des pots-de-vin ont été versés aux
autorités haïtiennes. Voilà en quoi consistent les
irrégularités relevées dans le cadre de l'exécution
de ce projet : «la CSCCA a constaté que, pour le viaduc de
Delmas, le coût des travaux de terrassement avait augmenté de 213%
et celui du « drainage et de l'assainissement de 141% »44.
Malgré tous ces manquements, la justice haïtienne n'a pas
été capable de sévir contre cette société
transnationale canadienne qui échappe, du coup, à sa
responsabilité en termes de violations des droits humains. Il
s'avère nécessaire d'initier des poursuites judiciaires contre
les personnes physiques et ou morales indexées dans la mauvaise de ce
fonds.
1.5-Poursuite des faits de corruption liés
à la dette du Petrocaribe
La gestion catastrophique du fonds du programme de Petrocaribe
a permis aux Haïtiens de prendre conscience de la dimension
incommensurable de la corruption et de la gouvernance en Haïti. La gestion
désastreuse de ce fonds que le peuple arrive finalement à
40 . Terme utilisé par Jean Ziegler dans son
ouvrage titré Empire de la honte pour qualifier les
sociétés transcontinentales
41. Voir résolution 23/9 du Conseil des droits de
l'homme et résolution A/RES/69/199 de l'Assemblée
générale.
42. Voir le site web
http://cepr.net
en-français opinions
les-ramifications-internationales-du-scandale-petrocaribe, le
01/07/2019
43 .
http://cepr.net
en-français opinions
les-ramifications-internationales-du-scandale-petrocaribe, consulté
le 01/07/2019
44
http://cepr.net
en-français opinions
les-ramifications-internationales-du-scandale-Petrocaribe, le
01/07/2019
Page | 16
comprendre que la corruption devient une véritable
institution établie par les plus hauts responsables de l'Etat. Le
président de la République actuel garant de la bonne marche des
institution républiques au regard de la bonne des institutions
républicaines au regard de la constitution haïtienne est fortement
indexée dans le détournement du fonds de gestion du programme
Petrocaribe. Diverses personnalités politiques membres de
différents gouvernements ont participé à la mauvaise
gestion desdits fonds. Des Ministres, des Directeurs généraux et
des agents de la fonction publique en sont concernés. A cela s'ajoute,
le rôle joué par les STN et les Sociétés nationales
dans cette immense déception qui cause ainsi d'énormes
préjudices à tout un peuple. L'article publié par le
journal Le Monde à ce propos est, on ne plus édifiant :
« l'audit de Petrocaribe sidère. Pourtant, à y regarder
de plus près, au-delà de l'accablement, il dessine une autre
architecture de la corruption en Haïti, qui ne se laisse ni naturaliser ni
isoler dans la classe politique »45. Ce gaspillage de
fonds publics met l'Etat dans l'impossibilité matérielle de
prendre des politiques publiques visant à promouvoir et protéger
les droits économiques et sociaux. Or l'Etat haïtien s'engage sur
le plan conventionnel à garantir le respect des droits de la
deuxième génération au profit des individus relevant de sa
juridiction.
Au regard de, « la haïtien distingue deux types
de corruption : la corruption passive et la corruption active sans oublier le
corrompu et le corrupteur »46. Ensuite, le Code
pénal haïtien, des lois et des conventions internationales contre
la corruption ratifiée par Haïti punissent sévèrement
presque toutes les pratiques déloyales liées à la
corruption. Dans les faits, la corruption devient une institution en Haïti
sous les regards silencieux de l'appareil judiciaire. En outre, la poursuite de
ces faits de corruption devant les juridictions nationales a pris naissance
à l'aide d'un mouvement social connu sous le hactag Petro challenge
avec la seule et unique question « où est l'argent du
fonds de Petrocaribe ? »47 en créole haïtien
KOTE KOB PETROKARIBE A ? C'est ainsi que le Sénat haïtien
a actionné sa Commission éthique et Anti-corruption avec
l'ambition de réaliser des enquêtes sur le fonds
généré par ce programme pétrolier. C'est dans cette
logique que le Sénat a remis deux rapports montrant la corruption et la
mauvaise gouvernance comme deux éléments caractérisant ce
programme en Haïti. Les détracteurs de ces rapports les ont
qualifiés de politique. En réaction à ces
critiques virulentes, le Senat a saisi la CSCCA par une résolution sous
la base des dispositions de l'article 200 de la Constitution haïtienne de
1987. En guise de conséquence, la Cour a remis deux rapports
auditant les 409 projets financés par ce fonds. Cet audit de la Cour
montre en bonne et due formes que la quasi-totalité des projets n'a pas
respecté les législations sur la passation des marchés
publics en Haïti et les lois contre la corruption.
De ce fait, il est de bon droit de signaler que la Cour des
Comptes haïtiennes a mis au clair la gestion lamentable des fonds du
Petrocaribe. Donc, l'audit réalisé par la Cour montre clairement
la mesure architecturale du phénomène de la corruption et la
mauvaise
45.
https://www.lemonde.fr,
le 20/06/2019
46 . Voir. Ministère de
l'économie et des Finances (MEF) Unité de Lutte contre la
Corruption (ULCC) La Stratégie Nationale de Lutte contre la Corruption,
Op. Cit. P 22, Disponible sur le site :
http://www.oas.org/juridico/PDFs/mesicic4htistrat.pdf
. Consulté le 05/07/2019.
47.
http://www.alterpresse.org,
le 21/06/2019
Page | 17
gouvernance qui émaillent la gestion de tous les fonds
publics au détriment des droits humains. En réaction aux
conclusions de la Cour, il y a des milliers de personnes qui ont
décidé de porter plainte devant les juridictions de droit commun
contre les présumés dilapidateurs de ces fonds. Cette affaire a
pris une dimension considérable dans le pays. Désormais, les
haïtiens arrivent à prendre conscience dans quelle mesure la
corruption émaillant la gestion de ce fonds a empêché la
réalisation des droits humains comme le droit à l'alimentation,
le droit à la santé, le droit au logement, le droit à
l'éducation et le droit à la sécurité sociale dans
le pays. La corruption devient une pratique institutionnalisée en
Haïti.
Dans le but de remédier à la crise liée
à la gestion désastreuse de ce fonds, les autorités
judiciaires haïtiennes ont l'obligation de poursuivre les dilapidateurs
sous la base de plusieurs chefs d'accusation : « infractions aux lois
sur les passations de marchés publics, fraude fiscale, contrats
signés sans description des travaux ni échéancier,
dépassements budgétaires sans factures explicatives
»48. Seule la réalisation d'un procès juste
et équitable des dilapidateurs du fonds de Petrocaribe pourrait
déboucher à une paix sociale dans un pays. En guise de
conséquence, l'Etat haïtien doit mener une lutte sans merci contre
les différentes pratiques liées à la corruption qui ont
caractérisé l'exécution des projets financés par
les fonds du Petrocaribe en Haïti sur la base des dispositions
légales haïtiennes. Sur cette base, « il existe
actuellement un éventail de disposition légales sur la corruption
et les infractions assimilées. La constitution de 1987 qui dans les
articles 238 à 243, évoque les dispositions
générales relatives à l'organisation de l'administration
publique et aux obligations auxquelles sont tenus les agents et fonctionnaires
publics dans l'exercice de leur fonction »49. De plus, il
y a « les dispositions du Code pénal haïtien qui en ses
articles 137à 144, traite d'un ensemble de mesures destinées
à la répression de la corruption dans le secteur public
»50. Pour lutter contre les fraudeurs, les corrupteurs et
les corrompus du Petrocaribe, l'Etat haïtien et les plaignants doivent
recourir à la « Convention interaméricaine contre la
corruption et la Convention des Nations Unies contre la corruption dont
Haïti est partie »51. D'où la
nécessité d'aborder les impacts de cette dette sur certains
droits.
Chapitre II- Impacts de la dette du Petrocaribe sur des
droits économiques et sociaux en Haïti
La dette contractée par Haïti au titre du
programme de Petrocaribe a impacté considérablement les droits
économiques et sociaux de la population haïtienne. Il convient de
noter que cette dette porte atteinte aux droits fondamentaux des couches les
plus vulnérables. Dans le cadre de ce chapitre, on abordera les
conséquences de cette dette sur la réalisation des droits
à l'alimentation, au logement, à la santé, à
l'éducation et à la sécurité sociale.
2.1-Impacts de la dette du Petrocaribe sur le droit
à l'alimentation
La DUDH proclame le droit à l'alimentation en son
article 25. Ce droit fondamental est également garanti par la
constitution du 29 mars 1987 qui donne une valeur
48.
https://www.lepoint.fr-s,
Le 22/06/2019
49 . Citer dans Stratégie nationale de Lutte
contre la Corruption, Op. Cit., P. 21.
50 . Idem
51 . Voir Stratégie nationale de Lutte contre
la Corruption, ibidem, P. 21.
