Promotion :
2000-2004
CENTRE DE TECHNIQUES DE PLANIFICATION ET D'ÉCONOMIE
APPLIQUÉE (CTPEA)
Les incidences de la croissance démographique sur le
niveau de pauvreté en Haïti (Période 1980-2003)
Travail de sortie réalisé par : Rock
ANDRÉ et Joseph Junior GUERRIER
Sous la direction du professeur Frédéric
Gérald CHÉRY
En vue de l'obtention du Diplôme d'Études
Supérieures en Économie Quantitative
Appliquée
Option : Planification
1
Illustration de Couverture
Source : Réseau National en Population et
Développement (RNPD)
2
PLAN
Avant-propos
Liste des graphiques Liste des tableaux
Liste des sigles utilisés
Chapitre 0 : Les préalables
0.1.- Avant-propos
0.2.- Justification du thème de recherche
0.3.- Problématique
0.4.- Objectifs du travail
0.5.- Les hypothèses
0.6.- Méthodologie
Chapitre 1 : Cadre théorique et conceptuel
1.1.- Contour théorique du concept de pauvreté
1.1.1.- Les différentes approches de la pauvreté
1.1.1.1.- L'approche traditionnelle
1.1.1.2.- L'approche multidimensionnelle
1.1.1.3.- Les approches en termes de pauvreté humaine ou
sociale
1.1.1.4.- Les approches en termes d'exclusion
1.2.- Approches théoriques sur la
fécondité
1.3.- Revue de littérature
1.3.1.- Revue théorique
1.3.2- Revue empirique
1.3.2.1.- Revue empirique globale
1.3.2.2.- Revue empirique dans le cas d'Haïti
Chapitre II : Tendances démographiques en
Haïti
2.1.- Politiques de population en Haïti
2.1.1.- Objectifs et mesures relatifs à la natalité
et à la fécondité 2.1.2.- Objectifs et mesures relatifs
à morbidité et à la mortalité
3
2.1.3.- Objectifs et mesures relatifs à la migration
interne et à la distribution spatiale de la
population
2.1.4.- Objectifs et mesures relatifs à la migration
internationale
2.2.- La situation démographique
2.2.1.- Structure de la population
2.2.2.-Urbanisation
2.2.3.- Migration
2.2.3.1.- Migration interne
2.2.3.2.- Migration externe
2.2.4.- Natalité et fécondité
2.2.4.1.- Taux brut de natalité
2.2.4.2.- Fécondité par âge
2.2.4.3.- Indice Synthétique de Fécondité
(ISF)
2.2.5.- Morbidité et mortalité
2.2.6.- Situation de l'emploi
2.2.6.1.- Branches d'activité économique
2.2.6.2.- Occupation principale
2.2.6.3.- Situation dans l'occupation
Chapitre III : Les dimensions de la pauvreté
haïtienne
3.1.- Accès aux soins de santé
3.1.1.- Accès aux services de santé de la
reproduction
3.1.2.- Accès aux services de santé de base
3.1.3.- L'indice de masse corporelle
3.1.4.- Le personnel de santé
3.1.5.- Les infrastructures sanitaires
3.2.- Accès à l'éducation
3.2.1.- Accès à l'éducation primaire
3.2.2.- Accès à l'enseignement secondaire
3.2.3.- Accès à l'enseignement
supérieur
3.2.3.1.- Taux d'encadrement et Formation
3.2.3.2.- Centralisation de l'université
4
3.2.3.3.- L'université face à la demande
3.2.3.4.- Alphabétisation
3.2.4.- Le système éducatif haïtien et ses
problèmes
3.3.- Accès à l'eau courante
3.3.1.- Disparités régionales
3.3.2.- Accès à l'eau potable
3.3.3.- Qualité de l'eau et qualité du
service
3.3.4.- Considérations générales sur le
secteur de l'eau
3.4.- Accès aux logements
3.4.1.- Les différents types d'habitats en
Haïti
3.4.1.1.- L'habitat rural
3.4.1.2.- L'habitat urbain
3.4.2.- Accès aux logements et revenus
3.4.3.- Typologie des logements
3.4.4.- Population et habitat
3.5.- Alimentation
3.5.1.- Stratégies des ménages face à
l'insécurité alimentaire
3.5.2.- Évolution de la situation alimentaire
Chapitre IV : Croissance démographique et
pauvreté en Haïti: les interrelations
(Impact des variables démographiques sur la
pauvreté)
4.1.- Bilan des politiques de population
4.2- Évolution des indicateurs de développement
humain
4.3.- L'investissement en capital humain
4.4.- Gestion du capital humain
4.5.- Le marché du travail
4.6.- Les pressions environnementales
4.7.- Les pressions sur les équipements collectifs
4.8.- Les pressions sur les services
4.9.- Mobilité sociale dans la société
haïtienne
4.10.- Pauvreté et genre
Conclusion
5
6
LISTE DES SIGLES ET DES ABRÉVIATIONS
UTILISÉES
ASSODLO Association Haïtienne pour la
Maîtrise des Eaux et des Sols
CAMEP Centrale Autonome Métropolitaine
d'eau Potable
CECI Centre Canadien d'Etude et de
Coopération Internationale
CNSA Conseil National de
Sécurité Alimentaire
CRS Catholic relief Services
EMMUS Enquête Mortalité
Morbidité et Utilisation des Service
EPPLS
FAES Fonds d'Assistance Economique et
Sociale
FAFO Institut de Sciences Sociales de
Norvège
FAO Organisation des Nations Unies pour
l'Agriculture et l'Alimentation
FMI Fond Monétaire Internationale
FNUAP Fonds des Nations Unies pour la
Population
GITH Groupe Thématique
Intermédiaire d'Haïti
GREDI Groupe de Recherche en Économie
et Développement International
IDH Indices de Développement Humain
IPH Indicateur de Pauvreté Humaine
MSPP Ministère de la Santé
Publique et de la Population
MTPTC Ministère des Travaux Publics,
Transport et Communication
OCDE Organisation de coopération et de
développement économique
OMS Organisation Mondiale de la
Santé
OPS Organisation Panaméricaine de la
Santé
ONU Organisation des Nations Unies
UNESCO Organisation des Nations Unies pour
l'éducation, la science et la culture
PNEF Plan National d'Education et de
Formation
PNUD Programme des Nations Unies pour le
Développement
POCHEP Postes Communaux d'Hygiène et
Eau Potable
SNEP Service Nationale d'Eau Potable
SMCRS
UNICEF Fond des Nations Unies Pour
l'Enfance
7
Chapitre 0
0.1.- Avant-propos
0.2.- Justification du thème de recherche
Malgré l'amélioration des moyens techniques,
scientifiques et financiers à l'échelle mondiale, la
pauvreté cause encore bien des soucis. Elle demeure un mal à
combattre. D'après le directeur général de l'UNESCO,
Koichiro Matsura, dans une déclaration à l'occasion de la
célébration de la journée internationale de lutte contre
la pauvreté, le 17 octobre 2005, cette dernière à elle
seule engendre plus de morts que les deux guerres mondiales réunies.
Partout dans le monde, la pauvreté est un sujet de préoccupation.
Les catastrophes naturelles (tsunami en Asie, inondations aux
États-Unis) ayant frappé le monde au cours de l'année 2005
ont révélé d'autres facettes de ce mal qu'est la
pauvreté. Le cyclone Katrina (2005) ayant frappé l'État de
la Louisiane aux États-Unis, par exemple, a montré à quel
point certaines couches défavorisées, même dans un pays
riche, sont vulnérables.
En Haïti, plus de la moitié de la population vit
dans des conditions de pauvreté extrême. D'après Mats
Lundhal1, citant une étude menée par Egset and Sletten
(2003) pour le compte du PNUD, jusqu'à 76 % de la population
haïtienne vit en dessous du seuil de pauvreté avec moins de 2
dollars par jour, alors que 56 % évoluent dans des conditions
d'extrême pauvreté, avec moins d'un dollar par jour.
Les politiques de réduction de la pauvreté ont
généralement abordé la question sur le plan de la
production. Certainement, cette dernière est un paramètre
incontournable, car le fléau qu'est la pauvreté ne saurait
être attaqué sans mettre en place des politiques
économiques allant dans le sens de l'augmentation de la production. Mais
également, il y a un autre paramètre tout aussi important
à considérer : la population, plus spécialement la
maîtrise de la croissance démographique.
En effet, la Conférence des Nations Unies sur la
population, tenue à Bucarest en 1974, a adopté un plan d'action
pour la population du monde qui appuyait l'idée que population et
développement sont interreliés et que les variables de population
influencent le développement, de même que les variables de
développement influencent la croissance démographique. Le plan a
recommandé que des mesures et des programmes visant la
1 Mats Lundahl, Sources of Growth in the Haitian Economy, BID,
juin 2004, p. 2
8
population devraient être intégrés dans
les plans et programmes sociaux et économiques. Dans le cas d'Haïti
en particulier, les politiques de lutte contre la pauvreté ne sauraient
se passer d'une politique de population efficace. Pour cela, il est
nécessaire de comprendre les évolutions passées pour mieux
cerner les tendances du futur. En réalité, peu d'études
ont été réalisées sur cet aspect. Ce travail ne
prétend pas combler ce vide. Du moins, il se veut un effort pour mieux
appréhender l'évolution du phénomène de la
pauvreté par rapport à la croissance démographique en
Haïti.
0.3.- Problématique
En septembre 2000, 191 chefs d'État et
représentants de gouvernements du monde entier se sont réunis
pour adopter les Objectifs du Millénaire pour le développement
(OMD). Huit (8) objectifs principaux ont été fixés dont
l'un vise à réduire de moitié l'extrême
pauvreté et la faim d'ici 2015. À l'occasion d'un sommet mondial
tenu en 2005, les chefs d'État et représentants de gouvernement
ont constaté que peu de progrès ont été
réalisé en termes de réduction de la pauvreté.
Haïti, en particulier se trouve à un tournant où il doit
redoubler d'efforts pour atteindre les OMD, sinon les rapprocher. Cependant, la
dynamique de la réduction de la pauvreté ne passera pas par une
stratégie miracle. Il y a un ensemble de paramètres propres
à la réalité haïtienne à envisager. Pour y
parvenir, la tâche est immense. Il convient inévitablement de
rompre avec un passé caractérisé par un marasme
économique profond.
En effet, entre 1980 et 2003 - la période qui concerne
notre étude - l'économie haïtienne a affiché des
contre-performances énormes. Le taux de croissance de l'économie
a été négatif sur presque toute cette période. Le
processus de croissance démarré en Haïti en 1968 a
été brutalement stoppé en 1981 où presque tous les
indicateurs macroéconomiques ont accusé des taux de croissance
négatifs. En 1986, Haïti a renoué avec la croissance
économique (1 %), mais cette même date allait être le
début d'une grande période d'instabilité politique dans le
pays avec des conséquences désastreuses sur la situation
économique. La libéralisation l'économie haïtienne
à partir de 1987 et la montée en puissance du
phénomène de la contrebande ont eu des effets néfastes sur
des secteurs clé de l'économie, notamment l'agriculture et
l'industrie tournée vers le marché extérieur,
déjà en proie à de graves difficultés. Le
système de protection du secteur agricole a disparu. Les industries
tournées vers le marché interne ne pouvaient plus supporter la
concurrence face
9
aux produits importés. Ne pouvant pas produire face
à la concurrence internationale, les producteurs locaux se sont
orientés dans des marchés protégés : le secteur
tertiaire. En fait, les faiblesses des secteurs primaire et secondaire ont
conduit à une tertiarisation accrue de l'économie haïtienne.
Il s'en est résulté une extension du secteur informel, signe des
difficultés de cette économie à se moderniser.
Au même moment où l'économie montrait ces
signes de faiblesse, avec comme élément fondamental la chute de
la production, la population n'a cessé de croître. De 1980
à 2003, la population haïtienne est passée de 5 352 747
à 8 373 750 habitants2 au 12 janvier 2003, suivant un taux de
croissance annuel de 2,5 %. Quelle est l'incidence de cette évolution
à contresens du PIB et de la population sur le niveau de pauvreté
en Haïti ?
Les théories étudiant la relation entre
croissance économique et croissance démographique sont
nombreuses. Les points de vue des économistes, des démographes et
des chercheurs en général divergent en ce qui concerne l'impact
de la croissance démographique sur l'activité économique
et sur le niveau de pauvreté. En effet, certains auteurs comme Esther
Boserup3 (Évolution agraire et pression démographique,
1970) du courant néo-populationniste, soutiennent qu'une population plus
élevée est source de croissance pour un pays, en raison du
surplus de main d'oeuvre qu'elle fournit au pays. D'autres au contraire, comme
Thomas Robert Malthus (Essai sur le principe de population, 1798)4,
sont convaincus de la relation inverse, à savoir qu'un accroissement de
la population ne peut qu'entraver la croissance et donc nourrir la
pauvreté. En dernier lieu, il y a ceux-là qui soutiennent une
théorie neutraliste, c'est-à-dire qu'il n'y aurait pas vraiment
une corrélation entre croissance démographique et croissance
économique. Dans ce travail, il s'agit moins d'identifier un
éventuel lien de causalité entre ces deux variables. Notre
démarche vise surtout à vérifier, au-delà des
problèmes de croissance cités plus haut, dans quelle mesure la
croissance démographique a influencé le phénomène
de la pauvreté en Haïti durant la période allant de 1980
à 2003.
2 Selon le Recensement général de la population
et de l'habitat (RGPH) réalisé par l'Institut Haïtien de
Statistique et d'Informatique (IHSI) en 2003, la population haïtienne est
estimée à 8 373 750 habitants au 12 janvier 2003.
3 Cédric Doliger, Démographie et croissance
économique en France après la seconde guerre mondiale : une
approche cliométrique, Université de Montpellier I
(Faculté des Sciences économiques), p.2
4 Emilie Canalis, Corinne Ebert, Croissance et population,
Licence Analyse et Politiques économiques, Année 1999-2000, p
8.
10
0.4.- Les objectifs
Objectif général : Contribuer
à la compréhension de l'incidence de la croissance
démographique sur la pauvreté en Haïti
Objectifs spécifiques :
· Étudier l'impact des politiques nationales de
population sur la croissance démographique en Haiti de 1980 à
2003 ;
· Analyser l'évolution de l'accès aux
services de base fournis à la population.
0.5.- Les hypothèses Hypothèse principale
:
· Sur la période 1980-2003, la croissance
démographique a conduit à une augmentation du niveau de
pauvreté en Haïti en provoquant une déviation des ressources
vers la consommation au détriment des investissements
Hypothèses secondaires :
· Plus il y a de membre dans un ménage, plus
difficile est l'accès aux services de base
· Les politiques nationales de population n'ont pas
contribué à ralentir le rythme de croissance de la population de
1980 à 2003
0.6.- Méthodologie
La méthodologie adoptée pour réaliser ce
travail est divisée en trois étapes principales : La
détermination de la nature du travail, la collecte et le traitement des
informations et finalement la vérification des hypothèses.
a) La nature du travail
Ce travail est de nature théorique, descriptive et
analytique. En effet, il présente d'une part une revue de
littérature théorique et empirique sous un angle critique et
sélectif. Et d'autre part, il présente une description de
l'évolution de certaines variables clé pour l'étude, afin
de procéder à la vérification des hypothèses.
b) 11
Collecte et traitement des informations
La collecte des informations est réalisée
à partir de la documentation disponible dans des centres de
documentation de la capitale et par l'intermédiaire de l'internet. Elle
inclut également des entretiens avec certains spécialistes du
domaine étudié. Le traitement se base essentiellement sur
l'analyse des informations recueillies.
c) Vérification des hypothèses
La vérification des hypothèses aura
été une conséquence directe du traitement des informations
recueillies. Les définitions de concepts ont contribué à
les opérationaliser. Ce qui a été très utile pour
la vérification des hypothèses.
Chapitre 1 : Cadre théorique et conceptuel
1.1.- Contour théorique du concept de
pauvreté
Il est difficile d'enfermer le concept de pauvreté dans
une définition unique. Les définitions dont elle fait l'objet
sont plutôt multiples. Selon les Nations Unies5, la
pauvreté est définie comme la privation de capacités
humaines, d'opportunités et de choix essentiels qui sont
nécessaires pour assurer le bien-être de l'individu, du
ménage ou de la communauté. Ainsi, la pauvreté, pour
l'ONU, ne se limite pas à la faiblesse des niveaux de revenus ou
à l'impossibilité de satisfaire des besoins fondamentaux, mais
aussi elle consiste en un manque de capacités humaines. De cette
façon, il faut entendre un manque d'accès au capital (capital
humain, physique, financier et social).
De son coté, Amartya Sen, cité par Van der Walt
(2004, p.5), est allé plus loin qu'une simple démarche de
définition de la pauvreté. Il essaie de déterminer les
conditions nécessaires pour mesurer la pauvreté. Amartya Sen
croit qu'il y a deux problèmes principaux en voulant mesurer la
pauvreté : identifier les personnes de la population qui sont pauvres et
construire un indice de pauvreté en utilisant les informations
disponibles sur les pauvres.
Sur la trace de la pensée de Sen, Van der Walt a abouti
à une conclusion selon laquelle, la définition de la
pauvreté diffère selon les peuples. Pour Van der Walt, la
pauvreté peut être considérée par certains comme le
fait de ne pas posséder une voiture ou un réfrigérateur
alors que pour d'autres, elle peut être synonyme de manque d'emploi ou
d'un logement confortable. En clair, la pauvreté serait un concept
vague.
Pour sa part, Joseph Wresinski, cité par Paul Makdissi
et Quentin Wodon (2004), est allé encore plus loin. Il estime que la
pauvreté, particulièrement l'extrême pauvreté, est
un concept multidimensionnel qui peut même inclure les violations de
droits humains. Une définition de la Banque Mondiale reprise par Van der
Walt atteste de cette multidimensionnalité. Cette définition
s'énonce comme suit : « La pauvreté, c'est la faim. La
pauvreté, c'est le manque de logements. La pauvreté, c'est
être malade et ne pas avoir les moyens de voir un médecin. La
pauvreté, c'est ne pas avoir la possibilité d'aller à
l'école et ne pas savoir lire. La pauvreté, c'est ne pas avoir un
emploi, c'est craindre pour son avenir, c'est vivre au jour le jour. La
pauvreté, c'est
12
5 PNUD, Rapport arabe sur le développement humain 2002,
page 103
13
perdre un enfant à cause d'une maladie provoquée
par de l'eau non traitée. La pauvreté, c'est de l'impuissance, le
manque de représentation et de liberté. » (Van Der Walt,
2004, p.6)
Donc, dans la littérature, le débat est
très vaste. De plus, la pauvreté doit-elle être
considérée comme absolue ou relative ? Ou bien, doit-on la
considérer en terme de nécessités, de capacités ou
de fonctions ? Ou encore, est-elle spécifiquement un
phénomène monétaire ?
1.1.1.- Les différentes approches de la
pauvreté 1.1.1.1.- L'approche traditionnelle
Suivant l'approche traditionnelle utilisée pour mesurer
la pauvreté, les pauvres sont définis comme tous individus ou
ménages qui sont en dessous d'un niveau requis - la ligne de
pauvreté - pour maintenir un certain standard de vie. Les individus ou
ménages en dessus de cette ligne sont considérés comme
non-pauvres. Les seuils de pauvreté monétaires (1 dollar et 2
dollars) retenus par la Banque Mondiale se situent à travers cette
approche.
L'approche monétaire de la pauvreté, qui est
l'une des formes de l'approche traditionnelle, est centrée sur des
mesures de la pauvreté exprimées par un ratio d'individus ou de
ménages dont le revenu ou les dépenses sont donc
inférieurs à un seuil rapporté à une population
totale. La ligne de pauvreté représente l'équivalent
monétaire d'un panier de biens et de services considérés
comme étant le minimum nécessaire à l'existence dans un
pays donné. Il s'agit donc d'un seuil absolu.
Dans sa version la plus réductrice, l'approche en
termes de pauvreté monétaire suppose que les besoins sont
satisfaits essentiellement sur une base privée (individus ou
ménages) et sur les marchés du travail, des biens et des
services. Le principal moyen d'accès aux ressources nécessaires
est l'emploi. Celui-ci commande en effet l'accès à un revenu et,
selon le contexte, le droit à une assurance de santé ou à
une retraite. L'emploi permet également de mettre en oeuvre certains
fonctionnements sociaux.
Dans le cas d'Haïti, Nathalie Lamaute-Brisson6
a présenté, dans une étude parue en 2005, de nouveaux
seuils, selon les calculs de l'Institut d'Études Internationales
Appliquées de
6 Nathalie Lamaute-Brisson, Emploi et pauvreté en milieu
urbain en Haïti, CEPALC, Août 2005, p.35
14
Norvège (FAFO), à partir des données de
l'Enquête Budget-Consommation des Ménages de 1999-2000
réalisée par l'Institut Haïtien de Statistique et
d'Informatique (IHSI). Calculé selon un panier alimentaire, le seuil
d'indigence est de 4243 gourdes per capita et par an, alors que le seuil de
pauvreté se situe à 5638 gourdes per capita et par an. Ce seuil
est calculé à partir de la variable « consommation »,
laquelle a été préférée aux dépens de
la variable « revenu » en raison des limites dans la mesure de ce
dernier tant au niveau de l'observabilité qu'au niveau du concept
même.
À partir de ces nouveaux seuils, la FAFO conclut que 48
% de la population haïtienne vivent en dessous du seuil de pauvreté
tandis que 31,4 % sont en situation d'extrême pauvreté. La
comparaison des données avancées par la FAFO avec celles
présentées par Mats Lundahl, qui a lui-même utilisé
le concept revenu et d'après lesquelles 76 % de la population vivent en
dessous du seuil de pauvreté et 56 % en situation d'indigence,
permettent de déduire une différence significative suivant les
méthodes.
Globalement, il y a deux traits fondamentaux qui
caractérisent l'approche traditionnelle pour mesurer la pauvreté
:
? Le premier trait est que cette approche est unidimensionnelle,
prenant en compte
seulement un indicateur ou une dimension de la
pauvreté. En ce sens, les dimensions de la pauvreté le plus
souvent utilisées sont celles basées sur une mesure
monétaire : revenu ou consommation/dépense. Le revenu
représente les moyens permettant d'acquérir les biens et services
nécessaires pour un standard de vie minimum, tandis que la consommation
indique si les besoins sont effectivement satisfaits.
? Le second trait de l'approche traditionnelle est le
classement distinct de la population
en deux groupes : pauvres et non-pauvres, suivant la ligne de
pauvreté. Cette ligne, en effet, peut être subjective, absolue,
relative ou une combinaison de ces dernières. La ligne de
pauvreté subjective peut être déterminée en
demandant aux pauvres où doit se situer le niveau critique entre pauvres
et non-pauvres. Dès le départ, cette approche pose
problème, car le fait de demander aux pauvres suppose que ces derniers
ont déjà été identifiés. La ligne de
pauvreté relative, elle-même, dépend de la distribution du
revenu de la population et peut être par exemple la moitié du
revenu moyen de la population. La ligne de pauvreté absolue,
15
par contre, est prédéterminée et est
indépendante du revenu de la population. Ce type de pauvreté peut
être basé sur un certain niveau de salaire minimum, le coût
d'un panier de biens considéré comme essentiel pour maintenir un
certain niveau de vie. Les seuils de pauvreté déterminés
pour Haïti à partir des calculs de la FAFO peuvent être
classés au niveau de la ligne de pauvreté absolue.
1.1.1.2.- L'approche multidimensionnelle
L'approche traditionnelle a été
développée pour répondre au besoin de mesurer la
pauvreté plus directement à travers ses multiples dimensions en
utilisant un seul indicateur. L'approche multidimensionnelle, par contre, prend
en compte plusieurs indicateurs ou dimensions pour mesurer le bien-être
d'un individu. Selon cette dernière approche, un individu est
considéré comme pauvre quand un certain nombre des besoins de
base ne sont pas satisfaits.
Comme pour l'approche traditionnelle, l'approche
multidimensionnelle, non plus, ne fait pas l'unanimité. Il n'y a pas un
consensus général concernant les dimensions du bien-être
qui doivent être incluses dans une analyse de la pauvreté. Le
problème est qu'il n'y a pas vraiment une méthode ou un standard
pour mesurer la pauvreté multidimensionnelle. Par exemple, Boltvinik,
cité par Van Der Walt (2004, p.12), établit une différence
entre les méthodes qui classifient de façon séparée
les différents indicateurs ou dimensions de la pauvreté (comme
les indicateurs de développement humain) et les méthodes qui
créent un indice composite pour toute la pauvreté (tels que l'IDH
et l'IPH). Le débat concernant ces indices composites tourne autour du
poids par lequel les différentes dimensions contribuent à la
pauvreté. Van Der Walt cite en exemple l'IDH qui assigne des poids
égaux aux trois dimensions prises en compte. Alors que chaque dimension
peut ne pas avoir la même importance, en passant d'un pays à
l'autre. Donc, au niveau de beaucoup d'indices de pauvreté
multidimensionnelle, la question revient à savoir quel est le seuil de
pauvreté pour chaque dimension.
1.1.1.3.- Les approches en termes de pauvreté
humaine ou sociale
Les approches en termes de pauvreté humaine ou sociale
intègrent dans les besoins fondamentaux un ensemble de biens et services
qui sont fournis sur une base collective tels
16
la santé, l'éducation, l'accès à
l'eau. Elles prennent en compte également l'alimentation, le
vêtement et l'habitat. On utilise comme indicateur de satisfaction ou
non-satisfaction de ces besoins, l'existence et l'accessibilité de ces
biens et services et leur impact sur la vie des personnes (en tant
qu'indicateurs sociaux, tels l'espérance de vie, la mortalité, la
scolarisation...) et non leurs potentialités monétaires (leur
revenu).
1.1.1.4.- Les approches en termes d'exclusion
Les approches de la pauvreté en termes d'exclusion ne
se réfèrent pas uniquement aux diverses formes de privation
matérielle ou de services sociaux, mais aussi à un processus de
désintégration sociale, fondé sur diverses dimensions
entretenant des liens étroits les unes avec les autres. On peut noter en
particulier la place accordée au travail non seulement comme mode
d'accès à des moyens d'existence, mais aussi comme principal
vecteur de lien social et d'identité sociale.
Les approches en termes d'exclusion ne cherchent pas en
premier lieu à mesurer la pauvreté, mais plutôt à
comprendre à la fois en quoi celle-ci est un processus dynamique qui se
produit et se reproduit, comment s'effectue l'entrée ou la sortie d'un
état de privation et de marginalisation sociale, et quelles sont les
institutions qui sont susceptibles de réguler l'exclusion.
1.2.- Approches théoriques sur la
fécondité
On entend par fécondité, l'action reproductrice
des femmes, des hommes ou, d'une manière générale, des
couples d'une population. C'est le mécanisme central à partir
duquel le phénomène de la croissance démographique prend
corps.
Lebenstein7 est considéré comme l'un
des pionniers de l'analyse économique de la fécondité. Il
fait essentiellement une analyse microéconomique, avec une balance
coûts-avantages dans laquelle l'enfant est considéré comme
un «bien durable » auquel sont liées des dépenses
directes et des avantages, donc des utilités au sens
économique.
7 Problèmes Economiques # 2875, mercredi 11 mai 2005, page
15
17
L'analyse de la fécondité a été
aussi un sujet d'intérêt chez le prix Nobel d'économie en
1992, l'économiste Gary Becker. Selon ce dernier, qui est allé
dans le même sens que Lebenstein, la décision d'avoir des enfants
ou bien de se marier, dans une société industrielle, est
simplement le résultat d'une analyse coûts-avantages. L'enfant,
dans une société industrielle, est assimilable à un bien
de consommation. Les parents feront face à des dépenses et
bénéficieront des satisfactions apportées par l'enfant. La
baisse de la taille moyenne de la famille s'expliquerait par l'augmentation du
coût relatif des enfants (éducation, soins, etc.).
Dans une société agricole, au contraire,
l'enfant est considéré, pour Gary Becker, comme un investissement
en capital dans la mesure où il peut travailler jeune et contribuer
à l'augmentation du revenu familial. L'analyse du mariage est ainsi
assimilée à celle de la constitution d'une firme.
