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Favoriser l'attention des élèves. Le cas particulier des enfants hyperactifs

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par Danièle Ruaud-Gillette
Université Blaise Pascal de Clermont-Ferrand - Master Scolarisation et Besoins Educatifs Particuliers 2015
  

Disponible en mode multipage

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Master Scolarisation et Besoins Educatifs Particuliers

Spécialité « Accompagner la scolarité des élèves à besoins éducatifs particuliers »

Favoriser l'attention des élèves

Le cas particulier des enfants hyperactifs

http://www.fundacioncadah.org

Danièle RUAUD

Directeurs de mémoire : Elvire GAIME, Laetitia VANDE VONDER

Année universitaire 2014-2015

ÉSPÉ d'Auvergne, Université Blaise Pascal

Avec tous mes remerciements aux enseignantes et enseignant qui m'ont accueillie dans leur classe et qui m'ont accordé leur temps et leur confiance.

Ma reconnaissance va également aux enseignants du Master, particulièrement Elvire Gaime qui m'a accompagnée durant les deux années de réflexion nécessaires à l'élaboration de ce mémoire.

Je n'ai pas de mots pour te remercier, Pierre, pour ton aide en informatique, en statistiques, et ton soutien de tous les instants.

Favoriser l'attention des élèves

Le cas particulier des enfants hyperactifs

Promoting students attention

The special case of ADHD children

Ce mémoire étudie la fonction cognitive de l'attention et les troubles qui y sont afférents, notamment le Trouble du Déficit de l'Attention/Hyperactivité (TDA/H). Les moyens de capter, développer, et maintenir l'attention des élèves, les répercussions sur la scolarité des enfants victimes de troubles de l'attention, les perturbations sur la vie de la classe, les adaptations pédagogiques les plus pertinentes, sont les objets d'étude principaux de la recherche. A travers six situations d'élèves en école primaire et un stage au collège dans une classe qui accueille des enfants à risque de décrochage (classe Relais), ce travail témoigne des conséquences lourdes du trouble sur la scolarité et l'avenir des enfants atteints et de l'impact du comportement de ces élèves sur le travail des enseignants. Il montre aussi la nécessité de renforcer le dépistage et les prises en charge de ces enfants.

Mots clefs : attention, motivation, scolarité, comportement, TDA/H, décrochage, enseignants.

The dissertation explores the concept of attention and the connected troubles, especially Attention Deficit Hyperactivity Disorder (ADHD). Capture, promote and maintain student attention will be considered, as well as the impact of ADHD children behavior on classrooms and teachers practices. Through six situations of ADHD children in primary school, and an internship in a special classroom for students at early school drop-out risks in secondary school, we confirm the major impact of the trouble for the affected children regarding their school curriculum and later, their professional future. We witness that handling with student inattention and poor behavior is an everyday challenge for teachers, and conclude the need to improve the screening and the care of the concerned children.

Key words : attention, motivation, education, behavior, ADHD, school drop-out, teachers.

Sommaire

Introduction 3

Première partie : La problématique de recherche et le contexte théorique 8

1. L'attention 8

2. Motiver pour capter l'attention 13

3. Les troubles de l'attention 19

Deuxième partie : Présentation du dispositif de recherche 33

1. Un appui sur l'expérience professionnelle 33

2. Une recherche préliminaire en classe relais 36

3. Nouvelle problématique de recherche 40

Troisième partie : Recueil des données 44

1. Classe n° 1 : Petite Section de Maternelle (enseignante : R.) 44

2. Classe n° 2 : Cours Moyen 1 (enseignante : N.) 62

3. Classe n° 3 : Cours Elémentaire 1 (enseignante : K) 74

Quatrième partie : Résultats 82

1. Présentation 82

2. Discussion 88

Conclusions 94

Bibliographie 95

Table des illustrations

Figure 1: Les trois blocs du modèle neuropsychologique de Luria. 3

Figure 2: Le geste d'attention (Gagné et al., op.cit. p. 16). 18

Figure 3: Les compétences cognitives de base (Gagné et al., op. cit. p. 25) 19

Figure 4: Comparaison entre élèves de la classe relais et les populations d'étalonnage. 38

Figure 5: Outil n°1 : l'apprentissage coopératif (d'après Johnson & Johnson, 2009). 48

Figure 6: Outil n°2 : l'autodétermination (d'après Deci & Ryan, Vallerand, Wehmeyer, Wolfensberger op.cit.) 49

Figure 7: Outil n°3 : schéma réalisé à la suite de l'entretien 50

Figure 8: Affichage des règles de vie dans la classe 51

Figure 9: Outil n°4 : les degrés de la motivation (d'après Deci & Ryan, op.cit.). 53

Figure 10: Outil n°5 : l'effet miroir (d'après Servan-Schreiber, 2003, citant Gottman). 53

Figure 11: Outil n°6 : Le message en Je (d'après d'Ansembourg, 2000). 54

Figure 12: Outil n°7 : Inciter l'autre à changer son comportement (d'après Georges, 2000). 55

Figure 13: Outil n°8 : Devenir élève (Guichard & Koch, 2015) 56

Figure 14: Outil n°9 : la pédagogie Montessori (d'après Lubienska de Lenval, op.cit.). 56

Figure 15: Outil n°10 : les intelligences multiples (d'après Gardner, 2008). 59

Figure 16: Outil n°11 : des enfants librement consentants (d'après Freedman, cité par Joule & Beauvois, 2014) 67

Figure 17 : Outil n°12 : inciter à changer 1 (d'après Miller et al., op.cit.). 68

Figure 18: Outil n°13 : inciter à changer 2 (d'après Miller et al., op.cit.) 69

Figure 19: Outil n°14 : l'escalade émotionnelle (d'après Servan-Schreiber, op.cit., citant Gottman. 70

Table des tableaux

Tableau 1: Liste des items du questionnaire de Conners (parents) selon cinq critères 3

Tableau 2: Liste des items du questionnaire de Conners (enseignants) selon trois critères 25

Tableau 3: Liste des items du questionnaire de Dupaul selon trois critères 26

Introduction

L'attention, « capacité de concentrer volontairement son esprit sur un objet déterminé » (Larousse, 2015) est une composante essentielle de l'apprentissage. En classe, elle est recherchée par les enseignants qui considèrent que le manque d'attention de leurs élèves est le défi majeur de leur profession (Do, 2007). Certains auteurs soulignent que le problème semble s'aggraver (Boujon & Poupet, 2011), ce qui correspond aux observations de nombreux enseignants expérimentés. Comment favoriser l'attention des élèves est donc une question importante, qui mérite que l'on s'y attarde sur le plan de l'élève, de l'enseignement, et de l'institution scolaire.

L'attention est une faculté mentale complexe, que de nombreux chercheurs, philosophes, psychologues, pédagogues ou neurologues, ont étudiée. Notre revue de littérature portera sur l'étude de ce concept. Nous essaierons également de mieux cerner les articulations entre les capacités d'attention, la motivation, et la réussite scolaire. Les travaux des chercheurs permettront de délimiter le cadre de notre travail, et de repérer les modèles théoriques et les outils susceptibles de favoriser l'attention des élèves en classe. Les différentes théories motivationnelles, les concepts d'autodétermination, d'interdépendance positive, et ceux relatifs aux besoins des élèves, compétence, affiliation interpersonnelle, et autonomie, étudiés lors du master, seront interrogés.

Les pathologies en lien avec l'attention seront également abordées, ainsi que leurs conséquences sur la scolarité des élèves concernés. Psychologue scolaire oeuvrant au sein d'un RASED, le travail auprès de ces enfants m'a fait découvrir le trouble du déficit de l'attention/hyperactivité (TDA/H) et appréhender l'importance et la gravité du sujet, pour l'élève concerné, sa famille, les enseignants, les autres élèves et toute l'institution scolaire. Cette importance a dicté le choix du thème de ce mémoire, dont la préoccupation principale est de rechercher ce qui peut favoriser la scolarisation de ces enfants particuliers. Mieux comprendre l'hyperactivité, cerner les différentes caractéristiques possibles des enfants hyperactifs et leurs conséquences sur leur scolarité est un des objectifs de ce travail. Pour cela nous utiliserons également les données obtenues lors de notre stage en comparant l'attention des élèves en situation de rupture scolaire accueillis en classe relais, et celle des autres élèves du collège. Cette première étude nous a permis de déterminer le rôle de l'attention dans la performance et l'adaptation scolaires. Le travail réalisé en classe relais a donné également des éléments sur les facteurs, les pratiques et les dispositifs susceptibles d'optimiser cette attention, en lien avec la littérature sur le problème du décrochage scolaire.

Notre recherche concerne ensuite les problèmes d'attention de leurs élèves rencontrés par trois enseignantes en école primaire (PS, CE, CM). Dans chacune des classes sont scolarisés un ou plusieurs élèves présentant, à des degrés divers, des troubles de l'attention avec hyperactivité. Des séances d'observation et d'enregistrement, des entretiens réalisés avec chaque enseignante afin d'appréhender leurs pratiques, leurs interrogations, leurs réussites et leurs difficultés, permettront d'approfondir notre problématique, ses manifestations et ses enjeux, et de repérer les différents leviers activés par les enseignants pour favoriser l'attention d'élèves inattentifs au sein de leur groupe classe, tout en maintenant l'attention des autres enfants. Nous leur ferons part, à la mesure de leur demande, des théories, pratiques, et outils susceptibles de les aider dans la gestion de leur classe, et la résolution de leurs problèmes quotidiens. L'utilisation ou non des outils proposés, leurs remarques, les conclusions du travail réalisé avec chacun de ces professionnels concernant l'impact ressenti sur leurs pratiques, le vécu de la classe, et le comportement de tous les élèves nous apportera des éléments complémentaires.

Les résultats obtenus, ainsi que les interrogations qui subsistent, alimenteront une réflexion sur les facteurs qui peuvent favoriser la scolarisation des enfants présentant des difficultés d'attention au sein du groupe classe, limiter leur impact sur la disponibilité de celui-ci face aux apprentissages ainsi que sur le climat de la classe et l'équilibre de l'enseignant. Ils permettront également de mieux cerner ce qui, dans un système scolaire, peut favoriser la scolarisation de ces élèves et, au-delà, leur intégration dans la société et le monde professionnel.

Première partie : La problématique de recherche et le contexte théorique

1. L'attention

1.1. Historique

L'attention est un sujet de recherche étudié de longue date, en premier lieu par les philosophes (Saint Augustin notamment, dès le premier siècle de notre ère), puis par les psychologues. Le père de la psychologie américaine William James en 1890 la définit par un double mouvement de focalisation et de sélection : « L'attention est la prise de possession par l'esprit, sous une forme claire et vive, d'un objet ou d'une suite de pensées parmi plusieurs qui semblent possibles [...] Elle implique le retrait de certains objets afin de traiter plus efficacement les autres » (Chap. 11, pp. 403-404). Le terme de « prise de possession par l'esprit » introduit à la fois la notion de contrôle («  prise de possession »), et situe l'attention dans la sphère cognitive (« esprit »). La définition souligne également la double dimension d'intensité (attention soutenue) et de sélectivité (attention sélective). Van Zomeren et Brouwer (1994) complèteront cette différenciation en décrivant trois états d'intensité de l'attention : l'état d'alerte (état global et diffus de l'attention), celui de vigilance (attente d'un signal avertisseur qui doit servir de déclencheur à un comportement), et l'attention soutenue, appelée également concentration. Concernant la sélectivité, ils dissocient l'attention sélective et l'attention divisée.

En 1977, Schneider et Shiffrin mettent en évidence l'existence d'une forme d'attention qui échappe au contrôle conscient et s'oppose aux processus contrôlés étudiés par William James : les processus automatiques, autonomes et irrépressibles et ne nécessitant pas de ressources attentionnelles, contrairement aux précédents. Les recherches de Posner et Rothbart (1998, 2000) confirment l'existence d'un processus attentionnel qui ne relève pas d'un effort délibéré. Cette forme d'attention, qu'ils qualifient d'exogène, passive, automatique et dirigée par les événements, est opposée à l'attention endogène, qui est active, volontaire, et dirigée par le sujet. Ces deux théories orientent sur la nécessité d'un effort d'inhibition de l'attention exogène nécessaire pour « faire attention ». Cette différenciation a été associée à celle caractérisant les deux démarches « bottom up » et « top-down » appliquées actuellement au fonctionnement du système nerveux (Lechevalier, Eustache & Viader, 2010).

L'effort d'inhibition peut également affecter l'attention endogène lors du changement de focale de l'attention, dans une démarche de flexibilité mentale indispensable à toute opération intellectuelle un peu complexe. Les ressources attentionnelles de l'attention endogène sont limitées : l'attention peut être partagée (attention divisée), mais aux dépens de la qualité de traitement des informations, à moins que certaines tâches ne soient automatisées (la conduite automobile notamment), permettant au sujet de réaliser en même temps plusieurs tâches tout en réservant ses ressources attentionnelles au contrôle de celle qui n'est pas automatisée.

1.2. Le développement de l'attention

Les facultés attentionnelles sont dépendantes de l'âge du sujet, et varient selon les individus. Posner et Rothbart (op. cités) ont découvert qu'elles se construisent précocement lors des interactions, notamment conflictuelles, qui surviennent avec l'entourage. Composantes du fonctionnement cognitif d'un sujet, elles s'avèrent donc également liées à la sphère émotionnelle.

Jumel (2014), reprend les travaux de Luria (1973) et de Vigotsky (1985) qui portent sur le développement de l'attention, processus qui part, chez le nouveau-né, de réponses involontaires et non sélectives (l'attention exogène), pour arriver à une activité volontaire (l'attention endogène). Il cite Luria (1973, p. 263) : « La formation de l'attention volontaire a une longue et dramatique histoire, et l'enfant n'acquiert une attention efficiente et stable, organisée socialement que très peu avant de commencer l'école (les apprentissages de l'école primaire) ». Vygotsky et Luria observent que l'attention se développe dans l'interaction de l'enfant avec sa mère (l'adulte qui prend soin de lui), et notamment dans les interactions langagières, qui parviennent progressivement à remplacer l'attention non volontaire que l'enfant porte à ce qui l'entoure. C'est donc au cours de l'acquisition du langage, dans un contexte d'attention conjointe (Bruner, cité par Jumel) que se construit l'attention pour ces auteurs. Parallèlement à l'apprentissage du langage, le langage intérieur se met en place. Les auteurs y voient le préalable au développement de l'attention volontaire, endogène et sélective, associée à la faculté d'inhiber l'attention exogène. La place du langage est primordiale, même si certains auteurs insistent davantage sur l'interaction, verbale ou non verbale, avec l'entourage : « Les adultes orientent l'attention d'un jeune enfant vers des objets et des événements de l'environnement par le geste, la médiation verbale et les interactions réciproques » (Korkman, Kirk, & Kemp, 2003, p.13).

1.3. Attention et neuropsychologie

En tant que facteur de l'efficience cognitive en lien avec le fonctionnement cérébral, les connaissances concernant l'attention bénéficient de l'essor dû au développement des nouvelles technologies d'investigation (Imagerie par Résonance Magnétique) et de traitement de l'information. Le sujet, impliquant les structures cérébrales et le fonctionnement chimique des structures neuronales, s'est progressivement médicalisé : 

« Les avancées techniques dans le domaine des neurosciences ont fourni de nombreuses données quant aux fondements neurobiologiques des processus attentionnels. Vers la fin des années 80 et le début des années 90, des études ont montré que des régions et des réseaux cérébraux distincts étaient impliqués dans les différentes formes d'attention. Posner et Peterson (1990), par exemple, ont découvert, sur la base d'études de lésion ou d'imagerie fonctionnelle, que l'on pouvait identifier au moins trois systèmes attentionnels à l'intérieur du cerveau, pouvant être caractérisés comme étant de l'attention sélective, de l'attention soutenue et de l'attention spatiale ».

(Manly, Robertson, Anderson, & Nimmo-Smith, 2006, p.5).

L'attention est une composante des fonctions cognitives multiforme. Le TEA-Ch, Test d'Evaluation de l'Attention Chez l'enfant, propose des épreuves réparties selon quatre catégories : l'attention sélective, l'attention soutenue, le contrôle attentionnel et la flexibilité, et l'attention divisée. Korkman et al.(op.cit.) auteurs de la NEPSY, test d'évaluation du développement neuropsychologique de l'enfant, notent la difficulté que pose la distinction entre les différentes composantes de l'attention. Ils précisent que les chercheurs les définissent de façon diverse, et retiennent les facteurs suivants : « la régulation de l'éveil et de la vigilance, l'attention sélective, l'attention soutenue, l'empan de l'attention ou l'attention partagée, l'inhibition et le contrôle du comportement (Barkley, 1988 ; Coolez et Morris, 1990 ; Douglas, 1984 ; Mirsky, 1989) ». (Ibid., p.13). L'attention sélective, l'attention soutenue et l'attention divisée sont communes aux deux répartitions, ainsi que le contrôle, affecté dans l'une d'entre elle à l'attention, et au comportement dans la seconde. La vigilance, la flexibilité et l'inhibition sont également des composantes de l'attention.

L'attention est au coeur du fonctionnement cognitif: Luria (Kaufman & Kaufman, 2008, p.14), dans sa théorie des fonctions et systèmes cérébraux, répartit les fonctions cognitives en trois « blocs » (cf. figure 1).

Figure 1: Les trois blocs du modèle neuropsychologique de Luria.

Le maintien de l'attention, la vigilance, constituent un des blocs, ce qui témoigne de leur importance : « les fonctions de vigilance du Bloc 1 sont la clé de la réussite à tout test cognitif » (ibid., p. 15). Dans le bloc 2 sont placées les fonctions d'analyse et de codage des informations sensorielles, dont la mémorisation. Nous verrons, à travers les travaux de La Garanderie, les liens étroits qui unissent, par le biais des « évocations », le « geste d'attention », les informations sensorielles, et la mémorisation. Le bloc 3, Planification et organisation des conduites, est en lien avec le développement du cortex préfrontal. Il regroupe les fonctions exécutives, terme défini par Brown et Deloache en 1978 (Korkman et al., op.cit., p. 13) : « Les composantes des fonctions exécutives interagissent et dirigent les processus attentionnels par le maintien d'un niveau optimal d'éveil et de vigilance et par la recherche et la sélection d'informations pertinentes parmi l'ensemble des stimuli » (ibid.). Les fonctions de l'attention sont donc très impliquées dans ce troisième système cérébral, en lien avec les fonctions cognitives, et le comportement.

Parmi les composantes des fonctions exécutives, la mémoire de travail « capacité à maintenir consciente l'information pertinente pendant la tâche en cours (Godman-Rakic, 1992) et à manipuler mentalement cette information, comme cela est nécessaire pour répéter des séquences de chiffres à l'envers, par exemple », a un rôle majeur. Les liens entre la mémoire de travail et l'attention sont étroits : la première est la condition instrumentale de la seconde. Améliorer la mémoire de travail est une problématique importante. Liée au développement du langage, les orthophonistes s'emploient à cette tâche, mais les résultats des rééducations sont souvent décevants. De façon surprenante, certaines recherches récentes (Alloway & Alloway, 2015) ont mis en évidence un lien entre les activités motrices et le développement de la mémoire de travail, ce qui ouvre sur de nouveaux horizons, et confirme la complexité du fonctionnement neuronal.

La neuropsychologie offre des opportunités exceptionnelles pour mieux comprendre les apprentissages. De nombreux pédagogues commencent à utiliser les résultats de ces recherches, et à les intégrer à leurs pratiques.

1.4. Cerveau et apprentissage

Daniel Favre (2010) cite une étude des chercheurs Stark et al. mettant en évidence que le cerveau de l'homme et de nombreux mammifères fournit des « récompenses biologiques » (sécrétion de dopamine, qui génère du plaisir), lorsque le sujet a réussi à résoudre un problème, ou surmonter une difficulté. Il en conclut que « le cerveau est né pour apprendre ». A cet effet, il rapporte six grandes fonctions cognitives et affectives jouant un rôle clé dans l'apprentissage, en lien avec les lobes frontaux : la capacité de représentation, qui permet d'évoquer ce qui n'est pas présent, la flexibilité mentale, en lien avec la capacité à changer de système de représentation, la planification, capacité de se représenter l'avenir, la capacité d'initiative, en lien avec l'autodétermination, l'attention endurante, qui sélectionne les informations signifiantes, et la régulation émotionnelle, en lien avec la conscience et le contrôle des émotions. Il retient donc une forme combinée d'attention, à la fois sélective et soutenue, à la base des apprentissages.

Eric Jensen (2001) a regroupé les informations concernant l'attention utiles à connaître pour un pédagogue. Il confirme que le système attentionnel concerne toutes les zones du cerveau, que les substances chimiques y jouent un rôle essentiel, et que les gènes sont également impliqués. Sur le plan fonctionnel, l'attention sert d'abord à assurer la survie, et ensuite, à prolonger les états agréables. Il précise par ailleurs que les contrastes, entre les mouvements, les sons, et les émotions (comme la peur par exemple), retiennent davantage l'attention, et qu'il importe donc, pour un enseignant, de provoquer un important contraste avec ce qu'il est en train de faire s'il veut obtenir l'attention de ses élèves. Il reprend la différence entre l'attention endogène et l'attention exogène, et l'applique à la situation d'apprentissage :

« Nous demandons aux élèves d'être en mesure de reconnaître la bonne cible vers laquelle on oriente leur attention, en général « le professeur », de maintenir cette attention jusqu'à ce qu'ils aient reçu toute l'information et ce, même si l'exposé dure une heure. Pendant ce temps, nous leur demandons d'ignorer tous les stimuli (souvent plus intéressants) émanant de l'environnement. Cette demande est raisonnable, lorsque l'objet d'apprentissage est pertinent, engageant et choisi par l'apprenant. Lorsque ces conditions ne sont pas respectées, il est statistiquement peu probable que nous puissions obtenir et conserver l'attention de toute la classe ».

(Jensen, op. cit. p. 44)

L'attention est dépendante du fonctionnement chimique du cerveau. Neurotransmetteurs, hormones, et peptides interviennent sur son fonctionnement. C'est ainsi que l'adrénaline et la noradrénaline la favorisent et que l'acétylcholine (neurotransmetteur associé à la somnolence) a un rôle inhibiteur. L'attention n'est pas stable dans la journée : elle est sujette aux rythmes circadiens, « l'un des cycles clé du cerveau qui dure environ de 90 à 110 minutes » (p.46), ce qui explique son fonctionnement en « montagnes russes » et plaide en faveur de pauses régulières. D'autres chercheurs ont observé la nécessité de pauses fréquentes dans le rythme des apprentissages. Tomatis, cité par Vianin (2009) préconise de faire des pauses d'environ 10 à 20 minutes toutes les 40 minutes (en variant les activités au cours de cette période) pour optimiser les apprentissages. Jensen confirme (p. 47) : « En fait, une attention externe véritable ne peut être maintenue à un niveau élevé et constant que sur une brève période, généralement de dix minutes ou moins ». Ces pauses facilitent la compréhension, l'assimilation, et la mémorisation : « Pour être en mesure de la traiter [l'information] ou de comprendre ce dont il s'agit, un élève doit « se retirer en lui-même » et délaisser son attention externe » (p. 48). Sur le plan neurochimique, ces pauses permettraient de recycler le CREB, protéine impliquée dans la mémoire à long terme, ce qui explique qu'elles facilitent la mémorisation. L'auteur insiste également sur la nécessité de faire la sieste pour les plus jeunes, et sur l'importance pour les enseignants aussi, de disposer de temps personnel et de pauses de qualité entre les phases d'enseignement.

1.5. Attention et mémorisation

L'apprentissage, qui consiste à « acquérir par l'étude, par la pratique, par l'expérience une connaissance, un savoir-faire, quelque chose d'utile » (Larousse, 2015) est étroitement lié, via la mémorisation, à l'attention : « La mémorisation a lieu dans la foulée de l'attention ; elle permet la conservation des représentations mentales des données codées et, par conséquent, leur possible utilisation » (Chayer, 2001, p. VIII). Faire attention est donc la porte de l'apprentissage, et son ouverture conditionne celui-ci. Barhrick et Hall, cités par Jensen (op.cit.), ont montré l'importance jouée par le contexte dans la mémorisation, ce qui l'incite à conseiller de « graver l'apprentissage dans les émotions » (p. 119). Apprentissage, mémorisation, et attention, sont des démarches cognitives toutes trois étroitement liées à la sphère affective, donc au contexte qui leur est associé. Ce lien implique une double approche, neuropsychologique, mais aussi sociocognitive, qui justifie que l'on s'attarde sur les travaux des psychopédagogues sur la motivation en contexte scolaire.

2. Motiver pour capter l'attention

2.1. Les théories de la motivation

Les théories de la motivation sont nombreuses, plus d'une centaine d'après les travaux de Fabien Fenouillet (2012), ce qui nécessite de faire un choix. Il importe, notamment, de retenir celles qui concernent plus spécifiquement le contexte scolaire, en particulier les enfants d'âge primaire. Roland Viau (2009), propose un modèle prenant en compte quatre facteurs : les facteurs personnels, relatifs à la société, à l'école, et à la classe. La dynamique motivationnelle de l'élève est caractérisée par son engagement cognitif et sa persévérance face aux apprentissages. Il retient trois conditions déterminantes pour favoriser cette dynamique : qu'il perçoive la valeur de l'activité (l'intérêt), sa compétence pour la réaliser, et qu'il ait un sentiment de contrôler le déroulement de cette activité. Sans entrer dans les subtilités de la pensée de chaque auteur, ce modèle permet d'introduire et d'organiser en trois points principaux plusieurs courants importants des théories motivationnelles :

L'intérêt est relatif aux goûts et aux besoins des élèves. C'est ainsi qu'on peut classer dans cette catégorie le besoin de jeu, « comportement spontané qui dure toute la vie ». L'auteur précise :

« Nous tenons ce besoin inné de nos animaux familiers, le chat, le chien, et au zoo ou dans les documentaires, on peut constater l'importance du jeu chez les singes, qui n'arrêtent pas de se chamailler, de courir, et de découvrir les curiosités de la vie. Le jeu reste fondamental chez l'adulte et les jeux télé sont parmi les programmes les plus populaires, du foot aux jeux de connaissance ».

(Lieury & Fenouillet, 2013 p.15)

Nous retenons ce besoin de jeu comme un besoin essentiel, notamment pour des enfants. Le recours à l'humour, un climat de classe agréable, des activités sous forme de jeux, sont en lien avec le besoin de jeu.

Le besoin de curiosité (ibid.) est également au premier plan : tout le monde connaît les questions incessantes que posent nombre de jeunes enfants à leurs parents. Ce besoin fondamental nous semble apparenté au besoin de nouveauté signalé également par de nombreux auteurs (Jensen, op.cit., Lieury & Fenouillet, op.cit.). Jensen observe à ce sujet (p. 66) : « Les rats, tout comme les humains, recherchent continuellement de nouvelles expériences et de nouveaux comportements, apparemment sans égard à la récompense ou à l'impulsion ». Ce besoin de nouveauté interfère avec un autre besoin, essentiel notamment pour les enfants, le besoin de sécurité. Jensen observe (p. 100) : « Trop de nouveauté crée de la détresse tandis que pas assez cause de l'ennui ». Les chercheurs soulignent également le besoin de sens des apprenants : trouver du sens, de la pertinence aux activités proposées est un besoin essentiel, y compris pour les enfants.

Le sentiment de compétence est lié au besoin d'estime, mis en évidence par William James au XIXème siècle, et baptisé « estime de soi » par le psychosociologue. Bandura a développé une théorie associant le sentiment de compétence du sujet dans un domaine, et la motivation : une personne sera motivée dans la mesure où elle a le sentiment qu'elle pourra réussir dans la tâche. Il importe donc que celle-ci corresponde à ce qu'il a le sentiment de pouvoir réussir (Lieury et Fenouillet, op.cit.). Cette théorie se rapproche de la position de Vygotsky (1997), caractérisant la zone proximale de développement. On peut ainsi considérer que l'individu est davantage motivé par ce qu'il peut parvenir à faire (zone proximale de développement) que par ce qu'il sait faire (zone actuelle). Il est rebuté par ce qu'il pense ne pas pouvoir faire (zone distale). Ces théories sont fondamentales pour l'enseignant, puisqu'elles indiquent qu'il est important d'éviter de placer l'enfant dans des situations d'échec à répétition, donc qu'il faut adapter le niveau de l'enseignement à ce que peut faire l'élève. Elle indique également qu'il s'agit de dédramatiser l'erreur, afin que l'enfant accepte de se tromper sans remettre en cause systématiquement son sentiment d'efficacité personnelle.

Les recherches de Gardner, universitaire psychologue cognitiviste (Gardner, 2008) concernant les intelligences multiples (figure 15) orientent sur la possibilité, pour le professeur, d'adapter son enseignement à la forme d'intelligence de ses élèves. En la reliant à sa fonction sociale, l'intelligence est vue comme un ensemble d'habiletés utiles pour la vie quotidienne, une capacité à rechercher et soulever des problèmes permettant d'acquérir de nouvelles connaissances, et une capacité à créer un produit ou un service valorisé par le groupe social. En replaçant la dimension sociale au centre de la conception de l'intelligence, il met en valeur des facettes importantes et souvent négligées par le système scolaire, davantage axé sur les domaines linguistiques et mathématiques. Il met l'accent et valorise des aspects importants de l'intelligence, utilisés dans la vie courante, qui permettent aux personnes de trouver leur place dans la société, et de contribuer à son fonctionnement. Ce faisant, il réduit le fossé entre la formation dispensée à l'école, restrictive, et la multiplicité des compétences sur lesquelles peuvent reposer la réussite sociale et professionnelle. Ces formes d'intelligence sont au nombre de sept (recherches de 1983) auxquelles il en ajoute une huitième en 1996 : linguistique, logico-mathématique, kinesthésique, spatiale, musicale, interpersonnelle, intra personnelle et naturaliste. De nombreux pédagogues (Armstrong, 1999, Campbell, 1999, Sirois et al., 2015) se sont, rapidement, inspirés de ces concepts, et les ont appliqués en classe : « réaliser des apprentissages en utilisant son intelligence dominante permet à chacun de prendre confiance en soi », « ...le profil de classe... n'est plus le même : tous les élèves sont désormais dans une dynamique de participation et de progression », « Après un temps consacré aux intelligences qu'il maîtrise le mieux, l'élève peut être amené à aborder l'exercice par le biais d'autres formes d'intelligences qui lui sont moins naturelles » (Sirois et al., op.cit. p.58-59). Le principe consiste à proposer des entrées dans les apprentissages basées sur les différentes formes d'intelligence : l'enseignant se procure du matériel support en lien avec chaque forme d'intelligence qu'il regroupe dans des « coins » de la classe dédiés à chacune, et présente les notions nouvelles en veillant à activer les différentes approches. En élargissant le spectre des activités proposées, il multiplie les possibilités de réussite des élèves, leur permet de prendre confiance en eux et de renforcer leur estime de soi.

Le sentiment de contrôler le déroulement de l'activité est en lien avec le besoin d'autonomie, autre besoin fondamental mis en évidence par Abraham Maslow (1943), repris sous différentes formes dans les théories de la motivation, développé par Deci et Ryan (1985) dans leur théorie de l'autodétermination. Les résultats de ces chercheurs indiquent que le sentiment d'être contraint démotive : « ...le manque d'autodétermination et surtout la contrainte dégradent la motivation ». (Lieury & Fenouillet, op.cit., p. 102). C'est ainsi que les notes motivent les élèves lorsqu'elles sont informatives (favorisant la connaissance de soi), mais qu'elles démotivent lorsqu'elles sont à visée contrôlante. Ils opposent motivation intrinsèque et motivation extrinsèque et privilégient la première, qui implique que l'élève apprécie la tâche pour elle-même. A l'inverse, la motivation extrinsèque est hétéro déterminée : l'élève réalise la tâche pour ne pas se faire punir, pour faire plaisir, ou pour avoir de bonnes notes. Le continuum de l'autodétermination a été schématisé (figure 9) au cours du travail réalisé avec les enseignantes du primaire. Dans le cadre scolaire, Roland Viau (op.cit.) constate que peu d'élèves manifestent une motivation autodéterminée face aux apprentissages, et estime qu'il ne serait pas réaliste de demander aux enseignants d'avoir pour objectif de développer une telle motivation pour tous les élèves. Par contre, il retient de la théorie de Deci et Ryan l'intérêt de développer l'autorégulation des apprentissages pour les élèves, notamment de les laisser faire des choix et jouer un rôle dans le déroulement des activités.

La théorie de l'autodétermination est basée sur les travaux de nombreux chercheurs (Deci & Ryan, op.cit.,Vallerand & Thill, 1993, Wehmeyer, 2004, Wolfensberger, 2002). Présentée par Laetitia Vande Vander dans le cadre de l'UE9, notre groupe de travail (Massy, Mayet-Noël, & Ruaud, 2014) a élaboré à partir de cette théorie un schéma en langage facile à lire (cf. figure 6), qui illustre bien les quatre composantes de la théorie : l'autonomie, l'autorégulation, l'autoréalisation, et l'empowerment, que nous avons traduit en français par « responsabilisation ». Un questionnaire à l'intention des enseignants afin de déterminer la part de l'autodétermination laissée à leurs élèves dans leurs pratiques avait également été réalisé (annexes 11 et 12), et proposé aux sept enseignants d'une même école, permettant un premier étalonnage. Ce questionnaire a été réutilisé dans le cadre de la présente étude.

Murray et Maslow, repris ensuite par Deci & Ryan, ont dès le départ identifié le besoin d'affiliation (passer du temps avec d'autres individus) et les besoins relationnels (sentiment d'appartenance, besoin de reconnaissance) comme des besoins fondamentaux. En classe, ces besoins passent par la relation avec l'enseignant, et la relation avec les pairs.

· Avec l'enseignant

La qualité de la relation maître-élève est un aspect important du contexte scolaire. En 1968, Rosenthal et Jacobson ont identifié l'importance de l'effet Pygmalion, qui appelle à une représentation évolutive, optimiste, des compétences de chaque élève par les enseignants. Ce premier point concerne les représentations des performances des élèves de l'enseignant et leurs répercussions sur la qualité de leurs apprentissages.

