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Les incidences de la croissance démographique sur le niveau de pauvreté en Haà¯ti (période 1980-2003)


par Joseph Junior Guerrier
Centre de Techniques de Planification et d'Economie Appliquée - Diplome d'Etudes Supérieures en Economie 2004
  

Disponible en mode multipage

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Promotion : 2000-2004

CENTRE DE TECHNIQUES DE PLANIFICATION ET
D'ÉCONOMIE APPLIQUÉE (CTPEA)

Les incidences de la croissance démographique sur le niveau de
pauvreté en Haïti (Période 1980-2003)

Travail de sortie réalisé par : Rock ANDRÉ et Joseph Junior GUERRIER

Sous la direction du professeur Frédéric Gérald CHÉRY

En vue de l'obtention du Diplôme d'Études Supérieures en Économie Quantitative

Appliquée

Option : Planification

1

Illustration de Couverture

Source : Réseau National en Population et Développement (RNPD)

2

PLAN

Avant-propos

Liste des graphiques Liste des tableaux

Liste des sigles utilisés

Chapitre 0 : Les préalables

0.1.- Avant-propos

0.2.- Justification du thème de recherche

0.3.- Problématique

0.4.- Objectifs du travail

0.5.- Les hypothèses

0.6.- Méthodologie

Chapitre 1 : Cadre théorique et conceptuel

1.1.- Contour théorique du concept de pauvreté

1.1.1.- Les différentes approches de la pauvreté

1.1.1.1.- L'approche traditionnelle

1.1.1.2.- L'approche multidimensionnelle

1.1.1.3.- Les approches en termes de pauvreté humaine ou sociale

1.1.1.4.- Les approches en termes d'exclusion

1.2.- Approches théoriques sur la fécondité

1.3.- Revue de littérature

1.3.1.- Revue théorique

1.3.2- Revue empirique

1.3.2.1.- Revue empirique globale

1.3.2.2.- Revue empirique dans le cas d'Haïti

Chapitre II : Tendances démographiques en Haïti

2.1.- Politiques de population en Haïti

2.1.1.- Objectifs et mesures relatifs à la natalité et à la fécondité 2.1.2.- Objectifs et mesures relatifs à morbidité et à la mortalité

3

2.1.3.- Objectifs et mesures relatifs à la migration interne et à la distribution spatiale de la

population

2.1.4.- Objectifs et mesures relatifs à la migration internationale

2.2.- La situation démographique

2.2.1.- Structure de la population

2.2.2.-Urbanisation

2.2.3.- Migration

2.2.3.1.- Migration interne

2.2.3.2.- Migration externe

2.2.4.- Natalité et fécondité

2.2.4.1.- Taux brut de natalité

2.2.4.2.- Fécondité par âge

2.2.4.3.- Indice Synthétique de Fécondité (ISF)

2.2.5.- Morbidité et mortalité

2.2.6.- Situation de l'emploi

2.2.6.1.- Branches d'activité économique

2.2.6.2.- Occupation principale

2.2.6.3.- Situation dans l'occupation

Chapitre III : Les dimensions de la pauvreté haïtienne

3.1.- Accès aux soins de santé

3.1.1.- Accès aux services de santé de la reproduction

3.1.2.- Accès aux services de santé de base

3.1.3.- L'indice de masse corporelle

3.1.4.- Le personnel de santé

3.1.5.- Les infrastructures sanitaires

3.2.- Accès à l'éducation

3.2.1.- Accès à l'éducation primaire

3.2.2.- Accès à l'enseignement secondaire

3.2.3.- Accès à l'enseignement supérieur

3.2.3.1.- Taux d'encadrement et Formation

3.2.3.2.- Centralisation de l'université

4

3.2.3.3.- L'université face à la demande

3.2.3.4.- Alphabétisation

3.2.4.- Le système éducatif haïtien et ses problèmes

3.3.- Accès à l'eau courante

3.3.1.- Disparités régionales

3.3.2.- Accès à l'eau potable

3.3.3.- Qualité de l'eau et qualité du service

3.3.4.- Considérations générales sur le secteur de l'eau

3.4.- Accès aux logements

3.4.1.- Les différents types d'habitats en Haïti

3.4.1.1.- L'habitat rural

3.4.1.2.- L'habitat urbain

3.4.2.- Accès aux logements et revenus

3.4.3.- Typologie des logements

3.4.4.- Population et habitat

3.5.- Alimentation

3.5.1.- Stratégies des ménages face à l'insécurité alimentaire

3.5.2.- Évolution de la situation alimentaire

Chapitre IV : Croissance démographique et pauvreté en Haïti: les interrelations

(Impact des variables démographiques sur la pauvreté)

4.1.- Bilan des politiques de population

4.2- Évolution des indicateurs de développement humain

4.3.- L'investissement en capital humain

4.4.- Gestion du capital humain

4.5.- Le marché du travail

4.6.- Les pressions environnementales

4.7.- Les pressions sur les équipements collectifs

4.8.- Les pressions sur les services

4.9.- Mobilité sociale dans la société haïtienne

4.10.- Pauvreté et genre

Conclusion

5

6

LISTE DES SIGLES ET DES ABRÉVIATIONS UTILISÉES

ASSODLO Association Haïtienne pour la Maîtrise des Eaux et des Sols

CAMEP Centrale Autonome Métropolitaine d'eau Potable

CECI Centre Canadien d'Etude et de Coopération Internationale

CNSA Conseil National de Sécurité Alimentaire

CRS Catholic relief Services

EMMUS Enquête Mortalité Morbidité et Utilisation des Service

EPPLS

FAES Fonds d'Assistance Economique et Sociale

FAFO Institut de Sciences Sociales de Norvège

FAO Organisation des Nations Unies pour l'Agriculture et l'Alimentation

FMI Fond Monétaire Internationale

FNUAP Fonds des Nations Unies pour la Population

GITH Groupe Thématique Intermédiaire d'Haïti

GREDI Groupe de Recherche en Économie et Développement International

IDH Indices de Développement Humain

IPH Indicateur de Pauvreté Humaine

MSPP Ministère de la Santé Publique et de la Population

MTPTC Ministère des Travaux Publics, Transport et Communication

OCDE Organisation de coopération et de développement économique

OMS Organisation Mondiale de la Santé

OPS Organisation Panaméricaine de la Santé

ONU Organisation des Nations Unies

UNESCO Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture

PNEF Plan National d'Education et de Formation

PNUD Programme des Nations Unies pour le Développement

POCHEP Postes Communaux d'Hygiène et Eau Potable

SNEP Service Nationale d'Eau Potable

SMCRS

UNICEF Fond des Nations Unies Pour l'Enfance

7

Chapitre 0

0.1.- Avant-propos

0.2.- Justification du thème de recherche

Malgré l'amélioration des moyens techniques, scientifiques et financiers à l'échelle mondiale, la pauvreté cause encore bien des soucis. Elle demeure un mal à combattre. D'après le directeur général de l'UNESCO, Koichiro Matsura, dans une déclaration à l'occasion de la célébration de la journée internationale de lutte contre la pauvreté, le 17 octobre 2005, cette dernière à elle seule engendre plus de morts que les deux guerres mondiales réunies. Partout dans le monde, la pauvreté est un sujet de préoccupation. Les catastrophes naturelles (tsunami en Asie, inondations aux États-Unis) ayant frappé le monde au cours de l'année 2005 ont révélé d'autres facettes de ce mal qu'est la pauvreté. Le cyclone Katrina (2005) ayant frappé l'État de la Louisiane aux États-Unis, par exemple, a montré à quel point certaines couches défavorisées, même dans un pays riche, sont vulnérables.

En Haïti, plus de la moitié de la population vit dans des conditions de pauvreté extrême. D'après Mats Lundhal1, citant une étude menée par Egset and Sletten (2003) pour le compte du PNUD, jusqu'à 76 % de la population haïtienne vit en dessous du seuil de pauvreté avec moins de 2 dollars par jour, alors que 56 % évoluent dans des conditions d'extrême pauvreté, avec moins d'un dollar par jour.

Les politiques de réduction de la pauvreté ont généralement abordé la question sur le plan de la production. Certainement, cette dernière est un paramètre incontournable, car le fléau qu'est la pauvreté ne saurait être attaqué sans mettre en place des politiques économiques allant dans le sens de l'augmentation de la production. Mais également, il y a un autre paramètre tout aussi important à considérer : la population, plus spécialement la maîtrise de la croissance démographique.

En effet, la Conférence des Nations Unies sur la population, tenue à Bucarest en 1974, a adopté un plan d'action pour la population du monde qui appuyait l'idée que population et développement sont interreliés et que les variables de population influencent le développement, de même que les variables de développement influencent la croissance démographique. Le plan a recommandé que des mesures et des programmes visant la

1 Mats Lundahl, Sources of Growth in the Haitian Economy, BID, juin 2004, p. 2

8

population devraient être intégrés dans les plans et programmes sociaux et économiques. Dans le cas d'Haïti en particulier, les politiques de lutte contre la pauvreté ne sauraient se passer d'une politique de population efficace. Pour cela, il est nécessaire de comprendre les évolutions passées pour mieux cerner les tendances du futur. En réalité, peu d'études ont été réalisées sur cet aspect. Ce travail ne prétend pas combler ce vide. Du moins, il se veut un effort pour mieux appréhender l'évolution du phénomène de la pauvreté par rapport à la croissance démographique en Haïti.

0.3.- Problématique

En septembre 2000, 191 chefs d'État et représentants de gouvernements du monde entier se sont réunis pour adopter les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD). Huit (8) objectifs principaux ont été fixés dont l'un vise à réduire de moitié l'extrême pauvreté et la faim d'ici 2015. À l'occasion d'un sommet mondial tenu en 2005, les chefs d'État et représentants de gouvernement ont constaté que peu de progrès ont été réalisé en termes de réduction de la pauvreté. Haïti, en particulier se trouve à un tournant où il doit redoubler d'efforts pour atteindre les OMD, sinon les rapprocher. Cependant, la dynamique de la réduction de la pauvreté ne passera pas par une stratégie miracle. Il y a un ensemble de paramètres propres à la réalité haïtienne à envisager. Pour y parvenir, la tâche est immense. Il convient inévitablement de rompre avec un passé caractérisé par un marasme économique profond.

En effet, entre 1980 et 2003 - la période qui concerne notre étude - l'économie haïtienne a affiché des contre-performances énormes. Le taux de croissance de l'économie a été négatif sur presque toute cette période. Le processus de croissance démarré en Haïti en 1968 a été brutalement stoppé en 1981 où presque tous les indicateurs macroéconomiques ont accusé des taux de croissance négatifs. En 1986, Haïti a renoué avec la croissance économique (1 %), mais cette même date allait être le début d'une grande période d'instabilité politique dans le pays avec des conséquences désastreuses sur la situation économique. La libéralisation l'économie haïtienne à partir de 1987 et la montée en puissance du phénomène de la contrebande ont eu des effets néfastes sur des secteurs clé de l'économie, notamment l'agriculture et l'industrie tournée vers le marché extérieur, déjà en proie à de graves difficultés. Le système de protection du secteur agricole a disparu. Les industries tournées vers le marché interne ne pouvaient plus supporter la concurrence face

9

aux produits importés. Ne pouvant pas produire face à la concurrence internationale, les producteurs locaux se sont orientés dans des marchés protégés : le secteur tertiaire. En fait, les faiblesses des secteurs primaire et secondaire ont conduit à une tertiarisation accrue de l'économie haïtienne. Il s'en est résulté une extension du secteur informel, signe des difficultés de cette économie à se moderniser.

Au même moment où l'économie montrait ces signes de faiblesse, avec comme élément fondamental la chute de la production, la population n'a cessé de croître. De 1980 à 2003, la population haïtienne est passée de 5 352 747 à 8 373 750 habitants2 au 12 janvier 2003, suivant un taux de croissance annuel de 2,5 %. Quelle est l'incidence de cette évolution à contresens du PIB et de la population sur le niveau de pauvreté en Haïti ?

Les théories étudiant la relation entre croissance économique et croissance démographique sont nombreuses. Les points de vue des économistes, des démographes et des chercheurs en général divergent en ce qui concerne l'impact de la croissance démographique sur l'activité économique et sur le niveau de pauvreté. En effet, certains auteurs comme Esther Boserup3 (Évolution agraire et pression démographique, 1970) du courant néo-populationniste, soutiennent qu'une population plus élevée est source de croissance pour un pays, en raison du surplus de main d'oeuvre qu'elle fournit au pays. D'autres au contraire, comme Thomas Robert Malthus (Essai sur le principe de population, 1798)4, sont convaincus de la relation inverse, à savoir qu'un accroissement de la population ne peut qu'entraver la croissance et donc nourrir la pauvreté. En dernier lieu, il y a ceux-là qui soutiennent une théorie neutraliste, c'est-à-dire qu'il n'y aurait pas vraiment une corrélation entre croissance démographique et croissance économique. Dans ce travail, il s'agit moins d'identifier un éventuel lien de causalité entre ces deux variables. Notre démarche vise surtout à vérifier, au-delà des problèmes de croissance cités plus haut, dans quelle mesure la croissance démographique a influencé le phénomène de la pauvreté en Haïti durant la période allant de 1980 à 2003.

2 Selon le Recensement général de la population et de l'habitat (RGPH) réalisé par l'Institut Haïtien de Statistique et d'Informatique (IHSI) en 2003, la population haïtienne est estimée à 8 373 750 habitants au 12 janvier 2003.

3 Cédric Doliger, Démographie et croissance économique en France après la seconde guerre mondiale : une approche cliométrique, Université de Montpellier I (Faculté des Sciences économiques), p.2

4 Emilie Canalis, Corinne Ebert, Croissance et population, Licence Analyse et Politiques économiques, Année 1999-2000, p 8.

10

0.4.- Les objectifs

Objectif général : Contribuer à la compréhension de l'incidence de la croissance démographique sur la pauvreté en Haïti

Objectifs spécifiques :

· Étudier l'impact des politiques nationales de population sur la croissance démographique en Haiti de 1980 à 2003 ;

· Analyser l'évolution de l'accès aux services de base fournis à la population.

0.5.- Les hypothèses Hypothèse principale :

· Sur la période 1980-2003, la croissance démographique a conduit à une augmentation du niveau de pauvreté en Haïti en provoquant une déviation des ressources vers la consommation au détriment des investissements

Hypothèses secondaires :

· Plus il y a de membre dans un ménage, plus difficile est l'accès aux services de base

· Les politiques nationales de population n'ont pas contribué à ralentir le rythme de croissance de la population de 1980 à 2003

0.6.- Méthodologie

La méthodologie adoptée pour réaliser ce travail est divisée en trois étapes principales : La détermination de la nature du travail, la collecte et le traitement des informations et finalement la vérification des hypothèses.

a) La nature du travail

Ce travail est de nature théorique, descriptive et analytique. En effet, il présente d'une part une revue de littérature théorique et empirique sous un angle critique et sélectif. Et d'autre part, il présente une description de l'évolution de certaines variables clé pour l'étude, afin de procéder à la vérification des hypothèses.

b) 11

Collecte et traitement des informations

La collecte des informations est réalisée à partir de la documentation disponible dans des centres de documentation de la capitale et par l'intermédiaire de l'internet. Elle inclut également des entretiens avec certains spécialistes du domaine étudié. Le traitement se base essentiellement sur l'analyse des informations recueillies.

c) Vérification des hypothèses

La vérification des hypothèses aura été une conséquence directe du traitement des informations recueillies. Les définitions de concepts ont contribué à les opérationaliser. Ce qui a été très utile pour la vérification des hypothèses.

Chapitre 1 : Cadre théorique et conceptuel

1.1.- Contour théorique du concept de pauvreté

Il est difficile d'enfermer le concept de pauvreté dans une définition unique. Les définitions dont elle fait l'objet sont plutôt multiples. Selon les Nations Unies5, la pauvreté est définie comme la privation de capacités humaines, d'opportunités et de choix essentiels qui sont nécessaires pour assurer le bien-être de l'individu, du ménage ou de la communauté. Ainsi, la pauvreté, pour l'ONU, ne se limite pas à la faiblesse des niveaux de revenus ou à l'impossibilité de satisfaire des besoins fondamentaux, mais aussi elle consiste en un manque de capacités humaines. De cette façon, il faut entendre un manque d'accès au capital (capital humain, physique, financier et social).

De son coté, Amartya Sen, cité par Van der Walt (2004, p.5), est allé plus loin qu'une simple démarche de définition de la pauvreté. Il essaie de déterminer les conditions nécessaires pour mesurer la pauvreté. Amartya Sen croit qu'il y a deux problèmes principaux en voulant mesurer la pauvreté : identifier les personnes de la population qui sont pauvres et construire un indice de pauvreté en utilisant les informations disponibles sur les pauvres.

Sur la trace de la pensée de Sen, Van der Walt a abouti à une conclusion selon laquelle, la définition de la pauvreté diffère selon les peuples. Pour Van der Walt, la pauvreté peut être considérée par certains comme le fait de ne pas posséder une voiture ou un réfrigérateur alors que pour d'autres, elle peut être synonyme de manque d'emploi ou d'un logement confortable. En clair, la pauvreté serait un concept vague.

Pour sa part, Joseph Wresinski, cité par Paul Makdissi et Quentin Wodon (2004), est allé encore plus loin. Il estime que la pauvreté, particulièrement l'extrême pauvreté, est un concept multidimensionnel qui peut même inclure les violations de droits humains. Une définition de la Banque Mondiale reprise par Van der Walt atteste de cette multidimensionnalité. Cette définition s'énonce comme suit : « La pauvreté, c'est la faim. La pauvreté, c'est le manque de logements. La pauvreté, c'est être malade et ne pas avoir les moyens de voir un médecin. La pauvreté, c'est ne pas avoir la possibilité d'aller à l'école et ne pas savoir lire. La pauvreté, c'est ne pas avoir un emploi, c'est craindre pour son avenir, c'est vivre au jour le jour. La pauvreté, c'est

12

5 PNUD, Rapport arabe sur le développement humain 2002, page 103

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perdre un enfant à cause d'une maladie provoquée par de l'eau non traitée. La pauvreté, c'est de l'impuissance, le manque de représentation et de liberté. » (Van Der Walt, 2004, p.6)

Donc, dans la littérature, le débat est très vaste. De plus, la pauvreté doit-elle être considérée comme absolue ou relative ? Ou bien, doit-on la considérer en terme de nécessités, de capacités ou de fonctions ? Ou encore, est-elle spécifiquement un phénomène monétaire ?

1.1.1.- Les différentes approches de la pauvreté 1.1.1.1.- L'approche traditionnelle

Suivant l'approche traditionnelle utilisée pour mesurer la pauvreté, les pauvres sont définis comme tous individus ou ménages qui sont en dessous d'un niveau requis - la ligne de pauvreté - pour maintenir un certain standard de vie. Les individus ou ménages en dessus de cette ligne sont considérés comme non-pauvres. Les seuils de pauvreté monétaires (1 dollar et 2 dollars) retenus par la Banque Mondiale se situent à travers cette approche.

L'approche monétaire de la pauvreté, qui est l'une des formes de l'approche traditionnelle, est centrée sur des mesures de la pauvreté exprimées par un ratio d'individus ou de ménages dont le revenu ou les dépenses sont donc inférieurs à un seuil rapporté à une population totale. La ligne de pauvreté représente l'équivalent monétaire d'un panier de biens et de services considérés comme étant le minimum nécessaire à l'existence dans un pays donné. Il s'agit donc d'un seuil absolu.

Dans sa version la plus réductrice, l'approche en termes de pauvreté monétaire suppose que les besoins sont satisfaits essentiellement sur une base privée (individus ou ménages) et sur les marchés du travail, des biens et des services. Le principal moyen d'accès aux ressources nécessaires est l'emploi. Celui-ci commande en effet l'accès à un revenu et, selon le contexte, le droit à une assurance de santé ou à une retraite. L'emploi permet également de mettre en oeuvre certains fonctionnements sociaux.

Dans le cas d'Haïti, Nathalie Lamaute-Brisson6 a présenté, dans une étude parue en 2005, de nouveaux seuils, selon les calculs de l'Institut d'Études Internationales Appliquées de

6 Nathalie Lamaute-Brisson, Emploi et pauvreté en milieu urbain en Haïti, CEPALC, Août 2005, p.35

14

Norvège (FAFO), à partir des données de l'Enquête Budget-Consommation des Ménages de 1999-2000 réalisée par l'Institut Haïtien de Statistique et d'Informatique (IHSI). Calculé selon un panier alimentaire, le seuil d'indigence est de 4243 gourdes per capita et par an, alors que le seuil de pauvreté se situe à 5638 gourdes per capita et par an. Ce seuil est calculé à partir de la variable « consommation », laquelle a été préférée aux dépens de la variable « revenu » en raison des limites dans la mesure de ce dernier tant au niveau de l'observabilité qu'au niveau du concept même.

À partir de ces nouveaux seuils, la FAFO conclut que 48 % de la population haïtienne vivent en dessous du seuil de pauvreté tandis que 31,4 % sont en situation d'extrême pauvreté. La comparaison des données avancées par la FAFO avec celles présentées par Mats Lundahl, qui a lui-même utilisé le concept revenu et d'après lesquelles 76 % de la population vivent en dessous du seuil de pauvreté et 56 % en situation d'indigence, permettent de déduire une différence significative suivant les méthodes.

Globalement, il y a deux traits fondamentaux qui caractérisent l'approche traditionnelle pour mesurer la pauvreté :

? Le premier trait est que cette approche est unidimensionnelle, prenant en compte

seulement un indicateur ou une dimension de la pauvreté. En ce sens, les dimensions de la pauvreté le plus souvent utilisées sont celles basées sur une mesure monétaire : revenu ou consommation/dépense. Le revenu représente les moyens permettant d'acquérir les biens et services nécessaires pour un standard de vie minimum, tandis que la consommation indique si les besoins sont effectivement satisfaits.

? Le second trait de l'approche traditionnelle est le classement distinct de la population

en deux groupes : pauvres et non-pauvres, suivant la ligne de pauvreté. Cette ligne, en effet, peut être subjective, absolue, relative ou une combinaison de ces dernières. La ligne de pauvreté subjective peut être déterminée en demandant aux pauvres où doit se situer le niveau critique entre pauvres et non-pauvres. Dès le départ, cette approche pose problème, car le fait de demander aux pauvres suppose que ces derniers ont déjà été identifiés. La ligne de pauvreté relative, elle-même, dépend de la distribution du revenu de la population et peut être par exemple la moitié du revenu moyen de la population. La ligne de pauvreté absolue,

15

par contre, est prédéterminée et est indépendante du revenu de la population. Ce type de pauvreté peut être basé sur un certain niveau de salaire minimum, le coût d'un panier de biens considéré comme essentiel pour maintenir un certain niveau de vie. Les seuils de pauvreté déterminés pour Haïti à partir des calculs de la FAFO peuvent être classés au niveau de la ligne de pauvreté absolue.

1.1.1.2.- L'approche multidimensionnelle

L'approche traditionnelle a été développée pour répondre au besoin de mesurer la pauvreté plus directement à travers ses multiples dimensions en utilisant un seul indicateur. L'approche multidimensionnelle, par contre, prend en compte plusieurs indicateurs ou dimensions pour mesurer le bien-être d'un individu. Selon cette dernière approche, un individu est considéré comme pauvre quand un certain nombre des besoins de base ne sont pas satisfaits.

Comme pour l'approche traditionnelle, l'approche multidimensionnelle, non plus, ne fait pas l'unanimité. Il n'y a pas un consensus général concernant les dimensions du bien-être qui doivent être incluses dans une analyse de la pauvreté. Le problème est qu'il n'y a pas vraiment une méthode ou un standard pour mesurer la pauvreté multidimensionnelle. Par exemple, Boltvinik, cité par Van Der Walt (2004, p.12), établit une différence entre les méthodes qui classifient de façon séparée les différents indicateurs ou dimensions de la pauvreté (comme les indicateurs de développement humain) et les méthodes qui créent un indice composite pour toute la pauvreté (tels que l'IDH et l'IPH). Le débat concernant ces indices composites tourne autour du poids par lequel les différentes dimensions contribuent à la pauvreté. Van Der Walt cite en exemple l'IDH qui assigne des poids égaux aux trois dimensions prises en compte. Alors que chaque dimension peut ne pas avoir la même importance, en passant d'un pays à l'autre. Donc, au niveau de beaucoup d'indices de pauvreté multidimensionnelle, la question revient à savoir quel est le seuil de pauvreté pour chaque dimension.

1.1.1.3.- Les approches en termes de pauvreté humaine ou sociale

Les approches en termes de pauvreté humaine ou sociale intègrent dans les besoins fondamentaux un ensemble de biens et services qui sont fournis sur une base collective tels

16

la santé, l'éducation, l'accès à l'eau. Elles prennent en compte également l'alimentation, le vêtement et l'habitat. On utilise comme indicateur de satisfaction ou non-satisfaction de ces besoins, l'existence et l'accessibilité de ces biens et services et leur impact sur la vie des personnes (en tant qu'indicateurs sociaux, tels l'espérance de vie, la mortalité, la scolarisation...) et non leurs potentialités monétaires (leur revenu).

1.1.1.4.- Les approches en termes d'exclusion

Les approches de la pauvreté en termes d'exclusion ne se réfèrent pas uniquement aux diverses formes de privation matérielle ou de services sociaux, mais aussi à un processus de désintégration sociale, fondé sur diverses dimensions entretenant des liens étroits les unes avec les autres. On peut noter en particulier la place accordée au travail non seulement comme mode d'accès à des moyens d'existence, mais aussi comme principal vecteur de lien social et d'identité sociale.

Les approches en termes d'exclusion ne cherchent pas en premier lieu à mesurer la pauvreté, mais plutôt à comprendre à la fois en quoi celle-ci est un processus dynamique qui se produit et se reproduit, comment s'effectue l'entrée ou la sortie d'un état de privation et de marginalisation sociale, et quelles sont les institutions qui sont susceptibles de réguler l'exclusion.

1.2.- Approches théoriques sur la fécondité

On entend par fécondité, l'action reproductrice des femmes, des hommes ou, d'une manière générale, des couples d'une population. C'est le mécanisme central à partir duquel le phénomène de la croissance démographique prend corps.

Lebenstein7 est considéré comme l'un des pionniers de l'analyse économique de la fécondité. Il fait essentiellement une analyse microéconomique, avec une balance coûts-avantages dans laquelle l'enfant est considéré comme un «bien durable » auquel sont liées des dépenses directes et des avantages, donc des utilités au sens économique.