56. Voir CSCCA Rapport d'audit de la
gestion du fonds de Petrocaribe, No 1, Op. Cit., P. 192, disponible sur le site
:
https://www.haitilibre.com/docs/PETROCARIBE-31-01-2019.pdf,
Consulté le 18/05/2019.
Page | 18
juridique contraignante à l'ensemble des droits
fondamentaux énoncés dans la DUDH, au travers de son article 19.
Le PIDESC52 en son article 11consacre ce droit fondamental et fait
obligation aux Etats parties d'en assurer la pleine garantie. L'observation
générale No 12 du Comité des droits économiques,
sociaux et culturels recommande aux Etats de garantir le droit à
l'alimentation de toute personne relevant de leur juridiction. Ainsi qu'il est
dit au paragraphe 1er de cette observation : « le droit
fondamental de toute personne a une nourriture suffisante est d'une importance
cruciale pour la jouissance de tous les droits de l'homme
»53. Dans le domaine du droit à l'alimentation, il
faut noter que Haïti est confrontée par une situation de dumping
agricole. Le marché haïtien est complètement envahi par des
produits agricoles importés non seulement de la République
Dominicaine, Etat avec lequel Haïti partage ses frontières, mais
encore par des produits venant des Etats-Unis d'Amérique et de la Chine.
Cette importation à outrance dévalorise la production locale. Ce
phénomène déstabilisateur du marché local induit
des enjeux majeurs sur la vie économique d'Haïti. Ceci est
lié au fait que la mondialisation et de la politique de la
libéralisation du marché provoquent l'abaissement drastique des
taxes à l'importation. Cette politique mise en place déstructure
manifestement le marché local et affectent considérablement les
producteurs locaux. Car, ces derniers sont incapables de résister aux
forces de frappe des entreprises multinationales américaines, chinoises
et dominicaines.
En vue de chercher à résoudre le problème
du droit à l'alimentation, l'Etat haïtien a décidé de
financer des projets avec le fonds du Petrocaribe dans le cadre d'une politique
de relance du secteur agricole. Paradoxalement, parmi « les 409
projets financés avec les fonds de ce programme, seulement 11 projets
ont été attribués au Ministère de l'Agriculture,
des Ressources Naturelles et du Développement Rural (MARNDR)
»54.Dans le cadre de cette politique publique visant
à promouvoir le secteur agricole, il a été mise en oeuvre
« un projet d'une valeur de 36 750 000,00 USD instauré à
partir de la résolution du 20 septembre 2008 à la suite de 4
cyclones ayant frappé le pays entre le 16 août et le 8 septembre
2008 »55. Ce projet audité par la juridiction
administrative, a été bien exécuté de toute
évidence par le Ministère de l'Agriculture qui en avait la
charge. Une gestion saine des fonds allouées a été
assurée. Toutefois, la Cour n'a retracé aucune analyse de la
rentabilité et l'impact social du projet alors que le document
présentant le Programme d'urgence Post-cyclonique de Relance de la
production agricole le prévoyait »56. Ce projet de
relance agricole était loin de constituer un levier capable de relancer
la production agricole en Haïti. Il n'a pas permis à l'Etat
haïtien de respecter ses obligations concernant la protection et la
réalisation du droit à l'alimentation dans le pays. Les droits
des personnes nécessiteuses se trouvent affecter. Cependant le
52. Olivier De Schutter,
Françoise Tulkens et Sébastien Van Drooghenbroeck, Code de droit
international des droits de l'homme, 4edit. Bruylant, Bruxelles, P. 22.
53 . Comité des droits
économiques, sociaux et culturels, Observation générale no
12, (Vingtième session mai 99), P. 1.
54 . Voir CSCCA Rapport d'audit
spécifique de gestion du Fonds de Petrocaribe, No 1, Op. Cit., P.40,
disponible sur le site :
https://www.haitilibre.com/docs/PETROCARIBE-31-01-2019.pdf,
Consulté le 17/05/2019.
55 . Voir CSCCA Rapport d'audit
spécifique de gestion du fonds de Petrocaribe, No 1, Op. Cit., P 191,
disponible sur le site :
https://www.haitilibre.com/docs/PETROCARIBE-31-01-2019.pdf,
Consulté le 17/05/2019.
Page | 19
Ministère de l'agriculture n'a pas ménagé
ses efforts visant à respecter ses engagements internationaux en
matière du droit à l'alimentation. C'est ainsi que « le
MARNDR a mis en place un projet d'appui à la mécanisation du
secteur de l'agriculture dans le pays. Ce projet a été
autorisé par deux résolutions pris en Conseil des Ministres pour
un total de 5 340 030,01 dollars USD soit 227 971 197, 65 HTG
»57. Toutefois, l'audit réalisé par les membres
de la Cour permet de constater que ce projet n'a pas été selon
les normes de bonne gestion de la comptabilité publique. Le budget
estimé dans la fiche technique de ce projet est complètement
différent de ce qui a été voté dans la
résolution du Conseil des Ministres.
Tableau : Budget estimé dans la fiche technique du
projet (Source : la CSCCA)
Structure
|
Montant
|
Structuration de la mécanisation agricole
|
20 000 000.00 HTG
|
Promotion de la mécanisation agricole
|
180 000 000.00 HTG
|
Exécution de campagne agricole
|
14 250 000. 00 HTG
|
Total du budget
|
214 250 000.00 HTG
|
Tout compte fait, il en ressort la gestion la
défaillance du MARDR dans la réalisation de ce projet
financé par le fonds de Petrocaribe. Parallèlement, la question
de sécurité alimentaire s'aggrave chaque jour d'avantage en
Haïti. Cette situation permet à tout le moins de reconnaitre que
les différents gouvernements haïtiens, gestionnaires de ce fonds
n'ont eu manifestement la volonté de relancer la production agricole en
vue de garantir le respect, la protection et la réalisation du droit
à l'alimentation.
A la lumière « du rapport d'audit de la CSCCA,
un projet de construction de silos de stockage pour sécurité
alimentaire avait reçu un financement de (3 024 732,27 dollars US) dans
le cadre d'une résolution prise en Conseil des Ministres en date du 22
juillet 2015. La cour a constaté que ce projet a été
exécuté en violation de la législation haïtienne
relative à la passation des marché publics »58.
Comme conséquence, « la Cour recommande à la
Direction générale du BMPAD de revoir sa gestion contractuelle
afin de se conformer en tout temps aux dispositions des textes régissant
la règlementation sur les marchés publics
»59. Ce projet représentait une véritable
opération de détournement de fonds publics. Il y a lieu de
constater que l'Etat haïtien n'a pas respecté ses obligations
concernant la jouissance effective du droit à l'alimentation.
L'insécurité alimentaire défie les autorités
haïtiennes et expose diverses couches de la société au
risque de famine. Le constat est accablant : « le pays est
sans
57. Voir Rapport 1 de la CSCCA, Op. Cit. P 198,
disponible sur le site:
https://www.haitilibre.com/docs/PETROCARIBE-31-01-2019.pdf,
Consulté le 10/05/2019.
58. Voir CSCCA Rapport d'audit de la gestion du fonds de
Petrocaribe, Op. Cit. P. 51-52, disponible sur le site :
http://www.cscca.gouv.ht/documents/248.pdf,
Consulté le 11/05/2019.
59. Voir CSCCA Rapport d'audit de la gestion du fonds de
Petrocaribe, Op. Cit., P.40, disponible sur le site :
http://www.cscca.gouv.ht/documents/248.pdf,
Consulté le 11/07/2019.
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gouvernement, la monnaie locale dégringole, les
prix flambent, l'insécurité alimentaire touche un Haïtien
sur deux, et la pauvreté 60 % de la population. Les violations des
droits humains et la violence se développent et s'aggravent
»60. L'inexécution de ces projets, rappelons -le, a
des incidences directes sur le droit à l'alimentation et la
flambée des prix, ce qui tend à accroitre la pauvreté
à une telle proportion dans le pays. Haïti devient
dépendante des produits à l'importation. Le détournement
des fonds alloués à ces projets affecte considérablement
les conditions matérielles de vie humaine et sape
considérablement tout projet de développement durable. Haïti
est donc dépendante des produits à l'importation.
Jean Ziegler, Premier Rapporteur des Nations-Unies pour le
droit à l'alimentation a eu à faire un triste constat dans lequel
il a énuméré les raisons de la faim dans le monde : «
Pourquoi meurt-t-on de faim de nos jours ? Il y a cinq grandes raisons :
premièrement, la spéculation financière sur les
matières alimentaires qui a fait flamber leurs prix [...]. Il y a
ensuite les agro-carburants, qui soustraient des terres et des plantes
nourricières à l'alimentation humaine. Troisièmes, il y a
la dette extérieure, qui étrangle les pays pauvres et les
empêche d'investir dans l'agriculture de subsistance. Après, il y
a le dumping agricole [...]. Enfin, il y a l'accaparement des terres par les
fonds d'investissement ou les grandes multinationales [...]