Sur un plan plus affectif, la qualité des relations est également importante, étudiée par de nombreux psychopédagogues et psychologues (Carré, 1998, Chemouny, 2011, Gordon, 2005, Rosenberg, 2006, etc.) afin d'aider les enseignants à établir des relations agréables et fonctionnelles avec les élèves et de concilier qualité des relations et autorité, en évitant les pièges de l'autoritarisme.

· Avec les pairs

Les relations avec les autres élèves présentent également deux volets, cognitifs et affectifs. Sur le plan cognitif, les chercheurs ont mis en évidence, à travers le conflit sociocognitif notamment (Darnon, Butera & Mugny, 2008), la richesse de l'échange et du travail de groupe dans les apprentissages. Le courant pédagogique axé sur la coopération est basé sur ce principe et en tire son efficacité.

Sur le plan affectif, la qualité des relations établies par un élève avec ses camarades est un élément important de son bien être actuel. Il conditionne également son avenir par le biais de ses habiletés sociales.

La qualité des relations établies avec l'enseignant, comme avec les pairs, permet d'établir un climat relationnel positif sécurisant. Les relations interpersonnelles sont à l'origine d'émotions qui favorisent les apprentissages, selon les conseils de Jenson (op.cit. p. 83) : « Pour qu'il y ait un bon apprentissage, il ne faut pas éviter les émotions, mais au contraire, il faut les susciter ».

La revue de littérature permet d'isoler ces quatre composantes fondamentales (intérêt, compétence, contrôle, et relation) pour susciter l'attention des élèves en favorisant leur motivation. En activant ces composantes, il est possible de capter l'attention, d'inciter les élèves à « faire attention ».

2.2. Des courants pédagogiques particuliers

Un certain nombre de courants pédagogiques utilisent, de façon plus ou moins empirique, à des degrés divers et le plus souvent de façon panachée, ces différents leviers :

La pédagogie Freinet, classée dans les « pédagogies actives » est un courant qui privilégie l'expression personnelle des élèves, les projets, et le travail en groupe. Les supports motivationnels de l'auto-détermination sont donc mis en oeuvre : autonomie, autorégulation, autoréalisation et responsabilisation sont au premier plan. L'engagement émotionnel, au travers de l'expression libre, est fort. Parallèlement, le fonctionnement coopératif et l'étude du milieu local préconisés par Freinet répond aux besoins relationnels des élèves, facteur motivationnel supplémentaire. La multiplicité des supports pédagogiques, permettant à chacun de trouver son domaine de réussite, est susceptible, par ailleurs, d'alimenter l'estime de soi de chaque élève (d'après Peyronie, 1999).

La Pédagogie de Maîtrise à Effet Vicariant, qui reprend de nombreux concepts de la pédagogie Freinet (dont les plans de travail, programmes d'activités sur trois semaines, que les élèves réalisent dans l'ordre qu'ils souhaitent), propose également davantage de possibilités de contrôle de son activité par l'élève. Par ailleurs, le système vicariant (organisant l'aide entre les élèves : chaque élève peut demander de l'aide à un autre élève, ou proposer la sienne) permet une double réponse aux besoins relationnels des élèves, mais aussi à ceux relatifs à l'estime de soi (prendre conscience, à travers l'aide apportée aux autres, de ses compétences) (d'après Huberman, 1988).

La pédagogie Montessori, basée sur la manipulation, le travail autonome, l'épanouissement de chaque enfant, les stimulations sensorielles, et le retrait de l'adulte, applique également les concepts clefs de l'auto-détermination (d'après Lubienska de Lenval, 2001).

De nombreux autres courants pédagogiques, dans la mouvance des pédagogies actives, pourraient être cités, appliquant tous à des degrés divers, les concepts de l'autodétermination, permettant à l'élève davantage d'expression et de liberté, et offrant plus d'occasions de développer ses habiletés sociales. Notons également qu'elles préconisent toutes une approche plus individuelle du cadre éducatif, ce qui est peut être inhérent au concept d'autodétermination, mais n'est que très peu souligné dans les travaux des théoriciens de la motivation présentés plus haut.

Le problème des différences individuelles, inclinations ou compétences, est au premier plan pour de nombreux chercheurs et professionnels de l'enseignement, qui, au-delà du « vouloir » faire attention, se mobilisent sur le « pouvoir » faire attention » des élèves.

2.3. Le geste d'attention

Premier des cinq gestes mentaux pédagogiques fondamentaux définis par La Garanderie (1982), le geste d'attention est celui « par lequel le message pédagogique est accueilli par l'élève » (p. 8), les quatre autres étant le geste de mémorisation, ceux de compréhension et de réflexion, et l'imagination créatrice. Le chercheur relie ensuite attention et perception, et constate « l'identification abusive : attention égale intérêt. [...] Nous connaissons des cas nombreux où, en dépit de l'intérêt manifeste, l'attention ne suit pas » (p. 23), car l'élève ne sait pas comment faire attention. Le pédagogue doit donc lui apprendre la structure du geste mental de l'attention : « faire exister mentalement, sous forme d'image, l'objet perçu » (p. 24). L'auteur précise ensuite la différence entre l'acte d'attention et celui de mémorisation, le premier se faisant en présence de l'objet perçu, et le second en son absence. Ce faisant, il pose d'emblée le lien entre l'attention et cette forme que l'on pourrait appeler de perception prolongée qu'est la mémoire immédiate, et il confirme également que le geste d'attention précède celui de mémorisation, qui ne peut avoir lieu sans attention. La compréhension intervient juste après l'attention : elle est décrite comme étant le « fruit d'un geste mental d'attention conduit à son terme et dont il ne faut sauter aucune étape » (p.36).

Pour La Garanderie, l'enfant peut faire attention lorsqu'il en a le projet : « l'attention naît d'une structure de projet de sens en tant que direction (Je suis attentif à ...pour) et en tant que signification (J'évoque pour donner du sens à ce que je perçois) » (Pébrel, cité par Gagné, Noreau, & Ainsley, 2001, p. 16). Gagné illustre ses propos par la figure 2.

Objet

de perception

Figure 2: Le geste d'attention (Gagné et al., op.cit. p. 16).

Le geste d'attention est défini de la façon suivante :

" Etre attentif, c'est transformer en évocations ce que l'on perçoit avec ses cinq sens. Savoir à l'avance que faire attention c'est précisément procéder à un travail mental de codage : voilà qui permet à l'apprenant d'orienter son activité mentale. Faire attention, c'est selon les cas :

- voir pour re-voir dans sa tête,

- entendre pour ré-entendre dans sa tête,

- voir pour se raconter dans sa tête,

- entendre pour s'illustrer mentalement ce qu'on entend ».

(Chich, Jacquet-Montreuil, & Mériaux, 1991, p.65)

L'évocation est ainsi au coeur du geste d'attention. Le double support, auditif et visuel, qui constitue une des bases de la gestion mentale est posé, ainsi que la différenciation entre les élèves, dont La Garanderie découvre qu'ils peuvent utiliser de préférence des images, ou des verbalisations. Ce faisant, La Garanderie souligne que la motivation est seconde pour beaucoup d'élèves, contrastant avec les positions des auteurs précédents : le « vouloir faire attention » passe après le « pouvoir » : « D'une façon générale, on constate que la non-motivation découle du sentiment d'incapacité. Combien de fois ai-je entendu des enfants, auxquels j'enseignais les évocations pour maîtriser l'orthographe d'usage, dire : "Ah! Si j'avais su que c'était ça ! ..." (La Garanderie, 1991, p.57).

Les gestes mentaux de La Garanderie sont des concepts pédagogiques qui ont posé les bases de la métacognition : les récents ouvrages des pédagogues canadiens (Chayer, op.cit., Gagné, 1999, Gagné, Noreau & Ainsley, 2001, Ouellet, 1996, ...) utilisent et prolongent la démarche du chercheur. Chich, Jacquet-Montreuil & Mériaux (op.cit.) résument ainsi le travail d'explicitation préconisé par le pédagogue : "Les difficultés scolaires de nombre d'enfants proviennent du fait que les messages qu'ils reçoivent sont truffés d'implicite qu'ils ne savent pas décoder. En effet lorsque quelque chose nous semble évident nous omettons souvent de le dire et ce qui est flagrant pour les uns ne l'est pas toujours pour les autres" (p. 85). Suivant la démarche de La Garanderie, ces psychopédagogues ont aidé de nombreux enfants à progresser, développant pour certains des programmes spécifiquement dédiés au développement de l'attention (Caron, 2002, Programme PACE [Programme d'Action Communautaire pour les Enfants], 2001, www.learninginfo.com). La figure 3 illustrant le programme PACE, résume les différents facteurs en jeu lors des apprentissages, l'emprunt fait aux concepts de La Garanderie, et la place du geste d'attention dans l'acte d'apprendre.

Figure 3: Les compétences cognitives de base (Gagné et al., op. cit. p. 25)

3. Les troubles de l'attention

La situation scolaire nécessite de la part des élèves un contrôle moteur, attentionnel, et émotionnel importants, que certains enfants ont beaucoup de mal à mettre en place. Tom Manly et ses collaborateurs constatent :

 « Les anomalies du développement de l'attention sont relativement courantes dans les affections de l'enfant. Des recherches ont décrit des problèmes d'attention associés à une grande variété de troubles développementaux, de troubles acquis ou de perturbations émotionnelles. Ces troubles incluent le déficit de l'attention/hyperactivité (TDA/H), l'autisme, le syndrome d'Asperger, les traumatismes crâniens, le syndrome de Tourette, le diabète insulino-dépendant, l'anxiété ou les manifestations du stress post-traumatique (Anderson et Pentland, 1998 ; August et Garfinkel, 1990 ; Brouwers, Riccardi, Fedio et Poplack, 1985 ; Catroppa, Anderson et Stargatt, 1999 ; Condor et Nursey, 1998 ; Klin, Sparrow, Volkmar, Cicchetti et Rourke, 1995 ; Lang, Athanasopoulos et Anderson, 1988 ; Rovet et Ehrlich, 1988). »

(Tom Manly et al., op. cit. p. 5)

Ces enfants « hyperkinétiques » interpellent les enseignants, souvent dès le début de leur scolarité, car ils présentent des difficultés d'adaptation : ils ne parviennent pas à investir les activités proposées de façon stable et durable, ont souvent des relations difficiles avec les autres élèves, peuvent adopter des comportements dangereux pour eux et pour les autres, et compromettre le bon déroulement des activités. Alors que le climat de sa classe se dégrade, l'enseignant se sent remis en cause professionnellement et se fragilise. Les relations avec l'enfant, la famille, se détériorent, ainsi que celles entretenues avec les autres familles, affectant parfois l'école toute entière.

Il est important alors que l'enseignant, l'équipe éducative, puissent trouver de l'aide auprès de leur hiérarchie, inspecteur et conseillers pédagogiques, ainsi que de la part des enseignants spécialisés, des psychologue et médecin scolaires, et intervenants extérieurs éventuels.

3.1. Le Trouble de l'Attention/Hyperactivité (TDA/H)

L'hyperactivité est une entité nosologique qui a émergé lentement. Les travaux de Thomas & Willems, 1997, Lecendreux, Konofal & Touzin, 2003, et Bange & Mouren, 2005, ont permis la réalisation de cet historique :

Les premières observations d'enfants hyperactifs remontent au 19ème siècle (1845 : description de l'« instabilité » par l'Allemand Heinrich Hoffman). En 1896, le Français Bourneville associe à la notion d'instabilité celles de « suggestibilité » et d'« agressivité ». Dès 1905, Philippe et Paul Boncour envisagent l'instabilité comme un syndrome particulier, en insistant particulièrement sur l' « indiscipline » de ces enfants pour lesquels ils conseillent déjà une approche pédagogique spécifique. Ils envisagent aussi un substrat neurophysiologique du trouble, tout comme le médecin anglais Still, qui décrit en 1903 le « Brain Damage Syndrome », hyperactivité motrice exagérée à la suite de traumatisme crânien ou de méningo-encéphalite aiguë. Le clinicien français G. Heuyer associe en 1914 l'instabilité et la « délinquance » et souligne les divers champs d'inadaptation des sujets atteints (familial, scolaire, professionnel, et social). En 1925, le terme d' « instabilité psychomotrice constitutionnelle » est avancé par Dupré, qui insiste également sur l' « incapacité d'attention » et « l'étourderie », tandis qu'en Amérique du nord, suite à une épidémie d'encéphalite survenue à la fin de la Première Guerre mondiale, un courant organiciste autour de l'hyperactivité se développe (Hohman, 1922. Ebaugh et Strecker, 1923). En 1937, les travaux de Bradley mettent en évidence l'effet bénéfique de la Benzédrine sur les troubles du comportement et les résultats scolaires d'enfants instables d'intelligence normale. L'hypothèse d'un substrat neurophysiologique des troubles, causé probablement par une lésion minime et amélioré par le traitement, lui paraît alors vraisemblable. En 1947, les travaux de Strauss et Lehtinen, étayés par des tests neuropsychologiques, présentent le syndrome de « Minimal Brain injury » pour rendre compte des désordres cognitifs et perceptivo-moteurs rencontrés chez les enfants hyperkinétiques présentant des troubles de l'adaptation scolaire et familiale. Une lésion cérébrale passée inaperçue leur semble susceptible d'expliquer les troubles présentés par ces enfants. En 63 et 66, les chercheurs nord-américains Bax et Mackeith, puis Clements, remplaceront le terme « Minimal Brain injury » par la notion de « Minimal Cerebral Dysfonction » : une lésion, même non visible, leur paraît pouvoir être à l'origine d'un certain nombre de troubles comportementaux et attentionnels, associés à des signes neurologiques mineurs. Le concept de Dysfonctionnement Cérébral Minime (DCM) sera souvent repris en neuropsychologie, associé notamment aux études concernant les troubles des apprentissages, en particulier le langage, et les différentes lésions cérébrales. En Europe, les recherches de Wallon concernant l'enfant turbulent mettent également en évidence un substratum organique, tout en reconnaissant le rôle fondamental du milieu social et des affects dans la genèse de l'hyperactivité. Face à ce courant organiciste de plus en plus affirmé, des auteurs comme Segal (1969) et Winnicott (1975) considèrent que l'instabilité psychomotrice ne ferait que témoigner d'un conflit psychoaffectif contre lequel l'enfant est en train de lutter, expression symptomatique d'une pathologie réactionnelle, voire de perturbations plus graves pouvant affecter l'organisation même de la personnalité du sujet. Bergès (1985) et Flavigny (1988) complètent ce point de vue en insistant sur la « pathologie du lien » présente dans l'histoire des enfants instables, tandis que des auteurs plus systémiques mettent en évidence le rôle potentiellement stabilisateur que pourrait avoir l'enfant hyperkinétique dans le fonctionnement familial, fréquemment affecté par des problèmes conjugaux. En France, dans les années 70, les travaux d'Ajuriaguerra prolongeront la démarche intégrative, préfigurée par Wallon, associant les notions de substratum organique et de symptomatologie réactionnelle affective et éducative, alors qu'aux Etats-Unis et au Canada, suivis ensuite par la Grande Bretagne puis l'Europe du Nord, le « syndrome hyperkinétique » puis le « syndrome de l'enfant hyperactif » est pris en compte dès les années 60, et introduit en 1968 dans le DSM II (American Psychiatric Association's Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders) . Le trouble est bipolaire : sont isolées une composante relative à l'hyperactivité/impulsivité d'une part, et une autre qui concerne l'inattention. Il est repris dans les mises à jour suivantes et se retrouve dans le DSM IV de 1994 sous le terme de « Attention Deficit and Hyperactivity Disorder ». Le DSM V (2015, en cours de traduction) reprend ce même terme et étend le diagnostic aux adultes, car les recherches de ces dernières années ont mis en évidence que ceux-ci pouvaient encore en souffrir. Dès les années 70, le trouble est largement reconnu et pris en charge aux USA en administrant des psychostimulants et en élaborant des programmes destinés à améliorer et faciliter les relations entre l'enfant et sa famille, son intégration et ses résultats scolaires (travaux de Barkley de 1976 à 1988). En 1993, l'Organisation mondiale de la santé publie la CIM 10 (Classification Internationale des Maladies), qui reprend plusieurs rubriques relatives à l'hyperactivité : les troubles hyperkinétiques, les troubles des conduites, la perturbation de l'activité et de l'attention. Le trouble n'est donc plus une « invention américaine ». De surcroît, les études épidémiologiques mettent en évidence la forte probabilité d'un support génétique.

Actuellement, le TDA/H est la première cause de consultation en psychopathologie de l'enfant dans nombre de pays industrialisés. La fréquence du TDA/H est de 3 à 5 % (6 % pour Manly et al., op.cit.) et diffère peu selon les pays. Les garçons seraient trois fois plus concernés que les filles (Lecendreux et al., op.cit.).

En France cependant, la spécificité du Trouble reste controversée, notamment par toute une partie de professionnels de la pédopsychiatrie attachés aux théories psycho dynamiques de la personnalité. Des congrès médicaux sont néanmoins organisés, des ouvrages sont édités, et des rapports, publiés par l'INSERM en 2002 et 2005 concernant le « Dépistage et la prévention des troubles mentaux chez l'enfant et l'adolescent » et le « Trouble des conduites », ont essayé d'informer et de promulguer les recherches effectuées sur ces différents thèmes. Si une évolution commence à se faire sentir, les réactions de nombreux professionnels (Manifeste « Pas de zéro de conduite » signé en 2006 suite au rapport INSERM par un certain nombre d'entre eux à l'encontre des actions de prévention préconisées), montrent à quel point le débat est passionnel et dogmatique, entaché de préoccupations politiques, comme l'ont confirmé par la suite les prises de position et commentaires sur ces sujets observés lors de la campagne présidentielle de 2007. Les parents des enfants concernés, à l'image des parents d'enfants autistes, se sont regroupés en associations afin de faire reconnaître le trouble. L'une des plus représentatives, HyperSupers, publie sur son site ce courrier du pédopsychiatre Michel Graff (2006), qui souligne les différents enjeux et exprime ses craintes :

« Si les psy. ont finalement abandonné la culpabilisation des parents d'autistes, ils continuent trop souvent à livrer des interprétations irrationnelles et culpabilisantes aux parents d'enfants opposants, instables, inattentifs, etc... », « Je crains que le mouvement « pas de zéro de conduite » ne tente de défendre ces positions typiquement françaises d'une certaine pédopsychiatrie qui ne marche pas, c. à d. qui n'aide réellement ni les parents ni leurs enfants », « Je m'étonne aussi que les auteurs du texte puissent mettre en doute ce qu'il peut y avoir d'héréditaire dans les troubles évoqués. Peut-être croient-ils que pour les chercheurs de l'INSERM, l'hérédité du trouble hyperactif par exemple, est la même que celle réglant la couleur des petits pois ? Il y a maintenant un certain consensus pour estimer que plus l'autisme est diagnostiqué précocement, et espérons-le traité en conséquence, avec la collaboration des parents - et plus l'évolution peut être amendée. Pourquoi n'en serait-il pas de même pour les autres troubles ; ceux pour lesquels ce qu'on appelait « la constitution » est déterminante dans son interaction avec le contexte de vie de l'enfant ? ».

(Michel Graff, op. cit.)

3.2. Le diagnostic.

3.2.1. Les critères

Les trois classifications proposées par le DSM IV, la CIM-10, et la Classification Française des Troubles Mentaux (cf. annexe 1), sont axées sur trois critères principaux : l'attention, l'hyperactivité, et l'impulsivité.

· Le DSM IV regroupe les symptômes sous le terme « trouble du déficit de l'attention/hyperactivité », bien différencié du trouble des conduites ou du trouble oppositionnel. Ils sont présentés selon deux axes, inattention d'un côté (6 symptômes sur 9 sont nécessaires), et hyperactivité/impulsivité de l'autre (6 symptômes sur 9, dont 3 seulement qui concernent l'impulsivité). Il est mentionné que certains des troubles étaient présents avant 7 ans (12 ans dans le DSM V), qu'ils doivent être observés depuis plus de 6 mois, au moins dans deux types d'environnement différents, et être invalidants. Trois types du même trouble sont possibles : TDA/H, type mixte, TDA/H, type inattention prédominante (6 critères concernant l'hyperactivité/impulsivité non remplis), et le TDA/H type hyperactivité/impulsivité prédominante (6 critères concernant l'attention non remplis).

· La CIM-10 (annexe 2) regroupe les symptômes sous le terme « troubles hyperkinétiques ». Les trois mêmes facteurs sont pris en compte (inattention, hyperactivité et impulsivité) mais isolément. Concernant l'attention, les mêmes symptômes que le DSM IV sont retenus, dans le même nombre. L'hyperactivité (3 symptômes sur 5 proposés sont nécessaires) est séparée de l'impulsivité (1 symptôme sur 4 proposés est nécessaire). Les symptômes retenus sont les mêmes (notons cependant que le fait de parler trop est classé dans l'hyperactivité par le DSM IV, et dans l'impulsivité par la CIM 10). Le trouble doit être envahissant, persistant (plus de 6 mois), invalidant, et être présent dans plus d'une situation. Il est d'ailleurs conseillé de façon explicite de rechercher des informations auprès de plusieurs sources. Il est indiqué que le trouble doit survenir avant l'âge de 7 ans. Enfin, un commentaire précise que lorsque le trouble ne concerne qu'un seul critère (l'attention seule par exemple), il n'entre pas dans la classification des troubles hyperkinétiques mais dans celle des troubles de l'attention. De même, des symptômes d'hyperactivité sans trouble de l'attention ne relèvent pas d'un trouble hyperkinétique, mais d'un trouble de l'activité. Par ailleurs, lorsque les difficultés concernent une seule situation, on parlera de « trouble ne survenant qu'à l'école », ou de « trouble ne survenant qu'à la maison ».

· La Classification Française (annexe 3) emploie les termes de « hyperkinésie, instabilités psychomotrices » pour qualifier un « ensemble de symptômes ». Deux versants sont retenus : psychique (avec les difficultés d'attention, le manque de constance et l'impulsivité), et moteur (hyperactivité ou agitation motrice incessante). Les symptômes ne sont pas développés davantage. Les troubles sont plus importants dans les situations demandant de l'application, et peuvent disparaître transitoirement. Les troubles de l'attention sans hyperactivité motrice sont inclus. Il n'est pas mentionné de possibilité d'hyperkinésie sans trouble de l'attention, ni d'âge indiquant la précocité du trouble. Il est mentionné que les troubles doivent être en net décalage par rapport à l'âge et au niveau de développement mental de l'enfant, et qu'ils sont plus importants dans les situations nécessitant de l'application, en classe notamment. Ils peuvent disparaître transitoirement dans certaines situations, par exemple en relation duelle ou dans une situation nouvelle. Enfin, le diagnostic différentiel nécessite une vigilance face à une éventuelle manifestation d'excitation maniaque ou hypomaniaque.

Ces trois classifications montrent bien, au travers de leurs différences, la reconnaissance décroissante (dans l'ordre de présentation) faite à l'entité nosologique du Trouble de l'Attention/Hyperactivité mise en valeur, principalement, par les chercheurs américains. Les deux premières développent explicitement les symptômes présentés par les sujets atteints. Les facteurs à l'origine des troubles ne sont pas mentionnés.

3.2.2. L'établissement du diagnostic

Le dépistage est effectué lors d'une consultation spécialisée et le diagnostic posé par un médecin connaissant bien ce trouble. Il veille à écarter d'éventuelles pathologies pouvant générer des symptômes similaires (formes d'épilepsie, dépression, traumatisme, carences éducatives, etc....) et pratique à un examen clinique complet afin de dépister des signes neurologiques spécifiques. L'anamnèse est explorée au cours des entretiens avec les parents et l'enfant. Des tests psychologiques, neuropsychologiques et neurocognitifs doivent également être proposés aux enfants. Des observations du sujet et de la relation établie avec sa mère sont fréquemment réalisées. Comme le précise la CIM-10, et comme l'impose la présence du trouble dans au moins deux situations différentes, une investigation auprès de plusieurs personnes (en général les parents et les enseignants) est nécessaire pour poser le diagnostic de TDA/H. Le recours à des échelles d'évaluation est, dans ce cadre, particulièrement intéressant. Trois domaines sont ainsi explorés : le milieu familial, le milieu scolaire, et le milieu de consultation.

Les résultats de cette investigation pourront permettre de valider le diagnostic, et, surtout, de cerner précisément les troubles des apprentissages concomitants spécifiques du fonctionnement de l'enfant afin de déterminer avec précision la nature des prises en charge proposées.

Un tel travail ne peut s'effectuer que dans un service spécialisé. A Clermont Ferrand, le Centre Régional d'Evaluation des Troubles du langage et des Apprentissages est compétent, depuis peu, pour les dépister, avec les réserves structurelles dues au caractère restreint de cette structure pour un secteur aussi vaste (trois ou quatre personnes seulement, secrétariat compris). Beaucoup de professionnels, cependant, restent hermétiques à l'évolution des connaissances concernant ce trouble, et au remaniement conceptuel indispensable qu'il implique dans la prise en charge des personnes qui en souffrent.

Le TDA/H affecterait, selon les études les plus récentes, entre 3 et 6 % de la population, mais les chiffres concernant les troubles déficitaires de l'attention sont plus alarmants : 10 % de la population scolaire (Thomas & Willems, op.cit.) serait affectée. Les auteurs insistent sur les répercussions importantes de ces troubles, la plupart du temps ignorés : « La méconnaissance de ce problème pourrait être à l'origine de grandes difficultés d'insertion sociale pour des sujets qui, après avoir connu l'échec scolaire ou l'échec professionnel, présenteront bien souvent des troubles de la personnalité secondaires à leurs échecs répétés » (p. 122).

· Les questionnaires de Conners (Conners,1997)

Les questionnaires de Conners (cf. annexe 4a, 4b) sont parmi les outils les plus utilisés en cas de suspicion de TDA/H. Destinés à l'intention des tiers (une version pour les parents, et une autre pour les enseignants), ils permettent au praticien d'avoir des informations étalonnées sur le comportement de l'enfant dans deux contextes différents : la maison, et la classe.

Le questionnaire pour les parents est composé de 48 items. Cinq critères sont pris en compte, et un index d'hyperactivité global est obtenu. Les réponses des parents sont cotées selon l'intensité observée (échelle de Likert). Les résultats sont interprétés en fonction du sexe et de l'âge de l'enfant.

Tableau 1: Liste des items du questionnaire de Conners (parents) selon cinq critères

Troubles de la conduite

2 Insolent avec les grandes personnes

8 Se sent attaqué, est sur la défensive

14 Prend des choses qui ne lui appartiennent pas

19 Nie ses erreurs ou accuse les autres

20 Querelleur

27 Brutalise ou intimide ses camarades

35 Se bagarre constamment

39 Enfant foncièrement malheureux

Problèmes d'apprentissage

10 A des difficultés d'apprentissage

25 Ne termine pas ce qu'il (elle) a commencé

31 Problème de fixation de l'attention ou distractibilité

37 Se décourage facilement lorsqu'un effort est nécessaire

Psychosomatique

32 Maux de tête

41 Maux d'estomac

43 Autres plaintes physiques et douleurs

44 Vomissements, nausées

Impulsif-Hyperactif

4 Excitable, impulsif

5 Veut tout commander

11 Se « tortille », ne tient pas en place

13 Agité, a toujours besoin de faire quelque chose

Anxiété

12 A peur (de nouvelles situations, endroits et personnes nouvelles, d'aller à l'école).

16 Timide

24 S'inquiète plus que les autres (de la maladie, la mort, la solitude).

47 Se laisse écraser, manipuler par les autres.

Index d'hyperactivité

4 Excitable, impulsif

7 Pleure facilement ou souvent

11 Se « tortille », ne tient pas en place

13 Agité, a toujours besoin de faire quelque chose

14 Destructeur

25 Ne termine pas ce qu'il (elle) a commencé

31 Problème de fixation de l'attention ou distractibilité

33 Changements d'humeur rapides et marqués

37 Se décourage facilement lorsqu'un effort est nécessaire

38 Dérange les autres enfants

Le questionnaire pour les enseignants est composé de 28 items. Trois critères sont pris en compte, et un index d'hyperactivité global est obtenu. Les réponses sont également cotées selon l'intensité, et interprétées en fonction du sexe et de l'âge.

Tableau 2: Liste des items du questionnaire de Conners (enseignants) selon trois critères

Troubles de la conduite

4 Fait le malin

5 Crises de colère et conduites imprévisibles

6 Trop sensible à la critique

10 Fait la moue et boude

11 Humeur changeant rapidement et de façon marquée

12 Bagarreur

23 Nie ses erreurs ou accuse les autres

27 Peu coopérant avec ses camarades de classe

Hyperactivité

1 Agité, se « tortille » sur sa chaise

2 Fait des bruits incongrus quand il ne faut pas

3 On doit répondre immédiatement à sa demande

8 Perturbe les autres enfants

14 Agité, toujours en train d'aller à droite et à gauche

15 S'excite facilement, impulsif

16 Demande une attention excessive de l'enseignant

Inattention-Passivité

7 Distrait ou attention fluctuante

9 Rêveur

18 Se laisse mener par les autres enfants

20 Semble manquer de capacités à entraîner ou mener les autres

21 Difficultés à terminer ce qu'il commence

22 Puérile et immature

26 S'énerve facilement quand il doit faire un effort

28 Difficultés d'apprentissage

Index d'hyperactivité

1 Agité, se « tortille » sur sa chaise

5 Crises de colère et conduites imprévisibles

7 Distrait ou attention fluctuante

8 Perturbe les autres enfants

10 Fait la moue et boude

11 Humeur changeant rapidement et de façon marquée

14 Agité, toujours en train d'aller à droite et à gauche

15 S'excite facilement, impulsif

21 Difficultés à terminer ce qu'il commence

26 S'énerve facilement quand il doit faire un effort

Keith Conners est un psychologue américain qui a consacré sa carrière à l'étude des problèmes d'attention et d'hyperactivité. Les questions et les critères retenus témoignent de la complexité du TDA/H, et du malaise profond de ces enfants, comme en témoignent l'échelle psychosomatique et celle en lien avec l'anxiété. Les difficultés relationnelles et l'hypersensibilité de la plupart de ces enfants, qui « veulent tout commander » davantage par impulsivité que par trouble des conduites, mais qui, dans la forme passive, se laissent manipuler, est également perceptible au travers des questions. Ces enfants peuvent se sentir profondément malheureux, victimes de réactions mal contrôlées qui les font rejeter. Notons la forme passive, qui peut occasionner de l'isolement, souvent mal supporté par ces enfants qui sont rapidement démunis lorsqu'ils sont seuls.

· Le questionnaire de Dupaul (non publié, cité par Barkley, 1990, p. 311)

Tableau 3: Liste des items du questionnaire de Dupaul selon trois critères

Hyperactivité

Rester assis

Rester assis sans trop bouger

S'occuper tranquillement

Attention-Organisation

Se concentrer sur une seule chose à la fois

Porter une attention suffisante à son travail

Finir une activité avant d'en commencer une autre

Ecouter les consignes

Avoir ses affaires pour travailler

Repérer et éviter les comportements dangereux

Adaptation sociale

Veiller à ne pas faire de bruit en classe ou dans les couloirs

Attendre son tour dans le groupe

Ne pas interrompre les autres et ne pas les gêner dans leurs activités

Parler à son tour

Parler modérément

Ecouter les autres lorsqu'ils parlent

Basé sur une échelle non publiée de Dupaul, cet outil de dépistage (annexe 5) nous a été utile pour repérer l'hyperactivité lors de notre stage en Classe Relais. Utilisé en auto-questionnaire, il permet d'aborder le trouble et ses conséquences avec l'élève concerné. Il comporte quinze items, qui peuvent être classés selon trois critères.

Trois items concernent l'instabilité psychomotrice, tandis que six affectent directement l'attention et l'organisation. Six affectent l'adaptation sociale : on voit les conséquences qu'un tel trouble peut avoir sur l'intégration de ces élèves, en difficulté scolaire, et rencontrant également des problèmes relationnels. Contraints physiquement à rester assis, la situation scolaire affecte les trois besoins fondamentaux définis par Deci & Ryan (op.cit.) : les besoins d'autonomie, de compétence, et d'affiliation.

3.3. Les troubles associés

3.3.1. Les Troubles des apprentissages

Le TDA/H est en lui-même source de difficultés scolaires : « L'échec scolaire affecte près de la moitié des enfants TDA/H. Ces derniers présentent, plus souvent que les autres enfants, des difficultés d'apprentissage pouvant concerner la lecture et son acquisition, l'écriture et en particulier le graphisme, l'orthographe et les mathématiques (calcul, abstraction) ». (Lecendreux et al. op.cit, p. 158). Les difficultés attentionnelles, à elles seules, notamment dans les cas graves, suffisent à expliquer les problèmes scolaires. Concernant le livret « Lire au CP » paru sous le ministère de Luc Ferry, les auteurs constatent : « Les recommandations faites pour l'ensemble des enfants ne sont pas adaptées aux enfants TDA/H. On demande une fois de plus à ces derniers d'aller à l'encontre de leurs possibilités. Suivre une activité jusqu'à son terme est un défi pour l'enfant hyperactif, du fait de ses difficultés attentionnelles ». Le problème pour ces enfants est donc davantage un problème de méthode et de guidage, qu'un problème d'apprentissage de la lecture.

Si l'on reprend les six fonctions cognitives développées par Favre (op.cit.), on constate qu'au moins quatre d'entre elles sont atteintes par le TDA/H, l'attention endurante, mais aussi la flexibilité mentale, la planification et la régulation émotionnelle, ce qui constitue autant d'obstacles à leur bonne adaptation scolaire.

