MASTER 2 TRANSVERSALITÉ DES PRATIQUES
JURIDIQUES DROIT INTERNATIONAL ET EUROPÉEN
2016-2017
Situation des personnes trans en Argentine
: Légalité et réalités du droit à
l'identité de genre
Mémoire présenté
par Charlène BECQUET
sous la direction de Marine TOULLIER
FACULTÉ DE DROIT, DE SCIENCES ECONOMIQUES ET DE GESTION
UNIVERSITÉ DE ROUEN
Les opinions exprimées dans ce mémoire sont
propres à leur auteure et n'engagent pas l'Université de
Rouen.
Précision sur l'emploi du masculin
générique
La question de l'emploi du masculin générique se
pose dans la mesure où ce mémoire se veut être au maximum
le reflet de ses arguments. Dans la défense de celui du respect des
diversités de genre et au-delà, pour que le droit puisse aussi
être cette matière avec une perspective de genre, l'utilisation du
masculin générique ne sera pas faite. Nous utiliserons pour les
terminaisons les deux genres et privilégierions les expressions non
sexuées.
Le langage va co-construire le monde dans lequel nous vivons.
Il peut aussi bien reproduire des stéréotypes qu'être un
véritable outil de changement, fondamental dans la lutte
perpétuelle pour une société égalitaire et
respectueuse des différences. Cette discrimination linguistique
incarnée par l'emploi du masculin générique ne doit pas
céder à des exigences d'esthétisme de lecture.
« La identidad no es una pieza de museo,
quietecita en la vitrina, sino la siempre asombrosa s'ntesis de las
contradicciones nuestras de cada d'a. »
« L'identité n'est pas une pièce de
musée exposée sagement derrière une vitrine, mais la
synthèse toujours étonnante de nos contradictions de chaque jour
».
Eduardo Galeano, Celebración de las
contradicciones II. El libro de los abrazos, 1989
SOMMAIRE
INTRODUCTION
PARTIE I - LA RECONNAISSANCE DE L'IDENTITÉ DE
GENRE, UNE QUESTION DE DROITS HUMAINS
CHAPITRE 1 : L'AVÈNEMENT DE LA LOI SUR
L'IDENTITÉ DE GENRE, RÉPONSE À UN CONTEXTE FAVORABLE
CHAPITRE 2 : INSCRIPTION DANS LE DROIT ARGENTIN DE
L'IDENTITÉ DE GENRE
PARTIE II - DISCRIMINATIONS : LES RÉSULTANTES DU
TRAVESTICIDE SOCIAL
CHAPITRE 1 : ELÉMENTS DU TRAVESTICIDE SOCIAL
ARGENTIN
CHAPITRE 2 : INSTAURATION D'UN SYSTÈME CONTRAIRE
AUX OBLIGATIONS INTERNATIONALES CRIMINALISANT DIRECTEMENT ET INDIRECTEMENT LES
PERSONNES TRANS
CONCLUSION
SIGLES ET ABRÉVIATIONS
ALITT
|
Association de lutte pour l'identité travestie et
transsexuelle
|
|
|
ATTTA
|
Asociación de Travestis, Transexuales y
Transgéneros de Argentina (Association de travesti/es,
transexuel/les et transgenres d'Argentine)
|
APA
American Psychological Association (Association
états-unienne de psychologie)
CABA
|
Ciudad Autónoma de Buenos Aires (Ville autonome
de Buenos Aires)
|
CEDH
|
Cour européenne des droits de l'Homme
|
|
|
CELS
|
Centre d'études légales et sociales
|
CHA
|
Association Communauté Homosexuelle Argentine
|
|
|
CIDE
|
Convention Internationale sur les Droits de l'Enfant
|
CIDH
|
Cour Interaméricaine des Droits de l'Homme
|
|
|
Com. IDH
|
Commission Interaméricaine des Droits de l'Homme
|
CIM
Classification Internationale des Maladies
CN
|
Constitution Nationale argentine
|
CNCDH
|
Commission nationale consultative des droits de l'Homme
|
|
|
CSJN
|
Cour Suprême de Justice de la Nation
|
DSM
|
Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders
(Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux)
|
|
|
DUDH
|
Déclaration Universelle des Droits de l'Homme
|
ECOSOC
|
United Nations Economic and Social Council (Conseil
économique et social des Nations Unies)
|
|
|
FALGBT
|
Federación Argentina de Lesbianas, Gays, Bisexuales
y Trans (Fédération argentine de lesbiennes, gays,
bisexuel/les et trans)
|
HCDH
|
Haut-Commissionaire des Nations Unies aux Droits de l'Homme
|
|
|
IGJ
|
Inspection Générale de Justice
|
IDAHO
|
International Day Against Homofobia (Journée
internationale de lutte contre l'homophobie)
|
|
|
ILGA
|
International Lesbian, Gay, Bisexual, Trans and Intersex
Association (Association internationale de lesbiennes, gays, bisexuel/les,
transexuel/les
et intersexué/es)
|
INADI
|
Instituto Nacional contra la Discriminación, la
Xenofobia y el Racismo (Institut National contre la Discrimination, la
Xénophobie et le Racisme)
|
|
|
INDEC
Instituto Nacional De Estad'stica y Censos (Institut
National des Statistiques et Recensements)
LGBTI
|
Lesbiennes, gays, bisexuel/les, transgenres,
intersexué/es
|
|
|
LGBTTTIQ
|
Lesbiennes, Gays, Bisexuel/les, Transgenres, Transsexuel/les,
Two-
Spirited, Intersexué/es, Queer
|
MAL
|
Movimiento Antidiscriminatorio de Liberación
(Mouvement Anti-discriminatoire de libération)
|
|
|
MERCOSUR
|
Marché commun du Sud
|
OEA
|
Organisation des Etats Américains
|
|
|
OI
|
Organisation Internationale
|
OIT
Organisation Internationale du Travail
OMS
|
Organisation mondiale de la Santé
|
ONG
|
Organisation Non Gouvernementale
|
|
|
ONU
|
Organisation des Nations Unies
|
ONUSIDA
|
Programme commun des Nations Unies sur le VIH/SIDA
|
|
|
OPS
|
Organisation Panaméricaine de la Santé
|
PIDCP
|
Pacte international des droits civils et politiques
|
|
|
PIDESC
|
Pacte international des droits économiques, sociaux et
culturels
|
PNUD
|
Programme des Nations Unies pour le Développement
|
|
|
NARTH
|
National Association of Research and Therapy of
Homosexuality (Association nationale de recherche et de traitement de
l'homosexualité)
|
REDLACTR ANS
|
Red Latinoamericana y el Caribe de Personas Trans
(Réseau Latino-américain et caribéen des personnes
trans)
|
|
|
SOC
|
Standards of Care Gender Identity Disorders (Standards
de soins pour la dysphorie de genre)
|
VIH
Virus d'immuno-déficience humaine acquise
WPATH
|
World Professional Association for Transgender Health
(Association professionnelle mondiale pour la santé des
personnes
transgenres)
|
1
INTRODUCTION
Aux côtés et de façon inhérente
à la lutte féministe, une autre question agite l'espace public
actuel argentin : la situation des personnes trans1. Le 28 juin
2017, la marche nationale « marre des travesticides2 » a
inondé les rues du pays. Cette date est devenue importante dans l'agenda
de la communauté trans depuis 1969 lorsque le bar new-yorkais de
Stonewall fût le lieu d'émeutes et d'affronts avec les forces
policières, marquant ainsi le début des luttes historiques pour
les droits des personnes Lesbiennes, Gays, Bisexuel/les, Transgenres et
Intersexué/es (LGBTI)3.
La Journée internationale de la fierté LGBTI de
juin 2017 a laissé planer derrière elle son lot de revendications
et a lancé un rappel au respect de l'existence de diverses
identités de genre et à l'amélioration des conditions
d'existence de la communauté. Parmi les pétitions : la demande de
Justice dans l'affaire Diana Sacayán, la réglementation dans la
province de Buenos Aires de la loi sur le quota trans, la concrétisation
du projet de loi n°2425 sur la réparation historique concernant les
édits policiers, la dérogation des codes contraventionnels et
enfin, la dénonciation des coupes budgétaires concernant les
droits économiques, sociaux et culturels des personnes trans.
Traditionnellement c'est sur l'Avenue de Mai, qui fait le lien entre
la Casa Rosada (lieu du pouvoir exécutif) et le Congrès
(de celui législatif) que les manifestations s'organisent. En novembre
1992, seulement environ 300 personnes avaient alors participé à
la première Gay Pride en Argentine sous l'impulsion de
l'association Communauté Homosexuelle Argentine (CHA). Aujourd'hui, avec
la consécration de la loi sur l'identité de genre4, la
revendication des droits des personnes LGBTI et de l'effectivité de ceux
déjà concédés par l'Etat argentin est plus que
jamais vivace.
Cette introduction a pour objet l'approche des termes
essentiels comme l'identité de genre et la définition du
collectif trans tout en le situant dans le contexte qui a favorisé une
analyse à leur égard ainsi que dans le cadre de l'Argentine
d'aujourd'hui.
1
|
L'utilisation de ce terme sera explicitée en partie II, D
de l'introduction.
|
2 Notre traduction de : « Basta de travesticidios »
3 Ici, choix de l'usage de l'acronyme LGBTI et non
pas LGBTTTIQ (Lesbiennes, Gays, Bisexuel/les, Transgenres,
Transsexuel/les, Two-Spirited, Intersexué/es, Queer).
Exclusion est ainsi faite des Two-Spirited, situés
géographiquement (Amérique du Nord) et sociologiquement
(terminologie usitée par certains groupes amérindiens) dans un
autre champ que celui argentin et également exclusion du collectif
queer qui lui détermine ses luttes autour de la notion
d'orientation sexuelle alors qu'ici l'approche est celle de l'identité
de genre.
4Loi n°26.743 du 23 mai 2012, voir
Annexe n°1
2
I. UNE CONSTRUCTION HISTORIQUE DE LA NOTION DE PERSONNE
TRANS
La construction théorique définissant la
personne travestie, transsexuelle ou transgenre ne s'est faite que
récemment. Pour autant, dans les sociétés
pré-coloniales des modèles similaires à la
transidentité étaient déjà présents comme
celui du muxe d'Oaxaca, des two-spirits amérindiens ou
encore des fa'afafines de Polynésie. Amaranta GOMEZ qui est
activiste mexicaine muxe, anthropologue et chercheuse en sciences
sociales, dénonce que l'époque coloniale a appris aux
communautés indigènes d'Amérique latine à
catégoriser selon l'orientation sexuelle et l'identité de
genre5. La dimension culturelle et la cosmo-vision d'une
société donnée va être essentielle à l'heure
de définir les identités. Derrière chaque terme, un monde,
une signification de la notion d'identité de genre et parfois, un
dépassement de la dualité sexuelle et genrée des
êtres humains.
Selon un récent rapport de l'International Lesbian,
Gay, Bisexual, Trans and Intersex Association6 (ILGA) sur 108
pays évalués en novembre 2016, le changement de nom et de genre
sur l'état-civil sans appréciation juridique et/ou
médicale (mais avec des pré-requis qui diffèrent) est
possible dans 13 d'entres eux7 : Argentine, Bolivie, Canada,
Colombie, Danemark, Equateur, Grèce, Irlande, Malte, Porto Rico,
Norvège, Suède, Uruguay. Ce chiffre montre que la question de la
reconnaissance de l'identité de genre des individus est encore loin de
faire l'unanimité ; le droit de ces derniers à être
soi-même n'est pas encore reconnu dans de nombreux Etats. La
pathologisation des identités de genre fondée sur des standards
médicaux internationaux place les personnes dans une position de malade
(A). Dans cette perspective, les justifications se forment
autour d'une conception des réalités genrées,
dichotomiques et duales (B).
A) PATHOLOGISATION DE L'IDENTITÉ DE
GENRE
A l'origine de la pathologisation de la personne trans, il y a
la recherche scientifique sur les causes de l'homosexualité. Dans les
années 1960, au sein d'universités états-uniennes
(principalement les Universités de Californie et d'Hopkins) commence
l'examen de la
5 GOMEZ Amaranta in Solorzano P. «
México: Amaranta Gómez y la cultura muxe », 27
octobre 2015 : « Una de las cosas que sabemos es que las comunidades
ind'genas aprendieron a decir que no hab'a ni trans, ni gays, ni lesbianas
dentro de sus pueblos porque as' les enseñaron desde la conquista
»
[Notre traduction de : « Une des choses que nous savons
c'est que les communautés indigènes ont appris à dire
qu'il n'y avait ni trans, ni gays, ni lesbiennes dans ses peuples car ainsi la
conquête leur a appris. »]
6 ILGA, CHIAM Zhan, DUFFY Sandra et GONZALEZ GIL Matilda,
Trans Legal Mapping Report 2016: Recognition before the law, novembre
2016
7 Ces données ont fait l'objet d'une actualisation sur
la base de recherches personnelles au 23 juillet 2017. Certaines villes ou
Etats fédérés de pays ont adopté ce genre de
disposition mais ici, l'évaluation se fait à l'échelle
nationale.
3
question trans sous le prisme de l'orientation sexuelle
homosexuelle. Des catégories médicales sont alors
créées qui enserrent des individus dans celles-ci et faisant fi
des réalités diverses et variées propres à chacun
et à chacune.
Sur la base d'une conception dichotomique des
réalités et omettant toute différenciation entre
orientation sexuelle et identité de genre, la personne trans va
être considérée comme étant une personne malade
socialement à laquelle seul un traitement, une `'remise en
conformité», une `'ré-assignation» du sexe, sera
proposée. Orientation sexuelle et identité de genre ne font alors
qu'un et les nuances concernant les deux champs d'action sont inexistantes dans
ce contexte. En Amérique Latine, quelques médecins sont
condamnés pour leurs actes chirurgicaux sur des personnes souhaitant
changer de sexe (ex.: le colombien Fernando DEL CORRAL, les argentins
FINOCHETTO, Clemente RODRIGUEZ JAUREGUI, Alejandro PAVLOSKY, Ricardo SAN
MARTIN, Francisco DEFAZIO, etc.).
De l'identification d'une orientation sexuelle se
déduit une nécessaire correction, parfois judiciaire, des
identités de genre trans. La National Association of Research and
Therapy of Homosexuality (NARTH) a ainsi supputé que parmi 100
personnes identifiées comme souffrant d'une « dysphorie de genre
», 75 seront homosexuelles à l'âge adulte8. Depuis
les unités de psychologie états-uniennes, diagnostics et
traitements aux personnes trans furent pourvus en vue de « corriger »
l'homosexualité, entérinant des raisonnements homophobes. En
1948, Harry BENJAMIN9 et Alfred Charles KINSEY furent les premiers
à tester un
10
traitement hormonal à base d'oestrogènes sur un
jeune homme se sentant être fille. En 1966, H. Benjamin définit
une grille de lecture dans son ouvrage The transexual phenomenon pour
distinguer le « vrai » du « faux » trans, autonomisant la
notion par rapport au travestisme et à l'homosexualité.
En 1973 et en 1990 pour l'American Psychological
Association (APA) et l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS)
respectivement l'homosexualité n'est plus considérée comme
une maladie mentale. Pour l'APA néanmoins, l'homosexualité
demeure pathologique lorsque celle-ci entraîne une volonté de
changement de sexualité. L'APA parle alors d'homosexualité «
égo-dystonique » jusqu'en 1987. Selon H. BENJAMIN, la psychiatrie
est incapable de donner une réponse au « problème »
trans qui est biologique, hormonal, génétique. A partir de
ce point de vue externe et scientifique, la définition de la personne
transsexuelle s'effectue.
8 Affirmation de BRADLEY en 1998 : « (É) 75%
of children exhibiting the symptoms of GID and chronic juvenile unmasculinity
will without intervention experience same-sex attraction (É) » in
NARTH, Homosexuality and hopes : Statement Of The Catholic Medical
Association, 2000
9 Harry BENJAMIN (1885-1986) était un médecin
endocrinologue allemand exilié aux Etats-Unis.
10 Alfred Charles KINSEY (1894-1956) a été le
fer de lance aux Etats-Unis de la recherche concernant la sexualité
humaine. Deux de ses ouvrages majeurs Le comportement sexuel de l'homme
(1948) et Le comportement sexuel de la femme (1953) lui ont
permit d'élaborer l'échelle de KINSEY qui propose une
compréhension de l'hétérosexualité et de
l'homosexualité.
4
Depuis la Harry Benjamin International Dysphoria
Association - aujourd'hui Association mondiale des professionnels pour la
santé transgenre (WPATH) - le traitement de réassignation de
genre a été justifié suivant un protocole : les
`'Standards de soins des troubles de l'identité de
genre11» (SOC). La dysphorie de genre reste enserrée
dans ce parcours protocolaire. En 2010, dans un communiqué relatif
à la dépathologisation, la WPATH a déclaré que :
« l'expression des caractéristiques de genre, identités
incluses, qui s'écartent des stéréotypes reposant sur le
sexe assigné à la naissance est un phénomène humain
répandu et présent dans diverses cultures qui ne doit pas
être considéré comme intrinsèquement pathologique ou
négatif12.» L'association a ainsi rappelé que ce
n'est pas toute identité non cisgenrée qui doit être
traitée sinon seules celles qui se répercutent de façon
négative chez l'individu/e.
Dans cette même lignée, la 5ème
version du Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders (DSM)
de l'APA a déjà consacré la dysphorie de
genre13, le substituant au trouble d'identité de genre.
Aujourd'hui, la 10ème version de la Classification
Internationale des Maladies14 (CIM) de l'OMS répertorie dans
son Chapitre V : le transsexualisme (F64.0), le travestisme bivalent (F64.1) et
les troubles de l'identité de genre (F64.8 et F64.9). En
révision, la CIM-11 prévoit actuellement de retenir l'«
incongruence de genre » chez les adultes et les
adolescent/es15, ouvrant la porte à une appréciation
au cas par cas, nous éloignant de la classification automatique et
hermétique actuellement en vigueur dans la CIM-10 ; confirmation de
cette proposition sera donnée en mai 2018, date de réunion de
l'Assemblée mondiale de la santé. Néanmoins, il y a une
occultation totale de la transidentité dans
11 Notre traduction de : « Standards of Care Gender
Identity Disorders »
12 Notre traduction de : « The expression of gender
characteristics, including identities, that are not stereotypically associated
with one's assigned sex at birth is a common and culturally-diverse human
phenomenon which should not be judged as inherently pathological or negative.
» in WPATH, Conseil d'administration,
De-Psychopathologisation Statement, 2010.
13 Expression développée par John MONEY en 1973.
Disphorie comme antonyme d'euphorie évoque la
tristesse et la peine. Une connotation négative qui, associée au
genre, déstabilise les réalités trans.
14 Voir
http://apps.who.int/classifications/icd10/browse/2010/en#/F60-F69
15 « HA20 Gender incongruence of adolescence or adulthood
: gender Incongruence of Adolescence and Adulthood is characterized by a marked
and persistent incongruence between an individual's experienced gender and the
assigned sex, which often leads to a desire to `transition', in order to live
and be accepted as a person of the experienced gender, through hormonal
treatment, surgery or other health care services to make the individual 's body
align, as much as desired and to the extent possible, with the experienced
gender. The diagnosis cannot be assigned prior the onset of puberty. Gender
variant behaviour and preferences alone are not a basis for assigning the
diagnosis »
[Notre traduction de : « l'incongruence de genre dans
l'adolescence et durant l'âge adulte est caractérisée par
une incongruence persistante entre l'expérience individuelle du genre et
le sexe assigné ce qui conduit souvent à un désir de
`'transition» afin de vivre et d'être accepté/e tel que l'on
se sent être par le biais de traitements hormonaux, chirurgies ou autres
soins de santé. Le diagnostic ne peut être effectué avant
le début de la puberté. Les comportements et
préférences de genre, seuls, ne peuvent fonder le diagnostic.
» in version bêta du CIM-11, consulté le 23 juillet
2017 sur :
http://apps.who.int/classifications/icd11/browse/l-m/en#/http%3a%2f
%2fid.who.int%2ficd%2fentity%2f90875286
5
l'enfance. L'Argentine se révèlera être
précurseur en la matière.
Nous observons une tendance à la
dé-médicalisation de la part d'instances internationales
influentes (APA, OMS et WPATH) des personnes trans : le refus d'automatisme
entre identité de genre non-cisgenre et diagnostic d'une dysphorie de
genre est louable pour le collectif. Pour autant, il demeure que l'on reste
enserré dans une classification médicale. La pathologisation
reste en vigueur. En 2012 la campagne internationale Stop Trans
Pathologizacion16 est lancée, se faisant la
dénonciatrice de ces classifications discriminantes qui
définissent la personne trans désireuse de mettre en
conformité son apparence avec son identité de genre comme un/e
patient/e qui se doit d'être « normalisé/e». Le 22
octobre est la date retenue pour la Journée Internationale d'action pour
la dépathologisation de la transsexualité.
B) UNE CONCEPTION GENRÉE DES
RÉALITÉS
La psychiatrisation de nombreuses personnes trans
reflète une conception genrée des réalités, propre
à chaque pays. Sur la base des SOC-7, une année minimum est
requise avant toute chirurgie génitale dans laquelle « les patients
[doivent avoir vécu] dans le rôle de genre congruent avec leur
identité de genre17 » et ce, avant d'avoir
été soumis/e à un diagnostic psychiatre et à
approbation par les institutions judiciaires. Alba PONS RABASA dénonce
une « hyper-ritualisation de la surveillance quotidienne des
frontières du genre18 ».
Le genre fait l'objet de critiques en tant qu'il est
présenté comme naturel alors qu'il est le fruit de constructions
sociales, d'un « faire » de chaque instant19 à
l'image de la femme de Simone DE BEAUVOIR qui le devient20. Pour
Judith BUTLER, genre et sexe sont des constructions du corps et de la
subjectivité, « fruit de l'effet performatif d'une
répétition ritualisée d'actes qui finissent par être
naturalisés, produisant l'illusion d'une substance, d'une essence
». Le dualisme n'est réalité que dans la mesure où la
pratique sociale le ré-idéalise et le ré-institue au
travers de rituels sociaux journaliers21. Selon elle, cette
construction est la
16 Voir http://www.stp2012.info/
17 WPATH, SOC-7, p.23, disponible en
téléchargement [pdf] sur :
https://amo_hub_content.s3.amazonaws.com/
Association140/files/Standards%20of%20Care%20-%20French%20Final%2011-6-13.pdf
18 PONS RABASA Alba, El test de la vida real o la
normalización de la performance de género : un análisis
etnografico, 2013
19BUTLER Judith, Deshacer el género,
ed. Paidos Ibérica, 2006, 392 p. 20DE BEAUVOIR Simone,
Le deuxième sexe, tome I, 1949, pp. 285-286 21 BUTLER Judith,
Deshacer el género, op. cit., p. 78
6
« matrice hétérosexuelle », un guide
social hétéro-normé conduisant à réduire le
désir hétérosexuel comme unique désir
possible22; pour Pedro Paradiso, c'est une « dictature des
rôles23 ».
D'ailleurs, ces rôles associés au genre sont
dessinés par chaque communauté et (re)produisent les attentes
liées à la féminité et à la
masculinité. Masculin et féminin constituent une « loi de
culture24 » car le genre est à la fois une construction
idéologique mais aussi une entité culturelle, politique et
morale. A l'échelle nationale argentine, l'Institut National contre la
Discrimination, la Xénophobie et le Racisme (INADI) a indiqué que
la catégorisation homme-femme est un acte « social, culturel et
institutionnel25 ». Des instances onusiennes26 vont
plus loin et se réfèrent directement au genre rappelant que,
« le sexe n'est pas ce qui définit notre genre qui est, une
construction sociale et culturelle27 ». Un appel au respect des
diversités et des identités librement choisies est
lancé28.
L'identité de genre est le fruit d'un double processus
de détermination qui, parfois, sont tous deux contradictoires. Le
premier émane de l'individu même, de la perception de son soi
; le deuxième est le regard extérieur de l'Autrui vers
l'individu, ouvrant alors la possibilité à une infinité
d'appréciations, véritable « art du jugement29
». Jugement culturel, social et aussi juridique : le droit définit
alors le sujet, le subjectivise. L'absence de réglementation ou la
22 LOPES LOUROU Guarica, «
Heteronormatividade e homofobia » in DINIZ Junqueria R. (dir.),
Diversidade sexual na educaço : problematizaçes sobre a
homofobia nas escolas, 2009, 89 p.
23 PARADISO SOTTILE Pedro, « Igualdad de género y
derechos humanos. El derecho a ser feliz » in PAVAN Valeria
(dir.), Niñez trans, Experiencia de reconocimiento y derecho a la
identidad, 2016, p. 102
24PAVAN Valeria, « Soy una nena, mama, y mi
nombre es Luana É » ibidem, pp. 39-57
25 INADI, Ministère de la Justice et des Droits
humains, « Identidad de género » in Buenas
prácticas en la comunicación poeblica, 2011, p.13
26 Ces instances sont les suivantes : l'OIT, l'ONUSIDA et le
PNUD.
27 Notre traduction de : « No é o órgo
sexual que define nosso gênero, que é uma construço social
e cultural » in OIT, ONUSIDA et PNUD, Promoço dos Direitos
Humanos de pessoas LGBT no Mundo do Trabalho, Construindo a igualdade de
oportunidades no mundo do trabalho : combatendo a homo-lesbo-trans-fobia,
2015
28 OIT, ONUSIDA et PNUD, Promoço dos Direitos
Humanos (É), op. cit., p. 18 : « (É) É uma
questo complexa, mas antes de achar que essa diferença faz a
diferença, o mais importante é respeitar a autonomia dessas
pessoas, reconhecendo a identidade de gênero com a qual se sentem mais
confortáveis. Caso se tenha alguma doevida sobre como designar se a
pessoa é travesti ou transexual, pergunte como ela quer ser reconhecida,
pois, independente de ser travesti ou transexual, o respeito deve ser o mesmo
(É) »
[Notre traduction de : « C'est une question complexe,
mais avant de considérer que cette différence fait la
différence, le plus important réside dans le respect de la
liberté de ces personnes de l'identité de genre par laquelle ils
et elles s'identifient. Dans le cas où il y a un doute dans la
désignation d'une personne comme étant travesti ou
transsexuelle, demander comment cette dernière souhaite
être appelée, puisqu'indépendamment d'être travesti
ou transsexuelle, le respect doit être le même (É)].
29BUTLER Judith, El reglamento del
género, op. cit., pp. 67-88
7
réglementation du sujet trans détermine
l'intensité de la reconnaissance de ce dernier dans un cadre
donné. Quand la dichotomie cisgenrée ne répond plus aux
définitions personnelles de chacun30, la pathologisation va
nier la transidentité en tant qu'état final et définitif ;
ceci va
31
créer un flou social et juridique qui retombe in
fine sur les personnes transgenres. Dans cette approche, le droit
peut-être un instrument salvateur des diversités de genre. La
norme va poser le curseur de la légalité des identités de
genre.
II. DÉFINITIONS TERMINOLOGIQUES
La diversité propre à chaque individu qui se
définit comme étant travesti/e, transgenre ou transsexuel/le ne
doit pas nous empêcher d'édifier des définitions de ces
termes, nécessaires pour ne pas rester dans un flou conceptuel et
pouvoir générer des réflexions propres à leurs
situations. Les mots sont d'une importance capitale, chargés de
symbolisme et d'histoires; l'effort de définition est nécessaire
pour s'approcher au plus du réel 32.
La question recouvre la situation juridique des personnes
travesti/e/s, transsexuel/le/s et transgenres. Cette différenciation
terminologique reflète des réalités distinctes. Comme le
précise Stephen WHILTTLE, nous n'omettons pas le fait que ces
définitions sont « arbitraires, insuffisantes pour décrire
l'ensemble des possibilités offertes à chacun et à chacune
dans la construction de sa propre identité33 ».
Nous verrons que, dans chacune de ces situations,
l'identité de genre s'exprimera au travers de filtres différents.
Nous tenterons ici de délier quels sont les filtres, les critères
qui définissent ces idées avec deux limites principales : ne pas
tomber dans l'écueil d'une pathologisation et ne pas prétendre
vouloir enserrer toutes les réalités sous ces définitions.
Ces dernières n'existent alors qu'à effet de simplification
théorique au vu de la fluidité et complexité de la notion
de genre et également de celle d'identité de genre. Elles sont
une
30 Exemple d'une enquête menée en Belgique
où seules 55 % des personnes transgenres qui ont été
déclarées de sexe masculin à leur naissance se sont
identifiées comme totalement ou principalement femmes. De même,
seules 60 % des personnes transgenres déclarées de sexe
féminin se percevaient entièrement ou principalement comme
hommes. Le reste des personnes interrogées ne s'identifiaient ni hommes
ni femmes, ou se définissaient 3 comme les deux à la fois, ou
«autrement ». Motmans Joz, « Being transgender in Belgium.
Mapping social and legal situation of transgender people », 2010,
disponible sur :
http://igvm-iefh.belgium.be/fr/binaries/34%20-%20Transgender_ENG_tcm337-
99783.pdf
31 GARRAIZABAL Cristina, « Transexualidades,
identidades y feminismos » in COLL-PLANAS Gerard, MISSE Miguel,
El género desordenado : cr'ticas en torno a la patologización
de la transexualidad, ed. Eguales, Madrid/Barcelona, 2011, 288 p., pp.
125-140
32 MISSE Miguel, Transexualidades : Otras miradas posibles,
ed. Eguales, Madrid/Barcelona, 2014, 144 p.
33 Notre traduction de : « (É) it is
acknowledged that any given definition would be arbitrary and, most likely,
insufficient to describe all possibilities a person can have to construct
his/her own identity » in WHITTLE Stephen, Respect and
Equality : Transsexual and Transgender Rights, 2002.
8
synthèse de lectures de diverses sources :
organisations Internationales (OI) comme l'ONUSIDA, l'OIT, le PNUD,
l'Organisation Panaméricaine de la Santé (OPS), droit national
argentin, Organisations Non Gouvernementales (ONG) argentines -
Asociación de Travestis, Transexuales y Transgéneros de
Argentina (ATTTA), Federación Argentina de Lesbianas, Gays,
Bisexuales y Trans (FALGBT), Fondation Colombia Diversa -,
académie de la langue castillane (Académie Royale espagnole) et
doctrine (Miguel MISSE, Lohana BERKINS). Ces définitions sont
elles-mêmes objets de critiques.
Remontant à l'origine latine commune aux langues
française et castillane, trans signifie « de l'autre
côté de », « au-delà de » 34 . Ce
préfixe implique un changement, une traversée. Pour autant, cette
invitation au voyage n'est pas sans turbulences lorsque nous lui accolons la
notion d'identité. Les termes travesti/e, transgenre et
transsexuel/le se sont construits autour de la notion de genre ; un
genre « de l'autre côté » de celui cisgenre qui
se définit comme répondant au schéma binaire associant le
mâle au masculin, la femelle au féminin. Les identités
trans quant à elles sont celles qui se situent entre ces deux bornes -
voir hors de ces deux bornes - n'étant pas la réponse socialement
attendue et donc parfois, qui se trouvent être disqualifiées. Pour
Lohana BERKINS, cette « compréhension de l'identité
travestie questionne la notion des identités comme limites35
». Les principes de Jogjakarta, repris par le droit argentin36
ont défini l'identité de genre comme étant :
« L'expérience intime et personnelle de son genre
profondément vécue par chacun, qu'elle corresponde ou non au sexe
assigné à la naissance, y compris la conscience personnelle du
corps (qui peut impliquer, si consentie librement, une modification de
l'apparence ou des fonctions corporelles par des moyens médicaux,
chirurgicaux ou autres) et d'autres expressions du genre, y compris
l'habillement, le discours et les manières de se
conduire37».
34 Dictionnaire Larousse en ligne
35 BERKINS Lohana, « Un itinerario pol'tico del
travestismo », in Maff'a Diana (dir.) Sexualidades Migrantes.
Género y Transgénero, 2013, Buenos Aires, Feminaria Editora,
154 p.
36 art. 2 de la loi Identidad de género du 23 mai
2012, voir Annexe n°1
37 Extrait du préambule des Principes de Jogjakarta
in Principes sur l'application de la législation internationale
des droits humains en matière d'orientation sexuelle et
d'identité de genre, Panel international d'experts en législation
internationale des droits humains et de l'orientation sexuelle et de
l'identité de genre, mars 2007, disponibles sur :
http://www.yogyakartaprinciples.org/principles-fr/.
Ces principes sont le fruit d'une réunion qui se déroula à
Jogjakarta (Indonésie) du 6 au 9 novembre 2006 avec 29 experts
éminents en matière de législation en droits humains,
venus de 25 pays différents.
9
A) TRAVESTISME
La personne travesti/e a été identifiée
comme telle au début du XXème siècle par des
médecins dans le but de nommer l'ensemble des personnes non
cisgenres38. Aujourd'hui, la terminologie s'est
décantée pour faire place à d'autres vocables comme la
transsexualité ou encore le transgénérisme. Une personne
travestie reste alors celle qui s'approprie des codes vestimentaires du genre
masculin ou féminin si à celle-ci lui a été
attribué à la naissance le sexe « femelle » ou «
mâle » respectivement. Les équations vêtements
masculins et sexe féminin d'une part, et vêtements féminins
et sexe masculin d'autre partContrairement à la personne transsexuelle
celle travestie n'éprouve pas de gêne en général
avec son sexe biologique, le conflit n'apparaissant qu'avec l'assignation et
expression des rôles associés à celui-ci39.
Critique doit être faite concernant la définition
restrictive de certaines ONG et OI (comme l'ATTTA, la FALGBT et le
PNUD40) de la personne travestie comme étant celle qui s'est
vu assigner une « identité sexuelle masculine à la
naissance mais qui construit son identité de genre selon
différentes expressions de féminité ».
L'absence de visibilité des personnes ayant une identité sexuelle
féminine et exprimant différentes versions de la
masculinité est patente. Si nous admettons que la
théorisation se fait à partir d'une conception genrée et
duale des réalités, il ne faut pas omettre le revers de la
médaille, qui a deux faces
(féminité/masculinité).
Notons également que différence doit être
faite avec les transformistes qui, même s'ils/ elles adoptent
des codes vestimentaires de la même manière que la personne
travestie, ceci se fait dans une période de temps plus courte et
souvent, à des fins de mise en scène artistique. L'amalgame
conduit parfois à un mépris des identités trans, les
considérant comme re-créatives et non comme
créatives (au sens de « se construire
»41).
Dans cette recherche d'appartenance à un des deux
groupes traditionnels, nous demeurons dans une vision cisgenrée des
réalités. La personne queer (de l'anglais « bizarre
»,
38 MISSE Miguel, Transexualidad : otras miradas posibles, op.
cit.
39 PAVAN Valeria (dir.), Niñez trans (É), op.
cit., p. 43.
40 ATTTA et FALGBT, Gu'a para comunicadores y
comunicadoras. Derecho a la Identidad, 2011. Cette définition a
été réutilisé par le PNUD dans le Gu'a de
Incidencia Pol'tica para Conseguir una Ley de Identidad de Género
en 2014.
41 ESPINEIRA Karina, « L'identité de genre :
L'impensé socio-juridique dans les sociétés de droit
» in Blog de Karina Espineira, article du 1er juillet
2013
10
« étrange »), quant à elle aborde de
façon performative son corps, qui devient oeuvre d'art 42. Cette
dernière ne se définit pas selon les catégories
culturelles existantes, souhaitant ainsi revendiquer une contre-culture sui
generis. Théorisée en 1990 par Judith BUTLER dans Gender
Trouble, la figure du/de la queer accuse le mouvement homosexuel
de se conformer à l'hétéro-norme en se positionnant comme
son pendant et stigmatisant ses propres `'anormaux» tels que les personnes
transgenres43.
B) TRANSSEXUALITÉ
Se définir comme étant transsexuel/le va
très souvent coïncider avec la volonté personnelle de subir
un traitement hormonal et/ou une ou plusieurs interventions chirurgicales des
caractères sexuels primaires (référence à
l'appareil sexuel) et/ou secondaires (affectant la pillosité, la voix,
etc.) afin de se sentir en conformité avec son identité de
genre.
Malgré l'évidence que nous donnerait le mot
transsexualité, nous ne retiendrons pas le critère du
sexe entendu par l'OPS comme « l'ensemble des
caractéristiques biologiques (génétiques,
endocrinologiques et anatomiques) usitées pour différencier
femmes et hommes au sein d'un système binaire polarisé 44 »
pour encadrer la notion. En effet, distinction doit être faîte avec
les personnes intersexuées dont le « corps sexué
(chromosomes, gamètes, organes reproductifs et/ou génitaux) ne
correspondent pas aux standards sexuels masculins ou féminins qui
constituent normativement la différence sexuelle45. »
Selon Amnesty International France, 1,7% de la population mondiale
présente des variations des caractéristiques
sexuelles46. La transsexualité ne limite pas à des
considérations biologiques sinon à l'identité de genre
ressenti par chacun et chacune qui se traduit parfois par la volonté de
changement desdites conditions physiques et/ou hormonales.
C) TRANSGÉNÉRISME
Pour Walter BOCKTING, être transgenre reflète un
groupe divers de personnes dont les identités de genre diffèrent
dans des proportions diverses du sexe que l'on leur a assigné à
la
42 PEREZ FERNANDEZ-FIGARES Kim, « Historia de la
patologización y despatologización de las variantes de
género » in COLL-PLANAS Gerard, MISSE Miguel, El
género desordenado (É), op. cit., pp. 97-111
43 LAVIGNOTTE Stéphane, « Politique d'un nouveau
genre » in Les Panthères roses, article du 9 juillet
2017
44 OPS, BOCKTING Walter, HOLLOWAY Joan, KEATLEY Joanne et al.,
Por la salud de las personas trans. Elementos para el desarrollo de la
atención integral de personas trans y sus comunidades en
Latinoamérica y el Caribe, 2013, p.16
45 ATTTA et FALGBT, Gu'a para comunicadores y comunicadoras.
Derecho a la Identidad, 2011
46 Amnesty International France, « Des enfants danois et
allemands nés intersexués subissent des interventions
chirurgicales invasives de `'normalisation» », consulté le 9
juillet 2017
11
naissance47, sans inclure de nécessaires
chirurgies de modification corporelle.
Ceci se comprend dans une analyse cisgenrée des
réalités associant le féminin à la femme et le
masculin à l'homme. En espagnol, la notion transgenre se
dédouble au féminin et au masculin. On parle alors de personne
transgénero et transgénera. Certains
associations de défense des droits des personnes trans revendiquent
l'usage de ces deux notions qui permettent la plénitude de la
conceptualisation de son identité de genre.