»61. Ces raisons entrainent la dépendance des pays
en développement vis-à-vis les Etats Occidentaux et les
sociétés transnationales. Ce constat ne fait que traduire dans
les faits la situation dans laquelle patauge la population haïtienne. En
absence d'une gestion transparente des fonds alloués au programme
Petrocaribe Haïti est loin de pouvoir résoudre le problème
de l'alimentation.
Aujourd'hui, le peuple haïtien vit ses plus mauvais
jours. Le droit à l'alimentation reste et demeure un défi majeur
pour l'Etat haïtien. La population haïtienne vit, à de fortes
proportions, dans l'extrême pauvreté. Jean Ziegler n'a-t-il pas
raison de déclarer : « le droit au bonheur est le premier des
droits de l'homme »62. Le peuple haïtien ne peut
avoir accès au bonheur sans avoir accès à une alimentation
de qualité et de quantité. Il faut préciser que :,
« comme tous les autres droits de l'homme, le droit à une
nourriture suffisante impose aux Etats parties trois obligations : obligations
de respecter, de protéger et de réaliser le droit à
l'alimentation »63. Le droit à l'alimentation
échappe de manière spectaculaire au contrôle des
autorités nationales. C'est de préférence des STN et des
sociétés privées nationales qui accaparent des terres des
paysans en violant les droits humains. C'est ainsi que ces acteurs non
étatiques arrivent à exercer un contrôle
systématique sur le marché haïtien : « les maitres
de l'empire de la honte organisent sciemment la rareté
»64. Les droits de l'homme ne se retrouvent au coeur des
priorité de ces sociétés transnationales, ils sont au
contraire relégués au second plan. Car le profit emporte sur les
droits de l'homme. N'y a-t-il pas lieu de se poser la question suivante :
Haïti ne pourrait-elle pas suivre l'exemple de l'Inde en adoptant une
60 . Voir le site web
https://www.lemonde.fr,
le 20/06/2019.
61 . Jean Ziegler, « Nouvel
Observateur », in C. NTAMPAKA, Droits de l'homme et développement,
Université Saint-Louis Bruxelles, Edit. 2017-2018, P.4.
62 . Jean Ziegler, L'Empire de la honte,
Edit. FAYARD, Paris, 2005, P. 37.
63. Voir à ce sujet Observation
générale no 12 du Comité des droits économique,
sociaux et culturels, Parag 15, Genève, P. 5.
64 Jean Ziegler, Empire de la honte, Op., Cit., P.
46.
Page | 21
législation-cadre en vue de relancer le droit à
l'alimentation en permettant aux personnes les plus vulnérables d'avoir
accès à une nourriture suffisante ? Car, grâce à
cette législation-cadre plus de 800 000 000 de personnes
bénéficient de l'aide alimentaire en Inde65. A n'en
pas douter, avec les fonds contractés dans le programme Petrocaribe, on
aurait pu mettre en place une politique de relance agricole afin d'appliquer
une telle mesure. Selon « un rapport de la FAO et d'OPS, Haïti
affronte la pire situation en termes de prévalence de la malnutrition
affecte Haïti, avec près de 47% de la population, soit cinq
millions de gens, qui ont faim »66. Il y a « plus
de 840 millions de personnes dans le monde, pour la plupart des pays en
développement, souffrent chroniquement de la faim, des millions de
personnes en proie à la famine par suite de catastrophes naturelles
»67. Cette situation de faim n'est pas différente
de celle qui se développe en Haïti.
Somme toute, le droit à l'alimentation est le plus
violé en Haïti de tous les droits fondamentaux. Cette situation
rejoint la position de Ziegler qui eut à déclarer : « le
droit à l'alimentation est certainement celui qui est le plus
constamment et le plus massivement violé sur notre planète
»68. Il renchérit en affirmant que « la
faim est donc, et de loin la principale cause de mort et de
déréliction sur notre planète »69.
L'effectivité du droit humain à l'alimentation
représente un grand défi en Haïti.
2.2- Incidences de la dette du Petrocaribe sur le droit
au logement en Haïti
Au niveau universel, le droit au logement est consacré
et garanti par les dispositions de l'article 25 de la DUDH. Le droit au
logement a reçu sa véritable consécration juridique au
travers des termes de l'article 11 du PIDESC. Au niveau national, la
Constitution haïtienne de 1987 consacre le droit au logement dans article
2270. Toutefois en raison de ses ressources limitées,
Haïti connait une crise en matière du droit au logement. La dette
du Petrocaribe a des effets importants sur le droit au logement en Haïti.
La crise de logement en Haïti s'est accentuée depuis le
séisme dévastateur du 12 janvier 2010 qui a couté la vie
à environ 300 000 personnes. C'est pourquoi, avoir un logement
décent en Haïti, constitue un défi majeur pour les
ménages71. Un rapport des Nations Unies résume la
crise du droit au logement comme suit : « au 30 juin 2014,
l'Organisation internationale des migrations (OIM) évaluait le nombre
total de personnes déplacées à 103 565 individus, soit 28
143 ménages, situés sur 172 sites. Au cours du semestre, 101
camps ont été fermés, dont 97 grâce aux subventions
au loyer allouées à 10 486 familles. Trois camps ont
également été fermés après le «
départ spontané » de leurs résidents (88
ménages, soit 402 personnes). Un quatrième camp (Camp Kios
Pelé) a été fermé début mai après la
fuite des déplacés terrorisés par les
65 . Olivier De Schutter, Notes de cours de
Systèmes de protection, 2019.
66. Voir à ce sujet :
www.loophaiti.com , selon la FAO
5 millions de gens ont faim en Haïti, le 12/08/2019.
67 . Voir à ce sujet Observation
générale no 12 du Comité des droits économique,
sociaux et culturels, Parag 5, Op. Cit., P. 3.
68 . Jean Ziegler, Destruction massive
Géopolitique de la faim, Edit. Seuil, Paris, 2011, P.25.
69 . Jean Ziegler, Idem.
70. Voir Constitution haïtienne
au niveau de l'article 22 : L'Etat reconnait le droit de tout citoyen à
un logement décent, à l'éducation, à l'alimentation
et à la sécurité sociale, p.7.
71 . Olivier De Schutter, Notes
de cous du Système de protection, le 30/03/2019.
Page | 22
activités des groupes criminels dans le camp et le
quartier. Au cours des six premiers mois de l'année, l'OIM a noté
une tendance qui s'est confirmée d'un trimestre à l'autre. Entre
janvier et mars 2014, elle a observé une augmentation de la population
dans 78 camps (sur les 243 ouverts à l'époque). 42 des personnes
interrogées avaient expliqué leur retour dans ces camps par leur
incapacité à payer un loyer (78 pour cent). La deuxième
raison citée (9 pour cent) était le fait de retrouver leurs
familles vivant dans les camps. Cette tendance à l'augmentation de la
population dans certains sites contraste avec la fermeture d'autres camps
»72.
Force est de constater cependant que l'Etat haïtien a
failli à ses obligations de promotion et de mise d'une politique de
logement. Toujours est-il que :« cinq ans après le
séisme dévastateur en Haïti, des centaines de milliers de
personnes déplacées sont toujours sans solution de logement
durable. Les expulsions forcées de personnes déplacées
vivant dans des camps ont diminué en 2014, mais les expulsions
forcées dans le cadre de projets de reconstruction et d'infrastructure,
dont les autorités haïtiennes sont directement responsables, sont
en augmentation. Dans ce rapport, Amnesty International appelle les
autorités haïtiennes et la communauté internationale
à agir plus fermement pour faire du droit à un logement
décent une réalité pour tous en Haïti
»73. Qui plus est, durant cette même période
les dirigeants gaspillent le fonds de Petrocaribe dans des projets bidons et
mégalomanes qui n'étaient pas bénéfiques pour les
personnes dépourvues de logement.
En matière du droit au logement, l'Etat a
décidé de financer deux projets de logement audités par la
CSCCA : « intervention en matière d'habitat dans le quartier de
Jalousie estimant à un montant de deux millions dollars
américains 2 000 000.00 et d'hébergement post tremblement de
terre du 12 Janvier 2010 évaluant à un montant de trois millions
dollars américains 3 000 000,00 et un montant de 5, 000,000.00
»74. Ces deux projets ont été
financés globalement avec les fonds du Petrocaribe. Concernant
l'exécution du projet dans le quartier de jalousie, la Cour a
constaté que le marché a été octroyé dans le
cadre d'un appel d'offre restreint alors que le seuil de passation de
marché public pour les appels d'offre restreint est fixé à
un montant de
4Ø,ØØØ,ØØØØ.ØØ75
de gourdes au regard des dispositions de loi relative à la passation des
marchés publics. Ensuite, la Cour a pu déceler que ce projet ne
consiste pas à construire des logements au profit des gens sans abris au
lendemain du tremblement terre. Ce projet profitait plutôt à un
petit groupe de gens qui se sont permis de détourner les fonds
alloués à sa mise en oeuvre. Pourtant, ce projet aurait pu
permettre à un nombre important de personnes sans logement d'en
être pourvus. En un mot, il est question de détournement des fonds
publics dans le cadre de l'exécution dudit projet qui aurait eu pour
72. Voir à ce sujet : rapport semestriel des Nations
Unies sur les droits de l'homme en Haïti, Genève, 2014, P.19.
73. Voir à ce sujet :
https://www.amnesty.be/IMG/pdf/rapporthaiti20150108fr.pdf,
Haïti : 15 minutes pour partir : les violations du droit à un
logement décent en Haïti après le tremblement de terre, le
12/08/2019.
74 . Voir CSCCA, Rapport d'audit
spécifique de gestion du fonds Petrocaribe, No2, Port-au-Prince, 31 mai
2019, P. 350., disponible sur le site internet :
http://www.cscca.gouv.ht/documents/249.pdf,
consulté le 12/07/2019.
75 . Article 2 paragraphe 1 de
l'arrêté du 25 mai 2012 fixant le seuil de passation des
marchés publics.
http://www.cscca.gouv.ht/documents/249.pdf,
consulté le 12/06/2019.
Page | 23
mission d'améliorer les conditions d'hébergement
des sans-abris après le cataclysme du 12 janvier 2010. En fait, comme la
quasi-totalité des projets exécutés avec les fonds du
Petrocaribe, ce projet était une vaste opération de corruption et
de détournement des fonds publics au détriment de la
réalisation du droit fondamental de la population qui est le droit au
logement tel qu'il est énoncé dans la constitution haïtienne
de 1987 et garanti dans le PIDESC.
De plus, le projet portant sur « l'hébergement
post tremblement de terre du 12 janvier 2010 »76. En principe,
ce programme consiste à donner des subventions à des citoyens
déplacés après le tremblement de terre en vue de les
reloger dans le but d'améliorer les conditions d'hébergement. La
Cour conclut en effet : « qu'elle n'est pas en mesure de savoir si ce
programme avait été géré de façon efficace
et économique. En effet, les irrégularités d'ordre
administratif notamment par l'absence dans le dossier des
éléments probants, fiables et complets nous permettant de
conclure que les cinq mille (5000) bénéficiaires étaient
le chiffre optimal que l'UCLBP pouvait reloger »77. Hormis
les subventions reçues par les bénéficiaires, il faut
relater que cette subvention a été donnée aux gens qui se
trouvaient dans des camps afin qu'ils aient pu louer un appartement.
Après avoir passé une année dans ces appartements, la
plupart des bénéficiaires se trouvaient dans l'impérieuse
obligation de quitter ces appartements. Car ils n'avaient pas les moyens de
prendre en charge de cette location les années qui suivaient. Ce qui a
conduit à la prolifération croissante des bidonvilles dans les
périphéries de Port-au-Prince, la Capitale d'Haïti. Ce
projet de relogement des gens n'a pas eu des impacts positifs escomptés.
C'est dans ce sens qu'on peut admettre que la problématique du droit au
logement en Haïti est une question insoluble : des milliers de familles
vivent sans logement décent. Tout compte fait, le droit au logement doit
être une préoccupation pour les autorités
haïtiennes.
Avec le programme de Petrocaribe, l'Etat haïtien a
raté l'opportunité de relancer le secteur du logement dans le
pays. Pourtant, il s'était donné pour mission de reconstruire la
ville de Port-au-Prince en expropriant les propriétaires des maisons
affectées par le tremblement de terre moyennant indemnisation. De
nombreuses maisons ont été rasées et détruite dans
cette perspective de reconstruction. Le projet n'est toujours pas suivi
d'effet, l'enveloppe budgétaire ayant été
voltaïsé. Beaucoup de gens se retrouvent sans logement, la
cité administrative et le grand centre commercial prévu dans le
cadre de ce projet n'ont toujours pas abouti, exception faite de la
reconstruction de quelques bâtiments publics. Toutefois, cette
expropriation doit être prévue par loi. Elle doit avoir lieu dans
un objectif d'intérêt général. En fin de compte, les
personnes concernées par cette situation doivent être
compensées à la valeur du marché »78.
Cette crise du droit au logement est une violation des droits de l'homme. Elle
a entrainé de multiples conséquences comme la bidonvilisation de
la capitale.
76 . Voir CSCCA Rapport d'audit
spécifique de la gestion des fonds de Petrocaribe, No 2, Op. Cit. P 360,
disponible sur le site internet :
http://www.cscca.gouv.ht/documents/249.pdf,
consulté le 04/05/2019
77 . Voir CSCCA Rapport d'audit
spécifique de la gestion du fonds de Petrocaribe, No 2, Op. Cit., P.
362, disponible sur le site internet :
http://www.cscca.gouv.ht/documents/249.pdf,
consulté le 04/05/2019
78 . Olivier de Schutter, Notes de cours de
Système de protection, Bruxelles, Avril 2019.
Page | 24
2.3- Effets de la dette du Petrocaribe sur le droit
à l'éducation
De prime abord, il est évident que la dette du
Petrocaribe a produit des effets sur le droit à l'éducation en
Haïti. Le droit à l'éducation a été
consacré sur le plan international au travers les termes de l'article 26
de la DUDH79. Cette consécration juridique universelle du
droit à l'éducation a été traduite aux termes de
l'article 13 et 14 du PIDESC, instrument contraignant des
Nations-Unies80 et l'Observation générale no 11 du
Comité des droits économiques, sociaux et culturels. Ce droit se
trouve à cheval entre les droits de la deuxième
génération et ceux de la première génération
des droits de l'homme. C'est dans cette même perspective que le
Comité des droits économiques, sociaux et culturels, au travers
du paragraphe 2 de son observation générale a exprimé en
ces termes : « le droit à l'éducation reconnu aux
articles 13 et 14 du Pacte ainsi que dans plusieurs instruments internationaux
[...]. Il a été selon le cas classé parmi les droits
économiques, les droits sociaux et les droits culturels [...]. En outre,
à bien des égards, il est un droit civil et un droit politique
[...]. Ainsi, le droit à l'éducation incarne
l'indivisibilité et l'interdépendance de tous les droits de
l'homme »81. A partir de cette observation, il est
à noter que le droit à l'éducation fait partie
intégrante de la doctrine de l'indivisibilité des droits
humains.
Dans le souci de rendre accessible ce droit fondamental,
l'Etat haïtien a décidé de financer avec des fonds du
programme Petrocaribe des projets liés au droit à
l'éducation. Dans le cadre de ce travail, nous comptons analyser deux
échantillons de projet. Tout d'abord, la reconstruction du Lycée
Toussaint Louverture et ensuite la construction de l'Ecole fondamentale de
Débouchette en vue de montrer les impacts de cette dette sur le droit
à l'éducation en Haïti. C'est ainsi que « l'Etat
haïtien a lancé le projet de reconstruction du Lycée
Toussaint Louverture. Le montant du marché (8 029 900,00 USD) ou (341
400 031,39 gourdes) est supérieur au seuil de passation de
marchés publics qui requiert un appel d'offres ouvert compte tenu de
l'article 2 de l'Arrêté du 25 mai 2012 fixant les seuils de
Passation des Marchés publics et les seuils de la Commission Nationale
des Marchés publics pour les marchés des travaux à
Quarante millions et 0/100 gourdes (40 000 000.00 Gdes). Le projet a
bénéficié de la période de la loi d'urgence
»82. Selon les juges de la CSCCA les fonds
décaissés pour la construction dudit lycée
représentent une somme de 6 654 069,24 USD83. En ce qui a
trait à la réalisation de ce projet dans le domaine du droit
à l'éducation : « la Cour a constaté qu'une
première phase a été inauguré. Toutefois, le
montant du contrat a été épuisé à plus de
80% donc, pour exécuter les travaux restants, il devrait avoir un
nouveau
79. Olivier De Schutter, Françoise Tulkens et
Sebastien Van Drooghenbroeck, Code de droit international des droits de
l'homme, Op. Cit. P.5.
80. Idem
81 . Comité des droits
économiques, Sociaux et Culturels, Observation générale No
11, Genève, 1999, P.1.
82. Rapport 1 de la Cour des Comptes et du Contentieux
Administratif, Janvier 2019, PP 183-184, disponible sur le site :
https://www.haitilibre.com/docs/PETROCARIBE-31-01-2019.pdf,
Consulté le 20/07/2019.
83. Rapport 1 de la Cour des Comptes et du Contentieux
Administratif, Op. Cit. P 184 disponible sur le site : :
https://www.haitilibre.com/docs/PETROCARIBE-31-01-2019.pdf,
Consulté le 20/07/2019.
Page | 25
contrat. Cependant, le MPCE n'a communiqué aucune
information à la communauté estudiantine et aux usagers sur
l'interruption de la deuxième phase du projet
»84.