7 Problèmes Economiques # 2875, mercredi 11 mai 2005, page 15

17

L'analyse de la fécondité a été aussi un sujet d'intérêt chez le prix Nobel d'économie en 1992, l'économiste Gary Becker. Selon ce dernier, qui est allé dans le même sens que Lebenstein, la décision d'avoir des enfants ou bien de se marier, dans une société industrielle, est simplement le résultat d'une analyse coûts-avantages. L'enfant, dans une société industrielle, est assimilable à un bien de consommation. Les parents feront face à des dépenses et bénéficieront des satisfactions apportées par l'enfant. La baisse de la taille moyenne de la famille s'expliquerait par l'augmentation du coût relatif des enfants (éducation, soins, etc.).

Dans une société agricole, au contraire, l'enfant est considéré, pour Gary Becker, comme un investissement en capital dans la mesure où il peut travailler jeune et contribuer à l'augmentation du revenu familial. L'analyse du mariage est ainsi assimilée à celle de la constitution d'une firme.

Par ailleurs, pour R.A. Easterllin8, les variations de la fécondité seraient liées aux conditions d'insertion des jeunes entrants sur le marché du travail. R.A. Easterllin a observé que la fécondité aux États-Unis, par exemple, suit des cycles d'expansion et de dépression. Selon lui, une cohorte à faible effectif permet une meilleure insertion sur le marché du travail, un meilleur niveau de vie, et donc une plus grande fécondité. Il en résulte vingt ans plus tard une cohorte plus nombreuse, une insertion plus difficile et donc une moindre fécondité. Cette théorie prédisait ainsi une reprise de la fécondité dans les années quatre-vingt et un nouveau baby-boom. La théorie d'Easterllin établit une relation positive entre le niveau de vie et la fécondité. Une approche qui est en contradiction avec le point de vue de Gary Becker concernant les sociétés industrielles, selon lequel la décision d'avoir un enfant est le résultat d'un arbitrage avantages-coûts.

1.3.- Revue de littérature

1.3.1.- Revue théorique

Plusieurs grandes idées dominent le débat autour du lien entre la croissance l'économie et la démographie et de l'impact de l'évolution de l'un sur l'autre. Jean Bodin fait partie des tous premiers penseurs à aborder ce sujet. Au 16e siècle déjà, il considérait les

8 Ibidem

18

hommes comme étant la richesse d'une nation, de sorte que si leur nombre augmente, la production suivra automatiquement. Par sa fameuse déclaration - « Il n'est de richesse que d'hommes »- Jean Bodin9 présentait la croissance démographique comme un facteur favorable à la croissance économique. Cependant, il faut situer le point de vue de Jean Bodin dans son contexte, où la puissance de l'État reposait sur la conquête de territoires. De plus, au 16e siècle, la taxe sur les têtes représentait une source de revenu importante pour les États. Il est compréhensible que l'homme ait été la véritable richesse aux yeux de Jean Bodin.

Par la suite, la pensée a évolué, compte tenu de l'évolution aussi de certaines réalités à l'échelle mondiale. Ainsi, Thomas Robert Malthus10, dans son ouvrage intitulé « Essai sur le principe de population » publié en 1798, soutient la thèse que la croissance démographique est défavorable à la croissance économique. C'est la position pessimiste. Selon Malthus, la population croit selon les termes d'une suite géométrique, alors que les substances croissent selon les termes d'une suite arithmétique. D'où le fait qu'il y aura nécessairement pénurie s'il n'existe aucun contrôle sur la croissance démographique. Malthus s'inspire de la loi des rendements décroissants de la production agricole pour expliquer cet écart entre les ressources et la population. De l'avis de Malthus, l'un des arguments expliquant l'impact négatif de la croissance démographique sur la croissance économique est que, avec une forte croissance démographique, la population tend à dépasser les ressources rares disponibles.

La thèse de Malthus avait surtout beaucoup de mérite pour l'époque où elle a été introduite, une période où la transition démographique était à son paroxysme en Angleterre11, avec un accroissement naturel considérable. Mais, elle s'est montrée dépassée dans le temps avec le progrès technique et le constat qu'un ensemble de pays sont parvenus à avoir une croissance économique élevée, même avec une forte croissance démographique. Le cas au vingtième siècle de certains pays de l'Asie dont la Chine et l'Inde en est l'illustration. Karl Marx12 critiquant la thèse de Malthus, avait déjà insinué que la surpopulation n'est que relative et qu'elle est la conséquence de l'état des techniques à un moment donné.

9 Emilie Canalis, Corinne Ebert, Croissance et population, Licence Analyse et Politiques économiques, Année 1999-2000, p 10.

10 Ibidem

11 Ibidem

12 Ibidem

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D'un autre coté, au milieu des années soixante, Esther Boserup13 est venue avec la thèse de la pression créatrice, selon laquelle, ce n'est pas la richesse qui détermine la population, mais la population qui détermine la richesse. Car, avance cette thèse, la population fait pression sur l'amélioration des techniques de production. Cette position est qualifiée d'optimiste. Donc, la croissance démographique jouerait un rôle moteur dans les changements techniques. Des auteurs comme Simon Kuznets et Julian Simon14 abondent dans le même sens que Boserup en soutenant que l'ingéniosité des hommes s'améliore à mesure que la population croît. Kuznets et Simon croient qu'une société plus large implique des capacités d'avoir des avantages et des économies d'échelles, donc un meilleur positionnement pour se développer.

La thèse de Boserup est à l'opposé de celle de Malthus, tout en admettant que plus d'un siècle et demi sépare les deux auteurs qui ont dû fonder leurs analyses sur des constats différents. Toutefois, ces deux thèses ont pour cadre commun une économie dominée par l'agriculture (Doliger, s.d, p.2). En clair, et Malthus, et Boserup avaient une certaine part de raison chacun. Car, beaucoup de sociétés souffraient de surpopulation alors que certaines sont parvenues à décoller en dépit d'une pression démographique considérable. Alors comment trouver le juste milieu ?

Alfred Sauvy, pour sa part, croit qu'il n'y a pas de corrélation directe entre croissance démographique et croissance économique, car tous les cas existent. Cette position est dite neutraliste. D'après la thèse de Sauvy15, on peut avoir une croissance démographique faible avec en parallèle une croissance économique faible ou encore une forte croissance de la population accompagnée d'une faible croissance économique ou bien encore à la fois une faible croissance démographique et une forte croissance économique. D'où l'on parle dans le cas de Sauvy de la thèse de l'optimum de la population.

Pour un auteur comme Allen C. Kelley16, la relation entre démographie et pauvreté peut être observée à deux niveaux : le niveau micro et le niveau macro.

13 Cédric Doliger, Démographie et croissance économique en France après la seconde guerre mondiale : une approche cliométrique, Faculté des Sciences économiques, Université de Montpellier I, p.2

14 Allen C. Kelley, Population and Economic Development, s.d, p.8

15 Emilie Canalis, Corinne Ebert, Croissance et population, Licence Analyse et Politiques économiques, Année 1999-2000, p 11

16 Allen C. Kelley, The Impacts of Rapid Population growth on Poverty, food provision, and the environnement; Duke University. 1998, 29 p

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Au niveau micro, une expansion de la croissance de la population contribuera à augmenter la force de travail. Dans un premier temps, on assistera à une diminution relative du rendement du travail (salaire) et une augmentation relative du rendement pour les propriétaires de capitaux, terre et ressources naturelles.

Sur le plan macroéconomique, le plus important déterminant de la pauvreté est l'allure et la vitesse de l'activité économique dans son ensemble, et spécialement l'emploi. Dans les pays où la terre et les ressources naturelles sont relativement rares, où les ressources allouées à l'éducation et à la santé sont insuffisantes, où les marchés et les institutions gouvernementales sont faibles, un fort taux de croissance démographique affectera négativement la croissance économique et l'emploi, et par conséquent alimentera la pauvreté dans le pays.

Au niveau des ménages, l'impact d'une augmentation de la population sur la pauvreté est plus complexe. Au niveau le plus simple, la naissance d'un enfant augmentera, selon Allen C. Kelley, la probabilité d'appauvrissement du ménage par le fait que les ressources, déjà limitées, devront être distribuées entre plus de membres de la famille. Allen C. Kelley ne fait pas de différence entre les sociétés industrielles et agricoles.

Selon Borrce (1973), l'augmentation rapide de la population dans les pays en développement (PED) est considérée comme une importante barrière pour le processus de développement. Une position que Allen C. Kelley a corroborée dans une étude titrée « The impacts of rapid population growth on poverty ».

Thirlwal (1973) soutient de son coté, que la relation entre croissance démographique et développement économique est très complexe, particulièrement quand il s'agit de déterminer les causes et les effets. Pour Thirlwal, l'augmentation rapide de la population du Tiers-Monde n'est pas seulement synonyme d'obstacle au développement. L'auteur croit qu'il y a beaucoup de situations dans lesquelles, la croissance de la population peut être un stimulant au progrès, et qu'il existe bien des raisons rationnelles expliquant pourquoi les familles dans les pays en développement choisissent d'avoir beaucoup d'enfants. Il a déclaré que la complexité du sujet dépend du fait que le développement économique est un concept multidimensionnel. Thirlwal cherche à adopter une position relativiste dans la même lignée que Alfred Sauvy, à qui l'on doit la paternité de la position dite neutraliste.

Le débat a depuis évolué pour laisser le simple stade de la liaison entre croissance démographique et croissance économique. Les néo-malthusiens abondent à peu près dans ce

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sens en étudiant de préférence la relation entre croissance démographique et développement. Dans les PED en particulier, la croissance économique est considérée de plus en plus non pas comme une finalité en soi mais comme un moyen pour arriver au développement. Car, leur priorité - le développement - ne saurait être atteint sans un niveau de croissance acceptable. Il en est de même pour arriver à réduire la pauvreté. Il faut pouvoir produire a priori une certaine quantité de richesses qu'il faudra répartir par la suite en vue de satisfaire les besoins de la population. Dans le cas d'Haïti, c'est à ce niveau que le problème est posé. De 1980 à 2003, la production de richesses dans le pays n'a pas beaucoup augmenté. Entre-temps, comment la situation a-t-elle évolué sur le plan de la satisfaction des besoins de base ?

Ce travail se veut donc un effort d'aller au-delà d'une simple comparaison entre croissance démographique et croissance économique pour mieux comprendre plutôt les incidences de l'augmentation de la population durant la période 1980-2003 sur le niveau de pauvreté en Haïti, suivant l'approche en termes de pauvreté humaine ou sociale.

1.3.2- Revue empirique

Cette partie du travail entend présenter, suivant une approche synthétique, certains travaux réalisés dans le cas de certains pays, dont Haïti, faisant face à des problèmes criants de pauvreté.

1.3.2.1.- Revue empirique globale

Une étude récente sur la croissance rapide de la population du Ghana, réalisée par Eric Boadu17 et particulièrement importante dans le cadre de ce travail, a permis à ce dernier d'aboutir à des conclusions pertinentes concernant l'impact de la croissance démographique sur la croissance économique. Au Ghana, il y aurait un consensus, entre intellectuels et politiciens, selon lequel, la croissance rapide de la population n'encourage pas la croissance économique et qu'on aurait plus rapidement une amélioration dans l'économie sans cet obstacle. Boadu a réalisé que les pauvres donnent naissance à beaucoup d'enfants car ces derniers sont considérés comme des sources de sécurité économique quant les parents deviennent vieux.

17 Eric Adjei Boadu, Rapid Population Growth And Development in Ghana, Department of Geography & Resource Development, University of Ghana, s.d, 26 pages

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En effet, les problèmes pauvreté et de population causent du souci un peu partout à travers le monde. La préoccupation est encore plus grande dans les pays dit sous-développés. Les travaux réalisés, par exemple, par le Centre de développement de l'OCDE sur ce double thème sont nombreux. Dans un travail réalisé sur le Brésil18, l'OCDE fait ressortir l'inégalité criante et la pauvreté qui ravagent ce pays. Cette étude montre l'accroissement naturel soutenu au Brésil et l'appauvrissement de certaines couches de la société, en raison du rythme de croissance accéléré de la population.

Dans ses études, l'OCDE accorde également une importance grandissante à l'Afrique et plus particulièrement à l'Afrique Sub-Saharienne, une des régions du monde où la pauvreté est très répandue et très criante. Plusieurs enseignements sont apportés dans les études de l'OCDE sur la pauvreté en Afrique. Des données individuelles fiables sur la taille et le poids des enfants qui reflètent la pauvreté des parents ont pu être collectées ainsi que de nombreux indicateurs nationaux de pauvreté tels que le pourcentage de personnes touchées par la malnutrition d'après la FAO et les pourcentages de pauvres en fonction de plusieurs seuils : les seuils constants de pauvreté absolue de un (1) dollar et deux (2) dollars par jours de la Banque Mondiale, ainsi que le seuil flexible de pauvreté absolue ZAT19 estimé par Ali et Thorbecke. Dans ces pays, où l'accès à certains services de base, quand ils existent, est très difficile et où la satisfaction des besoins de première nécessitée est souvent impossible pour une grande partie de la population, l'augmentation de la population même à un niveau minime a des effets plus que proportionnels sur la pauvreté.

En France, une étude réalisée à l'Université de Montpellier I (France) par le professeur Cédric Doliger20, cherche à déterminer une éventuelle relation entre la croissance économique et la démographie dans ce pays depuis 1950. Les résultats obtenus confirment l'existence de relations entre la croissance économique et la démographie : une relation directe de la croissance vers la population, c'est-à-dire qu'une plus forte croissance économique influence directement et positivement la croissance de la population via la fécondité et une relation indirecte de la population vers la croissance par l'intermédiaire de

18 Fernanda Lopes de Carvalho, Fighting Extrem poverty In Brazil : The Influence of Citizens' Action on Gouvernement Policies, 1998, 36 p.

19 Estimation du seuil de pauvreté, réalisée par Ali et Thorbecke en 1998. D'après le seuil ZAT, le pourcentage de pauvres baisse à mesure que l'inégalité des revenus diminue et que le revenu moyen augmente.

20 Cédric Doliger, Démographie et croissance économique en France après la deuxième guerre mondiale : une approche cliométrique, 2005, Presses de l'ISMEA, Paris

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variables économiques telles que la consommation et l'investissement. Doliger a constaté que c'est la classe la plus jeune de la population qui dynamise l'économie française depuis 1950, et donc que l'attention doit être porté essentiellement sur la natalité et les facteurs influant sur la décision d'avoir des enfants (Easterlin et al.). Ensuite, il a remarqué que cette relation entre les sphères économiques et démographiques s'exerce via le marché du travail, notamment à travers les salaires et le chômage. Ce qui l'a porté à affirmer au sens de la théorie d'Easterlin que la régulation de la fécondité passe par le marché du travail.

1.3.2.2.- Revue empirique dans le cas d'Haïti

Plusieurs études réalisées en Haïti tentent de comprendre ou d'expliquer le phénomène de la pauvreté à travers les mouvements de population. Dans une étude réalisée en 2001, F.-G. Chéry (2001), présente les migrations internes et externes comme des dispositifs d'accès aux richesses dans l'économie haïtienne21. Il justifie sa position par le fait que « la migration et l'enfant sont des moyens d'accéder à la monnaie ou aux richesses dans une économie où les transactions réalisées à partir de la monnaie sont limitées. » D'un autre coté, il cite Girault (idem, p. 90), abordant le problème dans un sens malthusien, et pour qui l'émigration est un moyen pour échapper à la pauvreté. Gérald Chéry, rejetant partiellement la thèse de Girault, soutient plutôt que l'émigration constitue une sorte de mobilisation de la main-d'oeuvre dans une société qui n'accumule pas ses richesses.

En effet, la société haïtienne est dominée dans une large mesure par une conception pro-nataliste. Ce qui est le cas aussi pour beaucoup d'autres pays sous-développés. Du fait que les membres de la société ne peuvent pas trop compter sur un emploi salarié ou sur une capitalisation marchande de la force de travail ou encore sur une protection sociale de l'État, ils visent une capitalisation économique des enfants et de la famille élargie à partir d'une projection nataliste (Gérald Chéry, 2001, p.92). Cela aboutit généralement à un taux de fécondité par femme élevé. Mais, on a constaté que ce taux a baissé durant les vingt dernières, passant de 6,3 enfants par femme en 1987 (EMMUS I) à 4,8 enfants par femme en 1994 (EMMUS II), pour arriver à 4,7 enfants par femme en 2000 (EMMUS III). Qu'est-ce

21 Frédéric Gérald Chéry, Ajustement économique, monnaie et institutions dans l'économie haïtienne, Thèse de doctorat, Université Paris III, 2001, p.89.

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qui a favorisé ce changement ? F-G Chéry suggère comme réponse à cette baisse au niveau du taux de fécondité, la plus grande considération accordée à l'éducation dans les familles haïtiennes22. En effet, l'éducation est présentée effectivement de plus en plus comme un facteur pouvant accroître les chances de réussite sociale. Dans le concret, une augmentation en termes d'utilisation de la contraception a été constatée. Alors que le taux d'utilisation de la contraception a été seulement de 6,5 % en 1987 (EMMUS I), il est passé à 18 % en 1994 (EMMUS II), pour se situer à 28 % en 2000. Les enquêtes EMMUS confirment que plus le niveau d'éducation des femmes est élevé, plus important est le taux d'utilisation de la contraception.

Dans une étude visant à identifier les causes de l'augmentation de la pauvreté en Haïti, Rémy Montas23 insiste lui aussi sur l'importance du facteur démographique. « La croissance négative du PIB par habitant et l'augmentation de la population dans un contexte d'inflation persistante ont poussé des milliers de ménages additionnels dans la pauvreté absolue entre 1980 et 2003 en dépit d'une légère hausse de la consommation moyenne due essentiellement à l'accroissement des transferts sans contrepartie» (Montas, 2003, p. 3). Parmi les causes spécifiques de la persistance d'un taux de pauvreté élevé entre 1981 et 2000 ainsi que de l'augmentation du taux de pauvreté entre 2000 et 2003, Rémy Montas souligne la fuite de cerveaux par l'émigration de professionnels et de techniciens qualifiés, laquelle affecte la productivité de l'économie haïtienne, sa compétitivité et sa capacité à absorber l'épargne externe, notamment l'assistance externe.

Pour Mats LUNDAHL, ce sont surtout les forces politiques combinées à des facteurs structurels, comme la croissance démographique et l'érosion, qui sont responsables de l'appauvrissement rural et non les imperfections du marché24. Pour lui, ceux qui dénoncent les imperfections du marché exagèrent, car les marchés tendent à être compétitifs dans la plupart des cas, à moins que les forces politiques n'interviennent. La passivité et la

22 Idem, p.

23 Rémy Montas, Haïti : Les causes de l'augmentation de la pauvreté entre 1981 et 2003, Novembre 2003

24 LUNDAHL Mats, « Forces économiques et politiques du sous-développement haïtien » Laennec HURBON, Les transitions démocratiques. Actes du Colloques international de Port-au-Prince, Paris, Syros, 1996, pp. 243263. Voir aussi LUNDAHL Mats, Peasants and Poverty : Astudy of Haiti, Londres, 1979 ; The Haitian Economy, man, land and Markets, Londres, Canberra, 1983.

corruption des détenteurs des pouvoirs politiques, le manque de progrès technologique, la prévalence de maladies infectieuses et les carences nutritionnelles, tout ce ci dans un contexte de croissance démographique relativement importante, sont les principaux déterminants de cet appauvrissement.

De l'analyse de la banque mondiale, les causes fondamentales de la pauvreté du pays résident essentiellement dans sa longue histoire d'instabilité politique et son manque de gouvernance25. Entre autres facteurs, elle souligne la corruption, une croissance insuffisante résultant des distorsions enregistrées au niveau macroéconomique et du faible niveau des investissements privés, et des investissements insuffisants dans le capital humain et de leur concentration dans le milieu urbain. Ces facteurs, couplés au rythme de croissance de la population, interagissent entre eux pour déboucher sur une spirale descendante. Pour la Banque, Haïti est ainsi prise dans le piège de la pauvreté - `'Poverty Trap"- pour lequel les issues semblent incertaines.

25

25 WORLD BANK, Haïti: The challenges of poverty reduction, August, 1998.

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Chapitre II : Tendances démographiques en Haïti

Ce chapitre est consacré à l'étude des tendances démographiques en Haïti pour la période 1980-2003, à travers certains indicateurs tels : la natalité, la fécondité, la mortalité, l'émigration, l'urbanisation. Notre démarche se base sur l'hypothèse que l'évolution des des variables démographiques considérées n'est pas influencée par les politiques nationales de population, mais plutôt résulte des initiatives individuelles pour échapper à la pauvreté.

2.1.- Politiques de population en Haïti

Au cours du mois de juillet 2000, un document fixant les directives nationales en matière de politique de population a été publié sous la direction de la Secrétairerie d'État à la Population (SEP). Selon les auteurs de ce document, celui-ci s'inscrit dans le cadre des recommandations formulées à la Conférence Internationale sur la Population et le Développement (CIPD), tenue au Caire (Egypte) en 1994, qui proposait notamment une nouvelle stratégie mettant l'emphase sur les nombreux liens existant entre population et développement et sur la nécessité de satisfaire en priorité les besoins des femmes et des hommes plutôt que de poursuivre des objectifs démographiques proprement dits.

La vision exprimée dans le document de politique de population publié en l'an 2000 s'articule autour des axes stratégiques suivants :

1. Gestion des variables démographiques incluant la mortalité, spécifiquement la mortalité maternelle et infantile ; la natalité et la fécondité ; la migration.

2. Promotion de l'équité de genre.

3. Plaidoyer en faveur du droit reproductif.

4. Promotion de l'intégration des variables démographiques dans les plans sectoriels de développement.

Pour parvenir à la mise en application de la Politique nationale de population, le document prévoit les actions suivantes :

i. Le renforcement des collectivités territoriales et des capacités institutionnelles nationales ;

ii. L'intégration des interventions publiques ;

iii. La promotion de la participation communautaire ;

iv. La structuration et la formalisation du partenariat secteur public/secteur privé.

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Le document publié en 2000 fait suite à un précédent travail paru en 1986 qui fixait les grandes lignes d'une politique de population à l'horizon 2000 en Haïti. En effet, vers le début des années 80, on constatait déjà une énorme pression sur les infrastructures économiques et sociales en raison de la croissance démographique. L'accélération de la migration des habitants des campagnes vers les villes a renforcé la pression sur les infrastructures urbaines. La capacité des équipements collectifs à satisfaire la demande se trouvait déjà en nette diminution. De même, le marché du travail se trouvait incapable à satisfaire les nombreuses demandes d'emploi provoquées par l'augmentation du niveau de chômage. Dans le même temps, les ressources naturelles ne cessaient de diminuer. Il s'en est résulté une dégradation accélérée de l'environnement.

Ainsi, en 1983, le gouvernement, à travers le Ministère du Plan, a pris la décision de créer un groupe de travail ad hoc avec la participation de représentants de l'IHSI, du Département de la Santé Publique et de la Population (DSPP) et du Département du Plan. La mission principale de ce groupe de travail était de :

- Définir les grandes lignes d'une politique de population pour Haïti ;

- Proposer le cadre institutionnel capable d'assurer la formulation, le suivi et l'évaluation de cette politique.

Les raisons ne manquaient pas pour justifier la démarche du gouvernement. Le groupe de travail avait prévu que toute expansion démographique non contrôlée poserait dans le futur des problèmes sérieux pour le développement économique et social du pays. À cet effet, il a proposé dans son rapport tout un train de mesures à appliquer sur le plan démographique à l'horizon 2000. D'une part, il a fixé des objectifs à atteindre et proposé, conformément à sa mission, des mesures à appliquer pour y parvenir.

Les objectifs et mesures de politique de population relevaient de cinq ordres:

1. Objectifs et mesures relatifs à la natalité et à la fécondité

2. Objectifs et mesures relatifs à la morbidité et à la mortalité

3. Objectifs et mesures relatifs à la migration interne et à la distribution spatiale de la population

4. Objectifs et mesures relatifs à la migration internationale

5. Mesures relatives à la collecte, l'analyse, la recherche et l'enseignement nécessaires au suivi de la politique de population

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Cependant, à travers le document de politiques de population publié en 1986, plusieurs variables économiques intermédiaires qui expliquent les évolutions démographiques n'ont pas été prises en compte. Ce document ne prévoit pas de mesures spéciales pour garantir un meilleur accès à l'emploi aux nombreuses familles qui capitalisent sur l'enfant comme une source de revenus future. De même, nous ne relevons pas dans ce document de dispositions pour renforcer le système de protection sociale, dans un contexte où la famille élargie constitue une forme de réponse au vide créé par l'absence d'un système de protection sociale de l'État.

2.1.1.- Objectifs et mesures relatifs à la natalité et à la fécondité

À travers le document de politique de population élaboré dans les années 80, le gouvernement s'était fixé pour objectif en matière de natalité et de fécondité de réduire le niveau de telle sorte que le taux brut de natalité puisse passer de 36 pour 1000 à 20 pour 1000 en l'an 2000 et le nombre moyen d'enfants nés vivants de 5,48 à 3 enfants par femme.

Il était prévu aussi que soit accordée une attention particulière à la diminution du niveau de la fécondité des femmes en milieu rural. Concernant cette catégorie, le gouvernement s'était proposé de réduire le nombre moyen d'enfants nés vivants de 6,16 à 3,40 enfants par femme rurale en l'an 2000, soit une réduction de 45 % en une vingtaine d'années.

En milieu urbain, le nombre d'enfants nés vivants devait passer de 3,97 à 2,40 enfants en l'an 2000, soit une réduction de 40 %.

En ce qui concerne les mesures, le gouvernement avait prévu de ne pas avoir recours à la coercition pour parvenir à réduire le taux de natalité, mais plutôt comptait, à travers certains programmes, de fournir à chaque couple, sur toute l'étendue du territoire de la République, les moyens d'assurer la régulation des naissances.

D'une manière plus détaillée, on peut citer dans l'éventail des mesures prévues :

1. La mise en oeuvre de programme de protection materno-infantile et de planification familiale en vue de faire passer le pourcentage de femmes utilisant la contraception de 25 % à 60 % en l'an 2000 ;

2. La promotion de l'allaitement maternel ;

3. Amendement de la loi sur l'avortement pour permettre aux femmes souhaitant le pratiquer de bénéficier des facilités offertes par les hôpitaux et les cliniques.

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En considérant la stratégie gouvernementale pour réduire le taux de natalité et le taux de fécondité, il y a lieu de constater que, si effectivement les mesures envisagées n'étaient pas de nature contraignante, elles n'étaient pas non plus de nature incitative. Le fait de mettre en place des programmes ne signifie nullement que les concernés vont trouver de l'intérêt pour s'y adhérer. Avant tout, le choix d'avoir un certain nombre d'enfants, comme évoqué précédemment, est lié à des considérations d'ordre économique. Pour porter les familles à modifier leurs décisions préalables, des mesures incitatives d'ordre économique ne devaient pas être négligées.