Par ailleurs, pour R.A. Easterllin8, les variations
de la fécondité seraient liées aux conditions d'insertion
des jeunes entrants sur le marché du travail. R.A. Easterllin a
observé que la fécondité aux États-Unis, par
exemple, suit des cycles d'expansion et de dépression. Selon lui, une
cohorte à faible effectif permet une meilleure insertion sur le
marché du travail, un meilleur niveau de vie, et donc une plus grande
fécondité. Il en résulte vingt ans plus tard une cohorte
plus nombreuse, une insertion plus difficile et donc une moindre
fécondité. Cette théorie prédisait ainsi une
reprise de la fécondité dans les années quatre-vingt et un
nouveau baby-boom. La théorie d'Easterllin établit une relation
positive entre le niveau de vie et la fécondité. Une approche qui
est en contradiction avec le point de vue de Gary Becker concernant les
sociétés industrielles, selon lequel la décision d'avoir
un enfant est le résultat d'un arbitrage avantages-coûts.
1.3.- Revue de littérature
1.3.1.- Revue théorique
Plusieurs grandes idées dominent le débat autour
du lien entre la croissance l'économie et la démographie et de
l'impact de l'évolution de l'un sur l'autre. Jean Bodin fait partie des
tous premiers penseurs à aborder ce sujet. Au 16e
siècle déjà, il considérait les
8 Ibidem
18
hommes comme étant la richesse d'une nation, de sorte
que si leur nombre augmente, la production suivra automatiquement. Par sa
fameuse déclaration - « Il n'est de richesse que d'hommes »-
Jean Bodin9 présentait la croissance démographique
comme un facteur favorable à la croissance économique. Cependant,
il faut situer le point de vue de Jean Bodin dans son contexte, où la
puissance de l'État reposait sur la conquête de territoires. De
plus, au 16e siècle, la taxe sur les têtes
représentait une source de revenu importante pour les États. Il
est compréhensible que l'homme ait été la véritable
richesse aux yeux de Jean Bodin.
Par la suite, la pensée a évolué, compte
tenu de l'évolution aussi de certaines réalités à
l'échelle mondiale. Ainsi, Thomas Robert Malthus10, dans son
ouvrage intitulé « Essai sur le principe de population »
publié en 1798, soutient la thèse que la croissance
démographique est défavorable à la croissance
économique. C'est la position pessimiste. Selon Malthus, la
population croit selon les termes d'une suite géométrique, alors
que les substances croissent selon les termes d'une suite arithmétique.
D'où le fait qu'il y aura nécessairement pénurie s'il
n'existe aucun contrôle sur la croissance démographique. Malthus
s'inspire de la loi des rendements décroissants de la production
agricole pour expliquer cet écart entre les ressources et la population.
De l'avis de Malthus, l'un des arguments expliquant l'impact négatif de
la croissance démographique sur la croissance économique est que,
avec une forte croissance démographique, la population tend à
dépasser les ressources rares disponibles.
La thèse de Malthus avait surtout beaucoup de
mérite pour l'époque où elle a été
introduite, une période où la transition démographique
était à son paroxysme en Angleterre11, avec un
accroissement naturel considérable. Mais, elle s'est montrée
dépassée dans le temps avec le progrès technique et le
constat qu'un ensemble de pays sont parvenus à avoir une croissance
économique élevée, même avec une forte croissance
démographique. Le cas au vingtième siècle de certains pays
de l'Asie dont la Chine et l'Inde en est l'illustration. Karl Marx12
critiquant la thèse de Malthus, avait déjà insinué
que la surpopulation n'est que relative et qu'elle est la conséquence de
l'état des techniques à un moment donné.
9 Emilie Canalis, Corinne Ebert, Croissance et population,
Licence Analyse et Politiques économiques, Année 1999-2000, p
10.
10 Ibidem
11 Ibidem
12 Ibidem
19
D'un autre coté, au milieu des années soixante,
Esther Boserup13 est venue avec la thèse de la pression
créatrice, selon laquelle, ce n'est pas la richesse qui
détermine la population, mais la population qui détermine la
richesse. Car, avance cette thèse, la population fait pression sur
l'amélioration des techniques de production. Cette position est
qualifiée d'optimiste. Donc, la croissance démographique
jouerait un rôle moteur dans les changements techniques. Des auteurs
comme Simon Kuznets et Julian Simon14 abondent dans le même
sens que Boserup en soutenant que l'ingéniosité des hommes
s'améliore à mesure que la population croît. Kuznets et
Simon croient qu'une société plus large implique des
capacités d'avoir des avantages et des économies
d'échelles, donc un meilleur positionnement pour se
développer.
La thèse de Boserup est à l'opposé de
celle de Malthus, tout en admettant que plus d'un siècle et demi
sépare les deux auteurs qui ont dû fonder leurs analyses sur des
constats différents. Toutefois, ces deux thèses ont pour cadre
commun une économie dominée par l'agriculture (Doliger, s.d,
p.2). En clair, et Malthus, et Boserup avaient une certaine part de raison
chacun. Car, beaucoup de sociétés souffraient de surpopulation
alors que certaines sont parvenues à décoller en dépit
d'une pression démographique considérable. Alors comment trouver
le juste milieu ?
Alfred Sauvy, pour sa part, croit qu'il n'y a pas de
corrélation directe entre croissance démographique et croissance
économique, car tous les cas existent. Cette position est dite
neutraliste. D'après la thèse de Sauvy15, on
peut avoir une croissance démographique faible avec en parallèle
une croissance économique faible ou encore une forte croissance de la
population accompagnée d'une faible croissance économique ou bien
encore à la fois une faible croissance démographique et une forte
croissance économique. D'où l'on parle dans le cas de Sauvy de la
thèse de l'optimum de la population.
Pour un auteur comme Allen C. Kelley16, la relation
entre démographie et pauvreté peut être observée
à deux niveaux : le niveau micro et le niveau macro.
13 Cédric Doliger, Démographie et croissance
économique en France après la seconde guerre mondiale : une
approche cliométrique, Faculté des Sciences économiques,
Université de Montpellier I, p.2
14 Allen C. Kelley, Population and Economic Development, s.d,
p.8
15 Emilie Canalis, Corinne Ebert, Croissance et population,
Licence Analyse et Politiques économiques, Année 1999-2000, p
11
16 Allen C. Kelley, The Impacts of Rapid Population growth on
Poverty, food provision, and the environnement; Duke University. 1998, 29 p
20
Au niveau micro, une expansion de la croissance de la
population contribuera à augmenter la force de travail. Dans un premier
temps, on assistera à une diminution relative du rendement du travail
(salaire) et une augmentation relative du rendement pour les
propriétaires de capitaux, terre et ressources naturelles.
Sur le plan macroéconomique, le plus important
déterminant de la pauvreté est l'allure et la vitesse de
l'activité économique dans son ensemble, et spécialement
l'emploi. Dans les pays où la terre et les ressources naturelles sont
relativement rares, où les ressources allouées à
l'éducation et à la santé sont insuffisantes, où
les marchés et les institutions gouvernementales sont faibles, un fort
taux de croissance démographique affectera négativement la
croissance économique et l'emploi, et par conséquent alimentera
la pauvreté dans le pays.
Au niveau des ménages, l'impact d'une augmentation de
la population sur la pauvreté est plus complexe. Au niveau le plus
simple, la naissance d'un enfant augmentera, selon Allen C. Kelley, la
probabilité d'appauvrissement du ménage par le fait que les
ressources, déjà limitées, devront être
distribuées entre plus de membres de la famille. Allen C. Kelley ne fait
pas de différence entre les sociétés industrielles et
agricoles.
Selon Borrce (1973), l'augmentation rapide de la population
dans les pays en développement (PED) est considérée comme
une importante barrière pour le processus de développement. Une
position que Allen C. Kelley a corroborée dans une étude
titrée « The impacts of rapid population growth on poverty
».
Thirlwal (1973) soutient de son coté, que la relation
entre croissance démographique et développement économique
est très complexe, particulièrement quand il s'agit de
déterminer les causes et les effets. Pour Thirlwal, l'augmentation
rapide de la population du Tiers-Monde n'est pas seulement synonyme d'obstacle
au développement. L'auteur croit qu'il y a beaucoup de situations dans
lesquelles, la croissance de la population peut être un stimulant au
progrès, et qu'il existe bien des raisons rationnelles expliquant
pourquoi les familles dans les pays en développement choisissent d'avoir
beaucoup d'enfants. Il a déclaré que la complexité du
sujet dépend du fait que le développement économique est
un concept multidimensionnel. Thirlwal cherche à adopter une position
relativiste dans la même lignée que Alfred Sauvy, à qui
l'on doit la paternité de la position dite neutraliste.
Le débat a depuis évolué pour laisser le
simple stade de la liaison entre croissance démographique et croissance
économique. Les néo-malthusiens abondent à peu près
dans ce
21
sens en étudiant de préférence la
relation entre croissance démographique et développement. Dans
les PED en particulier, la croissance économique est
considérée de plus en plus non pas comme une finalité en
soi mais comme un moyen pour arriver au développement. Car, leur
priorité - le développement - ne saurait être atteint sans
un niveau de croissance acceptable. Il en est de même pour arriver
à réduire la pauvreté. Il faut pouvoir produire a priori
une certaine quantité de richesses qu'il faudra répartir par la
suite en vue de satisfaire les besoins de la population. Dans le cas
d'Haïti, c'est à ce niveau que le problème est posé.
De 1980 à 2003, la production de richesses dans le pays n'a pas beaucoup
augmenté. Entre-temps, comment la situation a-t-elle
évolué sur le plan de la satisfaction des besoins de base ?
Ce travail se veut donc un effort d'aller au-delà d'une
simple comparaison entre croissance démographique et croissance
économique pour mieux comprendre plutôt les incidences de
l'augmentation de la population durant la période 1980-2003 sur le
niveau de pauvreté en Haïti, suivant l'approche en termes de
pauvreté humaine ou sociale.
1.3.2- Revue empirique
Cette partie du travail entend présenter, suivant une
approche synthétique, certains travaux réalisés dans le
cas de certains pays, dont Haïti, faisant face à des
problèmes criants de pauvreté.
1.3.2.1.- Revue empirique globale
Une étude récente sur la croissance rapide de la
population du Ghana, réalisée par Eric Boadu17 et
particulièrement importante dans le cadre de ce travail, a permis
à ce dernier d'aboutir à des conclusions pertinentes concernant
l'impact de la croissance démographique sur la croissance
économique. Au Ghana, il y aurait un consensus, entre intellectuels et
politiciens, selon lequel, la croissance rapide de la population n'encourage
pas la croissance économique et qu'on aurait plus rapidement une
amélioration dans l'économie sans cet obstacle. Boadu a
réalisé que les pauvres donnent naissance à beaucoup
d'enfants car ces derniers sont considérés comme des sources de
sécurité économique quant les parents deviennent vieux.
17 Eric Adjei Boadu, Rapid Population Growth And Development in
Ghana, Department of Geography & Resource Development, University of Ghana,
s.d, 26 pages
22
En effet, les problèmes pauvreté et de
population causent du souci un peu partout à travers le monde. La
préoccupation est encore plus grande dans les pays dit
sous-développés. Les travaux réalisés, par exemple,
par le Centre de développement de l'OCDE sur ce double thème sont
nombreux. Dans un travail réalisé sur le
Brésil18, l'OCDE fait ressortir l'inégalité
criante et la pauvreté qui ravagent ce pays. Cette étude montre
l'accroissement naturel soutenu au Brésil et l'appauvrissement de
certaines couches de la société, en raison du rythme de
croissance accéléré de la population.
Dans ses études, l'OCDE accorde également une
importance grandissante à l'Afrique et plus particulièrement
à l'Afrique Sub-Saharienne, une des régions du monde où la
pauvreté est très répandue et très criante.
Plusieurs enseignements sont apportés dans les études de l'OCDE
sur la pauvreté en Afrique. Des données individuelles fiables sur
la taille et le poids des enfants qui reflètent la pauvreté des
parents ont pu être collectées ainsi que de nombreux indicateurs
nationaux de pauvreté tels que le pourcentage de personnes
touchées par la malnutrition d'après la FAO et les pourcentages
de pauvres en fonction de plusieurs seuils : les seuils constants de
pauvreté absolue de un (1) dollar et deux (2) dollars par jours de la
Banque Mondiale, ainsi que le seuil flexible de pauvreté absolue
ZAT19 estimé par Ali et Thorbecke. Dans ces pays, où
l'accès à certains services de base, quand ils existent, est
très difficile et où la satisfaction des besoins de
première nécessitée est souvent impossible pour une grande
partie de la population, l'augmentation de la population même à un
niveau minime a des effets plus que proportionnels sur la pauvreté.
En France, une étude réalisée à
l'Université de Montpellier I (France) par le professeur Cédric
Doliger20, cherche à déterminer une éventuelle
relation entre la croissance économique et la démographie dans ce
pays depuis 1950. Les résultats obtenus confirment l'existence de
relations entre la croissance économique et la démographie : une
relation directe de la croissance vers la population, c'est-à-dire
qu'une plus forte croissance économique influence directement et
positivement la croissance de la population via la fécondité et
une relation indirecte de la population vers la croissance par
l'intermédiaire de
18 Fernanda Lopes de Carvalho, Fighting Extrem poverty In Brazil
: The Influence of Citizens' Action on Gouvernement Policies, 1998, 36 p.
19 Estimation du seuil de pauvreté,
réalisée par Ali et Thorbecke en 1998. D'après le seuil
ZAT, le pourcentage de pauvres baisse à mesure que
l'inégalité des revenus diminue et que le revenu moyen
augmente.
20 Cédric Doliger, Démographie et croissance
économique en France après la deuxième guerre mondiale :
une approche cliométrique, 2005, Presses de l'ISMEA, Paris
23
variables économiques telles que la consommation et
l'investissement. Doliger a constaté que c'est la classe la plus jeune
de la population qui dynamise l'économie française depuis 1950,
et donc que l'attention doit être porté essentiellement sur la
natalité et les facteurs influant sur la décision d'avoir des
enfants (Easterlin et al.). Ensuite, il a remarqué que cette relation
entre les sphères économiques et démographiques s'exerce
via le marché du travail, notamment à travers les salaires et le
chômage. Ce qui l'a porté à affirmer au sens de la
théorie d'Easterlin que la régulation de la
fécondité passe par le marché du travail.
1.3.2.2.- Revue empirique dans le cas d'Haïti
Plusieurs études réalisées en Haïti
tentent de comprendre ou d'expliquer le phénomène de la
pauvreté à travers les mouvements de population. Dans une
étude réalisée en 2001, F.-G. Chéry (2001),
présente les migrations internes et externes comme des dispositifs
d'accès aux richesses dans l'économie
haïtienne21. Il justifie sa position par le fait que « la
migration et l'enfant sont des moyens d'accéder à la monnaie ou
aux richesses dans une économie où les transactions
réalisées à partir de la monnaie sont limitées.
» D'un autre coté, il cite Girault (idem, p. 90), abordant le
problème dans un sens malthusien, et pour qui l'émigration est un
moyen pour échapper à la pauvreté. Gérald
Chéry, rejetant partiellement la thèse de Girault, soutient
plutôt que l'émigration constitue une sorte de mobilisation de la
main-d'oeuvre dans une société qui n'accumule pas ses
richesses.
En effet, la société haïtienne est
dominée dans une large mesure par une conception pro-nataliste. Ce qui
est le cas aussi pour beaucoup d'autres pays sous-développés. Du
fait que les membres de la société ne peuvent pas trop compter
sur un emploi salarié ou sur une capitalisation marchande de la force de
travail ou encore sur une protection sociale de l'État, ils visent une
capitalisation économique des enfants et de la famille élargie
à partir d'une projection nataliste (Gérald Chéry, 2001,
p.92). Cela aboutit généralement à un taux de
fécondité par femme élevé. Mais, on a
constaté que ce taux a baissé durant les vingt dernières,
passant de 6,3 enfants par femme en 1987 (EMMUS I) à 4,8 enfants par
femme en 1994 (EMMUS II), pour arriver à 4,7 enfants par femme en 2000
(EMMUS III). Qu'est-ce
21 Frédéric Gérald Chéry,
Ajustement économique, monnaie et institutions dans
l'économie haïtienne, Thèse de doctorat,
Université Paris III, 2001, p.89.
24
qui a favorisé ce changement ? F-G Chéry
suggère comme réponse à cette baisse au niveau du taux de
fécondité, la plus grande considération accordée
à l'éducation dans les familles haïtiennes22. En
effet, l'éducation est présentée effectivement de plus en
plus comme un facteur pouvant accroître les chances de réussite
sociale. Dans le concret, une augmentation en termes d'utilisation de la
contraception a été constatée. Alors que le taux
d'utilisation de la contraception a été seulement de 6,5 % en
1987 (EMMUS I), il est passé à 18 % en 1994 (EMMUS II), pour se
situer à 28 % en 2000. Les enquêtes EMMUS confirment que plus le
niveau d'éducation des femmes est élevé, plus important
est le taux d'utilisation de la contraception.
Dans une étude visant à identifier les causes de
l'augmentation de la pauvreté en Haïti, Rémy
Montas23 insiste lui aussi sur l'importance du facteur
démographique. « La croissance négative du PIB par habitant
et l'augmentation de la population dans un contexte d'inflation persistante ont
poussé des milliers de ménages additionnels dans la
pauvreté absolue entre 1980 et 2003 en dépit d'une
légère hausse de la consommation moyenne due essentiellement
à l'accroissement des transferts sans contrepartie» (Montas, 2003,
p. 3). Parmi les causes spécifiques de la persistance d'un taux de
pauvreté élevé entre 1981 et 2000 ainsi que de
l'augmentation du taux de pauvreté entre 2000 et 2003, Rémy
Montas souligne la fuite de cerveaux par l'émigration de professionnels
et de techniciens qualifiés, laquelle affecte la productivité de
l'économie haïtienne, sa compétitivité et sa
capacité à absorber l'épargne externe, notamment
l'assistance externe.
Pour Mats LUNDAHL, ce sont surtout les forces politiques
combinées à des facteurs structurels, comme la croissance
démographique et l'érosion, qui sont responsables de
l'appauvrissement rural et non les imperfections du marché24.
Pour lui, ceux qui dénoncent les imperfections du marché
exagèrent, car les marchés tendent à être
compétitifs dans la plupart des cas, à moins que les forces
politiques n'interviennent. La passivité et la
22 Idem, p.
23 Rémy Montas, Haïti : Les causes de
l'augmentation de la pauvreté entre 1981 et 2003, Novembre 2003
24 LUNDAHL Mats, « Forces économiques et politiques
du sous-développement haïtien » Laennec HURBON, Les
transitions démocratiques. Actes du Colloques international de
Port-au-Prince, Paris, Syros, 1996, pp. 243263. Voir aussi LUNDAHL Mats,
Peasants and Poverty : Astudy of Haiti, Londres, 1979 ; The
Haitian Economy, man, land and Markets, Londres, Canberra, 1983.
corruption des détenteurs des pouvoirs politiques,
le manque de progrès technologique, la prévalence de maladies
infectieuses et les carences nutritionnelles, tout ce ci dans un contexte de
croissance démographique relativement importante, sont les principaux
déterminants de cet appauvrissement.
De l'analyse de la banque mondiale, les causes
fondamentales de la pauvreté du pays résident essentiellement
dans sa longue histoire d'instabilité politique et son manque de
gouvernance25. Entre autres facteurs, elle souligne la corruption,
une croissance insuffisante résultant des distorsions
enregistrées au niveau macroéconomique et du faible niveau des
investissements privés, et des investissements insuffisants dans le
capital humain et de leur concentration dans le milieu urbain. Ces facteurs,
couplés au rythme de croissance de la population, interagissent entre
eux pour déboucher sur une spirale descendante. Pour la Banque,
Haïti est ainsi prise dans le piège de la pauvreté -
`'Poverty Trap"- pour lequel les issues semblent incertaines.
25
25 WORLD BANK, Haïti: The challenges of poverty
reduction, August, 1998.
26
Chapitre II : Tendances démographiques en
Haïti
Ce chapitre est consacré à l'étude des
tendances démographiques en Haïti pour la période 1980-2003,
à travers certains indicateurs tels : la natalité, la
fécondité, la mortalité, l'émigration,
l'urbanisation. Notre démarche se base sur l'hypothèse que
l'évolution des des variables démographiques
considérées n'est pas influencée par les politiques
nationales de population, mais plutôt résulte des initiatives
individuelles pour échapper à la pauvreté.
2.1.- Politiques de population en Haïti
Au cours du mois de juillet 2000, un document fixant les
directives nationales en matière de politique de population a
été publié sous la direction de la Secrétairerie
d'État à la Population (SEP). Selon les auteurs de ce document,
celui-ci s'inscrit dans le cadre des recommandations formulées à
la Conférence Internationale sur la Population et le
Développement (CIPD), tenue au Caire (Egypte) en 1994, qui proposait
notamment une nouvelle stratégie mettant l'emphase sur les nombreux
liens existant entre population et développement et sur la
nécessité de satisfaire en priorité les besoins des femmes
et des hommes plutôt que de poursuivre des objectifs
démographiques proprement dits.
La vision exprimée dans le document de politique de
population publié en l'an 2000 s'articule autour des axes
stratégiques suivants :
1. Gestion des variables démographiques incluant la
mortalité, spécifiquement la mortalité maternelle et
infantile ; la natalité et la fécondité ; la migration.
2. Promotion de l'équité de genre.
3. Plaidoyer en faveur du droit reproductif.
4. Promotion de l'intégration des variables
démographiques dans les plans sectoriels de développement.
Pour parvenir à la mise en application de la Politique
nationale de population, le document prévoit les actions suivantes :
i. Le renforcement des collectivités territoriales et des
capacités institutionnelles nationales ;
ii. L'intégration des interventions publiques ;
iii. La promotion de la participation communautaire ;
iv. La structuration et la formalisation du partenariat secteur
public/secteur privé.
27
Le document publié en 2000 fait suite à un
précédent travail paru en 1986 qui fixait les grandes lignes
d'une politique de population à l'horizon 2000 en Haïti. En effet,
vers le début des années 80, on constatait déjà une
énorme pression sur les infrastructures économiques et sociales
en raison de la croissance démographique. L'accélération
de la migration des habitants des campagnes vers les villes a renforcé
la pression sur les infrastructures urbaines. La capacité des
équipements collectifs à satisfaire la demande se trouvait
déjà en nette diminution. De même, le marché du
travail se trouvait incapable à satisfaire les nombreuses demandes
d'emploi provoquées par l'augmentation du niveau de chômage. Dans
le même temps, les ressources naturelles ne cessaient de diminuer. Il
s'en est résulté une dégradation
accélérée de l'environnement.
Ainsi, en 1983, le gouvernement, à travers le
Ministère du Plan, a pris la décision de créer un groupe
de travail ad hoc avec la participation de représentants de l'IHSI, du
Département de la Santé Publique et de la Population (DSPP) et du
Département du Plan. La mission principale de ce groupe de travail
était de :
- Définir les grandes lignes d'une politique de
population pour Haïti ;
- Proposer le cadre institutionnel capable d'assurer la
formulation, le suivi et l'évaluation de cette politique.
Les raisons ne manquaient pas pour justifier la
démarche du gouvernement. Le groupe de travail avait prévu que
toute expansion démographique non contrôlée poserait dans
le futur des problèmes sérieux pour le développement
économique et social du pays. À cet effet, il a proposé
dans son rapport tout un train de mesures à appliquer sur le plan
démographique à l'horizon 2000. D'une part, il a fixé des
objectifs à atteindre et proposé, conformément à sa
mission, des mesures à appliquer pour y parvenir.
Les objectifs et mesures de politique de population relevaient
de cinq ordres:
1. Objectifs et mesures relatifs à la natalité et
à la fécondité
2. Objectifs et mesures relatifs à la morbidité et
à la mortalité
3. Objectifs et mesures relatifs à la migration interne
et à la distribution spatiale de la population
4. Objectifs et mesures relatifs à la migration
internationale
5. Mesures relatives à la collecte, l'analyse, la
recherche et l'enseignement nécessaires au suivi de la politique de
population
28
Cependant, à travers le document de politiques de
population publié en 1986, plusieurs variables économiques
intermédiaires qui expliquent les évolutions
démographiques n'ont pas été prises en compte. Ce document
ne prévoit pas de mesures spéciales pour garantir un meilleur
accès à l'emploi aux nombreuses familles qui capitalisent sur
l'enfant comme une source de revenus future. De même,
nous ne relevons pas dans ce document de dispositions pour renforcer le
système de protection sociale, dans un contexte où la famille
élargie constitue une forme de réponse au vide créé
par l'absence d'un système de protection sociale de l'État.
2.1.1.- Objectifs et mesures relatifs à la
natalité et à la fécondité
À travers le document de politique de population
élaboré dans les années 80, le gouvernement s'était
fixé pour objectif en matière de natalité et de
fécondité de réduire le niveau de telle sorte que le taux
brut de natalité puisse passer de 36 pour 1000 à 20 pour 1000 en
l'an 2000 et le nombre moyen d'enfants nés vivants de 5,48 à 3
enfants par femme.
Il était prévu aussi que soit accordée
une attention particulière à la diminution du niveau de la
fécondité des femmes en milieu rural. Concernant cette
catégorie, le gouvernement s'était proposé de
réduire le nombre moyen d'enfants nés vivants de 6,16 à
3,40 enfants par femme rurale en l'an 2000, soit une réduction de 45 %
en une vingtaine d'années.
En milieu urbain, le nombre d'enfants nés vivants
devait passer de 3,97 à 2,40 enfants en l'an 2000, soit une
réduction de 40 %.
En ce qui concerne les mesures, le gouvernement avait
prévu de ne pas avoir recours à la coercition pour parvenir
à réduire le taux de natalité, mais plutôt comptait,
à travers certains programmes, de fournir à chaque couple, sur
toute l'étendue du territoire de la République, les moyens
d'assurer la régulation des naissances.
D'une manière plus détaillée, on peut
citer dans l'éventail des mesures prévues :
1. La mise en oeuvre de programme de protection
materno-infantile et de planification familiale en vue de faire passer le
pourcentage de femmes utilisant la contraception de 25 % à 60 % en l'an
2000 ;
2. La promotion de l'allaitement maternel ;
3. Amendement de la loi sur l'avortement pour permettre aux
femmes souhaitant le pratiquer de bénéficier des facilités
offertes par les hôpitaux et les cliniques.
29
En considérant la stratégie gouvernementale pour
réduire le taux de natalité et le taux de
fécondité, il y a lieu de constater que, si effectivement les
mesures envisagées n'étaient pas de nature contraignante, elles
n'étaient pas non plus de nature incitative. Le fait de mettre en place
des programmes ne signifie nullement que les concernés vont trouver de
l'intérêt pour s'y adhérer. Avant tout, le choix d'avoir un
certain nombre d'enfants, comme évoqué
précédemment, est lié à des considérations
d'ordre économique. Pour porter les familles à modifier leurs
décisions préalables, des mesures incitatives d'ordre
économique ne devaient pas être négligées.
2.1.2.- Objectifs et mesures relatifs à
morbidité et à la mortalité
Au niveau des objectifs, le gouvernement s'était
proposé de réduire les niveaux de mortalité et de
morbidité en faisant passer d'ici l'an 2000 l'espérance de vie
à la naissance de 48 ans à 65 ans et le taux brut de
mortalité de 17 pour 1000 à 8 pour 1000.
La priorité devait être accordée à
la lutte contre la mortalité infantile. À cet effet, il
était prévu de faire passer le taux de mortalité infantile
de 124 pour mille à 50 pour 1000 en l'an 2000.
En ce qui a trait aux mesures retenues, le gouvernement se
donnait pour objectifs
de :
1. Développer la médecine préventive
pour diminuer les cas de mortalité aux moyens de programmes de
vaccination et de prévention des gastroentérites et des
parasitoses, et de généralisation de la formation d'agents de
santé sur l'ensemble du territoire.