Mais au-delà des seuls problèmes d'attention, ces enfants cumulent très fréquemment d'autres troubles des apprentissages. Le site TDA/H Ressources indique dans la rubrique concernant la scolarité :

« Les troubles d'acquisition du langage écrit (lecture, orthographe) sont fréquents chez ces enfants, mais le TDA/H peut aussi être associé à un trouble du langage oral (dysphasie), ou à des troubles du développement moteur (dyspraxie, difficultés de coordination motrice). Les enfants ayant un TDA/H et un trouble spécifique des apprentissages vivent de grandes difficultés scolaires puisqu'on observe un effet cumulatif des déficits liés aux deux troubles ».

(Laurent et al., op. cit.)

Thomas & Willems (op.cit. p. 117), citant l'étude de Rapin (1982), confirment l'association fréquente entre trouble du langage oral, dont on sait qu'il précède souvent la dyslexie, et le trouble de l'attention : « Environ 30 % des enfants présentant des troubles déficitaires de l'attention vont présenter un retard de développement du langage oral ».

3.3.2. Des comorbidités très fortes

Le TDA/H ne doit pas être confondu avec d'autres pathologies (dépression, trouble bipolaire notamment), qui peuvent également provoquer des troubles de l'attention, ou de l'hyperactivité. La différenciation est malaisée, le TDA/H présentant des comorbidités particulièrement élevées.

Indépendamment de l'association avec les troubles des apprentissages (20 %), Lecendreux et al. (op.cit.) donnent, pour la population adulte, les statistiques suivantes concernant les troubles associés : anxiété (25 à 50 % des cas), dépression (19 à 37 %), troubles de la personnalité (10 à 20 %,), conduites ou comportements antisociaux : abus de drogues, délinquance, criminalité (18 à 20 %), abus d'alcool (32 à 53 %), abus de substances (8 à 32 %). Le site TDA/H Ressources mentionne également les conduites à risques, et les risques d'accidents de la voie publique et domestiques, encourus tout particulièrement par les enfants atteints. (Bange, 2014) mentionne le trouble comme facteur de risque de l'obésité. Les troubles de sommeil sont également fréquents.

Enfin, et sans que cela puisse être considéré comme une comorbidité, notons que précocité et hyperactivité ne sont pas exclusifs l'une de l'autre. L'hyperactivité de l'enfant précoce est un facteur aggravant d'isolement et de difficulté d'adaptation.

3.4. Les prises en charge

Les auteurs s'accordent pour préconiser un dépistage précoce, permettant une information de l'entourage (famille et école) et de l'enfant. Cette information évite les malentendus, et les dégâts sur l'estime de soi des enfants provoqués par les réactions spontanées des adultes : « Il se fait facilement réprimander par les professeurs du fait qu'il n'écoute pas et il a tendance à se décourager... Une intrication affective se crée avec les parents et assez souvent ceux-ci vont adopter une attitude de réprimande » (Thomas & Willems, op.cit. p. 126). En 2015, la Haute Autorité de Santé a publié des recommandations à l'intention des médecins de famille afin qu'ils contribuent au dépistage, et qu'ils aident à la mise en place de prises en charge adaptées, notamment en recherchant les comorbidités.

Les prises en charge conseillées sont, outre l'orthophonie ou la psychomotricité selon d'éventuels troubles des apprentissages associés, des thérapies comportementales et neurocognitives : « une « thérapeutique pédagogique » tenant compte des facteurs affectifs, des facteurs comportementaux et de l'apprentissage » (ibid. p. 192).

Des interventions auprès des familles sont proposées, notamment dans les pays nord-américains. Certains grands centres parisiens proposent des groupes, permettant aux parents de se retrouver, loin du rejet et des accusations de mauvaise éducation dont ils sont généralement victimes par les parents des autres enfants. Ces groupes permettent de s'informer sur la nature des troubles, le mode de fonctionnement de ces enfants, et les techniques éducatives les plus adaptées.

Dans les cas les plus sérieux, des psychostimulants, activant les fonctions attentionnelles, peuvent être prescrits aux enfants (Ritaline ou Concerta). Thomas et Willems considèrent que la médication peut être utile, surtout pour les enfants jeunes, lorsque les troubles sont très invalidants, les plus grands et les adolescents étant en général plus accessibles aux thérapies comportementales et neurocognitives. Lecendreux et al. (op.cit.) précisent (p. 283) : « ... il est bon de se rappeler également que ce traitement améliore de façon indiscutable, avec très peu d'effets secondaires rapportés, les symptômes de près de 75 % des enfants présentant un diagnostic de TDA/H...Il suffit d'être au contact des enfants TDA/H et de leurs familles pour comprendre que laisser ces enfants sans traitement est impossible. Il n'est certainement ni souhaitable, ni judicieux « d'attendre que ça passe » ». La médication est prescrite en général sur une période de deux à trois ans, procurant à l'enfant une accalmie propice aux apprentissages et à l'établissement de liens sereins avec l'entourage, et lui permettant de se construire afin de pouvoir mettre en place, plus grand, des mécanismes de compensation plus efficaces.

Certains médecins peuvent conseiller des complémentations alimentaires (fer, oméga 3, zinc...) afin d'améliorer les symptômes. D'autres préconisent des régimes alimentaires écartant certains aliments (sodas, sucre, certains additifs alimentaires...) et privilégiant la consommation de fruits et de légumes non traités.

3.5. L'évolution

Dans 25 à 30 % des cas, il semblerait que le trouble s'atténue à l'âge adulte. Le syndrome d'hyperactivité, notamment, tend à disparaître. Lecendreux et al. (op.cit.) estiment que le pourcentage des enfants conservant des symptômes à l'âge adulte se situe entre 25 à 75 % des cas. La méconnaissance du trouble par les professionnels de la psychiatrie adulte est à l'origine d'un important déficit de dépistage : « ...de très nombreuses personnes souffrent de TDA/H sans même en connaître l'existence. Certaines sont soignées pour des complications de ce trouble, par exemple des symptômes anxieux ou dépressifs, sans que l'on ait identifié la cause initiale » (p. 209). De nombreux auteurs soulignent les conséquences sur l'orientation professionnelle des troubles : ces personnes ont une position professionnelle qui ne correspond pas à leurs capacités réelles, ne fonctionnent pas à un niveau académique qui leur correspond, ont des difficultés à trouver et à garder un travail, sont souvent tristes, d'humeur instable, et victimes d'un manque d'estime de soi. Ils sont adeptes de conduites à risque (vitesse notamment) et fréquemment victimes d'addictions (toxiques, alcool, alimentation, jeux...). Dalsgaard, Ostergaard, Leckman, Mortensen & Petersen (2015) ont mis en évidence des risques de mort prématurée nettement supérieurs à la moyenne chez les personnes victimes de TDA/H.

Peu d'études portent sur les orientations professionnelles des adultes TDA/H. Certaines indiquent que leurs souhaits les portent vers des métiers d'action (police, gendarmerie, pompier, urgences,...) et que les études longues les rebutent (Fauvel, 2012). Lecendreux et. al. (op. cit.) mentionnent que les hyperactifs sont souvent très créatifs et très largement représentés dans le secteur artistique.

On retrouve de nombreux hyperactifs parmi les personnes célèbres, témoignage que « l'hyperactivité peut, dans certains cas, être transformée en avantage indéniable » (Lecendreux et al., op.cit., p. 250).

La prévalence du trouble dans la population adulte serait de 4 % (entre 2 à 6 %).

3.6. Etiologie

3.6.1. Des facteurs biologiques

Le TDA/H est « un trouble à expression neurologique traduisant le dysfonctionnement de certains neuromédiateurs, en particulier la dopamine » (ibid. p. 52). Il est la traduction comportementale d'un « dysfonctionnement de certaines parties du cerveau, qui font appel à la régulation des fonctions exécutives, en particulier en empêchant ou en inhibant certains comportements indésirables » (ibid., p. 53).

Thomas et Willems (op.cit.) confirment le lien entre de nombreux troubles pédiatriques et le trouble de l'attention. Ils citent : les grossesses à risque, notamment la prématurité, la consommation excessive de tabac ou d'alcool pendant la grossesse, les troubles du sommeil (notamment les apnées nocturnes), l'épilepsie et les convulsions hyperthermiques. Ils mentionnent que les troubles attentionnels associés à ces maladies pédiatriques sont persistants à l'âge adulte.

De nombreuses études incriminent des facteurs de pollution : Wagner-Schuman et al., 2015, ont mis en évidence un lien entre certains pesticides et l'hyperactivité. Les produits de traitement des fruits, des légumes sont également cités. En France, le rapport INSERM « Pesticides : effets sur la santé » (2013) établit le lien, entre autres, entre la maladie de Parkinson et certains produits. Or, une récente étude (Hansen et al., 2014) associe la maladie de Parkinson et le TDA/H, la première étant le degré aggravé du second. Le déficit d'une protéine transporteur de la dopamine serait le facteur commun. Un groupe de gènes est impliqué dans ce déficit. Notons que les Etats Unis, pays où le trouble atteint, d'après certaines études médicales (Froehlich, 2007), près de 9 % des enfants, sont les premiers consommateurs au monde de pesticides, la France étant le troisième. Des allergies alimentaires ont pu également être évoquées, de même que les allergies aux médicaments (Heilbrun et al., 2015). D'autres études ont trouvé une corrélation entre l'exposition de la mère à la pollution de l'air et le TDA/H, (Perera et al., 2014).

Ces différents éléments confirment les premières observations des médecins, et le concept de « minimal brain injury » qui oriente sur l'idée d'une altération du système nerveux.

Dans un autre ordre d'idée, néanmoins voisin, certains chercheurs ont mis en évidence le lien entre le stress, notamment le stress maternel pendant la grossesse du fait de sécrétion de cortisol, et le risque d'hyperactivité  (Khalife et al., 2013).

Solovey (2014), constate que 25 % des enfants souffrant de TDA/H ont un parent atteint du même trouble, et met en évidence de meilleures habiletés parentales lorsque ces parents suivent un traitement. De nombreuses études ont recherché des facteurs génétiques sous-jacents, notamment sur des jumeaux, adoptés et/ou séparés à la naissance, versus des jumeaux élevés par leurs parents. Thomas & Willems (op.cit.) citent ces études (pp. 64-66) et concluent : « Il existe bien un déficit génétique associé au syndrome TDA/H qui se présente à une fréquence anormalement élevée ». La récente étude de Hansen et al. citée plus haut confirme cette affirmation.

Lecendreux et al. (op.cit.) considèrent que la prévalence du trouble est stable depuis ces vingt dernières années. Le trouble est cependant mieux reconnu, et davantage pris en charge. Conrad & Bergey (2014) s'alarment de l'expansion du diagnostic dans le monde : le prosélytisme des compagnies pharmaceutiques, l'émergence de la psychiatrie biologique, la diffusion de la nomenclature psychiatrique américaine, l'influence des associations de parents et de patients, et la facilité d'accès aux informations concernant le trouble du fait d'internet leur paraissent responsables de cette poussée.

Thomas & Willems (op. cit.), Dupagne (2013), Revol et Blanc Lapierre (2013) soulignent l'inadaptation de l'école à ces enfants, créant un contexte de handicap (avec l'obligation scolaire prolongée pour tous les élèves) là où d'autres situations (le travail agricole notamment) offraient un contexte de réussite.

3.6.2. Les facteurs socio-éducatifs

De nombreux médecins incitent à différencier les enfants « tyrans » (Le Heuzey, op. cit. p. 46) des enfants hyperactifs, le TDA/H d'une « pseudo-hyperactivité d'origine psycho-éducative » (Kochman, 2003, p. 15). Ces auteurs mettent en avant la faiblesse des parents, qui « ne sont pas dans une relation éducative, mais dans une relation de négociation permanente ou plutôt de marchandage » (Le Heuzey, op. cit. p. 47). On entre très vite dans la problématique de la poule et de l'oeuf lorsqu'il faut déterminer les causes de difficultés comportementales. Un des facteurs significatifs est l'adaptation scolaire : « En dehors du milieu familial, l'enfant tyran se fait rarement remarquer, gardant ses exigences au sein de la famille » (ibid.). Mais cette dichotomie peut ne pas être aussi claire, notamment dans les cas, fréquents, où la surprotection parentale fait pression sur l'enseignant. L'auteur évoque dans les facteurs aggravants, le fait que l'enfant ait été longuement désiré, ou qu'il ait été malade : « En un mot, un bébé « précieux », pour qui rien n'a été trop beau, trop cher, ou inaccessible ». Notons que l'attitude des parents à l'égard des enfants a beaucoup évolué ces dernières décennies, et que les enfants « précieux » sont de moins en moins rares. Il reste que des enfants livrés à leurs pulsions, qui n'ont pas développé de contrôle moteur, verbal, et que les parents ont renoncé à contrarier, sont peut être moins armés que les autres pour s'adapter au contexte scolaire. Le modèle de l'attention conjointe développé par les chercheurs peut expliquer un déficit d'attention dans ce contexte.

Un autre facteur est évoqué par les chercheurs : les écrans, qui capturent l'attention mais ne la développent pas. Un enfant qui regarde la télévision est attentif, mais cette attention est exogène. Le temps passé devant les écrans ne participe donc pas à « la longue et dramatique histoire de la formation de l'attention volontaire » (Luria cité par Jumel, op.cit.). Il se substitue, par contre, à de nombreuses occasions qui auraient pu y participer. Bien que là encore, la vigilance s'impose dans l'interprétation des causes : Dupagne (op. cit.) souligne que les jeux vidéo sont particulièrement adaptés au mode de fonctionnement des enfants souffrant de TDA/H, ce qui explique leur engouement pour ces jeux d'action, au rythme effréné, qui leur correspondent. Il estime que les jeux vidéo sont créés par des ex-enfants TDA/H pour des enfants TDA/H.

La même difficulté dans la différenciation entre facteurs environnementaux et facteurs socio-éducatifs se retrouve lorsque les parents sont eux-mêmes hyperactifs, cas qui, nous l'avons vu, est fréquent.

Le stress, enfin, est un facteur identifié comme cause possible du TDA/H, soit qu'un événement traumatique soit survenu pendant la grossesse, soit que cet événement ait affecté l'enfant lui-même.

Chaque situation est unique et compose la multiplicité de ces différents facteurs à sa façon. Au-delà de l'analyse qui en est faite, il importe de repérer les difficultés et les souffrances, et les modes de fonctionnement chroniques et persistants qui seraient susceptibles d'hypothéquer l'avenir de l'enfant, en proposant les explications, adaptations et prises en charge les plus adaptées.

Deuxième partie : Présentation du dispositif de recherche

1. Un appui sur l'expérience professionnelle

Psychologue scolaire depuis une douzaine d'années, j'ai souvent été sollicitée pour intervenir auprès d'enfants et de leur famille qui, souvent dès la Petite Section de maternelle, présentent un comportement très instable. Malgré les efforts et les interventions diverses, ces enfants gardent un comportement difficile tout au long de leur scolarité primaire. Les trois cas suivants illustrent bien la complexité de ces situations :

1.1. Cas n°1 : M

M. est un petit garçon pour lequel une aide du RASED (Réseau d'Aides Spécialisées aux Elèves en Difficultés) a été sollicitée dès la Petite Section. Le petit garçon avait un comportement agité, n'obéissait pas aux consignes de l'enseignante, et pouvait mordre ses camarades. Une aide G, dispensée par le rééducateur du Réseau, avait été mise en place. Le rééducateur avait pu constater le grand désarroi de la mère de l'enfant, qui ne comprenait pas le comportement de son fils, et vivait mal les regards des autres parents, accusateurs à son égard. Notons que le comportement à la maison était plus facile, d'après la mère. Un léger mieux avait été noté suite au travail réalisé avec le rééducateur, l'enfant appréciant l'espace qui lui était réservé une fois par semaine, dans un cadre riche et ludique, lui permettant d'établir une relation bienveillante avec un adulte disponible. Les années scolaires suivantes ont été compliquées. Le suivi du rééducateur a perduré une année, puis l'enfant s'est révélé plutôt motivé par l'apprentissage de la lecture, au cours duquel il s'est inscrit dans la réussite. Au CE2, devant les difficultés de comportement, l'enseignant de la classe appelle à nouveau à l'aide le Réseau. Il indique que M. parvient à se concentrer sur le travail scolaire mais que, en revanche, il fait régulièrement preuve de violence envers ses camarades : grossièretés, insultes, coups. Le maître souligne qu'il supporte très difficilement la contradiction et la frustration, et qu'il estime fréquemment être une victime. Un bilan psychologique est réalisé, et un suivi mis en place au sein de l'école durant quelques séances afin que l'enfant apprenne à verbaliser ses émotions et à mieux les gérer (cf. annexe 6). Le bilan met en évidence les bonnes compétences cognitives du jeune garçon, mais on note de très grandes disparités dans les performances, dans certaines échelles, mais aussi à l'intérieur d'une même échelle, pour des exercices faisant appel à des compétences identiques, irrégularité signant généralement des problèmes d'attention. Les épreuves projectives montrent que les relations familiales intériorisées sont plutôt positives, avec un attachement sincère à la petite soeur (M. a une petite soeur scolarisée dans l'école, qui ne pose aucun problème d'adaptation scolaire). Le questionnaire de Conners est renseigné par l'enseignant et les parents. Si les index d'hyperactivité n'atteignent pas les critères significatifs, en revanche, les résultats confirment les problèmes de conduites importants en milieu scolaire. L'auto-questionnaire de Barkley est proposé à l'enfant, et les réponses du jeune garçon témoignent des problèmes d'attention qui l'affectent, déplorant de ne pas pouvoir se concentrer, de parler trop sans pouvoir attendre son tour, et d'avoir des problèmes pour écouter quand on lui parle. Au CM1, l'enseignante demande à nouveau de l'aide. Un compte rendu du bilan et du travail réalisé l'année précédente à l'attention d'un pédopsychiatre est donné aux parents, afin de mettre en place un suivi en ville. Des bilans orthophonique et orthoptique sont demandés pour vérifier que l'enfant ne souffre d'aucune gêne dans ses apprentissages (l'enseignante constate qu'à certains moments « l'enfant accroche énormément en lecture »). L'éventualité d'un traitement (Ritaline) pour pallier les difficultés attentionnelles et comportementales est évoquée lors d'un entretien avec les parents, mais ils ne sont pas prêts à se résoudre à une telle éventualité. L'année suivante se passe très difficilement, puis l'enfant passe en 6ème dans le collège public le plus proche, d'où il est rapidement évincé pour intégrer un petit collège privé.

Ce premier cas permet d'illustrer le caractère chronique des problèmes d'adaptation scolaire. Dans cette situation, le contexte familial apparaît plutôt favorable, confirmé par l'absence de difficultés de la petite soeur, et la rigueur des suivis mis en place par les parents. Les difficultés d'attention et les problèmes relationnels sont au premier plan, et l'enfant ne semble pas souffrir de problèmes d'apprentissage associés.

1.2. Cas n°2 : N

Le cas suivant est un petit garçon de 6 ans scolarisé en GS (cf. annexe 7). Il vient d'arriver dans son école à la suite d'un changement de garde : il a été retiré à sa mère, qui ne le voit plus qu'une fois tous les quinze jours et est gardé par son père. L'enfant suit difficilement le fil des activités proposées, il est très agité en classe, et peut faire preuve de violence envers ses camarades. L'année précédente, le petit garçon avait également un comportement très instable à l'école. Ces difficultés comportementales ont été à l'origine de problèmes relationnels entre les enseignants et la mère de l'enfant, ce qui a contribué au retrait du petit garçon du foyer maternel. N. termine sa GS de cette façon, puis passe au CP, où il apprend à lire assez facilement. Durant les activités structurées, il ne présente pas de difficulté scolaire à proprement parler. Ses compétences cognitives sont dans la moyenne, mais le petit garçon n'aime pas lire. Son comportement difficile, son agitation, et ses difficultés relationnelles, sont restées identiques quel que soit le milieu familial d'accueil. Le questionnaire de Conners renseigné par la mère atteint des scores de significativité relatifs à l'hyperactivité très importants.

Ce deuxième cas illustre la remise en cause du milieu familial fréquente dans de telles situations. La mère de N. est une personne très investie dans son rôle maternel. Mais elle est aussi une personne très vive qui reconnaît avoir posé elle-même de nombreux problèmes de comportement dans son enfance. Elle a été scolarisée en pension très jeune, ses parents ne parvenant pas à gérer son humeur difficile. Comme évoqué plus haut, le trouble, qui a une base constitutionnelle, est souvent partagé par l'un des deux parents (ou les deux), ce qui est un facteur aggravant la situation de l'enfant. Les difficultés comportementales rencontrées par son fils à l'école l'ont remise en cause personnellement, occasionnant des discussions avec les enseignants que son caractère vif ont rendu trop houleuses. Après enquête sociale, le juge s'est finalement prononcé en faveur du retrait du petit garçon du foyer maternel, mais le comportement de N. ne s'est pas amélioré pour autant. Il n'est pas certain, par contre, que l'accueil réservé à son égard par son père et sa belle-mère, aux dires de l'enfant (peut ne pas manger à la même table que le reste de la famille, s'ennuie, reste très souvent dans sa chambre tout seul, passe plus de temps avec sa grand-mère paternelle qu'avec son propre père, etc.) soit aussi chaleureux et investi que celui apporté par sa mère... De telles situations sont fréquentes en cas d'enfant hyperactif, en raison des interprétations négatives des professionnels du soin, de la santé, et de l'éducation, qui voient dans les dysfonctionnements familiaux l'origine des troubles présentés par l'enfant.

1.3. Cas n°3 : S

Le troisième cas est celui de S. signalé par son enseignante en Moyenne Section. Le petit garçon est très agité. Un suivi par le rééducateur (maître G) est mis en place. Celui-ci rencontre la famille, et il émet un avis réservé concernant le père du petit garçon, qu'il ne « sent pas » à l'entretien (réflexe de remise en cause du fonctionnement familial, justifié probablement par le caractère du père, très probablement hyperactif lui-même si l'on considère l'histoire familiale). Une première tentative de bilan est tentée en fin de Moyenne Section, mais l'agitation et les problèmes de concentration de l'enfant ne lui permettent pas d'investir de façon satisfaisante la situation de test. L'année suivante, il est à nouveau fait appel au Réseau et le bilan peut être mené à son terme, mettant en évidence des compétences dans la zone moyen faible. Devant l'inadaptation scolaire du petit garçon, une consultation pédopsychiatrique est conseillée à la famille. Les parents décident alors de changer l'enfant d'école et de l'inscrire dans un établissement privé. Mais au CE2, le jeune garçon revient à nouveau dans son école de rattachement. Les problèmes de comportement sont massifs, et surtout, l'enfant présente des difficultés de lecture très importantes. Un nouveau bilan est réalisé. Le niveau en mathématiques est satisfaisant, mais celui en lecture est très insuffisant. Des problèmes de repérage dans l'espace sont également perceptibles, et des bilans orthophonique et orthoptique sont conseillés, ainsi qu'une consultation au Centre Médico-Psychologique. Les questionnaires de Conners, renseignés par la famille et l'enseignante, obtiennent des résultats très significatifs concernant l'hyperactivité et les troubles des apprentissages. Un suivi orthophonique est mis en place, et un diagnostic de dyslexie est posé. Le jeune garçon progresse lors de ce suivi et le CM1 se passe sans difficulté excessive. Au CM2, le comportement de l'enfant est tel qu'une observation en classe de la psychologue est demandée par l'enseignante, afin de mieux expliquer aux parents le comportement de leur enfant. Une équipe éducative en présence de l'Inspecteur de l'école, du médecin et du psychologue scolaires est organisée, afin d'évoquer les problèmes comportementaux et les soins mis en place. A l'issue de cette réunion, un rendez-vous est pris avec un pédopsychiatre et un traitement est prescrit (Ritaline). S. termine son CM2 à l'école, puis va en 6ème. Croisée dans un supermarché un an après, la mère m'expliquera que l'enfant a quitté son établissement et intégré un collège public dans lequel il a été accueilli en tant que pensionnaire. Le traitement a été arrêté car l'enfant ne le supportait pas bien.

Ce troisième cas a été choisi pour illustrer la comorbidité fréquente du TDA/H avec d'autres troubles des apprentissages (dyslexie, dysphasie, dyspraxie...). Il montre également le nomadisme scolaire dont ces enfants sont souvent victimes : les parents supposent que l'école rejette leur enfant et souhaitent essayer un autre établissement, dans l'espoir qu'il ne soit plus «stigmatisé ».

Ces trois cas regroupent les différentes caractéristiques de la scolarité des enfants hyperactifs : des troubles précoces, chroniques, importants dans ces trois situations particulièrement aigües. On note également une fréquence élevée de parents eux-mêmes victimes du trouble, et des risques accrus de problèmes de communication avec les personnels des écoles, les instances sociales et médicales, allant jusqu'au retrait de l'enfant de la famille dans certaines situations compliquées. On retrouve la présence de troubles associés, et une scolarité souvent chaotique. Les souffrances de ces enfants et de leur entourage, parents, enseignants et camarades de classe, sont, en filigrane, omniprésentes.

2. Une recherche préliminaire en classe relais

Accueillie pendant six mois en classe relais dans le cadre du master dans le but d'étudier les processus de décrochage scolaire précoce, il m'a été possible d'approcher une dizaine d'élèves orientés dans cette structure. L'hypothèse orientant cette recherche était que ces élèves avaient été repérés et suivis par le RASED durant leurs classes primaires, et qu'ils souffraient de troubles des apprentissages anciens et sévères. La part d'entre eux victimes de TDA/H me paraissait importante à déterminer.

2.1. Méthodologie

La recherche, de type mixte (Bonneville, Lagacé, & Grosjean, 2006, Savoie Zajc & Karsenti, 2004) se composait d'un volet quantitatif. Le dispositif mis en place afin de vérifier notre hypothèse d'une plus grande proportion d'enfants hyperactifs, avec ou sans troubles des apprentissages associés, dans la population des élèves accueillis en Classe Relais consistait à proposer aux élèves, à leur entrée dans la Classe Relais, des épreuves étalonnées de lecture et d'orthographe (ROC, Cogni-Sciences, 2009), et l'auto-questionnaire (cf. annexe 5) basé sur les travaux de Dupaul (cité par Barkley, op.cit.) visant à dépister le TDA/H. Les épreuves étaient proposées en deux séances, lors d'entretiens destinés à établir un contact, ainsi qu'à obtenir des informations sur la scolarité antérieure des élèves, et notamment les suivis éventuels (orthophonie, RASED, psychologues, psychiatres, CMP...) dont ils auraient pu bénéficier. Ces résultats ont été interprétés en fonction de l'étalonnage du ROC. Concernant l'auto-questionnaire, un groupe témoin, constitué de cinq autres classes du même collège, a été invité à remplir le questionnaire, complétant de cette façon le dispositif expérimental.

Pour des raisons déontologiques, et afin de ne pas interférer avec le fonctionnement de la classe relais (en ayant besoin de demander une autorisation particulière aux parents par exemple), le choix a été fait de ne pas utiliser d'outil réservé aux psychologues. Ce choix s'est révélé judicieux, car l'équipe a décidé, pour les années précédentes, de reconduire l'évaluation en lecture et en orthographe, et de faire également passer un test étalonné en mathématique, ce que nous n'avons pas fait afin de ne pas trop alourdir le dispositif.

Le deuxième volet de la recherche était d'ordre qualitatif. Suivant une démarche inductive rendue possible par l'immersion autorisée par la longueur du stage (une demi-journée par semaine pendant six mois), ce deuxième aspect de la recherche était essentiellement basé sur l'observation, afin de recueillir des informations sur l'organisation de l'enseignement choisie pour s'adapter aux difficultés particulières des jeunes. De nombreux entretiens informels avec les différents membres de l'équipe pédagogique (l'enseignant coordonnateur et deux assistantes d'éducation) ont complété le dispositif de recueil des données.

2.2. Recueil et traitement des données

Les épreuves d'orthographe et de lecture ont permis de comparer les résultats obtenus par les jeunes en classe relais avec la moyenne de ceux obtenus par les jeunes du même âge. Cette comparaison a été rendue possible du fait de l'étalonnage du ROC du CM2 à la 5ème. Pour comparer les résultats des plus grands, une extrapolation statistique a été réalisée (cf. annexe 8).

Les résultats des élèves de la Classe Relais à l'auto-questionnaire en lien avec le TDA/H ont été comparés avec ceux obtenus par les autres élèves du collège (élèves de 5 classes, 2 classes de chaque niveau, sauf en 5ème où une seule classe est représentée, pour des raisons indépendantes de notre volonté). Les notes obtenues à chacune des 15 questions ont été sommées pour obtenir une moyenne, qui a été utilisée ensuite pour la comparaison (cf. annexe 9).

Le recueil des données concernant les suivis RASED et/ou orthophonique a permis de déterminer que la plupart des élèves avaient bénéficié d'aide par un (ou plusieurs) enseignants spécialisés durant leur scolarité primaire. Le calcul des prises en charge RASED du groupe témoin est une estimation obtenue en croisant des informations de plusieurs sources différentes : le rapport RASED présenté au sénat en 2013 qui évalue à 500 000 élèves pris en charge par les RASED en 2010/2011, et qui précise qu'environ 25 % des prises en charge concernent des CP, classes où elles sont majoritaires, et les plus significatives de difficultés scolaires. En 2011/2012, le nombre d'élèves scolarisés au CP étant d'environ 700 000 (DEPP, 2011), on peut estimer le pourcentage d'enfants de CP pris en charge à 18 % (125 000 prises en charge pour 700 000 élèves). En croisant avec les observations et compte rendus d'activité des personnels RASED du département, nous avons retenu le chiffre approximatif de 20 %. Les résultats du volet quantitatif de la recherche sont consignés dans la figure 4.

2.3. Analyse des résultats

Les histogrammes de la figure 4 confirment clairement les difficultés scolaires et comportementales des élèves accueillis en classe relais : si les résultats en lecture ne sont pas trop décrochés de la moyenne (deux des élèves de la classe relais sont de très bons lecteurs et font écran par rapport aux scores des autres jeunes), les difficultés orthographiques sont importantes pour presque tous les élèves.

Les difficultés de concentration et l'hyperactivité apparaissent nettement au travers des réponses à l'auto-questionnaire, et confirment les observations du terrain : des élèves très réactifs, impulsifs, ayant du mal à tenir assis et à écouter un cours en silence. Les problèmes d'attention sont donc au premier plan.

Figure 4: Comparaison entre élèves de la classe relais et les populations d'étalonnage.

Une matrice de corrélations entre les questions a permis de déterminer, par ailleurs, un lien élevé entre une des questions et le résultat final : « Ne pas interrompre les autres et ne pas les gêner dans leurs activités » est noté comme le comportement le plus compliqué pour les élèves les plus hyperactifs. Ce résultat, confronté aux données qualitatives, semble indiquer que ces jeunes ont conscience qu'ils dérangent les autres, et laisse présager les difficultés relationnelles et les réactions négatives qu'ils rencontrent au quotidien.

Certains jeunes, au contraire, qui présentent une histoire scolaire compliquée, ont répondu la note maximale (10, signifiant qu'il était très facile pour eux de ne pas déranger les autres). Pour ces élèves dont les résultats à l'auto-questionnaire sont aberrants compte tenu des annotations des enseignants ou de leur histoire scolaire (par exemple, 8 à « N'interrompt pas les autres et ne les gêne pas dans ses activités » alors que l'enfant a du changer d'établissement pour des problèmes de comportement, ou 10 à « a ses affaires pour travailler » alors qu'il est mentionné dans les bulletins que l'élève les oublie constamment, etc. ), les limites de l'auto-questionnaire sont atteintes. Compte tenu de ces éléments, les résultats à l'auto-questionnaire minorent très certainement le TDA/H, au moins pour certains élèves de la Classe Relais.

Un autre point surprenant mérite d'être souligné : la classe dans laquelle le plus d'enfants hyperactifs sont regroupés parmi les élèves des classes ordinaires est une classe européenne, très agréable car particulièrement vivante et réactive. L'association relativement fréquente entre hyperactivité et précocité (Revol et al., op. cit.) est peut être, également, un facteur explicatif de cette concentration surprenante d'hyperactifs dans la classe européenne. Cette information oriente sur l'hypothèse d'un TDA/H qui jouerait un rôle de catalyseur, optimisant la réactivité des élèves performants, et aggravant celle des élèves en difficulté. L'hypersensibilité notée plus haut est probablement à l'origine du fort rejet de l'école par les élèves hyperactifs en difficulté scolaire, les contrariétés accumulées du fait de la médiocrité de leurs résultats étant ressenties comme insupportables.

La part du milieu familial dans le parcours des jeunes vers la Classe Relais a été abordée de façon qualitative. Les facteurs familiaux jouent certainement un rôle majeur dans l'histoire de ces élèves. Pour la plupart, on note des signes de fragilité familiale : parents divorcés, malades, père décédé, immigration, adoption... Le problème des habiletés parentales est également sous-jacent, au travers notamment de la dureté des punitions dont ces jeunes peuvent être victimes face à leurs exactions.

L'absence de dépistage des troubles est nette : aucun élève n'a connaissance du TDA/H, aucun membre de l'équipe pédagogique de la Classe Relais non plus. Par contre, la plupart de ces enfants ont bénéficié de consultations et de suivis pédopsychiatriques ou psychologiques, et aucun diagnostic ni questionnement au sujet d'un éventuel TDA/H n'est apparu au cours des entretiens avec les élèves, ni dans les dossiers les concernant. Cet absence de dépistage laisse parents, enfants, et enseignants démunis, sans explication pertinente ni corpus théorique et pratique d'attitudes et adaptations possibles face aux problématiques de ces jeunes.

2.4. Conclusions

Les résultats de cette étude permettent de constater que l'hyperactivité suffit rarement, à elle seule, à provoquer le décrochage scolaire précoce : seule une élève accueillie dans le dispositif présente une hyperactivité sans difficulté scolaire. Ils montrent que la plupart des élèves accueillis dans le dispositif sont hyperactifs, et présentent des troubles des apprentissages associés. Leur impatience et leur sensibilité aggravent ces difficultés qui deviennent insupportables, augmentent leur réactivité, et finissent par les mettre en opposition avec ce milieu scolaire dans lequel ils sont en échec. L'observation de leurs comportements durant le stage permet également de conclure à la présence d'un trouble oppositionnel (cf. annexe 10) pour la plupart d'entre eux. C'est le cas notamment de la jeune fille hyperactive citée plus haut. Les élèves présentant un tel profil constituent la population la plus à risque de décrochage scolaire précoce.

