57
TITRE 2 : Politique monétaire et dette
publique
« Et quand l'endettement public d'un pays
atteint un tel niveau que sa soutenabilité budgétaire en est
potentiellement menacée, la politique monétaire doit
nécessairement être associée étroitement à la
gestion de la dette publique et à la politique budgétaire »
(C. Goodhart, 2012).
Ce qui nous intéresse dans cette partie est de
comprendre en quoi le surendettement des États constitue un grand danger
pour la stabilité économique et financière et pourquoi la
politique monétaire ne peut rester neutre face à la crise des
dettes souveraines. Après avoir replacé la dette publique en
rapport avec les autres grands agrégats économiques dont les
anticipations, l'inflation, le crédit et les taux
d'intérêt, nous aborderons dans une deuxième partie la
question phare à l'heure actuelle en Europe et dans le monde, qui est
celle de savoir comment les banques centrales doivent gérer les
problèmes de surendettement des États.
Ce qui rend cette question cruciale est que dans
l'État des choses, la politique monétaire a usé de toutes
ses armes pour enrayer la crise économique actuelle et que, si celle-ci
vient à tout de même perdurer, la situation deviendrait
extrêmement critique. Alors le recul des dettes publiques devient un
élément déterminant du retour au calme.
I. Conséquences d'une crise des dettes
souveraines : Pourquoi les autorités monétaires doivent-elles
réagir ?
Nous ne reviendrons pas dans cette partie sur la gestion
actuelle de la crise européenne des dettes souveraines par la BCE
étant donné que nous l'avons déjà largement
expliquée dans la partie 1. Nous ne nous bornerons pas non plus à
détailler les situations particulières de chaque pays ni les
origines de leur endettement, cela n'est pas le sujet de notre mémoire.
Cependant, quelques précisions générales pourront
être apportées à ces sujets par le graphique qui suit cette
introduction ainsi que dans la première sous-section.
Nous nous concentrerons surtout sur les dimensions
macro-économiques du surendettement des États et sur leur
importance en fonction du type de politique monétaire.
Nous pourrons nous rendre compte, à la suite de cette
étude, que la séparation des objectifs de stabilité
budgétaire et de politique monétaire n'est plus aussi
légitime qu'avant au regard de la situation actuelle.
58
1. La dette publique et l'objectif de stabilité des
prix : quelle relation ?
Le niveau de l'endettement des États peut avoir des
effets considérables sur l'inflation et cela de différentes
manières. Cette section présente une vue d'ensemble des
mécanismes le plus fréquemment mentionnés par lesquels la
dette publique et la politique budgétaire peuvent mettre en péril
l'objectif de stabilité des prix de la politique monétaire.
Avant toute chose, rappelons au lecteur que le recul des
dépenses publiques est toujours associé à une baisse de la
demande globale, laquelle engendre un phénomène du recul de
l'activité économique notable (production, chômage,
consommation. Nous rappelons aussi qu'un déséquilibre
budgétaire structurel qui ne peut être financé par les
marchés sera avec de fortes chances financé par l'impôt, ce
qui engendrerait le même phénomène de récession.
1.1. Dominance budgétaire et risque pour la
stabilité des prix
Derrière ce thème, la conclusion importante
soulevée est celle de l'importance de l'indépendance
monétaire par rapport à la politique budgétaire pour la
réalisation de l'objectif de stabilité des prix. Mais aussi,
prise sous un autre angle, cette discussion permettra une meilleure mesure des
dangers liés à l'excès d'assistance des autorités
monétaires aux Etats en cette période d'incertitude.
59
Définition de la dominance monétaire et
budgétaire : Sargent et Wallace (1981).
« On parle de domination monétaire quand les
autorités monétaires se consacrent entièrement au
contrôle de l'inflation, alors que les autorités
budgétaires ajustent la politique des finances publiques pour rester
solvables sous condition d'un flux exogène de seigneuriage ».
« La domination budgétaire, à l'inverse,
suppose que la politique monétaire soit soumise à la contrainte
de fournir un revenu de seigneuriage suffisant à l'État pour
assurer sa solvabilité. »
Si la politique monétaire est très
engagée dans le soutien des États en situation de graves
déséquilibres budgétaires, les conséquences peuvent
être résumées comme suit :
Le jugement des agents sur la crédibilité de la
politique monétaire tend à se dégrader et les
anticipations d'inflation à se désancrer. Ainsi, le soutien
appuyé de la politique monétaire aux États aurait pour
conséquence d'engendrer des anticipations de hausses substantielles de
l'inflation proportionnelle à l'ampleur des dettes publiques et du
niveau de l'aide et donc des risques de phénomène de très
forte inflation qui ne serait dès lors plus contrôlable par les
autorités monétaires.
De plus, le fait que les agents assimilent la politique en
place à de la dominance budgétaire aurait pour effet de rendre
inefficace toutes politiques budgétaires et monétaires ce qui
pourrait être extrêmement dommageable en période de crise
économique profonde comme celle que nous avons connu.