D) DÉFINITION RETENUE
Les identités travesties, transsexuelles et transgenres
sont « poreuses » et se recoupent48 . Ainsi, dans le cadre
de ce mémoire nous retiendrons le terme trans
comme englobant l'ensemble des personnes qui se définissent sous l'une
de ces trois catégories : travesti, transsexuel et transgenre.
L'utilisation de ce terme générique est louable pour la dimension
inclusive qu'il revêt concernant les identités non
cisgenrées. De plus, le terme trans est d'ores et
déjà usitée par nombre d'acteurs de droit international ou
national49.
La loi sur l'identité de genre ne fait d'ailleurs
aucune référence ni distorsion entre personnes travestie,
transsexuelle et transgenre. Elle ouvre seulement le droit à des
personnes, des individus, de mettre en conformité son identité de
genre. Ainsi, tout au long de cette étude, nous ne réduirons pas
l'individu/e au fait qu'il/elle se sente/soit trans, d'où
l'exigence de définir « l'individu », « la personne
», « le collectif » ou autre, trans.
Notons qu'il est évident que certaines questions vont
recouvrir de façon préférentielle plutôt un groupe
que l'autre. Par exemple, dans le cadre du thème des traitements
hormonaux et interventions chirurgicales, les personnes transsexuelles seront,
de fait, mises en exergue.
47 APA, « The Psychology of Transgender Eight
questions for transgender expert Walter Bockting », 19 novembre
2015
48 BRUNE Laurence, FORTIER Corinne, « Changement
d'état civil des personnes `'trans» en France : du transsexualisme
à la transidentité », in Gallus Nicole, Droit
des familles, genre et sexualité, Éd. Anthemis S.A., 2012,
pp. 63-64
49 Quelques exemples d'OI, ONG ou médias de
communication utilisant le terme générique trans :
Agencia de Noticia San Luis (voir
http://agenciasanluis.com/notas/2015/03/18/se-conmemora-el-dia-de-la-promocion-de-los-derechos-de-las-personas-trans/),
BBC (voir
http://www.bbc.com/mundo/noticias/
2014/05/140516_argentina_trans_derechos_revolucion_lgbt_irm), FALGBT (voir
http://www.falgbt.org/wp-content/uploads/2016/10/Dia-de-promocion-de-los-derechos-de-las-personas-trans.pdf
p.2), Fundación HuÉsped (voir
https://www.huesped.org.ar/wp-content/uploads/2014/11/Percepciones-y-experiencias-sobre-estigma-y-discriminacion-en-poblacion-Trans-HSH-y-usuarios-de-drogas.pdf
p.9), Le Nouvel Obs (voir
http://
leplus.nouvelobs.com/contribution/1245255-bresil-pays-du-transfeminicide-une-expression-de-la-place-du-feminin-dans-nos-societes.html),
INDEC et INADI (
http://www.trabajo.gov.ar/downloads/diversidadsexual/
Argentina_Primera_Encuesta_sobre_Poblacion_Trans_2012.pdf) OAS (voir
http://www.oas.org/es/cidh/prensa/
comunicados/2015/123.asp) etc.
12
III. CONTEXTUALISATION DU SUJET
A l'échelle mondiale, être trans se comprend et
se régule différemment. Cette étude se centre sur
l'Argentine dans son présent historique50. Nous dessinerons
quelques traits de cet espace-temps : lumière sera faite sur les
contextes politique, constitutionnel, social, religieux et
économique.
La République argentine naît en 1810 à la
faveur d'une guerre d'indépendance face à l'Empire espagnol qui
l'a colonisé au cours du XVIème siècle. En
1853, la République fédérale argentine émerge
autour d'une Constitution de 129 articles qui dessine 23 provinces51
et la ville autonome de Buenos Aires. En raison du principe d'autonomie
législative, exécutive et judiciaire, le paysage argentin est
hétérogène, ce qui entraîne des différences
dans le traitement des personnes trans.
Après la dictature militaire (1976-1983), le peuple
espère une explosion des libertés, une reconnaissance de ses
droits fondamentaux. Les « Mères de la Place de Mai52
» ont longtemps été - et demeurent - un symbole fort de
lutte contre l'impunité, exigeantes d'un droit à la
reconnaissance des actes perpétrés sous la dictature. Pour
Marcela ROMERA53, cela accroît l'importance de la question
identitaire en Argentine considérant ainsi «[qu']une personne qui
n'a pas d'identité n'a pas de droits parce qu'elle n'existe pas.
L'identité est un droit, surtout dans ce pays où il y a eu 30.000
disparu[e]s 54 ». L'Etat a ainsi été
questionné dans ses actes et omissions. Cette défiance peut
néanmoins être calmée par un effectif contrôle de
constitutionnalité : en Argentine, il se fait de manière
diffuse55 sur le modèle états-unien (U.S. Supreme
Court, Marbury v. Madison, 1803) suivant le principe de suprématie
du pouvoir
50 Le présent historique est ici compris comme
le fait de tenir en compte l'Histoire du pays aux fins de compréhension
de son présent.
51 Ces provinces sont : Buenos Aires, Catamarca, Chaco,
Chubut, Cordoba, Corrientes, Entre Rios, Formosa, Jujuy, La Pampa, La Rioja,
Mendoza, Misiones, Neuquén, Rio Negro, Salta, San Juan, San Luis, Santa
Cruz, Santa Fe, Santiago del Estero, Terre de Feu/Antarctique/Iles de
l'Atlantique Sud et Tucumán.
52Notre traduction de : « madres de la
Plaza de Mayo ». Leur histoire commence en pleine dictature (1977)
alors que les réunions de plus de cinq personnes sont interdites en
raison de la promulgation d'un état de siège. Chaque jeudi et ce,
jusqu'en 2006, elles se réunissaient pour demander justice au
gouvernement concernant les disparitions forcées des personnes victimes
de la dictature, souvent leurs propres enfants.
53 Marcela ROMERA est une activiste trans, actuellement
Présidente de l'ATTTA et coordinatrice régionale de la
REDLACTRANS.
54 Référence aux 30.000 personnes disparu/es
sous la dictature qui scelle l'existence des Mères de la Place de Mai ;
COLLETTE Cécile, « Buenos Aires, eldorado trans au pays du
conservatisme religieux » in Slate, 4 août 2014
55 A l'exception des fallos plenarios
(Décret-loi n1/4 1285) et des actions de
groupe (jurisprudence « Halabi » du 24 février 2009,
Salle II de la Cour nationale d'Appel).
13
judiciaire fédéral (arts. 116 et 117 de la
Constitution Nationale argentine56 - CN - ).
L'Argentine est aussi marqué par un facteur,
constitutif de valeurs : la religion. Avec environ 76% de la population se
définissant comme étant catholique57 et une
Constitution qui dans son préambule « invoque la protection de
Dieu, source de toute raison et justice », la religion va influencer les
législations. « Le Gouvernement fédéral soutient le
culte catholique, apostolique et romain » (art. 2 de la CN58)
dans le cadre des relations avec le Saint-Siège organisées par un
concordat. L'Etat argentin indique sa préférence pour la religion
catholique sans pour autant l'élever au rang de religion d'Etat et en
gardant sauve la liberté de culte (art. 14 de la CN59). Dans
ce contexte, les conséquences sur le droit sont difficiles à
déceler néanmoins l'article 19 de la CN pose une limite aux
actions privées des « [H]ommes » : l'offense à l'ordre
et à la morale publics60. La religion étant une des
sources - plus ou moins directe - de la morale publique, nous retrouvons cette
justification par le biais de la figure des codes contraventionnels, gardiens
de celle-ci dans certaines provinces.
Il est nécessaire également de prendre acte de
la situation économique de l'Argentine qui est inflationniste et qui
impacte négativement les franges des populations plus démunies
dont les personnes trans font souvent partie. Cette tendance est d'ailleurs
renforcée depuis l'arrivée à la présidence de
Mauricio MACRI en décembre 2015 qui annonça des coupes
budgétaires dans les politiques publiques de santé et celles
relatives au travail, entre d'autres conséquences qui seront
ultérieurement étudiés.
IV. PROBLÉMATIQUE ET PLAN
L'objet de ce mémoire est d'apporter une description de
l'état de la situation des problématiques structurelles
auxquelles se confronte le collectif trans à la lumière du droit
argentin qui, depuis 1994, revêt une dimension internationale. Le travail
ne sera pas de vouloir déconstruire pour mieux détruire la
théorie du genre. Bien que tentant, ceci relève plus de la
sociologie que du droit. Le droit, bien qu'élément social
essentiel, s'il recouvre cette notion ne s'épuise pas dans celle-ci.
Ainsi c'est sous le prisme du cadre juridique encadrant la
56 arts. 116 et 117 : voir Annexe n°3
57 Conseil National des recherches scientifiques et
techniques, Ministère de la Science, de la Technologie et de
l'Innovation publique, Primera Encuesta sobre Creencias y Actitudes
Religiosas en Argentina, 2008, p. 9, disponible sur :
http://edant.clarin.com/diario/2008/08/27/um/encuesta1.pdf.
Depuis 2008, aucun autre rapport à été
élaboré; L'actualité desdites données est donc
amoindrie.
58 Voir Annexe n°3
14
vie des personnes trans que nous étudierons la
question. En effet, dans la mesure où les théories classiques du
genre vont condamner la diversité des identités et que
l'identité se traduit par la reconnaissance juridique d'un sujet dans un
Etat donné, le droit y trouve toute sa place.
Ce mémoire a fait l'objet de choix, de mises en
lumière de certains cas jurisprudentiels pour leur intérêt
et/ou caractère novateur, de certaines associations ou OI dont la
qualité de rapports a pu enrichir ledit travail. Ainsi, c'est sous une
perspective singulière que la situation juridique des personnes trans en
Argentine est présentée, nonobstant l'existence évidente
d'autres perspectives, opinions et prises de position. L'approche sera aussi
intersectionnelle, dans une certaine mesure, mais sans tomber dans
l'écueil d'une assimilation entre orientation sexuelle et
identité de genre. A l'aune de l'étude de statistiques devra
être prise en compte la volubilité des informations qui parfois,
en raison du caractère fédéral de la République, va
constituer une fragmentation malheureuse de l'information. D'autres carences
méthodologiques comme celle tendant à ne pas prendre en compte
les individus qui n'ont pas effectué la modification au Registre
d'état-civil ou celles qui ne s'auto-perçoivent dans aucune des
deux cases (féminin/masculin) proposées par l'actuel droit
argentin doivent être relevées : autant d'obstacles à
l'élaboration de politiques publiques efficientes auquel l'Etat argentin
doit faire face et prendre en compte.
A l'origine de ce mémoire, l'idée
préconçue d'un El dorado argentin en matière de droits des
personnes trans par l'introduction en mai 2012 d'une loi permettant aux
individus de se voir reconnaître leur identité de genre
auto-perçue sans jugement extérieur (médical ou
judiciaire). Cet acte a des conséquences sur la reconnaissance en tant
que sujets de droit des personnes trans. Nous partons du postulat selon lequel
un droit consacré doit s'accompagner d'un ensemble de mesures aux fins
d'harmonisation d'un système : si l'identité de genre est
reconnue, protéger les personnes trans tout au long de leur vie
socio-économique est essentiel. Ainsi, nous poserons la
question de la virtualité du droit à l'identité de
genre comme vecteur d'amélioration réel des conditions
d'existence du collectif trans.
Nous verrons dans la Partie I comment s'est
construite cette loi à partir d'un ensemble d'antécédents
tirés du droit international et de la jurisprudence nationale. Le
réalisme nous sera apporté par une étude des conditions
d'existence de ce collectif désormais reconnu en tant que tel en
Partie II. Florencia GUIMARAES, une des leaders actuelle de la
lutte pour les droits des personnes trans dénonce des «
travesticides sociaux ». Autrement dit, des discriminations,
codifiées par des règles provinciales et dans un contexte d'Etat
fédéral vont être présentes dans ce paysage à
géométrie variable qu'est l'Argentine d'aujourd'hui. Dans quelle
mesure les réalités argentines rentrent-elles en consonance avec
la légalité posée par la loi sur l'identité de
genre?
15
PARTIE I. LA RECONNAISSANCE DE L'IDENTITÉ DE
GENRE, UNE QUESTION DE DROITS HUMAINS
16
L'émergence du phénomène
législatif qui a consacré l'identité de genre est
conditionné par le fait que l'Etat argentin est un Etat de droit. Dans
cette perspective, la République assure l'indépendance des
pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire et est à la
fois gardienne et sujette de droits fondamentaux. L'identité de genre
est considérée comme étant la réponse à
l'exigence de reconnaissance d'individus, une question de droits humains in
fine.
A l'image des diritti umani italophones, des
humans rights anglophones, les derechos humanos seront traduits
non pas par l'expression `'droits de l'Homme» mais par celle de `'droits
humains», reflet d'un vocable plus égalitaire concernant les sexes
et aussi d'une neutralité favorable à l'inclusion des personnes
trans.
Dans cette Partie I, l'étude se centre sur le sujet
trans comme individu qui a été reconnu par le droit argentin
(Chapitre 2) et ce, dans un contexte où des instances
internationales orientaient leurs discours sur l'identité de genre vers
la reconnaissance des diversités (Chapitre 1).
CHAPITRE 1 : L'AVÈNEMENT DE LA LOI SUR
L'IDENTITÉ DE GENRE, RÉPONSE À UN CONTEXTE
FAVORABLE
Appréhender la loi sur l'identité de genre
nécessite une analyse des années qui ont
précédé sa promulgation dans un contexte de droit
international intégré au droit national depuis la réforme
constitutionnelle de 1994 (Section 1). Déceler les
différents ingrédients qui ont nourrit tant les juridictions que
le Congrès national nous permettra de mettre en évidence que ce
tournant copernicien est issu d'une mécanique commune institutionnelle,
impulsée par les différents pouvoirs - gouvernementaux et
non-gouvernementaux - (Section 2).
SECTION 1 : UN TERRAIN JURIDIQUE FERTILE POUR
DES PRISES DE POSITIONS PUBLIQUES PROTECTRICES DES DROITS DES PERSONNES
TRANS
Le droit international comme source du droit argentin s'est
avéré être un élément perturbateur du
contexte légal dans lequel se meuvent les personnes trans. La
matière a en effet créer un climat favorable à
l'émergence du droit à l'identité de genre
(paragraphe 1). Cet écho international a
également eu des répercussions sur une légitimation de ce
droit, préalable nécessaire à sa légalisation
(paragraphe 2).
17
§ 1 INDICATEURS JURIDIQUES NATIONAUX ET
SUPRA-NATIONAUX, ÉLÉMENTS PROMOTEURS DE L'IDENTITÉ DE
GENRE
La question de l'inscription du droit international dans le
droit interne argentin61 est importante pour la consécration
des droits et libertés des personnes trans ; les règles du jeu de
droit international étant assez protectrices et novatrices en la
matière. En 1992, la Cour Suprême de Justice de la Nation (CSJN)
dans l'arrêt « Ekmekdjian c/ Sofovich62
» affirme la suprématie des traités internationaux sur
les lois internes. La position sera réitérée dans
plusieurs arrêts postérieurs63 jusqu'à
l'année 1994 où une réforme constitutionnelle
entérine cette position jurisprudentielle et octroie statut
constitutionnel (art. 75.22 de la CN) aux traités de droits
humains64. Depuis lors, incombe à l'Etat argentin des
obligations positives concernant les personnes trans.
Ici, nous ne nous concentrerons pas sur les droits
consacrés par les instruments internationaux ou lois nationales mais
bien sur leur position en tant qu'éléments de contextualisation
à l'émergence du droit à l'identité de genre en
Argentine, selon leurs niveaux respectifs : internationaux
(I), régionaux (II) et nationaux
(III).
61 AGUAYO Nadia Solange, « Los tratados internacionales
de derechos humanos en el derecho interno : reflexiones a partir de los
ordenamientos jur'dicos de Espa-a y Argentina » in
Ministère de la Justice et des Droits humains, Derechos
humanos, 2014, pp. 51-76
62 CSJN, arrêt 315:1492 du 7 juillet 2012
63 CSJN, «Servini de Cubr'a, M. c/ Arte
Radiotelevisivo Arg. SA y Borensztein, Mauricio» arrêt 315:1943
du 8 septembre 1992 ; «Fibraca Constructora S.C.A. c/ Comisión
Técnica Mixta de Salto Grande s/ recurso de hecho» arrêt
316:1669 du 7 juillet 1993 ; «Serra, Fernando Horacio y otro c/
Municipalidad de la Ciudad de Buenos Aires s/ recurso de hecho»,
arrêt 316:2454 du 26 octobre 1993 ; «Hagelin, Rag- nar c/ P.E.N.
s/ juicio de conocimiento», arrêt 316:3176 du 22
décembre 1993 ; «Artigue, Sergio Pablo s/ incidente de
restitución de detenido», arrêt 317:247 du 25 mars
1994,, etc.
64 Voir Annexe n°3. Désormais il y
a une décantation des traités selon leur objet (droits humains,
intégration, administration de la justice, intérêts
économiques et travaux publics et, caractère politique) et selon
les sujets contractants (Etats latino-américains, autres Etats, OI et le
Saint-Siège).
18
I. Droit international
Les Nations Unies ont été - jusque
récemment - réticentes à la consécration des droits
humains des personnes LGBT comme droits humains. La feue-Commission des droits
de l'Homme de l'Organisation des Nations Unies (ONU) a ainsi refusé de
prendre position de façon réitérée en 2003, 2004 et
2005 sur la « résolution brésilienne65 »
intitulée Droits humains et orientation sexuelle. Le refus
d'inscrire à l'agenda onusien l'orientation sexuelle ainsi que la totale
indifférence quant à l'identité de genre constituait un
véritable frein à des changements législatifs
nationaux.
Le 3 avril 2006, la résolution
A/RES/60/25166 de l'Assemblée Générale de l'ONU
substitue la Commission au Conseil des droits de l'Homme, désormais
chargé de « promouvoir le respect universel et la défense de
tous les droits [humains] et de toutes les libertés fondamentales, pour
tous, sans aucune sorte de distinction et de façon juste et
équitable 67 » et d'examiner « les violations des droits
[humains] notamment lorsque celles-ci sont flagrantes et systématiques
[et de faire] des recommandations à leur sujet 68 ». Le
Comité devient le chargé du dossier `'droits [humains]`' pour
l'ONU. Ce renouveau institutionnel a des conséquences sur la prise en
compte de la question trans, favorisé par tout un contexte
international.
Tout d'abord, la Déclaration de Montréal : le 29
juillet 2006, elle est adoptée dans le cadre de la Conférence
internationale sur les droits humains des personnes LGBT lors des World
Outgames69 de la ville de Québec (Canada). Environ 1500
acteurs non-gouvernementaux et activistes y font le rappel du nécessaire
respect de certains droits basiques pour les personnes LGBT (protection contre
la violence d'État et la violence privée, liberté
d'expression, d'assemblée et d'association, liberté d'avoir des
relations sexuelles entre personnes consentantes et adultes de même
sexe). N'étant qu'une déclaration, la portée du document
est limitée néanmoins elle sert d'outil à l'ONG
Comité International Day Against Homofobia70 (IDAHO)
de lancement d'une pétition internationale adressée aux Nations
Unies.
65 Appelée ainsi car impulsée par la
délégation brésilienne auprès de la Commission des
droits de l'Homme. 66Assemblée Générale de
l'ONU, Résolution A/RES/60/251 Conseil des droits de l'Homme du
3 avril 2006
67 ibidem §2
68 ibidem §3
69 Les World Outgames organisent depuis 2006 des
réunions internationales sportives et culturelles chapeautées par
l'Association internationale sportive des gais et lesbiennes.
70 L'ONG Comité IDAHO créée en 2005 est
à l'origine de la journée Ô'IDAHOT» de lutte contre
l'homophobie, la biphobie et la transphobie.
19
A ce même titre, les principes de
Jogjakarta71 vont être des éléments structurants
du nouvel intérêt pour l'identité de genre de la part des
Nations Unies. En effet dans ses Recommandations Additionnelles il est enjoint
au Haut-Commissionaire des Nations Unies aux Droits de l'Homme (HCDH), au
Conseil des droits de l'Homme, au Conseil économique et social des
Nations Unies (ECOSOC), à l'OMS et à l'ONUSIDA d'intégrer
dans leurs mandats respectifs ces Principes. Le Ministère de la Justice
et des droits humains les a entériné en les considérant
comme des standards légaux internationaux contraignants pour l'Etat
argentin72.
Le 5 décembre 2006, 54 pays demandent que soit inscrite
à l'ordre du jour d'une prochaine session du Comité la question
des droits des personnes LGBT. Notons qu'ici il est toujours question d'aborder
de manière globale la lutte trans, aux cotés de celles
liées à l'orientation sexuelle propres aux personnes lesbiennes,
gais et bisexuel/les. Néanmoins cet acte a pour effet d'ouvrir la porte
à la prise de Résolutions bien concrètes. Dès le 18
décembre 2008 est adoptée au sein de l'Assemblée
Générale la première Déclaration sur l'orientation
sexuelle et l'identité de genre73 approuvée par 66
Etats dont l'Argentine. Dans son considérant n°3, il est
précisé que le principe de non-discrimination implique
l'égalité indépendamment de l'identité de genre. A
cette déclaration s'oppose une contre-déclaration signée
par 57 Etats : l'unanimité ne remporte pas encore la partie concernant
les controversées questions d'identité de genre et d'orientation
sexuelle.
La résolution A/HRC/RES/17/19 va entériner
l'approbation de ces 66 pays en chargeant74 le HCDH d'établir
un rapport avant décembre 2011 rendant compte des lois et pratiques
discriminatoires ainsi que les actes de violence commis contre des personnes en
raison de leur orientation sexuelle et identité de genre. Plus qu'une
déclaration, cet acte du Conseil des droits l'Homme met en relief la
« grave préoccupation » face à ce sujet de l'organe
onusien75.
71 Les principes de Jogjakarta (ou Yogjarkarta) sont une
série de principes orientant l'application du droit international des
droits humains en matière d'orientation sexuelle et d'identité de
genre qui ont été élaborés par une coalition d'ONG
représentés par 29 experts éminents de 25 pays
différents au cours d'une réunion tenue à
l'Université Gadjah Mada de Jogjakarta, en Indonésie en novembre
2006. Ils ont été présentés devant le Conseil des
droits de l'homme des Nations unies le 26 mars 2007. Mauro Cabral (chercheur
à l'Universidad Nacional de Córdoba, intégrant la
Commission internationale des droits humains des gais et lesbiennes) y a
représenté l'Argentine.
72 INADI. Ministère de la Justice et des droits humains,
Hacia una Ley de Identidad de Género, 2012, p. 27
73 Assemblée Générale des Nations Unies,
Résolution A/63/635 du 22 décembre 2008, Lettre datée du
18 décembre 2008, adressée au Président de
l'Assemblée générale par les Représentants
permanents de l'Argentine, du Brésil, de la Croatie, de la France, du
Gabon, du Japon, de la Norvège et des Pays-Bas auprès de
l'ONU.
74 Conseil des droits de l'Homme, Résolution
1/HRC/RES/17/19 Human rights, sexual orientation and tender identity,
14 juillet 2011
75 Conseil des droits de l'Homme, Résolution
1/HRC/RES/17/19, op. cit., préambule : « le Conseil des
droits de l'Homme (É) gravement préoccupé par les
actes de violence et de discrimination, dans toutes les régions du
monde, commis contre des personnes en raison de leur orientation sexuelle et de
leur identité de genre (É) »
20
Le rapport76, édité en novembre 2011,
dénonce le manque d'intérêt que les gouvernements et des OI
ont eu concernant ce sujet et réaffirme sa mission de promoteur de
« la défense de tous les droits humains et de toutes les
libertés fondamentales, pour tous77 ».
En 2014, le Conseil renforce cette position prise en
émettant une nouvelle résolution78 qui fait
état de quelques avancées mais demeure - selon ses termes -
saisi de la question. Depuis lors, dans le cadre des procédures
spéciales79 un expert indépendant sur la protection
contre la violence et la discrimination en raison de l'orientation sexuelle et
de l'identité de genre a été nommé80. Le
premier pays visité par l'expert Vitit MUNTARBHORN fût l'Argentine
en mars 2017. Le premier rapport annuel mondial sera rendu courant juin 2018
mais déjà, la déclaration de fin de mission en terre
argentine a été divulguée81. La mise en place
de cet expert est la réponse aux principes de Jogjakarta qui avaient
indiqué aux Nations Unies de faire usage de cette procédure pour
lutter contre les violations des droits humains fondées sur
l'orientation sexuelle et l'identité de genre 82.
Notons que, encore aujourd'hui, l'identité de genre
n'est pas comprise dans les listes de motifs de discrimination mais peut, avec
le pouvoir interprétatif des textes, être entendue dans les
clauses ouvertes. Dans la Déclaration de Montréal, le HCDH avait
plaidé pour la
76 HCDH, Lois et pratiques discriminatoires et actes de
violence dont sont victimes des personnes en raison de leur orientation
sexuelle ou de leur identité de genre, A/HRC/19/41, 11 novembre
2011
77Assemblée Générale de l'ONU,
Résolution A/RES/60/251, op. cit., §2
78 Conseil des droits de l'Homme, Résolution
A/HRC/RES/27/32 Droits de l'Homme, orientation sexuelle et identité
de genre, 2 octobre 2012
79 Les procédures spéciales sont des
« mécanismes mis en place par le Conseil des droits de l'homme, qui
s'occupent de la situation spécifique d'un pays ou de questions
thématiques dans toutes les régions du monde. Il existe
actuellement [au 9 septembre 2017] 42 mandats thématiques et 14 mandats
par pays » in
http://
www.un.org/fr/rights/overview/rsgt.shtml
80 Conseil des droits de l'Homme, Résolution
A/HRC/RES/32/2 Protection contre la violence et la discrimination en raison
de l'orientation sexuelle et de l'identité de genre, 30 juin
2016
81 HCDH, End of Mission Statement by the United Nations
Independent Expert on protection against violence and discrimination based on
sexual orientation and gender identity, Mr. Vitit Muntarbhorn, of his visit to
Argentina, 10 mars 2017
82 « Les procédures spéciales en
matière des droits humains des Nations Unies accordent l'attention qu'il
faut aux violations des droits humains fondées sur l'orientation
sexuelle et l'identité de genre et intègrent ces Principes dans
l'exécution de leurs mandats respectif » in point C des
Recommandations additionnelles des Principes de Jogjakarta.
21
reconnaissance explicite de l'identité de genre comme
motif de discrimination. L'ECOSOC, quant à lui, a fait cette
reconnaissance dans l'Observation générale n°20 en
200983.
II. Droit régional
Les organisations régionales engagées envers les
droits humains, les organes des droits humains régionaux ainsi que les
cours régionales des droits humains sont mandatées par les
Principes de Jogjakarta pour exécuter ces derniers84.
Dans le cadre de ce mémoire, nous étudierons les
éléments développés par le système
interaméricain des droits de l'Homme (A). L'Argentine
s'intègre dans le tissu interaméricain des droits de l'Homme
depuis le dépôt de son instrument de ratification le 5 septembre
1984 auprès du Secrétariat général de
l'Organisation des Etats Américains (OEA) : elle y reconnaît ainsi
la compétence de la Commission interaméricaine des droits de
l'Homme (ci-après la Commission) et celle de la Cour
interaméricaine des Droits de l'Homme (CIDH). Les tendances du
système régional européen de protection des droits de
l'Homme, qui rentre souvent en consonance avec celui outre-atlantique, seront
étudiées (B).
A) DROIT INTERAMÉRICAIN DES DROITS HUMAINS
Depuis 2008, l'Assemblée Générale de
l'OEA a adopté plusieurs résolutions85
intitulées « droits humains, orientation sexuelle et
identité de genre » : les violations des droits humains en raison
de l'orientation ou de l'identité de genre deviennent une
préoccupation permanente de l'organe suprême de l'OEA qui ordonne
au Comité des questions juridiques et politiques d'inclure dans son
agenda ce thème. En juin 2010, l'Assemblée Générale
exhorte la Commission d'établir des rapports sur la situation juridique
des droits des personnes LGBTI. En 2011, la Commission décide de mettre
au coeur de son agenda la thématique des personnes LGBTI. Dès
février 2012, une Unité pour les droits des personnes LGBTI est
mise en place.
83 L'identité de genre est « reconnue parmi les
motifs de discrimination interdits ; par exemple, les personnes transgenres,
transsexuelles ou intersexes sont souvent exposés à de graves
atteintes à leurs droits fondamentaux, notamment à du
harcèlement dans les établissement d'enseignement ou sur le lieu
de travail » in ECOSOC, Observation générale n°20
sur la non-discrimination, §32, 2 juillet 2009
84« Les organisations intergouvernementales,
régionales et subrégionales engagées envers les droits
humains, ainsi que les organes des droits humains régionaux,
garantissent que la promotion de ces Principes fasse partie intégrante
de l'exécution des mandats de leurs divers mécanismes,
procédures et autres dispositions et initiatives en matière de
droits humains; I. Les cours régionales des droits humains
intègrent de façon soutenue les Principes
précédemment énoncés qui sont pertinents par
rapport aux traités des droits humains qu'elles interprètent,
dans le droit jurisprudentiel qu'elles développent concernant
l'orientation sexuelle et l'identité de genre (É) » in point
H des Recommandations additionnelles des Principes de Jogjakarta.
85 Ces résolutions portent les numéros : 2435,
2504, 2600, 2653
22
La loi sur l'identité de genre argentine est
promulguée en 2012, dans ce contexte interaméricain intense
concernant la question.
B) DROIT EUROPÉEN DES DROITS HUMAINS ET DROIT DE L'UNION
EUROPÉENNE
Dès 1989, l'Assemblée parlementaire du Conseil
de l'Europe adopte une recommandation relative à la condition des
personnes transsexuelles86 ; le Parlement européen quant
à lui regroupe ses préoccupations dans des résolutions
plus générales en 2006, 2007 et 2011.
Actuellement dans le cadre du système européen
de protection des droits humains, la Commission des questions juridiques et des
droits de l'homme prépare un rapport qui portera notamment sur la
discrimination fondée sur l'identité de genre. Le Comité
des Ministres (ci-après le Comité) quant à lui a
rappelé dans plusieurs réponses à des questions de membres
de l'Assemblée parlementaire que, l'égalité était
un principe intangible en matière de droits humains et qu'aucun motif
comme l'identité de genre ne devait entrer en ligne de compte. De plus,
le 2 juillet 2008 le Comité a décidé d'intensifier la
lutte contre la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle et
l'identité de genre. Dans cette perspective, un groupe d'experts
intergouvernementaux avait été mis sur pied et était
chargé d'élaborer une recommandation pour les 47 Etats membres du
Conseil de l'Europe. En octobre 2009, le Commissaire aux droits de l'Homme a
émit un document thématique sur l'identité de
genre87.
III. Droit national
La Constitution argentine - née en 1853 et
modifiée depuis lors sept fois - est la norme directrice du pays. Son
caractère supra-législatif et les droits fondamentaux qu'elle
précise vont fonder les bases sur lesquelles s'édifie le droit
argentin et donc, le droit à l'identité de genre
(A). D'autres dispositions législatives du début
de la décennie convergent vers une autonomie croissante de la
volonté des individus, propice à la consécration du droit
à être soi-même (B).
A) DES DROITS FONDAMENTAUX TIRÉS D'UN MANDAT
CONSTITUTIONNEL
La Constitution argentine, profondément
révisée en 1994, demeure l'instrument fondamental dans l'ordre
juridique interne. Pacte démocratique et charte constitutionnelle, elle
est irriguée de valeurs qui fondent la République. Il y a une
reconnaissance explicite de
86 Conseil de l'Europe, Recommandation n°1117 du 29
septembre 1989
87 Voir :
https://rm.coe.int/16806da5d0
23
droits fondamentaux qui est formulée, la
validité de la Constitution se subordonnant alors à l'exigence de
leur respect dans le cadre de l'Etat de droit. Concernant notre étude,
certains principes constitutionnels sont des guides
privilégiés.
Etre trans est l'affirmation de son droit constitutionnel
à l'identité (art. 18 de la Convention interaméricaine des
droits de l'Homme). Au début des années 2010, dans un contexte
favorable à l'émergence de la reconnaissance légale du
droit à l'identité de genre, certaines ONG (FALGBT et ATTTA) ont
été l'origine de la campagne « derecho a ser
88 », droit à tous les droits89. Si ce
droit essentiel n'est pas contenu dans le corps de la Constitution -
excepté pour les peuples indigènes (art. 75 §§17 et 19
de la CN90) - il découle de ce dernier un nécessaire
contexte constitutionnel où égalité, liberté et
sécurité personnelles et nondiscrimination de chacun et chacune
doivent être garantis.
L'égalité devant la loi est consacrée par
l'article 16 de la CN91 et le Congrès est chargé de
garantir l'égalité réelle entre toutes et tous (art. 75
§23 de la CN). La CIDH, dans une opinion consultative de
198492, a par ailleurs rappelé que la notion
d'égalité est inséparable de la dignité
inhérente à chaque être humain. La liberté est quant
à elle présente dans divers articles de la
Constitution93 et dans le Préambule alors que la
sécurité personnelle est une réception du droit
international via l'article 75§22 de la CN94 tout comme le
principe de nondiscrimination (art. 7 de la Déclaration Universelle des
Droits de l'Homme95 [DUDH]; art. 2.2
88Notre traduction de : « droit à
être ».
89 Cette campagne est disponible suivant ce lien :
https://vimeo.com/27725880
90 Dans l'article 75 §17 de la CN est reconnu le respect
de l'identité des peuples indigènes argentins tandis qu'au
paragraphe 19 point 4, il est fait référence à la
protection de l'identité et de la pluralité culturelle. Voir
Annexe n °3
91 Voir Annexe n°3
92 CIDH, Opinion Consultative OC-4/84 du 19 janvier 1984
93 Ces articles sont les suivants : art. 15 de la CN relatif
à la liberté comme conséquence de l'abolition de
l'esclavage; art. 18 de la CN relatif à la liberté d'aller et de
venir en l'absence d'ordre judiciaire; art. 19 de la CN interpreté a
contrario sensu offre un espace de liberté face aux prohibitions
explicites dictées par la loi. Voir Annexe n°3
94 art. 3 de la DUDH; art. 6 et 9 du Pacte international des
droits civils et politiques ; art. 4 et 7 de la Convention
interaméricaine des droits de l'Homme
95 art. 7 de la DUDH : « Tous sont égaux devant la
loi et ont droit sans distinction à une égale protection de la
loi. Tous ont droit à une protection égale contre toute
discrimination qui violerait la présente Déclaration et contre
toute provocation à une telle discrimination. »
24
du Pacte international des droits économiques, sociaux
et culturels96 [PIDESC] ; art. 16 de la CN97). En effet,
dans le cas d'une personne ayant fait valoir son droit à subir une
opération chirurgicale concernant ses parties génitales,
l'identité sexuelle étant partie de l'identité personnelle
doit être respectée au risque de mettre en péril son droit
à l'intimité (art. 19 de la CN) et/ou de son droit à une
vie privée (consacrés par l'art. 17 du PIDESC98).
Notons néanmoins que même si la
non-discrimination dans son expression générale est
constitutionnellement consacrée, il demeure que la loi nationale
n°23.592 relative aux actes discriminatoires ne liste pas
l'identité de genre dans ses motifs de non-discrimination ni ne propose
une clause ouverte non exhaustive permettant une interprétation in
favorem99. Pourtant, le respect de l'identité implique
l'absence de discrimination.
B) LOIS NATIONALES SPÉCIFIQUES
Parce qu'elles sont en rapport avec les droits des personnes
se définissant comme étant homosexuelles ou qu'elles proposent
une réinterprétation de la notion de santé mentale,
certaines lois ont permis de façonner le droit à
l'identité de genre.
Occupant l'agenda des ONG LGBTI jusqu'en 2010, la loi dite de
« mariage égalitaire100 » du 15 juillet permet aux
personnes de même sexe de se marier. L'Argentine est le
10ème pays
96 art. 2.2 du PIDESC : « Les Etats parties au
présent Pacte s'engagent à garantir que les droits qui y sont
énoncés seront exercés sans discrimination aucune
fondée sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion,
l'opinion politique ou toute autre opinion, l'origine nationale ou sociale, la
fortune, la naissance ou toute autre situation. »
97 Voir Annexe n°3
98 art. 17 du PIDESC : « 1. Les Etats parties au
présent Pacte présentent leurs rapports par étapes, selon
un programme qu'établira le Conseil économique et social dans un
délai d'un an à compter de la date d'entrée en vigueur du
présent Pacte, après avoir consulté les Etats Parties et
les institutions spécialisées intéressées.
2. Les rapports peuvent faire connaître les facteurs et
les difficultés empêchant ces Etats de s'acquitter pleinement des
obligations prévues au présent Pacte.
3. Dans le cas où des renseignements à ce sujet
ont déjà été adressés à
l'Organisation des Nations Unies ou à une institution
spécialisée par un Etat partie au Pacte, il ne sera pas
nécessaire de reproduire lesdits renseignements et une
référence précise à ces renseignements suffira.
99 La Législature de la CABA au 9 avril 2015 a
promulgué la loi n°5261 contre la discrimination qui, en son art. 3
a) précise que : « sont considérés discriminatoires
les faits, actes ou omissions qui ont pour objet ou résultat
d'empêcher, obstruer, restreindre ou de tout autre mode d'amoindrir,
arbitrairement, de façon temporelle ou permanente, l'exercice
égalitaire des droits et garanties (É) à des personnes ou
groupes de personnes sous le prétexte [du] : (É) genre,
identité de genre et/ou son expression (É) ». Un
élargissement du cadre légal national concernant la
non-discrimination a été effectué.
100Notre traduction littérale de : «
matrimonio igualitario ».
25
du monde101 à le consacrer et ce,
malgré de fortes résistances de l'Eglise catholique .
102
Véritable outil d'inclusion sociale de la
communauté lesbienne, gay et bisexuelle, il peut être parfois
considéré comme une avancée juridique pour des personnes
trans éprouvant une attirance érotico-affective envers des
personnes de même sexe qui souhaitent se marier conformément aux
règles édictées par le droit commun.