Ces résultats sont en complète cohérence avec le rapport INSERM de 2005 sur le trouble des conduites :

« Un trouble déficit de l'attention/hyperactivité ou un trouble oppositionnel avec provocation est souvent associé de façon comorbide au trouble des conduites... Le trouble des conduites peut également être associé à d'autres types de troubles mentaux : trouble anxieux, trouble de l'humeur, trouble lié à la consommation abusive de substances psycho-actives ou encore trouble des apprentissages ».

(INSERM, op. cit. p.1).

Seul un élève de la classe, a priori, est touché par un problème de toxicomanie. Par contre, la plupart d'entre eux sont victimes d'une surconsommation de jeux vidéos (jusqu'à 50 heures par semaine pour un des jeunes.

Les données qualitatives mettent en évidence comment l'enseignement dispensé en classe relais est empiriquement adapté à ces élèves en double ou triple difficultés : une adaptation à leur niveau scolaire afin d'éviter les déconvenues, un encadrement plus personnalisé (consignes strictes et claires, règles de vie régulièrement réaffirmées, explications et mobilisation des adultes aussitôt que nécessaire...), une concentration des temps scolaires les plus « statiques » le matin, des activités physiques, actives et variées l'après-midi (sport, sorties, jeux de société, ateliers cuisine, bricolage, projets divers...), et un rythme soutenu qui correspond à leur impatience constitutionnelle. L'appel à leurs capacités attentionnelles est adapté à leurs compétences dans ce domaine : limité.

Notons enfin que la plupart de ces élèves ont été suivis par le RASED durant leur scolarité primaire. Ces suivis n'ont pas résolu les problèmes, comme le prouvent leurs parcours. Néanmoins, ils leur ont permis de se maintenir dans les classes ordinaires, et, bon an mal an, de continuer à progresser. L'absence d'enseignants spécialisés au collège ne permet pas cette adaptation. Cette absence explique en grande partie les décrochages précoces, et justifie la création des Classe Relais, coordonnées par...des enseignants spécialisés du premier degré. Cette observation met en valeur les mérites des personnels RASED, mais aussi celui des enseignants du premier degré, qui gèrent ces élèves au quotidien. Un des dossiers des élèves met en évidence, à ce sujet, l'arrêt maladie d'une de ses enseignantes, faute de pouvoir continuer à gérer sa classe. Ces efforts méconnus ont un coût supporté par les enseignants en termes de stress et d'épuisement professionnel, que les psychologues scolaires sont bien placés pour repérer.

3. Nouvelle problématique de recherche

La revue de littérature nous a permis d'approfondir le concept d'attention, de mettre en évidence son lien avec les apprentissages, ainsi que les rapports étroits entre cette faculté, la motivation, et la réussite scolaire. Nous avons aussi exploré les problèmes attentionnels, et complété nos connaissances concernant le trouble du déficit de l'attention/hyperactivité, ainsi que ses répercussions sur la scolarité des enfants concernés. En s'appuyant sur notre expérience de terrain, nous avons exposé plusieurs cas d'enfants hyperactifs à l'école primaire puis, lors d'une recherche menée sur un lieu de stage choisi ad hoc, montré à quelles extrémités certains de ces élèves se trouvaient réduits au collège. Notre problématique de recherche s'oriente à présent sur la scolarisation des enfants souffrant de TDA/H à l'école primaire. Ces élèves, qui ne parviennent pas à s'adapter au collège, ont pour la plupart suivi une scolarité ordinaire au sein de leurs classes respectives. Quelles modalités leurs enseignants ont-ils mis en place pour favoriser leur adaptation ? Comment sont-ils parvenus à canaliser leur attention ? Quelles pratiques pédagogiques sont les plus efficaces ? Comment les enseignants des classes primaires, qui gèrent ces enfants toute une année scolaire (voire plusieurs), parviennent à faire classe à tous leurs élèves avec de tels enfants ? Quelles sont les répercussions sur la classe des comportements de ces enfants qualifiés par les enseignants du collège d'ingérables ? Ces questions vont guider notre nouvelle problématique de recherche qui s'oriente vers une étude des pratiques enseignantes.

Ce travail s'organise en suivant les principes de la recherche qualitative. Le recueil de données a été réalisé selon différentes modalités, mais toujours dans le respect de la complexité de la tâche des enseignants, et dans la double optique de ne pas les gêner dans leur travail ni occasionner de charge supplémentaire -(Bru, 2002). Les enseignantes qui ont bien voulu participer à cette étude sont volontaires, informées de son caractère exploratoire, dans une double dynamique déductive et inductive : les observations et données de terrain sont interrogées et passées au crible d'outils et de connaissances issues de la recherche théorique, permettant une élaboration progressive d'hypothèses validées ou non par leur expérience. C'est ainsi que nous partons de leurs pratiques et problématiques professionnelles, mais que celles-ci peuvent évoluer au fur et à mesure du déroulement de la recherche, et cette évolution aboutir à de nouvelles pistes de réflexion. La recherche entre ainsi dans le cadre défini par Dolbec et Clément (op. cit. p. 181) et revêt « ... la nature cyclique et tridimensionnelle (recherche, action et formation) de la recherche action qui s'apparente à un processus de résolution de problèmes."

3.1. Terrain et population cible

Suite à notre stage en classe relais, nous avons pu confirmer notre hypothèse concernant les risques accrus de décrochage des enfants atteints de TDA/H. Il s'agit maintenant d'étudier leur scolarité antérieure, en école primaire. Les trois classes ont été choisies en fonction de leur proximité et de la facilité que cela comportait pour se rencontrer, des relations privilégiées entretenues avec les enseignantes et de leur intérêt pour la problématique étudiée, mais aussi du niveau considéré, puisqu'il nous paraissait intéressant d'appréhender la gestion de la classe en maternelle, au cours élémentaire, et au cours moyen. Dans chaque classe était scolarisé au moins un enfant présumé hyperactif, hypothèse validée par le questionnaire de Conners renseigné par les enseignantes et par un bilan psychologique pour deux d'entre eux, ainsi que par l'observation du comportement de ces enfants en classe.

Le temps consacré à chaque classe a été variable, en fonction de la nature du travail réalisé avec chaque enseignante, de ses demandes et de ses disponibilités, ou de la vie de la classe (sorties scolaires par exemple). Les enseignantes ont participé volontiers, appréciant de pouvoir parler en confiance de leurs pratiques pédagogiques, sensibles à l'intérêt qui était accordé à celles-ci, ouvertes à l'échange et dans l'enthousiasme de pouvoir découvrir de nouveaux cadres d'analyse de leurs pratiques.

3.2. Mode de recueil et de traitement des données

L'entretien avec les enseignants a été le mode privilégié adopté pour recueillir les données. Ces entretiens ont eu lieu dans leurs classes, sur un mode non directif, privilégiant le plaisir de l'échange et orienté sur leurs préoccupations spontanées. Les thèmes abordés ont été précisés et répertoriés par la suite, en utilisant les notes consignées au fur et à mesure dans un journal de bord.

Un questionnaire concernant les pratiques de chaque enseignant en lien avec l'autodétermination (Massy et al, annexe 11), réalisé en 2014 par notre groupe de travail dans le cadre de l'UE 9, a été proposé. Ce questionnaire est composé de questions fermées, dont les réponses sont consignées sur une échelle de Likert (jamais, parfois, souvent, toujours). Les questions concernent les quatre composantes de l'autodétermination : l'autonomie (7 questions), l'autorégulation (10 questions), l'autoréalisation (5 questions), et la responsabilisation (14 questions). L'annexe 12 détaille davantage les informations recueillies par chaque question. Les réponses à ces questionnaires ont été analysées en elles-mêmes, compte tenu des informations recueillies sur les pratiques de chaque enseignante. Elles ont aussi été interprétées en référence aux résultats obtenus dans le cadre de l'UE9 (passation auprès de huit enseignants d'école élémentaire ayant donné lieu à une analyse approfondie). Les différences entre chaque enseignante ont également pu donner quelques informations supplémentaires à l'occasion de l'analyse des résultats.

Des enregistrements vidéo ont été réalisés dans chaque classe, au début du travail, afin de faciliter l'observation des pratiques enseignantes et des attitudes des élèves et de déterminer les critères pertinents. Ces enregistrements se sont révélés difficiles à mettre en oeuvre. La nécessité de ne pas déranger, notamment, en privilégiant une installation rapide et discrète et en évitant tout déplacement dans la classe, a pu occasionner des déconvenues (appareils mal mis en route, problèmes de cadrage...). Le projet initial avait l'ambition d'enregistrer l'enseignante et tous les élèves. Il s'est révélé irréalisable compte tenu des difficultés techniques. Finalement, nous avons privilégié un enregistrement de l'enseignante et d'un groupe d'élève, choisi selon la qualité de l'enregistrement réalisé. Si le comportement des enfants hyperactifs ciblés a été observé dans tous les cas, dans un des enregistrements, malencontreusement, l'enfant ne figure pas dans le groupe filmé.

Pour les trois classes, nous avons fait le choix d'enregistrer des séances de travail en groupe classe, donc des séquences d'enseignement magistrales, de façon à avoir des situations d'observation homogènes, et à cadrer notre champ d'étude de façon réaliste.

Les enregistrements ont été soumis à l'autorisation des parents. Un engagement a été pris auprès des parents et des enseignantes de ne pas les diffuser.

L'élaboration de la grille d'analyse a été progressive, mettant peu à peu en évidence la richesse des informations recueillies. Pour chaque type d'activité observée (lecture d'album, étude de son, lecture collective, comptines et jeux de doigts, etc.), l'observation portait sur le comportement de l'enseignante, et le comportement des élèves. Deux critères principaux ont été définis : V (pour manifestation verbale), et M (manifestation motrice). Le signe plus ou moins a été affecté : + = manifestations dans le cadre de l'activité proposée. - = manifestations hors du cadre, paroles ou mouvements gênants, bruyants, etc. de la part des élèves comme de celle de l'enseignante (en général manifestations pour maintenir l'ordre ou reprendre un élève, dérangement tel que téléphone ou autre). Les interactions ont été particulièrement étudiées, entre l'enseignant et le groupe, l'enseignant et un élève en particulier. Les critères Coll. pour collectif lorsque l'enseignant s'adresse au groupe, et Indiv., pour individuel lorsqu'il s'adresse à un élève, ont été différenciés. Par ailleurs, il nous a paru important de repérer les interventions de l'enseignant qui donnaient la parole et interpellaient les enfants. Le signe choisi a été le signe >. C'est ainsi que le signe V+> veut dire que l'enseignante pose une question, au groupe classe si le signe est dans la ligne « Maître Coll.», à un élève en particulier si le signe est dans la ligne « Maître Indiv.».

Chacune des trois vidéos a été analysée par tranches de 30 secondes sur une période de 20 minutes. Le démarrage a été fixé à peu près au début de l'activité pour chacune d'elle.

Chaque classe comportait au moins un enfant hyperactif, dont les situations ont été approfondies. Deux des enfants ont bénéficié d'un bilan dans le cadre de mon activité de psychologue scolaire, pour l'un deux ans auparavant, et pour l'autre en cours d'année. Un bilan cognitif, comprenant trois à quatre séances individuelles avec les enfants, et un entretien avec les parents, a permis de mieux cerner les points forts et les points faibles des élèves, et d'avoir un aperçu de la problématique psychologique de ces enfants. Pour le troisième, arrivé l'année précédente dans l'école, aucun bilan n'a été réalisé. Il ne semble pas que cet enfant ait bénéficié d'un suivi par les membres du RASED dans son école antérieure, mais il a été présenté dès l'inscription par ses parents comme un enfant agité demandant beaucoup d'attention de la part de ses enseignants, ce qui a été confirmé par la suite. Le questionnaire de Conners pour les enseignants évoqué plus haut (cf. annexe 4) a été renseigné par leurs maîtresses pour chacun des enfants.

Nous présenterons dans un premier temps la situation de départ, puis le journal de bord du travail mené avec chaque enseignante (augmenté de schémas réalisés avant, pendant, ou après les entretiens), ainsi que les conclusions provisoires du travail.

Dans un second temps, les informations recueillies lors des différentes étapes de l'action seront indexées pour déterminer les thèmes récurrents. Celles en lien avec les objectifs de la recherche et les questions qui y sont afférentes seront conservées, puis organisées afin de dégager une vue d'ensemble des phénomènes observés, et de proposer un modèle général relatif à l'attention de tous les élèves, la scolarisation des élèves hyperactifs, ses conséquences sur la gestion de classe, et les stratégies éducatives les plus à même de faciliter l'apprentissage de ces élèves tout en maintenant un climat de classe favorable pour tous.

Troisième partie : Recueil des données

1. Classe n° 1 : Petite Section de Maternelle (enseignante : R.)

1.1. Situation de départ

L'enseignante est en demande de conseils et d'aide afin d'améliorer le fonctionnement de la classe. Ses élèves sont peu nombreux, majoritairement des garçons (16, 6 filles et 10 garçons), mais ils sont très agités. L'un d'entre eux, I., ne « tient pas en place ». Elle se sent démunie, d'autant plus que le maître G, enseignant rééducateur, qui pouvait prendre en charge cet élève, est absent pour l'année. L'enseignante est également directrice de l'école. Elle est donc remplacée une journée par semaine. L'enseignante remplaçante trouve également que ce groupe classe, malgré sa taille réduite, est très difficile à canaliser.

Le travail proposé est clairement indiqué comme un travail de recherche sur la gestion de classe, l'attention et la motivation des élèves. Mener une réflexion sur sa pratique de classe intéresse l'enseignante qui accepte volontiers de participer. Avec cette collègue comme avec les deux autres, la relation établie est une relation de confiance. Nous nous côtoyons depuis plusieurs années, au gré des interventions dues à ma fonction de psychologue scolaire sur le secteur.

Par ailleurs, l'enseignante formule une demande d'intervention concernant l'enfant qui pose les problèmes de comportement les plus importants.

1.2. Fonctionnement de la classe

La problématique de la maîtresse concerne le moyen de gérer ce groupe difficile, notamment l'accueil du matin.

Le déroulement de la journée commence par l'accueil et une activité de regroupement. Viennent ensuite les ateliers, puis la récréation. La deuxième partie de la matinée est consacrée à une activité collective (motricité deux fois par semaine notamment). L'après-midi, les élèves font la sieste, puis se retrouvent pour un petit moment collectif avant la fin des cours. Ils retrouvent ensuite leur famille (15 h 45) ou font des activités péri-éducatives jusqu'à 16 h 45. La plupart des enfants assistent aux activités péri-éducatives, et certains vont ensuite à la garderie. Un jour par semaine, l'enseignante est remplacée par une collègue du même âge environ (une trentaine d'années), ayant une très bonne expérience des élèves de maternelle, et beaucoup de savoir-faire.

Le travail des enfants est évalué, comme fréquemment en maternelle, par des visages de bonhomme (souriant, neutre, ou contrarié).

Avant la fin de l'année (durant le mois de mai environ), l'enseignante réalise une évaluation globale des acquis (une dizaine de petits exercices reprenant les différentes notions étudiées : reconnaissance du prénom, reconnaissance globale des lettres mettant en jeu des compétences de découpage-collage, graphisme, connaissance des couleurs, des formes de base, numération jusqu'à 3, connaissance des parties du corps, dessin du bonhomme, écriture du prénom, repérage et reconstitution de mots globaux...). Cette évaluation est remise aux parents sous forme de petits livrets, assortie d'un commentaire de l'enseignante.

1.3. L'enseignante

R. est âgée d'une trentaine d'année. Elle est mère de famille de deux enfants très jeunes, dont une petite fille à la santé fragile. Elle est directrice de l'école, tâche dans laquelle elle est investie et montre des compétences relationnelles et organisationnelles appréciées. Elle est d'un bon contact, d'humeur égale, fait preuve de souplesse et de compréhension face aux aléas rencontrés. Elle a une volonté affirmée de bien faire et que ses élèves soient épanouis dans sa classe. Il lui arrive de se fâcher et de ressentir de l'énervement face à certains, ce qu'elle redoute et parvient difficilement à concevoir. Elle sollicite dans ces cas là l'aide du RASED, et notamment du rééducateur, ce qui lui apporte stabilité et réconfort. Cette année est particulièrement difficile, du fait de son groupe classe compliqué. Elle ne parvient pas à gérer le comportement de I. petit garçon qui « ne tient pas en place » et entraîne les autres élèves dans son énervement, son agitation, et ses difficultés de contrôle qui font modèle de désobéissance.

1.4. Le questionnaire concernant l'autodétermination (cf. annexe 11)

La moyenne à l'autodétermination est de 1,815 (cf. annexe 13). Ce résultat, comparé aux scores obtenus lors du travail de groupe validant l'UE9 (Massy et al., op.cit.) est plus élevé qu'attendu, compte tenu de l'âge des élèves. Nous n'avons pas de comparaison du fait de notre manque de référence en maternelle, mais nos résultats avaient mis en évidence un score d'autodétermination proportionnel à l'âge des enfants. On voit donc que la prise en compte de l'autodétermination des élèves est importante dans la gestion de cette classe.

Le score en autonomie est de 1,14, un peu élevé puisque correspondant au score de la classe de CP de notre échantillon. Les élèves exercent des choix dans leurs activités (place, méthodes de travail, type d'activité, travail personnel).

Le score d'autoréalisation (1,40) correspond à ceux obtenus au CP et CE : les élèves ont l'occasion de travailler avec les autres, d'échanger et de confronter leur savoir-faire, de se positionner par rapport aux autres et par rapport à eux-mêmes.

Le score d'autorégulation est de 2,5. C'est un score élevé : les enfants sont associés à l'évaluation de leur travail. Des contrats et objectifs individualisés leur sont proposés régulièrement.

Le score de responsabilisation est 2,22. C'est également un score élevé puisqu'il correspond à celui des classes de CE de notre échantillonnage : les élèves participent à l'élaboration des règles de vie, à l'organisation des récréations, ils ont des responsabilités au sein de la classe, des conseils d'élèves sont régulièrement organisés, et ils participent aux décisions concernant la vie de la classe. Leur avis est fréquemment sollicité et leurs efforts sont valorisés régulièrement. Les relations avec les parents, les instances municipales et hiérarchiques sont limitées mais collaboratives.

En résumé, les résultats montrent une place laissée à l''autodétermination des élèves élevée. Compte tenu de l'absence de points de comparaison en maternelle, il est difficile de situer les réponses à ce questionnaire. Nos résultats en élémentaire ayant montré une prise en compte de l'autodétermination proportionnelle à l'âge des enfants, on peut se demander si ces résultats ne sont pas un peu élevés compte tenu du jeune âge des élèves.

1.5. L'enregistrement vidéo d'une séquence de travail

Il a lieu au tout début de notre collaboration, a fait l'objet d'une première analyse rapidement, puis d'une seconde après les analyses des enregistrements des deux autres classes, pour homogénéiser les critères d'observations.

La séquence est un travail de lecture d'album, accompagné d'explications. Les élèves ont déjà entendu l'histoire une fois. Cet album est adapté au niveau de la classe, l'histoire est plaisante et met en jeu les couleurs : Pop, le dinosaure, prend la couleur de l'aliment qu'il a mangé. A la fin de l'histoire, il est multicolore. L'objectif de l'enseignante est de vérifier que l'histoire a bien été comprise, et que les élèves mémorisent les noms des couleurs, et, éventuellement, certains éléments de son déroulement. Afin de matérialiser celui-ci, elle a réalisé des figurines, représentant le dinosaure de différentes couleurs, et les aliments. Le tout est placé dans la « boîte à trésors ». Elle montre un aliment, et demande aux enfants de quelle couleur va devenir le dinosaure. L'enfant qui a trouvé la bonne couleur vient piocher le dinosaure correspondant. La séquence est codée et les résultats consignés dans le tableau en annexe 14.

La séquence est une activité de lecture, devant le groupe classe entier, ainsi que nous l'avions souhaité. L'activité (cf. annexe 17) génère beaucoup de V+ de la part de l'enseignante : 19 (la maîtresse lit, ou explique). Elle pose 23 questions relatives à l'activité au groupe classe (23 V+ >Coll.) En tout, elle a 42 interventions verbales qui s'adressent au groupe, éventuellement accompagnées de gestes (montre les images, ou donne une figurine). Dans le cadre de l'activité, elle s'adresse 19 fois à un élève en particulier, dont 14 fois pour lui poser une question, et 5 fois pour lui donner une information. Le nombre de gestes positifs, individuels et collectifs est de 69. Le nombre de gestes négatifs (R. se lève fréquemment pour asseoir les élèves [M-], elle leur dit « chut ! » collectivement, ou leur demande de se calmer individuellement [V-]), est de 38. Le rapport positif/négatif est de 1,82.

Du côté des élèves, on note une moyenne de 1.7 mouvements en lien avec l'activité, et de 1,4 interventions verbales positives, donc une somme de 3,1 de gestes positifs. Il y a en moyenne 11 gestes négatifs par enfant, essentiellement moteurs (V- : 1,6, M- : 9,4). Le rapport positif/négatif est très inférieur à 1 (0,28). Notons un moment où les gestes négatifs disparaissent : l'enseignante propose à certains enfants de piocher des personnages en papier dans une boîte. Il y a donc du suspens sur deux registres : le choix de l'élève, et ce qui va sortir de la boîte. On peut en conclure que l'attention des enfants est captée lorsque l'activité génère de la surprise.

I., notre enfant hyperactif (en haut du tableau), obtient le plus grand nombre de gestes, ce qui confirme le diagnostic et le dispositif d'observation. Notons que beaucoup de ces gestes restent positifs (9), ce qui correspond au plus grand nombre de manifestations positives de la classe. Le rapport positif/négatif est de 0,43, ce qui est plus élevé que le rapport moyen des élèves. Le nombre de gestes négatifs (21 dont 17 M-) est cependant important. La maîtresse précise que l'enfant a été plutôt attentif durant cet enregistrement, par rapport à son comportement habituel.

1.6. I., l'enfant hyperactif

I. est signalé par R. car il présente des difficultés de comportement importantes. La famille est suivie par une éducatrice de l'Aide Sociale à l'Enfance depuis plusieurs années. I. a deux frère et soeur plus âgés, dont l'un est suivi par le SESSAD (Service d'Education Spéciale et de Soins à Domicile) de l'ITEP (Institut Thérapeutique, Educatif et Pédagogique) du département pour des troubles du comportement, et l'autre est scolarisée en SEGPA (Section d'Enseignement Général Professionnel Adapté) tous deux sont bien connus des membres du RASED.

Le bilan cognitif est réalisé. Le petit garçon investit bien les activités proposées, mais, certaines séances, son comportement est très instable (notamment, joue avec le matériel, déplace le mobilier de mon bureau...) et il faut se fâcher pour qu'il arrête, ce qu'il fait. Les résultats du bilan témoignent de fragilités, notamment en maîtrise de la langue orale. I. présente un retard de dix mois environ en compréhension, ce qui est important pour un enfant de cet âge (pas encore 4 ans au moment du bilan). A la maison, le comportement de l'enfant n'est pas aussi difficile qu'en classe, aux dires de sa mère et de l'éducatrice. Notons que des perturbations familiales importantes sont survenues récemment (séparation des parents, éloignement du père, reprise d'une activité professionnelle par la mère), et que, notamment, le petit garçon va à la garderie tôt le matin et est récupéré après la garderie du soir.

Un bilan orthophonique a été demandé afin de confirmer les difficultés langagières, et d'envisager une prise en charge.

Le questionnaire de Conners proposé à l'enseignante témoigne de l'agitation importante de l'enfant en classe : agité, fait des bruits incongrus, fait le malin, crises de colère, perturbateur, bagarreur, impulsif, demande une attention excessive et immédiate, et s'énerve lorsqu'il faut faire un effort au degré maximal (énormément). R. coche beaucoup pour : sensible à la critique, distrait, humeur changeante, mal accepté par le groupe, difficultés à terminer ce qui est commencé, immature, peu coopérant, et difficultés d'apprentissage. Compte tenu de ces différents éléments, l'échelle d'hyperactivité est significative.

1.7. Journal de bord (augmenté)

· Séance n ° 1 (17/10/2014)

Une première séance d'observation d'une vingtaine de minutes durant le moment de regroupement collectif du matin, puis un échange sur les difficultés d'écoute des élèves et leur agitation, a permis d'isoler un premier objet de réflexion : la mise en route de la journée de travail, notamment le rituel de présentation de la journée (date et emploi du temps), et le rituel d'appel (à l'aide de cartes sur lesquelles figurent les photos des élèves).

Cette séance a permis de constater que les élèves (en demi-groupe, garçons ou filles, le 2ème demi-groupe passant aux toilettes), devant donner collectivement le nom de l'étiquette photo choisie par l'enseignante, criaient tous ensemble le prénom de l'enfant concerné et la couleur du panneau (correspondant à la couleur de leur groupe de travail) sur lequel l'étiquette devait être placée, ce qui générait beaucoup de bruit. Engagés dans une tâche collective sans rôle individuel, ils n'étaient pas responsabilisés dans la tâche confiée. La notion d'interdépendance positive, présentée par Céline Darnon durant l'UE 8, de nature à élaborer des tâches collectives qui suscitent l'engagement de chaque élève, est transmise à l'enseignante (figure 5).

Figure 5: Outil n°1 : l'apprentissage coopératif (d'après Johnson & Johnson, 2009).

La présentation de la notion d'autodétermination et ses quatre composantes : autonomie, autoréalisation, responsabilisation, autorégulation (figure 6, schéma en langage facile à lire réalisé lors de l'UE9), donnent quelques pistes à l'enseignante pour faire évoluer les activités demandées.

Figure 6: Outil n°2 : l'autodétermination (d'après Deci & Ryan, Vallerand, Wehmeyer, Wolfensberger op.cit.)

La réflexion s'engage ensuite sur les activités que les enfants peuvent gérer seuls au sein de la classe. Les coins-jeux, et les colliers (système assez fréquent de régulation de la fréquentation des coins-jeux dans les écoles maternelles : un nombre limité (4 ou 5 en général) de colliers particuliers à chaque coin est accroché à l'entrée de chaque coin-jeux. Les élèves doivent avoir le collier qui convient pour profiter du coin-jeu. Lorsqu'ils changent d'activité, ils remettent le collier à sa place, ou le donnent à un camarade qui souhaite à son tour faire cette activité. R. appliquait ce système dans sa classe jusqu'à présent, mais il ne fonctionne pas cette année : les élèves ne font pas cas des colliers, et entrent et sortent librement (et fréquemment, étant donné que la plupart d'entre eux ne parvient pas à se fixer sur une activité). Encouragée par le support théorique de l'autodétermination, l'enseignante exprime, durant l'entretien, l'intention de revenir sur son organisation habituelle en vérifiant les colliers (état et nombre), et en renforçant la surveillance concernant leur utilisation. Les élèves qui n'ont pas de collier devront, momentanément, renoncer à l'activité correspondante.

Elle va, par ailleurs, revoir les activités proposées dans ces coins, faire l'inventaire du matériel (puzzles par exemple), compléter les éléments manquants (coins dînette, coins jeux de construction), enrichir les jeux proposés, et organiser des rotations.

Il est prévu une première séance d'observation (avec enregistrement vidéo) la semaine suivante, lors du rituel d'accueil suivi d'une séance de travail collective.

· Séance n° 2 (7/11/2014)

Cette séance est composée de l'observation du rituel d'accueil et de l'enregistrement vidéo de l'activité de lecture d'album, puis d'un entretien durant la pause déjeuner. L'enseignante a remanié son rituel d'accueil, notamment l'appel, en confiant davantage de tâches individuelles aux élèves (choix de la carte et lecture du prénom). Ils investissent plutôt bien la tâche. On note cependant de nombreux déplacements : ils se lèvent, changent de place. Durant l'activité de lecture, ils parlent très souvent tous ensemble, et font donc beaucoup de bruit. Par ailleurs, une fillette pleure encore, ce qu'elle fait souvent, notamment lorsque les élèves font du bruit ou s'agitent (on est au mois de novembre, mais cette enfant, pour de multiples raisons dont certaines extérieures à l'école, présente encore des difficultés d'adaptation).

L'entretien suivant l'enregistrement de la séquence a porté sur les moyens de réduire l'agitation des élèves, et notamment le fait qu'ils ne parviennent pas à garder la même place. R. est très fatiguée à l'issue de cet enchaînement de deux activités. Elle reconnaît que, en l'absence de l'enregistrement, elle aurait arrêté le travail en cours, ce qu'elle n'a pas osé faire en ma présence. Nous constatons les capacités d'attention très limitées de ces enfants, concluant que des activités plus courtes, mais en exigeant qu'ils restent à la même place, afin de prendre des habitudes de travail durables, sont préférables. Si l'on analyse cette situation selon les lois du behaviorisme, on peut même considérer que continuer l'activité dans un tel contexte est contre-productif, les élèves associant le lieu du regroupement avec des habitudes de changement de place soulageant leur besoin moteur, et obtenant même un contact physique gratifiant avec leur enseignante.

Figure 7: Outil n°3 : schéma réalisé à la suite de l'entretien

Le besoin de mouvement des enfants apparaît nettement. Ce besoin entre manifestement en conflit avec le projet de l'enseignante. La nécessité de « négocier » entre les besoins des élèves et les objectifs de R. amène à schématiser l'élaboration du projet de la classe selon la figure 7, présentée ultérieurement à l'enseignante. En tant qu'observatrice, je ne suis bien sûr pas intervenue. Le rôle de l'Agent Territorial Spécialisé des Ecoles Maternelles est évoqué : l'ATSEM de la classe vient d'arriver dans la fonction, mais elle a déjà acquis ces petits gestes professionnels discrets mais facilitateurs (présente physique à côté de l'enfant) qui aident à recentrer le perturbateur vers l'activité.

L'entretien porte ensuite sur ce que R. appelle la « méchanceté gratuite » de certains élèves qui tapent leurs camarades sans raison apparente, ce qu'elle a du mal à comprendre et à accepter. L'échange porte alors sur les règles de vie. L'enseignante a déjà abordé les règles de conduite les plus élémentaires (figure 8) : Je ne mords pas, je ne tape pas mes camarades, et je ne leur donne pas de coups de pied.

Figure 8: Affichage des règles de vie dans la classe

La nécessité d'éduquer les enfants à gérer leurs émotions, et à entrer en contact avec les autres, apparaît nettement. Le livre « 50 activités pour apprendre à vivre ensemble », de Sylvia Dorance (2007), accessible dans les mallettes regroupant des outils sur le bien vivre ensemble mises à disposition des enseignants du secteur du RASED (cf. le blog mieuxvivrealecole.blog.free.fr), est conseillé et prêté à l'enseignante. Par la suite, elle s'emploiera avec bénéfice, en exploitant des livres empruntés à la médiathèque, à travailler sur le thème des conflits, que les élèves investiront avec intérêt.

· Séances n° 3 (14/11/2014)

Cette séance comprend une observation en classe portant sur le rituel d'accueil, puis un entretien durant la pause déjeuner, qui prolonge les points abordés, et reprend les difficultés rencontrées par l'enseignante durant la semaine.

La maîtresse a complètement remanié le rituel de l'appel : les tâches sont réalisées individuellement (l'élève pioche une carte-photo, dit le prénom de l'élève, la couleur de son groupe, et indique à l'enseignante où placer la carte). L'enfant est responsabilisé du fait de la tâche qui lui est personnellement confiée. Il peut demander l'aide d'un camarade qu'il choisit lui-même en cas de difficulté. En procédant de façon individuelle, R. vérifie les connaissances des prénoms de chacun de ses élèves. L'opportunité d'un tableau, à l'attention de la maîtresse mais aussi des élèves afin qu'ils visualisent leurs connaissances, est évoquée lors de l'entretien.

L'enseignante a attribué une place fixe à chaque élève lors des moments de regroupement : chaque banc a plusieurs étiquettes avec le prénom des enfants concernés. Ce dispositif a plu aux jeunes élèves lorsqu'ils l'ont découvert. Le nombre de déplacements des enfants s'en est trouvé réduit de façon notable.

La date, auparavant indiquée par une pince que R. déplace sur le wagon représentant le jour de la semaine (symbolisée par une locomotive tirant 7 wagons portant le nom des jours), est à présent déplacée par l'élève de service désigné au préalable par l'enseignante selon une liste affichée, dans l'ordre de l'alphabet. Les élèves peuvent donc prévoir quand ils seront de service, et anticiper. L'élève de service peut indiquer à ses camarades en se référant à la frise de l'emploi du temps, le déroulement de la journée. A cet instant, les réactions des enfants à l'égard des différentes activités de la journée peuvent comporter des informations intéressantes pour établir le projet de classe (Figure 7).

On constate donc que les principes de l'autodétermination, présentés brièvement à l'aide du schéma en langage facile à lire, aboutit très rapidement à une modification des tâches proposées aux élèves, le plus fréquemment dans le sens d'une délégation individuelle. Plus actifs, incités à faire des choix, le repérage de leurs connaissances est ainsi rendu possible, ce qui permet de mettre en place une autorégulation de leurs apprentissages. Par ailleurs, l'idée d'une élaboration du projet de classe en introduisant une zone de négociation, aboutit à modifier l'attitude de l'enseignante, en l'incitant à prêter attention à tous les indices relatifs aux besoins, envies, et intérêts de ses élèves, visant à développer leur motivation intrinsèque. Les principes théoriques de cette approche (continuum de l'autodétermination abordé lors de l'UE 8, outil n°4) sont présentés à l'enseignante lors de cet échange.

Figure 9: Outil n°4 : les degrés de la motivation (d'après Deci & Ryan, op.cit.).

· Séance n° 4 (21/11/2014)

Cette séance est constituée d'un entretien avec l'enseignante. La semaine a été éprouvante car les élèves sont toujours très agités, et l'enseignante craint de ne pouvoir, à certains moments, contrôler son énervement. Les pièges de l'effet « miroir » (Figure 10) sont alors présentés, pour illustrer ce qu'elle ressent et mettre en évidence l'escalade émotionnelle qui en découle.

