Contrainte légale ou opportunité pour les
entreprises ?
Mathieu DARMET
Projet tutoré par Thierry BONTEMS
soutenu le 25/06/2018
Business Manager 2018 Mémoire de fin
d'étude
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Le RGPD - Contrainte légale ou
opportunité pour les entreprises ?
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Mathieu Darmet Business Manager 2017-2018
Le RGPD : Contrainte légale ou
opportunité pour les entreprises ?
Soutenance le 25/06/2018, auprès d'un jury composé
de :
- Virginie Monvoisin,
Professeur Associé au département Homme,
Organisations et Société Docteur en économie,
Université de Bourgogne
- Thierry Bontems,
Chargé de mission, appui au pilotage, Laboratoire de
sciences humaines et sociales Pacte
Grenoble Ecole de Management - Tuteur : Thierry
Bontems
Mathieu DARMET - Mémoire de fin d'étude - Business
Manager 2018
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Le RGPD - Contrainte légale ou
opportunité pour les entreprises ?
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REMERCIEMENTS
En préambule de ce mémoire, je tiens à
exprimer mes sincères remerciements à toutes les personnes qui
ont joué un rôle ou apporté leur contribution à sa
réalisation.
Je pense en premier lieu à mes filles, que j'ai
dû quelque peu négliger pendant ma formation et lors de la
rédaction de ce mémoire, ainsi qu'à mon épouse, qui
m'a soutenu et qui a trop souvent dû assumer seule l'intendance.
Ensuite, je remercie bien sûr les interlocuteurs qui ont
acceptés d'apporter leurs témoignages et m'ont permis d'enrichir
ce mémoire de leurs expériences, Mme Céline
Ambroise-Thomas d'AIRRIA, M. Alexis Dupic d'OPTIMEX Data, M. Romain Ivoy d'EVOS
Infogérance, M. Guillaume Pourquié de GEM, M. Stéphane
Bergerat de CINETIC IT et M. Cyril Bras de Grenoble Alpes Métropole.
Je dois également remercier mon employeur, M.
Éric Véronèse dirigeant de SYDEV, qui n'apparait pas dans
ce mémoire, mais qui m'a proposé des conditions de travail
propices à sa réalisation et autorisé à
présenter le cas de son entreprise lors de ma soutenance.
Je remercie bien entendu mon tuteur, M. Thierry Bontems, pour
son soutient, ses conseils et sa bienveillance, ainsi que sa collègue,
Mme Anne-Marie Benoit du laboratoire Pacte, qui a eu l'amabilité de
m'aider à affiner ma problématique et mon plan.
Mes camarades de classe ont eux-aussi joué un
rôle important, grâce à la cohésion que nous avons pu
établir et à nos échanges sur l'avancement de nos travaux
respectifs. Je pense en particulier à Laure Smail qui, en dépit
de sa propre charge de travail, n'a pas hésité à
m'apporter son aide précieuse pour structurer certaines de mes
idées.
Enfin, je terminerai en remerciant Grenoble Ecole de
Management et ses équipes pédagogiques, pour m'avoir admis au
sein du cursus Business Manager et pour la qualité des enseignements qui
m'ont été dispensés.
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Manager 2018
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TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION 4
POURQUOI UN REGLEMENT GENERAL POUR LA PROTECTION DES
DONNEES ? 10
La protection des données en France et dans
l'Union européenne 10
Le RGPD : Un nouvelle réglementation
européenne applicable au 25 mai 2018 16
Génèse 16
Le cadre de la réglementation : 17
Qui est concerné ? 17
Ce qui évolue : 19
L'exécution du traitement de données à
caractère personnel : 25
Le rôle des autorités de contrôle : 27
Le règlement ePrivacy 28
UN CHANGEMENT DE PARADIGME POUR LES ENTREPRISES
30
Les données et l'information au coeur du
fonctionnement des entreprises 30
De l'information aux données et des données aux
informations stratégiques 30
Les données comme patrimoine de l'entreprise : 33
Risques et moyens de maitrise 35
Trois grandes familles de risques 36
D'autres formes de risques 37
La mise en place du RGPD 46
Méthode recommandée par la CNIL 46
Mettre en pratique le RGPD 50
« RDPG ready » ? L'état d'esprit des entreprises
53
DES CONTRAINTES QUI PEUVENT CACHER DES OPPORTUNITES ET
D'AUTRES ENJEUX 56
Le RGPD, quelles opportunités pour les
organisations ? 57
Une question d'état d'esprit 57
Améliorer la relation client 58
Adopter de bonnes pratiques 60
Améliorer la communication interne 60
Assainir et rééquilibrer le marché 61
Créer de nouveaux modèles économiques et de
nouveaux métiers 62
Capitaliser sur les acteurs européens 63
Une dimension sociétale 65
De multiples dérives 65
Des différences culturelles 68
Une prise de conscience 70
Une responsabilité sociétale 74
CONCLUSION 80
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INTRODUCTION
En engageant une réflexion sur la réalisation
d'un mémoire visant à clôturer la formation «
Responsable Opérationnel d'Unité » à Grenoble Ecole
de Management, il apparaissait évident que son sujet devait avoir un
lien avec la carrière professionnelle et les ambitions de son auteur.
Dans cette logique, la réflexion s'est rapidement orientée vers
un thème relatif au digital, lié aux logiciels de gestion,
à la sécurité ou aux bases de données.
Après différentes recherches et lectures peu
inspirantes, quand il s'agissait d'en dégager un sujet et surtout une
problématique suffisamment intéressante pour entreprendre la
rédaction d'un mémoire, c'est la rencontre avec un professeur de
l'école, Thierry Bontems, dans le cadre de ses cours sur la gestion des
risques et les systèmes d'information, mais aussi et surtout
l'actualité, qui ont permis de mettre en exergue le sujet qui sera
étudié dans le cadre de ce mémoire : Le
Règlement Général sur la Protection des
Données.
L'actualité des plus abondante autour du RGPD,
peut-être un peu trop d'ailleurs, rendait le choix de ce sujet
incontournable. Il devenait une évidence, répondant à
l'ensemble des critères qui devaient être pris en
considération : cohérence avec l'expérience
professionnelle, responsabilité sociétale et conscience
citoyenne, impacts directs sur le monde de l'entreprise et même une
portée managériale, car nous le verrons, il impacte aussi bien
les cadres dirigeants que leurs équipes et concerne l'ensemble des
services des organisations.
Nous nous sommes donc attachés à collecter un
maximum d'information, principalement dans les médias, presse
écrite, site Internet d'actualité, livres blancs, fiches
thématiques, conférences ou émissions
télévisées et quelques extraits d'ouvrages, car peu de
littératures s'intéressaient spécifiquement à notre
sujet, ou nous emmenaient pour la plupart beaucoup trop loin et
réclamaient un investissement temporel dont nous ne pouvions disposer.
Il aura tout de même fallu s'intéresser au numérique en
général et nous plonger dans l'évolution des technologies
de l'information, en nous appuyant notamment sur les ressources
académiques fournies par l'école.
Les médias proposaient de nombreuses informations et
références dans lesquelles nous avons largement pu puiser, mais
qui auront nécessité une sélection. Comme nous
l'indiquions, les sujets relatifs aux numériques ont fait, et feront
encore, couler beaucoup d'encre. Suivant le fil de l'actualité, nous
avons dû écarter de nombreuses lectures, qui se
révélaient redondantes ou n'apportaient pas grand-chose de plus
sur le sujet que nous souhaitions traiter et illustrer. Mais nous avons aussi
pu identifier des auteurs ou intervenants plus pertinents, sur lesquels nous
avons engagé des recherches plus ciblées, au travers de leurs
publications, interviews ou conférences.
L'une des principales difficultés résidait dans
le fait que tout le monde évoquait, ou plutôt « surfait
», sur le thème du RGPD, avec des approches qui se voulaient
pédagogiques, mais dont la vocation se révélaient
rapidement purement commerciale.
Nombre d'entreprises du secteur numérique ont ainsi
édité des livres blancs, qui étaient davantage
destinés à promouvoir leurs services, notamment en matière
de prestations
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informatiques ou d'audit de sécurité des
systèmes, avec beaucoup plus de bruit que de solutions
concrètes.
La lecture du règlement lui-même a
été entamée, mais rapidement abandonnée. Car
au-delà de sa complexité, nous recherchions des
éléments plus synthétiques et l'objet de notre
démarche ne consistait pas à en faire la transcription
détaillée ou à mener une analyse juridique. Laquelle
aurait nécessité une expertise qui n'est pas la nôtre et
qui nous aurait écarté la finalité de notre
démarche.
C'est avant tout la dimension sociétale du RGPD qui
retenait notre attention et ce que ce règlement allait réellement
apporter aux citoyens européens. Le nouveau règlement
permettrait-il d'endiguer les dérives liées à la collecte
massive des données personnelles des utilisateurs du numérique ?
Nous partions sur cette piste, après avoir envisagées, puis
finalement écartées, celles liées aux impacts du RGPD sur
les entreprises, qui nous semblaient initialement trop évidentes.
Le temps consacré aux recherches et à
l'actualité autour du RGPD, ainsi que sur les notions de
responsabilité sociétale, ou encore d'éducation des
utilisateurs, fut assez conséquent, avec un souci constant d'alimenter
un journal de lecture sur lequel nous pourrions ensuite nous appuyer pour
rédiger ce mémoire.
Nous avons récolté de nombreux des
témoignages intéressants et des idées ou informations
susceptibles d'étayer et d'ouvrir notre sujet. Cela nous a
régulièrement amené à approfondir nos recherches
sur des points particuliers, auxquels nous n'avions pas forcément
pensé au départ, parfois bien au-delà du sujet qui nous
intéressait. Ce travail d'enquête fut assez laborieux et
éprouvant, tant ce sujet se révélait protéiforme.
Car le RGPD, nous amène sur de nombreux terrains, qui pourraient en
eux-mêmes faire l'objet d'un mémoire. Il a fallu faire preuve de
pugnacité, mais aussi accepter que nous ne pourrions pas
forcément aller au fond des choses. Cette expérience fut un
travail de longue haleine, mais nous aura permis d'enrichir nos connaissances
et d'apprendre à structurer notre manière de travailler.
Dès le départ, il nous paraissait indispensable
de mener parallèlement une enquête de terrain, en rencontrant des
professionnels, impliqués ou concernés par le RGDP. Nous avons
donc sollicité quelque unes de nos relations, qui n'ont pas toujours
donné suite ou qui n'ont pu nous répondre.
Certains interlocuteurs n'avaient effectivement que peu de
choses à dire sur le sujet, dont ils ne s'étaient pas vraiment
préoccupés, ou qu'ils avaient sciemment décidé de
laisser de côté pour le moment.
D'autres, notamment dans des services informatiques et
marketing, se montraient très au fait des implications du RGPD, mais ne
pouvaient se permettre de nous répondre et d'être cités.
L'un d'eux, adressant une clientèle de particuliers et ayant
régulièrement recours à des actions marketing, avait
vainement tenté de sensibiliser sa direction. Il ne pouvait
officiellement déclarer ce manque d'intérêt manifeste,
d'autant qu'il jugeait cette attitude particulièrement
désinvolte.
Il semblait évident que la mise en place du RGPD
était loin d'être une priorité pour les entreprises
interrogées, petites et moyennes entreprises pour la plupart, comme le
confirmait d'ailleurs les études que nous avions pu nous procurer.
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D'autres démarches n'ont malheureusement pu aboutir,
faute d'avoir pu trouver des créneaux adaptés à nos
emplois du temps respectifs
Nous sommes finalement parvenu à rencontrer plusieurs
entreprises du secteur numérique pour recueillir leurs
témoignages et leurs analyses, quant à l'appropriation du
règlement par leurs clients et aux démarches qu'ils ont pu
entreprendre.
Ensuite, nous avons décidé de démarcher
des experts, intervenant dans la mise en place opérationnelle du RGPD ou
dans le conseil juridique. En dépit de leur charge de travail
conséquente, liée à l'échéance du 25 mai,
ceux-ci ont eu l'amabilité de répondre à nos questions et
de nous fournir de précieuses informations, que nous nous efforcerons de
resituer dans le cadre de ce mémoire.
Après avoir explicité notre démarche et
les objectifs de l'entretien, il nous a fallu préparer un guide, dont la
trame devrait nécessairement être adaptée à chaque
profil d'interlocuteur, mais également à son organisation et au
contexte dans lequel il intervenait. Ces guides d'entretien ont
été ajoutés en annexes, au début de chacune des
interviews réalisées. Cet aspect terrain de nos recherches, fut
évidement le plus passionnant et nous a permis d'apporter un
éclairage concret à la réflexion que nous avions
engagée.
Un ultime entretien informel, puisqu'il ne fait pas l'objet
d'une retranscription, est intervenu in extrémis. Il mérite
toutefois d'être cité, puisqu'il a remis en question la
problématique vers laquelle nous pensions nous orienter. Il est à
l'initiative de Thierry Bontems, qui supervise la réalisation de ce
mémoire, par le biais duquel nous avons pu rencontrer Anne-Marie Benoit,
juriste spécialisée en droit des données, enseignante et
Ingénieur de recherche au sein du laboratoire PACTE du CNRS de
Grenoble.
Cette discussion a permis de recentrer notre démarche
vers la question qui nous intéresse aujourd'hui et qui s'avère
finalement assez proche de celle que nous avions initialement envisagée
: Le RGPD est-il une contrainte ou une opportunité pour les
entreprises ?
Pour répondre à cette question, nous
organiserons notre réflexion autour de trois chapitres, qui nous
permettront de comprendre si le sentiment de subir une nième
réglementation que nous avons perçu est effectivement
justifié et en quelle mesure la portée de ce nouveau
règlement ne va pas bien au-delà de sa dimension
légale.
Dans un premier chapitre, nous nous intéresserons aux
motivations de ce nouveau règlement, à ce qui a poussé les
instances européennes à légiférer pendant 4
années pour aboutir à un nouveau texte de loi, qui devra
être appliqué par l'ensemble des pays membre de l'Union.
Nous commencerons par remonter aux origines de la protection
des données, plus particulièrement en France, puis en Europe.
Cela nous permettra d'approfondir la notion de données personnelles et
de comprendre les préoccupations qui ont conduit à vouloir les
protéger. Nous poursuivrons en retraçant l'histoire des
réglementations qui ont eu vocation à encadrer leur utilisation.
Tout d'abord en France, avec l'introduction de la Loi Informatique et
Liberté et la mise en place d'une autorité de contrôle,
puis en Europe, dont les instances se sont concertées, dans une logique
d'unification, pour établir des règles communes visant à
faciliter, mais également à encadrer la circulation des
données.
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Cela nous permettra de suivre les évolutions de ces
législations, nationales et européennes, qui ont permis d'aboutir
à une nouvelle réglementation commune, visant à mieux les
harmoniser, mais surtout à protéger les données à
caractère personnel des citoyens et à préserver leur vie
privée.
Nous en arriverons alors au Règlement
Général sur la Protection des Données proprement dit, dont
nous étudierons la génèse, au sein des instances
européennes, pour comprendre ce qui a insufflé cette
volonté de faire évoluer les textes existants.
Nous aborderons le cadre de la réglementation, dans la
manière dont elle doit être appliquée par les pays
européens et selon quelles conditions elles y seront transposées.
Il s'agira aussi d'identifier les organismes qui doivent s'y conformer, les
intervenants concernés et les pratiques qui se voient désormais
encadrées.
Cela nous amènera au contenu du RGPD et à en
détailler les 9 principes clés, qui constituent ses
véritables enjeux , que les organisations sont tenues d'appliquer pour
être en conformité.
Il conviendra ensuite d'aborder les conditions
d'exécution des traitements de données à caractère
personnel et la manière dont elles peuvent être collectées,
utilisées et conservées, de manière licite par les
organisations.
Ces conditions d'exécution et la conformité des
organisations devant être contrôlées, nous nous
intéresserons au rôle des autorités de contrôle, en
particulier celui de la CNIL française et à l'évolution de
ses attributions par rapport à la législation
précédente.
Enfin, nous ferons une parenthèse sur le «
ePrivacy », un autre règlement sensé lui aussi entrer en
vigueur en mai 2018.
Dans le second chapitre, nous aborderons les
répercutions concrètes du RGPD sur les entreprises et autres
organisations, qui devront adopter de nouvelles dispositions pour s'y
conformer.
Mais nous commencerons tout d'abord, par rappeler l'importance
qu'ont pris les données au sein des organisations et qu'elles sont
devenues pour elles une matière première indispensable à
leur fonctionnement. Nous retracerons les origines des systèmes
d'information et la manière dont ils ont évolué pour
traiter et exploiter les données de manière pertinente et
profitable pour l'activité des entreprises. Cela nous permettra de mieux
comprendre la valeur et l'ampleur que représentent aujourd'hui ces
données et pourquoi les entreprises veulent elles aussi les
préserver.
Nous analyserons ensuite les conséquences de la
réglementation pour les entreprises, avec les différentes formes
de risques qu'elle peut présenter pour leur activité et leur
organisation. Ce qui nous donnera l'occasion d'aborder les moyens de
maîtrise qu'elles peuvent envisager pour en limiter les impacts.
Nous poursuivrons avec la mise en oeuvre du RGPD dans les
entreprises, tout d'abord au travers de la méthode
préconisée par la CNIL française, ainsi que les moyens
qu'elle met à disposition des organisations pour les accompagner.
Puis nous aborderons les aspects pratiques et la
manière dont les organisations se sont appropriées le
règlement. Ce sera notamment l'occasion de mettre à profit les
témoignages recueillis auprès des structures rencontrées
lors de notre enquête de terrain.
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Nous terminerons enfin ce chapitre, par une vision plus
générale du niveau de conformité des entreprises, au
travers des études publiées sur le sujet et pourrons
également apprécier leur état d'esprit vis-à-vis de
l'entrée en vigueur du RGPD.
Notre dernier chapitre sera consacré à une
analyse qui nous permettra de répondre à la problématique
que nous avons choisi d'étudier et sera logiquement le plus
consistant.
Après avoir mis en évidence les contraintes que
présente le RGPD, que nous aurons déduites des chapitres
précédents, nous nous concentrerons sur les
bénéfices que les entreprises pourraient en retirer.
Nous verrons ainsi que leur état d'esprit et la
manière dont elles appréhendent leur mise en conformité
joue un rôle essentiel dans leur capacité à changer cette
réglementation en opportunité.
Nous pourrons constater que la manière dont elles se
positionnent sur le sujet pourra directement influencer la perception de leurs
clients. Ces derniers se montrent aujourd'hui plus attentifs au traitement de
leurs données, en se préoccupant davantage des pratiques et de la
position affichée par les entreprises auxquelles ils choisissent de
faire appel. La confiance et la fidélisation deviennent ainsi d'autant
plus capitales et nous démontrerons que le RGPD va pousser les
entreprises à améliorer la qualité de leur relation
client.
Le niveau de conformité induit par le règlement
est aussi l'occasion d'adopter de bonnes pratiques, que ce soit en
matière de sécurité ou de qualité des informations
collectées et utilisées. Ce qui permettra par ailleurs d'assainir
et de rééquilibrer le marché, en supprimant ou limitant
certaines pratiques déloyales ou inappropriées.
La mise en place du RGPD au sein des organisations permet
également d'améliorer la communication entre les
différents services, en redynamisant les interactions et en
renforçant la cohésion d'équipe, contribuant à
l'efficacité des organisations.
Nous pourrons également observer que le RGPD a
donné naissance à de nouveaux métiers et pousse au
développement de nouveaux business model, tournés vers le respect
de la vie privée des individus. Sur ce registre, ces nouvelles approches
pourraient insuffler un nouvel élan à l'économie
européenne et peut-être donner naissance à des challengers
capables de se positionner sur la scène numérique mondiale.
Au-delà des opportunités que nous aurons mis en
évidence, la seconde partie de ce chapitre sera consacrée
à la portée sociétale du RGPD, car c'est avant tout pour
protéger les citoyens et leur mode de vie que le règlement a
été conçu.
Nous reviendrons d'abord sur la transformation digitale et les
multiples dérives qu'elle a pu occasionner, qui conduisent aujourd'hui
les société à s'interroger.
Nous nous intéresserons aux spécificités
culturelles de nos sociétés, dans leur manière
d'appréhender le monde numérique et plus particulièrement
dans la différence d'approche entre l'Europe et les Etats Unis.
Mais nous verrons ensuite qu'une prise de conscience est aussi
à l'origine du RGPD, que les individus commencent à se mobiliser
et que nous observons que nous avons à faire à une
véritable remise en questions de notre modèle sociétal.
Nous clôturerons ce chapitre et notre mémoire en
nous intéressant aux moyens mis en oeuvre pour aborder les nouveaux
enjeux de ce monde digitalisé.
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Nous constaterons que le RGPD a une portée
extraterritoriale et pas uniquement dans son pouvoir de sanction, mais dans la
responsabilisation des sociétés, y compris celles qui ont conduit
à l'élaboration de ce règlement.
Nous comprendrons que nous ne pouvons laisser la machine
s'emballer, même si certaines innovations nous facilitent la vie. Que le
numérique est un monde à part entière, sur lequel se joue
des batailles et qu'il nécessite les mêmes moyens que ceux dont
nous disposons dans la vie réelle, car les interactions entre les deux
sont de plus en plus nombreuses et pourraient même devenir
létales.
Nous insisterons enfin sur la nécessiter de nous
approprier ces enjeux et d'éduquer les utilisateurs, pour qu'ils en
prennent pleinement conscience et adoptent des pratiques plus responsables.
Afin d'organiser notre travail et de réaliser un tri
pertinent dans les sources d'information collectées, nous avons
utilisé un outil d'analyse qualitative de données, ou «
CAQDAS » (pour Computer Assisted Qualitative Data Analysis).
Nous nous sommes appuyé sur le logiciel Nvivo,
édité par QSR International, qui nous a permis d'effectuer des
recherches combinées, à partir des textes que nous avons
préalablement intégrés dans l'application.
Nous avons eu l'opportunité d'en appréhender les
grands principes d'utilisation et le fonctionnement, grâce à
Thierry Bontems. Nous avions déjà pu évoquer cet outil
dans le cadre de son cours sur les systèmes d'information et la
réalisation de ce mémoire constituait une excellente occasion
d'en éprouver l'utilisation concrète.
Afin de structurer nos informations, nous avons
commencé par créer des items dans lesquels nous pourrions ensuite
les « ranger » de manière ordonnée. Ces points de
jonction, appelés « noeuds » dans l'application, ont
été constitués en fonction des sujets que nous comptions
aborder, afin de pouvoir ensuite les intégrer dans le plan que nous
avions défini.
Nous sommes loin d'en avoir exploité toutes les
possibilités et ne sommes pas allé jusqu'à utiliser les
cartes perceptuelles que le logiciel permettait d'obtenir. Mais cette
méthode nous a permis de gagner un temps précieux dans
l'organisation de nos sources et de mettre en évidence les idées
les plus significatives.
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POURQUOI UN REGLEMENT GENERAL POUR LA PROTECTION DES
DONNEES ?
La protection des données en France et dans
l'Union européenne
Pour comprendre l'origine du nouveau Règlement
Général sur la Protection des Données, il faut remonter au
années 60 et 70, période à laquelle les logiciels et
l'informatique commencent à s'imposer pour la centralisation et le
traitement d'informations. A cette époque, de nouveaux supports
numériques, cartes perforées et bandes magnétiques,
permettent de stocker des données et fichiers, offrant de nouvelles
perspectives aux organisations, confrontées à des volumes
importants difficilement exploitables sur les supports papiers traditionnels
(mécanographie).
S'agissant d'informations nominatives ou de données
à caractère personnel, un article de Fleure Labrunie
publié sur le site Numerama1, nous ramène plusieurs
siècles en arrière. S'appuyant sur le l'ouvrage de historien
Vincent Denis2, cet article nous apprend que dès la fin du
18ème siècle, certains membres du Clergé et du
Parlement se posaient déjà des questions d'ordre
déontologiques, évoquant des notions de droit à
l'anonymat, de respect du secret des individus, ou s'inquiétant du
pouvoir arbitraire octroyé aux fonctionnaires de l'administration lors
de la mise en place des documents individuels d'identité. A la fin de la
seconde guerre mondiale, on prend ensuite conscience que le traitement de
données peut être utilisé à des fins
hégémoniques et se révéler être une puissante
arme de destruction massive.
Mais c'est bien avec le développement des outils
informatiques qu'émerge une réflexion sur un cadre juridique
spécifique à l'utilisation des informations nominatives, d'abord
dans les milieux professionnels, puis sur le plan légal et
institutionnel. Les premiers pays à légiférer sur les
traitements automatisés d'informations nominatives, sont l'Allemagne
(1970), la Suède (1973) et les Etats Unis (1974). En France, le sujet
commence à être abordé lors de débats parlementaires
et l'on peut notamment citer les propos avant-gardistes du politicien
français Michel Poniatowski dès décembre 1970 : «
Dans quelques années, le citoyen sera totalement incapable de
contrôler l'utilisation pratique et généralisée des
renseignements fournis par le matériel informatique ».
C'est à cette période, plus
précisément en 1973, qu'un projet visant à créer un
fichier informatisé, regroupant l'ensemble des informations
administratives des citoyens français dans une base de données
centralisée, est initié par le ministère de
l'intérieur. Porté par l'INSEE, le projet S.A.F.A.R.I
(Système Automatisé pour les Fichiers Administratifs et
Répertoires des Individus) permettait de croiser l'ensemble des fichiers
administratifs au moyen d'un identifiant
1 De l'archevêque Boisgelin de Cucé au RGPD
: brève histoire de la protection des données -
Fleure Labrunie -
08/04/2018
https://www.numerama.com/politique/340664-de-larcheveque-boisgelin-de-cuce-au-rgpd-breve- histoire-de-la-protection-des-donnees.htm
2 Une histoire de l'identité : France 1715-1815 - Vincent
Denis - Champ Vallon Editions 22 février 2008
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unique, le NIR (Numéro d'Inscription au
Répertoire des personnes physiques). Lorsque ce projet fut
révélé en 1974 par un article du Monde3, il
généra un tollé dans l'opinion publique,
scandalisée par une pratique rappelant les heures sombres du
gouvernement du Vichy qui attribuait des numéros aux juifs et aux
étrangers.
Face à la contestation massive de la population, le
gouvernement de l'époque n'eut d'autre solution que d'abandonner ce
projet et, pour apaiser la polémique, de constituer la commission «
ad hoc », présidée par le conseiller d'Etat Bernard Tricot
et chargée de réfléchir à une réglementation
permettant d'encadrer l'utilisation de ces nouveaux outils. Cela donna lieu
l'année suivante à la publication du rapport Tricot, qui servira
de base à l'élaboration d'un projet de loi relatif «
à l'informatique et aux libertés ». Ce texte devait
constituer un « garde-fou contre les abus de l'informatique mal
maîtrisé ».
La nouvelle loi N° 78-17 baptisée «
Informatique et libertés » (LIL) fut votée par
l'Assemblée nationale le 6 janvier 1978. Dans son article 1, elle
stipule que « L'informatique doit être au service de chaque
citoyen j...] Elle ne doit porter atteinte ni à l'identité
humaine, ni aux droits de l'homme, ni à la vie privée, ni aux
libertés individuelles ou publiques ». La loi fait ainsi
référence aux « informations nominatives » permettant
d'identifier des personnes physiques, lorsqu'elles sont exploitées dans
un fichier ou utilisées dans le cadre de traitements automatisés,
que ce soit de manière informatisée ou non. Elle prévoir
également la constitution d'une commission indépendante,
chargée de veiller à ce que les traitements informatisés
ne soient pas préjudiciables aux libertés et à la vie
privée des citoyens : La CNIL (Commission Nationale de l'Informatique et
des Libertés).
La CNIL est une autorité administrative
constituée de 18 membres issus de différentes instances :
Députés, Sénateurs, membres du Conseil Economique et
Social, du Conseil d'Etat, de la Cours de Cassation, de la Cour des Comptes,
ainsi que d'experts en informatiques et de personnalités reconnues pour
leurs compétences. Ces membres sont désignés,
nommés ou élus pour une durée de 5 ans et ont la charge
d'élire un président et deux vice-présidents.
Dans le cadre de ses prérogatives, la CNIL doit exercer
différents rôles :
- veiller au maintien des principes de la loi et assurer son
évolution
- émettre des avis ou recommandations lorsqu'elle est
consultée
- établir un rapport annuel sur son activité,
à destination de l'état et des citoyens
Elle possède le pouvoir réglementaire s'agissant
:
- des droits des personnes
- de la sécurité des systèmes
- de la destruction d'informations
- d'enquête et de saisine de juridiction
La CNIL est chargée de vérifier que les
traitements automatisés, publics ou privés, soient conformes
à la loi. Pour ce faire, chaque organisation ayant recours à ces
informations est tenue de faire une déclaration à la CNIL, qui
peut émettre des réserves ou donner un avis négatif. Les
responsables de fichiers ont l'interdiction, sauf pour des procédures
particulières, de collecter des données à
caractères « sensible », notamment sur les origines raciales
des individus, leurs
3 « Safari » ou la Chasse aux français -
Philippe Boucher - Le Monde - 21/03/1974
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opinions politiques, philosophiques ou religieuses, leurs
moeurs ou encore leur appartenance syndicale. Lorsque ces traitements ne
portent ni atteinte à la vie privée, ni aux libertés, les
entreprises peuvent se limiter à des déclarations
simplifiées, sous réserve de respecter la finalité du
traitement et de ne pas conserver les informations au-delà du
délai nécessaire.
En dehors de quelques décrets, et de surtout
l'application de la directive européenne 95/46/CE du 24 octobre 1995
visant à encadrer la libre circulation des données à
caractère personnel et leur traitement par les grands acteurs
économiques, la loi française ne subit pas de modifications
fondamentales jusqu'en 2004. Il convient tout de même de s'arrêter
sur le cadre commun de la directive européenne 95/46/CE, dans la mesure
où elle introduit la notion de « données à
caractère personnel » et donne naissance au groupe de travail G29.
Le G29 rassemble les représentants de chaque autorité de
protection des états membres. Cette organisation se réunit
à Bruxelles en séance plénière tous les deux mois
environ, pour contribuer à l'élaboration des normes
européennes en adoptant des recommandations, rendre des avis sur le
niveau de protection dans les pays hors UE et conseiller la Commission
européenne sur les projets relatifs à la protection des
données et des libertés individuelles.
Le 6 août 2004, l'entrée en vigueur de la «
Loi Informatique et Libertés 2 » n°2004-801 (LIL2), renforce
les droits des citoyens français en adoptant une définition
commune : « Constitue une donnée à caractère
personnel toute information relative à une personne physique
identifiée ou qui peut être identifiée, directement ou
indirectement, par référence à un numéro
d'identification ou à un ou plusieurs éléments qui lui
sont propres. ». Si elle simplifie et harmonise les formalités
administratives entre les secteurs public et privé, elle attribue
surtout à la CNIL des pouvoirs de contrôle et de sanction en cas
d'infraction. Ces nouvelles dispositions permettent non seulement à la
CNIL de prononcer à l'égard du responsable de traitement fautif
une injonction visant à retirer son autorisation, verrouiller les
données et cesser le traitement, mais aussi d'appliquer des sanctions
pécunières au contrevenant : 150 000 € maximum et
jusqu'à 300 000 € en cas de récidive. La LIL2 prévoit
en outre la possibilité de nominer au sein des organisations un
Correspondant Informatique et Liberté (CIL), qui leur permet de
s'affranchir des formalités de déclarations préalables de
leurs fichiers informatiques. Ce qui implique pour ce correspondant de tenir
à jour une liste des traitements, qui devront être
présentés en cas de contrôle de la CNIL, et le cas
échéant d'alerter la Commission en cas
d'irrégularité constatée.
L'adoption de la directive 95/46/CE par l'Union
Européenne et l'évolution de la Loi Informatique et
Liberté en France, auront contribuées à nourrir une
réflexion régulière sur les sujet de la protection des
données et de l'utilisation du digital. A partir de 2007, la Commission
Européenne planche sur un projet de loi visant à
réglementer les communications électroniques, se penchant sur les
droits fondamentaux, mais aussi les obligations des internautes et des acteurs
du numérique. Ce projet donnera lieu à différentes
réformes votées à partir de 2009 par le Parlement et
regroupées sous l'appellation « Paquet Telecom », qui seront
ensuite transposées dans les états membres. Ce sera le cas en
France, notamment avec l'adaptation de la Loi pour la Confiance dans l'Economie
Numérique (LCEN) en vigueur depuis 2004 ou la Loi Hadopi visant à
sanctionner le partage illégal de fichiers sur Internet, adoptée
en juin 2009.
Mais les dispositions en vigueur dans les pays membre ne se
révélaient pas suffisamment contraignantes et les données
numériques restaient une zone de non droit. Une manne dont profitaient
largement les géants du numérique, en passant outre les lois de
l'Union
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Européenne en matière de collecte des
données numériques et de respect de la vie privée des
individus. C'est l'analyse faite par l'écrivain et philosophe
français Gaspard Koenig, cité par l'avocat Olivier Iteanu sur son
blog personnel4, qui explique cette situation par des sanctions trop
faibles et sans effet dissuasif, qui se révèlent d'ailleurs
rarement appliquées, compte tenu du manque de moyens des pouvoirs
publics européens.
Conscient de ces limites et après 4 ans de
gestation, le Parlement Européen donnera naissance en avril 2016 au
Règlement Général sur la Protection des Données
(RGPD ou GDPR, pour « Général Data Protection
Régulation »).
En France dès le 7 octobre 2016, la loi pour une
République Numérique ou « Loi Lemaire », anticipe
certaines des dispositions prévues par le RGPD.
Elle définit de nouveaux droits pour les personnes, en
affirmant le principe de maîtrise par l'individu de ses données,
en instaurant un droit à l'oubli pour les mineurs et la
possibilité d'organiser le sort de ses données personnelles
après la mort, ou la possibilité d'exercer ses droits par voie
électronique.
Elle impose d'avantage de transparence aux responsables de
traitements, qui doivent désormais informer les personnes de la
durée de conservation des données traitées.
Dès le 7 octobre 2016, la loi Lemaire, ou « loi
pour une République numérique », entre en application en
France. Elle vise à anticiper le RGPD, en instaurant une obligation
accrue d'information des personnes et en étendant les attributions de la
CNIL, dans ses missions, mais également dans son pouvoir de sanction,
dont le plafond maximal passe de 150.000 à 3 millions d'euros.
4 Patrimonialisation des données, que faut-il en penser ?
- Blog d'Olivier Iteanu - 26/02/18 -
http://blog.iteanu.com/index.php?post/2018/02/26/Patrimonialisation-des-donn%C3%A9es%2C-que-faut-il-en-penser
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Chronologie de l'évolution de la réglementation
européenne et française
Cahier technique AMRAE 27/02/2018 - RGPD : La protection des
données du citoyen européen par l'entreprise
http://amrae.fr/sites/default/files/fichiersupload/Cahier%20technique%20RGPD-%20v1.1%2027-02-20181.pdf
Le nouveau Règlement Général sur la
protection des données était donc sur les rails. Il revenait aux
pays membres de s'en imprégner et d'adapter leurs législation
pour le mettre en application à compter du 25 mai 2018.
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Sources utilisées et combinées :
- 1977-1978 : Le sénat invente les autorités
administratives indépendantes -
lesenat.fr - Dossier d'histoire -
http://www.senat.fr/evenement/archives/D45/context.html
- Historique de la protection des données en France -
27/10/2017 -
dane-ac.fr
https://dane.ac-
lyon.fr/spip/IMG/articlePDF/Historique-de-la-protection-des-donnees-en-Francea520.pdf
- Pouvoir de sanction de la CNIL -
cil.cnrs.fr - 07/11/2011 -
www.cil.cnrs.fr/CIL/spip.php?article1425
- Historique de la CNIL et la protection des données
personnelles -
cil.cnrs.fr - 16/01/2018 -
http://www.cil.cnrs.fr/CIL/spip.php?article2985
- Quelques repères juridiques pour les
données à caractère personnel dans les banques de
données de langue parlée en interaction -
cil.cnrs.fr - 24/05/2012 -
http://www.cil.cnrs.fr/CIL/spip.php?article1646
- Le G29, groupe des "CNIL" européennes -
cnil.fr -
https://www.cnil.fr/fr/le-g29-groupe-des-cnil- europeennes
- Le fonctionnement -
cnil.fr -
https://www.cnil.fr/fr/le-fonctionnement
- Paquet télécom -
laquadraturedunet.fr
-
https://www.laquadrature.net/fr/TelecomsPackage
- Résolution sur le marché unique
européen des communications électroniques -
cyberdroit.fr -
09/11/2015
http://www.cyberdroit.fr/2015/11/resolution-sur-le-marche-unique-europeen-des-communications-electroniques/
- Décret de transposition du « Paquet
Télécom » -
cyberdroit.fr - 23/04/2012 -
http://www.cyberdroit.fr/2012/04/decret-de-transposition-du-«-paquet-telecom-»/
- Transposition du Paquet télécom -
cyberdroit.fr - 13/09/2011 -
http://www.cyberdroit.fr/themes/paquet- telecom/
- La réforme du "Paquet Télécom" : le
principe de subsidiarité au coeur des débats - Fondation
Robert Schuman - Question d'Europe n°118 - 24/11/2008 -
https://www.robert-schuman.eu/fr/questions-d-europe/0118-la-reforme-du-paquet-telecom-le-principe-de-subsidiarite-au-coeur-des-debats
- Ce que change la loi pour une République
numérique pour la protection des données personnelles -
cnil.fr - 17/11/2016 -
https://www.cnil.fr/fr/ce-que-change-la-loi-pour-une-republique-numerique-pour-la--protection-des-donnees-personnelles
- La Cnil précise le rôle du "correspondant
informatique et libertés" -
zdnet.fr - Estelle Dumont -
30/11/2004 -
http://www.zdnet.fr/actualites/la-cnil-precise-le-role-du-correspondant-informatique-et-libertes-39186131.htm
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Le RGPD : Un nouvelle réglementation
européenne applicable au 25 mai 2018
A compter du 25 mai 2018, le nouveau Règlement
Général sur la Protection des Données est entré en
application et remplace la directive européenne 95/46/CE de 1995. Son
objectif consiste à harmoniser les législations des pays
européens en matière de collecte et de traitement des
données à caractère personnel. Le règlement
instaure un cadre juridique unique applicable sur l'ensemble du territoire de
l'Union Européenne, qui laissait subsister des
spécificités et de fortes disparités entre les Etats
membres5.
Génèse
Le film documentaire « Democracy » du
réalisateur suisse David Bernet, sorti en 2015, retrace cette gestation,
fruit d'un laborieux processus législatif. On apprend que
l'élaboration de ce qui deviendra le RGPD a été
confrontée à de nombreux obstacles, juridiques, bureaucratiques,
mais également à l'influence des puissants lobbys que sont les
géants du web et de l'industrie du big data.
Dans un article publié sur le site
archimag.com6, le réalisateur confie qu'il souhaitait
initialement observer les rouages du Conseil européens et le travail de
nos représentants. C'est en s'intéressant aux différents
projets de loi et au combat mené par le jeune eurodéputé
franco-allemand Jan Philipp Albrecht, qu'il comprit dès 2010 que le
digital et la protection des données constituaient des enjeux
décisifs pour l'avenir et les droits fondamentaux des 500 millions de
citoyens de l'Union Européenne.
A l'époque les débats sur le sujet
n'intéressaient que quelques avant-gardistes, dont l'ardeur et la
ténacité au sein de la Commission européenne permirent
d'aboutir en 2012 à un projet de loi sur la protection des
données à caractère personnel. Son adoption en mars 2014,
aura nécessité deux ans de délibérations et 4000
amendements, mais doit aussi beaucoup aux retentissements médiatiques
provoqués par les révélations d'Edward Snowden en 2013.
Il faudra encore deux ans pour que le nouveau Règlement
Général sur la Protection des Données soit adopté
par le Parlement Européen, le 27 avril 2016 et publié au journal
officiel de l'Union européenne du 14 mai de la même
année.
5 RGPD, Ce qu'il faut savoir d'ici 2018 -
medef.com -
téléchargé en mars 2018
http://www.medef.com/fr/content/guide-pratique-sur-la-protection-des-donnees-personnelles
6 Democracy : un thriller haletant sur la protection de nos
données personnelles, par Clément Jost - le 24/11/2016
www.archimag.com/univers-data/2016/11/24/democracy-thriller-haletant-protection-donnees-personnelles
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Le cadre de la réglementation :
Dès son entrée en vigueur, le 25 mai 2018, le
RGPD remplace non seulement la directive européenne 95/46/CE de 1995,
mais supplante également les lois en vigueur dans les Etats de l'Union
Européenne. Le texte peut être directement appliqué dans
tous Etats membres, mais leur laisse la possibilité de
légiférer de manière souveraine sur certains
paramètres et de faire évoluer leurs législations, sous
réserve qu'elles soient conformes au RGPD. Selon la CNIL, la marge de
manoeuvre accordée aux législations nationales reste toutefois
limitée à certaines dispositions, qu'elles pourront rendre plus
spécifiques sur les aspects suivants :
- Traitements relatifs à la santé
- Traitements du numéro d'identification national
- Traitements de données en matière d'emploi
- Traitements nécessaires à l'exécution
d'une mission d'intérêt public ou relevant de l'exercice de
l'autorité publique
- Traitements à des fins d'archivage, de recherche
scientifique ou historique ou statistique
source : CNIL Atelier RGPD 30/11/2017- Règlement
européen sur la protection des données, ce qui change - Cf
Annexe)
D'après le cahier technique 2018 de l'Association pour le
Management des Risques et des Assurances de l'Entreprise (AMRAE 27/02/2018 -
RGPD : La protection des données du citoyen européen par
l'entreprise), publié en février 2018, il apparait que seuls
l'Autriche et l'Allemagne aient déjà adopté depuis juillet
2017 une législation nationale conforme au RGPD.
En France, en dehors de la loi Lemaire promulguée
dès octobre 2016, aucune date de révision de la Loi Informatique
et Libertés n'était annoncée. Mais le 22 mars 2018, le
Sénat a approuvé en première lecture le projet de loi sur
la protection des données personnelles7, visant à
appliquer le droit européen, avec des adaptations permettant notamment
de tenir compte des collectivités. Le projet de loi a ensuite
été définitivement adopté le 14 mai 2018 par le
Parlement, conformément au calendrier annoncé par Paula Forteza,
députée LREM et rapporteur du projet de loi sur la protection des
données, sur BFM TV en avril dernier8.
Qui est concerné ?
Le règlement européen concerne toute
société, organisme public ou association qui collecte ou effectue
des traitements liés à des données de citoyens
européens, ce quelque-soit sa taille, son secteur d'activité ou
la quantité de données traitées.
7 Le Sénat adopte le texte sur la protection des
données personnelles -
europe1.fr - La rédaction -
22/03/2018 -
http://www.europe1.fr/technologies/le-senat-adopte-le-texte-sur-la-protection-des-donnees-personnelles-3605933
8 L'Invitech : le RGPD permettra-t-il un usage plus responsable
des données ? -
bfmtv.com - 24/04/2018 -
http://bfmbusiness.bfmtv.com/mediaplayer/video/l-invitech-le-rgpd-permettra-t-il-un-usage-plus-responsable-des-donnees-2404-1064569.html
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Dans ce cadre, le RGPD introduit une notion de
responsabilité de ces entités qui sont notamment tenues de
vérifier la conformité de leurs traitements, de notifier les
failles de sécurités les plus graves et peuvent s'exposer
à des sanctions administratives significatives en cas de non-respect des
dispositions.
Le traitement de données à caractère
personnel est décrit de manière très précise par le
règlement. Le guide publié par le MEDEF nous donne des
définitions simples des différents termes utilisés :
- Le caractère personnel d'une donnée
concerne toujours toute information se rapportant à une personne
physique identifiée ou indentifiable, tel que le décrivait
déjà la directive 95/46/CE.
- Le nouveau règlement introduit la notion de
données sensibles, lorsqu'elles sont susceptibles d'être
discriminantes (origine raciale ou ethnique, opinions politiques, convictions
religieuses ou philosophiques, orientation sexuelle...) ou propres à une
personne donnée (santé, données génétiques
ou biométriques)
- Un traitement est caractérisé par toute
opération (automatisée ou non) réalisé sur des
données à caractère personnel (collecte, enregistrement,
organisation, stockage, conservation, adaptation, modification, extraction,
utilisation, communication par transmission, rapprochement ou
interconnexion...).
- Le Responsable du traitement (data controller)
désigne la personne, le service ou l'organisme (public ou
privé : entreprises, administrations, associations...) qui
détermine les finalités et les moyens du traitement. Il est
considéré comme le donneur d'ordres.
- La responsabilité du sous-traitant, personne,
service ou organisme (public ou privé) qui traite des données
personnelles pour le compte du responsable de traitement, se voit
également engagée.
Le RGPD s'applique au traitement de données personnelles
lorsque :
- le traitement a lieu sur le territoire de l'Union
européenne,
- le responsable de traitement ou le sous-traitant sont
établis sur le territoire de l'Union
européenne (même si le traitement est
effectué hors de l'Union européenne), - les personnes
concernées par le traitement sont des citoyens ou ressortissants
européens.
Par rapport aux législations nationales, comme la Loi
Informatique et Liberté, le champ d'application se voit donc
élargi à l'ensemble du territoire européen, mais
également à tous ses citoyens.
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Le RGPD - Contrainte légale ou opportunité
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Source : CNIL Atelier Règlement européen sur la
protection des données : ce qui change - 30/11/2017
Ce qui évolue :
Le nouveau règlement reprend largement les principes de
la directive de 1995, mais renforce considérablement les obligations de
transparence sur la gestion des données personnelles. Il répond
d'une part à des nécessités politiques et humaines, de
protection des citoyens européens, notamment vis-à-vis des GAFAM
(Google, Amazon, Facebook, Apple et Microsoft) et de respect de leur vie
privée. D'autre part, il vise à fiabiliser l'économie
numérique à laquelle les citoyens doivent pouvoir faire
confiance.
Le RGPD est un document de 88 pages, qui comporte de 99
articles et 173 considérants, qui permettent une interprétation
des articles du texte.
Le texte est structuré autour de 9 principes
clés :
Source : Cahier technique 2018 AMRAE -
http://amrae.fr/sites/default/files/fichiersupload/Cahier%20technique%20RGPD-%20v1.1%2027-02-20181.pdf
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Les articles et considérants sont répartis
en 11 chapitres :
Source : Cahier technique 2018 AMRAE
http://amrae.fr/sites/default/files/fichiersupload/Cahier%20technique%20RGPD-%20v1.1%2027-02-20181.pdf
Notre démarche n'ayant pas une vocation juridique, nous ne
détaillerons pas ici l'ensemble des articles du règlement et nous
nous concentrerons sur les 9 principes clés du RGPD, qui constituent les
véritables enjeux de la réglementation.
La sécurité du traitement
Le RGPD instaure l'obligation de garantir un niveau de
sécurité approprié lors du traitement des données
à caractère personnel. Pour ce faire, le responsable du
traitement doit s'assurer que les mesures techniques et organisationnelles
mises en oeuvre sont appropriées et garantissent un niveau de
sécurité adéquat. Cette sécurisation portera non
seulement sur les infrastructures, pour lesquelles une analyse d'impact devra
être menée par les directions sécurité, informatique
et risques, mais également sur le chiffrement (cryptage) des
données, leur pseudonymisation ou leur anonymisation.
Le responsable de traitement devra par ailleurs assurer la
disponibilité, l'intégrité, la confidentialité et
la traçabilité des données manipulées lors du
traitement.
La notification
En cas de violation des données personnelles, le
responsable du traitement est tenu de le notifier à la CNIL dans les 72
heures à compter de la découverte de cette violation, sauf s'il
est peu probable qu'il en résulte un risque pour les personnes.
Constitue une violation, toute faille de sécurité
ayant entraîné la destruction, la perte, l'altération, la
révélation ou l'accès non autorisé à ces
données de manière intentionnelle ou accidentelle.
Le responsable du traitement devra par ailleurs avertir les
personnes concernées de cette violation, lorsqu'elle peut constituer un
risque majeur d'atteinte à leurs droits et libertés. Il pourra
toutefois être exonéré de cette obligation s'il peut
démontrer que les mesures de protection mises en oeuvre (chiffrement ou
anonymisation notamment) ne permettent pas l'exploitation des données
concernées par la violation. Il pourra également avoir recours
à une
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mesure de notification publique, si l'information individuelle
des personnes concernées nécessite un effort
disproportionné.
Le droit des personnes
Les droits des citoyens européens et les conditions
d'utilisation de leurs données personnelles se voient renforcés
et explicités par le règlement. Le RGPD s'inscrit dans la
continuité des réglementations nationales dont il s'inspire, en
réaffirmant certains des droits existants : Droits d'information,
d'accès, de rectification, d'opposition et de transparence.
Mais il ajoute également des droits complémentaires
:
- Le droits à l'effacement (ou droit à l'oubli)
- Le droit à la limitation de traitement (l'usage des
données personnelles est limité au
traitement pour lequel elles ont été
collectées).
- Le droit à la portabilité des données
(vers un autre responsable de traitement).
Le responsable du traitement est tenu de mettre gratuitement
à disposition des personnes un moyen d'exercer leurs droits et devra
obligatoirement répondre à leur demande dans un délai
maximum d'un mois.
Le DPO ou Délégué à la
Protection des Données
Lorsque les responsables de traitements ou les sous-traitants ont
une activité qui nécessite le traitement régulier de
nombreuses données à caractère personnel, ils se trouvent
dans l'obligation, sous peine d'être sanctionné, de
désigner un référent qui veille au respect du
règlement et à sa bonne application : Le Data Protection Officer
(DPO).
Indépendamment de la taille de l'entreprise, le DPO est
désigné sur la base de ses qualités professionnelles et
sur sa connaissance du droit et des pratiques en matière de
données personnelles. En France, son statut et ses
responsabilités sont similaires à ceux du CIL (Correspondant
Informatique et Liberté), mais ses missions et prérogatives sont
renforcées.
Quel que soit la nature du traitement, sa nomination est
également obligatoire dans les autorités et organismes publics
(collectivité territoriales, Etats, établissements
publics...).
Point de contact privilégié des autorités,
il devra d'une part documenter et tenir à jour un registre des
traitements de données à caractère personnel et d'autre
part, sensibiliser et conseiller les acteurs impliqués dans ces
traitements.
Il peut être extérieur à l'entreprise
(juriste, consultant, organisme...) sur la base d'un contrat de service, ou
salarié, qui pourra être mutualisé entre plusieurs
structures, mais doit être à même d'exercer ses fonctions en
toute indépendance vis-à-vis du responsable de traitement.
Le Privacy by Design& by Default
Le concept de « protection de la vie privée
dès la conception » (Privacy by Design) doit être
appliqué à toute technologie permettant de traiter des
données à caractère personnel. Ces outils, applications ou
sites internet doivent dans leur conception et leur utilisation garantir par
défaut le plus haut niveau de protection des données.
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Cette démarche s'appuie sur plusieurs grands principes
:
- la protection de la vie privée.
- la pseudonymisation des données.
- la limitation au minimum des informations nécessaires au
traitement lors de la collecte
des données.
- la définition d'une durée de conservation
adaptée à la durée du traitement.
- une centralisation du stockage des données, dont
l'accès sera restreint aux personnes habilitées .
Il s'agit donc d'intégrer des mesures proactives et
préventives, garantissant une sécurité implicite des
données personnelles collectées et des traitements
réalisés.
Mise en oeuvre d'une démarche de Privacy by design
:
Source : Cahier technique 2018 AMRAE
http://amrae.fr/sites/default/files/fichiersupload/Cahier%20technique%20RGPD-%20v1.1%2027-02-20181.pdf
Les sanctions
Pour responsabiliser les acteurs à l'égard des
traitements de données à caractère personnel, les
institutions européennes ont mis en place des sanctions administratives,
civiles et pénales beaucoup plus dissuasives, qui pourront être
appliquées par les autorités de contrôle nationales en cas
de non-conformité, de dommage causé au traitement, ou d'atteinte
aux droits et libertés des personnes qui font l'objet du traitement.