Une autre disposition législative qui a
fondamentalement amené les Législateur/ses argentin/es à
sanctionner la loi sur l'identité de genre est la loi de Santé
Mentale du 2 décembre 2010103 . L'article 3 définit la
santé mentale comme un processus déterminé par de
nombreuses et diverses composantes (historiques, socio-économiques,
culturelles, biologiques et psychologiques). Aucun diagnostic relatif à
la santé mentale doit se baser sur l' « absence de
conformité ou adéquation avec des valeurs morales, sociales,
culturelles, politiques ou croyances religieuses dominantes dans
l'environnement de l'individu examiné » ou en raison de son «
choix ou identité sexuels ».
Malgré cela, il était encore interdit pour un
médecin d'effectuer une opération chirurgicale modificatrice du
sexe sans autorisation judiciaire. L'article 14 de la loi sur l'identité
de genre déroge cet article, uniformisant la situation pour la situer
totalement hors du champ médico-psychologique.
Enfin, le même jour que la loi sur l'identité de
genre a été sanctionnée celle dite de « mort
digne104 » qui octroie le droit aux patients
d'accepter ou de rejeter certaines thérapies ou traitements
médicaux ou biologiques sans justification aucune ainsi que le droit de
révoquer, à tout moment, cette manifestation de la volonté
(art. 1) lorsqu'il/elle présente une maladie incurable,
irréversible ou se trouve en phase terminale.
Cet environnement juridique pose les bases d'un certain
libéralisme concernant la disposition de son propre corps, de la
conscience de celui-ci et de la volonté de s'extirper du schéma
cisgenré. Néanmoins, il demeure des éléments
d'hostilité face à la pleine autonomie de la volonté.
Ainsi par exemple, l'avortement reste considéré comme un
délit, punissable de 1 à 4 ans de prison pour la femme qui avorte
seule ou se fait aider (art. 88 du Code pénal).
101 Les Pays-Bas, en 2001, a été le premier pays
à légaliser l'union entre personnes de même sexe.
102 Avant le débat au sein du Sénat du projet de
loi sur le mariage entre personnes de même sexe (au 14 juin 2010),
l'archevêque argentin Bergoglio, qui est depuis mars 2013 pape de
l'Eglise catholique [François Ier], avait adressé une
lettre disqualifiant ce tournant législatif, se référant
aux personnes homosexuelles comme étant des êtres diaboliques,
traduction de l'expression virulente « partes de una movida del diablo
».
103 Loi n°26.657 du 2 décembre 2010
104 Notre traduction de : « muerte digna ». Loi
n°26.742, disponible sur :
http://www.ms.gba.gov.ar/sitios/
tocoginecologia/files/2014/01/Ley-26.742-Muerte-Digna.pdf
26
§ 2 VISIBILISATION, RECONNAISSANCE ET
LÉGITIMISATION DU COLLECTIF TRANS
Légitimer le collectif trans a été l'un
des éléments fondamental dans l'émergence de la loi sur
l'identité de genre. Les feux des projecteurs ont été
orientés vers lui tant par les pouvoirs publics que par les ONG qui
traditionnellement se positionnent en tant qu'avant-gardistes dans un
système politique parfois réticent à la nouveauté.
La reconnaissance est synonyme de réparation, à l'instar du nom
du projet de loi « reconocer es reparar »
(I) ; la reconnaissance implique également une
légitimisation, importante pour rendre pérenne une
légalisation (II).
I. « Reconocer es reparar
»
Dans cette reconnaissance préalable à la loi de
mai 2012, il existe le projet de loi n°2526 qui a pour objet de mettre fin
à l'amnésie étatique. Héritage de la dictature,
cette période fût génératrice de violences
institutionnelles envers - notamment - le collectif trans (A).
Le projet est porté par une ONG, le Ministère de la Justice (au
travers de l'INADI) et celui de l'Education tout comme quelques
universités et une partie de la doctrine qui toutes et tous, convergent
vers cette légitimisation générale du collectif trans
(B).
A) LE PROJET 2526, L'ESPOIR DE LA RÉPARATION DE VIOLENCES
INSTITUTIONNELLES
Le 24 mars 2004, Nestor KIRCHNER - alors Président de
la République argentine - érige en mémorial un ancien
centre de détention (l'Ecole de mécanique de la
marine105). L'Argentine veut solder ses dettes106 issues
de la dictature même si les lois de « punto final » et
d' « Obedecencia Debida107 » sous le
gouvernement ALFONSIN (1986-1987) y avaient mis un frein. En effet, ces
dernières exemptaient de poursuites judiciaires les officiers de rang
inférieur à celui de lieutenant colonel. Le 15 juin 2005, la CSJN
annule ces lois d'amnistie.
Au sortir de la dictature, une soif de liberté rend
ivres argentins et argentines, ceux qui avaient été
opprimés durant ces années en particulier. En 1996,
c'était aux édits policiers d'être supprimés. A ce
titre, l'article 2 du Règlement de procédure contraventionnelle
de l'édit policier dicté par la Police Fédérale
argentine prohibait l'exhibition avec des robes ou le déguisement avec
des vêtements du sexe contraire (point f) ; l'incitation ou le fait de
s'offrir
105Notre traduction de : « Escuela de
Mecánica de la Armada »
106 A l'heure actuelle, 385 génocidaires sont en
attente de leur jugement oral dont 141 qui ne font l'objet d'aucune privation
de liberté ; 44 ont déjà été
condamnés.
107 Traduction littérale de : lois du « point final
» et de l'« obéissance due »
27
publiquement à un acte charnel, sans distinction de
sexe (point h) ; rencontrer quelqu'un, considéré comme perverti,
en compagnie d'un mineur de 18 ans (point g).
Si bien ces édits n'existent plus (malgré que
demeurent les Codes contraventionnels - voir Partie 2, Chapitre 2,
Section 2 §1), ils eurent des conséquences sociales importantes
- non restituables in integrum - que certaines ONG et
député/es108 estiment qu'il faut réparer au nom
d'une justice transitionnelle. De travaux communs naît le projet de loi
n°2526 dit Reconocer es reparar109
présenté en 2016 devant la Chambre des députés,
souhaitant créer un régime de réparation pour les victimes
de violence institutionnelle en raison de leur genre.
Cette initiative s'inscrit dans la continuité du
Principe n°28 de Yogjakarta relatif au droit à des recours et
à un redressement efficaces. Le point B du Principe n°28 liste de
façon non exhaustive les moyens par lesquels les Etats peuvent
réparer ces violations de droits humains basées sur leur
identité de genre : indemnité, compensation,
réhabilitation, dédommagement, garantie de non
répétition, etc. En l'occurrence, le projet de loi (voir
Annexe n°5) prévoit que les individus ayant
été privés de liberté en raison de leur
identité de genre par les Forces de Sécurité
fédérales, par autorisation judiciaire ou par le Ministère
Public de la juridiction nationale ou fédérale seraient
indemnisés à hauteur de la rémunération mensuelle
assignée à la catégorie D niveau O de l'Agrupamiento
General del SINEP, augmenté de 30% en cas de violence sexuelle.
L'application de ce dispositif serait contrôlé par le
Secrétariat aux droits humains du Ministère de la Justice et des
droits humains.
Néanmoins, le projet reste lettre morte ; ce dernier
n'a pas été examiné par les Commissions
désignées (Sécurité intérieure,
Prévision et sécurité sociale, Droits humains et
garanties, budget et Trésor Public) afin qu'il soit inscrit à
l'ordre du jour. Une tentative de légiférer en la matière
avait déjà été formulée avec le projet de
loi n°8194 en 2014. La loi permettrait de redonner sens à des
situations de violation des droits des personnes trans. A titre d'exemple en
Allemagne une loi a été récemment promulguée (mars
2017) pour venir réparer la pénalisation des relations sexuelles
entre hommes entre 1949 et 1994 sur la base de l'article 175 du Code
pénal allemand. Dans notre étude, ce projet permettrait la
revitalisation des demandes en dérogation des fautes et Codes
contraventionnels encore présents.
B) PRISE DE CONSCIENCE SUR LA NÉCESSITÉ DE
TRANSFORMER LE DROIT
Les avocats Emiliano LITARDO et I-aki REGUEIRO DE GIACOMI
énoncent que plaider la cause des droits humains et des droits sexuels
appelle à leur incidence critique du
108 Le 6 octobre 2016, Abogados por los derechos sexuales,
ALITT, Futuro Transgenérico et Movimiento Antidiscriminatorio de
Liberación et 22 député/es ont présenté
ce projet intitulé « Régimen reparatorio para v'ctimas
de violencia institucional por motivos de identidad de género »
devant la chambre des Députés.
109Notre traduction de : « Reconnaître
c'est réparer ».
28
droit. Le droit n'étant pas immeuble, il est logique
qu'il soit conçu comme le reflet des réalités,
elles-mêmes changeantes. Daniel BORRILLO110 quant à lui
se positionne devant la Commission Nationale Consultative des Droits de l'Homme
française (CNCDH)111 mettant en évidence l'action
nécessaire du droit sur les discriminations envers les personnes
transidentitaires. Il aborde la question en dépassant celle de
l'identité, se plaçant déjà dans l'hypothèse
- depuis mai 2012 réelle en terrain argentin - selon laquelle elle est
reconnue et nécessite désormais une protection
spécifique.
Si bien la doctrine a influencé par ses interventions
et mises en lumière de la thématique, la prise de position de
l'INADI dans un document concernant le projet de loi sur l'identité de
genre112 a permit de façon inédite la reconnaissance
officielle de discriminations systématiques envers la communauté
trans. Demander pardon est dressé comme un devoir, une obligation
étatique résultant d'actions et omissions antérieures. Par
la connaissance de cas de violations des droits humains mis à jour
à la lumière des édits policiers, l'Etat argentin va
permettre la reconnaissance du collectif trans. Pour autant, nous l'avons vu
(voir Partie I, Chapitre 1, Section 2, §2, I, A)
l'attente d'une réparation concrète proposée par le projet
n°2425 tempère les optimismes.
Certaines universités se présentent aussi comme
de fertiles terrains de revendications. Des conseils directifs ont ainsi pris
des résolutions reconnaissant les identités trans. Parmi
celles-ci les facultés de Philologie et Lettres et de Sciences exactes
et Sciences sociales de l'Université de Buenos Aires ; les
facultés de Biochimie et de Pharmacie de l'Université de Rosario
et la faculté de Sciences Politiques et Sociales de l'Université
de Mendoza. Le but de ces dernières est de lutter contre la
discrimination universitaire tant au niveau académique qu'administratif,
assurant un traitement respectueux des acteurs présents dans ces espaces
(personnels enseignant ou non, étudiant/es, etc). Notons
néanmoins que le collectif trans demeure très peu présent
dans ces espaces en tant qu'étudiant/e : environ 10,1% ont
accédé à un cycle tertiaire ou universitaire, 1 sur 4
l'ayant complété113. Récemment,
l'Université Nationale de Mar de
110 Daniel BORRILLO est un spécialiste argentin des
questions juridiques des personnes homosexuelles. Il est actuellement
Professeur de droit à l'Université Paris Ouest - Nanterre.
111
|
BORRILLO Daniel, « L'identité de genre : entre
ordre public et vie privée », Audition devant la Commission
|
Nationale Consultative des Droits de l'Homme, 19 mars 2013
112 MAGNANI Rocio, « El INADI reconoce la
discriminación sistematica a la comunidad trans » in
Página/12, 23 janvier 2012
113 BERKINS Lohana (dir.), Cumbia, copeteo y lagrimas :
informe nacional sobre la situacion situación de las travestis,
transexuales y transgéneros, 2015, ediciones Madres de Plaza de
Mayo, 2ème ed., p 164
29
Plata a décidé d'imposer un quota de 1% de
présence de personnes trans au sein du personnel non enseignant, une
première pour l'ensemble des universités
latino-américaines114.
Une série de résolutions ministérielles
corroborent l'avancée vers un droit à l'identité de genre
en Argentine. En 2003 et au niveau de la CABA, une résolution est
signée par le Ministre de l'Education 115 enjoignant aux
établissements éducatifs et aux instances administratives du
Secrétariat de l'Education de la ville de garantir le « respect de
l'identité de genre et la dignité et intégration des
personnes appartenant à des minorités sexuelles » (art. 1).
En amont, se trouve la requête de l'activiste Lohana BERKINS
auprès du Défenseur du peuple de la CABA116 contre une
structure éducative qui refusait de respecter son identité de
genre au moment de l'inscrire en tant que professeure. En 2007, le
Ministère de la santé de la CABA a adopté une
Résolution pour que, au sein dudit ministère soient
respectées les identités de genre de chacun et chacune lors de
tout acte de gestion, enregistrement, citation ou assistance. Puis en 2011, le
Ministère de la Sécurité117 dénonce le
modèle hétéronormé qui est source de
discriminations et d'exclusions, de violences et d'agressions et reconnait
l'identité de genre des personnes trans. Le personnel intégrant
des forces de police, de gendarmerie, navales ou de sécurité
aéroportuaires peuvent dès lors faire part de leur souhait
d'être traité conformément à leur identité de
genre auto-perçue.
II. Une légitimation de la lutte trans
Au travers de la définition de l'Organisation Non
Gouvernementale - ONG - (A) et d'un changement de politique
jurisprudentielle en la matière concernant l'ALITT (B),
la lutte trans se visibilise, vivifiant ainsi l'espace démocratique.
D'autres reconnaissances se dressent en tant que symboles de la lutte
(C).
A) ONG : DÉFINITION ET RÔLE
Une ONG est une association civile118 qui a obtenu
statut juridique auprès des autorités étatiques a
contrario des associations `'simples», sans existence légale
mais encadrées par
114 Presentes, « Seleccionaron a dos trabajadoras trans para
la Universidad de Mar del Plata », 5 juillet 2017
115 Ministère de l'Education de la CABA, résolution
n°122/03 relative à l'identité de genre et au prénom
choisi 116Demande enregistrée sous le numéro 5.232/03
en août 2002
117 Résolution n1/4 1181/2011 du 25
novembre 2011
118 Autres types d'associations civiles : syndicats,
associations professionnelles, mutualiste, associations religieuses,
associations de bienfaisance, associations récréatives.
30
l'article 46 du Code civil et commercial de la Nation. L'ONG
se caractérise par son absence de but lucratif et sa défense du
bien commun.
Son rôle est fondamental en tant qu'elle se veut
être le reflet et la défense des intérêts de la
société civile. La Commission interaméricaine des droits
de l'Homme (Com. IDH) a rappelé que leur travail est essentiel pour
l'application universelle des droits humains, la pleine démocratie et
l'Etat de droit. Ainsi, quand la défense des droits humains leur est
empêchée - moyennement assassinats, menaces, criminalisations de
ses activités, campagnes de dénigrement de ses activistes, etc. -
c'est tout le système démocratique qui est mis en péril,
au détriment de la société. L'ONG Red Latinoamericana
y el Caribe de Personas Trans (REDLACTRANS) dénonce la situation
particulièrement précaire des défenseurs/seuses trans en
raison de leur visibilité qui défit ouvertement les normes de
genre pré-établies119. Ses intégrant/es doivent
jouir d'un régime protecteur de leur intégrité
personnelle.
Les années 1990 virent naître nombre
d'associations et d'ONG, détractrices du système des édits
policiers. Aujourd'hui, le panorama compte des centaines d'associations et ONG
comme : 100% diversidad y derechos, Colectivo de Investigación y
Acción Jur'dica, Colectivo Lohana Berkins, Cooperativa Amazonas del
Oeste, Futuro Transgenérico, la Fulana, Mayores en la diversidad,
Movimiento Antidiscriminatorio de Liberación, Vidas Escondidas etc.
Concernant cette dernière, notons que ce n'est qu'après une
dizaine d'années d'existence de facto que sa reconnaissance
de jure a été consacrée (en 2016). Ainsi,
même si la Constitution argentine reconnaît le locus standi
aux associations luttant contre les discriminations (art. 43 de la
CN120), cette possibilité est enserrée dans une autre
: celle d'être reconnu légalement par l'Etat. Dans ces conditions,
l'ONG est qualifiée en tant que telle et pourra être cet acteur
fondamental notamment dans la proposition de projets de lois.
B) DE LA JURISPRUDENCE « CHA » À « ALITT
» : LA RECONNAISSANCE DE L'UTILITÉ PUBLIQUE D'UNE ASSOCIATION DE
DÉFENSE DES DROITS LGBTI
De la liberté d'expression et d'association, nous
tirons des éléments essentiels pour le fonctionnement d'une
démocratie. Le pluralisme des idées permet que l'agora
publique soit animée. Reconnaître la personnalité
juridique d'une association c'est légaliser et légitimer les
actions de celle-ci. En l'occurrence, l'appréciation qu'a fait la CSJN
de la notion de bien commun depuis le début des années
1990 jusqu'à aujourd'hui a évolué et ce, favorablement
pour les ONG défendant les droits des personnes LGBT.
119 REDLACTRANS, La noche es otro pa's : Impunidad y
violencia contra mujeres transgénero defensoras de derechos humanos en
América Latina, 2012, p. 11
120 Voir Annexe n°3
31
En 1991, la Cour Suprême avait eu à
connaître de la légalité du refus d'octroi de la
personnalité juridique par l'Inspection Générale de
Justice (IGJ)121 à l'association Comunidad Homosexual
Argentina. Les juges ont alors décidé que cette
dernière ne remplissait pas la condition de bien commun122
sinon qu'elle visait à « protéger des personnes
homosexuelles face à des discriminations arbitraires et,
essentiellement, la défense publique de
l'homosexualité123». Le bien commun est alors entendu
comme bien de la majorité. Ici les personnes homosexuelles sont
considérées comme une minorité, disqualifiant toute action
associative comme étant une action tendant au bien commun. Dans ce cas
jurisprudentiel, rappel est fait par le vote du juge BELLUSCIO que
l'homosexualité n'est pas réprimée pénalement
même si nous y observons une répression sociale.
L'homosexualité est qualifiée de « déviation de
l'instinct sexuel dont les origines ne sont très précises »,
ce qui se traduit in fine par une condamnation juridique
déniant l'existence de la CHA.
En invoquant le fait que l'existence de cette association
n'apporte « aucun bénéfice pour la société
», les juges assimilent la lutte pour une meilleure qualité de vie,
l'élaboration de campagnes en défense du droit à la
santé, à l'éducation, au travail, au logement et autres
bénéfices sociaux, les espaces de réflexion, les campagnes
contre la discrimination et pour promouvoir les droits sexuels des personnes
trans comme une lutte ne tendant pas au bien commun. Les juges invoquent le
fait que cette décision ne met pas en péril le droit
d'association, protégé par l'article 14 de la CN124 -
et depuis 1994 par divers traités internationaux125 - car
l'article 46 du Code civil permet de laisser fonctionner des associations qui
n'ont pas satisfaits au critère de l'article 33, 2ème
partie §1 sous la forme d'association simple, sans aucune
personnalité juridique.
Un revirement de jurisprudence survient en 2006 lorsque la
même CSJN a eu à analyser le bien-fondé d'une
décision de l'IGJ qui avait refusé d'attribuer la
personnalité juridique à
121 L'IGJ est chargée de statuer sur l'octroi de la
personnalité juridique (art. 45 du Code civil).
122 Critère légal de reconnaissance des
personnes juridiques de caractère privé que l'on retrouve
à l'art. 33 du Code civil disposant que : « Las personas
jur'dicas pueden ser de carácter poeblico o privado (É) Tienen
carácter privado: 1. Las asociaciones y las fundaciones que
tengan por principal objeto el bien comoen, posean patrimonio
propio, sean capaces por sus estatutos de adquirir bienes, no subsistan
exclusivamente de asignaciones del Estado, y obtengan autorización para
funcionar. »
[Notre traduction de : « Les personnes juridiques peuvent
avoir une nature publique ou privée (É.) Ont caractère
privé les associations et fondations qui ont pour principal but le
bien commun, qui ont un patrimoine, qui sont capables d'acquérir
des biens, qui ne dépendent pas exclusivement de subventions
étatiques et qui ont obtenu une autorisation aux fins de fonctionner
».]
123 CSJN, arrêt AR/JUR/418/1991 du 22 novembre 1991
124 Voir Annexe n°3
125 Le droit d'association dans le droit international : art.
20.1 de la DUDH, art. 22 de la Déclaration Interaméricaine des
droits et devoirs de l'Homme, art. 22 du PICDP et art. 16 de la Convention
interaméricaine des droits de l'Homme.
32
l'Association de lutte pour l'identité travestie et
transsexuelle (ALITT) sur le grief qu'elle ne répondait pas positivement
au critère de bien commun pour toute association ou fondation de
caractère privé. De manière consécutive, les
avantages octroyés au statut légal des associations leur ont
été refusé. La Cour a ici interprété le bien
commun en le distinguant tout d'abord du bien de la majorité
considéré comme une « menace sérieuse au
système démocratique126 ». En effet, la «
société contemporaine est nécessairement plurielle,
composée de personnes avec des préférences, visions du
monde, intérêts, projets, idées différentes, etc.
» Déjà Germn BIDART CAMPOS127
décrivait que l'utilité invoquée à l'article 33
faisait uniquement référence à une finalité sociale
licite, et pas préjudiciable, « rien de plus ». Selon ce
dernier, les juges n'ont pas à ajouter alors un critère
quantitatif comme celui du bien de la majorité, il suffit que la
finalité soit légitime.
Une claire inspiration de la jurisprudence de la Cour
européenne des droits l'Homme (CEDH) se dénote ici. En effet, en
2004 dans l'arrêt Gorzelik c. Pologne128 la
liberté d'association est définie comme une réponse
logique, inhérente au cadre démocratique, traduisant le respect
de la diversité et de l'interaction des personnes et groupes avec des
identités différentes. Tout droit à s'associer est
constitutionnellement utile. La CIDH avait précisé dans l'opinion
consultative OC-6/86 du 9 mai 1986 que le bien commun ne peut jamais être
invoqué pour supprimer des droits garantis par la Convention.
Concernant l'espèce « ALITT c. ISJ », la CSJN
avait fondé sa décision sur la violation de la loi
anti-discriminatoire n°23.592 où seules les restrictions
prévues par la loi et qui sont nécessaires dans une
société démocratique, dans l'intérêt de la
sécurité nationale, de la sûreté publique, de
l'ordre public, ou pour protéger la santé, la moralité
publiques ou les droits et les libertés d'autrui sont possibles.
De par sa position, la CSJN élève la
non-discrimination des personnes trans, la lutte pour une identité
propre et l'amélioration de leurs conditions de vie comme des actions
tendant au bien commun de la société argentine. Dans cette
affaire, le juge Fayt a extirpé de la notion de dignité humaine,
le droit d'association. Ainsi, « face à l'existence d'un groupe de
personnes qui souhaitent s'organiser afin de préserver leur
dignité devant de possible affectations, la
126 CSJN, arrêt « ALITT c. IGJ » du 21
novembre 2006, AR/JUR/6758/2006, § 20
127 Germn BIDARD CAMPOS (1927-2004) était docteur
en droit et en sciences sociales de l'Université de Buenos Aires, auteur
de plus d'une cinquantaine de manuels et livres juridiques.
128 CEDH, arrêt « Gorzelik et autres v. Pologne
» du 17 février 2004, requête n°44.158/98C
§§ 90-93, disponible sur :
http://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-66194
33
protection constitutionnelle de ce droit légitime
l'association129». Et à TOCQUEVILLE d'ajouter dans
De la Démocratie en Amérique (1840) que les êtres
humains ont besoin de l'art de s'associer pour tendre vers une civilisation et
l'égalité des conditions, l'égalité in
concreto.
C) RECONNAISSANCES SYMBOLIQUES
L'invisibilité frustrant et condamnant, quelques
provinces argentines ont consacré en la date du 18 mars, la
Journée de Promotion des droits des personnes trans : Cordoba,
Neuquén, San Luis et la CABA. Dans la province de Salta, le mois de
novembre est reconnu comme étant le « mois de la diversité
» depuis le décret n°4803/09 de 2009. En 2016, l'ONG FALGBT a
présenté un projet de loi nationale130 pour aller plus
loin que ces reconnaissances provinciales éparses.
En 2007, El Teje est reconnu officiellement, faisant
de la revue menée par Marlène WAYAR, la première
dédiée aux personnes trans en Amérique Latine. En 1982,
sous le coupet de l'opération « Condor131 », tous
les journaux avaient reçu des menaces homophobes. Le climat social a
changé, le droit a exigé et réceptionné une
adaptation.
SECTION 2 : PHASE PRÉPARATOIRE AU DROIT
À L'IDENTITÉ DE GENRE : CONSTRUCTION PRÉTORIENNE ET
PROJETS DE LOI
L'accueil dans l'ordre interne des diverses influences
supra-nationales s'est traduit par l'émergence de constructions
jurisprudentielles favorables à la reconnaissance des identités
non-cisgenrées (paragraphe 1). Finalement, le
législateur a combiné tous ces indicateurs positifs pour les
consacrer dans un texte : la loi n°26.743 (paragraphe
2).
129 CSJN, arrêt « « ALITT c. IGJ »,
op. cit., considérant n°8 : « (É) frente a la
existencia de un grupo de personas que desea organizarse a efectos de preservar
su dignidad ante posibles afectaciones, la protección constitucional de
ese derecho legitima la asociación perseguida ».
[Notre traduction de : « (É) face à
l'existence d'un groupe de personnes qui souhaitent s'organiser afin de
préserver leur dignité devant de possibles affectations, la
protection constitutionnelle de ce droit légitime l'association
».]
130 Voir :
http://www.falgbt.org/wp-content/uploads/2016/10/Dia-de-promocion-de-los-derechos-de-las-personas-trans.pdf
131 Cette opération fait référence
à une alliance panaméricaine d'appui et de soutien
réciproques entre des régimes dictatoriaux de la région
dans les années 1970-1980. Parmi ceux-ci : l'Argentine, le
Brésil, le Chili, le Paraguay, l'Uruguay et de façon non
permanente, la Colombie, le Pérou et le Venezuela. Une participation
états-unienne en sous-jacent est également objet de
dénonciations.
34
§ 1 JURISPRUDENCE ANTÉRIEURE AU 23 MAI
2012
PETRACCI et PECHENY132 relèvent deux phases
dans le traitement de la question de changement de sexe en Argentine. La
première se réalise dans un rejet total133, invoquant
des arguments naturalistes d'impossible changement juridique de sexe d'un/e
être humain/e. La dimension genre est occultée de
l'analyse, la confusion entre sexe et genre est totale. La seconde phase se
fait plus réceptive des demandes, les opérateurs/trices de
justice adoptant un rôle de protecteur/trice des individus trans qui
souhaitent un changement de sexe. Facteurs anatomiques et psychiques rentrent
alors en ligne de compte.
Au début des années 1990, bien que sous le
prisme de la pathologisation des personnes trans, des juges ont reconnu le
changement de prénom et de sexe de certaines personnes. Dès 2001,
un nouvel acteur est entré dans le jeu : le/la psychiatre devait
désormais diagnostiquer une dysphorie de genre préalable au
jugement judiciaire. Les deux freins à la reconnaissance de
l'identité de genre sont posés. Ainsi, pouvoir être
transsexuel/le en Argentine avant le 9 mai 2012 exigeait de passer par deux
filtres : un psycho-médical avec « réassignation »
sexuelle et l'autre judiciaire (plus que juridique car implique une
présence devant les tribunaux), tous deux complémentaires pour la
reconnaissance de l'identité de genre. En effet, la loi n°17.132
relative à l'exercice de la médecine, odontologie et
activités de collaboration promulguée en 1967 exige encore une
autorisation judiciaire pour changer de sexe134. Or, comme nous
l'avons vu en introduction, toute personne qui exprime une identité de
genre non cisgenrée n'est pas nécessairement dans la recherche
d'un changement de sexe. Consacrer l'identité de genre uniquement sous
le coupet du physique - en particulier du sexe - va invalider et invisibiliser
un ensemble de personnes qui ne se définissent pas à partir du
seul sexe. La stigmatisation progresse au travers d'une négation de la
diversité des identités et de nécessaires approbations
externes (médecine et justice).
Il y a eut un changement dans l'appréciation des juges
concernant la question, interprétant le droit existant en faveur des
personnes trans. Il convient de retracer les traits les plus marquants de cette
évolution jurisprudentielle. Dès 2006, une sentence permet
à une personne trans de faire figurer sur sa carte d'identité une
photo conforme à son identité de genre. En
132 PETRACCI Mónica (dir.) et PECHENY Mario,
Derechos Humanos y Sexualidad, éd. CEDES, Buenos Aires,
2007.
133 Deux exemples : condamnation à trois ans de prison
du docteur DEFAZIO pour avoir `'mutilé» les organes génitaux
de cinq personnes et rejet par le juge BUNGO CAMPO le 30 mars 1965 du
changement de prénom et de sexe de Maura F. VEGA.
134 Extrait de l'article 19 de la loi : « (É)
No llevar a cabo intervenciones quiroergicas que modifiquen el sexo del
enfermo, salvo que sean efectuadas con posterioridad a una autorización
judicial (É) ».
[Notre traduction de : « Ne pas effectuer des
interventions chirurgicales qui modifient le sexe du malade sauf ci celle-ci
sont réalisées après autorisation judiciaire. »]
35
mars 2007, la Cour Suprême de Buenos Aires permet
à une personne qui a subi une opération chirurgicale de
changement de sexe à l'étranger (au Chili) d'obtenir une
rectification de son état-civil, en adéquation avec son
identité de genre. Le risque d'un tourisme médical au travers de
la confirmation juridique de la situation en Argentine - en sus d'une
hétérogénéité des solutions
fédérales - est présent. Les juges de la Province de
Buenos Aires, dans un arrêt « L.T. s/acción de amparo
» du 10 avril 2008 mettent un frein à cette possibilité
en autorisant l'intervention chirurgicale pour la personne requérante,
opération ne se dressant pas comme condition sine qua none de
la modification officielle du prénom et du genre. La position fût
réitérée et amplifiée en 2010 pour le cas de Tania
Luna : l'actrice argentine devient la première personne a obtenir une
carte d'identité en conformité avec son identité de genre,
sans modification corporelle exigée au préalable.
Pour autant, devant l'absence de loi protégeant ces
solutions sporadiques, il demeure des juridictions récalcitrantes au
moment de consacrer le droit à l'identité de genre. Ainsi en
2011, l'affaire Maiamar Abrodos135 est marquante en raison des
propos utilisés par le juge Miguel GUIRALDES. Rejetant la demande de
changement de sexe et de modification sur la carte d'identité de la
mention du prénom, le juge se trouve dans son bon droit lorsqu'il
justifie cette décision par le « frisson qui le parcourt au simple
fait de penser à cet aller sans retour d'aliénation de
soi-même », contraire aux « lois naturelles ». Y ajoutant
que « ce changement sexuel aura pour conséquence, pour la
requérante, une taille de seins disproportionnellement petite par
rapport à la corpulence masculine ». Cette décision a fait
l'objet d'un appel qui a finalement laissé à discrétion de
la requérante le choix de son identité de genre.
Si ce n'est pas une autorisation expresse ni une
reconnaissance explicite impliquant des obligations positives pour l'Etat qui
est formulée, c'est sous la figure du respect du droit à
l'intimité et de son corollaire - la non-ingérence dans cette
sphère de la part du pouvoir public - que les juges se détachent
peu à peu de la figure paternaliste qui leur collait à la peau
avec leur pouvoir de délivrance d'autorisation. Ils deviennent des
accompagnateurs dans cette procédure de changement de sexe. Notons
qu'ici avec cette obligation légale de chirurgie, nous ne pouvons
consacrer la reconnaissance de l'identité de genre en tant que telle
mais uniquement la reconnaissance de changement de sexe. Pour l'universitaire
ABRODOS, cette décision judiciaire « change tout, absolument tout
». Le 18 septembre 2011, le juge Mario Lescano autorise le changement de
prénom et de sexe arguant que la décision contraire serait
contraire au Droit international des droits humains et à la loi
anti-discrimination.
Ces positions jurisprudentielles marquent le pas vers
l'autonomie de la volonté dans le process de reconnaissance de
l'identité de genre. Devant le caractère discrétionnaire
offert par
135 Maiamar ABRODOS est actrice et Professeure universitaire
à l'Instituto Universitario Nacional de Arte et à
l'Escuela Metropolitana de Arte. Ici, décision judiciaire
dans le cadre du Juzgado Nacional de Primera Instancia en lo Civil
n°106.
36
des solutions casuistiques et au nom de
l'égalité devant la loi de toutes et tous, une uniformisation
législative devient nécessaire. En effet, si certain/es peuvent
patienter durant le temps judiciaire pour une possible autorisation de
changement de sexe et se soutenir (financièrement, psychologiquement,
etc.), ce n'est pas le cas de la majorité des personnes trans qui se
trouvent souvent exclues du jeu socio-économique (voir
Partie II, Chapitre 1, Section 2). Ainsi, à deux reprises
dans la provinces de Cordoba des juridictions se sont déclarées
incompétentes pour statuer sur la question en 2011. Dans l'affaire
Fernando du 6 juin 2011 la demande a été déclarée
irrecevable in limine litis ainsi que dans une affaire du 28 juin 2011
où le juge BUSTOS FIERRAS a estimé qu'il y a un vide juridique
qui devait être comblé. En d'autres termes pour ce dernier il est
du ressort du pouvoir législatif de donner une solution humaine à
un problème complexe (qui mêle médecine, éthique et
droit) que représente la transsexualité. La construction
prétorienne pour un droit à l'identité de genre est
erratique ; quelques juridictions ont finalement réorienté la
question vers un autre pouvoir, celui législatif.
§ 2 PROJETS DE LOI ET PROMULGATION DE LA
LOI
Inscrit dans l'agenda politique, le droit à
l'identité de genre a été interprété par les
juges, ces derniers finissant par se déclarer incompétents en la
matière. Ce travail de légitimisation mené par certaines
juridictions a fini par être entériné par le biais d'une
légalisation d'abord provinciale puis nationale, fruit de cinq projets
de lois dont celui n°8126-D-2010 qui sera celui consacré.
Deux provinces, Santa Fe et Salta ont été
précurseurs du Congrès national. Si dans les deux cas
l'identité de genre n'est plus soumise à examen médical,
ces dernières - par le biais de leurs respectifs pouvoirs
exécutifs - ont abordé la question de manière distincte :
à Santa Fe, il y a eu une conversion en décret d'une sentence
judiciaire136 à faveur de l'activiste trans Alejandra Ironici
et à Salta il y a une juridiccionalisation de la procédure en
référé - via la Résolution n°712/11 du 12
août 2011 - qui a enjoint au Registre civil local d'effectuer les
rectifications demandées. Dans les deux cas, le pouvoir exécutif
ne se substitue ni à celui législatif ni à celui
judiciaire dans la mesure où ses actes demeurent soumis à
homologation judiciaire. Néanmoins, ce processus va retarder le plein
exercice des droits des personnes trans. La loi sur l'identité de genre
sanctionnée le 9 mai pour être promulguée le 23, aura pour
objectif de pallier notamment à cette carence.
136De la sentence n°129 du juge Jorge BARRAGUIRRE
du 9 juin 2011 en décret n°1245 du 28 juin 2011
37
CHAPITRE 2 : INSCRIPTION DANS LE DROIT ARGENTIN DE
L'IDENTITÉ DE GENRE
Avec cet acte politique et législatif qu'est la loi sur
l'identité de genre, la matière s'extirpe définitivement
des définitions médicales pour se baser sur l'autonomie de la
volonté de chacun et chacune (Section 1). Cette
liberté est également accordée dans une certaine mesure
aux personnes mineures. Le choix de l'identité de genre durant la vie
est garanti et s'étend au-delà de ce seuil au travers d'un droit
pénal qui a incorporé une figure sui generis
d'assassinat fondé sur l'identité de genre (Section
2).
SECTION 1 : UNE RÉINTERPRÉTATION DE
L'IDENTITÉ IN FAVOREM DE LA PERSONNE
HUMAINE
Au delà du droit positif, les droits humains se
caractérisent par leur inaliénabilité, universalité
et interdépendance, l'humanité étant le seul
critère discriminant. Lorsque l'identité de genre est
consacrée comme droit humain (paragraphe 1), la loi
hisse au niveau maximal de protection les identités trans. L'Etat
argentin en est désormais le garant ; aux particuliers également
de le respecter dans le cadre d'obligations horizontales.
Transféré sur le plan de la réalité, cette
consécration permet une réinterprétation des
identités trans (paragraphe 2).
§1 LE DROIT À L'IDENTITÉ, UN DROIT
HUMAIN
L'identité de genre peut désormais être
changée sur simple demande administrative (I). Pour
autant, cette procédure inédite ne va pas s'accompagner par
l'octroi de droits spéciaux sinon par un rappel d'une série de
droits humains, universels et inhérents à toutes et tous
(II). La loi argentine, quant à elle, n'est
néanmoins pas universelle : une délimitation territoriale,
personnelle et matérielle ainsi que d'autres conséquences
juridiques tempèrent son champ d'action (III).
Dans l'analyse de ces droits, nous omettrons
intentionnellement d'étudier le cas spécifique des personnes
mineures qui feront l'objet d'un développement ultérieur
(voir Partie II, Section 2, §1) en raison d'un changement
de paradigme plus complet à leur égard et de la
consécration des droits qui leur sont concédés.
38
I. L'identité de genre placée hors des
sentiers médico-judiciaires
La loi promulguée en mai 2012 permet à toute
personne la reconnaissance de son identité de genre (art. 1a). Se basant
sur la définition offerte par les Principes de Yogjakarta, elle est une
expérience interne et individuelle du genre. Aucune
catégorisation comme « travesti », « transexuel/le »
ou « transgenre » n'est faite des personnes qui souhaitent se
prévaloir de cette loi. La reconnaissance étant assurée
par une disposition législative, ce ne sera désormais plus du
ressort des juges de statuer au gré des cas qui viendraient à
surgir devant leurs juridictions sur cette possibilité de changement de
sexe et prénom et adéquation de celle-ci à celle
voulue.
La procédure se fait directement devant le Registre
National d'état-civil de façon gratuite et sans intervention de
conseiller/ère juridique. L'accès facilité est de mise.
Notons que le changement effectué suivant cette procédure ne va
pas supprimer l'acte de naissance originel mais le rectifier en limitant son
accès aux personnes explicitement autorisées par la personne
principalement concernée et au/ à la juge alléguant un
motif écrit et fondé. Le principe de confidentialité va
être assuré par l'article 9 de la loi137. Aucune
publicité n'est faite de la rectification (sauf autorisation du/de la
titulaire), ce qui est favorable à un meilleur respect du droit à
la vie privée.
Ce qui marque cette loi du sceau de l'inédit est
l'absence de pré-requis d'intervention chirurgicale de
réassignation génitale totale ou partielle, de thérapies
hormonales ou tout autre traitement psychologique ou médical (art. 4),
véritable consécration de l'autonomie de la volonté en la
matière. L'identité de genre se place hors des sentiers
médico-judiciaires et les traitements relatifs au changement
d'identité de genre deviennent des droits invocables dont l'accès
est garanti par une gratuité totale. Le droit
dé-médicalise l'identité trans.
Néanmoins, des limites demeurent en vue de
prévenir tout abus en la matière. L'article 8 précise que
la rectification au Registre, une fois effectuée, ne peut être
modifiée de nouveau qu'après autorisation judiciaire. Si le
système établi en 2012 ne consacre pas pour autant un droit
à des allers-retours incessants entre le choix de son sexe et d'un
prénom conforme à la perception de chacun et chacune de son
identité de genre, il ne l'interdit pas non plus. Une boîte de
Pandore est ouverte quant au changement d'identité, dévitalisant
quelques peu de caractère sérieux la loi.
Enfin, un autre principe est posé, celui relatif
à la majorité de l'individu/e souhaitant suivre cette
procédure (art. 4.1) avec l'exception (art. 5) accordée aux
mineurs dans certaines circonstances (voir Partie 2, Chapitre 2,
Section 2 §1).
137 Voir Annexe n°1
39
II. Une réaffirmation du droit de jouir de droits
humains
Les instruments internationaux de reconnaissance de droits des
personnes trans sont caractérisés par leur absence de
caractère inédit. En d'autres termes, ils ne prétendent
pas créer ex nihilo de nouveaux droits pour le collectif mais
bien réaffirmer la jouissance desdits droits inhérents à
tout être humain. Le droit à l'identité de genre devient
droit humain (art. 13 de la loi : « le droit humain à
l'identité de genre138»), protégé de
toute autre règle le violant. Ce droit n'est plus abordé comme un
droit d'un collectif particulier parce qu'il est désormais le droit de
toutes et tous. Désormais, la liberté d'expression inclut celle
relative à l'identité de genre. Comme l'a exprimé Diana
SACAYAN, « nous voulons tout ce que tous ont139 »
: une revendication pour l'égalité est formulée,
nonobstant les caractéristiques propres aux personnes trans.
La loi argentine sur l'identité de genre ne propose pas
un catalogue de droits mais bien un encadrement de la nouvelle
possibilité de reconnaissance de l'identité de genre de chacun et
chacune. L'article 1er précise respectivement dans ses points
b) et c) le droit au libre développement de sa personne
conformément à son identité de genre et celui à
être traité/e conformément à celle-ci (notamment
avec les mentions du prénom, de l'image et du sexe). L'article 11
développe ce droit au libre développement personnel
(A) tandis que le 12 se réfère au traitement
digne (B). La différence majeure entre les deux points
- et qui par là même les rend complémentaires - est celle
entre l'identité et l'expression de genre c'est-à-dire le rapport
du genre par rapport à soi-même d'une part, et au monde
extérieur d'autre part.
A) LE DROIT AU LIBRE DÉVELOPPEMENT PERSONNEL (ART. 11)
Le droit au libre développement personnel s'articule
autour de la notion de santé intégrale. Cette dernière ne
se concentre pas que sur l'aspect physique de la personne trans en lui ouvrant
le droit à avoir accès à des interventions chirurgicales
partielles ou totales mais aussi traite la question des traitements hormonaux.
Dans les deux situations, leur accès est garanti par leur inclusion dans
le Plan Medical Obligatorio (système de sécurité
sociale basique assurant un minima de prestations sociales) et par l'unique
critère du consentement informé de la personne souhaitant
réaliser ces opérations.
138 Voir Annexe n°1. Notre traduction de : «
(É) el derecho humano a la identidad de género (É)
»
139 Notre traduction de : « queremos todo lo que
tienen todos » in « Apoyo a la cooperativa Silvia Rivera »,
consulté sur :
https://vimeo.com/31633841
40
L'autonomie de la volonté est une matrice de la loi et
certains pans de la doctrine140 l'ont estimé dangereuse : la
possibilité ouverte de recourir à des chirurgies
esthétiques totalement remboursées par l'Etat argentin
combinée à celle d'une déclaration simplement
administrative de son identité de genre rend alors facile la tâche
aux requérant/es à des opérations de chirurgies
esthétiques sans intérêt de changement à long terme
de l'identité de genre. Néanmoins - et sans amoindrir les effets
éventuels de ces pratiques - si le système est fondé sur
la liberté individuelle, une présomption de bonne foi est
également posée.
B) LE DROIT À UN TRAITEMENT DIGNE (ART. 12)
La dignité étant l'essence de l'être
humain, le rappel fait par la loi d'un droit à un traitement digne met
en lumière la gravité de la situation auquel étaient/sont
alors confrontées les personnes trans. En l'espèce, l'article 12
se réfère au respect de l'identité adoptée par les
individus. Au-delà de la nouvelle procédure administrative
instaurée par la loi, le traitement digne va aussi inclure la
possibilité, sur « simple demande » de se faire
dénommer par son prénom choisi dans les sphères publiques
et privées. Néanmoins, lorsque la nature de la gestion rend
nécessaire l'enregistrement des données du document national
d'identité, il y a une combinaison des initiales des prénoms qui
est effectuée, le prénom choisi étant toujours celui
utilisé. La citoyenneté trans est assurée par le
caractère privé du changement de prénom.
III. Une extension limitée de la
loi
La loi sur l'identité de genre est une loi argentine
s'appliquant dans un territoire donné, sur certaines personnes
données c'est-à-dire respectant des compétences
rationae loci et rationae personae. Malgré tout,
lorsque nous sommes en présence de droits humains, les frontières
sautent et l'application se fait universelle. Si le droit à
l'identité de genre a été conçu pour « toute
personne » et que nous pouvons parler de droit humain, appliquée,
la loi se restreint à la modification du Registre civil argentin et aux
individus (argentin/es et étranger/ ères) qui résident
légalement en Argentine ainsi qu'aux argentins vivant à
l'étranger. Les personnes trans étrangères et
résidant sur le territoire argentin de manière illégale
sont alors invisibilisées et ne peuvent se prévaloir des droits
contemplés par la loi sur l'identité de genre.
Concernant celles et ceux qui y résident de
façon régulière, deux situations sont à distinguer
selon l'existence ou non d'une modification de l'état-civil dans le pays
duquel la personne requérante est ressortissante. Dans le premier cas,
il y a une procédure de validation
140 PiensoLuegoPiensoLuegoExisto, « Análisis de la
Ley de Identidad de Género en Argentina », 10 juillet 2012
41
de l'acte pris par l'autorité étrangère.
Combinant les articles 75 de la loi n°26.413141 et 9 du
décret n°1007/2012142, la modification s'effectue sur
présentation d'une pièce d'identité, acte de naissance,
passeport, sentence judiciaire ou tout autre document rectificatif du sexe
et/ou changement de prénom du pays tiers sur le document national pour
les étrangers émis par l'Etat argentin. Dans le deuxième
cas, c'est-à-dire en l'absence de reconnaissance de l'identité de
genre du/de la requérant/e dans son pays d'origine du fait d'une
impossibilité ou d'une omission, le décret sus-cité
distingue les individus selon leur situation d'apatridie143 ou de
réfugié144. Une procédure spécifique est
mise en place :
? Pour les cas d'apatridie, l'examen de
l'octroi au préalable de la nationalité argentine ou de la
résidence légale en Argentine est nécessaire. De
là, les règles générales d'application pour les
nationaux ou pour les étrangers résidents
s'appliquent145.
? Pour les personnes réfugiées,
une note consulaire expliquant les causes de l'impossible rectification du sexe
dans le pays d'origine est nécessaire.
? Pour les personnes ni apatrides ni
réfugiées, en plus d'être résident/e légal/e
permanent/e en Argentine et d'avoir le document nacional d'identité pour
les étrangers, le Registre National des personnes requière
d'expliciter les raisons pour lesquelles la rectification du sexe n'est pas
possible dans le pays d'origine.
In fine, la Direction Nationale des Migrations statue
sur la demande et communique au Registre national afin que ce dernier
procède ou non à la modification du Document National
d'identité.
141 art. 75 de la Loi relative au Registre d'état-civil
et à la capacité des personnes : « Las inscripciones
asentadas en los libros de extraña jurisdicción, no podrán
ser modificadas sin que previamente lo sean en su jurisdicción de origen
». [Notre traduction de : « Les données venant de
juridictions étrangères ne pourront être modifiées
que si elles le sont dans la juridiction d'origine. »]
142 Décret d'application de la loi sur l'identité
de genre du 3 juillet 2012, voir Annexe n°2
143 La personne apatride est celle « [É] qu'aucun
Etat ne considère comme son ressortissant par application de sa
législation » (art. 1 de la Convention de New York du 28 septembre
1954).
144 D'après l'article 4 de la loi n°26.165
relative à la reconnaissance et protection du réfugié, la
personne réfugiée est celle qui :
a) due à une crainte d'être
persécuté/e du fait de sa race, religion, nationalité,
appartenance à un groupe social déterminé ou opinions
politiques, se trouve en dehors de son pays d'origine et ne peut ou ne veut
être protégé par ce pays ou, apatride et se trouvant, en
raison de ces évènements, hors de son pays de résidence
habituel et ne peut ou ne veut y retourner;
b) a fuit son pays d'origine ou celui de sa résidence
habituelle dont il n'a pas la nationalité parce que sa vie,
sécurité ou liberté personnelles ont été
menacées par une violence généralisée, une
agression étrangère, des guerres civiles, une violation massive
des droits humains ou d'autres circonstances qui ont gravement perturbé
l'ordre public.
145 Direction Nationale du Registre National des personnes et
Direction Nationale des Migrations, art. 8 des Résolutions communes
n°1/2012 et 2/2012 du 1 février 2013
42
A cette limitation territoriale et personnelle s'ajoute celle
temporelle. En effet, la rectification de l'état-civil n'est pas
applicable rétroactivement, condamnant à l'immutabilité
les relations juridiques antérieurement formées, comme celles de
nature civile (art. 7 de la loi, voir Annexe n°1).
Néanmoins, combinant la loi de Matrimonio Igualitario à
celle modifiant l'article 599 du nouveau Code civil et
commercial146, tant le mariage que l'adoption des couples de
même sexe sont autorisés. Ces nouvelles possibilités
législatives offrent alors indirectement aux personnes ayant
réalisé un changement d'identité de genre plus de droits.
En effet, si l'orientation sexuelle se distingue de l'identité de genre,
il se peut que le changement au registre d'état-civil affecte la
situation familiale du/de la requérant/e.
§2 UNE LOI NOUVELLE, UNE
RÉINTERPRÉTATION EFFECTIVE DES RÉALITÉS
TRANS?
S'étant extirpée de l'analyse scientifique des
réalités, comment la loi interprète t-elle alors la
dynamique des identités trans (I)? Nous nous
demanderons également dans quelle mesure cette loi a
bénéficié effectivement à des individus
(II).
I. Renouveau de la dynamique des identités et
corporalités trans
Selon l'Académie Royale espagnole,
l'identité est ce que chacun/chacune est, ce qui le/la
différencie des autres personnes. Qui mieux que chacun ou
chacune pour savoir qui il/elle est? Cette question
rhétorique est néanmoins censée lorsque nous savons
qu'avant l'approbation de la loi sur l'identité de genre la
définition de l'identité de genre pour les personnes trans
était subordonnée à l'avis favorable de médecins,
psychologues et juges. Elle demeure néanmoins règle en la
matière dans de nombreux pays aujourd'hui.
Cette disposition législative va donner un souffle
nouveau à l'expression et à la reconnaissance de
l'identité et de la corporalité trans. Le prénom
étant un instrument de l'identité personnelle147,
dès lors qu'une personne souhaite être nommée par son
prénom choisi conformément à son identité de genre
(tant dans l'espace public que celui privé) l'article 12 de la loi la/le
protège. Le non-respect par autrui de ce droit peut être
sanctionné par les juges, la pratique étant illégale,
violatrice de la loi. L'identité personnelle, susceptible de violations
externes, doit être sous tutelle juridique car cette dernière
résulte de l'affirmation
146 art. 599 du Nouveau Code civil et commercial : «
Personnes qui peuvent adopter. L'enfant ou adolescent peut être
adopté par deux personnees mariées, en concubinage ou par une
seule personne (É) »
[Notre traduction de : « Personas que pueden ser
adoptantes. El ni-o, ni-a o adolescente puede ser adoptado por un matrimonio,
por ambos integrantes de una uni--n convivencial o por una oenica persona
(É) »].
147 DE CUPIS, I Diritti della Personalità,
op. cit., p.6
43
sociale de l'identité propre148. La
procédure auprès du Registre d'état-civil n'a pas besoin
d'être entamée pour se prévaloir de ce droit qui est
ipso facto un droit acquis. Comme la construction de sa
subjectivité, la lecture du corps trans - sa corporalité - va
être protégée notamment par le biais de l'accès aux
soins (voir Partie II, Chapitre 1, Section 1, §1).
Une des conséquences principales tient en la
visibilisation du collectif trans par la réalisation de registres
concernant leur situation et la possible mise en place de politiques publiques
répondant à leurs problématiques, aux violations de droits
dont ils et elles sont les victimes privilégiées. Ainsi seulement
quelques jours après promulgation de la loi, du 18 au 29 juin, l'INADI
et l'INDEC ont évalué la situation des personnes trans dans la
ville de La Matanza (province de Buenos Aires)149, confrontés
néanmoins aux réticences du public principalement
concerné150.
Les subjectivités trans ne sont plus
considérées par le droit comme étant des
subjectivités malades, dysphoriques. L'avancée argentine
réside dans cette mise à distance de la psychiatrie des personnes
trans, l'affirmation de l'identité étant soumise à seule
information auprès du Registre d'état-civil. De façon
progressive, l'insertion du collectif dans le tissu socio-juridique et sa
possibilité de jouir des droits et libertés essentiels
émerge151. Le droit se dresse comme une matière
vivante, capable de transformer le social car est acteur et sujet de ce
dernier.
La promulgation de la loi n°26.743 a
entraîné la chute d'autres dispositions en vue du respect d'une
cohérence du système légal. Ainsi, l'article 14
déroge l'art. 19 §4 de la loi sur l'art de soigner
n°17.132152 qui interdisait aux médecins d'effectuer des
opérations chirurgicales modificatrices du sexe du « malade »
(ici ce n'est pas le terme patient qui est employé) sauf
autorisation judiciaire préalable.
149 INADI et INDEC, Primera Encuesta sobre población
trans 2012: Travestis, transexuales, transgéneros y hombres trans.
Informe técnico de la prueba piloto - Municipio de La Matanza, juin
2012, p.16, disponible sur : h t t p : / / w w w . t rab a j o . g o v . a r
/ downloads/ divers i d a d sexual/
Argentina_Primera_Encuesta_sobre_Poblacion_Trans_2012.pdf
150 D'après le rapport, « Les personnes trans sont
réticentes à être interrogées même celles qui
sont en lien avec les organisations sociales. » in ibidem, p.
3
[Notre traduction de : « las personas Trans son
reticentes a ser encuestadas, aoen aquellas vinculadas a las organizaciones
sociales » ]
151 Amnesty International France. L'Etat décide qui
je suis. Les personnes transgenres confrontées à des
procédures de changement d'état-civil défaillantes ou
inexistantes en Europe, 2014
152 Notre traduction de : la loi « arte de curar
». Cette dernière fût signée en 1967 sous le
régime dictatorial de Juan Carlos ONGANIA. Disponible sur :
http://servicios.infoleg.gob.ar/infolegInternet/anexos/
15000-19999/19429/norma.htm
44
L'approbation du nouveau Code civil et commercial au 1er
octobre 2014153 va quant à elle déroger la loi
n°18.248 sur les prénoms154 de 1969 qui posait une
limitation quant au choix du prénom, ne pouvant pas - selon l'article
3.1 - être « (É) contraires [aux] coutumes [argentines] ou
suscit[ant] des confusions sur le sexe de la personne ». Le prénom
était objet de jugement avec des critères flous, ouvrant la
brèche à des abus notamment en vertu de l'application de la
récente loi sur l'identité de genre. Aussi, si l'article 15 de la
loi n°18.248 interdisait le changement de prénom sauf en vertu
d'une résolution judiciaire et pour justes motifs depuis, le Code
précise que « le changement de prénom en raison de
l'identité de genre constitue un juste motif et ne requiert pas
intervention judiciaire 155 ». Le législateur a
changé le paradigme et rend alors plus cohérent le système
législatif après l'approbation de la loi sur l'identité de
genre. Néanmoins entre le 23 mai 2012 (date de promulgation de la loi
sur l'identité de genre) et le 9 octobre 2014, le régime
juridique des prénoms souffrait d'une incohérence profonde :
entre le droit à inscrire son prénom conformément à
son identité de genre et l'interdiction de choisir un prénom
suscitant confusion par rapport à son sexe. L'harmonisation à
faveur de ce droit fût effectuée à l'aune du Nouveau code
civil et commercial.
II. Depuis la loi, quelles applications?
Tout ne s'épuisant pas dans le vote d'une loi, sa mise
en exécution est d'autant plus essentielle qu'elle permet la
définition du cadre légal ainsi posé, la jurisprudence
façonnant fortement le cadre légal. A cinq ans de son
entrée en vigueur, et depuis sa première application au travers
du cas de Florencia Trinidad, quant est-il du nombre de personnes qui ont
changé leur prénom, leur photo et sexe mentionnés sur leur
document d'identité? Combien ont effectué une chirurgie de
réassignation sexuelle ou suivent désormais un traitement
hormonal?
Officiellement en mai 2017 et d'après le Registre
National de l'Etat-civil, 5703 personnes auraient mis en oeuvre de cette
manière leur droit à l'identité de genre156
alors qu'en 2014, l'ATTTA et la FALGBT recensaient déjà plus de
6000 personnes (dont 85% de femmes trans). Enfin, en mars 2017 et
d'après la Direction de la diversité de la Neuquén, 10.000
personnes
153 Loi n°26.994 promulguée le 9 octobre 2014
154 Notre traduction de : « La loi relative aux
prénoms ». Loi n°18.248 du 24 juin 1969, dérogée
au 7 octobre 2017 avec la promulgation de la loi n°26.994
155 Notre traduction de : « (É) Se consideran
justos motivos, y no requieren intervención judicial, el cambio de
prenombre por razón de identidad de género (É) »,
extrait de l'art. 69 de la loi n°26.994
156 La Nación, COSTA José Maria, « Ley de
Identidad de Género: en 5 a-os, 5703 personas cambiaron su DNI : El dato
fue informados a La Nación por parte de las autoridades del Registro
Nacional de las Personas », 11 mai 2017, disponible sur :
http://www.lanacion.com.ar/2022571-ley-de-identidad-de-genero-en-5-anos-5307-personas-cambiaron-su-dni
45
ont fait valoir leur droit à l'identité de
genre157. Variables, ces chiffres dénotent une absence de
cohésion de récolte des données entre les
différents niveaux de l'Etat fédéral argentin ainsi
qu'entre les entités elles-mêmes.
Concernant la mise en oeuvre des droits relatifs aux soins des
personnes trans, parmi les 452 femmes et 46 hommes trans interrogés par
l'ATTTA et la Fundación Huesped durant l'année 2013158
33,5% avaient consulté des services de santé pour un traitement
hormonal. De manière générale, les recours aux
consultations médicales ont augmenté. Concernant les chirurgies
de réassignation sexuelle, 3,4% l'avait effectué : cette valeur
corrobore l'idée d'un collectif trans diversifié dans
l'expression de ses identités. Elle met également en exergue que
ces identités ne se réduisent pas à un objectif final
d'obtention d'un sexe en concordance avec son identité de genre. Notons
qu'avant la loi, environ 6 personnes sur 10 avaient recours à des
injections de silicones industrielles ou d'huile de moteur d'avion alors que
désormais ces pratiques tendent à devenir résiduelles
(4,3%). La reconnaissance de l'identité de genre éloigne les
personnes trans de telles pratiques dangereuses.
L'affirmation de son identité de genre, reconnue
désormais par l'Etat argentin, est également favorable à
l'insertion dans le tissu social de la personne en question. D'après
l'ONG Fundación Huesped, durant les deux années qui
succédèrent l'adoption de la loi, les maltraitances physiques et
sexuelles à l'égard des communautés transgenres auraient
diminué de 10%. Elles restent néanmoins très
élevées.
SECTION 2 : UNE LOI PROTECTRICE DES DROITS DE
L'ENFANT ET CONDAMNANT LE MEURTRE DES PERSONNES TRANS
La sanction de la loi fait de l'identité de genre un
droit invocable par toute personne et ce, dès le plus jeune âge.
Les personnes mineures jouissent alors de la possibilité d'exprimer son
soi ressenti et doivent être traités en conformité
avec ce choix par leurs pairs (paragraphe 1). La loi a
également une conséquence en matière de droit
pénal, condamnant désormais l'assassinat pour raison de genre.
D'une stigmatisation des identités trans nous passons à une
criminalisation de leurs détracteurs/trices (paragraphe
2).
157 Rio Negro, « Un d'a para promover los derechos de las
personas trans », 18 mars 2017, disponible sur :
http://
www.rionegro.com.ar/sociedad/un-dia-para-promover-los-derechos-de-las-personas-trans-FB2425241
158 Voir Annexe n°5
46
§ 1 LA POSSIBILITÉ DE L'IDENTITÉ DE
GENRE DÈS L'ENFANCE
D'après le rapport national Cumbia, copeteo y
lágrimas compilé par Lohana BERKINS en 2015, l'expression
sociale de l'identité de genre des personnes trans se fait dans plus de
85% des cas avant l'âge de 18 ans159. Il devient alors
nécessaire de s'intéresser à la situation des enfants
trans dans le cadre de la loi sur l'identité de genre.
L'article 5 de la loi sur l'identité de genre se
réfère de façon exclusive aux personnes mineures. Cette
loi a été la consécration de tout un contexte
jurisprudentiel et légal concernant les personnes mineures en
général (I). En raison de l'âge du/de la
requérant/e, le législateur a rappelé le nécessaire
suivi des principes tirés tant du droit international que de celui
national - la Convention Internationale sur les Droits de l'Enfant (CIDE) et la
loi n°26.061 de protection intégrale des droits des enfants et
adolescent/es (II) - et a ainsi apporté des
tempéraments à cette apparente entière autonomie de la
volonté (III).
I. L'insertion légale et prétorienne de la
personne mineure face à la transidentité
En 2005, la Loi de protection intégrale des droits des
enfants et adolescent/es160 est sanctionnée. Elle
réceptionne du droit international - plus exactement de la CIDE - la
notion d'intérêt supérieur de l'enfant définie comme
étant la « satisfaction maximale, intégrale et
simultanée des droits et garanties reconnus dans la loi »
(art. 1 de la CIDE) comme le droit à la vie, à la
dignité, à la vie privée, à
l'identité161, à la santé, à
l'éducation, etc. Pour le Comité des droits de l'enfant des
Nations Unies, l'identité inclut nécessairement l'identité
de genre et « le droit de l'enfant de préserver son identité
est garanti par la Convention (art. 3.1162) [É], doit
être respecté et pris en considération lors de
l'évaluation de son intérêt supérieur163
». En 2014, Amnesty International publie un rapport164
réitérant l'intérêt supérieur et le
développement des capacités de l'enfant comme guides principiels
dans le changement d'état-civil.
159BERKINS Lohana (dir.), Cumbia, copeteo y
lagrimas (É), op. cit., p. 181
160 Loi n°26.061 Protección integral de los
derechos de las niñas, niños y adolescentes
promulguée au 26 octobre 2005
161 Ce droit à l'identité inclut le droit
à avoir un prénom, la précision « conformément
à son identité de genre » ne sera reconnue que dans la loi
sur l'identité de genre en 2012.
162 art. 3.1 de la CIDE : « Toute décision
concernant un enfant doit tenir pleinement compte de l'intérêt
supérieur de celui-ci. »
163 Comité des droits de l'enfant, Observation
générale n°14: Le droit de l'enfant à ce que son
intérêt supérieur soit une considération primordiale
(art. 3 §1), §55, 2003
164Amnesty International. L'Etat décide qui
je suis, op. cit., p. 22
47
La loi n°26.061 avalise ces positions notamment
lorsqu'elle englobe l'âge, le degré de maturité et la
capacité de discernement dans le respect de l'intérêt
supérieur de l'enfant (art. 1, point d). Dès 2005, sont
posées les matrices essentielles de la loi sur l'identité de
genre : les principes d'autonomie progressive et d'intérêt
supérieur de l'enfant.
Au même titre que la construction prétorienne qui
a été favorable à la consécration du droit à
l'identité de genre pour les personnes majeures (voir Partie
I, Chapitre 1, Section 2, §1), ce contexte légal s'est vu
être accompagné d'un travail jurisprudentiel qui a conduit
à une montée en puissance des droits des personnes mineures. Par
exemple, concernant l'exercice des droits sexuels indépendamment de
l'autorité parentale (Tribunal Supérieur de Justice de la CABA,
affaire « Liga de Amas de Casa, Consumidores y Usuarios de la
Repoeblica Argentina y otros c/ Gobierno de la Ciudad de Buenos Aires »
du 14 octobre 2013) ou de soins palliatifs (Tribunal familial, enfance et
adolescence n°2 de Neuquén, affaire « N. N. » du
20 mars 2006 ; Tribunal civil et commercial n°9 de Rosario, affaire
« S. M. E. y otros » du 15 août 2008). Le 21
août 2007 marque la première décision165
d'autorisation d'une intervention chirurgicale des organes génitaux sur
une personne mineure.
Après promulgation de la loi sur l'identité de
genre, Luana devient la première mineure trans du monde : à ses 6
ans, sa carte d'identité est en adéquation avec son
identité de genre ressentie et ce, sans jugement judiciaire ou
médical préalable. Aucun âge minimum n'est posé par
la loi sur le droit à l'identité de genre, la modification en
2015 du Code civil et commercial ayant donné une nouvelle perspective de
l'appréciation de la capacité juridique de la personne
mineure.
II. Un changement de paradigme au titre de
l'intérêt supérieur de l'enfant et de la capacité
juridique progressive
En 2009, la loi sur les droits des patients dans leur relation
avec les professionnels et institutions de santé166 pose le
« droit d'intervention » des personnes mineures sur des
thérapies et procédés médicaux ou biologiques qui
affectent leur vie ou santé. Le législateur renforce le pouvoir
de la personne mineure sur la disposition de son propre corps. La santé
-
165 Tribunal de 1ère instance civil,
commercial, de conciliation et familial de Villa Dolores, arrêt
« C. J. A. y otra s/ solicitan autorización » du 21
août 2007.
166 Loi nationale n°26.529 Derechos del Paciente en
su Relación con los Profesionales e Instituciones de la Salud du 19
novembre 2009
48
entendue de façon intégrale167 - va
être un levier essentiel pour une interprétation à faveur
du droit à l'identité de genre des enfants qui se verra
être particulièrement protégé168.
A l'heure de rédiger le Nouveau Code civil et
commercial en 2015, plusieurs modèles s'offrent au législateur :
la fixation de paliers d'âge assurant une harmonie objective des
solutions169, d'un critère tiré de la casuistique
jugeant de la capacité en fonction de l'individu ou alors, d'une
présomption de capacité sauf preuve contraire170. Lors
de l'élaboration du projet de code171 il y a une fusion des
trois perspectives, créatrice peut-être de confusion. Entre une
appréciation objective fondée sur des tranches d'âge et
celle subjective de « maturité suffisante », le nouveau
curseur est posé, comme le dispose l'article 26 en son point 2 : «
Néanmoins, la personne qui a l'âge et la maturité
suffisante peut exercer seule les actes qui lui sont permis par
l'ordonnancement juridique (...)172 ».
En 2012, la voie à la reconnaissance légale du
droit à l'identité de genre est ouverte. Cette dernière
est déjà inédite car, comme nous l'avons vu, l'Argentine
est l'un des rares pays aujourd'hui à ne plus exiger de diagnostic
médical, psychologique ou sentence judiciaire. Au-delà, le
législateur a aussi ouvert la possibilité aux personnes mineures
de se prévaloir de ce
167 Selon l'OMS, la santé ne se limite pas à
l'absence de maladie ou d'infirmité mais se comprend comme un «
état de complet bien-être physique, mental et social » in
Préambule à la constitution de l'OMS, tel qu'adopté
par la Conférence internationale sur la Santé, qui s'était
tenu à New York du 19 juin au 22 juillet 1946 ; signé le 22
juillet 1946 par les représentants de 61 Etats. Entré en vigueur
le 7 avril 1948.
168 Notre traduction de l'art. 12 de la loi sur
l'identité de genre : « Traitement digne. L'identité de
genre adoptée par les individus, en particulier par les enfants et
les adolescents, devra être respectée. »
169 Pour certains auteurs comme Nestor SOLARI ou Silviana
FERNANDEZ, 14 ans est la limite d'âge objective à partir de
laquelle l'individu mineur peut décider librement de changer son sexe au
registre. Selon Vélez Sarsfiled (note sous l'article 128 du Code civil
in GORDILLO Agustin, Tratado de derecho administrativo, Tome
IV, pp. I-8 à I-11, points 3.7 et 4) étant donné que le
changement d'état-civil s'extirpe du droit civil pour tomber dans
l'orbite du droit administratif, d'après lequel 14 ans est l'âge
de raison et donc justifie qu'il soit un pallier majorant la capacité de
la personne mineure.
170 Ici, tout acte pour exercer un droit personnel d'un
personne mineure qui a la maturité et l'âge suffisants est
réputé réalisé avec discernement, intention et
liberté, in HERRERA Marisa et MINVERSKY Nelly, «
Autonom'a, capacidad y participación a la luz de la ley 26.061
» in GARCIA Méndez, Emilio (dir.), Protección
Integral de Derechos de Niñas, Niños y Adolescentes.
Análisis de la ley 26.061, Buenos Aires, Fundación
Sur-Editores del Puerto, 2006, pp. 43 et ss.
171 Le projet de Code civil et commercial s'est
effectué dans le cadre de la Commission de révision
désignée par le décret n°191/2 intégrant
Ricardo LORENZETTI, Elena HIGHTON DE NOLASCO et Aida KEMELMAJER DE CARLUCCI .
Disponible sur :
http://www.nuevocodigocivil.com/wp-content/uploads/2015/texto-proyecto-de-codigo-civil-y-comercial-de-la-nacion.pdf
En 2003 et en 2011 KEMELMAJER DE CARLUCCI avait
déjà écrit en faveur de l'usage de la casuistique dans la
détermination de la capacité de la personne mineure : KEMELMAJER
DE CARLUCCI Aida, « El derecho del menor a su propio cuerpo
», in Borda G. (dir.) La persona humana, 2011, p. 256 ;
« El derecho del niño a su propio cuerpo » in Bergel,
S. et MINVERSKY N. (dir.), Bioética y derecho, 2003, p. 114
172 Notre traduction de l'art. 26, point 2 : « No
obstante, la que cuenta con edad y grado de madurez suficiente puede
ejercer por s' los actos que le son permitidos por el ordenamiento jur'dico
(...) ».
49
droit, contrant alors le traditionnel principe
d'incapacité absolue de ces dernières. En effet, selon l'article
54 du Code civil dérogé en 2015 : « [avaient]
incapacité absolue : (É) les mineurs impubères ».
Nous nous demanderons alors si cette refonte des bases des règles
civiles a permit de trouver un équilibre entre l'exercice des droits des
personnes mineures par le biais de leur/s représentant/e/s
légal/e/aux et leur autonomie de la volonté.
Selon DE ASIS, la capacité juridique nous
révèle l'éthique juridique et permet la
détermination du sujet de droit et de sa dignité
humaine173. L'article 12.1 de la CIDE énonce que : « les
États parties garantissent à l'enfant qui est capable de
discernement le droit d'exprimer librement son opinion sur toute question
l'intéressant, les opinions de l'enfant étant dûment prises
en considération eu égard à son âge et à son
degré de maturité ». Se conformant à la règle
internationale, le 1er août 2015 le Code civil est
substitué par le nouveau Code civil et commercial qui met un coup
d'arrêt au paradigme de l'enfance comme période temporelle
d'incapacité absolue. L'autorité se substitue à la
responsabilité parentale et les personnes mineures passent d'un statut
d'objet de protection à celui de sujet de droit,
jouissant de droits et de garanties. En effet, suivant les
considérations du Comité des droits de l'enfant, « à
mesure que les enfants acquièrent des capacités, ils ont droit
à un niveau croissant de responsabilité en ce qui concerne le
règlement des questions les concernant174 ». Faisant
siennes les affirmations onusiennes, le législateur argentin va tenter
de donner un nouveau souffle à la matière, notamment en posant
des limites à la discrétionnalité des décisions
externes à la personne mineure.
III. Des tempéraments à l'autonomie de
la volonté de la personne mineure : responsables légaux, avocat
de l'enfant et opinion médicale
Si c'est bien sur la base de l' « expresse consentement
» (art. 5) de la personne mineure que la procédure de changement de
prénom et de sexe se fait, cette dernière reste dépendante
de tierces personnes : le recours obligatoire à un avocat
spécialiste des questions d'enfance et de jeunesse et l'accompagnement
des représentant/e/s légal/e/aux. En cas de négation ou
d'impossibilité matérielle d'obtention du/des consentement/s du
ou des représentant/e/s légal/ e/aux, la situation est
présentée en référé175 afin que
les juges tranchent la question, guidés par les principes
précisés antérieurement. Un certain retour à une
juridiccionnalisation de l'identité de genre s'entrevoit. Dans ce cadre,
la personne mineure bénéficie du droit à une
173 DE ASIS Roig « Sobre la capacidad » in
Palacios Agustina et Barifel, Francisco (dir.), Capacidad jur'dica,
discapacidad y derechos humanos. Una revisión desde la Convención
internacional sobre los derechos de las personas con discapacidad, 2012,
p. 13 y ss.
174 Comité des droits de l'enfant, Observation
générale n°12, § 85, 2009
175 Notre traduction équivalente à la
procédure de la « v'a sumar'sima ».
50
assistance juridique. Comme le rappelle l'article 8 de la
CIDE, « si un enfant est illégalement privé des
éléments constitutifs de son identité ou de certains
d'entre eux, les Etats parties doivent lui accorder une assistance et une
protection appropriées, pour que son identité soit
rétablie aussi rapidement que possible. » Le législateur
argentin à l'aune de la rédaction de la loi sur l'identité
de genre a incorporé la figure de l'avocat de l'enfant
déjà présente dans la loi n°26.061 à l'article
27 c), exception à la règle d'absence de tout
intermédiaire176 dans ce processus administratif qui se fait
« au travers ses représentants légaux177 »
qui résonne comme un héritage de la patria potestad.
Notons que sur ce dernier point Silviana FERNANDEZ précise que le
consentement d'un/e seul /e représentant/e légal/e est
nécessaire et suffisant en raison de leur simple qualité de
pétitionnaires représentants de la volonté de la personne
mineure178. Le droit à l'identité de genre est bien un
droit personnel et même si son exercice requiert parfois l'intervention
d'une personne majeure, celui-ci ne va en aucun cas déplacer la
volonté du sujet, unique titulaire de ce droit179.
Au delà des questions à l'accès à
la modification au registre civil et du respect de l'identité de genre
adoptée, il y a celle concernant l'accès à une
intervention chirurgicale. En effet, la loi sur l'identité de genre
légalise la modification de l'apparence ou de la fonction corporelle
(art. 2). Ainsi, nous nous extirpons du giron de l'article 56 du Code civil et
commercial qui limite les actes de dispositions sur son propre corps au nom de
la morale ou des bonnes moeurs car ici, l'amélioration de la
santé de la personne se présente comme un juste
motif180. En la matière, les tranches d'âge seront
particulièrement usitées : pour les traitements non invasifs,
l'exigence des 13 ans révolus est posée; pour ceux invasifs -
donc ceux liés aux traitements hormonaux et autres opérations de
chirurgie - elle est élevée à 16 ans. Ces paliers vont
dans le sens d'une capacité progressive à mesure que la personne
mineure s'approche de la majorité. Ils correspondent à la
distinction faite par l'article 25 du même Code c'est-à-dire
à l'inclusion du sous-groupe « adolescent/e/s » dans le groupe
des
176 art. 6 de la loi nationale n° 26.743. Est fait
référence à un gestor ou abogado. [Notre
traduction de : « conseiller ou avocat ».]
177 ibidem, art. 5
178 FERNANDEZ Silviana, « La realización del
proyecto de vida autorreferencial. Los principios de autonomie y
desjudicializacion », La Ley suplemento especial « Identidad de
género y muerte digna », mai 2012, pp. 20-21.
179 Direction des Affaires légales, avis n° 2064/2013
et résolution n°1589/2013
180 « Article 56 du Code civil et commercial : Actes de
disposition de son propre corps. Sont interdits les actes de disposition de son
propre corps lorsque ceux-ci provoquent une diminution irréversible de
son intégrité ou sont contraire à la loi, à la
morale ou aux bonnes moeurs. Exception est faite lorsqu'ils sont
effectués pour améliorer la santé de l'individu et,
exceptionnellement, d'une autre personne, conformément à la loi.
»
[Notre traduction de : « Actos de disposición
sobre el propio cuerpo. Están prohibidos los actos de disposición
del propio cuerpo que ocasionen una disminución permanente de su
integridad o resulten contrarios a la ley, la moral o las buenas costumbres,
excepto que sean requeridos para el mejoramiento de la salud de la persona, y
excepcionalmente de otra persona, de conformidad a lo dispuesto en el
ordenamiento jur'dico. »]
51
personnes mineures qui sont âgées de plus de 13
ans. Notons que ces âges se basent sur des présomptions simples,
admettant donc preuve contraire. L'argument de la maturité, subjectif,
peut alors être allégué. D'ailleurs, lorsque la personne
mineure souhaite invoquer son droit à l'accès à une
intervention chirurgicale (qu'elle soit totale ou partielle, une ou multiples),
l'autorité judiciaire revient sur le devant la scène pour
répondre au voeu du/de la requérant/e mineur/e sur la base d'une
opinion médicale sur les conséquences de la réalisation ou
non de l'acte médical.
§ 2 : LE DROIT À LA VIE VIDÉ DE SA
SUBSTANCE : LE TRAVESTICIDE
Le droit à la vie est celui duquel découle tous
les autres droits humains. Son exercice est donc central et jouit d'une
protection internationale dans divers instruments181. Dans ce cadre,
tous les droits associés à une personne perdent sens lorsque le
droit à la vie n'est plus garanti182. Ici nous
n'étudierons pas les autres types de violences -
développées sous la notion de travesticide social
(voir Partie II, Chapitre 1), le parti pris étant
de différencier l'assassinat d'une personne en raison de son
identité de genre des autres formes de violence sur la base d'un
critère de gravité, d'une échelle d'exacerbation de la
haine.