Figure 10: Outil n°5 : l'effet miroir (d'après Servan-Schreiber, 2003, citant Gottman).

Le « message en je », base de la communication humaniste, est également abordé afin d'aider au dévoilement de soi, établir une communication authentique avec les élèves, et leur donner l'information nécessaire concernant les conséquences émotionnelles que leur comportement provoque chez l'enseignante, en évitant, cependant, de les culpabiliser.

Figure 11: Outil n°6 : Le message en Je (d'après d'Ansembourg, 2000).

L'enseignante aborde ensuite un problème récurrent : certains élèves mettent beaucoup de temps pour aller en récréation, ce qui mobilise longuement les adultes. Les lois du renforcement, susceptibles d'expliquer pourquoi un enfant adopte un comportement et de donner des pistes pour l'aider à abandonner ce comportement indésirable, sont alors présentées à l'enseignante (Figure 11). Une réflexion est ensuite engagée sur les modifications à apporter dans l'environnement pour inciter les élèves à sortir plus rapidement. Les élèves qui « traînent » pour s'habiller bénéficient de l'aide de l'ATSEM et de l'enseignante, ce qui peut renforcer leur comportement. Il est donc décidé qu'aucune aide ne serait apportée à l'habillage des élèves durant les dix minutes suivant la sortie des premiers enfants, espérant que ces dix minutes d'attente sans aide et sans attention particulière des adultes, finirait par dissuader les retardataires. L'enseignante est prévenue qu'un « effet rebond » pourrait être observé les premiers temps, jusqu'à ce que les enfants aient assimilé le fonctionnement instauré.

L'entretien porte ensuite sur la façon de motiver les élèves à adopter un comportement « pro-social ». L'idée de fabriquer une « fleur du comportement » composée de pinces à linge, où chaque enfant est représenté par un pétale (sur lequel sa photo est collée), et où l'objectif de la classe serait que tous les pétales soient réunis sur cette fleur chaque soir, est envisagée. La tâche, collective, prendrait en compte les principes de l'interdépendance positive : un objectif commun, avec une responsabilité particulière confiée à chaque enfant : adopter un comportement qui correspond aux règles de vie de la classe. Cette activité serait l'occasion de revenir sur le déroulement de la journée en mettant l'accent sur les comportements positifs plutôt que les comportements négatifs.

Figure 12: Outil n°7 : Inciter l'autre à changer son comportement (d'après Georges, 2000).

· Séance n° 5 (28/11/2014)

L'enseignante apparaît fatiguée, très contrariée par les difficultés occasionnées par le comportement de I., qui ne s'améliore pas, bien au contraire. Une autre élève adopte des comportements qui gênent le fonctionnement de la classe, en « miroir » par rapport à I., ce qui démultiplie les difficultés. Elle réitère sa demande de bilan psychologique afin de mieux comprendre ce qui gêne I., au-delà des perturbations familiales importantes qu'elle constate régulièrement.

L'entretien porte sur les modalités de gestion du comportement de l'enfant afin qu'il dérange le moins possible le fonctionnement de la classe. Les lois de renforcement impliquent que c'est en limitant les conséquences de son comportement qu'il sera incité à le modifier. Il est donc décidé que, tant que le dérangement reste minime, l'enseignante n'y accorde pas d'attention. En cas de comportement trop gênant, et après avertissement, l'idée du « time out », où l'enfant serait écarté sur une chaise au fond de la classe quelques minutes, en lui accordant le minimum d'attention, est évoquée.

Parallèlement, les comportements adaptés sont à souligner. L'idée de la fleur du comportement est encore évoquée. Un livret de réussite (cf. l'exemple, avec des cartes, proposé sur le site charivari.ektablog.com, figure 13) pourrait être mis en place, assurant la liaison avec les parents, et permettant aux enfants de visualiser leur parcours. Les objectifs en termes de comportement, mais également en termes d'acquisitions scolaires, seraient explicités. L'attention des élèves serait mobilisée davantage sur les apprentissages, et moins sur les aspects comportementaux.

Figure 13: Outil n°8 : Devenir élève (Guichard & Koch, 2015)

Les travaux d'Hélène Lubienska (op.cit.) sur l'entraînement à l'attention et le contrôle moteur dans le cadre de la pédagogie Montessori sont présentés à l'enseignante (figure 14).

Figure 14: Outil n°9 : la pédagogie Montessori (d'après Lubienska de Lenval, op.cit.).

Ces travaux orientent sur l'association du mouvement, du chant, et des paroles, pour créer un espace collectif que les enfants partagent. Nous appelons cet espace le « fil du collectif ». Le besoin de bouger, comme besoin essentiel de ces enfants, est à nouveau abordé. L'intégration de ce besoin de bouger tout en les incitant à écouter et à regarder, à entendre et voir, et à tenir compte de ce que l'enseignante, et les pairs, font, est un vecteur qui peut être très porteur avec de tels enfants. L'insistance de Maria Montessori pour que les enseignants donnent l'exemple en restant silencieux en classe est évoquée, même si cette enseignante parle de façon mesurée, et crie peu.

Le rythme des activités est également abordé. Les enfants qui ont des problèmes d'attention ayant du mal à attendre, il apparaît important que l'enchaînement des activités proposées soit rapide. Or, l'enseignante, également directrice, est souvent dérangée, ce qui occasionne des retards. Par ailleurs, les enfants sont fréquemment amenés à s'habiller, se déshabiller, à se chausser, se déchausser. Ces activités peu attrayantes et répétitives sont souvent mal vécues par les enfants peu attentifs, et peuvent être l'occasion de comportements asociaux (coups de pied, bousculades). Assorties de pauses souvent longues le temps que tous les élèves soient prêts, elles sont susceptibles d'alourdir l'emploi du temps et peuvent, si l'on n'y prend garde, réduire l'intérêt des enfants pour l'école et dégrader le climat scolaire.

· Séance n° 6 (12/12/2014)

L'entretien porte sur les différents moyens pour l'enseignante d'expliciter les objectifs d'apprentissage des élèves, et de les représenter, à l'attention des élèves et de leurs parents.

L'enseignante organise, bien sûr, des réunions de rentrée avec les parents, et elle utilise un livret de compétences, mais ce livret n'est pas transmis aux parents en début d'année, et n'est pas accessible aux élèves.

Une réflexion s'engage avec R. afin d'imaginer différents moyens pour les enfants de visualiser leurs objectifs d'apprentissage, ainsi que leurs progrès, et les modalités de transmission de ces informations aux parents (cahier de réussites...). L'idée de visualiser l'acquisition de ces compétences pour chaque élève est évoquée. Plusieurs systèmes sont imaginées (médailles, puzzles, dessins à compléter...). Il apparaît important que les enfants aient une perception claire des objectifs atteints ou non, afin de favoriser les quatre composantes de l'autodétermination.

Suivant le principe de l'autodétermination, l'enseignante a fourni à chaque élève un petit cahier de dessin (confectionné artisanalement). Lorsqu'il a fini ses activités, l'élève peut prendre ce petit cahier et réaliser un dessin libre, puis il le range à sa place. A la fin de chaque période, il apporte son cahier à ses parents pour montrer ses réalisations. Cette idée, transmise par une collègue de PS dans une autre école, lui a paru simple à appliquer et a reçu un accueil favorable de la part des élèves.

· Séance n° 7 (10/01/2015)

R. apparaît sereine. Elle a renoué avec le plaisir d'enseigner, qu'elle n'avait pas éprouvé depuis le début de l'année scolaire. Elle a pu constater les progrès réalisés par ses élèves et passer quelques journées satisfaisantes qui l'ont rassérénée. I. a été absent, malade : « Quand il n'est pas là, ça change tout ». Elle continue à construire « le fil du collectif » en prenant en compte le besoin de mouvement des élèves, en proposant des jeux de doigts et en utilisant les séances de motricité pour associer langage, musique, et mouvement. Par ailleurs, elle valorise les temps d'attente où les élèves sont regroupés sur un banc pour répéter des comptines, ce qui permet de maintenir leur attention.

L'utilité de la fleur du comportement lui apparaît moins évidente dans un tel contexte, le comportement des élèves se normalisant.

· Séance n° 8 (16/01/2015)

L'enseignante a continué à faire porter ses efforts sur le « fil du collectif », en multipliant les activités corporelles synchronisées, notamment durant les séances de motricité, ainsi que les jeux de doigts. Néanmoins, celui-ci reste encore trop fragile. Les écarts de comportement de I., revenu en classe, gênent pour le maintenir. L'entretien porte sur ce qui pourrait permettre d'aider l'enfant à mieux suivre le rythme des activités. La nécessité d'un bilan apparaît nettement et l'autorisation des parents va être sollicitée. L'enseignante est en demande de moyens supplémentaires pour aider I. Elle constate qu'il a besoin de davantage d'attention de sa part, pour l'aider à se concentrer, à mener une tâche à son terme. Elle va essayer de développer plus d'activités autonomes en s'appuyant sur les élèves les plus calmes, qui peuvent travailler de façon efficace avec peu d'accompagnement. De cette façon, elle pourra dégager du temps pour stimuler I., l'aider à entrer dans la tâche et à la mener à bien. La mise en place de cette adaptation ne pourra être possible qu'en approfondissant davantage encore les connaissances de chacun de ses élèves (points forts, points faibles, centres d'intérêt,...).

La possibilité de donner chaque soir un avis sur la façon dont s'est passée la journée aux parents de l'enfant (la mère en l'occurrence, puisqu'il s'agit d'une famille monoparentale) sous forme de code couleur (rouge, orange, vert) est évoquée, en demandant à la mère de féliciter et éventuellement récompenser l'enfant lorsqu'il rapporte une carte verte. L'enseignante émet des doutes sur l'efficacité d'un tel système. Elle ne veut pas stigmatiser le petit garçon par rapport à ses camarades. Par ailleurs, l'enfant est récupéré le soir par son frère collégien, et la mère qui rentre tard ne portera pas, lui semble-t-il en se basant sur sa connaissance du milieu familial, attention à la carte ramenée par son fils. Elle conclut en déplorant l'absence du rééducateur (maître G) qui, jusqu'à présent, prenait en charge ces élèves une fois par semaine, travaillant avec la famille, avec l'enfant et avec les enseignants, parvenant la plupart du temps à faire évoluer les situations, et, toujours, à améliorer le quotidien en offrant un espace différent à l'élève, ludique, attentif et sécurisant.

Le 19 janvier, une entrevue avec l'enseignante remplaçante confirme les difficultés de gestion de ce groupe classe : « A des moments, on se sent dépassés, un qui se met à crier, tout part en vrac. La majorité des enfants de ce groupe n'a pas assimilé les règles de fonctionnement, ils peuvent monter sur les tables et les autres rigoler en les voyant faire... ». C'est donc le fonctionnement collectif de la classe qui interpelle cette enseignante à ce moment précis, indépendamment des difficultés d'élèves particuliers.

· Séance n° 9 (13/03/2015)

Dans l'affectation des places sur le banc, I. est positionné à côté de la maîtresse. Celle-ci note qu'il essaie de devenir « l'assistant de la maîtresse », moyennant quoi elle observe ses bonnes intentions, mais constate les difficultés générées auprès des autres élèves. I. est très réactif, il peut taper ses camarades. L'enseignante constate que « son comportement déteint sur les autres, deux garçons notamment». Les parents se plaignent car leurs enfants sont agressés. La maîtresse craint que la confiance entre les différents interlocuteurs et le climat général de l'école ne se dégradent.

De façon plus générale, l'enseignante essaie de se constituer des fiches personnelles, où elle note les centres d'intérêt, les réussites, les difficultés, et tout autre élément lui permettant d'avoir une meilleure connaissance de chaque élève.

Les principes théoriques des intelligences multiples (figure 15) lui sont alors présentés. L'enseignante constate que la plupart de ses activités correspondent à la diversité des intelligences des élèves. Elle apprécie l'explicitation des pratiques enseignantes en maternelle que permettent ces outils théoriques et mesure les opportunités qu'ils apportent pour mieux caractériser les points d'appui et centres d'intérêt de chaque élève. Elle souligne que le mouvement, si nécessaire aux hyperactifs, est intégré, par le biais de l'intelligence kinesthésique, dans ces principes. Elle déplore son peu d'intérêt spontané dans le domaine musical, qu'elle ressent comme une limite dans ses pratiques d'enseignement auprès d'élèves de Petite Section.

Figure 15: Outil n°10 : les intelligences multiples (d'après Gardner, 2008).

· Séance n° 10 (10/04/2015)

La classe a accueilli deux nouveaux élèves, arrivés en même temps bien que de familles différentes. Ces deux élèves motivés « donnent l'exemple » : leur présence a amélioré le comportement des autres élèves. Elle a peut être, également, créé un effet de nouveauté qui a pu éveiller leur intérêt. L'enseignante rappelle qu'elle a le sentiment de passer une année très difficile et de « mener un combat pratiquement tout le temps ». Pour l'instant, elle savoure ces quelques moments de répit. Elle se rend compte qu'elle a établi une alliance pédagogique positive avec une dizaine des élèves, dont les deux nouveaux venus, et en éprouve de la satisfaction. Le travail basé sur la lecture de livres concernant les conflits et la façon de les résoudre, sur le contrôle de leurs émotions, à partir de situations vraies « parlantes pour les enfants », continue sur le thème de la coopération. D'ores et déjà, les élèves ont développé un intérêt pour la lecture qui permet une réflexion sur les comportements pro-sociaux, des échanges intéressants, et des moments collectifs agréables.

L'enseignante a transmis aux parents un petit livret d'évaluation de chaque élève. Ce petit livret regroupe les différentes acquisitions des enfants. L'hypothèse que l'association des parents aux progrès des enfants, par l'intermédiaire de ce livret, puisse contribuer à l'amélioration (relative) du climat de la classe et de leur implication est évoquée.

I. est à présent plus calme. Le bilan psychologique est en cours et deux séances ont déjà eu lieu. L'enfant vient facilement et participe volontiers. Il est content de bénéficier de l'attention d'un adulte disponible. Il se montre très serviable, rangeant spontanément le matériel, ouvrant la porte et la refermant à bon escient, etc. Une dernière séance est prévue la semaine suivante. Néanmoins, même en situation duelle, cet enfant est très difficile à canaliser. Il peut refuser de faire certaines tâches, et se lasse très rapidement. Les difficultés de compréhension de la langue orale sont retransmises à l'enseignante, avec pour conseil d'utiliser des phrases courtes, des mots simples, de faciliter l'entrée dans la tâche par l'exemple, et d'utiliser des supports visuels en complément des explications orales. Le bilan orthophonique demandé est rapidement réalisé en raison de l'urgence. Une double prise en charge hebdomadaire est préconisée par l'orthophoniste. Les résultats au questionnaire de Conners orientent sur une hyperactivité associée. Des informations sur la nature du trouble sont diffusées auprès des enseignantes  (Laurent et al, op. cit.). Pour l'année prochaine, un dossier est constitué afin de solliciter auprès de la MDPH l'aide d'une AVS pour cet enfant.

· Séance d'observation (01/07/2015)

Une séance de bilan avait été projetée dès le départ, comme aboutissement du travail réalisé. Pour des raisons d'emploi du temps, elle a eu lieu la dernière semaine de classe. L'enseignante a accepté de maintenir cette séance d'observation, bien que des contraintes personnelles aient affecté sa disponibilité.

On observe que les enfants restent très « mobiles », notamment durant la phase de démarrage de l'activité (lecture d'album), où on les voit sauter des bancs, se lever, etc. R. commence, comme pour la première séance, par des jeux de doigt (imitation) qui aident les élèves à se concentrer et qu'ils exécutent avec plaisir. Durant la lecture, de nombreux enfants sont intéressés, et silencieux. Certains se lèvent encore, mais beaucoup moins : les élèves ont développé leur capacité d'écoute depuis le début de l'année. Après la lecture, des comptines et jeux chantés rencontrent l'adhésion et l'enthousiasme des enfants.

La circulation de la parole n'est pas encore mise en place : l'enseignante s'adresse peu aux élèves individuellement. Ils ont encore tendance à répondre tous ensemble, et à s'amuser du bruit que le groupe peut générer. Les règles de vie sont assimilées, mais le fonctionnement collectif et l'écoute des consignes de l'enseignante restent fragiles. Il reste beaucoup de travail à ce groupe pour avoir un comportement d'écoliers. La présence de I. a compliqué la tâche tout au long de l'année, mais d'autres enfants ont un comportement problématique, ce qui démultiplie la difficulté.

1.8. Bilan avec l'enseignante du travail réalisé

L'enseignante a apprécié de pouvoir échanger sur les difficultés rencontrées.

Les outils présentés l'ont intéressée. La méthode Montessori lui semble la plus propice à une amélioration de sa pratique de classe : elle a visité une école où cette pédagogie est mise en pratique et va, progressivement, construire le matériel (exercices manipulatoires, sensori-moteurs et logico-mathématiques, que les élèves réalisent selon leur choix, en autonomie et à leur rythme). Parallèlement, elle va multiplier les comptines et jeux chantés.

La théorie de l'autodétermination l'a peu aidée, mais l'interdépendance positive, avec l'idée d'une responsabilité individuelle dans les tâches demandées, un peu plus.

Le travail sur les règles de vie, la découverte des albums avec les enfants, les échanges et discussions avec eux, ont pu être gratifiants à certains moments (notamment lors des moments proches de leurs préoccupations, où ils se sentaient concernés).

Pour les enseignantes, cette année scolaire restera une année difficile, fatigante, et souvent démoralisante.

1.9. Conclusions

Le travail avec cette enseignante s'est déroulé sur une longue période, de nombreuses pistes ont été explorées. C'est un travail de tâtonnement et de prise d'indices, devant une situation préoccupante pour laquelle aucune solution déterminante n'a été apportée. Le besoin de mouvement apparaît un besoin fondamental pour les enfants de cet âge, et le travail réalisé, durant les années de maternelle, pour le canaliser, l'apprivoiser, est capital. C'est un objectif d'enseignement en lui-même pour ces élèves et les moyens d'y parvenir sont à explorer méthodiquement.

Les théories de la motivation présentées n'ont pas été concluantes. Rétrospectivement, et compte tenu des informations obtenues à l'issue du travail réalisé dans les deux autres classes, il apparaît que les pistes behavioristes auraient du être explorées davantage, afin de proposer des leviers supplémentaires à l'enseignante pour asseoir son autorité face à de très jeunes enfants. Au contraire, les lois de l'autodétermination et les principes motivationnels ont orienté sur trop de souplesse dans cette situation particulière. Un travail sur le rythme des activités, et notamment l'engagement attentionnel des enfants dans les tâches, la « mise en projet », aurait du être mené, basé sur le geste d'attention de La Garanderie (op.cit.). Malencontreusement, l'étude bibliographique n'étant pas terminée, ces concepts n'étaient pas encore en ma possession. De même, l'analyse de l'enregistrement vidéo n'a été finalisée qu'après la fin du travail mené dans les trois classes. Ses conclusions n'ont donc pas encore pu être utilisées.

Concernant l'hyperactivité, cette expérience montre combien la présence d'un enfant hyperactif dans une classe où se construit le contrôle moteur et attentionnel des élèves, est un contrexemple qui complique durablement le fonctionnement de la classe entière. La situation de cet enfant nécessite l'accompagnement d'une tierce personne (AVS), qui pourra s'occuper de lui tandis que l'enseignante maintient le « fil du collectif », quitte à ce que l'enfant soit momentanément décroché lorsqu'il ne peut plus suivre ce fil. Ce travail illustre aussi, en négatif, combien l'intervention d'un rééducateur peut être déterminante dans une telle situation : outre le travail avec l'enfant et la famille, ce professionnel qui intervient sur le temps scolaire auprès de l'enfant, envoie le message à celui-ci, et aux autres élèves, que son comportement n'est pas conforme à ce qui est attendu. Par ailleurs, le temps de « respiration » du reste du groupe classe lorsque l'enfant est pris en charge est essentiel car il est utilisé par l'enseignant pour retrouver (en PS : créer) un cadre scolaire fonctionnel. Le présent travail n'a pu, bien évidemment, se substituer à une prise en charge du rééducateur.

2. Classe n° 2 : Cours Moyen 1 (enseignante : N.)

2.1. Situation de départ

L'enseignante accepte avec enthousiasme de réaliser ce travail de « recherche sur la gestion de classe, l'attention et la motivation des élèves ». La réflexion l'intéresse, même si, ayant prévu de partir à la retraite à la fin de l'année, elle n'est pas particulièrement en quête de nouvelles façons de travailler.

Sa classe cette année est une classe difficile. Elle est composée de 28 élèves, dont une majorité de garçons (19). Un certain nombre d'enfants présentent des difficultés d'apprentissage (deux ou trois ne pourront pas suivre en 6ème, et il faudra probablement envisager une orientation SEGPA) ; beaucoup sont « immatures » (huit garçons sont cités). Ils pensent à jouer surtout, aux Legos, au foot... ». Pour beaucoup, on « laisse tomber les notions qui ne sont pas indispensables, on simplifie », mais « on va pas lâcher ». Peu d'enfants sont « bons élèves », ceux-là font « tourner leur petite hélice ». Un enfant est particulièrement compliqué à cadrer ; il s'agit de X., arrivé l'année précédente dans l'école. X. est un bon élève, un garçon brillant et intéressé par les apprentissages, mais cet enfant est « seul au monde, ya que moi qui existe, je fais ce que je veux quand je veux ». L'enseignante exprime avec ses mots le sentiment que ce garçon a du mal à se positionner dans le groupe classe, probablement dans son rapport à l'autre en général. Pour le contenir au sein de la classe, elle « l'ignore ». Cette attitude est la plus fonctionnelle qu'elle ait trouvée.

N, l'enseignante, est également la directrice de l'école. Deux après-midis par semaine, elle est remplacée par un enseignant expérimenté, avec lequel nous avons eu plusieurs échanges, et qui exprime sa déception par rapport à ce groupe : « ils sont souvent à la limite du respect. Ils pensent à autre chose, les matches en récré, leur groupe de copains, ils s'envoient des mots pendant les cours, organisent leurs jeux. Ils ne prennent pas en compte les remarques, notamment concernant l'écriture... ». Pour lui, la démotivation du groupe d'une dizaine de garçons est aussi difficile à gérer que le comportement de X.

2.2. Fonctionnement de la classe

Le français et les mathématiques sont appris par plan de travail. Chaque élève a un « calepin » qui regroupe les leçons de l'année. Un plan de travail est proposé tous les quinze jours. Il choisit le degré de difficulté de ses exercices (l'enseignante propose trois degrés différents) et procède dans l'ordre qu'il souhaite. L'enseignante peut ainsi avoir du temps pour chaque élève individuellement. Par ailleurs, chaque matin, les élèves font une dictée qu'ils préparent à la maison la veille. Les après-midis, l'enseignante, lorsqu'elle assure les cours, propose une lecture suivie (alternance de lecture individuelle et de questions orales, collectives ou individuelles). L'enseignement d'anglais est également assuré par N. Par ailleurs, lorsque les élèves sont inattentifs, elle a pris l'habitude de leur parler en anglais, système qui s'est révélé efficace. Sport et musique sont enseignés par des intervenants municipaux. Le maître remplaçant assure l'enseignement des autres matières (sciences, histoire, géographie) les deux après-midis restantes.

Deux élèves sont de service à tour de rôle. L'enseignante relativise l'importance de ces tâches : « rendre service, distribuer, tu n'es pas à l'école pour ça ! ».

En fin d'année, toute la classe ira en classe de mer passer une semaine. Ce projet, que l'enseignante a déjà réalisé plusieurs années, mobilise la classe, par une correspondance (électronique) notamment avec une classe d'élèves du même âge dans la région d'accueil. Les élèves sont associés à l'organisation et au choix de certaines activités.

2.3. L'enseignante

N. est une femme expérimentée, affirmée, énergique, qui a une très bonne présence verbale. Elle part à la retraite à la fin de l'année, sans regret. Elle a le goût de l'effort, pratique un sport artistique dans une association où elle a des responsabilités. Directrice, elle est très organisée et gère son école avec dynamisme. Réactive, elle n'hésite pas à prendre position et à argumenter ses points de vue.

2.4. Le questionnaire concernant l'autodétermination (cf. annexe 12)

Le résultat global (2,65) est le plus élevé de tous ceux obtenus jusqu'à présent. Les scores concernant l'autonomie et l'autorégulation sont particulièrement élevés (respectivement 2,86 et 2,6) : les élèves présentent leur cahier librement, ils choisissent leurs activités, leurs méthodes de travail, réalisent du travail personnel en classe. Concernant l'autorégulation : ils analysent et expliquent leurs stratégies de travail, des contrats sont mis en place, les résultats aux évaluations sont symbolisés par des couleurs qu'ils peuvent visualiser sur des grilles. A l'échelle d'autoréalisation, le résultat est également élevé (2,6) : les élèves font des choix en fonction du degré de difficulté des exercices, et donc anticipent sur leurs performances ainsi que sur les efforts qu'ils sont prêts à fournir. Comme pour la classe de CM1 dont l'enseignant appliquait la pédagogie de type Freinet dans notre échantillonnage (le profil des réponses est d'ailleurs analogue), le score en responsabilisation est particulièrement faible (1,44), ce qui montre que cette organisation délègue à l'élève la responsabilité de la gestion de ses apprentissages, mais l'autorise peu à participer aux décisions concernant la vie et le fonctionnement de la classe.

2.5. L'enregistrement vidéo d'une séquence de travail

La séquence a lieu lors de la deuxième séance de travail, se déroule en début d'après-midi et porte sur une lecture suivie. L'observation et l'analyse des données permettent les constats suivants : l'activité est une lecture collective et une explication de texte, avec le groupe classe entier. Les élèves sont filmés et en ont conscience. L'atmosphère générale est concentrée. Chaque élève dispose d'un livre individuel. Nous n'avons pas reporté de M+ lorsque l'enfant suit la lecture alors qu'un camarade lit tout haut, mais cela aurait pu être envisagé. Les résultats sont consignés sur le tableau en annexe 15.

L'enseignante (cf. annexe 17) adopte essentiellement des gestes verbaux. Il n'y a pas de gestes négatifs (à aucun moment, l'enseignante n'a besoin de « sortir » de l'activité pour reprendre un élève ou émettre une réflexion sur un comportement gênant le cours de la séquence). On compte 36 V+ et 1 M+, donc 37 gestes positifs adressés de façon collective, et 25 V+ et 1 M+, donc 26 gestes positifs adressés individuellement. Le rapport positif/négatif est très élevé (division par zéro).

Du côté des élèves, on compte une moyenne de 9,4 gestes moteurs positifs (ferment les yeux, tournent la page, lèvent le doigt, lisent tout haut...) par enfant, et de 10,2 gestes verbaux positifs (lisent tout haut, répondent aux questions posées, ou terminent les phrases de l'enseignante), ce qui fait une moyenne de 19,5. Il y a une moyenne de 0,9 gestes négatifs (exclusivement moteurs [jeux avec la règle, enfant couché sur la table, ne suivant plus la lecture, balancements importants...]). Le rapport positif/négatif est de 20,8.

Les conclusions de cette analyse, finalisée après la sortie des classes, n'ont pu être communiquées à l'enseignante, ce qui est regrettable car il aurait été un bon support pour souligner le savoir-faire et les réussites de cette enseignante expérimentée, mais néanmoins déçue par un groupe classe peu gratifiant.

X., notre élève hyperactif (ligne n°1), obtient le deuxième plus grand nombre de gestes après une élève particulièrement active dans ses réponses verbales. Il présente le nombre de gestes moteurs positifs le plus élevé à égalité avec cette élève (18) car il lève très fréquemment le doigt. Il a peu d'interactions négatives (2 M-, 0 V-). Notons qu'il est placé tout seul, au premier rang, tout à côté de l'enseignante qu'il voit de profil.

2.6. X, L'enfant hyperactif

X. est un jeune garçon dont la famille est originaire d'Afrique du Nord, choyé et valorisé en tant que garçon dans le cadre familial. Il est arrivé dans le groupe classe l'an passé, ce qui peut être un facteur, encore maintenant, d'intégration compliquée dans ce groupe de garçons qui se connaissent très bien. Notons cependant que les difficultés préexistaient, d'après les parents, dans l'école précédente. Bon élève, très bon lecteur, il ne relève pas d'un suivi par le RASED, mais son comportement est problématique, comme le confirment les réponses au questionnaire de Conners, concernant les points suivants : X. « fait le malin », il perturbe les autres enfants, a du mal à coopérer, semble mal accepté par le groupe et demande une attention excessive de son enseignant. A un degré moindre, il est agité, se « tortille » sur sa chaise, se montre trop sensible à la critique, va à droite, à gauche, est excitable et impulsif. Il a des difficultés à terminer ce qu'il commence, et a tendance à nier ses erreurs et à accuser les autres.

Les réponses au questionnaire, comparées à celles d'un jeune de son âge (9 ans 6 mois), montrent que seul l'indice d'hyperactivité approche la zone significative. Les critères concernant la conduite et l'index global d'hyperactivité sont hauts, mais non significatifs. Il n'y a pas d'inattention ni de passivité. X. présente donc un profil de légère hyperactivité sans trouble de l'attention. L'enseignante est néanmoins inquiète pour la suite de sa scolarité, car il apprend bien dans sa classe du fait d'un guidage étroit. Elle s'interroge sur son comportement au collège, et appréhende la réaction des enseignants face à celui-ci.

2.7. Journal de bord (augmenté)

· Séance n° 1 (20/01/2015)

Cette séance est consacrée à la présentation du mode de fonctionnement de la classe (cf. informations plus haut). N. explique que le niveau dans cette classe est très hétérogène : certains élèves réalisent plutôt des exercices de niveau CE2, la plupart des exercices de niveau CM1, tandis que quelques-uns font du travail relevant presque d'un CM2.

Les travaux sont évalués par des codes couleurs au fur et à mesure de la réalisation des exercices. Les dictées font l'objet d'un pourcentage de réussite et d'une indication sur la nature des difficultés repérées, de façon à ce que l'élève puisse retrouver dans son calepin les informations nécessaires pour se corriger.

Le point noir du fonctionnement de la classe, cette année, est le peu de discipline des élèves, qui font du bruit, s'agitent, et ne sont pas concentrés : « Pour l'instant, on perd beaucoup de temps en discipline ».

· Séance n° 2 (27/01/2015)

Cette séance comprend l'enregistrement analysé plus haut, suivi d'un bref entretien. N. a présenté une séquence frontale, comme il était prévu, mais elle précise que les élèves ont changé : « les enfants, maintenant, il faut qu'ils soient acteurs, il faut qu'ils comprennent ce qu'on leur demande, il faut qu'ils bougent beaucoup ». C'est la raison pour laquelle, il y a quatre ans, elle est passée à une organisation sur plan de travail. L'année précédente par exemple, cette organisation lui avait donné beaucoup de satisfactions, avec des élèves particulièrement investis et motivés : « tu rentrais dans la classe, ils étaient tous en train d'bosser, c'était dans les dernières fournées d'élèves suffisamment élèves ». Elle explique qu'elle ne donne pas de note, voulant passer le message « j'ai envie de travailler, c'est pour moi que j'le fais ». Il y a une évaluation par période, avec les critères « non acquis », « à confirmer », et « acquis ».

· Séance n° 3 (03/02/2015)

Le schéma de l'autodétermination (figure 7) est présenté à l'enseignante, afin d'illustrer le contenu de l'entretien précédent. N. est particulièrement intéressée par cette représentation qu'elle ressent comme très vraie, et qu'elle applique à la surprotection parentale qui lui paraît l'obstacle majeur à l'autonomie de beaucoup d'enfants. L'immaturité des garçons de son groupe lui apparaît nettement : « on peut plus du tout enseigner comme on enseignait avant, pour 20 % de la classe, oui, mais pour les 80 % restant, non, surtout les garçons, les filles, encore, ça irait ; mais les garçons, ils sont obnubilés par le jeu. Heureusement qu'ils me craignent ! ». Le fonctionnement par plans de travail lui paraît l'antidote à cette évolution. On voit également qu'elle entend se faire respecter, quitte à gronder, ou punir. Concernant le travail de groupe, présenté comme un des moyens d'autoréalisation, elle exprime qu'elle a constaté que « seuls les forts donnent sens, les bons élèves prennent en charge, les autres, non ». Elle a fait le choix de proposer du travail individuel la plupart du temps « je veux savoir où tu bloques pour savoir comment tu peux progresser ». Elle explique ensuite qu'elle a proposé aux élèves qui se montraient peu motivés de se mettre au fond de la classe : « si tu n'as pas envie de travailler, tu vas au fond de la classe, mais tu ne déranges pas les autres ». Il lui paraît important, également, d'accorder à l'enfant le droit à l'erreur « j'ai le droit de ne pas savoir, je fais le mieux possible, si je me trompe, c'est pas grave... ».

· Séance n° 4 (17/03/2005)

N. est particulièrement survoltée. Elle a surpris, sur le carnet d'un des élèves, un mot d'insulte la concernant, suite à une punition concernant un groupe de garçons auquel il appartenait. L'entretien porte sur l'enfant concerné (qui n'est pas X.), frère d'un enfant en situation de handicap qui a fait l'objet d'un bilan psychologique les années précédentes. La difficulté de la vie familiale est abordée, et notamment le comportement des enfants face à la mère, dépassée par les événements.

La suite de l'entretien est consacrée à expliciter le fonctionnement d'un enfant hypersensible, et notamment la contre-réaction lorsque l'on insiste trop, illustrée figure 16 (concept présenté par Céline Darnon durant l'UE 8).

· Séance n° 5 (24/03/2015)

N. est préoccupée par les difficultés scolaires de plusieurs de ses élèves. Elle passe en revue certains cas, et notamment celui d'un jeune qu'elle voit comme complètement déresponsabilisé face à ses apprentissages : « il est incapable d'écrire une phrase sans faire une faute de copie, il ne dessine même pas ses lettres ». L'hypothèse que cet enfant souffre d'un trouble des apprentissages est émise, mais cette hypothèse est rejetée par l'enseignante, qui considère que l'enfant n'a pas envie.