2.1.2.- Objectifs et mesures relatifs à morbidité et à la mortalité

Au niveau des objectifs, le gouvernement s'était proposé de réduire les niveaux de mortalité et de morbidité en faisant passer d'ici l'an 2000 l'espérance de vie à la naissance de 48 ans à 65 ans et le taux brut de mortalité de 17 pour 1000 à 8 pour 1000.

La priorité devait être accordée à la lutte contre la mortalité infantile. À cet effet, il était prévu de faire passer le taux de mortalité infantile de 124 pour mille à 50 pour 1000 en l'an 2000.

En ce qui a trait aux mesures retenues, le gouvernement se donnait pour objectifs

de :

1. Développer la médecine préventive pour diminuer les cas de mortalité aux moyens de programmes de vaccination et de prévention des gastroentérites et des parasitoses, et de généralisation de la formation d'agents de santé sur l'ensemble du territoire.

2. Promouvoir l'allaitement maternel

3. Contrôler les prix des médicaments importés

4. Mettre en place des pharmacies communautaires

5. Réduire la malnutrition

6. Améliorer la répartition du revenu

7. Augmenter le niveau d'éducation de la population

8. Implanter des infrastructures sanitaires de base (latrines, adduction d'eau potable)

2.1.3.- Objectifs et mesures relatifs à la migration interne et à la distribution spatiale de la population

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En matière de migration interne et de distribution spatiale de la population, le gouvernement se donnait pour objectifs de :

- Réduire la croissance de la population rurale ;

- Stabiliser le taux d'accroissement de la population de l'Aire Métropolitaine en vue d'atteindre une population de 2 millions d'habitants en l'an 2000 ;

- Accélérer la croissance des quatre plus grandes villes dont trois capitales régionales : Cap-Haïtien, Gonaïves, les Cayes et Saint-Marc dont les populations devront dépasser 200 000 habitants pour la première et 100 000 habitants pour les trois autres. De même, Port-de-Paix, Jérémie, Jacmel, Hinche et Petit-Goave devaient avoir une population de plus de 50 000 habitants en l'an 2000 ;

- Développer les villes moyennes en faisant passer leur nombre d'habitants dans un intervalle compris entre 20 000 et 30 000 habitants ;

- Accélérer la croissance de tous les autres chefs-lieux de commune, de sorte que leur population ne soit pas inférieure à 2000 habitants en l'an 2000.

Les mesures à adopter relevaient principalement de deux sortes :

1. La promotion des individus et des collectivités haïtiennes et l'atténuation des disparités entre les modes et les niveaux de vie des diverses catégories sociales ;

2. La promotion d'un développement régional équilibré sur le territoire et la maîtrise de la croissance de Port-au-Prince et de l'occupation de l'espace.

2.1.4.- Objectifs et mesures relatifs à la migration internationale

Sur le plan de la migration internationale, le principal objectif était de faire passer le taux de migration de 5 pour 1000 à 0 pour 1000 en l'an 2000.

Les mesures à appliquer pour atteindre cet objectif devaient toucher à plusieurs aspects. Elles visaient surtout à :

1. Augmenter la production nationale et améliorer la répartition du revenu national ;

2. Aménager de façon plus rationnelle l'émigration saisonnière et temporaire des travailleurs haïtiens vers la République dominicaine et les autres pays voisins ;

3. Favoriser le retour des retraités haïtiens vivant à l'étranger ;

4. Augmenter le contrôle aux frontières maritimes et terrestres pour empêcher l'émigration clandestine ;

5. Inciter les émigrés à revenir plus souvent dans le pays ;

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6. Encourager les hommes d'affaire haïtiens résidant à l'étranger à venir investir dans le pays.

En acceptantt que, dans l'économie haïtienne, l'émigration est considérée comme une forme de mobilisation de la main-d'oeuvre (F-G Chéry, 2001), toute stratégie visant à diminuer le flux des migrants haïtiens en direction de l'extérieur devrait supposer a priori la création de conditions pour un meilleur accès à l'emploi. Or, le document de politiques de population n'a pas insisté sur les mesures précises à adopter pour inciter les éventuels migrants à rester chez eux en leur fournissant des conditions de travail satisfaisantes.

2.2.- La situation démographique

Durant ces vingt dernières années, la population haïtienne a connu un accroissement considérable. Selon les projections démographiques calculées par l'IHSI conjointement avec le Centre Latino-américain de Démographie (CELADE), à partir du recensement de 1982, la population d'Haïti serait de l'ordre de 7 200 000 habitants en 1995 et atteindrait le seuil de 8 000 000 en l'an 2000. Le taux de croissance démographique prévu était de 2 % l'an. Les résultats définitifs du Recensement Général de la Population et de l'Habitat, réalisé en 2003, ont non seulement confirmé ces prévisions mais aussi montré une évolution plus rapide de la population. Selon ces résultats, la population totale d'Haïti est estimée à 8 373 750 habitants au 12 janvier 2003. Alors qu'en 1980, Haïti comptait moins de 5 053 792 habitants. Au cours de la période 1980-2003, la population haïtienne a été donc marquée par une certaine accélération en termes de croissance, ayant progressé suivant un rythme annuel de 2,5 % l'an.

2.2.1.- Structure de la population

La structure démographique par âge montre une population jeune en Haïti. Les résultas définitifs du IVe RGPH révèlent que plus de la moitié de la population haïtienne a moins de 20 ans. Les moins de 15 ans représentent 40 % de la population totale (dont 15 % de moins de 5 ans).

Par ailleurs, les actifs entre 15 et 64 ans révolus représentent plus de la moitié de la population, soit 56 %. De ce pourcentage, on compte 25 % de femmes en âge de procréer (15 à 49 ans). Ce qui fait dire que les personnes à charge représentent 44 % de la population.

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La structure de la population suivant le sexe indique une sous-représentativité des hommes par rapport aux femmes dans la population haïtienne. Les femmes représentent en effet 51,8 % d'âmes dans le pays, contre 48,2 % d'hommes.

GRAPHIQUE #...

Pyramide des âges de la population totale du pays en 2003

Source : RGPH-2003

2.2.2.-Urbanisation

Le rythme d'urbanisation a connu une certaine accélération au niveau de tous les départements géographiques du pays durant la deuxième moitié du vingtième siècle. Cette tendance a demeuré jusqu'au début des années 2000.

L'Institut Haïtien de Statistique et d'Informatique fait état d'un pourcentage de 40,8 % d'habitants vivant en milieu urbain en 2003, contre 24,5 % en 1982, date du précédent

33

recensement26. Ce rythme d'urbanisation est favorisé par l'arrivée de nombreux migrants du monde rural dans les villes, en quête de mieux-être. Une masse de gens partis à la recherche de meilleures conditions de vie et de travail se déverse dans les villes. Une extension de la superficie habitée, accompagnée d'une prolifération des bidonvilles est observée dans les grandes villes du pays (particulièrement à Port-au-Prince, Cap-Haïtien, Gonaïves, St-Marc, Cayes). Des quartiers suburbains comme ceux de Cité-Soleil à Port-au-Prince, de la Fossette au Cap-Haïtien et de Raboteau aux Gonaïves sont peuplés en grande partie de nouveaux venus, provenant du monde rural et qui sont entassés dans des logements exigus et insalubres, dépourvus le plus souvent des services les plus élémentaires. La ville de Port-au-Prince, particulièrement, connaît une extension anarchique, sans aucun plan d'urbanisme. Dans beaucoup d'endroits, les maisons remplacent les plantations ou les arbres, comme c'est le cas dans la plaine du Cul-de-Sac et au morne l'Hôpital. Avec ces transformations non planifiées, la ville de Port-au-Prince est davantage exposée aux catastrophes naturelles.

En effet, près du quart de la population de l'Aire métropolitaine de Port-au-Prince, soit 24,7 %, est constitué de migrants27. De 1982 à 2003, la population urbaine totale du pays a crû suivant un rythme de 4,7 % l'an, alors que le taux de croissance a été de 3,5 % de 1971 à 198228.

Il convient toutefois de souligner que le critère de définition de la zone urbaine n'a pas été le même en 1982 qu'en 2003. Au recensement de 1982, le critère de définition de la zone urbaine était surtout administratif. Était considérée comme urbaine, la population qui résidait dans les chefs-lieux de communes et dans les quartiers, tels que définis par la loi. En 2003, la définition adoptée a été plus large. L'espace urbain inclut non seulement le chef-lieu de commune, tel que considéré physiquement, mais aussi le prolongement du chef-lieu en milieu rural.

2.2.3.- Migration

Les mouvements de population en Haïti ont été très importants ces dernières années, sous l'effet de facteurs d'ordre structurel que conjoncturel. Durant les périodes de crises politiques, ils se sont montrés encore plus intenses. Par exemple, durant la période allant de

26 IHSI, RGPH-2003

27 IHSI, ECVH-2001

28 IHSI, RGPH-2003

34

1991 à 1994, beaucoup d'individus ont laissé le pays pour se mettre à l'abri des turbulences politiques ou pour échapper aux effets de l'embargo économique imposé à Haïti. Au cours de cette même période également, un nombre considérable de gens ont laissé la capitale en direction des provinces pour s'éloigner des tensions prévalant à Port-au-Prince. Le rétablissement de l'ordre constitutionnel en 1995 n'a pas été suffisant pour freiner la vague de la migration en direction de l'extérieur. En général, quand le climat politique connaît une certaine accalmie, les facteurs structurels reviennent au premier plan et contribuent à maintenir le flux d'Haïtiens qui cherchent à s'établir à l'étranger.

Avant la période 1991-1994, et après, le pays a été marqué dans l'ensemble, par deux types de migration : une migration interne et une migration externe.

2.2.3.1.- Migration interne

Les causes de la migration interne dans l'économie haïtienne sont diverses. La première cause que nous pouvons considérer est logiquement les crises politiques, comme évoquée plus haut.

Si par moments, la migration de la ville vers la campagne s'avère effectivement importante, le mouvement inverse est, par contre, beaucoup plus constant. Le phénomène de la migration interne en Haïti prend surtout la forme d'exode rural.

On peut identifier une migration interne due à l'activité dans le secteur agricole. L'agriculture étant l'activité économique qui mobilise la proportion la plus importante de la population active, les cultivateurs partent souvent en quête d'opportunités dans des territoires jugés plus appropriés. De cette façon, des nouveaux liens sont tissés entre les cultivateurs et la terre d'accueil, qui aboutissent parfois au déplacement de toute une famille.

Sur un autre plan, la migration peut être interprétée à l'aide d'une succession d'étapes : d'abord, de la campagne vers les villes, et ensuite, des villes vers la capitale. Cette succession se fait par exemple pour avoir accès à certains services. La grille d'équipements urbains dans les petites villes et les villes moyennes est souvent limitée. En particulier, il y a certains besoins qui ne peuvent être satisfaits qu'à Port-au-Prince. Souvent la migration vers les petites villes ou les villes moyennes constituent une étape pour arriver à Port-au-Prince, la destination finale, si l'on s'en tient seulement à la migration interne. Cependant, parfois les petites villes et les villes moyennes ne servent même pas de transit. Le mouvement se fait directement de la campagne vers la capitale.

35

Bien que les études consacrées à l'exode rural soient peu nombreuses en Haïti, les rares informations disponibles confirment l'ampleur dramatique de ce phénomène. Certes, l'arrivée massive de migrants met une main-d'oeuvre abondante à la disposition de certains secteurs de l'économie comme l'industrie de la sous-traitance, mais elle se fait à un rythme tellement intense que la capacité d'accueil des principales villes du pays se trouve débordée. La plupart des nouveaux venus ne font que grossir le nombre de pauvres en milieu urbain, avec tout ce que cela implique au niveau de l'organisation de l'espace urbain (urbanisation accélérée, pauvreté urbaine, pression sur les services sociaux, accroissement du chômage urbain...). Alors que dans le même temps, le nombre de bras au service de l'agriculture se trouve en nette diminution.

Au moment de la réalisation de la dernière Enquête sur les Conditions de Vie en Haïti (2001), 12,1 % de la population haïtienne ne résidaient pas dans leur département d'origine, c'est-à-dire le département de naissance de l'individu ou de résidence de la mère au moment de la naissance de l'individu. La proportion de migrants est plus importante chez les femmes : 13,4 % des femmes ont migré de leur département d'origine au département de résidence au moment de l'enquête, contre 10,7 % des hommes. On constate également une migration plus forte chez les ménages les plus riches. 24,6 % des ménages les plus riches ont quitté leur département d'origine contre 5,3 % de ceux issus des ménages les plus pauvres.

La migration interne revêt des dimensions multiples. Elle ne dépend pas spécifiquement des conditions de vie ou du sexe du migrant.

2.2.3.2.- Migration externe

Le mouvement migratoire haïtien vers l'extérieur n'est pas récent. Dès la période coloniale, on a assisté à une première vague d'émigration des travailleurs haïtiens en République dominicaine. Alors qu'il s'était établi à l'Ouest, dans la partie française de l'île, une colonie d'exploitation qui tirait ses profits de la culture de la canne à sucre, les Espagnols à l'Est avaient constitué un régime moins bien sévère axé sur l'élevage. Certains marrons qui fuyaient la rigueur du système esclavagiste dans la partie occidentale allaient se réfugier à l'Est. À la suite de l'accession d'Haïti à l'indépendance, les luttes fratricides entre anciens et nouveaux libres ont contribué encore au départ de beaucoup d'Haïtiens en République

36

dominicaine29. Durant le 19e siècle, l'émigration haïtienne a été limitée. C'est surtout au début du 20e siècle, plus particulièrement à partir de l'occupation américaine, que l'émigration haïtienne a pris une forme massive. À partir de cette époque, les Américains qui ont commencé à investir massivement dans l'industrie sucrière ont attiré dans leurs usines de Cuba et de la République Dominicaine des milliers de travailleurs haïtiens30 .

Durant les années 50, l'exode de la population haïtienne a débordé les frontières cubaines et dominicaines. Il s'est orienté d'abord vers l'Amérique du Nord, spécialement les États-Unis, le Canada. Vers 1965, le nombre d'Haïtiens qui quittaient le pays en direction des États-Unis connut une augmentation de l'ordre de 70 %31. Durant les années 60, le Canada et l'Afrique ont accueilli leurs premières vagues d'Haïtiens, composée en grande partie de professionnels qualifiés. Vers les années 50, la migration en direction des Bahamas avait déjà débuté. Déjà, vers 1963, 2899 immigrants haïtiens qui vivaient illégalement aux Bahamas ont été rapatriés32. La migration haïtienne vers les Antilles Françaises (Guadeloupe, Martinique, Guyane...) est un peu plus récente et remonte à la fin des années 60. La migration vers l'Europe, dans les pays tels que la France, la Belgique, la Suisse, est encore plus récente et date de la fin des années 1970.

Selon la International Catholic Migration Commission (ICMC), l'exode des Haïtiens vers les pays étrangers continue de manière intense. Pour l'année 2005 et le début de l'année 2006, plus de 10 500 personnes ont laissé Haïti à la recherche de meilleures conditions en Europe (4000 personnes) et en Amérique du Nord33.

Sur une population de 8 400 000 habitants, 25 % vivent actuellement en dehors d'Haïti34. Selon un rapport de « World Migration » cité par l'ICMC, plus d'1 million d'Haïtiens vivent aux États-Unis, 100 000 au Canada et 600 000 environ en République Dominicaine.

Parmi les causes de la migration des Haïtiens à l'étranger, on retient surtout des besoins matériels dont les principaux sont les suivants:

29 OIM, Propositions pour une politique de gestion de la migration de main-d'oeuvre en Haïti, Port-au-Prince, Septembre 2006, p. 36

30 Idem, p.37

31 Idem, p.43

32 Idem, p.30

33 International Catholic Migration Commission (ICMC), 54th Council Meeting July 2006-RomeRegional Report: Caribbean Document no: CM/06/06, l'état de la Migration en Haïti, aujourd'hui.6 pages.

34 Ibidem

1) 37

besoin monétaire

La recherche d'un emploi pouvant garantir l'accès à un revenu adéquat pour vivre est l'un des principaux facteurs susceptibles d'expliquer l'émigration massive des Haïtiens à l'extérieur. La diaspora contribue à hauteur d'environ 1 milliard de dollars à l'économie nationale, sous forme transferts privés. La plupart des Haïtiens restés en Haïti sont naturellement incités par l'idée de s'établir à l'étranger aussi pour avoir droit à un meilleur revenu. Parfois, et cela se répète souvent, ce sont les parents eux-mêmes qui enclenchent le processus permettant à leurs enfant de résider dans ces pays étrangers. L'ECVH-2001 de l'IHSI révèle que 30,5 % des ménages du pays ont au moins un parent émigré établi à l'étranger. Cependant, ce document dénote des contrastes importants selon les milieux de résidence : 44 % des ménages de l'Aire métropolitaine ont un parent à l'étranger contre 25,2 % des ménages ruraux.

Selon l'IHSI, le travail est la principale cause de l'émigration haïtienne. Ce qui confirme l'hypothèse de Gérald Chéry, selon laquelle, l'émigration constitue une sorte de mobilisation de la force de travail haïtienne.

Par ailleurs, un tiers des ménages dont le chef est une femme ont de la famille vivant à l'étranger. L'ECVH-2001 révèle aussi que la proportion de ménages pour lesquels il existe un parent à l'étranger croit avec le niveau de revenu du ménage.

2) Le besoin de promotion humaine

Un besoin, combien légitime, est celui de la promotion humaine : besoin de fonder une famille, de s'instruire, de préparer l'avenir de ses enfants. On observe chez les immigrants de cette catégorie un refus de faire face à la situation de misère mais en même temps un désir irrésistible de changement, voire de promotion humaine dans sa triple dimension matérielle, culturelle et spirituelle.

3) Le besoin de sécurité et de paix

Un troisième besoin qui explique la migration est celui de la paix et de la sécurité. Face au climat de violence, de peur et d'insécurité qui caractérise la vie en Haïti, les gens ont besoin de sérénité et de paix pour eux-mêmes et pour leurs enfants. Ils ont besoin de tranquillité et de sécurité pour leur commerce, leur travail, l'éducation de leurs enfants et l'épanouissement de leur vie personnelle, familiale et sociale.

38

Lorsque la paix et la sérénité n'existent pas, les gens se déplacent pour aller les chercher ailleurs. Ils quittent leur lieu d'origine pour trouver une terre d'asile, un lieu de refuge où ils peuvent vivre avec moins de souci pour leur vie.

Sur un autre plan, la migration externe haïtienne revêt deux formes : la migration clandestine et la migration légale. La migration clandestine est caractérisée surtout par le phénomène de boat people. Bon nombre d'Haïtiens n'ont pas hésité, au péril de leur vie, à s'embarquer sur de simples petits voiliers pour échapper à des conditions d'existence frôlant parfois les limites de la survie. Ce phénomène a connu un regain d'intensité durant la période du coup d'État militaire (1991-1994). Des statistiques fournies par l'Ambassade Américaine et le bureau du Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés, en ce qui concerne l'émigration officielle, sont très révélatrices. Elles montrent que le nombre d'Haïtiens qui ont été admis temporairement aux États-Unis d'Amérique entre novembre 1991 et janvier 1993, à titre de réfugiés, s'élève à 11200 depuis Guantanamo et 720 directement de Port-au-Prince35.

Sur un autre plan, il y a lieu de considérer la migration légale, par laquelle beaucoup de cadres qualifiés laissent régulièrement le pays pour s'établir à l'étranger. Plusieurs raisons sont à l'origine de leur départ et certaines d'entre elles ont été évoquées plus haut.

Tableau # ...

Distribution en pourcentage (%) des parents émigrés selon la principale raison de résidence à l'étranger

Principale raison de résidence à l'étranger

Pourcentage

Travail

72,6

Recherche d'emploi

15,8

Études

3,4

Regroupement familial

4,1

Autres

4,1

Total

100,0

Source : IHSI/Enquête sur les conditions de vie en Haïti (ECVH) - 2001

2.2.4.- Natalité et fécondité

Les données qui seront présentées dans cette section traitent des naissances vivantes survenues dans la population au cours des douze (12) derniers mois précédant le

35 MSPP/OPS/OMS : Analyse de la Situation Sanitaire, Port-au-Prince, Juin 1996, 164 pages

39

recensement de 2003. Ces naissances se mesurent à travers deux indicateurs : la natalité et la fécondité. La natalité est la venue au monde des enfants dans la population en général, tandis que la fécondité est, par contre, la venue au monde de ces mêmes enfants dans la population féminine en âge de procréer.

2.2.4.1.- Taux brut de natalité

Le taux brut de natalité exprime le nombre moyen d'enfants nés vivants pour mille habitants au cours d'une période d'un an. Au Recensement Général de la Population et de l'Habitat de 2003, ce taux est de 28 naissances vivantes pour 1000 habitants dans l'ensemble du pays. Le taux brut de natalité est de 25 %o en milieu urbain et de 30 %o en milieu rural.

Par rapport aux objectifs fixés en 1983 pour l'horizon 2000, le taux brut de natalité a connu une certaine baisse, ayant été de 36 %o au début des années 80. Mais l'écart reste considérable par rapport à l'objectif de 20 enfants pour 1000 habitants en 2000.

Par ailleurs, un taux d'avortement de 7 % a été relevé dans l'EMMUS III (2000)

2.2.4.2.- Fécondité par âge

Le graphique x, tiré des résultats définitifs du RGPH-2003, représente l'évolution des taux de fécondité par âge. Il montre que la courbe du processus de reproduction des femmes en âge de procréer a commencé à croître assez lentement à partir du groupe 10-14 ans et s'est accélérée rapidement pour atteindre son plus haut niveau entre 25 et 29 ans. Elle a décru progressivement jusqu'à atteindre des valeurs minimales entre 45 et 49 ans, indépendamment du milieu de résidence.

L'âge moyen à la maternité, qui s'interprète comme étant l'âge auquel les femmes mettent au monde leurs enfants, est à la fois de 28 ans dans le pays et en milieu urbain et de 29 ans en milieu rural36. Il est à noter que la fécondité des femmes de moins de 20 ans est très faible, on dénombre en effet moins d'un (1) enfant pour chaque dix (10) femmes.

36 RGPH-2003

40

Graphique # x

Source :IHSI/ RGPH - 2003

2.2.4.3.- Indice Synthétique de Fécondité (ISF)

L'Indice Synthétique de Fécondité (ISF) exprime le nombre moyen d'enfants nés vivants par femme au cours de la vie féconde. Selon l'IHSI (RGPH-2003), cet indicateur affiche une valeur de 4 enfants en milieu rural et est de 3 enfants en milieu urbain.

Le nombre moyen d'enfants par femme varie également suivant le niveau d'instruction de la femme. Les femmes analphabètes ont, en moyenne, plus d'enfants que celles ayant atteint le niveau de l'enseignement secondaire ou plus37. L'impact de l'augmentation de l'utilisation de la contraception en Haïti sur la réduction du taux de fertilité est évident. Cependant, les couples ne maîtrisent pas tous les paramètres pour limiter le nombre des naissances. Entre le nombre d'enfant désiré et le nombre d'enfants réel, il y a un écart. Les résultats de l'EMMUS III révèlent que le nombre idéal moyen d'enfants par femme et par homme est respectivement de 3,1 et 3,3.

37 IHSI/RGPH-2003

41

Les ménages pauvres ont en moyenne plus d'enfants que les ménages plus riches. Les ménages les plus pauvres peuvent avoir jusqu'à 6,9 membres alors que les plus riches ont 4,4 membres38. En fait, la tendance est que les plus pauvres vont dans les ménages les plus riches, d'où le développement du phénomène de la domesticité.

En outre, les ménages les plus pauvres en milieu rural ont généralement un niveau d'éducation plus faible que les ménages plus riches. La terre est la ressource physique la plus importante que possèdent les ménages pauvres. Selon la Banque mondiale, en apprenant les cultivateurs à lire et à écrire, il est possible d'élever le niveau de la productivité de 14 % considérant que les autres facteurs restent constants39. L'éducation se révèle déterminante pour la modernisation de l'agriculture. Les agriculteurs éduqués comprennent et adaptent mieux les nouvelles technologies par rapport aux agriculteurs non-éduqués.

2.2.5.- Morbidité et mortalité

Durant ces deux dernières décennies, une réduction a été enregistrée au niveau du taux de mortalité infantile, lequel est passé de 101 %o en 1987 à 74 %o en 1994, pour remonter à 80 %o en 2000 (EMMUS I, II et III). En 1996, le Fonds des Nations Unies pour la Population a fait paraître un document40 dressant un diagnostic de la situation d'Haïti au regard des objectifs fixés dans le Plan d'Action Mondial de la Population adopté à la Conférence Internationale sur la Population et le Développement (CIPD) tenue au Caire du 5 au 13 septembre 1994. Ce document fournit des données provenant de différentes sources qui montrent un taux de mortalité infantile se situant autour de 77 %o en 1996. L'EMMUS III réalisée en 2000 a confirmé cette remontée au niveau du taux de mortalité infantile après la baisse enregistrée entre 1987 et 1994.

L'objectif du gouvernement de faire passer le taux de mortalité infantile de 124 %o au début des années 80 à 50 %o en l'an 2000 n'a donc pas été atteint.

38 cf

39 Idem, p.6

40 Jacques Hendry Rousseau, Évaluation de certaines statistiques se rapportant respectivement à l'accès aux services de santé de la reproduction, la mortalité et à l'accès des filles et des femmes à l'éducation (Synthèse et diagnostic), UNFPA, Juin 1996

42

Tableau #... : Indicateurs de mortalité

Sources

Taux de mortalité
maternelle (Pour 100 000
naissances vivantes)

Taux de mortalité infantile

(1000)

EHF, 1977

...

125

EMMUS I, 1987

...

101

EMMUS II, 1994

...

74

IHE, Maternal Mortality in

Haiti

460

...

MSPP

460

74 (1994)

MCFDF

400

...

OPS/OMS

460

...

OPS/OMS, Health Statistics
from Americas (1995)

...

77 (1996)

RDH, PNUD

...

86 (1992)

World Population Prospects,

ONU

...

77 (1996)

CELADE, Mortalidad en la
Ninez: Haïti

...

95 (1995)

IHSI

...