2. Promouvoir l'allaitement maternel
3. Contrôler les prix des médicaments
importés
4. Mettre en place des pharmacies communautaires
5. Réduire la malnutrition
6. Améliorer la répartition du revenu
7. Augmenter le niveau d'éducation de la population
8. Implanter des infrastructures sanitaires de base
(latrines, adduction d'eau potable)
2.1.3.- Objectifs et mesures relatifs à la
migration interne et à la distribution spatiale de la
population
30
En matière de migration interne et de distribution
spatiale de la population, le gouvernement se donnait pour objectifs de :
- Réduire la croissance de la population rurale ;
- Stabiliser le taux d'accroissement de la population de
l'Aire Métropolitaine en vue d'atteindre une population de 2 millions
d'habitants en l'an 2000 ;
- Accélérer la croissance des quatre plus
grandes villes dont trois capitales régionales : Cap-Haïtien,
Gonaïves, les Cayes et Saint-Marc dont les populations devront
dépasser 200 000 habitants pour la première et 100 000 habitants
pour les trois autres. De même, Port-de-Paix,
Jérémie, Jacmel, Hinche et Petit-Goave devaient avoir une
population de plus de 50 000 habitants en l'an 2000 ;
- Développer les villes moyennes en faisant passer leur
nombre d'habitants dans un intervalle compris entre 20 000 et 30 000 habitants
;
- Accélérer la croissance de tous les autres
chefs-lieux de commune, de sorte que leur population ne soit pas
inférieure à 2000 habitants en l'an 2000.
Les mesures à adopter relevaient principalement de deux
sortes :
1. La promotion des individus et des collectivités
haïtiennes et l'atténuation des disparités entre les modes
et les niveaux de vie des diverses catégories sociales ;
2. La promotion d'un développement régional
équilibré sur le territoire et la maîtrise de la croissance
de Port-au-Prince et de l'occupation de l'espace.
2.1.4.- Objectifs et mesures relatifs à la
migration internationale
Sur le plan de la migration internationale, le principal
objectif était de faire passer le taux de migration de 5 pour 1000
à 0 pour 1000 en l'an 2000.
Les mesures à appliquer pour atteindre cet objectif
devaient toucher à plusieurs aspects. Elles visaient surtout à
:
1. Augmenter la production nationale et améliorer la
répartition du revenu national ;
2. Aménager de façon plus rationnelle
l'émigration saisonnière et temporaire des travailleurs
haïtiens vers la République dominicaine et les autres pays voisins
;
3. Favoriser le retour des retraités haïtiens
vivant à l'étranger ;
4. Augmenter le contrôle aux frontières
maritimes et terrestres pour empêcher l'émigration clandestine
;
5. Inciter les émigrés à revenir plus
souvent dans le pays ;
31
6. Encourager les hommes d'affaire haïtiens
résidant à l'étranger à venir investir dans le
pays.
En acceptantt que, dans l'économie haïtienne,
l'émigration est considérée comme une forme de
mobilisation de la main-d'oeuvre (F-G Chéry, 2001), toute
stratégie visant à diminuer le flux des migrants haïtiens en
direction de l'extérieur devrait supposer a priori la création de
conditions pour un meilleur accès à l'emploi. Or, le document de
politiques de population n'a pas insisté sur les mesures précises
à adopter pour inciter les éventuels migrants à rester
chez eux en leur fournissant des conditions de travail satisfaisantes.
2.2.- La situation démographique
Durant ces vingt dernières années, la population
haïtienne a connu un accroissement considérable. Selon les
projections démographiques calculées par l'IHSI conjointement
avec le Centre Latino-américain de Démographie (CELADE), à
partir du recensement de 1982, la population d'Haïti serait de l'ordre de
7 200 000 habitants en 1995 et atteindrait le seuil de 8 000 000 en l'an 2000.
Le taux de croissance démographique prévu était de 2 %
l'an. Les résultats définitifs du Recensement
Général de la Population et de l'Habitat, réalisé
en 2003, ont non seulement confirmé ces prévisions mais aussi
montré une évolution plus rapide de la population. Selon ces
résultats, la population totale d'Haïti est estimée à
8 373 750 habitants au 12 janvier 2003. Alors qu'en 1980, Haïti comptait
moins de 5 053 792 habitants. Au cours de la période 1980-2003, la
population haïtienne a été donc marquée par une
certaine accélération en termes de croissance, ayant
progressé suivant un rythme annuel de 2,5 % l'an.
2.2.1.- Structure de la population
La structure démographique par âge montre une
population jeune en Haïti. Les résultas définitifs du IVe
RGPH révèlent que plus de la moitié de la population
haïtienne a moins de 20 ans. Les moins de 15 ans représentent 40 %
de la population totale (dont 15 % de moins de 5 ans).
Par ailleurs, les actifs entre 15 et 64 ans révolus
représentent plus de la moitié de la population, soit 56 %.
De ce pourcentage, on compte 25 % de femmes en âge de
procréer (15 à 49 ans). Ce qui fait dire que les personnes
à charge représentent 44 % de la population.
32
La structure de la population suivant le sexe indique une
sous-représentativité des hommes par rapport aux femmes dans la
population haïtienne. Les femmes représentent en effet 51,8 %
d'âmes dans le pays, contre 48,2 % d'hommes.
GRAPHIQUE #...
Pyramide des âges de la population totale du pays
en 2003
Source : RGPH-2003
2.2.2.-Urbanisation
Le rythme d'urbanisation a connu une certaine
accélération au niveau de tous les départements
géographiques du pays durant la deuxième moitié du
vingtième siècle. Cette tendance a demeuré jusqu'au
début des années 2000.
L'Institut Haïtien de Statistique et d'Informatique fait
état d'un pourcentage de 40,8 % d'habitants vivant en milieu urbain en
2003, contre 24,5 % en 1982, date du précédent
33
recensement26. Ce rythme d'urbanisation est
favorisé par l'arrivée de nombreux migrants du monde rural dans
les villes, en quête de mieux-être. Une masse de gens partis
à la recherche de meilleures conditions de vie et de travail se
déverse dans les villes. Une extension de la superficie habitée,
accompagnée d'une prolifération des bidonvilles est
observée dans les grandes villes du pays (particulièrement
à Port-au-Prince, Cap-Haïtien, Gonaïves, St-Marc, Cayes). Des
quartiers suburbains comme ceux de Cité-Soleil à Port-au-Prince,
de la Fossette au Cap-Haïtien et de Raboteau aux Gonaïves sont
peuplés en grande partie de nouveaux venus, provenant du monde rural et
qui sont entassés dans des logements exigus et insalubres,
dépourvus le plus souvent des services les plus
élémentaires. La ville de Port-au-Prince,
particulièrement, connaît une extension anarchique, sans aucun
plan d'urbanisme. Dans beaucoup d'endroits, les maisons remplacent les
plantations ou les arbres, comme c'est le cas dans la plaine du Cul-de-Sac et
au morne l'Hôpital. Avec ces transformations non planifiées, la
ville de Port-au-Prince est davantage exposée aux catastrophes
naturelles.
En effet, près du quart de la population de l'Aire
métropolitaine de Port-au-Prince, soit 24,7 %, est constitué de
migrants27. De 1982 à 2003, la population urbaine totale du
pays a crû suivant un rythme de 4,7 % l'an, alors que le taux de
croissance a été de 3,5 % de 1971 à 198228.
Il convient toutefois de souligner que le critère de
définition de la zone urbaine n'a pas été le même en
1982 qu'en 2003. Au recensement de 1982, le critère de définition
de la zone urbaine était surtout administratif. Était
considérée comme urbaine, la population qui résidait dans
les chefs-lieux de communes et dans les quartiers, tels que définis par
la loi. En 2003, la définition adoptée a été plus
large. L'espace urbain inclut non seulement le chef-lieu de commune, tel que
considéré physiquement, mais aussi le prolongement du chef-lieu
en milieu rural.
2.2.3.- Migration
Les mouvements de population en Haïti ont
été très importants ces dernières années,
sous l'effet de facteurs d'ordre structurel que conjoncturel. Durant les
périodes de crises politiques, ils se sont montrés encore plus
intenses. Par exemple, durant la période allant de
26 IHSI, RGPH-2003
27 IHSI, ECVH-2001
28 IHSI, RGPH-2003
34
1991 à 1994, beaucoup d'individus ont laissé le
pays pour se mettre à l'abri des turbulences politiques ou pour
échapper aux effets de l'embargo économique imposé
à Haïti. Au cours de cette même période
également, un nombre considérable de gens ont laissé la
capitale en direction des provinces pour s'éloigner des tensions
prévalant à Port-au-Prince. Le rétablissement de l'ordre
constitutionnel en 1995 n'a pas été suffisant pour freiner la
vague de la migration en direction de l'extérieur. En
général, quand le climat politique connaît une certaine
accalmie, les facteurs structurels reviennent au premier plan et contribuent
à maintenir le flux d'Haïtiens qui cherchent à
s'établir à l'étranger.
Avant la période 1991-1994, et après, le pays a
été marqué dans l'ensemble, par deux types de migration :
une migration interne et une migration externe.
2.2.3.1.- Migration interne
Les causes de la migration interne dans l'économie
haïtienne sont diverses. La première cause que nous pouvons
considérer est logiquement les crises politiques, comme
évoquée plus haut.
Si par moments, la migration de la ville vers la campagne
s'avère effectivement importante, le mouvement inverse est, par contre,
beaucoup plus constant. Le phénomène de la migration interne en
Haïti prend surtout la forme d'exode rural.
On peut identifier une migration interne due à
l'activité dans le secteur agricole. L'agriculture étant
l'activité économique qui mobilise la proportion la plus
importante de la population active, les cultivateurs partent souvent en
quête d'opportunités dans des territoires jugés plus
appropriés. De cette façon, des nouveaux liens
sont tissés entre les cultivateurs et la terre d'accueil, qui
aboutissent parfois au déplacement de toute une famille.
Sur un autre plan, la migration peut être
interprétée à l'aide d'une succession d'étapes :
d'abord, de la campagne vers les villes, et ensuite, des villes vers la
capitale. Cette succession se fait par exemple pour avoir accès à
certains services. La grille d'équipements urbains dans les petites
villes et les villes moyennes est souvent limitée. En particulier, il y
a certains besoins qui ne peuvent être satisfaits qu'à
Port-au-Prince. Souvent la migration vers les petites villes ou les villes
moyennes constituent une étape pour arriver à Port-au-Prince, la
destination finale, si l'on s'en tient seulement à la migration interne.
Cependant, parfois les petites villes et les villes moyennes ne servent
même pas de transit. Le mouvement se fait directement de la campagne vers
la capitale.
35
Bien que les études consacrées à l'exode
rural soient peu nombreuses en Haïti, les rares informations disponibles
confirment l'ampleur dramatique de ce phénomène. Certes,
l'arrivée massive de migrants met une main-d'oeuvre abondante à
la disposition de certains secteurs de l'économie comme l'industrie de
la sous-traitance, mais elle se fait à un rythme tellement intense que
la capacité d'accueil des principales villes du pays se trouve
débordée. La plupart des nouveaux venus ne font que grossir le
nombre de pauvres en milieu urbain, avec tout ce que cela implique au niveau de
l'organisation de l'espace urbain (urbanisation accélérée,
pauvreté urbaine, pression sur les services sociaux, accroissement du
chômage urbain...). Alors que dans le même temps, le nombre de bras
au service de l'agriculture se trouve en nette diminution.
Au moment de la réalisation de la dernière
Enquête sur les Conditions de Vie en Haïti (2001), 12,1 % de la
population haïtienne ne résidaient pas dans leur département
d'origine, c'est-à-dire le département de naissance de l'individu
ou de résidence de la mère au moment de la naissance de
l'individu. La proportion de migrants est plus importante chez les femmes :
13,4 % des femmes ont migré de leur département d'origine au
département de résidence au moment de l'enquête, contre
10,7 % des hommes. On constate également une migration plus forte chez
les ménages les plus riches. 24,6 % des ménages les plus riches
ont quitté leur département d'origine contre 5,3 % de ceux issus
des ménages les plus pauvres.
La migration interne revêt des dimensions multiples.
Elle ne dépend pas spécifiquement des conditions de vie ou du
sexe du migrant.
2.2.3.2.- Migration externe
Le mouvement migratoire haïtien vers l'extérieur
n'est pas récent. Dès la période
coloniale, on a assisté à une première vague
d'émigration des travailleurs haïtiens en République
dominicaine. Alors qu'il s'était établi à l'Ouest, dans la
partie française de l'île, une colonie d'exploitation qui tirait
ses profits de la culture de la canne à sucre, les Espagnols à
l'Est avaient constitué un régime moins bien sévère
axé sur l'élevage. Certains marrons qui fuyaient la rigueur du
système esclavagiste dans la partie occidentale allaient se
réfugier à l'Est. À la suite de l'accession d'Haïti
à l'indépendance, les luttes fratricides entre anciens et
nouveaux libres ont contribué encore au départ de beaucoup
d'Haïtiens en République
36
dominicaine29. Durant le 19e
siècle, l'émigration haïtienne a été
limitée. C'est surtout au début du 20e siècle,
plus particulièrement à partir de l'occupation américaine,
que l'émigration haïtienne a pris une forme massive. À
partir de cette époque, les Américains qui ont commencé
à investir massivement dans l'industrie sucrière ont
attiré dans leurs usines de Cuba et de la République Dominicaine
des milliers de travailleurs haïtiens30 .
Durant les années 50, l'exode de la population
haïtienne a débordé les frontières cubaines et
dominicaines. Il s'est orienté d'abord vers l'Amérique du Nord,
spécialement les États-Unis, le Canada. Vers 1965, le nombre
d'Haïtiens qui quittaient le pays en direction des États-Unis
connut une augmentation de l'ordre de 70 %31. Durant les
années 60, le Canada et l'Afrique ont accueilli leurs premières
vagues d'Haïtiens, composée en grande partie de professionnels
qualifiés. Vers les années 50, la migration en direction des
Bahamas avait déjà débuté. Déjà, vers
1963, 2899 immigrants haïtiens qui vivaient illégalement aux
Bahamas ont été rapatriés32. La migration
haïtienne vers les Antilles Françaises (Guadeloupe, Martinique,
Guyane...) est un peu plus récente et remonte à la fin des
années 60. La migration vers l'Europe, dans les pays tels que la France,
la Belgique, la Suisse, est encore plus récente et date de la fin des
années 1970.
Selon la International Catholic Migration Commission (ICMC),
l'exode des Haïtiens vers les pays étrangers continue de
manière intense. Pour l'année 2005 et le début de
l'année 2006, plus de 10 500 personnes ont laissé Haïti
à la recherche de meilleures conditions en Europe (4000 personnes) et en
Amérique du Nord33.
Sur une population de 8 400 000 habitants, 25 % vivent
actuellement en dehors d'Haïti34. Selon un rapport de «
World Migration » cité par l'ICMC, plus d'1 million d'Haïtiens
vivent aux États-Unis, 100 000 au Canada et 600 000 environ en
République Dominicaine.
Parmi les causes de la migration des Haïtiens à
l'étranger, on retient surtout des besoins matériels dont les
principaux sont les suivants:
29 OIM, Propositions pour une politique de gestion de la
migration de main-d'oeuvre en Haïti, Port-au-Prince, Septembre 2006, p.
36
30 Idem, p.37
31 Idem, p.43
32 Idem, p.30
33 International Catholic Migration Commission (ICMC), 54th
Council Meeting July 2006-RomeRegional Report: Caribbean Document no: CM/06/06,
l'état de la Migration en Haïti, aujourd'hui.6 pages.
34 Ibidem
1) 37
besoin monétaire
La recherche d'un emploi pouvant garantir l'accès
à un revenu adéquat pour vivre est l'un des principaux facteurs
susceptibles d'expliquer l'émigration massive des Haïtiens à
l'extérieur. La diaspora contribue à hauteur d'environ 1 milliard
de dollars à l'économie nationale, sous forme transferts
privés. La plupart des Haïtiens restés en Haïti sont
naturellement incités par l'idée de s'établir à
l'étranger aussi pour avoir droit à un meilleur revenu. Parfois,
et cela se répète souvent, ce sont les parents eux-mêmes
qui enclenchent le processus permettant à leurs enfant de résider
dans ces pays étrangers. L'ECVH-2001 de l'IHSI révèle que
30,5 % des ménages du pays ont au moins un parent émigré
établi à l'étranger. Cependant, ce document dénote
des contrastes importants selon les milieux de résidence : 44 % des
ménages de l'Aire métropolitaine ont un parent à
l'étranger contre 25,2 % des ménages ruraux.
Selon l'IHSI, le travail est la principale cause de
l'émigration haïtienne. Ce qui confirme l'hypothèse de
Gérald Chéry, selon laquelle, l'émigration constitue une
sorte de mobilisation de la force de travail haïtienne.
Par ailleurs, un tiers des ménages dont le chef est
une femme ont de la famille vivant à l'étranger. L'ECVH-2001
révèle aussi que la proportion de ménages pour lesquels il
existe un parent à l'étranger croit avec le niveau de revenu du
ménage.
2) Le besoin de promotion humaine
Un besoin, combien légitime, est celui de la promotion
humaine : besoin de fonder une famille, de s'instruire, de préparer
l'avenir de ses enfants. On observe chez les immigrants de cette
catégorie un refus de faire face à la situation de misère
mais en même temps un désir irrésistible de changement,
voire de promotion humaine dans sa triple dimension matérielle,
culturelle et spirituelle.
3) Le besoin de sécurité et de paix
Un troisième besoin qui explique la migration est celui
de la paix et de la sécurité. Face au climat de violence, de peur
et d'insécurité qui caractérise la vie en Haïti, les
gens ont besoin de sérénité et de paix pour
eux-mêmes et pour leurs enfants. Ils ont besoin de tranquillité et
de sécurité pour leur commerce, leur travail, l'éducation
de leurs enfants et l'épanouissement de leur vie personnelle, familiale
et sociale.
38
Lorsque la paix et la sérénité n'existent
pas, les gens se déplacent pour aller les chercher ailleurs. Ils
quittent leur lieu d'origine pour trouver une terre d'asile, un lieu de refuge
où ils peuvent vivre avec moins de souci pour leur vie.
Sur un autre plan, la migration externe haïtienne
revêt deux formes : la migration clandestine et la migration
légale. La migration clandestine est caractérisée surtout
par le phénomène de boat people. Bon nombre d'Haïtiens n'ont
pas hésité, au péril de leur vie, à s'embarquer sur
de simples petits voiliers pour échapper à des conditions
d'existence frôlant parfois les limites de la survie. Ce
phénomène a connu un regain d'intensité durant la
période du coup d'État militaire (1991-1994). Des
statistiques fournies par l'Ambassade Américaine et le bureau
du Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés, en ce
qui concerne l'émigration officielle, sont très
révélatrices. Elles montrent que le nombre d'Haïtiens qui
ont été admis temporairement aux États-Unis
d'Amérique entre novembre 1991 et janvier 1993, à titre de
réfugiés, s'élève à 11200 depuis Guantanamo
et 720 directement de Port-au-Prince35.
Sur un autre plan, il y a lieu de considérer la
migration légale, par laquelle beaucoup de cadres qualifiés
laissent régulièrement le pays pour s'établir à
l'étranger. Plusieurs raisons sont à l'origine de leur
départ et certaines d'entre elles ont été
évoquées plus haut.
Tableau # ...
Distribution en pourcentage (%) des parents
émigrés selon la principale raison de résidence à
l'étranger
Principale raison de résidence à
l'étranger
|
Pourcentage
|
Travail
|
72,6
|
Recherche d'emploi
|
15,8
|
Études
|
3,4
|
Regroupement familial
|
4,1
|
Autres
|
4,1
|
Total
|
100,0
|
Source : IHSI/Enquête sur les conditions de vie en
Haïti (ECVH) - 2001
2.2.4.- Natalité et
fécondité
Les données qui seront présentées dans
cette section traitent des naissances vivantes survenues dans la population au
cours des douze (12) derniers mois précédant le
35 MSPP/OPS/OMS : Analyse de la Situation Sanitaire,
Port-au-Prince, Juin 1996, 164 pages
39
recensement de 2003. Ces naissances se mesurent à
travers deux indicateurs : la natalité et la fécondité. La
natalité est la venue au monde des enfants dans la population en
général, tandis que la fécondité est, par contre,
la venue au monde de ces mêmes enfants dans la population féminine
en âge de procréer.
2.2.4.1.- Taux brut de natalité
Le taux brut de natalité exprime le nombre moyen
d'enfants nés vivants pour mille habitants au cours d'une période
d'un an. Au Recensement Général de la Population et de l'Habitat
de 2003, ce taux est de 28 naissances vivantes pour 1000 habitants dans
l'ensemble du pays. Le taux brut de natalité est de 25 %o en milieu
urbain et de 30 %o en milieu rural.
Par rapport aux objectifs fixés en 1983 pour l'horizon
2000, le taux brut de natalité a connu une certaine baisse, ayant
été de 36 %o au début des années 80. Mais
l'écart reste considérable par rapport à l'objectif de 20
enfants pour 1000 habitants en 2000.
Par ailleurs, un taux d'avortement de 7 % a été
relevé dans l'EMMUS III (2000)
2.2.4.2.- Fécondité par âge
Le graphique x, tiré des résultats
définitifs du RGPH-2003, représente l'évolution des taux
de fécondité par âge. Il montre que la courbe du processus
de reproduction des femmes en âge de procréer a commencé
à croître assez lentement à partir du groupe 10-14 ans et
s'est accélérée rapidement pour atteindre son plus haut
niveau entre 25 et 29 ans. Elle a décru progressivement jusqu'à
atteindre des valeurs minimales entre 45 et 49 ans, indépendamment du
milieu de résidence.
L'âge moyen à la maternité, qui
s'interprète comme étant l'âge auquel les femmes mettent au
monde leurs enfants, est à la fois de 28 ans dans le pays et en milieu
urbain et de 29 ans en milieu rural36. Il est à noter que la
fécondité des femmes de moins de 20 ans est très faible,
on dénombre en effet moins d'un (1) enfant pour chaque dix (10)
femmes.
36 RGPH-2003
40
Graphique # x
Source :IHSI/ RGPH - 2003
2.2.4.3.- Indice Synthétique de
Fécondité (ISF)
L'Indice Synthétique de Fécondité (ISF)
exprime le nombre moyen d'enfants nés vivants par femme au cours de la
vie féconde. Selon l'IHSI (RGPH-2003), cet indicateur affiche une valeur
de 4 enfants en milieu rural et est de 3 enfants en milieu urbain.
Le nombre moyen d'enfants par femme varie également
suivant le niveau d'instruction de la femme. Les femmes analphabètes
ont, en moyenne, plus d'enfants que celles ayant atteint le niveau de
l'enseignement secondaire ou plus37. L'impact de l'augmentation de
l'utilisation de la contraception en Haïti sur la réduction du taux
de fertilité est évident. Cependant, les couples ne
maîtrisent pas tous les paramètres pour limiter le nombre des
naissances. Entre le nombre d'enfant désiré et le nombre
d'enfants réel, il y a un écart. Les résultats de l'EMMUS
III révèlent que le nombre idéal moyen d'enfants par femme
et par homme est respectivement de 3,1 et 3,3.
37 IHSI/RGPH-2003
41
Les ménages pauvres ont en moyenne plus d'enfants que
les ménages plus riches. Les ménages les plus pauvres peuvent
avoir jusqu'à 6,9 membres alors que les plus riches ont 4,4
membres38. En fait, la tendance est que les plus pauvres vont dans
les ménages les plus riches, d'où le développement du
phénomène de la domesticité.
En outre, les ménages les plus pauvres en milieu rural
ont généralement un niveau d'éducation plus faible que les
ménages plus riches. La terre est la ressource physique la plus
importante que possèdent les ménages pauvres. Selon la Banque
mondiale, en apprenant les cultivateurs à lire et à
écrire, il est possible d'élever le niveau de la
productivité de 14 % considérant que les autres facteurs restent
constants39. L'éducation se révèle
déterminante pour la modernisation de l'agriculture. Les agriculteurs
éduqués comprennent et adaptent mieux les nouvelles technologies
par rapport aux agriculteurs non-éduqués.
2.2.5.- Morbidité et mortalité
Durant ces deux dernières décennies, une
réduction a été enregistrée au niveau du taux de
mortalité infantile, lequel est passé de 101 %o en 1987 à
74 %o en 1994, pour remonter à 80 %o en 2000 (EMMUS I, II et III). En
1996, le Fonds des Nations Unies pour la Population a fait paraître un
document40 dressant un diagnostic de la situation d'Haïti au
regard des objectifs fixés dans le Plan d'Action Mondial de la
Population adopté à la Conférence Internationale sur la
Population et le Développement (CIPD) tenue au Caire du 5 au 13
septembre 1994. Ce document fournit des données provenant de
différentes sources qui montrent un taux de mortalité infantile
se situant autour de 77 %o en 1996. L'EMMUS III réalisée en 2000
a confirmé cette remontée au niveau du taux de mortalité
infantile après la baisse enregistrée entre 1987 et 1994.
L'objectif du gouvernement de faire passer le taux de
mortalité infantile de 124 %o au début des années 80
à 50 %o en l'an 2000 n'a donc pas été atteint.
38 cf
39 Idem, p.6
40 Jacques Hendry Rousseau, Évaluation de certaines
statistiques se rapportant respectivement à l'accès aux services
de santé de la reproduction, la mortalité et à
l'accès des filles et des femmes à l'éducation
(Synthèse et diagnostic), UNFPA, Juin 1996
42
Tableau #... : Indicateurs de
mortalité
Sources
|
Taux de mortalité maternelle (Pour 100
000 naissances vivantes)
|
Taux de mortalité infantile
(1000)
|
EHF, 1977
|
...
|
125
|
EMMUS I, 1987
|
...
|
101
|
EMMUS II, 1994
|
...
|
74
|
IHE, Maternal Mortality in
Haiti
|
460
|
...
|
MSPP
|
460
|
74 (1994)
|
MCFDF
|
400
|
...
|
OPS/OMS
|
460
|
...
|
OPS/OMS, Health Statistics from Americas (1995)
|
...
|
77 (1996)
|
RDH, PNUD
|
...
|
86 (1992)
|
World Population Prospects,
ONU
|
...
|
77 (1996)
|
CELADE, Mortalidad en la Ninez: Haïti
|
...
|
95 (1995)
|
IHSI
|
...
|
77
|
Source : Jacques Hendry Rousseau, UNFPA, 1996
2.2.6.- Situation de l'emploi
La population active représente 54,4 % des personnes de
quinze (15) ans et plus en 2003. (à mettre en cohérence avec un
chiffre cité plus haut). Pour la population de dix (10) ans et plus, ce
taux est de 47,7 %. Par rapport au sexe, la population active représente
65,5 % et 56,9 % pour les hommes, dans les tranches d'age respectives de 15 ans
et plus, et de 10 ans et plus. Pour les femmes, ces taux sont respectivement de
46,4 % et 39,3 %41
Le taux d'activité varie également suivant le
milieu de résidence : 50,0 % (15 ans et plus) et 43,3 % (10 ans et plus)
en milieu urbain et 57,8 % et 50,9 % en milieu rural. Ce
41 IHSI,...
43
niveau d'activité, oscillant globalement autour de 50 %
engendre un fort taux de dépendance des inactifs par rapport aux actifs
: 1815 %o ( référence). De plus, parmi les 2 974 158 actifs du
pays recensés par l'IHSI, 1 929 447 étaient effectivement
occupés pendant la période de référence, soit un
taux d'occupation de 64,9 %, révèle l'IHSI. Ce taux d'occupation,
plus élevé chez les hommes (66,9 %) que chez les femmes (62,2 %),
est aussi marqué par une différence suivant le milieu de
résidence : 69,0 % en milieu rural et 58,3 % en milieu urbain.
Les élèves et étudiants dominent les
inactifs (57,1 %), suivis des personnes au foyer (25,7 %).
Une analyse de la population occupée selon les branches
d'activité, l'occupation principale et la situation dans l'occupation
rendra encore plus explicite la situation de l'emploi.
