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Bilan humain des conflits armés et ses conséquences sur le développement du territoire d'Uvira de 1996 à 2005.par Abel MUKUNDE SABUNI Institut Supérieur de Développement Rural de Bukavu (ISDR-BUKAVU) - Graduate en développement rural 2007 |
Ière PARTIE : MONOGRAPHIE DU TERRITOIRE D'UVIRACHAPITRE I. GENERALITES1.1. PRESENTATION DU TERRITOIRE D'UVIRA1.1.1. Situation géographiqueLe territoire d'Uvira est l'une des composantes du territoire national congolais. Il a été créé par le décret-loi n° 21/91 du 25 février 1938 modifié par celle n° 67/221 du 03 mai 1967. Ce territoire compte une population de 346766 habitants sur une superficie de 3145 km², soit une densité de 104 habitants par km² Ses limites sont les suivantes : - Au nord il est limité par le Territoire de Walungu - Au Sud par le Territoire de FIZI - A l'Est par le lac Tanganyika et la rivière Ruzizi Constituant la frontière naturelle avec les Républiques Rwandaise et Burundaise - A l'Ouest par le Territoire de Mwenga 1.1.2. Situation AdministrativeAdministrativement le territoire d'Uvira est subdivisé en trois cités et trois chefferies ainsi que quatre postes d'encadrement administratif : - La chefferie des Bafuliiru au Nord, entre la rivière Luvinvi et Kawizi - La chefferie des Bavira au Sud, entre la Kawizi et la Kambekulu - La chefferie de la plaine de la Ruzizi à l'Est, entre la Ruzizi et la grande Route reliant Bukavu à Uvira. Ces chefferies sont respectivement habitées par les Fuliiru, les vira et les Rundi. A côté de ces trois groupes principaux, certains autres citent également les Twa (pygmées) parmi les occupants les plus anciens de cet espace. Mais aujourd'hui, comme chacun le sait, si le terme Twa s'est jusqu'ici maintenu dans le langage, la silhouette, en revanche a depuis longtemps déjà disparu du paysage. Outre les Twa et les trois premiers groupes précités, il y a lieu de signaler également sur le plateau, la présence d'un groupe des pasteurs immigrés Rwandophones qui y mènent, depuis un certain temps, une vie semi-nomade. 1.1.3. La DémographieLe territoire d'Uvira compte trois cités et trois chefferies dont la cité d'Uvira, la cité de Kiliba et la cité de Sange. La population s'élève à 346 766 habitants établis sur une superficie de 3. 142 km² soit une densité de 104 habitants par km² Les autochtones sont les Bafuliru et les Baviras, à eux se sont ajoutés les Babembe, le territoire est habité aussi par des « Banyamulenge « qui sont une population de souche Tutsi vivant dans les hauts plateaux d'Uvira et d'autres qui ont émigré de Vyura au Nord du Shaba. A ces populations nous ajoutons les Barega, les Bashi, venus du Sud du Territoire et les autres peuples comme les Banande, les Bangubangu. 1.1.3.1. Mise en place du peuplement actuela. Les Vira-Fuliru Partis du Nord Est, les vira et les Fuliiru seraient descendus vers le Sud et traversant Lwindi, se seraient installés sur les terres qui constituent leur fief actuel. Toute fois CUYPERS 13(*) pense que la descente ne s'est pas faite d'un seul trait, mais a été retardée par un long détour à travers le Maniema.14(*) Avec à sa tête un certain Nalwindihypothétique ancêtre et leader du mouvement. Le groupe se serait encore scindé en deux, les Fuliiru descendant sous la conduite de KahambaKalingishi et s'installant sur les hauteurs de Lemera tandisque les Vira, sous la houlette de Kirungu s'installaient sur le pic de Munanira, d'où ils essaimeront vers les terres basses de la vallée et sur le territoire, commencé au 16ème siècle, cette installation se serait terminée au 17ème siècle, comme en témoignent, aux dires des autres, les empreintes qu'en porte alors déjà ce terroir 15(*) les sources Bavira quant à elles, déclarent que les deux tribus sont différents tout en démontrant que les Bafuliiru sont venus du nord et les Bavira du Sud vers Katanga avant de s'installer tous à Uvira. Ces deux sources affirment que ces deux tribus sont sur le sol d'Uvira à partir des courants migratoires aux premiers siècles de notre ère.(BIRHAKAEKA, 1987)16(*) Les Fuliiru En lisant les études ethnographiques, nous nous sommes heurtés à la difficulté de circonscrire le territoire des Bafuliiru. Il est présenté de façon extensive à tel point qu'il soulève dès le départ le problème de savoir si les Bafuliiru contrôlent toute l'étendue. Les rapports dressés en 1907 circonscrivent le territoire ethnique des Bafuliiru dans les limites de la superficie située le long du lac Tanganyika et de la Ruzizi depuis Moira jusqu'à la rivière Luvivi. Le territoire défini est très vaste et couvre plus ou moins l'espace entre le sud d'Uvira et la Luvivi. De ce fait, il y a lieu de considérer qu'il s'agissait en effet d'un espace culturel qui englobait aussi celui de Bavira. Sur un même espace, deux ou plusieurs ethnies pouvaient coexister de façon contiguë comme nous pouvons le voir sur la carte. Les limites du côté orientales sont données dans les rapports mais pas de côté occidental. Il est tôt pour conclure à leur absence et de dire prématurémentque la forêt faisait office de frontière. Il ressort que le territoire ethnique des Bafuliiru n'était que partiellement délimitée. Le spillor et l'administrateur René Lons ont rapporté des fait qui illustrent le mieux la fragmentation qui était déjà encours chez l'ethnieBafuliiru. Même s'ils ne sont parvenus à dater les faits, il ressort de leurs différents rapports que le chef Luhama, fondateur de la dynastie Bahamba, a procédé à la fragmentation pour maintenir la cohésion interne et pour faire face aux revendications d'autonomie17(*). Si le chef Luhama a évité l'éclatement, il a tout au moins en repartissent le territoire ethnique entre ses trois fils de façon stratégique, consacré l'existence de trois autres souverainetés. Elles étaient contiguës et dépendantes de son autorité par ce qu'il percevait des tribus. Le caractère parental de l'autorité est aussi souligné dans les rapports de Grasset et de NanDerghote. L'autorité se transmettait du père au fils aîné. Les allégeances étaient plus déterminées par les liens familiaux que par la médiation du territoire. L'ethnie était le lieu de production de micro-souveraineté. Le fils aîné, Nyamugira, reçut la partie entre Moira et la rivière Munyovwe au Sud. Le deuxième fils, Mutahonga, reçut la partie depuis la rivière Munyovwe au sud jusqu'à la rivière Kise au nord et la partie limitée par une ligne longeant le pied de Montage formant le versant Est de la vallée de la Ruzizi jusqu'au pont de pierre. Le troisième fils ; Lusagara, eut la partie des montagnes dont l'accès est fort difficile. La répartition du territoire n'a pas empêché les Balunga, une fraction du clan régnant, de se détacher et de ses rallier aux Bavira. Les Balunga n'ont pas reproduit lastructure d'autorité qu'ils maintenaient chez les Bafuliiru mais ils ont été assimilés comme simple clan chez les Bavira18(*) Nous ignorons si les Bazige ont conquis le territoire qu'ils occupent actuellement ou ont été groupés par les Belges, les archives de la sous régions de Sud-Kivu (Uvira) renseignent que le chef Muluta aurait donné les terres qu'ils occupent actuellement à Ngabwe, leur chef. L'autre version, surtout celle des descendants Bazige, communément connus sous l'appellation de Bazeke ou Bahungu, dit que l'actuel groupement de Muhungu qu'ils occupent et dirigent dans la collectivité chefferie des Bafuliiru et auxquels sont venus se joindre d'autres clans, était avant l'occupation Belge une chefferie autonome sous le règne de Kalunga, fils de Mukobesi, fondateur de la chefferie. Leur récit parfois mythique rappelle que Kalungu détenait tous les symboles du pouvoir traditionnel mais fut conquis et soumis par MahinaMukogabwe, le chef des Bafuliiru. C'est ainsi que la chefferie de Kalunga fut annexée à celle de Mukogabwe. L'annexion aboutie donc à l'unification de deux peuples. Kalunga devient un simple sous-chef de Mukogabwemais pouvoir fut maintenu dans sa lignée pour sécuriser tous les Bazige et de leur permettre de participer à la gestion de la chefferie. Leur participation par la détention du pouvoir contribua à réserver les liens sociaux et à maintenir la confiance entre Mukogabwe et Kalunga. Au fil des âges, les Bazige adoptèrent le Kifuliiru comme langue, les liens matrimoniaux et échanges commerciaux s'intensifièrent, et ils reconnurent Mukogabwe comme leur Mwami. Les processus d'intégration sociale étaient alors achevés. Cette version très intéressante rappelle non seulement une intégration forcée mais aussi un compromis des communautés qui a bien