77

Source : Jacques Hendry Rousseau, UNFPA, 1996

2.2.6.- Situation de l'emploi

La population active représente 54,4 % des personnes de quinze (15) ans et plus en 2003. (à mettre en cohérence avec un chiffre cité plus haut). Pour la population de dix (10) ans et plus, ce taux est de 47,7 %. Par rapport au sexe, la population active représente 65,5 % et 56,9 % pour les hommes, dans les tranches d'age respectives de 15 ans et plus, et de 10 ans et plus. Pour les femmes, ces taux sont respectivement de 46,4 % et 39,3 %41

Le taux d'activité varie également suivant le milieu de résidence : 50,0 % (15 ans et plus) et 43,3 % (10 ans et plus) en milieu urbain et 57,8 % et 50,9 % en milieu rural. Ce

41 IHSI,...

43

niveau d'activité, oscillant globalement autour de 50 % engendre un fort taux de dépendance des inactifs par rapport aux actifs : 1815 %o ( référence). De plus, parmi les 2 974 158 actifs du pays recensés par l'IHSI, 1 929 447 étaient effectivement occupés pendant la période de référence, soit un taux d'occupation de 64,9 %, révèle l'IHSI. Ce taux d'occupation, plus élevé chez les hommes (66,9 %) que chez les femmes (62,2 %), est aussi marqué par une différence suivant le milieu de résidence : 69,0 % en milieu rural et 58,3 % en milieu urbain.

Les élèves et étudiants dominent les inactifs (57,1 %), suivis des personnes au foyer (25,7 %).

Une analyse de la population occupée selon les branches d'activité, l'occupation principale et la situation dans l'occupation rendra encore plus explicite la situation de l'emploi.

2.2.6.1.- Branches d'activité économique

Au niveau des branches d'activités, près de la moitié des actifs occupés (49,6 %) dont 93,3 % en milieu rural se concentre dans la branche «Agriculture, sylviculture, élevage, chasse et pêche». Cette branche est dominée surtout par les hommes42. La branche «Commerce de gros et de détail», dominée par les femmes, vient en second rang avec une proportion de 25,3 %. Indépendamment du milieu de résidence, les femmes restent majoritaires dans la branche «Commerce de gros et de détail» avec 69,2 % en milieu urbain et 88,0 % en milieu rural.

2.2.6.2.- Occupation principale

Les résultats définitifs du RGPH-2003 montrent aussi que près de 50 % de la population active occupée du pays travaillent comme «Agriculteurs et ouvriers qualifiés de l'agriculture et de la pêche». D'autres actifs (23,4 % et 11,2 %) sont occupés respectivement comme «Personnel des services et vendeurs de magasin et de marché» et comme «Artisans et ouvriers des métiers de type artisanal».

En milieu urbain, parmi les actifs occupés, certains travaillent comme «Personnel des services et vendeurs de magasin et de marché» (35,7 %) et d'autres comme «Artisans et ouvriers des métiers de type artisanal» (21,0 %). En milieu rural, les actifs occupés sont surtout constitués de travailleurs agricoles (71,6 %).

42 IHSI,...

44

2.2.6.3.- Situation dans l'occupation

Les actifs occupés sont essentiellement des travailleurs indépendants (82,1 %), suivis de loin par les «Employés» (12,7 %) et les aides familiaux (2,2 %)43. Quels que soient la situation dans l'occupation et le milieu de résidence considéré, les femmes sont moins représentées que les hommes, à l'exception des catégories «Indépendant» et «Aide familial» en milieu urbain.

Graphique # Y : Répartition des taux d'activité par groupe d'ages selon les

sexes

Source : IHSI-RGPH 2003

43 IHSI,...

Chapitre III : Les dimensions de la pauvreté haïtienne

Le niveau élevé de la pauvreté en Haïti n'est point un sujet de controverse. Indépendamment de l'approche considérée, les indicateurs conduisent à un constat similaire : la majorité de la population vit en situation de pauvreté.

Suivant l'approche monétaire, nous avons vu que jusqu'à 76 % de la population haïtienne vit en dessous du seuil de pauvreté avec moins de 2 dollars par jour, alors que 56 % évolue dans des conditions d'extrême pauvreté, avec moins d'un dollar par jour. Malheureusement, cette approche reflète seulement une situation globale et ne fournit pas des détails pour mieux appréhender les manifestations de la pauvreté. Est-ce pourquoi avons-nous choisi de prioriser pour notre travail l'approche en termes de pauvreté humaine et sociale qui renvoie, elle-même, à la satisfaction des besoins de base. Donc, nous nous intéressons à l'approche non monétaire de la pauvreté, tout en admettant que celle-ci est dans une large mesure une conséquence de la pauvreté monétaire. De plus, ce choix se justifie par l'objet de notre étude, car il sera mieux facile de saisir les interpénétrations entre croissance démographique et pauvreté.

Nous supposons que la pauvreté haïtienne revêt une dimension multiple. Cette dernière se traduit à travers un certain nombre de manques et de besoins non-satisfaits. Ces manques et besoins touchent à des domaines divers dont les fondamentaux sont : la santé, l'éducation, l'alimentation, le logement et l'accès à l'eau potable.

3.1.- Accès aux soins de santé

Les problèmes de santé sont criants en Haïti. Le niveau de l'offre en services de santé, que ça soit en termes de qualité ou de quantité, demeure une grande préoccupation. Les infrastructures sanitaires sont inadéquates et insuffisantes. La quantité de personnels formés en matière de santé est très limitée.

Pour mieux dégager l'impact de l'accroissement démographique sur l'accès aux services de santé, nous allons analyser le comportement de certains indicateurs pour la période qui concerne cette étude, c'est-à-dire de 1980 à 2003.

45

3.1.1.- Accès aux services de santé de la reproduction

46

Afin de mieux déterminer le niveau d'accès aux services de santé, nous utiliserons plusieurs indicateurs. Parmi les indicateurs de santé, particulièrement fondamentaux pour notre travail, nous allons considérer dans un premier temps :

- le taux de prévalence de la contraception ;

- le pourcentage d'accouchements réalisés par un personnel de santé entraîné.

Pour apprécier le degré d'utilisation de la contraception, on utilise généralement le taux de prévalence de la contraception (moderne ou traditionnelle). L'Enquête Haïtienne sur la Prévalence de la Contraception (EHPC) réalisée en 1983 révèle un taux de prévalence de la contraception moderne de 3,9 %. L'EMMUS I, réalisé en 1987 a mentionné un taux de prévalence de la contraception de 5 %, contre un taux de 13,2 % révélé par l'EMMUS II pour l'année 1993. Pour l'année 2000, 22,3 % des femmes haïtiennes en âge de procréer avaient recours aux méthodes de contraception modernes, alors 5,8 % utilisaient des méthodes de contraception traditionnelles. D'après le MSPP44, 32 % des femmes en age de procréer ont utilisé, en 2003, la contraception.

Le constat est qu'il y a eu une amélioration en terme d'utilisation des contraceptifs à travers la période prise en compte dans cette étude. Mais les résultats obtenus restent nettement en deçà des objectifs fixés. (par qui, quand et de combien ?)

À propos du pourcentage d'accouchements réalisés par un personnel de santé entraîné, le taux a été de 20 % en 1983, selon l'OMS (Cf). En 1994, le pourcentage d'accouchements réalisés par un personnel de santé qualifié a été de 46,3 % (EMMUS II). Les résultats de l'EMMUS III (2000) font état d'un pourcentage de 24 %. Donc, une baisse significative a été enregistrée par rapport à 1994. Particulièrement en 2000, l'écart entre le milieu urbain et le milieu rural est considérable. En effet, 52 % des femmes vivant en milieu urbain bénéficient du service d'un personnel qualifié au moment de leur accouchement, contre seulement 11 % dans le monde rural. Dans l'arrière-pays, il est généralement de coutume de recourir au savoir-faire des sages-femmes au moment des accouchements. Leur méthode n'était pas considérée comme intégrant une pratique médicale à part entière. Ce n'est que vers les années 2000 qu'une école formelle destinée aux sages-femmes a vu le jour à Port-au-Prince.

44 MSPP, Plan d'action ministériel 2006-2007, 2006, 11 pages

47

3.1.2.- Accès aux services de santé de base

L'accès aux services de santé n'a pas été un indicateur collecté fréquemment par les enquêtes auprès des ménages45 . Il a été généralisé surtout par les enquêtes Démographiques et Sanitaires, en l'occurrence les EMMUS. La définition de « l'accès aux services de santé de base » a connu aussi des évolutions à travers les EMMUS. En 1987, l'indicateur était défini par la présence d'un centre de santé dans le centre ou la zone d'habitation ; en 1994-95 et en 2000 par la proportion de ménages (en fait la proportion de femmes en union) situés à une distance nécessitant un temps inférieur à 60 minutes pour se rendre au centre de santé le plus proche46. Jacques Charmes (2002) a signalé que le rapport mondial 2001 sur le développement humain, déjà, n'avait pas tenu compte de cet indice pour calculer l'IPH -1 en raison du manque de données récentes et fiables. De plus, dans le cas de l'accès aux services de santé de base, il s'agit d'un indicateur d'accès, non d'utilisation, ni de qualité. Dès lors, il peut être extrêmement trompeur47.

Les données concernant l'accès aux services de santé de base en Haïti varient donc suivant les sources, tout en gardant, certaines fois une tendance proche. Selon l'OPS/OMS, 60 % de la population avait accès aux services de santé de base en 1991. De son coté, le PNUD fait état d'un pourcentage moyen de 50 % de la population ayant accès aux services de santé de base, pour la période allant de 1985 à 1993.

Les données avancées par le Ministère de la Santé Publique et de la Population ne permettent pas de parler amélioration en termes d'accès aux services de santé de base, comparés aux données fournies par l'OPS/OMS et le PNUD. Selon le MSPP48, 60 % de la population seulement disposait d'un accès aux services de base à la fin de 2003. Par contre, les données fournies par les EMMUS montrent clairement une tendance à l'amélioration. De 24,4 % en 1987 (EMMUS I), l'accès aux services de santé de base est passé à 60,4 % en 1994 (EMMUS II), pour atteindre le niveau de 84,7 % en 2000 (EMMUS III).

Pour les besoins de ce travail, nous nous en tenons aux données fournies par les EMMUS, en raison surtout de l'unicité de source.

Tableau # ... : Proportion de ménages ayant accès aux services d'eau potable et de santé en Haïti, de 1986-87 à 2000.

45 Jacques Charmes, Les indicateurs de développement humain en Haiti, Juin 2002

46 Idem

47 Idem

48 MSPP, Plan d'action ministériel 2006-2007, 2006, 11 pages

48

 

EBCM I

1986-87

EMMUS I

1987

EMMUS II

1994-95

EBCM II

1999-2000

EMMUS III

2000

Eau potable

28,6

45,3

46,2

43,8

65,5

Electricité

21,9

29,6

31,3

32,5

33,7

Assainissement

45,8

47,9

48,3

44,5

44,1

Services de santé

 

24,4

60,4

 

84,7

Source : Jacques Charmes, Les indicateurs de développement humain en Haiti, Juin 2002

3.1.3.- L'indice de masse corporelle

Le poids à la naissance est le déterminant le plus important des chances de survie, de croissance, de développement et du statut nutritionnel d'un enfant. L'insuffisance pondérale à la naissance touche une proportion considérable de petits enfants haïtiens. Mais, de 1994 à 2000, on a constaté une baisse du pourcentage des enfants affectés, passant de 27,5 % à 17,3 %. Cet indicateur est très important pour nous dans la mesure où il donne également une idée de l'état nutritionnel de la mère.

Tableau # ... : Proportion d'enfants de moins de 5 ans souffrant de malnutrition.

 

NSSS 1978

HNS 1990

EMMUS II

1994-95

EMMUS III

2000

Insuffisance pondérale
(poids pour âge)

37,4

26,8

27,5

17,3

Retard de croissance
(taille pour âge)

39,6

33,9

31,9

22,7

Emaciation (poids pour taille)

8,9

4,7

7,8

4,5

Sources : National Nutrition Status Survey, 1978 ; Haiti's Nutrition Situation in 1990, EMMUS II, EMMUS III.

3.1.4.- Le personnel de santé

Le personnel préposé à la fourniture de soins de santé dans le pays a été pendant plusieurs années très limité. Les données officielles fournies par le MSPP49 indiquent qu'il y a à la fin de 2003, dans le pays, 2,37 médecins pour 10 000 habitants, 1,52 infirmières pour 10 000 habitants et 3,05 auxiliaires pour 10 000 habitants. Le Rapport Mondial sur le Développement Humain pour l'année 2004 avance le chiffre de 2,5 médecins pour 10 000 habitants.

La présence de 500 médecins cubains dans le pays depuis la deuxième moitié des années 90 a un impact non négligeable sur l'amélioration de la santé de la population haïtienne. Elle a

49 Idem

49

permis d'augmenter l'offre de personnel qualifié au service de la population dans le secteur de la santé.

Par ailleurs, on a assisté depuis quelques années à la création de plusieurs facultés de médecine privée dans le pays. Mais, la plupart de ces facultés ne disposent pas d'Hôpital personnel où permettre à leurs étudiants d'effectuer des stages. La formation de ces professionnels de la médecine en pâtit énormément.

Le programme de bourses destiné à former des médecins haïtiens à Cuba devrait contribuer à une augmentation de médecins disponibles dans le pays. Mais, faudra-t-il bien qu'ils trouvent l'encadrement nécessaire pour servir le pays et pour ne pas être porté d'aller s'installer ailleurs comme beaucoup d'autres professionnels dans le pays.

3.1.5.- Les infrastructures sanitaires

La situation d'Haïti n'est pas très réjouissante en ce qui a trait à la disponibilité d'infrastructures sanitaires. Il existe seulement 0,81 lit d'hôpitaux pour 1000 habitants dans le pays, selon le MSPP ( année). Près de 663 établissements de santé fonctionnent suivant une logique publique. On dénombre 110 hôpitaux et centres de santé, faisant fonction d'hôpital, 544 dispensaires et centres de santé sans lits et 4 asiles (Voltaire, 1999, cité dans Bilan sur la Sécurité alimentaire en Haïti, année).

D'après l'Enquête sur les Conditions de Vie en Haïti réalisée par l'IHSI en 2001, les installations sanitaires publiques (Hôpital public et Dispensaire/Centre de santé) équivalent tout juste la moitié de l'infrastructure disponible, tel que le montre le tableau suivant. Dans ce contexte, beaucoup de ménages doivent se diriger vers des établissements privés, ce qui a pour effet d'éroder davantage leurs revenus.

Tableau #... : Distribution en pourcentage (%) de la population malade ou blessée ayant consulté un personnel de santé selon le type de service

Type de service de santé

Pourcentage

50

Hôpital privé

31,6

Hôpital public

24,1

Dispensaire/Centre de santé

26,3

Clinique privée/Domicile du soignant

12,8

Autre

5,0

NSP

0,2

Total

100,0

Source : IHSI/Enquête sur les conditions de vie en Haïti (ECVH) - 2001

3.2.- Accès à l'éducation

L'accès à l'éducation est fondamental pour permettre à un pays de sortir de la pauvreté. Le processus de développement exige pour tout pays la disponibilité de ressources humaines en qualité et quantité suffisante. Haïti non plus ne saurait échapper à la règle.

Historiquement, l'offre éducationnelle en Haïti s'est généralement révélée insuffisante par rapport à la demande, laquelle provient des parents, des enfants, de la corrélation entre éducation et développement, de l'augmentation de la population et de l'urbanisation croissante du pays. Les conséquences de cette disproportion se répercutent sur l'image du système éducatif haïtien qui est celle d'une structure dégradée, inefficace, de qualité douteuse et inadaptée aux besoins spécifiques de la société haïtienne.

Le système éducatif haïtien a évolué dans un contexte assez difficile durant les vingt dernières années. Les mouvements socio-politiques survenus dans le pays dès 1985 et qui se sont intensifiés au début des années 90 ont eu une incidence directe sur le fonctionnement de l'appareil éducatif.

L'augmentation continue de la population, due à un fort taux d'accroissement naturel atteignant 2,03 % entre 1985-1990 et 2,05 % entre 1990-199550 mettait à mal les efforts entamés en Haïti à partir de la réforme de 1979 sur les plans de la scolarisation et de l'alphabétisation.

Selon l'article 32-3 de la Constitution Haïtienne de 1987, l'éducation de base, soit les 6 premières années d'études, est obligatoire. Cette prescription constitutionnelle devait servir

50 IHSI, Recueil de statistiques Sociales, Volume 1

51

de cadre à la matérialisation dans les faits d'une volonté exprimée. Pour les besoins de ce travail, nous croyons nécessaire d'aller au-delà du simple voeu exprimé dans la constitution pour constater dans la réalité comment l'accès à l'éducation a évolué dans le pays. De plus, il ne faudra pas s'arrêter au simple stade d'études primaires. Pour développer un pays, la disponibilité de ressources humaines qualifiées est essentielle. Cela nous renvoie à toucher jusqu'au plus haut échelon, c'est-à-dire, l'enseignement supérieur.

3.2.1.- Accès à l'éducation primaire

Selon l'Enquête sur les Conditions de Vie en Haïti (ECVH), réalisée par l'IHSI en 2001, 37,7 % de la population haïtienne ont atteint seulement un niveau d'étude primaire. Outre que l'accès à l'éducation de base se révèle faible, le pourcentage d'Haïtiens ayant un niveau d'étude avancé est extrêmement faible aussi. Seulement 1,1 % de la population a un niveau d'étude supérieur, alors que 19 % ont pu faire le secondaire.

Tableau # ... : Distribution en pourcentage (%) de la population de 6 ans et plus selon le niveau d'étude atteint

Niveau d'étude atteint

Pourcentage

Aucun niveau

42,2

Primaire

37,7

Secondaire

19,0

Études supérieures

1,1

Total

100

Source : IHSI/Enquête sur les conditions de vie en Haïti (ECVH) - 2001

Durant les années 80, l'accès à l'éducation primaire a été marqué d'abord par une évolution croissante des effectifs, puis par une relative stagnation. Elle a connu, en effet, un taux de croissance moyen annuel de l'ordre de 7,1 % entre 1980 et 1985, et par la suite le rythme s'est ramené à une moyenne de 0,7 % entre 1986 et 198951. Notons qu'à partir de 1986 les troubles politiques allaient commencer à affecter sérieusement le fonctionnement des écoles. Pour cette même période (1986-1989), la population scolarisable a continué de croître à un rythme de l'ordre de 2,1 % l'an. Ce qui a fait augmenter la demande en éducation. Il en est résulté un déséquilibre assez important entre l'offre et la

51 Fred Doura, Économie d'Haïti, dépendance, crise et développement, Tome 1

52

demande scolaires, lequel s'est traduit par une baisse systématique du taux brut de scolarisation (TBS)52 d'environ 11,5 % entre 1985-1986 et 1987-1988 pour se relever en 1988-1989 comme indiqué dans le tableau #... (tableau suivant)53.

Tableau #...: Évolution du taux brut de scolarisation dans le primaire (par groupe d'âge)

Groupe
d'âge

Taux brut de scolarisation

1979-

1980-

1981-

1982-

1983-

1984-

1985-

1986-

1987-

1988-89

 

80

81

82

83

84

85

86

87

88

 

6-11ans

53,9%

59,6%

62,1%

65,1%

72,9%

75,1%

79%

68,3%

65,6%

77,3

7-12 ans

55,1%

61%

64,2%

66,4%

74,3%

76,4%

80,2%

69,5%

66,9%

79%

6-12 ans

46,7%

51,7%

54,5%

56,3%

63%

64,9%

68,2%

59

56,7%

66,9%

Source : BOURDON, J. et PERROT, J. (1990). Analyse économique et financière du secteur de l'éducation en République d'Haïti, Haïti/PNUD/UNESCO.

En effet, les effectifs au niveau du primaire sont passés de 741 313 élèves en 1988/89 à 1,2 millions en 1994/95, soit un accroissement de 56 %. Mais ces chiffres en valeur absolue ne nous éclairent pas beaucoup, dans la mesure où les enfants en age scolarisable ont augmenté aussi durant cette période. La meilleure chose serait de connaître l'évolution du pourcentage d'enfants fréquentant le cycle primaire de 1989 à 1994 sur la population en age scolarisable. Toutefois, le graphique (# ...) montre que le décalage est important entre la population 6-11 ans scolarisable et la population effectivement scolarisée de 1993 à 1998.

Graphique # ....

52 Le Taux brut de scolarisation (TBS) est le nombre d'élèves fréquentant le cycle d'études indépendamment de l'age exprimé en % de la population ayant l'age officiel requis pour le dit cycle. Par exemple, les élèves du département de l'Ouest fréquentant le cycle primaire représentent 125% de la population de 6-11 ans de ce département devant être au primaire.

53 UNESCO, Forum Mondial sur L'éducation, L'évaluation de l'éducation pour tous á l'an 2000, Rapport des pays : Haïti, s.d, 17 pages

1600000

1400000

1200000

1000000

800000

600000

400000

200000

0

93-94 94-95 95-96 96-97 97-98

Evolution comparee des population scolarisables

et scolarisees

Population Scolarisable

6 a 11 ans

Population Scolarisée 6

ans et plus

Population Scolarisée 6

a 11 ans

53

L'augmentation observée en valeur absolue au niveau de la scolarisation primaire à partir de des années 88 et 89 est le résultat d'une explosion de l'enseignement privé, qui a provoqué des changements profonds dans le système éducatif. Le secteur privé domine largement l'enseignement fondamental, avec trois quarts des élèves, contre un quart qui suivent des cours dans des établissements publics54. Ce cas de figure (graphique suivant) reflète l'incapacité de l'enseignement public à répondre à la demande en matière d'éducation.

Graphique # ... :

54Ministère de l'Education Nationale de la Jeunesse et des Sports, Rapport sur l'éducation en Haïti, Mai 1996,37 pages, p. 18.

Primaire en Haiti par Secteur

Secteur Public

Secteur Privé

600000 500000 400000 300000 200000 100000

0

 

80-81 81-82 82-83 83-84 84-85 85-86 86-87

Evolution du Nombre d'Eleve de l'enseignement

Annee

54

Compte tenu du taux de croissance de la population scolarisable du pays et le nombre d'élèves surâgés dans le système, ces taux de scolarisation pourraient être plus élevés. Un fort taux de ces élèves se trouve concentré dans les deux premières années du primaire, soit 42 % de surâgés55. Le taux net de scolarisation (TNS)56 des enfants de 6-12 ans représente pour les années 1988/89 à 1991/92 environ 40,9 % en moyenne par année et environ 56 % en 2000 (PNEF, 2004 et Banque Mondiale, 2001).

En Haïti, le taux net de scolarisation est de 48 à 52 %, alors que le taux brut de scolarisation est de 88 % (Banque Mondiale, 1997 ) et respectivement de 60 % et de 120 % en 2001 (IHSI/ECVH 2001).Ceci montre le degré d'inefficacité du système scolaire haïtien, malgré une certaine amélioration.

Pour améliorer l'accès à l'éducation, l'un des paramètres à considérer est évidemment la fréquentation scolaire. Dans l'éventail des raisons qui expliquent la non-fréquentation scolaire, l'IHSI évoque le coût trop élevé de l'éducation comme une raison majeure. Cela nous renvoie à la prépondérance du secteur privé au niveau de l'offre en éducation.

55 Fred Doura, 2001, p. 168

56 Le taux net de scolarisation (TNS) est le nombre d'enfants d'age scolaire inscrit à l'école en proportion de la population d'age scolaire correspondante

55

Ensuite, vient l'absence de motivation. Un ensemble de raisons non précisées expliquent à hauteur de 65,7 % la non-fréquentation scolaire. Parmi les autres raisons évoquées, il y a également les raisons de santé (1,8 %) et l'échec scolaire répété (0,3 %), qui expliquent faiblement la non-fréquentation scolaire.

Tableau #... : Distribution en pourcentage de la population de 6 ans et plus n'ayant amais fréquenté l'école selon la principale raison de la non fréquentation scolaire

Principale raison de la non fréquentation

scolaire

Pourcentage

Coût trop élevé

21,2

Absence de motivation

11,0

Raisons de santé

1,8

Échec scolaire répété

0,3

Autres

65,7

Total

100

Source : IHSI/Enquête sur les conditions de vie en Haïti (ECVH) - 2001

D'après l'IHSI, (ECVH, 2001) il existe des disparités significatives par région en terme d'accès à l'éducation de base. Le département du Nord-Est se place en première position, en ce qui concerne le taux brut de scolarisation au cycle primaire avec 136 %. Les départements du Nord (131 %) de l'Ouest (125 %) et du Sud (125 %) viennent immédiatement après. Le département du Centre occupe la queue du classement, avec un taux brut de scolarisation du cycle primaire de 95 %.

3.2.2.- Accès à l'enseignement secondaire

Dans le cadre de ce travail, nous croyons nécessaire d'analyser aussi l'accès à l'enseignement secondaire. Car, dans le cycle de formation d'un enfant, l'enseignement secondaire fait suite à l'enseignement primaire et permet, par conséquent, de renforcer le processus de la formation du capital humain. Le niveau secondaire considéré va de la 7ème année fondamentale (6ème secondaire) à la classe de Philosophie.

Le niveau de fréquentation du secondaire est très faible comme l'atteste le tableau # ...(ci-après), car il affiche un taux brut de scolarisation estimé à 41 % en 2001 contre un taux

56

net de 22 % pour la même année. Cela signifie que le nombre d'élèves fréquentant le niveau secondaire à l'échelle nationale, tout age confondu, ne représente que 41 % de la population de 12-18 ans devant être au secondaire. Alors que seulement 21 % des enfants de 12-18 ans fréquentent le secondaire.

Selon l'ECVH-2001, seulement 19,0 % de la population haïtienne ont pu atteindre le niveau secondaire contre 37,7 % au primaire. Cette situation traduit à elle seule l'ampleur de la déperdition scolaire dans le système éducatif haïtien

Tableau # ...Taux brut et Net de scolarisation au cycle Secondaire en % par département géographique

Département

Taux Brut de
Scolarisation

Taux Net de
Scolarisation

Echantillon

Ouest

63

33

877

Sud-Est

22

13

117

Nord

35

16

229

Nord-est

30

17

115

Artibonite

34

19

261

Centre

17

10

92

Sud

35

20

195

Grande-Anse

24

12

153

Nord-Ouest

20

8

105

Ensemble

41

22

2144

Source: IHSI/ECVH 2001

En dépit du faible taux de scolarisation enregistré en 2001, une certaine amélioration est constatée à travers le temps. En effet au cours des années 80, très peu de gens fréquentaient le secondaire, selon certaines statistiques du Ministère de l'Education Nationale de la Jeunesse et des Sports (Actuel Ministère de l'Éducation nationale et à la Formation Professionnelle), l'enseignement secondaire ne comptait que 87 680 élèves dont près de 80 % dans le secteur privé. Ce nombre augmenta considérablement à travers le

57

temps pour atteindre 155 242 vers la fin des années 80. Là encore, pour bien saisir l'importance de cette augmentation, une analyse de l'évolution en proportion s'avère nécessaire.

Tableau # ... : Évolution du nombre d'élèves de l'enseignement secondaire par secteur de 1980 à 1987

Année

Nombre d'élèves

Total

Public

Privé

79-80

87680

18341

69339

80-81

96596

17293

79339

81-82

98570

15868

82702

82-83

109537

19253

90284

83-84

117938

19376

98562

84-85

128037

20438

107599

85-86

139422

21968

117464

86-87

155242

27008

128234

Source : MENJS, Direction de la Planification et de la Coopération externe, Service de Statistique et d'Informatique, Annuaire Statistique 1986-1987, No 10, Août 1990, Port-au-Prince.