Après avoir passé en revue la portée du
projet sur la construction du Lycée Toussaint Louverture, la CSCCA a
produit un ensemble de recommandations à l'égard du
Ministère de la Planification et de la Coopération Externe en sa
qualité de maitre d'ouvrage. Parmi les recommandations, il y a lieu de
citer celle-ci : « que les autorités compétentes
diligentent une enquête afin de savoir s'il y a matière à
poursuite pour non-exécution du marché, notamment en obtenant des
explications précises sur : les raisons de l'arrêt des travaux,
les traitements des soldes restants, la récupération de l'avance
et l'application des pénalités ; le devenir des retenus (garantie
de bonne exécution) »85. En un mot, il ressort que
l'Etat haïtien dans sa mission de service public n'a pas fait bonne
gestion de ce projet de reconstruction du Lycée Toussaint Louverture. En
fait, des préjudices majeurs ont été causés non
seulement à la communauté estudiantine mais également
à toute la société haïtienne. A ce niveau, il est de
bon droit de mentionner que l'Etat haïtien n'a pas respecté ses
obligations.
En outre, un autre échantillon de projet est important
d'analyser est la construction de l'Ecole Fondamentale de
Débouchette86. Il est crucial de voir que « la Cour a
audité ce projet dans le but de savoir s'il a été mis en
oeuvre de manière économique, efficiente et efficace
»87. Ce contrat d'une valeur de 25 575 870. 37 HTG a
été passé gré à gré le 6 juillet 2015
sans aucune justification documentée88. Il est à noter
qu'un tel montant la loi sur la passation de marché public n'a pas
été respecté. Car il n'est pas établi que le MTIC
avait recouru à la procédure de consultation des fournisseurs ou
de sollicitation de prix conformément aux dispositions de l'article 27-1
de la Loi du 12 juin 2009 sur la passation des marchés publics selon les
termes de l'article 115-3 de l'arrêté du 26 octobre 2009 qui
précise les modalités d'application de la loi fixant les
règles générales relatives aux marchés publics et
aux conventions de concession d'ouvrage public »89. Selon les
dispositions de cet arrêté, la passation de ce marché
public devait être fait après une comparaison au minimum de trois
propositions faites par des firmes désirant de gagner cet appel d'offre.
L'exécution de projet en matière de droit à
l'éducation a impacté l'effectivité du droit des enfants
à avoir accès à l'enseignement primaire comme il a
été prévu dans le plan d'action pour l'enseignement
primaire. En somme, le droit à l'éducation prévu aux
termes des articles 13 et 14 du PIDESC et dans diverses conventions
internationales a été considéré comme un droit
économique, un droit social et enfin comme un droit culturel. Ce droit
est un droit civil et un droit politique,
84. Idem, disponible sur le site :
https://www.haitilibre.com/docs/PETROCARIBE-31-01-2019.pdf,
Consulté le 20/07/2019.
85. Rapport 1, audit spécifique de gestion du fond
de petrocaribe, ibidem p. 186, disponible sur le site :
https://www.haitilibre.com/docs/PETROCARIBE-31-01-2019.pdf,
Consulté le 25/07/2019.
86. Voir CSCCA Rapport d'audit spécifique de
gestion du fond de Petrocaribe, Op. Cit. p. 212, disponible sur le site :
https://www.haitilibre.com/docs/PETROCARIBE-31-01-2019.pdf.
Consulté le 20/07/2019
87. Rapport 1 Rapport 1, audit spécifique de
gestion du fond de Petrocaribe, Op. Cit. P 212, disponible sur le site :
https://www.haitilibre.com/docs/PETROCARIBE-31-01-2019.pdf
. Consulté le 20/07/2019
88. Idem, disponible sur le site :
https://www.haitilibre.com/docs/PETROCARIBE-31-01-2019.pdf.
Consulté le 20/07/2019
89. Voir Rapport 1, Audit spécifique de gestion du
fonds de Petrocribe, Op. Cit. P. 213, disponible sur le site :
https://www.haitilibre.com/docs/PETROCARIBE-31-01-2019.pdf.
Consulté le 23/07/2019
Page | 26
étant donné qu'il est aussi indispensable
à la réalisation complète et effective de ces
droits90. Par conséquent, ces fonds alloués à
l'exécution et au financement de ces projets n'ont pas été
utilisés à bon escient. En dernière analyse, la gestion
des autorités étatiques était défaillante en ce qui
a trait à la reconstruction du Lycée Toussaint Louverture
détruit par le séisme du 12 janvier 2010 ainsi que le projet de
construction de l'Ecole fondamentale de Débouchette. Ce qui nous offre
la possibilité d'aborder les impacts de cette dette sur le droit
à la santé.
2.4- Effets de la dette du Petrocaribe sur le droit
à la santé en Haïti
Les fonds obtenus par Haïti dans le cadre de
l'exécution de ce traité de sécurité
énergétique (TSE) Petrocaribe91 produisent des effets
sur le droit à la santé en Haïti. Au niveau universel, ce
droit a été consacré par la DUDH à travers
l'article 25 de cet instrument92. Puis, ce droit a reçu sa
consécration juridique dans les dispositions de l'article 12 du
PIDESC93 instrument juridique contraignant et au travers de «
l'Observation générale no 14 » du Comité des droits
économiques, sociaux et culturels94 assurant la surveillance
de cet instrument. Le droit à la santé a une importance
monumentale dans la vie de chaque être humain. Le droit à la
santé constitue un droit fondamental de la personne humaine. Ce droit
fondamental. Au travers de cette observation générale, le
comité a donné un corpus à l'article 12 du PIDESC. Au
niveau national, ce droit fondamental est garanti par la Constitution
haïtienne de 1987 au travers des termes de l'article 1995. Il
est aussi garanti par son article 2396. Le droit à la
santé des populations tel que consacré dans les différents
instruments de droit de l'homme en particulier le PIDESC et la Constitution
haïtienne constitue une obligation pour l'Etat d'Haïti. La situation
de ce droit est lamentable en Haïti. Seulement les personnes qui
travaillent ont droit à une faible couverture médicale. Le droit
à la santé comme droit fondamental ne constitue pas une
priorité des gouvernements qui se sont succédé au pouvoir
en Haïti pendant la gestion des fonds de Petrocaribe. Ce constat trouve
ses explications dans le fait que parmi les 40997 projets
exécutés avec les fonds contractés du
90. Voir Observation générale no 11 du
Comité des droits économiques, sociaux et culturels, P 1.
91. Voir CSCCA, Rapport d'audit spécifique de
gestion du fonds de Petrocaribe, Op. Cit., P. 27, disponible sur le site :
https://www.haitilibre.com/docs/PETROCARIBE-31-01-2019.pdf,
consulté le 15/07/2019
92. Olivier de Schutter, Françoise Tulkens et
Sébastien Van Drooghenbroeck, Code de droit international des droits
de l'homme, Op. Cit., p. 4.
93 . Olivier De Schutter, Françoise Tulkens
et Sebastien Van Drooghenbroeck, Code de droit international des droits de
l'homme, Op., Cit., P. 22.
94 . Observation
générale No 14 (2000) le droit au meilleur état de
santé susceptible d'être atteint (art. 12 du Pacte international
relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, p. 1.
95. Voir Article 19 Constitution de la
République d'Haïti de 1987 : l'Etat a l'impérieuse
obligation de garantir le droit à la vie, à la santé, au
respect de la personne humaine, à tous les citoyens sans distinction,
conformément à la Déclaration universelle des droits de
l'homme et du citoyen, P.6
96 . Article 23 de la Constitution de la
République d'Haïti : L'Etat est astreint à l'obligation
d'assurer à tous les citoyens dans toutes les collectivités
territoriales les moyens appropriés pour garantir la protection, le
maintien et le rétablissement de leur santé par la
création d'hôpitaux, des centres de santé et des
dispensaires, P. 7, disponible sur le site internet :
https://www.oas.org/juridico/mla/fr/hti/fr
hti-int-txt-const.html consulté le 12/06/2019
97. Voir CSCCA Rapport d'audit spécifique de
gestion du fonds de Petrocaribe, No 1, Op. Cit. P. 40, disponible sur le
site:
https://www.haitilibre.com/docs/PETROCARIBE-31-01-2019.pdf,
consulté le 28/06/2019.
Page | 27
Petrocaribe seulement quatre (4) projets98 ont
été octroyés au Ministère de la Santé
Publique et de la Population (MSPP)99 selon le rapport d'audit de la
CSCCA. Parmi ces quatre projets, il est primordial de faire une analyse de deux
échantillons en vue de montrer dans quelle mesure l'Etat haïtien
n'a pas respecté ses engagements internationaux en matière de
droit à la santé et les bonnes pratiques de gestion.