D'après l'Observatoire des personnes trans
assassinés de l'ONG Transgender Europe183, la
région d'Amérique centrale et du Sud est la plus violente en la
matière : 78% des 2115 meurtres de personnes transgenres y ont eu lieu
entre 2008 et avril 2016. L'Argentine occupe la 11ème place
mondiale avec plus de 48 assassinats répertoriés sur la
période. La Commission interaméricaine, dans un communiqué
du 23 mars 2017184 a mis en garde la communauté
américaine sur des chiffres déjà alarmants pour
l'année 2017 concernant les travesticides. En octobre 2015, elle avait
prié l'Etat argentin d'adopter les mesures nécessaires pour
garantir le droit à la vie et à l'intégrité
physique des défenseuses et défenseurs des droits humains,
notamment celles et ceux luttant contre les discriminations fondées sur
l'orientation sexuelle
181 art. 3 de la DUDH; art. 6 du PIDCP; art. 9 Convention
internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants
et des membres de leur familles; art. 6 Convention de New York; art. 10
Convention relative aux droits des personnes handicapées; principe
n°1 des Principes relatifs à la prévention efficace des
exécutions extrajudiciaires, arbitraires et sommaires et aux moyens
d'enquêter efficacement sur ces exécutions; art. 7
Déclaration des Nations Unies sur le droit des peuples autochtones; art.
5 Déclaration sur les droits de l'Homme des personnes qui ne
possèdent pas la nationalité du pays dans lequel elles vivent;
art. 1 Déclaration interaméricaine des Droits et Devoirs de
l'Homme; art. 4 de la Convention interaméricaine des Droits de
l'Homme.
182 CIDH. Arrêt « Villagrán Morales y
Otros c. Guatemala », (affaire « Niños de la Calle
»), 19 novembre 1999, Série C n°63, §144
183 Observatoire des personnes trans assassinées dans
le monde, disponible sur :
http://transrespect.org/es/map/
trans-murder-monitoring/
184 Com. IDH, « C[om.] IDH condena
alarmantes cifras de asesinatos de personas LGBT en la regi--n en lo que va del
a-o », 23 mars 2017
52
ou l'identité ou expression de genre. Ce
communiqué185 faisait suite au meurtre de l'activiste Diana
Sacayán. Son assassinat fût le premier à être
qualifié de Ô'féminicide», terme créé
à l'aune de la lutte féministe mais insuffisant pour incarner la
réalité trans : le travesticide émerge alors
(I). Pour autant, dans la pratique, son usage est
décevant (II).
I. Une notion tirée du féminicide :
rapprochement entre lutte féministe et lutte trans
La question posée au préalable est celle de
l'intégration des femmes trans dans les manifestations de défense
des droits de la femme en Argentine. Judith BUTLER dans Deshacer el
género186 (2006) se demande continuellement qui est
« la » femme, qui peut la définir et au nom de
qui. Nommer qui est sujet du féminisme et délier les
luttes se complexifie, certain/es étant partisan/es d'une lutte commune,
d'autres de la dissociation des revendications, faisant peut-être
l'amalgame entre lutte féministe et lutte féminine. Pour ITZIAR
Ziga, « il n'y a pas plus féministe que le défi
trans187 » ; l'amalgame ne serait en fait que le fruit vertueux
d'une vision intersectionnelle des réalités. Dans cet
argumentaire, la dénonciation d'une société patriarcale et
machiste issue de l'hétéronormativité unit femmes non
trans et femmes trans. Nous parlons alors de
transféminismes188. Il existe d'ailleurs un point
où l'inclusion de la lutte trans dans celle féministe s'est
révélée évidente : en 2010, le Conseil National de
la Femme s'est convertit en Conseil National de toutes les
Femmes189, contemplant désormais une partie du collectif
trans. Les hommes trans sont néanmoins écartés du giron de
l'institution.
Nommer et créer des figures sui generis permet
de visibiliser un phénomène, reconnaître l'expression de la
discrimination en son plus haut point : l'assassinat d'une personne en raison
de son genre ou de son identité de genre. Dans le premier cas, le
fémicide a été théorisé en 1992 par Jill
Radford et Diana Russel dans Femicide : the politics of woman killing.
Dès 1993, la ville de Ciudad Juárez devient le
théâtre macabre de l'incarnation de ce terme,
185 Com. IDH, « C[om.] IDH condena asesinato de defensora
de derechos humanos de personas trans en Argentina », 30 octobre 2015
186 Littéralement, « dé-faire », «
dé-construire le genre ».
187 ITZIAR Itziar, « El género desordenado :
Cr'ticas en torno a la patologización de la transexualidad » in
COLL-PLANAS Gerard, MISSE Miguel, El género desordenado
(É), op. cit., pp. 205-208
188 Transféminismes est pluriel car
reflète la diversité des alliances faites entre des personnes qui
expriment des corporalités, pratiques sexuelles, façons de nouer
des relations et de manières de vivre et qui sont définies comme
« pathologiques », « anormales » et « déviantes
», donc fortement exposées à un ensemble de dominations, de
discriminations et de violences comme résultantes du système
hétéronormatif in OUTrans, Les
transféminismes.
189 Le « Consejo Nacional de la Mujer » a
été renommé « Consejo Nacional de las Mujeres »
in Plan Nacional De Acción para la prevención, sanción
y erradicación de la violencia contra las mujeres 2016- 2017, p.
20
53
mettant à jour de nombreuses disparitions et
assassinats de femmes caractérisés par une violence accrue
(viols, tortures, corps mutilés, démembrés, nus,
jetés dans des terrains vagues ou poubelles etc.). La barbarie
reçoit un écho international et le Mexique est
déclaré responsable internationalement par la CIDH dans une
sentence exemplaire du 16 novembre 2009190. L'anthropologue
mexicaine Marcela LAGARDE est la première à concrétiser le
terme feminicidio en 1996 afin de le différencier de
l'homicide191 et de mettre en exergue une tolérance
sociale et une impunité étatique qui se cachent derrière
la figure. Le meurtre en raison de l'identité de genre quant à
lui, peine à être invoqué en tant que tel dans les
tribunaux.
II. Un recours à la figure du travesticide
décevant dans la pratique
Depuis la loi n°26.791 du 11 décembre 2012 en
Argentine192, l'assassinat d'une femme par un homme pour violence de
genre (art. 80.11) et celui basé sur l'identité ou expression de
genre de la personne (art. 80.4) deviennent réprimés par une
peine de prison à perpétuité. Les circonstances entourant
la situation vont qualifier ces figures d'homicides aggravés.
Pour autant, si le droit pénal encadre le meurtre de
personnes en raison de leur identité de genre, la notion de
Ô'travesticide'' n'y est pas explicitement reconnue. Doctrine et
activistes de défense des droits humains comme Sacha
SACAYAN193 urgent l'Etat de nommer ce
phénomène194. La coordinatrice de l'Unité du
procureur spécialisée en violence contre les femmes s'est
également exprimée en faveur de cette consécration afin de
protéger cette population vulnérable195.
190 CIDH, arrêt « Gonzalez y otras vs. México
» (Affaire `'Campo algodonero»), 16 novembre 2009
191 En espagnol, « homicidio ».
192 Notre traduction de l'article 80 du Code pénal
argentin disposant que : « (É) est puni de la réclusion
à perpétuité la personne qui tue : (É)
4° par plaisir, avidité, haine raciale,
religieuse, en raison du genre ou de l'orientation sexuelle,
de l'identité de genre ou son expression. (É)
;
11° une femme quand le fait est perpetré par
un homme moyennant violence de genre (É) ».
193 Coordinateur du collectif MAL et frère de Diana
SACAYAN
194 Sur la nécessité de commencer à
parler de travesticide in « Sasha Sacayán: «empecemos
a hablar de travesticidio» », 7 mai 2016, in Marcha
195 D'après Marielle LABOZETTA, « l'utilisation du
terme travesticide est intéressante dans le cadre d'une affaire
pénale parce qu'il rend compte d'un phénomène nouveau
concernant les sanctions juridiques. Ce dernier met en exergue les violences
envers une communauté vulnérable, particulièrement
dépourvue de droits et plus touchée par la violence
institutionnelle (santé, police), restant exclue du marché du
travail » in Pagina/12, BAKER Juliana, « La balanza para
nuestro lado », 12 septembre 2016
54
A défaut de cela, la CSJN a inclut les femmes trans
dans son rapport sur les féminicides de 2016196, alors
impulsée par le cas de Diana Sacayán. Ainsi 5 cas de
travesticides ont fait l'objet d'une procédure judiciaire au cours de
l'année 2015, ces derniers ayant eu lieu dans les provinces de Formosa,
Jujuy, Mendoza, Misiones et Rio Negro. Sur la même période,
l'Observatoire des Feminicides Adriana Marisel Zambrano coordonné par
l'ONG Casa del Encuentro et par l'Observatoire Mujeres de la
Matria Latinoamericana ont également enregistré 5 cas de
travesticides. Si ces données ne précisent pas l'avancée
judiciaire des procès, peu comptent des sentences condamnatoires,
amenuisant alors l'effectivité de l'article 80.4 du Code pénal et
rendant insatisfaisante la diligence due pour enquêter ces crimes.
Ces données ne représentent pas les
réalités argentines : l'impunité de fait, l'absence de
recours à la justice par peur de représailles, le mauvais
traitement des opérateurs de justice ont pour conséquence un
manque de juridictionnalisation des cas et donc, une invisibilisation de
l'enregistrement de ces situations par les pouvoirs publics. Laura Elena
MOYANA, Marcela CHOCOBAR, Brigitte NIETA, Bella INOSTROZA, Jose ZALAZAR
MATURANO, Erika ROJAS, Soledad ITURRE, Zoe QUISPE, Fernanda COTY
OLMOS197 sont des exemples concrets de travesticides restés
impunes, une inactivité des pouvoirs publics dénoncée par
les ONG. Cette liste est non exhaustive. Romina PEREYRA, activiste et membre de
la Commission Justice pour Diana Sacayán, a même
dénoncé le fait que : « nous vivons aujourd'hui
confronté/es à un assassinat par semaine d'une camarade
travestie198 ». Cette allégation s'écarte alors
des chiffres révélés ci-dessus, qui répertorient
environ un assassinat tous les deux mois et demi.
Dans une tentative d'amélioration systémique, un
Observatoire des causes des féminicides incluant les travesticides et
les transféminicides serait créé au sein de l'Oficina
de las Mujeres de la CSJN. Est attendu pour juin 2018 son premier rapport.
Même si ce travail est déjà effectué par des
ONG199, la prise en charge par le Pouvoir législatif de la
question favoriserait la prévention efficace et ciblée au travers
de politiques publiques de ces assassinats en sus de renforcer la perspective
de genre dans le droit national.
196 CSJN, Registro nacional de femicidios de la Justicia
Argentina. Datos estadisticas del Poder Judicial sobre femicidios, 2016,
p. 8. Ce registre est la 2ème édition, la CSJN ayant
commencé la réportorisation des féminicides (puis dans le
rapport cf. supra des travesticdes) en 2015 sur la base des
données 2014.
197Akahatá, Agrupación Nacional Putos
Peronistas et autres, Situación de los derechos humanos de las
travestis y trans en Argentina. Evaluación sobre el cumplimiento de la
Convención para la eliminación de todas las formas de
discriminación contra las mujeres, 2016, pp. 12-13
198Entretien durant la marche du 28 juin 2016 de
Romina Pererya in Equal Times
199 Devant l'absence de registre étatique, en 2008
l'ONG Casa del Encuentro est la première à rendre un
rapport sur les feminicides en Argentine, s'extirpant de la notion de crime
passionnel invoqué pour qualifier ces assassinats en raison du
genre. De ce point de vue, l'assassin est exonéré partiellement
de sa responsabilité en raison de ses sentiments passionnels
incontrôlés face à une victime culpable d'avoir
provoqué ce déchainement.
55
Si le droit à être, le droit à
l'identité a été reconnu en mai 2012 par le
législateur argentin s'est-il vu être accompagné de
politiques assurant la vie sociale des individus qui ont invoqué
à leur faveur cette loi? En effet, être reconnu/e en tant que
personne conformément à son identité de genre n'implique
pas nécessairement des conditions d'existence dignes. Or d'après
l'article 1er de la DUDH tous les êtres humains «
naissent libres et égaux en dignité et en droits ». Vivre
dignement est donc une exigence tirée du droit international qui a
valeur constitutionnelle dans le droit argentin depuis 1994. Celle-ci doit
faire l'objet d'une protection positive et pro-active de la part de l'Etat
argentin qui doit se défendre de toute politique discriminatoire.
Interroger les politiques publiques en la matière est donc essentiel.
56
PARTIE II. DISCRIMINATIONS : LES RÉSULTANTES DU
TRAVESTICIDE SOCIAL
57
Les droits humains s'inscrivent dans un continuum, le
droit international nous rappelant que « tous les droits humains sont
universels, indivisibles, interdépendants et
intereliés200 ». La question de la virtualité du
droit à l'accès aux soins et des droits économiques,
sociaux et culturels en particulier dans un contexte de discrimination est ici
formulée. Nous nous questionnerons sur l'incidence des conditions
d'existence du collectif trans comme facteur discriminatoire.
Une personne trans en Argentine a une espérance de vie
de 35 ans201 alors que la moyenne nationale est de 75
ans202. Aujourd'hui seulement 7,8% de la population trans argentine
a plus de 42 ans203. Les circonstances de vie du collectif trans -
différentes sur certains points précis du reste de la population
- sont l'une des causes de ces possibilités restreintes face à la
vie. En effet, si en théorie la possession de documents officiels
accréditant l'identité de genre va garantir au citoyen trans la
jouissance au plein-accès d'une série de droits, les
réalités démontrent que des discriminations demeurent
(Chapitre 1), celles-ci étant parfois
normativisées (Chapitre 2). Pour Josefina
Fernández, nous ne pouvons comprendre la construction de
l'identité sans se saisir des conditions d'existence204.
Cette partie est donc un éclairage essentiel pour la réalisation
de l'identité trans dans le contexte argentin.
CHAPITRE 1 : ELÉMENTS DU TRAVESTICIDE SOCIAL
ARGENTIN
L'origine de l'expression travesticide social - comme
celle de travesticide - est attribuée à Florencia
GUIMARAES et est utilisée pour nommer les violences souffertes par le
collectif trans hormis celle impliquant la mort (cf. travesticide). Il
revêt une dimension symbolique et sociale forte qui va finir par obstruer
l'accès à certains droits.
Dans notre étude, les éléments du
travesticide social sont analysés comme des points de
vulnérabilité : violence et exclusion familiale et sociale,
exclusion du système éducatif et monde du travail, accès
à un logement, prostitution et situation de rue, VIH, sida,
interventions chirurgicales dangereuses, usage d'hormones sans prescription
médicale, alcool et drogues, violences institutionnelles etc. Ainsi,
pour délier ces obstacles il nous est
200 DUDH ; Conférence mondiale sur les Droits humains,
Vienne, 1993
201 BERKINS Lohana, Cumbia, copeteo y lagrimas (É),
op. cit.
202 INDEC. Tables de mortalité, période
2008-2010, p. 14 disponible sur :
http://www.indec.gov.ar/nuevaweb/
cuadros/2/proyeccionesyestimaciones_nac_2010_2040.pdf
203 BERKINS Lohana (dir.). Cumbia, copeteo y lagrimas
(É), op. cit., p. 181
204 BERKINS Lohana, « Un itinerario pol'tico del
travestismo » in MAFFIA Diana (dir.), Sexualidades Migrantes.
Género y Transgénero. Buenos Aires : Feminaria Editora,
2003
58
nécessaire d'aborder le travesticide social sous une
perspective intersectionnelle. Kimberlé CRENSHAW, lorsqu'elle utilise et
définit ce terme au début des années 1980 se
réfère à une méthodologie d'inclusion du genre et
de la `'race» dans le droit. Dans cette optique le genre - pierre
angulaire de notre étude - se verra être couplée avec des
données relatives à la santé (Section 1)
ainsi que d'autres socio-économiques (Section 2) aux
fins de croiser les regards et de tenter une approximation des
réalités plus aiguisée.
SECTION 1 : UN CHEMIN ERRATIQUE POUR ATTEINDRE
LE DROIT DE JOUIR DU MEILLEUR ÉTAT DE SANTÉ POSSIBLE
Le droit de jouir du meilleur état de santé
possible est protégé constitutionnellement, consacré par
le droit international205. Dans le cadre des procédures
spéciales onusiennes, un/e Rapporteur/euse spécial/e sur le droit
de toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et
mentale susceptible d'être atteint est chargé d'effectuer des
visites in loco afin de rendre compte de la situation en cette
matière. Depuis son institution en 2003, l'Argentine n'a pas encore
reçu sa visite.
Dans la grille de lecture de ce droit figurent les conditions
d'un terrain de nondiscrimination. Néanmoins, l'étude de
l'accès aux soins tempère les optimismes de la loi sur
l'identité de genre (paragraphe 1). Le Comité
des droits économiques, sociaux et culturels a rappelé que
l'état de santé, comme le VIH ou le sida, ne peut restreindre ou
annuler la virtualité du droit à l'accès aux
soins206. Nous nous demanderons dans quelle mesure la forte
prévalence chez la population trans du VIH et du sida va influer sur
l'accès au meilleur état de santé possible
(paragraphe 2).
§ 1 L'ACCÈS AUX SOINS COMME PRÉ-REQUIS
AU DROIT À LA SANTÉ
Ce droit à la santé contient à la fois la
question de la réalité des traitements et opérations
proposées aux personnes trans (I) mais aussi celle des
lieux où ces dernières peuvent être réalisées
(II), deux dimensions interdépendantes l'une de
l'autre.
205 art. 12 du PIDESC; art. 24 de la CIDE; art. 25 de la
Convention relative aux droits des personnes handicapées
(approuvée par l'Etat argentin par le biais de la loi n°26.378);
art. 10 du Protocole de San Salvador
206 Comité des droits économiques, sociaux et
culturels, Observation générale n°14 sur le droit au
meilleur état de santé susceptible d'être atteint, 2000,
§18
59
I. Accès aux traitements hormonaux et aux
interventions chirurgicales
La loi sur l'identité de genre a consacré en
2012 le droit d'accéder à des interventions chirurgicales et aux
traitements hormonaux intégraux pour adapter son corps à son
identité de genre perçue. Néanmoins, il aura fallut
attendre le 20 mai 2015 pour que le décret d'application n°903/2015
(ci-après le décret) soit approuvé et
définisse dans des termes plus concrets cette possibilité
notamment concernant le fait que l'ensemble de ces soins médicaux est
pris en charge par l'Etat argentin, peu important le caractère de
l'institution médicale (publique, privée ou relevant des
obras sociales207) : la gratuité étant une
des conditions à l'accessibilité.
Loin de se restreindre à une liste exhaustive, le
décret (plus particulièrement, son annexe) dresse quelques
exemples de chirurgies : augmentation mammaire, mastectomie, plastie
d'augmentation des fesses, orchiectomie, pénectomie, vaginoplastie,
clitoroplastie, vulvoplastie, anexohisterectomie, colpectomie, metoidioplastie,
scrotoplastie, phalloplastie.
Le 23 mai 2016208 une résolution du
Défenseur du peuple va rappeler l'obligation
209
incombant à une obra social de couvrir
intégralement le coût financier d'une opération de
chirurgie de réassignation génitale. En l'espèce, le refus
de l'Institut était fondé sur l'absence de caractère
curatif, préventif ou de réhabilitation et sur une
prétendue exemption d'application de la loi sur l'identité de
genre en raison son caractère d'auto-gestion. Concernant les traitements
hormonaux, un appel a également été lancé au
Défenseur de Peuple.
Les traitements hormonaux « intégraux » sont
définis par leur finalité : changer les caractères
secondaires du sexe gonadique. Cette notion d'intégralité
a été à l'origine d'une autre
résolution210 émise par le Défenseur du Peuple
le 29 janvier 2016. En l'espèce, une
207 Le système de santé argentin est
hétérogène : si les institutions publiques de santé
sont ouvertes à tous, les fonctionnaires et autres employés du
secteur privé ont une protection sociale supplémentaire
dénommée obras sociales (littéralement depuis
l'espagnol : « oeuvres sociales »). Enfin, des complémentaires
santé privées existent (« prepaga »).
208 Défenseur du Peuple de la Nation, Résolution
n°28/16, « J. M. M. » relative au changement de sexe, 23 mai
2016
209 En 1993 est créée l'institution du
Défenseur du peuple de la Nation argentine, consacrée
constitutionnellement (art 86 de la CN, voir Annexe n°3).
Entre avril 2009 et décembre 2013, devant l'impossible consensus
politique exigeant une majorité qualifiée pour sa
désignation, le poste est resté vacant (exercé par le
Secrétaire Général), les violations des droits humains
continuant. Cette carence démocratique a été relevé
par la Com. IDH dans un rapport qu'elle émit fin 2014, la posant comme
un frein à la réalisation des droits humains en Argentine. En
effet, la figure a pour objet de dénoncer tout acte ou omission des
autorités publiques ou privées qui lésionne, restreint,
altère ou menace des droits et garantis constitutionnellement et
légalement garantis, notamment le mauvais traitement et attention dans
les hôpitaux publics.
210 Résolution n1/4 05/16 du
Défenseur du Peuple, « B.A. L.E. » relative au traitement
hormonal, 29 janvier 2016
60
complémentaire santé privée - la
société Medicina Prepaga Hominis - a refusé de
continuer à fournir gratuitement à un patient son traitement
hormonal, lui laissant à charge 30% de ce dernier. Or la Super
Intendance des services de santé211 avait déjà
expliqué que le terme intégral s'applique tant sur la
quantité des médicaments nécessaire au traitement
qu'à son accès en terme de gratuité. Le Défenseur
du Peuple a donc enjoint à Medicina Prepaga Hominis d'assurer
le droit à l'identité de genre du requérant.
Ces questions sont essentielles car 81,3% de la population
trans en Argentine a modifié son corps par le biais d'injections et/ou
de prothèse et/ou a suivi/suit un traitement hormonal212.
Nous remarquons une forte proportion de réalisation de ces actes dans le
cadre d'un domicile particulier : 68,2% pour les injections de silicone, 62,9%
pour la réalisation de traitements hormonaux et 20% pour la pose de
prothèses213. D'après la Coopérative Silvia
Rivera, les mauvaises et illégales praxis d'opérations
chirurgicales constituent la 3ème cause de mortalité
chez les personnes trans214. Même si la loi a permit
l'accès à ces soins, il demeure que l'Etat argentin reste sur le
banc de touche concernant son intromission dans les questions d'accès
à la santé pour les personnes trans, une obligation pourtant
légale le véhiculant.
II. Structures de santé
Une fois déterminées les notions par
décret, la question de l'accès aux soins nous force à
étudier qualitativement et quantitativement les structures et son
personnel médical. Le décret exige la formation du personnel
médical pour la réalisation des opérations aux personnes
trans, l'adaptation des structures de santé et enfin, la mise en place
de campagnes d'information (l'accès aux soins n'étant que
réel que s'il est connu).
Au delà de la lettre des textes, l'ONG argentine
Abogad*s por los Derechos Sexuales dénonce
l'ineffectivité de ce droit à l'accès aux soins pour les
personnes trans. Avant la règlementation de la loi, certaines structures
alléguaient ce vide juridique aux fins de se dédouaner de leur
obligation légale. Or après sa règlementation, elles ne
pouvaient contourner ces obligations contenues dans la loi sur
l'identité de genre, en vigueur et pleinement exécutoire. Aucune
norme, règlement ou procédure ne peuvent être contraire
à l'esprit de cette
211 Notre traduction littérale de : «
Superintendencia de Servicios de Salud » qui est
l'autorité d'application de loi sur l'identité de genre avec le
Secrétariat de Santé communautaire, toutes deux
dépendantes du Ministère de la Santé.
212BERKINS Lohana, Cumbia, copeteo y lagrimas
(É), op. cit.
213 ibidem, p.175
214 Parmi celles-ci, les opérations mal
effectuées, les injections d'huile de moteur ou des infections
consécutives à ces actes. Les deux premières causes de
mortalité étant le sida et le travesticide.
61
loi (art. 13 de la loi). Pourtant, même lorsqu'elle a
fait l'objet d'une règlementation en 2015, son application demeure
incomplète. Celeste GIACHETTA - coordinatrice dans la province de
Cordoba de l'ATTTA - dénonce qu'aucun établissement
médical public ou privé n'assure « de façon
permanente215» les droits reconnus légalement pour les
personnes trans. Dans la province, seul l'hôpital Rawson satisfait
partiellement à ces obligations en octroyant des traitements hormonaux
à 45 personnes216.
En effet, la politique économique menée par
l'Argentine est actuellement défavorable à la
concrétisation du droit à la santé en
général. En 2016, le Ministère des finances alerte sur
l'inexécution du budget affairé au Ministère de la
Santé. Ainsi au 5 juin 2016 était exécuté seulement
0,8% des 163 millions de pesos destinés au Programme National de
santé sexuelle et de procréation responsable qui inclut
l'exécution de la loi sur l'identité de genre (sur la base de
l'année fiscale débutant en avril 2016). De fait, en janvier 2016
un décret pris par le nouveau Président Mauricio
MACRI217 réoriente les politiques générales
d'administration publique qui visent désormais à la «
production de résultats partagés collectivement »,
basées sur des critères de « rationalité et
d'efficience »218. Cette privatisation du secteur public et
donc de la santé sous-tend un risque : celui de réserver
l'exercice du droit à l'identité de genre aux personnes trans qui
bénéficient d'une couverture médicale du fait de leur
travail ou d'une couverture privée. Or, nous l'aborderons, ce collectif
est souvent laissé à la marge du marché du travail formel,
le privant alors de ces moyens.
Concernant le personnel de santé, en juin 2015 sous la
présidence de Cristina KIRCHNER, un Protocole d'attention pour la
santé intégrale des personnes trans a été
rédigé dans le cadre du Programme national de santé
sexuelle et reproductive. Ce dernier collecte tant les techniques « non
invasives » pour la construction de l'expression de genre (gestuelle,
posture, voix, vêtements etc) que celles liées aux chirurgies de
modification corporelle. Le point de vue adopté est celui de la campagne
STP 2012 : reconnaissance de la multiplicité et singularité des
trajectoires et identités de genre ainsi que de la personne trans comme
sujet/te actif/ve de droit, non-discrimination et accès à une
attention sanitaire de qualité non pathologiste et centrée sur
les décisions de l'individu et santé intégrale.
L'application de ce protocole par le personnel est essentielle. En effet, un
tiers des personnes trans ne contrôlent
215 art. 11 de la loi n°26.743, voir Annexe
n°1
216 La Voz, CRAVERO Patricia, « Identidad de género:
a 5 a-os hay deudas en acceso a la salud », 15 mai 2017
217 Aux termes des élections présidentielles,
Mauricio MACRI est devenu Président de la République argentine,
entrant en fonction au 10 décembre 2015.
218 Considérants 5 et 6 du décret
n°114/2016 du 12 janvier 2016, disponible sur :
https://
www.boletinoficial.gob.ar/#!DetalleNorma/139932/null
62
pas régulièrement leur santé car
allèguent des peurs ou des mauvais traitements de la part des
professionnel/les de santé219.
§ 2 SÉROPOSITIVITÉ ET SIDA
34% des personnes trans en Argentine220 sont
séropositives. La prévalence forte du Virus
d'Immunodéficience Humaine acquise (VIH) chez cette population rentre en
consonance avec les chiffres très élevés de
l'activité prostitutionnelle, condition favorisant la divulgation du
virus.
La loi relative au Programme National de Santé sexuelle
et de procréation responsable va venir renforcer celle de 1990 qui avait
déclaré d'intérêt national la lutte contre le
sida221, alors en pleine expansion mondiale. Elle inclut dans les
prestations basiques obligatoires du Plan Medico Obligatorio
l'accès gratuit au diagnostic, traitement et assistance
intégrale sanitaire des prestations relatives au VIH et au sida.
Néanmoins, à la lumière du nouveau décret de
janvier 2016, tout cela est remis en question.
La recommandation additionnelle F des principes de Yogjakarta
avait rappelé en mars 2007 que : « l'OMS et l'ONUSIDA
développent des directives sur la fourniture de services et des soins de
santé appropriés, qui répondent aux besoins de
santé des personnes en fonction de (É) leur identité de
genre, avec un respect total pour leurs droits humains et leur dignité.
» Pour autant, le bulletin dédié au VIH-sida222
du Ministère de la santé argentin exclut explicitement - tout en
se dédouanant de toute volonté d'invisibilisation - la
donnée de l'identité de genre comme variable d'analyse en raison
de l'absence quantitative de rapports que la Direction de Sida du
Ministère reçoit. Or, cette entité gouvernementale a
justement pour objectif de couvrir l'ensemble des réalités
relatives à sa mission ; le fait qu'une personne trans sur trois en
Argentine soit séropositive (d'après les ONG), étant
déjà un argument de poids pour la prise en compte du collectif au
travers du prime de la séropositivité.
219BERKINS Lohana, Cumbia, copeteo y lagrimas
(É), op. cit., p. 173
221 Loi n° 23.798 du 14 septembre 1990
222 Ministère de la Santé, Bolet'n sobre
VIII-sida en la Argentina n°33, año XIX, décembre 2016,
p. 17, § « Razón varón/mujer »,
disponible sur :
http://www.msal.gob.ar/images/stories/bes/graficos/
0000000918cnt-2016-11-30_boletin-vih-sida-2016.pdf
63
SECTION 2 : DROITS ÉCONOMIQUES ET SOCIAUX
L'article 14 de la CN dispose que : « Tous les habitants
de la Nation jouissent des droits suivants conformément aux lois qui
règlementent leur exercice, à savoir : le droit au travail [et
celui] d'apprendre (É) ». Le corpus de droit international va
également dans ce sens223. L'article 16 de la Charte
fondamentale énonce quant à lui l'égalité devant la
loi et l'admissibilité aux emplois qui se fonde sur l'unique condition
de la compétence. La méritocratie est de rigueur, nous nous
éloignons de tout traitement tendant à favoriser un groupe
plutôt qu'un autre sur des raisons discrétionnaires qui pourraient
se convertir en motifs discriminatoires.
Des voix contestent cet idéal constitutionnel lorsque
qu'il est transféré sur le plan de son application réelle.
La Commission Interaméricaine des droits de l'Homme a ainsi
élaboré un rapport en 2015224 dans lequel elle
dénonce l'existence d'un cycle de violence institutionnelle se
traduisant par des situations de pauvreté, d'exclusion sociale,
d'inaccessibilité au logement qui conditionnent les personnes trans
à travailler de manière informelle dans des emplois hautement
criminalisés comme celui relatif aux services sexuels.
Dans ce cadre, l'étude de la situation
éducationnelle (paragraphe 1), de l'insertion
professionnelle et de son pendant - souvent présenté comme «
unique porte de sortie » - la prostitution (paragraphe 2)
sera faite. Inscrit souvent dans un cercle non vertueux, ces données ont
des conséquences directes sur l'accès à un logement digne
(paragraphe 3).
§ 1 DROIT À L'ÉDUCATION
Mocha Celis est l'exemple d'une école
inclusive se dressant comme une réponse à l'exclusion scolaire.
Cette école publique secondaire fonctionne depuis 2012 dans la capitale
argentine sous l'impulsion de l'association Bachillerato popular trans
Mocha Celis. Elle est ouverte à tous et toutes, personne trans ou
non.
223 art. 14 de la Déclaration américaine des
droits et devoirs de l'Homme ; art. 23 de la DUDH ; art. 6 du PIDESC
224 Com. IDH, Violencia Contra Personas Lesbianas, Gays,
Bisexuales, Trans e Intersex en América, 12 novembre 2015
64
Les personnes trans demeurent marginalisées concernant
les études en général : plus de 80% n'a pas fini
l'école secondaire225 et ce, majoritairement en raison de
situations financières difficiles ou de discriminations dont ils et
elles sont victimes. Mocha Celis s'exprime donc comme étant la
volonté de casser ce cercle vicieux pour en créer un nouveau,
salvateur de la notion d'égalité, multiplicateur de celle
d'égalité des chances. En 2013, l'Etat argentin décide
d'attribuer des fonds pour la réalisation de travaux dans les locaux de
l'établissement et, en 2014 le gouvernement de la CABA finance les
salaires du personnel : la reconnaissance par le financement de cette structure
marque un précédent, un appel à la multiplication de
structures de ce type.
Suivant les préceptes de la loi d'éducation
nationale226, l'éducation doit être cet espace de
promotion du développement et du renforcement des personnes tout au long
de leur vie suivant des valeurs telles que « l'égalité,
(É) le respect de la diversité (É) » (art. 8).
Dès octobre 2013 la sanction de la loi pour la promotion du
vivre-ensemble et du traitement de la conflictivité sociale dans les
institutions éducatives227 va mettre en exergue la
nécessaire prise en compte par le droit d'un climat discriminatoire
régnant au sein des écoles. Même si la loi n'est pas
spécifiquement formulée pour la défense dudit collectif,
sa sanction va néanmoins leur bénéficier. 39% des
personnes trans entre 13 et 21 ans ont déjà été
agressées dans ce cadre228. La loi oriente l'éducation
vers la promotion d'une culture de paix (art. 3, point b) et d'acceptation des
différences (art. 4, point a). Néanmoins, cette dernière
n'a toujours pas fait l'objet d'une réglementation, ce qui la
dévitalise dans son action.
La FALGBT va plus loin avec le projet de loi n°46-P-2015
concernant l'harcèlement, la violence et la discrimination à
l'école en insérant explicitement celles liées à
l'identité et/ou l'expression de genre. Il prend en compte divers
éléments comme la discrimination historique du collectif trans
à l'école et la violence provenant du groupe familial primaire
qui va inhiber la dénonciation d'actes d'harcèlement. Le projet
prévoit également de remettre à l'ordre du jour de
l'enseignement, la thématique de la diversité sexuelle et la
perspective de genre.
225 En Argentine, en 2010 (INDEC), environ 42% de la
population n'avait pas fini le cycle d'école secondaire. Ce chiffre est
doublé pour les populations trans in
http://www.indec.gob.ar/bajarCuadroEstadistico.asp?
idc=4A15238E1E4DDB03420C8E1824D3ADE1133B14B1296B6C5F472432805D9F3BABE4E299388C16A3
E1
226 Loi n°26.206 du 27 décembre 2006
227 Notre traduction de : « Ley para la
promoción de la convivencia y el abordaje de la conflictividad social en
las instituciones educativas », Loi n°26.892 du 1er octobre 2013
disponible sur : http://servicios.infoleg.gob.ar/
infolegInternet/anexos/220000-224999/220645/norma.htm
228 BERKINS Lohana, Cumbia, copeteo y lagrimas (É),
op. cit.
65
Néanmoins, si ce dernier n'a pas été
promulgué, au niveau de la CABA une loi229 a
été sanctionnée en 2016 mais qualifiée
d'insatisfaisante selon l'ONG.
Actuellement, en dépit de l'existence d'une loi sur
l'éducation sexuelle intégrale230 depuis 2006
permettant de faire connaître les diversités sexuelles et
identités de genre, son application se fait de façon
hétérogène au travers des provinces. L'éducation
étant du ressort des pouvoirs fédérés, chaque
province pose ses règles du jeu en la matière231.
Certaines ONG232 revendiquent la nécessité de
l'adoption d'une résolution ministérielle au niveau national afin
qu'une base minimale soit posée et garantisse ainsi le droit à
recevoir une éducation sexuelle intégrale (art. 1 de la loi
n°26.150).
Les personnes trans demeurent souvent exposées à
« de graves atteintes à leurs droits fondamentaux, notamment
à du harcèlement dans les établissements d'enseignement ou
sur le lieu de travail233 ». La criminalisation de facto
de leurs identités va affecter négativement sur la vie
professionnelle234.
§ 2 DROIT AU
ÔÕTRAVAJO»
Ô'Travajo» est la synthèse de
l'argentinisme « trava », référence aux
personnes trans, et de trabajo (« travail » en
français). Ce terme a été consacré dans un
documentaire du collectif Furia Trava dédié à la
coopérative Nadia ECHAZU qui a pour but depuis 2008 l'empowerment
des personnes trans. Dans ce sens, le travail comme une instance de
socialisation - d'intégration dans le tissu social - peut agir tant
comme élément positif que négatif pour un individu dans
une société donnée, l'incluant ou le rejetant sur la base
de discriminations.
230 Loi n° 26.150, disponible sur :
http://www.me.gov.ar/me_prog/esi/doc/ley26150.pdf
231 Art. 5 de la CN : « chaque province promulgue sa
propre Constitution sur la base du régime représentatif
républicain conformément aux principes, déclarations et
garanties de la CN et assure (É) l'éducation primaire. Sous ces
conditions le Gouvernement fédéral garantit à chaque
province la jouissance et l'exercice de ses institutions ». Voir
Annexe n°3
232 En août 2017 l'Asociación Argentina de
Educadoras/es Sexuales, FEIM et le Défenseur du Peuple de la CABA
ont lancé une campagne exigeant au Ministre de l'Education de la CABA la
mise en oeuvre de la loi. Il demeure que ce travail de plaidoyer doit
être mené à l'échelle de chaque province.
233 ECOSOC, Observation générale n°20 : La
non-discrimination dans l'exercice des droits économiques, sociaux et
culturels, 2009, § 32
234 Une enquête réalisée du 30 juin au 3
juillet 2004, coordonnée par Waldo VILLALPANDO, a mis en relief le cas
d'une personne travestie qui n'a pas obtenu son diplôme de
médecine en raison des nombreuses détentions auxquelles elle a
été soumise in INADI, Ministère de la Justice et
des Droits humains, Hacia un plan nacional (É), op. cit., p.
168
66
La vision étant intersectionnelle, prendre en compte
cette donnée pour traiter de la situation des personnes trans en
Argentine est essentiel. Une étude sur la lutte pour
l'égalité au travers de l'instauration progressive de quotas dans
le marché du travail formel sera effectuée
(I). En l'occurrence, la prostitution se
dresse souvent comme unique option. Socialement stigmatisée,
légalement occultée, la prostitution exercée de
façon autonome se trouve dans une zone de non-droit ; ni les ONG ne
trouvent de consensus concernant la qualification de cette activité.