Malgré l'amélioration constatée au niveau de l'accès à l'enseignement secondaire à travers le temps, le taux de scolarisation n'a été que de 11,9 % en 1990 et de 15,0 % en 1997, selon les données fournies par le Ministère de l'Education Nationale de la Jeunesse et des Sports (Tableau suivant).

Tableau # ... :Taux de Scolarisation dans l'enseignement secondaire de 1990 à 1997

Année

Taux de Scolarisation

1990

11.9

1991

14.4

1992

14.0

1993

13.5

1994

13.1

58

1995

12.8

1996

 

1997

15,0

Source : Estimation du rapport de Diagnostic partiel de programmation trimestriel/MENJS

3.2.3.- Accès à l'enseignement supérieur

Nous avons insisté dans un premier temps sur l'accès à l'enseignement primaire, puis sur l'accès à l'enseignement secondaire. L'accès à l'éducation de base est fondamental pour garantir à tous les enfants des chances de réussite dans leur vie. Cependant, une société a besoin de gens beaucoup plus qualifiés pour contribuer efficacement à l'appareil productif. En dehors de ressources naturelles, financières, un pays ne peut se développer sans un stock de « capital humain » suffisant. L'université est généralement reconnue comme l'endroit qui principalement génère ce flux de capital humain dont la société a besoin. C'est en fonction de cette logique que nous nous sommes amenés à analyser l'évolution de l'accès à l'enseignement supérieur en Haïti.

En effet, l'offre de formation supérieure en Haïti date d'une période relativement récente, comparée à d'autres pays telle la République dominicaine. La création de l'Université d'État d'Haïti (UEH) remonte à la deuxième moitié du vingtième siècle bien qu'on en trouve les premières traces vers le milieu du XIXème siècle.

Jusqu'à l'année 2003, l'enseignement supérieur se composait, d'une part, du secteur public, lequel comprend l'Université d'État d'Haïti (composée douze facultés et écoles supérieures), les autres institutions publiques d'enseignement supérieur (51 %), et, d'autre part, des universités et des institutions d'éducation supérieure privée (49 %)57 soient 10 universités et 40 écoles, centres et instituts privés. Selon Fred Doura, (Fred Doura, 2001, Tome 1, page 185) le système d'enseignement supérieur, (public et privé) regroupait environ 20 000 étudiants en 2000, dont 12 706 au sein de l'UEH.

En considérant les individus de 6 ans et plus à l'échelle nationale, seulement 1,5 % ont atteint le niveau universitaire dont 1,8 % d'hommes et 1,3 % de femmes (EBCM, 1999-

57 Haïti, Cadre de Coopération Intérimaire (CCI), Groupe Thématique d'Éducation, Jeunesse et Sport, 17 juin 2004, p 8.

59

2000). Une analyse suivant le milieu de résidence nous permet de constater une forte disparité régionale. La proportion de ceux qui ont réussi au moins une année d'études universitaires à Port-au-Prince représente plus du double de celle enregistrée dans le reste du système urbain, telle que présentée dans le tableau #... (ci-après). Ce cas de figure n'est pas étonnant dans la mesure où la majorité des centres universitaires sont établis principalement à Port-au-Prince. L'offre de formation supérieure est loin d'être décentralisée.

Tableau # ... : Part des individus ayant atteint le niveau universitaire des individus de six ans et plus par sexe, suivant le milieu de résidence (en %)

 

Aire Métropolitaine

Autre Urbain

Rural

 

Homme

Femme

Ensemble

Homme

Femme

Ensemble

Homme

Femme

Ensemble

Études
Supérieures

5.9

4.0

4.8

2.4

0.9

1.6

0.4

0.3

0.4

Source : IHSI / Enquête Budget Consommation des ménages 1999-2000

L'augmentation du nombre d'institutions supérieures privées a facilité, durant ces dernières années, l'accès d'un plus grand nombre de jeunes à une formation de niveau supérieur. En effet, la population estudiantine a presque doublé de 1986 à 1996. Malheureusement, une politique d'accès équitable à l'université reste encore à adopter. De plus, le pouvoir de contrôle du Rectorat de l'UEH sur la qualité de la formation dispensée dans ces institutions d'enseignement supérieur est questionnable. Il en est de même pour le Ministère de l'Éducation Nationale, de la Jeunesse et des Sports, l'institution à laquelle incombe la définition et l'exécution d'une politique de l'enseignement supérieur dans le pays.

L'accès à l'enseignement supérieur demeure très faible par rapport au nombre élevé d'élèves qui arrivent à passer leur baccalauréat. Le nombre de facultés et d'écoles supérieures publiques est très insuffisant par rapport à la demande. Quant aux universités privées, l'accès à ces institutions se révèlent souvent très coûteux. Le fait que les parents ne sont pas toujours en mesure de continuer à payer pour leurs enfants conduit à un fort taux d'abandon dans le système.

60

3.2.3.1.- Taux d'encadrement et Formation

L'adaptation de la formation fournie à l'UEH aux besoins réels du pays est un sujet d'inquiétude. Certains programmes d'études sont vieux de plus de 20 ans et n'ont pas été renouvelés dans le sens des nouvelles connaissances enregistrées dans les domaines de la science et de la technologie. La qualité de la formation a du même coup considérablement baissé. Selon le « Rapport sur l'éducation en Haïti » publié par le Ministère de l'Éducation Nationale, de la Jeunesse et des Sports, en Mai 1996, seulement une minorité de bachelier parlant le français parvenait à l'université. Le bachelier haïtien maîtrise de moins en moins cette langue qui est encore l'unique langue d'évaluation au baccalauréat et à l'université.

Le taux d'encadrement au sein de l'UEH, en particulier, a considérablement diminué, entraînant davantage la dégradation de la qualité de la formation. Dans les années 70 on pouvait compter un professeur pour chaque huit étudiants à l'Ecole Normale Supérieure, par exemple. Jusqu'en 2003, 1e ratio a été de 1 sur 50 dans cette même institution58.

Avec l'accroissement du nombre d'institutions d'enseignement supérieur durant ces dernières années, des détenteurs d'une simple licence ont intégré le corps professoral. Un très faible pourcentage d'enseignants à l'université haïtienne (10 %) détient une maîtrise. Le pourcentage de professeurs détenant un doctorat est encore plus faible59.

3.2.3.2.- Centralisation de l'université

Les entités de l'Université d'État d'Haïti se concentrent principalement dans la région métropolitaine de Port-au-Prince. Dans les villes de province, on retrouve surtout des écoles de droit. Elles sont établies principalement à Jacmel, aux Gonaïves, à Saint- Marc, au Cap-Haïtien, à Hinche et à Fort-Liberté. En dehors de ces facultés de droit, l'étudiant habitant une région autre que Port-au-Prince n'a souvent pas la possibilité de poursuivre des études supérieures, à moins de rentrer dans la capitale. Ceci entraîne des frais supplémentaires (transport, séjours, etc) que les étudiants, pour la plupart, ne peuvent assumer.

3.2.3.3.- L'université face à la demande

58 MENJS, Rapport sur l'éducation en Haïti, 1996, p. 22

59 Idem, p.23

61

L'augmentation considérable du nombre d'établissements supérieurs privés dans le pays ces dernières années témoigne de l'incapacité de l'État à satisfaire la demande en enseignement supérieur. L'UEH demeure une structure qui ne s'adapte pas aux nouveaux besoins de développement du pays et à l'augmentation de la population. La création de la dernière faculté en date de l'UEH remonte aux années 80 et depuis lors la capacité d'accueil stagne à 3000 places60.

3.2.3.4.- Alphabétisation

L'analphabétisme est considéré comme un fléau à l'échelle mondiale. En Haïti, en particulier, il est un vrai problème de société. Tout au long de la décennie 1990-2000, le taux d'analphabétisme tournait autour de 44 % en Haïti61. Restant encore assez élevé, ce taux tend toutefois à diminuer annuellement. Par ailleurs, il importe de signaler que cette diminution concerne davantage les hommes que les femmes et que le taux d'analphabétisme est beaucoup plus important en milieu rural (48 %) qu'en milieu urbain (24 %).

En ce qui a trait au sexe, les hommes sont beaucoup plus touchés que les femmes par l'analphabétisme. Au cours de l'année 2000, 46,09 % des hommes âgés de 15 ans et plus étaient recensés analphabètes, tandis que 40,37 % de femmes, de la même tranche d'age, étaient touchés par l'analphabétisme (EBCM, 2000).

Selon les donnés fournies par l'IHSI (voir tableau suivant), la société haïtienne a été marquée par une modification de la structure de la population touchée par l'analphabétisme, selon le sexe. Alors qu'en 1982, on comptait plus de femmes analphabètes dans le pays (64,43 %) que d'hommes (61,68 %), il y a eu un renversement de tendance au fil des années. En 1995, 45,64 % d'hommes étaient considérés comme analphabètes dans le pays, alors que le pourcentage de femmes a été de 37,86 %.

Tableau #... : Taux d'Alphabétisme en % (15 ans et plus) Selon le sexe

Année

total

Masculin

Féminin

1970

78

74

82

1982

63

61.68

64.43

1992

45

51

39

60 Idem, p 24

61 MENJS, Le Développement de l'Education, Rapport National d'Haïti, p. 25

1995

41.95

45.64

37.86

62

Source : IHSI, Bulletin de statistiques sociales

Au niveau de l'Alphabétisation, on peut constater plusieurs intervenants dans ce domaine en particulier l'Etat, les ONG (Mission alpha, World Vision etc) et les organismes associatifs. Cependant, l'absence de données statistiques ne permet pas de mesurer l'envergure de leur intervention. Toutefois, selon le Ministère de l'Education National, près de 100 000 personnes62, à majorité féminine, sont touchées par des programmes d'éducation élaborés par la Secrétairerie d'État a l'Alphabétisation à travers les 9743 centres d'alphabétisation de base disséminés dans les 9 départements géographiques du pays.

3.2.4.- Le système éducatif haïtien et ses problèmes

L'analyse de l'évolution de l'accès à l'enseignement primaire, secondaire et supérieur donne une idée de l'ampleur des problèmes auxquels est confronté le système éducatif haïtien. À défaut de pouvoir les énumérer de façon exhaustive, on peut mentionner, entre autres : l'insuffisance de l'offre par rapport à la demande, la dégradation de la qualité de la formation, le poids plus important du secteur privé que du secteur public dans le système, la centralisation de l'enseignement supérieur ect.

La disparité entre l'enseignement en milieu urbain et l'enseignement en milieu rural est très forte. En effet, le milieu rural, avec 70 % de la population en 1986, ne comptait que 46 % des élèves du primaire, 41 % des instructeurs, et 44 % des élèves dans le public, 39 % des instruments (Banque mondiale, 1987 : citée dans Fred Doura, Dépendance, crise et développement, Tome 1 : p 182). Du total des dépenses publiques réalisées par le gouvernement pour l'éducation, seulement 20 % étaient destinées aux zones rurales en 1996/97. Les coûts directs annuels par étudiant, en milieu rural, en 1993 ont représenté 68 gourdes (5 dollars) contre 256 gourdes (16 dollars) en milieu urbain.

Les services de l'enseignement secondaire sont surtout groupés dans les villes dont 65 % se trouvent dans la capitale et sont contrôlés par le secteur privé. De 1987/88 à 1999/2000, plus de 89 % des écoles appartenaient au secteur privé. 76 % des élèves du primaire et 82% des élèves du secondaire étaient inscrits dans des écoles privées (FMI, 2001 cité par Fred Doura, Dépendance, crise et développement, Tome 1, p 182). Selon Doura,

62 Ministère de l'éducation Nationale, de la Jeunesse et des Sports, Le Développement de l'Education, Rapport National d'Haïti, Août 2004, 41 pages.

63

c'est la proportion d'élèves inscrits dans les écoles privées la plus élevée au niveau mondial. Le nombre total moyens des écoles primaires était de 5435 pour les années 1988 à 1992, dont 82% sont des écoles privées ; de même de 1987/88 à 1994/95, le nombre total moyen des écoles secondaires est de 609, dont 61 (10%) sont des écoles publiques et 548, soit 90 % étaient des écoles privées (PNEF 2004 ; 114 & BM, 1997 : 26). En outre, 80 % de toutes les écoles primaires et secondaires sont soit gérées par des ONG, dont des organisations confessionnelles, soit par des institutions privées en quête de profit (BM, 1998).

La prolifération d'écoles privées n'est pas le résultat délibéré d'une politique de privatisation des écoles mais indique fondamentalement une incapacité de l'État haïtien à penser et à mettre en place des politiques d'éducation qui seraient au service de toute la population. Ces écoles ne répondent généralement à aucune norme pédagogique : 85 % de ces écoles fonctionnent dans des locaux inadéquats et plus de 75 % sont dépourvues de toilette, d'eau courante, de cours de récréation et de bibliothèque.

En somme, de 1980 à 2003, des efforts ont été réalisés dans le domaine de l'éducation. Cependant, ces efforts restent très en deçà de la réponse nécessaire aux besoins. Les avancées constatées sur le plan quantitatif ont amené avec elles des faiblesses d'ordre qualitatif. En effet, la qualité de l'enseignement a baissé, tant dans le secteur public que dans le secteur privé. Et l'école privée, en Haïti, devient une source assurée de revenus. On observe une prolifération des « écoles borlettes », ou directeurs et professeurs incompétents n'exigent rien d'autre des élèves que le paiement régulier des mensualités. Selon une évaluation du Ministère de l'Education Nationale, seulement 2/3 des besoins en éducation fondamentale pour les enfants d'age scolaire sont satisfaits63. Le déficit serait aggravé par un fort taux d'abandon tout au cours des différents cycles et seulement 16 % des jeunes parviennent au niveau secondaire64. Par ailleurs, le manque de ressources et l'incapacité des structures de l'État à encadrer le mouvement d'expansion du système éducatif ont entraîné des contrecoups négatifs sur la qualité des services offerts.

Le système éducatif, tel qu'il a fonctionné ces vingt dernières années, n'a pas donné lieu à l'accumulation du capital humain nécessaire pour réduire le niveau de pauvreté en Haïti.

63 Secrétairerie d'Etat à la Population, politiques Nationales de population, juillet 2000, 50 pages.

64 Idem, p. 8

64

3.3.- Accès à l'eau courante

Avec l'augmentation continue de la pression démographique à Port-au-Prince et dans les autres zones urbaines du pays, l'accès à l'eau courante devient de plus en plus problématique. Sous l'effet de la dégradation de l'environnement, nos sources sont constamment exposées à une diminution de débit, alors que les besoins à satisfaire s'accroissent.

Contrairement à d'autres pays, Haïti n'a pas recours au recyclage de l'eau comme méthode pour satisfaire la demande. En fait, il faut admettre aussi que ce procédé requiert un niveau de technologie dont Haïti ne dispose pas et nécessite également des investissements appropriés. Le choix d'Haïti a évidemment ses avantages et ses inconvénients. Mais il faut aller plus loin pour mieux comprendre ce choix.

L'accès à l'eau courante est l'un des indicateurs utilisés pour mesurer la pauvreté, à coté de l'accès à l'éducation, à la santé, à l'assainissement... suivant la méthode des besoins insatisfaits. La version 2004 de la carte de pauvreté d'Haïti, qui traite la pauvreté suivant cette approche, fait état de la faible disponibilité en eau potable du pays, mais également de la déficience des politiques visant à l'amélioration de la salubrité de l'eau. En effet, ce document fait remarquer qu'Haïti dispose d'une grande potentialité en matière de ressources en eau avec « une quantité importante de rivières, sources, étangs et lagons. » Cependant, il n'existe que 88 services de distribution d'eau potable à travers tout le territoire.

D'après la version 2004 de la carte de la pauvreté, les eaux de surface totalisent environ 9,5 milliards de m3. Les ressources en eaux souterraines du pays sont encore plus importantes : elles sont estimées à 56 milliards de m3. Les nappes souterraines continues localisées dans les plaines littorales et alluviales représentent 47 milliards de m3, tandis que les aquifères discontinus situés en montagne sont de 8 milliards de m3. Toutefois, moins de 10 % du potentiel hydrique est réellement exploité, d'après les rédacteurs de la carte de pauvreté.

En raison des problèmes environnementaux, seulement 10 % des 40 milliards de m3 d'eau que reçoit le territoire national chaque année, s'infiltrent dans le sol. Le reste s'évapore ou se perd dans la mer.

65

D'une façon générale, la population haïtienne bénéficie d'une dotation faible, en terme d'accès à l'eau courante. Seulement 26 communes du pays ont une accessibilité plus ou moins satisfaisante en eau courante65.

3.3.1.- Disparités régionales

Dans l'ensemble, les disparités régionales en termes d'accès à l'eau courante sont très significatives. Trois départements géographiques sont dans une situation critique en terme d'accès à l'eau courante : l'Artibonite, le Centre et la Grand Anse. La totalité des communes de ces départements sont classés dans le groupe de communes ayant les plus fortes déficiences (extrêmement faible, très faible et faible) ( Référence).

En effet, sur ses 12 communes, le Centre enregistre 3 communes dans la catégorie faible, 6 dans le quintile très faible et 3 dans le quintile extrêmement faible. De son coté, la Grand Anse a recensé 8 communes dans le quintile extrêmement faible, 6 dans la catégorie très faible et 4 dans la classe faible. Le département de l'Artibonite, pour sa part, dispose de 6 communes sur 15 dans le quintile extrêmement faible. Les 9 autres sont dans la catégorie faible.

Après ce premier groupe, viennent les départements du Sud'Est, du Nord et du Nord'Ouest. Ces départements, selon la Carte de la pauvreté, ont une situation moins précaire.

Les départements du Sud, de l'Ouest et du Nord'Est sont les mieux classés en ce qui concerne l'accès à l'eau courante.

Le département du Sud dispose de 5 communes sur 18 dans le quintile très faible, 3 dans le quintile moyennement faible et les 10 dernières dans la classe moins faible. Le département de l'Ouest ne dispose pas de communes en situation de forte carence. Seulement 2 communes y sont dans le quintile très faible et une dans le quintile faible. Le Nord'Est dispose, pour sa part, de 2 communes sur 13 dans la classe extrêmement faible. Les 11 autres communes, soit environ 85 %, se situent dans le quintile modérément faible.

Au niveau de l'aire métropolitaine de Port-au-Prince, seulement 33,4 % de la population, ont accès à un fournisseur d'eau courante, selon l'IHSI. Le reste des habitants de la capitale s'approvisionne en eau à partir d'autres moyens : camions-citernes, marchands ambulants, réservoirs publics ect. En milieu rural et dans les autres zones urbaines, la

65 MPCE, Carte de la pauvreté, Version 2004, quelle page ?

66

situation n'est pas plus réjouissante, selon les données fournies par l'IHSI. L'Institut révèle que seulement 16 % de la population rurale ont accès à un fournisseur d'eau courante, contre 24,7 % pour les autres zones urbaines. Pour l'ensemble du pays, le niveau d'accès est de 21,5 %.

3.3.2.- Accès à l'eau potable

L'accès à l'eau potable est défini par l'OPS/OMS comme étant de 25 litres par jour par personne d'eau de bonne qualité et par une distance de la source à la maison inférieure à 60 mètres pour un chemin ascendant ou 100 mètres pour un chemin horizontal.

Il est difficile d'accéder à des informations fiables sur le secteur d'eau potable en Haïti. La plupart du temps, les informations existantes ne sont pas à jour. La CAMEP, principale institution au niveau des services de distribution d'eau potable, est sérieusement affectée par ce problème de manque de données. Pour cela, nous avons dû nous référer aux données publiées par l'OPS/OMS qui les a collectées auprès de tout un ensemble d'institutions, ONG ou organismes oeuvrant dans le secteur dont : FAES, CAMEP, SNEP, POCHEP, SMCRS, MTPTC, ASSODLO, GITH (Groupe Technologie intermédiaire d'Haïti), CARE, PEJEFE (Programme d'encadrement des jeunes femmes et des enfants), PCH (Productive Coopérative Haïti), FEDERATION LUTHERIENNE MONDIALE, CRS, HELVETAS, PAROLE ET ACTION, ACTION CONTRE LA FAIM, SOE, CLEAN WATER FOR HAITI, HAS, CECI (Centre canadien d'études et de coopération internationale). De plus, nous nous sommes référés aux informations fournies par l'IHSI ainsi que le RNPD sur le secteur.

Concernant le mode d'approvisionnement en eau de boisson des ménages haïtiens, seulement 10 % des ménages de l'Aire Métropolitaine achète de l'eau traitée. Le mode d'approvisionnement d'une bonne partie du reste se fait comme suit : rivière et source (36,9 %), achat par boquite (19,5 %), robinet (15,6 %), fontaine publique (12 %). L'achat de seaux d'eau est particulièrement courant dans l'Aire Métropolitaine de Port-au-Prince où 60 % de la population l'utilise comme mode d'approvisionnement.66. Les données sur l'accès à l'eau traitée correspondent à l'an 2001. En effet, durant les années qui ont suivi, il y a eu une

66 IHSI, Enquête sur les Conditions de Vie en Haïti -ECVH, 2001

67

augmentation importante des points de vente d'eau traitée au détail et de l'offre de bouteilles de 5 gallons dans beaucoup d'endroits.

D'après Lilian Saade (2005), Haïti est le pays avec le taux de couverture en eau potable le plus faible de la région d'Amérique Latine et les Caraïbes (avec 52%). En d'autres termes, plus de 4 millions d'Haïtiens n'ont pas d'accès aux services d'eau.

Les besoins en eau potable en milieu urbain s'élèvent à 261 700 m3/jour, alors que seulement 145 700 m3/jour sont distribués à partir de 47 sources et 48 forages. Le déficit est de 115 100 m3/jour en milieu urbain67.

Tableau # ... Volume d'eau potable fourni aux populations urbaines en 2003

Villes

Situation en 2003

 

Population
(Millions
d'habitants)

Besoins (m3/j)

Infrastructures

Volume
distribué

Déficit

Sources

Forages

Nombre

Débit
(m3/j)

Nombre

Débit
(m3/j)

(m3/j)

(m3/j)

Aire

métropolitaine

1249,9

124,9

17

84,5

35

53,77

96,8

28,1

Villes

secondaires

1955,2

136,8

30

23,4

13

25,46

48,9

87

Total

3204,1

261,7

47

107,9

48

79,23

145,7

115,1

Source : OPS/OMS

Évolution de la couverture des besoins (1993-2003), (Graphique à insérer)

La Figure ... montre l'évolution du taux de couverture des besoins en eau potable en milieu urbain de 1993 à 2003.

67 Lilian Saade, Agir ensemble pour une gestion plus efficace des services de l'eau potable et l'assainissement en Haïti, CEPALC, Septembre 2005, Mexique, p.

68

La figure... montre l'évolution du taux de couverture des besoins en eau potable en milieu rural. (p. 8)

Tableau #... : Synthèse de la couverture des besoins au 31 décembre 2003

Sous-
Secteurs

Taux de couverture en %

 

Zone

Métropolitaine

Villes
Secondaires

Milieu
urbain

Milieu rural

Tout le pays

Alimentation
en eau
potable

58,3

50,1

53,3

51,6

52,3

Source : OPS/OMS

Évolution de la Couverture en eau potable de 1980 à 2003 (Graphique à insérer)

L'analyse de la couverture en eau potable en Haïti, de 1980 à 2003, révèle une amélioration globale de la couverture pour le pays qui est passé de moins de 20 % en 1980 à 52,3 % en 2003. Cette amélioration au niveau global est due d'abord à l'amélioration enregistrée dans le milieu rural où le taux de couverture est passé de moins de 10 % en 1980 à 51,6 % en 2003. Au niveau des villes secondaires, il n'y a pas eu de grand changement, le niveau de couverture ayant passé de 48 % environ à 50,1 %. Dans la zone métropolitaine, le taux de couverture est passé d'environ 48 % en 1980 à 58,3 % en 2003.

Il convient de noter que ces chiffres renvoient à l'accès aux services: ils ne reflètent pas nécessairement la qualité et la fiabilité de ces derniers, deux facteurs essentiels en matière de santé publique.

En effet, le diagnostic de la situation, en terme d'accès à l'eau courante en Haïti, démontre qu'il n'y a pas de pénurie d'eau douce dans le pays, mais plutôt une répartition inégale et une mauvaise gestion de ces ressources. D'après les projections du PNUD (Lilian Saade, 2005), si les tendances observées ces dernières années se poursuivent, il sera probable pour Haïti «toutes choses égales par ailleurs » d'atteindre l'objectif de réduire de moitié le pourcentage de personnes n'ayant pas accès à l'eau potable en 2015. Néanmoins, même si les projets envisagés se réalisent, environ un tiers de la population serait encore privé de ce service en 2015. Ce qui montre l'ampleur des besoins à satisfaire.

69

En résumé, un logement sur cinq a accès à un fournisseur d'eau courante, mais il y a des différenciations importantes selon le milieu de résidence, le type de logement et le niveau de revenu. Un tiers des logements de la zone métropolitaine de Port-au-Prince a accès à un fournisseur d'eau courante (IHSI/Enquête sur les Conditions de Vie en Haïti -ECVH, 2001).

Seulement 2 % de la population dispose de robinet dans le logement, ce qui est exceptionnellement faible par rapport à d'autres pays de la région (Lilian Saade, 2005). Une pratique très commune en Haïti est la revente de l'eau dans le voisinage. Il s'agit de ménages qui, disposant d'un raccordement à un réseau quelconque de distribution d'eau ou d'approvisionnement auprès de camions-citernes, revendent une partie de l'eau reçue aux voisins, à l'aide de tuyaux. Cette revente de voisinage compte pour environ 10 % de la dépense en eau des ménages de l'Aire Métropolitaine (IHSI, 2001).

En Haïti, il y a encore des endroits où les gens ne consomment même pas les 20 litres que l'OMS considère comme minimum. D'autre part, dans plusieurs cas encore, les individus sont obligés de se déplacer sur de longues distances pour obtenir de l'eau.

Malgré un certain effort pour donner accès à une plus grande partie de la population à des services de distribution, en raison de la croissance démographique, le nombre total d'habitants non desservis n'améliore pas beaucoup.