Figure 16: Outil n°11 : des enfants librement consentants (d'après Freedman, cité par Joule & Beauvois, 2014)

Il est probable qu'un certain nombre d'élèves de cette classe, en difficulté, auraient besoin du regard d'un enseignant spécialisé, voire d'un bilan psychologique pour mieux comprendre ce qui les gêne. Il y a quelques années, des enseignants spécialisés (maîtres E) pouvaient intervenir auprès de certains élèves du cycle 3. Le travail réalisé permettait, progressivement, de changer le regard de l'enseignant sur la nature des difficultés, et de lui donner des réflexes concernant le dépistage. Avec la réduction des personnels, ces interventions ne sont plus possibles. Seuls subsistent les bilans du psychologue pour les cas les plus graves, les demandes à la Maison Départementale des Personnes Handicapées (MDPH), et les orientations en SEGPA...

· Séance n° 6 (31/03/2015)

L'entretien porte sur la motivation des élèves, de façon générale. Le parallèle est fait en apportant les techniques de l'entretien motivationnel (Miller et al., 2013), notamment sur les avantages d'une position de guidage par rapport au « réflexe correcteur », directif, spontanément adopté par les éducateurs, et dont les chercheurs ont mis en évidence l'effet défensif et donc contre productif qu'il produit sur les personnes que l'on aimerait voir changer. Cette théorie est résumée à travers les deux outils représentés figure 17 et 18.

La problématique des enfants hyperactifs est abordée également de façon générale. Le document (Laurent et al., op.cit.) édité par l'Education Nationale pour sensibiliser enseignants et parents au trouble lui est communiqué. Il est précisé notamment que ce type d'enfants, lorsqu'on leur laisse le choix, préfèrent souvent être à une table seuls car ils ressentent que leur concentration en est facilitée.

Figure 17 : Outil n°12 : inciter à changer 1 (d'après Miller et al., op.cit.).

N. revient sur ce qui a été tenté dans la classe pour favoriser l'attention des élèves. Dans un premier temps, ils ont décidé de mélanger les plutôt attentifs et les plutôt inattentifs, afin que ceux qui se concentrent facilement aident les autres. Cette solution n'a pas donné les résultats espérés. Dans un second temps, il a été décidé, après discussion, que ceux qui ne « voulaient pas » travailler iraient au fond de la classe. Il a aussi été envisagé, pendant un temps, que quelqu'un dans la classe, à tour de rôle, « fasse la police » pour aider les autres à se concentrer. Toutes ces idées n'ont pas modifié les dysfonctionnements observés dans la classe. L'enseignante propose qu'une autre tentative soit faite en ma présence afin de prolonger la réflexion collective, ce que j'accepte volontiers.

La suite de l'entretien concerne le regard porté sur le comportement des élèves. L'exemple est pris d'un élève qui a du mal à écrire. J'émets l'hypothèse d'une dysgraphie non dépistée, mais l'enseignante rejette cette idée, car, me dit-elle, « il peut » : « Il faut qu'il soit obligé à faire les choses », généralisant : « ils y arrivent quand ils mettent la volonté, ils n'ont pas la volonté, la vie c'est ça, faire des efforts ». L'enseignante revient sur son interprétation de surprotection, déjà formulée : « cet enfant est tellement cocooné, on lui trouve des excuses, il n'est pas responsabilisé... ».

Figure 18: Outil n°13 : inciter à changer 2 (d'après Miller et al., op.cit.)

Les théories de la communication de la psychologie humaniste incitant à rester sur les faits et non les interprétations, généralisations ou personnalisations pour éviter les pièges du jugement, qui comportent le risque d'enfermer l'enfant sans lui donner une chance de pouvoir s'améliorer est émise. Elle est illustrée par la figure 18.

Le « message en je » (figure 11) est exposé ensuite à l'enseignante, mode d'emploi pour s'exprimer sans juger, et insistant sur la différence entre demander et refuser, essentielle pour respecter l'autodétermination de l'interlocuteur, avec en l'occurrence, la possibilité d'une limitation personnelle dans la capacité à répondre à la demande.

Les lois du renforcement, et notamment l'intérêt de souligner les comportements souhaités (figure 12) sont également abordées lors de cet entretien, liées à l'idée de recentrer sur le positif en évitant l' « escalade émotionnelle » négative (contre-attaque de Gottman, cité par Servan-Schreiber, op.cit.), en lien avec l'effet miroir. La figure 19 reflète la teneur de la conversation.

L'entretien se termine sur le projet de discussion collective concernant les problèmes d'attention des élèves dans la classe. L'idée de l'organisation d'une « autorégulation » (Allamand & Chosalland, 2005, présentation à suivre) est évoquée, que je propose à l'enseignante d'animer.

Figure 19: Outil n°14 : l'escalade émotionnelle (d'après Servan-Schreiber, op.cit., citant Gottman.

· Séance n° 7 (06/04/2015)

N. a passé de mauvaises vacances. Elle a perdu un proche et ce deuil la fragilise. Elle a exprimé sa difficulté à ses élèves (« j'ai perdu mon papa »). Les enfants ont su se mobiliser pour lui témoigner son soutien en faisant un effort supplémentaire pour se concentrer sur les tâches demandées.

L'organisation de la classe de mer se poursuit. Les élèves sont chargés d'organiser la journée passée avec les correspondants. En fin d'année, de nombreuses activités porteront sur ce voyage (exposés oraux, écrits, carnet de voyage...). Le sujet de l'organisation du séjour est abordé, ainsi que l'inquiétude de l'enseignante concernant un voyage avec ce groupe difficile. Si elle l'avait pu, elle aurait organisé un premier petit séjour moins loin en guise de préparation et de test en cours d'année. Les accompagnateurs sont nombreux (un adulte pour 8 élèves alors que la norme est de 1 pour 12). Par souci d'équité, aucun parent n'accompagnera le groupe. Des manifestations (loterie, goûter de Noël...) ont été organisées pour améliorer le budget. Une réunion par mois, environ, est organisée avec les parents pour préparer ce voyage.

La régulation est prévue pour le lendemain. Elle sera organisée selon les principes exposés dans « Enseignants dans la tourmente » par Allamand et Chosalland, deux enseignantes de collège qui ont écrit cet ouvrage suite à un cycle de formation sur la gestion des conflits proposé par la Mission Académique de Formation des Personnels de l'Education Nationale (MAFPEN) et animé par Charly Cungi, psychiatre spécialisé en Thérapie Comportementale et Cognitive (TCC), et formateur. Les questions suivantes seront posées aux élèves : Est-ce que je me sens bien dans cette classe ? Pourquoi ? Qu'est-ce qui facilite mon travail ? Qu'est-ce qui me gêne dans mon travail ? Autre ? (expression libre), (Allamand & Chosalland, op.cit., p. 92).

· Séance n° 8 (07/04/02015)

Les élèves sont informés de cette séance d'échange. Ils sont assis par terre devant le tableau. Les questions sont posées à l'oral et j'écris les réponses au tableau. L'enseignante est à son bureau et elle prend les notes ci-dessous (les mots et expressions des enfants ont été conservés, dans la mesure du possible).

Question : Est-ce que je me sens bien dans mon travail ? Pourquoi ?

- Oui, les programmes sont sympas, les activités, les arts visuels.

- La maîtresse est gentille.

- Il n'y a pas de moquerie, il y a une bonne ambiance dans la classe.

- Il y a trop de bruit.

- (X répond) Je suis à fond sur mon travail (rires de toute la classe), je n'entends pas le bruit (...) Je n'aime pas la maîtresse parce qu'elle me crie dessus tout le temps, même pour des petites erreurs. (rires collectifs)

- (Réponse d'une élève) Ce n'est pas vrai parce que c'est lui qui cherche la maîtresse.

A ma question : « Comment ? », un autre enfant répond :

- En faisant tomber des choses, en parlant.... ».

- Une autre élève : « On peut dire à celui qui dérange de sortir ».

- J'aime cette classe parce qu'on va aller en classe de mer.

- Sur le plan de travail, la maîtresse entoure les erreurs et elle nous explique.

- K., il est au fond à côté des « méchants » mais c'est parce qu'il bavarde quand il est à côté de quelqu'un.

A ma question : « Travailler avec les plans de travail, est-ce que cela vous convient ? »

- Oui, on peut faire dans l'ordre qu'on veut.

- La dictée, j'aime bien, la maîtresse elle corrige et elle donne un pourcentage.

- Après on note le pourcentage sur le plan.

- C'est bien parce qu'on a des couleurs : vert, bleu, jaune et rouge.

- J'aime pas les plans de travail, il y a trois groupes, je préfère qu'on fasse tous la même chose et sur un cahier (NB : c'est une bonne élève qui parle. Sept enfants déclarent partager la même opinion).

- J'aimerais que la maîtresse elle explique plus au tableau.

- J'aime bien le plan de travail parce qu'on fait ce qu'on veut quand on veut.

- Avant la cantine la maîtresse elle nous lit un livre, Hermès (mythologie) (NB : toute la classe aime sauf X.).

- Je préfère lire seul pour apprendre les mots (orthographe. NB : apparemment, l'élève a besoin d'un support visuel pour mémoriser l'orthographe).

A la question : « Qu'est-ce qui facilite mon travail ? »

- On a deux livrets de leçons.

- Ça évite de copier les leçons.

- Quand on se trompe ou on ne comprend pas on va voir la maîtresse et elle nous explique.

- Il y a des exercices plus faciles que d'autres et on choisit.

- (réponse de X) On peut apprendre à la maison en avance par rapport aux cahiers de leçons.

- On s'entraîne, et c'est pour les évaluations.

- On peut faire les exercices à la maison.

- La maîtresse met une croix et on corrige.

- J'aimerais bien être dans le groupe 2.

- Le plan de travail à la fin des deux semaines la maîtresse fait des commentaires, ça aide.

- On a un contrat, il faut au moins deux exercices de chaque.

La discussion porte alors sur les changements de groupe, et le désir de certains enfants de changer de groupe (apparemment, les élèves sont dans un groupe plus ou moins fixe pour certains exercices, et sont autorisés à changer de groupe selon leurs résultats).

A la question : « Qu'est-ce qui me gêne dans mon travail ? »

- Le bruit.

- (réponse de X) Le stress, trop de stress. Je fais mon exercice et je pense à autre chose et je me déconcentre et je fais des erreurs

- J'ai peur de ne pas y arriver.

- Pour les évaluations, je stresse. J'ai peur d'oublier.

- Il y a trois façons d'apprendre. Moi, je ne sais pas comment apprendre.

- J'ai peur que la journée se passe mal alors je stresse.

- Que j'arrive pas à faire des exercices, qu'on me juge.

A ma question «  Avez-vous le sentiment que vous êtes jugés ? »

- (réponse de X) J'aimerais qu'on arrête de parler de moi, qu'on me prenne en exemple.

A ma question « Qui veut répondre à la demande de X ? »

- Il provoque, il embête la clase, il arrête pas de juger, il fait son intéressant, il se lève

- On ne le juge pas, on lui demande d'arrêter.

- Qu'il lève le doigt comme tout le monde.

- (réponse de X) Je ne me lève jamais, je les appelle. Ils ont du confondre

- Tu te lèves tout le temps.

- Il les appelle sans lever la main.

- Tu te moques quand on t'explique, ou que tu as un meilleur résultat en dictée.

A mon explication, incitant à différencier jugement (interprétation, personnalisation, généralisation, jugement) et critique (sur un fait précis) :

- J'aimerais que X. soit dans le groupe des « gentils », si il veut, il peut le faire.

- On veut qu'il essaie de changer.

- On veut qu'il arrête de faire exprès, de bouger.

- (réponse de X) Je suis bien dans le groupe où je suis et je suis bien tout seul, c'est plus fort que moi les bêtises.

A ma question « Comment on peut aider X ? »

- S'asseoir à côté d'un « gentil » qui pourrait l'aider.

- Le mettre à côté de la maîtresse.

A la question : « Est-ce qu'il y a autre chose que vous aimeriez dire ? »

- Les jeux de guerre et la bagarre, ça me gêne. La guerre, c'est pas drôle.

- (réponse de X) Merci de m'avoir dit mes défauts parce que je ne me rendais pas compte.

La classe est remerciée pour la qualité des échanges, la franchise et la bonne qualité d'écoute. Les élèves nous remercient en retour.

· Séance n° 9 (01/07/2015)

Il n'a pas été possible de se rencontrer longuement après la séance de régulation. Il a juste été abordé avec l'enseignante la tendance de X. à devenir le centre des discussions collectives. L'enseignante a déjà eu de nombreuses discussions au sujet du bruit et de l'agitation dans cette classe, au cours desquelles elle avait noté cette particularité de X. Ces discussions n'ont pas vraiment abouti à des améliorations.

La classe de mer a bien eu lieu, et s'est plutôt bien passée, avec de nombreuses déceptions et sources d'agacement, tant dans le comportement des garçons agités, que l'enseignante a gardés dans son groupe y compris la nuit, que dans les préparatifs avant de partir. Notamment, les consignes, de ne pas s'encombrer avec les produits de toilette (les accompagnateurs avaient prévu des produits collectifs), de ne pas s'encombrer avec trop de bouteilles d'eau car le nécessaire avait été prévu, etc. n'ont pas été respectées par les parents, et ont occasionné des complications (sacs trop lourds, lourdeurs de la gestion du matériel personnel...). Par ailleurs, un des garçons s'est blessé sans en parler aux enseignantes, ce qui a retardé et compliqué les soins...

Le voyage ne s'est pas conclu comme prévu par un goûter festif, étant donné les contrariétés accumulées. L'enseignante note que les parents ont formulé peu de reconnaissance face aux accompagnateurs, contrairement aux années précédentes.

Compte tenu de la proximité de la fin de l'année, il n'a pas été possible de faire un bilan du travail réalisé. A ma question concernant des effets éventuels de la régulation, l'enseignante a perçu que X. se posait moins en victime. On peut donc en conclure que cet échange a favorisé chez cet enfant une prise en conscience des effets de son comportement sur les autres.

2.8. Conclusions

L'intervention n'a pas changé la nature des relations entretenues entre l'enseignante et ce groupe classe difficile. Régulièrement dans les écoles, certaines classes plus compliquées à gérer sont redoutées par les enseignants. La présence de plusieurs enfants au comportement difficile est souvent associée à cette impression négative ; la cohésion qui peut s'installer entre plusieurs jeunes en concurrence avec les apprentissages, le manque de coopération et de bienveillance des familles, sont également des facteurs explicatifs. Malgré tout, la classe a bien fonctionné toute l'année, et les apprentissages ont été réalisés. Certaines années, des groupes plus agréables permettent aux maîtres de « respirer » et de reprendre goût à leur métier. Il est regrettable à mon sens que cette enseignante qui a beaucoup investi d'énergie et d'enthousiasme dans l'exercice de sa profession durant de nombreuses années, et dont on sent parfois la tension proche de l'épuisement professionnel, n'ait pas pu terminer sa carrière avec un groupe plus gratifiant.

La régulation a été un temps fort du travail réalisé ensemble. Elle a donné, notamment, des informations importantes concernant le ressenti de son trouble par X. dont on aperçoit, au travers des informations qu'il livre, le malaise et le sentiment de différence par rapport aux autres, la difficulté à se positionner dans le groupe, caractéristique (il personnalise tout de suite les questions et se montre dans l'incapacité de se fondre dans le groupe au même titre que les autres). Il perçoit également avec lucidité ses problèmes de concentration.

On peut constater également la gêne, l'agacement et l'incompréhension des autres enfants face au comportement du jeune garçon, ainsi que son isolement dans le groupe classe.

3. Classe n° 3 : Cours Elémentaire 1 (enseignante : K)

3.1. Situation de départ

L'enseignante accepte avec plaisir et intérêt ma proposition de travailler sur la gestion de la classe en lien avec la concentration et la motivation de ses élèves. Nous entretenons de bonnes relations depuis plusieurs années, et avons déjà travaillé sur des projets antérieurs. Cette enseignante est toujours à la recherche d'idées nouvelles : « J'aime mon métier. Je ne veux pas être une instit. traditionnelle. J'ai horreur des personnes rigides. »

La classe de CE1 comporte 26 élèves. Une élève est en très grande difficulté cognitive. Un dossier de demande d'Auxiliaire de Vie Scolaire a été monté. Cette enfant est suivie à l'extérieur, en orthophonie et en psychomotricité. Un autre élève montre de sérieuses difficultés d'apprentissage. Deux élèves présentent des problèmes de comportement, une petite fille, et B., notre enfant hyperactif, qui a bénéficié d'un bilan en Grande Section car il avait de grandes difficultés à réaliser son travail écrit. L'enfant est suivi à l'extérieur par une psychologue. La classe comporte également « quatre ou cinq élèves qui n'ont pas besoin de moi », donc des enfants très autonomes qui ont des facilités d'apprentissage.

Le travail commence fin mai, il sera donc beaucoup plus court que celui mené avec les deux classes précédentes.

3.2. Fonctionnement de la classe

L'enseignante exerce à temps complet. Le français et les mathématiques sont enseignés le matin. L'après-midi est consacré à des activités « découvertes », de l'écriture, de la géométrie, ou à réinvestir une notion présentée le matin.

Dans la classe, on note la présence de nombreux animaux, cages et aquariums : phasmes, têtards, orvet ... Chaque année, des élevages, des sorties animalières, des observations d'animaux, sont organisées et font l'objet d'activités pédagogiques : « les enfants qui ont des problèmes d'attention et des difficultés scolaires, très souvent, les p'tites bêtes, ça les intéresse. J'aime qu'ils observent, du coup, ils sont canalisés... ». L'enseignante incite les enfants à apporter « des bêtes » en classe : « Ils touchent, toucher des bêtes, c'est passer un cap. Ça aide dans les apprentissages, de vaincre sa peur ».

L'enseignante pratique le tutorat « depuis des années. Je trouve que ça aide les deux ». Le tutorat dure une semaine (plus court si, pour une raison ou une autre, cela ne se passe pas bien). Les enfants sont volontaires. Cette année, la petite fille qui présente des difficultés cognitives est aidée régulièrement par un enfant tuteur.

L'enseignante travaille beaucoup avec l'enseignant spécialisé dans la prise en charge des élèves en difficulté. Leur collaboration est étroite. En début d'année, elle consacre beaucoup de temps à observer ses élèves pour mieux les connaître, et n'organise la réunion de rentrée à l'intention des parents que tard par rapport aux autres collègues (début octobre).

Les évaluations sont annotées par des codes couleur (vert : parfait, bleu : bien, orange : en cours, rouge : non acquis).

Chaque élève a à sa disposition « une boîte » dans laquelle du travail personnel est déposé par l'enseignante. Ce travail, sous forme de fiches plutôt ludiques, coloriages magiques, jeux éducatifs, dessins cachés... est gérée par l'élève. Ils le réalisent à leur rythme et à leur façon.

3.3. L'enseignante

K. est âgée d'une quarantaine d'année. Elle a un enfant d'une dizaine d'années. Très sportive, elle nage, court, marche, fait du vélo... Sa formation initiale était dans le secteur de l'animation sportive. Elle s'est découvert une vocation d'enseignante un peu plus tard. Elle a une présentation très colorée : bijoux, vêtements originaux, amusants, créatifs, très esthétiques. Cette enseignante curieuse, innovante, très ouverte, est très intéressée par tout ce qui touche à la santé. Les médecines naturelles (homéopathie, ostéopathie, acupuncture), l'attention portée à l'énergie, à l'alimentation, au bien-être, est omniprésente. Elle est passionnée de psychologie. Concernant la gestion de sa classe, elle dit : « la valeur numéro 1, c'est le bien-être à l'école. J'aime les yeux qui pétillent quand ils viennent à l'école. Pour être enseignant, il faut être relationnel en numéro 1. J'essaie que les enfants n'aient pas peur de moi ». Les compétences relationnelles de K. sont indéniables : elle recherche le contact et entre facilement dans l'échange, qu'elle alimente généreusement tout en sachant écouter.

3.4. Le questionnaire concernant l'autodétermination (annexe 12)

Les résultats à l'échelle globale sont conformes à la population d'échantillonnage (1,955). L'autonomie accordée (1,29) correspond à l'âge des enfants. Les élèves réalisent fréquemment du travail personnel. Ils ont un « cahier d'autonomie » et leurs boîtes avec du travail plus « ludique » à réaliser comme ils le souhaitent. L'autoréalisation est plutôt élevée (2,00), comme observé dans notre population, qui montrait que ce score était plus élevé au CE qu'au CM : le travail en groupes, le tutorat, l'enseignement mutuel, sont favorisés par l'enseignante. L'autorégulation correspond également au niveau de la classe (2,4) : les réponses sont positives sur tous les points, mais avec une certaine mesure. La responsabilisation (2,13) correspond également aux classes de même niveau de notre échantillonnage : les élèves participent toujours au fonctionnement de la classe. Pour le reste des questions, les réponses sont également mesurées : les élèves comme les parents sont associés parfois aux décisions. Notons que l'enseignante incite toujours les parents à l'informer dès que leur enfant rencontre une difficulté ou un tracas particulier, ce qui correspond à des liens particulièrement étroits, que l'enseignante a à coeur d'établir avec les parents. En conclusion, les résultats au questionnaire sont équilibrés. L'autodétermination des élèves est mesurée, respectée dans tous les domaines, en proportion avec le niveau de la classe.

3.5. L'enregistrement vidéo d'une séquence de travail

K. réalise une séquence de repérage de son. Compte tenu de la courte durée de notre collaboration, l'enregistrement, qui a eu lieu après les échanges sur le fonctionnement de la classe et les problématiques soulevées par l'enseignante, a été réalisé l'avant-dernier jour de classe, juste avant les grandes vacances. Notons que les élèves, malgré la chaleur et l'énervement compréhensible de la fin des cours, ont fait preuve d'un calme et d'une participation exemplaires.

Les résultats sont consignés en annexe 16. L'enseignante propose une séquence de repérage du son [j]. Les élèves sont au CE1, c'est un approfondissement qui est proposé et non une découverte. Le déroulement de la séquence est habituel, l'enseignante ayant proposé plusieurs séances de repérage de sons construites sur le même modèle durant l'année. Du matériel (flèche recouverte de papier plastique tenant lieu d'ardoise, et feutre effaçable) a été constitué en début d'année à cet effet.

Les résultats (annexe 17) sont caractérisés par un rapport entre les interventions individuelles et les interventions collectives très en faveur des premières (V+ + M+ Indiv. = 198 ; V+ + M+ Coll. = 36). Par ailleurs, il y a un nombre très important de gestes positifs, moteurs, et verbaux, de la part de l'enseignante (234). On compte 17 interventions négatives. Le rapport positif/négatif est de 13,8.

Du côté des élèves, le nombre de réponses motrices positives est très important, en raison de l'appel de l'enseignante, auprès de tous les enfants, d'une réponse dans ce registre (écrire sur la flèche ardoise, la lever, lever le doigt, fermer les yeux, chercher le feutre, distribuer les ardoises [pour les élèves de services]...). Le nombre de M+ moyen par élève est de 16,1, le nombre de V+ moyen est de 1,1, rapport positif/négatif de 13,1. On constate donc qu'il est au même niveau que celui de l'enseignante.

B. notre enfant hyperactif, n'était malencontreusement pas dans le champ du film. Il n'a pas été possible d'analyser en détails son comportement. Il a participé au même titre que les autres. Il était en charge, cette semaine là, du tutorat de la petite fille en difficulté. A part un échange de quelques mots avec l'enseignante, qui note à un moment qu'il n'a pas levé le doigt et lui demande pourquoi, son comportement sur le plan des interactions avec l'enseignante, a été conforme à celui de ses camarades.

3.6. B. l'enfant hyperactif

B. est l'aîné d'une famille de deux garçons. C'est un petit garçon vif et de contact agréable, dont la maman ne travaille pas et s'occupe attentivement. Elle sait établir de bonnes relations avec les enseignantes de son fils, et travailler en collaboration pour aider celui-ci à améliorer ses difficultés d'attention et de comportement, dont elle est consciente. Le petit garçon est suivi par une psychologue à l'extérieur de façon régulière. La prise en charge, basée sur la médiation animale (équine), convient particulièrement bien à B. qui l'investit avec enthousiasme.

Les résultats au questionnaire de Conners renseigné par l'enseignante indiquent une hyperactivité très élevée et un indice général d'hyperactivité très significatif : l'instabilité psychomotrice est au premier plan : B. « se tortille » énormément, fait des bruits incongrus, est trop sensible à la critique, très distrait, il perturbe énormément les autres enfants, est très rêveur, très agité, très impulsif, et a de grandes difficultés à terminer ce qu'il commence. Il a beaucoup de difficultés d'apprentissage. Les difficultés relationnelles sont en arrière plan. Il n'y a pas de trouble des conduites. L'inattention et la passivité atteignent le degré de significativité sans le dépasser.

Le bilan réalisé alors que l'enfant était en fin de Grande section montrait de bonnes compétences dans tous les domaines cognitifs appréhendés, avec un point particulièrement fort en mémorisation des nouvelles informations langagières, et en maîtrise de la langue orale (compréhension et vocabulaire). Les performances approchaient la zone supérieure par rapport aux enfants du même âge. Notons que le petit garçon est du mois de décembre, donc plus jeune que tous les autres élèves de sa classe.

L'ensemble de ces éléments orientent sur une hyperactivité qui gêne l'adaptation scolaire. L'investissement cognitif et la disponibilité restent relativement préservés cependant. L'écriture, et le maintien de l'attention sur un travail écrit sont préoccupants.

3.7. Journal de bord (augmenté)

· Séance n° 1 (19/05/2015)

La première séance est une prise de contact : présentation du projet, de la classe et de ses multiples « p'tites bêtes », de la particularité des enfants hyperactifs (l'enseignante est informée du trouble, de ses liens avec les problèmes d'attention, et notamment, des difficultés à écrire que peuvent rencontrer ces enfants, ce qui est le cas de B.).

Compte tenu du fonctionnement de la classe, la théorie des intelligences multiples de Gardner (figure 15) lui est présentée : l'enseignante est très intéressée par cette théorie qui correspond à ce qu'elle met en place spontanément. L'intelligence naturaliste est une de ses caractéristiques depuis toujours, reconnaît-elle. Concernant le fonctionnement de sa classe, elle précise : «J'aime aussi quand on m'amène des bêtes. Du coup je travaille dessus. Ça crée un lien et ces enfants là sont attentifs. Ils ont moins peur de moi ». « B. qui aime pas écrire, il a ouvert son cahier de texte pour écrire : attraper des mouches... Du coup il y a un lien affectif qui nous lie. Souvent, j'utilise ça avec ce genre de gamins... B., quand il vient dans ma classe, il est content, et moi, c'est c'que j'recherche»... « on fait des dessins (des bêtes), ceux qui ont des troubles de l'attention, souvent, ne savent pas dessiner... ». L'enseignante fait donc appel, dans ce cas précis, à deux formes d'intelligence, naturaliste, et visuo-spatiale.

K. souligne également qu'elle fonctionne personnellement beaucoup sur le registre kinesthésique. La conversation dérive sur le chi kong : elle aimerait pouvoir apprendre aux enfants certains gestes, la danse du dragon, des mouvements qui stimulent telle ou telle partie du corps. Il y a quelques années, nous avions mis en place des séances de relaxation dans sa classe...

L'intelligence interpersonnelle lui paraît à rapprocher d'une autre de ses valeurs : la prise en compte des émotions des enfants : « Mon objectif est de libérer l'émotionnel. J'essaie de capter les émotions des enfants, je me laisse du temps pour mieux amener les apprentissages ». Elle s'intéresse au yoga du rire, et aimerait mieux connaître ce domaine. Elle utilise beaucoup l'humour : « Y. (un élève passé au collège, brillant mais souffrant également de TDA/H, et dont la scolarité à l'école avait été très compliquée) je le tenais comme ça, cette forme d'autorité là...Quand il dérapait, je le fâchais, mais sur le ton de l'humour, ça le calmait, il comprenait les inférences ». En l'occurrence, cette façon de procéder fait appel à l'intelligence verbale et linguistique. Dans ce registre, elle utilise les blagues de Toto, les charades (dans la classe, j'ai eu l'occasion d'observer brièvement à deux reprises un travail de création de charade par groupes de deux élèves). Elle précise également : « j'aime le théâtre, j'aime m'amuser avec les gamins ».

L'intelligence intra-personnelle est une forme d'intelligence qu'elle cultive depuis toujours, constamment en recherche de nouvelles connaissances dans ce domaine. Elle fait du développement personnel régulièrement. Actuellement, elle est en lien téléphonique avec la psychologue qui prend en charge B. Le travail réalisé par la médiation animale la passionne. Elle précise ce qui lui semble être de nature à aider cet enfant à se dépasser : « avec le cheval, il y a des règles de sécurité, il y a du soin... ». En tant que psychologue du secteur, elle me sollicite souvent, et se montre toujours très enthousiaste lorsque je suis à la recherche d'informations concernant la gestion des élèves, ou pour approfondir un sujet particulier.

Concernant l'intelligence musicale, elle reconnaît : « j'aime chanter, j'aime le bruitage, je m'intéresse aux sons ayurvédiques, j'aimerais en apprendre plus dans ce domaine ». Effectivement, l'enseignante a l'habitude d'utiliser divers instruments (cloches tibétaines, percussions diverses) pour attirer l'attention des élèves. Lors de l'enregistrement, elle cherchera la petite cloche qu'elle utilise habituellement, et ne la trouvera pas. Elle tapera donc, à deux reprises, dans ses mains positionnées au-dessus de la tête, pour attirer l'attention des élèves.

L'entretien se termine sur l'enthousiasme d'avoir trouvé un cadre conceptuel (la théorie des intelligences multiples) qui l'aide à prendre de la distance et à mieux comprendre son mode de fonctionnement personnel et pédagogique.

· Séance n° 2 (29/05/2015)

Cette séance est consacrée aux cinq élèves en difficulté dans sa classe. Différencier lui paraît évident, et ne lui pose pas de problème particulier. Pour encadrer les élèves qui ont du mal à apprendre, elle précise « Je me sers des enfants autonomes pour dégager du temps » et « sur un dyslexique, je ne m'acharne pas, je ne le prends pas, en plus, en Activité Pédagogique Complémentaire (APC). L'APC, je m'en sers en début d'année pour repérer les difficultés en lecture, sinon, c'est pour des difficultés ponctuelles ». Concernant B., le fait que son attitude soit différente de celle qu'elle adopte vis-à vis des autres ne pose pas de problème : « je parle des difficultés des élèves aux autres élèves ».

Le problème des nouveaux rythmes est également évoqué. L'enseignante trouve les élèves plus fatigués et moins attentifs qu'avant : « il n'y a rien de bon dans ces nouveaux rythmes ».

Elle explique le fonctionnement de sa classe, le tutorat, les boîtes personnelles (cf. plus haut). La théorie de l'autodétermination lui est présentée (figure 7) : elle fait le lien avec les plans de travail, face auxquels elle réagit : « je ne suis pas assez organisée pour travailler de cette façon, il faut une rigueur que je n'ai pas ». Elle explique : « Je ne prévois pas mes séquences longtemps à l'avance. Je réajuste. Si ça ne passe pas, je change, j'allège, j'adapte. Des fois, on fait même du coloriage. Quand je vois que ça va bien, je fonce. Je travaille au feeling. Je présente les notions quand je le sens... C'est souple... je ne suis pas cartésienne ». Je lui transmets ensuite le questionnaire sur l'autodétermination à remplir.

· Séance n° 3 (09/06/2015)

Les échanges portent davantage sur les relations avec les élèves. L'enseignante, on l'a vu, souhaite que ses élèves n'aient pas peur d'elle, et n'appréhendent pas de venir en classe. « Je veux apporter de la belle énergie... J'utilise des termes toujours valorisants, décontractés... De nature, je suis plutôt d'humeur égale, et je suis très patiente... ». Néanmoins, elle entend être respectée. Il lui arrive de gronder : « Ceux qui disent sans lever le doigt, je me fâche ». De la même façon : « Quand ils embêtent les autres, ça me met en colère... Ils n'ont pas l'habitude, ça les fait pleurer ».

Le premier trimestre, l'enseignante « pose le cadre ». Elle a trouvé un dispositif sur un site pédagogique qui lui permet de travailler le comportement avec ses élèves : toutes les fins de semaine, les prénoms des enfants sont placés sur une affiche en fonction du respect des règles de fonctionnement de la classe, dont on a vu qu'elles étaient élaborées avec les élèves. Elle abandonne cette activité en décembre en général, lorsque les règles sont assimilées : « Moi, je crois dans la relation que nous avons créée ». Concernant la discipline elle complète : « Ils essayent, mais je peux être ferme, et quand je suis ferme, ils pleurent ».

Concernant B., elle dit : « J'adore ce gamin... il bouge sans arrêt...s'il y a une excitation générale dans la classe, tu le perds... Quand y disjoncte, je n'peux pas l'ram'ner...la douceur, des fois ça marche... quand j'ai aucune prise sur lui, la seule solution, je le sors, je le mets dans une autre classe », je lui dis : « B. là, ça suffit, il faut du calme. Je suis fatiguée, j'en peux plus, j'ai atteint ma dose ». Je lui parle alors du « message en je » (figure 11), qu'elle ne connaît pas, et nous réalisons qu'elle l'adopte de façon spontanée. Elle explique : « Pour moi, l'autoritarisme, c'est la fin de l'estime de soi ».

Concernant les demandes qu'elle pourrait avoir vis-à-vis du travail que nous réalisons ensemble, et les difficultés qu'elle rencontre, elle répond qu'elle souhaiterait davantage d'éléments concernant la gestion des conflits, et des pistes pour mieux gérer le temps, pour mieux organiser l'espace, ranger. Le placement des élèves dans la classe lui paraît également un sujet d'étude intéressant, sur lequel elle aimerait obtenir davantage d'informations. Les plus grandes difficultés qu'elle rencontre sont en lien avec les effectifs : « toujours le collectif, le collectif... le bruit... ». K. souhaiterait évoluer vers une autre fonction, peut être l'enseignement spécialisé. Cela fait déjà un an ou deux qu'elle envisage ce projet.

· Séance n° 4 (18/06/2015)

L'entretien commence par porter sur le comportement de B. durant la matinée. La fin de l'année approche et l'enfant est sans arrêt en mouvement...

Puis les modalités d'évaluation sont abordées. Les élèves ont chacun un livet de compétences, transmis à la famille à chaque fin de période avec une appréciation de l'enseignante. K. lit aux élèves l'appréciation transmise aux parents avant de remettre le livret et leur demande leur avis.

Le thème des relations avec les parents est ensuite évoqué. K. entretient généralement de très bonnes relations avec eux. Elle y consacre du temps. On la voit d'ailleurs très souvent échanger avec l'un d'entre eux devant le portail. Il lui paraît important, pour les élèves, que les liens avec les parents soient les plus détendus possible. L'effet miroir (figure 10) est évoqué au cours de la conversation. K. est heureuse, une nouvelle fois, de prendre connaissance de ce concept qu'elle ressent comme très vrai, et qu'elle applique spontanément.

L'entretien dérive ensuite sur la fatigue de la fin de l'année, et des techniques de relaxation pour favoriser le sommeil...

Rendez-vous est pris pour l'enregistrement d'une séquence, qui sera repoussé à deux reprises en raison de perturbations de l'emploi du temps dues aux activités de fin d'année, et qui aura finalement lieu le 2 juillet, avant-dernier jour de classe.

3.8. Conclusions

Le travail mené avec cette enseignante a été particulièrement riche en informations. La séance d'enregistrement oriente sur des pistes inattendues en matière d'autodétermination des élèves. Ce troisième volet permet de remettre à leur place les différents outils abordés, et d'établir une hiérarchie entre eux. La gestion de classe, et notamment son aspect dynamique, le positionnement adopté par l'enseignante, prennent un éclairage différent devant le savoir-faire de cette enseignante.

Quatrième partie : Résultats

1. Présentation

1.1. Le besoin de bouger

Les séquences vidéo (annexe 17) ont mis en évidence le besoin de bouger important des enfants, notamment en PS, et les progrès du contrôle moteur mis en place progressivement par les élèves, en lien avec la fréquentation scolaire, lorsqu'ils arrivent au cours moyen. Ce besoin n'est pas du seul fait des enfants hyperactifs. En PS, la plupart des élèves cette année ont « la bougeotte ». La tâche la plus difficile rencontrée par l'enseignante est de canaliser ce besoin de mouvement, qui parasite les activités proposées. La classe de PS, comme celle du CM et son groupe difficile de 11 élèves, comporte une majorité de garçons. On sait que l'hyperactivité touche 3 garçons pour une fille. Au-delà du trouble, on sait aussi que le besoin de bouger, est, dès avant la naissance, plus important pour les garçons que pour les filles (Almli, Ball, & Wheeler, 2001). Les deux classes de PS et de CM, composées majoritairement de garçons, témoignent des difficultés accrues rencontrées par ces enfants lorsqu'ils sont confinés dans une classe. La classe de CE, composée majoritairement de filles, (14 pour 12 garçons), est en revanche plus facile à gérer car l'enseignante dispose d'une disponibilité plus importante de la part de ses élèves. Cette enseignante, d'ailleurs, se souvient avoir eu beaucoup de mal à gérer le groupe actuel des CM lorsque les élèves étaient plus jeunes et qu'elle était leur professeur, alors que X. n'était pas encore arrivé dans l'école.

1.2. I. B. et K., les enfants hyperactifs

Les deux enregistrements montrent effectivement une participation verbale et motrice plus importantes de ces élèves. Il est intéressant de noter que cette participation n'est pas, en l'état actuel, négative : les élèves suivent et s'intéressent durant les séquences observées. Les entretiens mettent en évidence les préoccupations accrues des enseignantes à leur égard : comme pour « l'huile sur le feu », leur attention est dirigée en permanence vers ces élèves, nécessitant de développer des stratégies et d'adapter leur enseignement à leurs particularités. Les incidents sont néanmoins fréquents, et obligent à des remises en cause, des changements de leur mode de fonctionnement, ainsi qu'à des discussions fréquentes avec les enfants et leurs parents. Les difficultés rencontrées sont à l'origine, dans tous les cas, de réactions affectives fortes de la part des enseignantes : R. est affectée par le malaise de I., N. a du mal à comprendre et à accepter le comportement de X., K. est émotionnellement mobilisée autour de B.

L'impact sur les autres élèves est très visible : sur le plan comportemental pour les élèves de PS (l'enseignante note à plusieurs reprises que le comportement de I. « déteint » sur les autres enfants). Les plus grands, à l'occasion de la régulation, sont à même d'exprimer leur incompréhension, et leur gêne, face au comportement de X. En CE, K. est consciente, lorsqu'elle éloigne provisoirement B. en l'envoyant dans une autre classe, que tout le monde, les autres élèves y compris, a besoin de « respirer ». Le sujet n'a pas été abordé avec les élèves dans la classe de K., mais que peuvent ressentir ces enfants de l'attention et de l'investissement affectif particuliers prodigués par leur maîtresse vis-à-vis de B. ?

L'avenir scolaire de ces trois élèves reste problématique : I. va être pris en charge pour des troubles du langage, dans un premier temps. Une demande d'AVS a été déposée auprès de la MDPH. En fonction de l'évolution de la situation, l'appui du SESSAD spécialisé dans les troubles du comportement pourra être sollicité. B. a, depuis la GS, beaucoup de mal à réaliser son travail écrit. Il est probable qu'un dossier auprès de la MDPH doive être constitué pour que cet enfant bénéficie d'un ordinateur, et de séances d'ergothérapie. X. est moins touché par le trouble, il ne présente pas de difficultés d'apprentissage, mais son malaise en classe est ancien, clairement perceptible, et son enseignante est inquiète concernant son intégration en sixième.

1.3. Les stratégies des enseignantes

1.3.1. La connaissance des élèves

K. place la connaissance individuelle de ses élèves au coeur de son enseignement. Elle y consacre beaucoup de temps en début d'année. Ce faisant, elle prend des repères pour proposer aux élèves des activités qui correspondent à leurs compétences, mais également à leurs centres d'intérêt (les « p'tites bêtes »). Durant les activités proposées, elle sollicite individuellement ses élèves très fréquemment, en les appelant par leur prénom. Très empathique, elle utilise sans les connaître les intelligences multiples de Gardner, concept que nous avons découvert durant le travail réalisé avec l'enseignante de PS, et qui nous apparaît intéressant à bien des égards : adossé au besoin de compétence, outil pour mieux connaître les élèves, il permet également de développer un aspect clef de la motivation : trouver du sens à une activité.

1.3.2. Le repérage des difficultés

Le repérage et la découverte des problématiques de chaque élève, notamment ceux qui présentent des difficultés scolaires ou des problèmes d'adaptation, apparaît important pour mettre en place les adaptations nécessaires. Les enseignantes des cours des plus petits, R. et surtout K, qui enseigne au CE1, ont la possibilité de faire appel aux maîtres du RASED. L'action des maîtres spécialisés a un effet direct auprès des enfants, et un effet indirect sur le quotidien de la vie de la classe, par les informations sur les enfants apportées aux enseignants, qu'ils utilisent dans leur travail de préparation, en amont des activités proposées aux élèves. Les APC sont également des temps privilégiés pour mieux connaître ses élèves. Les directeurs sont dispensés de ces temps individuels, à juste titre ; mais il est regrettable que les élèves, déjà privés de leur enseignant une partie du temps, ne puissent pas bénéficier de ces moments privilégiés avec leur maître.

1.3.3. Installer l'attention conjointe

L'enregistrement des séquences vidéo montre une différence notable entre la séquence de PS et celles de CE1 et CM1 : le crédit apporté à la parole de l'enseignante. Or, c'est ce crédit qui autorise l'attention conjointe. Il s'agit donc de trouver les moyens de créer et d'accroître ce crédit, en analysant les pratiques enseignantes.

En comparant l'activité motrice des élèves, on constate que la moyenne des manifestations motrices est de 11,1 en PS, de 10,3 en CM, et de 25 au CE. Ce constat oriente sur l'importance des sollicitations motrices pour mobiliser les élèves.

L'enseignante de CM interpelle individuellement 26 fois ses élèves en 20 minutes, et celle du CE 198 fois. L'enseignante de PS les interpelle 19 fois. On peut supposer que ces interpellations individuelles sont déterminantes pour que les élèves se sentent personnellement impliqués.

L'analyse plus approfondie des séquences permet de constater que l'enseignante du CM utilise un support d'interactions que les autres enseignantes ne peuvent utiliser : la lecture. Ce support commun, et les capacités d'attention plus développées de ses élèves, ainsi qu'un fonctionnement un peu autoritaire (« Heureusement qu'ils me craignent ! » p. 66) lui permettent d'obtenir l'attention conjointe nécessaire au bon déroulement de sa séquence. Par ailleurs, des questions de lecture suivent l'explication de texte : les élèves auront donc une tâche à réaliser qui implique une écoute préalable : ils sont responsabilisés face à la tâche collective.

L'enseignante de CE a développé des outils interactifs spécifiques (flèches-ardoises). Comme l'enseignante de CM, elle fait appel au lever de doigt (participation motrice), elle demande de fermer les yeux (idem), elle fait appel également aux élèves de service (responsabilisation, participation motrice). Par ailleurs, elle fait varier les activités (3 différentes en l'espace de 20 minutes), et chaque élève a au moins une tâche à réaliser, validée ou non par l'enseignante, ce qui l'oblige à écouter (responsabilisation + engagement). Si un élève porte atteinte au processus de l'attention conjointe, elle le reprend sans hésiter, rapidement et sans négocier, pour sauvegarder la dynamique de la séquence.

Ces différents résultats orientent notre travail vers d'autres hypothèses : le fonctionnement de la classe est un fonctionnement collectif. Afin d'établir une attention conjointe, l'objectif prioritaire est de créer un collectif conjoint, orchestré par l'enseignante. De ce fait, l'autodétermination des élèves passe au second plan : si l'on reprend le schéma (figure 8) illustrant le travail réalisé en PS lors de la séance n ° 2, on s'aperçoit qu'il ne doit pas y avoir, au cours d'une séquence magistrale, de zone de négociation. L'autodétermination des élèves intervient dans le deuxième temps, par le biais essentiellement de la participation et de la responsabilisation devant la tâche. Cette sollicitation individuelle, verbale et motrice de l'élève engagé dans un projet qui a du sens pour lui, permet à l'enseignant d'orchestrer sans commander, évitant ainsi l'autoritarisme. La difficulté réside dans la construction de cet espace intermédiaire, entre l'autodétermination des élèves et l'autorité de l'enseignant, où l'attention conjointe peut s'établir avec le consentement des élèves. Cette construction implique un savoir-faire lors de l'élaboration de la séquence, notamment dans le rythme des activités, le choix et l'utilisation de supports d'interaction, ainsi qu'un travail en amont, basé sur l'observation et la prise d'indices préalables de chaque élève par l'enseignante. Ce double travail permet que le cours magistral puisse se dérouler sans négociation.

1.3.4. Prendre la mesure attentionnelle du groupe

K. nous donne des indices concernant la décision de présenter, ou non, la séquence d'enseignement collectif : elle prend la mesure attentionnelle du groupe. Lorsque celui-ci n'est pas disponible, elle propose des activités plutôt individuelles, motrices (coloriage), plus faciles, moins gourmandes en attention.

Par ailleurs, elle s'adapte chaque année aux particularités de son groupe. La présence d'enfants hyperactifs ou instables est un facteur limitant. Elle détermine, en quelque sorte, le Plus Grand Commun Diviseur attentionnel du groupe. Cette prise de mesure se fait en début d'année, et nécessite l'adaptation du projet d'enseignement. Elle se fait également au jour le jour, et détermine le rythme de progression adopté par l'enseignante. Hourst (2008), introduit le terme général de « calibrage » pour qualifier ce travail de prise d'indices du groupe par l'enseignant, nécessitant à la fois de l'expérience, et de l'empathie.

1.3.5. Evaluer la charge attentionnelle des activités proposées

Chaque activité proposée peut s'analyser en termes de charge attentionnelle. Celle-ci dépend de la nature de l'activité, du niveau des élèves dans le domaine concerné, de la durée de la séquence, ainsi que de sa construction. L'enchaînement de plusieurs séquences « attentiophages » est également réfléchi en fonction de la mesure attentionnelle du moment, ainsi que de la charge attentionnelle de l'activité proposée. C'est ainsi qu'une séquence dans laquelle beaucoup d'interactions sont proposées, avec des activités variées introduisant des gestes moteurs et des stimulations individuelles, sera moins « attentiophage » qu'une autre basée exclusivement sur l'écoute collective.

1.3.6. La construction des séquences

La construction des séquences comprend la subdivision des tâches. Elle répond au besoin de nouveauté des élèves, mais nécessite également une bonne organisation. Les enseignantes donnent là encore des exemples riches d'informations : les séquences sont complexes, actives, utilisent des supports plaisants, mais elles sont répétées : les élèves, comme les enseignantes, ont leurs repères. Par le choix d'une répétition (mesurée) de séquences structurées et variées, elles proposent aux élèves des activités élaborées et attractives qui sollicitent leur attention et leur participation. De ce fait, le temps passé à construire une séquence complexe (fabrication des flèches, choix, achat [ou emprunt] de 28 livres identiques...) est « amorti », justifiant le « coût » de la préparation.

La mise en projet de l'élève, conseillée par La Garanderie, est particulièrement nette dans les séquences proposées par les enseignants de l'élémentaire : les élèves ont clairement compris qu'ils ont une tâche à réaliser et se mobilisent pour la réussir. Cette mise en projet est une composante de la responsabilisation de l'élève. Elle détermine une pédagogie active, basée sur la participation. Le fait de fermer les yeux, conseillé par La Garanderie, « pédagogie des yeux fermés » préconisée également par Favre qui en développe les avantages :

« Chaque enseignant peut essayer de reprendre à son compte, en classe, cette notion fondamentale concernant les lobes frontaux : il s'agit de travailler sur la visualisation et l'imagination, deux actes mentaux qui stimulent ces aires cérébrales et aident à mieux aborder les concepts traités ».

(Favre, op. cit. p.55)

1.3.7. Motiver les élèves

Le besoin de compétences est validé, notamment par K. qui passe beaucoup de temps et d'énergie à repérer les compétences de ses élèves, afin de s'y ajuster, et qui a développé, avec l'aide du maître E, des compétences en matière de différenciation de son enseignement. N., qui propose un triple niveau d'exercices, est également dans cette démarche.

Le besoin de changement, de nouveauté, de surprise et de curiosité, en respectant une certaine permanence, est également pris en compte par les enseignantes, dans le rythme des activités : K. propose des activités variées, la découverte de « p'tites bêtes ». N. change de méthode d'enseignement entre le matin, consacré à des activités individuelles, et l'après-midi, où les activités se font collectivement. Le livre choisi présente une histoire exotique. R. introduit des figurines à piocher dans sa boîte à trésor.

Le besoin de jeu, est également pris en compte par les enseignantes : la boîte à trésor, la flèche effaçable, les charades, les blagues de Toto, l'humour, sont des supports ludiques.

Les besoins relationnels sont au premier plan pour K. : le tutorat « c'est bien pour les deux », le travail par groupe de deux élèves, la relation de confiance, affective, créée entre elle et les enfants, montrent l'attention que l'enseignante accorde au climat qui règne dans sa classe. La souplesse et l'empathie sont les qualités qui lui paraissent être celles d'un enseignant avant toute autre. R. qui refuse de stigmatiser les enfants, et qui fait preuve d'une patience exemplaire, privilégie également l'affectif, refusant d'adopter une attitude autoritaire pour établir l'attention conjointe si compliquée à obtenir dans ce groupe d'élève.

L'autodétermination se décline sous la médiation de l'enseignante : par la participation individuelle, les choix que celle-ci implique, la responsabilisation qui découle du réinvestissement des connaissances présentées (réponse orale, ou réponse à des questions écrites), l'enfant fait jouer son autodétermination. Il est cependant incité à évoluer dans l'univers éducatif proposé par l'enseignante, et la participation à l'attention conjointe n'est pas laissée à sa discrétion. La gestion de la classe de PS, souple et attentive, incitée à laisser toute sa place à l'autodétermination des élèves, n'a pas abouti à un climat de classe satisfaisant et propice aux apprentissages. Au contraire, c'est en réduisant l'autodétermination des élèves en leur attribuant une place fixe avec une étiquette, que l'enseignante a réussi à améliorer la situation. Les plans de travail, et l'autonomie qu'ils autorisent, sont une bonne illustration de la problématique : certains élèves de CM1 s'en plaignent (cf. régulation p. 71) et souhaiteraient davantage de cours : le travail en autonomie les prive d'un contact plus étroit avec l'enseignante et les autres élèves, lors des cours et des questions et discussions suscitées à cette occasion. Les besoins d'autonomie entrent donc en compétition avec les besoins relationnels.

Supports de l'autorité, la récompense est utilisée, quelquefois, par R. sous forme de bonbons : elle associe l'école et le plaisir d'une sucrerie, qui correspond à une motivation de recherche de sensation agréable... Par contre, elle n'a pas assorti les règles de vie de la classe de sanctions. Le travail, portant sur les théories de la motivation et l'autodétermination ne l'y a d'ailleurs pas incitée. N. utilise à l'occasion la punition (à l'inverse de la sanction, la punition n'est pas prévue dans un règlement), suscitant la frustration chez certains de ses élèves et prenant le risque d'associer l'école, et sa personne, à une émotion désagréable. K., qui valorise la qualité des relations établies avec ses élèves, est très exigeante concernant leur attitude en classe. Elle peut avoir recours à la menace, n'hésitant pas à les prévenir qu'elle leur fait confiance, mais que s'ils exagèrent, ils peuvent perdre cette confiance. Il lui arrive de gronder les enfants qui embêtent les autres, ou qui ne respectent pas les lois de prise de parole : « ils n'ont pas l'habitude, ça les fait pleurer ».

1.3.8. La gestion des particularités des comportements de I., X. et B., les enfants hyperactifs.

K. parvient à mobiliser B. autour des apprentissages, aidée par la communauté d'intérêt entre elle et le petit garçon, passionné par le monde animalier. K. propose un environnement rythmé et créatif qui maintient l'attention de l'enfant comme des autres élèves. Par ailleurs, ses compétences relationnelles et son savoir-faire lui permettent d'affirmer en douceur et souplement son autorité. Lorsque l'enfant ne travaille pas, elle considère qu'il ne peut pas. Elle s'efforce de le motiver, le « prenant par les sentiments », mais elle renonce si elle sent qu'il ne peut plus se concentrer. Lorsque le comportement de l'enfant est trop perturbateur, elle le soustrait à la vie de la classe en l'envoyant dans la classe voisine, presque d'un commun accord avec lui : elle ne laisse pas la situation se dégrader, maintient leurs bonnes relations, et propose un changement à cet enfant hyperactif dont les capacités d'attention sont saturées. Par ailleurs, les relations avec les parents sont bonnes. L'enseignante, comme les parents, sont informés de la nature du trouble qui affecte l'enfant. Le climat relationnel dans lequel évolue le petit garçon est serein, et les difficultés ne sont pas aggravées.

N., en isolant X. et restreignant l'attention qu'elle lui accorde, parvient également à maintenir dans les apprentissages le jeune garçon. Elle a plus de difficultés à admettre ses problèmes d'attention. Elle impute son comportement essentiellement à des problèmes éducatifs, suivant en cela les tendances de la plupart des enseignants : en 2006, le ministère de l'Education Nationale a organisé une enquête sur les représentations des causes de l'échec scolaire des enseignants : les deux tiers d'entre eux les attribuaient à l'environnement (Do, op. cit.). Comprendre le besoin de bouger et la manière d'être de ces élèves peut permettre à l'enseignant une meilleure tolérance au quotidien de cette hyperactivité, sans la méjuger ni dévaloriser l'enfant ou sa famille.

Intuitivement, N. a perçu que le placement de son élève dans la classe est important : X. dit lui-même : « ...je suis bien tout seul, c'est plus fort que moi les bêtises » (p. 73). L'enfant a compris qu'il a besoin d'être isolé s'il veut se concentrer : au Canada, il existe des parois que l'on place autour de ces élèves pour les aider, ne laissant dégagée que la partie vers l'enseignant et le tableau.

Dans le même registre, ces enfants sont facilement « envahis » par le bruit. K. le souligne lors d'une des séances : « S'il y a une excitation générale dans la classe, tu le perds... » (p. 80). Paradoxalement, ces enfants démonstratifs et bruyants, sont particulièrement dérangés lorsqu'il y a du bruit et du mouvement autour d'eux. Ce facteur est parfois à l'origine de difficultés de communication entre les parents et les enseignants : à la maison, dans un endroit calme, l'enfant a un comportement tout à fait différent de celui adopté en classe, et moins de difficultés d'apprentissage.

Dans les trois cas, les liens avec les parents sont renforcés : discussions plus fréquentes, plus précises, permettant d'évoquer les difficultés, d'éviter les malentendus, et d'établir une collaboration.

2. Discussion

2.1. Une vie scolaire statique difficile à supporter pour de nombreux élèves

Les résultats ont permis de mettre en évidence les problèmes de compatibilité entre la vie de la classe, confinée et sédentaire, et le besoin de bouger des élèves. Ces difficultés sont exacerbées pour les enfants hyperactifs ; elles sont néanmoins présentes pour de nombreux élèves, notamment les garçons. Carré observe :

« Parmi les besoins vitaux, se trouve le besoin de mouvement, de déplacement. Certains élèves ne sont pas importunés par le fait de rester assis plusieurs heures par jour derrière un bureau. D'autres en revanche le vivent comme une véritable torture. Pour eux, bouger, faire des gestes, marcher, sont des nécessités impérieuses. Ce besoin est, malheureusement, rarement compatible avec le fonctionnement d'une classe ».

(Carré, op. cit. p. 111)

Le besoin de bouger des élèves, notamment dans les petites classes, implique des séances de motricité plus fréquentes, que les installations ne permettent pas dans la plupart des écoles, ainsi que des séquences d' enseignement courtes et variées, qui font appel au dynamisme, à la créativité, et à une gestion rigoureuse du temps de la part des enseignants. Suivant les conseils de Jenson :

« Les problèmes de discipline qui sévissent dans une classe ont plusieurs causes. La toute première est un problème d'attention. Il faut réduire le temps d'attention requis ou le demander en se rappelant que le cerveau ne peut fournir une attention soutenue de façon continue. Comme référence, vous pouvez utiliser la règle des 5 à 7 minutes d'instructions directes pour les jeunes de la maternelle à la 2ème année, de 8 à 12 minutes pour les classes de la 3ème à la 6ème année et de 12 à 15 minutes pour les élèves du secondaire. Après l'apprentissage, le cerveau a besoin d'un temps de traitement et de repos. Dans une classe typique, cela signifie qu'il faut faire une rotation avec le travail de réflexion, le travail individuel et en équipe, et le temps consacré à un projet et les courtes présentations théoriques ».

(Jenson, op. cit. p. 50)

Au-delà de l'hyperactivité pathologique, auquel chaque enseignant est confronté régulièrement puisqu'elle concerne un à deux élèves par classe, et dans l'hypothèse d'un continuum (Dupagne, op.cit., Revol & Blanc Lapierre, op.cit.), le besoin de bouger est un besoin essentiel, plus important pour certains élèves que pour d'autres, qu'il est nécessaire d'intégrer dans la pédagogie, notamment des enfants jeunes. Les classes constituées en grand nombre de garçons sont souvent des classes difficiles. Solidaires, les enfants créent des « poches de résistance » devant l'enseignement, et le professeur a l'impression de combattre au lieu d'enseigner, ce qui affecte le climat de la classe et le plaisir d'apprendre au détriment de tous. Oublié par les théoriciens de la motivation, probablement parce que leurs recherches concernent le plus souvent des étudiants adultes, qui ne sont pas atteints de TDA/H ou de difficulté scolaire sévère (ceux-ci étant déjà sortis du système scolaire), le besoin de bouger apparaît, dans les petites classes, un facteur motivationnel majeur et une difficulté, pour l'enseignant, à intégrer ce besoin fondamental dans le déroulement des cours. Il est à l'origine, tout au long de la scolarité des élèves, de problèmes de discipline qui sont la source principale des difficultés de la fonction enseignante.

2.2. Les motivations

Les enseignantes intègrent à des degrés variés les principes motivationnels développés lors de la partie théorique : besoin de changement, de surprise, de curiosité, et de nouveauté. L'analyse des séquences vidéos montre que la différence d'attention des élèves est étroitement liée à l'activité de chaque élève : lever le doigt, répondre à une question, effacer une ardoise, fermer les yeux, lire, tourner la page, etc. Les principes de l'autodétermination sont validés en ce qui concerne la participation des élèves, notamment la participation motrice. Les besoins de contrôle et d'autonomie décisionnelle des enfants sont néanmoins au second plan, derrière l'adhésion au projet de l'enseignant qui permet l'installation de l'attention conjointe, nécessaire aux apprentissages. Le principe d'autodétermination ne peut s'appliquer à un groupe d'enfants aussi important que 25 ou 28 élèves, dans le respect de l'adage du philosophe John Stuart Mill: « la liberté des uns s'arrête là où commence celle des autres ».

Un certain nombre de pédagogues ont bien compris les limites de l'autodétermination, comme le témoigne le titre de l'ouvrage de Y. Guégan « Les ruses éducatives » (2010), et le texte de la quatrième de couverture :

« ...l'éducateur...doit mobiliser ses élèves sur des objectifs qui ne relèvent pas de leurs intérêts immédiats[ ...], susciter chez eux un désir d'apprendre parfois absent et les amener souvent à engager des efforts dont ils aimeraient se dispenser. Pour cela, l'autoritarisme n'est guère efficace : il peut permettre d'obtenir une soumission de façade, mais sans vraiment d'implication authentique sur le long terme. La ruse, en revanche, dès lors qu'elle est conçue sous le signe de la bienveillance et pratiquée avec humour, peut déjouer en souplesse les résistances à apprendre et faciliter ainsi la coopération éducative au sein de la classe ».

(Guégan, op. cit.)

On peut s'interroger sur le terme de ruse, et préférer celui de « savoir-faire », mais l'analyse du rôle de l'enseignant va dans le sens de nos observations.

En conclusion, la théorie de l'autodétermination ne s'applique pas directement aux élèves, elle ne convient pas à des enfants très jeunes, a fortiori hyperactifs et donc victimes d'eux-mêmes. Poussée à l'extrême, elle aboutit au « laisser-faire », et ne répond plus à la plupart des autres besoins des enfants. Cette théorie ne peut se concevoir que sous la médiation de l'enseignant, qui suscite la participation et la responsabilisation des élèves dans les apprentissages proposés. Il prend en compte les besoins et facteurs pouvant motiver les élèves, et la tâche difficile de trouver un équilibre entre ces différents facteurs lui incombe. Ce faisant, il exerce ce que Favre (2007), qualifie d'autorité-autonomisation, basée sur la compétence à organiser et optimiser le fonctionnement d'un groupe de sujets actifs, par opposition à l'autorité-domination, basée sur une différence statutaire exercée sur des sujets-objets. Conscient que le système scolaire s'impose à l'élève, il conseille néanmoins de laisser à celui-ci, lorsqu'il s'y oppose, la possibilité de ne pas faire le travail demandé, sous condition de ne pas déranger les autres. L'élève finit toujours par se remettre au travail. Ce qui est régulièrement vérifié par N., l'enseignante de CM, qui applique cette méthode avec ses élèves.

2.3. Motivations intrinsèque et extrinsèque, récompenses et sanctions.

Deci et Ryan (op. cit.) ont souligné l'importance de valoriser la motivation intrinsèque. Les chercheurs ont associé le système récompenses/punitions à la motivation extrinsèque, la motivation intrinsèque étant le plaisir de faire la tâche. Les enseignantes s'efforcent, par l'intérêt des activités proposées et leur bonne adaptation aux besoins des élèves, de susciter leur adhésion. Les résultats montrent que chaque enseignant fait preuve d'habiletés et de talents qui leur sont personnels. Ils montrent également que susciter la motivation intrinsèque de tous les élèves à tout moment n'est pas possible, validant les propos d'Alain Lieury (2010, p. 50) : « Il est évident qu'il faut bien, à un moment ou un autre, forcer un peu l'enfant à s'engager dans de nouvelles activités ». Il explique alors les moyens d'inciter l'enfant à lire, (en lui donnant envie) en évitant de lui en intimer l'ordre. Concernant les récompenses, il précise :

« Et parfois, un peu de motivation extrinsèque peut être utile pour lancer le processus : promettre une glace à un enfant pour qu'il fasse un quart d'heure d'exercices de déchiffrage d'un livre, n'est pas contre-productif, à condition que cette logique de récompense soit abandonnée dès que l'enfant fait ses premiers pas autonomes dans la lecture et ce avec plaisir ».

Cet avis est partagé par d'autres théoriciens de la motivation qui notent :

« Les récompenses fournissant, par définition, à l'élève des raisons d'ordre externe, on peut se demander si l'utilisation pédagogique qui est faite des récompenses à l'école, comme en famille, n'est pas, au bout du compte, contreproductive. Est-ce à dire qu'il ne faille jamais récompenser ? Evidemment non. L'essentiel est que l'enfant puisse tisser un lien entre ce qu'il est et ce qu'il a fait de bien. Ce lien étant tissé, on aurait tort de se priver de la récompense. Une récompense, pour peu qu'elle soit donnée a posteriori, devrait même contribuer à « renforcer » ce lien. Le principe de renforcement de surcroît nous dicte à ne récompenser qu'après coup, par surprise, et de façon exceptionnelle ».

(Darnon et al., op. cit. p. 50)

L'auteur expose ensuite qu'il convient de sanctionner positivement l'élève lorsque le comportement réalisé correspond aux attentes de l'éducateur, et de sanctionner négativement la production scolaire, et non l'élève, lorsque le comportement réalisé n'y correspond pas. La motivation intrinsèque est bien un idéal à atteindre, mais la récompense et la sanction n'en sont pas pour autant exclues des dispositifs pédagogiques préconisés par les différents auteurs. Le système sanction récompense utilisé avec les enfants recèle de nombreuses subtilités qui pourraient faire l'objet d'études à part entière.

La position de R. Viau concernant l'autodétermination et la motivation intrinsèque apparaît la plus réaliste concernant les élèves en âge scolaire (école obligatoire), lorsqu'il souligne que la plupart des élèves ne sont pas en mesure de développer une attitude intrinsèque face aux apprentissages. La société elle-même n'a, d'ailleurs, pas prévu, dans le dispositif de l'école obligatoire, la possibilité pour les élèves de faire jouer leur autodétermination quant à leur participation scolaire. L'autodétermination d'êtres immatures et en construction pose la question de l'éducation elle-même. L'enfant reste sous l'autorité souple de l'adulte, qui l'apprivoise plutôt qu'il ne le commande, évitant ainsi le piège de l'autoritarisme, contre lequel Debarbieux, (2008), spécialiste de la violence à l'école, nous met en garde : « L'autoritarisme renforce à l'évidence la délinquance et augmente la violence" (p. 157).

2.4. La scolarisation des enfants hyperactifs

Barkley (1990), est un précurseur en matière d'adaptation scolaire des enfants souffrant de TDA/H. On retrouve un certain nombre de ses conseils dans les adaptations des enseignante : isoler l'enfant, proposer des activités rythmées, courtes, variées, lui renvoyer régulièrement un feed-back sur son comportement, l'ignorer est également une pratique conseillée lorsque son comportement n'est pas adéquat. Les récompenses sont largement utilisées pour motiver ces enfants, sous forme de points ou de relevés de comportement transmis aux parents, qui se chargent de transformer les points en récompenses. Ce système de points est également conseillé par Gisèle Georges (2000), psychiatre pour enfants, et par de nombreux thérapeutes TCC : le système est règlementé en accord avec l'enfant bien à l'avance. Les récompenses sont accordées en fonction de ce règlement et ne dépendent plus de l'arbitraire de l'adulte, elles concernent des comportements bien précis, les enfants connaissent le comportement attendu et comment y parvenir. Elles s'apparentent aux conséquences « naturelles », concept employé par Jensen (op . cit.) pour illustrer un des moyens de susciter la motivation intrinsèque. Le système s'appuie sur un accord préalable qui fait office de règlement. Il entre donc dans le cadre de l'autorité-autonomisation de Daniel Favre et non celui de l'autorité-domination.

Sur le plan neuropsychologique, les récompenses permettent à l'enfant de maintenir ses efforts pour se contrôler, remplaçant la dopamine qui leur fait défaut. Par ailleurs, elles présentent l'avantage majeur d'éviter les sanctions trop fréquentes qui dégradent le climat émotionnel dans lequel évolue l'enfant, la qualité des relations entretenues avec les adultes de son entourage, et qui finissent pas ne plus servir à rien. L'engrenage des sanctions est probablement une des raisons majeures qui poussent ces enfants vers le trouble des conduites. Seul le dépistage précoce du trouble peut empêcher cette spirale infernale.

2.4.1. L'importance du repérage

La connaissance du trouble permet à l'enseignant, la famille, et l'élève, de comprendre la situation, et de trouver des recours : réactions adaptées ou inadaptées, prises en charge. Dans les services spécialisés, la « psychoéducation » est une partie intégrante des soins proposés.