Tout d'abord, il est déterminant de mettre un accent
particulier sur le projet de construction de l'Hôpital Simbi Contiental
et celui de la réhabilitation de l'HUEH parce que ces deux projets
auraient dû impacter le droit à la santé en Haïti
s'ils avaient été exécutés en bonne et due forme.
Le premier projet financé dans le domaine de la santé par les
fonds de Petrocaribe est la construction de l'hôpital de Simbi
Continental. Voilà en quoi consiste l'Etat de ce projet : « Le
projet de construction d'un centre de traumatologie niveau 1 (L'hôpital
Simbi Continental) est rompu. La Cour a jeté le pavé dans la mare
concernant ce projet de construction qui peine à s'achever depuis de
cela 5 ans. Ce projet a été adopté par la
résolution du 23 juillet 2014 pour un montant de 5 000 000.00 USD, soit
226 678 500.00 HTG. Il a été exécuté sous la forme
de subvention accordée à Medishare par le MSPP, en termes de
contrepartie haïtienne, pour la construction de ce centre hospitalier qui
devrait être doté d'un service de soins intensifs, de
pédiatrie, de néonatalogie, de médecine interne, de
chirurgie et de traumatologie100. Ce projet de construction de
ce centre hospitalier qui avait pour mission de contribuer au droit de la
santé de la population révèle une gestion calamiteuse du
MSPP. C'est dans ce contexte que la Cour a révélé dans la
réalisation de ces projets ces faits saillants : « Les
constatations de la Cour sont nombreuses : absence de rapports financiers et
techniques. Toujours selon le second rapport de la CSC/CA, le tableau des
décaissements fait apparaitre une différence de 1 370 100 dollars
américains soit 61 914 000 gourdes par rapport au montant prévu.
Cet écart n'a pas été justifié et le premier
versement a été fait neuf mois avant la résolution,
indique la Cour »101. En fait, dans la réalisation
de ce premier projet en rapport à la réalisation du droit
à la santé, il est à relater que l'Etat haïtien n'a
pas tenu ses trois obligations qui sont les obligations de respecter, de
protéger et de réaliser le droit à la santé de la
population haïtienne. En raison de la mauvaise gestion de ce projet la
Cour produit ces recommandations : «la CSCCA recommande qu'une
enquête soit ouverte par les autorités compétentes afin de
cerner davantage l'utilisation des montants d'argent mis à la
disposition des parties prenantes pour la mise en oeuvre dudit projet
»102. En un mot, il est de bonne guerre de dire que la
mauvaise gouvernance et la mauvaise gestion sont les maitres mots qui
caractérisent ce projet qui aurait dû contribuer à
l'amélioration du droit à la santé de la population. En se
basant sur cet échantillon, il y a leur de souligner que
98 . Idem,
https://www.haitilibre.com/docs/PETROCARIBE-31-01-2019.pdf,
consulté le 29/06/2019
99 . Idem, disponible sur le site :
https://www.haitilibre.com/docs/PETROCARIBE-31-01-2019.pdf,
consulté le 29/06/2019
100. Voir
https://www.lenouvelliste.com/.../2019-07-04-1119
article sur
es-travaux-de-l'hôpital-simbi-continental-toujours-inachevés,
le 04/ 07/2019
101.Voir
https://www.lenouvelliste.com/.../
2019-07-04-1119article sur
les-travaux-de-l'hôpital-simbi-continental-toujours-inachevés,
le 04/ 07/2019
102.Voir cet article publié par le
plus grand quotidien du
pays :
https://www.lenouvelliste.com/article/204043/les-travaux-de-l'hopital-simbi-continental-toujours-inacheves,
le 04/ 07/2019
Page | 28
l'effectivité du droit à la santé
financé en Haïti malgré l'existence du fonds de Petrocaribe
reste et demeure un défi majeur pour la population haïtienne en
particulier les gens les plus nécessiteux.
Comme il a été susmentionné, la mauvaise
gestion et la mauvaise gouvernance sont les principaux éléments
qui caractérisent le financement de ces projets par les gouvernements
qui se sont succédé au pouvoir en durant toute la période
où Haïti a reçu les fonds du Petrocaribe selon les juges de
la Cour. En réalité, les détournements montrent que le
droit à la santé à l'exemple des autres droits
fondamentaux n'était pas la priorité des gouvernements. Cette
gestion calamiteuse de ces projets liés au droit à la
santé constitue des preuves tangibles. En un mot, le droit à la
santé comme droits de l'homme est loin d'être une
préoccupation pour les dirigeants haïtiens. Pourtant, ce droit a
pour mission d'englober toute une série de droit au regard de
l'Observation générale No 14 du Comité, organe de
surveillance du PIDESC : « le droit à la santé englobe
une grande diversité de facteurs socioéconomiques de nature
à promouvoir des conditions dans lesquelles les êtres humains
peuvent mener une vie saine et s'étend aux facteurs fondamentaux
déterminants de la santé [...] et un environnement saint
»103.
En tout état de cause, les détournements et la
mauvaise conception et gestion des projets financé par les fonds de cet
accord bilatéral ont des effets catastrophiques sur le droit à la
santé de la population haïtienne. Selon un rapport
élaboré par la Banque Mondiale le budget alloué aux soins
de santé ne fait que chuter considérablement dans le pays
: « Malgré les besoins sanitaires la part du
budget de l'état haïtien alloué à la santé n'a
cessé de diminuer au cours de 12 dernières années,
baissant de 16.6% du budget national en 2004 - un chiffre supérieur
à la moyenne de la région d'Amérique latine et
Caraïbes - à 4.4% du budget national actuel »104.
En effet, ce rapport montre qu'en 2004 date où il n'y avait pas les
fonds de Petrocaribe la situation du droit à la santé
était bien meilleure qu'en 2017 date où Haïti
bénéficiait encore les fonds de Petrocaribe. Cette situation
trouve son explication dans le fait qu'une grande partie du budget national est
réservé au service de la dette publique externe en vue de payer
la République Bolivarienne du Venezuela. Ce constat calamiteux ne fait
que mettre Haïti dans une situation de dépendance vis-à-vis
du Venezuela qui dévient le principal créacier du pays sur le
plan international. Il est à remarquer que par la dette les Etats
abdiquent et renoncent à leur souveraineté tout en violant les
droits fondamentaux de la personne humaine105.
De plus, il est à remarquer que le droit à la
santé est violé constamment en Haïti parce que les patients
se trouvent très souvent dans l'impossibilité d'avoir
accès aux soins de santé aux tarifs abordables dans le pays. Dans
ce sens, « le secteur privé, fort d'une vingtaine de structures
médicales (hôpitaux, centres de santé, centres
d'examens...) à Port-au-Prince, proposait des soins de grande
qualité (plateaux techniques et staff médical) mais les tarifs
prohibitifs pratiqués interdisaient à 80% de la population
haïtienne d'avoir recours à ces
103 . Voir à ce sujet observation
générale No 14, Parag.4 du Comité des droits
économiques, sociaux et culturels, Op. Cit., P. 2.
104.
https://
www.banquemondiale.org, Haiti new world bank report
calls for increase health budget and better spending to save lives, le 09/
07/2019.
105. Interprétation faite par Jean Ziegler dans son
ouvrage titré « Empire de la Honte »
Page | 29
prestations »106. Les acteurs
privés ont une grande influence sur le système de santé.
Ce sont eux qui possèdent les infrastructures lourdes dans le domaine.
Avec les fonds de Petrocaribe, Haïti avait la possibilité de
construire des infrastructures permettant aux personnes pauvres d'avoir
accès au soin de santé. C'est ainsi que Éric David et
Gabrielle Lefevre affirment que : « le droit à la santé
peut être violé de multiples façons. D'une part, il y a des
atteintes grossières à la santé publique, telle la mise en
décharge de déchets toxiques contaminant des habitants et d'autre
part, une revendication privatiste qui a une certaine logique libérale
mais qui viole certains droits fondamentaux comme celui des patients
d'être soignés à des prix abordables
»107. Tout compte fait, avec les fonds du Petrocaribe,
Haïti avait la possibilité de construire de centres hospitaliers
publics en vue de favoriser l'accès de la population aux soins de
santé à des prix abordables particulièrement aux personnes
les plus vulnérables. Du reste, il s'avère nécessaire
d'aborder les effets de la dette du Petrocaribe sur le droit à la
sécurité sociale.
2.5- Conséquences de la dette du Petrocaribe sur
le droit à la sécurité sociale
Outre de ses impacts sur le droit à la santé, le
fonds du Petrocaribe a été utilisé dans la mise en place
des programmes liés au droit à la sécurité sociale.