Certaines se refusent à parler de « travail » car
dénué de garanties sociales ; d'autres la valident - comme
l'Organización de Travestis y Transexuales de la Repoeblica
argentina 235 - ou parfois seulement s'il y a consentement de
la personne exerçant - comme ATTTA -. Enfin, invisibiliser la question
est aussi stratégie d'associations comme l'ancienne
Asociación de Travestis de Argentina.
Dépassant ces différents avis, c'est au regard
de la notion de travail décent développée par
l'OIT comme étant un « travail convenablement
rémunéré, exercé librement, équitablement et
de façon sûre, capable de garantir une vie digne » à
celui/celle qui l'exerce, qui doit fixer le curseur de validité d'une
activité professionnelle. A défaut d'avis unanime sur la
question, la prostitution (II) sera traitée à
côté de celle du travail formel.
I. Du quota à la parité, du milieu
politique au secteur privé : une insertion professionnelle
croissante
Nous avions pu observer un parallèle avec la notion de
travesticide entre féminisme et lutte trans (voir Partie I,
Chapitre 2, Section 2, §2, I). Ce schéma semble se reproduire
lorsque nous abordons le thème des quotas dans le monde professionnel
et, plus particulièrement, concernant l'accès à certains
fonctions politiques. En 1991 a été dessinée la
1ère loi en Amérique latine de « quota
féminin » (traduction littérale de « ley de cupo
femenino ») portant le numéro 24.012 et exigeant un minimum de
30% de candidates femmes sur les listes électorales législatives
et constitutionnelles. La réforme constitutionnelle de 1994 a
précisé dans l'article 37 de la CN que : « (É)
l'égalité réelle d'opportunité entre hommes et
femmes concernant l'accès aux postes électifs se garantira par le
biais d'actions positives concernant la régulation des partis politiques
et du régime électoral236 ». Le décret
n°254/98 a entériné ce précepte constitutionnel en
établissant un plan relatif à l'égalité des chances
entre hommes et femmes. En 2002, une loi précisera la nécessaire
représentation proportionnelle des sexes au sein des syndicats (loi
n°25.674 du 29 novembre 2002) et en 2003 un décret impulsera la
235 Cette ONG n'existe plus depuis 2004, sa dissolution
étant fondée un schisme entre les partisan/es concernant la
thématique prostitutionnelle.
236 Notre traduction de : « (É) la igualdad
real de oportunidades entre varones y mujeres para el acceso a cargos electivos
y partidarios se garantizará por acciones positivas en la
regulación de los partidos pol'ticos y en el régimen electoral.
». Voir Annexe n°3
67
nomination de juges à la CSJN de façon à
refléter « les diversités de genre237 ».
Aujourd'hui se pose la question de l'imposition d'une parité 50/50 aux
fins d'extirper du plafond de verre les femmes qui y sont
confrontées.
De cette évolution positive pour la
représentation de toutes et tous, nous pourrions espérer
désormais que cette parité politique soit étendue au
secteur public en général puis à celui privé.
Dès 2006, la Commission d'égalité des chances et de
traitement du Ministère de la Santé a énoncé - dans
le cadre de l'homologation de la convention collective de travail applicable
à l'administration publique nationale et son personnel - le droit
à ne pas être discriminé/e en raison de son
genre238. Plusieurs options seraient envisageables pour tendre vers
cet objectif : l'affirmation de la non-discrimination en raison du genre dans
le monde professionnel, l'inclusion des personnes trans dans la
rédaction de projets instaurant la parité (en effet, la loi sur
l'identité de genre impose le respect du prénom choisi et/ou
mentionné dans les documents d'identité) ou l'instauration d'un
quota.
C'est sur cette dernière option que se sont
arrêtées les deux agora législatives en ayant
initié des projets de lois le 19 octobre 2016239 au
même titre que l'ATTTA et la FALGBT qui elles, proposent un pourcentage
de 0,5% de l'emploi public national - et non pas 1% comme dessiné par
les législateurs - ainsi que des incitations fiscales pour les
employeur/euses respectant ce quota. Pendant ce temps, des provinces comptent
déjà sur des lois propres de « quota trans ». Ces
dernières sont Buenos Aires240, Chubut, Cordoba,
Neuquén, Rio Negro, Salta et Santiago del Estero.
Concernant la province de Buenos Aires, c'est en septembre
2015 que le législateur a décidé de réserver un
minimum de 1% de ses emplois du service public aux personnes travesties,
transsexuelles et transgenres (sur la base de leurs expériences
professionnelles et éducatives), peu important la reconnaissance de leur
identité de genre via la loi de mai 2012. Néanmoins, le
critère des expériences professionnelles et éducatives
semble nous éloigner des réalités trans, encore sujettes
à exclusion professionnelle et éducative (voir Partie
II, Chapitre
237 art. 3 du décret n°222/03 établissant
une procédure garantissant la transparence et participation citoyenne
dans la nomination des magistrats de la CSJN. En 2017, la Présidence est
assurée par un homme et sur les 5 magistrats, 4 sont des hommes. Le
décret face à la réalité est
dévitalisé.
238 arts. 34 o) ; 35 j) et 37 h) du décret
n°214/2006 du 27 février 2006 d'homologation de la Convention
collective pour l'Administration Publique Nationale
239 Les deux projets fixent un minimum de 1% de présence
de personnes trans dans l'emploi public national.
240 Par le biais de la loi n°14.783 du 17 septembre 2015.
Cette loi est également dénommée Ley de Cupo laboral
Travesti Trans « Diana Sacayán », en l'honneur à
l'une de ses promotrices assassinée en 2015.
art. 2 de la loi n°14.783 : « Le service public
inclut : l'Etat provincial et ses organismes décentralisées, les
entreprises publiques, les municipalités, les personnes juridiques de
droit public non étatiques créées par la loi, les
entreprises subventionnées par l'Etat et les entreprises privées
concessionnaires de services publics ».
68
1, Section 2, §§1 et 2). Cette discrimination
positive devrait se voir être accompagnée d'un ensemble plus large
de politiques publiques, embrassant en premier lieu le niveau éducatif.
Malgré tout, la Com. IDH a considéré cette mesure comme
étant un « pas fondamental dans le chemin pour l'inclusion sociale
des personnes trans241 », encourageant l'Etat argentin à
continuer d'adopter des politiques publiques dans ce sens.
D'autres faits viennent nuancer cette avancée
législative. Tout d'abord, le décret de règlementation de
la loi n'a toujours pas été publié au Bulletin
Officiel242. La province de Buenos Aires - représentant 41,9%
de la population totale argentine243 - aurait ainsi pu lancer le fer
de lance pour d'autres provinces qui ont déjà été
précurseurs en matière de parité par rapport au
gouvernement national.
A ce manque de réglementation s'ajoute une
impossibilité ordonnée par un décret, pris dans un
contexte économique difficile par le gouvernement fédéral.
Ce dernier empêche toute embauche au sein du service public pour une
durée d'un an244 (à partir de juin 2016 ). Par
245
voie de conséquence ce gel des embauches inhibe aussi
celles des personnes trans, pourtant légalement protégées
par la loi Diana Sacayán, actuellement, lettre morte.
A défaut, en juin 2017 nous faisions état de 16
villes argentines qui ont approuvé des ordonnances imposant un quota de
personnes trans à hauteur de 1% : Azul, Campana, Chivilcoy, Pilar, Tres
de Febrero, Mar del Plata, Moron, Lanus (province de Buenos Aires) Bell Ville
(Cordoba), Las Heras (Mendoza), Resistencia (Chaco), Rio Grande246
(Terre de feu), Rosario, Venado Tuerto (Santa Fe), Tafi Viejo (Tucuman), Viedma
(Rio Negro). La CABA, quant à elle, voit poindre un projet de loi dans
son hémicycle impulsé par la FALGBT247,
défendant un droit humain à la recherche, obtention et maintien
d'un emploi exempté de toute discrimination (art. 7).
241 Com. IDH, « [Com.]IDH saluda a Argentina por
aprobación de ley provincial de Cupo Laboral Trans », 30 octobre
2015, n°122/15
242 Au moment de la rédaction de ce paragraphe
[dernière révision au 31 août 2017].
243 INDEC, Recensement national de population, 2010
244 Décret n°618/2016 du 24 juin 2016, disponible
sur :
http://www.gob.gba.gov.ar/dijl/#/DIJL
buscador.php? tipo=02
245 Actuellement, nous ne disposons pas de la
rétrospective suffisante pour pouvoir évaluer la reprise
supposée des recrutements.
246 Ici, le quota est fixé à 0,5% des postes
municipaux pour les personnes trans.
247 Voir :
http://www.falgbt.org/wp-content/uploads/2016/11/Ley-contra-la-Discriminacion-en-el-empleo-ProyectodeNorma__Expediente_795_2015..pdf
69
Dans la province de Santa Fe le projet de loi n°31605
CD-IP d'août 2016 entend imposer ce quota au secteur privé et
prévoit même un accès prioritaire à des programmes
de logements sociaux et une pension destinée aux personnes trans de plus
de 40 ans : un projet qui se veut avant-gardiste et complet. Depuis 2013, au
travers de la Résolution n°331/13 du Ministère du
travail248, un programme d'appui financier à l'insertion
professionnelle des personnes trans est lancé. Sur la période
2013-2015, 1069 personnes en ont bénéficié avec une
insertion à hauteur d'environ 58%. Dans la CABA et au niveau national,
deux projets de loi ont été proposés afin de créer
une aide mensuelle pour les personnes trans de plus de 40 ans.
La logique a changé : poussée à son
paroxysme, l'Argentine doit-elle s'attendre à voir naître la
parité de genre? Un risque d'abus de la loi sur l'identité de
genre aux fins d'augmenter ses chances d'accès à un poste est-il
réel? La construction de ces réponses se fera à l'aune des
prochaines années.
II. Un vide juridique dangereux concernant la situation
prostitutionnelle
La nuit se révèle être comme un «
autre pays » où d'autres règles - alternatives à
celles remplissant des conditions de légalité - vont
s'appliquer249. Dans ce climat tendu qui rime avec
précarité, 95% des personnes transgenres250 avaient
exercé un travail sexuel au moins une fois au cours de leur vie. Parmi
celles-ci, 79% l'exerçaient comme un moyen de subsistance principal. Une
grande majorité souhaitent abandonner cette activité qui se
révèle être souvent l'unique voie possible.
Le droit argentin pénalise la traite des personnes
depuis la loi n°26.364 du 30 avril 2008 ainsi que la prostitution
forcée pour les femmes (art. 5.3 de la loi n° 26.485 de protection
intégrale des femmes du 1er avril 2009 sur la violence sexuelle). Ce
délit de traite de personnes à fin d'exploitation sexuelle
consistant en la promotion, facilitation, développement ou profit
tiré du commerce sexuel (art. 4 c) est punissable de 4 à 6 ans de
prison (art. 125 bis et 127 du Code pénal) et de 5 à 10 ans en
cas de circonstances aggravantes251. Néanmoins, le
248 Résolution n°331/2013 du 29 avril 2013
disponible sur :
http://servicios.infoleg.gob.ar/infolegInternet/
anexos/210000-214999/213578/norma.htm
249REDLACTRANS, La noche es otro pals (É),
op. cit., p. 11 250ATTTA, 2013.
251 Les circonstances aggravantes sont les suivantes :
tromperie, violence, menace ou tout autre moyen d'intimidation ou de
coercition, abus d'autorité ou d'une situation de
vulnérabilité, concession ou réception de paiements ou de
bénéfices pour l'obtention du consentement de la part d'une
personne qui a une autorité sur la victime ; auteur/e du délit
étant ascendant/e, descendant/e, conjoint/e, proche en ligne directe,
collatérale ou tuteur/tutrice, curateur/curatrice, autorité ou
ministre de culte reconnu/e ou non, chargée/e de l'éducation ou
de la garde de la victime; sujet actif étant fonctionnaire ou membre des
forces de sécurité, de police ou carcérales, victime
mineure (art. 126 du Code pénal).
70
droit reste silencieux quant à une régulation
nationale concernant la prostitution exercée de façon
individuelle. Rappelons que l'article 19 de la CN dispose que « les
actions privées des humains qui n'heurtent ni l'ordre ni la morale
publique ou qui ne sont pas préjudiciables pour une tierce personne sont
réservées à Dieu et exemptes de l'autorité des
magistrats. Aucun habitant de la Nation sera obligé à faire ce
que n'ordonne pas la loi ni sera privé de ce qu'elle n'interdit
pas252 » Dans ce sens, cette marge de liberté en
l'absence de régulation signe l'accord tacite du législateur
argentin concernant la prostitution exercée hors
proxénétisme ; il était sans compter sur l'existence des
codes contraventionnels et leur régulation de l'activité
(voir Partie II, Chapitre 1, Section 2, §2, II).
§ 3 DROIT À L'ACCÈS À UN
LOGEMENT DIGNE
Le droit d'accès à un logement « digne
» est consacré à l'art. 14 o) bis de la CN253.
Néanmoins le collectif trans peine à être pris en compte
dans la structuration des politiques de logement et d'habitat, ce qui traduit
un certain manque de perspective de genre. Développant largement ces
activités dans le marché informel, l'absence d'apport de revenus
réguliers au moment de solliciter un crédit, louer ou acheter un
bien va fortement pénaliser les individus transidentitaires. L'option
résiduelle se dresse alors elle aussi dans le marché informel
où aucune protection et garantie légales ne régissent en
la matière. L'exclusion de par le cercle familial va favoriser les
difficultés liées au logement254, laissant à
discrétion de personnes trans souvent mineures la
nécessité de trouver des moyens pour survivre, au prix d'abandons
scolaires.
En 2012, l'INDEC et l'INADI ont réalisé une
enquête mettant en évidence que 4,6 personnes trans sur 10
vivaient dans des logements dits déficitaires et/ou
précaires255. En 2015, la Commission interaméricaine
des droits de l'Homme dénonce des taux élevés
252 Notre traduction de : « Las acciones privadas de
los hombres que de ningoen modo ofendan al orden y a la moral publica, ni
perjudiquen a un tercero, están solo reservadas a Dios, y exentas de la
autoridad de los magistrados. Ningoen habitante de la Nación sera
obligado a hacer lo que no manda la ley, ni privado de lo que ello no prohibe.
» (art. 19 de la CN)
253 Voir Annexe n°3
254BERKINS Lohana, Cumbia, copeteo y lagrimas
(É), op. cit., p. 167
255 Les logements `'déficitaires» sont ceux qui
remplissent au moins une des conditions énumérées :
absence de canalisation au sein du logement, toilettes sans évacuation,
sol en terre ou autre matériel précaire. Les logements
`'précaires» sont des rancho (environnement rural) ou
casilla (environnement urbain) caractérisés par leur
matériel précaire (paille, tôle, terre), casas de
inquilinato aménagés sciemment pour proposer plusieurs
locations dans un même espace ou des pensions/hostels in INDEC,
Glossaire, disponible sur : http://www.indec.gov.ar/
textos_glosario.asp?id=70
71
d'inaccessibilité au logement pour les personnes trans
dans la région256. Or, l'accès à un logement
digne est une « composante intrinsèque du droit à la
santé257» (voir Partie II, Chapitre 1,
Section 1), intimement lié au droit à la vie.
CHAPITRE 2 : INSTAURATION D'UN SYSTÈME
CONTRAIRE AUX OBLIGATIONS INTERNATIONALES CRIMINALISANT DIRECTEMENT ET
INDIRECTEMENT LES PERSONNES TRANS
Le travesticide social entraîne une mort sociale qui se
traduit soit par une invisibilisation des individus en question, soit par une
discrimination active. Dans l'Argentine actuelle, des actes de transphobie
existent et se caractérisent par un désir de punition,
intolérance, mépris, hostilité et aversion
systémiques envers les personnes trans258. La position de
vulnérabilité du collectif augmente leur probabilité
d'être soumis/es à des traitements cruels, inhumains et
dégradants259, ce qui va exacerber la transphobie ou le
« transodio260». Dans ce cadre, nous
nous interrogerons sur l'efficience de la protection juridique des personnes
trans, mettant en exergue un climat où règne l'impunité
(Section 1) et où l'intersectionnalité se fait
l'instrument privilégié de discriminations lorsque les figures
floues décrites dans les codes contraventionnels ne suffissent plus
(Section 2).
SECTION 1 : LE DROIT À L'IDENTITÉ DE
GENRE AU DÉFI DE SA PRATIQUE
De cet éternel aller-retour entre droit et
réalité, il est souvent mis en exergue des distinguo,
différences ou parfois, des schismes. Dans l'étude de la
situation des personnes trans en Argentine, c'est sous le prisme des
obligations internationales de jus cogens (paragraphe
1) que nous étudierons la réalité de la loi sur
l'identité de genre. L'impunité se dresse alors comme un des
obstacles principaux à la virtualité de cette disposition
(paragraphe 2).
256 Com. IDH, « En el D'a Internacional de la Memoria
Trans, CIDH urge a los Estados a aumentar la expectativa de vida de las
personas trans en América », 20 novembre 2015
257 Comité des droits économiques, sociaux et
culturels, Observation générale n°14 (É), op.
cit., art. 3
258 HCDH, Leyes y practicas discriminatorias y actos de
violencia cometidos contra personas por su orientación sexual e
identidad de género, A/HRC/19/41,17 novembre 2011, §20 ;
REDLACTRANS, BORGOGNO Ignacio, ULISES Gabriel, La transfobia en
América Latina y el Caraibe, 2013 ; MOURATIAN Pedro, « La
Argentina igualitaria que transita Luana », in PAVAN Valeria
(dir.), Niñez trans (É), p. 140
259 Document n°A/56/156, § 18 du 3 juillet 2001 du
Rapporteur Spécial des Nations Unies sur la torture et les autres
traitements cruels, inhumains et dégradants ; Comité contre la
Torture de l'ONU, Observations finales : Argentine, CAT/C/CR/33/1,
2004, § 6
260 Ce terme n'existant pas en langue français, notre
traduction est la suivante : « haine envers personnes trans ».
72
§ 1 LA NON-DISCRIMINATION EN RAISON DU GENRE :
ARGENTINE, ETAT DE DROIT TENU PAR SES OBLIGATIONS INTERNATIONALES ET DE JUS
COGENS
Le panorama juridique actuel n'est pas encore
complètement satisfaisant concernant la prise en compte explicite de la
non-discrimination en raison du genre à l'instar de la loi argentine
n°23.592 relative aux actes discriminatoires. Néanmoins, quelques
instruments internationaux261 et le droit interaméricain des
droits de l'homme au travers de sa Commission et de sa Cour consacrent ce
principe. Pour les organes de l'OEA, ceci est commandé par une exigence
d'actualisation du droit face aux réalités. Ces derniers
s'accordent à dire que les traités internationaux de droits
humains s'entendent au gré de l'actualité sur la base d'un
principe évolutif262. Ainsi, grâce à des clauses
ouvertes concernant la non-discrimination comme par exemple, « autre
condition sociale » (art. 1.1 de la Conv. IDH) et « entre autres
» (art. 9 de la Convention Belém do Para de 1994),
l'identité de genre est insérée dans le catalogue de lutte
contre les discriminations263.
La liberté s'arrêtant là où
commence celle des autres, l'Etat de droit a pour rôle d'assurer ce doux
équilibre entre toutes et tous dans le cadre de son territoire. Pour
cela, il va octroyer des droits et garanties aux individus, une sphère
de protection et la possibilité d'être sujet débiteur et
créditeur d'obligations au nom du principe de
réciprocité264. La reconnaissance des identités
trans (ici, par rapport au monde extérieur et non à
l'auto-perception) implique à la fois l'affirmation de la
citoyenneté trans ainsi que de la réciprocité, mise en
échec dans un climat discriminatoire.
261 Exemples de conventions internationales consacrant
l'identité de genre comme un motif de nondiscrimination : Convention
interaméricaine contre toutes les formes de discrimination et
d'intolérance du 6 juin 2013; Convention interaméricaine sur la
protection des droits humains des personnes âgées du 15 juin 2015.
Ces deux conventions internationales ont été ratifiées par
la République argentine aux dates respectives d'adoption des textes.
L'ECOSOC a également reconnu « l'identité
sexuelle [É] parmi les motifs de discrimination interdits », in
Observation générale n°20, op. cit., §
32.
262 CIDH, opinion consultative El Derecho a la
Información sobre la Asistencia Consular en el Marco de las Garant'as
del Debido Proceso Legal, OC-16/99, série A n°16, 1er octobre
1999, §114 : « Los tratados de derechos humanos son instrumentos
vivos, cuya interpretación tiene que acompañar la
evolución de los tiempos y las condiciones de vida actuales
»
[Notre traduction : « les traités de droits
humains sont des instruments vivants dont l'interprétation doit
s'accompagner avec le temps et les conditions de vie actuelles »] ; Com.
IDH, José de Jesoes OROZCO HENRIQUEZ (Président de la Com. IDH),
« La Comisión Interamericana de Derechos Humanos: Patrimonio
comoen de los pueblos de las Américas », Forum de Mexico,
Ville de Mexico, 14 septembre 2012.
263 Com. IDH, Violencia Contra Personas Lesbianas, Gays,
Bisexuales, Trans e Intersex en América, §§ 39 et 52
264 FULLER Lon, « La idea de reciprocidad como fundamento
del derecho » in Neo- liberalismo e Estado de Direito,
Revista de Ciencias Criminais, Sao Paulo, 1996 ; VILHENA VIERA Oscar,
« Los l'mites de la autonom'a del derecho, Violencia y Derecho »
in Seminario Latinoamericano de Teor'a Constitucional y Pol'tica, ed.
Puerto S.R.L, avril 2004, pp. 326-327
73
Le droit international général265
présente sous forme de triptyque les obligations relatives aux Etats :
respecter, protéger et réaliser les droits humains. Le respect
implique une non-interférence de l'Etat ; la protection quant à
elle est une série d'actions positives prises par l'Etat pour que des
personnes tierces n'enfreignent pas la sphère de liberté de
chacun et de chacune ; enfin, réaliser les droits humains c'est prendre
des mesures concrètes pour que ces derniers soient réels. Le
droit international étant contraignant pour tout Etat qui ratifie
l'instrument international en question, aucune disposition de droit interne ne
peut être invoquée afin de se substituer à ces obligations
positives et négatives266.
Concernant particulièrement la situation des personnes
trans, sachant que les autorités argentines s'intègrent dans le
tissu du système interaméricain des droits de l'Homme, elles
doivent agir contre la discrimination en raison de l'identité de genre,
tout particulièrement concernant ses défenseuses et
défenseurs267. Dans ce cadre, la CIDH a rappelé dans
les arrêts « God'nez Cruz vs. Honduras268 »
de 1989 et « Villagrán Morales vs. Guatemala »
de 1999
269
que les autorités ont l'obligation de prévenir,
enquêter, juger et sanctionner toutes les violations de droits humains
commisses contre les personnes trans ainsi que de prendre des mesures de
non-répétition ainsi d'empêcher l'impunité.
Au-delà du droit conventionnel et de la jurisprudence
qui en découle l'Argentine est avant tout contrainte par des normes de
jus cogens, c'est-à-dire qu'il n'est permis « aucune
dérogation [ni modification] par une nouvelle norme de droit
international général ayant le même
caractère270.» Cet ordre public international inclut en
son sein : l'interdiction absolue de l'esclavage et de la torture, le droit
à ne pas être privé arbitrairement de la vie et de ses
droits de la défense. Néanmoins, la persistance de la figure des
codes et fautes contraventionnelles met en situation
d'indefensión271 les accusé/es des forces
policières qui
265 Par exemple : ONUSIDA, Centre International de
Coopération Technique en VIH et sida, « Derechos Humanos, Salud y
VIH » in Gu'a de acciones estratégicas para prevenir y
combatir la discriminación por orientación sexual e identidad de
género, 2007, p. 24
266 art. 27 de la Convention de Vienne sur le droit des
Traités : « Une partie ne peut invoquer les dispositions de son
droit interne comme justifiant la non-exécution d'un traité
(É) »; Comité des Droits Economiques, Sociaux et Culturels,
ONU, « General comment. The right to the highest attainable standard
of health », 11 août 2000, E/ C.12/2000/4, N° 34-37.
267 Assemblée Générale de l'OEA.
Résolution AG/RES. 2653 (XLI-O/11) « Derechos humanos,
orientación sexual e identidad de género », 7 juin 2011
268 CIDH, 20 janvier 1989, série C n°5, §185,
disponible sur :
http://www.corteidh.or.cr/docs/casos/articulos/
seriec_05_esp.pdf
269 CIDH. Arrêt « Villagrán Morales y Otros
c. Guatemala », op. cit., §139
270 art. 53 de la Convention de Vienne de 1969 définissant
la norme de jus cogens.
271 Notre traduction de : « l'incapacité à se
défendre juridiquement »
74
parfois les soumettent à des actes de torture ; de
plus, le recours à un juge est souvent nié lorsqu'une personne
est détenue sur la base d'une disposition d'un code contraventionnel. Le
jus cogens s'épuise lorsqu'il est transféré sur
le plan de la réalité argentine.
§ 2 L'IMPUNITÉ COMME UN FREIN À LA
PLEINE-JOUISSANCE DES DROITS
L'analyse et l'évaluation des réalités
doit précéder toute élaboration puis mise en oeuvre de
politiques publiques nationales272. Dans le cadre de la question
trans, comment l'Etat argentin analyse t-il les discriminations, les
éléments de travesticide social liés à
l'identité de genre?
Dans un communiqué de 2004273, la Com. IDH a
exprimé son inquiétude concernant l'absence de
répertorisation de données concernant les violences envers le
collectif LGBTI au travers du territoire latino-américain. Le risque est
alors de favoriser un climat d'impunité qui « envoie un fort
message social de tolérance de la violence pouvant renforcer la violence
elle-même et conduire les victimes [en l'espèce, les personnes
LGBTI] à une méfiance envers le système de
justice274.» L'absence des autorités publiques en tant
que garantes des droits humains à ce niveau entraîne une faille
générale dans le système juridico-judiciaire.
L'insatisfaisante analyse des réalités entraîne des
politiques publiques inefficientes.
Lohana BERKINS définit comme étant criminel
l'Etat argentin, « principal violateur des droits des travestis, par
action ou omission275.» L'impunité a deux
versants et se positionne finalement comme une réponse aux obligations
générales des Etats traduite par des actions ou/et des omissions.
En mars 2004, le Président Nestor KIRCHNER a prononcé un discours
à Buenos Aires impregné d'un idéal de justice et d'une
volonté de lutter contre l'impunité dans le cadre de la nouvelle
fonction mémorielle d'un centre de détention sous la dictature
(voir
272 L'information et les statistiques sont des « outil[s]
indispensable[s] » pour l'évaluation et mise en place de mesures
étatiques in Com. IDH, Violencia contra personas lesbianas,
gays, bisexuales, trans e intersex en América, 12 novembre 2015,
§521.1
273 Com. IDH, communiqué de presse n°153/14,
« C[om.] IDH expresa preocupación por la violencia generalizada
contra personas LGBTI y la falta de recopilación de datos por parte de
Estados Miembros de la OEA », 17 décembre 2014
274 Notre traduction de : « Cuando los Estados no
realizan investigaciones exhaustivas e imparciales respecto de los casos de
violencia contra las personas LGBTI, se genera una impunidad frente a estos
cr'menes que env'a un fuerte mensaje social de que la violencia es condonada y
tolerada, lo que puede a su vez generar más violencia y conduce a las
v'ctimas a desconfiar en el sistema de justicia. » in Com. IDH,
Violencia contra Personas Lesbianas, Gays, Bisexuales, Trans e Intersex en
América, op. cit., §22
275 Notre traduction de : « El Estado es el principal
violador de los derechos de las travestis, por acción u omisión
» in ALITT, Berkins Lohana, Travestis: una identidad
pol'tica, présenté durant le 3ème
Congrès ibéro-américain des Etudes de Genre,
Différence et Inégalités tenu dans la ville de Cordoba du
25 au 28 octobre 2006, disponible sur :
http://hemisphericinstitute.org/journal/4.2/esp/es42_pg_berkins.html
75
Partie I, Chapitre 1, Section 1, §2, I. A).
Malgré cela, dans les faits ce sont souvent les ONG qui se chargent de
compiler les informations276. Ceci a l'avantage d'apporter une
perspective critique aux réalités afin d'impulser des actions de
lobbying auprès des décideur/ses politiques, afin que les
discours se transforment en actes politiques. Dans leurs rapports, la mise en
exergue d'exactions policières est un discours récurrent
(I) ce qui contraste fortement avec l'absence de condamnation
des propres agents du système (II). La violence
institutionnelle prend forme sous le coupet d'actions et inactions de l'Etat
argentin.
I. Mauvais traitements des forces policières
envers le collectif trans
Le 12 septembre 2016, un arrêt de la Salle IV de la Cour
d'Appel et de Garanties de La Plata a statué sur la
légalité d'une procédure de détention. En
l'espèce, les règles élémentaires découlant
de la dignité inhérente aux individus ont été
violées : les personnes ont du se dénuder sur la voie publique,
s'accroupir afin d'être éclairé/es par les forces
policières pour vérifier la suspicion de détention de
drogues formulée à leur égard. Ces actes furent
qualifiés de « dégradants » par la Juge Riusech.
L'affaire concernait des personnes trans.
Cette violence institutionnelle n'est pas un cas isolé
mais juste un des rares qui a fait l'objet d'une procédure, outrepassant
les filtres de l'impunité. 82,7% des personnes trans affirment avoir
déjà été détenu/e illégalement. Des
témoignages recueillis par diverses ONG font la description de
traitements cruels, inhumains et dégradants pour qualifier la conduite
d'officier/ères, `'garants de l'ordre et de la sécurité
publiques». La violence policière est multidimensionnelle : parmi
les abus policiers, 57,9% des personnes trans ont été
frappé/es, la moitié d'entre elles abusé/es sexuellement,
17,3% torturé/es et 15,3% insulté/es277.
La question des protocoles d'action se pose. La
Résolution n°275/2016 du 4 juillet 2016 du Ministère de la
Sécurité y apporte une réponse avec l'approbation du
Protocole général d'action pour la réalisation des
perquisitions et fouilles corporelles278 (ci-après, le
protocole). D'après le protocole, des fouilles corporelles peuvent
se réaliser sans ordre judiciaire, se basant sur des indices «
suffisamment fondés » (I. 6.4 A du protocole) ou sur le fait que la
personne est dans un lieu public. Le Centre d'études légales et
sociales (CELS) a interjeté un recours contre le Ministère de la
Sécurité questionnant la constitutionnalité dudit point du
protocole en en
276 Amnesty International, Communication to Minister of
Interior, AMR 13/016/1997, décembre 1997, in Amnistia
International, Cr'menes de odio, conspiración de silencio. Tortura y
malos tratos basados en la identidad sexual, 2001, p. 34
277BERKINS Lohana, Cumbia, copeteo y lagrimas
(É), op. cit., p. 179
278 Notre traduction de : « Protocolo de actuación
para la realización de allanamientos y requisas personales »,
disponible sur :
https://dpicuantico.com/sitio/wp-content/uploads/2016/07/Diario-DPI-Penal-150716.-Normativa.pdf
76
demandant sa suspension. Le 8 novembre 2016, la demande
fût rejetée279, confirmant ainsi la jurisprudence
« Vera » du 23 décembre 2015280.
D'après les juges, aucune privation arbitraire de liberté n'est
faite en raison du caractère passager de la détention
fondée sur une mission générale - et vague - de
prévention des crimes et délits.
D'autres tentatives d'encadrement du personnel de police
émergent. Par exemple, dans la province de Jujuy, l'essai de
l'établissement d'un protocole de sécurité permettant
l'ouverture d'un registre provincial aux fins de dénoncer des
fonctionnaires est déjà salutaire. Ce dernier ne faisant pas
l'objet d'un consensus politique, n'est pas encore
approuvé281.
En août 2007 s'était tenue en Argentine la
9ème réunion des Hautes Autorités des droits
humains des pays membres et associés du Marché commun du Sud
(MERCOSUR) avec, à l'agenda, la fin du harcèlement et
persécution policiers. Aujourd'hui encore environ 8 personnes trans sur
10 ont déjà subi des abus de la part de policiers, 54,5% d'entre
elles agressées dans des commissariats, lieu presque autant dangereux
que la rue (74,2%)282, ironie d'une justice qui au sein de ses
propres entités est violatrice de droits essentiels.
II. Une jurisprudence qui peine à se
développer en raison d'une obstruction des voies de droit
En 2001, Amnesty International publie son premier rapport
mondial sur les cas de discrimination en raison de l'orientation sexuelle et
l'identité de genre283. Parmi les 9 cas emblématiques
qui y sont décrit l'un d'entre eux est celui de Vanessa Ledesma, une
femme travestie morte au sein d'un commissariat dans la ville de Cordoba en
Argentine. Les tribunaux ont qualifié ces faits de « mort naturelle
», relaxant alors les présumés meurtriers pour faute de
preuve malgré des résultats d'autopsie mettant en évidence
des hématomes graves, signatures de torture probable durant
l'interrogatoire. Or, une exigence de droit à la vérité -
en l'espèce le fait de savoir si un acte de violence fût
motivé ou non en raison de l'identité LGBTI d'une personne -
279 Camara Nacional de apelaciones en los contencioso
administrativo federal, Sala I, Juzgado n°3, requête n
°49.495/2016, «CELS y otros c. Ministerio de Seguridad s/ incidente
de medida cautelar » du 8 novembre 2016, disponible sur :
http://public.diariojudicial.com/documentos/000/071/559/000071559.pdf
280 Tribunal Supérieur de Justice de la CABA,
arrêt « Vera Lucas Abel », affaire n°11835/15 du
23 décembre 2015
281 Akahatá, Agrupación Nacional Putos
Peronistas et autres, Situación de los derechos humanos de las
travestis y trans en Argentina (É), op. cit., p.6
282BERKINS Lohana, Cumbia, copeteo y lagrimas
(É), op. cit., pp. 178-179
283 Amnistia Internacional, Argentina : Amenazas
constantes a travestis en la provincia de Córdoba en relación con
la muerte de Vanessa Lorena Ledesma, juin 2001, p. 1
77
est essentiel pour l'accès à la justice et
l'obtention de réparation284. Cette affaire est un cas
paradigmatique du traitement policier des personnes trans ainsi que de
l'impunité d'un système protégeant ces mêmes agents.
A une échelle nationale, ceci se traduit par un nombre moindre
d'enquêtes concernant les travesticides (sociaux ou non), de
procès et donc de façon consécutive, de condamnations.
Divers exemples reflètent ces allégations.
En décembre 1997 à Buenos Aires, Nadia ECHAZU
est sur le point de faire un témoignage concernant des violences envers
deux personnes trans. Au sein d'un des commissariats, elle reçoit des
coups, se voit être affublée d'une camisole de force et est
relâchée ainsi sur la voie publique. Ses plaintes ne furent pas
enregistrées285.
L'impunité dans l'affaire Vanessa Ledesma a
également eu des répercussions sur une des personnes l'ayant
défendue : Vanessa Piedrabuena, présidente de
l'Asociación Travestis Unidas de Córdoba. Elle
reçu des menaces de la part de policiers et les procédures
judiciaires faisant suite à sa plainte concernant Ledesma ont
été suspendues.
Plus récemment, Diana SACAYAN, activiste argentine
trans, leader de l'ILGA, dirigeante du Mouvement Anti-discriminatoire de
libération (MAL) et formant partie de l'équipe pour le programme
Diversité Sexuelle à l'INADI a été retrouvée
assassinée le 13 octobre 2015. Tant le Juge d'instruction n°33 que
la Cour d'appel pénale ont qualifié les faits d'homicide
aggravé pour violence de genre, appliquant pour la première fois
la figure du fémicide286 à une femme trans. Depuis, le
délai des 4 mois - durant lesquels les deux accusés ont
été en détention provisoire - a été
écoulé et l'examen oral et public de ces derniers n'a toujours
pas eu lieu. La marche des fiertés de 2016 revendiquait
déjà que soit rendue justice à Diana Sacayán, qu'il
soit statué sur son cas et en 2017, les exigences de la
société civile ont été
répétées. En 2012, elle fût l'une des
premières personnes à obtenir la reconnaissance de son
identité sexuelle sur la base de la loi relative à
l'identité de genre. Si l'identité est consacrée, elle
doit être accompagnée des mesures nécessaires pour qu'elle
soit protégée dans son expression.
En 2007 la Com. IDH a dénoncé l'inhibition des
procureur/e, policiers et juges devant la dénonciation de faits violents
en raison de l'absence de crédulité des personnes trans
fondée sur
284 Com. IDH, cas « Monse-or Oscar Arnulfo Romero y
Galdámez c. El Salvador », 13 avril 2000, rapport n °37/00,
§148 in Com. IDH, Derecho a la verdad en América,
13 août 2014, §124 ; Com. IDH, communiqué n °85/12
Com. IDH condena asesinato de mujer trans hondureña en
Guatemala, 11 juillet 2012
285 Amnesty International, Communication to Minister of
Interior, décembre 1997, AMR 13/016/1997 in Amnistia
International, Cr'menes de odio, conspiración de silencio. Tortura y
malos tratos basados en la identidad sexual, op. cit, p. 36
286 Notre traduction de : « femicidio ».
Néanmoins, il aurait pu être plus opportun de le qualifier de
travesticide, figure coexistant avec celle du femicide
à l'article 80 du Code pénal.
78
leur situation socio-économique, manière
d'être et de s'exprimer : une façon de criminaliser de nouveau une
présumée victime287.
SECTION 2 : DISCRIMINATIONS PROVINCIALES AU
TRAVERS DES CODES CONTRAVENTIONNELS ET D'UN USAGE PERNICIEUX DE
L'INTERSECTIONNALITÉ
Un certain contrôle social de la population trans en
Argentine s'exerce sur la base de règles provinciales,
dénommées « codes contraventionnels », au nom de la
sauvegarde d'une morale publique (paragraphe 1). Si la
volubilité des figures décrites dans ces règles est
importante, l'existence d'autres lois sectorielles vont être
détournées pour criminaliser des identités alors
reconnues, en théorie, depuis mai 2012 (paragraphe 2).
La réalité du droit à l'identité de genre est
remise en question.
§ 1 LES CODES CONTRAVENTIONNELS
Existants dans quelques provinces et décrivant des
conduites manquant de clarté (I),
l'hétérogénéité des codes contraventionnels
met en péril ces institutions héritées de la dictature.
Leur constitutionnalité est alors interrogée
(II).