Les ménages non desservis par les réseaux doivent recourir à des moyens parallèles pour obtenir ces services qui, bien des fois, n'assurent pas un degré suffisant d'hygiène. En ce qui concerne l'approvisionnement en eau, plusieurs possibilités se présentent: prélèvements directs dans les eaux de surface, approvisionnement auprès de vendeurs (souvent dans le voisinage), eau mise en bouteille et raccordements illégaux. En effet, un phénomène qui s'est produit dans les dernières années est la multiplication de compagnies qui produisent de l'eau en bouteille. Certaines maisons possèdent un château d'eau, en particulier à Port-au-Prince. Ces réservoirs sont en général d'une capacité assez limitée. Souvent, les ménages concernés doivent aussi faire appel aux vendeurs d'eau pour satisfaire leurs besoins. Certains ménages des zones résidentielles de Port-au-Prince (une minorité) récupèrent aussi de l'eau de pluie.

La plus grande partie de la population en zone métropolitaine reçoit de l'eau d'une manière discontinue. Dans certaines zones, les habitants reçoivent de l'eau quotidiennement, mais dans la plupart des cas ils en reçoivent seulement deux fois par semaine et pendant quelques heures par jour. Selon Lilian Saade (2005), le manque de service est attribué

70

principalement: 1) aux pertes physiques (estimées à 60 %) associées à l'âge du système de distribution et au piquage d'eau, 2) aux interruptions de l'énergie, surtout dans le cas des puits et des pompes et 3) la pollution des sources d'eau (Saade, citant la US Army Corps of Engineers, 1999). En plus des lacunes de la desserte, le système est confronté à d'autres déficiences, souvent dues au manque d'entretien des infrastructures. Ainsi, la dégradation des réseaux provoque des pertes physiques importantes.

3.3.3.- Qualité de l'eau et qualité du service

À l'échelle nationale, il n'existe pas de normes et de standards pour la qualité de l'eau fournie, ce qui conduit souvent à adopter celles de l'OMS. Parmi les trois organismes (CAMEP, SNEP et POCHEP) distribuant de l'eau pour la consommation humaine, seule la CAMEP dispose d'un laboratoire de contrôle de la qualité de l'eau potable (Lilian Saade, 2005). Ce laboratoire est équipé pour faire des analyses bactériologiques et physico-chimiques de l'eau potable et il effectue en moyenne 22 analyses par jour. Le seul traitement en vigueur est la désinfection, à l'aide de l'hypochlorite de calcium, qui a l'inconvénient d'aggraver l'alcalinité déjà excessive de l'eau des sources captées du bassin versant du Morne de l'Hôpital (Saade, citant OPS/OMS, 2001a).

Quant à la qualité de l'eau urbaine, d'après les études de l'OMS/OPS, on peut constater que pour les réseaux de source, des paramètres tels que les bactéries totales et les coliformes totaux sont apparus comme inacceptables et pour d'autres paramètres il n'y a même pas d'informations. Par contre, il est considéré que la qualité de l'eau en zone rurale au niveau des sources est acceptable, en tenant compte des coliformes totaux, mais qu'elle ne l'est pas dans le cas des fontaines (Texeira cité par Saade, 2005).

3.3.4.- Considérations générales sur le secteur de l'eau

Le secteur de l'eau en Haïti est confronté à des écueils importants en milieu rural et urbain. Il y a des problèmes liés à la quantité et à la qualité de ce service. En milieu urbain, encore 1,5 millions d'habitants n'ont pas d'accès aux services d'approvisionnement en eau, et en milieu rural, ce chiffre est de près de 2,3 millions.

La croissance démographique et l'exode rural ont eu un impact important sur l'accès à l'eau en milieu urbain, en entraînant une bidonvilisation galopante. Pour favoriser une bonne gestion de l'eau dans les quartiers précaires de Port-au-Prince, on y installe parfois des

71

comités d'eau. Mais seuls 48 d'entre eux sur environ 200 avaient en 2005 des comités d'eau (Saade, 2005).

Dans l'ensemble, le manque de coordination des différents intervenants dans le secteur de l'eau potable et le manque de données à jour sur le secteur ne facilitent pas des solutions aux problèmes de ce secteur. Malgré les efforts réalisés et les améliorations observées de 1980 à 2003, il reste encore beaucoup à faire dans ce domaine.

Tableau #... : Proportion de logements ayant accès à un fournisseur d'eau courante ar milieu de résidence en 2001

Accès à un
fournisseur
d'eau courante

Milieu de résidence

Ensemble

Aire

métropolitaine

Autre urbain

Rural

Proportion de
logements

33,4

24,7

16

21,5

Source : IHSI/Enquête sur les conditions de vie en Haïti (ECVH) - 2001

3.4.- Accès aux logements

L'accès au logement est fondamental pour assurer le bien-être d'un individu. Il fait partie d'un ensemble de besoins de base dont le niveau de satisfaction permet de mieux appréhender le phénomène de la pauvreté.

Un peu partout à travers Haïti, l'accès aux logements se révèle très difficile. En dehors de plans d'urbanisme et de programmes de logements sociaux, une situation d'anarchie prend corps dans le domaine de la construction. En raison du manque de revenus, les habitats précaires pullulent dans les bidonvilles. Dans les mornes entourant la capitale, les maisons remplacent les arbres sans aucun contrôle des autorités publiques. Donc, principalement à Port-au-Prince, la question du logement est un épineux problème.

La crise économique sévissant dans le pays, depuis près de deux décennies, a un impact considérable sur le rythme d'urbanisation et sur le mode d'occupation de l'espace dans les grands centres urbains. Elle a facilité l'émergence de nombreux quartiers précaires et une augmentation de la population sous l'effet de l'exode rural vers la capitale et les autres centres urbains. Cette urbanisation sauvage engendre une forte pression sur les faibles

72

infrastructures collectives d'assainissement, d'approvisionnement en eau potable et de logement de la région métropolitaine de Port-au-Prince et des villes secondaires (Emmanuel, 1997; et OPS/OMS, 1998).

Selon l'OPS/OMS, citée dans « Analyse de la Situation de l'habitat en Haïti, 1998 », la forte migration observée des zones rurales vers les villes, au cours de cette dernière décennie, a eu des conséquences néfastes sur l'accès au logement. En particulier, dans la zone métropolitaine, l'explosion démographique dans un espace limité a entraîné une dégradation importante des conditions de logement. La densité d'occupation des logements a sensiblement augmenté. S'il est généralement admis une moyenne de cinq personnes par ménage68, ce chiffre est nettement dépassé dans la zone métropolitaine de Port-au-Prince où l'exiguïté du logement, particulièrement, dans les bidonvilles, est notoire.

L'anarchie dans la construction des maisons, en rapport avec l'explosion démographique, explique que bon nombre d'habitations sont érigées sur des bassins versants, dans le lit des rivières ou dans des zones protégées des sources. Les résidents sont exposés à de graves dangers en cas de pluies ou d'inondations. Le non-respect des normes de construction fait que bien souvent ces maisons constituent de véritables dangers (risque de glissement de terrain et d'écroulement des maisons) pour leurs occupants, non seulement à cause de leur localisation (à proximité des routes, dans les ravines ...), mais aussi à cause du type de matériaux utilisés (OPS/OMS, 1998).

3.4.1.- Les différents types d'habitats en Haïti

Dans le cadre de ce travail, nous considérons deux types d'habitats : l'habitat rural et l'habitat urbain. Nous allons les voir chacun, de manière séparée, pour mieux déterminer leurs caractéristiques.

3.4.1.1.- L'habitat rural

L'habitat rural peut être soit regroupé, soit isolé. Dans le premier cas, ce sont des petits villages, communément appelés bourgs. Dans ces petites agglomérations, les ressources financières des habitants sont souvent très faibles et découlent principalement

68 Université Quisqueya, Centre d'habitats salubres de la République d'Haïti, Analyse de la situation de l'habitat en Haïti, page 10

73

d'activités rudimentaires dont l'agriculture et l'élevage, pratiquées au gré des caprices de la nature. Dans le deuxième cas, il s'agit d'unités isolées d'habitations éparpillées dans la campagne

3.4.1.2.- L'habitat urbain

L'habitat urbain, pour sa part, comprend trois catégories qui sont :

- Logement familial isolé situé au centre-ville ou en banlieue ;

- Logements regroupés en appartement, de plus en plus répandus dans les centres-villes ;

- Taudis des bidonvilles.

L'une des formes d'expression de la crise du logement en milieu urbain est le phénomène de la bidonvilisation. Celle-ci est une réponse spontanée des couches les plus défavorisées à la demande insatisfaite de logement due à la pression démographique. Selon Rousseau (1998), la lutte contre la bidonvilisation de Port-au-Prince a été initiée par le gouvernement de Sténio Vincent à la Saline et poursuivie par Elie Lescot. Cette lutte a abouti à la disparition de tout un quartier dénommé Nan-Pisquettes69. Cependant, aucune politique de construction de nouvelles unités d'habitation, pour reloger les populations déplacées, ne fut mise en oeuvre. Aussi, les personnes concernées occupèrent les premiers espaces libres qu'elles trouvèrent à leur portée, créant ainsi de nouveaux quartiers précaires.

L'occupation anarchique des espaces libres à l'intérieur des villes ou en périphérie ou en marge de quartiers résidentiels a pris des proportions accélérées depuis 1986. À Port-au-Prince, des constructions marginales sont érigées sur le littoral, les exutoires de ravin, terrains interstitiels des zones industrielles, partie centrale des îlots du centre ville, proximité des marchés publics. Ces développements atteignent une densité moyenne de 800 à 1799 personnes à l'hectare70. En 1997, ces développements spontanés représentent déjà 22,15 % de la surface urbanisée de Port-au-Prince.

Dans les bidonvilles, les conditions socio-économiques des résidents, leur mode de vie et le type d'aménagement de l'espace occupé occasionnent des impacts négatifs sur l'environnement. Les services municipaux ne sont pas disponibles, souvent par difficulté d'accès aux aires de résidence. Les besoins physiologiques se font dans les latrines ou encore

69 Idem, p. 16

70 Idem, p. 20

74

en plein air dans les espaces non affectés, sur les berges et lits des ravines (Lhérisson, 1999). L'évacuation des eaux usées ne se fait pas systématiquement vers les égouts. Le système de drainage est très limité et est souvent remplacé dans les nouveaux lotissements par les fosses septiques et fosses à fond perdu. Ceci, à la longue, pollue les nappes d'eau souterraines au détriment de la santé de la population en général. Dans les bidonvilles, l'insalubrité est plus apparente que dans n'importe quel autre milieu résidentiel. À partir des informations recueillies à l'EPPLS, nous pouvons affirmer que les éléments suivants caractérisent l'habitat en milieu urbain:

· mauvais état des logements résultant d'un manque d'entretien, de l'utilisation de matériaux de fortune ou de l'exiguïté des espaces et de leur distribution ;

· l'utilisation excessive des terrains et la diminution de l'espace vital par une densité élevée ;

· l'insuffisance ou l'absence d'infrastructures et de services de base ;

· Le taux élevé du chômage chez les occupants ;

· La prolifération du commerce informel;

3.4.2.- Accès aux logements et revenus

Selon le document « Analyse de la situation de l'habitat en Haïti » (Université QUISQUEYA, 1990), la clientèle du logement en Haïti est répartie suivant quatre catégories socioéconomiques, à savoir:

· Une clientèle misérable représentant 22,5 % de la population. Leur revenu est inférieur à 750 gourdes l'an.

· Une clientèle pauvre ayant une fréquence de 46 %. Leur revenu est compris entre 750 gourdes et 6000 gourdes l'an.

· Une clientèle aux revenus moyens (21,5 %). Leur revenu varie d'une fourchette de 6000 gourdes l'an à 100 000 gourdes.

· Une clientèle aisée, d'une fréquence de 0,5 %. Leur revenu annuel est supérieur à 100 000 gourdes l'an.

La corrélation entre les revenus des ménages, le nombre d'unités de logements et des surfaces occupées est présentée, pour l'aire métropolitaine de Port-au-Prince, dans le tableau suivant.

75

Tableau #.... : Logements dans l'aire métropolitaine de Port-au-Prince

catégories socio-
énomiques
Dépenses/Revenus
(Gdes)

Unités de Logement

Surface
m2

Total bâti
m2

Nombre

%

Plus de 10,000

2,767

1.00

207.70

574,752

6,000 à 9,999

7,849

2.85

65.00

510,185

2,000 à 5,999

123,010

44.65

40.00

4,920,400

1,000 à 1,999

115,051

41.75

12.00

1,380,612

Moins de 1,000

26,779

9.75

9.50

254,401

 

275,456

100.00

 

7,640,350

Source: Logement et Bidonvilles, G. Lhérisson, Les problèmes environnementaux de la région métropolitaine de Port-au-Prince, 1999

Le type de logement varie suivant les régions du pays. Cependant les grandes différences sont surtout constatées entre le rural et l'urbain comme l'atteste le tableau ci-après.

3.4.3.- Typologie des logements

Selon l'IHSI (Enquête Budget -Consommation des ménages 1999-2000), à l'échelle nationale, les maisons ordinaires71 à un niveau dominent largement (69,8 %). Cela étant, le fait que les « taudis et ajoupas »72 comptent pour près d'un quart des logements (24,3 %) laisse entendre qu'une part non négligeable de la population vit dans des conditions d'habitation précaires.

Tableau # .... : Répartition des logements en Haïti - 1986-1987*

Types

Milieux

Nombre d'Unités

71 La catégorie « maison ordinaire » regroupe les constructions dont les murs extérieurs sont en maçonnerie, briques, roches, planches ou mixtes.

72 La catégorie « taudis et ajoupas » regroupe les constructions édifiées à partir de matériaux de récupération typiques dans les bidonvilles se trouvant à l'entrée ou la périphérie des villes. La toiture est en taches de palmier, en tôle ondulée, en carton ou en plastique. Les murs peuvent être en clissage et bousillage, en tôle de récupération, en déchets de blocs ou en bois de récupération. À l'intérieur du taudis, les séparations sont faites en morceaux de tissus ou rideau ou en carton. Le sol est presque toujours en terre battue.

76

Maisons en terre

Rural

4,039

Taudis

Urbain

30,695

Ajoupas recouverts de
chaume

Rural/semi-urbain

395,923

Ajoupas recouverts de tôles

Rural/semi-urbain

460,772

Maison en dur recouvert de

tôles

Urbain semi-rural

202,215

Maison avec toitures en
béton

Urbain semi-rural

63,315

Maison ancienne
(Gingerbread)

Urbain

5,123

Duplex et Triplex

Urbain

1,598

Autres

 

456

Total

 

1,164,136

Source: Secteur développement urbain et logement, EPPLS, 1996 *Les «sans-abris» sont estimés à 200 000 pour cette période

En fait, les taudis et ajoupas, selon l'EBCM de 1999-2000, sont principalement présents en milieu rural où ils représentent 33,4 % des logements, et dans une moindre mesure en milieu urbain (Aire Métropolitaine de Port-au-Prince non comprise). S'agissant de l'aire métropolitaine, le poids de ce type de logements que l'on retrouve dans les zones suburbaines et les bidonvilles est plutôt marginal (2,7 %)

Tableau #.... : Répartition des logements selon le milieu de résidence, selon le type de logement (%)

Types de
logements

Aire

Métropolitaine

Autre Urbain

Rural

Total

Kay atè

0.0

0.0

0.3

0.3

Taudis/ajoupas

0.6

1.4

22.4

24.4

Maison
ordinaire à un
niveau

16.1

11.7

42.1

69.9

Maison

3.1

0.9

0.1

4.1

77

ordinaire à deux
niveaux

 
 
 
 

Appartement

0.8

0.1

0.1

1.0

Villa

0.1

0.0

0.0

0.1

Maison de type
colonial

0.1

0.1

0.0

0.2

Autre type

0.0

0.0

0.0

0.0

Total

20.8

14.2

65.0

100.0

Source : IHSI/ Enquête Budget Consommation des ménages 1999-2000

En 2003, la catégorie « Maison basse73 » représente plus de 72 % des maisons contre 20,33 % pour la catégorie « Taudis et ajoupas ». Force est alors de constater que les maisons très modestes représentent plus de 90 % du total.

En analysant le Recensement Général de la Population et de l'Habitat de 2003, la part des taudis et ajoupas dans le total des logements recensés a légèrement diminué passant de 24,4 % à l'échelle nationale en 1999-2000 à 20,33 % en 2003. Bien que l'analyse se soit portée sur des bases de données différentes, elle permet toutefois d'avoir une idée de l'évolution de la situation de l'habitat durant ces dernières années.

Tableau # ..... : Répartition des bâtiments par type selon le milieu de résidence

(ensemble du pays).

Type de Bâtiment

Nombre de bâtiments

Total

Milieu de résidence

Urbain

Rural

Total

2,016,247

719,386

1,296,861

Kay atè

27,452

3,358

24,094

Taudis

55,575

23,135

32,440

Ajoupas

354,366

26,444

327,922

Maison basse

1,461,392

563,519

897,873

Maison à étage

97,050

89,426

7,624

Maison à
appartement

11,826

9,234

2,592

Maison type colonial

1,629

1,116

513

Villa

907

614

293

Autre

6,050

2,540

3,510

Source : IHSI/Recensement Général de la Population et de l'Habitat (RGPH-2003)

73 Definitionn dans recencement general de la population et de l'habitat, 2003

78

La distribution des logements suivant le nombre total de pièces (ensemble des chambres à coucher, des salons et des salles à manger) se caractérise par la prédominance des logements de deux pièces au moins (41 %). Plus précisément, les logements de deux pièces constituent la classe modale de la distribution. Alors que les logements de cinq pièces et plus ne sont pas très répandus (6,9 %).

Tableau # .... : Répartition des maisons suivant le milieu de résidence selon le nombre de pièces (%)

Nombre de
pièces

Aire

Métropolitaine

Autre Urbain

Rural

Total

1 pièce

6.1

2.7

8.9

17.7

2 pièces

6.8

4.5

30.2

41.5

3 pièces

3.2

3.4

15.3

21.9

4 pièces

2.0

2.4

7.6

12.0

5 pièces

2.7

1.2

3.0

6.9

Total

20.8

14.2

65.0

100.0

Source : IHSI/ Enquête Budget Consommation des ménages 1999-2000

À l'échelle nationale, la quasi-totalité des taudis et ajoupas a des murs en terres. On observe cependant que les profils des taudis et ajoupas diffèrent considérablement d'un milieu de résidence à l'autre. Ceux de l'aire Métropolitaine se caractérisent par une forte présence de murs en tôles (52,12 %), les autres ayant soit des murs en terre (26,31 %), soit des murs en bois (16,9 %). Par contre, dans les autres villes comme en milieu rural, la tôle est quasiment absente des matériaux constituant les murs des taudis et ajoupas (respectivement 0,5 % et 0,05 %). En milieu rural, 64,5 % des taudis et ajoupas ont des murs en terres, les murs en bois comptant pour moins d'un logement rural sur cinq (17,4%).

Tableau # : Répartition des « taudis et ajoupas » selon le milieu de résidence

suivant le type de matériaux des murs (%)

79

Types de
Matériaux

Aire

Métropolitaine

Autre
Urbain

Rural

Total

Pierres, blocs

0.0

0.1

0.3

0.4

Terre

0.6

1.5

59.3

61.4

Bois

0.4

2.4

16.0

18.8

Tole

1.2

0.0

0.1

1.3

Chaume

0.0

0.1

0.1

0.2

Carton, Plastique

0.1

0.0

0.1

0.2

Autre

0.0

1.6

16.1

17.7

Total

2.3

5.7

92.0

100

Source : IHSI/ Enquête Budget Consommation des ménages 1999-2000

En ce qui a trait au toit des maisons de type ordinaire à un niveau, la prédominance va du coté des toits en taules tant à l'échelle nationale qu'au niveau de chacun des milieux de résidences (68,4 %). Par contre, seulement 27,5 % des taudis et ajoupas ont des toits en tôles et ces derniers, dans leur grande majorité, ont des toits en chaume (66,7 %). L'aire Métropolitaine de Port-au-Prince se distingue des autres milieux de résidence par la forte présence de toits en béton (41 %).

Selon le matériau principal du sol, les deux principaux types de sols sont ceux dont le revêtement est en béton (54,2 %) et ceux en terre battue (42,3 %) (EBCM 1999-2000).

3.4.4.- Population et habitat

En 1986-1987, Haïti totalisait 5,6 millions d'habitants, et le nombre de logements ou de ménages était évalué à 1,2 million d'unités74. Le taux d'occupation calculé à partir de ces statistiques correspond à 4,7 habitants/logement. En 1995, la population était estimée à 7,18 millions d'habitants avec une densité moyenne de 259 habitants/km2. Soixante treize pour cent (73 %) de cette population vivait en milieu rural et 22 % en milieu urbain. Pour cette même année, le déficit du logement est passé à près de 340 425 unités75.

Le nombre d'unités d'habitation est insuffisant pour répondre à la demande en logement. Du stock existant, un nombre élevé de ces logements est en-dessous des standards

74 Idem, p. 21

75 Ibidem

80

de confort et de salubrité. Plus 60 % des logements sont estimés inadéquats, déficients ou en dessous des standards minima suivant les analyses de la Institute for Housing and Development, d'après une étude publiée par l'Université Quisqueya76.

L'analyse de la situation de l'habitat en Haïti à travers les deux dernières décennies passées nous permet de constater la situation alarmante qui prévaut non seulement en ce que a trait aux types de maisons (ajoupas, taudis et maisons basses, etc) mais également en ce qui a trait aux types de matériaux utilisés pour leur construction. Jusqu'en 2003, plus de 40 % des maisons ont été construites avec des matériaux de récupération (Bois, tôle carton, clisse etc) (IHSI, RGPH 2003).

Il est difficile de parler d'amélioration dans le secteur du logement durant ces vingt dernières années. Le constat fait plus haut porte plutôt à parler de la persistance des problèmes épineux auxquels est confronté le secteur du logement. Si en milieu rural, il faut reconnaître qu'il y a des efforts individuels pour avoir accès à un logement décent, on constate aussi une extension des habitats précaires dans les bidonvilles.

3.5.- Alimentation

Le besoin de se nourrir se classe parmi les besoins fondamentaux indispensables à l'existence de l'être humain. Ainsi, l'accès à une alimentation en quantité et en qualité suffisantes est fondamental pour l'homme.

Les spécialistes qui ont abordé la question de l'alimentation ont introduit des concepts permettant de mieux saisir la dimension de la problématique et facilitant une meilleure compréhension de ses interpénétrations. En particulier, ils mettent l'accent sur deux concepts qui permettent de dégager une compréhension globale de la problématique de l'alimentation, à savoir : la sécurité alimentaire et l'autosuffisance alimentaire.

La sécurité alimentaire est définie comme « accès physique et économique de tous, à tout moment, à une nourriture suffisante, salubre et nutritive, leur permettant de satisfaire leurs besoins nutritionnels et leurs préférences alimentaires pour mener une vie saine et active » (Référence). La sécurité alimentaire, ainsi définie, comporte trois dimensions principales: la disponibilité des aliments, l'accès aux aliments et l'utilisation des aliments.

76 Ibidem

81

L'autosuffisance alimentaire, pour sa part, se définit, comme l'aptitude d'une population à satisfaire ses besoins alimentaires par sa propre production. La globalisation croissante des économies à l'échelle mondiale réduit un peu la nécessité pour un pays de produire tout ce qu'il consomme. En raison de certains calculs économiques, en termes d'avantage comparatif notamment, les échanges commerciaux permettent aux pays de trouver sans difficultés un ensemble de biens qu'ils ne produisent pas. Ainsi, dans le cadre de ce travail, nous allons mettre l'accent surtout sur les problèmes d'insécurité alimentaire et d'insuffisance alimentaire en Haïti.

Haïti est un pays fortement affecté par l'insécurité et l'insuffisance alimentaires. Le cas haïtien se caractérise par une disponibilité alimentaire insuffisante, un niveau d'accès inadéquat, et un environnement sanitaire qui ne favorise pas une utilisation biologique optimale des aliments.

Selon un rapport publié par la Plate-forme Nationale de la Sécurité Alimentaire (PNFSA) en 2005, il existe un déficit de 15,4 % au niveau de l'offre alimentaire en Haïti. Ce rapport fait état de trois composantes à propos de l'offre alimentaire : la production locale, les importations et l'aide alimentaire. En raison du déclin de l'agriculture haïtienne, l'offre locale affiche une tendance à la baisse. La production nationale a représenté en moyenne 49,24 % de l'offre alimentaire, contre 28,58 % pour les importations et 6,78 % pour l'aide alimentaire, entre 1999 et 2003, soit une couverture des besoins alimentaires nationaux à hauteur de 84,6%. Un déficit de plus de 15 % reste à combler. D'où une situation d'insuffisance alimentaire en Haïti.

Le rapport entre les importations alimentaires et le total des exportations est fréquemment utilisé comme mesure du degré de sécurité alimentaire d'un pays (Huddleston, 1984). Il ne devrait pas dépasser 15 %. Depuis 1986, les aliments importés occupent une place de plus en plus importante dans la disponibilité alimentaire haïtienne, passant de 252 000 tonnes en 1982 à 527 000 tonnes en 1990 et 594 000 tonnes en 1995. Le volume d'aide alimentaire à Haïti a oscillé entre un minimum de 68 000 tonnes en 1991 et un maximum de 159 000 tonnes en 1994 (Référence). Haïti connaît une détérioration progressive des capacités de son niveau d'exportation à financer les importations. De 70 % en 1970, cette capacité est passée à 54 % en 1991, à 35 % en 1996 et à 47 % en 1998. En 1998, le total des importations était de US $ 640 millions (US $ 234 millions en produits alimentaires) et des exportations US $ 299 millions (BRH, Rapport Annuel 1999). Les importations de produits

82

alimentaires monopoliseraient donc 78 % des devises générées par les exportations. Entre 1999 et 2003, elles représentaient environ 25 % des importations totales du pays.

Tableau #... Livraison d'aide alimentaire en Haïti par année de 1988 à 1997 (en tonnes)

Année

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

TOTAL

124,340

126,890

105,154

68,117

99,993

105,250

159,200

139,060

129,030

122,230

114,670

Source: Système International d'Information sur l'Aide Alimentaire, PAM, Juin 1998, CNSA, 1999

D'autre part, il prévaut dans le pays une situation d'insécurité alimentaire qui se manifeste sous plusieurs formes. Une première forme d'insécurité alimentaire est la dépendance du pays vis-à-vis des ressources externes. Les importations de produits alimentaires sont financées dans une large proportion par des capitaux étrangers, provenant de l'aide internationale et des transferts de fonds des ressortissants haïtiens vivant à l'étranger. Or, le pays ne maîtrise pas le mouvement de ces capitaux. À n'importe quel moment, une rareté de devises peut être créée. Par conséquent, les difficultés à financer les importations peuvent conduire à une hausse des prix sur le marché local. Les ménages en seraient fortement affectés dans leur possibilité de se procurer une ration alimentaire suffisante.

La PNFSA avance d'autres facteurs conduisant à l'insécurité alimentaire, comme par exemple: l'instabilité politique, la mauvaise gouvernance économique, la faible structuration de la société civile, les inondations et les sécheresses, et un manque de vision en matière des politiques alimentaires.