D'abord, ce droit a reçu sa première consécration
juridique internationale dans les termes de l'article 22 de la
DUDH1°8. En outre, il a été consacré dans
les dispositions de l'article 9 du PIDESC : « les Etats parties au
présent Pacte reconnaissent le droit de toute personne à la
sécurité sociale, y compris les assurances sociales
»109. Qui plus est, ce droit a trouvé son ancrage
juridique dans l'observation générale no 19 (2007) du
Comité des droits économique sociaux et culturels sur le droit
à la sécurité sociale concernant l'article 9 du
Pacte11°. Au niveau national, ce droit trouve ses principaux
fondements dans l'article 22 de la Constitution haïtienne de
1987111. En Haïti, le doit des personnes à la
sécurité sociale est traité en parent pauvre non seulement
par les autorités publiques mais également par les acteurs non
étatiques travaillant dans le domaine. C'est ainsi que même les
personnes qui travaillent dans le pays ne bénéficient pas une
vraie couverture d'assurance. Ensuite, les personnes vulnérables comme
les handicapés, les enfants et les femmes enceintes ne
bénéficient pas de protection sociale. C'est pourquoi sans avoir
la prétention de faire croire que les fonds contractés au titre
de Petrocaribe pouvaient résoudre tous les problèmes liés
à la question de sécurité sociale, mais il est important
de relater que ces fonds devaient être une opportunité pour l'Etat
haïtien de lancer des projets porteurs d'espoir en rapport à la
sécurité sociale. Dans l'intention de répondre à
106. Voir à ce sujet
http://humanitaire.blogs.liberation.fr
publié le 21/06/2010 la santé en Haïti un service publique
ou un système privé, le 12/08/2019.
107 . Eric David et Gabrielle Lefèvre, Juger les
multinationales, Edit. MARDAGA, Bruxelles, P. 54.
108. Olivier de Schutter, Françoise Tulkens et
Sebastien Van Drooghenbroeck, Code de droit international des droits de
l'homme, Op. Cit., P. 4.
109. Olivier de Schutter, Françoise Tulkens et
Sebastien Van Droohghenbroeck, Code de droit international des droits de
l'homme, Op. Cit., P. 21.
110. Voir l'Observation générale no 19
(2007) du Comité des droits économiques, sociaux et culturels sur
le droit à la sécurité sociale.
111. Voir l'article 22 de la Constitution : l'Etat
reconnait à tout citoyen à un logement descente, à
l'éducation, à l'alimentation et à la
sécurité sociale, Port-au-Prince, P.7.
Page | 30
ses obligations, l'Etat haïtien a lancé des
programmes sociaux qui n'ont que des effets de boule de neige dans le pays qui
n'avaient pas comme objectif de réaliser et de protéger le droit
à la sécurité sociale. Parmi ces programmes sociaux, il
est éminemment crucial de voir les retombées de deux de ces
programmes mis en place par les autorités étatique au travers
d'un organisme autonome dénommé Fonds Assistances, Economique et
Social (FAES) qui sont KORE « ETIDVAN et TI MANMAN CHERI
»112.
En tout premier lieu, ces fonds ont été
utilisé afin de réaliser un programme social en faveur des
étudiants de l'Université D'Etat d'Haïti (UEH)
dénommé KORE ETIDYAN. Voilà en quoi consiste ce programme
dit social mis en branle par l'Etat au profit des étudiants : «
le programme « Kore etidyan » a été mis en oeuvre
depuis décembre 2012 pour aider les étudiants de
l'Université d'Etat. Il consiste en l'octroi d'un montant de 18 000 HTG
aux étudiants bénéficiaires, sous forme de bourse, pour
l'année académique. Jusqu'en janvier 2014, 22 000
étudiants avaient bénéficié de ce programme
»113. Selon le rapport d'audit de la CSCCA haïtienne,
ce programme social a été financé avec les fonds du
Petrocaribe. La Cour a révélé, au travers, de son audit
que la plupart des bénéficiaires sont des personnes fictives
parce que les auditeurs de cette institution républicaine ne sont pas
arrivés à retracer l'identité de tous les
bénéficiaires. Au regard de l'avis d'un juge de la Cour
interviewé dans le cadre de ce travail de recherche, la gestion de ce
programme social qui avait comme objectif premier d'aider des étudiants,
est révélatrice de graves carences. Ce programme a
été une source d'instrumentalisation des étudiants
bénéficiaires à des fins électoralistes.
En plus de ce programme social mis à la disposition des
étudiants, un autre programme de protection sociale a été
mis en branle durant cette période avec les fonds du Petrocaribe
dénommé « Ti Manmi Cheri »114 sous
la houlette du FAES au travers un service de cet organisme autonome
appelé « EDE PEP »115. Ce programme
lié à la sécurité sociale a été mis
en place par l'administration de Martelly-Lamorte respectivement
Président et Premier Ministre de 2011-2016. Force est de constater
cependant, ce programme de protection sociale qui avait pour objectif d'aider
certaines mères se résume ainsi :« Ti Manman Cheri est
un programme de protection sociale du Gouvernement Haïtien qui aide les
mères défavorisées à supporter leurs familles et
à investir dans l'éducation de leurs enfants. Par ce programme
qui est placé sous la direction du Fonds d'assistance économique
et sociale (FAES), le gouvernement met des fonds à la disposition des
familles vulnérables pour leur permettre d'assurer l'éducation
des enfants »116. Il est à noter que le transfert
se fait mensuellement sur le numéro de téléphone de chaque
maman en fonction du nombre d'enfant qu'elle a à l'école. Chaque
maman bénéficiaire de cette aide sociale perçoit une
allocation de l'Etat durant une période de 6 mois. Le tableau ci-dessous
peut illustrer clairement la distribution de cette allocation en fonction du
nombre d'enfants qui sont à l'école et du montant mensuel par
maman.
112. KORE ETIDYAN et TI MANMAN CHERI sont en fait deux
expressions de la langue créole haïtienne pour dénommer des
programmes liés au droit à la sécurité sociale dans
le pays.
113. Rapport national (Haïti) au Conseil des droits
de l'homme : groupe de travail sur l'Examen périodique
universel, 26e session, 31octobre-11 novembre
2016, Genève, P.12.
114 .
https://groups.google.com/forum/#!topic/haiti-nation/wmbPthZ26gg,
le 25/06/2019
115. EDE PEP : Ce terme créole se traduit en
français par l'expression Aide au peuple,
116 .
https://groups.google.com/forum/#!topic/haiti-nation/wmbPthZ26gg,
le 25/06/2019.
Page | 31
Le montant recevable est déterminé dans
le tableau ci-dessous117 :
Nombre d'enfants à l'école
|
Montant du Transfert Mensuel
|
1 enfant
|
400 HTG
|
2 enfants
|
600 HTG
|
3 enfants
|
800 HTG
|
Source :
https://groups.google.com/forum/topic/haiti-nation/wmbgg
A l'instar de la quasi-totalité des projets
exécuté avec les fonds du programme Petrocaribe, ce programme de
protection sociale porte également ses travers selon les faits
exposés par les juges de la Cour Supérieure des Comptes et du
Contentieux Administratif. L'un des impacts majeurs de ce programme
réside dans le fait qu'il incite les femmes à avoir beaucoup plus
d'enfants. De plus, les femmes qui n'avaient pas d'enfants se sentaient
discriminées. C'est ainsi que « conformément aux
articles 2 et 3 du PIDESC, les Etats parties ont l'obligation de garantir
à chacun l'exercice des droits consacrés par le Pacte, sans
aucune discrimination »118. Au niveau de cette observation
générale, il est clair que l'Etat haïtien ne peut pas faire
de discrimination en donnant cette aide sociale.
En somme, l'Etat a l'obligation d'empêcher des acteurs
privés de faire également de discrimination d'où
l'importance de l'obligation de protéger de l'Etat. Comme, il a
été susmentionné dans les lunettes du rapport d'audit des
juges de la Cour, ce programme a été une vaste opération
de fraude et de corruption parce que la plupart des mamans considérant
comme bénéficiaires de ce programme de protection sociale sont
des personnes fictives. Ces deux programmes sociaux liés à la
dette du Petrocaribe qui est à la fois une dette mais également
une aide au développement reçue dans le cadre d'une
coopération au développement Sud-Sud a eu des effets
négatifs sur le droit à la sécurité sociale dans le
pays. D'où la nécessité d'aborder la question de la
corruption liée à la gestion des fonds du Petrocaribe.
117. Voir https : //
www.groups.google.com forum
Haïti nation, le 11/07/2019
118. Voir à ce sujet Observation générale
no 20, par. 7 et 8.