Le dépistage est facilité par la connaissance et l'acceptation du trouble par les professionnels. Les enfants hyperactifs sont toujours repérés dans les écoles comme des élèves posant des problèmes de comportement, des bizarreries ou des difficultés inexpliquées. Leurs relations avec les autres sont souvent difficiles, en raison de leur impulsivité et de leurs difficultés à gérer leurs émotions. Les programmes de Barkley comportent des sessions pour les aider à gérer leurs émotions, à verbaliser leurs ressentis, à se repérer dans leurs relations et à développer de l'empathie avec les autres. Ils proposent également une formation aux parents pour qu'ils accompagnent leur enfant dans ce travail. En France actuellement, de telles formations sont rares ou inexistantes, et seuls les cas très sévères sont dépistés. Le retard de dépistage est important, justifiant le titre de l'étude menée par en 2014 par l'Institut Montaigne et la Fondation FondaMental : Prévention des maladies psychiatriques : pour en finir avec le retard français. Enseignants, parents, et enfants, font face aux difficultés tous seuls. Aucun des élèves, en Classe Relais, ni les trois enfants potentiellement hyperactifs des classes qui composent notre terrain d'étude, ne font l'objet d'un suivi pour hyperactivité : X., ne sera probablement jamais diagnostiqué, B. suit une psychothérapie qui cherche à le faire « régresser » pour retrouver un traumatisme subi durant sa petite enfance, I. va être pris en charge pour des troubles du langage, dans un premier temps. Comme son frère, il fréquentera peut être un ITEP sans jamais avoir essayé de traitement médicamenteux (Ritaline ou Concerta). Or, de nombreux enfants sont « répondants » au traitement de façon spectaculaire : du jour au lendemain, ils passent d'un état où ils sont incapables d'apprendre, à un état où ils sont à même de profiter de l'enseignement dispensé par l'enseignant au même titre que les autres élèves. Beaucoup d'élèves de familles averties sont traités, les parents ayant fait les démarches par eux-mêmes. Les compétences parentales rééquilibrent le manque de dépistage, ce qui joue en défaveur, une nouvelle fois, des enfants des familles les plus démunies.

Au sein des écoles, les RASED peuvent, après repérage des troubles, conseiller les enseignants, informer les parents, orienter vers les spécialistes (orthophonistes, ergothérapeutes, psychomotriciens, psychologues, psychiatres...) compétents. M ais le retard, au sein de ces structures, est, là aussi conséquent : la présidente de l'Association Française des Psychologues de l'Education Nationale est une militante du mouvement Pas de zéro de conduite, évoqué plus haut dans la partie théorique.

2.4.2. L'avenir scolaire des élèves hyperactifs

Bange et Mouren-Siméoni (2005), après étude des recherches (américaines) concernant la scolarité des adultes hyperactifs concluent (p. 115) : « ...les hyperactifs mènent une scolarité plus brève, parviennent plus rarement à des diplômes de l'enseignement supérieur, ce qui écarte bon nombre d'entre eux des professions où ceux-ci sont exigés, et atteignent ainsi un niveau socio-économique plus faible ». En France, il est difficile de mener des études sur une population qui n'est pas diagnostiquée. Mon stage en classe relais et mon expérience professionnelle me permettent de faire les constats suivants :

Dans les cas les moins sévères, et lorsque les enfants ne sont pas victimes de troubles des apprentissages associés et n'ont pas développé une aversion de l'école du fait des tensions de leur scolarité à l'école élémentaire, ils pourront se réconcilier avec l'école. La pratique intensive de sports, très souvent, aide ces enfants à canaliser leur énergie.

Les élèves rencontrant des difficultés d'apprentissage très importantes pourront être orientés en SEGPA, et s'épanouir dans ce contexte : la pression scolaire est moindre. Les devoirs, notamment, sont réduits. Les cours sont à visée pratique, rapidement orientés vers l'activité professionnelle. Ils correspondent au désir de ces jeunes de grandir vite, et de se débarrasser de la dépendance et des contraintes associées au statut étudiant. Beaucoup de familles et d'élèves expriment leur soulagement peu après l'entrée en SEGPA.

2.4.3. Des risques élevés de décrochage scolaire

Les élèves qui parviennent à masquer leurs difficultés d'apprentissage, souvent par des problèmes de comportement et un désengagement des activités scolaires (Régner & Loose, 2006), passent en 6ème. Ce sont ces enfants qui sont à haut risque de décrochage scolaire précoce. La scolarisation au collège est très compliquée. Ils peuvent être réorientés en SEGPA par le collège. Certains, lorsqu'ils auront quinze ans, pourront bénéficier d'un Projet Individuel de Formation et partir en stage (circulaire du 30 avril 2009). L'allongement de la scolarité jusqu'à 16 ans depuis la réforme Berthoin de 1959, la disparition des Collèges d'Enseignement Technique en 1975, la fin de l'Education Manuelle et Technique, ont aggravé les conditions de scolarisation de ces élèves, et les ont poussés vers la sortie prématurée du système scolaire sans diplôme ni qualification, aboutissant à la situation actuelle (Robert, 1993, p. 147) : « L'exemple japonais est souvent invoqué à titre de modèle, avec ses 94 % de jeunes scolarisés à 17 ans et ses ouvriers de l'automobile "bacheliers" ; or la France est aussi largement devancée par l'Allemagne (90 %) et les Etats-Unis (87 %) avec seulement 69 % de jeunes scolarisés à 18 ans". Les réformes successives depuis 1964 ont abouti à l'effet inverse de celui recherché, du fait du diktat de théoriciens déconnectés du monde de l'éducation, de décisions d'hommes politiques voulant des réussites à leur image, et de considérations économiques (l'enseignement professionnel a un coût plus élevé que l'enseignement général) :

« Si l'on considère que la réforme Berthoin est une mutation entrainant de profondes évolutions, probablement l'évolution majeure est-elle le renforcement de la scolarisation de la formation professionnelle entrainant une déprofessionnalisation des diplômes : un CAP de moins en moins valorisé, un BEP sans réelle valeur sur le marché du travail, un baccalauréat professionnel de plus en plus orienté vers la poursuite d'études ».

(Belhadjin & Lopez, 2014, p.93)

Les difficultés de ces jeunes fragiles à accéder rapidement à des formations professionnelles de qualité qui leur conviennent multiplient les risques d'accident, d'errance, d'addiction, et de délinquance, auxquels leur trouble les expose tout particulièrement.

Les chercheurs qui ont étudié la population des victimes de décrochage scolaire (Janosz, Le Blanc, Boulerice, & Tremblay, 2000, Blaya , 2010), ont noté la prédominance de troubles des apprentissages et de difficultés comportementales dans cette population. Ils s'accordent sur une conception multifactorielle du phénomène de décrochage. Les jeunes victimes de TDA/H présentent de nombreuses particularités communes avec la population des décrocheurs décrite par ces auteurs. La prise en compte de cette pathologie donne un éclairage déterminant au processus, permet de mieux le comprendre et le prévenir, et de réfléchir à des solutions plus adaptées.

Conclusions

La scolarisation des enfants hyperactifs est une problématique dont nous avons vu qu'elle affecte la scolarisation de tous les élèves dès la PS. Chaque année, ou presque, elle détermine le rythme et la nature des activités proposées par les enseignants. L'attention des élèves, indépendamment de troubles spécifiques, est une denrée rare et précieuse, qui demande du talent et du travail de la part des enseignants pour apprendre à la capter. La formation professionnelle doit mieux les préparer à assurer cette tâche. Le travail réalisé a pu montrer que des réflexes professionnels autour de la captation et de l'engagement de l'attention de tous les élèves peuvent être mis en place, non par l'application de théories, mais par des gestes précis, et des détails pratiques. L'étude est incomplète : l'organisation d'une journée de classe, le travail en groupe, la coopération, tous ces aspects mériteraient d'être davantage développés. Le travail avec l'enseignante de PS n'a pas donné les résultats escomptés. Il gagnerait à être prolongé et approfondi. Il a néanmoins montré que la priorité doit être mise sur la construction de l'attention conjointe, condition pour instaurer un climat propice aux apprentissages. La théorie de l'autodétermination a montré ses limites dans un tel contexte, témoignage des risques d'une recherche théorique trop éloignée des problématiques des professionnels.

Au-delà des pratiques enseignantes, les deux études réalisées ont montré la difficile adaptation des élèves hyperactifs au sein de l'institution scolaire. L'ambition politique d'une scolarité longue et uniforme pour l'ensemble des enfants du pays est à l'origine de décisions dont les conséquences, plusieurs dizaines d'années après, sont encore lourdes pour l'avenir de nombreux jeunes.

Par ailleurs, le dépistage du trouble et les prises en charge proposées sont insuffisants, justifiant la récente recommandation de bonne pratique publiée en 2014 par la Haute Autorité de santé.

Ce travail est également le témoignage de l'intérêt de croiser différentes disciplines, d'utiliser les apports de la neuroscience, notamment, pour mieux comprendre les apprentissages. Multiplier les points de vue pour enrichir les regards et avancer en suivant les conseils d'un « pédagogue d'exception » : « Il faut savoir [...] assouplir ce qui existe, développer ce qui peut se différencier, en rapport avec des individus tous différents et dont les différences peuvent devenir complémentaires ou harmoniques. Pour un tel projet, il n'est pas de baguette magique. Mais, comme le prince épris de Cendrillon, il faut patiemment  chercher l'ajustement, pas à pas, pied à pied. Il faut, à cet effet, se débarrasser des fantasmes tristes et identitaires, adhérer aux chances de notre système d'enseignement dans sa progressive diversification et accroître la confiance dans notre jeunesse et nos enseignants» (Peretti, 1993, p. 380). 

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Annexe 1 : Troubles du déficit de l'attention et comportement perturbateur : trouble du déficit de l'attention/hyperactivité (Mini DSM IV, op.cit. p. 63).

Ø Présence soit de (1), soit de (2) :

(1) six des symptômes suivants d'inattention (ou plus) ont persisté pendant au moins 6 mois, à un degré qui est inadapté et ne correspond pas au niveau de développement de l'enfant :

Inattention

(a) souvent, ne parvient pas à prêter attention aux détails, ou fait des fautes d'étourderie dans les devoirs scolaires, le travail ou d'autres activités

(b) a souvent du mal à soutenir son attention au travail ou dans les jeux

(c) semble souvent ne pas écouter quand on lui parle personnellement

(d) souvent, ne se conforme pas aux consignes et ne parvient pas à mener à terme ses devoirs scolaires, ses tâches domestiques ou ses obligations professionnelles (cela n'est pas dû à un comportement d'opposition, ni à une incapacité à comprendre les consignes)

(e) a souvent du mal à organiser ses travaux ou ses activités

(f) souvent, évite, a en aversion, ou fait à contrecoeur les tâches qui nécessitent un effort mental soutenu (comme le travail scolaire ou les devoirs à la maison)

(g) perd souvent les objets nécessaires à son travail ou à ses activités (p. ex. jouets, cahiers de devoirs, crayons, livres ou outils)

(h) souvent, se laisse distraire par des stimuli externes

(i) a des oublis fréquents dans la vie quotidienne

(2) six des symptômes suivants d'hyperactivité-impulsivité (ou plus) ont persisté pendant au moins 6 mois, à un degré qui est inadapté et ne correspond pas au niveau de développement de l'enfant :

Hyperactivité

(a) remue souvent les mains ou les pieds, ou se tortille sur son siège

(b) se lève souvent en classe ou dans d'autres situations où il est supposé rester assis

(c) souvent, court ou grimpe partout, dans des situations où cela est inapproprié (chez les adolescents ou les adultes, ce symptôme peut se limiter à un sentiment subjectif d'impatience motrice)

(d) a souvent du mal à se tenir tranquille dans les jeux ou les activités de loisir

(e) est souvent « sur la brèche » ou agit souvent comme s'il était « monté sur ressorts »

(f) parle souvent trop

Impulsivité

(g) laisse souvent échapper la réponse à une question qui n'est pas encore entièrement posée

(h) a souvent du mal à attendre son tour

(i) interrompt souvent les autres ou impose sa présence (p. ex. fait irruption dans les conversations ou dans les jeux)

Ø Certains des symptômes d'hyperactivité-impulsivité ou d'inattention ayant provoqué une gêne fonctionnelle étaient présents avant l'âge de 7 ans.

Ø Présence d'un certain degré de gêne fonctionnelle liée aux symptômes dans deux, ou plus de deux types d'environnement différents (p. ex. à l'école - ou au travail - et à la maison).

Ø On doit mettre clairement en évidence une altération cliniquement significative du fonctionnement social, scolaire ou professionnel.

Ø Les symptômes ne surviennent pas exclusivement au cours d'un Trouble envahissant du développement, d'une Schizophrénie ou d'un autre Trouble psychotique, et ils ne sont pas mieux expliqués par un autre trouble mental (p. ex. Trouble thymique Trouble anxieux, Trouble dissociatif ou Trouble de la personnalité).

Différents types :

Déficit de l'attention /hyperactivité, type mixte : si à la fois les Critères A1 et A2 sont remplis pour les 6 derniers mois

Déficit de l'attention /hyperactivité, type inattention prédominante : si, pour les 6 derniers mois, le Critère A1 est rempli mais pas le Critère A2

Déficit de l'attention /hyperactivité, type hyperactivité-impulsivité prédominante : si, pour les 6 derniers mois, le Critère A2 est rempli mais pas le Critère A1.

Annexe 2 : Troubles hyperkinétiques (CIM - 10, Classification internationale des troubles mentaux et des troubles comportementaux).

N.B. : Les critères diagnostiques pour la recherche du trouble hyperkinétique exigent la présence d'une inattention, d'une hyperactivité, et d'une impulsivité qui sont envahissantes, persistantes, et présentes dans plusieurs situations, et qui ne sont pas dues à un autre trouble (par exemple un autisme ou un trouble de l'humeur).

G1. Inattention. Au moins six des symptômes suivants d'inattention ont persisté pendant au moins six mois, à un degré qui est mal adapté et qui ne correspond pas au niveau de développement de l'enfant :

(1) ne parvient souvent pas à prêter attention aux détails, ou fait des « fautes d'inattention », dans les devoirs scolaires, le travail, ou d'autres activités ;

(2) ne parvient souvent pas à soutenir son attention dans des tâches ou des activités de jeu ;

(3) ne parvient souvent pas à écouter ce qu'on lui dit ;

(4) ne parvient souvent pas à se conformer aux directives venant d'autrui ou à finir ses devoirs, ses corvées, ou des obligations sur le lieu de travail (non dû à un comportement oppositionnel ou à un manque de compréhension des instructions) ;

(5) a souvent du mal à organiser des tâches ou des activités ;

(6) évite souvent ou fait très à contrecoeur les tâches qui nécessitent un effort mental soutenu, telles que les devoirs à faire à domicile ;

(7) perd souvent des objets nécessaires à son travail ou à certaines activités à l'école ou à la maison (par exemple crayons, livres, jouets, outils) ;

(8) est souvent facilement distrait par des stimuli externes ;

(9) fait des oublis fréquents au cours des activités quotidiennes ;

G2. Hyperactivité. Au moins trois des symptômes suivants d'hyperactivité ont persisté pendant au moins six mois, à un degré qui est mal adapté et qui ne correspond pas au niveau de développement de l'enfant :

(1) agite souvent ses mains ou ses pieds ou se tortille sur sa chaise ;

(2) se lève en classe ou dans d'autres situations alors qu'il devrait rester assis ;

(3) court partout ou grimpe souvent, de façon excessive, dans des situations où cela est inapproprié (chez les adolescents ou les adultes, ce symptôme peut se limiter à un sentiment subjectif d'agitation) ;

(4) est souvent exagérément bruyant dans les jeux ou a du mal à participer en silence à des activités de loisir ;

(5) fait preuve d'une activité motrice excessive, non influencée par le contexte social ou les consignes.

G3. Impulsivité. Au moins un des symptômes suivants d'impulsivité a persisté pendant au moins six mois, à un degré qui est mal adapté et qui ne correspond pas au niveau de développement de l'enfant :

(1) se précipite souvent pour répondre aux questions sans attendre qu'on ait terminé de les poser ;

(2) ne parvient souvent pas à rester dans la queue ou à attendre son tour dans les jeux ou dans d'autres situations de groupe ;

(3) interrompt souvent autrui ou impose sa présence (par exemple fait irruption dans les conversations ou les jeux des autres) ;

(4) parle souvent trop sans tenir compte des conventions sociales.

G4. Le trouble survient avant l'âge de 7 ans.

G5. Caractère envahissant du trouble. Les critères doivent être remplis dans plus d'une situation, par exemple l'association d'une inattention et d'une hyperactivité doit être présente à la fois à la maison et à l'école, ou à la fois à l'école et dans une autre situation où les enfants font l'objet d'une observation, par exemple un centre de soins. « Pour mettre en évidence la présence des critères dans plusieurs situations on doit habituellement disposer d'informations provenant de plusieurs sources ; il est peu probable, par exemple, que les parents puissent fournir des renseignements suffisants sur le comportement de leur enfant à l'école.)

G6. Les symptômes cités en G1-G3 sont à l'origine d'une souffrance ou d'une altération du fonctionnement social, scolaire ou professionnel, cliniquement significative.

G7. Ne répond pas aux critères d'un trouble envahissant du développement, d'un épisode maniaque, d'un épisode dépressif ou d'un trouble anxieux.

Commentaires

De nombreux experts décrivent des affections qui ne répondent que partiellement aux critères du trouble hyperkinétique. Chez les enfants qui répondent aux critères de ce trouble, mais qui ne présentent ni hyperactivité ni impulsivité, certains experts font un diagnostic de trouble de l'attention. Chez les enfants qui répondent aux critères de ce trouble, mais qui ne présentent pas de perturbation de l'attention, ils font un diagnostic de trouble de l'activité. Enfin, chez les enfants qui répondent aux critères de ce trouble, mais uniquement dans une situation donnée (par exemple seulement à la maison ou seulement à l'école), ils font un diagnostic de trouble ne survenant qu'à la maison ou de trouble ne survenant qu'à l'école. Pour l'instant, ces affections n'ont pas été incluses dans la classification, car on ne dispose pas encore de données empiriques suffisantes concernant leur validité prédictive.

Annexe 3 : Hyperkinésie, instabilités psychomotrices (Classification française des troubles mentaux de l'enfant et de l'adolescent, d'après Misès et coll.)

Classer ici les troubles décrits en France par l'expression « instabilité psychomotrice » et aux Etats-Unis par l'expression « trouble déficitaire de l'attention avec hyperactivité » (ou hyperkinésie) ». Cet ensemble du point de vue symptomatique est caractérisé par :

- sur le versant psychique : des difficultés à fixer l'attention, un manque de constance dans les activités, et un certain degré d'impulsivité ;

- sur le plan moteur : une hyperactivité ou une agitation motrice incessante.

Ces troubles, en décalage net par rapport à l'âge et au niveau de développement mental de l'enfant, sont plus importants dans les situations nécessitant de l'application, en classe par exemple, ils peuvent disparaître transitoirement dans certaines situations, par exemple, en relation duelle ou dans une situation nouvelle.

Inclure :

- les troubles de l'attention sans hyperactivité motrice proprement dite.

Exclure :

- l'activité excessive adaptée à l'âge (chez les petits enfants notamment) ;

- l'instabilité psychomotrice liée à un déficit mental ou à des troubles de la personnalité ;

- les manifestations à type d'hypomanie et bien entendu d'excitation maniaque.

Annexe 4 : Questionnaire de Conners pour les enseignants (à 28 items)

Annexe 4 bis : Questionnaire de Conners pour les parents

Annexe 5 : Auto-questionnaire adapté de Dupaul et Barkley

Evaluer de 0 à 10 les comportements ci-dessous (0 : très difficile -> 10 : très facile). Indiquer à

gauche son évaluation plus jeune, et à droite son évaluation maintenant.

AVANT (Primaire)

CRITERES DE COMPORTEMENT

MAINTENANT

(Collège)

 

1. RESTER ASSIS

 
 

2. RESTER ASSIS SANS TROP BOUGER

 
 

3. VEILLER A NE PAS FAIRE DE BRUIT EN CLASSE OU DANS LES COULOIRS

 
 

4. SE CONCENTRER SUR UNE SEULE CHOSE A LA FOIS

 
 

5. PORTER UNE ATTENTION SUFFISANTE A SON TRAVAIL

 
 

6. FINIR UNE ACTIVITE AVANT D'EN COMMENCER UNE AUTRE

 
 

7. ATTENDRE SON TOUR DANS LE GROUPE

 
 

8. NE PAS INTERROMPRE LES AUTRES ET NE PAS LES GENER DANS LEURS ACTIVITES

 
 

9. PARLER A SON TOUR

 
 

10. PARLER MODEREMENT

 
 

11. ECOUTER LES AUTRES LORSQU'ILS PARLENT

 
 

12. ECOUTER LES CONSIGNES

 
 

13. AVOIR SES AFFAIRES POUR TRAVAILLER

 
 

14. S'OCCUPER TRANQUILLEMENT

 
 

15. REPERER ET EVITER LES COMPORTEMENTS DANGEREUX

 

Annexe 6 : Compte rendu d'examen psychologique de M.

Danièle Ruaud

Psychologue scolaire

XXXXX

COMPTE RENDU D'EXAMEN PSYCHOLOGIQUE

A l'attention du pédopsychiatre

Enfant : XXXX M.

Né XXXX

Scolarisé au CM1

Ecole XXXX

NATURE DES EXAMENS

Date : XXXX

(CE2)

Age : 8 a 5 m

K.ABC

Dessin de famille

T.A.T.

Entretiens avec les enseignants

Entretiens avec la mère

L'intervention du psychologue scolaire a été demandée par l'enseignant et la famille en raison des difficultés de comportement de l'enfant. A l'école, ce sont des problèmes relationnels que le maître évoque avant tout : si M arrive à se concentrer sur le travail scolaire, en revanche, il fait régulièrement preuve de violence envers ses camarades : grossièretés, insultes, coups. Le maître souligne qu'il supporte très difficilement la contradiction et la frustration, et qu'il estime fréquemment être une victime. Le bilan a été suivi d'une prise en charge de quelques mois à l'école, visant à aider l'enfant à repérer et verbaliser ses émotions, à développer ses compétences sociales, et à l'aider à se maîtriser. Cette prise en charge hebdomadaire a servi d'exutoire à cet enfant qui supporte mal la vie en collectivité, dont l'extrême sensibilité est heurtée sans arrêt, et qui accumule ainsi des griefs et des expériences relationnelles qui l'insupportent. Elle n'est plus possible cette année en raison des suppressions de postes au sein du RASED, qui augmentent la charge de travail du psychologue.

Notons que M a été signalé à l'école dès la Petite Section au RASED pour des problèmes de comportement importants. Il avait alors bénéficié d'un suivi par le rééducateur. Le bilan cognitif met en évidence des performances hétérogènes. Les résultats détaillés sont les suivants :

Processus séquentiels

Processus simultanés

Mouvements de main : 9

Reconnaissance de formes : 10

Mémoire immédiate de chiffres : 7

Triangles : 9

Suites de mots : 12

Matrices analogiques : 19

 

Mémoire spatiale : 7

 

Séries de photos : 16

Les résultats à l'échelle séquentielle sont dans la zone moyenne. Notons la dispersion intra-subtests des résultats. A l'échelle simultanée, la dispersion inter-subtests est particulièrement forte. Les résultats à Triangles et Mémoire spatiale pourraient indiquer des problèmes de repérage visuo-spatial. M, durant ces épreuves, manifeste beaucoup d'anxiété, de stress et d'inquiétudes. Il a besoin d'être rassuré et encouragé. A Matrices analogiques et Séries de Photos, les scores sont très élevés. M travaille rapidement et avec davantage de facilité.

La compréhension des informations orales donne un âge de développement de 12 a 0 m. Les entretiens confirment l'excellente expression et compréhension orales de cet enfant et sa maturité dans ce domaine. En compréhension de lecture (textes courts), le niveau obtenu correspond à celui d'un enfant de 12 a 6 m. Par contre, Lecture et Déchiffrement donne un âge de développement correspondant à l'âge réel. Précisons que le maître observe que l'enfant « accroche énormément » en lecture à certains moments. M dira d'ailleurs : « en lecture, j'suis nul ». Un bilan orthophonique et un bilan orthoptique ont été conseillés à la famille pour vérifier que l'enfant ne compense pas des difficultés électives coûteuses en énergie.

Le dessin de famille est noir et anguleux. Les réponses aux questions témoignent de l'investissement positif de cet enfant à l'égard de sa petite soeur. Les relations intériorisées sont positives. A aucun moment l'enfant ne manifeste de culpabilité quant à d'éventuelles difficultés de comportement. Au TAT, les histoires sont descriptives. Curieusement, cet enfant qui manifeste une très bonne expression orale ne laisse pas son imagination s'emparer des thématiques proposées.

Les questionnaires de Conners renseignés par la famille comme par l'enseignant ne sont pas significatifs d'un éventuel trouble de l'attention/hyperactivité. Par contre, le résultat concernant le trouble des conduites est très significatif en milieu scolaire (83). L'échelle d'auto-évaluation du TDAH de Barkley renseignée par l'enfant contredit les résultats des adultes : l'enfant déplore de ne pas pouvoir se concentrer, de parler trop sans pouvoir attendre son tour, et d'avoir des problèmes pour écouter quand on lui parle. A un degré moindre (« assez »), il dit avoir du mal à rester assis, à se concentrer sur son travail, à jouer tranquillement, et reconnaît qu'il fait souvent des choses dangereuses sans le vouloir. M se plaint également d'avoir des difficultés à trouver le sommeil.

Actuellement, le comportement de l'enfant à l'école est particulièrement problématique (violences à l'égard des camarades, altercations fréquentes avec les adultes, principalement à la cantine). Ce jeune garçon qui présente des difficultés d'adaptation scolaire récurrentes et un profil psychologique instable et très anxieux a besoin d'aide et d'aménagements pour l'aider à supporter la situation scolaire et améliorer son comportement social.

XXX, le XXX,

Annexe 7 : Compte rendu d'examen psychologique de N.

Danièle Ruaud

Psychologue clinicienne

Psychothérapeute

COMPTE RENDU D'EXAMEN PSYCHOLOGIQUE

XXXX N

Né le XXXXX

Scolarisé en GS

Age (au moment de l'examen) : 6 a 0 m

Le suivi psychologique est demandé par la mère de l'enfant en XXX. Celle-ci souffre de ne pas voir son fils davantage, après une décision de justice restreignant ses droits de garde. Elle se rend compte, par ailleurs, que N a des difficultés, et souhaite l'aider à les surmonter. C'est un enfant agité depuis tout petit. Il peut avoir des gestes violents, dire des grossièretés. Il a du mal à obéir, et des problèmes pour se concentrer et finir ce qu'il commence. Le geste graphique lui est également difficile.

Une batterie cognitive est proposée à l'enfant, qui montre des compétences dans la bonne moyenne, à peu près homogènes entre les différentes échelles (IPM : 112, IFC : 114). La mémoire immédiate des informations auditives, le repérage dans l'espace, la logique, et la compréhension des informations orales correspondent bien au niveau attendu d'un enfant du même âge. Un des subtests de l'échelle Apprentissages est raté (Apprentissage de codes : 6, note à l'échelle : 93), l'enfant n'étant pas assez disponible pour se concentrer sur la tâche. D'une façon générale, passé l'attrait de la nouveauté, N se montre difficile à mobiliser. Il se concentre le temps de comprendre ce que l'on attend de lui, puis se lasse rapidement. Notons également qu'il supporte très mal d'être mis en échec, et qu'il a tendance alors à abandonner la tâche.

Les épreuves de Connaissances du K.ABC I montrent les bonnes acquisitions scolaires de N.

Les épreuves projectives intéressent peu le petit garçon (refus au dessin de famille). Au Patte Noire, rapidement investi, les identifications choisies par l'enfant sont masculines, actives et valorisées. On perçoit un fort besoin d'exclusivité, et des difficultés à partager. Puis N se désintéresse rapidement du matériel.

Le questionnaire de Conners renseigné par la mère de l'enfant donne des résultats significatifs concernant l'hyperactivité (87) et le trouble des conduites (94). On ne note pas de somatisations (55), ni de manifestations d'anxiété particulières (60). Les difficultés de concentration et les problèmes pour finir la tâche transparaissent (indice à Problèmes d'apprentissage : 75). Le même questionnaire renseigné par le père et celui adressé à l'enseignant permettraient de compléter cette analyse.

Un suivi s'est mis en place afin de faciliter la relation mère-fils dans le contexte actuel, de favoriser un cadrage en douceur de cet enfant difficile, stimuler sa concentration, et lui donner quelques bases de relaxation. Actuellement, l'enfant supportant très mal d'être séparé de sa mère, le travail est mené en présence de l'un et l'autre. Le suivi est régulier et la maman très motivée pour accompagner au mieux son fils.

En conclusion, N est un enfant qui présente de bonnes compétences, mais une instabilité psycho-motrice importante, et un trouble des conduites préoccupant. La nécessité de développer des stratégies éducatives adaptées s'impose (système de jetons, renforcement positif, recours aux sanctions limité pour préserver la confiance en l'adulte et l'estime de soi du petit garçon, cohérence éducative, calme, patience et persévérance plus importantes encore que pour un enfant ordinaire, etc.). Compte tenu du tempérament de N, une forte alliance entre les différents acteurs (parents, beaux-parents, enseignants, soignants, etc...), apparaît indispensable afin d'éviter les découragements et accusations mutuelles qui fragiliseraient les instances éducatives, et gêneraient le processus de responsabilisation progressive de cet enfant. N est intéressé par l'école et a de bonnes aptitudes pour entrer dans la lecture. On peut espérer qu'il investisse le cours du CP suffisamment pour réussir et évoluer favorablement.

XXXX, le XXXX

Annexe 8 : Extrapolation résultats du ROC (lecture et orthographe) aux classes de 4ème et de 3ème.

L'échelle du ROC Lecture a été extrapolée en suivant la tendance de l'échelle du test Alouette (rapport de 1,46 entre les 2 tests)

L'échelle du ROC Orthographe a été extrapolée par régression linéaire.

Annexe 9 : Statistiques générales sur l'auto-questionnaire de Barkley

tableau 1 : statistiques générales par item concernant le comportement au collège

tableau 2 : matrice de corrélations entre les items.

Annexe 10 : Trouble oppositionnel avec provocation (Mini DSM-IV op.cit. p. 68).

A. Ensemble de comportements négativistes, hostiles ou provocateurs, persistant pendant au moins 6 mois durant lesquels sont présentes quatre des manifestations suivantes (ou plus) :

(1) se met souvent en colère

(2) conteste souvent ce que disent les adultes

(3) s'oppose souvent activement ou refuse de se plier aux demandes ou aux règles des adultes

(4) embête souvent les autres délibérément

(5) fait souvent porter à autrui la responsabilité de ses erreurs ou de sa mauvaise conduite

(6) est souvent susceptible ou facilement agacé par les autres

(7) est souvent fâché et plein de ressentiment

(8) se montre souvent méchant ou vindicatif

NB. On ne considère qu'un critère est rempli que si le comportement survient plus fréquemment qu'on ne l'observe habituellement chez des sujets d'âge et de niveau de développement comparables.

B. La perturbation des conduites entraîne une altération cliniquement significative du fonctionnement social, scolaire ou professionnel.

C. Les comportements décrits en A ne surviennent pas exclusivement au cours d'un Trouble psychotique ou d'un Trouble de l'humeur.

D. Le trouble ne répond pas aux critères du Trouble des conduites ni, si le sujet est âgé de 18 ans ou plus, à ceux de la Personnalité antisociale.

Annexe 11 : Questionnaire sur les pratiques d'autodétermination en classe (Massy et al., 2014).

Annexe 12 : Composantes de l'autodétermination dans le questionnaire (Massy et al., 2014).

Annexe 13 : Autodétermination : position des classes par rapport à la population d'échantillonnage (Massy et al., 2014)

Les réponses à chaque question ont été cotées de 0 à 4.

Ces cotations ont permis d'obtenir des moyennes par niveau de classe et par composante de l'autodétermination. Les quatre dernières lignes du tableau concernent l'étude actuelle.

Annexe 14 : Tableau de notation de la vidéo de la classe de PS

Annexe 15 : Tableau de notation de la vidéo de la classe de CM

Annexe 16 : Tableau de notation de la vidéo de la classe de CE

Annexe 17 : synthèse des notations filmées en classe

Annexe 18 :Engagement de non-plagiat

Annexe 19 : 4ème de couverture

Master Scolarisation et Besoins Educatifs Particuliers

Spécialité « Accompagner la scolarité des élèves à besoins éducatifs particuliers »

Année Scolaire 2014-2015

Nom de l'étudiant : Danièle RUAUD-GILLETTE

Titre du mémoire : Favoriser l'attention des élèves, le cas particulier des enfants hyperactifs

Résumé du mémoire :

Ce mémoire étudie la fonction cognitive de l'attention et les troubles qui y sont afférents, notamment le Trouble du Déficit de l'Attention/Hyperactivité (TDA/H). Les moyens de capter, développer, et maintenir l'attention des élèves, les répercussions sur la scolarité des enfants victimes de troubles de l'attention, les perturbations sur la vie de la classe, les adaptations pédagogiques les plus pertinentes, sont les objets d'étude principaux de la recherche. A travers six situations d'élèves en école primaire et un stage au collège dans une classe qui accueille des enfants à risque de décrochage, ce travail témoigne des conséquences lourdes du trouble sur la scolarité et l'avenir des enfants atteints et de l'impact du comportement de ces élèves sur le travail des enseignants. Il montre aussi la nécessité de renforcer le dépistage et les prises en charge de ces enfants.

Mots clefs : attention, motivation, scolarité, comportement, TDA/H, décrochage, enseignants.

Title : Promoting students attention, the special case of ADHD children

Summary :

The dissertation explores the concept of attention and the connected troubles, especially Attention Deficit Hyperactivity Disorder (ADHD). Capture, promote and maintain student attention will be considered, as well as the impact of ADHD children behavior on classrooms and teachers practices. Through six situations of ADHD children in primary school, and an internship in a special classroom for students at early school drop-out risks in secondary school, we confirm the major impact of the trouble for the affected children regarding their school curriculum and later, their professional future. We witness that handling with student inattention and poor behavior is an everyday challenge for teachers, and we conclude the need to improve the screening and the care of the concerned children.

Key words : attention, motivation, education, behavior, ADHD, school drop-out, teachers.






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"Ceux qui vivent sont ceux qui luttent"   Victor Hugo