I. Une description confuse de figures au service de
décisions discrétionnaires
Suivant la genèse de l'article 13 de la loi sur
l'identité de genre, toute norme, réglementation ou
procédure doivent respecter le droit humain à l'identité
de genre des personnes. A contrario aucune norme,
réglementation ou procédure pourra limiter, restreindre, exclure
ou supprimer l'exercice du droit à l'identité de genre des
personnes, les normes devant s'interpréter et s'appliquer à
faveur de l'accès à ce droit. Or, il demeure des figures dans le
droit actuel argentin qui tendent à condamner l'identité de
genre. Si en 1996 les édits policiers ont été
supprimés de l'ordre juridique après 40 années
d'application, ces derniers ont
288
mutés pour devenir les codes contraventionnels
. Ces codes se présentent comme des bastions de la « bonne
morale » et des « bonnes moeurs ».
Tant les édits que les actuels codes policiers tendent
à criminaliser les identités trans et, plus
généralement, la diversité des identités. L'esprit
de ces actes sous-entend la normalisation de personnes
déviantes, considérées comme des dangers pour un
Etat-Nation
287 Com. IDH, Acceso a la justicia para mujeres v'ctimas
de violencia en las Américas, OEA/ Ser.L/V/II, Doc. 68, 20 janvier
2007, § 55.
288Notre traduction de : « códigos
contraventionales ».
79
portant des valeurs déterminées ; le coup
d'arrêt de ces actes ou manières d'être
étant donné généralement par des amendes,
peines de prison ou autres travaux d'intérêt
général. Une des différences majeures entre les
édits policiers et les actuels codes contraventionnels réside
dans la stratégie de pénalisation des identités trans : si
les premiers le faisait de façon directe, les seconds s'accordent
à criminaliser de façon plus pernicieuse c'est-à-dire
indirectement. Néanmoins les effets demeurent les mêmes,
aggravés selon certaines ONG au cours de l'année 2016 sous la
nouvelle présidence de Mauricio MACRI et ce, particulièrement
dans les provinces de l'Etat.
En 2017, « l'offense à la pudeur, aux sentiments
éthiques individuels et à la morale » est qualifié
dans 15 codes contraventionnels provinciaux : Catamarca, Chubut, Chaco, Cordoba
Corrientes, Entre Rios, Jujuy, La Pampa, Mendoza, Misiones, Rio Negro, Salta,
Santa Fe, Tierra del Fuego et Tucuman ; l'« homosexualisme » quant
à lui est réprimé dans les provinces de Formosa, Mendoza,
Neuquén et Tierra de Fuego ; le « travestisme », à
Formosa, Santa Fe et Tierra de Fuego et le « déguisement » par
le biais de « vêtements indécents, à Neuquén,
Santiago del Estero et Tierra de Fuego. Cette série de fautes
contraventionnelles fait usage de termes généraux qui tendent
tous à isoler les personnes trans qui sont, criminellement, des cibles
privilégiées.
L'application des Codes contraventionnels est parfois
suspendue pour une période donnée, comme durant la Fête des
vendanges à Mendoza, ou dans un quartier donné, celui de San
Telmo à Buenos Aires. L'argument avancé est celui de l'industrie
du tourisme, favorisée dans
289
ces cadres donnés , permettant alors une application
plus souple de l'interdiction de « s'habiller contrairement à ce
que son genre impose sur la voie publique ». Ce droit est erradique et
imprécis. Le manque de clarté est un espace comblé par les
tentations transphobes des autorités.
II. Une insertion dans l'ordre constitutionnel
controversée
En principe, les provinces et la CABA n'ont pas de
compétence pour légiférer en matière pénale
(arts. 75.12, 121 et 126 de la CN290) sauf pour les codes de
procédure pénale. L'édiction de codes et fautes
contraventionnels s'est donc formulé sur la base du droit administratif
et ce, malgré que les peines soient de caractère pénal
(peines privatives de
289 INADI, Ministère de la Justice et des Droits
humains, Hacia un plan nacional contra la discriminación: la
discriminación en Argentina, 2005, pp. 167-168
290 Voir Annexe n°3
80
liberté, amendes, etc.). Empruntant de part et d'autre
du droit pénal et du droit administratif, le système est
asynchrone. D'ailleurs, la description des règles contraventionnelles
met en évidence qu'elle ne répond pas aux principes du droit
pénal notamment celui de clarté, laissant à
discrétion des autorités policières l'appréciation
de la situation sur la base de règles très vagues. Ainsi
définies, appréciées et sanctionnées par une
même autorité, ces règles ne remplissent pas les conditions
nécessaires des droits à la défense.
Dans la province de Tucuman, la loi n°5.140 de
régulation des contraventions a été déclarée
inconstitutionnelle par la CSJN le 5 octobre 2010 dans un arrêt
« Núñez José Gerardo s/infracción al
art'culo 15 ». D'ailleurs, depuis 2007 le paysage contraventionnel
tend à s'éroder : une recrudescence des dérogations aux
figures des codes contraventionnels est perceptible.
La loi d'identité de genre rappelle son
incompatibilité avec toute autre norme qui la contredit. Or, avec la
présence de ces codes contraventionnels, si leur dérogation se
fait de façon tacite, les conséquences sont néanmoins bien
explicites. Le droit est une matière essentiellement écrite qui
joue sur l'interprétation des règles ainsi posées. En
l'occurrence, l'explicite est de rigueur afin de ne pas dériver sur le
terrain de l'insécurité juridique.
§ 2 USAGE DE LA PERSPECTIVE INTERSECTIONNELLE AUX
FINS DE CRIMINALISATION DES IDENTITÉS TRANS
La perspective intersectionnelle est à double
tranchant. Elle peut être favorable aux identités trans comme
être l'aliment privilégié pour les criminaliser, les
identités faisant l'objet d'évaluations par les opérateurs
de justice. Après l'étude générale de ce
phénomène (I), il sera intéressant de
s'appuyer sur quelques exemples concrets où l'intersection joue un
rôle clé dans la condamnation sur la base de faits relatifs
à la prostitution et aux produits stupéfiants
(II). En milieu carcéral, c'est surtout une carence de
la perspective de genre qui se dessine (III).
I. Un schéma de criminalisation dessiné par
les acteurs et actrices de justice
Les manifestations qui animent régulièrement les
rues argentines répètent inlassablement la nécessaire
lutte contre l'impunité. L'argument du manque de perspective de genre
des intervenants juridiques est avancé. Ancré/es dans un contexte
où des schémas socio-culturels discriminants demeurent vivaces,
le/la policier/ère, le/la juge et autres opérateur/trices de
justice vont voir leurs interprétations des réalités trans
biaisées par ces patterns. Nous partons du postulat selon lequel, dans
une certaine mesure, il y a une influence des facteurs sociaux qui vont
81
traverser les murs des commissariats et tribunaux,
édifices inscrits dans un contexte donné, zones où le
droit doit être plus que jamais appliqué.
Pour répondre à cette problématique,
Marie-Anne FRISON-ROCHE a avancée l'idée d'une
impartialité humanisée, définissant «
l'objectivité dans la subjectivité291 » qui
permet à l'opérateur juridique d'avoir conscience de ses propres
préjugés. Selon elle, l'impartialité « exige que le
magistrat, quelles que soient ses opinions, soit libre d'accueillir et de
prendre en compte tous les points de vue débattus devant
lui292 »; c'est un état d'esprit, une «
liberté de réflexion et d'analyse293 ». Cette
liberté doit être au service du respect des identités,
légalement et constitutionnellement garanti en Argentine.
Il s'observe une condamnation des identités sous
prétexte d'une conduite dolosive mais qui, en réalité, se
fonde sur une supposée « dangerosité » des
auteur/es294. La logique suivie va jouer sur un sens commun
fondé sur des préjugés afin de pouvoir mieux enserrer dans
ces règles des individus, anticiper la conduite très probable
d'un/e individu/e aux fins de le/la pénaliser. Sachant qu'une partie
importante des personnes trans se prostitue, la prostitution sera une action
particulièrement encadrée par ces normes. A ce même titre,
le marché noir et l'informalité dans lesquels elles se meuvent va
favoriser les activités relatives aux produits stupéfiants.
Emerge alors un terrain de stigmatisation et de violence continuelles envers
les personnes trans, délinquantes attitrées.
II. Prostitution, produits stupéfiants et
prison
A) SITUATION PROSTITUTIONNELLE
Comme nous l'avons vu, l'absence de régulation
explicite de la prostitution individuelle crée un vide juridique,
comblé parfois par l'arbitraire des codes contraventionnels. Ainsi, le
code contraventionnel de la province de Buenos Aires pénalise cette
activité à hauteur de 5 à 30 jours de prison (art. 68 de
la loi n°8031/73) ou celui de Mendoza à 10 à 30 jours
d'emprisonnement en sus d'une amende de 1 500 000 pesos295 (art. 54
de la loi n°3.365). Cette pénalisation se fait également de
manière indirecte sur la base de port de quelques
291 BARANES William, FRISON-ROCHE Marie-Anne (dir.), La
justice L'obligation impossible, éd. Autrement, 2009, p. 203.
292 Conseil Supérieur de la Magistrature
français, Recueil des obligations déontologiques des
magistrats, Dalloz, 2010, p.9
294Zaffaroni, Eugenio Raoel, Manual de Derecho
Penal, Buenos Aires, éd. Ediar, 2005, pp. 49-54
295 En septembre 2017 cette somme équivaut à
environ 75 000 euros.
82
préservatifs qui va engendrer des détentions et
de façon conséquente, la contamination de maladies sexuellement
transmissibles comme le sida.
Dans la province de Buenos Aires, le pouvoir local discute sur
le déplacement du `'quartier rouge» de la ville de La Plata vers
ses forêts avoisinantes. Cette décision aurait pour
conséquence une invisibilisation accrue des personnes trans se
prostituant se traduisant par une vulnérabilité plus forte et ce,
au nom d'une apparente lutte contre le narco-trafic ou corruption
policière mais bien pour une revalorisation immobilière de la
zone originelle296. Cette mesure ne suit d'ailleurs pas la
genèse de l'ordonnance n°10.829 de 2011 tendant à interdire
les lieux de prostitution car cette action délimitera justement un
espace propre au développement de cette activité.
B) PRODUITS STUPÉFIANTS
Dans la cosmo-vision andine, la Mama Coca est la
fille de la Pachamama. Sacralisée, la « coca » est
une plante légalisée par la loi sur les stupéfiants en son
article 15297. Pour autant, la tentation de succomber à la
narco-panique298 est bien réelle. La drogue est la cause
principale de détention (dans 91% des cas) dans la province de Buenos
Aires des femmes trans. Concernant les femmes trans migrantes, elle se
positionne même en tant qu'unique cause. Dans son rapport au Rapporteur
spécial sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination
raciale, de xénophobie et de l'intolérance qui y est
associée (du 16 mai 2016) - ci-après le rapport - l'ONG
OTRANS dénonce une concentration exacerbée du contrôle
social des personnes trans, migrantes, afro-descendantes et
indigènes.
Ainsi, à l'intersection des personnes
étrangères et des produits stupéfiants, une zone de
particulière vulnérabilité concernant les personnes trans
se forme. En mai 2017, sous couvert d'une opération contre le
narcotrafic dénommée « Tacos Blancos » dans la
ville de Mar del Plata, une vingtaine de personnes travesti/e/s
péruvien/nes et équatorien/nes ont été
arrêtés. Se superposent alors deux chefs d'accusation : d'un
côté, la traite de personnes (en l'espèce, ces personnes
sont victimes d'un réseau de proxénétisme) et de l'autre,
le commerce des stupéfiants. Or, ces deux matières sont
respectivement du ressort de la compétence de l'Etat
fédéral et de celui provincial. Jugé/e/s au niveau
provincial, leur condition de victimes de
296 Observatoire de la violence de genre dépendant du
Défenseur du Peuple dans la province de Buenos Aires, Monitoreo de
pol'ticas poeblicas y violencia de género, 2015, pp. 167-168
297 art. 15 : « La tenencia y el consumo de hojas de
coca en su estado natural, destinado a la práctica del coqueo o
masticación, o a su empleo como infusión, no será
considerada como tenencia o consumo de estupefaciente. » [Notre
traduction de : La détention ou la consommation de feuilles de coca
à l'état naturel destinées à la mastication ou
à son infusion ne sera pas considérée comme une
détention ou consommation de stupéfiant. »]
298« narcopánico », terme
employé par Carrasco Adriana in Página/12, « No tan
feliz », 23 juin 2017, disponible sur :
https://www.pagina12.com.ar/45485-no-tan-feliz
83
traite de personnes les a alors exempté du délit
de commerce de stupéfiants. La solution dégagée par le
juge fédéral n'aurait pas eu les mêmes effets, mettant en
exergue le proxénétisme.
Depuis la loi n°26.052 du 30 août 2005 la
stratégie étatique en la matière a changé : la
compétence pénale en matière de produits
stupéfiants peut être défédéralisée.
La CABA et les provinces de Cordoba, Salta et Buenos Aires299 se
sont enquises de ce nouveau pouvoir de répression concernant certains
délits typifiés dans la loi nationale sur les stupéfiants.
Ces derniers portent essentiellement sur des envergures moindres relatives aux
produits stupéfiants. Tant l'ONU que la Com. IDH ont
précisé l'importance de distinguer entre les reventes de drogues
au détail et le narcotrafic, lui, de plus grande ampleur. En effet sous
la couverture des codes contraventionnels, les politiques policières
tendent à arrêter et juger pour détention minime par des
personnes trans de produits stupéfiants. D'après le rapport de
OTRANS, l'unique preuve de ces allégations se fonde sur les
récits des policiers, eux-mêmes avalés par les juges. De
plus, les quantités ainsi interceptées ainsi que les
circonstances encadrant les faits ne préfigurent pas les conditions du
narco-trafic.
Des tentations de la part de la CSJN pour déroger
l'article 14 de la loi sur les stupéfiants ont été
effectuées au travers des jurisprudence « Arriola »
(25 août 2009) et « Vega » ouvrant un chemin
propice à la dépénalisation des drogues mais aussi
déclarant inconstitutionnelle la pénalisation de détention
de stupéfiants pour usage personnel n'affectant pas de tierces
personnes.
C) LE CONTEXTE CARCÉRAL, UN MILIEU D'EXACERBATION DES
VIOLENCES
Le droit à ne pas être privé de
liberté arbitrairement300 est une obligation de jus
cogens. L'arbitrariété inclut le motif de l'identité
de genre, même invoqué indirectement. En d'autres termes,
l'emprisonnement, détention ou rétention d'une personne ne peut
être fondé sur des motifs liés à l'identité
de genre. Ceci est une application du principe de non-discrimination
général. Néanmoins, fruits des multiples criminalisations,
les personnes trans sont sur-représentés en prison : beaucoup
sont migrantes, en situation de prostitution et/ou d'extrême
vulnérabilité.
299 Par le biais de lois d'adhésion : loi de la
province de Buenos Aires n°13.392 du 2 décembre 2015 ; loi de la
province de la Cordoba n°10.067 du 1er décembre 2012 ; loi de la
province de Salta n°7.782 du 1er janvier 2014.
300 art. 3 et 9 de la DUDH ; art. 9 du PIDCP ; art. 16 de la
Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs
migrants et des membres de leur famille ; art. 37 de la CIDE ; art. 17 de la
Convention internationale pour la protection contre les disparitions
forcées ; art. 5.1 de la Déclaration sur les droits de l'homme
des personnes qui ne possèdent pas la nationalité du pays dans
lequel elles vivent ; art. 1 et 25 de la Déclaration
interaméricaine des droits et devoirs de l'Homme ; art. 7 de la
Convention interaméricaine des droits de l'Homme.
84
En théorie, la loi sur l'identité de genre -
ci-après la loi - garantit un traitement digne de l'individu
(voir art. 12, Partie I, Chapitre 2, Section 1, §1 II. B).
Or, l'Observatoire de la violence de genre dépendant du Défenseur
du Peuple dans la province de Buenos Aires a mis en évidence en
2015301 le non-respect de l'identité civile de la part de la
police pénitentiaire en sus de l'impossibilité de continuer de
manière continue le traitement hormonal, répercutant directement
sur leur santé (physique et psychique) dans ce milieu carcéral.
L'irrespect de leur identité de genre continue au moment de les placer
les unités pénitentiaires, régies par la
différenciation hommes/femmes. Parfois, des ségrégations
sont effectuées : ainsi dans la province de Buenos Aires deux
pavillons302 sont spécialement réservés aux
personnes trans et à celles `'identifiées» par les services
pénitentiaires, comme étant homosexuelles303. Des
réformes législatives suivies d'efforts sociaux permettrait que
la prison s'extirpe du paradigme de système punitif fondé
uniquement sur la sécurité. Au delà, régit toujours
le concept de dignité.
301 Observatoire de la violence de genre dépendant du
Défenseur du Peuple dans la province de Buenos Aires, Monitoreo de
pol'ticas poeblicas y violencia de género, op. cit., pp. 158-179
302 Dans la province de Buenos Aires, l'Unité n°32
Florencia Varela et l'Unité n°2 Sierra Chica.
303 Si, de jure, nous nous échappions de
l'assimilation identité de genre-orientation sexuelle et de leurs
stigmatisations respectives, il semble que la réalité n'a pas
été imprégnée - depuis mai 2012 - des nouvelles
dispositions législatives qui se détachent du champ
pathologisant.
85
CONCLUSION
Le contexte international des années 2000 a permit
l'émergence d'un droit à l'identité de genre et
l'Argentine fût l'un des rares pays à se doter de cet outil de
reconnaissance des individus, dans leurs diversités et
particularités. L'identité soulève la question du droit
à la différence et de celui à l'indifférence, tous
deux en tension permanente. Si certain/es ne « demand[ent pas] des
opportunités différentes sinon égalitaires304
» et que l'égalité de jure est un droit
fondamental, la différence se dresse comme la gardienne des
singularités, essentielles pour chacun et chacune.
Le travail législatif ayant pour point culminant la
date du 23 mai 2012 a été accompagné de résistances
mais aussi d'une légitimisation de fond promu par la
société civile, divers et diverses auteur/es ainsi que
différents ministères et acteurs/trices de justice. En 2012,
l'Argentine se convertit en `'vitrine culturelle
progressiste»305 pour les personnes trans. Ce leadership
de la révolution trans ne tient néanmoins pas à
l'analyse de la réalité. Si en effet il y a une reconnaissance du
droit à l'identité de genre, l'exigence tirée du statut de
leader nous amène à tempérer les optimismes au
gré de l'étude des politiques connexes entourant les conditions
de vie des personnes trans, qui demeurant insatisfaisantes. En effet, leur
situation se caractérise par une stigmatisation toujours plus excluante
du jeu socio-économique où la différence rime alors avec
un contexte dans lequel les désavantages sont nombreux et
insérés dans un cercle vicieux. Une revalorisation des
identités trans, au-delà de la loi et dépassant
nécessairement les « bastions des bonnes moeurs »
incarnés par les codes contraventionnels, serait nécessaire.
Protéger les divers modes d'expression du genre est
pourtant mission de l'Etat argentin qui a reconnu en l'identité de
genre, un droit humain. Un appel à un humanisme est lancé,
notamment par Karine ESPINEIRA. Cet humanisme exige de « faire taire nos
peurs, d'alimenter raisonnablement nos doutes, de nommer sans disqualifier et
d'agir sans normer306 ». Le droit et ses
opérateur/trices de justice ont un rôle clé dans cette mise
en oeuvre complète et pérenne du droit à l'identité
de genre. Plus généralement, c'est peut-être du
côté d'un changement de pattern culturel que nous pouvons
espérer un changement durable d'amélioration des conditions de
vie des personnes trans pour que celui-ci se répercute in fine
sur le droit.
304 Notre traduction de : « No pedimos oportunidades
diferentes sino igualitarias », témoignage d'une activiste
trans en Guatemala juillet 2012 in REDLACTRANS, La noche es otro
pa's. Impunidad y violencia contra mujeres transgénero defensoras de
derechos humanos en América Latina, 2012, p.31
305 COLLETTE Cécile, « Buenos Aires, eldorado
trans au pays du conservatisme religieux », 4 août 2014, disponible
sur :
http://www.slate.fr/story/90371/loi-identite-genre-buenos-aires-eldorado-trans
306 ESPINEIRA Karina, « L'identité de genre :
L'impensé socio-juridique dans les sociétés de droit
» in Blog de Karina Espineira, 1 juillet 2013
86
Reconnaître le droit à l'identité de genre
c'est changer le paradigme du principe d'indisponibilité de
l'état des personnes. Mai 2012 marqua le paysage juridique argentin en
ce sens, faisant tomber dans l'orbite du droit au respect de la vie
privée cette donnée identitaire, l'arrachant à l'ordre
public. En théorie, la variable identité s'analyse ainsi comme
étant une frontière non sujette à de possibles
ingérences externes. Cette disponibilité de l'identité de
genre, ode à l'autonomie de la volonté, ouvre une boîte de
Pandore contenant les risques inhérents à toute liberté
offerte. Pour se faire, la loi a délimité le terrain
jusqu'à permettre aux personnes mineures d'exprimer leur identité
de genre. La jurisprudence précise, lorsqu'elle en est saisie,
l'application de la loi. En effet, au coeur de la loi se dresse sa
réalité. L'expression de genre comme fenêtre vers
l'extérieur de l'identité de genre va être elle qui
pâtit le plus les effets de la distorsion
légalité/réalités.
Or aujourd'hui devant une loi sur les actes discriminatoires
qui ne précise pas dans ces motifs celui de l'identité de genre,
devant l'absence de règlementation de lois d'insertion professionnelle
de personnes trans (ex.: insertion professionnelle dans la Province de Buenos
Aires, éducation sexuelle intégrale), de projets de loi en
suspens (ex.: n°2525 relatif aux violences institutionnelles, de quota
dans la province de Santa Fe dans le secteur privé et au niveau national
dans le service public, d'harcèlement scolaire en raison de
l'identité de genre, de droit humain à la recherche, obtention et
maintien d'un emploi sans discrimination dans la CABA etc.), de cas de
violences envers les personnes trans restés impunes, il persiste des
obstacles pour réaliser complètement le droit à
l'identité de genre. Un appel est lancé aux pouvoirs
décisionnels chargés de cette question ainsi qu'à la
société civile, principale concernée de celle-ci.
87
ANNEXES
ANNEXE N°1 : LOI N°26.743 IDENTIDAD DE
GÉNERO
Establécese el derecho a la identidad de género de
las personas. Sancionada: Mayo 9 de 2012
Promulgada: Mayo 23 de 2012
El Senado y Cámara de Diputados de la Nación
Argentina reunidos en Congreso, etc. sancionan con fuerza de Ley:
Art'culo 1 Ñ Derecho a la identidad de
género. Toda persona tiene derecho: a) Al reconocimiento de su identidad
de género; b) Al libre desarrollo de su persona conforme a su identidad
de género; c) A ser tratada de acuerdo con su identidad de género
y, en particular, a ser identificada de ese modo en los instrumentos que
acreditan su identidad respecto de el/los nombre/s de pila, imagen y sexo con
los que all' es registrada.
Art'culo 2 Ñ Definición. Se
entiende por identidad de género a la vivencia interna e individual del
género tal como cada persona la siente, la cual puede corresponder o no
con el sexo asignado al momento del nacimiento, incluyendo la vivencia personal
del cuerpo. Esto puede involucrar la modificación de la apariencia o la
función corporal a través de medios farmacológicos,
quiroergicos o de otra 'ndole, siempre que ello sea libremente escogido.
También incluye otras expresiones de género, como la vestimenta,
el modo de hablar y los modales.
Art'culo 3 Ñ Ejercicio. Toda persona
podrá solicitar la rectificación registral del sexo, y el cambio
de nombre de pila e imagen, cuando no coincidan con su identidad de
género autopercibida.
Art'culo 4 Ñ Requisitos. Toda persona
que solicite la rectificación registral del sexo, el cambio de nombre de
pila e imagen, en virtud de la presente ley, deberá observar los
siguientes requisitos: 1. Acreditar la edad m'nima de dieciocho (18) a-os de
edad, con excepción de lo establecido en el art'culo 5° de la
presente ley. 2. Presentar ante el Registro Nacional de las Personas o sus
oficinas seccionales correspondientes, una solicitud manifestando encontrarse
amparada por la presente ley, requiriendo la rectificación registral de
la partida de nacimiento y el nuevo documento nacional de identidad
correspondiente, conservándose el noemero original. 3. Expresar el nuevo
nombre de pila elegido con el que solicita inscribirse. En ningoen caso
será requisito acreditar intervención quiroergica por
reasignación genital total o parcial, ni acreditar terapias hormonales u
otro tratamiento psicológico o médico.
Art'culo 5 Ñ Personas menores de edad.
Con relación a las personas menores de dieciocho (18) a-os de edad la
solicitud del trámite a que refiere el art'culo
41/4 deberá ser efectuada a través de sus
representantes legales y con expresa conformidad del menor, teniendo en cuenta
los principios de capacidad progresiva e interés superior del ni-o/a de
acuerdo con lo estipulado en la Convención sobre los Derechos del Ni-o y
en la Ley 26.061 de protección
88
integral de los derechos de niñas, niños y
adolescentes. Asimismo, la persona menor de edad deberá contar con la
asistencia del abogado del niño prevista en el art'culo 27 de la Ley
26.061. Cuando por cualquier causa se niegue o sea imposible obtener el
consentimiento de alguno/a de los/as representantes legales del menor de edad,
se podrá recurrir a la v'a sumar'sima para que los/as jueces/zas
correspondientes resuelvan, teniendo en cuenta los principios de capacidad
progresiva e interés superior del niño/a de acuerdo con lo
estipulado en la Convención sobre los Derechos del Niño y en la
Ley 26.061 de protección integral de los derechos de niñas,
niños y adolescentes.
Art'culo 6 Ñ Trámite. Cumplidos
los requisitos establecidos en los art'culos 4° y 5°, el/la oficial
poeblico procederá, sin necesidad de ningoen trámite judicial o
administrativo, a notificar de oficio la rectificación de sexo y cambio
de nombre de pila al Registro Civil de la jurisdicción donde fue
asentada el acta de nacimiento para que proceda a emitir una nueva partida de
nacimiento ajustándola a dichos cambios, y a expedirle un nuevo
documento nacional de identidad que refleje la rectificación registral
del sexo y el nuevo nombre de pila. Se proh'be cualquier referencia a la
presente ley en la partida de nacimiento rectificada y en el documento nacional
de identidad expedido en virtud de la misma. Los trámites para la
rectificación registral previstos en la presente ley son gratuitos,
personales y no será necesaria la intermediación de ningoen
gestor o abogado.
Art'culo 7 Ñ Efectos. Los efectos de
la rectificación del sexo y el/los nombre/s de pila, realizados en
virtud de la presente ley serán oponibles a terceros desde el momento de
su inscripción en el/los registro/s. La rectificación registral
no alterará la titularidad de los derechos y obligaciones jur'dicas que
pudieran corresponder a la persona con anterioridad a la inscripción del
cambio registral, ni las provenientes de las relaciones propias del derecho de
familia en todos sus órdenes y grados, las que se mantendrán
inmodificables, incluida la adopción. En todos los casos será
relevante el noemero de documento nacional de identidad de la persona, por
sobre el nombre de pila o apariencia morfológica de la persona.
Art'culo 8 Ñ La rectificación
registral conforme la presente ley, una vez realizada, sólo podrá
ser nuevamente modificada con autorización judicial.
Art'culo 9 Ñ Confidencialidad.
Sólo tendrán acceso al acta de nacimiento originaria quienes
cuenten con autorización del/la titular de la misma o con orden judicial
por escrito y fundada. No se dará publicidad a la rectificación
registral de sexo y cambio de nombre de pila en ningoen caso, salvo
autorización del/la titular de los datos. Se omitirá la
publicación en los diarios a que se refiere el art'culo 17 de la Ley
18.248.
Art'culo 10 Ñ Notificaciones. El
Registro Nacional de las Personas informará el cambio de documento
nacional de identidad al Registro Nacional de Reincidencia, a la Secretar'a del
Registro Electoral correspondiente para la corrección del padrón
electoral y a los organismos que reglamentariamente se determine, debiendo
incluirse aquéllos que puedan tener información sobre medidas
precautorias existentes a nombre del interesado.
Art'culo 11 Ñ Derecho al libre
desarrollo personal. Todas las personas mayores de dieciocho (18) años
de edad podrán, conforme al art'culo 1° de la presente ley y a fin
de garantizar el
89
goce de su salud integral, acceder a intervenciones
quiroergicas totales y parciales y/o tratamientos integrales hormonales para
adecuar su cuerpo, incluida su genitalidad, a su identidad de género
autopercibida, sin necesidad de requerir autorización judicial o
administrativa. Para el acceso a los tratamientos integrales hormonales, no
será necesario acreditar la voluntad en la intervención
quiroergica de reasignación genital total o parcial. En ambos casos se
requerirá, oenicamente, el consentimiento informado de la persona. En el
caso de las personas menores de edad regirán los principios y requisitos
establecidos en el art'culo 5° para la obtención del consentimiento
informado. Sin perjuicio de ello, para el caso de la obtención del mismo
respecto de la intervención quiroergica total o parcial se deberá
contar, además, con la conformidad de la autoridad judicial competente
de cada jurisdicción, quien deberá velar por los principios de
capacidad progresiva e interés superior del niño o niña de
acuerdo con lo estipulado por la Convención sobre los Derechos del
Niño y en la Ley 26.061 de protección integral de los derechos de
las niñas, niños y adolescentes. La autoridad judicial
deberá expedirse en un plazo no mayor de sesenta (60) d'as contados a
partir de la solicitud de conformidad. Los efectores del sistema poeblico de
salud, ya sean estatales, privados o del subsistema de obras sociales,
deberán garantizar en forma permanente los derechos que esta ley
reconoce. Todas las prestaciones de salud contempladas en el presente art'culo
quedan incluidas en el Plan Médico Obligatorio, o el que lo reemplace,
conforme lo reglamente la autoridad de aplicación.
Art'culo 12 Ñ Trato digno.
Deberá respetarse la identidad de género adoptada por las
personas, en especial por niñas, niños y adolescentes, que
utilicen un nombre de pila distinto al consignado en su documento nacional de
identidad. A su solo requerimiento, el nombre de pila adoptado deberá
ser utilizado para la citación, registro, legajo, llamado y cualquier
otra gestión o servicio, tanto en los ámbitos poeblicos como
privados. Cuando la naturaleza de la gestión haga necesario registrar
los datos obrantes en el documento nacional de identidad, se utilizará
un sistema que combine las iniciales del nombre, el apellido completo, d'a y
año de nacimiento y noemero de documento y se agregará el nombre
de pila elegido por razones de identidad de género a solicitud del
interesado/a. En aquellas circunstancias en que la persona deba ser nombrada en
poeblico deberá utilizarse oenicamente el nombre de pila de
elección que respete la identidad de género adoptada.
Art'culo 13 Ñ Aplicación. Toda
norma, reglamentación o procedimiento deberá respetar el derecho
humano a la identidad de género de las personas. Ninguna norma,
reglamentación o procedimiento podrá limitar, restringir, excluir
o suprimir el ejercicio del derecho a la identidad de género de las
personas, debiendo interpretarse y aplicarse las normas siempre a favor del
acceso al mismo.
Art'culo 14 Ñ Derógase el inciso
4° del art'culo 19 de la Ley 17.132. Art'culo 15 Ñ
Comun'quese al Poder Ejecutivo Nacional.
DADA EN LA SALA DE SESIONES DEL CONGRESO ARGENTINO, EN BUENOS
AIRES, A LOS NUEVE DIAS DEL MES DE MAYO DEL AO DOS MIL DOCE. Ñ
REGISTRADA BAJO EL N1/4 26.743 Ñ AMADO BOUDOU.
Ñ JULIAN A. DOMINGUEZ. Ñ Gervasio Bozzano. Ñ Juan H.
Estrada. Decreto 773/2012 Promoelgase la Ley N1/4
26.743.
90
Bs. As., 23/5/2012 POR TANTO: Téngase por Ley de la
Nación N° 26.743, coemplase, comun'quese, publ'quese, dése a
la Dirección Nacional del Registro Oficial y arch'vese. Ñ
FERNANDEZ DE KIRCHNER. Ñ Juan M. Abal Medina. Ñ An'bal F.
Randazzo.
ANNEXE N°2 : DÉCRET N°1007/2012
Rectificación registral de sexo y cambio de nombre/s de
pila e imagen. Bs. As., 2/7/2012
VISTO el Expediente N° S02:0005445/2012 del Registro del
MINISTERIO DEL INTERIOR Y TRANSPORTE, la Ley N° 26.743, y
CONSIDERANDO:
Que la Ley N° 26.743 reconoce el derecho humano
fundamental de toda persona al reconocimiento de su identidad de género,
a ser tratada de acuerdo a ella y al libre desarrollo de su persona conforme
dicha identidad y, en particular, a ser identificada de ese modo en los
instrumentos que acreditan su identidad.
Que la ley citada define por identidad de género a la
vivencia interna e individual del género tal como cada persona la
siente, pudiendo o no corresponder con el sexo asignado al momento del
nacimiento.
Que a los efectos de dar plena operatividad a este derecho
resulta necesario reglamentar diversas cuestiones, as' como deslindar las
competencias de la Nación, de las provincias y de la Ciudad
Autónoma de Buenos Aires que convergen en la materia.
Que el sistema de identificación argentino tiene su
basamento sobre dos sistemas interdependientes: el registral y el
identificatorio nacional.
Que el primero de dichos sistemas es el responsable de la
registración de los actos o hechos, que den origen, alteren o modifiquen
el estado civil y la capacidad de las personas: nacimientos, matrimonio,
incapacidades, defunciones, entre otras, emitiendo las respectivas partidas; y
su organización corresponde a las provincias y a la Ciudad
Autónoma de Buenos Aires, estando regido actualmente por la Ley N°
26.413 y en diversos cuerpos constitucionales, legales y reglamentarios de
naturaleza local.
Que el sistema identificatorio nacional, por su parte, emite
el Documento Nacional de Identidad sobre la base de una matr'cula oenica
(noemero de D.N.I.) y el uso de técnicas de identificación
dactiloscópica creadas por el croata-argentino Juan Vucetich (art'culo
2, inciso c, de la Ley N° 17.671 y sus modificatorias).
Que la Procuración del Tesoro de la Nación ha
se-alado al respecto que: «En la asignación de funciones, referidas
al estado de las personas, nuestra legislación prefirió la
unificación de las
91
disposiciones referentes a esa materia a través del
acatamiento a normas básicas y generales, como ocurre en el caso del
Decreto Ley N1/4 8204/63, ratificado por la Ley
N1/4 16.478 y sus modificatorios, el cual unificó
y centralizó la organización del Registro del Estado Civil y
Capacidad de las Personas a partir del 1° de enero de 1964. En punto a
ello, los gobiernos provinciales pueden dictar normas sobre la
organización de sus Registros Civiles locales, pero sin que se
contraponga con las disposiciones de fondo (...) haciendo lo propio en cuanto a
la identificación, registro y clasificación del potencial humano
nacional (...) Tratándose el estado de las personas de un atributo
inherente a la personalidad, es explicable que el titulo de ese estado sea
legalmente necesario para conocer la ubicación y emplazamiento de las
personas en el marco de las relaciones familiares y que, en lo material, se
requiera su acreditación a través de las correspondientes actas o
partidas confeccionadas por los Registros Civiles» (Dictámenes
234:578).
Que el sistema identificatorio es de carácter exclusivo
y excluyentemente federal, regido por la Ley N1/4 17.671
y sus modificatorias y la Ley N1/4 24.540 y sus
modificatorias.
Que la identificación debe ser entendida como la
actividad por la cual el Estado selecciona una serie de atributos propios y
distintivos y otras circunstancias de una persona, que permiten
individualizarla de modo oenico, inequivoco y diferenciable de los demás
miembros de una comunidad a los fines de garantizar el ejercicio de sus
derechos y el cumplimiento de sus obligaciones.
Que el articulo 9° de la Ley N1/4
17.671, sustituido por el articulo 1° de la Ley N1/4
24.942, dispone que la identificación se cumplirá ante la oficina
seccional correspondiente al lugar donde se domicilie la persona, mediante el
testimonio de su nacimiento, fotografias, impresiones dactiloscópicas,
descripciones de se-as fisicas, datos individuales, el grupo y factor
sanguineo, dejando expresa constancia de cuáles son los datos
consignados, por declaración jurada, a los efectos de su agregado al
legajo de identificación.
Que el género o sexo de las personas no resulta
normativamente un campo obligatorio en materia de identificación
documentaria para la Ley N1/4 17.671, pero si resulta un
dato esencial en materia registral.
Que en efecto, la Ley N1/4 26.413
dispone en su articulo 36, inciso a), que la inscripción del nacimiento
deberá contener el nombre, apellido y sexo del recién nacido.
Que asimismo la prueba del nacimiento a través del
«Certificado Médico de Nacimiento» contemplado en el articulo
33 de la Ley N1/4 26.413, incluye entre los datos
esenciales el sexo del recién nacido.
Que esta asignación primaria de sexo, por lo general,
responde a criterios morfológicos (sexo cromosómico, el sexo
gonadal, sexo morfológico interno, sexo morfológico externo, sexo
hormonal y sexo fenotipico) que permiten una diferenciación sexual
primaria del recién nacido; prevaleciendo en esta etapa el criterio
biológico.
92
Que en el caso de ciertas personas puede existir congruencia
respecto de dichos factores, pero no en la identificación
psicológica con el sexo asignado.
Que como ha se-alado el doctor Bidart Campos entre los
derechos humanos resulta fundamental el de «ser uno mismo», que
«la registración del estado civil y de la identidad coincidan con
la mismidad del sujeto (...). Uno de los derechos humanos más
elementales de cada ser: ser el que se es y ser legalmente reconocido como el
que es y tal como es y vivir en correspondencia» (El sexo legal y el sexo
real; una sentencia ejemplar, ED 159, 465).
Que la jurisprudencia, en forma previa a la sanción de
la Ley N1/4 26.743, ya hab'a admitido la posibilidad de
modificación del sexo asignado con la consecuente modificación de
la partida de nacimiento y posteriormente de los documentos de identidad para
adecuarlos al sexo/ género sentido y a la identidad personal de los
individuos.
Que en tal sentido el procedimiento previsto en la Ley
N1/4 26.743 requiere como primer paso la
rectificación del sexo asignado y la emisión de una nueva partida
de nacimiento por parte de las Direcciones Generales, Provinciales o de la
Ciudad Autónoma de Buenos Aires del Registro del Estado Civil y
Capacidad de las Personas en el ámbito de sus propias competencias.