Les données disponibles montrent que l'insécurité alimentaire est massive et largement étendue en Haïti. Selon un rapport publié par la Coordination Nationale de la Sécurité Alimentaire (CNSA) en 2002, près de la moitié de la population haïtienne, soit environ 4 millions de personnes, sont concernées par l'insécurité alimentaire et la pauvreté. Les 2,4 millions d'Haïtiens, vivant en situation d'extrême pauvreté (avec moins d'un dollar américain par jour), sont incapables de satisfaire leurs besoins alimentaires et leurs besoins de base non alimentaires (habillement, santé, éducation, logement). D'une manière générale, ces pauvres consacrent une part importante de leurs revenus à l'alimentation. D'après le rapport

83

de la CNSA, ils sont estimés à 55 % pour l'ensemble du pays, 43 % des habitants de l'Aire Métropolitaine, 50 % dans les villes secondaires et 64 % en milieu rural.

L'insécurité alimentaire se traduit également par des taux de malnutrition élevés, notamment chez les enfants de moins de cinq (5) ans : 23 % de ces enfants souffrent de malnutrition chronique, 5 % de malnutrition aiguë et 17 % d'insuffisance pondérale. L'insécurité alimentaire contribue aussi à un fort taux de mortalité infantile (12 %)77. Près de 10 % des besoins alimentaires de la population, exprimés en calories, ne sont couverts, ni par la production nationale, ni par les importations commerciales qui ont fortement progressé ces dernières années78. Ces besoins représentent aujourd'hui, avec l'aide alimentaire, plus du tiers des besoins de consommation. Ces données vont dans le même sens que celles avancées par la PNFSA au sujet de l'insuffisance alimentaire, lesquelles font état d'un déficit à combler de l'ordre de 15,4 %.

3.5.1.- Stratégies des ménages face à l'insécurité alimentaire

Tous les ménages ne sont pas exposés au même degré à l'insécurité alimentaire. Les principales victimes se trouvent en milieu rural où 74 % de la population vit dans la pauvreté79. 400 000 ménages en milieu rural sont à la merci des aléas climatiques. Les paysans pauvres, fort souvent, détruisent l'environnement pour survivre. Ce qui, à terme, les plonge davantage dans la pauvreté.

Le rapport de la PFNSA, pour sa part, souligne un accès inégal aux ressources, expliqué par la différence du niveau d'étude. Ainsi, 74,4 % des ménages n'ayant aucun niveau d'étude ont un revenu de moins de 10 000 gourdes. De même, les individus qui ont un niveau d'étude supérieure gagnent en moyenne : 2 fois et demie de plus que ceux qui ont niveau secondaire, 4 fois par rapport à ceux qui n'ont fait que l'école primaire et 7 fois par rapport à ceux qui n'ont aucun niveau de scolarisation. Le pourcentage d'individus ayant une formation supérieure en Haïti (1,5 %) étant tellement faible que la faiblesse des revenus dans cette situation touche un nombre très élevé de ménages.

Face à l'insécurité alimentaire, les ménages adoptent différentes stratégies : diminution de la consommation de biens alimentaires, diminution des dépenses consacrées à

77 CNSA, 2002, p. 6

78 Ibidem

79 Ibidem

84

l'alimentation, achat à crédit et emprunt. Des changements dans les habitudes de consommation constituent une autre forme de stratégie adoptée.

Pour réagir face à l'insécurité alimentaire, les ménages ont recours à des solutions de court terme hypothéquant, parfois, une amélioration de leur situation dans le futur. Ils se livrent, parfois, à une surexploitation du milieu naturel et à l'augmentation des prélèvements miniers dans l'écosystème. Les agriculteurs, par exemple, utilisent ce type d'actions, en réponse à l'insécurité alimentaire. Quand les ressources à exploiter atteignent un point critique, ils migrent ou émigrent.

En milieu urbain, l'adoption de nouveaux modes de consommation, le surendettement, l'intégration dans des réseaux de solidarité et le développement du petit commerce de détail sont les moyens généralement utilisés pour affronter l'insécurité alimentaire. Du fait que ces réponses n'apportent pas toujours les résultats escomptés, les gens profitent par moment pour s'émigrer en terre étrangère, dès que l'opportunité se présente.

Certaines études réalisées mettent en évidence l'instabilité qui caractérise la disponibilité des produits, notamment sous l'effet des fluctuations de la production (Josué, 1986 ; UNICEF, 1994). L'instabilité existe aussi de mois en mois et d'une zone géographique à une autre. (CNSA, 1996; UNICEF, 1994).

En effet, un nombre important d'Haïtiens souffrent de sous-alimentation, tant du point de vue qualitatif que quantitatif. Haïti est en 6ème position dans le monde en terme de proportion de sa population qui est sous-alimentée (61 %), après la Somalie (73 %), l'Erythrée (67 %), la Mozambique (63 %), le Burundi (63 %) et l'Afghanistan (62 %) (FAQ, 1999). Selon la FAQ (2002), le niveau des besoins énergétiques requis est de 2150 Kilocalories/personne/jour pour une activité normale et de 2250 Kilocalories pour une activité plus soutenue. La quantité d'Haïtiens à pouvoir atteindre ce niveau est très limitée. Selon la Banque Mondiale (2004), le pourcentage de la population en dessous du niveau minimum de consommation d'énergie diététique s'élevait à 65 % en 1990, 60 % en 1995 et 49 % en 2001. De même, les pourcentages d'enfants de moins de cinq ans touchés par la malnutrition pour les mêmes années ont été respectivement de 26,8 %, 27,5% et 17,3% (Vérification des données). Si au niveau de la malnutrition il y a eu des améliorations, sur le plan de la consommation d'énergie diététique, la situation a été marquée par une détérioration.

85

3.5.2.- Évolution de la situation alimentaire

Le déséquilibre entre l'offre et la demande alimentaires nationales est flagrant. Selon la CNSA, l'offre croit à un rythme annuel moyen de 0,40 %, tandis que la demande évolue à un taux annuel de 2 % (CNSA, 2002, p. 7). Une telle affirmation, à notre sens est questionnable. Les données disponibles sur l'évolution du PIB montrent clairement qu'Haïti a été marquée durant ces vingt dernières années par une situation de régression économique. Donc, la production nationale a été marquée de préférence par une croissance négative. Ce qui témoigne d'une aggravation du déséquilibre entre l'offre et la demande alimentaire.

La dépendance de l'extérieur pour satisfaire les besoins alimentaires s'est renforcée au fil des années: entre 1990 et 1995-97 le coefficient de dépendance alimentaire est passé de 26,2 à 3480. En nous basant sur l'accroissement continue de la population et les faibles rendements agricoles - nonobstant quelques tentatives de réforme amorcées (réforme foncière, organisation des producteurs,...) - ce coefficient se situerait de nos jours entre 35 et 40 (Lundy, 2002, p.).

Les indices globaux de sécurité alimentaire (IGSM)81 ont, en effet, plus que doublement diminué, passant de 67,50 en 1988-90 à 26,50 en 1991-93, d'une phase intermédiaire à une phase extrêmement critique82. La progression de l'insécurité alimentaire au cours de cet intervalle s'expliquerait, entre autres, par la dégradation générale du contexte socio-politique, la régression économique, la baisse de l'offre en services de base, l'accélération de l'exode rural et l'accroissement de la migration vers l'étranger.

Sur le plan politique, l'instabilité politique engendre : un manque de continuité dans les actions entreprises par l'État ; des changements fréquents au niveau des stratégies ou des approches ; une situation d'incertitude chez les opérateurs économiques et les partenaires nationaux et internationaux. Les crises politiques répétitives nuisent à la recherche de solutions viables et durables à la problématique de l'insécurité alimentaire.

80 Ces importations (278 millions de dollars en 1999) ont plus que triplé en moins de vingt ans (1981-1999), Données BRH : www.brh.net

81 C'est un indice composite qui traduit l'état de la situation globale de sécurité alimentaire pour un pays donné. Un score supérieur à 85 et inférieur à 65 révèle respectivement un niveau de sécurité alimentaire élevé et critique. (Comment le calcule-t-on ?)

82 Pascal Pecos Lundy, Situation alimentaire et politiques agricoles en Haïti : quelles orientations ? P. 2.

86

Au sujet des facteurs économiques contribuant à la progression de l'insécurité alimentaire, on peut citer la faiblesse des investissements, l'insuffisance des infrastructures et des services. Ces carences limitent la production de richesses et la création d'emplois dans le pays.

La libéralisation de l'économie haïtienne a exacerbé la pauvreté pour certains groupes sociaux, notamment les petits producteurs agricoles, incapables de résister à la concurrence des produits importés. Cette situation explique en partie pourquoi le monde rural est le plus affecté par l'insécurité alimentaire.

La libéralisation du commerce extérieur d'Haïti a contribué à modifier considérablement la structure de l'offre alimentaire et les habitudes de consommation dans le pays. Par conséquent, la dépendance et les risques d'insécurité alimentaire liés à un approvisionnement externe dans un contexte macro-économique fragile se trouvent accélérés.

Au niveau de l'évolution de la situation de l'insécurité alimentaire, plusieurs tendances ont été dégagées au cours des 15 dernières années. L'étude de la CNSA révèle une augmentation en nombre des victimes de l'insécurité alimentaire, mais une baisse en termes de pourcentage : 60 % en 1986 contre 48 % en 2000. De 1986 à 1991, une légère amélioration de la situation de la sécurité alimentaire a été constatée, mais elle a été suivie d'une forte dégradation durant la période de l'embargo entre 1992 et 1994 puis d'une amélioration entre 1995 et 1999 pour se détériorer de nouveau depuis l'année 2000 (Référence...).

Une comparaison à partir des Enquêtes Budget Consommation des Ménages de 1986/87 et de 1999/2000 permet d'avancer que la part du budget des ménages consacrée à l'alimentation a augmenté. Alors qu'elle était de 48 % en 1986/87 pour l'ensemble du pays, elle est passée à 55 % en 1999/2000). Dans le même temps, des changements dans les habitudes alimentaires (une forte progression de l'achat des repas cuits hors domicile, une forte baisse dans la consommation des légumes, du lait et des huiles) ont été constatés. En ce qui concerne le bilan alimentaire, une légère avancée a été enregistrée : 2055 calories/jour/personne en 2000 contre 2026 en 1980 (CNSA, 2000). Cependant, la valeur calculée pour l'année 2000 reste en deçà de la quantité de 2450 calories recommandée, ne représentant que 87 % de cette valeur.

87

Chapitre IV : Incidences de la croissance démographique sur la pauvreté en Haïti 4.1.- Bilan des politiques de population

Pour le début des années 2000, les variables démographiques ont affiché des valeurs s'écartant nettement des objectifs fixés par le gouvernement d'Haïti au début des années 80. L'impact de la politique de population sur l'accroissement de la population n'est pas évident. Comment expliquer cet écart entre les résultats obtenus et les objectifs fixés ?

En premier lieu, l'exécution de la politique de population supposait la mise en place d'un cadre institutionnel. Dans le document de politiques de population élaboré au début des années 80, il était prévu la création de la Commission Nationale de Population (CONAPO) dans le but d'assurer la mise en oeuvre et le suivi de la politique de population. Mais cette institution n'a pas pu bénéficier d'une véritable structuration susceptible d'assurer son efficacité.

La liaison entre les événements politiques et la politique nationale de population ne sauraient être négligée. En effet, l'année 1986 a été marquée par de fortes turbulences

88

politiques, avec le départ du régime de Jean-Claude Duvalier. Depuis lors, le pays vit un long cycle d'instabilité politique, avec des conséquences non négligeables sur tous les champs d'activités. Les gouvernements qui se sont succédés au pouvoir ne se sont guère préoccupés de la poursuite des initiatives entreprises par leurs prédécesseurs. La lutte pour consolider le régime politique au pouvoir s'est souvent substituée aux efforts d'instauration de structures durables pour affronter les grands défis de la nation. Dans ce contexte, on pourrait trouver une raison susceptible d'expliquer l'échec des politiques de population élaborées durant les années 80.

Mais, cette explication ne saurait être l'unique. Il convient également de questionner les objectifs fixés. Étaient-ils formulés à partir d'un diagnostic de la situation ?

Les critères retenus pour parvenir aux objectifs chiffrés ne sont pas suffisamment bien définis dans le document. En d'autres termes, la cohérence de ces objectifs chiffrés par rapport à une vision de long terme du développement n'est pas clairement établie.

D'autre part, pendant longtemps, le concept de population a été surtout lié à la pratique de la médecine en Haïti. Et pour preuve, la Santé publique et la Population ont été réunies au sein d'un même ministère. La démédicalisation du concept de Population ne remonte qu'à 1994, année de l'organisation de la Conférence Internationale sur la Population et le Développement (CIPD), tenue à Caire. C'est à partir de cette date que l'on a pris conscience véritablement en Haïti de la nécessité d'intégrer le facteur développement dans les politiques de population. C'est dans ce contexte que la Secrétairerie d'État à la Population a été créée en 1999.

La création récente du Réseau National en Population et Développement (RNDP), lequel regroupe tout un ensemble d'institutions, donne un nouvel instrument pour aborder la problématique de la population, en regard des objectifs de développement. Mais, faut-il bien que ces institutions s'accordent sur les priorités nationales en matière de population et sur les actions concrètes à mener pour atteindre les objectifs nationaux dans ce domaine.

4.2- Évolution des indicateurs de développement humain

Globalement, l'évolution des indicateurs de développement humain de 1980 à 2003 semble être marquée par une certaine amélioration en termes de proportion. Que l'on considère l'accès à l'éducation, l'accès aux services de santé, l'accès à l'alimentation ou l'accès à l'eau courante, la tendance générale tend vers une augmentation du pourcentage de la

89

population mieux desservie. Mais dans certains cas, la quantité d'individus dépourvus de ces services de base élémentaires est en augmentation. Cela amène à tirer la conclusion qui suit : le rythme d'augmentation de la disponibilité de ces services de base est insuffisante pour inverser la tendance de l'accroissement de la pauvreté dans le pays. Donc, le rythme de croissance de la population a agi négativement sur l'amélioration des indicateurs de développement humain.

Pour notre étude, nous avons considérés des indicateurs de développement humain et non des indices composites, tels que élaborés notamment par les Nations Unies. En fait, notre choix s'explique par la controverse suscitée par l'attribution d'un poids égal à tous les indicateurs entrant dans la composition de ces indices composites, dont l'IDH. Cependant, l'évolution de l'IDH d'Haïti de 1980 à 2004, tel que le montre le graphique ci-après, conduit à la même conclusion que nous avons formulée plus haut : il y a une amélioration de l'IDH, mais d'un niveau très faible.

Graphique # ... Évolution de l'Indicateur de développement humain (IDH)83 d'Haïti de 1980 à 2004

Tableau # ... : L'Indice de développement humain d'Haïti pour quelques années de la période 1980-2004 (Tableau en annexe de préférence)

83 Université de Sherbrooke, http://perspective.usherbrooke.ca/bilan/tend

90

Année

IDH

1980

0,449

1985

0,458

1990

0,446

1995

0,45

2003

0,475

2004

0,482

Source : Université de Sherbrooke/ Human Developement Report 2005

En comparant Haïti à la République Dominicaine, on constate une grande différence au niveau de l'évolution des IDH. Tandis qu'en Haïti, l'IDH a augmenté de seulement 7 % en 24 ans (de 1980 à 2004), en République Dominicaine, il a connu un accroissement de 21 % en 29 ans84. Et malgré tout, la République Dominicaine n'est pas le champion de la région caribéenne.

La comparaison d'Haïti avec son plus proche voisin permet de relativiser le peu de progrès enregistrés dans l'accès à certains services de base en Haïti.

4.3.- L'investissement en capital humain

L'investissement en capital humain est fondamental pour la réduction de la pauvreté. Des investissements en éducation, en santé, dans l'alimentation de la population, entre autres, contribuent à une force de travail productive, à l'amélioration des conditions de vie et favorisent des revenus per capita plus élevés.

Durant ces dernières années, le flux d'investissement en capital s'est révélé insuffisant pour satisfaire les besoins du pays en professionnels qualifiés et en bonne santé. Haïti comptait à la fin de 2003, selon les données officielles fournies par le MSPP85 , 2,37 médecins pour 10 000 habitants, 1,52 infirmières pour 10 000 habitants et 3,05 auxiliaires pour 10 000 habitants.

Dans le domaine de l'éducation, le coût représente des charges énormes pour les ménages. Le coût de l'école privée dont les frais d'inscription et d'écolage représentent près de 40 % du budget des familles pauvres86. L'éducation étant considéré de plus en plus comme un facteur qui accroit les chances de réussite par une certaine mobilité sociale, les parents sont

84 Idem

85 Idem

86 UNICEF/MENJS, Étude des coûts de l'éducation en Haïti, Juin 2006, p.6

91

parfois obligés de sacrifier leurs ressources pour permettre à leurs enfants d'aller à l'école. Cependant, dans le pire des cas, les ressources disponibles sont plutôt allouées à garantir la survie de la famille. L'accès à l'éducation de base a diminué de 7 % de 1998 à 200287. Cela est dû fondamentalement à la faiblesse de l'offre publique d'éducation et au renchérissement du coût de l'éducation.. Pour contourner le problème de manque de ressources financières, les familles se dirigent certaines fois vers des écoles « borlettes » où la qualité de la formation dispensée hypothèque l'avenir des enfants. Sur l'ensemble des écoles privées, seulement 8 % sont reconnues officiellement et sont habilitées à faire participer leurs élèves aux examens officiels88, selon les dernières données disponibles.

L'effort financier des parents en éducation est estimé à 124 dollars américains par an89. L'EBCM 1999-2000 estimait à 2415,1 gourdes par an le montant de la consommation des biens et services relatifs à l'éducation90.

Pour mieux cerner l'importance accordée à l'investissement en capital humain par l'État haïtien durant la période qui concerne cette étude, nous avons été amenés à explorer les budgets de la République sur cette période. Notre constat est que les budgets de fonctionnement des Ministères de l'Éducation Nationale et de la Santé Publique sont dans beaucoup de cas supérieurs au budget d'investissement. En général, les ressources publiques sont plutôt consacrées à faire fonctionner le système qui existait déjà avec peu de souci de satisfaire les nouvelles demandes.

En 1996, en particulier, 9,32 % du budget de la République (13,4 milliards de gourdes) a été consacrée à l'éducation, contre 10,52 % pour le secteur de la santé. Ce même budget a été reconduit sur 5 ans, c'est-à-dire jusqu'en 2001. Non seulement, les ressources n'ont pas été suffisantes, compte tenu de l'importance de ces secteurs, mais aussi la reconduction du budget a immobilisé la capacité de l'État en matière de santé et d'éducation, dans le contexte d'accroissement de la population.

87 Ibidem

88 Ibidem

89 Ibidem

90 Ibidem

92

Tableau # : Évolution des crédits alloués à l'éducation et à la santé par rapport au budget total de l'État (en millions de gourdes)

Année

MENJS

MSPP

Budget total

Fonct.

Inv.

Total

Fonct.

Inv.

Total

1980-1981

81,51

...

...

61,87

...

...

...

1981-1982

88,74

...

...

91,51

...

...

...

1982-1983

87,16

...

...

80,4

...

...

...

1983-1984

94,79

8

...

88

30

...

...

1984-1985

...

9,84

96,3

...

32,3

89,5

1240

1985-1986

...

...

98

...

...

89,5

1110

1986-1987

...

...

161,6

...

...

144

...

1987-1988

...

...

...

...

...

...

...

1988-1989

...

...

...

...

...

...

...

1989-1990

184

...

...

145

...

...

...

1990-1991

180

...

...

149

...

...

...

1991-1992

...

...

197

...

...

176

...

1992-1993

...

...

241

...

...

...

1830

1993-1994

...

...

241

...

...

...

1830

1994-1995

...

...

...

...

...

...

...

1995-1996

...

591

...

...

665

...

...

1996-1997

784

470

1250

440

975

1410

13400

1997-1998

784

470

1250

440

975

1410

13400

93

1998-1999

784

470

1250

440

975

1410

13400

1999-2000

784

470

1250

440

975

1410

13400

2000-2001

784

470

1250

440

975

1410

13400

2001-2002

1310

720

2030

685

492

1170

13270

2002-2003

1370

367,93

1,74

587,69

121,65

709

15330

2003-2004

1370

367,93

1740

587,69

121,65

709

15330

2004-2005

...

...

3030

...

871

 

21490

2005-2006

3030

773,85

3810

955,99

327,11

1280

37810

2006-2007

3800

1880

5690

1150

4280

5430

64560

Source : Ministère de l'Économie et des Finances

4.4.- Gestion du capital humain

Haïti vit depuis quelques années une accélération du phénomène de la fuite des cerveaux. Beaucoup de professionnels formés en Haïti sont partis s'établir définitivement en terre étrangère. Une bonne proportion d'entre eux se dirige vers le Canada. L'expatriation des ressources humaines qualifiées du pays, pour des raisons diverses, soumet Haïti à une véritable décapitalisation humaine. Alors que l'investissement en capital humain n'est même pas suffisant, le pays n'est pas non plus en mesure d'endiguer le flot de cette masse de gens qui laisse Haïti.

Un autre aspect de la question est la faiblesse de la capacité d'absorption des individus bien formés dont dispose le pays. Le chômage chronique n'épargne même les gens qui ont pu boucler un cycle d'études supérieures. Fort souvent, le départ pour l'étranger se présente comme une planche de salut pour de nombreux jeunes inquiets par rapport à leur avenir.

Un pays où les jeunes ne voient pas l'avenir avec optimisme met en péril automatiquement son futur. L'insertion des jeunes sur le marché du travail haïtien demeure un défi majeur pour cette société. Quand les jeunes n'ont pas l'impression que le système qui les a façonnés place confiance en eux, ce sera difficile pour eux d'exprimer une marque élevée de confiance envers cette société.

Un aspect courant dans les offres d'emploi publiées retient notre attention : l'expérience. Le nombre d'années d'expérience est généralement un paramètre déterminant

94

pour l'attribution d'un poste sur le marché du travail. Personne ne veut des inexpérimentés. Tout le monde veut avoir des gens déjà bien pétris dans la maîtrise de l'art. Le système éducatif haïtien, tel que nous le connaissons, aura évidemment du mal à alimenter ce marché. Dans les écoles et universités haïtiennes, les études de cas pratiques arrivent très loin dans l'ordre des priorités. De là naît une sorte d'inadéquation entre l'offre et la demande de travail.

Selon l'Institut haïtien de statistique et d'informatique (IHSI), Haïti dispose de moins de 2 % d'individus ayant un niveau d'études supérieures. Comment comprendre que l'économie haïtienne ne soit pas en mesure d'absorber ces ressources humaines ? Une première considération que nous pouvons faire par rapport à la nature des besoins en travail. Comme dans toute économie, l'économie haïtienne a des secteurs en pleine expansion, alors que dans beaucoup d'autres, il y a très peu de dynamisme. Dans ce contexte, même des individus bien formés ne sont pas épargnés par le chômage, pour la seule raison de s'offrir à un marché qui n'a pas la structure nécessaire pour les accueillir. Mais là encore, il convient de formuler des réserves. Un spécialiste haïtien des sciences de l'environnement, par exemple, n'a pas tout à fait la garantie de pouvoir servir efficacement son pays, en dépit du niveau accéléré de la dégradation de notre milieu ambiant.

Une expérience récente réalisée dans le domaine de la formation technique en Haïti met en lumière l'incapacité du marché haïtien à utiliser rationnellement les ressources humaines dont il dispose. Il s'agit bien de la Haïti Tec, une école créée au début pour alimenter l'industrie locale en professionnels qualifiés. Les disciplines enseignées à cette école technique étaient choisies en fonction des besoins du marché haïtien, avait-on dit. Contrairement aux espérances, beaucoup de diplômés issus de cette école « modèle » n'arrivent pas à intégrer le marché du travail.

Sans des ressources humaines en qualité et quantité suffisantes, il est difficile pour un pays de briser le cercle vicieux de la pauvreté. Haïti n'en fait pas exception. Mais, tout dépend de l'utilisation qui va être faite de ces ressources.

4.5.- Le marché du travail

Le marché du travail met en relation l'offre et la demande de travail. Cette confrontation aboutit à la formation d'un salaire et à la fixation d'un niveau d'emploi.

Tout comme la disponibilité de ressources humaines, l'accès à l'emploi est fondamental pour lutter contre la pauvreté. Il permet aux individus d'avoir un niveau de

95

revenus pour se procurer un minimum de services de base, en complémentarité aux services fournis à la communauté sur une base collective. En Haïti, c'est plutôt le chômage qui prédomine.

La création d'emplois dans l'économie haïtienne suit une faible progression à travers le temps et progresse moins vite que la population en âge de travailler. En effet, une proportion croissante de la population active est soit au chômage soit obligé de se contenter d'emplois de faible productivité ou occasionnels dans l'économie informelle. De nombreuses études dont le rapport MIA (1997) cité par Fred Doura (2002), indique que sur les quelques 200 000 chefs de familles qui seront des demandeurs d'emplois au pays au début du XXIème siècle, 80 % devront être absorbés par le secteur agricole et par l'économie « citoyenne-informelle ». Ce rapport indique de plus que 60 à 80 % de la population sont en situation de chômage et de sous-emploi et 61 % vivent avec un revenu par personne inférieur à 100 $ américain l'an.

De 1986-1987 à 1999-2000, la structure de l'emploi dans l'aire métropolitaine de Port-au-Prince s'est modifiée. Les activités commerciales se sont répandues, représentant 41 % de l'emploi en 1999-2000 contre 31 % en 1986-1987. Parallèlement, la branche des industries manufacturières a connu un recul non négligeable, passant de 22,9 % à 16,2 % de l'ensemble des emplois91. De même, la branche des services à la collectivité et des services domestiques a connu une régression importante, passant de plus d'un tiers des actifs occupéss en 1986-1987 à moins d'un quart en 1999-200092.

Le taux brut d'activité (rapport entre les actifs occupés et chômeurs d'une part et la population totale d'autre part) dans l'ensemble du pays vaut 39 % en 1999-2000. Les différents milieux de résidence enregistrent des taux similaires à l'exception des villes de provinces où le taux brut s'élève à 32 %93. En prenant en compte l'age minimum de travail, dans la population, on détermine le taux net d'activité, qui est le rapport entre actifs occupés et chômeurs et la population en âge de travailler. On peut remarquer que le taux net d'activité de l'ensemble du pays a reculé de 1986-1987 à 1999-2000 en passant de 57,2 % à 54,2 %94.