Ces sanctions sont proportionnées, en fonction de la
gravité de l'infraction : - Avertissement
- injonction de mise en conformité
- retrait de certification
- effacement des données ou suppression du flux de
données
- amendes dont le montant varie en fonction du niveau de
violation des obligations et tient compte d'éléments
atténuants ou aggravants.
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Amandes : les facteurs atténuants ou aggravants
Source : Cahier technique 2018 AMRAE
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Le montant des amendes administratives est adapté à
la taille des organisations incriminées et peuvent atteindre :
- 2 % du chiffre d'affaires annuel mondial de l'entreprise
concernée (ou 10 000 000 € pour les autres entités)
- 4 % du chiffre d'affaires annuel mondial de l'entreprise
concernée (ou 20 000 000 € pour les autres entités) pour les
atteintes les plus graves (non-respect du consentement ou des droits des
personnes, transfert illicite de données...).
Des sanctions civiles sont également infligées au
responsable du traitement ou son sous-traitant pour indemniser les personnes
ayant subies un dommage du fait de la violation du RGPD. Elles peuvent
désormais être demandées dans le cadre d'une action de
groupe, par l'intermédiaire d'une association ou organisation qui agira
en justice pour demander réparation et la cessation du dommage.
Des sanctions pénales peuvent enfin être encourues
en cas d'atteintes aux droits de la personnes résultant du traitement
réalisé. Les personnes physiques reconnues coupables s'exposent
à des sanctions pouvant aller jusqu'à 5 ans d'emprisonnement et
300 000 € d'amende et jusqu'à 1 500 000 € pour les personnes
morales (associations, entreprises...).
Le PIA ou l'analyse d'impact
Le Privacy Impact Assessment ou AIPD en français (Analyse
d'Impact à la Protection des Données) doit être
effectué par le responsable de traitement lorsqu'un traitement de
données à caractère personnel est susceptible d'engendrer
des risques élevés impactant les droits et libertés des
individus concernés.
L'objectif du PIA est d'une part de s'assurer que le traitement
est proportionné au regard de ses finalités et de l'impact sur
les individus et d'autre part, d'évaluer la cohérence des mesures
de sécurité mise en place pour traiter les risques
inhérents à ce traitement.
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Manager 2018
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Cette analyse d'impact doit être réalisée
avant la mise en place du traitement, en lien avec le DPO si l'organisation en
a nommé un et en cas de risque grave avéré,
l'autorité de contrôle devra obligatoirement être
consultée.
Source : Cahier technique 2018 AMRAE
http://amrae.fr/sites/default/files/fichiersupload/Cahier%20technique%20RGPD-%20v1.1%2027-02-20181.pdf
L'Accountability /
Responsabilité
Si le RGPD ne prévoit plus de mesures de
déclarations préalables des traitements, le responsable du
traitement doit pouvoir justifier de la mise en oeuvre des mesures techniques
et organisationnelles appropriées au regard des dispositions
prévues par le règlement. C'est donc à l'organisation que
revient la charge de la preuve de sa conformité, en documentant tous les
processus et mesures mises en oeuvre.
Pour les organisations de plus de 250 salariés et celles
qui réalisent au moins un traitement régulier, ou portant sur des
données sensibles, ou comportant un risque pour le droit et les
libertés des personnes concernées, le responsable de traitement
et le sous-traitant ont l'obligation de tenir à jour un registre de
leurs traitements. Ce registre devra notamment indiquer la finalité du
traitement, la nature des données collectées, leurs
destinataires, les éventuels transferts de données hors UE, la
durée de conservation et une description des mesures de
sécurité mises en place.
Cette obligation se voit ainsi étendue aux sous-traitants,
dans le cadre des traitements qu'ils effectuent pour le compte de leurs
clients, responsables du traitement. Dans ce cas, la mise en place d'un contrat
de sous-traitance détaillant les obligations et responsabilités
du sous-traitant devient obligatoire.
Accountability : 6 points à respecter pour le
responsable du traitement
Source : Cahier technique 2018 AMRAE
http://amrae.fr/sites/default/files/fichiersupload/Cahier%20technique%20RGPD-%20v1.1%2027-02-20181.pdf
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La licéité et le consentement
Selon le règlement, toute donnée à
caractère personnel doit être « traitée de
manière licite, loyale et transparente au regard de la personne
concernée ».
Pour que le consentement soit loyal, seules les données
adéquates, pertinentes et nécessaires au traitement doivent
être collectées.
Ces données doivent en outre être collectées
pour une finalité déterminée, explicite et
légitime.
Pour prouver la licéité du traitement, le
responsable du traitement pouvoir justifier d'un consentement formel et
explicite, obtenu « sous une forme compréhensible et
aisément accessible, et formulée en des termes clairs et simples
». Il doit en conserver une trace écrite, attestant que chaque
personne a consenti de manière libre, éclairée et non
équivoque au traitement de ses données personnelles.
Le règlement prévoit toutefois des cas pour
lesquels le recueil de consentement n'est pas obligatoire :
- Lorsqu'un contrat implique la réalisation de traitements
nécessaires à son exécution.
- Lorsque le responsable du traitement est soumis à une
obligation légale nécessitant le
traitement de données à caractère personnel
(tel que la communication de données salariés pour
l'administration fiscale ou la sécurité sociale).
- Lorsque l'intérêt vital de la personne
concernée, ou celui d'une autre personne
physique, est en jeu.
- Lorsqu'il est nécessaire à l'exécution
d'une mission d'intérêt public ou relevant de
l'exercice de l'autorité publique.
- Lorsqu'il relève de l'intérêt
légitime du responsable du traitement, sous réserve qu'il
ne nuise pas aux intérêts ou aux droits fondamentaux
de la personne concernée.
A noter qu'un consentement ne peut être
considéré comme librement consenti en cas de
déséquilibre dans le rapport de force entre la personne et le
responsable de traitement. Par ailleurs, il reste également assujetti
à des modalités particulières pour les mineurs de moins de
16 ans, dont le consentement relève du titulaire de la
responsabilité parentale.
L'exécution du traitement de données
à caractère personnel :
Lors de la réalisation du traitement, les données
collectées sont sensée être utilisées uniquement
pour les finalité prévues initialement. Cependant elles peuvent
être réutilisées à d'autres fins, moyennant :
- Le consentement de la personne concernée.
- La compatibilité des nouvelles finalités
envisagées avec celles initialement prévues par le
traitement.
Les notions « d'opt-in et d'opt-out »9,
largement utilisées dans les campagnes de webmarketing et consistant
à obtenir un consentement de l'internaute à recevoir des
emailing,
9 Opt-in, opt-out, ça veut dire quoi ? -
cnil.fr -
https://www.cnil.fr/fr/cnil-direct/question/514
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Manager 2018
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sont aussi remises en cause par le RGPD. L'opt-in consistant
à accepter de recevoir une information ou une publicité,
généralement en cochant une case, doit être plus explicite
quant aux données qui seront collectées et les fins auxquelles
elles seront utilisées. L'opt-out n'est plus toléré, dans
la mesure où il présume de l'accord du destinataire quand il ne
manifeste pas son opposition, avec une case à cocher s'il ne veut pas
être sollicité, ou encore pré-cochée par
défaut, ce qui revient à du « soft opt-in » ou opt-in
passif.
Lorsque le traitement est achevé, les données
personnelles ne peuvent être conservées au-delà de la
durée strictement nécessaire aux objectifs poursuivis par le
responsable du traitement. A l'issue du traitement ou de la durée
prévue, ces données doivent être détruites ou
restituées aux personnes concernées, sans qu'aucune copie ne soit
conservée par l'organisme qui les a collectées, à moins
d'être totalement anonymisées.
Sources combinées :
- Guide MEDEF - RGPD, ce qu'il faut savoir d'ici 2018 -
www.medef.com/uploads/media/node/0001/04/dee2f7573a2954deae7f0db435aec3470da86f55.pdf
- Le RGPD et le consentement - Ressources RGPD -
mailjet.com -
https://fr.mailjet.com/rgpd/consentement/
- Cahier technique 2018 AMRAE
http://amrae.fr/sites/default/files/fichiersupload/Cahier%20technique%20RGPD-%20v1.1%2027-02-20181.pdf
- CNIL Atelier RGPD 30/11/2017- Règlement européen
sur la protection des données, ce qui change
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Le rôle des autorités de contrôle
:
Selon le règlement10, « Chaque
autorité de contrôle est compétente pour exercer les
missions et les pouvoirs dont elle est investie conformément au
présent règlement sur le territoire de l'Etat membre dont elle
relève ».
Dans chaque Etat membre, l'autorité de contrôle
veille à ce que les organisations présentes sur son territoire ou
traitant des données personnelles de ses citoyens, y compris en dehors
du pays, se conforment bien au règlement européen.
L'autorité de contrôle intervient en cas de
litige concernant les traitements de données personnelles
réalisés par les organismes implantés sur son territoire.
Dans le cas contraire, elle coopère avec l'autorité du pays
où se trouve l'établissement principal du responsable de
traitement, car le RGPD ne prévoit pas la création d'une
autorité de contrôle supranationale.
En France, dans la continuité du dispositif existant,
la CNIL reste l'autorité de contrôle nationale. Le site officiel
de la CNIL11 souligne que « les pouvoirs de contrôle
de la CNIL restent inchangés. Elle continuera à procéder
à des vérifications dans les locaux des organismes, en ligne, sur
audition et sur pièces. Les modalités de déclenchement des
contrôles restent les mêmes »
Le journal du net précise dans un article publié
le 17 mai 201812 que les nouvelles obligations et les nouveaux
droits résultant du RGPD (droit à la portabilité, analyses
d'impact...) feront également l'objet de contrôles, mais que dans
un premier temps ils ne seront pas punitifs. Selon sa présidente,
Isabelle Falque-Perrotin, qui préside également le G29, «
il ne s'agit pas de gérer un tableau de chasse
»13. L'objectif est avant tout d'accompagner les
organismes dans la mise en oeuvre opérationnelle des nouvelles
dispositions et de les aider à en comprendre les enjeux. Si
l'entité contrôlée est à même de
démontrer qu'elle est engagée dans une démarche de
conformité, la CNIL n'appliquera aucune sanction durant les premiers
mois qui suivront l'entrée en vigueur du règlement. Lorsque les
contrôles porteront sur des acteurs internationaux, ils seront
réalisés par plusieurs organismes afin que la décision ait
une portée européenne.
En pratique, son rôle évolue quelque
peu1, dans le sens où il prend une dimension plus
pédagogique. La CNIL se positionne comme le référent du
DPO, assurant des missions de conseil et d'accompagnent des organisations, avec
la mise à disposition de nouveaux outils : dossiers thématiques,
guides pratiques, PIA, modèles de registres simplifiés,
modèles-types de mentions d'information ou formulaires de recueil du
consentement...
Un autre changement concerne l'attribution des labels
(gouvernance, audit, formation), qui ne seront plus décernés par
la CNIL à compter du 25 mai 2018. Comme le prévoit le RGPD, des
mécanismes de certifications en matière de protection des
données doivent être développés par les
autorités de protection nationales. Ces certifications ne seront pas
directement délivrées
10 RGPD : la Cnil ne veut pas « gérer un tableau de
chasse » des retardataires -
numerama.com - Fleur Labrunie -
11/04/2018 -
https://www.numerama.com/politique/344166-rapport-cnil-2017-titre-a-def.html
11 RGPD : comment la CNIL vous accompagne dans cette
période transitoire ? -
cnil.fr - 19/02/2018 -
https://www.cnil.fr/fr/rgpd-comment-la-cnil-vous-accompagne-dans-cette-periode-transitoire
12 Le RGPD est là, mais êtes-vous (vraiment) au
point ? -
journaldunet.com - Charlie Perreau
- 25/05/2018 -
https://www.journaldunet.com/economie/services/1208625-rgpd-definition-texte-cnil/
13 RGPD : la position de la Cnil sera souple au début -
latribune.fr - Reuters - 18/02/2018 -
https://www.latribune.fr/technos-medias/internet/rgpd-la-position-de-la-cnil-sera-souple-au-debut-769003.html
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par la CNIL, mais par des organismes certificateurs
agréés ou accrédités par la COFRAC (Comité
Français d'Accréditation). La CNIL indique que ces
référentiels sont en cours d'élaboration et de validation,
et qu'ils seront publiés sur son site14. Ce nouveau
dispositif prévoie notamment une certification pour les DPO et une
certification de formation RGPD agréée par la COFRAC.
Le règlement ePrivacy
Parallèlement au RGPD, un autre disposition
était censée entrer en vigueur au 25 mai 2018, réformant
la directive « vie privée et communications électroniques
» ou « ePrivacy ». Quelque peu occultée par le battage
médiatique autour du RGPD, le projet de règlement e-privacy lui
est pourtant directement lié. Il s'agit d'une proposition publiée
le 10 janvier 2017 par la Commission Européenne, visant à
harmoniser la législation des Etats membres en matière de
confidentialité des communications électroniques et à
rendre les services numériques plus sûrs pour les utilisateurs. De
la même manière que le RGPD abroge la directive européenne
95/46/CE de 1995 , le règlement ePrivacy est supposé mettre
à jour la directive vie privée et communication
électronique de 2002 et le Paquet Télécom de 2009.
Ce projet de règlement est en effet
complémentaire, dans la mesure où il étend la protection
de la vie privée des citoyens européens aux communications
électroniques, ou plus précisément aux échanges
d'information (métadonnées) qui transitent au sein des
fournisseurs de services électroniques. Son application est donc assez
large, puisqu'elle concerne les fournisseurs d'accès Internet, les
acteurs de l'IoT (Internet of Things), les applications de messagerie
(WhatsApp, Skype, Facebook Messenger...), les bornes d'accès Internet
(Wifi), les éditeurs de sites et applications Internet, ainsi que les
acteurs de la publicité digitale en général (adtech).
Selon Guillaume Coulomb15, Data Quality Lead chez
fifty-five, les deux principaux enjeux résident aussi dans le
consentement de l'utilisateur, s'agissant de l'installation des cookies
(traceurs électroniques). Il ne pourra plus être obtenu par
défaut (opt-out), mais de manière positive et explicite (opt-in).
Par ailleurs, ce consentement pourra être délivré de
manière globale par l'utilisateur, au niveau du paramétrage de
son navigateur et non plus sur chaque site.
Isabelle Gavanon16, avocate associée du
cabinet Fidal et membre du conseil d'administration de l'AFDIT (Association
Française de Droit de l'Informatique et de la
Télécommunication), ajoute que le grand apport du
règlement réside dans l'encadrement du traitement des
métadonnées collectées par ces fournisseurs de services
électroniques, dans la mesure où leur exploitation permet de
déterminer des informations précises sur les individus. Pour
éviter les fraudes, les traitements réalisés seraient
ainsi soumis à des conditions plus strictes, basées sur le
consentement éclairé des utilisateurs.
14 Transition vers le RGPD : des labels à la certification
-
cnil.fr - 23/02/2018 -
https://www.cnil.fr/fr/transition-vers-le-rgpd-des-labels-la-certification
15 RGPD et ePrivacy : quelles différences ? -
petitweb.fr - Guillaume Coulomb -
30/04/2018 -
http://www.petitweb.fr/actualites/rgpd-et-eprivacy-quelles-differences/
16 Le règlement E-Privacy : quelles nouveautés? -
affiches-parisiennes.fr -
Thuy-My Vu - 06/03/2018 -
https://www.affiches-parisiennes.com/le-reglement-e-privacy-quelles-nouveautes-7770.html
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opportunité pour les entreprises ?
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Contrairement au RGPD qui se limite aux personnes physiques,
le projet de règlement e-privacy couvre désormais les personnes
morales, tout en prévoyant des sanctions identiques à celles
prévues par le RGPD pour les contrevenants.
Deux récents articles de la journaliste Catherine
Stupp17 , publiés sur le site
Euractiv.com, indiquent qu'à ce
jour, la nouvelle directive e-privacy n'a toujours pas été
adoptée et fait toujours l'objet de débats houleux entre le
Parlement, le Conseil et la Commission européenne. Certains Etats
membres et les lobbys d'opérateurs souhaitent que la
réglementation soit assouplie, estimant les mesures relatives à
l'autorisation de traitement des données trop restrictives et
revendiquant un « intérêt légitime » pour leurs
activités. Les discussions étaient au point mort et
l'échéance du 25 mai 2018 devenue irréaliste, d'autant que
la plupart des Etats membres sont encore occupés à adapter leur
législations au RGPD. Mais l'indignation publique suscitée par la
collecte massive de données de millions d'utilisateurs Facebook devrait
relancer les négociations, que la Commission espère voir aboutir
d'ici la fin de l'année.
17 Bruxelles presse les Vingt-huit d'adopter le règlement
ePrivacy - Catherine Stupp -
Euractiv.com - 17/05/2018 -
https://www.euractiv.fr/section/justice-affaires-interieures/news/commission-demands-eu-leaders-approve-deadlocked-eprivacy-bill/
Les États membres trouvent Bruxelles trop stricte sur
la vie privée - Catherine Stupp -
Euractiv.com - 17/05/2018 -
https://www.euractiv.fr/section/economie/news/member-states-want-looser-data-rules-in-draft-eprivacy-bill/
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opportunité pour les entreprises ?
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UN CHANGEMENT DE PARADIGME POUR LES
ENTREPRISES
La mise en application du RGPD constitue assurément un
chantier d'envergure pour les entreprises, qui se voient impactées sur
de nombreux aspects et doivent se réorganiser en conséquence.
Nous nous intéresserons dans ce chapitre aux risques et
impacts auxquels elles seront confrontées dans le cadre du RGPD, puis
à la méthodologie que les entreprises sont supposées
appliquer pour se mettre en conformité avec ce nouveau
règlement.
Mais dans un premier temps, il est important de rappeler
l'importance et la valeur que représentent « les données
» pour les entreprises, car elles sont devenues un véritable enjeu
pour leur développement et leur pérennité.
Les données et l'information au coeur du
fonctionnement des
entreprises
De l'information aux données et des
données aux informations stratégiques
Origine du système d'information de
l'entreprise
L'expert en système d'information d'entreprise Iain
Dunn, Principle EIM Architect chez CGI Angleterre, nous propose une
rétrospective de l'évolution de la gestion du système
d'information en entreprise sur les trente dernières
années18. Il souligne son évolution constante au sein
des organisations qui se sont rapidement adaptés en adoptant des
nouvelles stratégies et des outils permettant de gérer les
informations collectées.
La gestion de l'information en entreprise remonte aux
années 90, avec l'apparition de la gestion documentaire liée au
concept d'un « bureau sans papier ». Au-delà de l'idée
de supprimer le support papier, ces systèmes ont surtout permis aux
utilisateurs de pouvoir accéder aux informations appropriées au
moment où ils en avaient besoin. Ces outils ont ainsi constitué
une véritable avantage concurrentiel pour les entreprises qui en
étaient équipées, leur permettant de prendre rapidement
des décisions en s'appuyant sur des éléments fiables.
Les années 2000 ont ensuite vues s'imposer la notion de
« gestion de contenu d'entreprise », qui visait à mieux
identifier les sources d'information et à les centraliser sur une
plateforme unique. On commence à parler de systèmes de gestion
intégrés ou ERP (Entreprise
18 La gestion de l'information stratégique à
l'ère du numérique - Blog CGI - Iain Dunn - 22/12/2016 -
https://www.cgi.com/fr/blogue/analyse-donnees-massives/la-gestion-de-l-information-strategique-a-l-ere-du-numerique
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Ressource Planning), permettant d'intégrer
l'information brute à des sources d'informations structurées
dédiées à l'activité de l'entreprise.
Initialement centrées sur l'organisation de
l'entreprise, les stratégies de gestion de l'information ont subit une
inflexion avec le développement du numérique. Il ne s'agit plus
seulement de gérer la propriété intellectuelle interne,
mais également d'analyser le plus instantanément possible les
informations du marché, afin d'accroitre son avantage concurrentiel et
sa position.
Sur le plan marketing cela concerne désormais toute les
entreprises, qui ont besoin d'être très réactives, qu'elles
soient dans une position fortement concurrentielle dite « d'océan
rouge », comme sur un marché vierge « d'océan bleu
», pour reprendre la métaphore rendue célèbre par les
chercheurs de l'INSEAD W. Chan Kim et Renée Mauborgne19. Dans
ce contexte, les entreprises qui n'auront pas encore su tirer partie de la
valeur de l'information auront du mal à s'imposer sur un marché
devenu hautement concurrentiel.
Contextualiser les données pour obtenir des
informations pertinentes
Les informations sont devenues des données, certes
structurées dans des bases, mais comme l'indique Camille Bolzan, Social
Media Analyst, dans un article publié par le Nouvel
Economiste20, ces données « ne sont rien sans la
stratégie pour les trier, les outils pour les traiter et les experts
pour les analyser ». Elle poursuit en ajoutant que nous arrivons
à un stade où « trop de données tuent
l'information ». Avec l'avènement du Big data, ces
données ne peuvent être exploitées qu'avec de puissants
outils techniques et l'expertise de spécialistes ; ces fameux «
data scientists », pour reprendre l'une des nouvelles terminologies
consacrées par le monde numérique, évoquées par
Romain Ivoy, Responsable technique de la société Evos
Infogérance, interviewé dans le cadre de nos recherches (cf.
annexe 2). Ces statisticiens sont à même d'analyser cet amas de
données et de le corréler avec les objectifs de l'entreprise,
pour en tirer une stratégie marketing.
Stéphane Tufféry, responsable statistique du
groupe CM-CIC et professeur à l'ENSAI, interrogé par Camille
Bolzan insiste sur la nécessité de travailler la donnée
brute et fustige certains intervenant du monde informatique, qui «
incitent au stockage exponentiel de données, alors qu'il y a un
défi scientifique bien plus important, qui est l'analyse pertinente de
ces données ». Il fait un parallèle avec le
pétrole qui ne peut être exploité qu'une fois
raffiné et qu'il en est de même avec la donnée brute qui
doit d'abord être contextualisée avant même d'envisager son
utilisation dans des algorithmes informatiques.
Explosion du big data depuis les années
2010
L'article de Camille Bolzan nous donne également un
idée de l'ampleur prise par le Big Data, en s'appuyant sur des chiffres
émanant du Big Data Index. Il nous apprend que dès 2012, les
entreprises françaises avaient déjà conscience du
potentiel que représentait l'exploitation de ces données :
- 18 % des entreprises interrogées utilisent les solutions
Big data en France.
19 Océan bleu/océan rouge - glossaire
-
http://www.e-marketing.fr/Definitions-Glossaire/Ocean-bleu-ocean-rouge-242620.htm#wFxdAEzQkkl6mDTz.97
20 Big data : comment passer de la donnée à
l'information -
lenouveleconomiste.fr -
Camille Bolzan - 30/05/2013
https://www.lenouveleconomiste.fr/lesdossiers/big-data-comment-passer-de-la-donnee-a-linformation/
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- 11 % de ces entreprises envisagent ou ont prévu
d'investir dans le Big data
- 64 % des équipes IT estiment que le manque d'expertise
technologique est le principal frein.
- 59 % de ces entreprises estiment qu'avec de tels
équipements, elles pourraient accéder à des données
inaccessibles.
En 2013, l'étude « Big Data, Bigger Opportunities:
Investing in Information and Analytics » menée par le Gartner,
confirme qu'au niveau mondial 42 % des 1000 plus grandes entreprises avaient
déjà intégré que le Big data leur permettrait
d'optimiser leurs pôles financiers et marketing.
A l'heure actuelle, le volume de données
collectées est proprement colossal, comme le démontrent les
chiffres évoqués lors des 25èmes Rencontres du Risk
Management organisées par l'AMRAE (Association pour le Management des
Risques et des Assurances de l'Entreprise)
en février 201721 :
Source : Atelier-conférence A3 AMRAE - 25èmes
Rencontres Risk Manager du 2 février 2017
Cette profusion de données est essentiellement
liée à la multiplication des nouveaux canaux de collecte, avec la
démocratisation des moyens de connexion Internet (smartphones,
tablettes), l'usage généralisé des réseaux sociaux,
le traçage quasi-systématique de l'activité des
internautes, ou encore le développement de l'IoT (Internet Of Things)
qui commence à connecter de plus en plus d'objets usuels. Autant de
sources de données comportementales qui représentent de vraies
mines d'or pour les entreprises.
21 Atelier-conférence AMRAE du 2 février 2017 -
https://www.youtube.com/watch?v=OZwHgN-IHmM
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Les données comme patrimoine de l'entreprise
:
L'exploitation des données comme outil
stratégique et concurrentiel
La possibilité d'accéder à des
données aussi précises que variées sur les usages et
attentes des consommateurs a profondément modifié l'approche
marketing des entreprises. Comme l'explique Samuel Mayol, auteur de Marketing
3.0, cité dans l'article de Camille Bolzan, « on pratiquait
jusqu'ici un marketing de masse: il fallait vendre un produit à un
maximum de clients et on harcelait les prospects qui nous le reprochaient.
Aujourd'hui, partout sur Internet, les consommateurs donnent leur avis sans
qu'on en fasse la demande, ce qui permet aux entreprises de s'adapter aux
besoins de chaque client et de personnaliser l'expérience d'achat
».
Le recours à ces informations apparait donc assez
légitime de la part des entreprises, qui doivent faire face et s'adapter
à une concurrence exacerbée, en s'appuyant sur des solutions qui
leur permettront de fidéliser leur clientèle et d'anticiper
l'évolution du marché. D'autant que les résultats obtenus
se révèlent particulièrement probants, comme le confirme
Patrice Poiraud en charge du pôle business analytics et optimisation chez
IBM dans ce même article. D'après lui, le recours au datamining,
ou exploration de données, permet de réaliser des analyses
prédictives dont le taux de retour est de l'ordre de 20 %, contre
seulement 1 % sans de tels outils. L'entreprise passe ainsi d'une
stratégie que l'on peut qualifier d'intuitive, à une
réflexion basées sur des éléments tangibles, lui
permettant de surcroît d'être beaucoup plus réactive dans
ses prises de décision.
Avec de tels résultats, les entreprises doivent sans
cesse réactualiser leurs données, dont la valeur est très
volatile. Pour ce faire, elles doivent impérativement se doter de moyens
techniques, mais aussi de compétences. Les besoins en la matière
devenant de plus en plus importants, ces expertises sont extrêmement
recherchées. Paradoxalement, elles sont particulièrement rares
sur le marché français, qui manquent de formation et
d'étudiants diplômés dans ce domaine. Selon Camille Bolzan,
cela révèle un manque de promotion de ces filières, qui
n'ont pas été suffisamment valorisées. Une
réflexion partagée par Stéphane Tufféry, professeur
à l'ENSAI de Rennes déjà cité dans ce même
article, et par Guillaume Pourquié, DPO de Grenoble Ecole de Management
interviewé le 7 mai dernier (cf. Annexe 3), pour lesquels le
développement de formations consacrées au Big data est devenu
indispensable et les grandes écoles l'ont pris en compte. Mais la
demande est loin d'être satisfaite et il faudra attendre que ces cursus
aient produits suffisamment de diplômés, ce qui laisse encore aux
anglosaxons, Américains en tête, une bonne longueur d'avance.
Un patrimoine immatériel que les entreprises
doivent préserver
Stéphane Tufféry, toujours dans l'article «
Big Data : comment passer de la donnée à l'information »,
évoque un patrimoine informationnel, sur lequel l'entreprise a besoin de
travailler de manière continu. Cette notion de patrimoine est un point
important, car qu'elles soient instantanées ou statiques, personnelles
ou anonymes, les données de l'entreprise sont devenu un bien
précieux et ont donc de la valeur.
C'est précisément ce qu'Angela Merkel,
Chancelière d'Allemagne, avait spécifié lors du dernier
forum de Davos, en qualifiant les données de « matière
première du XXIe siècle ». C'est sur cette citation que
Nidam Abdi introduit son article « Pour une communauté
européenne de la donnée numérique, après celle du
charbon et de l'acier », publié le 5 mars 2018 par Le Cercle Les
Echos. En établissant un parallèle entre la CECA et le RGPD,
l'auteur attire notre attention
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opportunité pour les entreprises ?
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sur la notion de production de données
numériques et de fait sur la création d'une valeur ajoutée
qu'il nous appartient de protéger. Il cite d'ailleurs de nouveau la
Chancelière Allemande qui ajoutait que « savoir qui les
possède déterminera si la démocratie, le modèle
social participatif et la prospérité économique sont
compatibles ».
Cette notion de patrimoine informationnel est également
largement abordée par Maître Olivier de Maison Rouge, avocat et
membre de la commission permanente « secrets d'affaires » de
l'Association Internationale pour la Protection de la Propriété
Intellectuelle et du Comité scientifique de l'Institut de l'Intelligence
Économique, dans un article publié sur le site Village de la
Justice22. Dans cet article assez technique et nourri de nombreuses
références juridiques, nous apprenons que le droit
français ne délimite pas précisément le
périmètre de ce patrimoine, qui peut être assimilé
à un actif immatériel de l'entreprise. A l'heure de la
globalisation et de la dématérialisation des échanges, il
pourrait même se substituer à l'ancienne conception du fond de
commerce. D'un point de vu concurrentiel, la possession de ces informations se
révèle d'autant plus déterminante un contexte de
compétition économique acharnée.
En dépit des recherches entreprises sur la
législation récente relative à la protection de ce
patrimoine informationnel, il apparait difficile de déterminer le niveau
d'avancement de cet encadrement au niveau national comme européen. Si
cet aspect se révèle crucial et éminemment
stratégique pour les entreprises, le sujet reste épineux et
difficile à harmoniser, tant les législations en la
matière différent d'un pays à l'autre. Ce que confirme de
nouveau Olivier de Maison Rouge dans une interview accordée en 2011
à Mag-securs.com23, précisant qu'à ce jour,
« au vu des textes applicables et des décisions des tribunaux,
le vol n'est pas suffisamment reconnu par le droit s'agissant de
l'appropriation de données exclusivement immatérielles
».
Dans ce même article2, l'adjudant Laurent
Frappart, spécialiste N'Tech de la cellule d'Arras, nous fait part de
l'augmentation du vol de fichiers informatiques, qui concernent la
clientèle, les secrets de fabrication ou encore les brevets des
entreprises. Il évoque effectivement l'espionnage international, qui se
heurte à des législations différentes. Il y a bien une
cohérence des lois au niveau européen et des institutions
françaises comme la CNIL ou l'INPI (Institut National pour la
Propriété Industrielle) qui jouent un rôle important, mais
le vol du patrimoine informationnel de l'entreprise n'est pas
réprimandé en tant que tel.
Cet enjeu interpelle et les organisations professionnelles,
experts et juristes se penchent régulièrement sur la question.
Mais il apparait qu'à ce jour le seul recours des entreprises en la
matière soit le code pénal et la loi Gaufrin de janvier 1988 qui
sanctionnent l'intrusion ou la tentative d'intrusion dans un système
d'information, mais avec un cadre relativement large et sujet à
interprétation. Pour citer Olivier de Maison Rouge, « le vol se
traduit dans les faits par la disparition du bien dans le patrimoine de la
victime, et son transfert avec apparition corrélative dans l'actif du
voleur. D'aucuns estiment ainsi que le vol ne peut porter que sur des biens
matériels à l'exclusion, par opposition, de tout bien
immatériel » 2.
22 Le patrimoine informationnel : Fonds de commerce du
21ème siècle ? -
villagejustice.com - Olivier de
Maison Rouge - 06/05/2010 -
https://www.village-justice.com/articles/patrimoine-informationnel-fonds,7827.html
23 La sécurité du « patrimoine informationnel
» des entreprises (page 2) - la rédaction de Mag Securs -
31/05/2011 -
https://www.mag-securs.com/dossiers/id/28579/pageid/28662/la-securite-du-patrimoine-informationnel-des-entreprises.aspx
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Nous ne nous attarderons pas d'avantage sur ces aspects
légaux, qui restent encore mal définis, car notre propos est
avant tout de mettre en évidence le capital que représent ces
données pour l'entreprise. Sentiment partagé par Anne-Marie
BENOIT24, juriste spécialisée en droit des
données, enseignante et Ingénieur de recherche au CNRS, dans le
cadre de notre sujet. Ce qu'il faut avant tout retenir, c'est que ce patrimoine
informationnel fait désormais partie intégrante de la
valorisation d'une entreprise, notamment lors d'une cession, au même
titre que son chiffre d'affaire et au-delà de son fichier clients.
En ce sens, l'entrée en vigueur du RGPD, met en
évidence une contradiction entre les intérêts de
l'entreprises et la valorisation toute relative d'un patrimoine en partie
constitué de données à caractère personnel, qui sur
le plan règlementaire ne lui appartiendraient que provisoirement et sous
réserve du consentement des personnes concernées. De la
même manière que la directive e-privacy dont la mise en
application fait toujours débat, il y a fort à parier que les
instances européennes et nationales soient prochainement amenées
à légiférer sur la question.
Risques et moyens de maitrise
En matière de risques et d'impacts pour l'entreprise,
le RGPD soulève d'ores et déjà un certain nombre de
préoccupations nouvelles et concrètes pour les organisations,
pouvant à leurs yeux constituer des contraintes liées au
règlement.
Il convient de noter une modification fondamentale dans
l'appréciation du risque par les organisations, qui réside dans
le changement d'état d'esprit suscité par l'introduction du RGPD.
C'est ce que met en évidence l'AMRAE lors de la 26ème
rencontre du Risk Management du 8 février 2018, en expliquant que les
risques étaient jusqu'à lors appréciés du point de
vu de l'entreprise et de son activité, alors qu'elle doit
désormais aussi les prendre en compte en terme d'impact sur la vie
privée des individus concernés par les informations qu'elle
détient.
Cela met en évidence, la nécessité pour
les organisations de bien évaluer les risques liés à leur
sécurité informatique et aux traitements impliquants des
données à caractères personnel, pour lesquels il convient
de bien identifier et suivre la criticité au moyen de KRI (Key Risque
Indicators) appropriés. L'approche par les risques est au coeur du
règlement, dans lequel le terme risque est cité environ 70
fois25.
24 Propos recueillis lors d'un échange informel
avec Anne-Marie BENOIT le 31 mai 2018
25 Atelier-conférence B2 - 26ème
Rencontres du Risk Management AMRAE 2018 - Comment mettre en place le RGPD -
08/02/2018 -
https://www.youtube.com/watch?v=jkM2LJ6tzAA
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Trois grandes familles de risques
L'atelier-conférences A3 de l'AMRAE26 met en
évidence 3 types de risques à prendre en compte par les
organisations :
Risques juridiques et financiers
Spontanément, les risques juridiques et financiers
semblent les plus préoccupants et on pense en premier lieu aux amandes
significatives auxquelles s'exposent les organisations en cas de non-respect de
la règlementation, que nous avons déjà
détaillées dans notre première partie.
Cyril Bras, Responsable de la Sécurité des
Systèmes d'Information de Grenoble Alpes Métropole, rappelle que
« la CNIL a changé d'étiquette et n'est plus là
pour enregistrer des déclarations, mais pour faire du contrôle et
c'est sur le contrôle qu'ils seront financés. Ils ont donc
intérêt à en faire beaucoup ». Il ajoute que si
la CNIL a indiqué qu'elle se montrerai clémente dans un premier
temps, elle devra aussi faire des exemples pour être prise au
sérieux.
Les organisations seront aussi confrontées à des
actions de groupe ou individuelles, nécessitant non seulement des
modifications importantes de leurs processus, mais également le risque
d'être attaquées en justice, mobilisant des ressources
opérationnelles et pouvant occasionner le versement de dommages et
intérêt aux intéressés. Le site
comarketing.com évoque ainsi
une étude récente de Pegasystems27, selon laquelle 82
% des consommateurs
26 Atelier-conférence B2 - 25ème
Rencontres du Risk Management AMRAE 2017 - 02/02/2017 -
https://www.youtube.com/watch?v=OZwHgN-IHmM
27 RGPD : Les consommateurs comptent bien en profiter -
comarketingnews.com -
09/01/2018 -
https://comarketing-news.fr/rgpd-les-consommateurs-comptent-bien-en-profiter/
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européens ont l'intention de faire valoir leurs nouveau
droits, notamment en demandant la suppression de leurs informations
personnelles.
C'est une inquiétude partagée par Céline
Ambroise-Thomas, chargée du développement commercial de la
société AIRRIA et de la communication liée au RGPD (cf.
Annexe 4), qui craint une forme de dérive des demandes formulées
par les salariés ou les clients, lesquels, au-delà de se
préoccuper de leurs données personnelles, verraient surtout le
moyen de faire des procès et d'obtenir des dédommagements.
Risques organisationnels
Il en va de même sur le plan organisationnel, car les
contrôles de conformité exigeront une importante
disponibilité de la part des collaborateurs, avec le risque de se voir
sanctionné, ce qui, indépendamment des amendes encourues,
pourrait donner lieu à l'interdiction de réaliser des traitements
indispensables à leur activité.
Les organisations devront préalablement investir du
temps pour établir leurs registres de traitement et documenter leur
conformité, ce que nous aurons l'occasion de détailler lorsque
nous aborderons la mise en application du règlement.
Risques réputationnels
En terme de réputation, le simple fait de devoir
déclarer un sinistre, lié à un logiciel malveillant, un
rançongiciel ou autre brèche de données, peut avoir de
lourdes conséquences sur le capital confiance accordé par les
clients, accentué par la concurrence qui ne manquera pas de relayer une
telle information.
Une étude réalisée par Wavestone,
participant à l'atelier A3 des rencontres AMRAE de février 2017,
précise que 83 % des victimes de fuite de données pensent que
l'entreprise n'est pas digne de confiance.
D'autres formes de risques
En pratique, les trois grandes familles de risques que nous
venons d'aborder constituent un premier niveau d'analyse, mais il apparait que
d'autres risques ont une dimension beaucoup plus globale, qui ne se limite pas
à l'une de ces catégories. Nous les aborderons donc sous des
angles différents.
La sécurité
Les risques liés à la sécurité
sont assez nombreux, en particulier concernant la protection des informations
collectées. La chasse aux données est ouverte depuis longtemps,
car leur valeur n'a pas échappé aux cyber délinquants.
Cela concerne bien entendu la sécurité physique des locaux, mais
aussi la protection numérique des organisations. En l'espèce, on
constate que le nombre de cyber-attaques a suivi une évolution
exponentielle depuis 2010, comme en témoigne l'étude SYMANTEC
ISTR ci-dessous, présentée lors de l'atelier A3 organisé
par l'AMRAE.
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En adoptant une règlementation plus contraignante en
matière de collecte, la difficulté à obtenir ces
précieuses informations de manière légale pourrait
potentiellement encourager le recours aux détournements et
cyber-attaques en tout genre, accentuant les risques pour les organisations.
Cela s'avère d'autant plus critique dans les entreprises qui s'exposent
à des risques affectant directement leur capacité de production
(supply chain) et leurs activités commerciales.
L'atelier B2, organisé par l'AMRAE en février
2018, évoque les différents types de cyberattaque au niveau
mondial et nous donne une estimation de leur répercussions
économiques en 2015. L'illustration utilisée, émanant de
l'AFP, indique que son coût serait multiplié par 5 à
l'horizon 2019. Cela permet de mesurer l'ampleur du phénomène et
d'imaginer l'impact que cela aura sur les organisations.
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Interrogé sur les risques cyber, Cyril BRAS, RSSI de
Grenoble Alpes Métropole (cf. Annexe 1), est très alarmiste sur
la situation des administrations : « Je suis persuadé que si
nous sommes confrontés à un problème de
sécurité, qu'il touche des données personnelles ou pas, il
risque d'y avoir un effet domino ou un effet miroir. Un pirate peut
s'apercevoir que telle cible est facile à attaquer, donc il va faire
aussi celle d'à côté, etc... ». Il explique que
dans leur cas, ce n'est pas qu'une question de moyens, mais aussi de
communication entre services et confrères. Il évoque
également la sensibilisation des utilisateurs, dont le niveau de culture
informatique et de responsabilisation est loin d'être à la hauteur
des enjeux.
Les moyens de maitrise pour ce type de risques sont en premier
lieu la sécurisation des infrastructures informatiques. Il conviendra
pour les services informatiques et les prestataires d'adopter une politique de
sécurité adaptée au niveau de risque encouru et de mettre
en place les moyens appropriés : réalisation des mises à
jour système et antivirus, administration des droits et mots de passe
utilisateurs, paramétrage du firewall, contrôle des sauvegardes,
audit d'intrusion, plan de reprise d'activité... La liste est loin
d'être exhaustive.
Les contrats de maintenance souscrits auprès de
prestataires informatiques devront être étudiés en
détail. Le niveau d'engagement doit être clairement défini,
voir réévalué, notamment quant au délai
d'intervention en cas de sinistre, de supervision et de continuité de
service.
Toujours sur le plan informatique, les logiciels
métiers devront aussi être conformes au RGPD, en intégrant
notamment un chiffrement des données, la possibilité de les
anonymiser ou de les pseudonymiser, voire de les supprimer. Les
sociétés utilisatrices devront s'assurer que ces
fonctionnalités soient intégrées dans les applications
qu'elles utilisent et les éditeurs devront potentiellement les
intégrer si elles n'ont pas été prévues
initialement. Stéphane Bergerat, dirigeant de CINETIC IT, mentionne la
difficulté de trouver des solutions adaptées sur le
marché, car la plupart ne traitent que partiellement les besoins, «
entre ceux qui cryptent les disques, ceux qui cryptent les bases de
données, ceux qui cryptent les PC, ceux qui cryptent les flux, c'est
quand même très compliqué et je ne veux pas avoir 50 outils
à gérer » (cf. annexe 6).
Le cas des prestataires nous permet d'aborder la notion de
sous-traitance, sur lequel le RGPD insiste lourdement. En matière de
risque, le règlement stipule que le sous-traitant intervenant sur un
traitement s'en trouve de fait coresponsable. Un risque mis en évidence
par l'AMRAE, car il peut concerner des sociétés de toute taille
et tout type d'activité. Dans cette situation, il conviendra de
réévaluer l'ensemble de ses contrats et engagements, en tenant
compte des recours des tiers, qui pourront demander réparation en cas de
préjudice (traitement inapproprié, fuite de données,
cyberattaque). Le but est de bien identifier les responsabilités et le
partage de risque. Un point également abordé par Alexis DUPIC,
dirigeant de la société OPTIMEX Data, expert juridique en
protection des données, interrogé le 4 mai 2018 dans le cadre de
notre étude de terrain (cf. Annexe 5). Il insiste cette
responsabilité conjointe du sous-traitant dans la réalisation des
traitements qui lui sont confiés et qui lui imposent de tenir un
registre de traitement. Ce qui se révèle particulièrement
difficile à assumer pour les petites structures qui ne sont pas
organisées pour gérer de telles obligations.
Sur la base de ces éléments, l'AMRAE
préconise la prise en compte des coûts liés à une
non-conformité au RGPD et l'intérêt de bien contractualiser
les relations et obligation liées au traitement de données
à caractères personnel, que l'entreprise se trouve en position
de
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responsable de traitement, de donneur d'ordre ou de
sous-traitant. Cet aspect est d'ailleurs bien identifiés par les
prestataires informatiques interrogés. La société EVOS
Infogérance indique qu'elle a déjà soumis l'ensemble de
ses contrats à son juriste et CINETIC IT a bien compris qu'elle devrait
très certainement ajouter des clauses supplémentaires dans ses
contrats de sous-traitance.
Si l'adaptation des contrats permet de mieux définir
les responsabilités respectives des parties, cela porte logiquement sur
la notion de couverture et d'assurance. L'AMRAE aborde bien entendu cette
question en terme de risque et d'impacts financiers, au travers d'un article
publié par Les Echos en juillet 201728.
L'article s'appuie sur une étude commandée par
le Lloyd's of London (cf. illustration ci-après), le grand marché
de l'assurance du monde, visant à évaluer les
répercussions économiques dans le cas de cyberattaques majeurs et
à sensibiliser sa clientèle sur l'ampleur du risque cyber. Les
résultats sont édifiants et comparables aux répercutions
de l'ouragan Sandy de 2012, considéré comme le plus coûteux
de l'histoire.
28 Les entreprises trop peu couvertes contre le cyber-risque -
lesechos.fr - Jérémy
Bruno - 17/07/2017
https://www.lesechos.fr/17/07/2017/LesEchos/22487-098-ECHles-entreprises-trop-peu-couvertes-contre-le-cyber-risque.htm
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Pour maitriser ce risque, les organisations devront donc
s'intéresser à leurs polices d'assurance et réexaminer la
couverture dont elles bénéficient, en envisageant la souscription
de contrats adaptés au niveau des risques qu'elles encourent, en
particulier dans le cas de cyber-attaques ou de sanctions
réglementaires.
L'AMRAE fait référence à de nouveaux
contrats spécifiquement adaptés aux risques cyber. Selon
l'Observatoire des Produit d'Assurance1, la souscription de
cyber-assurances est en forte progression depuis 2017, compte tenu de
l'entrée en vigueur du RGPD, mais également de la recrudescence
des attaques visant des entreprises de toute taille.
Une étude réalisée par le CESIN (Club des
Experts de l'Information et du Numérique), mentionne que 40 % de leurs
adhérents ont souscrit un contrat de ce type, 15 % sont en cours de
souscription et 22 % l'envisagent sérieusement. Ces chiffres sont
disparates sur le plan géographique, puisque la grande majorité
de ces organisations sont de grands groupes basées aux Etats Unis (85
%), alors que ce type de couverture est encore peu développé en
Europe (9 %). Paradoxalement, cette étude observe que les attaques
concernent principalement les petites structures (60% de PME et TPE), qui sont
peu assurées. Mais il est certain qu'avec l'arrivée du RGPD, ces
proportions sont appelées à évoluer et le marché
mondial de la cyber-assurance est évalué entre 3 et 3.5 milliards
d'Euros.
La communication externe
Vis-à-vis de leurs clients, adhérents ou
partenaires, les organisations ont tout intérêt à mettre en
avant leur conformité. La réalisation d'un audit RGPD, permettra
entre autre d'être accompagné dans le processus
d'évaluation des risques et à terme d'obtenir une certification.
Les conditions d'obtention sont en cours d'élaboration, comme
l'évoquait Alexis Dupic d'OPTIMEX Data (cf. interview en annexe 5) et
comme le mentionne encore le site de la CNIL2, mais une telle
certification sera de nature à rassurer les interlocuteurs et pourra
pondérer le risque réputationnel évoqué
précédemment.
Dans leur communication, les organisations devront
désormais prendre en compte l'obligation de notification des individus
en cas de sinistre impactant leurs données personnelles. Cette nouvelle
obligation peut s'avérer coûteuse selon les mesures à
prendre pendant et après le sinistre.
Un risque de submersion des canaux de communication de
l'entreprise par les clients est probable. Le temps qu'il faudra consacrer
à chaque demande est évalué entre cinq et vingt minutes
par appel selon Laurent Hesnault, Director Security Strategist de Symantec,
intervenant lors de l'atelier B2 de l'AMRAE.
D'après une étude réalisée par la
société SENZING, évoquée dans un article
publié sur le site L'ADN3, une entreprise recevra en moyenne
89 demandes par mois liées au RGPD. Ce chiffre leur permet d'en
déduire une surcharge de travail mensuelle de l'ordre de 172 heures,
soit 8 heures par jour, nécessitant l'embauche d'un salarié
supplémentaire. Cela dépend de la
1 La cyberassurance décolle
progressivement en France - Liorah Benamou - L'Observatoire des
Produits d'Assurance - 01/03/2018
2 Transition vers le RGPD : des labels à la certification
-
cnil.fr - 23/02/2018
https://www.cnil.fr/fr/transition-vers-le-rgpd-des-labels-la-certification
3 Une entreprise recevra 89 demandes liées au RGPD chaque
mois ! -
ladn.eu - Yann Pierolo - 19/02/2018
http://www.ladn.eu/nouveaux-usages/etude-marketing/etude-les-entreprises-francaises-ne-sont-pas-pretes-pour-la-rgpd/
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taille de l'entreprise, mais ces chiffres sont
forcément exponentiels plus elle est importante. En se basant sur cette
moyenne et partant du principe que les sources de données sont plus
nombreuses, dans les grands groupes cela prend des proportions
démesurées, évaluées à 1259 heures
mensuelles, soit 7,5 employés supplémentaires !
En outre, Laurent Heslault extrapole un risque de malveillance
de la part de cybercriminels qui pourraient utiliser des techniques visant
à noyer les centres d'appel pour les rendre inopérants,
occasionnant en prime une frustration accrue des clients.
Selon la probabilité d'être confrontées
à une telle situation, les organisations devront anticiper ces flux
entrants, pour disposer des ressources suffisantes pour les prendre en charge.
Il conviendra parallèlement de prévoir une communication
proactive visant à rassurer tous les clients, en leur apportant la
garantie que les dispositions nécessaires ont bien été
mises en oeuvre, lesquelles seront de surcroît, plus ou moins lourdes
à assumer pour l'entreprise.
Un autre aspect de la communication concerne les
dérives observées autour du RGPD, comme l'ont décrit la
plupart des professionnels interrogés sur le terrain. Cyril Lebras de
Grenoble Alpes Métropole évoquait des démarches
commerciales douteuses misant sur la méconnaissance du sujet des
personnes sollicitées. Romain Ivoy d'EVOS Infogérance ironisait
sur cet effet RGPD, caricaturant l'opportunisme de ces sociétés
qui pourraient même proposer des souris ou des imprimantes « RGPD
ready ».
Un article publié sur le site Numerama1
confirme que la CNIL a bien conscience de ce dévoiement, puisqu'elle a
lancé une campagne « #StopArnaque » pour contrer l'assaut des
pseudo-experts malveillant qui surfent sur le thème du RGPD. La CNIL
remarque : « L'objectif est de vous faire appeler un numéro
surtaxé, de vous faire signer un engagement coûteux, en vous
envoyant ensuite une documentation générale déjà
accessible en ligne ». Encore plus grave, il peut aussi s'agir
« de collecter des informations sur votre organisation pour
préparer une escroquerie ou une attaque informatique. »
Comme le préconise l'article, le meilleur moyen
d'éviter de se faire piéger est d'être à même
de distinguer les experts compétents des charlatans. Cela renforce
l'intérêt de nommer un référent RGPD, à
défaut d'un DPO, vers lequel pourront être redirigées ces
démarches.
Des populations à risque
Une autre forme de risque peut être identifiée,
dans la capacité des organisations à assumer leur mise en
conformité, que ce soit les entreprises et autres associations ou les
institutions elles-mêmes.
Les entreprises
Au grés de nos lectures et des retours
d'expérience que nous avons pu collecter, nous avons constaté que
l'appréhension et la capacité à assumer la mise en
conformité se révèle plus
1 La CNIL met en garde : attention aux « experts RGPD
» qui préparent des escroqueries - Corentin Duval - Numerama -
22/01/2018 -
https://www.numerama.com/politique/323257-la-cnil-met-en-garde-attention-aux-experts-rgpd-qui-preparent-des-escroqueries.html
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complexe pour les petites structures. Elles ne disposent pas
des mêmes moyens, humains comme financiers, pour gérer la mise en
place du RGPD.
De manière générale, le risque de
non-conformité est particulièrement prégnant pour les PME
et TPE, comme le constate Romain Ivoy d'EVOS Infogérance (Cf. Annexe 2)
auprès de ses clients, qui sont accaparés par
l'opérationnel et ont du mal à appréhender le
règlement, « ils n'ont eu aucune réflexion et la plupart ne
savent même pas ce que c'est ». Il ajoute que ces structures ont
déjà du mal à assurer leur charge de travail quotidienne
et qu'elles considèrent qu'il s'agit d'une contrainte parmi d'autres,
voire d'un sujet subalterne. Stéphane Bergerat de CINETIC IT (cf. Annexe
6) fait le même constat, « je pense que la petite PME du coin,
qui gère ses 30 ou 40 clients, cela lui passe largement au-dessus de la
tête ». Alexis Dupic d'OPTIMEX Data déplore lui aussi un
manque d'accompagnement adapté à ces entreprises et que
l'application du règlement ne fasse aucune distinction entre un artisan
et un géant du numérique. Il cite notamment le cas d'une
entreprise individuelle qui a dû recourir à ses services d'audit
et conseil, pour espérer conserver ses marchés publiques, qui
exigeaient une preuve de conformité des logiciels qu'il
développe.
La CNIL l'a bien compris et précise qu'elle entend
faire preuve de « souplesse et de pragmatisme », comme le mentionne
je journaliste Florian Debes dans un article paru dans Les Echos High-Tech le
25 mai 20181. Le régulateur aurait bien conscience de «
la hauteur de la marche à franchir pour les sociétés
les plus fragiles, notamment les PME ». La mise en application du
nouveau règlement ayant engendré une « peur du gendarme
» virant à la panique générale, les autorités
de contrôle françaises ont confirmé que dans un premier
temps, elles se limiteraient à sanctionner les manquements aux
obligations qui étaient déjà en vigueur dans les lois
françaises précédentes.
Ce même article des Echos High-Tech, stipule que l'enjeu
du RGPD est surtout de ne pas manquer sa cible. Cette phrase fait
précisément référence à la disproportion des
obligations qui s'imposent aux petites structures, qui constituent «
un nième bâton mis dans leur roue par l'administration
», pour reprendre le propos de Jean-Marc Vottori dans un
éditorial également paru dans Les Echos du 25 mai
dernier2.
Ces deux articles sont d'ailleurs assez convergents dans leur
analyse, évoquant les géants du numériques
américains et chinois, qui à l'opposé sauront s'adapter
beaucoup plus facilement au RGPD et risquent surtout d'en profiter pour assoir
leur position sur le marché. Ce sera au détriment des entreprises
européennes, qui ne comptent aucun géant du numérique.
Etienne Drouard, avocat du cabinet K&L Gates, insiste sur le fait que
« ces entreprises savent très bien inventorier les
données présentes dans leurs systèmes et ont donc
déjà une vue centrale sur toute les informations personnelles
qu'elles détiennent ». 1 Ce qui permet à
l'auteur1 de conclure que sur ce point, « le RGPD leur
demande simplement d'exceller là où elles sont les meilleures...
», ce qui va à l'encontre du but recherché par le
règlement, d'autant que les systèmes d'informations des
entreprises européennes sont loin d'être aussi structurés
que chez leurs homologues anglosaxons et asiatiques.
1 L'Europe lance son big bag de la protection des données
- Florian Debes - Les Echos High-Tech - 25/05/2018
2 RGPD, un fort bel outil à double tranchant - Editorial
de Jean-Marc Vottori - Les Echos 25/05/2018
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Un dernier aspect concerne l'application du règlement
dans les différents Etats européens, qui n'ont pas le même
historique, ni la même sensibilité, en matière de
protection des données. Certains n'avaient tout bonnement aucune
réglementation nationale et doivent désormais transposer le texte
dans leur législation ou l'appliquer tel que les instances
européennes l'ont défini, ce qui implique notamment la
création d'une autorité de contrôle qui n'existait pas et
donc un processus d'adaptation plus laborieux. C'est une difficulté
évoquée lors des rencontres de l'AMRAE, qui met en
évidence un risque supplémentaire auxquels sont
confrontées les entreprises.
La position de ces Etats membres ne leur permet pas de se
conformer complètement à la nouvelle législation et ils
peuvent en retirer un certain profit par rapport aux autres. L'AMRAE cite le
cas de l'Espagne qui cherche à attirer les entreprises en mettant en
avant une réglementation nationale moins stricte vis-à-vis de son
retard. Une telle situation leur donne un avantage concurrentiel par rapport
aux autres Etats de l'Union et il faudra que les instances européennes
trouvent le moyen d'endiguer cette dérive qui sera potentiellement
source de conflit.
Les institutions
Pour être plus exhaustif concernant les risques, il
convient aussi de s'intéresser aux institutions elles-mêmes, qui
contrairement à ce qu'elles pensaient sont tout aussi impactés
par le RGPD que les autres organisations.
C'est ce que Cyril Bras de Grenoble Alpes Métropole
(cf. Annexe 1) nous a confié lors de notre échange. Il observe
que les administrations ont seulement découvert la problématique
RGPD il y a quelques mois et a le sentiment qu'elles pensaient ne pas
être concernées par le volet sanctions. Mais cela leur a
été bien été confirmé, « même
si il y aura certaines adaptations liées au fait qu'elles ne sont pas
des entreprises et qu'il n'y a pas de notion de business ». C'est
assez contraignant, car elles ont du retard sur la protection des
données et la culture de la sécurité en
général était parfois inexistante. Il estime que c'est
justement une bonne chose, car l'application du règlement les
responsabilise. Les informations qu'elles collectent, sont certes
nécessaires à leur fonctionnement, mais se révèlent
particulièrement sensibles. Et même si elles n'ont pas vocation
à en tirer profit, les risques auxquelles elles s'exposent n'en sont pas
moins importants. Elles disposent d'informations personnelles très
précises sur la situation des administrés, que ce soit en terme
de revenus, de situation familiale ou encore de santé. Le retard
qu'elles ont accumulé, même vis avis des réglementations
précédente est considérable et il était temps
qu'elles se montrent plus proactives en matière de gestion des risques.
Il illustre ces risques au travers de plusieurs exemples d'attaques cyber qui
pourraient paralyser les collectivités, avec toutes les incidences que
cela implique en terme d'accès aux services publiques qu'elles sont
censées garantir. Le cas de la ville d'Atlanta qui a récemment
été victime d'un rançongiciel en est la parfaite
démonstration. L'ensemble des services de la ville ont été
interrompus et au-delà de la somme réclamée par les
pirates informatiques, la mise en conformité du système
d'information a nécessité un investissement de 2.7 millions de
Dollars. Des impacts financiers considérables, mais également une
atteinte à l'image pour la ville et ses élus. Cyril Bras voit
dans l'adoption du règlement l'occasion de mettre en place de bonnes
pratiques et de ne plus attendre d'être confronté à un
problème pour réagir.
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Un article de David Legrand publié en avril 2018 sur le
site Next Inpact1, met aussi en évidence le retard des
administrations françaises. Il parle même du laxisme de nombreux
sites publics qui diffusent leurs vidéos via des plateformes
d'hébergement telles que YouTube ou Dailymotion, comme le site des
impôts, ou qui intègrent des liens Instagram et Facebook (
Service-public.fr, Hadopi, le
site du CSA), qui sont loin de garantir un niveau de protection
approprié en matière de collecte des données personnelles
des usagers.
S'agissant des institutions et pouvoirs publiques qui sont
censés montrer l'exemple, le propos d'Alexis Dupic (cf. Annexe) prend
tout son sens, car effectivement « ce serait un comble qu'ils ne
soient pas eux-mêmes en conformité avec ce qu'ils nous demandent
».
Cela nous permet d'aborder un dernier risque, qui
réside dans la capacité de nos institutions, nationales et
européennes à appliquer les dispositions prévues par le
règlement. Stéphane Bergerat de CINETIC IT s'interrogeait sur la
capacité des intervenants de la CNIL à pouvoir reconnaitre les
données qui seraient strictement nécessaires pour un traitement,
car cela nécessite une connaissance métier et les besoins
diffèrents d'une organisation à l'autre.
L'application des sanctions est également source de
questionnement pour Florian Debes2, car un groupe américain
contrevenant reconnu coupable par la justice européenne, pourrait
simplement fermer ses comptes en Europe pour ne pas se conformer à la
décision.
Cela reflète bien l'approche très
européenne évoquée par Romain Ivoy d'EVOS
Infogérance, qui consiste à « légiférer
avant de faire ». Un travers mis en exergue dans l'éditorial
de Jean-Marc Vottori3, qui reprend une boutade lancée par
Emma Marcegaglia, à l'époque où elle dirigeait le patronat
italien : « D'une innovation, les américains font un business,
les chinois une copie et les européens une réglementation...
».
1 Collecte de données via les sites de l'État :
avant les impôts, le précédent de l'Élysée -
NEXT INPACT - David Legrand - 17/04/2018 -
https://www.nextinpact.com/news/106478-collecte-donnees-via-sites-etat-avant-impots-precedent-lelysee.htm
2 L'Europe lance son big bag de la protection des données
- Florian Dèbes - Les Echos High-Tech 25/05/2018
3 RGPD, un fort bel outil à double tranchant - Editorial
de Jean-Marc Vottori - Les Echos 25/05/2018
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La mise en place du RGPD
Pour la mise en oeuvre du RGPD, les entreprises peuvent
s'appuyer sur une méthodologie structurée publiée par la
CNIL4, qui leur permettra de préparer leur mise en
conformité. Cette méthode repose sur 6 points que nous allons
détailler et illustrer par les retours d'expérience que nous
avons pu collecter au travers de notre revue littéraire et de
l'enquête de terrain réalisée auprès de
professionnels.
Méthode recommandée par la CNIL
4 RGPD, se préparer en 6 étapes -
https://www.cnil.fr/fr/principes-cles/rgpd-se-preparer-en-6-etapes
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opportunité pour les entreprises ?
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ETAPE 1 : Désigner un
pilote
La CNIL rappelle que la désignation d'un DPO n'est
obligatoire que dans certains cas, que nous avons détaillés en
première partie, mais recommande fortement la désignation d'une
personne en interne qui pourra s'assurer de la mise en conformité au
règlement.
Ce référent sera le « chef d'orchestre de
la conformité en matière de protection des données au sein
de son organisme »5. Le DPO ou le référent qui
aura été désigné sera chargé des missions
suivantes :
- Informer et conseiller les responsables de traitement ou les
sous-traitants, ainsi que
les employés ;
- Contrôler le respect du règlement et du droit
national en matière de protection des données ;
- Conseiller l'organisme et vérifier la bonne
exécution des études d'impact ;
- Coopérer avec l'autorité de contrôle et
être leur interlocuteur ;
Il lui incombe de se tenir informé du contenu et de
l'évolution des obligations imposées par le RGPD, de mettre en
place des actions de sensibilisation, notamment à destination des
décideurs quant aux impacts liés au règlement, de
réaliser l'inventaire des traitements de données de l'organisme
et de piloter la conformité dans le temps.
ETAPE 2 : Cartographier les traitement de
données personnelles
Un recensement précis des traitements impliquant des
données personnelles doit ensuite être réalisé, pour
établir le registre des traitements qui sera exigé lors des
contrôles et qu'il faudra ensuite réactualiser
régulièrement.
Ce registre permet de référencer ces
différents traitements, d'identifier les catégories de
données personnelles traitées et de préciser les objectifs
poursuivis par ces opérations. Les acteurs impliqués dans ces
traitements doivent être clairement identifiés, qu'il s'agissent
de salariés de l'organisation ou d'intervenants externes
(sous-traitants), avec les clauses de confidentialité que cela suppose.
Pour obtenir une cartographie, les flux entrants et sortants, permettant
d'identifier la provenance et la destination de ces données, doivent
bien entendu être spécifiés, à fortiori s'ils
impliquent des transferts en dehors de l'Union Européenne.
La CNIL synthétise cette démarche par quelques
questions simples que les organisations doivent se poser lorsqu'elles engagent
leur recensement :
- Qui ? : Identification du ou des responsables
du traitement, des responsables de services opérationnels et des
sous-traitants impliqués.
- Quoi ? : Identification des catégories
de données traitées, de leur niveau de sensibilité et
des risques soulevés.
- Pourquoi ? : Finalité de la collecte de
ces données.
- Où ? : Lieu(x) d'hébergement ou
de transfert de ces données
- Jusqu'à quand ? : Durée pendant
laquelle chaque catégorie sera conservée.
- Comment ? : Mesures de sécurité
adoptées pour les protéger, au regard des impacts
sur la vie privée des personnes concernées en cas
d'un accès non autorisé.
5 Désigner un pilote - 29/03/2018 -
cnil.fr -
https://www.cnil.fr/fr/designer-un-pilote
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ETAPE 3 : Prioriser les actions à
mener
En s'appuyant sur le registre des traitements, les
organisations devront prioriser les actions à mener pour se conformer
à leur nouvelles obligations. Cette priorisation dépendra d'une
part de leur impact sur les droits et les libertés des personnes
concernées et d'autre part de leur complexité. Au-delà de
cette notion de risques, la CNIL conseille de traiter les actions les plus
simples à réaliser, afin de progresser plus rapidement.
Quelque soient les traitements, l'organisation doit se
montrer attentives aux aspects suivants :
- S'assurer que la collecte se limite aux données
strictement nécessaires à la poursuite
de ses objectifs
- Identifier la base juridique sur laquelle ses traitements sont
fondés (consentement des personnes, intérêt
légitime, contrat, obligation légale...).
- Envisager la révision de ses mentions d'information pour
être conforme aux exigences règlementaires.
- Vérifier que les clauses contractuelles de ses
sous-traitants soient adaptées au niveau de sécurité, de
confidentialité et de protection des données qui leurs sont
confiées, tout en s'assurant qu'ils soient conscients de leurs
obligations et responsabilités.
- Prévoir les modalités d'exercice des nouveaux
droits que les personnes sont susceptibles d'exercer : droit d'accès, de
rectification ou d'effacement, retrait de consentement ou droit à la
portabilité.
- S'assurer que les mesures de sécurité
appropriées aient été mises en place.
Une vigilance particulière devra être
accordée à certains types de traitements :
- Comportant des données sensibles concernant des mineurs,
les opinions, les origines raciales ou ethniques, les orientations sexuelles,
la santé, la génétique, la biométrie, ou encore les
infractions et condamnations pénales.
- Ayant pour objet ou pour effet une surveillance
systématique à grande échelle de lieux publiques, un
profilage pouvant donner lieu à des décisions juridiques ou qui
affecteraient significativement les individus considérés.
- Impliquant un transfert des données hors de l'Union
Européenne, qui devra être encadré de manière
contractuelle, ou par des accords internationaux, ou à défaut de
garanties appropriées, faire l'objet d'une dérogation soumise
à l'approbation des autorités de protection des
données.
ETAPE 4 : Gérer les risques
Pour les traitements comportant un niveau de risque
identifié comme élevé pour les droits et libertés
des personnes concernées, une analyse d'impact sur la protection des
données (PIA) doit obligatoirement être réalisée. Ce
PIA est une analyse d'impact sur la vie privée qui s'appuie sur 2 points
essentiels :
- Le respect « non négociable » des principes et
droits fondamentaux fixés par le règlement.
- La mise en place de mesures techniques et organisationnelles
appropriées pour protéger les données personnelles et la
vie privée des personnes concernées.
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opportunité pour les entreprises ?
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En plus du descriptif du traitement et de ses
finalités, un PIA doit comporter une évaluation de sa
nécessité et de sa proportionnalité, ainsi que des risques
encourus par les personnes concernées.
Pour s'assurer de la conformité d'un traitement, le PIA
devrait être réalisé avant sa mise en oeuvre, qu'il soit
supposé engendrer un niveau de risque élevé ou non. Il
s'agit d'un processus itératif, qui devra être
réévalué régulièrement et en particulier en
cas de modification des modalités du traitement.
Le G29 a défini 9 critères permettant
d'évaluer la criticité d'un traitement et préconise
vivement la réalisation d'un PIA lorsque le traitement en rencontre au
moins 2.
Une analyse d'impact doit mobiliser les équipes
métier de l'entreprise, le(s) sous-traitant(s), le responsable du
traitement et le DPO, mais également solliciter l'avis des personnes
concernées.
Pour accompagner les organisations dans la réalisation
d'un PIA, la CNIL met à leur disposition une méthode et un
catalogue de bonnes pratiques, ainsi qu'un logiciel permettant de formaliser
cette analyse, qui sont accessibles et directement
téléchargeables sur son site.
ETAPE 5 : Organiser les processus internes
La mise en place de procédures internes permet aux
organisations de garantir le haut niveau de protection des données
personnelles exigé par le RGPD, en tenant compte de l'ensemble des
évènements qui pourront intervenir au cours de la vie du
traitement (brèches de sécurités, demandes d'accès
ou de rectification, modification du traitement, changement de
prestataire...).
L'organisation de ces procédures porte sur
différents points, notamment :
- Le privacy by design ou by défaut, soit la prise en
compte de la protection des données personnelles dès la
conception d'une application ou d'un traitement, sur la base des fondamentaux
du RGPD.
- La sensibilisation des collaborateurs de l'entreprise, afin
qu'ils puissent faire remonter les informations au responsable du traitement
et au DPO.
- La prise en compte des réclamations et des demandes
formulées par les personnes concernées qui souhaiteront exercer
leur droit.
- L'anticipation des mesures permettant d'informer les
autorités et les personnes concernées en cas de violation des
données.
Concernant la notification de violation, en attendant qu'un
téléservice en ligne soit opérationnel, la CNIL met
à disposition un formulaire téléchargeable sur son
site.
ETAPE 6 : Documenter la conformité
En cas d'inspection par l'autorité de contrôle,
l'organisation doit pouvoir justifier de sa conformité. Il lui
appartient donc de formaliser et de regrouper dans un dossier l'ensemble des
dispositions mises en oeuvre dans le cadre du RGPD, à savoir :
- La documentation relative aux différents traitements de
données personnelles (registres de traitement, analyses d'impact,
encadrement des transferts de données hors Union Européenne).
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- Les mentions d'information des personnes concernées
(consentements, procédures leur permettant d'exercer leurs droits).
- Les contrats définissants les rôles et
responsabilités (sous-traitants, preuve de consentement,
procédure de notification).
Mettre en pratique le RGPD
L'ensemble de ces dispositions étant relativement
lourdes à apprécier pour les entreprises et en particulier pour
les petites structures, la CNIL et BPIFRANCE Le Lab (Laboratoire de la Banque
Publique d'Investissement) ont publié conjointement un « Guide
pratique de sensibilisation au RGPD » à destination des PME et TPE.
L'objectif est d'aider ces structures à s'approprier le
règlement, en vulgarisant ses objectifs et ses conditions
d'application.
Pour piloter la conformité, l'AMRAE6
préconise la nomination d'un chef de projet, qui ne sera pas
forcément le DPO ou le CIL, mais un expert de la transformation capable
de faire bouger le structure.
6 Rencontres du Risk Management AMRAE 2017 - Atelier A3 du
02/02/2017 -
https://www.youtube.com/watch?v=OZwHgN-IHmM
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Ce chef de projet sera chargé d'organiser la mise en
conformité de la manière suivante :
- Travailler au niveau du client : Processus, canaux de relation
avec client.
- Travailler avec les RH sur les données salariés
en leur possession.
- Concevoir les nouveaux services ou solutions pour la
conformité du système d'information (intégrer privacy by
design, privacy impact assessment), avec des mesures de chiffrement des
données, d'anonymisation, de surveillance et sécurisation pour la
DSI.
- Construire la filière du DPO (avec qui, comment...)
- Etablir un plan d'audit et de contrôle à
intégrer au process interne
- Mettre en place des indicateurs (KPI) adaptés.
Les prestataires informatiques que nous avons pu interroger
confirment que la conformité avec le RGPD est avant tout un sujet
juridique et organisationnel. Certaines ESN (Entreprises du Secteur
Numérique) ont pu voir dans le nouveau règlement l'occasion de
proposer des services supplémentaires à leurs clients et ont
engagé des démarches de sensibilisation ou de prospection,
obtenant parfois de bons résultats. Mais tous nos interlocuteurs
s'accordent à dire que l'informatique n'intervient qu'à la fin du
processus, dans la mise en place de moyens adaptés à la
criticité des traitements réalisés par les
organisations.
S'agissant d'un sujet juridique, les organisations doivent en
premier lieu se rapprocher d'un expert compétent sur le sujet, qui peut
être leur conseil habituel ou d'un cabinet plus
spécialisé.
C'est le cas d'OPTIMEX Data qui a accepté de nous
rencontrer et de nous faire part de son expérience (cf. annexe 5).
Alexis Dupic, créateur et co-dirigeant de l'entreprise, est issu d'une
formation de juriste et s'est spécialisé dans la protection des
données. Constatant qu'il n'existait pas sur la région de
structure spécialisée dans conformité RGPD, il a
décidé l'année dernière avec son associée de
proposer des services d'accompagnement pour les organisations, au travers
d'audits, de formations ou de prestations de DPO externalisé. Le
changement majeur avec le RGPD est qu'il « renverse la charge de la
preuve ». En cas d'incident ou de réclamation, l'organisme
doit pouvoir démontrer « que ses traitements sont
légitimes , que les moyens utilisés sont proportionnels, que les
traitement sont sécurisés ».
C'est justement vers OPTIMEX Data que la société
AIRRIA a choisi d'orienter ses clients et partenaires, ayant compris qu'un tel
partenariat pourrait se révéler vertueux pour leurs deux
structures. Céline Ambroise-Thomas, chargée du
développement commercial et de la communication liée au RGPD (cf.
Annexe), explique qu'ils ont préféré orienter les demandes
vers un expert juridique, à même de les conseiller et de les
accompagner. Cela leur a également permis d'organiser conjointement des
réunions d'informations pertinentes, puis en fonction des besoins
exprimés par les clients ou des recommandations d'OPTIMEX Data,
d'intervenir sur leur coeur de métier pour adapter le niveau de service
ou de moyens mis en oeuvre.
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Nous avons ensuite eu l'opportunité d'interroger
Guillaume Pourquié, DPO de Grenoble Ecole de Management (cf. annexe 3),
qui a pu nous livrer un précieux témoignage sur l'exercice
opérationnel de cette fonction.
La mise en place du RGPD au sein de l'école
nécessite d'engager un travail de cartographie, qui concerne l'ensemble
des entités pouvant adresser le système d'information, afin
d'identifier ce qu'ils manipulent et comment ces informations sont
sécurisées. Cela passe par une mission d'information et de
sensibilisation des utilisateurs, pour s'assurer de leur coopération et
leur « délivrer un minimum de bagage pour qu'ils puissent faire
leur métier en conscience et en connaissance de cause ». C'est
l'occasion de mettre en place les appuis nécessaires dans chaque service
et entité, afin de référencer et documenter les
traitements qu'ils réalisent.
En amont, il a pu compter sur la mobilisation et le
répondant des services Juridique, Informatique et Qualité, ce qui
est essentiel. Au niveau des utilisateurs, ils s'impliquent également
volontiers, ce qui est en partie lié à la jeunesse et la
philosophie de l'école, consciente qu'il en va de sa
responsabilité sociétale. Il estime également avoir la
chance de pouvoir échanger avec des interlocuteurs ouverts sur ces
questions, en particulier avec certains enseignants, pour lesquels il est
même amené à intervenir dans le cadre de cours liés
au numérique.
Pour la tenue des registres de conformité et la
documentation, il s'appuie sur les outils existants, qu'il utilisait
déjà en tant que CIL et sur la trame Excel proposée par la
CNIL. Mais il a déjà pu identifier des outils de gestion de
projet adaptés au métier de DPO (Ricil, DPMS, DPO Consulting,
Captain DPO...), qu'il compte sélectionner dans un second temps.
A ce stade, une cartographie générale a
déjà pu être réalisée et un fichier
partagé, permet un travail collaboratif avec les relais
identifiés dans chaque entité, qui deviendront potentiellement
les futurs responsables de traitement.
Selon lui, la partie la plus contraignante est la modification
des bases de données existantes, lorsqu'il faut mettre en place la
portabilité ou la suppression des données, qui n'est pas un
processus anodin quand cela n'a pas été pris en compte lors de la
conception : « Je travaille à identifier ce qui est de l'ordre
de l'archivage ou de la donnée de conservation ».
Pour le moment, le nombre de DPO nommés est assez
faible, mais il peut s'appuyer sur l'AFCDP (Association Française des
Correspondants à la Protection des Données), ce qui lui permet
d'échanger avec d'autres DPO et de participer à des ateliers ou
conférences.
Pour Guillaume Pourquié ce qui a été mis
en place est juste un point de départ, car « il est impossible
d'être en conformité au 25/05 ». Il ajoute «
qu'être en conformité ne veut malheureusement pas dire
grand-chose, car le RGDP est un processus d'amélioration continu
». En l'état actuel, il se montre assez serein et
précise qu'en cas de contrôle des autorités, il est
à même de démontrer que GEM est vraiment impliqué
pour maîtriser ce sujet et s'est doté des moyens qui permettront
de le piloter.
Nous terminerons ce témoignage par une
considération empreint de bon sens : « Le RGPD doit être
une préoccupation quasi permanente pour tout le monde, mais ce n'est pas
le fond du métier, qui consiste à dispenser des cours et de
former des étudiants. Il faut donc un certain talent pour conjuguer les
deux ».
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Du côté de Grenoble Alpes Métropole, la
nomination de Cyril Bras au poste de RSSI (Responsable de la
Sécurité du Système d'Information) est très
récente. il est encore en phase
d'audit pour répertorier les moyens mis en oeuvre en terme de
sécurité et pendre les contacts nécessaires dans les
différentes entités que compte la communauté de communes.
Il n'a pas vocation à devenir DPO, la collectivité ayant
décidé d'avoir recours à un prestataire, mais en attendant
il travaille déjà en étroite collaboration avec celui de
la ville de Grenoble.
En fonction des organisations et indépendamment des
enjeux, il apparait que la mise en place du RGPD en soit encore à ses
balbutiements.
« RDPG ready » ? L'état d'esprit des
entreprises
La date fatidique du 25 mai étant échue, il
semble que les entreprises aient été quelques peu
rassurées par la position de la CNIL, qui même si elle fera
certainement des exemples dans les mois qui viennent, elle se concentrera
d'abord sur la bonne volonté que pourront démontrer les
organisations et sur l'applications des dispositions qui devaient
déjà être en place avant l'entrée en vigueur du
RGPD.
Mais globalement, il apparait que la France est loin du compte
et comme l'indiquait Romain Ivoy d'EVOS Infogérance (cf. Annexe 2), qui
estimait que les entreprises feraient des efforts, mais n'allaient probablement
pas « s'énerver plus que ça ».
En février 2017, une première étude
réalisée par les entreprises SERDALAB et ARONDOR, publiée
sur le site INfluencia7, donnait une tendance d'une niveau de
maitrise du sujet par les organisations.
7 Protection des données :
gros retard pour beaucoup d'organisations françaises -
INfluencia - Florence Berthier - 26/04/2017 -
http://www.influencia.net/fr/actualites/media-com,etudes,protection-donnees-gros-retard-pour-beaucoup-organisations-francaises,7364.html
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A la même période, l'atelier A3 organisé
par l'AMRAE8 fournissait, sur la base d'un rapport de SYMATEC, une
vision plus générale de l'état d'esprit des entreprises
françaises comparé au reste de l'Europe.
En préambule de son dossier thématique sur le
RGPD et les données personnelles, le site leslivresblancs.fr9
nous apporte des éléments complémentaires émanant
d'une étude menée par Senzing début 2018. Bien qu'elles
aient eu 2 ans pour se préparer, 60 % des entreprises interrogées
avouent qu'elle ne seraient pas prêtes pour l'application du RGPD et
40
% des grandes entreprises estimaient qu'elles ne le seraient
pas totalement. Concernant les risques financiers ou réputationnels
encourus, les entreprises se révélaient également peu
sensibilisés : 50 % des grands groupes les mesurent à leur juste
valeur, contre 38 % des PME et seulement 29 % des TPE et microentreprises.
Un sondage plus récent réalisé par NetApp
auprès de sociétés basées aux États-Unis,
Royaume-Uni, France et Allemagne et employant plus de 100 employés, est
évoqué dans un article du site Numerama10. Il ressort
qu'en mars 2018, 67 % d'entre elles estiment qu'elles ne seraient pas
prêtes pour le RGPD. L'article révèle par ailleurs que 35 %
de ces sociétés
8 Rencontres du Risk Management AMRAE 2017 - Atelier A3 du
02/02/2017 -
https://www.youtube.com/watch?v=OZwHgN-IHmM
9 RGPD : Les astuces pour être en conformité avec le
règlement - Les
livresblancs.fr
https://www.leslivresblancs.fr/dossier/rgpd-les-astuces-pour-etre-en-conformite-avec-le-reglement
10 67 % des entreprises estiment ne pas être prêtes
pour le RGPD - Numerama - Fleur Labrunie - 13 avril 2018 -
https://www.numerama.com/business/345119-rgpd-approche-67-entreprises-reculent.html
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s'inquiètent des répercussions
économiques que pourraient occasionner leur non-conformité et que
51 % se préoccupent des retombées en terme de
réputation.
Comme le soulignait l'étude du site
INfluencia11, il convient de s'interroger sur ce manque
d'anticipation et de mobilisation de la part des organisations. L'enquête
Deloitte publiée sur ce site nous donne quelques éléments
de réponse :
- 29% estiment manquer d'information.
- 25% manquent de temps ou de ressources pour s'en occuper.
- 56% déplorent une méconnaissance des outils ou
des compétences susceptibles de les accompagner sur le sujet.
Des chiffres qui, toujours selon cette étude,
apparaissent assez logiques, dans la mesure où 50% des organisations
n'avaient pas de CIL en interne, qui aurait pu les aider à s'approprier
le sujet. Par ailleurs, seules 30% d'entre elles ont intégré un
DPO et 27% seulement se disaient inquiètes des sanctions dont elles
pourraient faire l'objet, faute d'être en conformité.
Pour Florence Berthier, cela traduit un manque de
curiosité et une désinvolture surprenants, qui frise même
l'absence de professionnalisme.
Cela reflète bien la difficulté des
organisations à s'approprier le RGPD, leur manque d'accompagnement et
plus globalement un problème de perception quant aux enjeux du
règlement. Nous verrons dans le chapitre suivant, que ces enjeux vont
bien au-delà du règlement et que les contraintes perçues
par les organisations recèlent également de vraies
opportunités qu'il leur appartient de saisir.
11 Protection des données : gros
retard pour beaucoup d'organisations françaises - INfluencia - Florence
Berthier - 26/04/2017 -
http://www.influencia.net/fr/actualites/media-com,etudes,protection-donnees-gros-retard-pour-beaucoup-organisations-francaises,7364.html
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DES CONTRAINTES QUI PEUVENT CACHER DES OPPORTUNITES ET
D'AUTRES ENJEUX
Nous avons abordé dans le chapitre
précédent, au travers des risques et impacts, ou de état
d'esprit des entreprises vis-à-vis du RGPD, que ces nouvelles
obligations sont surtout vécues comme des contraintes.
Compte tenu de la complexité du texte, son
interprétation, sa transposition et ses répercutions
nécessitent des compétences dont peu d'organisations disposent en
interne.
Cela nécessite d'être accompagnés par des
experts juridiques et la mobilisation de ressources internes (chef de projet ou
référent, responsables de traitement), voire la création
de nouveaux postes (DPO, fonctions support). Ces ressources devront être
formés ou à minima sensibilisés sur les aspects
légaux et pratiques, pour pouvoir assurer l'interface avec les conseils,
les autorités de contrôle et toutes les personnes
impliquées dans les traitements.
L'ensemble des contrats devront être
réétudiés, avec les clients ou adhérents
(conditions générales de vente, contrats de services, demandes de
consentement), les fournisseurs (conformité, modifications de leurs
propres contrats) et sous-traitants (responsabilités et obligations
respectives), les salariés (contrat de travail, clauses de non
divulgation, charte informatique)...
Comme l'indiquait Guillaume Pourquié, DPO de GEM (cf.
Annexe 3), c'est bien l'ensemble des services de l'organisation qui devront
être impliqués dans la durée, ce qui demande une
réorganisation significative pour mettre en place et suivre les
processus nécessaires.
En fonction des obligations et du niveau de
sécurité nécessaire, la niveau de sécurité,
les moyens techniques et le système d'information de l'entreprise
devront être réévalués et potentiellement
modifiés. Ce qui pourra occasionner des investissements ou la
souscription de services supplémentaires : Matériels, logiciels
et maintenance informatiques, assurances, embauche de nouveaux
collaborateurs...
Le fait d'être limitées dans l'utilisation et la
procession des données personnelles nécessaires à leur
activité est également une réelle entrave au
développement de l'activité des entreprises.
Cette liste qui est loin d'être exhaustive et a surtout
un coût pour l'entreprise, avec des répercutions sur son
organisation, compte tenu du temps qu'il faudra consacrer à cette mise
en conformité, mais également des budgets qui devront être
investis et qui n'ont souvent pas été anticipés.
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Manager 2018
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opportunité pour les entreprises ?
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Bien entendu, il faut ajouter les sanctions et amendes
auxquelles s'expose l'organisation en cas de contrôle, si les
autorités estiment qu'elle n'a respecté les dispositions requises
par le règlement et qu'elle n'est donc pas en conformité.
Le fait de se voir limitées dans l'utilisation et la
procession des données personnelles nécessaires à leur
activité est aussi difficile à accepter et remet dans certain cas
en cause leur business model et leur profitabilité.
La plupart des organisations ont donc le sentiment de subir le
nouveau règlement et les contraintes auxquelles elles se trouvent
confrontées ne leur permettent pas toujours de percevoir les
bénéfices qu'elles pourraient en retirer.
Le RGPD, quelles opportunités pour les
organisations ?
Les articles, livres blancs, réunions,
séminaires, mooks , guides d'information et autres offres
d'accompagnement en tous genres pullulent autour du nouveau règlement et
nous avons vu qu'il peut être difficile de s'y retrouver pour les
organisations. Elles ont certes besoin d'être informées, mais
« trop d'information tue l'information » et ce tapage vire à
la cacophonie.
Mais un point revient régulièrement dans toutes
ces communications, c'est qu'en dépit de l'aspect obligatoire et de la
peur du gendarme, le RGPD présente aussi des opportunités pour
les organisations. Tout le monde s'accorde à dire, y compris les
autorités de contrôle, que l'appropriation du règlement
nécessite de faire preuve de pédagogie. Mais nous sommes en droit
de nous demander si cela ne tourne pas à la démagogie, pour faire
« passer la pilule »...
Comme nous l'évoquions avec Céline
Ambroise-Thomas d'AIRRIA (cf. Annexe 4), il semble que ce brouhaha autour du
RGPD se soit quelque peu apaisé, ce qui permet à chacun de
reprendre ses esprits. Les chiffres sont là, la plupart des
organisations sont loin d'être en conformité et le sentiment de
contrainte reste assez persistant. Il semble donc nécessaire
d'étudier plus en détail les fameuses opportunités que
l'on nous fait miroiter et de vérifier quels bénéfices les
organisations pourraient effectivement en retirer.
Une question d'état d'esprit
Romain Ivoy d'EVOS Infogérance (cf. Annexe 2) assimile
le RGPD à une procédure qualité. Elle entraine
évidement des contraintes, mais selon lui « la vraie question,
c'est comment l'utiliser à des fins pertinentes dans l'entreprise.
Est-ce qu'on le fait juste pour être certifié, ou est-ce qu'on
essaie d'améliorer nos process. Pour moi, cela doit être
abordé sous forme de valeur ajoutée. Nous l'utilisons nous aussi
au travers de nos clients, pour valoriser nos prestations ». En tant
que prestataire informatique, il souligne que le niveau de qualité
ainsi
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opportunité pour les entreprises ?
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obtenu pourra ensuite être valorisé par les
clients dans leur propre activité et constituer une avantage
concurrentiel différentiateur.
Alexis Dupic d'OPTIMEX Data (cf. Annexe 5) constate aussi que
beaucoup d'entreprises qui lui font appel voient dans le RGPD une occasion
d'améliorer leurs processus et la sécurité, de faire le
tri dans leurs fichiers et de gagner en rentabilité, avec une meilleure
cohésion entre équipes en prime.
Mounir Mahjoubi, le secrétaire d'Etat en charge du
numérique a rappelé lors de la conférence Big Data
Paris12 que le RGPD devrait d'avantage être pris comme une
opportunité pour les PME que comme une contrainte. «
L'Opportunité de faire preuve de transparence, de cartographier et
de valoriser ses données, pour mettre en place une stratégie
structurée autour des données , en concevant des offres qui
tireront profit des informations collectées ». Il ajoute
qu'elles pourront être fières d'arborer et de revendiquer un label
RGPD, « garant de leur engagement client pour un service
augmenté mais adapté à leurs attentes et par lequel sera
établi une relation de confiance ».
Au travers de ces quelques témoignages, nous constatons
que des opportunités existent et qu'il s'agit souvent de faire preuve de
bon sens. Comme l'évoque Olivier Martineau de la société
SPREAD dans une de ses vidéos pédagogiques sur le
RGPD13, il s'agit bien d'une question d'état d'esprit et de
« voir son verre à moitié plein ».
Nous nous proposons donc de regrouper par thèmes, les
différents bénéfices que les organisations pourront
retirer de leur mise en conformité au RGPD.
Améliorer la relation client
Un des aspects qui revient le plus fréquemment avec la
mise en oeuvre du RGPD, c'est l'image des organisations et la confiance qui
leur sera accordée par les consommateurs. Le fait de se montrer plus
transparent sur ce qui est fait de leurs données personnelles est
désormais au coeur de leurs préoccupations. C'est justement le
propos du règlement et il est important que les organisations ne
l'oublient pas.
Pour Loïc LEYMARIE, Cybersecurity Senior Manager de la
société ADEO, intervenant lors de l'atelier A3 de
l'AMRAE14, cette compliance au RGPD, dans la gestion des
données clients et dans le respect des leurs attentes, permet de
rassurer les consommateurs. Une transformation numérique est en cours,
avec un parcours client qui doit se baser sur la confiance. Une telle
démarche permettra de les fidéliser et d'en attirer de nouveaux,
voir même de recruter de nouveaux collaborateurs.
12 Le RGPD est une opportunité pour les PME
françaises - Cyrille CHAUSSON -
lemagit.fr - 12/03/2018
https://www.lemagit.fr/actualites/252436671/Mounir-Majouhbi-le-RGPD-est-une-opportunite-pour-les-PME-en-France
13 RGPD épisode 2 : la cartographie des données -
SREAD - 27/11/17 - Olivier MARTINEAU
https://www.youtube.com/watch?v=quvAZSuigGE&list=PLuQRA2ya9-BluC6w8rsfd2U9ykxixwp&index=2
14 Rencontres du Risk Management AMRAE 2017 - Atelier A3 du
02/02/2017 -
https://www.youtube.com/watch?v=OZwHgN-IHmM
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Une étude réalisée par SYMANTEC confirme que
la conformité des données devient un point déterminant
dans le choix des consommateurs.
L'AMRAE15 ajoute qu'engager une
communication client est aussi l'occasion de leur rappeler que, dans
la majorité des cas, les données personnelles utilisées
sont nécessaires pour exercer le contrat qu'ils ont souscrit et qu'il
est normal que l'organisation les ait collectées.
Olivier Martineau de SPREAD16 évoque une
occasion d'apporter de la transparence dans la relation et d'engager ses
clients de manière plus forte, « de leur dire ce qu'on va faire
et de faire ce qu'on a dit ».
Guillaume Pourquié de GEM
(cf. Annexe 3) estime « dans l'histoire du RGPD, il arrivera
un temps où l'on identifiera les entreprises véritablement
labelisées, avec des traitements qui le justifient, qui se
détacheront des autres car elles l'auront intégré dans
leur démarche ». Alexis Dupic (cf. Annexe 5) ajoute
sur ce point que les marchés publics vont aussi devenir
plus exigeants et demanderont un certain niveau de conformité
aux entreprises désirant répondre aux appels
d'offres.
15 Rencontres du Risk Management AMRAE 2018 - Atelier B2 -
Comment mettre en place le RGPD - 08/02/2018 -
https://www.youtube.com/watch?v=jkM2LJ6tzAA
16 RGPD épisode 3 : Grosse galère ou
réelle opportunité d'engager ses clients ? SPEAD - 12/12/17 - O.
MARTINEAU
https://www.youtube.com/watch?v=1A7PQzgVttY&index=3&list=PLuQRA2ya9-BluC6w8rsfd2U9ykxixwp
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L'adoption du RGPD permet aussi de trouver de nouveaux leviers
marketing pour dynamiser la relation client. C'est ce que défend
Guillaume Pourquié, qui estime qu'il s'agit de trouver des arguments qui
permettront de réengager les clients et de leur demander leur
consentement. L'obtention de ce consentement doit être porté par
une volonté de faire du business avec eux, de leur proposer de nouveaux
services. Il serait effectivement peu pertinent de solliciter les individus
uniquement pour leur demander leur consentement, ou simplement pour mettre
à jour les informations les concernant. Il définit cette approche
comme « le cercle vertueux de la relation client ».
Adopter de bonnes pratiques
L'objet du RGPD reflète notamment une volonté
d'endiguer les dérives liées à une utilisation massive du
numérique, avec une utilisation déraisonnée des
informations collectées et des problèmes liés à
leur sécurité. Cette nouvelle législation est donc
l'occasion de définir des normes, comme le souligne Romain Ivoy d'EVOS
Infogérance (cf. Annexe 2).
Céline Ambroise-Thomas d'AIRRIA a pour sa part
hâte que la réglementation prenne de la maturité, car elle
permettra de mettre en place de bonnes pratiques auprès des utilisateurs
(cf. Annexe 4). La sensibilisation du personnel fait aussi parti des chantiers
que Cyrile Bras de Grenoble Alpes Métropole souhaite mettre en place,
indiquant que même si cela réclame un investissement au
départ, « il faut le ramener à ce que coûterai un
incident lié à une mauvaise utilisation » (cf. Annexe
1). Dans cette optique, L'AMRAE1 préconise le recours au
e-learning, pour sensibiliser et former les salariés.
Guillaume Pourquié s'en félicite
également, « c'est un retour au bon sens et à une
maîtrise que l'on avait perdue ». Le RGPD va permettre aux
organisations de redevenir professionnelles, de rationnaliser les pratiques,
« de ne plus collecter pour collecter, ni de trop collecter, mais de
collecter pour rendre un service ». Il rappelle que le
règlement impose de ne pas stocker des informations erronées ou
inutiles et voit dans le RGPD l'occasion de rafraîchir les bases de
données et de demander aux individus s'ils souhaitent poursuivre leur
relation. Dans le cas contraire, leur suppression permettra « de ne
plus s'embarrasser avec des gens avec lesquels on a pas lieu d'être en
contact. S'ils n'ont pas vocation à faire quelque chose avec nous, ce
n'est pas la peine de les garder » (cf. Annexe 3).
S'agissant des bases marketing, Olivier Martineau de
SPREAD17, ajoute que cela s'inscrit dans une démarche
qualitative, car même si l'entreprise va perdre une partie de ses
contacts, « c'est une part de notre cible qui n'aurait pas
été intéressés ».
Améliorer la communication interne
La mise en conformité exigeant une synergie entre les
différents services des organisations, il devient nécessaire de
mettre en place des processus impliquant d'avantage de communication
interne.
17 RGPD Episode 4 : Que faire de vos bases marketing ? - SPREAD -
15/03/2018 - Olivier MARTINEAU
https://www.youtube.com/watch?v=9wCFgd9uUHg
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Etant déjà impliqué en tant que CIL de
Grenoble Ecole de Management, Guillaume Pourquié a pu constater que sa
nouvelle fonction de DPO l'amène à intervenir de manière
plus systématique et proactive auprès de chaque entité. Il
s'agit de mettre en place un processus collaboratif, avec une dimension
pédagogique concernant le règlement et les outils de partage qui
devront être documentés et mis à jour. Cette approche
requière une certaine subtilité, puisqu'il ne faut pas que ses
interlocuteurs « perçoivent la démarche uniquement comme
une contrainte et qu'ils ne soient pas entravés pour faire leur
métier ». A son sens, cela constitue un vrai challenge,
impliquant des aspects réglementaires, de l'amélioration
continue, de la créativité et de l'innovation, « mais
quand les choses auront avancé, ce sera très gratifiant
» (cf. Annexe 3).
Pour Loïc LEYMARIE d'ADEO18, la
ré-implication des fonctions support de l'entreprise est
également une bonne chose, « car le RGPD doit devenir un basic
métier pour toute l'entreprise ».
Sur ce sujet, Alexis Dupic estime que « le
règlement est empreint de bon sens, car il nécessite une
certaine mobilisation et une cohérence entre les services »
(cf. Annexe 5).
Un avis partagé par Céline Ambroise-Thomas
d'AIRRIA, qui voit elle aussi l'opportunité d'améliorer la
communication entre les différents service de l'entreprise, qui ne sont
pas toujours informés de ce que fait l'un ou l'autre. Elle ajoute,
« maintenant, le DPO va être au coeur de l'organisation, des
actions, garant des bonnes pratiques et il va falloir le tenir informé
» (cf. Annexe 4).
Assainir et rééquilibrer le
marché
Nous avons bien compris que le RGPD a une portée
internationale, avec en ligne de mire les géants du numérique,
GAFAM et BATX en tête. Sa mise en place devrait non seulement limiter la
collecte intempestive des données personnelles de leurs utilisateurs,
mais également instaurer un certain équilibre entre les acteurs
du digital. C'est la thèse défendue par Jean-Baptiste Rudelles,
Président et fondateur de CRITEO, dans une article publié dans
Les Echos19. Il va même plus loin en préconisant la
mise en place d'un consentement universel qui serait applicable sur l'ensemble
des sites consultés par les internautes, à l'instar de ce que
prévoit le règlement e-Privacy, si toutefois il est
adopté. Cela permettrait de limiter la position dominante des
géants, en mettant les petit sites indépendants sur un pied
d'égalité.
Toujours dans Les Echos20, Florian Dèbes
souligne cette « ambition de favoriser l'émergence d'une
innovation respectueuse de la vie privée au vu des standards
européens ».
A l'échelle européenne, Alexis Dupic d'OPTIMEX
Data (cf. Annexe 5) estime que le RGPD est plus qu'une simple directive, car
chaque pays membre va devoir appliquer le même cadre, ce qui sera plus
équitable pour les entreprises.
18 Rencontres du Risk Management AMRAE 2017 - Atelier A3 du
02/02/2017 -
https://www.youtube.com/watch?v=OZwHgN-IHmM
19 Données personnelles : l'Europe ne doit pas se tromper
de guerre - Jean-Baptiste Rudelle - Les Echos 15/01/2018
20 L'Europe lance son big bag de la protection des données
- Florian Dèbes - Les Echos High-Tech - 25/05/2018
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Avis que partage Romain Ivoy d'EVOS Infogérance (cf.
Annexe 2), en rappelant que le règlement a aussi vocation à
créer un levier de compétitivité pour les entreprises
européennes. Il ajoute qu'à son niveau, la règlementation
a aussi le mérite d'assainir leur marché, en éliminant un
certain nombre d'acteurs, qui n'ont pas forcément de bonnes pratiques,
ou de leur créer des difficultés.
Créer de nouveaux modèles
économiques et de nouveaux métiers
Comme l'indiquait l'étude SYMANTEC citée
précédemment, il apparait que la protection des données
est devenue la priorité pour 88% des consommateurs, lorsqu'il s'agit de
choisir une entreprise.
Comme l'évoquait Romain Ivoy d'EVOS Infogérance
(cf. Annexe 2), il semblerait que le bruit fait autour du RGPD puisse se
révéler plus efficace que le règlement lui-même.
Cela ouvre la voie vers une approche plus responsable et des
business model orientés vers un développement numérique
durable.
C'est le point de vue d'Eric Léandri et Guillaume
Champeau, respectivement fondateur et directeur juridique de Qwant, dans un
article publié par Les Echos21. Et pour cause, c'est
précisément sur le positionnement revendiqué par le moteur
de recherche français, qui prône le respect de la vie
privée des internautes en ne conservant pas leurs historiques. Selon
eux, on ne pourra plus continuer cette quête effrénée pour
avoir toujours plus de données que la concurrence. Ils se
félicitent que les pouvoirs publics et les consommateurs aient compris
que cette exploitation déraisonnée des données
personnelles donnait lieu à un phénomène de pollution
sociale. Grâce au RGPD, les entreprises européennes ont
l'opportunité « de s'inscrire dans une démarche
d'écologie numérique, basée sur une approche
éthique sincère et de regagner la confiance des consommateurs
».
Invitée de l'émission C'dans l'Air «
Données personnelles, le grand hold-up »1, Christine
KERDELLANT, journaliste Directrice de la rédaction de L'Usine nouvelle
et L'Usine digitale, évoque également la start-up
française SNIPS qui a développé un assistant vocal
embarqué, à l'image de SIRI d'Apple , qui intègre la
notion de privacy by design et ne collecte aucune information personnelle.
Alexis Dupic estime lui aussi, que ce changement de paradigme
va donner naissance à un nouveau type de business, à l'instar de
celui de LinkedIn, qui s'est engagé à ne pas revendre les
données personnelles de ses utilisateurs : « Ils ont saisi le
RGPD comme une opportunité de renforcer la confiance client en mettant
en avant leur politique de confidentialité. Contrairement à
Google, ils ne sont pas rémunérés sur les données,
préférant le faire sur les post sponsorisés, ou les
comptes Premium et autres fonctionnalités additionnelles. Je crois
à un nouveau business modèle qui proposerait des services
respectueux des données. Je trouve que c'est un bon compromis par
rapport à ce qui se passe actuellement » (cf. Annexe 5).
Le cas de la société OPTIMEX Data
démontre que le RGPD a également permis le développement
de nouveaux métiers, comme il l'indiquait lors de notre échange :
« Je n'ai pas
21 Les données personnelles ne sont ni à prendre ni
à vendre - Le Point de vue de Eric Léandri (fondateur Qwant) et
Guillaume Champeau (dir juridique QWANT) - Les Echos 23/03/18
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trop de vision sur l'avenir, car c'est trop tôt,
mais nous sommes en train de créer un métier ».
Lorsqu'il a décidé de créer la société,
cette activité n'existait pas en dehors de quelques entreprise en
région parisienne. « c'était surtout traité par
des avocats, plus sur la partie conseil juridique : rédaction d'actes et
contrats, qui ne sont pas des choses sur lesquels nous intervenons. On fait de
la mise en oeuvre opérationnelle » (Cf. Annexe 5). Son
rôle de conseil est une vraie valeur ajoutée pour les entreprises
dans l'interprétation du règlement pour le transformer en actions
concrètes. A terme, ils pourront mener des audits pour certifier la
conformité des organismes, ce qui laisse entrevoir une certaine
pérennité dans leur activité, dans laquelle ils ne sont
désormais plus les seuls, car de nombreuses structures ont-elles aussi
senti le potentiel de ce nouveau marché, tel que Bureau VERITAS qui
propose des formations de DPO et devrait à terme devenir un organisme
certificateur.
Le métier de DPO est aussi en train de se
développer, que ce soit dans le cadre de prestations de services, de
missions en freelance, ou de créations d'emplois dans les entreprises.
D'autant que, comme le souligne Guillaume Pourquié de GEM, les DPO
devront être formés tout au long de leur carrière : «
Il y a donc un business pour les écoles de management et j'en parle
d'ailleurs en interne » (Cf. Annexe 3).
Capitaliser sur les acteurs européens
Le retard de l'Europe en matière de numérique
est une évidence, c'est en filagramme l'un des enjeux du RGPD, qui,
au-delà des dérives constatées dans la collecte des
données personnelles de ses citoyens et de l'atteinte à leurs
libertés individuelles, traduit la volonté des états
membres de contrer la suprématie des géants du digital.
Gilles Babinet, entrepreneur et Représentant de la
France pour le numérique auprès de la Commission
européenne, également invité de l'émission C'dans
l'Air du 21 avril dernier22, rappelle que l'Europe a raté ce
virage vis-à-vis de sa réglementation et n'a pas
l'équivalent de ces géants. Dans les années 2000, l'Europe
était pourtant leader dans le domaine du télécom, avec des
entreprises telles que NOKIA, SIEMENS ou ERIKSON, mais les GAFAM aux Etats Unis
(Google, Amazone, Facebook, Apple et Microsoft), les BATX en Chine (Baidu,
Alibaba, Tencent et Xiaomi) ou encore les NATU (Netflix, Airbnb, Tesla, Uber)
ont pris le dessus sur le numérique.
L'Europe dispose pourtant du capital humain, poursuit Gilles
Babinet, mais faute de politiques publiques harmonisées, il est logique
qu'elle soit en retard.
Romain Ivoy d'EVOS Infogérance fait le même
constat, en précisant que les compétences existent « sur
des domaines pointus et techniques du traitement des données, avec des
mathématiciens et de hautes compétences universitaires
». (Cf. Annexe 2)
Selon Guillaume Pourquié de GEM, l'Europe «
n'a jamais eu la notion du business que cela représenterai. On n'a
pas voulu soutenir les entreprises qui à un moment pouvaient le faire,
les américains nous rachètent très facilement ».
Il évoque le cas du site Dailymotion qui à la base était
une chaine française. Mais il se dit convaincu que l'Europe a encore
beaucoup de choses à
22 C dans l'Air - Données personnelles : Le grand hold-up
? - France 5 - 21/04/2018
https://www.youtube.com/watch?v=UGEXJb5nzEQ
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proposer dans le domaine du numérique, mais que
jusqu'ici elle ne disposait pas d'une règlementation qui permettait aux
entreprises de se s'imposer. (cf. Annexe 3)
Cyril Bras de Grenoble Alpes Métropole, estime aussi
que l'Europe a vendu tous ses fleurons à l'international, tels que
l'entreprise slovaque ESET, éditeur d'antivirus, ou encore l'entreprise
VUPEN, avec un outil d'analyse de données développé par
des chercheurs montpelliérains, vendu à la NSA. Il déplore
que la finalité de ces start-up innovantes consiste à être
rachetées par une multinationale. Il ajoute qu'il faudrait «
avoir une réflexion globale à l'échelle
européenne et dire stop ». (cf. Annexe 1)
Jean-Marc Vottori23 soutient quant à lui que
cette situation est liée à notre histoire et à notre
culture, mais ajoute que « pour une fois nous sommes en avance par
rapport aux Etats Unis et à l'Asie en matière de protection de
notre vie privée ». Il poursuit en citant Michael Porter,
gourou du management, qui expliquait qu'une bonne réglementation «
constitue une composante majeure de la compétitivité d'un
pays ou d'une région. Si elle balise efficacement un terrain du futur,
elle pousse les entreprises locales à adopter de bonnes pratiques avant
leurs concurrents venus d'ailleurs ».
Alexis Dupic d'OPTIMEX Data, comme Guillaume Pourquié
de GEM espèrent qu'à terme l'équivalent d'un GAFAM
européen verra le jour.
Pour reprendre Gilles Babinet dans l'émission C' dans
l'Air24, c'est une opportunité de reprendre la main dans ce
domaine stratégique : « le pétrole du
21ème siècle ».
23 RGPD, un fort bel outil à double tranchant - Editorial
de Jean-Marc Vottori - Les Echos 25/05/2018
24 C dans l'Air - Données personnelles : Le grand hold-up
? - France 5 - 21/04/2018
https://www.youtube.com/watch?v=UGEXJb5nzEQ
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Une dimension sociétale
Nous avons constaté qu'au-delà de la protection
des données personnelles des citoyens européens et de ses
conséquences sur les organisations, le RGPD peut aussi présenter
de vraies opportunités pour celles qui sauront s'en saisir et le tourner
à leur avantage. Mais la véritable portée de ce nouveau
règlement ne réside-t-il pas également dans sa
capacité à mettre en évidence la mutation de nos
sociétés qui se sont fortement digitalisées et dans
lesquelles la place de ces données est devenue
prépondérante ?
Le monde a subi une véritable transformation digitale,
nécessitant une certaine capacité d'adaptation, qui
diffère selon les pays, les cultures ou leur niveau de
développement. L'Europe est en train de mener sa « DT » pour
Digital Transformation » ou « DX » pour Digital eXpension, comme
l'indique Laurent Heslault, Director Security Stratégiste chez SYMANTEC,
lors de l'Atelier A3 organisé par l'AMRAE25 en février
2017, et se confronte à de nouveaux enjeux.
De multiples dérives
L'abondance des canaux de collecte
La maîtrise et l'utilisation des données
constitue désormais un enjeu majeur pour ceux qui les possèdent
et l'exposition des individus est d'autant plus importante avec le
développement des nouveaux moyens de collecte.
Notre capacité de traitement s'est également vu
largement renforcée par l'évolution des technologies, ce que
prédisait déjà le mathématicien John von Neumann
dès les années 50, évoqué par Gilles Babinet dans
un ouvrage intitulé « L'ère numérique, un nouvel
âge pour l'humanité »26. Selon le
mathématicien, les machines finiraient par devenir si puissantes
qu'elles finiraient par influencer le cours de l'humanité, sans retour
possible. Cette thèse se voit étayée par l'entrepreneur et
philosophe Ray Kursweil dans les années 80, qui précisait que si
la loi de Moore se vérifiait, selon laquelle la puissance des
ordinateurs serait multipliée par 2 tous les 18 mois, la puissance de
ces machines pourrait augmenter jusqu'à l'infini.
Comme le rappelle Camille Bolzan dans Le Nouvel
Economiste27, déjà citée
précédemment, entre l'accès à internet
facilité par des interfaces utilisateurs multiples tels que nos
ordinateurs, tablettes ou smartphones, les sites qui tracent l'activité
des internautes, la démocratisation des nouveaux objets connectés
qui remontent des données sur le Cloud, l'usage des réseaux
sociaux, des blogs internet, de plateformes en ligne, ou encore l'explosion
massive de la communication par voies électroniques, les sources de
données sont partout et il
25 Rencontres du Risk Management AMRAE 2017 - Atelier A3 du
02/02/2017 -
https://www.youtube.com/watch?v=OZwHgN-IHmM
26 Extraits de L'ère numérique, un nouvel âge
pour l'humanité - Gilles Babinet Editions Le Passeur 2014 - page 2 - GQ
Magazine 2017 -
https://www.gqmagazine.fr/uploads/freepages/Ere-numerique.pdf
27 Big data : comment passer de la donnée à
l'information - Le nouvel
économiste.fr - 30/05/2013 -
Camille BOLZAN -
https://www.lenouveleconomiste.fr/lesdossiers/big-data-comment-passer-de-la-donnee-a-linformation/
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suffit de se servir pour récolter ces précieuses
informations. Selon Laurent Heslault1, aujourd'hui « on
connecte tout et à peu près n'importe comment ».
Le volume d'informations généré est
devenu colossal, nous rendant cyberdépendants et d'autant plus sensibles
aux cyber incidents.
Des problèmes de sécurité et
d'utilisation des données
L'exposition de ces données et la
sécurité numérique sont devenu des sujets de plus en plus
présents, mis en lumière de nombreux scandales. Nous pensons
forcément à l'aspiration des données de millions
d'utilisateurs du réseau social Facebook et de leurs contacts par
l'entreprise Cambridge Analytica en 2013, ou, toujours en 2013, aux
révélations d'Edward Snowden, ancien informaticien de la NSA, sur
les fichiers détenus par le gouvernement américain. Les cas de
piratages ou de rançon logiciels se multiplient et défrayent
également la chronique. Ces dérives ont immanquablement
été évoquées dans la plupart de nos lectures et par
les interlocuteurs rencontrés dans le cadre de nos recherches.
Les applications internet, même les plus inoffensives,
peuvent elles aussi présenter des problème de sécurisation
inadmissibles, comme le révèle un article de Perrine Signoret
publié par Le Monde le 18 avril dernier28. Des chercheurs en
science informatique américains et canadiens ont découvert que
des milliers d'applications Android destinées aux enfants , disponibles
en téléchargement sur GooglePlay, comportent des outils de
traçage. Elles récoltent impunément des
coordonnées, adresses IMEI (identifiants des appareils mobiles) ou des
données de géolocalisation. Ces informations sont ensuite
revendues à des fins publicitaires, sans que l'utilisateur en soit
informé et alors même que les conditions d'utilisation
spécifient qu'elles ne seront pas diffusées.
De manière générale, les informations
personnelles alimentent un vrai marché, sur lequel elles peuvent
être revendues instantanément. L'émission C' Dans L'Air du
24 avril 201829 fait référence à ce
système de mise aux enchères auprès des annonceurs
susceptibles d'être intéressés par ces profils, avec des
transactions de l'ordre du quart de seconde. Guillaume Pourquié, DPO de
Grenoble Ecole de management, évoque la valeur que peut
représenter un simple numéro de téléphone mobile,
qui se revend désormais quasiment plus cher qu'un numéro de carte
de crédit, puisqu'il s'avère plus utile en terme d'usurpation
d'identité (cf. Annexe 3).
La sécurisation des objets connectés, ou IoT
(Internet of Things), est aussi préoccupante, car leur niveau de
sécurité apparait des plus aléatoire, lorsqu'il n'est pas
inexistant. Un article publié sur le site
internetprotection.fr30 nous donne la mesure de la situation,
rappelant que ces objets sont essentiellement conçu par des fabricants
de matériels qui n'ont aucune culture de la sécurité ou de
la mise à jour des applications qu'ils embarquent.
Frédéric Donck, président de l'ISOC Europe (Association
Internet Society), interrogé dans cet article, estime que la
sécurité est resté au second plan, car
considérée comme négligeable par ces fabricants, avant
tout
28 Des applications accusées de ne pas suffisamment
protéger les données des enfants - Le Monde - Perrine Signoret -
18/04/2018
29 C' dans l'Air - Données personnelles : Le grand hold-up
? - France 5 - 21/04/2018
https://www.youtube.com/watch?v=UGEXJb5nzEQ
30 Le long chemin pour sécuriser les objets
connectés - INFO PROTECTION - 18/04/18 -
http://www.infoprotection.fr/?IdNode=2511&Zoom=bf5dba8ffeaa7af1d0db880b64374135&xtor=
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séduits par l'opportunité de suivre le
comportement des clients et d'optimiser la maintenance ou la consommation
d'énergie de leurs produits. Ils ont donc un gros retard sur ce sujet et
le témoignage de Céline Ambroise-Thomas d'AIRRIA en atteste,
puisque l'arrivée du RGPD n'a suscité aucune communication
particulière de leur part ou de celle de leurs distributeurs (cf. Annexe
4). L'article nous interpelle pourtant sur le niveau de risque qu'ils
représentent, car ils constituent une « porte ouverte » sur
les réseaux pour les cyberpirates, tant le niveau de protection de ces
objets est faible. La délinquance se spécialise et peut compter
sur des moyens techniques très accessibles, avec l'utilisation de
simples brouilleurs à 30 euros ou les nombreux tutoriels publiés
sur internet.
S'agissant de la cybercriminalité, le colonel
Éric Freyssinet, chef de la mission numérique crée en mai
2017 par la Gendarmerie Nationale, également interviewé dans
l'article d'
internetprotection.fr, nous
donne quelques chiffres pour illustrer l'ampleur de la menace cyber en France.
Leur cellule traite environ 5 500 dossiers par mois, soit +26% par rapport
à 2016, pour un préjudice évalué à 150
millions d'euros par an. Il constate qu'avec le nombre croissant de citoyens et
professionnels connectés, la surface d'attaque a considérablement
augmenté et que les pirates se sont professionnalisés. Ils
exploitent les moindre failles numériques pour introduire des
cryptovirus et extorquer le paiement d'une rançon aux utilisateurs, qui
n'ont d'autre choix que de s'exécuter pour espérer pouvoir
accéder de nouveau à leurs données. Partant du principe
que les victimes ne portent pas forcément plainte, le préjudice
serait selon lui plutôt de l'ordre de 750 millions d'euros par an.
Des problèmes de comportement
Si les moyens de collecte et les acteurs qui utilisent ces
données peuvent être incriminés, il ne faut pas oublier qui
fournit ces précieuses informations. Les plateformes en déduisent
des habitudes de consommation et des profils, mais n'inventent pas la
matière première, qui est bien diffusée par les
utilisateurs eux-mêmes. Certes ils n'en sont pas toujours conscients et
les méthodes de recueil ne sont pas toujours évidentes à
appréhender ou déontologiques, mais ils en sont bien à
l'origine.
Les bonnes pratiques liées à l'utilisation des
outils numériques sont effectivement assez mal maîtrisées
par les personnels et les organisations. Cyril Bras de Grenoble Alpes
Métropole estime qu'il s'agit là d'un chantier énorme en
terme sensibilisation des individus aux risques cyber, que ce soit dans la
protection de leurs ordinateurs ou du chiffrage des données qu'ils
contiennent (Cf. Annexe 1). Il constate que leur niveau de responsabilisation
est également assez aléatoire, beaucoup ayant tendance à
sous-estimer le risque, pensant que « ce qu'ils font n'intéresse
personne », y compris dans le secteur de la recherche. Il rappelle que 80%
des incidents proviennent des utilisateurs. Il déplore une vision en
silo, dans laquelle chacun fait son travail dans son coin, sans avoir de vision
d'ensemble. Tous comprennent bien qu'une machine peut être
dérobée, mais les utilisateurs ont peu conscience que c'est aussi
ce qu'elle contient qui peut être convoité par les criminels.
En tant que prestataire informatique, Romain Ivoy d'EVOS
Infogérance est lui aussi très loquace sur ce sujet (cf. Annexe
2), évoquant un réel manque d'éducation au
numérique et des dérives plus pernicieuses de la part des
utilisateurs.
Il évoque en premier lieu une responsabilité
parentale et le fait que les enfants doivent être accompagnés dans
l'utilisation du numérique. Laisser de jeunes enfants utiliser sans
surveillance un tablette connectée à internet revient à ne
pas assumer son rôle de parent. C'est
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un peu le même problème qu'avec la
télévision, qui a le mérite de les occuper pour pouvoir
vaquer à d'autres occupations, mais qui peut amener l'enfant à
regarder des contenus inappropriés ou dans le cas du numérique
à effectuer des manipulations inconsidérées.
Il réfute par ailleurs une croyance collective selon
laquelle les nouvelles générations nées avec le
numérique seraient mieux à même de maitriser ces outils.
Certes ces jeunes utilisateurs s'en servent massivement, mais pour la grande
majorité « ils ne sont pas plus éclairés sur le
sujet que leurs parents. Ils ne savent ni comment ça fonctionne, ni
comment se dépanner eux-mêmes, ni si leurs données sont
exposées, par contre ils sont usagers et dépendants ».
Il argumente en ajoutant que si cette théorie était valable,
étant tous nés avec l'automobile, nous devrions donc tous
maîtriser le fonctionnement de la mécanique !
Il note ensuite l'apparition d'autres dérives modernes,
avec la propagation de ce que nous appelions autrefois des rumeurs, qui se
voient amplifiées au travers des réseaux sociaux, pouvant aller
jusqu'à contaminer les médias. On parle désormais de
« fake news », qui font régulièrement la une, le fameux
« buzz », pour être ensuite démenties, mais qui auront
entre temps influencé les opinions. Il souligne le danger que cela
représente pour les démocraties, auquel il faut ajouter d'autres
phénomènes comme la discrimination, le « bashing » ou
la diffamation. Ces délits sont certes encadrés par le code civil
et les victimes ont des recours, mais le préjudice est à la
hauteur du niveau de diffusion. Il devient difficile d'obtenir
réparation, car sur le plan psychologique ou en terme de
réputation, le mal est fait et dans des proportions
considérables.
Romain Ivoy soulève enfin un problème
fondamental dans la préhension des outils informatiques au sein des
entreprises. Beaucoup d'utilisateurs se sont vu équipés
d'applications avec lesquelles ils ont tendance à exercer des
activités qu'il qualifie de « manuelles ». Ils ne se rendent
pas compte qu'ils ne les utilisent pas de la bonne manière et qu'ils ne
gagnent pas forcément du temps. Cela relève d'un problème
de culture et de formation, mais également d'un travers humain qui
consiste à se réfugier dans des travaux répétitifs
donnant un sentiment rassurant de productivité. Mais c'est
précisément l'inverse, car Romain Ivoy rappelle que «
par définition l'informatique consiste à automatiser des
traitements ».
Des différences culturelles
Si l'Europe accuse un certain retard dans son
développement numérique, tant en terme de bonnes pratiques que
d'activité économique, il faut tenir compte de son histoire et de
ses particularités culturelles.
D'un point de vu historique, nous avons déjà
évoqué des réticences légitimes liées au
fichage des individus, qui, comme le rappelle Guillaume Pourquié de GEM
(cf. Annexe 3) nous ramène à la seconde guerre mondiale, avec
l'occupation et la déportation. De fait le niveau de sensibilité
sur ce sujet et nécessairement plus exacerbé que sur d'autres
continents. A contrario, pour les américains, c'est avant tout une
question de business et à ce titre les individus assument parfaitement
leur identité numérique.
Selon Romain Ivoy d'EVOS Infogérance, les anglosaxons
en général, n'ont pas du tout la même approche du
numérique. Contrairement au vieux continent, ils ont une vraie
conscience du monde numérique et de ses enjeux, « il est
palpable, tangible et a une valeur monétisable » (cf. Annexe
2). Ce n'est pas du tout le cas de européens qui ont du mal à
percevoir cette
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dimension et ne voyaient donc pas l'intérêt de
protéger ou de s'intéresser à quelque chose qui n'a pas de
valeur.
L'émission C' Dans l'Air du 21 avril 201831,
s'intéresse également à ces différences et nous
livre l'analyse des invités sur la manière dont sont
appréhendées les notions de vie privée et de
données personnelles entre ces deux cultures.
Olivier Iteanu, avocat à la Cours d'appel de Paris
spécialiste du droit numérique, évoque une
différence dans le concept de données personnelles entre l'Europe
et les Etats Unis. Les européens les considèrent comme un
attribut de leur personnalité et estiment qu'ils doivent
impérativement en conserver la maîtrise. Les américains, ne
voient quant à eux aucun problème à les échanger
contre un service et à en perdre la propriété. Ils n'ont
d'ailleurs pas de loi sur ce sujet, donnant aux plateformes comme Facebook
toute légitimité à disposer comme bon leur semble des
données qu'elles ont collectées.
Christine Kerdellant, Directrice de la rédaction des
magazines L'Usine Nouvelle et L'Usine Digitale, précise que les
américains n'ont pas la même conception de la vie privée,
considérant qu'il s'agit d'une dérive liée à
l'urbanisation, où les gens ne se connaissent plus. Cela ne posait pas
de problème quand tout le monde vivait dans les petits villages. Elle
cite Vinton Cerf, l'un des pères fondateur d'Internet qui estime que la
vie privée est une anomalie.
Nicolas Baverez, Docteur en histoire, agrégé de
sciences sociales et éditorialiste au Point , ajoute que Mark Zukerberg,
le fondateur de Facebook, considérait même en 2010 la vie
privée comme une norme sociale appartenant au passé.
Nicolas Baverez trouve toutefois paradoxal que les Etats Unis
soient à l'origine de l'économie numérique et n'aient pas
prévu de mécanisme de régulation. Leur volonté de
compétitivité économique et d'innovation a toujours
été la priorité, mais le fait que le dirigeant d'un GAFAM
(Mark Zukerberg) soit auditionné par le Congrès américain
démontre qu'ils commencent à s'interroger.
31 C' dans l'Air - Données personnelles : Le grand hold-up
? - France 5 - 21/04/2018
https://www.youtube.com/watch?v=UGEXJb5nzEQ
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Une prise de conscience
Au fil de nos recherches et de notre analyse, nous avons pu
nous rendre compte que la mise en place d'une Réglementation
Générale sur la Protection des Données Personnelles
résulte d'une prise de conscience de la transformation qui
s'opère dans notre société. Gilles Babinet
considère que cette révolution numérique a changé
le cours de l'humanité, dont elle constitue « une des trois
grandes inflexions », à l'instar de l'écriture issue de
la civilisation sumérienne et de l'invention de l'imprimerie par
Gutenberg.
A son sens, le développement des technologies de
l'information est même « à l'origine de la
révolution la plus radicale qu'ait connue l'humanité ».
Il était donc temps que les individus, les organisations et les
sociétés en prennent toute la mesure.
Pour voir émerger une mobilisation des individus et une
volonté de mettre en place des jalons, comme l'ont engagé les
instances européennes avec le RGPD, il aura fallu toucher les limites de
ces nouvelles technologies.
Les révélations d'Edward Snowden, que nous avons
déjà mentionnées, ont joué un rôle capital
dans cette prise de conscience. Elles ont mis en évidence une
surveillance globale de la part des Etats, certes au nom de la
sécurité nationale et pour contrer les recrudescence d'actes
terroristes, en particulier suite aux attaques du 11 septembre 2001.
Dans un article intitulé « La surveillance globale
dans un monde post-Snowden »32 , le sociologue David Lyon nous
explique que c'est cette surveillance de masse qui interpelle.
L'instrumentalisation des données personnelles des individus, donne aux
quelques pays qui les détiennent, Etats Unis en tête, un pouvoir
géopolitique considérable. Ces pratiques étaient pourtant
connues de tous, nourries du spectre de « Big Brother » issu du livre
« 1984 » de Georges Orwell.
Personne ne pouvait, ou ne voulait, imaginer que cette
surveillance était d'une telle ampleur et l'opinion publique a subi une
véritable électrochoc. D'autant que ces instances
gouvernementales ont largement recours aux données collectées par
les géants du numériques, qui, au nom de la raison d'Etat, n'ont
d'autre choix que de les laisser accéder à leurs fichiers. C'est
tout l'effet pervers de cette situation, qui crée une forme
d'impunité pour ces plateformes. Même au détriment des
individus, les gouvernements ont tout intérêt à les laisser
faire, puisque les données collectées constituent une
matière indispensable pour nourrir les algorithmes permettant
d'identifier les menaces potentielles.
Une mobilisation des individus
Invité de l'émission C' Dans l'Air33,
Gilles Babinet déclare qu'à moins de vivre en hermite, il est
devenu impossible d'échapper au traçage. Sur ce registre, Cyril
Bras de Grenoble Alpes Métropole rappelle que la compilation de
l'ensemble des informations collectées permet de créer des
profils et de faire du ciblage. Les individus doivent intégrer cette
notion, car si on le leur demandait, ils le refuseraient tous
catégoriquement.
32 La surveillance globale dans un monde post-Snowden - David
Lyon - Communiquer - 30/09/17
33 C dans l'Air - Données personnelles : Le grand hold-up
? - France 5 - 21/04/2018
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C'est ce que démontre une vidéo de vulgarisation
à caractère pédagogique, intitulée « si votre
magasin se comportait comme une App »34, tournée en
caméra cachée dans une boulangerie. Elle met en scène une
vendeuse qui demande aux clients venus acheter leur pain toutes sortes
d'informations personnelles. Passé l'effet de surprise, ceux-ci se
montrent naturellement interloqués et refusent assez rapidement de
répondre aux questions qui leur sont posées. Ces questions se
veulent volontairement intrusives, voir caricaturales, mais pour le spectateur
le message délivré est particulièrement efficace.
Comme le démontre les chiffres de l'étude
réalisée par SYMANTEC35, présentée au
début de ce chapitre, les individus sont désormais
particulièrement sensibles au respect de leur vie privée. Ils
commencent à ressentir les répercutions de ce profilage sur leur
vie quotidienne, avec des publicités de plus en plus ciblées, en
fonction des sites qu'ils ont visité, de leurs parcours dans les
magasins. Ils commencent aussi à se poser des questions, sur le
profilage dont ils font l'objet, avec des conséquences potentiellement
discriminantes. Romain Ivoy d'EVOS Infogérance évoquait le risque
de se voir « benchmarkés », notamment lorsqu'on souscrit une
assurance, qui nous couvrira plus ou moins bien, ou dont la tarification
dépendra de nos comportements (cf. annexe 2).
Il était logique que les citoyens se mobilisent contre
sur l'utilisation déraisonnée de leurs données
personnelles. Des associations de défense et des groupes de
réflexion se sont constitués pour faire pression sur les
autorités. Le think tank la Quadrature du Net joue un rôle
important en dénonçant régulièrement les
dérives de cette collecte et en engageant des actions juridiques
à l'encontre des organisations qui en sont responsables.
En échange des services qu'elles proposent, les
plateformes numériques collectent des informations, avec des conditions
d'information plus ou moins explicites et intelligibles pour leurs
utilisateurs. Pour Alexis Dupic d'OPTIMEX Data « si les citoyens ont
désormais besoin d'accéder à ces services qui leurs sont
devenus indispensables, ils ne veulent plus qu'on utilise leur données
» (cf. Annexe 5).
Dans une tribune publiée sur le site de
l'association36, Laurent Chemla, membre du Conseil d'orientation
stratégique de La Quadrature du Net, estime que l'adage « If
it's free, you're the product » (si c'est gratuit, c'est vous le
produit) est devenu la règle du jeu. Mais il ajoute que les utilisateurs
doivent intégrer que normalement « Si c'est gratuit, c'est sans
contrepartie. (...) Si vous êtes le produit, alors ce n'est pas gratuit
».
Dans un communiqué de novembre 2017,
évoqué dans un article du site silicon.fr37, la
Quadrature du Net invoquait le fait que « les données
personnelles ne peuvent être comparées à un prix et, ainsi,
ne peuvent être considérées comme des marchandises
».
34 If your shop assistant was an app (hidden camera) -
Forbrugerrådet Tænk - 17/12/2014 -
https://www.youtube.com/watch?v=xYZtHIPktQg
35 Rencontres du Risk Management AMRAE 2018 - Atelier B2 -
Comment mettre en place le RGPD - 08/02/2018 -
https://www.youtube.com/watch?v=jkM2LJ6tzAA
36 Si vous êtes le produit, ce n'est pas gratuit - La
Quadrature du Net - Tribune de Laurent Chemla - 17/08/2016 -
https://www.laquadrature.net/fr/si-vous-etes-le-produit
37 ePrivacy : un règlement européen qui crispe les
pros du numérique -
Silicon.fr - Xavier Biseul, - 15/02/2018
-
https://www.silicon.fr/eprivacy-reglement-europeen-pros-numerique-199769.html/?infby=5b1ebaee671db8df118b5caf
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Suite à l'entrée en vigueur du RGPD, le 28 mai
2018 cinq plaintes viennent d'être déposées devant la CNIL
par le collectif, à l'encontre de services ne respectant pas la vie
privée de leurs utilisateurs : Facebook, Google Search, Gmail, Youtube,
iOS, Amazon et LinkedIn. Bien entendu cela n'est qu'un début (cf. Annexe
7) et la Quadrature du Net ne manque pas de souligner que de nouvelles actions
seront engagées contre d'autres services ou plateformes ne respectant
pas le nouveau règlement.
Une remise en question de la
société
C'est bien le modèle économique du
21ème siècle qui est en débat, selon lequel les
entreprises usent et abusent du digital, convaincues que leur survie en
dépend. Mais la digitalisation ne constitue pas en soit une garantie de
pérennité et certaines entreprises oublient que c'est avant tout
par l'innovation qu'elles pourront se démarquer et perdurer, en
apportant de la valeur de manière unique.
C'est ce que constate Julien Devaureix38, en charge
du Digital pour les activités montres, bijoux et accessoires chez LVMH.
Il évoque une société dans laquelle « tout le
monde et toutes choses sont interconnectés et où la notion de
« offline » est devenue obsolète pour beaucoup ».
Tout se sait et tout est devenu accessible, les individus convoitent ce
qu'il y a de mieux, s'identifient et consomment de la même manière
que les groupes auxquels ils veulent appartenir, se comparent et se jugent.
C'est un monde devenu instable, en perpétuelle
mutation, peuplé d'innovations de rupture et constitué de
défis permanents pour tous ses acteurs. Les changements interviennent
à un rythme tel, qu'établir une stratégie à moyen
terme est devenu une gageure.
Gilles Babinet rejoint cette analyse, qu'il assimile à
une forme « d'idéal schumpétérien », dans lequel
le phénomène de destruction créatrice,
théorisé par l'économisme Joseph Schumpeter, est
poussé à son paroxysme. Il fait également
référence à la capacité de la « main invisible
», qui se voit renforcée par l'accumulation des informations
collectées et « qui permet d'orienter le cours des
sociétés par rationalité de marché, au
détriment du consommateur ».
Mais cette destruction créatrice n'est pas sans
conséquence, si cette course à l'innovation apporte des
avancées indéniables dans de nombreux domaines, tels que la
médecine, le confort ou la sécurité des personnes, elles
donne également lieu à des effets pervers.
Un article de Michel Griffon39, agronome et
économiste, publié par la revue Cairn Info, s'intéresse
à la mutation des marchés, en s'appuyant sur l'ouvrage de Gilles
Babinet intitulé « Transformation digitale : L'avènement des
plateformes. Histoires de licornes, de data et de nouveaux barbares... »
publié aux éditions Le Passeur en 2017. Il évoque ainsi le
risque de désintermédiation ou « d'ubérisation
», permettant de mettre directement, voir instantanément, en
relation l'offre et la demande, supprimant ainsi les intermédiaires. Si
cela fluidifie le marché, permettant des gains de productivité et
de réduire les coûts de certains biens ou services, parfois
fondamentaux, Michel Griffon n'est pas convaincu que cela contribue à
l'épanouissement de la personne humaine. Car s'il s'agit bien d'une
révolution anthropologique,
38 La poudre aux yeux de la transformation digitale - Tribune
Julien Devaureix, -
Channelnews.fr - 25/08/2017 -
https://www.channelnews.fr/poudre-aux-yeux-de-transformation-digitale-75671
39 GILLES BABINET, TRANSFORMATION DIGITALE :
L'AVÈNEMENT DES PLATEFORMES. Histoires de licornes, de data
et de nouveaux barbares... - Michel Griffon - CAIRN INFO
N° 361 (pages 88 à 90) - 06/2017 -
https://www.cairn.info/revue-projet-2017-6-page-88.htm
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« ce changement de civilisation, ne manquera pas
d'occasionner des laissés-pour-compte de la société
numérique ».
Gilles Babinet évoquait ces laissés-pour-compte
dans un ouvrage précédent40, avec des impacts sur les
salaires et l'emploi, déjà largement ébranlés par
les délocalisations et par la robotisation.
S'agissant encore des emplois, une étude
réalisée par Internet Society en 2017 sur le futur de l'Internet,
évoquée par Constance Bommelaer de Leusse, Directrice des
politiques publiques à l'Internet Society41, met notamment en
évidence que « les changements entraînés par
l'automatisation sur le marché du travail généreront une
anxiété considérable à court terme, car les gens
s'inquiètent de l'avenir du travail et se demandent s'ils ont les
compétences nécessaires pour réussir dans la nouvelle
économie ».
Sur un autre registre, cette transformation numérique
de nos sociétés, qualifiée d'inéluctable par Gilles
Babinet1, soulève également des problèmes
éthiques.
Tout d'abord quant à sa soutenabilité
vis-à-vis de l'énergie et des matériaux, comme le souligne
Michel Griffon dans son article et Guillaume Pourquié de GEM (cf. Annexe
1). Le stockage des données collectées et leur traitement
nécessitent des ressources informatiques gourmandes en énergie,
qui, bien que les capacités et les coûts soient aujourd'hui mieux
maitrisés, ont un impact sur le plan écologique.
Romain Ivoy d'EVOS Infogérance, abordait
également d'autres aspects éthiques, liés à la
réalité augmentée et aux interfaces homme-machine (cf.
Annexe 2). Si la possibilité de se connecter directement aux machines
présente certains intérêts, en terme de rapidité
d'interaction, d'ergonomie ou d'efficience pratique, elle n'est pas sans
soulever certaines préoccupations déontologiques et peut
entrainer de nouvelles dérives.
Romain Ivoy, évoque les neurosciences et les travaux
réalisés sur la lecture et l'écriture
cérébrale, s'inquiétant que des sociétés
comme Google se soient impliquées dans ce domaine, avec une vocation qui
ne sera pas forcément altruiste. Il imagine notamment que cela pourrait
à terme dériver vers de la manipulation des individus, qui
deviendrait une forme de « drone humain ».
Sur le plan de la santé, parvenir à implanter
dans le corps humain des dispositifs médicaux connectés offre des
perspectives intéressantes en terme de prévention et suivi des
patients. Mais si le pilotage d'un pace maker ou d'un régulateur
d'insuline peut apparaitre séduisant, Romain Ivoy décrit
là aussi un scénario catastrophe, en cas de piratage et de
rançonnage de ces dispositifs, mettant en jeu la vie des patients.
Toujours sur le plan éthique, on observe
déjà certaines pratiques qui se rapprochent dangereusement de
certains ouvrages d'anticipation ou de science-fiction. Romain Ivoy abordait
d'ailleurs ce sujet (cf. Annexe2), en faisant référence à
la culture « cyber punk » et à des auteurs comme Isaac Azimov
ou William Gibson et des films tels que « Blade Runner » ou «
Matrix ». Selon lui « cette culture a quasiment disparu, parce
que finalement on y arrive et ce n'est plus de la science-fiction
».
40 Extraits de L'ère numérique, un nouvel âge
pour l'humanité - Gilles Babinet - Editions Le Passeur 2014 - GQ
Magazine 2017 -
https://www.gqmagazine.fr/uploads/freepages/Ere-numerique.pdf
41 Tribune - Internet, une chance pour l'éducation? -
emilemagazine.fr by Sciences Po
Alumni - 20/12/17 -
https://www.emilemagazine.fr/article/2017/12/20/tribune-internet-une-chance-pour-lducation
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Un sujet sur le « crédit social chinois »,
présenté dans l'émission C' dans l'Air du 21 avril
201842, est des plus édifiant et digne d'un scénario
de science-fiction. S'appuyant sur le réseau de caméra le plus
sophistiqué du monde, prés de 170 millions de caméras
dotées d'intelligences artificielles et d'un système de
reconnaissance faciale, cet « oeil céleste » ambitionne de
scruter le comportement des individus et de leur attribuer une note sociale. Il
s'agit d'une sorte de permis à points comportemental, qui, en fonction
de la note obtenu par l'individu, lui permet de bénéficier de
certains avantages, ou inversement d'être pénalisé, ce qui
peut aller jusqu'à l'interdiction de se déplacer. Avec une
population d'1,4 milliards d'individus, le gouvernement chinois et les
entreprises associées à ce programme, prévoient le
déploiement d'un réseau de 400 à 600 millions de
caméras d'ici 2020. Bien entendu, de telles pratiques inquiètent
les opposants au régime, qui estiment que le gouvernement se prend pour
Dieu, mais les personnes interrogées dans ce reportage semblent trouver
cela normal, partant du principe qu'étant aussi nombreux, il leur
appartient à tous d'avoir un comportement exemplaire. C'est probablement
aussi une question de culture et d'obéissance à un régime
peu enclin à accepter les contestations. La Chine n'a d'ailleurs aucune
législation en matière de protection de la vie privée.
Ce « big brother » chinois ressemble à une
mise en scène du livre « 1984 » de Georges Orwell, où
les déviances sociétales décrites dans les épisodes
de la série « Back Mirror » diffusée sur la chaine
Netflix.
Une responsabilité sociétale
La mise en place du RGPD se présente bien comme
l'opportunité de rétablir une certaine équité dans
l'utilisation des données des individus, comme dans la perspective de
voir le vieux continent regagner en influence sur le plan économique et
géopolitique. Mais c'est également et peut être surtout
dans la responsabilisation sociétale qu'il permet d'insuffler au niveau
mondial qu'il prend tout son sens.
Nous avons vu que ce règlement pourrait contraindre les
géants du numérique à adopter une démarche plus
éthique et responsable vis-à-vis des citoyens, européens
en premier lieu, mais peut-être aussi pour ceux du reste du monde.
En terme de prise de conscience et de responsabilisation, il
est fort probable que le battage médiatique occasionné par le
RGPD se soit révélé plus efficace que le règlement
lui-même, pour citer de nouveau Romain Ivoy d'EVOS Infogérance
(cf. Annexe 2).
Depuis le 25 mai, nous voyons tous affluer sur nos
messageries, des mails émanant des acteurs du numérique de tous
bords, nous rappelant à minima leur politique de confidentialité
ou que les informations dont ils disposent peuvent être
consultées, ou encore nous demandant de renouveler notre consentement.
La plupart des sites Internet comportent de nouvelles mentions légales
relatives au RGPD et communiquent sur leurs conditions d'utilisation. Il n'y a
pas de doute, l'entrée en vigueur du RGPD commence à faire son
effet.
42 C' dans l'Air - Données personnelles : Le grand hold-up
? - France 5 - 21/04/2018
https://www.youtube.com/watch?v=UGEXJb5nzEQ
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Manager 2018
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Au-delà des frontières
européennes
Les GAFAM ont bien compris qu'ils sont en première
ligne et ont plutôt bien anticipé la réglementation. Sur le
plan mondial, nous ressentons également une nouvelle responsabilisation,
notamment aux Etats Unis, qui après avoir moqué le RGPD, semblent
s'y intéresser de plus près.
Nicolas Baverez mentionnait en avril dernier, dans
l'émission C' dans l'Air43, le fait qu'un GAFAM, en
l'occurrence Facebook, soit auditionné devant le Congrès
américain, démontrant un certain intérêt pour le
sujet outre atlantique.
Avec la révélation du scandale Cambridge
Analytica, il est vrai, comme le soulignait Romain Ivoy d'EVOS
Infogérance (cf. Annexe 2), qu'en tant qu'américain «
imaginer qu'un ancien du KGB ait pu mettre quelqu'un à la tête
de son pays, c'est assez terrible ».
Gilles Babinet, également dans l'émission C'
dans l'Air, note que la prise de conscience commence à gagner les Etats
Unis, avec la publication régulière de tribunes invitant à
la déconnexion numérique, mais précise qu'il leur faudra
eux aussi mettre en place une règlementation plus précise. Il
ajoute que même la Chine a fini par s'intéresser au RGPD, en
mandatant sa Commission parlementaire pour rencontrer ses homologues
européens.
Mais si le RGPD a permis de galvaniser l'opinion et
d'enclancher de nouveaux mécanismes, il faut espérer qu'il ne
finisse pas par « accoucher d'une sourie » et que la bonne
volonté affichée ne s'épuise pas trop rapidement...
De nombreuses publications s'en inquiètent et comme le
rappelle Stéphane Bergerat de CINETIC IT, l'Etat ne parvient toujours
pas à récupérer des impôts qui auraient dû
être payés en France par les GAFAM et nous pouvons
légitimement nous interroger sur la capacité des autorités
de contrôle à réellement leur infliger des amandes de 20
millions d'euros.
Valoriser les données personnelles
?
Un autre problème réside dans le comportement
des individus, qui ont bien intégré la notion de
propriété de leurs données, mais que rien n'empêche
de les céder sciemment, toujours contre un service, ou moyennant
rémunération.
Comme les moyens de collecte actuels pourraient finir par se
tarir, le principe de l'offre et de la demande devrait augmenter la valeur de
ces données et créer de nouvelles filières. Nous avons
déjà évoqué le risque de recrudescence des attaques
cyber, mais des offres légales pourraient également voir le
jour.
L'article publié dans Les Echos44 par Eric
Léandri et Guillaume Chapeau de QWANT, questionne justement sur la
possibilité de rendre les données personnelles payantes. Selon
eux leur coût pourrait effectivement nous amener à une collecte
plus raisonnée, mais ils estiment que nous en arriverions rapidement
à une situation similaire. Les géants du numériques sont
à même de mettre en place des contrats complexes et non
négociables, et en profiteraient pour proposer des tarifs ridicules,
occasionnant une inflation qui réclamera d'en dévoiler toujours
plus.
En outre, ces données personnelles doivent être
considérées comme une émanation des individus, pas
quelques chose qu'ils produisent et cela n'a pas de prix. Selon eux, monnayer
les données personnelles ne constituerait donc pas une alternative
pertinente, car « la vie privée
43 C' dans l'Air - Données personnelles : Le grand hold-up
? - France 5 - 21/04/2018
https://www.youtube.com/watch?v=UGEXJb5nzEQ
44 Les données personnelles ne sont ni à prendre ni
à vendre - Le Point de vue de Eric Léandri (fondateur Qwant) et
Guillaume Champeau (dir juridique QWANT) - Les Echos - 23/03/18
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Manager 2018
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n'est pas un droit mais une liberté fondamentale :
capacité d'agir, de communiquer et de penser librement. Si on
dévoile tout, on se mettra à tout anticiper en fonction de ce qui
pourra en être déduit par les algorithmes, les IA...
».
Ils ajoutent enfin que si l'idée d'associer les
internautes à la valeurs ajoutée qu'apportent leurs
données peut sembler bonne, « il serait
préférable de récompenser les individus pour ce qu'ils
font (création de contenu) et non ce qu'ils sont ! ».
Sécuriser l'internet des objets
Les perspectives liées au développement des
objets connectés nécessitent également une
responsabilisation des fabricants, car nous sommes déjà
confrontés à des problèmes de sécurités, qui
pourraient dégénérer, notamment avec les dispositifs
médicaux connectés, comme nous l'avons déjà
évoqué.
D'ici 2020, nous serons confrontés à 20
milliards d'objets connectés, comme le rappelle Nicolas Baverez lorsque
le sujet des compteurs électriques connectés « Linky »
est abordé dans l'émission C' dans l'Air45. Cette
multiplication intensifiera d'autant les risques et les dérives que nous
avons pu abordé. La généralisation des bâtiments
connectés évoquée par Céline Ambroise-Thomas
d'AIRRIA (cf. Annexe 4) ou l'arrivée des véhicules autonomes sont
autant de nouvelles sources d'inquiétudes, constituant de nouvelles
cibles pour les organisations criminelles, voir les terroristes. Leur
sécurisation nécessitera d'importants investissements, car pour
des raisons économiques, comme l'invoque Olivier Iteanou dans C' dans
l'Air, leur niveau de protection est encore trop négligé. Les
failles qu'ils présentent permettent de les utiliser comme des chevaux
de Troie pour accéder à l'ensemble du réseau sur lequel
ils sont connectés. La normalisation de ces objets est devenue
indispensable et selon Nicolas Baverez, des canaux de communications
spécifiques doivent être privatisés sur le réseau
Internet.
La mise en place d'une labellisation ou d'une certification
est prônée par l'AFNIC1 (Association Française
pour le Nommage Internet en Coopération), pour que les objets
connectés intègrent le concept de « security by design
» prévue par le RGPD, mais également que les consommateurs
soient mieux informés sur ce qu'ils achètent, en terme de
sécurisation et de collecte d'informations.
D'après Nicolas Chagny46, Président
de l'Internet Society française, le règlement européen
devrait pousser les fabricants à mettre en conformité ces objets,
mais les utilisateurs doivent eux aussi être plus disciplinés
lorsqu'ils les utilisent. La CNIL recommande d'ailleurs aux utilisateurs la
mise en place des mot de passe « forts », l'usage de pseudonymes, de
limiter leur partage et de supprimer les données devenues inutiles. Sur
ce point, Stéphane Bortzmeyer ingénieur à
l'AFNIC1, s'insurge car il estime que c'est un comble de demander
aux consommateurs « de prendre des décisions professionnelles
alors que les professionnels eux-mêmes ne prennent pas les dispositions
qui s'imposent ».
Un nouveau champ de batail numérique
Les organisations doivent elles-aussi de montrer plus
responsables, en faisant preuve d'une plus grande transparence concernant les
problèmes de cyber sécurité auxquels elles ont
confrontées. Cyril BRAS de Grenoble Alpes Métropole a le
sentiment qu'il existe une forme
45 C' dans l'Air - Données personnelles : Le grand hold-up
? - France 5 - 21/04/2018
https://www.youtube.com/watch?v=UGEXJb5nzEQ
46 Le long chemin pour sécuriser les objets
connectés - INFO PROTECTION - 18/04/18 -
http://www.infoprotection.fr/CYBERSECURITE/Article.htm?Zoom=bf5dba8ffeaa7af1d0db880b64374135
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Manager 2018
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« d'omerta » autour de ces incidents. Le RGPD
devrait améliorer les choses en les obligeant à déclarer
les brèches de données et les cas de piratage. C'est à la
base un problème d'image qui pousse à garder ces sujet
confidentiels, mais dorénavant Cyril Bras a bon espoir de voir ces
organisations mettre en place les moyens nécessaires pour s'en
prémunir, plutôt que d'être contraintes d'avouer qu'elles
ont subi un sinistre. Il espère également que cela permettra
d'avoir une vision plus précise de l'ampleur des attaques cyber et fera
réagir les dirigeants, tout particulièrement les élus, qui
ont tout intérêt à éviter de voir leur image
écornée par ce type de publicité (cf. Annexe 1).
Notre entretien avec Cyril Bras nous amène ensuite sur
un autre terrain numérique, celui de la défense (cf. Annexe 1).
Il nous révèle la guerre silencieuse qui se joue sur la toile,
impliquant bien entendu les cyber criminels, mais aussi les Etats. La cyber
sécurité est devenu un enjeu majeur pour les pays et
contrairement aux conflits traditionnels, tous les coups sont permis, il n'y a
ni règles, ni cessez le feu.
Face à cette situation, les Etats ont du adapter leurs
moyens de défense et se doter d'un contingent de combattants
numériques, constitué d'experts en ingénierie logicielle,
en administration systèmes et sécurité, en supervision
réseaux, en cryptographie, entre autres spécialités
liées au numérique. Cyril Bras ayant notamment suivi une
formation à l'Institut National des Hautes Etudes de
Sécurité et de Justice de Paris, sur la thématique de la
sécurité des usages numériques, il fait justement parti
des officiers réservistes de ce commandement de l'Armée de Terre
française, le COMSIC47 (Commandement des systèmes
d'Information et de Communication).
Selon Jean-Yves Le Drian, Ministre de la Défense de
l'époque, « L'émergence d'un nouveau milieu, d'un champ
de bataille cyber, doit nous amener à repenser profondément notre
manière d'aborder l'art de la guerre ». Dans l'article
publié par le site Numerama48, il explique que «
l'arme cyber peut avoir des effets tout à fait comparables à
l'armement plus conventionnel » et qu'en temps de guerre, elle «
pourra être la réponse ou une partie de la réponse
à une agression armée, qu'elle soit de nature cyber ou non
». Il précise que « nos capacités
cyber-offensives doivent nous permettre de nous introduire dans les
systèmes ou les réseaux de nos ennemis, afin d'y causer des
dommages, des interruptions de service ou des neutralisations temporaires ou
définitives. En utilisant pour cela des moyens sophistiqués, dont
nous sommes parfois les concepteurs, et qui doivent résister à
tout risque de détournement ».
L'organisation du COMSIC est assez similaire à celui du
« Cyber Command » américain et s'organise en 4 pôles :
Protection, Défensif, Action numérique et Réserve. D'ici
2019, elle sera constituée de 400 permanents et 4000 réservistes,
mais n'en compte actuellement que 400 d'après Cyril Lebras (cf. Annexe
1). L'Armée française a donc engagé un recrutement
auprès de toutes les filières liées au numériques,
y compris les moins conventionnelles, comme en atteste sa présence
à « La nuit du Hack 2017 »49.
47 Un commandement dédié au combat numérique
de l'armée de Terre - MINISTERE DES ARMEES - 20/03/2017 - DICOD
-
https://www.defense.gouv.fr/actualites/la-reforme/un-commandement-dedie-au-combat-numerique-de-l-armee-de-terre
48 L'armée française se dote d'un commandement des
opérations cyber - NUMERAMA - Julien Lausson - 13/12/2016 -
https://www.numerama.com/politique/216209-larmee-francaise-se-dote-dun-commandement-des-operations-cyber.html
49 Hackers, engagez-vous ! L'armée
française recrute des « combattants numériques
» -
01net.com - 26/06/2017 - Gilbert
Kallenborn -
www.01net.com/actualites/hackers-engagez-vous-l-armee-francaise-recrute-descombattants-numeriques-1195388.html
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Eduquer les utilisateurs
Nous avons pu constater qu'en dépit des moyens de
sécurité mis en oeuvre, une des principales failles dans les
dispositifs numériques vient de leurs utilisateurs. Cyril Bras de
Grenoble Alpes Métropole, se révèle même
catégorique sur ce point, argumentant que même en utilisant «
les meilleurs systèmes de pare feu ou anti-virus, si l'utilisateur
n'a pas le bon comportement, le problème vient de l'intérieur et
ces dispositifs ne servent à rien ». Mais ce n'est pas
forcément l'utilisateur qu'il faut incriminer, car « il n'en a
pas conscience ou ne sait pas comment réagir » (cf. Annexe
1).
Il déplore la persistance d'un modèle
réactif, visant à faire signer au salariés des chartes
informatiques qu'ils sont rarement à même de comprendre et
à attendre de leur part un certain comportement, sans leur expliquer les
bonnes pratiques ou comment reconnaitre une menace. Il a pu observer dans ses
fonctions précédentes au CNRS, qu'en faisant preuve de
pédagogie et en prenant le temps nécessaire, il est tout à
fait possible de les responsabiliser et d'obtenir des améliorations
significatives.
Romain Ivoy d'EVOS Infogérance (cf. Annexe 2) nous
livre également un retour d'expérience similaire, en
évoquant la démarche d'une Mairie qui lui avait demandé de
former l'ensemble du personnel. Mais il estime aussi que si cette
démarche pédagogique peut amener des améliorations, on ne
peut pas seulement compter sur la responsabilisation des utilisateurs. Il
l'illustre notamment par le comportement des automobilistes, qui même en
étant conscients que l'entretien de leur véhicule doit être
effectué régulièrement, n'y pensent pas forcément
d'eux-mêmes, d'où la nécessité de les rappeler
régulièrement à l'ordre. Néanmoins, il confirme lui
aussi que le niveau de compétence sur le sujet laisse à
désirer, mais que c'est avant tout aux organisations, ou aux parents,
qu'il revient d'assurer cette éducation et de mettre en oeuvre les
dispositions appropriées.
Des initiatives associatives et des « Espaces Publics
Numériques »50 sont accessibles permettent aux citoyens
d'être initiés à l'utilisation des matériels et
logiciels, mais également aux bonnes pratiques à adopter, telles
l'importance qu'ils doivent accorder à la réalisation des
sauvegardes et des mises à jour, la protection de leurs accès et
de leurs mots de passe, le paramétrage de leurs applications, ou la
préhension des menaces auxquelles ils peuvent être
confrontés ou du traçage dont ils peuvent faire l'objet.
L'éducation nationale s'est toutefois emparé du
sujet, en adoptant en mai 2015 le Plan « Numérique à
l'école » voulu par le gouvernement de François
Hollande51, visant à doter les écoles de ressources
matérielles et pédagogiques, mais également à
créer de nouveaux enseignements de la primaire au secondaire. Un cours
« d'éducation aux médias et à l'information » a
ainsi été introduit dès le Cours Préparatoire et
jusqu'à la 3ème. L'Express indique que objectif de cet
enseignement interdisciplinaire est de « préparer les
élèves à devenir des cybercitoyens actifs et
éclairés ». Il permet notamment aux
élèves d'appréhender la protection de la vie
privée, les enjeux sociétaux des réseaux sociaux, de
développer un esprit critique sur la lectures des médias et la
fiabilité des sources, ou encore d'être initiés aux
algorithmes et à la programmation. Les lycéens pourront ensuite
décider de choisir une option « informatique et création
numérique ».
Dans l'enseignement supérieur, les enjeux du
numérique ont déjà été pris en compte, car
la nécessité de former les étudiants à un
marché du travail largement impacté par les
50 Livre blanc - Les données personnelles à l'heure
du big data : De l'intelligence artificielle au pouvoir des algorithmes -
Rédaction collective CREIS-Terminal et CECIL - Novembre 2017
-
https://www.lececil.org/node/27677
51 Numérique à l'école : ce qui va
changer dans les programmes à la rentrée - L'express -
Raphaële Karayan - 09/06/2016 -
https://www.lexpress.fr/education/numerique-a-l-ecole-ce-qui-va-changer-dans-les-programmes-a-la-rentree1806878.html
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nouvelles technologies est devenu indispensable. Dans un
article co-écrit avec Pierre Nanterme, PDG d'Accenture, publié
sur LinkedIn52 par Jean-Michel Blanquer, l'actuel Ministre de
l'Education Nationale estime que les jeunes doivent être
préparés à cette mutation des entreprises et que cette
préoccupation doit désormais « être au coeur de
toutes les formations, quelque soit le domaine ou le niveau ». Selon
lui, l'enjeu est surtout de parvenir à marier des compétences
digitales et professionnelles, qui constitueront pour les diplômés
« la valeur ajoutée attendue par les entreprises
».
Constance Bommelaer de Leusse53, Directrice des
politiques publiques à l'Internet Society (ONG internationale
créée en 1992 par Vint Cerf, l'un des inventeurs d'Internet, qui
vise à promouvoir et coordonner le développement et l'usage des
réseaux numériques dans le monde) insiste elle aussi sur la
nécessité de mettre en place une « alphabétisation
numérique » permettant aux individus de mieux maîtriser
l'information et d'exercer leur jugement et d'éviter de tomber dans les
pièges du numérique, tels les fake news, la
cybercriminalité ou le harcèlement en ligne. Comme un nombre
croissant de chercheurs, elle préconise que les apprentissages
numériques puissent intervenir « tout au long de la vie, du
primaire à la formation continue des adultes ».