Que sin perjuicio de ello, en el marco de las facultades
normativas concurrentes en materia registral, el art'culo 13 de la Ley
N1/4 26.743 establece el deber del pleno e integral
respeto al derecho humano a la identidad de género de las personas, no
pudiendo limitarse, excluirse, suprimirse o restringirse v'a reglamentaria el
ejercicio de ese derecho y debiendo interpretarse y aplicarse las normas a
favor del acceso al mismo.
Que en tal sentido corresponde establecer los criterios
generales que deben seguirse para que en cada ámbito provincial, y/o de
la Ciudad Autónoma de Buenos Aires, se dé cumplimiento a lo
previsto en los art'culos 4°, 6°, 9°, 10 y concordantes de la
Ley N1/4 26.743.
Que la redacción del art'culo 4°, inciso 2, en
cuanto se-ala los lugares de presentación de la solicitud de
rectificación registral del sexo debe interpretarse en los
términos del art'culo 62 de la Ley N1/4 17.671 y
sus modificatorias, en la interpretación armónica de los
ámbitos de competencia establecidos por la Constitución Nacional,
Constituciones provinciales, Código Civil de la Nación, Ley
N1/4 26.413 y el ordenamiento jur'dico en general.
Que resulta necesario que las Direcciones Generales,
Provinciales, de la Ciudad Autónoma de Buenos Aires y el Registro
Nacional de las Personas, a través del Consejo Federal de Registros del
Estado Civil y Capacidad de las Personas de la Repoeblica Argentina establezcan
un formulario oenico de solicitud simplificado y los requisitos para el
reconocimiento de solicitudes presentadas ante oficinas de otras jurisdicciones
provinciales a los efectos de facilitar a la persona solicitante el pleno
ejercicio de los derechos reconocidos por la Ley N1/4
26.743.
Que la cuestión referida a las personas extranjeras con
residencia en la Repoeblica Argentina conlleva una problemática especial
ya que jur'dica y materialmente resulta imposible la
93
rectificación de la partida de nacimiento respectiva, y
la Ley N° 26.743 no ha contemplado expresamente dicho supuesto.
Que los/as ciudadanos/as extranjeros/as no constan en el
Registro Civil y, por tanto, resulta imposible la rectificación del
contenido de su inscripción de nacimiento.
Que la Ley N° 26.413 del Registro del Estado Civil y
Capacidad de las Personas contempla en sus art'culos 73 al 77 la
cuestión de la inscripción de partidas de extra-a
jurisdicción, la que se asienta en libros especiales habilitados al
efecto por las Direcciones Generales, pero sin perjuicio de dicha posibilidad,
el art'culo 75 establece que las mismas no pueden ser modificadas sin que
previamente lo sean en su jurisdicción de origen.
Que aoen atendiendo a la imposibilidad de rectificación
registral del sexo de las personas extranjeras residentes, la
Constitución Nacional y los Tratados Internacionales incorporados a la
misma resultan fundamento suficiente para la no discriminación de dicho
grupo dentro del territorio nacional en cuanto al reconocimiento del derecho
humano fundamental a su identidad personal y en particular a la identidad de
género, en aquellos documentos expedidos por la Repoeblica Argentina y
que respondan a su calidad de inmigrantes en el pa's.
Que en tal sentido, se han previsto dos cuestiones para el
ejercicio de ese derecho, diferenciando aquellos ciudadanos que hayan obtenido
la rectificación del sexo en sus respectivos pa'ses de origen, de
aquéllos en que dicho reconocimiento no existe en su pa's de origen con
los alcances establecidos por la Ley N° 26.743.
Que con respecto a los primeros, la sola presentación
de su documento de identidad, la partida de nacimiento, pasaporte, sentencia
judicial o cualquier otra documentación donde se disponga o conste la
rectificación del sexo y/o cambio de nombre segoen la legislación
de su pa's de origen será suficiente para proceder a la
rectificación del sexo consignado en la residencia, en el documento
nacional para extranjeros emitido por la Repoeblica Argentina y en toda otra
documentación que se expida a dicha persona.
Que con respecto al segundo grupo, resulta necesario
contemplar un procedimiento especial que respete plenamente su derecho a la
identidad de género aoen frente a la imposibilidad legal y
práctica de la rectificación registral contemplada en la Ley
N° 26.743.
Que ha tomado la intervención que le compete la
Dirección General de Asuntos Jur'dicos del MINISTERIO DEL INTERIOR Y
TRANSPORTE.
Que la presente medida se dicta en uso de las facultades
conferidas por el art'culo 99, incisos 1 y 2, de la CONSTITUCION NACIONAL.
Por ello,
LA PRESIDENTA DE LA NACION ARGENTINA DECRETA:
94
Art'culo 1 -- Las Direcciones Generales,
Provinciales o de la Ciudad Autónoma de Buenos Aires del Registro del
Estado Civil y Capacidad de las Personas aprobarán en el ámbito
de sus competencias: a) el formulario a utilizar para la solicitud de
rectificación registral de sexo y el cambio de nombre/s de pila e imagen
contemplado en el articulo 3° de la Ley N° 26.743, b) las oficinas
seccionales, delegaciones y/o lugares habilitados para la recepción de
las mismas y/o c) el reconocimiento de solicitudes presentadas ante oficinas de
otras jurisdicciones provinciales. En todos los casos, y hasta la efectiva
rectificación del sexo, debe contemplarse brindar a la persona
solicitante el trato digno y el debido respeto a su identidad de género
segoen lo dispuesto en el articulo 12 de la Ley N° 26.743.
Art'culo 2 -- A los efectos de lo dispuesto
en el articulo 1° del presente, se invitará a las Direcciones
Generales, Provinciales, de la Ciudad Autónoma de Buenos Aires y al
Registro Nacional de las Personas, a través del Consejo Federal de
Registros del Estado Civil y Capacidad de las Personas de la Repoeblica
Argentina, a establecer un formulario oenico de solicitud simplificado y los
requisitos para el reconocimiento de solicitudes presentadas ante oficinas de
otras jurisdicciones provinciales o de la Ciudad Autónoma de Buenos
Aires, a los efectos de facilitar a la persona solicitante el pleno ejercicio
de los derechos reconocidos por la Ley N° 26.743.
Art'culo 3 -- Es requisito ineludible para
solicitar la rectificación registral de sexo y cambio de nombre/s de
pila e imagen, además del cumplimiento de los requisitos previstos en el
articulo 4° de la Ley 26.743, la existencia previa de la
inscripción que se pretende rectificar. En caso de que la persona
solicitante carezca de la misma, deberá solicitarla en los
términos de la Ley N° 26.413. Será requisito además
para el inicio del trámite la presentación del Documento Nacional
de Identidad y la constancia de la inscripción en los términos
del articulo 23 de la Ley N° 26.413.
Art'culo 4 -- Las solicitudes se
remitirán a la Dirección General, Provincial o de la Ciudad
Autónoma de Buenos Aires del Registro del Estado Civil y Capacidad de
las Personas que corresponda a fin de que, verificado el cumplimiento de los
requisitos establecidos por el articulo 4° de la Ley N° 26.743 y de
la presente reglamentación, se proceda a la rectificación
registral solicitada, la inmovilización del acta original y la
emisión de la nueva partida de nacimiento. La modificación del
contenido de la inscripción deberá ser suscripta por el oficial
poeblico en los términos del articulo 25 de la Ley N° 26.413 y en
la nueva partida no se podrá hacer mención alguna a la Ley
N° 26.743 segoen lo dispuesto en el articulo 6° de la misma, ni
referencia alguna a normas de carácter local que permitan inferir el
cambio de género efectuado.
Art'culo 5 -- El procedimiento registral
contemplado en el articulo 4° del presente será reglamentado en el
ámbito de sus competencias por las Direcciones Generales, Provinciales o
de la Ciudad Autónoma de Buenos Aires de los Registros del Estado Civil
y Capacidad de las Personas, debiendo ajustarse a lo dispuesto en la Ley
N° 26.413, la Ley N° 26.743 y en particular a lo establecido en el
articulo 13 en cuanto dispone el pleno e integral respeto al derecho humano a
la identidad de género de las personas, no pudiendo limitarse o
restringirse via reglamentaria el ejercicio de ese derecho y debiendo
interpretarse y aplicarse todas las normativas a favor del acceso al mismo.
95
Art'culo 6 -- La solicitud del nuevo
Documento Nacional de Identidad podrá realizarse en cualquier oficina
seccional de los registros civiles habilitados a tal fin, o en las oficinas del
Registro Nacional de las Personas. Será requisito contar con la nueva
partida de nacimiento con el sexo rectificado, la que deberá
necesariamente adjuntarse al trámite de inicio.
Art'culo 7 -- El nuevo D.N.I. se
expedirá con el sexo y nombre/s de pila rectificados debiéndose
adjuntar los datos y la nueva partida de nacimiento al legajo de
identificación obrante en la Dirección Nacional del Registro
Nacional de las Personas, previo cotejo de la identidad de la persona
solicitante. En caso de no correspondencia de la identificación
dactiloscópica se procederá de inmediato a notificar a la
Dirección General, Provincial o de la Ciudad Autónoma de Buenos
Aires de los Registros del Estado Civil y Capacidad de las Personas que haya
emitido la nueva partida rectificada, sin perjuicio de las demás
acciones legales que correspondan.
Art'culo 8 -- Si la persona que opta por
ejercer los derechos contemplados en la Ley N° 26.743 posee una matr'cula
documentaria que estuviera determinada por la combinación noemero y sexo
masculino-femenino (Leyes N° 11.386 y N° 13.010), a los efectos de
evitar la duplicación de la misma, necesariamente el Registro Nacional
de las Personas deberá asignarle una nueva matr'cula identificatoria. La
Dirección General, Provincial o de la Ciudad Autónoma de Buenos
Aires de los Registros del Estado Civil y Capacidad de las Personas que deba
emitir una nueva partida rectificada en estos casos, solicitará
previamente a la Dirección Nacional del Registro de las Personas la
asignación de dicha nueva matr'cula para que la misma conste en el acta
respectiva.
Art'culo 9 -- Las personas extranjeras que
soliciten o cuenten con residencia legal en la Repoeblica Argentina
podrán solicitar la anotación o la rectificación de la
misma de acuerdo a su identidad de género presentando su documento de
identidad, la partida de nacimiento, pasaporte, sentencia judicial o cualquier
otra documentación debidamente legalizada donde se disponga o conste la
rectificación del sexo y/o cambio de nombre/s segoen la
legislación de su pa's de origen.
Aquellas personas extranjeras con residencia legal en la
Repoeblica que no pudieran o no hubieran rectificado el sexo en su pa's de
origen, que no encuadren en la condición de apátridas o
refugiados y que soliciten su reconocimiento en virtud de la Ley N°
26.743, deberán cumplir con los siguientes requisitos:
a) Tener residencia legal permanente en la Repoeblica
Argentina.
b) Contar con el Documento Nacional de Identidad para
extranjeros.
c) Explicitar en la solicitud los motivos por los cuales no
resulta posible la rectificación de sexo en su pa's de origen.
La solicitud se efectuará ante las oficinas habilitadas
por el Registro Nacional de las Personas. La oficina de toma de trámite
recepcionará la misma mediante los procedimientos de captura
96
digital y procederá a verificar el cumplimiento de los
requisitos exigidos. Una vez verificados dichos extremos el Registro Nacional
de las Personas dará curso a la solicitud y comunicará a la
Dirección Nacional de Migraciones la opción de cambio de sexo y/o
nombre/s de pila del extranjero a los fines que ésta oeltima realice las
modificaciones correspondientes a la radicación de dicha persona, de
manera tal que se correspondan con el Documento Nacional de Identidad a
emitirse. Una vez que la Dirección Nacional de Migraciones formaliza las
modificaciones requeridas deberá comunicarlo al Registro Nacional de las
Personas a los fines que este organismo proceda a emitir el Documento Nacional
de Identidad del ciudadano/ a. En el caso que la Dirección Nacional de
Migraciones observe por motivos fundados la modificación requerida, el
Registro Nacional de las Personas comunicará la denegación del
trámite al ciudadano/a. La documentación emitida a la persona
extranjera, en este supuesto, sólo será válida en la
Repoeblica Argentina. La Dirección Nacional de Migraciones y la
Dirección Nacional del Registro Nacional de las Personas
instrumentarán en forma conjunta los mecanismos de comunicación
de dicha restricción respetándose especialmente lo dispuesto por
los articulos 6°, 9° y 12 de la Ley N1/4
26.743.
La Dirección Nacional de Migraciones y el Registro
Nacional de las Personas establecerán el procedimiento a cumplir por
parte de las personas apátridas o refugiadas.
Artículo 10 -- La estricta
confidencialidad de las partidas prevista en el articulo 9° de la Ley
N1/4 26.743 es extensible a los legajos de
identificación del Registro Nacional de las Personas.
Artículo 11 -- Las Direcciones
Generales, Provinciales o de la Ciudad Autónoma de Buenos Aires de los
Registros del Estado Civil y Capacidad de las Personas procederán a la
notificación contemplada en el articulo 10 de la Ley 26.743 a los
organismos y registros poeblicos provinciales que determine cada
reglamentación local. El Registro Nacional de las Personas
procederá a notificar la modificación a los organismos
contemplados en el articulo citado, asi como a la Inspección General de
Justicia y al Banco Central de la Repoeblica Argentina. Asimismo, podrá
autorizar dicha notificación por via reglamentaria a cualquier otro
organismo que demuestre interés poeblico dentro del marco de
confidencialidad y debido resguardo de los datos personales de la Ley
N1/4 25.326. Cada interesado tendrá a su cargo las
rectificaciones que fueran menester realizar para su propio beneficio frente a
entidades poeblicas o privadas tales como, titulos de estudio, legajos
personales, cuentas bancarias y comerciales, historias clinicas, membrecias,
entre otras.
Artículo 12 -- La Dirección
Nacional de Población dependiente de la Dirección Nacional del
Registro Nacional de las Personas o el organismo que en el futuro la reemplace
se constituirá como la unidad especializada de asesoramiento y
asistencia en las materias de su competencia de la Ley
N1/4 26.743.
Artículo 13 -- Comuniquese,
publiquese, dése a la Dirección Nacional del Registro Oficial y
archivese. Ñ FERNANDEZ DE KIRCHNER. Ñ Juan M. Abal Medina.
Ñ Anibal F. Randazzo.
97
ANNEXE N°3 : EXTRAITS DE LA CONSTITUTION NATIONALE
ARGENTINE
Art'culo 2 -- El Gobierno federal sostiene el
culto católico, apostólico, romano.
Art'culo 5 -- Cada provincia dictara para si
una Constitución bajo el sistema representativo republicano, de acuerdo
con los principios, declaraciones y garant'as de la Constitución
Nacional y que asegure su administración de justicia, su régimen
municipal y la educación primaria. Bajo de estas condiciones el Gobierno
federal, garante a cada provincia el goce y ejercicio de sus instituciones.
Art'culo 14 -- Todos los habitantes de la
Nación gozan de los siguientes derechos conforme a las leyes que
reglamenten su ejercicio, a saber: de trabajar y ejercer toda industria licita;
de navegar y comerciar; de peticionar a las autoridades; de entrar, permanecer,
transitar y salir del territorio argentino; de publicar sus ideas por la prensa
sin censura previa; de usar y disponer de su propiedad; de asociarse con fines
utiles; de profesar libremente su culto; de ensenhar y aprender.
Art'culo 14 bis -- El trabajo en sus diversas
formas gozara de la protección de las leyes, las que aseguraran al
trabajador: condiciones dignas y equitativas de labor; jornada limitada;
descanso y vacaciones pagados; retribución justa; salario m'nimo vital
móvil; igual remuneración por igual tarea; participación
en las ganancias de las empresas, con control de la producción y
colaboración en la dirección; protección contra el despido
arbitrario; estabilidad del empleado publico; organización sindical
libre y democrática, reconocida por la simple inscripción en un
registro especial.
Queda garantizado a los gremios: concertar convenios
colectivos de trabajo; recurrir a la conciliación y al arbitraje; el
derecho de huelga. Los representantes gremiales gozaran de las garant'as
necesarias para el cumplimiento de su gestion sindical y las relacionadas con
la estabilidad de su empleo.
El Estado otorgara los beneficios de la seguridad social, que
tendra carácter de integral e irrenunciable. En especial, la ley
establecerá: el seguro social obligatorio, que estará a cargo de
entidades nacionales o provinciales con autonom'a financiera y
económica, administradas por los interesados con participación
del Estado, sin que pueda existir superposición de aportes; jubilaciones
y pensiones móviles; la protección integral de la familia; la
defensa del bien de familia; la compensación económica familiar y
el acceso a una vivienda digna.
Art'culo 15 -- En la Nación Argentina
no hay esclavos: los pocos que hoy existen quedan libres desde la jura de esta
Constitución, y una ley especial reglara las indemnizaciones a que de
lugar esta declaración. Todo contrato de compra y venta de personas es
un crimen de que serán responsables los que lo celebrasen, y el
escribano o funcionario que lo autorice. Y los esclavos que de cualquier modo
se introduzcan quedan libres por el solo hecho de pisar el territorio de la
Repoeblica.
Art'culo 16 -- La Nación Argentina no
admite prerrogativas de sangre, ni de nacimiento: no hay en ella fueros
personales ni t'tulos de nobleza. Todos sus habitantes son iguales antes la
ley, y admisibles en los empleos sin otra condicion que la idoneidad. La
igualdad es la base del impuesto y de las cargas publicas.
98
Art'culo 18 -- Ningoen habitante de la
Nación puede ser penado sin juicio previo fundado en ley anterior al
hecho del proceso, ni juzgado por comisiones especiales, o sacado de los jueces
designados por la ley antes del hecho de la causa. Nadie puede ser obligado a
declarar contra si mismo; ni arrestado sino en virtud de orden escrita de
autoridad competente. Es inviolable la defensa en juicio de la persona y de los
derechos. El domicilio es inviolable como también la correspondencia
epistolar y los papeles privados; y una ley determinara en que casos y con que
justificativos podrá procederse a su allanamiento y ocupación.
Quedan abolidos para siempre la pena de muerte por causas pol'ticas, toda
especie de tormento y los azotes. Las cárceles de la Nación
serán sanas y limpias, para seguridad y no para castigo de los reos
detenidos en ellas, y toda medida que a pretexto de precaución conduzca
a mortificarlos mas alla de lo que aquella exija, hara responsable al juez que
la autorice.
Art'culo 19 -- Las acciones privadas de los
hombres que de ningoen modo ofendan al orden y a la moral publica, ni
perjudiquen a un tercero, están solo reservadas a Dios, y exentas de la
autoridad de los magistrados. Ningoen habitante de la Nación sera
obligado a hacer lo que no manda la ley, ni privado de lo que ello no
prohibe.
Art'culo 37 -- Esta Constitución
garantiza el pleno ejercicio de los derechos pol'ticos, con arreglo al
principio de la soberan'a popular y de las leyes que se dicten en consecuencia.
El sufragio es universal, igual, secreto y obligatorio.
La igualdad real de oportunidades entre varones y mujeres para
el acceso a cargos electivos y partidarios se garantizara por acciones
positivas en la regulación de los partidos pol'ticos y en el
régimen electoral.
Art'culo 43 -- Toda persona puede interponer
acción expedita y rápida de amparo, siempre que no exista otro
medio judicial mas idóneo, contra todo acto u omisión de
autoridades publicas o de particulares, que en forma actual o inminente
lesione, restrinja, altere o amenace, con arbitrariedad o ilegalidad
manifiesta, derechos y garant'as reconocidos por esta Constitución, un
tratado o una ley. En el caso, el juez podrá declarar la
inconstitucionalidad de la norma en que se funde el acto u omisión
lesiva.
Podrán interponer esta acción contra cualquier
forma de discriminación y en lo relativo a los derechos que protegen al
ambiente, a la competencia, al usuario y al consumidor, as' como a los derechos
de incidencia colectiva en general, el afectado, el defensor del pueblo y las
asociaciones que propendan a esos fines, registradas conforme a la ley, la que
determinara los requisitos y formas de su organización.
Toda persona podrá interponer esta acción para
tomar conocimiento de los datos a ella referidos y de su finalidad, que consten
en registros o bancos de datos poeblicos, o privados destinados a proveer
informes, y en caso de falsedad o discriminación, para exigir la
supresión, rectificación, confidencialidad o actualización
de aquellos. No podrá afectarse el secreto de las fuentes de
información period'stica.
Cuando el derecho lesionado, restringido, alterado o amenazado
fuera la libertad f'sica, o, en caso de agravamiento ilegitimo en la forma o
condiciones de detención, o en el de desaparición forzada de
personas, la acción de habeas corpus podrá ser interpuesta por el
afectado o por cualquiera en su favor y el juez resolverá de inmediato,
aun durante la vigencia del estado de sitio.
99
Art'culo 75 -- Corresponde al Congreso :
(É)
12. Dictar los códigos Civil,
Comercial, Penal, de Mineria, y del Trabajo y Seguridad Social, en cuerpos
unificados o separados, sin que tales códigos alteren las jurisdicciones
locales, correspondiendo su aplicación a los tribunales federales o
provinciales, segoen que las cosas o las personas cayeren bajo sus respectivas
jurisdicciones; y especialmente, leyes generales para toda la Nación
sobre naturalización y nacionalidad, con sujeción al principio de
nacionalidad natural y por opción en beneficio de la argentina; asi como
sobre bancarrotas, sobre falsificación de la moneda corriente y
documentos poeblicos del Estado, y las que requiera el establecimiento del
juicio por jurados.
17. Reconocer la preexistencia étnica
y cultural de los pueblos indigenas argentinos. Garantizar el respeto a su
identidad y el derecho a una educación bilingue e intercultural;
reconocer la personeria juridica de sus comunidades, y la posesión y
propiedad comunitarias de las tierras que tradicionalmente ocupan; y regular la
entrega de otras aptas y suficientes para el desarrollo humano; ninguna de
ellas sera enajenable, transmisible ni susceptible de gravámenes o
embargos. Asegurar su participación en la gestion referida a sus
recursos naturales y a los demas intereses que los afecten. Las provincias
pueden ejercer concurrentemente estas atribuciones.
22. aprobar o desechar tratados concluidos con las demas
naciones y con las organizaciones internacionales y los concordatos con la
Santa Sede. Los tratados y concordatos tienen jerarquia superior a las leyes.
La Declaración Americana de los Derechos y Deberes del Hombre; la
Declaración Universal de Derechos Humanos; la Convención
Americana sobre Derechos Humanos; el Pacto Internacional de Derechos
Económicos, Sociales y Culturales; el Pacto Internacional de Derechos
Civiles y Politicos y su Protocolo Facultativo; la Convención sobre la
Prevención y la Sanción del Delito de Genocidio; la
Convención Internacional sobre la Eliminación de todas las Formas
de Discriminación Racial; la Convención sobre la
Eliminación de todas las Formas de Discriminación contra la
Mujer; la Convención contra la Tortura y otros Tratos o Penas Crueles,
Inhumanos o Degradantes; la Convención sobre los Derechos del Ninho; en
las condiciones de su vigencia, tienen jerarquia constitucional, no derogan
articulo alguno de la primera parte de esta Convención y deben
entenderse complementarios de los derechos y garantias por ella reconocidos.
Solo podrán ser denunciados, en su caso, por el Poder Ejecutivo
nacional, previa aprobación de las dos terceras partes de la totalidad
de los miembros de cada Camara. Los demas tratados y convenciones sobre
derechos humanos, luego de ser aprobados por el Congreso, requerirán del
voto de las dos terceras partes de la totalidad de los miembros de cada Camara
para gozar de la jerarquia constitucional.
23. Legislar y promover medidas de acción positiva que
garanticen la igualdad real de oportunidades y de trato,y el pleno goce y
ejercicio de los derechos reconocidos por esta Constitución y por los
tratados internacionales vigentes sobre los derechos humanos, en particular
respecto de los ninhos, las mujeres, los ancianos y las personas con
discapacidad.
100
Dictar un régimen de seguridad social especial e
integral en protección del ninho en situación de desamparo, desde
el embarazo hasta la finalización del periodo de ensenhanza elemental, y
de la madre durante el embarazo y
el tiempo de lactancia.
Art'culo 86 -- El Defensor del Pueblo es un
órgano independiente instituido en el ámbito del Congreso de la
Nación, que actuará con plena autonom'a funcional, sin recibir
instrucciones de ninguna autoridad. Su misión es la defensa y
protección de los derechos humanos y demas derechos, garant'as e
intereses tutelados en esta Constitución y las leyes, ante hechos, actos
u omisiones de la Administración; y el control del ejercicio de las
funciones administrativas publicas.
El Defensor del Pueblo tiene legitimación procesal. Es
designado y removido por el Congreso con el voto de las dos terceras partes de
los miembros presentes de cada una de las Cámaras. Goza de las
inmunidades y privilegios de los legisladores. Durara en su cargo cinco anhos,
pudiendo ser nuevamente designado por una sola vez especial.
La organización y el funcionamiento de esta
institución serán regulados por una ley.
Art'culo 116 -- Corresponde a la Corte
Suprema y a los tribunales inferior de la Nación, el conocimiento y
decisión de todas las causas que versen sobre puntos regidos por la
Constitución, y por las leyes de la Nación, con la reserva hecha
en el inciso 12 del Articulo 75; y por los tratados con las naciones
extranjeras; de las causas concernientes a embajadores, ministros poeblicos y
cónsules extranjeros; de las causas de almirantazgo o
jurisdicción mar'tima; de los asuntos en que la Nación sea parte;
de las causas que se susciten entre dos o mas provincias; entre una provincia y
los vecinos de otra; entre los vecinos de diferentes provincias; y entre una
provincia o sus vecinos, contra un Estado o ciudadano extranjero.
Art'culo 117 -- En estos casos la Corte
Suprema ejercerá su jurisdicción por apelación segoen las
reglas y excepciones que prescriba el Congreso; pero en todos los asuntos
concernientes a embajadores, ministros y cónsules extranjeros, y en los
que alguna provincia fuese parte, la ejercerá originaria y
exclusivamente.
Art'culo 121 Ñ Las provincias
conservan todo el poder no delegado por esta Constitución al Gobierno
federal, y el que expresamente se hayan reservado por actos especiales al
tiempo de su incorporación.
Art'culo 126 Ñ Las provincias no
ejercen el poder delegado a la Nación. No pueden celebrar tratados
parciales de carácter politico; ni expedir leyes sobre comercio, o
navegación interior o exterior; ni establecer aduanas provinciales; ni
acunhar moneda; ni establecer bancos con facultades de emitir billetes, sin
autorización del Congreso Federal; ni dictar los Códigos Civil,
Comercial, Penal y de Miner'a, después que el Congreso los haya
sancionado; ni dictar especialmente leyes sobre ciudadan'a y
naturalización, bancarrotas, falsificación de moneda o documentos
del Estado; ni establecer derechos de tonelaje; ni armar buques de guerra o
levantar ejércitos, salvo el caso de invasion exterior o de un peligro
tan inminente que no admita dilación dando luego cuenta al Gobierno
federal; ni nombrar o recibir agentes extranjeros.
101
ANNEXE N°4 : PROJET DE LOI N°2526-D-2016
Reconocer es Reparar-
Régimen Reparatorio para Victimas de Violencia
Institucional por motivos de identidad de género
Art'culo 1 Ñ Establécese una
pensión graciable para aquellas personas que hayan sido privadas de su
libertad por causas relacionadas con su identidad de género como
consecuencia del accionar de las Fuerzas de Seguridad federales y/o por
disposición de autoridad judicial o del Ministerio Poeblico de
jurisdicción nacional o federal. Serán beneficiarias,
indiscutiblemente, las personas a las que se les haya aplicado los incisos fll,
hll e ill del articulo 2 del derogado Reglamento de Procedimientos
Contravencionales del Edicto policial dictado por la Policia Federal
Argentina.
Art'culo 2 Ñ A efectos de posibilitar
la acreditación del requisito del articulo anterior, los organismos
oficiales deberán evacuar los informes que le solicite la autoridad de
aplicación en un plazo que no podrá exceder de VEINTE (20) dias
hábiles.
Art'culo 3 Ñ El beneficio
correspondiente a las personas que en iguales circunstancias hubiesen sufrido
lesiones gravisimas, segoen la clasificación que hacen los articulos 90
y 91 del Código Penal, o alguno de los delitos contra la integridad
sexual (arts. 118 a 133 del Código Penal) será incrementado, por
ese solo hecho, en un treinta por ciento (30 %).
Art'culo 4 Ñ La solicitud del
beneficio se hará ante la Secretaria de Derechos Humanos del Ministerio
de Justicia y Derechos Humanos de la Nación, quien comprobará en
forma sumarisima el cumplimiento de los recaudos exigidos por los articulos
anteriores.
En caso de que el/la solicitante no aporte materiales
probatorios suficientes, corresponderá a la autoridad de
aplicación la producción de prueba adicional de oficio. Toda
negativa al otorgamiento del beneficio deberá estar basada en una
justificación objetiva y razonable, suficientemente probada, del
accionar estatal cuestionado, su legitimidad, proporcionalidad y su
carácter no discriminatorio.
La resolución que deniegue en forma total o parcial el
beneficio, será recurrible dentro de los diez (10) dias de notificada
ante la Cámara Nacional de Apelaciones en lo Contencioso Administrativo
Federal de la Capital Federal. El recurso se presentará fundado y la
Secretaria de Derechos Humanos del Ministerio de Justicia y Derechos Humanos de
la Nación lo elevará a la Cámara con su opinión
dentro del quinto dia. La Cámara decidirá sin más
trámite dentro del plazo de veinte (20) dias de recibidas las
actuaciones.
Art'culo 5 Ñ En caso de fallecimiento
del/la beneficiario/a serán acreedores/as al beneficio los/las derecho
habientes en el siguiente orden:
a) Cónyuge o conviviente supérstite;
b) Hijos/as menores de edad al momento del fallecimiento y hasta
su mayoria de edad;
c) Hijos/as incapacitados para el trabajo, mientras dure la
incapacidad.
Art'culo 6 Ñ La pensión
graciable establecida en el presente régimen es de carácter
independiente de cualquier otra reparación que hubiere lugar, para toda
persona comprendida
102
por el objeto de la presente ley, sin perjuicio de la
indemnización que a cualquier persona afectada correspondiere, por da-o
moral; f'sico y/o psicológico a consecuencia de la tortura
institucionalizada y la reclusión prolongada y vejatoria a la que haya
sido sometida. Asimismo, el beneficio que otorga la presente ley será
compatible con toda prestación contributiva o no contributiva de
cualquier jurisdicción que pudiera estar percibiendo el/la
solicitante.
Art'culo 7 -- El beneficio que establece la
presente ley será igual a la remuneración mensual asignada a la
Categor'a D Nivel 0 (cero), Planta Permanente Sin Tramo --Agrupamiento
General-- del Escalafón para el personal del Sistema Nacional de Empleo
Poeblico --SINEP -- en los términos que establezca la autoridad de
aplicación.
Art'culo 8 -- La Secretar'a de Derechos
Humanos del Ministerio de Justicia y Derechos Humanos de la Nación
será el órgano de aplicación del presente régimen.
Tendrá a su cargo la articulación con las áreas del
gobierno involucradas con la presente ley, quedando a su cargo la
coordinación, difusión, asesoramiento de los beneficiarios, el
dise-o y la ejecución de un plan de monitoreo de su aplicación,
pudiendo dictar las normas aclaratorias y complementarias que fueren necesarias
a fin de dar cumplimiento a lo establecido en la presente ley y resolver sobre
la procedencia del beneficio en forma sumar'sima.
Art'culo 9 -- Los fondos necesarios para
implementar el presente régimen serán provistos por el Tesoro
Nacional.
Art'culo 10 -- Se invita a las provincias y a
la Ciudad Autónoma de Buenos Aires a dictar reg'menes reparatorios para
personas cuyos derechos hayan sido violados por el accionar de las fuerzas de
seguridad, autoridades judiciales y fiscales provinciales, con motivo de su
identidad de género.
Art'culo 11 -- Comun'quese al Poder Ejecutivo
Nacional.
ANNEXE N°5 : ACCÈS AUX SOINS DES PERSONNES
TRANS EN ARGENTINE (SOURCE : ATTTA ET FUNDACIîN
HUÉSPED)
103
104
BIBLIOGRAPHIE
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http://tgmentalhealth.com/2010/05/26/wpath-releases-de-psychopathologisation-statement-on-gender-variance/
- WPATH, SOC-7, disponible en téléchargement
[pdf ] sur : https://
amo_hub_content.s3.amazonaws.com/Association140/files/Standards%20of%20Care%20-%20French%20Final%2011-6-13.pdf
119
TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION 1
PARTIE I. LA RECONNAISSANCE DE L'IDENTITÉ DE
GENRE, UNE QUESTION
DE DROITS HUMAINS 15
CHAPITRE 1 : L'AVÈNEMENT DE LA LOI SUR
L'IDENTITÉ DE GENRE, RÉPONSE À UN
CONTEXTE FAVORABLE 16
Section 1 : un terrain juridique fertile pour des
prises de positions publiques protectrices
des droits des personnes trans 16
§ 1 Indicateurs juridiques nationaux et supra-nationaux,
éléments promoteurs de l'identité
de genre 17
I. Droit international 18
II. Droit régional 21
A) Droit interaméricain des droits humains 21
B) Droit européen des droits humains et droit de l'Union
européenne 22
III. Droit national 22
A) Des droits fondamentaux tirés d'un mandat
constitutionnel 22
B) Lois nationales spécifiques 24
§ 2 Visibilisation, reconnaissance et légitimisation
du collectif trans 26
I. « Reconocer es reparar » 26
A) Le projet 2526, l'espoir de la réparation de violences
institutionnelles 26
B) Prise de conscience sur la nécessité de
transformer le droit 27
II. Une légitimation de la lutte trans 29
A) ONG : définition et rôle 29
B) De la jurisprudence « CITA » à « ALITT
» : la reconnaissance de l'utilité publique
d'une association de défense des droits LGBTI 30
C) Reconnaissances symboliques 33
Section 2 : Phase préparatoire au droit à
l'identité de genre : construction prétorienne et
projets de loi 33
§ 1 Jurisprudence antérieure au 23 mai 2012 34
§ 2 Projets de loi et promulgation de la loi 36
CHAPITRE 2 : INSCRIPTION DANS LE DROIT ARGENTIN DE
L'IDENTITÉ DE GENRE 37
Section 1 : une réinterprétation de
l'identité in favorem de la personne humaine 37
§1 Le droit à l'identité, un droit humain
37
I. L'identité de genre placée hors des sentiers
médico-judiciaires 38
II. Une réaffirmation du droit de jouir de droits humains
39
A) Le droit au libre développement personnel (art. 11)
39
B) Le droit à un traitement digne (art. 12) 40
III. Une extension limitée de la loi 40
§2 Une loi nouvelle, une réinterprétation
effective des réalités trans? 42
I. Renouveau de la dynamique des identités et
corporalités trans 42
II. Depuis la loi, quelles applications? 44
Section 2 : Une loi protectrice des droits de l'enfant
et condamnant le meurtre des
personnes trans 45
§ 1 La possibilité de l'identité de genre
dès l'enfance 46
I.
120
L'insertion légale et prétorienne de la personne
mineure face à la transidentité 46
II. Un changement de paradigme au titre de
l'intérêt supérieur de l'enfant et de la
capacité juridique progressive 47
III. Des tempéraments à l'autonomie de la
volonté de la personne mineure :
responsables légaux, avocat de l'enfant et opinion
médicale 49
§ 2 : Le droit à la vie vidé de sa substance :
le travesticide 51
I. Une notion tirée du féminicide : rapprochement
entre lutte féministe et lutte trans 52
II. Un recours à la figure du travesticide
décevant dans la pratique 53
PARTIE II. DISCRIMINATIONS : LES RÉSULTANTES DU
TRAVESTICIDE
SOCIAL 56
CHAPITRE 1 : ELÉMENTS DU TRAVESTICIDE SOCIAL
ARGENTIN 57
Section 1 : Un chemin erratique pour atteindre le droit
de jouir du meilleur état de santé
possible 58
§ 1 L'accès aux soins comme pré-requis au
droit à la santé 58
I. Accès aux traitements hormonaux et aux interventions
chirurgicales 59
II. Structures de santé 60
§ 2 Séropositivité et sida 62
Section 2 : Droits économiques et sociaux
63
§ 1 Droit à l'éducation 63
§ 2 Droit au Ô'travajo» 65
I. Du quota à la parité, du milieu politique au
secteur privé : une insertion
professionnelle croissante 66
II. Un vide juridique dangereux concernant la situation
prostitutionnelle 69
§ 3 Droit à l'accès à un logement digne
70
CHAPITRE 2 : INSTAURATION D'UN SYSTÈME
CONTRAIRE AUX OBLIGATIONS INTERNATIONALES CRIMINALISANT DIRECTEMENT ET
INDIRECTEMENT LES PERSONNES
TRANS 71
Section 1 : Le droit à l'identité de genre
au défi de sa pratique 71
§ 1 La non-discrimination en raison du genre : Argentine,
Etat de droit tenu par ses
obligations internationales et de jus cogens 72
§ 2 L'impunité comme un frein à la
pleine-jouissance des droits 74
I. Mauvais traitements des forces policières envers le
collectif trans 75
II. Une jurisprudence qui peine à se développer en
raison d'une obstruction des voies de
droit 76
Section 2 : Discriminations provinciales au travers des
codes contraventionnels et d'un
usage pernicieux de l'intersectionnalité
78
§ 1 Les codes contraventionnels 78
I. Une description confuse de figures au service de
décisions discrétionnaires 78
II. Une insertion dans l'ordre constitutionnel
controversée 79
§ 2 Usage de la perspective intersectionnelle aux fins de
criminalisation des identités trans . 80
I. Un schéma de criminalisation dessiné par les
acteurs et actrices de justice 80
II. Prostitution, produits stupéfiants et prison 81
A) Situation prostitutionnelle 81
B)
121
Produits stupéfiants 82
C) Le contexte carcéral, un milieu d'exacerbation des
violences 83
CONCLUSION 85
ANNEXES 87
Annexe n°1 : Loi n°26.743 Identidad de género
87
Annexe n°2 : Décret n°1007/2012 90
Annexe n°3 : extraits de la Constitution Nationale argentine
97
Annexe n°4 : Projet de loi n°2526-D-2016 101
Annexe n°5 : accès aux soins des personnes trans en
Argentine (source : ATTTA et
Fundación Huésped) 102
BIBLIOGRAPHIE 104
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