Deuxième :
Cadres Opérationnels
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des travailleurs migrants et migrantes haïtiens et haïtiennes: cas du
rapport avec la République Dominicaine, les États-Unis et le
Chili »
Chapitre I: Cadre Historique de la migration
Section I : Histoire de la migration
La Bible abonde en récits de migrations. Le mot «
Hébreu » a des liens avec la racine « abar » qui signifie
« passer, traverser ». Il a des liens également avec un terme
signifiant « poussière » : poussière des chemins.
L'Orient ancien est un territoire sans cesse balayé par
des déplacements de populations : déplacements contraints, quand
le pouvoir dominant déportait une partie d'un peuple,
déplacements volontaires, quand il s'agissait de transhumance, de la
recherche d'une terre fertile, d'un appel de Dieu121.
Nous savons qu'il y a environ 60 000 ans, un petit groupe
d'« homo sapiens » émigra d'Afrique, accompagné de ses
troupeaux, vers le Moyen-Orient, à cause de la sécheresse. Nous
le savons grâce à l'analyse de l'ADN d'êtres humains de
différentes parties du monde. Ce premier voyage allait entraîner
le peuplement de la planète entière.
Ces hommes sont partis avec le même désir
fondamental que celui qui anime les migrants d'aujourd'hui : survivre et mener
une vie meilleure.
Les mouvements de population furent terrestres, fluviaux et
maritimes. Au Ve siècle avant J.-C., les tribus celtes, qui ont
remonté le Danube, ont conquis des terres par les armes ; à
l'ouest, elles ont pénétré en Gaule : les Romains
nommaient les Celtes « Galli » qui donnera Gaulois. Aux IVe et Ve
siècles après J.-C, la ruée vers l'ouest des peuples
barbares (Francs, Burgondes...) a contribué à la chute de
l'Empire romain. Du IXe siècle au XIe siècle, les Vikings ont
mené leurs incursions maritimes et fluviales du Groenland jusqu'en
Méditerranée. Il y eut aussi les migrations provoquées par
l'installation d'un Empire mongol en Asie au XIIIe siècle. On mettra
l'accent sur les autres mouvements de population de cette période,
concernant la Méditerranée, l'Afrique, les migrations
forcées et l'émigration des Européens au XIXe
siècle122.
121 HORS SÉRIE LA VIE, De la Préhistoire
à aujourd'hui. Migrations une aventure humaine, 2016, page 82
122 HORS SÉRIE LA VIE, Migrations une aventure
humaine, page 88
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1.1 Antiquité et Moyen-Âge
Pour l'Antiquité, l'historiographie s'est longtemps
représenté les migrations de façon très globale,
comme des migrations de peuplement, en les reliant souvent aux conflits
militaires, faute de pouvoir en cerner finement les contours. En revanche,
à partir du Moyen-Âge, l'historien est capable d'individualiser
les flux migratoires avec une relative précision qui bien sûr va
croissante à mesure que l'on se rapproche de la période
actuelle123.
L'essentiel de la population résidant dans les
campagnes, on pense volontiers de nos jours que la mobilité y
était réduite. En réalité, les recherches
historiques montrent que le principe de mobilité est au coeur du
fonctionnement des sociétés anciennes. Beaucoup de villages de
l'Europe moderne ont des ressources insuffisantes. Parmi les manières
d'y remédier figurent les migrations, généralement
temporaires. Elles s'effectuent selon de véritables « canaux de
mobilité » entretenus à l'échelle du village ou des
groupes familiaux. Pour ajuster le nombre de bouches à nourrir à
la taille des exploitations, il est par ailleurs fréquent que les jeunes
aient à circuler jusqu'à leur mariage, notamment dans l'Europe du
Nord-Ouest. Ils se font d'abord domestiques d'où leur surnom de «
domestiques de cycle de vie » avant d'accéder à la
propriété d'une exploitation agricole et de former un
couple124.
Les migrations du Moyen-Âge et de l'époque
moderne peuvent aussi être le fait de professions très
spécialisées, organisées sous forme de corporations : les
verriers, les mineurs, etc., qui opèrent sur des « niches »
recherchées. Dans toute l'Europe, les apprentis circulent pour parfaire
leur formation on connaît dans notre pays le fameux « Tour de France
». Les migrants qui ne peuvent pas se réclamer d'une
spécialisation professionnelle aussi poussée mettent souvent en
oeuvre des stratégies collectives, à l'image des migrations
« clef en main » des maçons limousins ou auvergnats vers Paris
ou Lyon qui intègrent à la fois le trajet, le logement en
chambrées et le placement. Une autre ressource qui leur est
123 Paul-André Rosental Une histoire longue des
migrations Dans Regards croisés sur l'économie 2010/2 (n°
8), pages 74 à 80
124 Assemblée Nationale - Question de B. Carayon
à V. Pécresse, publiée au J.O. le : 24/11/2009 p. 11066.
Réponse publiée au J.O. le : 02/02/2010 p. 1158.
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offerte est l'encadrement par les familles, qui non sans
contraintes permet par exemple aux colporteurs dans les régions
montagneuses de trouver le financement nécessaire à leur
activité125.
Les migrations antiques : des régions distinctes qui
entrent en contact
La mobilité est un phénomène
intrinsèquement lié à l'humanité. Elle permet dans
un premier temps de peupler les espaces terrestres selon des routes difficiles
à reconstituer. Homo sapiens126, apparu vers 200 000 ans
avant notre ère, s'impose partout aux autres hominidés à
partir de son berceau africain. Le mode de vie des premiers hommes,
fondé sur la cueillette et la chasse, favorise cette mobilité,
qui ne cesse pas avec l'apparition de l'agriculture voici 15 000 ans.
Dans l'Antiquité, la perception d'une
étrangeté irréductible est à l'origine du terme
« barbare », que les Grecs attribuent à quiconque parle une
langue incompréhensible par eux idée reprise par les Romains. Ces
derniers, bâtissant un empire autour de la Méditerranée,
facilitent les migrations dans cet espace, que ce soit parmi les élites
aspirant à la citoyenneté romaine ou les esclaves venus de tout
l'Empire et au-delà. Mais, dans le même temps, ils cherchent
à limiter les intrusions extérieures des peuples qu'ils ne sont
pas parvenus à dominer (Germains, Pictes, Maures, Parthes...) par la
construction d'une barrière plus ou moins fortifiée : le limes.
Les notions de confins et de frontières comme espaces
intermédiaires se développent donc aux marges des
empires127.
125 Assemblée Nationale - Question de B. Carayon
à V. Pécresse, publiée au J.O. le : 24/11/2009 p. 11066.
Réponse publiée au J.O. le : 02/02/2010 p. 1158.
126 Anne-Marie Tillier : directrice de recherche au cnrs
(Département des Sciences de l'Homme et de la Société),
elle assure la direction du Laboratoire d'Anthropologie des Populations du
Passé à l'Université Bordeaux 1 (umr 5199 pacea).
127 Patrick Manning, professeur d'histoire globale à
l'université de Pittsburgh (Etats-Unis). Auteur de Migration in World
History (Routledge, 2005
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