91 EBCM 1999-2000, 126

92 Ibidem

93 Ibidem page 96

94 Ibidem page 98

Tableau # : Taux net d'activité suivant le milieu de résidence en %

Année

Aire

Autre aire

Rural

Ensemble du

 

Métropolitaine

urbain

 

pays

1986-1987

53.4

48.8

59.4

57.2

1999-2000

49.0

43.5

59.3

54.5

Source # : IHSI/EBCM 1999-2000

Graphe a mettre en annexe

Taux Net d'activite suivant le milieu de residence en

%

40

60

50

30

20

70

10

0

Aire

Métropolitaine

Autre aire urbain Rural Ensemble du

pays

1986-1987

1999-2000

96

Ces nombreux faits, additionnés à la crise économique occasionnée par le départ de Jean Claude Duvalier en 1986 et l'embargo économique en 1994 ne sont pas sans incidences sur la dynamique de régression dans laquelle l'économie perdure. Le marché du travail, surtout du côté de la demande est très disproportionné facilitant une accélération importante du poids du secteur informel. En effet, ce dernier est passé de 63 % en 1986 à environ 80 % en 1995 et à 85 % en 200195.

En Haïti, le marché du travail officiel demeure un privilège pour une minorité à cause de l'excédent relatif de l'offre de travail par rapport à la demande. En effet, le pays connaît des taux de chômage et de sous emploi très élevé de l'ordre respectivement de 70 %

95 Fred Doura 2002, pages 51, 52

97

et 80 %96. Moins de 10 % de la population active travaille dans l'économie officielle sur une population en âge de travailler de 65,3 %97.

L'offre de travail en milieu urbain dépend du taux moyen annuel de croissance démographique urbaine relativement élevé de 4,7 %98 et aussi d'importants mouvements migratoires du milieu rural et/ou des villes secondaires vers les grandes agglomérations urbaines, particulièrement vers Port-au-Prince. Ainsi, plus de 85 % de la population haïtienne dépend de l'économie informelle99.

En Haïti, la majorité de ceux qui travaillent, oeuvrent dans des activités surtout commerciales et le reste dans la production de biens et de services, autant dans les zones urbaines que rurales. Ils dépendent particulièrement du revenu quotidien afin de faire face à leurs dépenses de tous les jours. Le coût du travail est très bas et la main d'oeuvre est non qualifiée.

Le secteur officiel privé et l'administration publique de l'économie d'Haïti emploient environ 500 000 personnes100. Le nombre d'entreprises couvertes par l'Ofatma ( Office nationale d'assurance, Accidents du travail, maladie et Maternité) représentant toutes les branches d'activités de l'économie haïtienne est de 1687 pour un total de 50 935 emplois, dont 22 % dans les activités de fabrication101. La sous-traitance internationale emploie environ 19 418 personnes en 1998 et 18 753 en 1999, mais selon les données de la direction de la SONAPI (octobre 2000), il n'y a que 12 000 travailleurs dans le secteur102. Ceci traduit un recul de l'emploi dans la sous-traitance internationale de près de 36 % en une année.

L'économie informelle se caractérise par le fait que plus de 3 millions de citoyens actifs y sont engagés. Le ratio économie informelle/ économie formelle représente 6,2 à 1103. C'est dire que pour chaque actif du secteur officiel de l'économie haïtienne, il y en aurait 6,2 citoyens qui travaillent dans l'économie informelle.

Dans l'économie informelle, coexistent plusieurs types de travailleurs. On distingue en effet les patrons qui sont généralement le propriétaire d'une petite entreprise ; les membres de la famille ou aides familiaux ; les apprentis qui sont censés recevoir une

96 Ibidem

97 Ibidem

98CCI Haiti Groupe Thématique « Bidonvilles et Déchets Urbains » Rapport Final révision 22 juin 2004

99 Ibidem page 53

100 PNUD, 1995 cité par Fred Doura, 2002

101 BRH 1999

102 Fred Doura 2002 page 54

103 John Currelly, BM, 1998, cité par Fred Doura 2002, p. 54

98

formation du patron, mais leur rémunération, quand elle existe, est souvent très faible. Finalement, il y a les salariés qui reçoivent habituellement un salaire très faible et qui sont payés généralement à la tâche ou à la journée.

L'économie informelle assure également des emplois aux travailleurs migrants qui ont quitté les zones rurales et qui n'ont pas pu trouver un emploi dans l'économie officielle. Les femmes sont nombreuses dans cette économie, principalement dans le commerce, mais aussi dans le marché du travail des employés domestiques.

Il convient également de distinguer le salaire minimum du salaire réel. Bien que le salaire nominal minimum a connu une faible augmentation, le salaire réel en Haïti a diminué de 67 % entre octobre 1984 et mai 1985104. Le salaire minimum est fixé à 36 gourdes en juin 1995 (2,2 $ EU) par jour. Il s'est détérioré en terme réel d'environ 12 % en 1998 par rapport à 1997 n'ayant représenté que 63,4 % de son pouvoir d'achat en 1995, mais en 1999 il a encore perdu 8,1% de son pouvoir d'achat.105 Au début des années 2000, le salaire minimum a été fixé à 70 gourdes par le gouvernement de Jean-Bertrand Aristide.

Le salaire minimum en Haïti fait partie des plus faibles de la région Amériques et Caraïbes. Son pouvoir d'achat est réduit de 51,7 % en 2000 pour ne représenter que 41, 4% de sa valeur de 1995. D'un autre côté, l'afflux des travailleurs des campagnes vers les villes surtout vers la capitale tend à faire chuter la rémunération déjà très basse et enfoncer davantage la population dans la pauvreté.

Donc, le chômage touche toutes les tranches d'age en Haïti. Mais, il est encore plus exacerbé chez les jeunes Haïtiens. Le poids des inactifs sur les actifs est considérable. Les statistiques font état d'un taux de dépendance des inactifs par rapport aux actifs de 1815 %o (référence). L'accès à un emploi salarié est fondamental pour permettre aux ménages d'avoir accès à un certain revenu. En raison de la faiblesse ou de l'absence de revenus, les ménages consacrent leurs maigres ressources à des dépenses en alimentation. Par conséquent, il leur devient difficile de trouver des ressources suffisantes pour envoyer leurs enfants à l'école et pour avoir accès aux soins de santé. Donc, le chômage enfonce davantage les ménages dans la pauvreté.

Puisque les ressources dont disposent les ménages sont faibles, et en raison de l'absence d'un système de protection sociale, la charge à supporter devient plus lourde pour

104 Fred Doura 2002, p. 56

105 Ibidem

99

les familles plus nombreuses, par rapport à d'autres moins nombreuses et ayant le même niveau de revenu que les premières.

4.6.- Les pressions environnementales

Le taux de fertilité élevé crée des conditions favorables à l'expansion de la pauvreté en Haïti. Il met à mal la promotion de l'investissement dans les ressources humaines, surtout dans un État où les ressources publiques sont limitées. Pour garantir leur survie, les individus dans ce contexte adoptent des comportements qui mettent à mal l'équilibre de l'écosystème.

En effet, les pressions démographiques poussent à la culture intense des terres et accélèrent la déforestation et l'érosion du sol, ce qui conduit finalement au déclin de la production agricole. Durant l'année 2005, Haïti a connu des inondations majeures qui ont montré du même coup l'ampleur de la dégradation de l'environnement. En 2003, le bois et le charbon représentaient les principales sources d'énergie utilisée pour la cuisson. En milieu urbain, c'est le charbon de bois qui est prédominant (68,5 % des ménages) tandis qu'en milieu rural, c'est le bois/paille qui est le plus utilisé (90,9 % des ménages) (Référence). Le recours systématique au bois et au charbon pour la cuisson met à rude épreuve les efforts visant à protéger les quelques arbres qu'il reste encore dans le pays. Selon les dernières estimations, la couverture végétale d'Haïti est estimée à environ 1 %.

Les problèmes écologiques en Haïti concernent tous les Haïtiens car chaque activité réalisée par un individu peut laisser directement ou indirectement des résidus ou des déchets. La situation environnementale est très préoccupante en Haïti, d'autant que la dégradation atteint toutes les régions du pays et qu'elle ne fait que s'accélérer. Le bilan écologique du pays fait ressortir un certain niveau de surexploitation des ressources naturelles sans souci de l'aménagement de l'espace et du renouvellement de ces ressources. Résultant de la non réglementation des cultures, l'archaïsme des méthodes de production et l'utilisation impropre de certaines terres montagneuses à des fins agricoles, facilitent l'érosion et la perte quotidienne de volume considérable de terres arables. Les ressources forestières et minières sont mal exploitées et continuellement sur-utilisees.. Plus de 2/3 des bassins hydrographiques du territoire sont sans protection végétale et les réserves d'eau sont de plus en plus mises à contribution pour répondre aux besoins de la population106.

106 Secrétairerie d'État à la population, Politique nationale de population, Juillet 2000, p. 9

100

Si la dégradation de l'environnement semble si criante en Haïti, c'est non seulement en raison de son étendue mais aussi parce qu'elle menace directement la vie et la santé de l'ensemble de la population.

En Haïti, du point de vue couverture forestière, la situation est catastrophique car le pays avait un taux annuel de déforestation de 1980 à 1990 de 4,3 % et de 1990 à 1995 de 3,5 %107. Cette dégradation atteignait déjà un point alarmant en 1982 avec une couverture forestière de 3,6 % pour arriver au chiffre crucial de 1,5 % en 2000108. Cette situation s'explique par le fait que le taux de croissance démographique de 2,5 % annuellement exerce des impacts négatifs sévères sur le milieu naturel. En effet, en l'absence de sources d'énergie alternative, les cultivateurs recourent à l'abattage systématique et au brulis pour défricher le sol à des fins agricoles. Ils coupent les arbres pour fabriquer du charbon, engendrant ainsi l'augmentation de l'intensité du travail sur la terre, ce qui induit l'érosion du sol à grande échelle.

D'un autre coté, l'accès à l'eau potable et l'évacuation des déchets sont considérées partout au niveau mondial comme des besoins essentiels de toute société. Beaucoup de problèmes environnementaux et de santé que connaît Haïti sont dû à l'insuffisance de l'approvisionnement de la population en eau potable et à l'évacuation de déchets.

Un problème environnemental que le pays doit également affronter à très court terme, et qui s'aggrave de jour en jour à cause de l'accroissement naturel relativement élevé, est celui de l'évacuation des excréments humains. Ce problème se pose avec acuité par la quasi-totalité de la population haïtienne, à cause de son implication économique par son influence sur la santé. En effet, près de 72 % de la population haïtienne n'ont pas accès à des équipements sanitaires approprié et utilisent notamment la nature, les champs en friches ou les latrines non équipées de fosses septiques109. Dans l'agglomération de Port-au-Prince, on estime que plus de 70 % de la population défèquent dans la nature à ciel ouvert110.

La situation d'insalubrité généralisée compte parmi les principales causes de morbidité et de mortalité en Haïti. Il est à noter que l'augmentation continue de la population aggrave encore plus le problème d'élimination des déchets tels que les ordures ménagères, les affluents des égouts et les déchets industriels.

107 PNUD, 1999, cité par Fred Doura, 2002, p. 145 108BM, 2000, citée par Fred Doura, 2002, p. 161.

109 PNUD, 2001 cité par Fred Doura, 2002 p. 151.

110 BM, 1998, citée par Fred Doura, 2002, p. 151.

101

Dans la région métropolitaine de Port-au-Prince qui connaît un problème aigu d'insalubrité, chaque citoyen produisait au début des années 2000 183 kilos de déchets domestiques par an. Ce qui représente pour une population estimée à 2,5 million d'habitants un total de 457 000 tonnes de déchets par an, soit 1250 tonnes de déchets qui doivent être ramassées quotidiennement111. On estime que 80 % de ces déchets proviennent des ménages, 10 % des marchés et 10% des entreprises industrielles et commerciales112. Faute d'une politique systématique de ramassage quotidien, il s'accumule des montagnes de déchets dans la région de Port-au-Prince. Les déchets qui ne sont pas ramassés - même aussi un bon pourcentage des déchets ramassés - sont jetés dans l'environnement, soit dans les rues ou les ravins, soit dans la mer, ou ils sont brûlés, ou ils sont utilisés comme remblai.

Beaucoup de quartiers ne bénéficient d'aucun ramassage des déchets solides. Selon un rapport de CHF (Cooperative Housing Foundation), le ramassage des déchets solides dans certaines villes de province est marqué par des insuffisances semblables à celles de la région métropolitaine de Port-au-Prince. La situation en 1996 au Cap-Haïtien113 sert à décrire la situation actuelle dans d'autres villes provinciales dans le pays: « seule une maigre portion des déchets était effectivement ramassée et menée jusqu'à une zone centrale d'élimination. Le reste des déchets était jeté à la mer, dans les rivières ou les canaux de drainage, ou donné en nourriture aux animaux, ou encore brûlés, ou utilisés comme remblai dans les zones basses".

Sur le plan micro, le mode de tenure des terres et les pratiques agricoles archaïques, peuvent également être considérés comme causes de la dégradation de l'environnement.. En effet, les cultivateurs pratiquent habituellement la culture sur brûlis, et cette pratique a détruit ou a gravement endommagé près de 80 % de la forêt primaire, et à conduit à un appauvrissement de la biodiversité, à l'érosion des sols et à la détérioration des bassins hydrographiques114. La croissance démographique d'Haïti a exacerbé la pression de la population sur le milieu ambiant qui lui donne vie et constitue une cause majeure de la dégradation environnementale.

111 Fred Doura, 2002, page 151

112 Holly 1999, 29, cite par Fred Doura, 2002

113 CHF, Développement et Opération de Décharge Publique au Cap-Haïtien, CHF, décembre 1996

114 Fred Doura 2002, p. 64

102

En l'absence de politiques cohérentes pour assurer la protection de l'environnement, le rythme de croissance de la population conduira à une accélération de la dégradation de l'écosystème haïtien.

4.7.- Les pressions sur les services

Comme mentionné antérieurement, la croissance de la population a créé une pression énorme sur les services de base quelque soit la nature de cette dernière. Dans le secteur de la santé, les infrastructures sanitaires n'augmentent pas pour s'adapter à l'augmentation de la demande pour ce type de services. Cela met à rude épreuve la capacité des centres de santé, dispensaires et hôpitaux. En outre, le niveau de l'offre est insuffisant en termes de disponibilité de techniciens et professionnels des sciences de la santé. De 1980 à 2003, il y eu certes des améliorations en terme de degré d'accès au services de santé, mais cette amélioration est loin d'être suffisante comparé aux taux de croissance de la population pour la même période.

En ce qui a trait à l'éducation en Haïti, la situation est analogue. Les pressions sur l'offre en éducation résultant de l'accroissement de la population sont énormes. Le niveau de l'offre de en Education a certes augmenté à travers le temps. Cependant, elle reste tout de même insuffisante face une population sans cesse croissante. Les pressions sur les services d'éducation affectent négativement la qualité de l'éducation en créant des conditions propices à la prolifération d'un ensemble d'écoles sans structure. Car, très souvent, pour essayer de répondre à la demande sans cesse croissante en éducation, c'est le secteur privé qui doit souvent suppléer à l'État. Ce problème affecte le système éducatif à tous les niveaux et tend notamment à se propager au niveau de l'enseignement supérieur.

Le niveau de la population et son accroissement à travers le temps exerce également une très forte pression l'habitat en Haïti et sur l'offre en eau potable. D'un coté, cette pression affecte non seulement la quantité disponible d'eau mais également sa qualité. En effet, l'accroissement accéléré de la population a une répercussion directe sur le niveau élevé d'urbanisation. Les ménages affluent sur des terrains à risques et non propice à la construction pour ériger un endroit où s'abriter. Cela donne souvent lieu à la création de bidonvilles. La quasi-totalité de ces bidonvilles n'ont pas accès à l'eau potable et le peu de conduits qui les alimentent sont souvent cassés en route, d'où diminution de débit et pollution de cette eau.

103

4.8.- Mobilité sociale dans la société haïtienne

La mobilité sociale est un concept défini par Pitirim Sorokin115 comme étant le phénomène du déplacement d'individus dans l'espace social. Il correspond au fait de changer de classe sociale. Les principaux types de mobilité sociale que l'on peut chercher à mesurer sont : la mobilité intragénérationnelle (aussi appelée mobilité professionnelle), qui est le changement de position sociale au cours de la vie active de l'individu et la mobilité intergénérationnelle, par laquelle on met en rapport la position occupée par un individu et celle de sa famille d'origine. On parle alors de mobilité ascendante quand une progression dans l'espace social est assurée pour la génération suivante (par exemple, un fils d'ouvrier devient cadre). En revanche, on parle de mobilité descendante quand une régression dans la hiérarchie sociale s'effectue d'une génération à la suivante (par exemple, un fils de cadre devient employé).

Il y a aussi la mobilité horizontale. Elle correspond au fait de pouvoir changer de secteur professionnel sans changer de place dans la hiérarchie sociale. L'expression « ascenseur social » désigne couramment la mobilité sociale ascendante, en particulier la mobilité intergénérationnelle ascendante.

L'éducation est l'élément fondamental qui pourrait faciliter une mobilité ascendante dans la société haïtienne. Les familles y parviennent parfois en consacrant leurs maigres ressources à l'éducation de leurs enfants. Cependant, du fait du manque d'engament de l'État dans l'éducation, les enfants issus de milieux défavorisés doivent affronter des défis énormes pour transformer leurs conditions sociales et celles de leur famille.

4.9.- Pauvreté et genre

La paupérisation continue des couches majoritaires de la société, en deux décennies de crise économique, s'est accompagnée du phénomène, largement reconnu surtout dans les pays en développement, de la féminisation de la pauvreté. Les femmes sont souvent victimes d'une ségrégation intra et inter professionnelle sur le marché de l'emploi. Malgré les

115 www.wikipedia.org

104

déficiences des données sur les revenus, les chiffres disponibles révèlent des écarts de revenus significatifs entre les hommes et les femmes au détriment des dernières.

Selon l'EBCM 1999-2000, 51 % des ménages dans l'Aire Métropolitaine de Port-au-Prince ont une femme à leur tête. De ce fait, la femme haïtienne joue un rôle important dans le développement du pays, tant sur le plan économique global que sur le plan familial. En dépit de ce rôle primordial, elles sont culturellement et socialement désavantagées. En effet, sur cent femmes ayant une activité génératrice de revenus, 91 en milieu rural et 33 en milieu urbain travaillent à leur compte. Bien que contrôlant presque la moitié du secteur informel du pays, qui lui-même regroupe environ les 2/3 de la population active, les femmes sont les plus pauvres parmi les pauvres116.

Du point de vue formation académique, si apparemment, il n'y a aucun problème pour l'insertion des filles dans le système scolaire, celles-ci sont, par contre, les premières sacrifiées quand, pour des raisons économiques, la famille restreint le nombre de la progéniture à fréquenter l'école ou les établissements d'enseignement supérieur. Ainsi, l'abandon scolaire précoce est plus fréquent chez les filles et le pourcentage de femmes de niveaux supérieur ou universitaire est relativement faible. Ceci a certes des répercussions négatives sur leur capacité à s'insérer valablement dans le secteur formel, d'autant que culturellement, les femmes n'ont pas facilement accès à certains emplois en Haïti. De plus, pour le même poste et à qualification égale ou supérieure, la femme est moins bien rémunérée que l'homme117.

On peut également remarquer que l'écart entre les taux de pauvreté, selon le genre du principal apporteur de revenu, est faible en milieu rural. En revanche, les ménages urbains dont le principal apporteur est une femme sont plus fortement touchés par la pauvreté que les autres.

L'état précaire des femmes est aggravé par la fatigue résultant des grossesses répétées et rapprochées et des conditions de nutrition. Sur chaque 100 femmes, 40 souffre d'anémie118. Le nombre de femmes qui meurent en Haïti du fait de la grossesse et de l'accouchement est parmi les plus élevés au monde. Compte tenu du laxisme judiciaire et des

116 Secrétairerie d'État à la population, Politique nationale de population, Juillet 2000, p. 12

117 Ibidem

118 Secrétairerie d'État à la population ; Politique nationale de population, Juillet 2000, p. 12

105

contraintes socio-culturelles, les cas fréquent d'enfants non pris en charge par leur père naturel, accentuent la pauvreté et la dépendance parmi les femmes.

Recommandations

La croissance de la population dans un pays, s'il n'est pas controlée et contenue, peut non seulement aggraver les problèmes existants déjà mais également en créer d'autres. En Haiti, par exemple, on a pu constater que, à cause de l'échec des politiques de population antérieures et l'absence de nouvelles, la situation est catastrophique. La quasi-totalité des indicateurs sociaux de développement sont très faibles. Et plus des trois quarts de la population n'ont pas accès aux principaux services sociaux de base tels : Education , santé, eau potable, Logement et alimentation. Pour amorcer un processus de résolution des problèmes de pauvretés liés notamment à la situation démographique actuelle, il faudrait adopter des politiques et des stratégies à triples impacts. D'abord un impact sur la démographie afin de diminuer et de contenir la croissance, ensuite au niveau des services fournis à la population, car ces derniers sont insuffisants en qualité et en quantité, enfin une politique visant à dynamiser le secteur économique via l'amélioration de la production afin d'améliorer l'exportation par rapport à l'importation.

On recommande de ce fait au gouvernement de mettre sur pied une politique de population effective pouvant permettre de gérer efficacement la natalité via la fécondité. Ceci nécessitera non seulement des campagnes de sensibilisation et de formation pour les hommes et femmes en age de procréer mais également une continuité de cette politique au niveau des gouvernements. A noter qu'une égale considération, sinon une plus grande doit être accordée au milieu rural par rapport au milieu urbain.

Nul n'est sans savoir que l'une des plus grandes causes des problèmes urbains est l'exode rural. Donc, il serait plus facile pour le gouvernement d'attaquer le problème de la pauvreté urbaine s'il controlait le fénomène de l'exode rural. Ceci peut se faire en pourvoyant le milieu rural de certains services de base et aussi en mettant sur pied une politique d'emploi basée notamment , mais pas seulement, sur une réforme agraire effective, réalisée en fonction des potentialités du milieu. Le IV ème RGPH révèle que plus de la moitie de la population haitienne a moins de 20 ans. De ce fait, il faut que cette politique soit tres centrees sur les jeunes.

106

Un problème majeur auquel le pays fait face, c'est la tertiarisation de l'économie. Cette tertiarisation presente le desaventage de n'être pas constituée par l'expension de l'industrie et des services mais au contraire, se caractérise par une informalisation de l'économie. Bon nombre de services ne sont pas fournies à la collectivité à cause d'un manque de moyen de l'Etat car le secteur informel ne paie aucune taxe. Il serait profitable pour toute la communaute si le gouvernement s'efforçait de renverser cette tendance. Se faisant, plus de ressources pourraient être collectées et conséquemment plus de services de bases seront offerts. A noter que, aucune de ces activités ne pourront être réalisées sans une restructuration de l'Etat haitien en l'affranchissant des pratiques traditionnelles de fraudes et de laxismes.

Du point des services de nase, la situation est on ne peut plus alarmante. La grande majorité de la population ne recois pratiquement aucun service. Comment y remédier ? il est clair que, si on veut résoudre sinon atténuer ce problème, beaucoup d'effort , de volontés et de moyens financier sont nécessaires. De ce fait, il faudrait donner priorité a ces problèmes pendant un certain temps a travers des plans d'actions bien définis à travers des objectifs clairs. Par exemple, en éduquant et en formant plus de gens, on s'attaque du même à leurs mauvaise habitudes et pratiques.

Parallèlement, le gouvernement doit amorcer une certaine croissance en favorisant la création d'emplois. La bonne marche d'une économie ne peut être effective sans un marché du travail dynamique. Du même coup, cette dinamisation aura un impact sur la production qui, sous l'effet multiplicateur du temps et d'investissement additionnels, aura un impact positif sur la consommation.

Tout ceci ne se fera pas de manière automatique, il est clair. C'est la raison pour laquelle il est nécessaire que le gouvernement ait la volonté et exerce la pression nécessaire pour le faire à travers un plan bien défini à travers le temps.

107

Conclusion et recommandations

Dans son ouvrage intitulé « L'humanité à la croisée des chemins », l'économiste français Jean Matouk montre un ensemble d'étapes que l'humanité a connu en les différenciant en trois grandes ères : l'ère familiale, l'ère politique et l'ère économique. À travers chacune de ces ères, les hommes ont pu développer des rapports appropriés pouvant leur permettre de garantir leur existence.

En ce début du 21e siècle, on peut dire à l'instar de Jean Matouk, qu'Haïti est à la croisée des chemins. Les défis sont imminents et il convient de faire des choix rationnels pour empêcher erreurs du passé de se propager dans le futur. La croissance démographique demeure sans conteste un défi majeur que la société haïtienne doit affronter en vue d'y trouver des solutions appropriées. Les quelques initiatives entreprises dans le passé n'ont pas abouti à des résultats satisfaisants, puisque les problèmes liés à l'accroissement de la population s'aggravent davantage.

Selon l'IHSI, la population haïtienne atteindra le nombre de 17 millions de personnes, si le rythme actuel de croissance de la population se maintient. Quand on considère que l'économie haïtienne ne soit en mesure de procurer un minimum de bien-être à 8 millions de personnes, il y a de quoi s'inquiéter pour l'avenir. Autant dire, l'heure est à l'action.

La somme des efforts à accomplir pour ralentir le rythme de croissance de la population est considérable. Ainsi recommandons-nous :

- la mise en oeuvre d'une politique concertée (ONG, l'État) pour permettre aux femmes de gérer leur droit à la procréation. Il sera question d'adopter des stratégies claires pour augmenter l'utilisation de la contraception chez les femmes. Car pour l'instant, La proportion des femmes utilisant une méthode contraceptive est de moins de 25 % en Haïti alors qu'elle est de 62 % à la Jamaïque, 64 % en République Dominicaine et 70 % à Cuba (UNICEF, citée par Jacques Charmes, 2002).

- Le renforcement de l'investissement et de la gestion du capital humain. Un nombre élevé d'individus peut constituer un obstacle au développement d'une société. Mais quand ils sont bien formés et en bonne santé, ils peuvent contribuer efficacement à la production quand leur savoir est exploité rationnellement.

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Mémoires

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· KING Pascal, PECOS Lundy, Crises, réformes économiques et pauvreté en Haiti. Des perspectives ouvertes par les cadres strategiques de réduction de la pauvreté, Institut Universitaire d'étude du développement / Université de Geneve , Mémoire de diplôme d'études approfondies (D.E.A.) en Etudes du développement, 2002/03, 125 pages.

Sites Internet

· Université de Sherbrooke, http://perspective.usherbrooke.ca/bilan/tend

· La pauvreté en Haïti : ampleur, déterminants et perceptions, haiticci.undg.org/uploads/Résumé%20du%20Profil%20de%20PauvretéV0.doc -, 2004, 8 pages.


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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille