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La protection juridique des personnes vulnérables au Niger.


par Taher ABDOU
Université d'Abomey-Calavi /FADESP - Master II en droit et institutions judiciaires 2017
  

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SectionII : Lesinsuffisancesliéesàlamiseenoeuvredelaprotectionjuridique

La mise en oeuvre de la protection juridique des personnes vulnérables souffre de certaines insuffisances. Lesquelles sont aussi bien d'ordre objectif (paragraphe I) que d'ordre subjectif (paragraphe II).

Paragraphe I : Lesinsuffisancesobjectives

L'objectivité réside dans « l'existence en soi, indépendamment de la psychologie et de la volonté des personnes »245(*). En l'espèce, les insuffisances sont qualifiées d'objectives parce qu'elles sont à la fois légales (A) et organiques (B). En d'autres mots, elles se détachent de la volonté des personnes vulnérables.

A-Leslacuneslégales

L'harmonisation insuffisante des législations nationales avec les conventions internationales et une application des lois qui laisse à désirer. Ainsi au Niger la législation interne n'est toujours pas harmonisée avec les conventions ratifiées. Dans cet État, les instruments de promotion et de protection de la femme n'ont pas tous été ratifiés. C'est ainsi que les réserves faites à certains d'entre eux246(*), ralentissent les progrès. Lelégislateurnigérien s'est bien entendu, inspiré de quelques instruments spécifiques pour abroger certaines lois nationales au profit des instruments internationaux. Cependant les mesures volontaristes qui doivent suivre pour promouvoir de manière concrète et effective les droits des femmes n'ont pas été pris en compte247(*).

Dans le cas particulier de la convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, le Niger a considérablementréduit la portée de celles-ci en y apportant des réserves aux articles 2 et 5, qui sont pourtant des dispositions importantes de la convention248(*).

Le Niger contribue à maintenir et à perpétrer les discriminations d'ordre juridique et social à l'égard de cette catégorie de personnes vulnérables. En ce qui concerne le Protocole à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples relatif aux droits des femmes (Maputo 2003), les parlementaires nigériens l'on rejeté dans leur majorité sur les points « litigieux » concernant le mariage, le droit à la santé et la sauvegarde de la fonction de reproduction, et du droit de succession249(*).

Les débats ayant eu lieu à l'assemblée nationale avaient en effet, suscité beaucoup de passion. On peut inscrire dans la même dynamique, l'échec du gouvernement nigérien à faire adopter, dans le courant de l'année 2013, un projet de loi visant à protéger la jeune fille scolarisée250(*). De façon récurrente, toutes les tentatives visant à améliorer la situation de la femme dans le cadre du mariage ont jusqu'ici échoué au Niger251(*).

En plus de cela, le second obstacle à l'effectivité des lois réside dans le pluralisme juridique252(*),en matière des droits fondamentaux au Niger253(*).

En droit interne, les sources concurrentes du droit de la famille sont le code civil applicable au Niger254(*) et la coutume255(*). A côté du code civil, le législateur nigérien a décidé que les coutumes des parties sont applicables en matière de droit de la famille. De ce fait, la répudiation qui est une forme de dissolution unilatérale du mariage par le mari, qui en a le pouvoir exclusif et discrétionnaire256(*), est une pratique coutumière, est clairement en contradiction avec la constitution que des instruments juridiques internationaux relatifs aux droits humains257(*). Cette répudiation bien qu'elle fasse l'objet d'une validité légalement reconnue258(*), est antipode du principe d'égalité entre l'homme et la femme tant prôné par ces textes.

De façongénérale, il y a une réticence des pouvoirs publics qui, même s'ils sont conscients de leur obligation nationale et internationale relativement aux droits humains, sont frileux par rapport à leur mise en oeuvre effective259(*). La pratique de la répudiation témoigne du non-respect du principe de l'égalité des êtres humains et occasionne la violation d'autres droits de la femme et de l'enfant260(*).Les insuffisances objectives ne se limitent pas aux lacunes légales, elles sont aussi d'ordre organique.

* 245GérardCORNU, op. cit., p.699.

* 246 Cas de la convention sur l'élimination de toutes les formes de discriminations à l'égard des femmes, la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples relatif aux droits des femmes.

* 247 Cf. OdileNdoumbéFAYE, op, cit., p.62.

* 248 L'art 2, en particulier, en constitue la charpente car c'est à ce titre que les États s'engagent à adopter des mesures législatives, y compris des sanctions pénales au besoin, et à instaurer une protection juridictionnelle des droits des femmes par truchement des tribunaux nationaux compétents, l'article 5, non moins fondamental, exige des Etats parties qu'ils prennent des mesures appropriées pour modifier les schémas et modèles de comportement socioculturel de l'homme et de la femme en vue de prévenir à l'élimination des pratiques coutumières fondées sur l'infériorité de l'un ou de l'autre sexe. Modèle et schémas qui sont à l'origine de la violence sexiste.

* 249 Cf. OdileNdoumbéFAYE, op, cit., p. 63.

* 250Boubacar HASSANE(dir), Projet de recherche sur la rupture du lien matrimonial en Afrique de l'Ouest, Institut Danois des droits de l'Homme, Etude sur le Niger, op.cit., p.6.

* 251 Il en est ainsi des différentes tentatives de faire adopter un Code de la famille. Dans le même sens, certaines recommandations faites au Niger, lors de son passage à l'examen périodique Universel devant le Conseil des droits de l'Homme, ont trait à cette difficile intégration des droits de la femme dans l'ordonnancement juridique au Niger.

* 252 Le pluralisme juridique se caractérise par une pluralité de sources de droit interne applicables simultanément et concurremment aux mêmes matières.

* 253 Voir rapport du comité de l'enfant pour le Niger du 20 novembre 2008, p. 15.

* 254 Le code civil applicable au Niger est le code civil français dans son état de 1960, seulement quelques modifications avaient été enregistrées lors de la révision en 2003.

* 255 Selon le doyen Carbonnier, la coutume « est une règles de droit qui s'est établie par pratique répétée des sujets. C'est du droit qui est constitué par l'habitude »

* 256 Boubacar HASSANE, « Prolégomènes à une éventuelle réforme du droit du divorce au Niger », loc. cit., p. 128.

* 257 Boubacar HASSANE(dir), Projet de recherche sur la rupture du lien matrimonial en Afrique de l'Ouest, Institut Danois des droits de l'Homme, Etude sur le Niger, op.cit., p. 6.

* 258 Boubacar HASSANE, « Prolégomènes à une éventuelle réforme du droit du divorce au Niger », loc. cit., p. 128.

* 259Idem.

* 260Ibid., p. 30.

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand