République du Bénin
Ministère de l'Enseignement Supérieur et de la
Recherche Scientifique
Université d'Abomey-Calavi Faculté des Lettres,
Arts et Sciences Humaines Département d'Histoire et d'Archéologie
Mémoire de Licence en Histoire de l'Art Thème :
La cour royale du Danxomè : un
vecteur d'éclosion des arts
Soutenu par : Sous la direction de :
Hyppolite TOGO M. Didier HOUÉNOUDÉ,
Maître-assistant du CAMES
Le 29 juillet 2016
Membres du jury : Président : M. Didier
N'DAH Examinateur : M. Romuald TCHIBOZO Rapporteur : M. Didier
HOUÉNOUDÉ
DÉDICACE
En mémoire du professeur Cheikh Anta DIOP que je prends
pour repère sur le chemin de la recherche scientifique.
REMERCIEMENTS
Plusieurs personnes ont oeuvré à la
réalisation de ce travail, et méritent de ce fait toute ma
gratitude. Certes, elles sont trop nombreuses pour être toutes
citées ici, mais il sied que je notifie mes sincères
remerciements à celles dont les apports ont été
inévitables, à savoir :
Ma famille, notamment ma maman, Monique AZOMBAKIN, pour tous
les efforts fournis.
Mes compagnons d'études Éric AVIMADJÈNON
et Philbert HOUNWANOU qui ont réussi à me trouver une famille
d'accueil à Bohicon pour mes recherches sur Abomey.
La famille VÉDOGBÉTON qui m'a
hébergé à Bohicon durant mes recherches sur le terrain,
principalement Hubert, Wenceslas, Toffodji et Cyrille pour leur sens
d'hospitalité.
Mon directeur de mémoire, M. Didier
HOUÉNOUDÉ, qui a donné du sien pour l'accomplissement de
ce travail.
L'historien traditionnaliste Bachalou NONDICHAO pour sa
disponibilité malgré son âge avancé.
Tous les artisans du village artisanal du musée
historique d'Abomey pour leur collaboration.
M. Gabin DJIMASSÈ, Directeur de l'Office du Tourisme
d'Abomey et Région, qui a consacré de son temps pour
m'informer.
Mon aimée Bidémi Bilikissou ADJIBADJI pour sa
contribution.
Mes amis Dagbégnon Achille AYIZAN et Olatundé
Darius FAYOMI pour leur soutien.
1
PLAN
Introduction 3
Première partie : LES ARTISTES AU SERVICE DE LA
ROYAUTÉ, DE HOUÉGBADJA À AGOLI-
AGBO 9
Chapitre Ier- Intégration des artistes dans
les arcanes du pouvoir royal 10
A- Origines sociogéographiques des artistes 10
B- Le recrutement et l'insertion des artistes dans le paysage
royal 11
Chapitre II- Rapports entre le pouvoir royal et les artistes
12
A- Les contraintes du métier d'artiste de cour 12
B- Le génie artistique au service de
l'impérialisme 13
Chapitre III- Les prémisses d'une école d'art
à Agbomè 15
A- La spécialisation dans les arts 15
B- La pérennisation du savoir-faire 17
Deuxième partie : QUELQUES PRODUCTIONS DE PORTÉE
INTERNATIONALE DES ARTS DE COUR
DU DANXOMÈ 18
Chapitre IV- Les trônes et les figurines de jumeaux
19
A- Les trônes 19
B- Les figurines de jumeaux 22
Chapitre V- Les récades, les gou et les
assen 24
A- Les récades 24
B- Les gou et les assen 26
Chapitre VI- Les tentures et les bas-reliefs 29
A- Les tentures 29
B- Les bas-reliefs 31
Troisième partie : VUE PANORAMIQUE DES ARTS DE COUR DU
DANXOMÈ 34
2
Chapitre VII- Les arts plastiques 35
A- La place du vodoun dans la création artistique
35
B- Des artistes du Danxomè aujourd'hui
célèbres à titre posthume 37
Chapitre VIII- La musique 39
A- Les codes de la musique fon 39
B- Les chants 42
Chapitre IX- L'art oratoire 43
A- Le kpanligan ou l'historien-poète 43
B- Le manahen ou le comédien 45
Conclusion 46
Bibliographie 48
Index des images 50
3
Introduction
Le manque de documents écrits retraçant
l'histoire des peuples africains a été longtemps synonyme pour
certains d'absence d'histoire relative à ceux-là. Ils ont
été qualifiés de sociétés sans histoire par
des têtes pensantes de l'Occident comme Hegel, Gobineau, Voltaire, Kant,
Hume, etc. pour qui l'histoire des hommes n'est nullement possible sans
l'écriture. Mais après la parution de nombreux ouvrages
écrits par des historiens africains chevronnés, et celle des huit
volumes d'Histoire générale de l'Afrique, parus entre
1980 et 1999, l'unanimité se fait aujourd'hui autour de l'existence de
l'histoire africaine en général, et de celle de chaque peuple en
particulier.
Ainsi, le Danxomè est reconnu comme l'un des grands
royaumes qui aient existé dans le golfe de Guinée. La puissance
de son armée avec ses célèbres amazones s'est
révélée à travers les diverses conquêtes
menées successivement par presque tous les rois qui ont
accédé au trône du milieu du XVIIe siècle à
la fin du XIXe et la résistance face à l'impérialisme
européen dans la seconde moitié du XIXe siècle. Les
combattants de ce royaume ont causé d'énormes difficultés
à l'armée coloniale française avant de courber finalement
l'échine.
Beaucoup d'études sont faites et continuent
d'être menées sur cet ancien royaume de l'espace qu'occupe
aujourd'hui le Bénin. Mais la remarque fondamentale qui s'impose par
rapport aux écrits sur ce royaume est que ceux-ci occultent
généralement ses « faits d'arts » et ne s'occupent que
de ses faits d'armes ou de son organisation sociopolitique, économique,
etc. C'est donc à juste titre que j'ai décidé, à
travers ce mémoire qui a pour thème « La cour royale du
Danxomè : un vecteur d'éclosion des arts », de lever le
voile sur un autre aspect du Danxomè.
Le cadre géographique de cette étude est la
capitale du royaume, Agbomè, qui a abrité la
quasi-totalité des palais royaux. Ces derniers sont tous
concentrés sur une aire déterminée, appelée
aujourd'hui « site des palais royaux d'Abomey », et sont au nombre de
dix. La présente étude couvre toute la durée d'existence
du Danxomè, à savoir d'environ 1645 à 1900. Le
Danxomè a connu selon la version de la lignée royale dix rois,
mais l'histoire nous apprend qu'il en a plutôt connu douze, à
compter du règne de Houégbadja, le fondateur. Les deux exclus
sont la reine Hangbé et le roi Adandozan. Hangbé est la soeur
jumelle d'Akaba qui, contrairement à la tradition patriarcale de la
royauté, a régné bien qu'étant une femme, de 1708
à 1711. L'alibi avancé pour justifier sa déchéance
est qu'elle était une femme de moeurs légères, et
constitue de ce fait un déshonneur pour sa lignée et pour le
royaume entier. Mais il est heureux de constater que cet argument qui a
longtemps
4
régné s'éclipse progressivement dans la
mémoire collective. Et on espère que cette reine sera
bientôt réhabilitée au panthéon des rois du
Danxomè, tout comme le roi Adandozan taxé de sanguinaire.
Celui-ci a subi un coup d'État en 1818 après vingt-et-un ans de
règne, soit de 1797 à 1818. Sa vie, son règne et son
oeuvre ont d'ailleurs fait l'objet d'un colloque organisé en mars 2014
par le Département d'Histoire et d'Archéologie de
l'Université d'Abomey-Calavi et dont les conclusions vont
systématiquement à l'encontre des idées
véhiculées autour de ce roi par la tradition royale.
Ainsi se présente la succession des rois du
Danxomè :
N°
|
Souverain
|
Règne
|
1
|
Houégbadja
|
1645-1685
|
2
|
Akaba
|
1685-1708
|
3
|
Hangbé
|
1708-1711
|
4
|
Agadja
|
1711-1732
|
5
|
Tégbéssou
|
1732-1774
|
6
|
Kpengla
|
1774-1789
|
7
|
Agonglo
|
1789-1797
|
8
|
Adandozan
|
1797-1818
|
9
|
Ghézo
|
1818-1858
|
10
|
Glèlè
|
1858-1889
|
11
|
Gbèhanzin
|
1889-1894
|
12
|
Agoli-Agbo
|
1894-1900
|
Source : Tableau réalisé à partir
des connaissances acquises.
Tous les palais des rois se situent dans le même
environnement. Le palais de Hangbé se confond à celui de son
frère jumeau Akaba. Le palais d'Adandozan n'y figure pas parce qu'une
fois déchu, il est dès lors considéré comme
« dada gbololo min ton »1, c'est-à-dire
« le roi du vide », ce qui signifie paradoxalement que ce roi n'est
lié à aucun royaume.
Les arts dont il s'agit ici sont ceux qui ont
été exercés au profit de la cour royale. En effet, la cour
royale du Danxomè, souvent présentée à tort ou
à raison comme un harem et un camp militaire, ne se résumait pas
qu'à ça ; il était aussi un lieu exceptionnel qui a
joué un rôle déterminant pour le rayonnement artistique.
À voir les productions issues
1 QUENUM M., Au pays des Fons : us et coutumes
du Dahomey, Paris, Maisonneuve et Larose, 1983, édition revue, 170
p.
5
aujourd'hui du village artisanal du musée d'Abomey, on
pourrait les confondre à l'art de cour d'antan, étant
donné que la distinction entre artisan et artiste ne se fait pas
toujours.
Cependant, à Abomey, l'artiste est appelé
anahounnoto, dérivé de anahoun (l'art),
signifiant littéralement «celui qui a l'art» et l'artisan,
alonouzowato (celui qui effectue un travail manuel) dérivant de
alonouzo (travail manuel). Pour les Fon, anahoun (l'art) est
un don divin qui permet à celui qui en est gratifié de
réaliser des objets qui séduisent le commun des
mortels2. Il faut remarquer que l'artiste, même s'il travaille
avec les mains, n'est pas appelé travailleur manuel, parce que les Fon
ont compris que les mains ne sont pour lui qu'un moyen qui lui permet de
manifester le génie qui est en lui. Sont appelés artisans
à Abomey, ceux qui réalisent des objets standards qui sont juste
appréciés pour leur utilité.
Longtemps qualifié de primitif, on reconnait
aujourd'hui à l'art africain traditionnel une certaine
notoriété, notoriété à laquelle a
participé l'art du Danxomè. Paul Mercier ne disait pas le
contraire quand il écrivait en 1951 : « La richesse et la
variété de l'art dahoméen sont désormais assez
connues. La variété de cet art se manifeste à la fois dans
les techniques et dans les thèmes traités.
»3.
De nombreuses conférences telles que celle
organisée en septembre 1997 à Abomey avec pour thème
« Passé, présent et futur des palais et sites royaux
d'Abomey » par la Getty Foundation des États-Unis d'Amérique
et des expositions comme celle intitulée « Artistes d'Abomey
», tenue en 2009, au musée du quai Branly à Paris ont
largement confirmé cette opinion de Paul Mercier. Cependant, s'il est
vrai que les personnes versées dans le domaine de l'art savent ce qu'est
l'art du Danxomè, il faut reconnaitre que bon nombre de béninois
l'ignorent encore, étant donné qu'il n'a
bénéficié jusque là d'aucune politique de mise en
valeur. Ce vide mérite d'être comblé ; c'est justement ce
à quoi s'attèle le présent travail.
Malgré les préjugés des Occidentaux sur
l'art traditionnel africain en général, les objets de l'art fon
en particulier occupent une place importante dans les musées
français. Ce fait ne trahit-il pas leur reconnaissance de la
qualité plastique de ces oeuvres ? Cette question mérite qu'on
s'y penche afin de traiter de l'esthétique de ces objets. Il
s'avère donc impérieux de mettre la lumière sur les
oeuvres qui sont les plus représentatives en
2 Explication fournie par le directeur de l'Office
du Tourisme d'Abomey et Région, Gabin DJIMASSÈ, interviewé
le 22-12-2015 à Abomey.
3 MERCIER P., Civilisations du Bénin,
Paris, quai des Grands-Augustins, 1962.
6
Occident de cet art de cour. Et qu'en est-il des artistes qui
les ont produites ? Leurs noms se sont-ils effacés devant la grandeur de
ceux des rois qu'ils ont servis ? L'art de cour au Danxomè, comme on
peut bien s'en douter, n'est pas que matériel. Nul n'ignore la richesse
de la culture immatérielle qui s'est développée dans ce
royaume. On ne peut donc parler des arts du Danxomè sans évoquer
les chants et danses, les récits versifiés du kpanligan,
et autres, qui auront été d'un grand apport pour la connaissance
du passé des Fon. Mais en quoi la cour royale a-t-elle été
un vecteur de développement des arts dans ce royaume ? Telle est la
principale question à laquelle j'ai donné des réponses
dans chacune des parties et sous-parties de ce travail.
Pour rédiger ce mémoire, je suis parti des
documents écrits aux sources orales en passant par la consultation des
sites internet pouvant m'être utiles. Certes, il y a une bibliographie
assez fournie sur le royaume de Danxomè, mais très peu d'ouvrages
sont consacrés à l'art proprement dit. J'ai visité des
bibliothèques de Cotonou. J'ai été également dans
des centres culturels privés comme le Musée d'Art et de la Vie
Active (MAVA)4 de Meschack Gaba, le Centre des Arts et
Cultures5 dirigé par Dominique Zinkpè, deux artistes
béninois qui oeuvrent pour l'instruction artistique et culturelle. Il
faut aussi dire que nombre de documents qui traitent du sujet sont en support
numérique, et j'ai dû aller sur Internet pour les avoir. Puisqu'il
est question ici des arts, notamment plastiques en grande partie, il est
nécessaire de prendre contact avec les objets ou à défaut
de visualiser leurs images. Dans ce cas précis, le contact physique avec
les oeuvres authentiques s'est avéré impossible du fait que
celles-ci sont dans les musées européens au détriment des
musées béninois. Ne pouvant donc effectuer des voyages en Europe
pour la cause, je me suis rendu au musée d'Abomey où sont
présentés quelques objets restaurés et
réalisés sur copie. Internet a été incontournable
dans l'élaboration de mon corpus d'oeuvres. Ainsi, j'ai pu avoir,
virtuellement bien sûr, des oeuvres qui m'ont permis de mener à
bien le travail.
Mes enquêtes sur le terrain ont été d'un
grand intérêt pour la documentation. En effet, j'ai visité
le musée historique d'Abomey qui m'a permis d'avoir des
compléments de connaissances. Ensuite, j'ai eu des entretiens
enrichissants avec d'une part des descendants d'artistes de cour, aujourd'hui
installés en tant qu'artisans au village artisanal du musée.
4 Sis à Fidjrossè, un quartier de
Cotonou.
5 Situé au quartier Atrokpocodji dans
l'arrondissement de Godomey, à Abomey-Calavi.
7
D'autre part, j'ai rencontré Gabin Djimassè,
Directeur de l'Office du Tourisme d'Abomey et Région, et Bachalou
Nondichao, historien traditionnaliste et guide du musée historique
d'Abomey à la retraite.
L'ossature de ce travail est constituée de trois
parties subdivisées chacune en trois chapitres. La première
partie s'intitule : Les artistes au service de la royauté, de
Houégbadja à Agoli-Agbo ; la deuxième partie traite des
oeuvres d'art de cour jouissant d'une reconnaissance au plan international.
Enfin, la troisième partie met en lumière les arts de cour du
Danxomè dans leur ensemble.
Mais avant toute chose, il convient de rappeler
brièvement les origines du royaume fon et de ses palais.
Les débuts du Danxomè sont retracés par
différentes versions ; l'une d'elle se présente comme suit :
Agassou, ancêtre dont se réclament les
Danxomènou, est issu, selon la légende, de l'union entre sa
mère, Adowi, et une panthère mâle, alors que
celle-là était l'épouse du roi de Tado. Cependant,
Alexandre Adandé soutient que cette union qui apparait monstrueuse
signifiait en réalité la violation d'un interdit matrimonial par
le roi de Tado représenté par la panthère mâle (A.
Adandé, 1962 : 10). En fait, Adowi avait fui son village, Yakaki, pour
Tado avec son fils aîné qu'elle avait eu avec un homme dudit
village. Adowi n'ayant pas divorcé officiellement, toute relation intime
entre elle et un autre homme, fût-il un roi, relevait de la violation de
l'interdit d'adultère.
Agassou grandit, et devint fort, beaucoup trop fort, dit-on,
au point où on le désignait comme étant un être
mi-homme mi-panthère. Il parvint, grâce à sa mère,
à marier l'une de ses tantes maternelles, et ils eurent de nombreux
enfants. Agassou étant considéré comme un enfant
illégitime, ses descendants ne pouvaient qu'être traités
eux aussi comme tels. Mais il arriva que ces derniers, une fois grands, eussent
caressé le voeu d'exercer le pouvoir royal à l'occasion d'une
nouvelle intronisation. Cela n'était pas du goût de la dynastie
régnante. Une violente dispute éclata alors entre les deux camps.
La lutte fut sanctionnée par le meurtre de l'héritier
présomptif perpétré par les Agassouvi
(descendants d'Agassou).
Une fois le crime de lèse-majesté commis, les
dissidents se sauvèrent en prenant le chemin du Sud-est. Ils finiront
leur échappée dans la région des Aïda, Ardres selon
la graphie employée par des voyageurs européens du
XVIe siècle, actuelle Allada. Plusieurs
8
générations s'écoulèrent. Ils
réussirent au fil du temps à imposer leur diktat aux autochtones,
et parvinrent à régner sur Alada6. Mais au
début du XVIIe siècle, une querelle de succession
éclata entre les trois princes à la mort de leur père, le
roi Kokpon. Après d'âpres affrontements, le cadet sortit vainqueur
et pris le pouvoir. Ainsi, l'aîné, Tè-Agbanlin migra, avec
ses compagnons, vers le pays de sa mère, au Sud, et fonda Hogbonou,
tandis que Dogbagri, le plus jeune, se dirigea vers le Nord et s'installera sur
le plateau. C'est sur ce site que sera fondée plus tard par
Houégbadja, un descendant de Dogbagri, le royaume de Danxomè,
après avoir tué le « chef de terre », Dan, dont la
dépouille aurait servi de fondation pour le palais, d'où :
Dan xomè (dans le ventre de Dan).
À sa création, le royaume était
limité au Nord par les peuples mahi, au Sud par les marais de la Lama ;
l'Ouémé et le Koufo (cours d'eaux) le cernent respectivement
à l'Ouest et à l'Est. Mais très vite, suite aux
différentes conquêtes de ses souverains, le Danxomè
s'étendit considérablement, incorporant désormais les pays
mahi et cana, le royaume de Juda ou Whydah (Ouidah), ceux d'Ardres (Alada) et
de Djèkin (devenu Godomey). L'essence même de son expansion se
trouve dans la devise de ses monarques : « Le Danxomè toujours plus
grand », et donc chacun d'eux se voyait en devoir de faire mieux que son
prédécesseur7.
6 Alada, en tant que royaume qui a existé
entre le début XVIIe siècle et le XIXe au
Sud de l'actuel Bénin est écrit avec un « l » tandis
que Allada, qui est désormais une ville du département de
l'Atlantique, est écrit avec deux « l ».
7 ADANDÉ Alexandre, Les Récades des
rois du Dahomey, Dakar, IFAN, 1962.
9
Première partie :
LES ARTISTES AU SERVICE DE LA
ROYAUTÉ, DE HOUÉGBADJA À
AGOLI-AGBO
10
Première partie :
LES ARTISTES AU SERVICE DE LA ROYAUTÉ, DE
HOUÉGBADJA À AGOLI-AGBO
Chapitre Ier- Intégration des artistes dans les
arcanes du pouvoir royal
A- Origines sociogéographiques des
artistes
L'intérêt des souverains qui se sont
succédé sur le trône du Danxomè pour l'art les a
amenés à faire recours aux services des artistes
indépendamment de leurs origines sociales et géographiques. Ils
plaçaient le génie artistique au-dessus de toute
considération sociopolitique. Cependant, il faut reconnaitre qu'avant
l'agrandissement considérable du royaume, les artistes étaient
choisis parmi l'élite sociale. Ainsi, ne pouvaient travailler aux
alentours du palais que les artistes issus de lignées royales ou de
familles liées aux vodoun. Ce privilège leur était
accordé parce qu'on les trouvait plus dignes d'être proches du
monarque, et plus à même de traduire en langage artistique la
suprématie aladaxonou (fon)8.
Mais après de grandes conquêtes notamment celles
d'Alada, de Savi et de Djèkin dont Agadja fut l'instigateur entre 1724
et 1732, occasionnant la déportation sur le plateau d'Agbomè de
nombreux captifs parmi lesquels se trouvaient des artistes de grand talent, les
rigides principes d'antan finiront par s'assouplir. Ainsi, les artistes
provenaient désormais de toutes les couches sociales ; ils pouvaient
être princes, maîtres de culte, hommes libres, esclaves et
même captifs de guerre. Ironie du sort, nombre de ces derniers finiront
par hisser haut la renommée du Danxomè dans le domaine des
arts.
Un grand forgeron-sculpteur du nom d'Ékplékendo
Akati, était originaire d'Anago-Doumè, une région
située à environ 100 km d'Agbomè, à la
frontière entre le Bénin et le Togo actuels. La première
version de la tradition orale sur les origines de cet artiste dit qu'il
était yoruba et que la qualité de ses oeuvres avait atteint une
telle ampleur dans sa région d'origine que le roi Glèlè en
fut informé9. Par un concours de circonstances, celui-ci fit
la guerre à Anago-Doumè, dont les habitants, les Djaloku
ou Fennu l'auraient nargué alors qu'il venait de perdre sa
mère, bafouant ainsi le pacte de l'amitié jurée
scellé par leur
8 BALLT T. (dir.) et alï, Passé,
présent et futur des palais et sites royaux d'Abomey, Actes de
conférence, 1999, 167 p.
9 Cette information m'a été fournie
à Abomey, le 23-12-2015, par Bachalou NONDICHAO, historien
traditionnaliste et guide du musée d'Abomey à la retraite.
11
ancêtre Nukumoké et Houégbadja. On se
demande si la vraie raison de cette guerre n'était pas
l'enlèvement de l'artiste avec ses oeuvres, quand on sait que le
Danxomè faisait également des conquêtes d'ordres religieux
et culturel. Quant à la seconde version10, il aurait
été emmené comme captif de guerre, à l'issue d'une
bataille que le roi Ghézo, père de Glèlè, livra
contre les habitants d'Anago-Doumè. Et c'est bien après que le
roi se rendra compte que les talents de cet artiste surpassaient ceux des
autres forgerons. Il lui confiait tous ses travaux liés à la
forge et le nomma Gounon11.
Quoi qu'il en fût, le fait essentiel à retenir de
ces deux versions est que Ékplékendo Akati était
d'Anago-Doumè, et était venu à Agbomè comme captif
de guerre, mais a très tôt, grâce à son art,
intégré le cercle fermé des privilégiés du
royaume. Et aujourd'hui encore, ses oeuvres continuent de faire la
fierté des Aboméens et de tous les béninois par
extension.
B- Le recrutement et l'insertion des artistes dans le
paysage royal
Dans un système de royauté, il est difficile que
ceux qui n'appartiennent pas à l'élite sociale aient des
prérogatives. Et donc pour être recruté comme artiste de
cour, il fallait avoir des aptitudes supérieures à celles des
autres, qu'on peut considérer comme des artisans. Ce privilège
n'était ainsi offert qu'aux excellents dans leurs domaines respectifs.
Lorsque parmi les prisonniers de guerre, il y avait quelque artisan dont le
métier était inconnu dans le royaume et dont les oeuvres eussent
pu fasciner le roi, ce dernier le faisait quitter son statut de captif et le
traitait dès lors comme son protégé. On l'installait non
loin du palais, et on lui offrait tout ce dont il avait besoin pour
s'épanouir dans son travail. On lui trouvait une femme qu'on dotait
à sa place, lui déléguait des personnes commises à
ses services, et on s'assurait qu'il ne manque jamais de matière
première. Son atelier se situait dans l'arrière-cour de la maison
à lui donnée.
En revanche, si le captif de guerre pratiquait un
métier qui existait déjà à la cour, alors on le
mettait sous la coupe de la personne la plus douée dans le
métier. Il pouvait ainsi user de ses connaissances pour améliorer
la qualité des oeuvres. Cette personne dont on parle était le
responsable de tous les artisans exerçant le même métier.
Ainsi, il est le
10 Cette version est dite par Dodji ABIALA et
Marcelin HOUNTONDJI, deux artisans, membres de familles d'artistes.
11 Prêtre du culte de Gou.
12
seul qu'on peut qualifier d'artiste, celui à qui
Aziza12 accorde des révélations sur l'art
qu'il pratique ; et les autres n'étaient que de simples artisans, car ne
faisant que reproduire l'ouvrage de leur maître en employant sa
technique.
Il est à noter des mariages particuliers qui se
faisaient entre le roi et les artistes très cotés. En exemple, le
roi Agonglo (1789-1797), ayant été informé de la
renommée du tenturier Yèmandjè, fit tout le
nécessaire pour bénéficier de sa compétence. Il le
« dota et l'épousa » donc, faisant de lui une Ahossi
(reine, femme du roi). Ce pseudo-mariage n'était qu'un acte
symbolique, et est une preuve flagrante de la présence permanente du
symbolisme dans les faits et récits au Danxomè.
Yèmandjè bénéficiera ainsi d'énormes
avantages. Il avait accès à toutes les parties de la cour, y
compris celle réservée au roi et à ses épouses. Il
devint très tôt l'exécuteur des grands travaux de tenture
et l'habilleur spécial du roi, puisqu'il était très proche
de lui. D'autres artistes ont été aussi approchés et
installés comme ce dernier, même s'ils n'ont pas été
tous « dotés et épousés ».
Chapitre II- Rapports entre la royauté et les
artistes
A- Les contraintes du métier d'artiste de
cour
Comme nous l'avons vu plus haut, les souverains du
Danxomè accordaient assez de prérogatives aux artistes. Mais en
contrepartie, l'artiste devait faire preuve de sagesse et de reconnaissance en
mettant toute son intelligence et son génie au service du pouvoir
royal.
Il devait travailler en toute discrétion ; son atelier
était tenu secret. Il devait faire en sorte que personne ne
découvre avant le roi la finalité de son oeuvre. Lorsqu'il
finissait de réaliser les objets, il les gardait dans sa chambre
privée qui n'était pas accessible à tout le monde. Ces
objets étaient emballés avant d'être acheminés au
palais, afin de n'attirer aucune curiosité. L'une des raisons pour
lesquelles les artistes étaient installés à quelques
lieues du palais était la quête de confidentialité dont il
fallait entourer les oeuvres. On se rend ainsi compte que ceci pouvait susciter
la peur chez l'artiste, celle de perdre tous privilèges suite à
une absence de discrétion.
12 C'est le génie de l'art, selon une
croyance fon. Il a le pouvoir de délivrer aux personnes qu'il choisit le
don de produire de magnifiques oeuvres. Ainsi, est-il courant d'entendre dire
en fon d'un artiste qui se fait admirer à travers son ouvrage :
« Aziza wè nin » signifiant littéralement :
« C'est un don d'Aziza ».
13
En outre, l'artiste se devait de réaliser
minutieusement la commande du roi. Les oeuvres produites ne devaient souffrir
d'aucune faille. Lorsque les objets étaient apportés au palais,
le souverain les examinait attentivement, puis donnait son verdict : il les
acceptait ou les rejetait. La salle de trésor était
réservée aux objets qui avaient reçu l'approbation du roi,
tandis que les objets rejetés étaient remis aux artistes qui
devaient les travailler à nouveau ; mais ces derniers perdaient de leur
crédibilité.
Par ailleurs, le titre de Djèhossu (roi des
perles) attribué au roi indique clairement qu'il ne peut accepter des
artistes que ce qui est beau, luxueux, reflétant toute sa grandeur. Les
oeuvres réalisées pour le roi étaient en modèle
unique. Il n'était donc pas possible de retrouver chez quelqu'un
d'autre, quel que soit son rang social, une oeuvre ressemblant à celle
du roi. Ainsi, à chaque commande, l'artiste avait l'obligation de
s'appliquer un peu plus afin de contenter le roi. Il était tout le temps
dans la création de nouvelles choses.
Les artistes devaient travailler durement et avec soin pour
mériter d'être proches du roi. Ce dernier ne faisait entrer dans
son environnement immédiat que l'artiste dont le talent supplante de
loin celui des autres. En fait, installés dans la salle de trésor
après avoir reçu le satisfécit du roi, les objets
étaient sortis et exposés dans les espaces publics du palais,
lors des festivités royales. Les hôtes de marque du roi
étaient amenés dans cette salle pour admirer les richesses
artistiques du royaume. Ainsi, pouvait aussi devenir protégé du
roi, l'artiste dont les oeuvres avaient été admirées par
des étrangers.
B- Le génie artistique au service de
l'impérialisme
La devise du royaume était : « Le Danxomè
toujours plus grand » ; et plus qu'un simple voeu, elle était un
devoir qui s'imposait à tout souverain qui accédait au
trône. Celui-ci se sentait dans l'obligation morale de repousser les
limites de son royaume, de faire quelque chose de plus grand que ses
prédécesseurs. Ainsi, il mettait tout en oeuvre pour y arriver.
L'art était d'un grand intérêt dans cette entreprise.
C'étaient en effet les artistes qui, à travers
leur savoir-faire, faisaient transparaître la puissance et la grandeur du
royaume, notamment du roi. Exclusivement adaptée à ce dernier, la
production artistique le célèbre, le magnifie, et valorise son
règne. Les artistes ont également participé indirectement
aux conquêtes en jouant sur l'esthétique, la
14
psychologie et l'histoire . Le kpanligan
13 par exemple présente le roi comme
étant le détenteur de tous les trésors, le
Djèhossu, le Dokunnon, l'
Ayihihonnon 14... Ainsi jouait-il
sur la psychologie des sujets et surtout des peuples voisins.
De même, l'iconologie des bas - reliefs, a permis
de retracer, outre les sources orales et les
écrits d'administrateurs coloniaux, l a terreur que
voulaient imposer les souverains du Danxomè à leurs
ennemis. D'autres artistes comme les tenturiers ne faisaient pas le
contraire quand ils laissaient transparaître dans leurs
toiles le sort affreux réservé aux ennemis du royaume
comme l'illustre l'image 1 ci-dessous.
Image 1- Fragment d'une toile appliquée.
13 Il est employé à la cour à
réciter la généalogie du roi, son
panégyrique et à faire son éloge.
14 Ce sont trois des nombreux surnoms
donnés aux rois du Danxomè. Le premier signifie «
Le Roi des perles », le deuxième « Le Richard
» et le troisième « L'incarnation du Soleil».
Dans ce fragment de tenture par exemple, on aperçoit
une récade et un buffle de couleur rouge ; ce sont les armoiries de
Ghézo. Entre autres scènes, nous avons : un homme qui pile la
tête d'une victime dans un mortier avec pour pilon une jambe humaine ;
une personne est portée, bien qu'étant armée, vers un
arbre ; un autre homme est décapité et sa tête est
plantée sur une pique ; une femme a sur la tête un panier empli de
têtes humaines. Ces scènes laissent voir que des soldats des
royaumes rivaux à celui de Danxomè sont décapités
sans état d'âme. Elles présentent les Danxomènou
à travers leurs soldats comme des conquérants attitrés, et
qui éliminent tous ceux qui tentent de s'opposer à
l'impérialisme fon. Ainsi, le roi Ghézo se voit glorifié
par cette tenture pour sa politique d'expansion. Mais au-delà de leur
rôle dans l'impérialisme du Danxomè, ce sont aussi des
oeuvres qui ont permis de sauvegarder l'histoire de ce royaume.
Chapitre III- Les prémisses d'une école
d'art à Agbomè
A- La spécialisation dans les arts
Il y avait à Agbomè, la capitale du royaume, une
spécialisation nette dans les métiers d'art. Il existait des
quartiers de la capitale et des villages qui formaient des corporations
spécialisées, dont le chef recevait une dignité : il
était « maître d'un siège »15 (P. Mercier, 1962 :
198). C'est ainsi qu'on constate aujourd'hui à Abomey des quartiers dont
la toponymie est liée aux noms de familles d'artistes ; par exemple les
quartiers Hountondji, Yèmandjè,... En effet, afin de
concéder des avantages à des alliés et aux populations du
plateau nouvellement soumises, le roi Houégbadja, fondateur du royaume,
fit spécialiser chaque famille d'artiste dans un métier.
Ainsi, installés à proximité du palais
par Houégbadja au début de son règne, les Hountondji
étaient forgerons avant de se spécialiser dans la technique de la
cire perdue sous le règne de Ghézo notamment, devenant ainsi
bijoutiers. Parlant de forge, nous avons entre autres les Adjalian et les
Zounon, invités par Agadja, et qui étaient spécialistes du
travail du fer essentiellement, avec la fabrication des armes, des outils
agraires et des objets de culte. Doté et
«épousé» par le roi Kpengla, un talentueux forgeron du
nom de
15
15 C'est-à-dire que le chef de la corporation
d'artistes du même métier était élevé au rang
de dignitaire.
16
Déguénon Mongbo sera installé
auprès des Hountondji, et devint très tôt le premier
spécialiste de la fabrication du Gou. Il existait de nombreuses
autres familles spécialistes de la forge telles que celle Akati,
réputée dans la production du Gou, des récades,
des sabres ; la famille Agbo qui avait le monopole de la fabrication du gong
jumelé (Kpan) ; les Assogbakpé, grands producteurs
d'assen.
Le domaine de la tenture ne manquait pas non plus de
spécialistes. Ce métier a pris son envol sous le règne
d'Agadja. En effet, lors d'une prise de guerre à Agbozounmey, dans la
région d'Avrankou, au Sud-est du Bénin actuel, les tenturiers et
tisserands Hantan et Zinflou ont été capturés par les
soldats fon. Il est important de préciser que les appliqués sur
tissu réalisés par ces deux artistes l'étaient sur fond de
raphia et non de coton, comme il fut de mise après avec l'apparition des
toiles issues du commerce des esclaves. Ils sont les premiers
spécialistes de la tenture au Danxomè. Cette corporation
connaîtra un grand essor avec Yèmandjè, « doté
et épousé » par Agonglo pour s'attacher ses services. La
famille Yèmandjè finit par supplanter celles Zinflou et Hantan,
et son chef devait porter avant le roi tout vêtement produit en
appliqué. Il était le « miroir » du roi,
dit-on16.
La sculpture sur bois est une autre spécialité
des arts fon. D'origine yoruba, elle existait sur le plateau avant
l'arrivée des Agassouvi. Elle sera ensuite adoptée par des
habitants de Gbanamè dans la région d'Agonli, au Sud-est du
Bénin actuel. Le roi Agonglo a beaucoup oeuvré pour le
rayonnement de cet art, en se faisant sculpter des trônes de luxe
(Gandémè) en lieu et place des traditionnels
kataklè17. Les sculptures en bois consacrées
aux cultes vodoun étaient l'apanage de la famille Sossa
Dèdè. Quant aux Djotohou, ils étaient spécialistes
de la fabrication des chaussures, amulettes et autres objets en cuir du roi,
tandis que les Danhoungbé se chargeaient de la composition de chapeaux
et d'amulettes en perles.
La production des bas-reliefs qui constituent l'une des
caractéristiques fondamentales de l'art du Danxomè, a connu des
perfectionnements au fil des règnes. Elle nécessite plusieurs
aptitudes de la part de ses spécialistes : la forge, l'architecture, la
poterie, la décoration et la peinture. Sur le plan de la musique et de
la danse, des orchestres étaient bien établis. Chaque orchestre
était spécialiste d'un rythme précis.
16 Ainsi parla Fidèle YÈMANDJÈ,
tenturier et tisserand.
17 Tabourets à trois pieds qui servirent de
trônes pendant longtemps avant d'être utilisés comme
sièges d'intronisation avec la création des trônes de
luxe.
17
B- La pérennisation du savoir-faire
Les artistes de cour n'étaient pas qu'investis de
produire des oeuvres pour le roi et son entourage immédiat, ils
étaient aussi charger de perpétuer leur savoir-faire en formant
d'autres personnes. C'est alors que des apprentis étaient engagés
pour être formés afin d'assurer la relève. Ceux-ci
étaient des enfants d'artistes ou d'hommes de confiance ne pouvant
trahir le secret de la discrétion. Cette forme de transmission a
occasionné la floraison de familles d'artistes ; ce qui a permis la
conservation de certains métiers et techniques artistiques. Placé
dans un atelier familial dirigé par le chef de la famille ou l'artiste
le plus doué, chaque apprenti reproduisait suivant son talent des objets
créés par son maître. Apprenant le métier depuis sa
toute jeune enfance, l'apprenti ne finissait sa formation qu'à un
âge relativement mûr et après avoir prouvé tout son
talent.
Le roi-mécène ne se contentait pas uniquement
d'offrir de bonnes conditions de vie et de travail aux artistes. Il s'occupait
également de la formation de la relève. Des enfants de ministres
et des princes héritiers étaient aussi placés sous la
coupole des chefs des corporations d'artistes. C'est ainsi que des rois
arrivaient à séduire par leurs connaissances
artistiques18.
Une preuve de la pérennisation du savoir-faire est la
subsistance des familles d'artistes. Des membres de ces dernières sont
aujourd'hui installés au centre artisanal du musée historique
d'Abomey où ils tentent tant bien que mal de perpétuer la
tradition familiale. Un peu partout dans la ville d'Abomey nous pouvons
observer l'héritage de ces arts de cour à travers des ateliers de
tenture, de tissage, de bijouterie, de sculpture, etc.
Cependant, un membre de la famille Hountondji,
interrogé au centre artisanal, affirme qu'il est aujourd'hui très
difficile voire impossible de pratiquer certaines techniques qu'il a apprises
du fait de la pénurie de métaux nécessaires. À cela
s'ajoute le manque d'intégration des arts dans les politiques de
développement.
18 La plupart de mes informateurs ont
affirmé que le roi Agonglo avait sculpté lui-même un
trône, alors que le roi Ghézo a composé de nombreuses
chansons qu'il a laissées à la postérité. Quant
à Gbèhanzin, il excellait dans la danse.
18
Deuxième partie :
QUELQUES PRODUCTIONS DE
PORTÉE INTERNATIONALE DES ARTS
DE COUR DU DANXOMÈ
19
Deuxième partie :
QUELQUES PRODUCTIONS DE PORTÉE INTERNATIONALE DES ARTS
DE
COUR DU DANXOMÈ
Chapitre IV- Les trônes et les figurines de
jumeaux
A- Les trônes
L'une des formes les plus marquantes des arts fon, c'est la
sculpture sur bois dont quelques-unes des réalisations sont les
trônes des rois. Deux types de sièges royaux existaient dans le
royaume ; il s'agit du tripode de forme circulaire appelé
kataklè et du gandémè19, plus
complexe du point de vue de la structure. Le premier, selon la tradition orale,
servait à introniser les rois, et est aussi appelé Alada
zinkpo (siège d'Alada) ; ce qui évoque les relations
ancestrales entre les deux royaumes20. Les gandémè
sont aussi appelés djandémè, et ceux des
rois Ghézo et Glèlè se dénomment nukpewu
zinkpo, signifiant littéralement « siège du pouvoir
».
Les kataklè, même s'ils
présentent un aspect simple étaient monoxyle, c'est-à-dire
qu'ils étaient soigneusement sculptés dans un seul tronc d'arbre.
Ceci nécessitait une bonne maîtrise du travail du bois, ce qui
fait qu'il n'y avait pas assez de familles de sculpteurs de trônes. Quant
aux gandémè, leur élégance a fait parler
d'eux dans le paysage artistique mondial. Ils présentent
généralement une base rectangulaire supportant quatre piliers
massifs ou un cube évidé surmontés d'une surface concave
où s'assied le roi. Ceux de Ghézo et de Glèlè sont
faits de panneaux manufacturés et assemblés. Un autre de
Ghézo est plus frappant, car gigantesque et surmontant quatre
crânes humains21.
Les sièges de type gandémè
existent également au Togo et sont appelés Togbé
zinkpui ou Efio zinkpui, c'est-à-dire « sièges
des ancêtres » ou « sièges royaux », termes faisant
référence à son rôle sacré. Certains
chercheurs, à l'instar de l'historien d'art Joseph
19 ADANDÉ J. C. E., Les
sièges des rois d'Agbomè et le siège akan : analyse d'un
contexte de civilisation à partir de la culture matérielle et
artistique (1625-1890), Université de Paris I, Thèse de
doctorat, 1984.
20 Confère Introduction, p. 5.
21 BEAUJEAN-BALTZER G. et alï, Artistes
d'Abomey, Catalogue d'exposition, Fondation Zinsou, 2010, pp.
237-239.
Adandé, ayant travaillé sur ces
trônes s'accordent sur le fait qu'ils auraient pour origine
le
20
pays akan de la confédération ashanti, et
les dénomment
|
« sièges de type
|
akan »22.
|
Image 2 : Schéma du trône
kataklè par H. Togo
Image 3 : Trône
gandémè
|
ou nukpewu zinkpo de Ghézo, posé
sur quatre crânes humains,
|
capture
|
d'une page du catalogue «
|
Artistes d'Abomey » du musée du quai
Branly
|
22 BEAUJEAN- BALTZER G. et alï,
Artistes d'Abomey , Catalogue d'exposition, Fondation
Zinsou, 2010, pp 237-243.
21
|
|
|
Image 4 : Trône nukpewu
zinkpo
|
de Glèlè, capture d'une page du catalogue «
Artistes d'Abomey du quai Branly
|
» du musée
|
Image 5 : Trône nukpewu
zinkpo de Ghézo, Photo Musée du quai
Branly
22
B- Les figurines de jumeaux
Les statuettes de jumeaux des artistes du
Danxomè connaissent une grande renommée dans le
paysage artistique international. Elles sont de petites
sculptures en bois représentant en miniature des êtres humains,
en l'occurrence les jumeaux décédés. En
fon, on les appelle hoho du même nom que
les jumeaux et jumelles réels. Ces statuettes
jouent des rôles très importants lors des rituels
des cultes dédiés aux jumeaux.
Appelés ibeji dans l'aire culturelle yoruba,
ces statuettes sont une composante essentielle des religions
endogènes dans toute la baie du Bénin.
Il faut signaler que dans l'aire culturelle
aja-tado, on ne dit pas ouvertement qu'un
jumeau ou une jumelle est décédé(e),
on dit qu'il ou elle est allé(e) dans les bois.
est donc traité avec soin, il est respecté
comme une personne physique ; il est même appelé
second », c'est-à-dire le jumeau encore en
vie,
Le hoho
par le nom de celui qu'il symbolise. Son « le
porte sur lui et le protège de tous ceux qui pourraient tenter
de le profaner. Il est «nourri», «habillé» ;
certains le parent de perle s. Incarnant le jumeau
défunt, on le fait passer par toutes les étapes
des cérémonies effectuées lors du culte
des jumeaux, et certaines personnes le vénèrent
pour implorer sa bénédiction.
Image 6 : Hoho, Photo P. Gries, V.
Torre, Collection musée du quai Branly
|
Image 7 : Le voyage, exposition d'une pirogue
réalisée avec des ibeji par D.
Zinkpè, 350 cm x 300 x 300, capture d'une page de
Temps Modernes : La mémoire de
l'esclavage
|
23
L'image 6 ci-dessus présente deux
des objets d'art fon pillés et exportés en hexagone par
les administrateurs coloniaux, et aujourd'hui catalogué sous
l'appellation « Trésor de Béhanzin »
au musée du quai Branly. Elle nous fait voir deux
hoho, une femme et un homme portant des bracelets,
des colliers, des perles à la hanche et des
pendentifs d'oreilles pour la femme. Lorsque tous les jumeaux sont
décédés, la garde des figurines qui les
représentent est assurée par leur maman ou à défaut
par leur père ou un parent proche.
Au-delà du caractère sacré du
hoho, il est d'une finesse et d'une esthétique
avérée. Sculpté dans un seul bois, il
est généralement de taille réduite,
d'environ quinze à vingt centimètres de
long, et surmonte un socle qui lui permet de tenir debout. La
représentation féminine et celle masculine se
différencient à vu d'oeil par la présence d'une poitrine
saillante chez l'une et le phallus chez l'autre. On perce
parfois les oreilles au hoho féminin afin d'y
accrocher des bouclettes. Celui masculin reçoit dans certains
cas, une raie dans ce qu'on peut appeler ses cheveux. Les hoho
sont polis et vernis au besoin ; c'est le cas de ceux
que nous montre l'image 6.
Aujourd'hui, dans une logique purement artistique,
l'artiste plasticien béninois Dominique Zinkpè
sculpte des hoho dont il part pour
réaliser de gigantesques oeuvres de diverses formes. De
culture fon, cet artiste qui a acquis une renommée
internationale a su sortir ces statuettes de leur cadre religieux pour leur
donner un autre espace d'installation outre les couvents et les chambres.
Ainsi les débarrasse-t-il peu à peu de
s idées négatives construites autour d'eux par le
discours colonial d'antan perpétué par les religions
exogènes. Loin d'être une sorte de
désacralisation de l'objet, cet élan de l'artiste est une preuve
que les objets de culte africains ne manquent pas
d'esthétique contrairement à ce qui était
dit d'eux.
24
Chapitre V- Les récades, les gou et les assen
A- Les récades
Le mot « récade » vient du portugais
recados qui veut dire « messager » ; en terme plus clair,
c'est un bâton de pouvoir, qui joue le rôle de signature, attestant
de l'authenticité du message royal. En fon, elle s'appelle mankpo
qui signifie « bâton de fureur ». Ces deux
définitions trouvent bien leur place dans le contexte du royaume de
Danxomè.
Avant de devenir un « bâton messager » dans ce
royaume, il était uniquement un « bâton de fureur ». En
effet, les guerriers du fondateur Houégbadja n'avaient pour arme qu'un
bâton légèrement recourbé à l'un des bouts
rebondi et doté d'un anneau de fer. De plus, sous ce même roi, des
cultivateurs furent surpris par des ennemis alors qu'ils travaillaient. Ils
durent se défendre avec les manches de houe, et parvinrent à les
chasser. C'est depuis cette prouesse que le manche de la houe est perçu
comme le bâton de la rage. Très vite, les rois l'ont
récupéré pour en faire un insigne de la force et du
commandement. Ils se faisaient alors sculpter à l'image de cette arme
improvisée, des bâtons, mais ceux-ci sont garnis d'armoiries ou de
petites sculptures allégoriques. Il existait au Danxomè,
plusieurs sortes de récades (récades militaires, récades
de Xêvioso, le dieu de la Foudre, etc.), mais les plus
célèbres sont ceux des rois.
La récade était généralement
sculptée dans du bois dur et une fois cette phase achevée, elle
était remise aux forgerons et/ou aux bijoutiers qui s'occupaient de
l'incrustation des symboles en métaux. Enveloppé, le produit
final était apporté au Mewu, ministre chargé de
la sécurité du royaume, qui ordonnait à l'artiste de se
l'accrocher au cou et à l'épaule afin de s'assurer que son
ouvrage n'était pas empoisonné. Le roi recevait la récade
après que son ministre l'admette. À cette occasion, le peuple
était rapidement appelé à se rendre à la place du
palais à lui réservé par le gandoto ou
l'informateur public muni d'un gong pour rythmer son message. Devant ses sujets
attentionnés, le roi se levait, prenait la récade de la main
droite, la brandissait en signe de détenteur. Il expliquait ensuite
chacun des symboles présents sur l'oeuvre. Le peuple s'inclinait alors
devant la récade qui devenait du coup un objet de
vénération exclusivement réservé au
roi23. Comme le montre l'image 8 ci-dessous, certaines
récades étaient réalisées en ivoire et garnies de
décorations diverses.
23 ADANDÉ Alexandre, Les Récades des
rois du Dahomey, Dakar, IFAN, 1962.
25
Image 8 : Récade en ivoire de Glèlè,
longueur : 54 cm, capture de la page 45 du Catalogue Art
d'Afrique, d'Océanie er d'Amérique du Nord
Les rois du Danxomè possédaient plusieurs
récades afin d'avoir la possibilité d'envoyer plusieurs
commissions à différents endroits à la fois. Pour porter
un message à
26
un personnage important du royaume ou à un
étranger, le roi remettait une de ses récades au messager qui
l'enveloppait dans un tissu. Arrivé à destination, celui-ci
devait s'accroupir et sortir le bâton royal de son enveloppe devant le
récepteur du message qui reconnaissait le commanditaire à travers
son emblème.
B- Les gou et les assen
Les gou et les assen sont des sculptures en
métaux qui font partie des oeuvres représentatives de l'art de
cour d'Agbomè. Elles figurent dans les grandes collections
européennes. Parmi les gou réalisés par les
artistes fon, il y en a un qui force l'admiration des professionnels et
amateurs d'art au plan international : c'est celui d'Ékplékendo
Akati. Cette sculpture entièrement en fer est représentée
en marche avec dans la main droite le goubassa24 et dans
l'autre, une cloche. La tunique et le visage sont faits de feuilles
métalliques, et la tête est coiffée d'un plateau auquel est
accrochée une chaîne et dans lequel on peut observer divers
symboles du panthéon vodoun. La statue tient debout grâce à
ses pieds en fer fondu. Donnant son appréciation sur cette oeuvre,
l'historienne d'art Marlène Biton (2010 : 92) affirme : « Son
originalité consiste dans les matériaux, les dimensions et le
travail du sculpteur. Elle a une taille humaine, avec environ 165 cm. »
(Image 9).
24 C'est le sabre de gou (dieu des
métaux et de la guerre) dont il se sert pour exécuter ceux qui
enfreignent à ses règles.
27
Image 9 : Gou d'Akati, Photo
musée du quai Branly
La pièce originale de cette sculpture
appartient au musée du quai Branly, mais est
actuellement exposée au pavillon des sessions du musée du
Louvre ; une copie est aujourd'hui installée au
musée historique d'Abomey.
Comme les gou, les assen
sont aussi célèbres. L'assen
ci-dessous est offert au musée
d'ethnographie du Trocadéro, en 1895, par le général Dodds
comme butin de la guerre coloniale
franco-dahoméenne.
Image 10 : Assen aux emblèmes
de Gbèhanzin, Argent et alliage cuivreux riveté et
martelé, Capture de la page 256 du Catalogue
Artistes d'Ahomey
Les assen des souverain s du
Danxomè étaient normalement
réalisé
Mais celui-ci, représentant
s après leur mort.
les symboles du roi Gbèhanzin ( deux mains
entourant un oeuf),
aujourd'hui pour
. La
est fabriqué avant le décès de ce
dernier, car l'année de donation de l'objet (1895) est
antérieure à celle du décès du roi (1906).
Deux hypothèses se confrontent l'explication de ce fait nouveau
intervenu dans l'histoire du célèbre roi du Danxomè
première est que le roi aurait commandé
cet objet réservé aux défunts, après que
son devin
lui aurait annoncé qu'il ne lui restait plus
assez de temps à passer sur la terre de ses aïeux. La
seconde hypothèse s'appuie sur les couteaux suspendus tout
autour du plateau réservé
28
aux libations. En effet, Gbèhanzin aurait
utilisé cet objet important de sa culture pour
29
déclarer la guerre aux colons français ; les
couteaux étant les armes les plus utilisées par son armée
ont été représentés.
Les assen, objets essentiels de la culture fon en ce
sens qu'étant des autels mobiles, ils permettent de rendre des cultes
aux défunts n'importe où, font aujourd'hui la fierté de
l'art du Danxomè dans le monde.
Chapitre VI- Les tentures et les bas-reliefs A- Les
tentures
« Une manifestation curieuse des arts graphiques a
atteint aussi son plus grand développement au Dahomey. C'est la
décoration d'étoffes par application de motifs d'étoffes
d'une autre couleur cousus sur celles qui servent de fond.
»25 ; Paul Mercier (1962 :198) écrivait ainsi des
tentures encore appelées toiles appliquées du Danxomè. La
technique de l'appliqué sur tissu est une invention attribuée au
roi Agadja (1711-1732), qui en aurait été inspiré
après avoir vu dans une région étrangère des
adeptes d'un culte vodoun danser avec des accoutrements multicolores. Il amena
plus tard dans son royaume les tenturiers et tisserands Hantan et Zinflou.
Présent également dans le pays ashanti (dans le Ghana actuel),
l'art de la toile appliquée aurait migré du pays fon à
celui-là26.
L'appliqué sur tissu fut pratiqué pour la
première fois à la cour d'Agbomè par Hantan et Zinflou sur
des tissus de raphia. Elle a été plus tard la
spécialité de la famille Yèmandjè. Avec les
échanges issus de la traite négrière, les toiles de coton
remplaceront celles de raphia. Comme me l'a confié M. Fidèle
Yèmandjè, un artisan installé au centre artisanal du
musée d'Abomey, les artistes « dessinaient les noms des
souverains sur les tissus, les bonnets, les hamacs, etc. ». Le
«dessin des noms des souverains» dont a parlé mon informateur
est en réalité la représentation imagée des
armoiries et allégories des
25 MERCIER P., Civilisations du Bénin,
Paris, quai des Grands-Augustins, 1962, p. 198.
26 ADANDÉ J. C. E., Les grandes tentures et
les Bas-reliefs du musée d'Abomey, Mémoire de
maîtrise, Abomey-Calavi, Université Nationale du Bénin,
1977.
30
souverains. En effet, l'usage des toiles appliquées
était réservé au roi, à certains ministres et aux
grands dignitaires religieux quand celui-là leur en donne
l'autorisation. Les toiles appliquées servaient à décorer
les palais, et à travers elles, la grandeur du Danxomè
était affichée. Les parasols royaux passaient également
chez les tenturiers qui les marquaient d'images diverses. Des tissus
appliqués apparaissaient aussi lors des cérémonies et
fêtes publiques.
La toile appliquée présente un fond uni sur
lequel se détachent, autres que les symboles des rois, des images
provenant d'allégories et de proverbes. Ces images sont
présentées comme étant dans un décor et non sur
terre, car celle-ci n'est aucunement matérialisée. Les
personnages se trouvent, en quelque sorte, flottants dans l'espace.
Image 11 : Tissu appliqué dédié à
Ghézo
Image 12 : Portion de toile appliquée, Capture de la page
30 du livre Restauration du palais de Gbèhanzin
31
Les images 11 et 12 sont des exemples de tissus
appliqués aux effigies des rois Ghézo et Gbèhanzin. Dans
le deuxième cas, le requin, symbole de Gbèhanzin, est
placé au haut de la toile, survolant deux personnages, l'un humain et
l'autre mi-homme mi-bête. Le personnage mi-homme mi-bête n'est
personne d'autre que Gbèhanzin, représenté en tenue de
guerre avec son fusil et un bâton sous forme de récade qui
pourrait aussi être perçu comme une arme. Il est suivi par un
homme tenant deux bâtons en mains dont l'un est surmonté de
tête humaine : c'est le butin de guerre. Le requin
représenté a la gueule grandement ouverte, ce qui évoque
le désir de conquête de ce roi. Cette toile célèbre
ainsi Gbèhanzin en racontant de façon imagée ses prouesses
guerrières. L'appliqué sur tissu est donc une forme d'art qui
nous présente aujourd'hui en tissus coloriés le passé de
ce royaume qui aura marqué l'histoire du golfe de Guinée.
B- Les bas-reliefs
Les bas-reliefs du Danxomè, pictogrammes et
idéogrammes fixés sur les murs des palais royaux, de certains
temples et de quelques maisons d'artistes, jouissent eux aussi d'une grande
renommée. Ils sont modelés avec de la terre sur une surface de
mur un peu creusée, et reprennent les images de symboles royaux, de
diverses scènes retraçant les hauts faits du royaume. Les
débuts de cet art sont mal connus, néanmoins la tradition orale
les place sous le règne du roi Agadja, celui-là même
à qui est attribuée la paternité de l'art de la
tenture.
Dans les palais, ils étaient fixés dans la
partie centrale de l'adjalala27. Lors des couronnements de
ministres et de hauts dignitaires, le roi s'assied de manière à
ce que les bas-reliefs l'encadrent. De même, pour assister au
déroulement des rites en mémoire de son père
défunt, il trônait devant les bas-reliefs. Ces derniers objets
sont ainsi, avec les tentures bien sûr, les premières expressions
du pouvoir visibles dans le palais. Ils sont des signes ostentatoires,
communiquent avec qui les voit, et content l'histoire à qui peut les
discerner. Sous le roi Ghézo, les arts architectural et décoratif
ont connu des évolutions significatives. En effet, ce roi, après
avoir évincé Adandozan par une révolution de palais en
1818, engagea des actions d'envergure pour l'éclosion des arts. Il
transgressa les habitudes royales en se faisant construire un nouveau palais au
Sud de l'ancienne enceinte
27 Étymologiquement, désigne «
objet à plusieurs ouvertures ». C'est la salle de réunion du
palais ; elle est sans porte et a plusieurs ouvertures.
32
du palais, alors qu'au cours des règnes
précédents, seule l'ouverture d'une nouvelle porte semble avoir
été pratiquée28.
Par ailleurs, les bas-reliefs qui figurent sur les murs du
palais royal de Gbèhanzin prouvent une maîtrise évidente
des artistes qui les ont réalisés.
Image 13
Image 14
Images 13 et14 : Bandes de bas-reliefs de l'adjalala de
Gbèhanzin, Captures des pages 5 et 18 du livre Restauration du
palais de Gbèhanzin
Ces deux séries de bas-reliefs nous montrent
différentes scènes et différents emblèmes royaux.
On aperçoit entre autres des scènes de guerres avec une amazone
qui décapite un ennemi, un corps-à-corps entre deux individus (un
soldat fon et un ennemi) ; le lion, symbolisant Glèlè, est bien
visible et est entouré de deux volailles évoquant chacun Kpengla
et Agonglo. Le Fa29, occupant une place très
importante dans la gouvernance royale, le dernier bas-relief de l'image 14
évoquerait le couple Mawu-Lisa de la cosmogonie fon. Mawu est
l'élément féminin du couple et est l'être
suprême ; il est représenté par la lune. Lisa, quant
à lui est l'élément masculin, incarné par le
soleil.
Derrière un bas-relief du Danxomè, se cache
toute une histoire. C'est fort de cela que de nombreuses actions ont
été menées en vue de les sortir des ruines dans lesquelles
ils semblaient disparaître totalement depuis la fin de la royauté.
Rappelons entre autres qu'en 1997, le Ministère de la Culture et de la
Communication du Bénin, en collaboration avec
28 BALL T. (dir.) et alï, Passé,
présent et futur des palais et sites royaux d'Abomey, Actes de
conférence, 1999, 167 p.
29 Moyen divinatoire permettant de comprendre le
passé, de prendre des précautions pour mieux vivre le
présent et de prévoir le futur. Le roi le consultait
auprès de son devin tous les matins avant de mettre pied dehors, et
avant la prise de toute décision importante.
33
l'Institut Getty Conservation des États-Unis
d'Amérique, a oeuvré à la restauration des bas-reliefs de
l'adjalala de Glèlè qui, heureusement, pouvaient encore
être sauvés. En 2006, la restauration du palais royal de
Gbèhanzin a permis de redonner vie aux bas-reliefs de ce palais qui
témoignent de la vigueur de celui qui fut propriétaire de ces
lieux.
34
Troisième partie :
VUE PANORAMIQUE DES ARTS DE
COUR DU DANXOMÈ
35
Troisième partie :
VUE PANORAMIQUE DES ARTS DE COUR DU DANXOMÈ
Chapitre VII- Les arts plastiques
A- La place du vodoun dans la création
artistique
Vincent Guézodjè avança en 1997 une
définition du vodoun dans les Actes de la conférence
internationale intitulée « Passé, présent et futur
des palais et sites royaux d'Abomey » organisée par l'Institut
Getty Conservation : « Le vodoun désigne à la fois la
grande divinité, l'esprit des anciens rois, l'esprit des ancêtres,
des forces naturelles habitant les eaux, les plantes, certains endroits
sacrés et enfin des objets ». Je me garde ici de la commenter.
Le vodoun est le socle sur lequel s'est bâti et s'est
développé le pouvoir au Danxomè. De nombreux vodoun qui
étaient inconnus au Danxomè, notamment dans la capitale,
Agbomè, y ont été importés de force à
l'initiative des rois. Ce qui fait qu'aujourd'hui la ville d'Abomey concentre
un nombre considérable de vodoun.
Le vodoun a été d'un grand intérêt
pour le développement des arts de cour au Danxomè. En effet, les
chefs de corporations d'artistes étaient souvent des chefs de culte ;
c'est le cas par exemple du forgeron Ékplékendo Akati, qui
était un Gounon (prêtre du culte de Gou). Ce
statut de chef de ce culte lui a permis de produire des oeuvres d'une grande
qualité, car il savait mieux comment matérialiser son vodoun.
À en croire certains adeptes vodoun, les divinités peuvent
être vues dans leur aspect physique lorsqu'on a atteint un certain niveau
d'initiation et de connaissances. Ce Gounon-sculpteur aurait-il
atteint ce niveau ?
Les bas-reliefs, représentatifs de l'art fon, sont
liés au vodoun Sakpata (incarnation de la Terre) et à la
forge. Les forgerons étaient les seuls chargés de les produire.
C'est ainsi que le roi Glèlè confia la réalisation des
bas-reliefs de son palais à Assogbakpé, un forgeron qui
travaillait avec la famille Hountondji30. Bien que n'ayant
apparemment aucun rapport avec la forge, la réalisation des bas-reliefs
était confiée aux professionnels de la
30 - BEAUJEAN-BALTZER G. et alï, Artistes
d'Abomey, Catalogue d'exposition, Fondation Zinsou, 2010,
pp. 80-85.
36
forge parce que ce métier est présenté
comme celui de grandes connaissances, et est entouré de mythes. La
technique de la « cire perdue » pratiquée dans le travail du
fer implique, selon les Fon, une certaine maîtrise du travail de la
terre. La Terre ou Sakpata est un vodoun très craint, elle doit
donc être domptée et préparée selon certaines
procédures qu'on considère que seuls les forgerons sont en mesure
de maîtriser.
Il faut d'ailleurs rappeler que pour la sécurisation du
Danxomè, chaque roi établissait des temples et des couvents des
vodoun protecteurs dans les environs de son palais. Selon Gabin Djimassè
: « Les meilleures productions en matière d'art se retrouvent
dans le culte (vodoun), parce que l'adepte a été
éduqué pour ne offrir à son vodoun que ce qui est beau et
bon »31. Cette affirmation n'est pas gratuite, car
même aujourd'hui on se rend bien à l'évidence de la
qualité de l'art vodoun en observant les accoutrements des kouvito
ou égoungoun (revenants du pays des morts portants des
masques), des sakpatasi (adeptes du vodoun Sakpata), etc., en
voyant la finesse des sculptures à but cultuel et autres.
De ce point de vue, on se demande si cela n'a pas permis le
transfert des artistes des couvents à la cour royale. Et Jacob Agossou
semble bien nous répondre quand il écrivait en 1971 : «
L'art, sous ses différentes formes, prit d'abord naissance dans les
couvents et les bosquets vodoun avant de se réfugier par la suite dans
les palais des rois et princes ». Les responsables des corporations
d'artistes étaient pour la plupart de hauts dignitaires. Ceci leur
permettait de mettre leur double connaissance religieuse et artistique au
service du roi. Ce choix qui appartenait à celui-ci semble montrer que
dans son entendement les meilleurs artistes sont les plus proches du vodoun.
Le vodoun était donc au centre de la création
artistique de cour au Danxomè, et la présence des aspects du
vodoun dans les oeuvres en témoignent. La plupart des héritiers
de l'art de cour du Danxomè admettent encore aujourd'hui qu'il existe un
être divin, appelé généralement Gou par les
travailleurs de métaux et Aziza par les autres artistes, qui
détient le don de la création artistique.
31 Entrevue eue avec Gabin Djimassè,
Directeur de l'Office du Tourisme d'Abomey et Région, le 22
décembre 2015, au siège de l'institution.
37
B- Des artistes du Danxomè aujourd'hui
célèbres à titre posthume
Ici, nous parlerons de deux artistes qui sont aujourd'hui
reconnus comme les auteurs de chefs-d'oeuvre présents dans les
musées occidentaux, et dont la qualité esthétique a
été étudiée ; il s'agit d'Ékplékendo
Akati et de Sossa Dèdè. L'oeuvre étant
immédiatement et uniquement liée au roi, le nom de l'artiste
avait tendance du coup à disparaître devant celui de son
mécène. Les rares noms d'artistes qui sont restés
collés à leurs productions sont pour la plupart ceux qui
étaient déjà, du temps des souverains-mêmes, des
célébrités. Néanmoins, la pérennisation de
la tradition artistique dans les familles et la mémoire historique des
Houégbadjavi32 permettent aujourd'hui de
reconnaître les familles qui ont réalisé telles ou telles
oeuvres.
L'une des oeuvres d'art africain traditionnel qui ont fait
l'objet d'assez d'étude est la sculpture Gou d'Akati. En
août 1894 déjà, Maurice Delafosse écrivit dans la
revue scientifique La Nature, un article intitulé « Une statue
dahoméenne en fonte » consacré à cette statue
impressionnante. À sa suite, de nombreux autres chercheurs, notamment
historiens d'art, ont étudié l'objet ; nous pouvons citer entre
autres, Marlène Biton. Ceci pour montrer l'intérêt qu'une
telle oeuvre a suscité et continue d'éveiller dans le rang des
amateurs d'art. L'auteur de cette célèbre statue en fer que nous
avons présentée plus haut (Image 9) est Ékplékendo
Akati.
Ce dernier est un forgeron yoruba qui fut amené
à Agbomè comme prisonnier de guerre par les soldats du
Danxomè, suite à une guerre ayant opposé ce dernier
royaume à Anago-Doumè, sa région d'origine. C'était
un homme très grand qui fabriquait des armes, des Gou, des
goubassa, des récades des vodoun comme Xêvioso,
Sakpata, etc. Il était également Gounon (chef du
culte de Gou). Il faut souligner qu'il était déjà
bien célèbre à son époque, et c'est peut-être
ce qui a déterminé sa captivité.
Sculpteur, mais non pas sur fer comme Akati, mais sur bois,
Sossa Dèdè est lui aussi admiré jusqu'à ce jour
grâce à ses oeuvres dont la qualité esthétique n'est
point à démontrer. Des statues des rois aux portes de palais
royaux, il aura sculpté dans le bois la grandeur et la puissance des
monarques et, à travers eux, de tout le royaume. Sont illustrées
par les images 15, 16 et 17, trois de ses réalisations.
32 Au sens littéral du terme, signifie :
«Les enfants de Houégbadja». Ce sont les Agbomènou
(natifs d'Agbomè) ou Fon qui se nomment ainsi pour revendiquer la
descendance du fondateur du pays fon.
38
Image 15 : Représentation sur bois de
Gbèhanzin sous forme d'un être mi-requin mi-homme, oeuvre
de Sossa Dèdè, Photo tirée du catalogue de l'exposition
« Artistes d'Abomey »
Image 16 : Sculpture de Glèlè par
Sossa Dèdè , musée du quai
Branly
39
Image 17 : Porte de palais royal, décor attribué
à Sossa Dèdè, Photo tirée du catalogue de
l'exposition « Artistes d'Abomey »
Ce décor nous offre une palette d'objets et d'animaux.
On peut y voir entre autres un sabre de Migan (le ministre de la
justice), une récade, une arme à feu, des éléments
fondamentaux dans le Danxomè.
Chapitre VIII- La musique
A- Les codes de la musique fon
La pratique de la musique était quotidienne au
Danxomè allant des simples amateurs aux professionnels. Ainsi, parmi les
artistes mandatés au service du roi, figurent des professionnels de la
musique. Ceux-ci, comme les autres, étaient recrutés sur la base
de leurs talents, et se regroupaient en différents orchestres. La
musique était au coeur des manifestations culturelles et cultuelles dans
le royaume. Des célébrations de victoires
40
guerrières aux fêtes coutumières, en
passant par de nombreuses autres occasions, le roi assistait à de
véritables spectacles de musique. Les orchestres jouaient des heures
durant en se succédant. Par ailleurs si dans les arts plastiques, les
femmes ne jouaient pas des rôles de premier plan, elles étaient
très en vue dans le domaine de la musique. Ce sont elles qui formaient
les choeurs et dirigeaient parfois les orchestres.
Les instruments de musique étaient variés. Les
tambours, principaux instruments, étaient accompagnés de cloches
jumelles en fer, de castagnettes (sous forme de calebasses entourées de
cordes sur lesquelles sont fixés des cauris), de flûtes, de
gota (grosses calebasses dont on frappe l'embouchure avec un
éventail de cuir), etc. pour l'exécution de nombreux chants. Il y
avait différentes sortes de tam-tams adaptés à des
occasions spécifiques. Nous avons entre autres : le zinli qui
était incontournable pour les funérailles ; le dogba
pour annoncer la sortie du roi ainsi que sa mort ; l'agbadja pour
célébrer les victoires guerrières du royaume et les hauts
faits des dynasties régnantes ; le houngan, joué pour
accueillir un étranger de marque, lors de la visite du roi à un
chef ami, au retour d'une guerre victorieuse. Rappelons que le tam-tam et le
rythme qu'il exécute sont appelés du même nom.
Le zinli est uniquement sorti et battu quand un
décès survient dans la maison royale. Il est une jarre de
grès dont on tambourine l'embouchure avec un éventail en cuir, et
est accompagné du din, qui est un monocorde
réalisé avec une fibre de bambou détachée par le
milieu et tendue par deux chevalets en fragments de calebasse. L'orchestre
était souvent dirigé par une femme avec des hommes comme batteurs
et des jeunes filles forment la chorale. Se mettant au milieu de la
scène, la chef d'orchestre tient un bâton dont
l'extrémité recourbé est cerclée de boucles en
métal et bandée d'un mouchoir blanc. Ce bâton est transmis
à chaque chanteuse au moment où elle se lève pour entonner
son couplet de chant qui sera repris en choeur (A. S. Adandé, 1962).
Tout ceci était accompagné des
jérémiades des pleureuses professionnelles. Celles-ci parvenaient
à inciter des pleurs chez la foule. Le zinli donnait ainsi lieu
à une véritable partie de lamentations. Aujourd'hui, le zinli
se joue également lors des manifestations festives et sur les
places publiques, grâce notamment à l'artiste chanteur de culture
aboméenne Alèkpéhanwou qui a su révolutionner ce
rythme.
Le dogba, quant à lui, en bois et couvert de
peau d'animaux, est un tam-tam particulier ; il était entouré de
culte. De façon périodique, on organisait des
cérémonies en son honneur. On le posait sur des crânes
humains quand on voulait le battre. C'était le roi lui-même qui
choisissait son chef d'orchestre. Des tam-tams plus petits et des cris de
41
jeunes filles l'accompagnaient. Lorsque le roi voulait
paraître en public, un coup de feu se faisait retentir depuis la
première cour du palais, après quoi les batteurs du dogba
se mettaient à l'oeuvre, accompagnés par les cris des jeunes
filles. Peu de temps après, le roi s'avançait lentement, avec
toute sa suite. À la vue du roi, en signe de vénération,
les sujets se jetaient face contre terre, se couvraient la tête de sable.
Le roi agitait sa récade en direction de ceux-ci comme pour les
bénir avant de les inviter à se relever.
Le dogba a le langage que voici : Kpo zon go
dé mè (bis), signifiant : La Panthère
marche élégamment (bis). À la mort du roi, le dogba
se faisait résonner, mais cette fois-ci, il ne fera pas sortir
l'illustre panthère. Et alors, le peuple réuni comprenait, avant
l'annonce officielle du décès, que leur monarque était
parti à Alada33.
En ce qui concerne le tam-tam Agbadja, il
était réservé à l'affirmation de la puissance du
royaume. Il est fait de tronc d'arbre travaillé et couvert de peau de
boeuf. Les chants rendaient hommage aux rois et aux intrépides soldats
qui ont remporté pour le Danxomè des victoires. Ainsi, les
amazones chantaient en choeur tout en dansant de toute leur fermeté. Le
Kpanligan entrait également en scène pour retracer la
généalogie des souverains, et invitait celui sur le trône
à perpétuer la grandeur du royaume des Aladaxonou afin
de rendre fiers ses prédécesseurs. L'agbadja donnait
lieu à une ambiance de gaieté. Les instruments nécessaires
pour l'exécution de l'agbadja étaient deux autres
tam-tams plus petits, un gan (gong à une ou deux notes) et une
paire d'assan (hochets). Les sons qu'ils produisent sont
accompagnés par des battements de mains d'hommes.
Le houngan (chef des tam-tams), comme son nom
l'indique, est un grand tam-tam qui pouvait atteindre 1,7 m de hauteur. Il
était accompagné d'une vingtaine de petits tam-tams.
L'exécution de ce rythme nécessitait un apprentissage de longue
haleine au préalable. En effet, chaque chef d'orchestre recevait
plusieurs apprenants, sur ordonnance du roi. Après la formation, ils
étaient examinés par un envoyé du roi. Ceux dont les
connaissances s'étaient avérées intégraient les
orchestres, et commençaient par faire leurs preuves. Le houngan
peut se jouer en déplacement. En fait, un homme le porte
horizontalement sur la tête de manière à permettre au
batteur de le jouer en étant derrière le porteur. Ce tam-tam ne
résonnait que lors d'événements heureux, à savoir :
annoncer la présence d'un invité prestigieux du roi ainsi que le
départ de ce dernier chez un
33 Alada étant la terre d'où est
parti Dogbagri, aïeul de Houégbadja, fondateur du Danxomè,
à la mort d'un roi de ce dernier royaume, on ne dit jamais qu'il est
décédé, mais qu'il est parti à Alada ; un peu comme
pour dire qu'il est retourné aux sources.
42
homologue. Accompagné de chants à la gloire du
royaume, il recevait les soldats au retour d'une guerre victorieuse.
La musique était empreinte de codes à la cour
royale. La résonnance de tel ou tel tam-tam véhiculait des
messages clairs qui étaient compris de tous, ou du moins de tous ceux
qui sont de culture fon. Ceci répond parfaitement à la
spécificité des cultures africaines dans lesquelles tout ne se
dit pas ouvertement.
B- Les chants
Les chants varient selon le rythme de la musique, allant de
ceux destinés aux funérailles à ceux glorifiant les rois,
en passant par les chants religieux. Toutes les chanteuses professionnelles
avaient également des talents de danseuses. Il y avait des chansons qui
invitaient implicitement le roi à esquisser des pas de danse. À
l'entonnement des chants guerriers, les amazones se mettaient en
scène.
Ce sont les chants de victoire qui donnaient lieu à de
véritables liesses populaires dans la cour royale. En effet, à la
suite d'une bataille militaire, le peuple était appelé à
se réunir sur la place publique du palais. Le roi, du retour du front
avec son armée, raconte sa victoire à ses sujets en insistant sur
la bravoure et la force dont il a fait preuve. Même s'il avait perdu la
bataille, il ne le disait jamais. Il levait ensuite sa récade, et le
directeur de l'orchestre du houngan comprenait qu'il fallait commencer
le spectacle. Ainsi, tout le peuple reprenait en choeur les chants
entonnés. Le monarque entrait alors en scène, et effectuait des
pas de danse avec la récade tenue de la main droite. Il était
fortement ovationné. Pour permettre au roi de se retirer de la
scène, le directeur de l'orchestre changeait de gamme.
De même, l'exécution du rythme agbadja
pour célébrer les hauts faits du royaume mettait en branle
les amazones. Elles préparaient en amont leur ballet, et donnaient
l'occasion à tout le peuple de voir ce à quoi elles ressemblaient
sur les champs de bataille. Pour cela, elles se munissaient de leurs armes
à quoi elles ajoutaient des récades. Elles accouraient pour
attaquer dans un mouvement d'ensemble, des ennemis fictifs. Chacune brandissait
sa récade, l'agitait fortement, et faisait des gestes comme si elle
égorgeait un adversaire. Les amazones montraient assez de fougue dans
leurs danses. Elles arrivaient même à prendre leurs coutelas ou
encore leurs fusils. Toutes les scènes de guerres étaient ainsi
démontrées par ces femmes devenues célèbres par
leur bravoure. Le peuple,
enthousiasmé, les encourageait par des applaudissements
répétés. Voici le refrain d'une des chansons des amazones,
relevé par Alexandre Adandé : « Nous sommes
créées pour défendre le Danxomè, ce pot de miel,
objet de convoitise. Le pays où fleuri tant de courage peut-il
abandonner ses richesses aux étrangers ? Nous vivantes, bien fou le
peuple qui essaierait de lui imposer sa loi »34. De
nombreux chants étaient ainsi composés pour affirmer la force
militaire du Danxomè, comme celui devenu populaire rappelant les
victoires des soldats et anticipant sur une prise prochaine d'Abeokuta en pays
yoruba. En voici une séquence : « Nous avons défait
Kétou et Cana, il n'y a plus de pays qui puisse nous résister. Il
ne nous reste qu'Abeokuta à détruire ».
Les chants religieux et autres donnaient lieu à des
improvisations, des interférences de slogans, mais ceux
célébrant les souverains étaient exécutés
avec grand soin par des choeurs de femmes. Les chansons constituent une
importante source orale de l'historiographie de ce royaume.
Chapitre IX- L'art oratoire
A- Le kpanligan ou l'historien-poète
Ayant une culture basée sur l'oralité, les
monarques du Danxomè ont fait tout ce qu'ils pensaient nécessaire
pour ne pas laisser tomber dans l'oubli les hauts faits du royaume. À
cet effet, un homme était investi du devoir de retracer la
généalogie du roi, de relever ses hauts faits ainsi que ceux de
ses prédécesseurs, et lui rappelait l'obligation de faire mieux
que ceux-ci : c'est le kpanligan.
Muni d'un kpan (gong jumelé) d'où son
titre, le kpanligan était un homme qui récitait des vers
pour célébrer les souverains du Danxomè en battant le gong
à l'aide d'un bâtonnet en bois. Vivant non loin du palais comme
les autres artistes, il venait chaque matin dans la cour royale réaliser
sa prestation, de même que lors des différents rassemblements. La
fonction de kpanligan était transmissible de père en
fils. Ce dernier y était préparé depuis son jeune
âge ; son père prenait sur lui la responsabilité de lui
enseigner l'histoire de son royaume.
43
34 ADANDÉ Alexandre, Les Récades des
rois du Dahomey, Dakar, IFAN, 1962, p. 26.
44
Les récits du kpanligan, rythmés par le
son du gong, commençaient par la présentation du monarque
régnant. Il disait son nom fort avec les allégories qui
l'accompagnent. Il égrenait ensuite sa généalogie. Il
rappelait en détails les victoires que chacun de ses
prédécesseurs avait remportées pour le royaume.
Présent à tous les rendezvous entre le roi et ses sujets, le
kpanligan se faisait écouter attentivement par sa technique de
diction. Entre deux chants de glorification royale, le kpanligan
entrait sur scène, et tout le monde se taisait un instant pour
l'écouter. Sa voix dominait toute l'assemblée. Le kpanligan
était très choyé par le roi qui le comblait de
cadeaux, et lui accordait même des distinctions honorifiques.
Considéré comme la mémoire vivante du royaume, il
était traité au rang de prince. L'image 18 ci-dessous nous en
donne l'exemple.
Image 18 : Bas-relief de l'adjalala de Glèlè
(après la restauration de 1997), présentant un kpanligan
à
l'oeuvre, Photo Susan Middleton
Quand on sait l'importance que revêtent les bas-reliefs
aux yeux des monarques, et qu'on en voit un qui illustre un kpanligan,
un artiste comme tous les autres, on se rend compte de la place de choix
qu'occupait celui-ci dans le royaume. Glèlè, conscient du
rôle de conservateur du passé que jouait son kpanligan,
aurait fait réaliser ce bas-relief pour rendre hommage aux pratiquants
de ce métier qui allie histoire et art.
45
B- Le manahen ou le comédien
Le manahen est une autre figure de l'art oratoire
à la cour du Danxomè. C'est un comédien qui participait
aussi à toutes les manifestations publiques qu'organisait le roi. Ce
dernier l'invitait pour l'amuser ainsi que la foule. Seul sur la scène,
il s'appliquait à faire rire le roi et toute l'assemblée. Il
s'amusait à imiter la démarche, la voix et les gestes du roi, car
à ce moment précis, tout lui était permis. Il pouvait
même critiquer le roi, à l'instar du fou du roi connu dans les
sociétés occidentales. Devant tout un peuple, il jouait
momentanément le rôle du roi. Il donnait des ordres qu'il
exécutait lui-même, jouant ainsi plusieurs rôles à la
fois. Tantôt il était soldat, tantôt il était
esclave. Il changeait le ton de sa voix selon le personnage qu'il incarnait. Il
est l'exemple type de ce que les anglo-saxons appellent one man
show.
Présent même lors des funérailles, le
manahen apportait un brin d'humour dans cette ambiance
mortifère qui règne dans un contexte pareil. Il
dédramatisait la mort, amenait les gens à oublier un instant le
malheur. Il était imprévisible ; on s'attendait à tout
avec lui. Il pouvait par exemple rigoler quand il traite d'un sujet triste, et
vice-versa. Ainsi prenait-il ceux qui l'écoutaient au
dépourvu.
L'existence de comédien à la cour du
Danxomè donne une autre image de ce royaume connu pour la dureté
des règles établis. Comme l'écrivait Joseph Adandé
(2012 : 17) : « On peut s'étonner que dans une
société aussi militarisée, dans une cour où
l'étiquette est si rigoureuse, il y ait de la place pour le rire
construit autour de la personne même du souverain,
institutionnalisé au point de faire partie du protocole ».
Au-delà donc de la rigueur voire du rigorisme dont faisaient preuve les
rois fon, ils ont pu rendre professionnel l'humour, car le manahen
vivait de son art. Cette valeur qu'ils ont accordée aux
comédiens fait qu'aujourd'hui parmi les comédiens
béninois, beaucoup sont de culture fon, car fiers de faire rire les
autres.
Seul à pouvoir critiquer le roi et à le faire
sourire en public, le manahen était admiré pour son
élocution et son audace. Il était un bon parleur qu'on aimait
à écouter, même si ses propos manquaient de logique et
frisaient l'hérésie. Comme quoi, l'art a presque tous les droits,
et les monarques du Danxomè le savaient plus que quiconque.
46
Conclusion
Ce travail m'a permis de mettre en exergue le rôle qu'a
joué le pouvoir royal du Danxomè dans le développement des
arts. Les faits politico-militaires de ce royaume sont si grandioses qu'ils
font de l'ombre à ses arts. Et pourtant, ces derniers ont connu une
grande ampleur, et sans eux, l'histoire du Danxomè ne pourrait
être écrite efficacement. Le Danxomè qui a existé
d'environ 1645 à 1900 au Sud du Bénin actuel, fait partie des
royaumes africains dans lesquels l'art a occupé, à
côté de la royauté et de la religion, une place très
importante. Ayant très vite compris le rôle que peut jouer l'art
dans l'aboutissement de son mot d'ordre qu'est : « Le Danxomè
toujours plus grand », le roi fondateur Houégbadja a tôt fait
de poser les jalons de la relation entre la royauté, la religion et
l'art.
Ainsi, pendant près de trois siècles, tous ses
successeurs lui ont emboîté les pas en s'appuyant sur la religion
et l'art pour accroître l'ampleur de leur royaume. Ils ont pu importer de
nombreux vodoun, de différentes formes d'art, ils ont même fait
venir de gré ou de force des artistes d'autres régions. Leur
intérêt pour l'art était si fort qu'ils ont ouvert au fil
des règnes ce domaine d'activité à toutes les couches
sociales. Pouvaient donc être artistes les esclaves, les captifs de
guerre pour peu qu'ils aient du talent. Ils s'occupaient eux-mêmes du
recrutement des artistes qu'ils mettaient dans les meilleures conditions de vie
et de travail. Ceux-ci devaient en contrepartie produire les oeuvres telles que
demandées par le souverain. Cette intervention directe des rois dans la
production artistique a permis la subsistance jusqu'à nous de certaines
familles d'artistes, parce qu'ils veillaient à la transmission du
savoir-faire.
Suite à la prise du Danxomè après une
résistance farouche de Gbèhanzin, et la fin officielle de la
royauté en 1900 avec l'exil au Gabon d'Agoli-Agbo, l'art de cour a
cessé d'exister. Les destructions aussi bien humaines
qu'environnementales ajoutées aux pillages subis par les palais
d'Agbomè depuis 1900 ont effacé les traces de beaucoup d'oeuvres
plastiques. Mais les différentes restaurations des palais, notamment
ceux de Ghézo, de Glèlè et de Gbèhanzin, qui ont
été réalisées, ont permis de révéler
des bas-reliefs qui prouvent un tant soit peu la maîtrise et le
goût pour l'esthétique de leurs exécutants ainsi que de
leurs commanditaires. Des objets présentés aujourd'hui au
musée historique d'Abomey, très peu sont authentiques. C'est un
musée assez pauvre quand on s'imagine toute la production d'objets d'art
qu'a connu cette capitale royale.
En revanche, une foultitude d'oeuvres d'artistes de cour du
Danxomè garnit les musées français et collections
privées. Des trônes aux récades en passant par des
tentures
47
et des sculptures en bois et en métal, il y a toute une
variété d'objets de l'art du Danxomè qui sont aujourd'hui
présentés lors de grandes expositions à travers le monde.
La qualité esthétique de ces objets n'est donc point à
démontrer, ce qui vient confirmer le talent des artistes du
Danxomè. Ces oeuvres sont désormais de renommée
internationale, et nul ne pourra plus les confondre à des objets
artisanaux comme cela a été le cas pendant longtemps.
Cette qualité des oeuvres d'art du Danxomè qui
est aujourd'hui établie n'aura été possible sans le
vodoun. En effet, le vodoun a été une grande source d'inspiration
pour les artistes qui, dans l'optique de lui rendre grâce, fabriquaient
des merveilles d'oeuvres de cultes. C'est à partir de ces objets-ci que
le roi faisait parfois sa commande tout en tenant à les adapter à
sa personnalité propre. Ainsi perçoit-on clairement
l'étroite relation entre la royauté, la religion et l'art.
Au-delà des arts visuels, s'est développé également
au Danxomè un art de cour immatériel qui garde encore
jusqu'à nos jours le souvenir des rois et de leurs hauts faits. Les
chants, les danses, les récits du kpanligan et autres
étaient mis à contribution pour rendre gloire aux rois.
Les rois du Danxomè en mettant l'art au service du
pouvoir, lui ont impulsé un essor prodigieux. Les artistes avaient tous
les moyens nécessaires pour produire les meilleures oeuvres qu'ils
pussent réaliser. Amenés d'un peu partout, et installés
non loin du palais dans de bonnes conditions, les artistes n'avaient que leurs
instruments d'art pour remercier leur seigneur pour sa bienfaisance. Ils
s'appliquaient donc pour être à la hauteur afin de ne jamais
perdre la confiance et les faveurs du roi. Ce dernier étant tout le
temps à la quête de nouvelles et belles choses, incitait à
la création de nouvelles techniques d'art.
En clair, la cour royale, en tant qu'ensemble des personnes
directement liées au pouvoir, a permis le rayonnement des arts, et on
peut le constater encore aujourd'hui avec cette floraison d'activités
artistiques qu'on observe à Abomey. De Houégbadja à
Agoli-Agbo, tous les monarques qui se sont succédé sur le
trône du Danxomè ont oeuvré à
l'épanouissement des arts, parce qu'ils savaient que l'agrandissement de
leur royaume passait par là. Pendant près de trois siècles
donc, la cour royale a fait de l'art un levier important de grandeur du
Danxomè, ce qui a permis un développement réciproque des
arts. Malheureusement jusqu'à maintenant au Bénin, l'art n'a
jamais été une préoccupation importante dans les
politiques des différents gouvernements qui se sont
succédé depuis l'indépendance en 1960. Il est temps de
changer la donne si tant est que le développement est le but
visé.
48
Bibliographie
? Documents écrits
- ADANDÉ Alexandre, Les Récades des rois du
Dahomey, Dakar, IFAN, 1962.
- ADANDÉ Alexis, Togudo-Awute, capitale de l'ancien
royaume d'Allada, étude d'une cité précoloniale
d'après les sources orales, écrites et les données de
l'archéologie, Université de Paris I,
Panthéon-Sorbonne, Thèse de doctorat de 3e cycle,
1984
- ADANDÉ J. C. E., Les grandes tentures et les
Bas-reliefs du musée d'Abomey, Mémoire de maîtrise,
Abomey-Calavi, Université Nationale du Bénin, 1977.
- ADANDÉ J. C. E., Les sièges des rois
d'Agbomè et le siège akan : analyse d'un contexte de civilisation
à partir de la culture matérielle et artistique (1625-1890),
Université de Paris I, Thèse de doctorat, 1984.
- ADANDÉ J. C. E., Questions sans réponses
dans l'art de cour de l'ancien Danxomè in Journal de la
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traditionnel et contemporain africain : cas du Bénin, Thèse
d'obtention du doctorat d'État, Tome I & II, Université de
Lomé, 2012.
- GLÈLÈ-AHANHANZO M., Le Danxomè. Du
pouvoir aja à la nation fon, Nubia,
1974.
- AHOYO R., Les villes d'Abomey et de Bohicon, Paris,
Thèse de doctorat de 3e cycle, 1976.
- ALLADAYÈ J., Abomey et sa culture, in Pour
une reconnaissance africaine : Dahomey (exposition itinérante),
Boulogne, musée Albert Kahn, 1997.
- AMOURO C., Vodun, bocio et bo, in Recette des
dieux, Paris, Acte du Sud/musée du quai Branly, 2009
- BALL T. (dir.) et alï, Passé, présent
et futur des palais et sites royaux d'Abomey, Actes de conférence,
1999, 167 p.
- BEAUJEAN-BALTZER G., Du trophée à l'oeuvre
: parcours de cinq artefacts du royaume d'Abomey, in Gradhiva,
N°6, Paris, musée du quai Branly.
- BEAUJEAN-BALTZER G. et alï, Artistes d'Abomey,
Catalogue d'exposition, Fondation Zinsou, 2010, 346 p.
- BERTHO J., Les sièges des rois d'Abomey, in
Notes africaines, Dakar, IFAN,
1946.
49
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noire, N°91, 1994.
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exemple, Akati Ékplékendo, le maître de Gou,
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- FOÀ E., Le Dahomey .
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Expédiions françaises (1891-1894), Paris, A. Hennuyer,
1895, 459 p.
- HARDY F. et alï, Musée d'arts africains,
océaniens, amérindiens . Guide des collections, Paris,
Éditions Artlys, 2013, 128 p.
- KALOMBO D., L'Art plastique comme extension de l'art
corporel, in de l'art nègre à l'art africain, Kinshasa,
1995.
- MAÈS et LAVACHERY, L'Art nègre à
l'Exposition du Palais des Beaux-arts, du 15 novembre au 31 décembre
1930, Bruxelles, Paris, Librairie nationale d'Art et d'Histoire, 1930, 32
p.
- MAIRE C., Le Dahomey, 1ère partie .
Abomey, la dynastie dahoméenne, le palais et ses bas-reliefs ; 2e
partie . Souvenirs d'Abomey, Besançon, Abel, Cauriage,
1905.
- MERCIER P., Civilisations du Bénin, Paris,
quai des Grands-Augustins, 1962,
365 p.
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origines à 1889, Thèse de doctorat, Université de
Paris I, Panthéon, 1992, 453 p.
- QUENUM M., Au pays des Fons . us et coutumes du
Dahomey, Paris, Maisonneuve et Larose, 1983, édition revue, 170
p.
- WATERLOT G., Les bas-reliefs des bâtiments royaux
d'Abomey, Paris, Institut d'Ethnologie, 1926.
? Sources orales
N° d'ordre
|
Identité
|
Âge
|
Profession
|
Date et lieu
|
Sujets abordés
|
1
|
ABIALA Dodji
|
31 ans
|
Forgeron
|
21-12-2015
au centre artisanal du musée d'Abomey
|
Évolution des techniques de forge
|
2
|
DJIMASSÈ Gabin
|
56 ans
|
Directeur de
l'Office du
Tourisme
d'Abomey et Région
|
22-12-2015 au siège de l'institution à Abomey
|
Rapport entre
vodoun et arts
|
50
3
|
HOUNTONDJI Marcelin
|
62 ans
|
Bijoutier
|
21-12-2015
au centre artisanal du musée d'Abomey
|
Histoire de
la bijouterie
à la cour royale
|
4
|
NONDICHAO Bachalou
|
79 ans
|
Historien traditionnaliste
|
23-12-2015
à son
domicile à
Abomey
|
Débuts et
évolution de l'art de cour
|
5
|
YÈMANDJÈ Fidèle
|
47 ans
|
Tenturier
|
21-12-2015
au centre artisanal du musée d'Abomey
|
Venue et
notoriété de
la famille Yèmandjè
dans le paysage royal
|
? Sites internet consultés
www.fondationzinsou.org
www.unessco.bj
www.quaibranly.fr
www.muséelouvre.bj
Index des images
Image 1 : Fragment d'une toile appliquée 14
Image 2 : Schéma du trône kataklè
20
Image 3 : Trône gandémè ou nukpewu zinkpo
de Ghézo 20
Image 4 : Trône nukpewu zinkpo de
Glèlè 21
Image 5 : Trône nukpewu zinkpo de Ghézo
21
Image 6 : Hoho 22
Image 7 : Le voyage 23
Image 8 : Récade en ivoire de Ghézo 25
Image 9 : Gou d'Akati 27
Image 10 : Assen aux emblèmes de Gbèhanzin
28
Image 11 : Tissu appliquée dédié à
Ghézo 30
Image 12 : Portion de toile appliquée 30
51
Image 13 : Bande de bas-reliefs 32
Image 14 : Série de bas-reliefs de l'adjalala
de Gbèhanzin 32
Image 15 : Représentation sur bois de Gbèhanzin
38
Image 16 : Sculpture de Glèlè par Sossa
Dèdè 38
Image 17 : Porte de palais royal 39
Image 18 : Bas-relief de l'adjalala de Glèlè
44
|