2.2 Migration en République Dominicaine
Historiquement, la République Dominicaine a
été un pays d'accueil pour les travailleurs étrangers.
À partir de la seconde moitié du 19e siècle, des
travailleurs (principalement originaires de Haïti et des pays anglophones
des Caraïbes) sont recrutés pour travailler dans les plantations de
canne à sucre. L'immigration de travailleurs haïtiens a
été activement encouragée durant l'occupation
américaine de la République Dominicaine (1916-24), en raison de
l'expansion de l'industrie du sucre sous la présence
américaine160.
Suite à des tensions de plus en plus vives concernant
la définition des frontières entre les deux pays (entamée
en 1937), les autorités dominicaines ont mis en place une
régulation des flux d'immigrants haïtiens. En raison des
pénuries de main d'oeuvre et de l'intérêt grandissant des
autorités pour les plantations de canne à sucre, une série
d'accords bilatéraux (convenios) furent signés entre Haïti
et la République Dominicaine, autorisant l'entrée sur le
territoire dominicain de Haïtiens pour des périodes
définies. C'est ainsi que les campements permanents de Haïtiens
autour des plantations sucrières (connus sous le nom de bateys) se sont
multipliés.
Durant les années 1960, des bouleversements
économiques et politiques ont conduit à une augmentation de
l'émigration au départ de la République Dominicaine,
à destination principalement des États-Unis. Au cours de cette
période, les Dominicains ont émigré à travers
différents canaux, bénéficiant de l'assouplissement de
l'attribution des visas et des restrictions d'immigration de la loi
américaine sur l'immigration de 1965, et de politiques d'asile et de
protection des réfugiés favorables. Une forte proportion de cette
migration était néanmoins clandestine161.
Ces trois dernières décennies ont ainsi vu la
République Dominicaine changer radicalement de position migratoire, et
devenir un pays de départ. L'émigration dominicaine s'est
accélérée depuis 1980 en réponse aux crises
économiques.
160 SEGUY, Franck. A catástrofe de janeiro de 2010,
a «Internacional Comunitária» e a recolonização
do Haiti. Dissertação (Doutorado em Sociologia). Instituto
de Filosofia e Ciências Huamnas, Universidade Estadual de Campinas,
2014.
161 OCDE (2008), A Profile of Immigrant Populations in the
21st Century: Data from OECD Countries, OCDE, Paris
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« Plaidoyer pour un cadre juridique de la protection
des travailleurs migrants et migrantes haïtiens et haïtiennes: cas du
rapport avec la République Dominicaine, les États-Unis et le
Chili »
La décennie 1980 a connu par ailleurs une importante
réduction de la production de sucre dans l'économie dominicaine,
encourageant de nombreux immigrants haïtiens à se reconvertir dans
d'autres secteurs comme le bâtiment, le commerce, l'industrie
manufacturière et les services domestiques. Bien que la
République Dominicaine ait connu, au cours de la dernière
décennie, une croissance soutenue et une grande stabilité
politique, l'émigration n'a pas diminué162.
Les recensements des années 2000 permettent d'estimer
que 716 586 Dominicains vivent à l'étranger (13 % de la
population), dont 633 000 aux États-Unis. Une estimation plus
récente (2008) de l'Enquête de la Communauté
Américaine évoque un chiffre supérieur à 1.3
million (en incluant les Dominicains nés aux États-Unis).
D'importantes communautés de Dominicains se sont ainsi établies
en Espagne, en Italie et à Porto Rico163.
Le gouvernement dominicain a mis en place des initiatives pour
renforcer ses liens avec la diaspora. Parmi ces initiatives, on compte
l'amendement constitutionnel reconnaissant la double nationalité (1994),
l'extension du droit de vote aux Dominicains installés à
l'étranger (1997), et le projet de loi constitutionnelle instaurant des
sièges de sénateurs et de députés pour
représenter les Dominicains expatriés.
Sur le territoire national, les conditions précaires
subies par les Haïtiens ont suscité une préoccupation
croissante de la part des pouvoirs publics, amenant les autorités des
deux pays à signer une déclaration contre le recrutement de
clandestins et l'immigration illégale en 2000. De plus, la Loi
générale sur les migrations de 2004 (Acte n° 285) et le Plan
national de régularisation en cours mettent l'accent sur la
régulation des immigrés sans papiers présents dans le
pays164.
162 WARGNY, Christophe. Haïti n'existe pas 1804-2004:
deux cents ans de solitude. Paris: Éditions Autrement
Frontières, 2008.
163 BARUDY, J., 1981, Integracion critica: meta de una terapia
liberadora en el exilio latino-americano, Asi Buscamos Rehacernos,
Éd. Colat-Celadec, Peru, 225-240.
164 OCDE (2009), Perspectives économiques de l'OCDE 2009,
n° 85, OCDE, Paris
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rapport avec la République Dominicaine, les États-Unis et le
Chili »
a) Le marché du travail
Les émigrants dominicains dans les pays de l'OCDE et
les autochtones de ces pays présentent des caractéristiques
similaires en termes de taux de participation au marché du travail.
À titre d'exemple, 68.1 % des Dominicains
résidant aux États-Unis sont employés ou en recherche
active d'emploi, un taux très proche des 65.4 % d'Américains dans
la même situation.
Malgré une intégration effective dans le
marché du travail américain, certains objectifs ne sont pas
encore atteints. En effet, la concentration des immigrés dominicains
dans les emplois peu qualifiés demeure plus élevée que
celle de leurs homologues autochtones.
La répartition des Dominicains et des autochtones aux
États-Unis en fonction de leurs catégories occupationnelles. Plus
de 76 % des Dominicains occupent des emplois non qualifiés contre
seulement 61 % des travailleurs autochtones. Les immigrés dominicains se
concentrent dans les secteurs de la vente, des soins à la personne et
des transports.
Cette segmentation du marché du travail et le niveau
d'éducation plus faible observé chez les immigrés
dominicains en comparaison avec la population native peuvent expliquer les
différences de revenus observées entre les travailleurs
dominicains et américains par la littérature165.
Malgré le fait que la plupart des immigrés
dominicains aux États-Unis occupent des postes peu qualifiés, on
observe un nombre de plus en plus important de migrants hautement
qualifiés. L'enquête de la Communauté Américaine de
2008 révèle que près de 90 000 Dominicains ont le
baccalauréat ou un diplôme universitaire ou technique.
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