Elle évoque également un changement de paradigme
dans la manière d'enseigner, inspirée du monde numérique
dans son aspect contributif. Un passage d'une approche « one to many
» à « many to many », selon laquelle l'enseignant devient
un animateur, autour d'une matière préalablement
étudiée en autonomie par les élèves, sur laquelle
ils pourront ensuite échanger et idéalement «
créer du savoir ensemble ».
Nous terminerons ce chapitre sur les propos de la
députée Paula Forteza lors de l'émission l'Invitech sur
BFMTV54, rapporteur du projet de loi sur la protection des
données, qui enjoint les citoyens à s'emparer de leurs nouveaux
droits pour que les choses évoluent vraiment, rappelant que le RGPD est
un point de départ et que « nous sommes peut-être en
train de créer un nouveau modèle numérique plus
éthique et respectueux ». Selon elles d'autres sujets sont
appelés à émerger tels que la transparence des algorithmes
et des plateformes, les problèmes de fiscalité et de concurrence
déloyale. « Beaucoup de leviers qui vont nous servir pour
mettre en place un numérique plus responsable et juste ».
52 Insuffler la culture digitale, un défi commun pour les
entreprises et les universités - Jean-Michel BLANQUIER et Pierre
Nanterme - LinkedIn - 25/04/17 -
https://www.linkedin.com/pulse/insuffler-la-culture-digitale-un-défi-commun-pour-les-blanquer/
53 Tribune - Internet, une chance pour l'éducation? -
Constance Bommelaer de Leusse - Emile by Sciences Po Alumni - 20/12/17 -
https://www.emilemagazine.fr/article/2017/12/20/tribune-internet-une-chance-pour-lducation
54 L'Invitech BFMTV 24/04/18 : le RGPD permettra-t-il un usage
plus responsable des données ?
http://bfmbusiness.bfmtv.com/mediaplayer/video/l-invitech-le-rgpd-permettra-t-il-un-usage-plus-responsable-des-donnees-2404-1064569.html
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CONCLUSION
Nous nous sommes efforcés au travers de ce
mémoire d'étudier les tenants et aboutissants d'un sujet
très médiatisé depuis ces derniers mois, le nouveau
Règlement Général sur la Protection des Données.
Bien qu'il ait été adopté par le
Parlement Européen depuis avril 2016, il apparait que l'opinion publique
ne s'en est réellement préoccupée qu'à la fin de
l'année 2017, alors que l'échéance du 25 mai
commençait à se rapprocher dangereusement.
Bien entendu, la plupart des grandes organisations, des
associations et des collectifs de consommateurs savaient déjà
bien de quoi il retournait, car la plupart d'entre eux s'étaient
déjà impliqués et mobilisés en amont, qu'ils soient
partisans ou réfractaires à cette initiative européenne.
Mais s'agissant des citoyens, dont la protection de la vie privée est
l'enjeu principal, ils semblaient dans l'ensemble peu informés avant
cette médiatisation.
Ce règlement s'avère pourtant très
impactant, car d'une part il a la volonté de faire respecter les droits
fondamentaux des individus, mais d'autre part parce qu'il met en place de
nouveaux jalons et des obligations que les organisations sont tenues de
respecter, sous peine d'être lourdement sanctionnées.
Ces nombreuses obligations peuvent sembler contraignantes pour
ces organisations, qui sont d'ailleurs toutes concernées, que ce soit
des entreprises, des institutions ou des associations, européennes ou
non. A partir du moment où elles sont amenées à interagir
avec des citoyens européens et à manipuler des informations
personnelles qui les concernent, elles sont désormais tenues de se
conformer aux directives du RGPD.
Nous nous sommes donc interrogés sur la mise en
application du règlement au sein de entreprises et des organisation au
sens plus large. Notre objectif était d'aller au-delà des
contraintes perçues, en identifiant quels bénéfices elles
pourraient aussi en retirer.
Nous avons ainsi nourri notre réflexion au travers de
nombreuses lectures, tant les avis et informations sur le sujet étaient
abondants. Nous nous sommes également attachés à
rencontrer des interlocuteurs susceptibles de nous faire part de leurs
expériences pratiques : dirigeants et cadres d'entreprises du
numérique, juriste spécialisé dans la protection des
données, Responsable de la sécurité des systèmes
d'information ou encore Délégué à la Protection des
Données.
Cette démarche nous a permis de dégager et
d'affiner la problématique que nous souhaitions traiter dans ce
mémoire : Le RGPD est-il une contrainte ou une
opportunité pour les entreprises ?
Nous nous sommes intéressés dans un premier
chapitre aux motivations de ce nouveaux règlement, en remontant aux
origines de la protection des données personnelles et à la
manière dont elle a été mise en oeuvre en France et dans
l'Union Européenne.
Au travers de cette rétrospective nous avons compris
les raisons qui ont poussées les pays membres de l'Union
européenne à légiférer pour aboutir à
l'élaboration d'un texte permettant de réglementer la collecte et
l'usage des données personnelles de leurs citoyens.
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Nous avons ensuite décortiqué le contenu de ce
nouveau règlement, en étudiant son champs d'application, les
modifications apportées par rapport aux précédentes
dispositions, ainsi que les moyens mis en oeuvre pour garantir son
application.
Dans un second chapitre, nous avons tout d'abord
évoqué les changements induits par la mise en place du RGPD dans
les organisations, en soulignant l'importance des données pour leurs
l'activités, ainsi que les risques auxquels elles se trouvaient
confrontées pour continuer à les exploiter.
Nous avons ensuite étudié la méthodologie
préconisée par la CNIL pour que les entreprises françaises
puissent se conformer au nouveau règlement, mais également la
manière dont elles le mettent en pratique, leur état d'esprit
à ce sujet et leur niveau de conformité.
Dans le dernier chapitre, nous avons pu mettre en
évidence que le RGPD présente bien de vraies opportunités
pour les entreprises qui sauront s'en saisir. Cela leur permet d'une part
d'adopter de bonnes pratiques en terme de sécurité et
d'utilisation des outils numériques, d'améliorer leur
organisation et la communication interne, mais surtout d'instaurer, maintenir
ou restaurer la confiance de leurs clients, gage de fidélité et
d'attractivité sur un marché particulièrement
concurrentiel. D'autre part, le RGPD a le mérite d'assainir et
rééquilibrer le marché, vis-à-vis de certaines
pratiques déloyales ou de positions dominantes, comme celle des GAFAM.
C'est enfin l'opportunité de créer de nouveaux modèles
économiques, plus éthiques et respectueux des individus, voir
d'imaginer l'Europe revenir sur le devant de la scène numérique
internationale.
Nous avons poursuivi notre analyse en nous intéressant
à la portée sociétale du règlement européen.
Car nos société sont confrontées à des changements
majeurs liés à la transformation digitale, qui comporte son lot
de dérives et met en évidence des différences culturelles
dans la capacité des peuples à l'appréhender. Nous avons
ainsi pu observer qu'une prise de conscience de la société s'est
opérée. Au niveau européen, le RGPD en est finalement une
preuve et une conséquence, qui constitue peut-être le point de
départ d'une nouvelle responsabilisation des sociétés,
dans leur usage du numérique et dans le respect des libertés
fondamentales des individus qui les composent.
Nous citions pour clore notre dernier chapitre les propos de
Paula Forteza, qui voyait dans la mise en place du RGPD un point de
départ vers cette nouvelle responsabilisation et prédisait
l'émergence de nouveaux sujets. Nous n'en espérons effectivement
pas moins et même s'il est encore un peu tôt pour le dire, nous
pouvons déjà noter que la France est en train d'adopter une
nouvelle législation visant à sanctionner les dérives
liées à la propagation de « Fake news ». D'autres pays,
en particulier les Etats Unis sont également amenés à
s'interroger sur les répercutions occasionnées par l'utilisation
des données de leurs citoyens.
Si nos normes sont effectivement inversées et qu'en
Europe nous préférons d'abord légiférer, quitte
à laisser nos homologues américains ou asiatiques prendre de
l'avance sur les marchés, peut-être sommes-nous parvenus à
leur démontrer que, comme l'aurait dit Maître Yoda dans Star Wars,
« de l'histoire, des leçons il faut savoir tirer » et que
« d'agir avant de réfléchir, des conséquences
inconsidérées peuvent découler » !
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REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
AMRAE (2018), « Cahier technique AMRAE - RGPD : La
protection des données du citoyen européen par l'entreprise
»,
amrae.fr, France -
http://amrae.fr/sites/default/files/fichiers
upload/Cahier%20technique%20RGPD - %20v1.1%2027-02-2018 1.pdf -
Téléchargé en avril 2018
AMRAE (2017), « Atelier-conférence A3 - 25ème
Rencontres du Risk Management »,
amrae.fr, France -
https://www.youtube.com/watch?v=OZwHgN-IHmM
- Visionné le 10 juin 2018
AMRAE (2018), « Atelier-conférence B2 - 26ème
Rencontres du Risk Management AMRAE 2018 - Comment mettre en place le RGPD
»,
amrae.fr, France -
https://www.youtube.com/watch?v=jkM2LJ6tzAA
- Visionné le 10 juin 2018
Babinet, G (2017), Extraits de « L'ère
numérique, un nouvel âge pour l'humanité » (par GQ
Magazine), Editions Le Passeur, France -
https://www.gqmagazine.fr/uploads/freepages/Ere-numerique.pdf
- consulté le 10 juin 2018
Benamou, L (2018), « La cyberassurance décolle
progressivement en France », L'Observatoire des Produits d'Assurance,
France -
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- Téléchargé sur Factiva en mars 2018
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Mathieu DARMET - Mémoire de fin d'étude - Business
Manager 2018
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opportunité pour les entreprises ?
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ANNEXE 1 - Entretien Cyril Bras, Grenoble Alpes
Métropole
GUIDE D'ENTRETIEN
- Présentez-vous - quel est votre
cursus et vos attributions ?
ORGANISATION INTERNE
- Depuis quand avez-vous initié votre
démarche de conformité RGPD ?
o Avez -vous suivi une formation spécifique ?
o Participé à des réunions d'information
?
o Avez-vous été accompagné : Juristes,
experts, services spécifique de l'administration ?
o Echange avec une communauté, d'autres RSSI ?
o Pensez-vous être 100% opérationnels au 25/05/18
?
- Qu'avez-vous mis en oeuvre :
o Avez-vous désigné un DPO ? Etait-il votre CIL
(correspondant informatique et liberté) ?
o Quels services avez-vous impliqués ?
o Avez-vous cartographié vos données ? Combien de
temps avez-vous mis ?
o Comment avez-vous priorisées les actions à mener
?
o Avez-vous réalisé une analyse de risque ? Quels
outils avez-vous utilisé ? Analyse d'impact de la CNIL : PIA (Privacy
Impact Assesment) ? Outils internes ?
o Vous prestataire ou éditeurs de logiciels ont-ils
communiqué sur le sujet ? Avez-vous eu des exigences
particulières (label, cyberassurance) ? Leurs engagements contractuels
ont-ils évolués ?
o Avez-vous souscrit une cyberassurance ? Mis en oeuvre une
démarche de certification ou conformité CNIL ?
o Qu'avez-vous modifié en terme de sécurité
?
o Qu'avez-vous documenté ? registre des activités
de traitement (obligation >250 sal)
o Quels ont été les impacts financiers ?
- Quels type de données personnelles
manipulez-vous ?
o Quel est leur niveau de sensibilité ?
o Comment les collectez-vous (privacy by design et by default)
et quel impact sur la manière dont vous les collectez (conditions,
mentions, site web...) ?
o Comment sont-elles utilisées ?
Mathieu DARMET - Mémoire de fin d'étude - Business
Manager 2018
o Etes-vous amené à les partager avec des tiers
?
o Avez-vous crypté, anonymisé ou
pseudonymisé ces données ?
o Etes-vous en mesure d'informer les individus qui font l'objet
du traitement ? De prouver le consentement des individus ?
o Quels mécanisme vous permet de supprimer les
données ? A la demande des individu ? Pendant combien de temps
pouvez-vous les conserver ?
o Avez-vous évaluer le coût de ces suppressions,
mis en place des ressources supplémentaires ? Une participation «
raisonnable » à leur suppression est elles demandée
N
- Sur quels aspects vous sentez vous plus
particulièrement concerné ou
impacté ?
Qu'est-ce qui vous semble le plus compliqué ?
- Quel votre avis personnel si vous souhaitez m'en faire
part ?
o Pensez-vous que ce dispositif soit suffisants ? Quelles
peuvent être les limites ?
o Quelle est votre analyse ? Avez-vous des remarques ?
o Pensez-vous que cette réforme constitue une
contrainte ou une opportunité pour l'entreprise ?
o N'y a-t-il pas une forme de protectionnisme
économique européen face aux GAFAM ?
Mathieu DARMET - Mémoire de fin d'étude - Business
Manager 2018
TRANSCRIPTION INTERVIEW CYRIL BRAS
Le 27/04/2018 à Grenoble
Responsable de la Sécurité des Systèmes
d'Information (RSSI) Grenoble-Alpes Métropole, Ville de Grenoble et
CCAS
Mathieu Darmet : Merci de me recevoir, vous
êtes Responsable de la Sécurité du Système
d'information de La Métro, de la ville de Grenoble et du CCAS. Cela vous
fait un parc utilisateur de quelle taille ?
Cyril Bras : Supérieur à 6000
utilisateurs.
MD : Je vais vous laisser vous
présenter, en terme de cursus et d'attributions.
CB : Mon parcours est assez parallèle à mon
cursus. J'ai commencé par une formation préalable d'analyste
programmeur, qui a débouché sur mon premier emploi chez Orange,
où j'ai commencé en stage, en faisant un peu de
développement. Puis je me suis orienté vers l'administration
système et réseau, parce que cela me plaisait plus que la
programmation. J'ai commencé à réfléchir aux
fonctions qui me seraient proposées avec mon Bac+2, qui resteraient
tournées vers le technique et me permettraient peu d'évolution.
J'ai donc entamé des démarches auprès du CNAM, le
Conservatoire National des Arts et Métiers, pour faire un cursus en
parallèle tout en travaillant. Un an après mon DUT, j'ai
enchainé avec un poste à la CCI de Nîmes, où
j'étais chargé d'étude NTIC, qui était très
intéressant, car c'était au début des années 2000
et la ville déployait un réseau très haut débit
pour les entreprises d'un parc d'activité. Cela m'a permis de travailler
sur des nouveautés, comme la téléphonie sur IP que
démarrait seulement et c'était donc une très bonne
opportunité. J'ai terminé l'équivalent d'une
Maîtrise au CNAM, ce qui m'a ensuite permis de passer un concours au
CNRS, où je suis entré en 2004. Comme c'était un concours
national, j'ai été affecté à Caen, où
j'étais à la fois responsable de la sécurité et de
l'informatique pour un laboratoire de recherches. Entre temps, j'ai
terminé mon diplôme d'ingénieur du CNAM en 2007 et j'ai
bénéficié d'une mobilité au sein du CNRS de
Grenoble, qui m'a permis de travailler pendant 10 ans sur les mêmes
fonctions au sein d'un autre laboratoire. Je suis également enseignant
à l'Université sur les sujets liés à la
sécurité informatique et je viens récemment
d'intégrer la métropole, dont je suis le nouveau RSSI. J'ai
également suivi une formation l'année dernière à
l'école militaire de Paris, l'Institut National des Hautes Etudes de
Sécurité et de Justice sur la thématique de la
sécurité des usages numériques.
MD : Vous faites partie de leur nouveau
bataillon dédié à la sécurité
numérique ?
CB : Je fais effectivement partie de la réserve cyber
défense, je suis officier réserviste depuis l'été
dernier. C'est encore en cours de déploiement.
MD : Je vais donc m'intéresser
à votre organisation et à votre démarche de mise en
conformité RGPD.
Mathieu DARMET - Mémoire de fin d'étude - Business
Manager 2018
CB : N'étant là que depuis
deux mois, il ne s'est pas encore passé grand-chose. Je suis en phase de
prise de connaissance et d'appréhender comment la sécurité
est déployée sur mon périmètre. Le RGPD a
plutôt bien avancé côté ville de Grenoble, dont le
CIL va devenir le DPO de la ville et qui a initié pas mal de
démarches, notamment en commençant l'inventaire des traitements.
Nous travaillons en parallèle et nous sommes forcément
complémentaires sur ces sujets. Dès qu'il s'agit de
données personnelles, nous sommes tous les deux dans la boucle.
Côté Métro, c'est encore flou.
MD : Le DPO de Grenoble ne sera donc pas
forcément celui de la Métro.
CB : Non, il ne gèrera que la ville,
pour la Métro on prendra un prestataire, mais je ne suis pas encore dans
la boucle, mais ça viendra.
MD : Pour le RGPD, vous avez participé à des
réunions d'information, suivi des formations ?
CB : Il y a déjà la formation que j'ai suivi
l'année dernière à l'école militaire, où le
sujet a été largement abordé, donc j'étais au fait
des attentes et des enjeux... Je sais donc ce qu'il faut mettre en place, mais
le comment va être un gros chantier. On sait que si l'on traite de la
donnée personnelle, il faut que son stockage soit chiffré,
sécurisé, il y a pas mal de briques à mettre en oeuvre.
Là je commence par les nouveaux projets et je regarde si les choses sont
conformes ou pas, vis-à-vis du RGPD. Mais je pense que nous ne serons
pas dans les clous tout de suite, c'est une évidence.
MD : Allez-vous être accompagné
par des experts, des juristes ou peut-être des services
spécifiques de l'administration ?
CB : Je pense que l'administration a découvert la
problématique RGPD il y a quelques mois. D'après ce que j'ai pu
lire dans la presse, je pense que les collectivités se disaient que le
volet sanctions ne les concernait pas, mais cela leur a été
confirmé il y a environ un mois. Il y aura des adaptations pour les
collectivités, parce que ce ne sont pas des entreprises, qu'il n'y a pas
de notion de business. On stocke bien des données, mais c'est parce
qu'on en a besoin pour fonctionner, mais il ne s'agit pas de faire de l'argent
avec. Par contre si on ne les protège pas correctement, le volet
sanctions s'appliquera. Je pense que c'est une bonne chose, car il fallait
ça pour que les gens se réveillent en terme de
sécurité, car ici la culture de la sécurité
n'existe pas. Le fait qu'il y ait un cadre légal obligatoire et que s'il
n'est pas respecté cela va vous coûter tant, cela devrait
être plus efficace. D'autant qu'on a déjà des cadres
réglementaires qui s'appliquent, comme le RGS, Référentiel
Général de Sécurité, mais il n'y a pas vraiment de
répercutions s'il n'est pas respecté, ou ce n'est pas clairement
exprimé. De fait, le concept RGS est aussi en cours de découverte
dans les collectivités, alors qu'il devrait s'appliquer depuis au moins
2014.
MD : J'imagine que le niveau de
responsabilisation des utilisateurs est aussi assez aléatoire.
Mathieu DARMET - Mémoire de fin d'étude - Business
Manager 2018
CB : Il est très bas. Tout comme dans
mon emploi précédent au CNRS, en dépit de l'aura que la
structure peut avoir de l'extérieur. Que ce soit les scientifiques ou
les administratifs, les deux n'ont pas la vision de ce que représente la
cyber sécurité. Ils pensaient que ce qu'ils font
n'intéresse personne, il y a peu de risques... Et ici c'est la
même chose, on est une collectivité, qu'est-ce qu'on peut nous
voler ? Ils ne voient pas l'intérêt, alors qu'au contraire il y en
a, car nous avons beaucoup de renseignements sur les individus, sur les appels
d'offre. On cumule beaucoup d'aspects, car la métropole a de nombreuses
activités : la gestion de l'eau potable, la distribution
d'énergie, les transports... C'est quand même des domaines assez
sensibles et qui sont interconnectés informatiquement, mais pour
l'instant il n'y a pas de vision globale. On a une vision par silo, chacun fait
son travail dans son coin. Depuis 2 mois, j'essaie de faire le tour de toutes
les entités qui peuvent adresser le système d'informations, pour
identifier ce qu'ils manipulent, comment c'est sécurisé...
MD : Est-ce que vous échangez avec une
communauté ? D'autres RSSI par exemple.
CB : Non pas encore. J'aimerais déjà initier
quelque chose au niveau local, ne serait-ce que les communes qui font partie de
la Métro, car je suis persuadé que si nous sommes
confrontés à un problème de sécurité, qui
touche des données personnelles ou pas, il risque d'y avoir un effet
domino ou un effet miroir. Un pirate peut s'apercevoir que telle cible est
facile à attaquer, donc on va faire aussi celle d'à
côté, etc... Le meilleur moyen de lutter contre ce
phénomène c'est de communiquer.
MD : J'avais des questions sur ce que vous
avez déjà fait mais beaucoup de choses sont en cours, notamment
la cartographie.
CB : Pour la cartographie, la DSI est en train de
répertorier l'ensemble des applications qui sont utilisées et qui
sont maintenues. Cela va de pair avec le RGPD, car on pourra en déduire
ce que font ces applications, et si elles utilisent des données
nominatives ou pas. C'est déjà un travail qui fait bien avancer
les choses. Côté RSSI, je suis en train de mettre en place la
gestion des incidents, car nous avons une obligation de notification dans les
24 heures vis-à-vis de la CNIL. Ce que je veux surtout lancer c'est une
capacité de détection, car on est plutôt dans la
réaction. Quand on se rend compte qu'il y a un problème, on a les
logs, mais on n'est pas capable de se rendre compte qu'on se fait « taper
». Il faudrait pouvoir réagir rapidement et bloquer ou limiter
l'attaque lorsqu'elle est en cours.
MD : C'est donc votre action prioritaire.
Pour la nomination du DPO, il sera donc mutualisé. Vous savez s'il y
aura un appel d'offre, qui va statuer sur le sujet ?
CB : Non pas vraiment, mais j'arrive seulement sur le poste.
De plus l'ancien RSSI, n'était pas sur cette fonction à plein
temps et je pense qu'il n'avait pas totalement conscience des enjeux, qu'il
n'avait pas une vision globale, mais purement informatique. J'arrive avec une
vision plus transversale et je bouscule un peu les lignes établies.
MD : C'est donc le signe que le RGPD commence
à porter ses fruits !
Mathieu DARMET - Mémoire de fin d'étude - Business
Manager 2018
Vous allez probablement mener une analyse d'impacts.
Allez-vous utiliser le PIA, Privacy Impact Assessment, proposé par la
CNIL ou d'autres outils ?
CB : Ce sera plutôt une démarche globale, car
dans mes attributions, je dois réaliser une PSSI, Politique de
Sécurité des Systèmes d'Information, donc ce sera un
package.
MD : Est-ce que vos prestataires ou
éditeurs de logiciels ont commencé à communiquer autour du
RGPD ? Est-ce que vous les avez-vous-même interpellés ?
CB : Pour l'instant j'ai uniquement été
impliqué dans les nouveaux projets ou ceux qui sont en cours et
globalement les prestataires ne s'en préoccupent pas, ils
considèrent que ce n'est pas leur souci. Que ce soit pour les
applications médicales, ou les appareils périphériques de
commande pour les documents administratifs. A l'inverse, je suis
sollicité par ailleurs par des prestataires qui axent leur communication
autour du règlement. Le RGPD c'est surtout de l'organisation, il n'y a
pas de label RGPD conforme. Ce n'est pas au produit d'être conforme, mais
l'usage que l'on en fait. Mais il y a des commerciaux qui ont compris qu'il y
avait un grand flou et qu'ils pouvaient jouer là-dessus, mais ça
ne fonctionne pas avec moi... D'un autre côté, il y a des
entreprises qui ne sont pas du tout au courant. J'ai travaillé hier sur
une application médicale, dans laquelle les données sont
stockées en claire, comme les identifiants ou les numéros de
sécurité sociale des patients, avec un cryptage proposé en
option. Mais c'est une solution qui est commercialisée. Je les ai donc
interpellés vis-à-vis du RGPD et ils m'ont répondu que
c'était possible, qu'ils pouvaient l'adapter et qu'ils l'ont
déjà fait. Ce n'est donc pas intégré dans leur
process...
MD : On est loin du privacy by design
préconisé par le règlement ! Beaucoup n'ont donc pas
encore pris la mesure de la portée du RGPD.
CB : Je pense que ceux qui en ont vraiment pris conscience,
c'est la GAFA, car ils sont directement ciblés. On le voit bien avec la
sanction de 4% du chiffre d'affaire, car 200 000 € ça les aurait
fait rigoler ! Là c'est autre chose, car si on prend Facebook ou Google,
l'un des deux gagne l'équivalent du PIB d'un pays. Ils sont donc face
à un enjeu commercial, mais également de
crédibilité. On voit Mark Zukerberg faire son mea culpa et
apporter des évolutions sur leurs applications. Je me mets sur les
réseaux sociaux justement pour voir ce qu'ils font, ce qu'ils collectent
et j'ai remarqué qu'on a maintenant la main pour accepter que nos
informations puissent être utilisées par un autre site, alors que
ce n'était pas le cas avant. Cela apparait clairement et de ce
côté-là il y a une prise de conscience de leur part. Mais
pour les PME et petites entreprises, ce sera plus difficile.
MD : Concernant les GAFA, même avec ce qu'ils ont
modifié, j'ai quand même le sentiment qu'on reste souvent
obligé d'accepter leurs conditions pour utiliser leurs outils.
CB : Non, je vous assure que ça a
évolué, on peut choisir ce qu'on accepte de transmettre. La seule
chose qu'on ne peut pas empêcher s'est de transmettre son
identité. Tout ce qui est annexe au profil peut être
désactivé, du moins sur les sites que j'ai pu tester.
Mathieu DARMET - Mémoire de fin d'étude - Business
Manager 2018
Pour les autres acteurs, j'ai l'impression que tout le monde
a joué la montre et qu'ils commencent à se réveiller.
MD : C'est vrai. Heureusement que la CNIL a
un discours plutôt rassurant, en disant qu'ils auront d'abord une
approche pédagogique.
CB : Seulement la première année. J'en ai
discuté en janvier lors du forum de la cyber sécurité
à Lille, avec un intervenant proche de la CNIL, qui me disait qu'ils
vont quand même faire des exemples, plutôt de grosses structures,
mais aussi des administrations ou des collectivités, pour bien montrer
que tout le monde est concerné. Ils ont changé
d'étiquette, ils ne sont plus là pour enregistrer des
déclarations, mais pour faire du contrôle et c'est sur le
contrôle qu'ils seront financés. Ils ont donc intérêt
à en faire beaucoup.
MD : Donc dans vos relations avec les prestataires,
qu'allez-vous modifier ?
CB : Dans mes nouvelles interactions, je rajoute un volet qui
n'existait pas, sur la confidentialité. Avant on ne mettait pas
particulièrement de contraintes aux prestataires et je commence à
faire des modèles types de contrats ou de documents, pas
forcément axés uniquement sur le RGPD, mais
sécurité en général. Mais de fait cela doit
être en conformité.
J'ai également découvert récemment que
nous sommes censés acheter uniquement du matériel qualifié
par l'ANSSI, l'Agence Nationale de la Sécurité des
Systèmes d'Information, comme l'exige le RGS. Et ce n'est pas du tout
pris en compte dans nos achats actuellement et cela va rendre les choses plus
complexes, car c'est une exigence que nous devrons appliquer à tous nos
prestataires.
MD : Si vous devez remplacer tout ce qui
n'est pas conforme, cela peut avoir de lourdes conséquences
financières.
CB : Oui, mais on ne pourra pas tout remplacer, mais pour les
nouveaux investissements, nous devrons en tenir compte. Mais on a plutôt
de la chance, car nous avons constaté que nous avons quand même
beaucoup de matériel qui sont qualifiés.
MD : Dans vos exigences, demanderez-vous
à vos partenaires d'avoir une cyber assurance par exemple ?
CB : Pas forcément, mais je me suis
par exemple intéressé aux outils de prise de contrôle
à distance. L'outil utilisé doit être clairement
identifié, au même titre que les intervenants, dont nous devons
une liste exhaustive des compétences et attributions. Soit ils utilisent
un compte nominatif pour se connecter, soit l'entreprise doit pouvoir nous
garantir une traçabilité précise. C'est une exigence que
je rajoute.
MD : Je reviens sur les cybers assurances,
car on voir fleurir de nouvelles offres. Vous pensez en prendre une en interne
?
Mathieu DARMET - Mémoire de fin d'étude - Business
Manager 2018
CB : J'ai posé la question en interne
aux services en charge des assurances, pour savoir si nous en avions, mais j'ai
l'impression qu'ils ont un peu découvert le concept.
MD : A leur décharge, j'ai l'impression
que le concept émerge justement avec le RGPD.
BC : Oui mais je pense qu'il faut le voir au-delà du
règlement, car on voit que les attaques récentes ciblent les
utilisateurs, avec les « ransomware ». Dans notre cas, si les
sauvegardes ne fonctionnent pas on a un vrai problème. S'assurer contre
ce type d'incident me semble un moyen de détourner le risque en
s'assurant sur ses conséquences.
MD : J'imagine que souscrire ce type de
contrat demandera des contres parties en terme de moyens mis en oeuvre pour la
sécurité.
CB : J'ai justement rendez-vous avec la Direction
Général et cela fait partie des points que je souhaite aborder
avec eux. Le sujet cyber nécessite une vision globale et c'est ce que je
souhaite pouvoir leur expliquer, car j'ai besoin d'une vision de l'ensemble du
SI.
MD : Vous serai donc une sorte de chef d'orchestre du SI.
CB : Oui et aussi homme-orchestre, car cela demande de multiples
compétences.
Le message RGPD est passé au niveau de la ville car le
CIL actuel est dynamique sur le sujet, mais il y a un gros travail en terme de
sensibilisation au niveau de la Métro. Certains services sont communs
à la Métro et à la ville, notamment la DSI qui est
mutualisée, mais d'autres sont parallèles et n'ont pas le
même niveau d'information.
Mais l'actualité joue en notre faveur, car il y a le
cas de la ville d'Atlanta qui a été piratée au mois de
mars. On leur demandé de payer 50000 dollars, mais ils ont surtout
dû revoir toute leur sécurité après l'incident, pour
un coût de 2,7 millions de dollars ! Leur réveil a
été très douloureux.
D'où l'intérêt d'être proactifs et
de ne pas attendre d'être confronté à un problème
pour
réagir.
Ce qu'il manque en France, c'est de la transparence. J'ai
l'impression qu'il y a une sorte d'omerta sur les incidents, on ne sait pas
tout. De ce fait le RGPD va obliger les organisations à déclarer
qu'ils se sont fait pirater et cela peut aussi faire avancer les choses. Car en
terme d'image, elles préfèreront mettre en place les moyens
nécessaires, plutôt que de devoir avouer qu'elles ont subi un
incident. Il est dommage que nous ayons actuellement si peu d'info sur le
piratage, notamment dans les administrations, ne serait-ce que des statistiques
anonymes par secteur. Cela ferait peut être réagir les autres.
MD : Pouvez-vous m'en dire plus sur la nature des
données personnelles qui sont manipulées au sein de la
Métro ? Quel est leur niveau de sensibilité ?
Mathieu DARMET - Mémoire de fin d'étude - Business
Manager 2018
CB : Il y a de tout. On peut avoir des
données médicales, je pense notamment aux CCAS, qui ont aussi des
informations sur le revenu des personnes, les prestations dont ils
bénéficient, leur niveau de précarité... Donc des
données vraiment sensibles et ils découvrent seulement la
menace.
Nous avons aussi des télé-services qui
collectent de la donnée, qui doivent être homologués et qui
à ma connaissance le sont tous. Il y a par exemple le paiement des
amendes de stationnement, ou plutôt « d'occupation du domaine public
» aujourd'hui, sur lequel l'usager peut désormais payer en ligne,
ce qui nécessite donc une homologation. Mais je n'y ai pas
assisté, tout était déjà fait lorsque je suis
arrivé.
MD : Savez-vous si ces données sont
partagées avec des tiers ?
CB : Non, elles n'ont pas vocation à l'être.
MD : Qu'avez-vous entrepris en terme de
cryptage, d'anonymisation ou de pseudonymisation des données ?
CB : Je n'ai pas vraiment de vision sur ces aspects, mais je
suppose qu'il y aura aussi un travail à faire sur le sujet. Je pense que
le concept même de durée de vie d'une donnée n'est pas
encore intégré. Nous avions récemment le cas d'une
application qui contenait les informations sur tous les personnels qui sont
passés par ce service et qui aurait dues être supprimées.
Il y aura aussi sur ce sujet un travail d'information sur la conservation des
données, combien de temps nous pouvons la conserver, comment nous la
supprimons ou nous l'anonymisons pour pouvoir l'utiliser statistiquement.
MD : Il faudra donc être capable
d'identifier les données concernées.
CB : Cela fait partie de la mission que
devra remplir le prestataire qui a été choisi par la
Métro, comme l'a entrepris le CIL de la ville dans le cadre de son
inventaire des traitements.
Nous n'avons plus besoin de déclarer nos traitements,
mais il faut que nous tenions un registre que nous puissions présenter
à la CNIL en cas de contrôle.
MD : Et concernant l'information des
individus qui font l'objet du traitement, savez-vous ce qui est prévu
?
CB : Normalement cela devait déjà être
spécifié par rapport à la loi Informatique et
Liberté. Ce qui change, c'est surtout dans le cadre des sollicitations
par mail, qui doivent comporter un certain nombre de mentions. Je pense qu'il y
a une bonne conscience lorsque nous collectons les données des
administrés, mais ce n'est pas le cas en interne. On envoie un mail
général à tout le monde, mais on ne propose pas la
possibilité de se désinscrire, alors que c'est une obligation.
Même en interne le RGPD s'applique sur ce point, car le mail peut
contenir des informations personnelles, à partir du moment où des
individus y sont nommés.
Mathieu DARMET - Mémoire de fin d'étude - Business
Manager 2018
MD : Et pour les demandes de suppression
d'informations ? C'est peut-être un peu spécifique, puisqu'il ne
s'agit pas de clients mais d'administrés...
CB : C'est le même principe pour la portabilité
des données ou leur consultation. Je ne sais pas encore comment nous
allons traiter cela, mais il faudra être en capacité de
répondre.
MD : J'ai d'ailleurs lu que cela risque de
générer des coûts de traitement non négligeables
pour les organisations, qui pourraient même justifier une participation
« raisonnable » de la part du demandeur. Mais je ne sais pas si cela
sera applicable dans l'administration...
CB : Cela est aussi valable en interne, car un agent pourra
aussi aller voir les RH et demander à voir toutes les données qui
le concernent. Il y a eu des cas où certaines directions s'y sont
opposées, mais elles ne pourront plus refuser. Mais c'est plutôt
une bonne chose, car ces nouveaux droits vont aussi éveiller l'esprit
des gens, qui ne voyaient pas toujours d'importance à ce que leurs
données soient stockées un peu partout. Ils ne voyaient pas
spontanément en quoi le fait que Google sache qu'ils sont allez à
Carrefour, puis à Décathlon, pouvait avoir un
intérêt. Sauf que cumulé avec les comportements d'autres
individus, cela prend une toute autre dimension.
MD : C'est précisément ce que
j'aimerais faire ressortir de mon mémoire.
CB : En compilant l'ensemble de ces informations, on est
capable de créer des profils et de faire du ciblage. C'est ce que les
gens doivent maintenant intégrer. J'ai volontairement activé la
géolocalisation de mon smartphone, pour voir ce que ça collecte.
Partant aussi du principe que même si je l'ai désactivé,
ils arrivent quand même à le faire. C'est assez délirant,
ils sont capables de ressortir où nous étions la semaine
précédente, ce que nous avons acheté, dans quel magasin et
complétement à notre insu. Si on le demandait directement au
gens, ils le refuseraient tous catégoriquement.
MD : C'est aussi lié à nos différences
culturelles, par rapport aux utilisateurs américains, qui ne
perçoivent pas cela comme une atteinte à leur vie privée.
Je pense que nous avons une carte à jouer pour sur le plan
international, pour limiter ces dérives.
CB : Finalement, ils commencent à trouver que nous
n'avions peut-être raison. C'est notre seule carte à jouer, car
sur les technologies on a tout vendu à l'international. Je l'ai bien vu
à Lille lors de la cyber conférence, avec des jeunes
entrepreneurs sur des projets innovants, qui donnent le sentiment que la
finalité consiste à être rachetés par une
multinationale. Il faudrait avoir une réflexion globale à
l'échelle européenne et dire stop. Il faut que nous
développions le projet chez nous, qu'on puisse injecter des capitaux
européens. Tous les produits innovants se font racheter. Il y avait
l'entreprise slovaque ESET, qui éditait des antivirus, qui était
bien placé et a été racheté par une structure
américaine. Il y avait aussi des chercheurs à Montpellier qui
avait développé un outil d'analyse de données et c'est la
NSA qui l'a racheté.
Mathieu DARMET - Mémoire de fin d'étude - Business
Manager 2018
MD : Mais tout le problème c'est que
ces sociétés se voient proposer des montants que nous ne leur
proposons pas ici.
CB : Il faudrait aussi que ces créateurs prennent
conscience qu'il n'y a pas que l'argent, il en faut et c'est normal que leur
travail soit reconnu, mais il faudrait qu'on les encourage à continuer
et pas qu'ils aillent tout de suite vendre leur projet. Ce qu'on ne voit pas,
c'est que dans le monde d'internet, c'est la guerre actuellement. C'est ce
qu'on nous expliquait à l'école militaire. Dans la vraie vie, des
hommes en vert tirent sur d'autres hommes en vert, il y a des règles, un
engagement... Alors que sur le Net, il n'y en a pas, les hommes en vert peuvent
taper sur des civils et ça ne se verra pas toujours. Si on ne se
protège pas sur ce terrain, que l'on revend nos compétences et
savoir-faire ailleurs, on devient vulnérable et dépendant. On a
déjà perdu la maîtrise des équipements, nous ne
sommes plus capables d'en fabriquer en Europe, tout est fait en Asie, donc on a
perdu la maîtrise. Au niveau développement, on sous-traite aussi
dans d'autres pays à bas coûts. Puis lorsqu'on a un produit
innovant, on laisse aussi partir et il quitte l'Europe. Là on commence
à initier quelque chose, qui peut faire bouger les lignes.
MD : Oui et on ressent déjà
les impacts outre atlantique, car ils ont maintenant des contraintes s'agissant
du traitement de nos données.
CB : Oui, comme leur business est impacté, là ils
s'adaptent.
MD : Qu'est-ce qui vous semble le plus
compliqué ou difficile à mettre en oeuvre dans le cadre du RGPD
?
CB : Le plus compliqué sera d'être en mesure de
détecter qu'on a un souci de sécurité. Que ce ne soit pas
les médias qui nous en informent. Ce serait gênant
vis-à-vis de tous les administrés de la ville ou de la
métropole. C'est ma crainte principale et la difficulté consiste
aussi à le faire comprendre à nos dirigeants. L'enjeu est
là pour eux-aussi, en terme d'image, le jour où les
données auront été détournées, ce ne sera
pas sans conséquence pour nos élus.
MD : Vous avez envisagé un rétro
planning, des dates butoirs ?
CB : Non c'est encore trop tôt pour l'envisager. Rien
que sur mon périmètre de cyber sécurité, il y a
tellement de chantiers à lancer que ce serait difficile. Certes le cadre
réglementaire, les a poussés à prendre un prestataire,
mais si le reste ne suit pas, ça n'a pas de sens. Mais en tant que RSSI,
le règlement est un excellent levier pour faire avancer les sujets. Mais
je pense qu'il y avait déjà eu une évolution des
mentalités en 2004. Je l'ai constaté à l'époque
lorsque j'ai intégré le CNRS, où mon
prédécesseur me disait qu'avant personne ne tenait compte de ses
préconisations et ne voyait que les aspects contraignants.
On a aussi un contexte particulièrement favorable,
avec le RGPD, une recrudescence de cyber attaque depuis l'année
dernière, les pays qui structurent leurs armées cyber. On voit
d'ailleurs que les conflits usent de plus en plus du numérique, comme la
Russie qui est capable d'arrêter des centrales électriques, ou de
provoquer des pannes sur les réseaux de télécommunication.
Les états ont intérêt à maîtriser ces outils
pour déstabiliser les autres. Et
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Manager 2018
nous collectivités, sommes des entités
sensibles et c'est le message qu'il faut arriver à faire passer. Si une
puissance veut déstabiliser la France, elle commence par attaquer de
petites entités administratives à droite à gauche et cela
provoquera une réaction en chaîne.
MD : C'est le même problème avec le terrorisme.
CB : Pour l'instant les attaques identifiées comme
étant menées par Daesh étaient basiques. On n'est loin de
la puissance de frappe que peut avoir la Chine ou la Russie, qui ont des
experts et en quantité.
La France commence à changer, avec la création
de la réserve Cyber Défense, qui consiste à créer
une réserve de professionnels déployée sur le territoire
pour remédier à des problèmes de cyber attaques globales,
qui atteindraient des banques, tout ce qui fait que le pays fonctionne.
MD : Face à une attaque de ce type,
vous serez donc mobilisé en tant que réserviste et envoyé
sur telle ou telle mission.
CB : Absolument, le but est d'aider des entités
civiles. Actuellement nous sommes environ 400, mais l'objectif est d'être
4000.
MD : Et c'est eux qui vous ont approché
?
CB : Non, j'en ai entendu parler à l'école
militaire et comme j'étais sensibilisé, je me suis dit pourquoi
pas. Il y aussi un chantier énorme pour les individus, qui ne sont
absolument pas sensibilisés aux risques cyber. Que ce soit dans
protection de leurs ordinateurs et du chiffrage des données qu'ils
contiennent. Il y a bien sûr le vol crapuleux de la machine physique que
tout le monde comprends bien, mais ils ne perçoivent pas tellement que
c'est aussi ce qu'elle contient qui est convoité.
C'est un vaste chantier, d'autant que maintenant, 80% des
incidents proviennent de l'utilisateur. On peut avoir les meilleurs
systèmes de pare feu ou anti-virus, si l'utilisateur n'a pas le bon
comportement, le problème vient de l'intérieur et ces dispositifs
ne servent à rien. Ce n'est même pas forcément la faute de
l'utilisateur, il n'en a pas conscience ou ne sait pas comment réagir.
C'est aussi la responsabilité des personnes en charge de la
sécurité de faire en sorte que cela change.
MD : Je m'en rends bien compte en tant qu'utilisateur et
même en ayant travaillé dans l'informatique, je n'ai jamais eu de
formation spécifique ou rarement de directives précises quant
à la manière dont je dois me comporter.
CB : Nous sommes toujours dans un modèle
réactif, on fait signer une charte informatique, sans s'assurer que le
salarié comprenne ce qui est écrit dedans. On attend de la part
des salariés un certain comportement, sans leur expliquer comment
reconnaitre une menace ou avoir ce bon comportement. Alors que lorsqu'on
s'emploie à faire de la pédagogie,
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on fait rapidement ouvrir les yeux au gens. Je le vois dans
mon ancien poste, je pense que quand je suis parti, les gens étaient
bien sensibilisés, mais cela a pris du temps, mais il y a eu de gros
progrès.
MD : Le problème est que cela repose
sur des bonnes volontés. On le constate à l'école,
où certains professeur vont sensibiliser les enfants au numérique
et pas d'autres, car ce n'est pas forcément imposé au
programme.
CB : La sensibilisation du personnel fait partie des
chantiers à lancer en interne. Cela représente un investissement
au départ, mais il faut le ramener à ce que coûterai un
incident lié à une mauvaise utilisation. Si on reprend l'exemple
d'Atlanta, les personnels n'ont pas travaillé pendant une semaine, les
impôts et taxes ne rentrées plus, plus rien ne fonctionnait.
J'avais aussi lu un article, qui évoquait une ville californienne dont
la billetterie s'était fait pirater, avec les gens prenait le
métro gratuitement pendant 3 jours et des répercutions
liées à la remise en route des outils.
Pour faire changer les mentalités, le RGPD est un bon
argument et il faut que les gens le portent vraiment. Il faut aller
au-delà de la sanction réglementaire et bien expliquer pourquoi
on le fait et leur donner des exemples concrets des bénéfices
qu'il aura dans la vraie vie. Il y aussi les acteurs comme la CNIL qui
communique beaucoup, notamment dans leurs derniers guides qui sont
synthétiques et faciles à appréhender. L'ANSI produit
aussi des documents, qui sont énormes, mais l'information à faire
passer l'est aussi. Le problème c'est qu'on a accumulé des
années sans rien faire et que maintenant il faut mobiliser les gens. On
sait que le timing ne sera pas respecter, mais parce qu'on a fait l'autruche et
que les gens se sont seulement réveillés il y a 6 mois, à
part les commerciaux qui communiquent depuis plus un an, il y en a partout et
ce n'est pas toujours à bon escient. C'est dommage que les entreprises
et les administrations ne s'en soient pas préoccupé avant.
Mathieu DARMET - Mémoire de fin d'étude - Business
Manager 2018
ANNEXE 2 - Romain Ivoy - EVOS Infogérance
GUIDE D'ENTRETIEN
- Quelles sont les démarches ou réflexions qui ont
été entreprises au sein de votre structure ?
o Dans votre fonctionnement interne ? Vos outils de
communication, démarches marketing ? Type de données
collectées, usage, conservation ? Accompagnement, experts,
conseils...
o DPO, groupe de travail
o Dans les services ou l'accompagnement de vos clients ?
Ont-ils pris la mesure de leurs responsabilités ? PME,
peu responsabilisés
? Gros sont largement interpellés >
Démarches
? PME certains en parlent diffus
? Aucune réflexion petits clients > Occupé
par leur activité
Avez-vous eu des demandes particulière (cryptage,
recensement, documentation...) : Procédure d'effacement des
données pour vos clients ; demandes de certification ou label CNIL ;
analyses de risques/impact PIA (Privacy Impact Assesment) ou audit...
o Avez-vous révisé vos contrats clients et
sous-traitant ? Clause de garantie ?
o Avez-vous souscrit une cyber assurance ?
- Quelles adaptations techniques avez-vous réalisé
pour garantir la sécurité de vos données ? Quels impacts
économiques ? Investissements ?
- Pensez-vous que cette réforme constitue une contrainte
ou une opportunité pour l'entreprise ?
- Pensez-vous que ces dispositions soient suffisantes ? Quelle
est votre analyse ?
- Vous évoquiez plusieurs idées lors de notre
échange téléphonique - Pouvez-vous les développer
?
o Une forme de protectionnisme économique européen
face aux GAFAM ?
o Développement d'un business opportuniste autour du
sujet pas toujours justifié
o Adéquation des textes avec la réalité et
disparité entre les types d'entreprises
Mathieu DARMET - Mémoire de fin d'étude - Business
Manager 2018
TRANSCRIPTION DE L'INTERVIEW Romain
Ivoy
Le 26/04/2018 à Saint-Ismier Responsable Technique,
associer Prestataire de service informatique
Mathieu Darmet : Romain Ivoy, quel est ta
fonction chez d'Evos Infogérance ? Responsable Technique ?
Romain Ivoy : Oui on peut dire Responsable
Technique.
MD : Je suis venu t'interroger sur le RGPD
et les données personnelles en générale, voir sur
l'identité ou la responsabilité numérique des individus.
J'aimerais notamment savoir ce que vous avez fait en interne, ce que vous
collectez, comment cela impacte votre démarche marketing ou votre
communication.
RI : Pour ce qui est des aspects marketing
et communication, nous n'avons pas d'activité. Notre métier
consiste à être le service informatique de nos clients et pour lui
changer son prestataire ou son service informatique, c'est cycle long.
Ça ne marchera pas avec une campagne d'emailing, c'est des
opportunités et des relations qui se créent. Il n'y a pas
spécifiquement de démarche marketing, en tout cas dans notre
société. Donc nous n'avons pas de problématique de
données personnelles à ce niveau. On va utiliser des
réseaux d'influence et c'est des gens chez nous qui sont dans ces
réseaux qui vont ouvrir les portes, trouver les contacts et ensuite on
engagera une démarche avec les prospects. Aujourd'hui, nous n'avons pas
de démarche de communication massive, ce qui nous simplifie la vie.
MD : Sur le plan du RGPD c'est certain.
En terme d'organisation et vis-à-vis de vos
traitements internes, est ce que vous avez mis en place des procédures,
nommé un DPO ?
RI : Nous n'avons pas besoin de DPO, mais
nous avons la particularité d'être service informatique pour nos
clients. De ce fait, nous sommes sérieusement impactés par le
RGPD, au moins du point de vue du temps que l'on passe à en discuter.
Par rapport à nos propres outils, qui nous permettent de faire la
maintenance et d'accéder à l'ensemble des systèmes
d'information de nos clients. C'est donc une vraie question pour nos clients.
Nous avons aussi les aspects légaux sur nos contrats à traiter,
les clauses de non divulgation pour nos salariés, mais qui existent
déjà, puisque n'importe lequel de nos techniciens qui intervient
chez un client a potentiellement accès à des données, il
peut les manipuler, les copier. Sur notre activité de support, nous
sommes en train d'apporter quelques fonctionnalités
supplémentaires, entre autres pour les prises en main à distance
et qui découlent directement du RGPD. Nous avons un mode de
fonctionnement où tout est centralisé par nos outils. Un
technicien ne peut pas faire de prestations chez un client sans que cela passe
par nos outils-métier. Beaucoup d'intervenants utilisent par exemple du
Team Viewer ou des outils gratuits pour se connecter chez leurs clients. Mais
l'inconvénient c'est que le client n'a aucune visibilité sur ce
qu'ils font, il n'y a aucune traçabilité possible. Depuis la
création de notre société, ces pratiques n'existent pas.
Tous les
Mathieu DARMET - Mémoire de fin d'étude - Business
Manager 2018
outils sont internes à l'entreprise et chaque
technicien qui se connecte est tracé et doit systématiquement
renseigner le numéro de dossier concerné. Lorsqu'on se connecte
à distance sur un serveur, on a automatiquement un pop-up qui lui
demande d'identifier le dossier pour qu'il puisse réaliser
l'intervention. On sait qui est la personne et pourquoi elle est là, ce
qui nous permet de restituer au client l'ensemble des actions effectuées
sur les machines, dans quel cadre, par qui et combien de temps nous avons
passé.
MD : Et vos clients, est-ce qu'ils en ont
pris la mesure ? Est-ce qu'ils vous interrogent sur le RGPD ?
RI : Ce sont des PME et il y a 3 cas de
figure. Les plus gros qui sont harcelés par les différentes
communications commerciales, ont commencé à engager des
démarches et se sont déjà tournés vers nous pour
valider les choses. Nous avons les sociétés plus petites
où de temps en temps on nous en parle, mais c'est très diffus. Et
pour les tout petits clients, ils n'ont eu aucune réflexion et la
plupart d'entre eux ne savent même pas ce que c'est. De toute
façon, ils ont déjà du mal à assurer leur charge de
travail au quotidien, donc ne vont pas s'occuper de choses subalternes, pour
lesquelles il n'y a pas eu de communication et personne n'a pris le temps de
regarder.
MD : Oui, ils en ont au moins entendu parler et
il y a des contraintes.
RI : Dans une PME de 5 ou 6 personnes, c'est
en général le dirigeant qui gère ces sujets et c'est une
contrainte parmi d'autres, qui sont toujours plus urgentes. Etant acteur
informatique nous nous en sommes forcément occupés. Pour nous il
y avait deux axes, l'un interne pour la mise en conformité juridique, ce
qui nous rappelle bien que la RGPD est avant tout un problème juridique,
sur lequel les gens de l'informatique ne peuvent qu'accompagner dans la
traduction des moyens. Le prestataire informatique va être là pour
faire la translation entre les aspects très techniques et les besoins
des juristes. Nous avons donc pris rendez-vous avec notre juriste, pris
l'ensemble des contrats relatifs à notre activité, et lui
expliquer ce qu'on fait et notre juriste met un plan d'action en place pour
notre société. Compte tenu de notre taille, nous n'avons pas le
temps de nous en occuper. On ne peut ni détacher la personne et on n'a
pas obligatoirement les compétences pour traduire le texte correctement.
On est tous capable de lire du français, mais l'interprétation
d'un texte de loi c'est un métier. Mais quand on pense ne serait-ce
qu'à la définition de ce qu'est une donnée à
caractère personnel, c'est déjà une aventure. Par exemple
est ce qu'on est obligé de déclarer le carnet d'adresses Outlook
de ses salariés ? Puisqu'une fiche de contact, c'est bien une
donnée personnelle, qui identifie de manière explicite un
individu par son nom, son prénom, son numéro de
téléphone mobile, son adresse mail.
MD : Mais il y a aussi une question de
sensibilité de ces données personnelles.
RI : Là attention, il y a les
données à caractère personnel et ensuite celles qui se
rapporte à des sujets spécifiques, comme la santé
notamment. Mais ce dont parle le RGPD, au sens général du terme
c'est bien des données à caractère personnel, avec un
volet pour les données sensibles, avec des obligations
spécifiques. La personne qui s'occupe de l'administratif dans une PME,
qui a reçu des tonnes de documents, va me demander ce qu'elle doit
déclarer : « ma base
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de gestion, mon fichier de paie, je fais comment ? »
Nous allons pouvoir l'aider à recenser ses données d'un point de
vue informatique, car en général dans l'entreprise une personne
n'a pas une visibilité transversale, mais plutôt verticale. Elle
voit ce qu'elle utilise, mais ne sait pas forcément qu'à
l'atelier ils ont mis en place des plannings, avec le nom des personnes, leurs
numéros de téléphone pour les astreintes, ils se sont
peut-être arrangés entre eux. Comme chaque personne passe par nous
à un moment, pour savoir comment traiter ses données, comment on
va les sauvegarder, on a une vision des demandes en entrée et une vision
du système dans son ensemble. On peut donc faire l'inventaire du
système de manière exhaustive et c'est là que l'on peut
accompagner le client, pour recenser les informations.
MD : Donc vous avez eu des demandes de missions
particulières vis-à-vis du RGPD.
RI : Quand on nous aborde sous cet angle, on
leur explique ce qu'on connait de la RGPD, on leur demande de se retourner vers
leur juriste, car il va y avoir des modifications dans les contrats de travail,
une charte informatique. Est-ce qu'une charte informatique peut-être
rédigée par un technicien informatique ? Je ne suis pas sûr
qu'elle soit légale à l'arrivée. Ensuite on peut
l'accompagner par rapport à son besoin, mais on ne va pas se lancer dans
un inventaire, qui prendrait des jours. On est peut-être de mauvais
commerciaux, mais tant qu'on ne connait pas l'obligation légale de ce
client, on le rassure dans un premier temps, car c'est avant tout le
problème qu'on va rencontrer dans une petite structure. En plus si notre
interlocuteur n'est pas le dirigeant et qu'il est le seul à en avoir
entendu parler, il n'est pas forcément audible. Le RGPD vise
différentes choses, c'est comme toute procédure qualité,
qui entraine des contraintes, mais pour moi, la vraie question, c'est comment
l'utiliser à des fins pertinentes dans l'entreprise. Est-ce qu'on le
fait juste pour être certifié, ou est-ce qu'on essaie
d'améliorer nos process. Pour moi, cela doit être abordé
sous forme de valeur ajoutée. Nous l'utilisons nous aussi au travers de
nos clients, pour valoriser nos prestations.
On va leur donner les éléments qu'ils pourront
eux-mêmes valoriser auprès de leurs clients, dans leurs propres
prestations grâce aux mécanismes qu'on a mis en place au niveau de
l'informatique.
MD : C'est-à-dire ?
RI : Sécurité, sauvegarde,
tolérance de pannes, moyens mis en oeuvre, période de support,
astreintes, qui permettent à nos clients de dire qu'ils ont une
continuité d'activité. De dire que les entrées/sorties et
les droits sont contrôlés, qu'ils sont aux normes et de le
garantir à leur client : « si vous avez besoin, on peut ».
Cela permet à nos clients de se positionner avec un niveau de
fiabilité de leur système d'information qui est
déjà plus élevé que celui de leurs concurrents.
Cela leur permet d'arriver sur le marché avec un autre niveau de
critères et de créer une barrière à
l'entrée, car le client va demander aux autres s'ils l'ont aussi. Du
coup, leur client ne sait pas vraiment pourquoi, mais si c'est moins bien en
face, il en tiendra compte. Donc si nos clients interviennent dans
l'aéronautique, de la chimie ou vis-à-vis de domaines qui sont
réglementés, ils pourront, même en tant que PME,
échanger avec le service informatique de leurs clients. C'est donc une
valeur ajoutée pour eux et une différenciation par rapport aux
tailles de structures, parce qu'ils accèdent à des moyens qui ne
sont pas normalement mis en place. Là on aborde un autre point de la
réglementation que l'on peut traduire sous forme de valeur
ajoutée, à savoir : comment je transforme cette contrainte
réglementaire en avantage
Mathieu DARMET - Mémoire de fin d'étude - Business
Manager 2018
concurrentiel. Dans notre cas, grâce à cette
réglementation, cela permet d'éliminer un certain nombre
d'acteurs ou de leur créer des difficultés dans leur business.
MD : En d'autres termes, cela vous permet de
mettre en avant une valeur ajoutée qui n'était pas
forcément perçue par vos clients.
RI : Il ne faut pas aller trop loin non
plus, mais nous sommes toujours partis du principe que : pourquoi faire mal,
alors qu'on pourrait faire bien avec les mêmes ressources ? Si on est
bien préparé, on peut faire sa prestation proprement,
plutôt que tout faire dans le désordre en se débrouillant
pour que ça marche en partant, mais c'est de l'à peu
près... On s'est toujours focalisés sur cette approche, en
partant des bonnes pratiques, quitte à détourner quand on
rencontre un problème ou pour certains usages, mais nous respectons nos
process. On l'a vérifié ces dernières années, avec
des PME qui ont été rachetées par des grands groupes. Le
risque était de perdre notre client et les groupes en question ont
finalement recontracté avec nous, parce que ce qu'on leur fournissait
était tout à fait compatible avec leurs méthodes de
travail. Donc comme le service informatique de ces groupes est relativement
loin du site que nous gérons, pourquoi s'embêter à modifier
des choses qui fonctionnent parfaitement. Après lorsqu'on arrive sur des
clients plus petits, qui n'ont pas ces problématiques et ces
contraintes, on est plus chers et plus contraignants.
Mais depuis le vote de la loi en 2016, nous avons quand
même eu pas mal d'éléments qui sont venus heurter l'opinion
en matière de sécurité. Le sujet de la
sécurité numérique est devenu un sujet un peu plus
présent pour le commun des mortels, avec Facebook, Snowden, les
ransomware, qui sont des évènements très
médiatisés. Mais c'est un peu comme la peur du gendarme,
ça ne dure qu'un certain temps et les moyens et volontés se
diluent avec le temps. Donc ce qui n'est pas fait sur le moment, ne sera pas
fait, ou on attendra le prochain scandale pour réagir.
L'avantage de la législation c'est qu'elle va
permettre de définir une norme. Je rappelle que dans le domaine des
systèmes d'information et de l'informatique, il s'agit
d'éléments critiques qui permettent de faire fonctionner
l'entreprise. C'est le système nerveux de l'entreprise, mais il y a
beaucoup de sociétés en France qui ne redémarrent pas si
elles rencontrent un sinistre informatique, car elles ne le maîtrisent
pas. L'entreprise a tendance à considérer que type d'outil, c'est
comme l'électricité : on l'allume ça fonctionne et tout le
monde l'utilise. Il y a un bouton, j'appuie, ça doit marcher. Mais elle
oublie que contrairement à l'énergie, l'entreprise est
responsable de la production de son information.
Réfléchis aux structures dans les quelles tu as
travaillé, y compris avec moi. Aucunes n'étaient en mesure de
garantir qu'elles pourraient retravailler après un sinistre majeur.
Parce qu'on se consacrait à notre métier et que cela demandait de
gros investissements. Le risque se multiplie, avant on abordait les risques
liés aux sinistres naturels, aujourd'hui il est aussi numérique
et il s'amplifie.
Avec le RGPD, les gouvernements envoient aussi un autre
signal. On s'aperçoit que c'est comme avec un ascenseur, il faut un
entretien et si on laisse les gens le faire d'eux-mêmes, ils ne le font
pas. Donc on est obligé de contraindre et c'est ce qu'essaie de faire
l'Europe avec le RGPD. Elle cherche d'un côté à
protéger les données des citoyens européens et de l'autre
à créer un levier de compétitivité pour les
entreprises européennes, parce qu'on est très en retard sur le
numérique. Sur le traitement des données à
caractère personnel, sur le traitement de masse, tout simplement
inexistant.
Mathieu DARMET - Mémoire de fin d'étude - Business
Manager 2018
On a des compétences sur des domaines pointus et
techniques du traitement de la données, avec des mathématiciens
et de hautes compétences universitaires, mais nous n'avons pas su mettre
en place les géants permettant de traiter la masse de données
nécessaire. On n'a pas les tailles critiques. L'Europe est prise entre
la Chine et les Etats Unis, avec des acteurs majeurs, qui ne sont pas
forcément que les GAFA qu'on connait, mais qui sont tout aussi puissants
: Alibaba et autres. L'Europe a donc fait ce qu'elle sait bien faire, elle
légifère...
MD : Oui mais l'Amérique du Nord, qui a plutôt
une autre culture vis-à-vis des données personnelles, est en
train de se poser des questions, notamment suite aux détournements de
données qui ont été médiatisés et ont pu
influencer leur électorat.
RI : C'est vrai que quand on est
américain, imaginer qu'un ancien du KGB ait pu mettre quelqu'un à
la tête de son pays, c'est assez terrible. Ce que je constate aux Etats
Unis, c'est que tu fais d'abord puis tu sanctionnes à postériori.
Là, nous légiférons avant de faire, ce qui est
inhérent à notre fonctionnement, on le retrouve dans notre droit
ou dans d'autres domaines. On a une inversion des normes par rapport à
eux. Aux Etats Unis, ils attendent d'avoir franchi la ligne rouge. Zuckerberg
va devoir s'expliquer devant le Congrès et là ils vont
peut-être lui taper sur les doigts et peut-être changer les
règles.
Nous, on légifère pour éviter que cela
arrive, mais est-ce que ça va être compatible avec le
développement économique ? Est-ce qu'on va être mesure de
concurrencer ces acteurs américains ? Il est donc intéressant de
confronter les deux méthodes.
Mais la manière dont le texte a été fait
le rend extrêmement complexe à appliquer. Il est complexe à
interpréter et dans l'année qui vient, on entre surtout dans une
phase où on va faire des efforts.
MD : C'est d'ailleurs ce que la CNIL entend
mesurer, à s avoir ce que les entreprises auront mis en place dans
l'esprit du RGPD.
RI : On va faire des efforts, mais je pense
qu'on ne va pas s'énerver plus que ça, parce qu'on
s'aperçoit qu'il n'y a pas grand monde qui est capable de
répondre avec certitude sur ces sujets. Plus globalement, il y a aussi
certains domaines du texte qui sont très larges et qui vont à mon
avis nécessiter quelques cas d'école et procès pour avoir
des jurisprudences. Pour le moment le texte de loi est tellement ouvert, que
l'interprétation que va en être faite sera très importante.
Il faudra attendre ces premiers jugements pour commencer à avoir des
réponses un peu plus précises.
Cela rappelle l'usage de la messagerie en entreprise il y a
quelques années, qui a engendré quelques procès, avec des
jugements opposés sur des cas pourtant assez similaires.
L'interprétation de la loi en fonction du juge était
différente. Pour les PME comme nous, on met quelques moyens et on
investit du temps sur le RGPD et on pourra démontrer notre bonne foi
dans la démarche. Il ne peut pas y avoir d'objectif et d'engagement de
résultat aujourd'hui.
MD : Avez-vous des clients qui vous ont
interpellés sur des procédures d'effacement des données
?
Mathieu DARMET - Mémoire de fin d'étude - Business
Manager 2018
RI : Non en aucun cas. Nos clients ne
produisent pas de la donnée brute, ils utilisent des logiciels. Donc il
serait bon que les logiciels intègrent ces paramètres et on
s'aperçoit que ce n'est pas le cas. On a d'ailleurs certains acteurs qui
fournissent leur logiciel en mode locatif, comme un accès au service.
Donc leur responsabilité va un peu se transformer, car le client
accède à un service qu'ils gèrent.
Pour l'instant, ils mettent en avant le fait de respecter les
données de leurs clients, mais ils n'ont pas encore mis en place tous
ces mécanismes de gestion de la donnée dans le temps et n'ont pas
fourni les outils pour que l'utilisateur puisse le faire. Le RGPD arrive aussi
à un moment où notre monde est en mutation complète, dans
son fonctionnement et dans la manière de faire du business.
L'informatique évolue aussi, ne serait-ce que dans les
termes utilisés, on parle d'ESN, de responsables numériques, on
cherche des data scientistes, on parle de big data... La transformation est
très forte et la RGPD arrive en même temps. Ce que je
perçois c'est que pour le PME historiques, leur numérisation est
encore très abstraite et compliquée. Avec le RGPD qui s'applique
par-dessus, cela devient difficile à digérer. C'est plutôt
les acteurs du marché, qui en se mettant aux normes vont automatiquement
entrainer leurs clients dans la norme et c'est comme ça que le
marché va se structurer. On arrive dans un marché où on
n'est plus forcément propriétaire de son système
d'information, on consomme des services qui vont interagir les uns avec les
autres. Donc si tous les services sont aux normes, la question ne se pose
pas.
MD : Il restera la manière dont sera
utilisé le système d'information et ceux qui ne joueront pas le
jeu.
RI : Dans ce cas c'est une violation de la
loi. Le débat est récurent, notamment avec Facebook dont les
conditions d'utilisation et ce qui est fait des données n'a jamais
été très claire. Le sujet reviens
régulièrement sur la table depuis 10 ans, même si cela
prend des proportions plus importantes aujourd'hui. Des études
démontrent que les jeunes utilisateurs sont devenus très
sensibles à l'utilisation de leurs données personnelles et qu'ils
en ont pleinement conscience. Par contre, ils n'ont pas tellement
modifié leurs usages pour autant.
MD : Cela nous amène au niveau de
sensibilisation et d'éducation de ce public, qui est assez peu
cadré.
RI : En tant que parent, il me semble que
c'est à toi de le faire. Pour moi, ce n'est pas forcément le
rôle de l'école et c'est aux parents de s'occuper au sens large de
l'éducation de leurs enfants. On apprend à son enfant par exemple
qu'il faut faire attention au passage piéton. L'école fait des
journées de sensibilisation sur la sécurité
routière, mais c'est plus un rappel des bonnes pratiques et cela peut
traduire une insuffisance de la part des parents sur ce sujet. Pour le
numérique, l'usage est surtout fait sous le contrôle des parents.
Donner une tablette à un enfant de 3 ans, revient à ne pas
assumer son rôle de parent, ne pas prendre du temps pour son enfant, ne
pas échanger avec lui... C'est l'occuper pour pouvoir faire autre
chose.
MD : De ce point de vu, je suis d'accord.
Mais partant du principe que les parents utilisent eux-mêmes le
numérique sans être suffisamment éduqués, il me
semble illusoire d'espérer les voir accompagner correctement leurs
enfants dans l'usage qu'ils en font...
Mathieu DARMET - Mémoire de fin d'étude - Business
Manager 2018
RI : Nous abordons là un sujet
beaucoup plus large, car en France le numérique apporte très peu
de productivité. On a investi dans le numérique depuis de
nombreuses années, il y a de l'informatique et des systèmes
d'information partout et on n'y trouve pas obligatoirement de gain de
productivité.
On s'aperçoit tous les jours que les gens en
entreprises ne savent pas l'utiliser, avec des utilisateurs qui impriment leurs
tableaux Excel et font des contrôles de sommes à la calculatrice,
avec ceux qui font du copier/coller pendant des heures et qui passent aussi des
heures à ressaisir les mêmes informations par ailleurs.
Cela revient à faire une activité manuelle avec
un outil numérique. Ils se demandent rarement comment ils peuvent
automatiser leurs tâches, ce qui est déjà un
problème fondamental, car par définition, l'informatique consiste
à automatiser des traitements.
L'utilisateur devrait donc face à ces situations se
rendre compte qu'il n'est pas en train d'utiliser l'outil de la bonne
manière. Sauf que ce n'est pas le cas, parce que lorsqu'on fait des
tâches répétitives, au bout d'un certain temps on a
l'impression d'être productif et ça nous rassure. Mais nous nous
éloignons du sujet.
MD : Pas forcément, car on est en
train de protéger les données des gens, mais on ne les
protège pas d'eux-mêmes...
RI : Il y a tout d'abord la culture
française et latine, pour laquelle le numérique et la
donnée sont encore des choses relativement abstraites. C'est devenu d'un
usage courant, pour les jeunes générations, comme pouvait
l'être à une époque le Rubik's Cube ou les baskets. C'est
des usages générationnels qui se sont ensuite
généralisés. Le smartphone, les réseaux sociaux,
c'est pareil, on ne reviendra pas en arrière.
Nous n'avons pas du tout la même approche du
numérique que les anglosaxons. Eux, vont protéger les
données, mettre en place des solutions et justement créer des
services qu'on ne créée pas. Ils ont une conscience du monde
numérique, il est palpable, il est tangible et a une valeur
monétisable. C'est très peu le cas chez nous les gens ont
très peu ce souci-là. A partir du moment où ça n'a
pas de valeur, pourquoi le protéger ?
On réagit aux effets de bord, mais nous se sommes pas
encore parvenus à rentrer dans ce monde numérique. Cela se
vérifie dans notre entreprise, car il est beaucoup plus simple de suivre
une prestation où l'on a du matériel à livrer, qu'une
prestation purement intellectuelle. Au niveau comptable et administratif, on va
réagir en disant, « ça s'était un gros truc »...
Non c'était juste un bien atomique, matérialisé, une fois
qu'on l'a livré, on ne l'a plus. Alors que nos prestations
numériques sont impalpables.
J'ai eu le cas récemment d'une société
de 300 personnes, qui a besoin de faire de la simulation pour leurs production
et ils ont un outil qui leur fournit des éléments pertinents et
exploitables. Le seul problème, c'est que pour faire les calculs cela
prend plusieurs jours et on a déjà terminé la production.
C'est normal, vous avez investi 2000 € dans le simulateur et le serveur
qui le fait fonctionner, alors qu'une machine adaptée aurait
plutôt coûté 30 000 €. Et là ils sont
tombés des nues. Je les ai ramenés au prix d'un véhicule
pour un de leur commercial, pour laquelle ils sont volontiers prêts
à mettre cette somme, en leur demandant pourquoi ils sont choqués
de devoir mettre cette même somme dans un matériel pourtant
crucial pour leur activité. Pourquoi ? C'est une question de poids ?
Mathieu DARMET - Mémoire de fin d'étude - Business
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Ils vont encore une fois valoriser le côté
palpable de leur investissement. Et quand on creuse, on s'aperçoit que
si leur simulateur fonctionnait plus rapidement, ils pourraient gagner 20
à 30 jours de production sur leur usine. L'investissement me semble donc
rapide à amortir, surtout par rapport à la voiture du
commercial... Je leur ai donc demandé quel est le bon choix si vous
n'aviez que 30 000 € ? Mon interlocuteur, m'a alors répondu
qu'étant l'utilisateur de cette voiture, il comprend bien.
On n'est donc toujours pas dans quelque chose de rationnel,
quand il s'agit du numérique. C'est des mécanismes qui sont
humains, mais c'est toute l'entreprise qui s'appuie sur le système
d'information et c'est un des rares postes sur lequel on ne prévoit pas
de budget et on ne sait même pas ce qu'il coûte comptablement. Si
on confronte le cas d'une chaine de production industrielle et celui d'une
chaîne numérique, avec des gens qui font entrer de l'information
dans le système, est-ce qu'il y a vraiment une différence ?
Prenons le cas d'un avocat, qui finalement produit du document Word à la
chaîne et de la prestation intellectuelle. Leur chaîne de
production est donc leur compétence et le système informatique.
Mais même pour eux, l'investissement informatique reste compliqué,
c'est juste un centre de coûts...
MD : C'est assez révélateur. Il y a un vrai
problème de perception.
RI : Avec ce problème de perception,
le fait d'arriver en bout de chaîne en parlant de protection des
données génère une certaine incompréhension. Alors
qu'aujourd'hui, ce public devrait réfléchir à comment
optimiser ses moyens de production, avec des chat bot pour les avocats, qui
vont rédiger leurs contrats automatiquement ou prendre en charge leurs
utilisateurs, augmenter en volume et faire des investissements dans les outils
de compétition de demain. En dehors de quelques visionnaires ou
personnes sensibilisées, la majorité est incapable de mettre le
prix qu'il faut dans ce genre de choses.
Quand nous avons à faire à des gens qui sont
réceptifs, on peut les interpeler sur les changements qui
s'opèrent. Nous assistons à la mise en place de villes
numériques, ce qui veut dire de la délinquance numérique,
des accidents numériques et il faut donc des pompiers et de la police
numérique. Pour schématiser, on est en train de transposer notre
monde dans le numérique, on peut pas se limiter à faire les
choses à moitié. Ou alors on continue à le faire au fil de
l'eau et on fait notre apprentissage dans la dureté. Mais nous sommes
face à des gens culturellement adaptés et formés, qui vont
tout de suite mettre en place des centres de production numériques
« sizés », sans les incidents de parcours.
MD : Donc de ce point de vu, le RGPD est une
aubaine.
RI : C'est une aubaine, parce que cela
oblige à y réfléchir, mais ça ne suffira pas
à opérer la transformation numérique que nous devons faire
en France et en Europe. Et ce n'est pas parce que nous avons quelques start up
de pointe, la fameuse « French Tech », que nous pourrons transformer
l'état d'esprit. D'autant que le tissu économique de base de la
France reste les PME et que ce tissu a énormément de mal à
s'adapter. Après, avec le changement de génération dans
les entreprises, nous allons commencer à avoir des ruptures.
MD : Dans ce cas, il faut peut-être
s'interroger sur sa typologie de clients. Ai-je envie de travailler avec des
gens qui ne sont pas prêts à mettre les moyens nécessaires
?
Mathieu DARMET - Mémoire de fin d'étude - Business
Manager 2018
11
Le RGPD - Contrainte légale ou opportunité
pour les entreprises ?
RI : Oui, mais peut-on se permettre le luxe de
choisir nos clients ?
MD : Non, évidemment...
RI : Ce serait tellement plus simple ! C'est
quand même ce qu'on essaie de faire, mais on a des clients qui
travaillent avec nous par choix et d'autres par hasard. Les seconds, ne
comprennent pas toujours tous les enjeux, c'est cher, mais finalement comme
tout se passe bien... On a eu des cas où nos clients ont
interrogé la concurrence et qui nous ont dit que finalement, ils
aimeraient que ce soit un peu moins cher, mais qu'ils veulent continuer avec
nous car ces concurrents n'ont rien trouvés à redire sur notre
travail. On sait très bien qu'on ne gardera pas certains clients, car
ils n'arriveront pas à percevoir ce qu'on leur amène et donc nous
ne sommes est pas le bon prestataire pour eux.
MD : Même si ce n'est pas
obligatoirement le rôle de l'école, c'est bien là où
je voulais en venir quand je parle d'un manque d'éducation et de
maturité sur ces sujets.
RI : En plus c'est un marché qui
évolue très vite, donc même si on investit dans
l'éducation, cela reste difficile. Une Mairie nous avait demandé
il y a plusieurs années de former son personnel au numérique et
à l'internet. C'était des précurseurs et nous avons pu
expliquer les bases aux utilisateurs.
Je suis sûr que ces gens sont encore aujourd'hui
beaucoup mieux à même d'utiliser leurs ordinateurs que ceux qui
arrivent aujourd'hui sur le marché du travail, car ils comprennent les
mécanismes.
On peut comparer ça au monde de l'automobile, tout le
monde conduit, mais ne sait pas pour autant comment fonctionne un moteur
à explosion. On a souvent vendu l'idée que ceux qui
étaient nés avec, maîtrisent mieux les choses. Donc dans
cette logique, tout le monde étant né après l'automobile,
tout le monde devrait maîtriser comment fonctionne la mécanique
!
MD : Oui, mais on leur fait au moins passer un permis de
conduire.
RI : Est-ce qui faudrait que ce soit le cas
pour un ordinateur ? Il faut regarder quels sont les risques. Oui c'est un peu
anxiogène, mais pour ma part je n'existe pas sur internet et donc je
n'ai pas vraiment de problèmes. Pas de compte Facebook ou quoi que ce
soit. Quand je rentre chez moi, j'éteins mon téléphone,
car c'est un outil de travail. Quand je vois mes amis, que je fais un barbecue,
je le prends pas en photo, je mange ! Je n'ai pas besoin que quelqu'un «
like » ce que je fais pour me dire que c'est bien. Je le sais si c'est bon
! Cela nous amène vers autre chose.
MD : Oui dans le fait d'exister socialement.
RI : Etant un « geek » depuis
toujours, je n'ai pas ce besoin. Je n'ai jamais fait un site sur mon poisson
rouge ou sur mon chat. Mais si on se moquait de mon site, que je
considère être
Mathieu DARMET - Mémoire de fin d'étude - Business
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l'oeuvre de ma vie, je comprends que ça puisse faire
du mal. Il faut donc un peu relativiser, on peut parfaitement vivre sans
être connecté et soumis au numérique.
Aujourd'hui, j'ai beau aimer les voitures ou le rugby, je ne
supporte plus d'aller sur les forums, tout le monde s'insulte...
Si on prend Twitter, cela ressemble à un
mécanisme visant à automatiser le bashing. Donc le système
d'information joue bien son rôle, il automatise le traitement. Au
même titre qu'on peut insulter quelqu'un dans la rue ou dans un stade,
aujourd'hui on peut le faire à des milliards d'exemplaires.
MD : Cela soulève un problème
d'impunité relative sur internet. Certains se permettent des choses
qu'ils ne feraient justement pas dans la vie.
RI : Mais aujourd'hui c'est
sanctionné. Il y a de nombreux cas ces derniers temps. Mais le RGPD n'y
changera rien, car les gens ont toute autonomie dans la bêtise. Est-ce
qu'on peut incriminer le numérique quand une végane se
félicite sur internet de la mort d'un boucher ? Que les convictions des
gens les amènent à penser ça ou à faire des blagues
entre amis sur certains sujets sensibles pourquoi pas, mais qu'ils le mettent
sur les réseaux sociaux...
MD : Ils sont sensés agir en pleine
conscience et assumer.
RI : La législation existe et a
toujours existé, c'est le code civil. On a tergiversé sur la loi
HADOPI parce qu'il faut s'adapter au numérique, mais si je te vole une
oeuvre, qu'elle soit numérique ou atomique, c'est du vol. On veut
réinventer des lois, mais elles sont déjà là.
MD : C'est vrai que si les gens n'ont pas le
sentiment de voler quand c'est quelque chose d'immatériel, ils n'ont pas
spontanément conscience de se faire voler leurs données non
plus.
RI : Si l'on prend la tenue de propos
racistes ou l'incitation à la haine, il n'y a pas matière
à faire des textes de loi, ils existent.
MD : Il y a quand même une forme
d'impunité, puisqu'internet permet de masquer son identité plus
facilement que dans le monde réel.
RI : Oui, mais on peut envoyer des lettres
anonymes ! Avec la protection des données, pour moi le danger est
ailleurs, c'est même très simple : Si le
3èmeReich avait disposé d'outils numérique, il
leur aurait fallu combien de temps pour faire un génocide ? En quelques
heures ils auraient fait leur liste et aller plus rapidement au bout de leur
démarche, ce qu'ils n'ont pas pu faire bien heureusement !
Il y a aussi des dérives modernes plus pernicieuses,
puisqu'on voit très régulièrement apparaitre des histoires
qui font du buzz sur les réseaux sociaux, sur des sujets qu'on pouvait
avant qualifier de rumeurs, qui se trouvent aujourd'hui
démultipliés. Ce qui induit finalement des fake news, qui te
permettent ensuite d'influencer l'opinion. Il y a donc un danger pour la
démocratie, qui n'est pas prête à ce
phénomène, entre la liberté d'expression et la
diffamation.
Mathieu DARMET - Mémoire de fin d'étude - Business
Manager 2018
Le principe de la fake news est d'insérer des faits
qui sont faux et d'influencer une pensée. Lorsque c'est fait
correctement, cela crée un état de fait qui n'existe pas. La
démocratie doit donc se doter des moyens permettant de lutter contre ces
phénomènes et c'est un peu le cas avec le RGPD.
Donc le RGPD va essayer de traiter à la source la
collecte de données de masse, ce qui permettra d'endiguer ces
phénomène, avec d'avantage de contrôle et de
traçabilité. On a aussi des problématiques de
criminalité, mais aussi de discrimination. Quand on va vouloir souscrire
une assurance, on va s'apercevoir que l'on aura pas forcément les
mêmes conditions que son voisin, parce qu'on aura pris en compte nos
données de santé, bancaires et autres. On se retrouve donc «
benchmarké », parce que l'ensemble de nos données auront
déjà été vendues. Mais est-ce que ce n'est pas
finalement une volonté de notre société ?
MD : Dans une démarche de profitabilité
permanente, j'en ai bien peur...
On est pourtant sensé pouvoir revendiquer un droit
à l'oubli, mais quand les données ont été
revendues, on en a pas la garantie.
RI : Normalement elles sont détruites
et la RGPD devrait pouvoir le réguler d'avantage.
Pour moi c'est vraiment une loi polymorphe, dans le sens
où au-delà des contraintes pour l'entreprise, cela permet aux
gens de prendre conscience du numérique et de réguler notre
marché.
Pour moi, c'est une bonne chose que le sujet soit
sérieusement pris en compte, c'est une loi qui est dans l'air du temps.
Donc sur le fond c'est plutôt positif, mais sur la forme la loi est
très peu applicable. J'aborderai aussi rapidement les aspects
économiques, car depuis quelques mois, tout tourne autour du RGPD,
même les souris sont « compatibles RGPD »... On voit bien
l'opportunisme commercial...
On ressent aussi la volonté de l'Europe de lutter
contre la concurrence déloyale des géants du numérique.
Finalement, je trouve que le bruit fait autour se
révèle plus productif que la loi en elle-
même.
En dehors des geeks et des earlyadopters, je dirais que 80%
des jeunes utilisateurs, donc la génération qui n'a connu que le
numérique, ne sont pas plus éclairés sur le sujet que
leurs parents.
Ils ne savent ni comment ça fonctionne, ni comment se
dépanner eux-mêmes, ni si leurs données sont
exposées, par contre ils sont usagers et dépendants. Un peu comme
pour l'automobile que nous évoquions, les gens les utilisent mais ne
savent pas les entretenir. S'il n'y avait pas un carnet ou leur voiture qui
leur dit de faire la vidange, la plupart ne la ferait pas. Si on prend le
permis de conduire, il y a aujourd'hui beaucoup plus de rubriques sur la
mécanique.
En plus le numérique est un domaine beaucoup plus
large.
Je dirais aussi que, comme dans Xfiles, le problème
« est ailleurs ». Le fait que Google soit aujourd'hui le plus gros
investisseur au monde sur les neurosciences est préoccupant. Parce qu'en
encore une fois, les américains font, puis on verra après si
ça dérape... Et sur certains sujets, ils seront allés
déjà très loin.
Travailler sur la lecture et l'écriture dans le
cerveau, c'est un sujet intéressant je trouve, mais que ce soit Google,
ça m'interpelle et ce n'est pas une entreprise caritative.
Mathieu DARMET - Mémoire de fin d'étude - Business
Manager 2018
On est dans un monde qui va être de plus en plus
connecté, on parle de réalité augmentée. Nous avons
eu la culture « cyber punk > il y a quelques années, avec des
auteurs comme Azimov, Gibson ou des films comme Matrix, Blade Runner pour les
plus connus. Cette culture a quasiment disparu, parce que finalement on y
arrive et ce n'est plus de la science-fiction. Si on extrapole, petit à
petit on se connecte à la machine.
Comme l'interface clavier, souris, écran est peu
adaptée, donc le plus simple c'est de se connecter directement pour
interagir avec le système. Quand on commence à parler de
réalité augmentée, de prothèse intelligente,
d'équipements comme le pilotage de pacemakers, de régulation
d'insuline, on arrive au corps humain connecté. Donc on peut parler de
manipulation de la pensée ou d'autres choses, mais l'impact d'un
ransomware sur un pacemaker, cela devient un vrai problème.
Pour l'instant le risque est encore bénin, on a des
adolescents qu'il faudrait peut-être envoyer en désintoxe
d'internet ou de smartphone. Par contre en passant le cap des objets
connectés, on va avoir de plus en plus de fonctions qui vont être
des extensions de notre propre corps, tout ce qu'on n'aura pas cadré
avant va occasionner des effets de bord sérieux. Pour le moment c'est
des effets indirects, quelqu'un pirate les hôpitaux comme le NHS avec un
ransomware et il faut repousser toute les opérations non urgentes,
à la télévision on voit des gens en chaises roulantes
déambuler dans la rue devant les hôpitaux anglais... C'est le
bazar général, il y a de la tension, médiatiquement c'est
terrible, on a perdu 2 jours, mais personne n'est mort !
Le jour où quelqu'un annoncera : Tous ceux qui ont un
pacemaker de telle marque, si vous ne payez pas la rançon, je les
arrête. Là l'impact est nettement plus direct.
Avec la manipulation du cerveau, je te laisse imaginer le
genre de moudjahidine qu'on va pouvoir fabriquer, là c'est un drone
humain.
Donc c'est au-delà du RGPD.
Il y a des moyens de se protéger, en ayant un
comportement « soft > et diminuer l'impact. Personnellement, je n'ai
pas beaucoup de données, donc je n'y fait pas spécialement
attention, car l'usage de mes données n'a pas beaucoup d'impact sur mon
quotidien. Je n'ai quasiment pas d'exposition numérique et d'ailleurs
ça devient tellement rare que, ceux qui n'ont pas de compte Facebook ou
Viadeo vont finir par interpeller les gens.
Mathieu DARMET - Mémoire de fin d'étude - Business
Manager 2018
ANNEXE 3 - Entretien Guillaume Pourquié, Grenoble
Ecole de Management
GUIDE D'ENTRETIEN
- Présentez-vous - quel est
votre cursus et vos attributions ? ORGANISATION
INTERNE
- Depuis quand avez-vous initié votre
démarche de conformité RGPD ?
o Comment vous êtes-vous préparé ?
Avez -vous suivi une formation spécifique ? Une
certification DPO ?
o Avez-vous été accompagné : Juristes,
experts, services spécifique de l'administration ?
o Echange avec une communauté, d'autres DPO ?
o Pensez-vous être en conformité au 25/05/18 ?
o Où en êtes-vous dans votre processus ?
- Qu'avez-vous mis en oeuvre :
o J'ai pu voir que vous étiez le CIL auparavant, qu'est
ce qui change réellement dans vos attributions et vos missions ?
o Comment vous êtes-vous organisé ?
o Avez-vous mis en place des référents, des
responsables de traitement ?
o Avez-vous cartographié vos données ? Combien de
temps avez-vous mis ?
o Comment avez-vous priorisées les actions à mener
?
o Avez-vous réalisé une analyse de risque ? Quels
outils avez-vous utilisé ? Analyse d'impact de la CNIL : PIA (Privacy
Impact Assesment) ? Outils internes ?
o Vous prestataire ou éditeurs de logiciels ont-ils
communiqué sur le sujet ? Avez-vous eu des exigences
particulières (label, cyberassurance) ? Leurs engagements contractuels
ont-ils évolués ?
o Avez-vous souscrit une cyberassurance ? Mis en oeuvre une
démarche de certification ou conformité CNIL ?
o Qu'avez-vous modifié en terme de sécurité
?
o Qu'avez-vous documenté ? registre des activités
de traitement (obligation >250 sal)
o Quels ont été les impacts financiers ?
- Quels type de données personnelles
manipulez-vous ?
o Quel est leur niveau de sensibilité ?
o Comment les collectez-vous (privacy by design et by default)
et quel impact sur la manière dont vous les collectez (conditions,
mentions, site web...) ?
o Comment sont-elles utilisées ?
o Etes-vous amené à les partager avec des tiers
?
o Avez-vous crypté, anonymisé ou
pseudonymisé ces données ?
Mathieu DARMET - Mémoire de fin d'étude - Business
Manager 2018
o Etes-vous en mesure d'informer les individus qui font l'objet
du traitement ? De prouver le consentement des individus ?
o Quels mécanisme vous permet de supprimer les
données ? A la demande des individu ? Pendant combien de temps
pouvez-vous les conserver ?
o Avez-vous évaluer le coût de ces suppressions,
mis en place des ressources supplémentaires ? Une participation «
raisonnable » à leur suppression est elles demandée ?
- Sur quels aspects vous sentez vous plus
particulièrement concerné ou impacté ? Qu'est-ce
qui vous semble le plus compliqué ?
VOTRE ANALYSE : Quel votre avis
personnel si vous souhaitez m'en faire part ?
o Pensez-vous que ce dispositif soit suffisants ? Quelles
peuvent être les limites ?
o Pensez-vous que cette réforme constitue une contrainte
ou une opportunité pour l'entreprise ?
o Pensez-vous que c'est l'opportunité pour l'Europe de
reprendre la main sur le numérique ?
Mathieu DARMET - Mémoire de fin d'étude - Business
Manager 2018
TRANSCRIPTION INTERVIEW Guillaume Pourquié
Le 07/05/2018 à Grenoble
Délégué à la protection des
données (Data Protection Officer) à Grenoble Ecole de
Management.
Mathieu Darmet : J'ai été
amené à échanger sur la notion de labelisation CNIL, que
ce soit pour les entreprises auditées que pour les auditeurs. A part
Optimex Data, il semble qu'il y en ait peu sur la région.
Guillaume Pourquié : Non, il y en a
d'autres, notamment à Lyon. J'ai recroisé une ancienne
Correspondante Informatique et Liberté de la CCI qui s'est mise à
son compte dans ce domaine et il y aussi des Délégués
à la Protection des Données militants qui ont créés
des structures. Comme la société DPMS dans le sud de la France,
qui a été créée par un des fondateurs de
l'association des CIL.
Depuis il travaille avec le bureau Veritas pour mettre en place
une certification.
MD : Oui j'ai vu sur leur site qu'ils proposent une formation
pour les DPO, mais à priori ce sera une certification de Veritas et non
CNIL. D'ailleurs la CNIL indique que ce n'est plus dans ses prérogatives
et que l'attribution des certifications est désormais
déléguée à la COFRAC. Mais je n'ai pas
trouvé d'information sur le site de la COFRAC.
GP : Oui absolument, vu les nouveaux rôles de la CNIL,
ils ne pourront plus. Car ils seraient juge et partie.
C'est le même problème pour la formation des
DPO, qui doivent être formés tout au long de leur carrière
et la CNIL réfléchit comment s'en assurer. Il y a donc un
business pour les écoles de management et j'en parle d'ailleurs en
interne.
MD : Travaillant dans l'informatique, j'ai
décidé d'opter pour la thématique du RGPD, plus dans
l'optique de m'intéresser au fait que les utilisateurs ne sont pas assez
formés dans ce domaine et qu'il y a un manque de normalisation. Je
trouve qu'il est impératif de mettre en oeuvre des moyens adaptés
aux enjeux du numérique, une formation pour qu'ils acquièrent de
bonnes pratiques, en prenant conscience des risques et de ce qui est
collecté.
GP : Ce thème peut être abordé sous
différents angles, on n'a pas la même lecture du texte selon que
l'on est juriste, informaticien ou dans la relation client. Je le vois avec les
avocats, car quand ils interprètent le règlement, on est sur
quelque chose de très particulier. En lisant le texte, je me suis
aperçu qu'on pouvait interpréter tout et son contraire. Par
exemple, les gens du marketing ont compris qu'il fallait redemander le
consentement des gens. Hors la CNIL l'a dit dès le début,
à partir du moment où vous avez une base de données avec
des clients et que vous respectez la loi Informatique et Liberté, vous
n'avez pas besoin de leur redemander leur consentement. Ce n'est valable
qu'à partir du moment où la personne ne vous connait pas.
MD : Ce consentement a une durée de vie
?
Mathieu DARMET - Mémoire de fin d'étude - Business
Manager 2018
GP : Il en a toujours une. Vous pouvez quand
même la redemander, mais ce n'est plus une obligation, dans la mesure
où vous avez déjà un relationnel établi. C'est
d'ailleurs ce que j'ai répondu au directeur de l'école, qui
s'inquiétait de ce qu'il fallait mettre en oeuvre. Le jour où
vous décidez d'arrêter votre relation avec un interlocuteur, vous
lui écrivez en indiquant que conformément au RGPD vous ne
souhaitez plus faire du business avec lui. Il vous rayera automatiquement de
ses bases de données. On essaie de faire une action marketing autour de
ça, mais qui n'est pas adaptée selon moi.
MD : J'ai le cas dans mon entreprise, où nous avons
une base de clients contenant les informations dont nous avons
légitimement besoin. Mais qu'en est-il pour les prospects ?
GP : Les données relatives à un prospect ont
une durée de conservation de 5 ans et devront être purgées
au-delà. Pour les conserver, il faudra trouver un levier marketing et
trouver un argument qui ne se limite pas à simplement demander ce
consentement. Ce consentement doit venir parce qu'on veut lui proposer du
business. Demander le consentement pour le consentement me semble un peu
bizarre. Nous allons justement nous occuper de notre population de
diplômés et je vais expliquer au responsable des Alumnis qu'il
faut mettre en place pour peut-être désactiver ou réactiver
des profils. Il faut proposer de nouveaux services, amener les gens à
s'interroger sur la formulation, proposer aux individus de consulter les
informations dont on dispose pour les mettre à jour... C'est le cercle
vertueux de la relation client. Le règlement dit bien qu'on ne doit pas
avoir de fausses informations sur les personnes, ni inutiles. C'est une
excellente occasion de les rafraichir et demander si la personne souhaite
poursuivre sa relation avec nous ou pas.
MD : C'est la question qui se pose pour les services
marketing, qui peuvent aussi avoir peur de voir leur base de contacts se
réduire, alors que c'est finalement l'opportunité d'épurer
les cibles qui ne sont pas appétentes.
GP : C'est typiquement le côté sympathique du
RGPD, car on va arrêter de s'embarrasser l'esprit avec des gens avec
lesquels on n'a pas lieu d'être en contact. S'ils n'ont pas vocation
à faire quelque chose avec nous, ce n'est pas la peine de les garder. Il
faut donc travailler sur ces aspects et c'est ce que j'ai commencé
à faire avec les gens du marketing. Les gens ont tendance à
utiliser le RGPD pour tout et son contraire et c'est là qu'il faut
être très vigilant.
MD : C'est vrai que le règlement est
assez compliqué à interpréter.
GP : C'est pour ça qu'en nommant un
délégué suffisamment tôt, cela permet
déjà de savoir en interne par quel bout prendre cette
problématique.
MD : Mais je crois que l'obligation de nommer un DPO
dépend de la taille de la structure, de la nature des traitements et de
la criticité des données.
GP : C'est vrai, sauf que si la structure est un
sous-traitant, elle n'aura pas le choix. Si c'est une start up de 15 personnes
et qu'elle travaille par exemple avec GEM, elle sera obligée
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de déclarer un traitement vis-à-vis des
données qui lui sont confiées. Même si elle n'a pas de DPO
elle sera de fait obligée de tenir un registre. Dans le cas où
GEM serait contrôlée, la société prestataire sera
aussi contrôlée.
C'est là qu'est la différence avec la Loi
Informatique et Liberté, le registre doit être tenu par le
responsable de traitement et non plus par le Correspondant Informatique et
Liberté. Cela devient donc un outil mutualisé et c'est
très bien. Car pour les gens dans ma situation, qui avait tendance
à faire les documents à la place des gens, on va maintenant
entrer dans un processus collaboratif. C'est un peu mon challenge, car en plus
d'expliquer aux services ce qu'est le RGPD, je présente les outils que
je vais mettre en place et en même temps je leur explique que c'est un
outil de partage. Ni le mien, ni le leur, mais le nôtre, que nous devons
documenter, sécuriser, mettre à jour...
MD : C'est quel type d'outil ?
GP : A ce stade comme je suis lié à des
problématiques de process et de construction, c'est un fichier Excel
partagé sur un SharePoint, par projet, avec des données
accessibles selon les autorisations accordées aux personnes. De ce fait
on construit service par service. Je pense que je me ferai assister, car je
n'ai pas une bonne idée des logiciels disponibles.
MD : Est-ce qu'il en existe ?
BP : Bien sûr, les éditeurs se
sont mis en veille sur le sujet. Il y en a au moins 4 ou 5 qui se
détachent, comme DPO Consulting, Ricil, celui de DPMS, Captain DPO...
Grosso modo, c'est des produits de gestion de projet qui sont adaptés,
avec de la documentation et une interface.
Mais j'attends de voir comment on va travailler avant de
choisir mon logiciel. Pour l'instant j'ai utilisé la trame de la CNIL
sur Excel et j'ai réadapté les outils en place, dans lesquels
j'ai copié la documentation pour pouvoir interroger les services et
travailler avec eux sur tous les aspects. On est plutôt pas mal sur ce
point, mais il reste à travailler ce qui concerne la relation client.
C'est-à-dire bien réinformer les gens de leurs droits, car on
doit mieux le faire, être lisibles sur qui traite les données et
pour quoi faire, car nous avons différents publics . Le RGPD nous permet
de redevenir professionnels, de ne plus collecter pour collecter, ni de trop
collecter, mais de collecter pour rendre un service. C'est l'occasion de
montrer qu'on est le plus transparent possible.
MD : En terme d'image c'est une bonne chose.
Lorsque j'ai rencontré Optimex Data, j'ai demandé au dirigeant
s'il avait l'intention ou le droit de décerner un label. Il
espère bien pouvoir le faire et justement qu'il puisse le revendiquer
dans leur communication.
GP : Je pense que dans l'histoire du RGPD, il arrivera un
temps où l'on identifiera les entreprises véritablement
labelisées, avec des traitements qui le justifient, qui se
détacheront des autres car elles les auront intégrés dans
leur démarche.
MD : Je travaille en ce moment sur la
génèse du RGPD et après de grandes avancées, il
aura fallu un certain temps avant que les choses bougent vraiment. Il aura
fallu des scandales
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pour qu'il y ait une prise de conscience et qu'on apporte des
modifications fondamentales au règlement.
GP : Il aura fallu 40 ans. Lors de la présentation de
la CNIL, ils ont évoqué le documentaire « Démocratie
» sur la génèse du RGPD. Et la CNIL soulignait que le texte
européen est une sorte de record, car il aura fallu 4 ans pour mettre
tout le monde d'accord. Compte tenu de l'ampleur du sujet, de ses aspects
politiques et économiques, c'est l'un des plus gros dossier que l'Union
Européenne ait été amenée à traiter.
D'autant que l'Europe n'a aucun GAFA et qu'elle doit mettre en place un
règlement permettant de réguler un peu ce qu'ils font.
Peut-être qu'à terme cela permettra à un GAFA
européen de voir le jour...
MD : J'ai l'impression qu'il y a une forme de
revanche à prendre pour l'Europe.
GP : Nous n'avons jamais eu la notion du business que cela
représenterait. On n'a pas voulu soutenir les entreprises qui à
un moment pouvaient le faire, les américains nous rachètent
très facilement. Dailymotion était une chaine française
à la base. Je suis sûr qu'en Europe nous avons des entreprises qui
ont plein de choses à proposer. Pour qu'un acteur européen puisse
ressortir, il fallait déjà une réglementation qui le
permette.
MD : De plus l'actualité nous est des
plus favorables ! Il y a aussi des différences culturelles avec les
Etats Unis, notamment sur la notion de propriété des
données.
GP : Aux Etats Unis tout est une question de business, puis
ils assument ce qu'ils sont en tant qu'individu. Nous n'avons pas la même
histoire, chez nous le fait de ficher des gens ramène à
l'Occupation et jusqu'où peut amener le fichage de personnes.
Quand on a voulu interconnecter les systèmes dans les
années 70, les gens se sont insurgés et cela a pris des
proportions politiques. Avec le RGPD, on parle du droit fondamental des gens de
disposer de leurs données, basé sur le juridique, l'informatique,
la pratique. Il s'agit de structurer et organiser un droit fondamental, tout en
permettant la libre circulation des informations.
MD : C'est justement cette dimension
sociétale qui m'intéresse.
RG : Quand je parle aux gens de la mise en place du RGPD, ils
réagissent en disant que c'est une contrainte. Certes il faudra mener
une conduite du changement, mais il s'agit d'un droit fondamental, car on parle
de société et de gens. Il faut sortir de l'informatique
liberté, il faut le prendre en compte dans les métiers et les
processus. Il ne faut plus s'en préoccuper après coup, car il
préférable de savoir comment purger une base de données
avant qu'elle représente 6 millions de personnes.
C'est un retour au bon sens et à une maitrise que l'on
avait perdue. Dans mon métier je ne suis pas là pour interdire
quoi que ce soit, mais pour poser des questions, comprendre ce qu'on veut faire
et imposer des limites. On va pouvoir rationnaliser les choses. Je vois des
gens qui conservent des données juste au cas où. Il faut devenir
capable d'accepter de ne plus avoir une information, parce qu'on l'a
supprimée et qu'on n'en a pas besoin. Je me suis forcé à
le
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faire, c'est dur, mais ça fait un bien fou ! On est
beaucoup moins chargé. Aujourd'hui les capacité de stockage sont
telles qu'on ne se pose plus la question. Alors que c'était beaucoup
plus compliqué avant, on allait jusqu'à optimiser le nombre de
caractères. Passer sur 4 chiffres à l'an 2000, n'était pas
anodin. Désormais on ne se préoccupe plus du tout de la
capacité de stockage.
MD : Mais ce n'est pas sans
conséquence, notamment sur notre consommation d'énergie.
GP : Il y a au moins deux risques : La
consommation des serveurs et le coût de stockage. On ne sait pas trop
combien, mais ça coûte en énergie et il y a un impact non
négligeable sur l'environnement.
Il y a aussi le piratage, car les hackers sont capables
d'aspirer n'importe quelles données mal protégées et de
les revendre très facilement.
MD : Il y a effectivement un marché et
des courtiers en profils personnels.
GP : Il y a de vraies filières.
Aujourd'hui un numéro de téléphone se revend quasiment
plus cher que celui d'une carte de crédit. C'est étonnant, mais
plus utile en terme d'usurpation d'identité. Les données
personnelles deviennent donc plus chères que les données
bancaires ! Ce n'est par hasard que lors de la vente d'une
société, le fichier clients fasse partie des actifs.
MD : J'ai noté que vous étiez
déjà le CIL de GEM.
GP : Je suis devenu CIL il y a deux ans. Avant j'étais
Relai Informatique et Libertés, car nous étions un
établissement secondaire de la CCI, qui en avait un. J'étais son
relais pour GEM et j'ai apporté un premier niveau de réponse,
pour déclarer les traitements ou alerter. Etant moteur sur le sujet, je
me suis proposé de devenir le DPO, d'autant que pour une école
jeune c'est opportun de suivre les formations proposées. J'ai
travaillé avec l'équipe juridique qui a aussi géré
les aspects stratégiques et concurrentiels, puis cela a
débouché sur ma nomination en avril dernier.
MD : Je crois que vous êtes assez peu
nombreux.
GP : C'est assez récent, bien que dans certaines
grosses structures il y en avait déjà, notamment dans les groupes
internationaux qui ont voulu prendre le pas au niveau de la directive
européenne. Compte tenu des sanctions et des enjeux internationaux ils
avaient besoin de profils véritablement compétents.
MD : Ce qui est difficile, c'est effectivement
d'en déceler tous les enjeux.
Mathieu DARMET - Mémoire de fin d'étude - Business
Manager 2018
GP : Je vous conseille d'aller voir le site
de l'AFCDP, l'Association Française des Correspondants à la
Protection des Données, qui pourra vous donner des
éléments supplémentaires.
MD : Je ne peux malheureusement pas être exhaustif dans
mes recherches, mais je regarderai ce qu'ils publient. Pouvez-vous m'en dire
plus sur votre parcours ?
GP : Je suis un atypique, car j'ai une formation de
documentaliste. Donc je suis très sensible à tout ce qui est
documentation, partage et savoir-faire. Je me suis très rapidement
orienté vers les bases de données, c'était l'époque
dans les années 90. J'étais dans l'informatique documentaire et
tout est parti de ma spécialisation dans les bases de données,
dont je suis un très bon manipulateur et utilisateur.
J'ai ensuite travaillé dans l'humanitaire, comme
responsable de la base de données des donateurs, avec une bonne
sensibilité de la relation client et du stockage de données. En
terme d'informatique et libertés, nous étions déjà
respectueux du droit au donateur, mais il n'y avait pas de CIL à
l'époque, nous nous contentions de faire une déclaration simple
à la CNIL, mais pour le reste nous nous autorégulions. Nous
savions déjà stopper toutes les sollicitations quand un donateur
nous le demandait, épurer et archiver les bases données le
concernant.
MD : D'ailleurs, il y avait
déjà à l'époque des notions de déclaration
simplifiée, en fonction de la sensibilité des données
traitées. Je pense donc à vos donateurs pour lesquels vous
manipuliez des coordonnées bancaires qui me semblent être des
informations critiques, si ce n'est sensibles.
GP : Les informations bancaires ne sont pas à
proprement parler considérées comme des données sensibles,
même si elles nécessitent une protection particulière, car
on ne laisse pas un numéro de carte bancaire accessible à tous.
En terme de litige, si un donateur vous attaque parce que vous avez
laissé son numéro de carte bleue, je vous garantis que ça
peut faire très mal et les associations étaient très
vigilantes. Mais s'agissant de process financiers, ils étaient
contrôlés tous les ans par la Cour des Comptes et ils
étaient donc particulièrement suivis, du moins là
où j'étais.
Mais comme cela peut porter atteinte à
l'intégrité, je les considère comme sensibles en terme
d'impact et nous devons être en maitrise de ces données. C'est
l'un des avantages de mon rôle, je peux mettre le curseur où bon
me semble, car je suis responsable. En tant que délégué,
je peux opposer une forme de véto à un traitement, car j'estime
qu'il présente beaucoup trop de risques. Le responsable du traitement
pourra quand même le lancer, mais il devra le justifier et agir en
connaissance de cause. De fait en cas de contrôle, il y aura les deux
points de vue. Sachant que quand je donne un avis, j'ai en
général impliqué le juridique et l'informatique. Mais dans
le cadre de GEM, nous sommes rarement sur des traitements pouvant porter
préjudice.
Pour en revenir à mon parcours, ensuite je suis
arrivé chez GEM pour m'occuper du projet CRM, puis maintenant je
m'intéresse aux données personnelles parce que cela répond
à mes aspirations et que j'ai la maturité nécessaire. Par
rapport à quelqu'un de plus jeune j'ai la légitimité de
pouvoir interpeller les services, à moins qu'il ait travaillé
à la CNIL avant. On retrouve souvent des juniors qui ont commencé
à instruire des dossiers à la CNIL et qu'on retrouve ensuite
comme référent dans différentes structures. Dans une
entreprise normale, il
Mathieu DARMET - Mémoire de fin d'étude - Business
Manager 2018
me parait difficile d'arriver et de se proclamer DPO, car il
faut aussi comprendre l'entreprise et son organisation, ce qui nécessite
un certain bagage.
Mais quand je discute avec d'autres CIL, je vois quand
même le chemin qu'il reste à parcourir, compte tenu de la jeunesse
de l'école, mais c'est aussi ce qui est stimulant. C'est aussi
l'avantage de travailler avec un réseau de CIL dans un même
métier, pour ne pas rester seul et échanger sur nos
interrogations.
MD : D'autant que la CNIL doit être
très sollicitée en ce moment !
Pour revenir sur mes questions, est-ce que vous pensez
être opérationnel ou en conformité au 25/05/2018 ?
GP : Opérationnel oui, mais c'est juste un point de
départ, il est impossible d'être en conformité au 25/05.
Avez mes homologues, il s'agit plutôt de se demander si nous avons
enclanché tous les bons processus. Etre en conformité ne veut
malheureusement pas dire grand-chose, car le RGDP est un processus
d'amélioration continu. Ceux qui n'auront pas fait de cartographie,
envisagé comment ils vont mettre en place la politique de traitement des
données à caractère personnel, identifier les
interlocuteurs et les personnes impactées en interne, auront plus de mal
que les autres qui sont déjà bien avancés sur le sujet.
J'ai déjà ma cartographie, j'ai commencé à
solliciter les services, je vais trouver des relais, je suis accompagné
par la DSI et le juridique, ainsi que par la qualité. Je pense donc que
j'aurai tous les ingrédients pour être prêt le 25 mai.
MD : Donc si la CNIL passait vous voir, vous
auriez tous les éléments pour justifier de votre bonne
volonté. Et c'est essentiellement ce qu'elle compte mesurer dans un
premier temps.
GP : Elle pourra effectivement voir que nous avons mis des
choses en place, avec un niveau de risque déjà associé
à l'ensemble des traitements.
MD : Vous avez donc fait une analyse
d'impacts, comme le conseille la CNIL. Vous avez utilisé le PAI qu'ils
proposent sur leur site ?
GP : On travaille sur ce sujet avec les informaticiens, pour
identifier tout ce qu'on a à faire sur chacun des projets. On part du
principe que tout ce qu'on lance doit être d'ors et déjà
conforme au RGPD. J'applique déjà la notion de
responsabilité conjointe et j'interpelle les sous-traitants lorsqu'ils
passent dans mon périmètre, pour qu'ils me documentent en
fonction de mes grilles de lecture. Nous avons donc bien enclanché la
notion de Privacy by Design. Nous ne sommes pas parfaits parce qu'on
débute et qu'on apprend à travailler avec le nouveau
règlement. Il y a une conduite du changement, mais nous sommes
déjà très vigilants. La jeunesse de l'école et son
organisation permettent d'être très réactifs. J'ai
l'avantage de ne pas être dans un cadre trop rigide. De plus
l'école est entrain de se transformer, donc j'ai aussi matière
à interpeller des gens qui se montrent réceptifs. J'ai par
exemple rencontré à GEMIC la directrice du service Innovation et
Expérimentation de l'école. Ils n'avaient aucun traitement
déclaré dans mon registre, car c'est une nouvelle direction. Je
lui ai dit qu'il faudrait faire rapidement un état des lieux de tout ce
qui présenter un caractère personnel, pour que j'ai au moins une
liste
Mathieu DARMET - Mémoire de fin d'étude - Business
Manager 2018
d'actions ou de dossiers en cours le 25. Elle m'a
immédiatement trouvé un relai dans son équipe, alors que
je n'en ai pas encore dans les autres services. Nous allons donc nous voir la
semaine prochaine et commencer à lister tous les sujet rapidement et
nous verrons où cela nous mène. Après nous documenterons
les sujets en fonction de leur importance, avec dans certains cas une
étude d'impact, pour laquelle j'utilise les outils de la CNIL. J'ai
suivi un atelier en janvier sur la manière de les utiliser, c'est
très bien fait et je reconnais le côté pédagogique
de la CNIL française. Ils le sont même dans leur démarche,
car eux-mêmes ne seront pas prêts pour le 25 et ils ne s'en cachent
pas. Ils ferons surtout la différence entre les entreprises qui ont
enclanché le processus et qui s'en donnent les moyens et celles qui
n'ont rien fait.C'est là-dessus qu'il faut être vigilant et il
faut déjà maîtriser ce qui existe depuis 40 ans. Ce qui
n'est pas forcément le cas. Il est donc très compliqué de
répondre à la question d'être ou pas en conformité.
Le 26 mai, nous serons déjà en mesure de répondre à
un certain nombre de choses.
MD : Mais il n'y a de toute façon pas
de raison que vous soyez plus contrôlé qu'auparavant.
GP : Même si quelqu'un me demande maintenant un droit
d'accès à ses données, je sais déjà lui
répondre et j'ai une procédure qui est conforme. Ce droit
d'accès existait depuis 40 ans et nous avions mis en place des
procédures avec la CIL. Ce qui va être nouveau, c'est la
portabilité, la suppression des données, qui sont des chantiers
un peu plus compliqués. Nous avons des bases de données
existantes et supprimer des données n'est pas un processus anodin. Je
travaille à identifier ce qui est de l'ordre de l'archivage ou de la
donnée de conservation.
MD : Et pour le cryptage ?
GP : C'est ce sur quoi je travaille avec le RSSI, mais c'est
un sujet qui relève plutôt de de son périmètre. Je
sais qu'il faut que ce soit sécurisé, mais à mon niveau
cela doit seulement être documenté. Nous avons déjà
sécurisé notre site en https pour être conformes, mais je
m'assure juste que nous répondions bien aux obligations du RGPD. Du
moment que j'ai du répondant de leur part, c'est l'essentiel.
MD : C'est justement ce qui fait peur aux
PME, car ils l'ont pas forcément quelqu'un pour s'en occuper, ce n'est
pas leur métier.
GP : Il y aura effectivement des structures
qui auront beaucoup plus de mal à intégrer le règlement.
La spécificité des grandes écoles, c'est que nous sommes
dans un foisonnement de sujets, la recherche, la gestion d'étudiants, la
relation entreprise, avec partout des données à caractère
personnel. En plus nous avons une forme d'engagement sociétal, mais
l'avantage c'est que nous sommes plutôt bienveillants et que l'on essaie
de faire au mieux. Je ne suis pas freiné par des mauvaises
volontés, personne ne me cache des choses. Les gens essaient de
comprendre, s'impliquent et on essaie plutôt de s'enrichir
mutuellement.
MD : Vous avez donc pris les devants avec
vos prestataires et sous-traitants, mais l'ont-ils fait également ?
Mathieu DARMET - Mémoire de fin d'étude - Business
Manager 2018
GP : Absolument, ça va dans les deux
sens. D'ailleurs dans nos dossiers de formation continue, je me positionne
comme un sous-traitant, car l'école n'est pas qu'un responsable de
traitement. Lorsqu'on signe un contrat avec une entreprise pour former une
partie de son personnel, on agit en tant que sous-traitant et j'applique le
RGPD. On a fait une documentation et on prévoit des clauses
spécifiques.
MD : Avez-vous souscrit une cyber assurance
? Il semble que cela se développe fortement.
GP : C'est plutôt le côté
informatique et juridique. Mais il est logique qu'un nouveau règlement
génère de nouveaux contrats pour couvrir les risques et nous
seront amenés à étudier la question.
MD : J'espère avoir un échange
avec une entreprise du e-commerce, secteur qui me parait l'un des plus
directement impacté et qui auront peut-être déjà
pris des dispositions sur ce point.
Nous avons abordé le cryptage, mais il y a aussi la
pseudonymisation et l'anonymisation.
GP : Comme dans beaucoup de traitement, il y a des choses qui
relèvent de la statistique. Les gens s'inquiètent de ne plus
pouvoir faire de statistiques, mais je leur réponds que ce sera toujours
possible, mais qu'il faudra anonymiser. Je ne dois donc plus être en
capacité d'identifier un individu.
MD : Vous avez mis en place des
mécanismes pour le faire ?
GP : C'est au chef de projet informatique de les trouver.
C'est l'avantage de mon rôle, qui consiste à dire ce qu'il faut
faire, mais pas comment le faire. J'interviendrai ensuite pour auditer et
vérifier qu'on ne peut pas remonter aux personnes. Je ne l'ai pas encore
fait et cela illustre bien le fait que la conformité au 25 mai est
compliquée. Cela sous voudrait dire que dès le 26 mai je serais
en capacité de faire un audit sur un traitement et nous n'en sommes pas
à ce stade. Pour le 25 mai, je vais surtout trouver des indicateurs qui
nous permettront de dire que GEM est vraiment impliqué pour
maîtriser ce sujet et se doter des moyens qui permettront de le piloter,
en plus de tout ce que nous avons à faire au quotidien. Le RGPD doit
être une préoccupation quasi permanente pour tout le monde, mais
ce n'est pas le fond du métier, qui consiste à dispenser des
cours et de former des étudiants. Il faut donc un certain talent pour
conjuguer les deux.
MD : Avez-vous une idée de l'impact de cette
réorganisation sur l'école, que ce soit que le temps ou les
budgets qui y sont consacrés ?
GP : Je n'ai pas encore fait d'enveloppe budgétaire,
mais j'ai une lettre de mission indiquant que mon employeur est tenu de mettre
à ma disposition les moyens dont j'aurai vraiment besoin. Comme je dois
par exemple me faire accompagner sur certains aspects, notamment pour trouver
le bon outil de pilotage, j'en ai discuté avec le secrétaire
général qui a
Mathieu DARMET - Mémoire de fin d'étude - Business
Manager 2018
été d'accord pour mettre à ma
disposition les moyens nécessaires. Je lance des consultations,
étudie les offres et je budgétise.
Je pense que je vais aussi maintenir l'équivalent du
bilan du CIL, qui a disparu du RGPD, mais que tous les praticiens du
métier souhaitent maintenir pour donner de la visibilité et de la
légitimité à leur travail. Il sera plus facile de vous
répondre dans un an, mais en terme de temps passé, j'ai
constaté que lorsque je suis en amont des projets, cela ne me prend que
deux heures, avec les différents métiers, pour évaluer les
impacts, faire des recherches et documenter. Quand c'est à
postériori, cela représente facilement une journée de
travail, car il y a l'impact sur l'existant à prendre en compte.
D'où l'intérêt de faire de la Privacy bu design, car on
s'interroge dès le début. Si par exemple une base ne
prévoit pas de mécanisme de suppression, le travail est beaucoup
plus lourd et nécessite des process, avec des tests...
MD : Qu'est-ce qui vous semble le plus
compliqué dans la mise en place du RGPD ?
GP : Je pense plutôt à ce qui est le plus
challengeant et qui n'est pas forcément le plus compliqué. Le
plus intéressant est de mettre les gens en marche, de les sensibiliser.
On ne peut pas leur demander de lire le règlement et de
l'appréhender. C'est à moi qu'il revient de faire avancer les
dossiers, tout en leur délivrant un minimum de bagage pour qu'ils
puissent faire leur métier en conscience et en connaissance de cause.
Ils n'ont pas besoin de connaitre tout le RGPD, mais de savoir ce qu'ils ont le
droit de faire et comment trouver un moyen de régler le problème
quand le règlement les contraint. C'est une approche assez subtile, car
il ne faut pas qu'ils perçoivent cela uniquement comme une contrainte et
qu'ils ne soient pas entravés pour faire leur métier.
Cela peut paraitre compliqué, mais quand les choses
auront avancé, ce sera très gratifiant.
Il y a aussi des jours où je suis interpelé sur
un sujet urgent auquel je dois répondre en une heure de temps, ce qui
demande beaucoup d'agilité. Il faut s'organiser pour répondre
à quelqu'un et en même temps en profiter pour le sensibiliser.
MD : Pensez-vous que le règlement aille
suffisamment loin ?
GP : Pour l'instant ce texte me semble plein de bon sens, il
est très opportun et nous ramène vers de bonnes pratiques. C'est
autant du réglementaire que de l'amélioration continue, de la
créativité et de l'innovation. Ce qui sera délicat s'est
de s'assurer que ce qui est entrepris dans l'ensemble de la communauté
européenne soit en adéquation.
MD : C'est ce que j'ai justement beaucoup de
difficulté à mesurer. J'ai du mal à savoir comment chaque
pays avance sur le sujet.
GP : C'est très compliqué. Mais ce qui est
intéressant, c'est que dès qu'on interpelle la CNIL sur un sujet,
ils le renvoient systématiquement vers le G29 qui est capable de donner
des directives précises, car ils se sont déjà
interrogés sur la plupart des sujets. J'ai le cas d'un prestataire qui
me répond que la CNIL allemande lui a donné telle réponse,
mais je lui réponds qu'à partir du 25 mai, ce n'est plus la CNIL
allemande mais le G29 qui arbitre. Il y a aussi l'histoire
Mathieu DARMET - Mémoire de fin d'étude - Business
Manager 2018
du cloud américain qui essaie de faire un enfumage du
RGPD et j'espère que la CNIL va réagir. Ils évoquent un
règlement cloud, mais ça n'a rien à voir avec le RGPD.
Ce qui m'embarrasse, c'est que je n'entends plus parler de la
loi qui devait passer par ordonnance au mois d'avril et que nous sommes
début mai. Je ne sais donc pas où en est notre nouvelle loi
Informatique et Libertés. Tant qu'elle n'est pas promulguée, le
règlement européen va s'appliquer, mais pour les dispositifs
spécifiques des états membres il y a des zones d'ombre. Nous
allons donc jouer les équilibristes.
MD : Pour terminer, ne pensez-vous pas qu'il
faudrait aussi former et responsabiliser d'avantage les utilisateurs
eux-mêmes ?
GP : Il est clair que dans les années qui viennent,
toute personne diplômée ne pourra pas ignorer la portée du
numérique. Il faudra envisager des modules plus spécifiques,
d'autant qu'à GEM nous avons l'avantage d'avoir une enseignante,
Nathalie Devillier, qui est spécialisée sur les données
personnelles. Elle anime des modules sur le big data et a des
compétences juridiques en la matière. Du coup on en discute
beaucoup, car elle m'inspire énormément et on se challenge aussi
l'un l'autre. Elle me permet d'intervenir dans ses cours pour illustrer en
présentant mes outils.
MD : J'ai quand même l'impression
qu'avec la croissance exponentielle du numérique, notamment avec les
objets connectés, nous sommes encore loin du compte.
GP : Beaucoup de données sont effectivement
collectés et c'est là que la notion de responsable de traitement
prend tout son sens. Tout est dans le titre, il sait ce qui se passe et ce
qu'on en fait des données collectées. Dans le cas de Facebook,
ils ne se sont pas inquiétés de ce qui était fait des
informations recueillies par le biais de leur plateforme. Mais
désormais, ils sont directement impliqués dans le processus et ne
peuvent plus le contester.
Mathieu DARMET - Mémoire de fin d'étude - Business
Manager 2018
ANNEXE 4 - Entretien Céline Ambroise-Thomas,
AIRRIA
GUIDE D'ENTRETIEN
PRESENTEZ-VOUS
o Quel est votre parcours ?
o Quelles sont vos attributions ?
o Avez-vous suivi une formation spécifique RGPD,
comment ?
VOTRE ORGANISATION
o Quels sont les impacts sur votre organisation interne ?
o Qu'avez-vous mis en place ?
o Où en êtes-vous dans votre processus de mise
en conformité ?
o Quels sont les impacts, moyens, financiers ?
o Pensez-vous être opérationnels au 25/05/18
?
o Souhaitez-vous obtenir un label ?
ACTIVITE
o Avez-vous été interpelés par vos clients
?
o Avez-vous communiqué sur le sujet ?
o Quels sont les retours ? La perception des clients ?
o Le RGPD a t-il donné lieu à des offres de
services spécifiques ?
o Cela a-t-il dopé votre activité ?
o Comme le marché, votre activité dans la
domotique et les objets connectés semble être en plein
développement. De nombreux articles évoquent la
vulnérabilité de ces matériels et la faible implication ou
responsabilisation des fabricants sur ce sujet. Risques de piratages,
élargissement surface d'attaque (20Md IoT d'ici 2020)
? Etes-vous interpellés par vos clients ?
? Les sensibilisez-vous ? Bonnes pratiques...
? Qu'avez-vous modifié dans votre approche
? Les fabricants commencent-il à prendre des dispositions
?
o Perception : sentiment qu'il y a « à boire et
à manger »
VOTRE ANALYSE : Quel votre avis personnel si vous souhaitez m'en
faire part ?
o Pensez-vous que ce dispositif soit suffisant ? Quelles peuvent
être les limites ?
o Pensez-vous que cette réforme constitue une contrainte
ou une opportunité pour l'entreprise ?
o Pensez-vous que c'est l'opportunité pour l'Europe de
reprendre la main sur le numérique ?
Mathieu DARMET - Mémoire de fin d'étude - Business
Manager 2018
TRANSCRIPTION INTERVIEW Céline
Ambroise-Thomas
Le 07/05/2018 à Meylan
Chargée du développement commercial Prestataire de
services informatiques
Mathieu Darmet : Je connaissais votre
dirigeant car nous avions géré des dossiers en commun il y a
quelques années. Puis nous nous sommes ensuite perdus de vue, mais
visiblement votre activité s'est bien développée
depuis.
Céline Ambroise-Thomas : Maintenant
Antoine Dréano gère une partie de notre activité qui
s'appelle le Smart Building Alliance, autour de tout ce qui concerne les
bâtiments connectés. Avant c'était choses un peu gadget,
pour les « maisons de footballeurs » et aujourd'hui presque tous les
bâtiments qui sortent au niveau promotion immobilière sont des
bâtiments connectés, que ce soit en terme de consommation
d'énergie, de sécurité des personnes, de confort... Et
c'est très intéressant.
MD : Je vous remercie de me recevoir, car
j'ai pu voir vos différentes activités sur votre site et j'ai
surtout été interpellé par votre expertise sur les objets
connectés. En particulier parce que cela semble être assez
sensible en terme de sécurité et que j'ai lu différentes
choses à ce sujet.
Nous en reparlerons, mais j'aimerais d'abord en savoir plus
sur votre parcours. Vous m'expliquiez que vous aviez au départ
travaillé sur la partie RH, puis évolué vers la partie
commerciale, pouvez-vous m'en dire plus ?
CAT : Je suis chargée de développement
commercial, sur deux activités, la coordination et l'animation au sein
du groupe de l'équipe en lien avec le directeur commercial, trouver des
leviers de développement pour notre business auprès de nos
clients existants et des prospects. Mon autre mi-temps est sur l'agence locale
AIRRIA, qui propose des services de proximité en informatique à
des clients locaux, qui sont des TPE et PME. Là je fais de l'animation
commerciale, du marketing, de la prospection, des devis, de la relance, de
l'optimisation de contrats avec nos clients ou à élaborer de
nouvelles offres. C'est dans ce cadre que je peux vous parler de mon retour
d'expérience sur le RGPD. Nous n'avons pas fait une offre RGPD au niveau
du groupe, dans la mesure où au niveau du groupe AIRRIA nous ne sommes
plus sur un business modèle de franchises, mais sur un réseau de
sous-traitants et d'adhérents, auquel nous apportons de
l'activité. Nos clients grands comptes, nous confient leurs projets
informatiques et Nous leur portons le projet de A jusqu'à Z, avec la
conduite d'activité ici et les agences sous-traitantes, qui ont les
compétences pour ces projets et qui bénéficient d'une
implantation à proximité du client. Donc dans ce cadre, nous
n'abordons pas le RGPD, notre rôle n'est plus de faire de
l'accompagnement. Avant nous aidions beaucoup les chefs d'entreprises, en leur
proposant des offres, des matrices pour les aider à travailler et
à augmenter leurs compétences dans leurs agences. Aujourd'hui, on
est face à des entrepreneurs et l'idée est de leur apporter du
business. Avec le modèle de la franchise, nous apportions un cadre avec
des offres pour qu'ils puissent démarrer et les accompagner sur le
terrain commercialement. Par contre, au niveau de ARRIA Chanel, qui est le
service qui pilote l'ensemble de nos agences AIRRIA, nous avons quand
même fait des webinars sur une sensibilisation au RGPD, pour que tout le
monde soit bien informé, puisse communiquer en amont à ses
clients, pour les rassurer et se positionner en tant que
Mathieu DARMET - Mémoire de fin d'étude - Business
Manager 2018
professionnel sur une partie. Il y a donc eu beaucoup
d'information générale sur ce thème et on a
expliqué comment sur l'agence de Grenoble nous avons prévu de
travailler avec nos clients. Au début, nous pensions tout prendre en
charge, alors que finalement nous nous limitons à la partie
informatique.
MD : Dans vos séminaires, vous avez
fait intervenir des spécialistes, comme Optimex Data que nous avons
évoqué par téléphone ?
CAT : Oui pour le 3ème webinar, ils sont
intervenus, parce que nous avons fait le choix sur Grenoble de travailler avec
ce cabinet sur la partie organisationnelle et juridique. Nous avons aussi
essayé de proposer un tarif préférentiel pour les
adhérents qui décideraient de travailler aussi avec Optimex.
Notre rôle est de proposer et de suggérer, mais pas d'imposer quoi
que ce soit.
MD : C'est donc devenu, plus un principe de
coopérative que de franchise traditionnelle, où le
franchisé est obligé de souscrire à l'ensemble des
offres.
Et en interne ? Vous faites du marketing, des actions
commerciales, il y a des fichiers et des données plus ou moins
critiques. Qu'avez-vous mis en place vis-à-vis du RGPD ?
CAT : Alors au niveau d'AIRRIA Chanel, c'est la plateforme
qui anime, recrute, forme toutes les agences AIRRIA. Mais au sein de la
société mère, ce n'est pas moi qui vais m'en charger, car
nous avons un DSI externalisé, qui est un de nos partenaires, qui
travaille aussi avec Optimex Data. Il dispose donc de tous les
éléments pour mettre en place le RGPD au niveau de cette
structure.
Donc nous nous sommes plus focalisés sur nos clients
que sur ce qu'il fallait faire en
interne.
MD : Effectivement, dans ce cas vos clients sont
eux-mêmes des prestataires informatiques.
CAT : Nous avons aussi des clients en direct, TPE ou PME de la
région.
Pour le moment nous n'avons pas encore fait d'action
marketing sur le sujet, on est encore sur une approche personnalisée, on
en parle directement à nos clients lorsqu'on les rencontre. Nous n'avons
pas fait d'emailing ou autre sur le RGPD.
MD : Vous n'avez donc pas encore d'impact,
de moyens ou de coûts financiers associés à la
thématique RGPD ?
CAT : Non pas du tout.
MD : J'interrogeais justement le dirigeant
d'Optimex la semaine dernière. Ils ont a un label de la CNIL pour leurs
prestations, mais je lui demandais si ils allaient décerner un label ou
une certification aux clients. Il y pense, est-ce que c'est quelque chose que
vous souhaiteriez
Mathieu DARMET - Mémoire de fin d'étude - Business
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obtenir ou mettre en avant ? Nous sommes labelisés
RGPD, vous pouvez obtenir une certification...
CAT : Nous mettons en avant notre partenariat avec Optimex,
qui est labelisé. C'est un point important qui les rassure et permet de
maintenir la confiance. Pour l'instant nous avons vendu deux prestations
d'audit RGPD et nous avons vraiment souhaité les positionner comme
interlocuteurs privilégiés de nos clients sur le RGPD. Nous
restons le service informatique de nos clients, mais on s'appuie sur les
services d'Optimex Data qui fait l'audit et peut se positionner comme le DPO
externalisé ou qui va former celui de notre client. Après, on
voit pour la facturation, ça dépend un peu du client, mais en
plus on démarre seulement sur le sujet. Par contre, nous avons
validé que c'est ce cabinet qui est le mieux à même de
remplir cette mission et on veut qu'ils soient le point d'entrée, ce qui
est plus lisible et rassurant pour le client.
MD : Oui c'est un peu ce que ce sont dit les
ESN, qui ont d'abord vu un business potentiel, puis réalisés que
cela relevait avant tout de l'organisation interne et du juridique.
CAT : Tout à fait et la difficulté que nous
avons rencontrée, comme toutes les sociétés informatiques,
c'est que nos fournisseurs, d'anti-virus, sauvegardes et logiciels en
général, n'avaient pas de communication très claire sur
leurs produits. Ça commence, mais on ne sait pas si tel ou tel produit
est conforme au règlement. On en a pourtant beaucoup entendu parler, sur
les réseaux sociaux ou dans les médias, sur la partie magistrale
du RGPD, mais quand on creuse niveau technique il n'y a pas grand-chose...
MD : Je crois que tout le monde est en train
d'en prendre un peu la mesure et de se demander ce que cela impacte
réellement. Evidemment la sécurité et on voit que beaucoup
d'entreprises sont loin d'être aux normes de ce point de vu. Mais je
pense que ça va faire bouger les lignes.
Pour en revenir aux interventions que vous avez
réalisées pour vos clients, comment ça s'est passé
?
Vous avez d'autres demandes ?
CAT : Alors, elles sont signées et on doit les
réaliser. Il y a quelques autres demandes, mais on se rend compte que
ceux qui s'y intéressent beaucoup sont surtout des grandes PME, qui sont
déjà très bien organisées et qui savent
déjà se donner les moyens de leurs ambitions. Nous avons
rencontré des Directeurs Financiers qui ont déjà compris
qu'avec le RGPD ils n'ont pas le choix et c'est le discours qu'ils tiennent
à leur PDG, donc ils prennent le sujet à bras le corps, ont
défini un calendrier. Ils ne se sont pas posé la question de le
faire ou pas. Donc tout ce passe bien avec ces structures, mais les plus
petites se sentent dépassées.
MD : Oui mais à moins qu'elles fassent du e-commerce
en B2C, qu'elles manipulent de gros fichiers ou des données sensibles,
ces structures sont assez faiblement impactées.
CAT : De manière générale, nous n'avons
pas souhaité avoir un discours alarmiste auprès de nos clients.
Au contraire et comme Optimex Data le fait, on essaie vraiment de
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l'appréhender en terme d'opportunité,
au-delà du côté obligatoire et de la mise en
conformité au RGPD. On part aussi du principe qu'une
société que nous suivons, avec un contrat de maintenance, le
basic de la sécurité est déjà en place. Parce qu'on
n'accepte pas de maintenir un système d'information ou il n'y a pas
d'antivirus ou de système de mots de passe et d'identification.
Maintenant nous allons quand même vérifier si tout correspond bien
à ce qui est décrit par le règlement. Mais beaucoup nous
disent qu'ils ont participé à des réunions d'information
et qu'ils en sont ressortis très inquiets, de ce fait notre discours les
rassure.
MD : Puisque nous parlons de vos contrats,
avez-vous avez prévu de leur apporter des modifications, d'ajouter
certaines clauses ?
CAT : Pas encore, mais il va falloir et ça fait partie
des chantiers en cours.
MD : J'aimerais aussi que nous parlions de l'IoT. J'aimerais
comprendre quelles sont concrètement vos prestations sur les objets
connectés. Vous en installez vous-mêmes, c'est de la prescription,
de la maintenance ?
CAT : L'IoT, nous en avons toujours fait, ça ne
s'appelait pas comme ça, mais quand nous disons que l'on installe et que
l'on déploie tous les objets connectés, c'est assez large. Par
exemple, un radiateur est aujourd'hui un objet connecté, donc
aujourd'hui je n'arrive pas vraiment à faire le lien entre le RGPD et
l'IoT.
MD : Le lien, c'est la sécurité et les
données collectées par ces objets. Techniquement, il y a le
problème des firmware qui ne sont pas nécessairement mis à
jour par les fabricants, car ils n'ont pas cette culture numérique. On
parle de fabricants de radiateurs, pas d'informaticiens, qui ont
intégré des technologies, type puces RFID, qui ont un niveau de
sécurité très faible, considérant que ce ne sont
pas des objets critiques. Mais plus il y en aura, et on parle de 20 milliards
d'objets connectés à l'horizon 2020, plus ces problèmes de
sécurité, d'intrusion, de malware, seront impactants.
CAT : Oui je comprends, comme nous sommes les donneurs
d'ordre de ces prescripteurs ou installateurs, je pense à Enedis pour
les compteurs Linky, que nous installons aussi, nous ne nous sommes pas
posé la question du RGPD pour les IoT que l'on déploie. Mais eux,
je penser que oui. D'ailleurs, sur le plan commercial, à ma
connaissance, ils ne ont jamais parlé du RGPD.
MD : Pourtant ces objets remontent des
informations qui relèvent de la vie privée des individus et les
sources de collecte se multiplient et ces données peuvent se vendre
entre autre à des fins marketing, il y a un marché avec des
courtiers... Je voulais savoir si le monde des objets connectés
commençait à prendre la mesure des enjeux.
CAT : Non, nous n'avons vraiment pas eu de communication de la
part de nos prescripteurs. Nous nous intéressons plus au RGPD,
vis-à-vis des informations sur nos salariés et pour notre portail
AIRRIA Chanel qui collecte des informations sur les marchés et sur nos
partenaires. Donc là, il va falloir que nous nous mettions en
conformité.
Mathieu DARMET - Mémoire de fin d'étude - Business
Manager 2018
MD : J'ai bien compris. Donc pour en finir
avec les objets connectés, si je résume, les notions de
données personnelles, ne passent pas par vous, ni par vos installateurs,
mais relèvent plutôt des fabricants.
CAT : Pour les IoT, aujourd'hui on ne maintient pas et on ne
déploie pas nos propres solutions.
Et non, on en entend même pas parler.
MD : Oui je me doute bien que vous avez déjà du
travail en interne et qu'il y a de nombreux sujets à aborder.
D'ailleurs, c'est un peu ce qui est compliqué en ce moment, avec la
profusion d'informations ou d'articles sur le RGPD.
CAT : Oui j'en ai lu aussi énormément. Je ne
sais pas ce que vous en pensez, mais j'ai le sentiment que bien que
l'échéance approche, cela s'est un peu calmé.
MD : Peut-être un peu effectivement, il faut croire
qu'ils ont fini par assécher le sujet, du moins pour le moment. Ce n'est
que le début et je pense qu'avec toutes les questions sociétales
que cela soulève, on n'est pas prêt de clore le sujet. De plus le
discours de la CNIL se veut aussi plus rassurant et les gens ont
commencé à comprendre que la vocation n'est pas uniquement de
sanctionner.
CAT : C'est aussi le discours que nous avons tenu à nos
clients, en leur disant pour le mois de mai, il faut surtout que vous puissiez
démontrer que vous avez engagé des choses à ce sujet et
que tout ne peut pas être conforme.
MD : C'est ce dont tout le monde s'est rendu
compte et c'est finalement la bonne volonté des entreprises que la CNIL
entend d'abord mesurer, du moins dans un premier temps.
CAT : Je pense que c'est aussi l'occasion de faire
évoluer la communication entre les différents services d'une
même entreprise, dans le sens où ils ne sont pas toujours au
courant de ce que fait l'un ou l'autre. Maintenant, le DPO va être au
coeur de l'organisation, des actions, garant des bonnes pratiques et il va
falloir le tenir informé. Mais cela fait un petit peu peur, comme quand
nous avons dû mettre en place la DUERP (Document Unique d'Evaluation des
Risques Professionnels), pour les risques professionnels. Cela a demandé
un gros travail en amont et maintenant c'est intégré. Donc le
RGPD, c'est un peu la DUERP de l'informatique, même si c'est plus large.
Est-ce que vous avez beaucoup de retours d'expérience d'entreprises qui
ont déjà un DPO en place ?
MD : Pas vraiment, je rencontre justement le
premier cet après-midi à GEM. Il y en a assez peu, d'autant que
toutes les entreprises n'ont pas l'obligation d'en avoir un, à moins de
réaliser des traitements sur des données sensibles. Ma
démarche n'a pas la prétention d'être exhaustive, donc j'ai
surtout adressé mon réseau. Il y en a déjà dans les
grands groupes, mais ce n'est pas évident de pouvoir les rencontrer sans
être recommandé, d'autant qu'en ce moment, ils sont tous assez
occupés...
Mathieu DARMET - Mémoire de fin d'étude - Business
Manager 2018
CAT : Pour moi, cette notion de données
sensibles, quand on fait son inventaire, cela peut concerner beaucoup de
choses.
MD : Ce qui est sensible, concerne surtout des
informations caractérisant les opinions des gens, leurs convictions ou
des informations relatives à leur santé...
CAT : Pour moi, ne serait-ce que les coordonnées
bancaires me semble être des informations sensibles. Donc à partir
du moment où on a des clients, des fournisseurs et des
salariés...
MD : Oui, mais il s'agit aussi de données
légitimes, indispensables à votre activité. Donc il vous
appartient de les référencer et de les protéger, parce
qu'elles restent des informations que je qualifierait de « critiques
», mais pas sensibles au sens du RGPD.
CAT : D'accord, j'avais du mal à faire la distinction.
MD : Sinon, au niveau de votre analyse sur le RGPD, qu'en
pensez-vous, est-ce que vous voyez des limites par exemple ?
CAT : Ce qui m'a effaré et un peu
inquiété, c'est de constater que nos fournisseurs de logiciels,
de sauvegarde ou autre, ne sont pas prêts et qu'ils n'ont pas encore
même pas abordé cette dimension. Quand on les interroge sur le
cryptage des données, ce n'est pas possible, c'est encore stocké
en claire dans l'application. Donc techniquement, je ne vois pas comment le
règlement peut être respecté sur toutes les dispositions.
La CNIL ne va peut-être pas tout contrôler pour le moment, mais
j'ai du mal à voir comment nous pourrions tout maîtriser ou
empêcher un salarié de récupérer des données
sur une simple clé USB. N'ayant pas une casquette technique, je peux
difficilement être rassurée sur tout, car le chantier me parait
tellement énorme et même pour le DPO qui va devoir y consacrer
beaucoup de temps. Je pense quand même que beaucoup ont surfé sur
cette vague, j'ai même des confrères qui m'ont dit qu'ils ont
embauché un commercial pour communiquer autour du RGPD, en appelant tous
les clients et qui arrivent même à trouver de nouveaux contrats.
Mais je pense que maintenant on va rentrer plus dans le vif du sujet, avec des
réunions plus concrètes et pratiques. Que ce soit les juristes ou
même les sociétés informatiques, je pense qu'ils vont mieux
s'approprier la règlementation sur son application opérationnelle
chez les clients.
MD : Il y a des vrais chantiers, mais il
était difficile de prendre la mesure, avec un texte peu accessible.
CAT : C'est en ça qu'Optimex permet de
démystifier la chose et d'apporter plus de lisibilité. J'ai donc
hâte que cette réglementation prenne de la maturité, que le
DPO joue un rôle de conseil et de communiquant dans l'entreprise et c'est
ce qui va permettre de changer et de mettre en place les bonnes pratiques
auprès des utilisateurs.
On parle aussi de nouveaux droits accordés aux
citoyens européens, je crains aussi une forme de dérive des
demandes qui pourront être faites, par les salariés ou les
clients, concernant
Mathieu DARMET - Mémoire de fin d'étude - Business
Manager 2018
les données qu'on a stockées. Que certains n'y
voient pas avant tout le moyen de faire des procès et d'obtenir des
dédommagements.
Pour AIRRIA, je pense qu'on se pose les bonnes questions et
que nous avons mis en place des bases qui nous permettront d'aborder
sereinement la mise en place du RGPD. On apprend au fil de l'eau, on s'adapte
à nos clients et on les rassure en s'entourant de spécialistes du
réglementaire, ce qui nous permet de nous concentrer sur notre
métier. On entre dans le vif du sujet, mais il me semble que les choses
se feront finalement de manière plutôt sereine.
Mathieu DARMET - Mémoire de fin d'étude - Business
Manager 2018
ANNEXE 5 - Entretien Alexis Dupic, Optimex Data
GUIDE D'ENTRETIEN
ORGANISATION INTERNE
o Structure, historique, effectif
o Génèse de l'activité
o Aide, financement
o Partenariats
o Obtention du label ? Cnil indique que c'est la COFRAC qui les
décerne, mais rien sur leur site... Comment et qui peut l'obtenir ?
o Différence entre label et certification ?
CONCURRENCE
o Avez-vous des confrères sur la région ?
Labelisés ? Bureau Véritas ? Juristes indépendants ?
o Perception : sentiment qu'il y a « à boire et
à manger »
PRESTATIONS :
o Périmètre d'intervention (répartition
secteur de la CNIL ? entente entre confrères ?)
o DPO externalisés : Ressources internes ? Co traitant ?
Indépendants ? NB de demande ?
CLIENTELE :
o Comment les trouvez-vous ? Prescripteurs ? Communication
Marketing ? Démarchage ?
o Niveau de sensibilisation
o Perception de vos démarches
o Niveau de conformité / maturité
o Typologie : Grands groupes ? ETI ? PME ?
o Chiffre d'affaire
APPLICATION AU NIVEAU UE :
o Savez-vous s'il y a des disparités entre les pays de
l'union (adaptation du RGPD, mise en application, dérogation
o J'ai ouie dire que certaines organisation (corporation,
grands groupes) avaient fait du lobbying en amont pour être
exonérés de certaines contraintes. Qu'en est-il ?
VOTRE ANALYSE : Quel votre avis
personnel si vous souhaitez m'en faire part ?
o Pensez-vous que ce dispositif soit suffisant ?Quelles peuvent
être les limites ?
o Pensez-vous que cette réforme constitue une
contrainte ou une opportunité pour l'entreprise ?
o Pensez-vous que c'est l'opportunité pour l'Europe de
reprendre la main sur le numérique ?
Mathieu DARMET - Mémoire de fin d'étude - Business
Manager 2018
TRANSCRIPTION INTERVIEW Alexis Dupic
Le 04/05/2018 à Varces
Mr Alexis DUPIC
Juriste en protection des données - Co-fondateur de la
société Optimex Data
Mathieu Darmet : Nous discutions avant de
commencer l'interview de la portée internationale du RGPD et tu me
disais que même l'Australie est en train de s'interroger.
Alexis DUPIC : Avec l'entrée en
vigueur du règlement dans une vingtaine de jours, il y a beaucoup
d'Etats qui en dehors de l'Union Européenne pourraient s'en inspirer.
Nous sommes novateurs et c'est une base qui les interpelle et c'est important
de le souligner. On nous a dit pendant des années que la France
était en retard sur le numérique, que la loi Informatique et
Libertés ne fonctionnait pas. C'est donc l'opportunité d'en
profiter pour changer les choses. C'est parce que j'ai fait du droit
européen que j'en suis arrivé à la protection des
données. C'est une très bonne chose pour l'Union
Européenne et l'ensemble de ses citoyens. Cela va aussi dans le sens du
business, du marché interne où l'on avait la notion de libre
circulation des biens, des personnes, des services et maintenant des
données. Une entreprise européenne qui avait une filiale en
Allemagne ou ailleurs en Europe, cela restait très compliqué de
faire circuler des données. Ne serait-ce que des
données-salariés à destination de la personne qui
gère la paie, qui devait se conformer à chacune des lois
informatique des pays, quand il y en avait une. En ce sens ce nouveau texte est
un atout et va permettre à ces entreprises de réaliser
d'importantes économies.
A l'inverse ce n'est pas du tout ce que voient les TPE,
même si elles ne sont pas les plus impactées. Mais ne serait-ce
qu'en utilisant un Outlook hébergé à l'étranger il
y aura des transferts de données, alors que si elles restent en interne,
il n'y a pas cette problématique. A partir du moment où on veut
se développer à l'international, il faut se poser des question.
Lorsqu'on travaille avec la Suisse par exemple, on a la chance d'avoir un cadre
juridique qui est reconnu par la Commission européenne et ce n'est donc
pas un frein au développement de son business. De fait cela impacte
forcément tous les états limitrophes, même lorsqu'ils ne
sont pas membres.
MD : Comment es-tu arrivé dans ce
métier ?
AD : Optimex Data va avoir un an. L'année
dernière, j'étais encore étudiant, en stage chez Proxy
Papers dont nous partageons les locaux.
MD : J'ai pourtant vu sur internet que
l'entreprise existe depuis plus longtemps, avec un autre dirigeant.
AD : Nous avons préféré reprendre une
structure, Optimex Formation qui existait depuis 2009 et pour laquelle mon
associée Sandrine Barthelemy assurait des missions de consulting. Cela
nous a permis de conserver leur numéro d'agrément pour dispenser
des formations et démarrer rapidement. Optimex Data est donc le nom
commercial d'Optimex Formation.
Mathieu DARMET - Mémoire de fin d'étude - Business
Manager 2018
Mon associée a d'abord créé sa structure
de services à la personne, Proxy Papers, dans le domaine de la gestion
administrative, en intégrant un espace de stockage
sécurisé dédié à la personne. Ce cloud
permet de stocker tous les papiers, comme un Google Drive, mais respectueux des
données. C'est son avantage concurrentiel, en plus du service
proposé à la personne, elle dispose d'une interface pour
consulter ses documents, de rappels d'échéances...
Sandrine avait entendu parlé du règlement et
avait besoin d'un juriste pour la protection des données. Elle s'y est
pris plus d'un an en avance par rapport aux autres, justement suite à
une conférence à l'Université dans laquelle je faisais
justement mes études. J'ai appris que Proxy Papers recherchait un
juriste et cette mission correspondait exactement à ce que je
souhaitais.
Au bout de 3 mois de stage, j'ai mis Proxy Papers en
conformité et elle m'a proposé de créer une
activité plus spécialisée pour les autres entreprises, car
ça n'existe pas. Il y avait quelques entreprises sur Paris, mais
c'était surtout traité par des avocats, plus sur la partie
conseil juridique : rédaction d'actes et contrats, qui ne sont pas des
choses sur lesquels nous intervenons. On fait de la mise en oeuvre et de
l'opérationnel. Notre vraie valeur ajoutée est
d'interpréter les articles du règlement pour les transformer en
actions concrètes.
Nous réalisons des audit, proposons des formations et
des missions d'accompagnement. Nous les aidons à cartographier les
traitements, évaluons le fonctionnement des entreprises et leur niveau
de confidentialité au regard des exigences du règlement. Puis
nous émettons un bilan RGPD, avec des préconisations correctives,
pour qu'elles puissent être en conformité. L'entreprise peut
mettre en oeuvre elle-même son plan d'action, ou faire appel à
nous pour l'accompagner.
MD : J'ai vu sur votre site que vous
proposiez des DPO externalisés. Est-ce vous qui assurez directement ces
missions ? Etes-vous en capacité de les assumer ou passez-vous par des
prestataires ?
AD : Si à l'issue de l'audit, l'entreprise est
concernée par l'obligation de nommer un DPO, nous nous proposons
d'être leur DPO externe ou d'en former un en interne.
MD : Est-ce que vous assurez déjà
ces fonctions de DPO, qui est donc mutualisé ?
AD : Non pas encore, mais nous commençons
bientôt. C'est encore en discussion, mais nous allons accompagner une
communauté de communes. Nous avons déjà fait un audit et
ils réfléchissent à le faire en interne, mais je pense
qu'elle va faire appel à nous. Cela pourra potentiellement être
étendu aux communes qui la composent et dans ce cas nous pourrions
mutualisé un DPO. Ce sera surement le cas de d'autres structures, comme
une petite start up de 15 personnes qui n'aura pas les moyens de prendre un DPO
et préfèrera s'allier avec une autre qui a le même besoin.
Mais il faut que ce soit des structures assez similaires, qui est la même
problématique.
MD : Cela veut-il dire qu'il y a des
critères à respecter sur ce point ?
Mathieu DARMET - Mémoire de fin d'étude - Business
Manager 2018
AD : Il n'y a pas de critères
officiels dans le règlement. Le G29 est chargé
d'interpréter le règlement, les points généraux du
règlement et notamment sur le DPO. Le règlement étant
assez vague sur ce point, le G29 a pu donner des indications pour
déterminer en quel mesure un DPO pourrait être mutualisé.
Après il faut faire preuve de bon sens, on ne va pas mutualisé un
DPO pour des structures en concurrence.
MD : J'ai vu que vous êtes
labellisés par la CNIL. C'est un point qui m'intéresse car la
CNIL indique qu'elle a délégué ce rôle, à
priori à la COFRAC, qui devra elle-même labelliser des organismes
certificateurs. Pouvez-vous m'en dire plus ?
AD : Je crois que les labels existent depuis 2004.
C'était la directive 95/46 de l'Union Européenne qui permettait
à la CNIL de décerner des labels mais qui a été
abrogée par le RGPD. Tous les états membres ne l'avaient pas
transposée, car chaque Etat est sensé transposer les directives
dans une loi, ce qui est assez long.
MD : Je crois d'ailleurs qu'en France la
nouvelle loi Informatique et Libertés doit être votée par
le Sénat autour du 20 mai.
AD : Elle devait même entrer en vigueur le 6. Je ne
sais pas ce qu'il en est, mais ça va surement se faire au dernier
moment. Le RGPD est au-delà d'une directive, ce qui veut dire qu'il n'y
a pas de transposition et que chaque pays va devoir appliquer le même
cadre.
MD : Mais sais-tu s'il existe quand
même des disparités entre les pays ? Que ce soit dans le contenu
de la loi ou dans la manière de l'appliquer ?
AD : La loi Informatique et Libertés 3 qui va
être adoptée par notre gouvernement n'est pas obligatoire. Le
règlement est le cadre juridique pour tout le monde, donc un pays comme
la Roumanie qui n'avait pas de loi informatique devra appliquer le
règlement. L'utilité d'une loi Informatique et Libertés 3,
réside dans la marge de manoeuvre que laisse le règlement aux
états membres, pour durcir le règlement dans certains cas,
parfois pour l'assouplir mais c'est très rare. Par exemple, avec le
RGPD, à quelques exceptions près, il n'y aura plus de
formalités préalables de déclaration auprès de la
CNIL. Sur ce point le règlement laisse donc une marge de manoeuvre aux
états membres. Actuellement, lorsqu'on traite des données
sensibles, il faut demander une autorisation à la CNIL tous les ans.
C'est ce que font la CAF ou les mutuelles, ce qui est assez lourd. Le
règlement permet aux Etats membre de conserver ce régime s'ils le
souhaitent. Ce sera donc plus équitable pour les entreprises. Avant, la
loi informatique allemande était plus stricte que la LIL
française et cela pouvait compliquer les relations commerciales.
Aujourd'hui, à quelques petits détails près, ce sera
beaucoup plus simple.
MD : Comment as-tu obtenu ce fameux label CNIL
?
AD : C'est la CNIL qui avait décidé d'attribuer
des labels, pour les audits, les coffres fort et les formations. L'obtention a
été assez longue, puisque nous avons eu des échanges avec
le pôle label de la CNIL pendant plus de 8 mois, sur la conformité
de notre organisme, le contenu
Mathieu DARMET - Mémoire de fin d'étude - Business
Manager 2018
de nos formations. Nous avons obtenu les labels il y a un peu
plus d'un mois. A partir du 25 mai, il n'y aura plus de labels, mais des
certifications, comme le prévoit le règlement. Les CNIL
européennes se réunissent en ce moment pour voir comment vont
être attribuées les certifications. D'après ce que j'ai pu
comprendre, je pense qu'Optimex Data pourra être un organisme
certificateur pour son client. Nous ferons un audit et on pourra certifier de
sa conformité. C'est la même démarche que pour les normes
iso, mais c'est encore en négociation et nous devrions être
fixés dans les jours ou les semaines qui viennent. J'espère avant
la 25 mai, car ce serait un comble qu'ils ne soient pas eux-mêmes en
conformité avec ce qu'ils nous demandent. Le pôle label va se
transformé et nous sommes l'un des derniers organismes a avoir pu en
obtenir un, car ils seront remplacés par les certificats.
MD : Cela veut dire que vous allez devoir
refaire toutes les démarches ?
AD : Non car les labels sont décernés pour 3
ans, mais nous ferons quand même des demandes de certification des
sociétés. Mais ces labels étaient importants, car ils
témoignaient de notre proximité avec la CNIL, ce qui est un gage
de légitimité important pour les formations que l'on dispense.
MD : Avez-vous mis en place des partenariats
avec d'autres acteurs ?
AD : Nous travaillons beaucoup avec les prestataires
informatiques de la région, voir autour. Ils sont souvent les premiers
à être interpellés par leurs clients, pour savoir s'ils
sont en conformité et comment ils peuvent l'être eux-mêmes.
Pour lancer notre business, nous nous sommes justement tournés vers ces
prestataires pour leur proposer d'accompagner leurs clients sur la partie
juridique. Certains proposent des prestations autour du RGPD, mais ils ne font
pas du juridique. Quand on regarde le règlement, la partie informatique
est finalement assez faible, puisque c'est surtout un outil pour arriver
à la conformité. En schématisant fortement, pour
être en conformité il faut sécuriser les données,
soit de manière physique, car il y a toujours des données papier
sur les clients et les salariés, soit de manière informatique
pour tout ce qui est numérisé. Mais c'est vrai que les
prestataires informatiques ont une carte à jouer sur le RGPD, parce
qu'ils doivent mettre en oeuvre et garantir les mesures de
sécurité appropriées.
MD : Sachant qu'ils ont uniquement une
obligation de moyens.
AD : Oui, mais comme ils ne maîtrisent pas le
juridique, ils nous envoyaient des clients et nous en faisions autant quand
nous détections que la protection informatique n'était pas
suffisante. Nous en recommandons quelques-uns et c'est les seuls partenaires
que nous avons.
MD : Avez-vous pu bénéficier de
financement ou d'aides pour lancer votre activité ?
AD : Non, aucune.
Mathieu DARMET - Mémoire de fin d'étude - Business
Manager 2018
MD : Tout le monde utilise le RGPD comme
vecteur, pour tout est n'importe quoi. Sur votre marché, avez-vous de
vrais concurrents, en dehors du marché parisien que tu évoquais
?
AD : Il y en a beaucoup sur Paris et de plus
en plus sur la région, à Lyon, à Chambéry.
MD : Est-ce qu'ils sont labellisés
aussi ? J'ai vu notamment que Bureau Veritas proposait aussi une formation
DPO.
AD : Non ils ne sont pas labellisés pour la plupart,
à part sur Paris.
Pour Veritas, ils proposent leur propre certification, mais
ils ont un nom et une réputation. Nous ne pouvions pas nous contenter de
proposer des formations certifiées Optimex Data.
MD : Est-ce que vous vous limitez au secteur
Rhône-Alpes ?
AD : Oui et non, car nous avons de gros contrats en dehors.
MD : Combien êtes-vous actuellement dans
la structure ?
AD : Nous sommes 5 à plein temps, mais on recrute.
Actuellement nous avons 3 juristes dont moi, mon associée sur la partie
administrative, commerciale ou gestion de projet et nous venons de recruter une
commerciale, qui assure aussi des tâches administratives.
MD : Vous avez plutôt une
démarche offensive ou vous traitez surtout des appels entrants ?
AD : Nous avons beaucoup de demandes entrantes et nous avons
communiqué. Le magazine Présence nous a contactés par
l'intermédiaire d'un de nos partenaire pour participer à leur
dossier sur le RGPD.
MD : Quel est le volume de demandes ?
AD : Je suis tellement dans l'opérationnel depuis ces
derniers mois, que je ne saurais pas te répondre. Je sais qu'il y en a
énormément, mais avec ma charge de travail, je découvre
mon emploi du temps au fur et à mesure. Je gère plusieurs
missions en parallèle, mais certaines sont plus longues que d'autres,
entre une demi-journée et plusieurs jours. Cela dépend de la
taille, de mon interlocuteur et des problématiques.
Nous le qualifions lors de la demande-client et adaptons
notre offre en conséquence, mais ce n'est plus moi qui m'en occupe.
Mathieu DARMET - Mémoire de fin d'étude - Business
Manager 2018
MD : Au-delà de votre intuition de
penser qu'il y aurait de la demande, comment avez-vous monté votre
business plan ?
AD : C'était un peu un pari, mais nous savions qu'il y
avait une obligation légale. Nous avons un peu moins de
visibilité pour l'après, mais nous savions aussi que nous
étions les seuls sur Grenoble.
MD : C'est assez étonnant que vous soyez les seuls...
AD : Oui et non, il y a beaucoup de communication sur la
partie informatique, mais peu sur le juridique encore actuellement.
Le règlement est beaucoup utilisé pour faire
peur, alors que les incidences seront assez limitées pour la plupart des
entreprises. Ce n'est pas du tout notre approche, on essaie au contraire de
dédramatiser au maximum le règlement. On tient plutôt le
même discours que le CNIL, qui est de dire qu'une règlement existe
depuis 40 ans et que rien n'a été fait pour s'y conformer. Le
RGPD est l'occasion de rattraper ce retard et si l'organisme n'est pas
prêt au 25 mai, nous rappelons que la CNIL aura une démarche
pédagogique. En revanche, sur ce qui aurait dû être fait
depuis 40 ans, elle sera beaucoup moins indulgente.
Nous avons une population de petites sociétés
ou d'artisans, qui nous interrogent sur leur fichiers clients, prospects,
salariés et qui ne savent pas quoi faire. Nous les rassurons et leur
rappelons que les actions de la CNIL seront proportionnées. Beaucoup de
communications ont eu tendance à dramatiser et il y a effectivement des
enjeux importants, notamment vis-à-vis des GAFAM. Il fallait jusqu'ici
déposer une déclaration sur le site de la CNIL ce qui prenait
quelques minutes.
Le RGPD a renversé la charge de la preuve et ce ne
sera plus à la CNIL de dire qu'un traitement est en conformité,
mais à l'organisme de prouver qu'il est bien en conformité
lorsqu'il rencontre une violation de données, un crypto locker, ou en
cas de conflit avec un client ou un salarié. Cela implique de tenir un
registre de traitement, ce qui devrait se limiter à 4 ou 5 traitements
pour une TPE ou un commerçant. Alors qu'on en rencontre 100 à 150
dans les grosses sociétés.
Le règlement est donc empreint de bon sens. Il n'a que
peu évolué pendant des années, donc il faut
forcément remettre les choses à plat. Cela nécessite une
certaine mobilisation et une cohérence entre les services, mais ce n'est
pas plus mal.
MD : En interne nous nous interrogions sur
les contacts qui nous demandent un « opt-out » lorsque nous diffusons
des mailings ou newsletter. Nous les supprimons de la liste de diffusion, mais
avons-nous le droit de les conserver dans un autre fichier ?
AD : Il faut maintenant garder une trace des demandes de
désinscription, c'est même exigé. Il faut garder une trace
de cette demande et les conserver dans un fichier à part.
MD : Mais ce n'est donc pas un vrai
effacement...
Mathieu DARMET - Mémoire de fin d'étude - Business
Manager 2018
AD : C'est sûr, mais elle n'est plus
dans la boucle de la prospection. La personne s'oppose à une diffusion,
mais pas à figurer dans les fichiers. Mais si elle demande un
effacement, là ce n'est plus un droit d'opposition.
MD : Cela existait déjà dans la
loi Informatique et Libertés.
AD : Oui mais le RGPD va plus loin, car ce droit est
renforcé avec la notion de profilage. Maintenant on peut s'y opposer,
pour l'effacement des données cela peut aussi être demandé.
L'entreprise peut refuser parce qu'elle a encore besoin de ces données
pour ce qui est lié à son système d'information, comme la
facturation ou ce genre de choses. Elle peut faire en sorte de pseudonymiser ou
d'anonymiser les données.
MD : Mon entreprise se pose justement des
questions de conformité de ses logiciels, avec des problématiques
d'intégrité de nos bases de données. Car on ne peut
supprimer totalement des clients ou prospects pour lesquels nous avons
réalisé ne serait-ce qu'un devis.
AD : Le règlement ne donne pas de solution pratique.
Même la CNIL n'en propose pas. D'ailleurs le guide qu'ils ont sorti pour
les PME est très bien, il est pédagogique et dédramatise
la situation, mais il n'est pas assez concret et opérationnel. Cela
manque d'exemples pratiques et de ce point de vu les gens ne sont pas plus
avancés.
MD : En même temps cela justifie
d'autant plus l'existence de structures comme la
vôtre !
AD : On apprécie la démarche, car ce guide ne
nous fait pas du tort, mais il est dommage qu'il n'apporte pas plus de
réponses aux entreprises, qui ont tendance à dire qu'elles en ont
marre et qu'elle n'y comprennent rien...
MD : Par quels types de clients êtes-vous
sollicités ?
AD : On n'a pas vraiment de typologie de client. Nous nous
posions la question lors de la création de la structure, mais finalement
c'est aussi bien des petites sociétés que des grands groupes, des
collectivités ou des associations. La semaine dernière
j'étais chez un petit éditeur de logiciel et j'intervenais chez
l'habitant, au domicile du dirigeant. C'est un indépendant, mais il
travaille avec des collectivités qui lui demandent d'être en
conformité. Comme il ne peut pas perdre ses clients, il nous a
sollicité. Puis cette semaine j'étais dans un grand groupe et ce
n'est pas du tout la même approche. C'est aussi ce qui est génial
dans mon travail d'auditeur, qui nécessite une grande faculté
d'adaptation.
MD : Avez-vous des perspectives de croissance,
envisagez-vous des levées de fonds ?
Mathieu DARMET - Mémoire de fin d'étude - Business
Manager 2018
AD : Nous avons des valeurs de petite
société, donc pas vraiment. Nous prenons notre temps et on ne
sait pas encore comment va être la suite.
MD : Après l'effet RGPD, comment
réorienter l'activité ?
AD : Je pense qu'il est encore trop tôt pour se poser
ces questions. Je suis peut être un optimiste, parce que je crois
vraiment à ce projet européen de RGPD. Tout le monde nous l'envie
et ça va devenir une base. Dans les marchés publique on demandera
un niveau de conformité. Il y a les clients qui nous appellent parce
qu'ils ont reçu des courriers de la part de leurs clients qui veulent
savoir s'ils sont en conformité. C'est le schéma qui va porter
l'application du règlement, qui va rentrer dans les moeurs et je pense
qu'il y aura toujours besoin de DPO ou à minima des choses à
faire à un moment donné dans les entreprises.
Je n'ai pas trop de vision sur l'avenir, car c'est trop
tôt, mais nous sommes en train de créer un métier, d'autant
qu'il n'y a pas grand choses sur le sujet. Le G29 a publié un dossier de
30 pages sur les DPO, qui là aussi n'apporte pas grand-chose de concret.
C'est donc à nous de créer le métier et il y a
déjà des associations qui se sont créées, notamment
celle des DPO de France, qui a pris des initiatives, comme une charte de
déontologie des DPO, un forum d'entraide, dont nous
bénéficions et dont nous sommes acteurs. Il y a aussi des
débats, notamment sur les certifications, mais souvent sur Paris et on
ne peut pas toujours s'y rendre.
MD : Que penses-tu du niveau de sensibilisation
des gens ?
AD : Il y a d'une part la sensibilisation
des entreprises, mais aussi des individus eux-mêmes. On voit souvent des
utilisateurs ou des responsables de service qui sont déjà
très sensibilisés dans le milieu professionnel et la
confidentialité. Au niveau des organismes, je ne suis pas le mieux
placé pour répondre, car je n'interviens que chez ceux qui nous
sollicitent. Soit j'interviens en audit et ils sont dans une démarche
d'avantage concurrentiel en terme de réputation ou sur le plan
commercial. Tout le monde est très impliqué et ça se passe
très bien. Soit il s'agit de sociétés qui n'ont pas le
choix. Elles peuvent le prendre comme une obligation qu'elles subissent en se
disant qu'elles feront comme avec la loi précédente et verront
bien, ou elles prennent conscience que c'est un enjeu pour leur business. C'est
le cas des éditeurs de logiciels qui sont assimilés à des
sous-traitants, ou les avocats ou cabinets d'expertise-comptable qui traitent
des données confidentielles pour leurs clients. La notion de
sous-traitant est donc très large, tout le monde est sous-traitant
à un niveau ou un autre et doit pouvoir présenter des garanties
au niveau de la protection des données. Il m'est arrivé
d'intervenir dans des sociétés où les gens sont peu
motivés et pas forcément de bonne foi.
MD : J'entends bien qu'il y a des
opportunités, mais cela occasionne aussi des coûts pour les
organisations, qui ne sont pas anodins, ni prévus. Je pense à
l'organisation mais également aux moyens à mettre en oeuvre,
notamment sur l'informatique. Même si ces budgets relèvent du bon
fonctionnement des entreprises, beaucoup n'avaient pas été
prévus cela.
AD : Il y a de moins en moins d'entreprises
qui ne sont pas passées sur le cloud, ou qui n'ont pas mis un minimum de
moyens en interne. Tout est beaucoup mieux structuré et
sécurisé. Quand c'est le cas, on met en évidence les
risques, on préconise de mener certaines actions
Mathieu DARMET - Mémoire de fin d'étude - Business
Manager 2018
correctives ou un audit de sécurité
informatique et je les renvoie vers des prestataires informatique.
Ce n'est pas dans nos attributions, mais fait partie du
règlement et plus précisément de l'article 32 sur la
sécurité des données. Dans nos rapports d'audit, on
s'appuie aussi sur les publications de la CNIL qui propose des guides assez
intéressants.
MD : Et combien coute un audit d'Optimex Data
?
AD : Cela dépend de la durée des missions, donc
on applique un tarif journalier de 850 € HT, qui correspond à ce
que pratique les prestataires de service. Un audit complet, interne et externe,
peut varier entre 2 jours à 2 jours et demi minimum, jusqu'à plus
de 10 jours.
MD : Avez-vous beaucoup de demande de la
part d'éditeurs de logiciels, car ils sont nombreux dans notre
région ?
AD : Il est trop tôt pour que nous puissions
dégager une tendance sur les entreprises qui nous sollicitent. Sur les
entreprises dans lesquelles je suis intervenu, j'ai croisé plusieurs
prestataires informatiques et éditeurs de logiciels, mais quand je dis
plusieurs, c'est 2 ou 3 à chaque fois.
MD : Cela me semble peu, vu leur nombre et les
répercutions que peuvent avoir le RGPD sur leur activité. J'ai le
sentiment que cela rejoint la tendance général, car je trouve
qu'il y a un vrai retard dans les organisations.
AD : Ils ne savent pas forcément comment faire. Nous
avons aussi des cabinets comptables, des avocats.
MD : Qui peuvent aussi être des
prescripteurs. Est-ce que vous les démarchez spécifiquement ?
AD : Nous avons été amenés à
intervenir au travers d'organismes de cette branche et avons un peu
communiqué. Mais c'était surtout des opportunités et ils
en ont ensuite parlé à d'autres, comme avec les
Communautés de communes. Comme il n'existe pas beaucoup d'autres
organismes, notre nom revient souvent.
MD : Cela doit vous poser des problèmes
de réactivité et capacité.
AD : C'est pour ça que nous recrutons et pour
l'instant nous parvenons à traiter toutes les demandes. Nous n'avons pas
encore beaucoup communiqué et demain il faudra peut-être que nous
nous adaptions. Mais actuellement nous faisons appel à des consultants
externes.
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Manager 2018
MD : De quels types de profils s'agit-il ?
AD : Ce sont des juristes indépendants, que nous
connaissons via notre réseau, notamment un ancien camarade de fac.
Ça me donne justement l'occasion de reboucler avec mon parcours
universitaire et d'anciens enseignants qui m'ont transmis leur passion pour la
protection des données. Il y a un Data Institute à Grenoble, qui
est un laboratoire de recherche sur les données, avec des personnes
très compétentes et passionnées. Ma démarche est
aussi un moyen de pouvoir leur rendre ce qu'ils m'ont donné, en
recrutant des stagiaires qui ont suivi le même cursus que moi, ou de
faire appel à des personnes qui ont fait des thèses sur le sujet.
Mais nous recevons aussi des CV de personnes qui travaillent en
indépendant ou ont été CIL. Selon la demande nous ferons
aussi appel à ce type de compétence, mais c'est surtout des
profils juridiques qui nous intéressent. Pour l'instant, j'ai beau avoir
un emploi du temps chargé, je n'ai pas de visibilité sur
l'évolution de la demande.
MD : Penses-tu que cette
règlementation soit suffisante ? Est-ce que tu vois des limites ?
AD : Je ne la trouve pas adaptée pour les petites
entreprises, notamment sur les aspects pratiques liés à la
sous-traitance, auxquelles elles peuvent être confrontées. Elles
le prennent comme quelque chose d'insurmontable, alors que ce n'est pas la
bonne approche.
De manière général, je trouve que ce
règlement est très bien fait. Il est rédigés dans
des termes tellement généraux, qu'il en est presque infaillible.
On ressent dans chaque alinéa les débats qu'ils ont
suscités au Parlement Européen pendant 4 ans. On ressent
l'influence des différents acteurs, de l'Etat, des associations de
consommateurs, comme La Quadrature du Net par exemple, mais aussi celle des
lobbys. Le texte est d'autant plus intéressant juridiquement, parce
qu'il a une portée extra territoriale. Pouvoir imposer à des
acteurs privés économiques le RGPD alors qu'ils ne sont pas sur
le territoire c'est une vraie avancée.
Il y a aussi le problème des petites entreprise ou
artisans, qui souscrivent des services en ligne, comme de la messagerie, sans
trop se préoccuper des clauses qu'ils acceptent dans le contrat. Comme
le règlement impose d'avoir un contrat avec tous ses sous-traitants, je
trouve que cela a du sens quand il s'agit de contractants qui ont la même
taille, sinon c'est trop contraignant. La CNIL a publié un guide pour
les sous-traitants, avec des clauses que ces sociétés peuvent
utiliser et qui sont simples à intégrer. Mais sur le terrain, il
va être compliqué pour une TPE de les mettre en place, alors
qu'ils ont tendance à intervenir entre eux de gré à
gré.
MD : Est-ce que des collectifs ou des
fédérations n'auraient pas matière à
fédérer la mise en place de ces pratiques, à se
positionner comme référents ou à accompagner ces petites
structures ?
AD : C'est la question qu'on s'est posé. Vers qui
pouvons-nous nous tourner pour accompagner les TPE ? C'est un peu la questions
avec les ordre des avocats, des experts comptables ou celui des
médecins. Il leur appartient aussi de se saisir de ces questions
liées à la loi Informatique et Libertés pour leur proposer
des solutions.
MD : Ce qui me semble préoccupant,
c'est que ces grands acteurs, comme Google en profitent pour demander encore
plus de données, en faisant accepter des conditions qui se
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veulent plus transparentes et non plus acceptées par
défaut. Surtout en partant en plus du principe que beaucoup
d'utilisateurs sont enclins à les accepter pour bénéficier
du service. Allons-nous réellement arriver à contraindre de
telles multinationales ?
AD : Je pense que cela va donner naissance à un
nouveau type de business, comme celui de LinkedIn, qui consiste à
s'engager à ne pas vendre vos données. Ils ont saisi le RGPD
comme une opportunité de renforcer la confiance client en mettant en
avant leur politique de confidentialité. Contrairement à Google,
ils ne sont pas rémunérés sur les données,
préférant le faire sur les post sponsorisés, ou les
comptes Premium et autres fonctionnalités additionnelles.
Je crois à un nouveau business modèle qui
proposerait des services respectueux des données. Je trouve que c'est un
bon compromis par rapport à ce qui se passe actuellement. Les citoyens
ont aujourd'hui besoin d'accéder à des services qui leurs sont
devenus indispensables, mais ne veulent plus pour autant qu'on utilise leurs
données. Avant on pouvait avoir l'application Coyote moyennant un
abonnement mensuel, c'était trop cher et maintenant on utilise Waze,
mais on accepte de voir ses données collectées et d'avoir des
publicités à chaque feu rouge. Même si on se pseudonymise,
nous pouvons de toute façon être identifiés par notre
téléphone. On peut bien sur minimiser son exposition, avoir
plusieurs comptes, des adresses « poubelle »...
MD : Mais encore peu de gens ont ce type de
préoccupation. J'y suis sensible et ne l'ai pas fait moi-même.
AD : Je suis venu à la protection des données,
parce que j'ai utilisé Internet très jeune et j'ai
été sensibilisé à ne pas donner mon
identité. J'ai d'ailleurs mis du temps à avoir un compte Facebook
et je n'ai pas mis mon nom de famille. Quand on me demandait pourquoi, je
répondais « on verra » et aujourd'hui beaucoup de monde
commence à le faire.
Le règlement va aussi remettre à plat des
choses qui auraient dues être faites depuis des années. Beaucoup
d'entreprises que j'accompagne sont plutôt contentes, car elles se disent
qu'elles vont profiter du RGPD pour lancer quelque chose d'autre, une meilleure
cohésion entre les équipes, revoir leurs process, gagner en
rentabilité, éviter d'avoir des fichiers et des bases de
données de partout, les sécuriser d'avantage, en faire des
sauvegarde régulières. Ce texte est aussi l'opportunité
d'apporter des choses concrètes dans les entreprises.
MD : Dernière chose, quand une
entreprise à suivi l'ensemble du « parcours Optimex », tu leur
décernes quoi ?
AD : Nous avons pensé dispenser des tampons
estampillés Optimex Data. On ne l'a pas encore fait et on devrait le
faire.
MD : Ce pourrait être un avantage pour la
communication de vos clients.
AD : On attend aussi les certifications qui arrivent et nous
ferons en sorte d'être organisme certificateur. C'est dans notre
continuité et il est important de pouvoir garantir quelque chose et que
notre rapport d'audit ait une vraie force juridique. Mais c'est aussi ce que
Mathieu DARMET - Mémoire de fin d'étude - Business
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demandent les gens, ils veulent être
accompagnés, mais ils attendent le 25 mai pour pouvoir obtenir la
certification. Il faudrait d'ailleurs qu'on fasse un peu de communication quand
nous le mettrons en place. Que nos clients puissent aussi utiliser notre tampon
dans leur communication ou sur leur site internet. Mais nous avons
déjà des recommandations via LinkedIn ou qui nous mentionne dans
des messages.
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Manager 2018
ANNEXE 6 - Entretien Stéphane Bergerat, Cinetic
IT
GUIDE D'ENTRETIEN
- Quelles sont les démarches ou réflexions qui ont
été entreprises au sein de votre structure ?
o Dans votre fonctionnement interne ? Vos outils de
communication, démarches marketing ? Type de données
collectées, usage, conservation ? Accompagnement, experts,
conseils...
o DPO, groupe de travail
o Dans les services ou l'accompagnement de vos clients ?
Ont-ils pris la mesure de leurs responsabilités ? PME,
peu responsabilisés
? Gros sont largement interpellés >
Démarches
? PME certains en parlent diffus
? Aucune réflexion petits clients > Occupé
par leur activité
Avez-vous eu des demandes particulière (cryptage,
recensement, documentation...) : Procédure d'effacement des
données pour vos clients ; demandes de certification ou label CNIL ;
analyses de risques/impact PIA (Privacy Impact Assesment) ou audit...
o Avez-vous révisé vos contrats clients et
sous-traitant ? Clause de garantie ?
o Avez-vous souscrit une cyber assurance ?
- Quelles adaptations techniques avez-vous réalisé
pour garantir la sécurité de vos données ? Quels impacts
économiques ? Investissements ?
- Pensez-vous que cette réforme constitue une contrainte
ou une opportunité pour l'entreprise ?
- Pensez-vous que ces dispositions soient suffisantes ? Quelle
est votre analyse ?
o Pensez-vous que cette réforme constitue une contrainte
ou une opportunité pour l'entreprise ?
o Pensez-vous que c'est l'opportunité pour l'Europe de
reprendre la main sur le numérique ?
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Manager 2018
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Le RGPD - Contrainte légale ou
opportunité pour les entreprises ?
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TRANSCRIPTION INTERVIEW Stéphane
Bergerat
Le 07/05/2018 via Skype
Dirigeant de la société CINETIC IT à
Limonest. Prestataire de services informatique
Stéphane Bergerat : Le RGPD pour nous
c'est relativement simple car aujourd'hui on était déjà
sensibilisé par les lois informatiques et liberté.
Mathieu Darmet : Est-ce que vous aviez
déjà mis en place quelque chose ?
SB : Non parce qu'on ne collecte pas de
données personnelles sur les clients.
MD : Si ce n'est leurs adresses ou leurs
coordonnées...
SB : Les coordonnées c'est souvent une
adresse professionnelle, un numéro de téléphone
professionnel ou un 06 éventuellement et une adresse mail.
MD : Ce qui constitue une donnée
personnelle puisque tu peux identifier les gens.
SB : C'est une donnée personnelle, mais pas une
donnée sensible.
MD : Je vois bien la distinction. Tu es moins
concerné que les personnes qui feraient du e-commerce avec le
particulier directement.
SB : Ce qui semble être défini
d'après ce que j'ai pu lire, c'est qu'il faut que la donnée
puisse identifier une seule et unique personne. Donc aujourd'hui un
numéro de sécurité sociale peut identifier une personne.
Alors qu'un nom, prénom ça n'identifie pas forcément une
personne. C'est à dire que Stéphane Bergerat potentiellement il y
en a 50 ou 100 en France.
MD : C'est vrai. Rien que sur Skype j'en ai
trouvé 3.
SB : Voilà ce que je veux dire.
Comment on met en place des éléments qui protègent le fait
qu'une donnée permet d'identifier une personne ? C'est un peu le
débat. Si je me retrouve avec son 06, son nom, son prénom, sa
date de naissance, son lieu de naissance. Tout ça cumulé me
permet d'identifier cette personne.
MD : Et surtout de lui rattacher des
informations plus spécifiques sur ses avis ou ses comportements.
Mathieu DARMET - Mémoire de fin d'étude - Business
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Le RGPD - Contrainte légale ou
opportunité pour les entreprises ?
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SB : Exactement ! Aujourd'hui une adresse
mail et un 06 ça peut changer, l'adresse mail ne permet pas d'identifier
une personne. Des s.bergerat ça peut être une Stéphanie,
une Sylvie...
MD : Ce qui m'intéresse, c'est des
retours d'expérience sur des problématiques que tu as pu croiser
chez certains clients. Savoir s'ils sont prêts ou si ils n'ont rien fait
ou même ne comptent rien faire. J'aimerais avoir un peu les tendances,
savoir ce que vous avez fait en interne, pour CINETIC ou pour votre collectif
TRANSITIF Groupe, où il y a peut-être une dimension marketing et
de la prospection.
SB : Sur CINETIC je ne fais pas de
prospection, donc en interne, nous avons simplement recensé les
applications utilisées et fait l'inventaire des données
personnelles susceptibles d'être utilisées dans ces applications.
On utilise une douzaine d'applications dans lesquelles les seules
données personnelles sont les logins des utilisateurs, voir leurs noms,
prénoms. Rattaché à CINETIC, on peut identifier la
personne, mais vu de l'extérieur ça peut être n'importe
qui.
MD : Donc en cas d'intrusion chez vous, hors contexte ces
données n'ont pas d'usage possible ?
SB : Aucun. Il y a des outils sur le net qui
permettent d'obtenir les adresses mail des sociétés. Aujourd'hui
si tu veux trouver toutes les adresses mail de CINETIC, il y a des outils qui
scannent les flux de messagerie. Tout le monde s'en sert.
Par exemple tu cherches le nom de quelqu'un dans une
entreprise, tu tapes le nom de domaine en extension, et tu peux trouver son
adresse mail ou la reconstituer.
MD : D'ailleurs je ne sais pas où ils sont
domiciliés les outils auxquels tu fais référence, mais de
toutes manières, niveau conformité RGPD, ils posent
problème.
SB : Bien sûr ! Je crois que c'est hébergé
à Chypre
MD : Donc ils s'exposent en laissant à
disposition ce type d'outil sur le net.
SB : Oui mais c'est comme un annuaire. C'est à dire que
tu cherches un nom de personne on te donne son numéro. A ce
moment-là, autant dire que les Pages Jaunes et les Pages Blanches posent
aussi problème.
MD : C'est une question à se poser. En étant
jusqu'au-boutiste sur le règlement, les contacts de messagerie,
constituent potentiellement des données personnelles.
SB : Là on est déjà
confronté à un premier problème, qui est la
récupération des boîtes mails d'autres utilisateurs. Quand
une personne quittait une société, son remplaçant prenait
la
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même fonction et on lui réaffectait l'ancienne
adresse. Et bien ça typiquement on le fait plus. Plutôt que de
détruire l'ancienne boîte aux lettres ou de l'archiver, on le
mettait en « alias ». C'était le même profil commercial,
avec le même secteur, les mêmes clients, donc on laissait
volontiers les adresses mails en « alias » pour que la personne
durant au moins quelques semaines ou quelques mois reçoive les mails de
son prédécesseur.
Aujourd'hui, on crée de nouvelles boîtes aux
lettres et on bloque les anciennes avec un message indiquant que « cette
personne ne fait plus partie de la société merci d'écrire
à son remplaçant ...».
MD : Tu veux dire que cela créée
des problématiques qui n'en étaient pas avant ?
SB : Oui et non ! Parce qu'aujourd'hui tu
peux être inscrit sur des sites qui te balancent de la pub, des messages
qui peuvent révéler tes opinions politiques ou autre et ton
remplaçant récupère ces informations.
Imagines que mon prédécesseur soit inscrit dans
un parti politique un peu extrémiste et que je continue à
recevoir toutes les lettres d'information. Ça veut dire que je peux
attribuer à cette personne une étiquette politique ou religieuse
et potentiellement divulguer des informations à son entourage, ce qui ne
manquera pas de faire le tour de la société.
MD : Je n'ai pas pensé à ce type de
répercutions, mais c'est relativement évident.
SB : Au-delà de la messagerie, il y a
aussi le compte utilisateur. Mais on avait plutôt tendance à le
supprimer et en créer un nouveau, parce que les besoins sont un peu
différents.
Chez nous on a peu de turn-over, mais c'est ce que je
préconise chez mes clients maintenant pour être conforme. Pareil
pour les droits, avant nous avions tendance à renommer les comptes
d'accès au réseau, maintenant on en créé des
nouveaux et les anciens sont désactivés. On conserve de toute
façon les informations de l'ancien utilisateur, car il peut y avoir un
problème de traçabilité. Par exemple si j'ai besoin
d'accéder à un de ses fichiers et que j'ai plus ses comptes, tout
est verrouillé. Je peux être amené à
réactiver les comptes momentanément pour aller chercher des
infos.
MD : Sachant qu'il y a potentiellement des
informations qui relève de la vie privée.
Est-ce qu'on ne touche pas du doigt un problème de
discipline de la personne, qui aurait dû tout effacer avant de partir
?
SB : Attention sur ce point, car aujourd'hui
dans l'éducation des clients les données présentes sur les
serveurs ne sont sensée être que les données de
l'entreprise. Cela doit normalement être spécifié dans une
charte informatique du client. Les seules informations sauvegardées sont
celles qui sont dans les serveurs et ce qui est sur les serveurs ne doit
être que professionnel.
MD : Si ce n'est qu'en pratique rien
n'interdit de recevoir un mail personnel sur son adresse professionnelle.
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Le RGPD - Contrainte légale ou
opportunité pour les entreprises ?
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SB : Oui et non. C'est à dire que
souvent dans les chartes informatiques, il est précisé que tout
ce qui commence par l'intitulé « perso » par exemple, ne peut
pas être ouvert par l'administrateur. Le reste appartient à la
société. A partir du moment où l'on met des moyens
à disposition pour ton travail, on a un droit de regard. Si dans ta
boîte aux lettres, tu as un répertoire noté « perso
», typiquement on ne va pas voir. Mais on le sauvegarde forcément,
puisque ce répertoire fait partie intégrante de la boîte
aux lettres.
Vis-à-vis de la loi, je dois surtout tracer qui a
accédé à quoi. Aujourd'hui je dois pouvoir dire qui a
ouvert la boîte aux lettres et qui a consulté ce répertoire
« perso ».
MD : Cela nous amène aux actions que
vous réalisez chez vos clients, quand vous prenez la main sur leur
système. Vous avez des outils pour tracer qui fait quoi ?
SB : Alors on est en train de mettre en place
des choses. Ça rentre plutôt dans un 2nd temps au niveau du RGPD.
Tu vas mettre des outils informatiques pour répondre à ce que tu
fais.
Là on est plutôt dans le choix d'outils qui sont
assez multiples. Nous avons d'abord référencé les
applications utilisées en interne, quelles données étaient
potentiellement sensibles. Les seuls éléments critiques sont les
fiches de paie que nous sommes obligés de conserver au format PDF et qui
sont aujourd'hui stockées sur un disque crypté accessible
uniquement par la direction. Cela veut dire que nous n'avons pas nommé
de DPO. Il faut que je le vérifie, mais il me semble que sur les petites
structures ça peut être le dirigeant.
MD : Il n'est pas obligatoire d'avoir un DPO
en dessous d'une certaine taille et quand l'entreprise ne réalise pas de
traitement impliquant des données personnelles sensibles.
SB : Je ne fais pas de statistiques, ni de
ciblage commercial, donc en terme de traitement, je n'ai pas de données
sensibles.
MD : Après si je reprends tes clients,
tu réalises des traitements qui impliquent des gens nommés. Ils
ne sont pas forcément identifiables hors contexte, mais ils le sont
quand même chez toi.
SB : Tout à fait. C'est
compliqué, mais surtout pour les clients qui connectent des
données publiques, comme les sites de vente en ligne, les mairies ou
établissements publiques. Par exemple, lorsqu'il y a une manifestation
et que l'on demande aux d'être pris en photo, cela permet d'identifier
une personne. Aujourd'hui on leur fait signer un droit à l'utilisation
de l'image, mais pas un droit sur la partie traitement des données.
MD : Effectivement, cela localise telle personne à tel
endroit avec telle autre personne.
SB : Exactement ! Lorsqu'on collecte la
photo, on collecte aussi des informations, puis on leur envoie de la pub. Tu
viens à une manifestation associative et tu signes un droit de
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opportunité pour les entreprises ?
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diffusion à l'image et au final tes données sont
quand même traitées par ailleurs pour être
détournées du cadre initial.
MD : Est-ce qu'avec le RGPD, votre discours
et les services ou les moyens que vous proposez sont mieux perçus par
vos clients ou vos prospects ?
SB : Nous intervenons beaucoup pour
homogénéiser les systèmes. Nous sommes directement
sollicités pour avoir des conseils sur ce qu'il faut faire dans le cadre
du RGPD. Souvent, on répond que la partie informatique arrive à
peu près en avant dernière position et qu'avant de
s'intéresser aux outils il y a un ensemble de processus à mettre
en place. C'est le travail que nous avons entrepris en interne, c'est à
dire identifier tout ce qu'on avait comme applicatif mais aussi les tableaux
Excel qu'on consolide, car nous n'avons pas que des données
structurées. Il peut y avoir des données brutes. Nous demandons
donc aux clients de faire l'inventaire des traitements qu'ils réalisent
avec ces données, si elles sont transmises ou pas à un
sous-traitant et de savoir comment il les réutilise.
Maintenant chaque fois que des données personnelles
sont collectées, il faut une charte de collecte. Donc il faut leur faire
signer un papier qui indique que l'on va collecter telle information, pour
telle finalité, qu'elles seront utilisées pendant 3 mois et puis
archivées pendant 3 ans.
Il faut le faire chaque fois que l'on demande un nom,
prénom, adresse ou quoi que ce soit à quelqu'un. Et en plus il
faut pouvoir le prouver. C'est à dire que si tu as ces données,
c'est qu'elles ont été communiquées de manière
volontaire par la personne et qu'elle était au courant de tout ce qui
allait être fait avec.
MD : Globalement est ce que tu as le sentiment
que les gens sont bien informés ?
SB : Pas du tout ! Ils me disent qu'ils font
signer un droit à l'image parce que les gens réclament les droits
de diffusion à l'image et que ça coûte de l'argent. Mais
sur les données personnelles, personne ne se pose encore la question.
Il n'y a aucune fiche de collecte qui est à jour pour
toutes les données recueillies. On essaie de leur expliquer que
l'utilisateur aura aussi le droit de les consulter, de les modifier ou de les
supprimer s'il le souhaite, ce qui doit faire aussi l'objet d'un process.
Nous avons identifié 7 ou 8 tâches susceptibles
d'être demandées par l'utilisateur ou la personne dont on a
collecté les données. Et il y a donc autant de process à
mettre en place pour répondre à ces demandes.
MD : Il faut pourvoir les automatiser parce cela
aura un coût pour les entreprises ?
SB : On n'est pas encore aux outils
informatiques. Là on est sur du process, comme dans l'industrie. J'ai
une réclamation, qui concerne tel sujet, donc ça passe par tel
service. Il faut recevoir une lettre recommandée et on répond que
la demande a bien été prise en compte et sera traitée dans
un délai raisonnable.
Dans la plupart des cas ce n'est encore pas fait. Il y en a 6
ou 7 droits il me semble : de modification, de consultation, de suppression de
l'archivage, de portabilité... Donc ça va au-delà
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opportunité pour les entreprises ?
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des outils informatiques. Quand les gens ont un contact, ils
essaient d'avoir un maximum d'informations, en se disant qu'ils en auront
peut-être besoin par la suite.
Ça n'a plus de raison d'être et devient
complètement illégal.
MD : En tant que commercial, j'avais
effectivement tendance à ratisser large, partant du principe, que plus
je collecte des informations, plus j'ai de chance d'identifier un besoin
immédiat ou à venir.
SB : Tu identifies le nombre de PC, le nombre
de site, s'ils ont des projets de rachat... Cela te permets juste de savoir que
peut-être il y a un dossier à suivre et de le rencontrer d'ici 4
ou 5 mois. Donc cela ne constitue pas des données personnelles.
MD : Est-ce que ça vous avez
retravaillé vos contrats de prestations ?
Je pense à vos clauses, vos responsabilités, ou les
notions d'assurance par exemple.
SB : Non pas encore, mais c'est la prochaine étape. Il
faut que nous puissions bien cadrer les choses lorsqu'on sous-traite de la
prestation ou lorsque l'on est sous-traitant. Nous aurons probablement des
clauses à ajouter, mais elles ne nous concernent pas directement car il
n'y a pas de flux de données. Aujourd'hui ce n'est pas comme si je
confiais mon fichier clients à une société pour faire de
la téléprospection.
MD : Par contre quand vous intervenez chez un
client et vous manipulez son matériel et les données
stockées. Rien ne vous empêche de les lire ou de les copier.
Est-ce qu'aujourd'hui tes clients t'interpellent sur la question ? Te
demandent-ils un engagement ou de réviser tes contrats ?
SB : Pour l'instant je n'ai pas eu cette
demande, mais ça fait partie des points qui vont être à
traités d'ici peu.
MD : Tu as prévu de te faire accompagner juridiquement sur
la question ?
SB : Non pas encore, mais je pense que ce
sera une obligation. Dans nos contrats on a une vingtaine d'articles sur le
non-embauchage ou non-débauchage, d'autres liés à la
sécurité du site chez les clients, etc... Donc nous mettrons
juste un article que l'on fera valider, selon lequel on s'engage à ne
pas collecter de données personnelles. Sachant que ces informations ne
nous intéressent pas et que nous n'avons aucune raison d'aller consulter
les mails du client ou de regarder ses données.
MD : A partir du moment où ton
technicien prendrait ce type d'initiative, il en prendrait la
responsabilité et deviendrait responsable du traitement.
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SB : Cela pause une autre question et
sous-entend qu'il faudrait potentiellement que je fasse resigner tous mes
contrats de travail ou des avenants à tous mes salariés.
MD : Je ne suis pas juriste mais ça m'interpelle.
Tu m'avais laissé entendre que l'un de tes
salariés s'était plus particulièrement
intéressé au RGPD. Il a suivi une formation, participé
à des réunions ?
SB : Oui, mais il s'est surtout renseigné sur les
outils que nous pourrions mettre en place pour contrôler et automatiser
un certain nombre de processus en entrée : comment modifier les
données d'une personne, qui a le droit de les modifier... Sachant que
nous ne sommes pas censés pouvoir modifier les bases de données
sans avoir les droits nécessaires.
La suppression d'un contact peut aussi poser des
problèmes, car un certain nombre d'actions lui sont rattachées et
on ne peut pas perdre ces historiques.
MD : D'autant que cela compromettrait ta base de
données.
SB : Oui et il est préférable de
procéder à une désactivation invisible.
MD : Tu penses à une anonymisation ou pseudonymisation
?
SB : Exactement. Ce qui veut dire que lors
d'un départ d'une suppression est demandée, il est donc
préférable d'anonymiser, car on peut conserver le contenu. Par
exemple j'ai des techniciens qui font une base de connaissances des incidents.
Si l'un d'eux nous quitte dans 3 ans, je ne peux pas supprimer tous les
incidents qu'il a traités et surtout les résolutions qu'il a
trouvées. Il y a quand même derrière un gros travail que
l'entreprise a fiancé. Désormais une partie des suppressions sera
plutôt de l'anonymisation. On conserve l'information, mais on n'identifie
plus qui l'a renseignée. Face à quelqu'un qui pirate la
donnée c'est anonyme.
Il y a aussi des outils de cryptage pour les données
confidentielles. Aujourd'hui nous sommes plutôt à la recherche de
ce type d'outils. Il y en a beaucoup sur le marché mais entre ceux qui
cryptent les disques, ceux qui cryptent les bases de données, ceux qui
cryptent les PC, ceux qui cryptent les flux, c'est quand même très
compliqué et ne veut pas avoir 50 outils à gérer.
MD : En plus tout le monde surfe sur le
« RGPD effect ». On le ressent aussi sur les réseaux sociaux,
qui ont réagis et redemandent un consentement utilisateur. Mais on
constate qu'ils en profitent pour en demander encore plus. N'y a-t-il pas
là un effet pervers ?
SB : C'est un peu à double tranchant.
A partir du moment où tu demandes un consentement plus formel, on peut
te dire que les données collectées vont être
conservées pendant 10 ans, alors qu'avant c'était 3 ans.
MD : Mais la plupart l'accepte quand même...
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opportunité pour les entreprises ?
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SB : C'est un peu le risque. Après, il
y a aussi un certain nombre de traitements qui sont identifiés. En cas
de contrôle la CNIL pourra constater qu'un traitement contient plus
données que ce qui est nécessaire au traitement. Par exemple,
dans un export de données au comptable pour la paye, il n'est pas
nécessaire d'avoir autre chose que le n° de sécu du
salarié. La CNIL va dire attention vous collectez 50 données
alors que pour ce traitement vous n'avez besoin que d'une ou deux. Dans ce cas,
il y aura un abus sur la collecte et il faudra y remédier. Mais il faut
encore que la CNIL dispose d'intervenants capables de reconnaitre les
données strictement nécessaires pour le traitement.
MD : Il y a aussi les problématiques
liées à la sécurité informatique.
SB : Il devient nécessaire de mettre
en place des outils permettant de détecter les intrusions, qui nous
permettent de croiser un certain nombre d'éléments du
système d'information qui ressembleraient à un piratage. Parce
que des personnes qui accèdent à une base de données, il y
en a une dizaine identifiées dans le réseau et on les connait.
Mais il faut aussi savoir si le poste utilisateur a été
piraté et que quelqu'un ait accéder à cette base de
données en son nom. Quelqu'un qui pirate une base de données on
peut l'identifier facilement. L'accès n'étant pas
autorisé, le système identifie un défaut de connexion
à la base de données, on voit qu'il a des tentatives. La
problématique est plus sur la corrélation
d'évènements dans le système d'information. Lorsqu'il y a
une tentative d'accès sur un poste que l'on ne surveille pas, parce
qu'il ne contient pas de données sensibles, il permet potentiellement
d'accéder au réseau et à la base de données.
Là on a un vrai problème, à moins que nous ayons un outil
capable de détecter cette tentative d'intrusion, au niveau du poste,
puis de la connexion à la base de données.
MD : Ce qui normalement devrait
déjà être mis en oeuvre.
SB : Ça coûte des sous ! C'est
le problème que l'on a de partout. Par exemple, on beau avoir une porte
blindée chez nous, nous avons aussi une entreprise de nettoyage qui sait
accéder à nos locaux. Cette entreprise peut être
cambriolée et nos codes d'accès peuvent être volés.
Personne ne fera le lien entre le cambriolage de l'entreprise de nettoyage et
des vols dans certaines autres sociétés.
MD : Cela veut dire que tu seras
obligé d'avoir un niveau de sécurité plus important, parce
que cette corrélation n'est pas toujours possible.
SB : Obligatoirement.
L'exemple est un peu extrême. Mais si tu prends
quelqu'un qui se fait pirater son PC ou son téléphone mobile,
permettant d'accéder au réseau, puis à la base de
données. Même si nous surveillons l'accès à la base
de données ou les tentatives d'accès au poste, on peut simplement
se dire que c'est quelqu'un qui a voulu jouer avec le mot de passe et ne pas
identifier qu'il s'agit d'une intrusion. D'où l'intérêt
d'avoir des outils qui soient capables de corréler ces informations. Il
faut aussi trouver des outils multi environnements et faire le tri, car comme
tu le soulignais, beaucoup d'éditeurs de sécurité se sont
jetés sur ce sujet pour faire du business.
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Que ce soit les éditeurs d'antivirus, de solutions de
sécurité ou de sauvegarde, tous traitent un point de la RGPD,
mais aucun ne traite la totalité des besoins.
MD : Donc il y a de vrais impacts
économiques pour vous, mais cela devrait aussi vous apporter du
business.
SB : Oui, mais pour l'instant les gens ne sont pas encore
prêts.
Il y a beaucoup d'éléments organisationnels
à mettre en place dans les structures. Je travaille par exemple avec une
Mairie et le nombre de données publiques qui sont collectées est
énorme. Le service passeport, l'état civil, le
cimetière... Ils ont bien 200 applications qui collectent des
données personnelles.
Il faut déjà qu'ils établissent des
procédures, qu'ils demandent des consentements de saisie, qu'ils
puissent gérer les demandes d'utilisateurs (modification,
consultation...). Mais ils n'ont pas fait grand-chose pour l'instant...
Cela doit s'inscrire sur le long terme. On ne pourra pas
changer les mentalités comme ça. J'espérais une
espèce de guide d'outils validés et proposés par la
CNIL.
MD : Il y en a un, mais s'est plus pour vulgariser le
règlement et sur les bonnes pratiques.
SB : Mais un guide pratique ce n'est pas des outils. Lorsqu'on
fait la comptabilité d'une entreprise, il y a des logiciels
validés par la DGFIP. Il y a des agréments et l'éditeur,
comme l'utilisateur peuvent décider du niveau d'engagement qu'il
souhaite garantir à ses clients ou obtenir. Il n'y a pas
l'équivalent pour le RGPD. Comment peut-on vendre des solutions à
nos clients sans pouvoir leur dire qu'elles sont « RGPD compliant »
?
MD : Ce sera surement le client qui le demandera.
SB : Oui, mais entre un produit RGPD
compliant qui vient des Etats Unis et un autre validé par la CNIL, je
vois une grosse différence. Un peu comme un logiciel de compta
américain et un français, qui ne sont pas assujettis à la
même législation.
MD : Mais avec le RGPD, si une entreprise
outre atlantique espère adresser un marché européen, elle
n'aura pas le choix. En cas de non-conformité, elle s'expose des
sanctions pouvant aller jusqu'à 4% de son chiffre d'affaire mondial.
Alors qu'avant, elles pouvaient préférer payer des amendes de 150
000 €...
SB : Encore faut-il pouvoir les emmener
devant un tribunal international, qu'ils soient sanctionnés et qu'ils
payent.
Je pense qu'aujourd'hui c'est surtout de la « flûte
». Quand on voit que l'Etat n'arrive pas à récupérer
des impôts qui auraient dû être payer en France, comment
veux-tu que la CNIL inflige 20 millions d'euros d'amende à Apple ?
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MD : Après le scandale sur Facebook,
en termes d'image les GAFAM semblent quand même pendre les devants.
SB : C'est exactement ça. C'est juste
une question d'image.
Pour en revenir aux taxes comme la TVA, je pense que l'Etat
était plus à même de récupérer l'argent que
la CNIL.
Quoi qu'il en soit, il vaut mieux être en avance qu'en
retard sur ce sujet. Mais je pense que la petite PME du coin, qui gère
ses 30 ou 40 clients, cela lui passe largement au-dessus de la tête.
Mais ça va permettre aux gens de savoir ce qu'on fait
exactement de leurs données. Aujourd'hui si tu leur fais signer un
consentement à chaque fois, ils finiront par le lire, alors que
jusqu'ici on s'attarde rarement sur les CGV.
MD : Parce qu'elles sont illisibles.
SB : Mais ce sera peut-être toujours le
cas...
MD : Ils sont censés les rendre plus
intelligibles et beaucoup plus explicites.
SB : Lorsqu'on demande un consentement, on ne
le rédige pas obligatoirement en Arial 16 et en rouge... Rien ne me dit
comment je dois rédiger les consentements.
En pratique la plupart des CGV restent écrites en
police, 8 au dos du devis, avec une cinquantaine d'articles. Forcément
personne ne les lit...
Je trouve que la RGPD reste globalement une démarche
positive, mais cela se vérifiera sur le long terme.
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ANNEXE 7 - Plainte de la Quadrature du Net
De: La Quadrature du Net <
contact@laquadrature.net>
Envoyé: mercredi 6 juin 2018 18:31
À:
darmetmathieu@gmail.com
Objet: Dépôt des plaintes contre les GAFAM !
Chers participants aux plaintes collectives contre les GAFAM,
Après six semaines d'une campagne qui a
été dense et très bien relayée, nous avons
recueilli plus de 12 000 mandats pour attaquer les GAFAM dans le cadre de
l'entrée en application du RGPD. Merci à vous pour votre soutien,
votre confiance et pour les relais nombreux de cette action ! Et merci aussi
à toutes celles et ceux qui ont participé à
l'écriture
collective des textes des plaintes (voir le communiqué
ici :
https://www.laquadrature.net/fr/plainteGAFAM)
!
Nous avons officiellement déposé cinq plaintes
devant la CNIL le 28 mai dernier, et nous avons reçu en fin de semaine
dernière les accusés réception officiels. Chacune des
plaintes déposées vise un des GAFAM, et concernent sept des
services pour lesquels vous nous avez donné mandat (Facebook, Google
Search, Gmail, Youtube, iOS, Amazon et LinkedIn).
Nous avons pris la décision de ne pas attaquer les
douze services annoncés en une seule fois, mais de les étaler
dans le temps, en espérant ainsi raccourcir le délai de
réponse pour les premières plaintes et ainsi obtenir le plus
rapidement possible des jurisprudence intéressantes. S'agissant des cinq
services restants (Whatsapp, Instagram, Android, Outlook et Skype), nous allons
attendre un peu de voir comment les choses évoluent avant de lancer les
procédures contre eux.
Car les procédures que nous avons déjà
initiées seront longues et nouvelles, et nous préférons y
aller étape par étape.
Dans un premier temps, d'ici un mois au mieux, la CNIL devrait
rendre une première décision pour répartir nos
différentes plaintes entre les autorités de plusieurs
États européens. C'est désormais la règle avec le
règlement général sur la protection des données :
si une entreprise collecte des données sur plusieurs pays, les CNIL de
tous ces pays doivent collaborer pour trouver une décision commune. La
CNIL d'un de ces États (celui où l'entreprise a le centre de ses
activités dans l'Union européenne) est alors
désignée « autorité chef de file » et est
chargée de conduire l'instruction et d'animer cette coopération.
Mis à part la plainte dirigée contre Amazon qui partira au
Luxembourg, toutes les autres seront très probablement
réceptionnées par l'autorité irlandaise.
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Le RGPD - Contrainte légale ou
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Bref, nos plaintes seront les premières à
éprouver ce nouveau mécanisme de coopération complexe :
inutile donc de nous précipiter en tirant toutes balles d'entrée
de jeu !
Les cinq plaintes déposées sont accessibles en
ligne, et sont bien entendu librement réutilisable par toute structure
qui souhaiterait lancer des actions de groupe du même genre :
- Plainte contre Facebook :
https://gafam.laquadrature.net/wp-
content/uploads/sites/9/2018/05/facebook.pdf
- Plainte contre Google :
https://gafam.laquadrature.net/wp- content/uploads/sites/9/2018/05/google.pdf
- Plainte contre Apple :
https://gafam.laquadrature.net/wp- content/uploads/sites/9/2018/05/apple.pdf
- Plainte contre Amazon :
https://gafam.laquadrature.net/wp-content/uploads/sites/9/2018/05/amazon.pdf
- Plainte contre LinkedIn (Microsoft) :
https://gafam.laquadrature.net/wp- content/uploads/sites/9/2018/05/linkedin.pdf
En attendant la décision de la CNIL qui ne saurait trop
tarder, vous pouvez découvrir comment le RGPD pourrait « rebooter
Internet » en lisant la tribune enthousiaste que Marne et Arthur, les deux
animateurs de notre campagne d'action de groupe contre les Gafam, ont
publié le 25 mai dernier :
https://www.laquadrature.net/fr/25_mai
!
Merci encore à vous tous, et on vous tient au courant des
suites !
La Quadrature du Net
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