2.2.6.1.- Branches d'activité économique
Au niveau des branches d'activités, près de la
moitié des actifs occupés (49,6 %) dont 93,3 % en milieu rural se
concentre dans la branche «Agriculture, sylviculture, élevage,
chasse et pêche». Cette branche est dominée surtout par les
hommes42. La branche «Commerce de gros et de
détail», dominée par les femmes, vient en second rang avec
une proportion de 25,3 %. Indépendamment du milieu de résidence,
les femmes restent majoritaires dans la branche «Commerce de gros et de
détail» avec 69,2 % en milieu urbain et 88,0 % en milieu rural.
2.2.6.2.- Occupation principale
Les résultats définitifs du RGPH-2003 montrent
aussi que près de 50 % de la population active occupée du pays
travaillent comme «Agriculteurs et ouvriers qualifiés de
l'agriculture et de la pêche». D'autres actifs (23,4 % et 11,2 %)
sont occupés respectivement comme «Personnel des services et
vendeurs de magasin et de marché» et comme «Artisans et
ouvriers des métiers de type artisanal».
En milieu urbain, parmi les actifs occupés, certains
travaillent comme «Personnel des services et vendeurs de magasin et de
marché» (35,7 %) et d'autres comme «Artisans et ouvriers des
métiers de type artisanal» (21,0 %). En milieu rural, les actifs
occupés sont surtout constitués de travailleurs agricoles (71,6
%).
42 IHSI,...
44
2.2.6.3.- Situation dans l'occupation
Les actifs occupés sont essentiellement des
travailleurs indépendants (82,1 %), suivis de loin par les
«Employés» (12,7 %) et les aides familiaux (2,2
%)43. Quels que soient la situation dans l'occupation et le milieu
de résidence considéré, les femmes sont moins
représentées que les hommes, à l'exception des
catégories «Indépendant» et «Aide familial»
en milieu urbain.
Graphique # Y : Répartition des
taux d'activité par groupe d'ages selon les
sexes
Source : IHSI-RGPH 2003
43 IHSI,...
Chapitre III : Les dimensions de la pauvreté
haïtienne
Le niveau élevé de la pauvreté en
Haïti n'est point un sujet de controverse. Indépendamment de
l'approche considérée, les indicateurs conduisent à un
constat similaire : la majorité de la population vit en situation de
pauvreté.
Suivant l'approche monétaire, nous avons vu que
jusqu'à 76 % de la population haïtienne vit en dessous du seuil de
pauvreté avec moins de 2 dollars par jour, alors que 56 % évolue
dans des conditions d'extrême pauvreté, avec moins d'un dollar par
jour. Malheureusement, cette approche reflète seulement une situation
globale et ne fournit pas des détails pour mieux appréhender les
manifestations de la pauvreté. Est-ce pourquoi avons-nous choisi de
prioriser pour notre travail l'approche en termes de pauvreté humaine et
sociale qui renvoie, elle-même, à la satisfaction des besoins de
base. Donc, nous nous intéressons à l'approche non
monétaire de la pauvreté, tout en admettant que celle-ci est dans
une large mesure une conséquence de la pauvreté monétaire.
De plus, ce choix se justifie par l'objet de notre étude, car il sera
mieux facile de saisir les interpénétrations entre croissance
démographique et pauvreté.
Nous supposons que la pauvreté haïtienne
revêt une dimension multiple. Cette dernière se traduit à
travers un certain nombre de manques et de besoins non-satisfaits. Ces manques
et besoins touchent à des domaines divers dont les fondamentaux sont :
la santé, l'éducation, l'alimentation, le logement et
l'accès à l'eau potable.
3.1.- Accès aux soins de santé
Les problèmes de santé sont criants en
Haïti. Le niveau de l'offre en services de santé, que ça
soit en termes de qualité ou de quantité, demeure une grande
préoccupation. Les infrastructures sanitaires sont inadéquates et
insuffisantes. La quantité de personnels formés en matière
de santé est très limitée.
Pour mieux dégager l'impact de l'accroissement
démographique sur l'accès aux services de santé, nous
allons analyser le comportement de certains indicateurs pour la période
qui concerne cette étude, c'est-à-dire de 1980 à 2003.
45
3.1.1.- Accès aux services de santé de la
reproduction
46
Afin de mieux déterminer le niveau d'accès aux
services de santé, nous utiliserons plusieurs indicateurs. Parmi les
indicateurs de santé, particulièrement fondamentaux pour notre
travail, nous allons considérer dans un premier temps :
- le taux de prévalence de la contraception ;
- le pourcentage d'accouchements réalisés par un
personnel de santé entraîné.
Pour apprécier le degré d'utilisation de la
contraception, on utilise généralement le taux de
prévalence de la contraception (moderne ou traditionnelle).
L'Enquête Haïtienne sur la Prévalence de la Contraception
(EHPC) réalisée en 1983 révèle un taux de
prévalence de la contraception moderne de 3,9 %. L'EMMUS I,
réalisé en 1987 a mentionné un taux de prévalence
de la contraception de 5 %, contre un taux de 13,2 %
révélé par l'EMMUS II pour l'année 1993. Pour
l'année 2000, 22,3 % des femmes haïtiennes en âge de
procréer avaient recours aux méthodes de contraception modernes,
alors 5,8 % utilisaient des méthodes de contraception traditionnelles.
D'après le MSPP44, 32 % des femmes en age de procréer
ont utilisé, en 2003, la contraception.
Le constat est qu'il y a eu une amélioration en terme
d'utilisation des contraceptifs à travers la période prise en
compte dans cette étude. Mais les résultats obtenus restent
nettement en deçà des objectifs fixés. (par qui, quand et
de combien ?)
À propos du pourcentage d'accouchements
réalisés par un personnel de santé entraîné,
le taux a été de 20 % en 1983, selon l'OMS (Cf). En 1994, le
pourcentage d'accouchements réalisés par un personnel de
santé qualifié a été de 46,3 % (EMMUS II). Les
résultats de l'EMMUS III (2000) font état d'un pourcentage de 24
%. Donc, une baisse significative a été enregistrée par
rapport à 1994. Particulièrement en 2000, l'écart entre le
milieu urbain et le milieu rural est considérable. En effet, 52 % des
femmes vivant en milieu urbain bénéficient du service d'un
personnel qualifié au moment de leur accouchement, contre seulement 11 %
dans le monde rural. Dans l'arrière-pays, il est
généralement de coutume de recourir au savoir-faire des
sages-femmes au moment des accouchements. Leur méthode n'était
pas considérée comme intégrant une pratique
médicale à part entière. Ce n'est que vers les
années 2000 qu'une école formelle destinée aux
sages-femmes a vu le jour à Port-au-Prince.
44 MSPP, Plan d'action ministériel 2006-2007, 2006, 11
pages
47
3.1.2.- Accès aux services de santé de
base
L'accès aux services de santé n'a pas
été un indicateur collecté fréquemment par les
enquêtes auprès des ménages45 . Il a
été généralisé surtout par les
enquêtes Démographiques et Sanitaires, en l'occurrence les EMMUS.
La définition de « l'accès aux services de santé de
base » a connu aussi des évolutions à travers les EMMUS. En
1987, l'indicateur était défini par la présence d'un
centre de santé dans le centre ou la zone d'habitation ; en 1994-95 et
en 2000 par la proportion de ménages (en fait la proportion de femmes en
union) situés à une distance nécessitant un temps
inférieur à 60 minutes pour se rendre au centre de santé
le plus proche46. Jacques Charmes (2002) a signalé que le
rapport mondial 2001 sur le développement humain, déjà,
n'avait pas tenu compte de cet indice pour calculer l'IPH -1 en raison du
manque de données récentes et fiables. De plus, dans le cas de
l'accès aux services de santé de base, il s'agit d'un indicateur
d'accès, non d'utilisation, ni de qualité. Dès lors, il
peut être extrêmement trompeur47.
Les données concernant l'accès aux services de
santé de base en Haïti varient donc suivant les sources, tout en
gardant, certaines fois une tendance proche. Selon l'OPS/OMS, 60 % de la
population avait accès aux services de santé de base en 1991. De
son coté, le PNUD fait état d'un pourcentage moyen de 50 % de la
population ayant accès aux services de santé de base, pour la
période allant de 1985 à 1993.
Les données avancées par le Ministère de
la Santé Publique et de la Population ne permettent pas de parler
amélioration en termes d'accès aux services de santé de
base, comparés aux données fournies par l'OPS/OMS et le PNUD.
Selon le MSPP48, 60 % de la population seulement disposait d'un
accès aux services de base à la fin de 2003. Par contre, les
données fournies par les EMMUS montrent clairement une tendance à
l'amélioration. De 24,4 % en 1987 (EMMUS I), l'accès aux services
de santé de base est passé à 60,4 % en 1994 (EMMUS II),
pour atteindre le niveau de 84,7 % en 2000 (EMMUS III).
Pour les besoins de ce travail, nous nous en tenons aux
données fournies par les EMMUS, en raison surtout de l'unicité de
source.
Tableau # ... : Proportion de
ménages ayant accès aux services d'eau potable et de santé
en Haïti, de 1986-87 à 2000.
45 Jacques Charmes, Les indicateurs de développement
humain en Haiti, Juin 2002
46 Idem
47 Idem
48 MSPP, Plan d'action ministériel 2006-2007, 2006, 11
pages
48
|
EBCM I
1986-87
|
EMMUS I
1987
|
EMMUS II
1994-95
|
EBCM II
1999-2000
|
EMMUS III
2000
|
Eau potable
|
28,6
|
45,3
|
46,2
|
43,8
|
65,5
|
Electricité
|
21,9
|
29,6
|
31,3
|
32,5
|
33,7
|
Assainissement
|
45,8
|
47,9
|
48,3
|
44,5
|
44,1
|
Services de santé
|
|
24,4
|
60,4
|
|
84,7
|
Source : Jacques Charmes, Les indicateurs de développement
humain en Haiti, Juin 2002
3.1.3.- L'indice de masse corporelle
Le poids à la naissance est le déterminant le
plus important des chances de survie, de croissance, de développement et
du statut nutritionnel d'un enfant. L'insuffisance pondérale à la
naissance touche une proportion considérable de petits enfants
haïtiens. Mais, de 1994 à 2000, on a constaté une baisse du
pourcentage des enfants affectés, passant de 27,5 % à 17,3 %. Cet
indicateur est très important pour nous dans la mesure où il
donne également une idée de l'état nutritionnel de la
mère.
Tableau # ... : Proportion d'enfants de
moins de 5 ans souffrant de malnutrition.
|
NSSS 1978
|
HNS 1990
|
EMMUS II
1994-95
|
EMMUS III
2000
|
Insuffisance pondérale (poids pour âge)
|
37,4
|
26,8
|
27,5
|
17,3
|
Retard de croissance (taille pour âge)
|
39,6
|
33,9
|
31,9
|
22,7
|
Emaciation (poids pour taille)
|
8,9
|
4,7
|
7,8
|
4,5
|
Sources : National Nutrition Status Survey, 1978
; Haiti's Nutrition Situation in 1990, EMMUS II, EMMUS III.
3.1.4.- Le personnel de santé
Le personnel préposé à la fourniture de
soins de santé dans le pays a été pendant plusieurs
années très limité. Les données officielles
fournies par le MSPP49 indiquent qu'il y a à la fin de 2003,
dans le pays, 2,37 médecins pour 10 000 habitants, 1,52
infirmières pour 10 000 habitants et 3,05 auxiliaires pour 10 000
habitants. Le Rapport Mondial sur le Développement Humain pour
l'année 2004 avance le chiffre de 2,5 médecins pour 10 000
habitants.
La présence de 500 médecins cubains dans le pays
depuis la deuxième moitié des années 90 a un impact non
négligeable sur l'amélioration de la santé de la
population haïtienne. Elle a
49 Idem
49
permis d'augmenter l'offre de personnel qualifié au
service de la population dans le secteur de la santé.
Par ailleurs, on a assisté depuis quelques
années à la création de plusieurs facultés de
médecine privée dans le pays. Mais, la plupart de ces
facultés ne disposent pas d'Hôpital personnel où permettre
à leurs étudiants d'effectuer des stages. La formation de ces
professionnels de la médecine en pâtit
énormément.
Le programme de bourses destiné à former des
médecins haïtiens à Cuba devrait contribuer à une
augmentation de médecins disponibles dans le pays. Mais, faudra-t-il
bien qu'ils trouvent l'encadrement nécessaire pour servir le pays et
pour ne pas être porté d'aller s'installer ailleurs comme beaucoup
d'autres professionnels dans le pays.
3.1.5.- Les infrastructures sanitaires
La situation d'Haïti n'est pas très
réjouissante en ce qui a trait à la disponibilité
d'infrastructures sanitaires. Il existe seulement 0,81 lit d'hôpitaux
pour 1000 habitants dans le pays, selon le MSPP ( année). Près de
663 établissements de santé fonctionnent suivant une logique
publique. On dénombre 110 hôpitaux et centres de santé,
faisant fonction d'hôpital, 544 dispensaires et centres de santé
sans lits et 4 asiles (Voltaire, 1999, cité dans Bilan sur la
Sécurité alimentaire en Haïti, année).
D'après l'Enquête sur les Conditions de Vie en
Haïti réalisée par l'IHSI en 2001, les installations
sanitaires publiques (Hôpital public et Dispensaire/Centre de
santé) équivalent tout juste la moitié de l'infrastructure
disponible, tel que le montre le tableau suivant. Dans ce contexte, beaucoup de
ménages doivent se diriger vers des établissements privés,
ce qui a pour effet d'éroder davantage leurs revenus.
Tableau #... : Distribution en
pourcentage (%) de la population malade ou blessée
ayant consulté un personnel de santé selon le type de
service
Type de service de santé
Pourcentage
50
Hôpital privé
|
31,6
|
Hôpital public
|
24,1
|
Dispensaire/Centre de santé
|
26,3
|
Clinique privée/Domicile du soignant
|
12,8
|
Autre
|
5,0
|
NSP
|
0,2
|
Total
|
100,0
|
Source : IHSI/Enquête sur les conditions de vie en
Haïti (ECVH) - 2001
3.2.- Accès à
l'éducation
L'accès à l'éducation est fondamental
pour permettre à un pays de sortir de la pauvreté. Le processus
de développement exige pour tout pays la disponibilité de
ressources humaines en qualité et quantité suffisante. Haïti
non plus ne saurait échapper à la règle.
Historiquement, l'offre éducationnelle en Haïti
s'est généralement révélée insuffisante par
rapport à la demande, laquelle provient des parents, des enfants, de la
corrélation entre éducation et développement, de
l'augmentation de la population et de l'urbanisation croissante du pays. Les
conséquences de cette disproportion se répercutent sur l'image du
système éducatif haïtien qui est celle d'une structure
dégradée, inefficace, de qualité douteuse et
inadaptée aux besoins spécifiques de la société
haïtienne.
Le système éducatif haïtien a
évolué dans un contexte assez difficile durant les vingt
dernières années. Les mouvements socio-politiques survenus dans
le pays dès 1985 et qui se sont intensifiés au début des
années 90 ont eu une incidence directe sur le fonctionnement de
l'appareil éducatif.
L'augmentation continue de la population, due à un fort
taux d'accroissement naturel atteignant 2,03 % entre 1985-1990 et 2,05 % entre
1990-199550 mettait à mal les efforts entamés en
Haïti à partir de la réforme de 1979 sur les plans de la
scolarisation et de l'alphabétisation.
Selon l'article 32-3 de la Constitution Haïtienne de
1987, l'éducation de base, soit les 6 premières années
d'études, est obligatoire. Cette prescription constitutionnelle devait
servir
50 IHSI, Recueil de statistiques Sociales, Volume 1
51
de cadre à la matérialisation dans les faits
d'une volonté exprimée. Pour les besoins de ce travail, nous
croyons nécessaire d'aller au-delà du simple voeu exprimé
dans la constitution pour constater dans la réalité comment
l'accès à l'éducation a évolué dans le pays.
De plus, il ne faudra pas s'arrêter au simple stade d'études
primaires. Pour développer un pays, la disponibilité de
ressources humaines qualifiées est essentielle. Cela nous renvoie
à toucher jusqu'au plus haut échelon, c'est-à-dire,
l'enseignement supérieur.
3.2.1.- Accès à l'éducation
primaire
Selon l'Enquête sur les Conditions de Vie en Haïti
(ECVH), réalisée par l'IHSI en 2001, 37,7 % de la population
haïtienne ont atteint seulement un niveau d'étude primaire. Outre
que l'accès à l'éducation de base se révèle
faible, le pourcentage d'Haïtiens ayant un niveau d'étude
avancé est extrêmement faible aussi. Seulement 1,1 % de la
population a un niveau d'étude supérieur, alors que 19 % ont pu
faire le secondaire.
Tableau # ... : Distribution en
pourcentage (%) de la population de 6 ans et plus selon le
niveau d'étude atteint
Niveau d'étude atteint
|
Pourcentage
|
Aucun niveau
|
42,2
|
Primaire
|
37,7
|
Secondaire
|
19,0
|
Études supérieures
|
1,1
|
Total
|
100
|
Source : IHSI/Enquête sur les conditions de vie en
Haïti (ECVH) - 2001
Durant les années 80, l'accès à
l'éducation primaire a été marqué d'abord par une
évolution croissante des effectifs, puis par une relative stagnation.
Elle a connu, en effet, un taux de croissance moyen annuel de l'ordre de 7,1 %
entre 1980 et 1985, et par la suite le rythme s'est ramené à une
moyenne de 0,7 % entre 1986 et 198951. Notons qu'à partir de
1986 les troubles politiques allaient commencer à affecter
sérieusement le fonctionnement des écoles. Pour cette même
période (1986-1989), la population scolarisable a continué de
croître à un rythme de l'ordre de 2,1 % l'an. Ce qui a fait
augmenter la demande en éducation. Il en est résulté un
déséquilibre assez important entre l'offre et la
51 Fred Doura, Économie d'Haïti, dépendance,
crise et développement, Tome 1
52
demande scolaires, lequel s'est traduit par une baisse
systématique du taux brut de scolarisation (TBS)52 d'environ
11,5 % entre 1985-1986 et 1987-1988 pour se relever en 1988-1989 comme
indiqué dans le tableau #... (tableau suivant)53.
Tableau #...: Évolution du taux brut de
scolarisation dans le primaire (par groupe d'âge)
Groupe d'âge
|
Taux brut de scolarisation
|
1979-
|
1980-
|
1981-
|
1982-
|
1983-
|
1984-
|
1985-
|
1986-
|
1987-
|
1988-89
|
|
80
|
81
|
82
|
83
|
84
|
85
|
86
|
87
|
88
|
|
6-11ans
|
53,9%
|
59,6%
|
62,1%
|
65,1%
|
72,9%
|
75,1%
|
79%
|
68,3%
|
65,6%
|
77,3
|
7-12 ans
|
55,1%
|
61%
|
64,2%
|
66,4%
|
74,3%
|
76,4%
|
80,2%
|
69,5%
|
66,9%
|
79%
|
6-12 ans
|
46,7%
|
51,7%
|
54,5%
|
56,3%
|
63%
|
64,9%
|
68,2%
|
59
|
56,7%
|
66,9%
|
Source : BOURDON, J. et PERROT, J. (1990). Analyse
économique et financière du secteur de l'éducation en
République d'Haïti, Haïti/PNUD/UNESCO.
En effet, les effectifs au niveau du primaire sont
passés de 741 313 élèves en 1988/89 à 1,2 millions
en 1994/95, soit un accroissement de 56 %. Mais ces chiffres en valeur absolue
ne nous éclairent pas beaucoup, dans la mesure où les enfants en
age scolarisable ont augmenté aussi durant cette période. La
meilleure chose serait de connaître l'évolution du pourcentage
d'enfants fréquentant le cycle primaire de 1989 à 1994 sur la
population en age scolarisable. Toutefois, le graphique (# ...) montre que le
décalage est important entre la population 6-11 ans scolarisable et la
population effectivement scolarisée de 1993 à 1998.
Graphique # ....
52 Le Taux brut de scolarisation (TBS) est le nombre
d'élèves fréquentant le cycle d'études
indépendamment de l'age exprimé en % de la population ayant l'age
officiel requis pour le dit cycle. Par exemple, les élèves du
département de l'Ouest fréquentant le cycle primaire
représentent 125% de la population de 6-11 ans de ce département
devant être au primaire.
53 UNESCO, Forum Mondial sur L'éducation,
L'évaluation de l'éducation pour tous á l'an 2000, Rapport
des pays : Haïti, s.d, 17 pages
1600000
1400000
1200000
1000000
800000
600000
400000
200000
0
93-94 94-95 95-96 96-97 97-98
Evolution comparee des population
scolarisables
et scolarisees
Population Scolarisable
6 a 11 ans
Population Scolarisée 6
ans et plus
Population Scolarisée 6
a 11 ans
53
L'augmentation observée en valeur absolue au niveau de
la scolarisation primaire à partir de des années 88 et 89 est le
résultat d'une explosion de l'enseignement privé, qui a
provoqué des changements profonds dans le système
éducatif. Le secteur privé domine largement l'enseignement
fondamental, avec trois quarts des élèves, contre un quart qui
suivent des cours dans des établissements publics54. Ce cas
de figure (graphique suivant) reflète l'incapacité de
l'enseignement public à répondre à la demande en
matière d'éducation.
Graphique # ... :
54Ministère de l'Education Nationale de la
Jeunesse et des Sports, Rapport sur l'éducation en Haïti, Mai
1996,37 pages, p. 18.
Primaire en Haiti par Secteur
Secteur Public
Secteur Privé
600000 500000 400000
300000 200000 100000
0
|
|
80-81 81-82 82-83 83-84 84-85 85-86 86-87
|
Evolution du Nombre d'Eleve de
l'enseignement
Annee
54
Compte tenu du taux de croissance de la population
scolarisable du pays et le nombre d'élèves surâgés
dans le système, ces taux de scolarisation pourraient être plus
élevés. Un fort taux de ces élèves se trouve
concentré dans les deux premières années du primaire, soit
42 % de surâgés55. Le taux net de scolarisation
(TNS)56 des enfants de 6-12 ans représente pour les
années 1988/89 à 1991/92 environ 40,9 % en moyenne par
année et environ 56 % en 2000 (PNEF, 2004 et Banque Mondiale, 2001).
En Haïti, le taux net de scolarisation est de 48 à
52 %, alors que le taux brut de scolarisation est de 88 % (Banque Mondiale,
1997 ) et respectivement de 60 % et de 120 % en 2001 (IHSI/ECVH 2001).Ceci
montre le degré d'inefficacité du système scolaire
haïtien, malgré une certaine amélioration.
Pour améliorer l'accès à
l'éducation, l'un des paramètres à considérer est
évidemment la fréquentation scolaire. Dans l'éventail des
raisons qui expliquent la non-fréquentation scolaire, l'IHSI
évoque le coût trop élevé de l'éducation
comme une raison majeure. Cela nous renvoie à la
prépondérance du secteur privé au niveau de l'offre en
éducation.
55 Fred Doura, 2001, p. 168
56 Le taux net de scolarisation (TNS) est le nombre d'enfants
d'age scolaire inscrit à l'école en proportion de la population
d'age scolaire correspondante
55
Ensuite, vient l'absence de motivation. Un ensemble de raisons
non précisées expliquent à hauteur de 65,7 % la
non-fréquentation scolaire. Parmi les autres raisons
évoquées, il y a également les raisons de santé
(1,8 %) et l'échec scolaire répété (0,3 %), qui
expliquent faiblement la non-fréquentation scolaire.
Tableau #... : Distribution en pourcentage de la
population de 6 ans et plus n'ayant amais fréquenté
l'école selon la principale raison de la non fréquentation
scolaire
Principale raison de la non
fréquentation
scolaire
|
Pourcentage
|
Coût trop élevé
|
21,2
|
Absence de motivation
|
11,0
|
Raisons de santé
|
1,8
|
Échec scolaire répété
|
0,3
|
Autres
|
65,7
|
Total
|
100
|
Source : IHSI/Enquête sur les conditions de vie en
Haïti (ECVH) - 2001
D'après l'IHSI, (ECVH, 2001) il existe des
disparités significatives par région en terme d'accès
à l'éducation de base. Le département du Nord-Est se place
en première position, en ce qui concerne le taux brut de scolarisation
au cycle primaire avec 136 %. Les départements du Nord (131 %) de
l'Ouest (125 %) et du Sud (125 %) viennent immédiatement après.
Le département du Centre occupe la queue du classement, avec un taux
brut de scolarisation du cycle primaire de 95 %.
3.2.2.- Accès à l'enseignement secondaire
Dans le cadre de ce travail, nous croyons nécessaire
d'analyser aussi l'accès à l'enseignement secondaire. Car, dans
le cycle de formation d'un enfant, l'enseignement secondaire fait suite
à l'enseignement primaire et permet, par conséquent, de renforcer
le processus de la formation du capital humain. Le niveau secondaire
considéré va de la 7ème année fondamentale
(6ème secondaire) à la classe de Philosophie.
Le niveau de fréquentation du secondaire est
très faible comme l'atteste le tableau # ...(ci-après), car il
affiche un taux brut de scolarisation estimé à 41 % en 2001
contre un taux
56
net de 22 % pour la même année. Cela signifie que
le nombre d'élèves fréquentant le niveau secondaire
à l'échelle nationale, tout age confondu, ne représente
que 41 % de la population de 12-18 ans devant être au secondaire. Alors
que seulement 21 % des enfants de 12-18 ans fréquentent le
secondaire.
Selon l'ECVH-2001, seulement 19,0 % de la population
haïtienne ont pu atteindre le niveau secondaire contre 37,7 % au primaire.
Cette situation traduit à elle seule l'ampleur de la déperdition
scolaire dans le système éducatif haïtien
Tableau # ...Taux brut et Net de
scolarisation au cycle Secondaire en % par département
géographique
Département
|
Taux Brut de Scolarisation
|
Taux Net de Scolarisation
|
Echantillon
|
Ouest
|
63
|
33
|
877
|
Sud-Est
|
22
|
13
|
117
|
Nord
|
35
|
16
|
229
|
Nord-est
|
30
|
17
|
115
|
Artibonite
|
34
|
19
|
261
|
Centre
|
17
|
10
|
92
|
Sud
|
35
|
20
|
195
|
Grande-Anse
|
24
|
12
|
153
|
Nord-Ouest
|
20
|
8
|
105
|
Ensemble
|
41
|
22
|
2144
|
Source: IHSI/ECVH 2001
En dépit du faible taux de scolarisation
enregistré en 2001, une certaine amélioration est
constatée à travers le temps. En effet au cours des années
80, très peu de gens fréquentaient le secondaire, selon certaines
statistiques du Ministère de l'Education Nationale de la Jeunesse et des
Sports (Actuel Ministère de l'Éducation nationale et à la
Formation Professionnelle), l'enseignement secondaire ne comptait que 87 680
élèves dont près de 80 % dans le secteur privé. Ce
nombre augmenta considérablement à travers le
57
temps pour atteindre 155 242 vers la fin des années 80.
Là encore, pour bien saisir l'importance de cette augmentation, une
analyse de l'évolution en proportion s'avère
nécessaire.
Tableau # ... : Évolution du
nombre d'élèves de l'enseignement secondaire par secteur de 1980
à 1987
Année
|
Nombre d'élèves
|
Total
|
Public
|
Privé
|
79-80
|
87680
|
18341
|
69339
|
80-81
|
96596
|
17293
|
79339
|
81-82
|
98570
|
15868
|
82702
|
82-83
|
109537
|
19253
|
90284
|
83-84
|
117938
|
19376
|
98562
|
84-85
|
128037
|
20438
|
107599
|
85-86
|
139422
|
21968
|
117464
|
86-87
|
155242
|
27008
|
128234
|
Source : MENJS, Direction de la Planification et de la
Coopération externe, Service de Statistique et d'Informatique, Annuaire
Statistique 1986-1987, No 10, Août 1990, Port-au-Prince.
Malgré l'amélioration constatée au niveau
de l'accès à l'enseignement secondaire à travers le temps,
le taux de scolarisation n'a été que de 11,9 % en 1990 et de 15,0
% en 1997, selon les données fournies par le Ministère de
l'Education Nationale de la Jeunesse et des Sports (Tableau suivant).