Page | 32
Conclusion
En guise de conclusion, le respect, la protection et la
réalisation des droits de l'homme restent et demeurent un défi
majeur à relever par l'Etat haïtien. C'est ce constat
catastrophique que fait ressortir la gestion des fonds collectés par
l'Etat dans le cadre ce Traité de sécurité
énergétique (TSE)119 conclu avec le Venezuela. Les
fonds substantiels obtenus par Haïti dans cette coopération au
développement Sud-Sud ont eu des impacts néfastes sur les droits
humains dans le pays en particulier les droits économiques et sociaux
qui constituent la toile de fond ce travail. Du reste, le programme Petrocaribe
a impacté négativement les droits à l'alimentation,
à la santé, au logement, à l'éducation et à
la sécurité sociale. Au moment de l'exécution des projets,
ces droits fondamentaux susmentionnés ont été
traités en parents pauvres. La prise en considération de ces
droits économiques et sociaux ne constitue nullement une priorité
dans les politiques publiques mises en branle par les autorités
étatiques haïtiennes. La mauvaise gouvernance, la mauvaise gestion
et finalement la corruption à tous les nouveaux consistent les
principaux éléments caractérisant les différents
projets financés par les fonds du Petrocaribe. Les
révélations de corruption et de mauvaise gouvernance ont
été confirmées par les fameux rapports d'audit de la
CSCCA. La corruption constitue l'un des obstacles du sous-développement
d'Haïti.
In fine, la CSCCA et la Commission Ethique et Anti-corruption
du Sénat montraient que les fonds n'avaient pas été
dépensés conformément aux procédures de passation
des marchés publics en Haïti. Toutefois, il est à noter que
la constitution haïtienne et les lois haïtiennes consacrent en
principe les droits humains mais la mise en pratique de ces droits de l'homme
est encore théorique et illusoire. Cette gestion malsaine des fonds de
Petrocaribe produit deux conséquences majeures dans le pays qui sont la
croissance exponentielle de la dette externe publique et la faim constituant
deux armes à destruction massive120. Dans le but de donner
une réponse proportionnelle à ce problème de la faim en
Haïti, il serait préférable d'imiter la stratégie de
lutte contre la faim mise en place par le Président Lula au
Brésil qui sont : « les politiques structurelles de lutte
contre la faim, les politiques spécifiques de lutte contre la faim et
les politiques locales de lutte contre la faim »121.Tout
compte fait, l'Etat haïtien doit tout mettre en oeuvre afin de rendre
effectif les droits économiques et sociaux
119. CSCCA, Rapport d'Audit spécifique de la gestion du
fonds de Petrocaribe, Op. Cit., p. 27.
120. Termes utilisés par Jean Ziegler dans son ouvrage
titré Destruction massive géographie politique de la faim.
121. Jean Ziegler, Empire de la honte, Op. Cit. P. 227.
Page | 33
consacrés par le PIDESC ainsi que par la Constitution
haïtienne du 29 mars 1987. L'Etat haïtien doit tout faire en sorte
que ces droits soient pleinement justiciables devant les juridictions
nationales.
Bibliographie Textes
législatifs
-Arrêté fixant les seuils de passation des
marchés publics, Moniteur No 93, Port-au-Prince, jeudi 14 juin 2012.
-Constitution de la République d'Haïti adoptée
le 29 mars 1987, Port-au-Prince, (Haïti), 1987. - Convention
interaméricaine contre la Corruption ratifiée par Haïti le
18 juillet 2002. - Convention des Nations Unies contre la Corruption
ratifiée par Haïti le 14 mai 2007.
-Déclaration universelle des droits de l'homme
adopté par l'Assemblée générale des Nations Unies
dans sa résolution 217(III) du 10 décembre 1948.
-DE SCHTTER Olivier, TULKENS Françoise et VAN
DROOGHENBROECK Sebastien, Code de droit international des droits de
l'homme, 4e Edit. Bruylant, Bruxelles, 2014.
- Loi de finance de l'Exercice fiscal 2017-2018, Port-au-Prince,
Le Moniteur spécial No 27.
-Loi No : CL06 2009-009 fixant les Règles
générales de Passation, d'Exécution et de Règlement
des Marchés Publics dont la Valeur estimée est Egale ou
Supérieure aux seuils de Passation des Marchés, Le Moniteur No
60, Port-au-Prince, vendredi 12 juin 2009, citée dans
www.haitilibre.com
/.../docs/ PETROCARIBE-31-01-2019.pdf.
-PIERRE-LOUIS Patrick et PIERRE-LOUIS Menan, Code
pénal haïtien, mise à jour
-Pacte international relatif aux droits économiques,
sociaux et culturels adopté par l'assemblée
générale des Nations-Unies dans sa résolution 2200 A(XXI)
du 16 décembre 1966 et ouvert à la signature à new- York
le 19 décembre 1966 et entré en vigueur le 3 janvier 1976 et
ratifié par Haïti le 10 octobre 2013.
-Pacte international relatif aux droits civils et politiques
adopté par l'Assemblée générale des Nations-Unies
dans sa résolution 2200(XXI) du 16 décembre 1966 et ouvert
à la signature à New-York le 19 décembre 1966 et
entré en vigueur le 23 mars 1976 ratifié par Haïti le 6
février 1991.
Observations générales
Page | 34
1-Observation générale no 24(2017) sur les
obligations des Etats en vertu du Pacte international relatif aux droits
économiques, sociaux et culturels dans le contexte des activités
des entreprises
2-Observation générale No 11 (1999) plans
d'action pour l'enseignement primaire (art. 14 du Pacte international relatif
aux droits économiques sociaux et culturels.
3-Observation générale No 12 (1999) le droit
à une nourriture suffisante (11) Questions de fond au regard de la mise
en oeuvre du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux
et culturels.
4-Observation générale No 14(2000) le droit au
meilleur état de santé susceptible d'être atteint (12) du
Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et
culturels.
5-Observation générale No 13 (1999) le droit
à l'éducation (art. 13 du Pacte) application du Pacte
international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.
6-Observation générale No 20
7-Observation générale no 19 (2007) du
Comité des droits économiques, sociaux et culturels sur le droit
à la sécurité sociale.
8-Observation générale no 4 (1991) du
Comité des droits économiques, sociaux et culturels sur le droit
à un logement suffisant.
Références
doctrinales
-DAVID E. et LEFEVRE G., Juger les multinationales -
droits humains bafoués, ressources naturelles pillées,
impunité organisée, Bruxelles, Ed. Mardaga, 2015.
-DE SHUTTER O. TULKENS F. et VAN DROOGHENBROECK S., Code
de droit international des droits de l'homme, Bruxelles, 2e Ed.
Bruylant, 2003.
-LE VELLY Ronan, Sociologie des systèmes alimentaires
alternatifs. Une promesse de difference, Paris, Ed. Presses des Mines,
collection sciences sociales, 2017.
- NTAMPAKA (A.), Droit de l'homme et
développement, Bruxelles, Ed. USLB, 2017-2018.
-SCHULLER Mark, Cette charité qui tue - Haïti,
l'aide internationale et les ONG, Port-au-Prince, Ed. de
l'Université d'Etat d'Haïti, 2015.
- ZIEGLER J., Destruction massive - Géopolitique de
la faim, Paris, Ed. Du Seuil, 2011 et revue en 2012.
- ZIEGLER J., Empire de la honte, Paris, Ed.
Fayard, 2005.
-ZUCMAN Gabriel, La richesse cachée des
nations, Paris, Ed. du Seuil et La République des idées,
2013 et 2017.
Rapports et résolutions
Page | 35
-Rapport national (Haïti) présenté
conformément au paragraphe 5 de l'annexe à la résolution
16/21 du Conseil des droits de l'homme des Nations Unies, Genève,
2016.
-Rapport semestriel des Nations Unies sur les droits de l'homme
en Haïti, Genève, Janvier-Juin 2014.
- Rapport No 1 d'audit spécifique de gestion du fonds
Petrocaribe par la CSCCA, Port-au-
Prince, janvier 2019.
- Rapport No 2 d'audit spécifique de gestion du fonds
Petrocaribe par la CSCCA, Port-au-Prince, mai 2019.
- Rapport du Sénat sur la gestion sur la gestion des fonds
du Petrocaribe, Port-au-Prince,
- Ministère de L'Economie et des Finances (MEF)
Unité de Lutte contre la Corruption (ULCC) La Stratégie Nationale
de Lutte contre la Corruption, Port-au-Prince (Haïti), P. 11.
-Résolution 23/9 du Conseil des droits de l'homme et
résolution A/RES/69/199 de l'Assemblée générale des
Nations-Unies
Webographie
https://www.haitilibre.com/docs/PETROCARIBE-31-01-2019.pdf,
Règles Générales de Passation des Marchés publics
dont la Valeur estimée est Egale ou Supérieure aux Seuils.
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http://www.alterpresse.org.
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http://cepr.net
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|
opinions
|
les-ramifications-internationales-du-scandale-
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Petrocaribe plus de 53 millions de dollars pour la construction et
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https://fr.wikipedia.org/wiki/PetroCaribe/.
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https://fr.wikipedia.org/wiki/PetroCaribe/.
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www.Loophaiti.com, Chute accélérée
de la gourde-les trois mesures adoptées.
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http://humanitaire.blogs.liberation.fr
publié le 21/06/2010 la santé en Haïti un service
publique ou un système privé.
https://www.amnesty.be/IMG/pdf/rapport
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du droit à un logement décent en Haïti après le
tremblement de terre, le 12/08/2019.
|