réussi à créer des conditions de cohabitation.19(*) Les Bavira L'Abbé KALOLERO BYASHONI Bernard explicite l'idée de fragmentation et de dispersion de Bavira dans son document intitulé : Bref aperçuhistorique de clan Vira, inédit, Uvira, janvier 2002. Nous pouvons découvrir dans les neuf premières pages que les Bavira sont partis du Tchad en transitant par Haut-Uelé, Maniema, Kibombo, et Sange au Katanga. Ils furent corps avec les Baluba mais se séparèrent suite aux luttes internes sous la direction de IlungaLenge Ier pour occuperPepa au Sud de Moba. Le Chef Lenge Ier fut dictateur : d'où division en trois parties (branches) : celle de NambuzaMukangwa pris la direction de Lwaba, celle de Ilunga Ier suivi la chaine de Mitumba mais se disloqua et donna lieu aux Babuyu. La branche de IlungaLenge Ieroccupa successivement Baraka, Nundu, Kigongo et Munanira. Enfin, celle de BengaMweneMazi Emprunta le lac Tanganyika et occupe respectivementUbwari et KabunguluNamyanda. Les branches de IlungaLengeIèr et de BengaMweneMazi se croisèrent au 17è siècle dans le Fizi et Uvira et forment un seul peuple. Zoba. Celui-ci fut divisé par l'administration coloniale au début du 20è siècle en vue de délimiter les chefferies. C'est ainsi que le peuple Zoba donna naissance aux Bavira, Babuyu, Basanze, Babwari et Bahololo. Nous avons résumé les faits par souligner la mobilité des Bavira et l'existence de plusieurs chefferies.20(*) Les premiers rapports administratifs qui nous parlent des Rundi mentionnent leur présence dans la région en même temps que celle des mutins de la colonne Dhanis-chaltin dont l'apparition est signalée capitaine Hecq qu'en octobre 189921(*) On peut donc raisonnablement situer le début de l'infiltration continue des Rundi dans la plaine de la Ruzizi aux environs de 1900-1903. Cela est d'autant plus vrai que c'est également en 1899 que débute l'occupation effective de RWANDA-URUNDI par l'Allemagne avec l'organisation de station militaire d'USUMBURA et l'établissement dans le pays d'une société commerciale allemande.22(*) Ainsi, jusqu'à la fin de la 1ère grande guerre (1914-1918), à part le groupe des « Ziges » installés d'abord à Kisanga puis sur les hauts plateaux à Muhungu aucun autre groupe Burundais ne se stabilisa dans la plaine. On assista plutôt à de va et vient incessant de transfuges politiques d'aventuriers de tout genre et de valeurs de bétails qui, profitant de la confusion créée par le passage des mutins, s'intensifièrent leurs incursions à partir du Rwanda-Urundi allemand, les rapports administratifs de l'époque abondent en ce genre de détails. Après la débâche des mutins, l'un des chefs de ces bandes, un certain KINYUNI en difficulté avec l'occupant allemand, vint avec son groupe se mettre sous la protection du drapeau congolais. Sur place même les réquisition consécutives à l'état de guerre et les impositions, corollaire de l'occupation effective de la contrée par les émissaires de Léopold II, avaient contraint les chefs autochtones et une importance portion de leur population à chercher refuge sur les hauts plateaux pour échapper aux tracasseries des représentants de l'ordre nouveau profitant de la vacance ainsi créée, l'occupant belge attribua le trône de Mwami FuliiruNyamugira, alors en fuite au chef de bande Burundais KINYUNI. Cette magnifique fonction n'empêcher pourtant pas ce dernier de s'enfuir en 1904 avec un important cheptel vers son Urundi natal la puissance tutélaire tentera de lui faire succéder son fils Mugabo qui lui aussi suivra quelque temps après ce triste exemple de son père (1906). Nullement édifiée par ces deux cas, la puissance administrative confiera encore la chefferie à un certain Lubisha ancien. Le caractère arbitraire et fantaisiste de ce choix apparaît clairement à travers ces mots du rapport administratif de l'époque : « presque tous les indigènes du chef reconnue Lubisha sont des Bafuliiru quoique personnellement il soit Urundais : comme ses prédécesseurs, lui aussi s'en retournera en 1996 dans son Urundi, alors appelé « Territoire contesté », après y être fait précéder de centaines de têtes de gros bétail volées bien évidemment sur notre territoire. Et ce n'est qu'après le passage du Rwanda-Urundi sous administration Belge que les Rwandais traverseront la Ruzizi, non plus avec