Tableau # ... :Taux de Scolarisation dans l'enseignement
secondaire de 1990 à 1997
Année
|
Taux de Scolarisation
|
1990
|
11.9
|
1991
|
14.4
|
1992
|
14.0
|
1993
|
13.5
|
1994
|
13.1
|
58
Source : Estimation du rapport de Diagnostic partiel de
programmation trimestriel/MENJS
3.2.3.- Accès à l'enseignement
supérieur
Nous avons insisté dans un premier temps sur
l'accès à l'enseignement primaire, puis sur l'accès
à l'enseignement secondaire. L'accès à l'éducation
de base est fondamental pour garantir à tous les enfants des chances de
réussite dans leur vie. Cependant, une société a besoin de
gens beaucoup plus qualifiés pour contribuer efficacement à
l'appareil productif. En dehors de ressources naturelles, financières,
un pays ne peut se développer sans un stock de « capital humain
» suffisant. L'université est généralement reconnue
comme l'endroit qui principalement génère ce flux de capital
humain dont la société a besoin. C'est en fonction de cette
logique que nous nous sommes amenés à analyser l'évolution
de l'accès à l'enseignement supérieur en Haïti.
En effet, l'offre de formation supérieure en Haïti
date d'une période relativement récente, comparée à
d'autres pays telle la République dominicaine. La création de
l'Université d'État d'Haïti (UEH) remonte à la
deuxième moitié du vingtième siècle bien qu'on en
trouve les premières traces vers le milieu du XIXème
siècle.
Jusqu'à l'année 2003, l'enseignement
supérieur se composait, d'une part, du secteur public, lequel comprend
l'Université d'État d'Haïti (composée douze
facultés et écoles supérieures), les autres institutions
publiques d'enseignement supérieur (51 %), et, d'autre part, des
universités et des institutions d'éducation supérieure
privée (49 %)57 soient 10 universités et 40
écoles, centres et instituts privés. Selon Fred Doura, (Fred
Doura, 2001, Tome 1, page 185) le système d'enseignement
supérieur, (public et privé) regroupait environ 20 000
étudiants en 2000, dont 12 706 au sein de l'UEH.
En considérant les individus de 6 ans et plus à
l'échelle nationale, seulement 1,5 % ont atteint le niveau universitaire
dont 1,8 % d'hommes et 1,3 % de femmes (EBCM, 1999-
57 Haïti, Cadre de Coopération Intérimaire
(CCI), Groupe Thématique d'Éducation, Jeunesse et Sport, 17 juin
2004, p 8.
59
2000). Une analyse suivant le milieu de résidence nous
permet de constater une forte disparité régionale. La proportion
de ceux qui ont réussi au moins une année d'études
universitaires à Port-au-Prince représente plus du double de
celle enregistrée dans le reste du système urbain, telle que
présentée dans le tableau #... (ci-après). Ce cas de
figure n'est pas étonnant dans la mesure où la majorité
des centres universitaires sont établis principalement à
Port-au-Prince. L'offre de formation supérieure est loin d'être
décentralisée.
Tableau # ... : Part des individus ayant
atteint le niveau universitaire des individus de six ans et plus par sexe,
suivant le milieu de résidence (en %)
|
Aire Métropolitaine
|
Autre Urbain
|
Rural
|
|
Homme
|
Femme
|
Ensemble
|
Homme
|
Femme
|
Ensemble
|
Homme
|
Femme
|
Ensemble
|
Études Supérieures
|
5.9
|
4.0
|
4.8
|
2.4
|
0.9
|
1.6
|
0.4
|
0.3
|
0.4
|
Source : IHSI / Enquête Budget Consommation des
ménages 1999-2000
L'augmentation du nombre d'institutions supérieures
privées a facilité, durant ces dernières années,
l'accès d'un plus grand nombre de jeunes à une formation de
niveau supérieur. En effet, la population estudiantine a presque
doublé de 1986 à 1996. Malheureusement, une politique
d'accès équitable à l'université reste encore
à adopter. De plus, le pouvoir de contrôle du Rectorat de l'UEH
sur la qualité de la formation dispensée dans ces institutions
d'enseignement supérieur est questionnable. Il en est de même pour
le Ministère de l'Éducation Nationale, de la Jeunesse et des
Sports, l'institution à laquelle incombe la définition et
l'exécution d'une politique de l'enseignement supérieur dans le
pays.
L'accès à l'enseignement supérieur
demeure très faible par rapport au nombre élevé
d'élèves qui arrivent à passer leur baccalauréat.
Le nombre de facultés et d'écoles supérieures publiques
est très insuffisant par rapport à la demande. Quant aux
universités privées, l'accès à ces institutions se
révèlent souvent très coûteux. Le fait que les
parents ne sont pas toujours en mesure de continuer à payer pour leurs
enfants conduit à un fort taux d'abandon dans le système.
60
3.2.3.1.- Taux d'encadrement et Formation
L'adaptation de la formation fournie à l'UEH aux
besoins réels du pays est un sujet d'inquiétude. Certains
programmes d'études sont vieux de plus de 20 ans et n'ont pas
été renouvelés dans le sens des nouvelles connaissances
enregistrées dans les domaines de la science et de la technologie. La
qualité de la formation a du même coup considérablement
baissé. Selon le « Rapport sur l'éducation en Haïti
» publié par le Ministère de l'Éducation Nationale,
de la Jeunesse et des Sports, en Mai 1996, seulement une minorité de
bachelier parlant le français parvenait à l'université. Le
bachelier haïtien maîtrise de moins en moins cette langue qui est
encore l'unique langue d'évaluation au baccalauréat et à
l'université.
Le taux d'encadrement au sein de l'UEH, en particulier, a
considérablement diminué, entraînant davantage la
dégradation de la qualité de la formation. Dans les années
70 on pouvait compter un professeur pour chaque huit étudiants à
l'Ecole Normale Supérieure, par exemple. Jusqu'en 2003, 1e ratio a
été de 1 sur 50 dans cette même
institution58.
Avec l'accroissement du nombre d'institutions d'enseignement
supérieur durant ces dernières années, des
détenteurs d'une simple licence ont intégré le corps
professoral. Un très faible pourcentage d'enseignants à
l'université haïtienne (10 %) détient une maîtrise. Le
pourcentage de professeurs détenant un doctorat est encore plus
faible59.
3.2.3.2.- Centralisation de l'université
Les entités de l'Université d'État
d'Haïti se concentrent principalement dans la région
métropolitaine de Port-au-Prince. Dans les villes de province, on
retrouve surtout des écoles de droit. Elles sont établies
principalement à Jacmel, aux Gonaïves, à Saint- Marc, au
Cap-Haïtien, à Hinche et à Fort-Liberté. En dehors de
ces facultés de droit, l'étudiant habitant une région
autre que Port-au-Prince n'a souvent pas la possibilité de poursuivre
des études supérieures, à moins de rentrer dans la
capitale. Ceci entraîne des frais supplémentaires (transport,
séjours, etc) que les étudiants, pour la plupart, ne peuvent
assumer.
3.2.3.3.- L'université face à la demande
58 MENJS, Rapport sur l'éducation en Haïti, 1996, p.
22
59 Idem, p.23
61
L'augmentation considérable du nombre
d'établissements supérieurs privés dans le pays ces
dernières années témoigne de l'incapacité de
l'État à satisfaire la demande en enseignement supérieur.
L'UEH demeure une structure qui ne s'adapte pas aux nouveaux besoins de
développement du pays et à l'augmentation de la population. La
création de la dernière faculté en date de l'UEH remonte
aux années 80 et depuis lors la capacité d'accueil stagne
à 3000 places60.
3.2.3.4.- Alphabétisation
L'analphabétisme est considéré comme un
fléau à l'échelle mondiale. En Haïti, en particulier,
il est un vrai problème de société. Tout au long de la
décennie 1990-2000, le taux d'analphabétisme tournait autour de
44 % en Haïti61. Restant encore assez élevé, ce
taux tend toutefois à diminuer annuellement. Par ailleurs, il importe de
signaler que cette diminution concerne davantage les hommes que les femmes et
que le taux d'analphabétisme est beaucoup plus important en milieu rural
(48 %) qu'en milieu urbain (24 %).
En ce qui a trait au sexe, les hommes sont beaucoup plus
touchés que les femmes par l'analphabétisme. Au cours de
l'année 2000, 46,09 % des hommes âgés de 15 ans et plus
étaient recensés analphabètes, tandis que 40,37 % de
femmes, de la même tranche d'age, étaient touchés par
l'analphabétisme (EBCM, 2000).
Selon les donnés fournies par l'IHSI (voir tableau
suivant), la société haïtienne a été
marquée par une modification de la structure de la population
touchée par l'analphabétisme, selon le sexe. Alors qu'en 1982, on
comptait plus de femmes analphabètes dans le pays (64,43 %) que d'hommes
(61,68 %), il y a eu un renversement de tendance au fil des années. En
1995, 45,64 % d'hommes étaient considérés comme
analphabètes dans le pays, alors que le pourcentage de femmes a
été de 37,86 %.
Tableau #... : Taux
d'Alphabétisme en % (15 ans et plus) Selon le
sexe
Année
|
total
|
Masculin
|
Féminin
|
1970
|
78
|
74
|
82
|
1982
|
63
|
61.68
|
64.43
|
1992
|
45
|
51
|
39
|
60 Idem, p 24
61 MENJS, Le Développement de l'Education, Rapport
National d'Haïti, p. 25
1995
41.95
45.64
37.86
62
Source : IHSI, Bulletin de statistiques sociales
Au niveau de l'Alphabétisation, on peut constater
plusieurs intervenants dans ce domaine en particulier l'Etat, les ONG (Mission
alpha, World Vision etc) et les organismes associatifs. Cependant, l'absence de
données statistiques ne permet pas de mesurer l'envergure de leur
intervention. Toutefois, selon le Ministère de l'Education National,
près de 100 000 personnes62, à majorité
féminine, sont touchées par des programmes d'éducation
élaborés par la Secrétairerie d'État a
l'Alphabétisation à travers les 9743 centres
d'alphabétisation de base disséminés dans les 9
départements géographiques du pays.
3.2.4.- Le système éducatif haïtien
et ses problèmes
L'analyse de l'évolution de l'accès à
l'enseignement primaire, secondaire et supérieur donne une idée
de l'ampleur des problèmes auxquels est confronté le
système éducatif haïtien. À défaut de pouvoir
les énumérer de façon exhaustive, on peut mentionner,
entre autres : l'insuffisance de l'offre par rapport à la demande, la
dégradation de la qualité de la formation, le poids plus
important du secteur privé que du secteur public dans le système,
la centralisation de l'enseignement supérieur ect.
La disparité entre l'enseignement en milieu urbain et
l'enseignement en milieu rural est très forte. En effet, le milieu
rural, avec 70 % de la population en 1986, ne comptait que 46 % des
élèves du primaire, 41 % des instructeurs, et 44 % des
élèves dans le public, 39 % des instruments (Banque mondiale,
1987 : citée dans Fred Doura, Dépendance, crise et
développement, Tome 1 : p 182). Du total des dépenses publiques
réalisées par le gouvernement pour l'éducation, seulement
20 % étaient destinées aux zones rurales en 1996/97. Les
coûts directs annuels par étudiant, en milieu rural, en 1993 ont
représenté 68 gourdes (5 dollars) contre 256 gourdes (16 dollars)
en milieu urbain.
Les services de l'enseignement secondaire sont surtout
groupés dans les villes dont 65 % se trouvent dans la capitale et sont
contrôlés par le secteur privé. De 1987/88 à
1999/2000, plus de 89 % des écoles appartenaient au secteur
privé. 76 % des élèves du primaire et 82% des
élèves du secondaire étaient inscrits dans des
écoles privées (FMI, 2001 cité par Fred Doura,
Dépendance, crise et développement, Tome 1, p 182). Selon
Doura,
62 Ministère de l'éducation Nationale, de la
Jeunesse et des Sports, Le Développement de l'Education, Rapport
National d'Haïti, Août 2004, 41 pages.
63
c'est la proportion d'élèves inscrits dans les
écoles privées la plus élevée au niveau mondial. Le
nombre total moyens des écoles primaires était de 5435 pour les
années 1988 à 1992, dont 82% sont des écoles
privées ; de même de 1987/88 à 1994/95, le nombre total
moyen des écoles secondaires est de 609, dont 61 (10%) sont des
écoles publiques et 548, soit 90 % étaient des écoles
privées (PNEF 2004 ; 114 & BM, 1997 : 26). En outre, 80 % de toutes
les écoles primaires et secondaires sont soit gérées par
des ONG, dont des organisations confessionnelles, soit par des institutions
privées en quête de profit (BM, 1998).
La prolifération d'écoles privées n'est
pas le résultat délibéré d'une politique de
privatisation des écoles mais indique fondamentalement une
incapacité de l'État haïtien à penser et à
mettre en place des politiques d'éducation qui seraient au service de
toute la population. Ces écoles ne répondent
généralement à aucune norme pédagogique : 85 % de
ces écoles fonctionnent dans des locaux inadéquats et plus de 75
% sont dépourvues de toilette, d'eau courante, de cours de
récréation et de bibliothèque.
En somme, de 1980 à 2003, des efforts ont
été réalisés dans le domaine de l'éducation.
Cependant, ces efforts restent très en deçà de la
réponse nécessaire aux besoins. Les avancées
constatées sur le plan quantitatif ont amené avec elles des
faiblesses d'ordre qualitatif. En effet, la qualité de l'enseignement a
baissé, tant dans le secteur public que dans le secteur privé. Et
l'école privée, en Haïti, devient une source assurée
de revenus. On observe une prolifération des « écoles
borlettes », ou directeurs et professeurs incompétents n'exigent
rien d'autre des élèves que le paiement régulier des
mensualités. Selon une évaluation du Ministère de
l'Education Nationale, seulement 2/3 des besoins en éducation
fondamentale pour les enfants d'age scolaire sont satisfaits63. Le
déficit serait aggravé par un fort taux d'abandon tout au cours
des différents cycles et seulement 16 % des jeunes parviennent au niveau
secondaire64. Par ailleurs, le manque de ressources et
l'incapacité des structures de l'État à encadrer le
mouvement d'expansion du système éducatif ont
entraîné des contrecoups négatifs sur la qualité des
services offerts.
Le système éducatif, tel qu'il a
fonctionné ces vingt dernières années, n'a pas
donné lieu à l'accumulation du capital humain nécessaire
pour réduire le niveau de pauvreté en Haïti.
63 Secrétairerie d'Etat à la Population, politiques
Nationales de population, juillet 2000, 50 pages.
64 Idem, p. 8
64
3.3.- Accès à l'eau courante
Avec l'augmentation continue de la pression
démographique à Port-au-Prince et dans les autres zones urbaines
du pays, l'accès à l'eau courante devient de plus en plus
problématique. Sous l'effet de la dégradation de l'environnement,
nos sources sont constamment exposées à une diminution de
débit, alors que les besoins à satisfaire s'accroissent.
Contrairement à d'autres pays, Haïti n'a pas
recours au recyclage de l'eau comme méthode pour satisfaire la demande.
En fait, il faut admettre aussi que ce procédé requiert un niveau
de technologie dont Haïti ne dispose pas et nécessite
également des investissements appropriés. Le choix d'Haïti a
évidemment ses avantages et ses inconvénients. Mais il faut aller
plus loin pour mieux comprendre ce choix.
L'accès à l'eau courante est l'un des
indicateurs utilisés pour mesurer la pauvreté, à
coté de l'accès à l'éducation, à la
santé, à l'assainissement... suivant la méthode des
besoins insatisfaits. La version 2004 de la carte de pauvreté
d'Haïti, qui traite la pauvreté suivant cette approche, fait
état de la faible disponibilité en eau potable du pays, mais
également de la déficience des politiques visant à
l'amélioration de la salubrité de l'eau. En effet, ce document
fait remarquer qu'Haïti dispose d'une grande potentialité en
matière de ressources en eau avec « une quantité importante
de rivières, sources, étangs et lagons. » Cependant, il
n'existe que 88 services de distribution d'eau potable à travers tout le
territoire.
D'après la version 2004 de la carte de la
pauvreté, les eaux de surface totalisent environ 9,5 milliards de
m3. Les ressources en eaux souterraines du pays sont encore plus
importantes : elles sont estimées à 56 milliards de
m3. Les nappes souterraines continues localisées dans les
plaines littorales et alluviales représentent 47 milliards de
m3, tandis que les aquifères discontinus situés en
montagne sont de 8 milliards de m3. Toutefois, moins de 10 % du
potentiel hydrique est réellement exploité, d'après les
rédacteurs de la carte de pauvreté.
En raison des problèmes environnementaux, seulement 10
% des 40 milliards de m3 d'eau que reçoit le territoire national chaque
année, s'infiltrent dans le sol. Le reste s'évapore ou se perd
dans la mer.
65
D'une façon générale, la population
haïtienne bénéficie d'une dotation faible, en terme
d'accès à l'eau courante. Seulement 26 communes du pays ont une
accessibilité plus ou moins satisfaisante en eau
courante65.
3.3.1.- Disparités
régionales
Dans l'ensemble, les disparités régionales en
termes d'accès à l'eau courante sont très significatives.
Trois départements géographiques sont dans une situation critique
en terme d'accès à l'eau courante : l'Artibonite, le Centre et la
Grand Anse. La totalité des communes de ces départements sont
classés dans le groupe de communes ayant les plus fortes
déficiences (extrêmement faible, très faible et faible) (
Référence).
En effet, sur ses 12 communes, le Centre enregistre 3 communes
dans la catégorie faible, 6 dans le quintile très faible et 3
dans le quintile extrêmement faible. De son coté, la Grand Anse a
recensé 8 communes dans le quintile extrêmement faible, 6 dans la
catégorie très faible et 4 dans la classe faible. Le
département de l'Artibonite, pour sa part, dispose de 6 communes sur 15
dans le quintile extrêmement faible. Les 9 autres sont dans la
catégorie faible.
Après ce premier groupe, viennent les
départements du Sud'Est, du Nord et du Nord'Ouest. Ces
départements, selon la Carte de la pauvreté, ont une situation
moins précaire.
Les départements du Sud, de l'Ouest et du Nord'Est sont
les mieux classés en ce qui concerne l'accès à l'eau
courante.
Le département du Sud dispose de 5 communes sur 18 dans
le quintile très faible, 3 dans le quintile moyennement faible et les 10
dernières dans la classe moins faible. Le département de l'Ouest
ne dispose pas de communes en situation de forte carence. Seulement 2 communes
y sont dans le quintile très faible et une dans le quintile faible. Le
Nord'Est dispose, pour sa part, de 2 communes sur 13 dans la classe
extrêmement faible. Les 11 autres communes, soit environ 85 %, se situent
dans le quintile modérément faible.
Au niveau de l'aire métropolitaine de Port-au-Prince,
seulement 33,4 % de la population, ont accès à un fournisseur
d'eau courante, selon l'IHSI. Le reste des habitants de la capitale
s'approvisionne en eau à partir d'autres moyens : camions-citernes,
marchands ambulants, réservoirs publics ect. En milieu rural et dans les
autres zones urbaines, la
65 MPCE, Carte de la pauvreté, Version 2004, quelle page
?
66
situation n'est pas plus réjouissante, selon les
données fournies par l'IHSI. L'Institut révèle que
seulement 16 % de la population rurale ont accès à un fournisseur
d'eau courante, contre 24,7 % pour les autres zones urbaines. Pour l'ensemble
du pays, le niveau d'accès est de 21,5 %.
3.3.2.- Accès à l'eau potable
L'accès à l'eau potable est défini par
l'OPS/OMS comme étant de 25 litres par jour par personne d'eau de bonne
qualité et par une distance de la source à la maison
inférieure à 60 mètres pour un chemin ascendant ou 100
mètres pour un chemin horizontal.
Il est difficile d'accéder à des informations
fiables sur le secteur d'eau potable en Haïti. La plupart du temps, les
informations existantes ne sont pas à jour. La CAMEP, principale
institution au niveau des services de distribution d'eau potable, est
sérieusement affectée par ce problème de manque de
données. Pour cela, nous avons dû nous référer aux
données publiées par l'OPS/OMS qui les a collectées
auprès de tout un ensemble d'institutions, ONG ou organismes oeuvrant
dans le secteur dont : FAES, CAMEP, SNEP, POCHEP, SMCRS, MTPTC, ASSODLO, GITH
(Groupe Technologie intermédiaire d'Haïti), CARE, PEJEFE (Programme
d'encadrement des jeunes femmes et des enfants), PCH (Productive
Coopérative Haïti), FEDERATION LUTHERIENNE MONDIALE, CRS, HELVETAS,
PAROLE ET ACTION, ACTION CONTRE LA FAIM, SOE, CLEAN WATER FOR HAITI, HAS, CECI
(Centre canadien d'études et de coopération internationale). De
plus, nous nous sommes référés aux informations fournies
par l'IHSI ainsi que le RNPD sur le secteur.
Concernant le mode d'approvisionnement en eau de boisson des
ménages haïtiens, seulement 10 % des ménages de l'Aire
Métropolitaine achète de l'eau traitée. Le mode
d'approvisionnement d'une bonne partie du reste se fait comme suit :
rivière et source (36,9 %), achat par boquite (19,5 %), robinet (15,6
%), fontaine publique (12 %). L'achat de seaux d'eau est
particulièrement courant dans l'Aire Métropolitaine de
Port-au-Prince où 60 % de la population l'utilise comme mode
d'approvisionnement.66. Les données sur l'accès
à l'eau traitée correspondent à l'an 2001. En effet,
durant les années qui ont suivi, il y a eu une
66 IHSI, Enquête sur les Conditions de Vie en Haïti
-ECVH, 2001
67
augmentation importante des points de vente d'eau
traitée au détail et de l'offre de bouteilles de 5 gallons dans
beaucoup d'endroits.
D'après Lilian Saade (2005), Haïti est le pays
avec le taux de couverture en eau potable le plus faible de la région
d'Amérique Latine et les Caraïbes (avec 52%). En d'autres termes,
plus de 4 millions d'Haïtiens n'ont pas d'accès aux services
d'eau.
Les besoins en eau potable en milieu urbain
s'élèvent à 261 700 m3/jour, alors que seulement 145 700
m3/jour sont distribués à partir de 47 sources et 48 forages. Le
déficit est de 115 100 m3/jour en milieu urbain67.
Tableau # ... Volume d'eau potable fourni aux populations
urbaines en 2003
Villes
|
Situation en 2003
|
|
Population (Millions d'habitants)
|
Besoins (m3/j)
|
Infrastructures
|
Volume distribué
|
Déficit
|
Sources
|
Forages
|
Nombre
|
Débit (m3/j)
|
Nombre
|
Débit (m3/j)
|
(m3/j)
|
(m3/j)
|
Aire
métropolitaine
|
1249,9
|
124,9
|
17
|
84,5
|
35
|
53,77
|
96,8
|
28,1
|
Villes
secondaires
|
1955,2
|
136,8
|
30
|
23,4
|
13
|
25,46
|
48,9
|
87
|
Total
|
3204,1
|
261,7
|
47
|
107,9
|
48
|
79,23
|
145,7
|
115,1
|
Source : OPS/OMS
Évolution de la couverture des besoins
(1993-2003), (Graphique à insérer)
La Figure ... montre l'évolution du taux de couverture des
besoins en eau potable en milieu urbain de 1993 à 2003.
67 Lilian Saade, Agir ensemble pour une gestion plus efficace des
services de l'eau potable et l'assainissement en Haïti, CEPALC, Septembre
2005, Mexique, p.
68
La figure... montre l'évolution du taux de couverture
des besoins en eau potable en milieu rural. (p. 8)
Tableau #... : Synthèse de la
couverture des besoins au 31 décembre 2003
Sous- Secteurs
|
Taux de couverture en %
|
|
Zone
Métropolitaine
|
Villes Secondaires
|
Milieu urbain
|
Milieu rural
|
Tout le pays
|
Alimentation en eau potable
|
58,3
|
50,1
|
53,3
|
51,6
|
52,3
|
Source : OPS/OMS
Évolution de la Couverture en eau potable de 1980
à 2003 (Graphique à insérer)
L'analyse de la couverture en eau potable en Haïti, de
1980 à 2003, révèle une amélioration globale de la
couverture pour le pays qui est passé de moins de 20 % en 1980 à
52,3 % en 2003. Cette amélioration au niveau global est due d'abord
à l'amélioration enregistrée dans le milieu rural
où le taux de couverture est passé de moins de 10 % en 1980
à 51,6 % en 2003. Au niveau des villes secondaires, il n'y a pas eu de
grand changement, le niveau de couverture ayant passé de 48 % environ
à 50,1 %. Dans la zone métropolitaine, le taux de couverture est
passé d'environ 48 % en 1980 à 58,3 % en 2003.
Il convient de noter que ces chiffres renvoient à
l'accès aux services: ils ne reflètent pas nécessairement
la qualité et la fiabilité de ces derniers, deux facteurs
essentiels en matière de santé publique.
En effet, le diagnostic de la situation, en terme
d'accès à l'eau courante en Haïti, démontre qu'il n'y
a pas de pénurie d'eau douce dans le pays, mais plutôt une
répartition inégale et une mauvaise gestion de ces ressources.
D'après les projections du PNUD (Lilian Saade, 2005), si les tendances
observées ces dernières années se poursuivent, il sera
probable pour Haïti «toutes choses égales par ailleurs »
d'atteindre l'objectif de réduire de moitié le pourcentage de
personnes n'ayant pas accès à l'eau potable en 2015.
Néanmoins, même si les projets envisagés se
réalisent, environ un tiers de la population serait encore privé
de ce service en 2015. Ce qui montre l'ampleur des besoins à
satisfaire.
69
En résumé, un logement sur cinq a accès
à un fournisseur d'eau courante, mais il y a des différenciations
importantes selon le milieu de résidence, le type de logement et le
niveau de revenu. Un tiers des logements de la zone métropolitaine de
Port-au-Prince a accès à un fournisseur d'eau courante
(IHSI/Enquête sur les Conditions de Vie en Haïti -ECVH, 2001).
Seulement 2 % de la population dispose de robinet dans le
logement, ce qui est exceptionnellement faible par rapport à d'autres
pays de la région (Lilian Saade, 2005). Une pratique très commune
en Haïti est la revente de l'eau dans le voisinage. Il s'agit de
ménages qui, disposant d'un raccordement à un réseau
quelconque de distribution d'eau ou d'approvisionnement auprès de
camions-citernes, revendent une partie de l'eau reçue aux voisins,
à l'aide de tuyaux. Cette revente de voisinage compte pour environ 10 %
de la dépense en eau des ménages de l'Aire Métropolitaine
(IHSI, 2001).
En Haïti, il y a encore des endroits où les gens
ne consomment même pas les 20 litres que l'OMS considère comme
minimum. D'autre part, dans plusieurs cas encore, les individus sont
obligés de se déplacer sur de longues distances pour obtenir de
l'eau.
Malgré un certain effort pour donner accès
à une plus grande partie de la population à des services de
distribution, en raison de la croissance démographique, le nombre total
d'habitants non desservis n'améliore pas beaucoup.
Les ménages non desservis par les réseaux
doivent recourir à des moyens parallèles pour obtenir ces
services qui, bien des fois, n'assurent pas un degré suffisant
d'hygiène. En ce qui concerne l'approvisionnement en eau, plusieurs
possibilités se présentent: prélèvements directs
dans les eaux de surface, approvisionnement auprès de vendeurs (souvent
dans le voisinage), eau mise en bouteille et raccordements illégaux. En
effet, un phénomène qui s'est produit dans les dernières
années est la multiplication de compagnies qui produisent de l'eau en
bouteille. Certaines maisons possèdent un château d'eau, en
particulier à Port-au-Prince. Ces réservoirs sont en
général d'une capacité assez limitée. Souvent, les
ménages concernés doivent aussi faire appel aux vendeurs d'eau
pour satisfaire leurs besoins. Certains ménages des zones
résidentielles de Port-au-Prince (une minorité)
récupèrent aussi de l'eau de pluie.
La plus grande partie de la population en zone
métropolitaine reçoit de l'eau d'une manière discontinue.
Dans certaines zones, les habitants reçoivent de l'eau quotidiennement,
mais dans la plupart des cas ils en reçoivent seulement deux fois par
semaine et pendant quelques heures par jour. Selon Lilian Saade (2005), le
manque de service est attribué
70
principalement: 1) aux pertes physiques (estimées
à 60 %) associées à l'âge du système de
distribution et au piquage d'eau, 2) aux interruptions de l'énergie,
surtout dans le cas des puits et des pompes et 3) la pollution des sources
d'eau (Saade, citant la US Army Corps of Engineers, 1999). En plus des lacunes
de la desserte, le système est confronté à d'autres
déficiences, souvent dues au manque d'entretien des infrastructures.
Ainsi, la dégradation des réseaux provoque des pertes physiques
importantes.
3.3.3.- Qualité de l'eau et qualité du
service
À l'échelle nationale, il n'existe pas de normes
et de standards pour la qualité de l'eau fournie, ce qui conduit souvent
à adopter celles de l'OMS. Parmi les trois organismes (CAMEP, SNEP et
POCHEP) distribuant de l'eau pour la consommation humaine, seule la CAMEP
dispose d'un laboratoire de contrôle de la qualité de l'eau
potable (Lilian Saade, 2005). Ce laboratoire est équipé pour
faire des analyses bactériologiques et physico-chimiques de l'eau
potable et il effectue en moyenne 22 analyses par jour. Le seul traitement en
vigueur est la désinfection, à l'aide de l'hypochlorite de
calcium, qui a l'inconvénient d'aggraver l'alcalinité
déjà excessive de l'eau des sources captées du bassin
versant du Morne de l'Hôpital (Saade, citant OPS/OMS,
2001a).
Quant à la qualité de l'eau urbaine,
d'après les études de l'OMS/OPS, on peut constater que pour les
réseaux de source, des paramètres tels que les bactéries
totales et les coliformes totaux sont apparus comme inacceptables et pour
d'autres paramètres il n'y a même pas d'informations. Par contre,
il est considéré que la qualité de l'eau en zone rurale au
niveau des sources est acceptable, en tenant compte des coliformes totaux, mais
qu'elle ne l'est pas dans le cas des fontaines (Texeira cité par Saade,
2005).
3.3.4.- Considérations générales sur
le secteur de l'eau
Le secteur de l'eau en Haïti est confronté
à des écueils importants en milieu rural et urbain. Il y a des
problèmes liés à la quantité et à la
qualité de ce service. En milieu urbain, encore 1,5 millions d'habitants
n'ont pas d'accès aux services d'approvisionnement en eau, et en milieu
rural, ce chiffre est de près de 2,3 millions.
La croissance démographique et l'exode rural ont eu un
impact important sur l'accès à l'eau en milieu urbain, en
entraînant une bidonvilisation galopante. Pour favoriser une bonne
gestion de l'eau dans les quartiers précaires de Port-au-Prince, on y
installe parfois des
71
comités d'eau. Mais seuls 48 d'entre eux sur environ
200 avaient en 2005 des comités d'eau (Saade, 2005).
Dans l'ensemble, le manque de coordination des
différents intervenants dans le secteur de l'eau potable et le manque de
données à jour sur le secteur ne facilitent pas des solutions aux
problèmes de ce secteur. Malgré les efforts
réalisés et les améliorations observées de 1980
à 2003, il reste encore beaucoup à faire dans ce domaine.
Tableau #... : Proportion de logements ayant
accès à un fournisseur d'eau courante ar milieu de
résidence en 2001
Accès à un fournisseur d'eau courante
|
Milieu de résidence
|
Ensemble
|
Aire
métropolitaine
|
Autre urbain
|
Rural
|
Proportion de logements
|
33,4
|
24,7
|
16
|
21,5
|
Source : IHSI/Enquête sur les conditions de vie en
Haïti (ECVH) - 2001
3.4.- Accès aux logements
L'accès au logement est fondamental pour assurer le
bien-être d'un individu. Il fait partie d'un ensemble de besoins de base
dont le niveau de satisfaction permet de mieux appréhender le
phénomène de la pauvreté.
Un peu partout à travers Haïti, l'accès aux
logements se révèle très difficile. En dehors de plans
d'urbanisme et de programmes de logements sociaux, une situation d'anarchie
prend corps dans le domaine de la construction. En raison du manque de revenus,
les habitats précaires pullulent dans les bidonvilles. Dans les mornes
entourant la capitale, les maisons remplacent les arbres sans aucun
contrôle des autorités publiques. Donc, principalement à
Port-au-Prince, la question du logement est un épineux
problème.
La crise économique sévissant dans le pays,
depuis près de deux décennies, a un impact considérable
sur le rythme d'urbanisation et sur le mode d'occupation de l'espace dans les
grands centres urbains. Elle a facilité l'émergence de nombreux
quartiers précaires et une augmentation de la population sous l'effet de
l'exode rural vers la capitale et les autres centres urbains. Cette
urbanisation sauvage engendre une forte pression sur les faibles
72
infrastructures collectives d'assainissement,
d'approvisionnement en eau potable et de logement de la région
métropolitaine de Port-au-Prince et des villes secondaires (Emmanuel,
1997; et OPS/OMS, 1998).
Selon l'OPS/OMS, citée dans « Analyse de la
Situation de l'habitat en Haïti, 1998 », la forte migration
observée des zones rurales vers les villes, au cours de cette
dernière décennie, a eu des conséquences néfastes
sur l'accès au logement. En particulier, dans la zone
métropolitaine, l'explosion démographique dans un espace
limité a entraîné une dégradation importante des
conditions de logement. La densité d'occupation des logements a
sensiblement augmenté. S'il est généralement admis une
moyenne de cinq personnes par ménage68, ce chiffre est
nettement dépassé dans la zone métropolitaine de
Port-au-Prince où l'exiguïté du logement,
particulièrement, dans les bidonvilles, est notoire.
L'anarchie dans la construction des maisons, en rapport avec
l'explosion démographique, explique que bon nombre d'habitations sont
érigées sur des bassins versants, dans le lit des rivières
ou dans des zones protégées des sources. Les résidents
sont exposés à de graves dangers en cas de pluies ou
d'inondations. Le non-respect des normes de construction fait que bien souvent
ces maisons constituent de véritables dangers (risque de glissement de
terrain et d'écroulement des maisons) pour leurs occupants, non
seulement à cause de leur localisation (à proximité des
routes, dans les ravines ...), mais aussi à cause du type de
matériaux utilisés (OPS/OMS, 1998).
3.4.1.- Les différents types d'habitats en
Haïti
Dans le cadre de ce travail, nous considérons deux
types d'habitats : l'habitat rural et l'habitat urbain. Nous allons les voir
chacun, de manière séparée, pour mieux déterminer
leurs caractéristiques.
3.4.1.1.- L'habitat rural
L'habitat rural peut être soit regroupé, soit
isolé. Dans le premier cas, ce sont des petits villages,
communément appelés bourgs. Dans ces petites
agglomérations, les ressources financières des habitants sont
souvent très faibles et découlent principalement
68 Université Quisqueya, Centre d'habitats salubres de la
République d'Haïti, Analyse de la situation de l'habitat en
Haïti, page 10
73
d'activités rudimentaires dont l'agriculture et
l'élevage, pratiquées au gré des caprices de la nature.
Dans le deuxième cas, il s'agit d'unités isolées
d'habitations éparpillées dans la campagne
3.4.1.2.- L'habitat urbain
L'habitat urbain, pour sa part, comprend trois
catégories qui sont :
- Logement familial isolé situé au centre-ville
ou en banlieue ;
- Logements regroupés en appartement, de plus en plus
répandus dans les centres-villes ;
- Taudis des bidonvilles.
L'une des formes d'expression de la crise du logement en
milieu urbain est le phénomène de la bidonvilisation. Celle-ci
est une réponse spontanée des couches les plus
défavorisées à la demande insatisfaite de logement due
à la pression démographique. Selon Rousseau (1998), la lutte
contre la bidonvilisation de Port-au-Prince a été initiée
par le gouvernement de Sténio Vincent à la Saline et poursuivie
par Elie Lescot. Cette lutte a abouti à la disparition de tout un
quartier dénommé Nan-Pisquettes69. Cependant, aucune
politique de construction de nouvelles unités d'habitation, pour reloger
les populations déplacées, ne fut mise en oeuvre. Aussi, les
personnes concernées occupèrent les premiers espaces libres
qu'elles trouvèrent à leur portée, créant ainsi de
nouveaux quartiers précaires.
L'occupation anarchique des espaces libres à
l'intérieur des villes ou en périphérie ou en marge de
quartiers résidentiels a pris des proportions
accélérées depuis 1986. À Port-au-Prince, des
constructions marginales sont érigées sur le littoral, les
exutoires de ravin, terrains interstitiels des zones industrielles, partie
centrale des îlots du centre ville, proximité des marchés
publics. Ces développements atteignent une densité moyenne de 800
à 1799 personnes à l'hectare70. En 1997, ces
développements spontanés représentent déjà
22,15 % de la surface urbanisée de Port-au-Prince.
Dans les bidonvilles, les conditions socio-économiques
des résidents, leur mode de vie et le type d'aménagement de
l'espace occupé occasionnent des impacts négatifs sur
l'environnement. Les services municipaux ne sont pas disponibles, souvent par
difficulté d'accès aux aires de résidence. Les besoins
physiologiques se font dans les latrines ou encore
69 Idem, p. 16
70 Idem, p. 20
74
en plein air dans les espaces non affectés, sur les
berges et lits des ravines (Lhérisson, 1999). L'évacuation des
eaux usées ne se fait pas systématiquement vers les
égouts. Le système de drainage est très limité et
est souvent remplacé dans les nouveaux lotissements par les fosses
septiques et fosses à fond perdu. Ceci, à la longue, pollue les
nappes d'eau souterraines au détriment de la santé de la
population en général. Dans les bidonvilles, l'insalubrité
est plus apparente que dans n'importe quel autre milieu résidentiel.
À partir des informations recueillies à l'EPPLS, nous pouvons
affirmer que les éléments suivants caractérisent l'habitat
en milieu urbain:
· mauvais état des logements résultant
d'un manque d'entretien, de l'utilisation de matériaux de fortune ou de
l'exiguïté des espaces et de leur distribution ;
· l'utilisation excessive des terrains et la diminution
de l'espace vital par une densité élevée ;
· l'insuffisance ou l'absence d'infrastructures et de
services de base ;
· Le taux élevé du chômage chez les
occupants ;
· La prolifération du commerce informel;
3.4.2.- Accès aux logements et revenus
Selon le document « Analyse de la situation de l'habitat en
Haïti » (Université QUISQUEYA, 1990), la clientèle du
logement en Haïti est répartie suivant quatre catégories
socioéconomiques, à savoir:
· Une clientèle misérable
représentant 22,5 % de la population. Leur revenu est
inférieur à 750 gourdes l'an.
· Une clientèle pauvre
ayant une fréquence de 46 %. Leur revenu est compris entre
750 gourdes et 6000 gourdes l'an.
· Une clientèle aux revenus moyens
(21,5 %). Leur revenu varie d'une fourchette de 6000 gourdes l'an
à 100 000 gourdes.
· Une clientèle aisée,
d'une fréquence de 0,5 %. Leur revenu annuel est
supérieur à 100 000 gourdes l'an.
La corrélation entre les revenus des ménages, le
nombre d'unités de logements et des surfaces occupées est
présentée, pour l'aire métropolitaine de Port-au-Prince,
dans le tableau suivant.
75
Tableau #.... : Logements dans l'aire
métropolitaine de Port-au-Prince
catégories
socio- énomiques Dépenses/Revenus (Gdes)
|
Unités de Logement
|
Surface m2
|
Total bâti m2
|
Nombre
|
%
|
Plus de 10,000
|
2,767
|
1.00
|
207.70
|
574,752
|
6,000 à 9,999
|
7,849
|
2.85
|
65.00
|
510,185
|
2,000 à 5,999
|
123,010
|
44.65
|
40.00
|
4,920,400
|
1,000 à 1,999
|
115,051
|
41.75
|
12.00
|
1,380,612
|
Moins de 1,000
|
26,779
|
9.75
|
9.50
|
254,401
|
|
275,456
|
100.00
|
|
7,640,350
|
Source: Logement et Bidonvilles, G. Lhérisson, Les
problèmes environnementaux de la région métropolitaine de
Port-au-Prince, 1999
Le type de logement varie suivant les régions du pays.
Cependant les grandes différences sont surtout constatées entre
le rural et l'urbain comme l'atteste le tableau ci-après.
3.4.3.- Typologie des logements
Selon l'IHSI (Enquête Budget -Consommation des
ménages 1999-2000), à l'échelle nationale, les maisons
ordinaires71 à un niveau dominent largement (69,8 %). Cela
étant, le fait que les « taudis et ajoupas »72
comptent pour près d'un quart des logements (24,3 %) laisse entendre
qu'une part non négligeable de la population vit dans des conditions
d'habitation précaires.
Tableau # .... : Répartition des
logements en Haïti - 1986-1987*
Types
|
Milieux
|
Nombre d'Unités
|
71 La catégorie « maison ordinaire » regroupe
les constructions dont les murs extérieurs sont en maçonnerie,
briques, roches, planches ou mixtes.
72 La catégorie « taudis et ajoupas »
regroupe les constructions édifiées à partir de
matériaux de récupération typiques dans les bidonvilles se
trouvant à l'entrée ou la périphérie des villes. La
toiture est en taches de palmier, en tôle ondulée, en carton ou en
plastique. Les murs peuvent être en clissage et bousillage, en tôle
de récupération, en déchets de blocs ou en bois de
récupération. À l'intérieur du taudis, les
séparations sont faites en morceaux de tissus ou rideau ou en carton. Le
sol est presque toujours en terre battue.
76
Maisons en terre
|
Rural
|
4,039
|
Taudis
|
Urbain
|
30,695
|
Ajoupas recouverts de chaume
|
Rural/semi-urbain
|
395,923
|
Ajoupas recouverts de tôles
|
Rural/semi-urbain
|
460,772
|
Maison en dur recouvert de
tôles
|
Urbain semi-rural
|
202,215
|
Maison avec toitures en béton
|
Urbain semi-rural
|
63,315
|
Maison ancienne (Gingerbread)
|
Urbain
|
5,123
|
Duplex et Triplex
|
Urbain
|
1,598
|
Autres
|
|
456
|
Total
|
|
1,164,136
|
Source: Secteur développement urbain et logement,
EPPLS, 1996 *Les «sans-abris» sont estimés à
200 000 pour cette période
En fait, les taudis et ajoupas, selon l'EBCM de 1999-2000,
sont principalement présents en milieu rural où ils
représentent 33,4 % des logements, et dans une moindre mesure en milieu
urbain (Aire Métropolitaine de Port-au-Prince non comprise). S'agissant
de l'aire métropolitaine, le poids de ce type de logements que l'on
retrouve dans les zones suburbaines et les bidonvilles est plutôt
marginal (2,7 %)
Tableau #.... : Répartition des logements selon
le milieu de résidence, selon le type de logement (%)
Types de logements
|
Aire
Métropolitaine
|
Autre Urbain
|
Rural
|
Total
|
Kay atè
|
0.0
|
0.0
|
0.3
|
0.3
|
Taudis/ajoupas
|
0.6
|
1.4
|
22.4
|
24.4
|
Maison ordinaire à un niveau
|
16.1
|
11.7
|
42.1
|
69.9
|
Maison
|
3.1
|
0.9
|
0.1
|
4.1
|
77
ordinaire à deux niveaux
|
|
|
|
|
Appartement
|
0.8
|
0.1
|
0.1
|
1.0
|
Villa
|
0.1
|
0.0
|
0.0
|
0.1
|
Maison de type colonial
|
0.1
|
0.1
|
0.0
|
0.2
|
Autre type
|
0.0
|
0.0
|
0.0
|
0.0
|
Total
|
20.8
|
14.2
|
65.0
|
100.0
|
Source : IHSI/ Enquête Budget Consommation des
ménages 1999-2000
En 2003, la catégorie « Maison basse73
» représente plus de 72 % des maisons contre 20,33 % pour la
catégorie « Taudis et ajoupas ». Force est alors de constater
que les maisons très modestes représentent plus de 90 % du
total.
En analysant le Recensement Général de la
Population et de l'Habitat de 2003, la part des taudis et ajoupas dans le total
des logements recensés a légèrement diminué passant
de 24,4 % à l'échelle nationale en 1999-2000 à 20,33 % en
2003. Bien que l'analyse se soit portée sur des bases de données
différentes, elle permet toutefois d'avoir une idée de
l'évolution de la situation de l'habitat durant ces dernières
années.
Tableau # ..... : Répartition des
bâtiments par type selon le milieu de résidence
(ensemble du pays).
Type de Bâtiment
|
Nombre de bâtiments
|
Total
|
Milieu de résidence
|
Urbain
|
Rural
|
Total
|
2,016,247
|
719,386
|
1,296,861
|
Kay atè
|
27,452
|
3,358
|
24,094
|
Taudis
|
55,575
|
23,135
|
32,440
|
Ajoupas
|
354,366
|
26,444
|
327,922
|
Maison basse
|
1,461,392
|
563,519
|
897,873
|
Maison à étage
|
97,050
|
89,426
|
7,624
|
Maison à appartement
|
11,826
|
9,234
|
2,592
|
Maison type colonial
|
1,629
|
1,116
|
513
|
Villa
|
907
|
614
|
293
|
Autre
|
6,050
|
2,540
|
3,510
|
Source : IHSI/Recensement Général de la Population
et de l'Habitat (RGPH-2003)
73 Definitionn dans recencement general de la
population et de l'habitat, 2003
78
La distribution des logements suivant le nombre total de
pièces (ensemble des chambres à coucher, des salons et des salles
à manger) se caractérise par la prédominance des logements
de deux pièces au moins (41 %). Plus précisément, les
logements de deux pièces constituent la classe modale de la
distribution. Alors que les logements de cinq pièces et plus ne sont pas
très répandus (6,9 %).
Tableau # .... : Répartition
des maisons suivant le milieu de résidence selon le nombre de
pièces (%)
Nombre de pièces
|
Aire
Métropolitaine
|
Autre Urbain
|
Rural
|
Total
|
1 pièce
|
6.1
|
2.7
|
8.9
|
17.7
|
2 pièces
|
6.8
|
4.5
|
30.2
|
41.5
|
3 pièces
|
3.2
|
3.4
|
15.3
|
21.9
|
4 pièces
|
2.0
|
2.4
|
7.6
|
12.0
|
5 pièces
|
2.7
|
1.2
|
3.0
|
6.9
|
Total
|
20.8
|
14.2
|
65.0
|
100.0
|
Source : IHSI/ Enquête Budget Consommation des
ménages 1999-2000
À l'échelle nationale, la quasi-totalité
des taudis et ajoupas a des murs en terres. On observe cependant que les
profils des taudis et ajoupas diffèrent considérablement d'un
milieu de résidence à l'autre. Ceux de l'aire
Métropolitaine se caractérisent par une forte présence de
murs en tôles (52,12 %), les autres ayant soit des murs en terre (26,31
%), soit des murs en bois (16,9 %). Par contre, dans les autres villes comme en
milieu rural, la tôle est quasiment absente des matériaux
constituant les murs des taudis et ajoupas (respectivement 0,5 % et 0,05 %). En
milieu rural, 64,5 % des taudis et ajoupas ont des murs en terres, les murs en
bois comptant pour moins d'un logement rural sur cinq (17,4%).
Tableau # : Répartition des « taudis
et ajoupas » selon le milieu de résidence
suivant le type de matériaux des murs
(%)
79
Types de Matériaux
|
Aire
Métropolitaine
|
Autre Urbain
|
Rural
|
Total
|
Pierres, blocs
|
0.0
|
0.1
|
0.3
|
0.4
|
Terre
|
0.6
|
1.5
|
59.3
|
61.4
|
Bois
|
0.4
|
2.4
|
16.0
|
18.8
|
Tole
|
1.2
|
0.0
|
0.1
|
1.3
|
Chaume
|
0.0
|
0.1
|
0.1
|
0.2
|
Carton, Plastique
|
0.1
|
0.0
|
0.1
|
0.2
|
Autre
|
0.0
|
1.6
|
16.1
|
17.7
|
Total
|
2.3
|
5.7
|
92.0
|
100
|
Source : IHSI/ Enquête Budget Consommation des
ménages 1999-2000
En ce qui a trait au toit des maisons de type ordinaire
à un niveau, la prédominance va du coté des toits en
taules tant à l'échelle nationale qu'au niveau de chacun des
milieux de résidences (68,4 %). Par contre, seulement 27,5 % des taudis
et ajoupas ont des toits en tôles et ces derniers, dans leur grande
majorité, ont des toits en chaume (66,7 %). L'aire Métropolitaine
de Port-au-Prince se distingue des autres milieux de résidence par la
forte présence de toits en béton (41 %).
Selon le matériau principal du sol, les deux principaux
types de sols sont ceux dont le revêtement est en béton (54,2 %)
et ceux en terre battue (42,3 %) (EBCM 1999-2000).
3.4.4.- Population et habitat
En 1986-1987, Haïti totalisait 5,6 millions d'habitants,
et le nombre de logements ou de ménages était
évalué à 1,2 million d'unités74. Le taux
d'occupation calculé à partir de ces statistiques correspond
à 4,7 habitants/logement. En 1995, la population était
estimée à 7,18 millions d'habitants avec une densité
moyenne de 259 habitants/km2. Soixante treize pour cent (73 %) de
cette population vivait en milieu rural et 22 % en milieu urbain. Pour cette
même année, le déficit du logement est passé
à près de 340 425 unités75.
Le nombre d'unités d'habitation est insuffisant pour
répondre à la demande en logement. Du stock existant, un nombre
élevé de ces logements est en-dessous des standards
74 Idem, p. 21
75 Ibidem
80
de confort et de salubrité. Plus 60 % des logements
sont estimés inadéquats, déficients ou en dessous des
standards minima suivant les analyses de la Institute for Housing and
Development, d'après une étude publiée par
l'Université Quisqueya76.
L'analyse de la situation de l'habitat en Haïti à
travers les deux dernières décennies passées nous permet
de constater la situation alarmante qui prévaut non seulement en ce que
a trait aux types de maisons (ajoupas, taudis et maisons basses, etc) mais
également en ce qui a trait aux types de matériaux
utilisés pour leur construction. Jusqu'en 2003, plus de 40 % des maisons
ont été construites avec des matériaux de
récupération (Bois, tôle carton, clisse etc) (IHSI, RGPH
2003).
Il est difficile de parler d'amélioration dans le
secteur du logement durant ces vingt dernières années. Le constat
fait plus haut porte plutôt à parler de la persistance des
problèmes épineux auxquels est confronté le secteur du
logement. Si en milieu rural, il faut reconnaître qu'il y a des efforts
individuels pour avoir accès à un logement décent, on
constate aussi une extension des habitats précaires dans les
bidonvilles.
3.5.- Alimentation
Le besoin de se nourrir se classe parmi les besoins
fondamentaux indispensables à l'existence de l'être humain. Ainsi,
l'accès à une alimentation en quantité et en
qualité suffisantes est fondamental pour l'homme.
Les spécialistes qui ont abordé la question de
l'alimentation ont introduit des concepts permettant de mieux saisir la
dimension de la problématique et facilitant une meilleure
compréhension de ses interpénétrations. En particulier,
ils mettent l'accent sur deux concepts qui permettent de dégager une
compréhension globale de la problématique de l'alimentation,
à savoir : la sécurité alimentaire et l'autosuffisance
alimentaire.
La sécurité alimentaire est définie comme
« accès physique et économique de tous, à tout
moment, à une nourriture suffisante, salubre et nutritive, leur
permettant de satisfaire leurs besoins nutritionnels et leurs
préférences alimentaires pour mener une vie saine et active
» (Référence). La sécurité alimentaire, ainsi
définie, comporte trois dimensions principales: la disponibilité
des aliments, l'accès aux aliments et l'utilisation des aliments.
76 Ibidem
81
L'autosuffisance alimentaire, pour sa part, se définit,
comme l'aptitude d'une population à satisfaire ses besoins alimentaires
par sa propre production. La globalisation croissante des économies
à l'échelle mondiale réduit un peu la
nécessité pour un pays de produire tout ce qu'il consomme. En
raison de certains calculs économiques, en termes d'avantage comparatif
notamment, les échanges commerciaux permettent aux pays de trouver sans
difficultés un ensemble de biens qu'ils ne produisent pas. Ainsi, dans
le cadre de ce travail, nous allons mettre l'accent surtout sur les
problèmes d'insécurité alimentaire et d'insuffisance
alimentaire en Haïti.
Haïti est un pays fortement affecté par
l'insécurité et l'insuffisance alimentaires. Le cas haïtien
se caractérise par une disponibilité alimentaire insuffisante, un
niveau d'accès inadéquat, et un environnement sanitaire qui ne
favorise pas une utilisation biologique optimale des aliments.
Selon un rapport publié par la Plate-forme Nationale de
la Sécurité Alimentaire (PNFSA) en 2005, il existe un
déficit de 15,4 % au niveau de l'offre alimentaire en Haïti. Ce
rapport fait état de trois composantes à propos de l'offre
alimentaire : la production locale, les importations et l'aide alimentaire. En
raison du déclin de l'agriculture haïtienne, l'offre locale affiche
une tendance à la baisse. La production nationale a
représenté en moyenne 49,24 % de l'offre alimentaire, contre
28,58 % pour les importations et 6,78 % pour l'aide alimentaire, entre 1999 et
2003, soit une couverture des besoins alimentaires nationaux à hauteur
de 84,6%. Un déficit de plus de 15 % reste à combler. D'où
une situation d'insuffisance alimentaire en Haïti.
Le rapport entre les importations alimentaires et le total des
exportations est fréquemment utilisé comme mesure du degré
de sécurité alimentaire d'un pays (Huddleston, 1984). Il ne
devrait pas dépasser 15 %. Depuis 1986, les aliments importés
occupent une place de plus en plus importante dans la disponibilité
alimentaire haïtienne, passant de 252 000 tonnes en 1982 à 527 000
tonnes en 1990 et 594 000 tonnes en 1995. Le volume d'aide alimentaire à
Haïti a oscillé entre un minimum de 68 000 tonnes en 1991 et un
maximum de 159 000 tonnes en 1994 (Référence). Haïti
connaît une détérioration progressive des capacités
de son niveau d'exportation à financer les importations. De 70 % en
1970, cette capacité est passée à 54 % en 1991, à
35 % en 1996 et à 47 % en 1998. En 1998, le total des importations
était de US $ 640 millions (US $ 234 millions en produits alimentaires)
et des exportations US $ 299 millions (BRH, Rapport Annuel 1999). Les
importations de produits
82
alimentaires monopoliseraient donc 78 % des devises
générées par les exportations. Entre 1999 et 2003, elles
représentaient environ 25 % des importations totales du pays.
Tableau #... Livraison d'aide
alimentaire en Haïti par année de 1988 à 1997 (en
tonnes)
Année
|
1988
|
1989
|
1990
|
1991
|
1992
|
1993
|
1994
|
1995
|
1996
|
1997
|
1998
|
TOTAL
|
124,340
|
126,890
|
105,154
|
68,117
|
99,993
|
105,250
|
159,200
|
139,060
|
129,030
|
122,230
|
114,670
|
Source: Système International d'Information sur l'Aide
Alimentaire, PAM, Juin 1998, CNSA, 1999
D'autre part, il prévaut dans le pays une situation
d'insécurité alimentaire qui se manifeste sous plusieurs formes.
Une première forme d'insécurité alimentaire est la
dépendance du pays vis-à-vis des ressources externes. Les
importations de produits alimentaires sont financées dans une large
proportion par des capitaux étrangers, provenant de l'aide
internationale et des transferts de fonds des ressortissants haïtiens
vivant à l'étranger. Or, le pays ne maîtrise pas le
mouvement de ces capitaux. À n'importe quel moment, une rareté de
devises peut être créée. Par conséquent, les
difficultés à financer les importations peuvent conduire à
une hausse des prix sur le marché local. Les ménages en seraient
fortement affectés dans leur possibilité de se procurer une
ration alimentaire suffisante.