la seule intention de voler du bétail, mais aussi avec une arrière-pensée de s'installer pour tenter d'améliorer sur place leurs conditions d'existence en proposant leurs bras comme pâtres ou comme main d'oeuvre agricole. En effet, l'imposition généralisée, à partir de 1920, des cultures obligatoires couplées du programme des paysannats indigènes, entraîna dans la plaine un afflux massif des autochtones Vira-Fuliirujusque-là réservés et retranchés sur les flancs ou aux sommets des hauts plateaux. C'est à ceux-ci que les immigrés venaient vendre leur force de travail. L'occupation et la mise en valeur de la plaine de la Ruzizi offriront à l'administration l'occasion longtemps rêvée d'entamer l'influence et le prestige des chefs locaux. Ainsi, en dépit de tous les déboires antérieurs, l'administration coloniale ne s'empêchera pas de créer en 1928 une chefferie forgée de toutes pièces au profit d'une poignée d'immigrés Rundi, par ailleurs très flottants, mais dont la principale vertue était d'être plus docile et portant plus malléable augré de la puissance occupante. A la tête de la nouvelle circonscription sera placé un de ceux-ci, un certain NDABAGOYE, alors que la chefferie était peuplée en majeure partie de population vira-fuliru. La création de cette nouvelle chefferie fut donc, ou sans doute bien, uniquement dictée par le souci de battre en brèche et de grignoter l'autorité de chefs autochtones vira-fuliiru, plus précisément les Bami MUKUMIKA MULUTA et MUKOBABWE réputé réfractaires aux impositions de l'ordre coloniale. Imposée par le pouvoir occupant, la création en terre congolais de cette chefferie, baptisée chefferie des Barundi et actuellement dénommée chefferie de la plaine de la Ruzizi, sera toujours contestée par les Bami et les populations autochtones qui la percevront, tout au long du règne colonial, comme une plaie mal cicatrisée, plantée dans leur flanc règne par l'occupant étranger. Et de ce fait, l'histoire nous apprend que cette plaie se rouvrit dès l'accession de notre pays à l'indépendance. Le problème du territoire ethnique des Barundi dans la vallée de la Ruzizi, rive droite, n'est pas d'ordre administratif mais plutôt d'ordre conceptuel dans la mesure où les groupes ethniques voisins refusent de reconnaître les découpageshérités de la colonisation et de s'en remettre à la loi. Le conflit de référence tire naturellement ses origines dans la politique d'organisation spatiale qu'a consisté à reclasser les Bazige dont on a parlé précédemment et les Banyakarama, deux groupes originaires du Burundi, mais dont l'insertion et les conflits ont évolué différemment. Les itinéraires que les deux groupes ethniques ont empruntés pour atteindre la rive droite ou la Ruzizi ne sont pas bien connus. En provenance deGatumba, ils sont entrés par le sied de la plaine, plus précisément par Kagando à des époques différentes pour occuper Hongero, près de Kiliba et Kihebe actuellement Kavimvira dans la plaine de la Ruzizi. L'occupation de Kavivira, la partie nord du Lac Tanganyika jusqu'au mont Kyamate (Sange) par les gens venus du Burundi aurait été à la fois pacifique et militaire. G.Kleis écrit que les Bavira et les Bafuliru ont perdu cette partie au dépens de nouveau occupants par la conquête 23(*) Le territoire ethnique des Barundi n'était donc pas aussi fixe. Jacques François Depelchin et NdabagoyeNsabimana affirment que le chef Ntorogwe s'était rendu à Kaboge dans le territoire de Fizi mais était retourné à cibitoke au Burundi. Ses descendants s'établirent à Hongero, à Kawizi, à Luberizi et à Katumba enquête des pâturages. Les groupes de Barundi étaient mobiles 24(*) * 13 CUYPERS, cité par Mahano Ge Mahano, existe-t-il de Rwandais Congolais ? , éd. Sophia, Kinshasa, p. 64 * 14 Op. cit. p. 65 * 15 Idem p. 65 * 16 COPARE, observatoire des conflits au Sud-Kivu, rapport de mars 2003 * 17BOSCO MUCHUKIWA, pouvoir locaux et contestations populaires dans les territoires d'Uvira, Au Sud-Kivu de 1961 à 2004, Thèse de doctorat envers, 2004 p.40 * 18 BOSCO MUCHUKIWA, Op. Cit., p. 42 * 19 BOSCO MUCHUKIWA, Op. Cit. p. 43 * 20 Idem, p. 53 * 21 VANDE WOUDE, E. J, coté par Mahano Ge Mahano, Op. Cit, p. 65 * 22Cfr. P. 65 * 23BOSCO MUCHUKIWA, Op. Cit. PP 47 et 48 * 24Idem, p. 52 |
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