La PNFSA avance d'autres facteurs conduisant à
l'insécurité alimentaire, comme par exemple: l'instabilité
politique, la mauvaise gouvernance économique, la faible structuration
de la société civile, les inondations et les sécheresses,
et un manque de vision en matière des politiques alimentaires.
Les données disponibles montrent que
l'insécurité alimentaire est massive et largement étendue
en Haïti. Selon un rapport publié par la Coordination Nationale de
la Sécurité Alimentaire (CNSA) en 2002, près de la
moitié de la population haïtienne, soit environ 4 millions de
personnes, sont concernées par l'insécurité alimentaire et
la pauvreté. Les 2,4 millions d'Haïtiens, vivant en situation
d'extrême pauvreté (avec moins d'un dollar américain par
jour), sont incapables de satisfaire leurs besoins alimentaires et leurs
besoins de base non alimentaires (habillement, santé, éducation,
logement). D'une manière générale, ces pauvres consacrent
une part importante de leurs revenus à l'alimentation. D'après le
rapport
83
de la CNSA, ils sont estimés à 55 % pour
l'ensemble du pays, 43 % des habitants de l'Aire Métropolitaine, 50 %
dans les villes secondaires et 64 % en milieu rural.
L'insécurité alimentaire se traduit
également par des taux de malnutrition élevés, notamment
chez les enfants de moins de cinq (5) ans : 23 % de ces enfants souffrent de
malnutrition chronique, 5 % de malnutrition aiguë et 17 % d'insuffisance
pondérale. L'insécurité alimentaire contribue aussi
à un fort taux de mortalité infantile (12 %)77.
Près de 10 % des besoins alimentaires de la population, exprimés
en calories, ne sont couverts, ni par la production nationale, ni par les
importations commerciales qui ont fortement progressé ces
dernières années78. Ces besoins représentent
aujourd'hui, avec l'aide alimentaire, plus du tiers des besoins de
consommation. Ces données vont dans le même sens que celles
avancées par la PNFSA au sujet de l'insuffisance alimentaire, lesquelles
font état d'un déficit à combler de l'ordre de 15,4 %.
3.5.1.- Stratégies des ménages face à
l'insécurité alimentaire
Tous les ménages ne sont pas exposés au
même degré à l'insécurité alimentaire. Les
principales victimes se trouvent en milieu rural où 74 % de la
population vit dans la pauvreté79. 400 000 ménages en
milieu rural sont à la merci des aléas climatiques. Les paysans
pauvres, fort souvent, détruisent l'environnement pour survivre. Ce qui,
à terme, les plonge davantage dans la pauvreté.
Le rapport de la PFNSA, pour sa part, souligne un accès
inégal aux ressources, expliqué par la différence du
niveau d'étude. Ainsi, 74,4 % des ménages n'ayant aucun niveau
d'étude ont un revenu de moins de 10 000 gourdes. De même, les
individus qui ont un niveau d'étude supérieure gagnent en moyenne
: 2 fois et demie de plus que ceux qui ont niveau secondaire, 4 fois par
rapport à ceux qui n'ont fait que l'école primaire et 7 fois par
rapport à ceux qui n'ont aucun niveau de scolarisation. Le pourcentage
d'individus ayant une formation supérieure en Haïti (1,5 %)
étant tellement faible que la faiblesse des revenus dans cette situation
touche un nombre très élevé de ménages.
Face à l'insécurité alimentaire, les
ménages adoptent différentes stratégies : diminution de la
consommation de biens alimentaires, diminution des dépenses
consacrées à
77 CNSA, 2002, p. 6
78 Ibidem
79 Ibidem
84
l'alimentation, achat à crédit et emprunt. Des
changements dans les habitudes de consommation constituent une autre forme de
stratégie adoptée.
Pour réagir face à l'insécurité
alimentaire, les ménages ont recours à des solutions de court
terme hypothéquant, parfois, une amélioration de leur situation
dans le futur. Ils se livrent, parfois, à une surexploitation du milieu
naturel et à l'augmentation des prélèvements miniers dans
l'écosystème. Les agriculteurs, par exemple, utilisent ce type
d'actions, en réponse à l'insécurité alimentaire.
Quand les ressources à exploiter atteignent un point critique, ils
migrent ou émigrent.
En milieu urbain, l'adoption de nouveaux modes de
consommation, le surendettement, l'intégration dans des réseaux
de solidarité et le développement du petit commerce de
détail sont les moyens généralement utilisés pour
affronter l'insécurité alimentaire. Du fait que ces
réponses n'apportent pas toujours les résultats escomptés,
les gens profitent par moment pour s'émigrer en terre
étrangère, dès que l'opportunité se
présente.
Certaines études réalisées mettent en
évidence l'instabilité qui caractérise la
disponibilité des produits, notamment sous l'effet des fluctuations de
la production (Josué, 1986 ; UNICEF, 1994). L'instabilité existe
aussi de mois en mois et d'une zone géographique à une autre.
(CNSA, 1996; UNICEF, 1994).
En effet, un nombre important d'Haïtiens souffrent de
sous-alimentation, tant du point de vue qualitatif que quantitatif. Haïti
est en 6ème position dans le monde en terme de proportion de
sa population qui est sous-alimentée (61 %), après la Somalie (73
%), l'Erythrée (67 %), la Mozambique (63 %), le Burundi (63 %) et
l'Afghanistan (62 %) (FAQ, 1999). Selon la FAQ (2002), le niveau des besoins
énergétiques requis est de 2150 Kilocalories/personne/jour pour
une activité normale et de 2250 Kilocalories pour une activité
plus soutenue. La quantité d'Haïtiens à pouvoir atteindre ce
niveau est très limitée. Selon la Banque Mondiale (2004), le
pourcentage de la population en dessous du niveau minimum de consommation
d'énergie diététique s'élevait à 65 % en
1990, 60 % en 1995 et 49 % en 2001. De même, les pourcentages d'enfants
de moins de cinq ans touchés par la malnutrition pour les mêmes
années ont été respectivement de 26,8 %, 27,5% et 17,3%
(Vérification des données). Si au niveau de la malnutrition il y
a eu des améliorations, sur le plan de la consommation d'énergie
diététique, la situation a été marquée par
une détérioration.
85
3.5.2.- Évolution de la situation alimentaire
Le déséquilibre entre l'offre et la demande
alimentaires nationales est flagrant. Selon la CNSA, l'offre croit à un
rythme annuel moyen de 0,40 %, tandis que la demande évolue à un
taux annuel de 2 % (CNSA, 2002, p. 7). Une telle affirmation, à notre
sens est questionnable. Les données disponibles sur l'évolution
du PIB montrent clairement qu'Haïti a été marquée
durant ces vingt dernières années par une situation de
régression économique. Donc, la production nationale a
été marquée de préférence par une croissance
négative. Ce qui témoigne d'une aggravation du
déséquilibre entre l'offre et la demande alimentaire.
La dépendance de l'extérieur pour satisfaire les
besoins alimentaires s'est renforcée au fil des années: entre
1990 et 1995-97 le coefficient de dépendance alimentaire est
passé de 26,2 à 3480. En nous basant sur
l'accroissement continue de la population et les faibles rendements agricoles -
nonobstant quelques tentatives de réforme amorcées
(réforme foncière, organisation des producteurs,...) - ce
coefficient se situerait de nos jours entre 35 et 40 (Lundy, 2002, p.).
Les indices globaux de sécurité alimentaire
(IGSM)81 ont, en effet, plus que doublement diminué, passant
de 67,50 en 1988-90 à 26,50 en 1991-93, d'une phase intermédiaire
à une phase extrêmement critique82. La progression de
l'insécurité alimentaire au cours de cet intervalle
s'expliquerait, entre autres, par la dégradation générale
du contexte socio-politique, la régression économique, la baisse
de l'offre en services de base, l'accélération de l'exode rural
et l'accroissement de la migration vers l'étranger.
Sur le plan politique, l'instabilité politique engendre
: un manque de continuité dans les actions entreprises par l'État
; des changements fréquents au niveau des stratégies ou des
approches ; une situation d'incertitude chez les opérateurs
économiques et les partenaires nationaux et internationaux. Les crises
politiques répétitives nuisent à la recherche de solutions
viables et durables à la problématique de
l'insécurité alimentaire.
80 Ces importations (278 millions de dollars en 1999) ont plus
que triplé en moins de vingt ans (1981-1999), Données BRH :
www.brh.net
81 C'est un indice composite qui traduit l'état de la
situation globale de sécurité alimentaire pour un pays
donné. Un score supérieur à 85 et inférieur
à 65 révèle respectivement un niveau de
sécurité alimentaire élevé et critique. (Comment le
calcule-t-on ?)
82 Pascal Pecos Lundy, Situation alimentaire et politiques
agricoles en Haïti : quelles orientations ? P. 2.
86
Au sujet des facteurs économiques contribuant à
la progression de l'insécurité alimentaire, on peut citer la
faiblesse des investissements, l'insuffisance des infrastructures et des
services. Ces carences limitent la production de richesses et la
création d'emplois dans le pays.
La libéralisation de l'économie haïtienne a
exacerbé la pauvreté pour certains groupes sociaux, notamment les
petits producteurs agricoles, incapables de résister à la
concurrence des produits importés. Cette situation explique en partie
pourquoi le monde rural est le plus affecté par
l'insécurité alimentaire.
La libéralisation du commerce extérieur
d'Haïti a contribué à modifier considérablement la
structure de l'offre alimentaire et les habitudes de consommation dans le pays.
Par conséquent, la dépendance et les risques
d'insécurité alimentaire liés à un
approvisionnement externe dans un contexte macro-économique fragile se
trouvent accélérés.
Au niveau de l'évolution de la situation de
l'insécurité alimentaire, plusieurs tendances ont
été dégagées au cours des 15 dernières
années. L'étude de la CNSA révèle une
augmentation en nombre des victimes de l'insécurité alimentaire,
mais une baisse en termes de pourcentage : 60 % en 1986 contre 48 % en
2000. De 1986 à 1991, une légère amélioration
de la situation de la sécurité alimentaire a été
constatée, mais elle a été suivie d'une forte
dégradation durant la période de l'embargo entre 1992 et 1994
puis d'une amélioration entre 1995 et 1999 pour se
détériorer de nouveau depuis l'année 2000
(Référence...).
Une comparaison à partir des Enquêtes Budget
Consommation des Ménages de 1986/87 et de 1999/2000 permet d'avancer
que la part du budget des ménages consacrée à
l'alimentation a augmenté. Alors qu'elle était de 48 % en 1986/87
pour l'ensemble du pays, elle est passée à 55 % en
1999/2000). Dans le même temps, des changements dans
les habitudes alimentaires (une forte progression de l'achat des repas cuits
hors domicile, une forte baisse dans la consommation des légumes, du
lait et des huiles) ont été constatés. En ce qui concerne
le bilan alimentaire, une légère avancée a
été enregistrée : 2055 calories/jour/personne en 2000
contre 2026 en 1980 (CNSA, 2000). Cependant, la valeur calculée pour
l'année 2000 reste en deçà de la quantité de 2450
calories recommandée, ne représentant que 87 % de cette
valeur.
87
Chapitre IV : Incidences de la croissance
démographique sur la pauvreté en Haïti 4.1.- Bilan des
politiques de population
Pour le début des années 2000, les variables
démographiques ont affiché des valeurs s'écartant
nettement des objectifs fixés par le gouvernement d'Haïti au
début des années 80. L'impact de la politique de population sur
l'accroissement de la population n'est pas évident. Comment expliquer
cet écart entre les résultats obtenus et les objectifs
fixés ?
En premier lieu, l'exécution de la politique de
population supposait la mise en place d'un cadre institutionnel. Dans le
document de politiques de population élaboré au début des
années 80, il était prévu la création de la
Commission Nationale de Population (CONAPO) dans le but d'assurer la mise en
oeuvre et le suivi de la politique de population. Mais cette institution n'a
pas pu bénéficier d'une véritable structuration
susceptible d'assurer son efficacité.
La liaison entre les événements politiques et la
politique nationale de population ne sauraient être
négligée. En effet, l'année 1986 a été
marquée par de fortes turbulences
88
politiques, avec le départ du régime de
Jean-Claude Duvalier. Depuis lors, le pays vit un long cycle
d'instabilité politique, avec des conséquences non
négligeables sur tous les champs d'activités. Les gouvernements
qui se sont succédés au pouvoir ne se sont guère
préoccupés de la poursuite des initiatives entreprises par leurs
prédécesseurs. La lutte pour consolider le régime
politique au pouvoir s'est souvent substituée aux efforts d'instauration
de structures durables pour affronter les grands défis de la nation.
Dans ce contexte, on pourrait trouver une raison susceptible d'expliquer
l'échec des politiques de population élaborées durant les
années 80.
Mais, cette explication ne saurait être l'unique. Il
convient également de questionner les objectifs fixés.
Étaient-ils formulés à partir d'un diagnostic de la
situation ?
Les critères retenus pour parvenir aux objectifs
chiffrés ne sont pas suffisamment bien définis dans le document.
En d'autres termes, la cohérence de ces objectifs chiffrés par
rapport à une vision de long terme du développement n'est pas
clairement établie.
D'autre part, pendant longtemps, le concept de population a
été surtout lié à la pratique de la médecine
en Haïti. Et pour preuve, la Santé publique et la Population ont
été réunies au sein d'un même ministère. La
démédicalisation du concept de Population ne remonte qu'à
1994, année de l'organisation de la Conférence Internationale sur
la Population et le Développement (CIPD), tenue à Caire. C'est
à partir de cette date que l'on a pris conscience véritablement
en Haïti de la nécessité d'intégrer le facteur
développement dans les politiques de population. C'est dans ce contexte
que la Secrétairerie d'État à la Population a
été créée en 1999.
La création récente du Réseau National en
Population et Développement (RNDP), lequel regroupe
tout un ensemble d'institutions, donne un nouvel instrument pour aborder la
problématique de la population, en regard des objectifs de
développement. Mais, faut-il bien que ces institutions s'accordent sur
les priorités nationales en matière de population et sur les
actions concrètes à mener pour atteindre les objectifs nationaux
dans ce domaine.
4.2- Évolution des indicateurs de
développement humain
Globalement, l'évolution des indicateurs de
développement humain de 1980 à 2003 semble être
marquée par une certaine amélioration en termes de proportion.
Que l'on considère l'accès à l'éducation,
l'accès aux services de santé, l'accès à
l'alimentation ou l'accès à l'eau courante, la tendance
générale tend vers une augmentation du pourcentage de la
89
population mieux desservie. Mais dans certains cas, la
quantité d'individus dépourvus de ces services de base
élémentaires est en augmentation. Cela amène à
tirer la conclusion qui suit : le rythme d'augmentation de la
disponibilité de ces services de base est insuffisante pour inverser la
tendance de l'accroissement de la pauvreté dans le pays. Donc, le rythme
de croissance de la population a agi négativement sur
l'amélioration des indicateurs de développement humain.
Pour notre étude, nous avons considérés
des indicateurs de développement humain et non des indices composites,
tels que élaborés notamment par les Nations Unies. En fait, notre
choix s'explique par la controverse suscitée par l'attribution d'un
poids égal à tous les indicateurs entrant dans la composition de
ces indices composites, dont l'IDH. Cependant, l'évolution de l'IDH
d'Haïti de 1980 à 2004, tel que le montre le graphique
ci-après, conduit à la même conclusion que nous avons
formulée plus haut : il y a une amélioration de l'IDH, mais d'un
niveau très faible.
Graphique # ... Évolution de l'Indicateur de
développement humain (IDH)83 d'Haïti de 1980 à
2004
Tableau # ... : L'Indice de
développement humain d'Haïti pour quelques années de la
période 1980-2004 (Tableau en annexe de
préférence)
83 Université de Sherbrooke,
http://perspective.usherbrooke.ca/bilan/tend
90
Année
|
IDH
|
1980
|
0,449
|
1985
|
0,458
|
1990
|
0,446
|
1995
|
0,45
|
2003
|
0,475
|
2004
|
0,482
|
Source : Université de Sherbrooke/ Human Developement
Report 2005
En comparant Haïti à la République
Dominicaine, on constate une grande différence au niveau de
l'évolution des IDH. Tandis qu'en Haïti, l'IDH a augmenté de
seulement 7 % en 24 ans (de 1980 à 2004), en République
Dominicaine, il a connu un accroissement de 21 % en 29 ans84. Et
malgré tout, la République Dominicaine n'est pas le champion de
la région caribéenne.
La comparaison d'Haïti avec son plus proche voisin permet
de relativiser le peu de progrès enregistrés dans l'accès
à certains services de base en Haïti.
4.3.- L'investissement en capital humain
L'investissement en capital humain est fondamental pour la
réduction de la pauvreté. Des investissements en
éducation, en santé, dans l'alimentation de la population, entre
autres, contribuent à une force de travail productive, à
l'amélioration des conditions de vie et favorisent des revenus per
capita plus élevés.
Durant ces dernières années, le flux
d'investissement en capital s'est révélé insuffisant pour
satisfaire les besoins du pays en professionnels qualifiés et en bonne
santé. Haïti comptait à la fin de 2003, selon les
données officielles fournies par le MSPP85 , 2,37
médecins pour 10 000 habitants, 1,52 infirmières pour 10 000
habitants et 3,05 auxiliaires pour 10 000 habitants.
Dans le domaine de l'éducation, le coût
représente des charges énormes pour les ménages. Le
coût de l'école privée dont les frais d'inscription et
d'écolage représentent près de 40 % du budget des familles
pauvres86. L'éducation étant considéré
de plus en plus comme un facteur qui accroit les chances de réussite par
une certaine mobilité sociale, les parents sont
84 Idem
85 Idem
86 UNICEF/MENJS, Étude des coûts de
l'éducation en Haïti, Juin 2006, p.6
91
parfois obligés de sacrifier leurs ressources pour
permettre à leurs enfants d'aller à l'école. Cependant,
dans le pire des cas, les ressources disponibles sont plutôt
allouées à garantir la survie de la famille. L'accès
à l'éducation de base a diminué de 7 % de 1998 à
200287. Cela est dû fondamentalement à la faiblesse de
l'offre publique d'éducation et au renchérissement du coût
de l'éducation.. Pour contourner le problème de manque de
ressources financières, les familles se dirigent certaines fois vers des
écoles « borlettes » où la qualité de la
formation dispensée hypothèque l'avenir des enfants. Sur
l'ensemble des écoles privées, seulement 8 % sont reconnues
officiellement et sont habilitées à faire participer leurs
élèves aux examens officiels88, selon les
dernières données disponibles.
L'effort financier des parents en éducation est
estimé à 124 dollars américains par an89.
L'EBCM 1999-2000 estimait à 2415,1 gourdes par an le montant de la
consommation des biens et services relatifs à
l'éducation90.
Pour mieux cerner l'importance accordée à
l'investissement en capital humain par l'État haïtien durant la
période qui concerne cette étude, nous avons été
amenés à explorer les budgets de la République sur cette
période. Notre constat est que les budgets de fonctionnement des
Ministères de l'Éducation Nationale et de la Santé
Publique sont dans beaucoup de cas supérieurs au budget
d'investissement. En général, les ressources publiques sont
plutôt consacrées à faire fonctionner le système qui
existait déjà avec peu de souci de satisfaire les nouvelles
demandes.
En 1996, en particulier, 9,32 % du budget de la
République (13,4 milliards de gourdes) a été
consacrée à l'éducation, contre 10,52 % pour le secteur de
la santé. Ce même budget a été reconduit sur 5 ans,
c'est-à-dire jusqu'en 2001. Non seulement, les ressources n'ont pas
été suffisantes, compte tenu de l'importance de ces secteurs,
mais aussi la reconduction du budget a immobilisé la capacité de
l'État en matière de santé et d'éducation, dans le
contexte d'accroissement de la population.
87 Ibidem
88 Ibidem
89 Ibidem
90 Ibidem
92
Tableau # : Évolution des crédits
alloués à l'éducation et à la santé par
rapport au budget total de l'État (en millions de gourdes)
Année
|
MENJS
|
MSPP
|
Budget total
|
Fonct.
|
Inv.
|
Total
|
Fonct.
|
Inv.
|
Total
|
1980-1981
|
81,51
|
...
|
...
|
61,87
|
...
|
...
|
...
|
1981-1982
|
88,74
|
...
|
...
|
91,51
|
...
|
...
|
...
|
1982-1983
|
87,16
|
...
|
...
|
80,4
|
...
|
...
|
...
|
1983-1984
|
94,79
|
8
|
...
|
88
|
30
|
...
|
...
|
1984-1985
|
...
|
9,84
|
96,3
|
...
|
32,3
|
89,5
|
1240
|
1985-1986
|
...
|
...
|
98
|
...
|
...
|
89,5
|
1110
|
1986-1987
|
...
|
...
|
161,6
|
...
|
...
|
144
|
...
|
1987-1988
|
...
|
...
|
...
|
...
|
...
|
...
|
...
|
1988-1989
|
...
|
...
|
...
|
...
|
...
|
...
|
...
|
1989-1990
|
184
|
...
|
...
|
145
|
...
|
...
|
...
|
1990-1991
|
180
|
...
|
...
|
149
|
...
|
...
|
...
|
1991-1992
|
...
|
...
|
197
|
...
|
...
|
176
|
...
|
1992-1993
|
...
|
...
|
241
|
...
|
...
|
...
|
1830
|
1993-1994
|
...
|
...
|
241
|
...
|
...
|
...
|
1830
|
1994-1995
|
...
|
...
|
...
|
...
|
...
|
...
|
...
|
1995-1996
|
...
|
591
|
...
|
...
|
665
|
...
|
...
|
1996-1997
|
784
|
470
|
1250
|
440
|
975
|
1410
|
13400
|
1997-1998
|
784
|
470
|
1250
|
440
|
975
|
1410
|
13400
|
93
1998-1999
|
784
|
470
|
1250
|
440
|
975
|
1410
|
13400
|
1999-2000
|
784
|
470
|
1250
|
440
|
975
|
1410
|
13400
|
2000-2001
|
784
|
470
|
1250
|
440
|
975
|
1410
|
13400
|
2001-2002
|
1310
|
720
|
2030
|
685
|
492
|
1170
|
13270
|
2002-2003
|
1370
|
367,93
|
1,74
|
587,69
|
121,65
|
709
|
15330
|
2003-2004
|
1370
|
367,93
|
1740
|
587,69
|
121,65
|
709
|
15330
|
2004-2005
|
...
|
...
|
3030
|
...
|
871
|
|
21490
|
2005-2006
|
3030
|
773,85
|
3810
|
955,99
|
327,11
|
1280
|
37810
|
2006-2007
|
3800
|
1880
|
5690
|
1150
|
4280
|
5430
|
64560
|
Source : Ministère de l'Économie et des Finances
4.4.- Gestion du capital humain
Haïti vit depuis quelques années une
accélération du phénomène de la fuite des cerveaux.
Beaucoup de professionnels formés en Haïti sont partis
s'établir définitivement en terre étrangère. Une
bonne proportion d'entre eux se dirige vers le Canada. L'expatriation des
ressources humaines qualifiées du pays, pour des raisons diverses,
soumet Haïti à une véritable décapitalisation
humaine. Alors que l'investissement en capital humain n'est même pas
suffisant, le pays n'est pas non plus en mesure d'endiguer le flot de cette
masse de gens qui laisse Haïti.
Un autre aspect de la question est la faiblesse de la
capacité d'absorption des individus bien formés dont dispose le
pays. Le chômage chronique n'épargne même les gens qui ont
pu boucler un cycle d'études supérieures. Fort souvent, le
départ pour l'étranger se présente comme une planche de
salut pour de nombreux jeunes inquiets par rapport à leur avenir.
Un pays où les jeunes ne voient pas l'avenir avec
optimisme met en péril automatiquement son futur. L'insertion des jeunes
sur le marché du travail haïtien demeure un défi majeur pour
cette société. Quand les jeunes n'ont pas l'impression que le
système qui les a façonnés place confiance en eux, ce sera
difficile pour eux d'exprimer une marque élevée de confiance
envers cette société.
Un aspect courant dans les offres d'emploi publiées
retient notre attention : l'expérience. Le nombre d'années
d'expérience est généralement un paramètre
déterminant
94
pour l'attribution d'un poste sur le marché du travail.
Personne ne veut des inexpérimentés. Tout le monde veut avoir des
gens déjà bien pétris dans la maîtrise de l'art. Le
système éducatif haïtien, tel que nous le connaissons, aura
évidemment du mal à alimenter ce marché. Dans les
écoles et universités haïtiennes, les études de cas
pratiques arrivent très loin dans l'ordre des priorités.
De là naît une sorte d'inadéquation entre
l'offre et la demande de travail.
Selon l'Institut haïtien de statistique et d'informatique
(IHSI), Haïti dispose de moins de 2 % d'individus ayant un niveau
d'études supérieures. Comment comprendre que l'économie
haïtienne ne soit pas en mesure d'absorber ces ressources humaines ? Une
première considération que nous pouvons faire par rapport
à la nature des besoins en travail. Comme dans toute économie,
l'économie haïtienne a des secteurs en pleine expansion, alors que
dans beaucoup d'autres, il y a très peu de dynamisme. Dans ce contexte,
même des individus bien formés ne sont pas épargnés
par le chômage, pour la seule raison de s'offrir à un
marché qui n'a pas la structure nécessaire pour les accueillir.
Mais là encore, il convient de formuler des réserves. Un
spécialiste haïtien des sciences de l'environnement, par exemple,
n'a pas tout à fait la garantie de pouvoir servir efficacement son pays,
en dépit du niveau accéléré de la
dégradation de notre milieu ambiant.
Une expérience récente réalisée
dans le domaine de la formation technique en Haïti met en lumière
l'incapacité du marché haïtien à utiliser
rationnellement les ressources humaines dont il dispose. Il s'agit bien de la
Haïti Tec, une école créée au début pour
alimenter l'industrie locale en professionnels qualifiés. Les
disciplines enseignées à cette école technique
étaient choisies en fonction des besoins du marché haïtien,
avait-on dit. Contrairement aux espérances, beaucoup de
diplômés issus de cette école « modèle »
n'arrivent pas à intégrer le marché du travail.
Sans des ressources humaines en qualité et
quantité suffisantes, il est difficile pour un pays de briser le cercle
vicieux de la pauvreté. Haïti n'en fait pas exception. Mais, tout
dépend de l'utilisation qui va être faite de ces ressources.
4.5.- Le marché du travail
Le marché du travail met en relation l'offre et la
demande de travail. Cette confrontation aboutit à la formation d'un
salaire et à la fixation d'un niveau d'emploi.
Tout comme la disponibilité de ressources humaines,
l'accès à l'emploi est fondamental pour lutter contre la
pauvreté. Il permet aux individus d'avoir un niveau de
95
revenus pour se procurer un minimum de services de base, en
complémentarité aux services fournis à la
communauté sur une base collective. En Haïti, c'est plutôt le
chômage qui prédomine.
La création d'emplois dans l'économie
haïtienne suit une faible progression à travers le temps et
progresse moins vite que la population en âge de travailler. En effet,
une proportion croissante de la population active est soit au chômage
soit obligé de se contenter d'emplois de faible productivité ou
occasionnels dans l'économie informelle. De nombreuses études
dont le rapport MIA (1997) cité par Fred Doura (2002), indique que sur
les quelques 200 000 chefs de familles qui seront des demandeurs d'emplois au
pays au début du XXIème siècle, 80 % devront
être absorbés par le secteur agricole et par l'économie
« citoyenne-informelle ». Ce rapport indique de plus que 60 à
80 % de la population sont en situation de chômage et de sous-emploi et
61 % vivent avec un revenu par personne inférieur à 100 $
américain l'an.
De 1986-1987 à 1999-2000, la structure de l'emploi dans
l'aire métropolitaine de Port-au-Prince s'est modifiée. Les
activités commerciales se sont répandues, représentant 41
% de l'emploi en 1999-2000 contre 31 % en 1986-1987. Parallèlement, la
branche des industries manufacturières a connu un recul non
négligeable, passant de 22,9 % à 16,2 % de l'ensemble des
emplois91. De même, la branche des services à la
collectivité et des services domestiques a connu une régression
importante, passant de plus d'un tiers des actifs occupéss en 1986-1987
à moins d'un quart en 1999-200092.
Le taux brut d'activité (rapport entre les actifs
occupés et chômeurs d'une part et la population totale d'autre
part) dans l'ensemble du pays vaut 39 % en 1999-2000. Les différents
milieux de résidence enregistrent des taux similaires à
l'exception des villes de provinces où le taux brut
s'élève à 32 %93. En prenant en compte l'age
minimum de travail, dans la population, on détermine le taux net
d'activité, qui est le rapport entre actifs occupés et
chômeurs et la population en âge de travailler. On peut remarquer
que le taux net d'activité de l'ensemble du pays a reculé de
1986-1987 à 1999-2000 en passant de 57,2 % à 54,2
%94.
91 EBCM 1999-2000, 126
92 Ibidem
93 Ibidem page 96
94 Ibidem page 98
Tableau # : Taux net d'activité suivant le
milieu de résidence en %
Année
|
Aire
|
Autre aire
|
Rural
|
Ensemble du
|
|
Métropolitaine
|
urbain
|
|
pays
|
1986-1987
|
53.4
|
48.8
|
59.4
|
57.2
|
1999-2000
|
49.0
|
43.5
|
59.3
|
54.5
|
Source # : IHSI/EBCM 1999-2000
Graphe a mettre en annexe
Taux Net d'activite suivant le milieu de residence
en
%
40
60
50
30
20
70
10
0
Aire
Métropolitaine
Autre aire urbain Rural Ensemble du
pays
1986-1987
1999-2000
96
Ces nombreux faits, additionnés à la crise
économique occasionnée par le départ de Jean Claude
Duvalier en 1986 et l'embargo économique en 1994 ne sont pas sans
incidences sur la dynamique de régression dans laquelle
l'économie perdure. Le marché du travail, surtout du
côté de la demande est très disproportionné
facilitant une accélération importante du poids du secteur
informel. En effet, ce dernier est passé de 63 % en 1986 à
environ 80 % en 1995 et à 85 % en 200195.
En Haïti, le marché du travail officiel demeure un
privilège pour une minorité à cause de l'excédent
relatif de l'offre de travail par rapport à la demande. En effet, le
pays connaît des taux de chômage et de sous emploi très
élevé de l'ordre respectivement de 70 %
95 Fred Doura 2002, pages 51, 52
97
et 80 %96. Moins de 10 % de la population active
travaille dans l'économie officielle sur une population en âge de
travailler de 65,3 %97.
L'offre de travail en milieu urbain dépend du taux
moyen annuel de croissance démographique urbaine relativement
élevé de 4,7 %98 et aussi d'importants mouvements
migratoires du milieu rural et/ou des villes secondaires vers les grandes
agglomérations urbaines, particulièrement vers Port-au-Prince.
Ainsi, plus de 85 % de la population haïtienne dépend de
l'économie informelle99.
En Haïti, la majorité de ceux qui travaillent,
oeuvrent dans des activités surtout commerciales et le reste dans la
production de biens et de services, autant dans les zones urbaines que rurales.
Ils dépendent particulièrement du revenu quotidien afin de faire
face à leurs dépenses de tous les jours. Le coût du travail
est très bas et la main d'oeuvre est non qualifiée.
Le secteur officiel privé et l'administration publique
de l'économie d'Haïti emploient environ 500 000
personnes100. Le nombre d'entreprises couvertes par l'Ofatma (
Office nationale d'assurance, Accidents du travail, maladie et
Maternité) représentant toutes les branches d'activités de
l'économie haïtienne est de 1687 pour un total de 50 935 emplois,
dont 22 % dans les activités de fabrication101. La
sous-traitance internationale emploie environ 19 418 personnes en 1998 et 18
753 en 1999, mais selon les données de la direction de la SONAPI
(octobre 2000), il n'y a que 12 000 travailleurs dans le secteur102.
Ceci traduit un recul de l'emploi dans la sous-traitance internationale de
près de 36 % en une année.
L'économie informelle se caractérise par le fait
que plus de 3 millions de citoyens actifs y sont engagés. Le ratio
économie informelle/ économie formelle représente 6,2
à 1103. C'est dire que pour chaque actif du secteur officiel
de l'économie haïtienne, il y en aurait 6,2 citoyens qui
travaillent dans l'économie informelle.
Dans l'économie informelle, coexistent plusieurs types
de travailleurs. On distingue en effet les patrons qui sont
généralement le propriétaire d'une petite entreprise ; les
membres de la famille ou aides familiaux ; les apprentis qui sont censés
recevoir une
96 Ibidem
97 Ibidem
98CCI Haiti Groupe Thématique «
Bidonvilles et Déchets Urbains » Rapport Final révision 22
juin 2004
99 Ibidem page 53
100 PNUD, 1995 cité par Fred Doura, 2002
101 BRH 1999
102 Fred Doura 2002 page 54
103 John Currelly, BM, 1998, cité par Fred Doura 2002, p.
54
98
formation du patron, mais leur rémunération,
quand elle existe, est souvent très faible. Finalement, il y a les
salariés qui reçoivent habituellement un salaire très
faible et qui sont payés généralement à la
tâche ou à la journée.
L'économie informelle assure également des
emplois aux travailleurs migrants qui ont quitté les zones rurales et
qui n'ont pas pu trouver un emploi dans l'économie officielle. Les
femmes sont nombreuses dans cette économie, principalement dans le
commerce, mais aussi dans le marché du travail des employés
domestiques.
Il convient également de distinguer le salaire minimum
du salaire réel. Bien que le salaire nominal minimum a connu une faible
augmentation, le salaire réel en Haïti a diminué de 67 %
entre octobre 1984 et mai 1985104. Le salaire minimum est
fixé à 36 gourdes en juin 1995 (2,2 $ EU) par jour. Il s'est
détérioré en terme réel d'environ 12 % en 1998 par
rapport à 1997 n'ayant représenté que 63,4 % de son
pouvoir d'achat en 1995, mais en 1999 il a encore perdu 8,1% de son pouvoir
d'achat.105 Au début des années 2000, le salaire
minimum a été fixé à 70 gourdes par le gouvernement
de Jean-Bertrand Aristide.
Le salaire minimum en Haïti fait partie des plus faibles
de la région Amériques et Caraïbes. Son pouvoir d'achat est
réduit de 51,7 % en 2000 pour ne représenter que 41, 4% de sa
valeur de 1995. D'un autre côté, l'afflux des travailleurs des
campagnes vers les villes surtout vers la capitale tend à faire chuter
la rémunération déjà très basse et enfoncer
davantage la population dans la pauvreté.
Donc, le chômage touche toutes les tranches d'age en
Haïti. Mais, il est encore plus exacerbé chez les jeunes
Haïtiens. Le poids des inactifs sur les actifs est considérable.
Les statistiques font état d'un taux de dépendance des inactifs
par rapport aux actifs de 1815 %o (référence). L'accès
à un emploi salarié est fondamental pour permettre aux
ménages d'avoir accès à un certain revenu. En raison de la
faiblesse ou de l'absence de revenus, les ménages consacrent leurs
maigres ressources à des dépenses en alimentation. Par
conséquent, il leur devient difficile de trouver des ressources
suffisantes pour envoyer leurs enfants à l'école et pour avoir
accès aux soins de santé. Donc, le chômage enfonce
davantage les ménages dans la pauvreté.
Puisque les ressources dont disposent les ménages sont
faibles, et en raison de l'absence d'un système de protection sociale,
la charge à supporter devient plus lourde pour
104 Fred Doura 2002, p. 56
105 Ibidem
99
les familles plus nombreuses, par rapport à d'autres
moins nombreuses et ayant le même niveau de revenu que les
premières.
4.6.- Les pressions environnementales
Le taux de fertilité élevé crée
des conditions favorables à l'expansion de la pauvreté en
Haïti. Il met à mal la promotion de l'investissement dans les
ressources humaines, surtout dans un État où les ressources
publiques sont limitées. Pour garantir leur survie, les individus dans
ce contexte adoptent des comportements qui mettent à mal
l'équilibre de l'écosystème.
En effet, les pressions démographiques poussent
à la culture intense des terres et accélèrent la
déforestation et l'érosion du sol, ce qui conduit finalement au
déclin de la production agricole. Durant l'année 2005, Haïti
a connu des inondations majeures qui ont montré du même coup
l'ampleur de la dégradation de l'environnement. En 2003, le bois et le
charbon représentaient les principales sources d'énergie
utilisée pour la cuisson. En milieu urbain, c'est le charbon de bois qui
est prédominant (68,5 % des ménages) tandis qu'en milieu rural,
c'est le bois/paille qui est le plus utilisé (90,9 % des ménages)
(Référence). Le recours systématique au bois et au charbon
pour la cuisson met à rude épreuve les efforts visant à
protéger les quelques arbres qu'il reste encore dans le pays. Selon les
dernières estimations, la couverture végétale d'Haïti
est estimée à environ 1 %.
Les problèmes écologiques en Haïti
concernent tous les Haïtiens car chaque activité
réalisée par un individu peut laisser directement ou
indirectement des résidus ou des déchets. La situation
environnementale est très préoccupante en Haïti, d'autant
que la dégradation atteint toutes les régions du pays et qu'elle
ne fait que s'accélérer. Le bilan écologique du pays fait
ressortir un certain niveau de surexploitation des ressources naturelles sans
souci de l'aménagement de l'espace et du renouvellement de ces
ressources. Résultant de la non réglementation des cultures,
l'archaïsme des méthodes de production et l'utilisation impropre de
certaines terres montagneuses à des fins agricoles, facilitent
l'érosion et la perte quotidienne de volume considérable de
terres arables. Les ressources forestières et minières sont mal
exploitées et continuellement sur-utilisees.. Plus de 2/3 des bassins
hydrographiques du territoire sont sans protection végétale et
les réserves d'eau sont de plus en plus mises à contribution pour
répondre aux besoins de la population106.
106 Secrétairerie d'État à la population,
Politique nationale de population, Juillet 2000, p. 9
100
Si la dégradation de l'environnement semble si criante
en Haïti, c'est non seulement en raison de son étendue mais aussi
parce qu'elle menace directement la vie et la santé de l'ensemble de la
population.
En Haïti, du point de vue couverture forestière,
la situation est catastrophique car le pays avait un taux annuel de
déforestation de 1980 à 1990 de 4,3 % et de 1990 à 1995 de
3,5 %107. Cette dégradation atteignait déjà un
point alarmant en 1982 avec une couverture forestière de 3,6 % pour
arriver au chiffre crucial de 1,5 % en 2000108. Cette situation
s'explique par le fait que le taux de croissance démographique de 2,5 %
annuellement exerce des impacts négatifs sévères sur le
milieu naturel. En effet, en l'absence de sources d'énergie
alternative, les cultivateurs recourent à l'abattage systématique
et au brulis pour défricher le sol à des fins agricoles. Ils
coupent les arbres pour fabriquer du charbon, engendrant ainsi l'augmentation
de l'intensité du travail sur la terre, ce qui induit l'érosion
du sol à grande échelle.
D'un autre coté, l'accès à l'eau potable
et l'évacuation des déchets sont considérées
partout au niveau mondial comme des besoins essentiels de toute
société. Beaucoup de problèmes environnementaux et de
santé que connaît Haïti sont dû à l'insuffisance
de l'approvisionnement de la population en eau potable et à
l'évacuation de déchets.
Un problème environnemental que le pays doit
également affronter à très court terme, et qui s'aggrave
de jour en jour à cause de l'accroissement naturel relativement
élevé, est celui de l'évacuation des excréments
humains. Ce problème se pose avec acuité par la
quasi-totalité de la population haïtienne, à cause de son
implication économique par son influence sur la santé. En effet,
près de 72 % de la population haïtienne n'ont pas accès
à des équipements sanitaires approprié et utilisent
notamment la nature, les champs en friches ou les latrines non
équipées de fosses septiques109. Dans
l'agglomération de Port-au-Prince, on estime que plus de 70 % de la
population défèquent dans la nature à ciel
ouvert110.
La situation d'insalubrité
généralisée compte parmi les principales causes de
morbidité et de mortalité en Haïti. Il est à noter
que l'augmentation continue de la population aggrave encore plus le
problème d'élimination des déchets tels que les ordures
ménagères, les affluents des égouts et les déchets
industriels.
107 PNUD, 1999, cité par Fred Doura, 2002, p. 145
108BM, 2000, citée par Fred Doura, 2002, p. 161.
109 PNUD, 2001 cité par Fred Doura, 2002 p. 151.
110 BM, 1998, citée par Fred Doura, 2002, p. 151.
101
Dans la région métropolitaine de Port-au-Prince
qui connaît un problème aigu d'insalubrité, chaque citoyen
produisait au début des années 2000 183 kilos de déchets
domestiques par an. Ce qui représente pour une population estimée
à 2,5 million d'habitants un total de 457 000 tonnes de déchets
par an, soit 1250 tonnes de déchets qui doivent être
ramassées quotidiennement111. On estime que 80 % de ces
déchets proviennent des ménages, 10 % des marchés et 10%
des entreprises industrielles et commerciales112. Faute d'une
politique systématique de ramassage quotidien, il s'accumule des
montagnes de déchets dans la région de Port-au-Prince. Les
déchets qui ne sont pas ramassés - même aussi un bon
pourcentage des déchets ramassés - sont jetés dans
l'environnement, soit dans les rues ou les ravins, soit dans la mer, ou ils
sont brûlés, ou ils sont utilisés comme remblai.
Beaucoup de quartiers ne bénéficient d'aucun
ramassage des déchets solides. Selon un rapport de CHF (Cooperative
Housing Foundation), le ramassage des déchets solides dans certaines
villes de province est marqué par des insuffisances semblables à
celles de la région métropolitaine de Port-au-Prince. La
situation en 1996 au Cap-Haïtien113 sert à
décrire la situation actuelle dans d'autres villes provinciales dans le
pays: « seule une maigre portion des déchets était
effectivement ramassée et menée jusqu'à une zone centrale
d'élimination. Le reste des déchets était jeté
à la mer, dans les rivières ou les canaux de drainage, ou
donné en nourriture aux animaux, ou encore brûlés, ou
utilisés comme remblai dans les zones basses".
Sur le plan micro, le mode de tenure des terres et les
pratiques agricoles archaïques, peuvent également être
considérés comme causes de la dégradation de
l'environnement.. En effet, les cultivateurs pratiquent habituellement la
culture sur brûlis, et cette pratique a détruit ou a gravement
endommagé près de 80 % de la forêt primaire, et à
conduit à un appauvrissement de la biodiversité, à
l'érosion des sols et à la détérioration des
bassins hydrographiques114. La croissance démographique
d'Haïti a exacerbé la pression de la population sur le milieu
ambiant qui lui donne vie et constitue une cause majeure de la
dégradation environnementale.
111 Fred Doura, 2002, page 151
112 Holly 1999, 29, cite par Fred Doura, 2002
113 CHF, Développement et Opération de
Décharge Publique au Cap-Haïtien, CHF, décembre 1996
114 Fred Doura 2002, p. 64
102
En l'absence de politiques cohérentes pour assurer la
protection de l'environnement, le rythme de croissance de la population
conduira à une accélération de la dégradation de
l'écosystème haïtien.
4.7.- Les pressions sur les services
Comme mentionné antérieurement, la croissance de
la population a créé une pression énorme sur les services
de base quelque soit la nature de cette dernière. Dans le secteur de la
santé, les infrastructures sanitaires n'augmentent pas pour s'adapter
à l'augmentation de la demande pour ce type de services. Cela met
à rude épreuve la capacité des centres de santé,
dispensaires et hôpitaux. En outre, le niveau de l'offre est insuffisant
en termes de disponibilité de techniciens et professionnels des sciences
de la santé. De 1980 à 2003, il y eu certes des
améliorations en terme de degré d'accès au services de
santé, mais cette amélioration est loin d'être suffisante
comparé aux taux de croissance de la population pour la même
période.
En ce qui a trait à l'éducation en Haïti,
la situation est analogue. Les pressions sur l'offre en éducation
résultant de l'accroissement de la population sont énormes. Le
niveau de l'offre de en Education a certes augmenté à travers le
temps. Cependant, elle reste tout de même insuffisante face une
population sans cesse croissante. Les pressions sur les services
d'éducation affectent négativement la qualité de
l'éducation en créant des conditions propices à la
prolifération d'un ensemble d'écoles sans structure. Car,
très souvent, pour essayer de répondre à la demande sans
cesse croissante en éducation, c'est le secteur privé qui doit
souvent suppléer à l'État. Ce problème affecte le
système éducatif à tous les niveaux et tend notamment
à se propager au niveau de l'enseignement supérieur.
Le niveau de la population et son accroissement à
travers le temps exerce également une très forte pression
l'habitat en Haïti et sur l'offre en eau potable. D'un coté, cette
pression affecte non seulement la quantité disponible d'eau mais
également sa qualité. En effet, l'accroissement
accéléré de la population a une répercussion
directe sur le niveau élevé d'urbanisation. Les ménages
affluent sur des terrains à risques et non propice à la
construction pour ériger un endroit où s'abriter. Cela donne
souvent lieu à la création de bidonvilles. La
quasi-totalité de ces bidonvilles n'ont pas accès à l'eau
potable et le peu de conduits qui les alimentent sont souvent cassés en
route, d'où diminution de débit et pollution de cette eau.
103
4.8.- Mobilité sociale dans la société
haïtienne
La mobilité sociale est un concept défini par
Pitirim Sorokin115 comme étant le phénomène du
déplacement d'individus dans l'espace social. Il correspond au fait de
changer de classe sociale. Les principaux types de mobilité sociale que
l'on peut chercher à mesurer sont : la mobilité
intragénérationnelle (aussi appelée mobilité
professionnelle), qui est le changement de position sociale au cours de la vie
active de l'individu et la mobilité intergénérationnelle,
par laquelle on met en rapport la position occupée par un individu et
celle de sa famille d'origine. On parle alors de mobilité ascendante
quand une progression dans l'espace social est assurée pour la
génération suivante (par exemple, un fils d'ouvrier devient
cadre). En revanche, on parle de mobilité descendante quand une
régression dans la hiérarchie sociale s'effectue d'une
génération à la suivante (par exemple, un fils de cadre
devient employé).
Il y a aussi la mobilité horizontale. Elle correspond
au fait de pouvoir changer de secteur professionnel sans changer de place dans
la hiérarchie sociale. L'expression « ascenseur social »
désigne couramment la mobilité sociale ascendante, en particulier
la mobilité intergénérationnelle ascendante.
L'éducation est l'élément fondamental qui
pourrait faciliter une mobilité ascendante dans la société
haïtienne. Les familles y parviennent parfois en consacrant leurs maigres
ressources à l'éducation de leurs enfants. Cependant, du fait du
manque d'engament de l'État dans l'éducation, les enfants issus
de milieux défavorisés doivent affronter des défis
énormes pour transformer leurs conditions sociales et celles de leur
famille.
4.9.- Pauvreté et genre
La paupérisation continue des couches majoritaires de
la société, en deux décennies de crise économique,
s'est accompagnée du phénomène, largement reconnu surtout
dans les pays en développement, de la féminisation de la
pauvreté. Les femmes sont souvent victimes d'une
ségrégation intra et inter professionnelle sur le marché
de l'emploi. Malgré les
115
www.wikipedia.org
104
déficiences des données sur les revenus, les
chiffres disponibles révèlent des écarts de revenus
significatifs entre les hommes et les femmes au détriment des
dernières.
Selon l'EBCM 1999-2000, 51 % des ménages dans l'Aire
Métropolitaine de Port-au-Prince ont une femme à leur tête.
De ce fait, la femme haïtienne joue un rôle important dans le
développement du pays, tant sur le plan économique global que sur
le plan familial. En dépit de ce rôle primordial, elles sont
culturellement et socialement désavantagées. En effet, sur cent
femmes ayant une activité génératrice de revenus, 91 en
milieu rural et 33 en milieu urbain travaillent à leur compte. Bien que
contrôlant presque la moitié du secteur informel du pays, qui
lui-même regroupe environ les 2/3 de la population active, les femmes
sont les plus pauvres parmi les pauvres116.
Du point de vue formation académique, si apparemment,
il n'y a aucun problème pour l'insertion des filles dans le
système scolaire, celles-ci sont, par contre, les premières
sacrifiées quand, pour des raisons économiques, la famille
restreint le nombre de la progéniture à fréquenter
l'école ou les établissements d'enseignement supérieur.
Ainsi, l'abandon scolaire précoce est plus fréquent chez les
filles et le pourcentage de femmes de niveaux supérieur ou universitaire
est relativement faible. Ceci a certes des répercussions
négatives sur leur capacité à s'insérer valablement
dans le secteur formel, d'autant que culturellement, les femmes n'ont pas
facilement accès à certains emplois en Haïti. De plus, pour
le même poste et à qualification égale ou
supérieure, la femme est moins bien rémunérée que
l'homme117.
On peut également remarquer que l'écart entre
les taux de pauvreté, selon le genre du principal apporteur de revenu,
est faible en milieu rural. En revanche, les ménages urbains dont le
principal apporteur est une femme sont plus fortement touchés par la
pauvreté que les autres.
L'état précaire des femmes est aggravé
par la fatigue résultant des grossesses répétées et
rapprochées et des conditions de nutrition. Sur chaque 100 femmes, 40
souffre d'anémie118. Le nombre de femmes qui meurent en
Haïti du fait de la grossesse et de l'accouchement est parmi les plus
élevés au monde. Compte tenu du laxisme judiciaire et des
116 Secrétairerie d'État à la population,
Politique nationale de population, Juillet 2000, p. 12
117 Ibidem
118 Secrétairerie d'État à la population ;
Politique nationale de population, Juillet 2000, p. 12
105
contraintes socio-culturelles, les cas fréquent
d'enfants non pris en charge par leur père naturel, accentuent la
pauvreté et la dépendance parmi les femmes.
Recommandations
La croissance de la population dans un pays, s'il n'est pas
controlée et contenue, peut non seulement aggraver les problèmes
existants déjà mais également en créer d'autres. En
Haiti, par exemple, on a pu constater que, à cause de l'échec des
politiques de population antérieures et l'absence de nouvelles, la
situation est catastrophique. La quasi-totalité des indicateurs sociaux
de développement sont très faibles. Et plus des trois quarts de
la population n'ont pas accès aux principaux services sociaux de base
tels : Education , santé, eau potable, Logement et alimentation. Pour
amorcer un processus de résolution des problèmes de
pauvretés liés notamment à la situation
démographique actuelle, il faudrait adopter des politiques et des
stratégies à triples impacts. D'abord un impact sur la
démographie afin de diminuer et de contenir la croissance, ensuite au
niveau des services fournis à la population, car ces derniers sont
insuffisants en qualité et en quantité, enfin une politique
visant à dynamiser le secteur économique via
l'amélioration de la production afin d'améliorer l'exportation
par rapport à l'importation.
On recommande de ce fait au gouvernement de mettre sur pied
une politique de population effective pouvant permettre de gérer
efficacement la natalité via la fécondité. Ceci
nécessitera non seulement des campagnes de sensibilisation et de
formation pour les hommes et femmes en age de procréer mais
également une continuité de cette politique au niveau des
gouvernements. A noter qu'une égale considération, sinon une plus
grande doit être accordée au milieu rural par rapport au milieu
urbain.
Nul n'est sans savoir que l'une des plus grandes causes des
problèmes urbains est l'exode rural. Donc, il serait plus facile pour le
gouvernement d'attaquer le problème de la pauvreté urbaine s'il
controlait le fénomène de l'exode rural. Ceci peut se faire en
pourvoyant le milieu rural de certains services de base et aussi en mettant sur
pied une politique d'emploi basée notamment , mais pas seulement, sur
une réforme agraire effective, réalisée en fonction des
potentialités du milieu. Le IV ème RGPH révèle que
plus de la moitie de la population haitienne a moins de 20 ans. De ce fait, il
faut que cette politique soit tres centrees sur les jeunes.
106
Un problème majeur auquel le pays fait face, c'est
la tertiarisation de l'économie. Cette tertiarisation presente le
desaventage de n'être pas constituée par l'expension de
l'industrie et des services mais au contraire, se caractérise par une
informalisation de l'économie. Bon nombre de services ne sont pas
fournies à la collectivité à cause d'un manque de moyen de
l'Etat car le secteur informel ne paie aucune taxe. Il serait profitable pour
toute la communaute si le gouvernement s'efforçait de renverser cette
tendance. Se faisant, plus de ressources pourraient être
collectées et conséquemment plus de services de bases seront
offerts. A noter que, aucune de ces activités ne pourront être
réalisées sans une restructuration de l'Etat haitien en
l'affranchissant des pratiques traditionnelles de fraudes et de laxismes.
Du point des services de nase, la situation est on ne peut
plus alarmante. La grande majorité de la population ne recois
pratiquement aucun service. Comment y remédier ? il est clair que, si on
veut résoudre sinon atténuer ce problème, beaucoup
d'effort , de volontés et de moyens financier sont nécessaires.
De ce fait, il faudrait donner priorité a ces problèmes pendant
un certain temps a travers des plans d'actions bien définis à
travers des objectifs clairs. Par exemple, en éduquant et en formant
plus de gens, on s'attaque du même à leurs mauvaise habitudes et
pratiques.
Parallèlement, le gouvernement doit amorcer une
certaine croissance en favorisant la création d'emplois. La bonne marche
d'une économie ne peut être effective sans un marché du
travail dynamique. Du même coup, cette dinamisation aura un impact sur la
production qui, sous l'effet multiplicateur du temps et d'investissement
additionnels, aura un impact positif sur la consommation.
Tout ceci ne se fera pas de manière automatique, il
est clair. C'est la raison pour laquelle il est nécessaire que le
gouvernement ait la volonté et exerce la pression nécessaire pour
le faire à travers un plan bien défini à travers le temps.
107
Conclusion et recommandations
Dans son ouvrage intitulé « L'humanité
à la croisée des chemins », l'économiste
français Jean Matouk montre un ensemble d'étapes que
l'humanité a connu en les différenciant en trois grandes
ères : l'ère familiale, l'ère politique et l'ère
économique. À travers chacune de ces ères, les hommes ont
pu développer des rapports appropriés pouvant leur permettre de
garantir leur existence.
En ce début du 21e siècle, on peut
dire à l'instar de Jean Matouk, qu'Haïti est à la
croisée des chemins. Les défis sont imminents et il convient de
faire des choix rationnels pour empêcher erreurs du passé de se
propager dans le futur. La croissance démographique demeure sans
conteste un défi majeur que la société haïtienne doit
affronter en vue d'y trouver des solutions appropriées. Les quelques
initiatives entreprises dans le passé n'ont pas abouti à des
résultats satisfaisants, puisque les problèmes liés
à l'accroissement de la population s'aggravent davantage.
Selon l'IHSI, la population haïtienne atteindra le nombre
de 17 millions de personnes, si le rythme actuel de croissance de la population
se maintient. Quand on considère que l'économie haïtienne ne
soit en mesure de procurer un minimum de bien-être à 8 millions de
personnes, il y a de quoi s'inquiéter pour l'avenir. Autant dire,
l'heure est à l'action.
La somme des efforts à accomplir pour ralentir le
rythme de croissance de la population est considérable. Ainsi
recommandons-nous :
- la mise en oeuvre d'une politique concertée (ONG,
l'État) pour permettre aux femmes de gérer leur droit à la
procréation. Il sera question d'adopter des stratégies claires
pour augmenter l'utilisation de la contraception chez les femmes. Car pour
l'instant, La proportion des femmes utilisant une méthode contraceptive
est de moins de 25 % en Haïti alors qu'elle est de 62 % à la
Jamaïque, 64 % en République Dominicaine et 70 % à Cuba
(UNICEF, citée par Jacques Charmes, 2002).
- Le renforcement de l'investissement et de la gestion du
capital humain. Un nombre élevé d'individus peut constituer un
obstacle au développement d'une société. Mais quand ils
sont bien formés et en bonne santé, ils peuvent contribuer
efficacement à la production quand leur savoir est exploité
rationnellement.
108
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· La pauvreté en Haïti : ampleur,
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haiticci.undg.org/uploads/Résumé%20du%20Profil%20de%20PauvretéV0.doc
-, 2004, 8 pages.
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