Enfin, les agents auraient tendance à
soupçonner les politiques de chercher justement à créer de
l'inflation dans le but de diminuer la charge réelle des dettes
souveraines. En effet, avec des taux d'imposition inchangés, l'inflation
créée se traduirait par une taxation supplémentaire de
tous les agents économiques de la zone concernée. D'ailleurs,
l'histoire montre que les politiques ont déjà eu recours à
de l'inflation volontaire dans le but de diminuer les coûts de leur
dettes.
Même si la dominance monétaire
prévaut, l'excès d'endettement peut rendre inefficace la
politique monétaire :
Aujourd'hui, le suivi de la situation des dettes souveraines
en Europe constitue la principale source de fluctuation sur les marchés
financiers, tel que, malgré une politique monétaire qui s'active
à la maîtrise des taux d'intérêt sur ces dettes, la
moindre annonce à un effet amplificateur important sur la chaîne
de réaction des agents.
Aussi, l'exemple de la Grèce reste ancré dans
les mémoires et les agents contiennent leurs dépenses, anticipant
des hausses probables du niveau des taxes et du niveau des prix. La
60
consommation en est réduite, l'investissement aussi,
alors même que la politique monétaire compte sur ces variables
pour sortir de la crise.
1.2. L'état des finances publiques comme
principale source des anticipations et des ajustements des prix
Une autre approche dite FTPL (Théorie
budgétaire du niveau des prix) née dans les années 90 est
très intéressante à souligner dans le cadre de notre
étude. Elle permet de redonner son importance à la politique
budgétaire dans la formation des anticipations et aussi dans une
certaine mesure, de rendre compte des interactions pouvant exister entre la
politique monétaire et la politique budgétaire.
Cette théorie avance que la politique
budgétaire constitue, bien au-dessus de la politique monétaire,
l'une des principales sources d'anticipations et d'inflation même dans
les pays où les banques centrales sont indépendantes. Les
mécanismes soulevés par cette approche sont les suivants :
- L'inflation anticipée se fonde sur la base des
anticipations quant à la variation du solde
budgétaire. L'anticipation d'une baisse du solde
implique des anticipations d'inflation. - Les entreprises déterminent
leurs prix majoritairement sur la base d'anticipations des
déficits publics futurs.
- Les marchés financiers anticipent l'inflation sur la
base de l'évolution des dépenses publiques et fixent les taux
d'intérêt sur les obligations en conséquence.
- Les marchés financiers ont donc un rôle dans
la maîtrise des niveaux d'endettement publics.
- Lorsque les agents économiques ont surestimé
les niveaux des dépenses publiques futures, ils profitent d'un effet
richesse
- La politique monétaire n'intervient pas dans ce
mécanisme et l'État peut accumuler des déficits
librement.
Cette approche de l'inflation met en évidence une
conclusion importante : celle qu'il est nécessaire de
contraindre les gouvernements dans la gestion de leurs finances afin
d'éviter de se retrouver à nouveau face à des risques de
défaut des États, sachant les graves conséquences que cela
entraîne en ce qui concerne le fonctionnement des marchés
financiers mais aussi de l'économie réelle.
En soutien de cette approche, une récente étude
de la Banque de France montre que les différences de taux sur les bons
du trésor entre les pays de la zone EURO sont fortement
corrélées avec l'évolution anticipée des rapports
endettement/PIB.
Par ailleurs, sur la base d'une étude empirique, des
économistes de la Banque du Japon ont montré que le niveau de la
dette publique d'un état par rapport à son PIB constitue,
à partir d'un certain seuil, un frein à la
croissance économique. Cette situation pousse les prix à la
61
baisse avec ce que cela engendre comme effets néfastes.
Les auteurs concluent donc à l'existence d'interactions négatives
entre ces deux variables.
1.3. Implications
Dans tous les cas, les situations de surendettement des
États sont très nocives pour les économies surtout
lorsqu'elles sont intégrées. Les politiques budgétaires
doivent être menées de manière prudente et responsable, ce
qui aura pour avantage de protéger les pays contre des chocs pouvant se
produire. Les États garderaient alors une marge de manoeuvre
contra-cyclique. Si ces obligations sont vérifiées, la politique
monétaire n'aura à aucun moment besoin d'intervenir pour soutenir
les États.
Cependant, en cas de crise des dettes souveraines comme c'est
le cas actuellement, les enjeux économiques et financiers, dont ceux du
maintien de la stabilité des prix, sont si important que la politique
monétaire ne peut pas rester neutre et doit agir activement pour
empêcher le défaut d'un État, lequel précipiterait
l'ensemble de la zone dans une crise sans précédent.
Enfin, un accompagnement des États dans leur
rétablissement, peu importe dans quelles mesures, doit absolument
s'accompagner d'un engagement effectif de ces derniers dans le
réajustement de leur situation budgétaire. Car dans le cas
inverse, le scénario sus décrit de dominance budgétaire
(dont l'hyperinflation) voire de défauts en cascade se
réaliseraient.
2. Dettes publiques, rationnement du crédit et taux
d'intérêt
2.1. Dette publique, canal du taux
d'intérêt et stabilité financière, un
rappel.
Nous avons déjà précisément
décrit dans la Partie 2 Titre 1 de ce mémoire l'importance que
jouent les prix des obligations souveraines dans la formation des primes de
risque et des taux d'intérêt pour l'ensemble des titres du
marché obligataire.
Nous rappelons donc que le prix du financement sur ce
marché (le taux d'intérêt) est calculé sur la base
du taux dit « sans risque » qui est le taux associé aux
obligations publiques. Alors, une augmentation soudaine de ces taux engendre
à la fois une baisse des financements accordés à
l'économie, une dégradation des bilans des agents ayant
accumulé des titres obligataires, et par extension un recul global du
volume d'activité. De plus, les phénomènes de contagion
font que sur ces marchés, la cession urgente de ces titres engage une
crise de confiance qui approfondit les instabilités
(phénomène pro-cyclique) et mettent en grande difficulté
les intermédiaires financiers qui ne peuvent plus assurer le respect de
leurs contrats. Les fortes interconnexions entre les participants du
marché font que l'ensemble de l'économie se retrouve
touchée. En définitive, si on ne prend en compte que ces
considérations,
62
l'augmentation durable des charges d'intérêt sur
les dettes souveraines va engendrer l'accentuation des risques de défaut
souverain.
C'est ce scénario catastrophique qui justifie que
depuis le début de la crise, les banques centrales utilisent des
politiques non conventionnelles comme le « credit easing » contre la
hausse des taux d'intérêt et rachètent des grands volumes
d'obligations publiques.
2.2. Déficit publique et canal du
crédit
Ce qui nous intéresse surtout dans cette section,
c'est de mettre en avant l'impact négatif du surendettement des
États sur le fonctionnement du système bancaire et vice versa.
Le premier constat est que le secteur bancaire en Europe
semble avoir beaucoup souffert depuis le début de la crise des dettes
souveraines puisqu'il n'assure plus son rôle principal. L'explication de
ce phénomène est dû en grande partie à la forte
interdépendance qu'il existe en Europe entre les États et le
secteur bancaire d'une part et le secteur bancaire et le marché d'autre
part. Nous pouvons résumer les choses comme suit :
- La banque centrale est le prêteur en dernier ressort,
mais le sauvetage des banques ne peut se faire que par les États (par
nationalisation généralement). Or, des Etats trop endettés
ne peuvent pas assumer de telles opérations et, en situation de crise,
les probabilités de faillite des banques touchées sont beaucoup
plus grandes.
- Selon la même approche, si le secteur bancaire est
frappé durement par une crise naissant sur les marchés, il ne
pourra plus assurer le financement des gouvernements ni celui des agents
privés ( Cf. PARTIE 2 - TITRE 1 - I. 1.). Les difficultés du
secteur bancaire aggravent alors celles des finances publiques.
- Les banques détiennent à leur bilan de
grandes quantités de dettes souveraines. L'occurrence d'une crise de la
dette, qui fait chuter la valeur des obligations d'État en même
temps que leur valeur de marché, déséquilibre le bilan des
banques qui n'ont d'autre choix que de rationner le crédit pour essuyer
les pertes sur ces titres.
Les propositions de création d'un système
européen de gestion des crises bancaires pourraient permettre en partie
d'éviter de tels événements de rationnement des
crédits. Cependant, ces propositions ont jusqu'à aujourd'hui
été rejetées.
63
3. Dette publique et risque de crise institutionnelle en
Europe Et si l'Europe se disloquait ?
Depuis 2010, des différences marquées se font
entre les pays sur les marchés obligataires. Certains pays comme la
Grèce, l'Espagne, le Portugal et l'Italie se voient imposer des taux
très importants donc bien supérieurs à ceux de l'Allemagne
ou de la France. Ces divergences, auxquelles s'ajoute le grand coût
économique des politiques de rigueur budgétaire imposée
à ces pays par la zone euro ont pour effets à la fois d'accentuer
l'hétérogénéité entre ces pays mais aussi
d'accentuer le mal-être des populations qui souffrent de la
récession engendrée par de telles politiques et tendent à
nourrir des rancunes contre l'administration européenne et à
voter pour des partis nationalistes.
II. Le rôle de la politique monétaire
dans le désendettement publique
Il est indéniable que la stabilité des prix
doit rester la priorité des banques centrales. Cependant, il faut
prendre en compte que la stabilité budgétaire joue un rôle
capital dans la réussite de cette mission comme nous avons pu le montrer
dans la section précédente.
Un arbitrage assez difficile doit alors être fait par
la banque centrale entre l'ancrage de sa politique sur la stabilité de
l'inflation qui devient de plus en plus incertaine à mesure que les
dettes publiques prennent de l'ampleur, ou la prise en considération
dans sa politique d'un objectif de stabilité budgétaire. Dans ce
derniers cas, de nombreuses questions se pose sur les caractéristiques
et les implications d'une telle collaboration.
Il faudrait dès lors déterminer une politique
monétaire qui permette à la fois de maintenir la stabilité
des prix et de réduire les coûts de refinancement des Etats
surendetté. C'est l'objet de cette deuxième section.
1. Le rôle de la politique monétaire dans
l'assainissement budgétaire : de nouvelles perspectives
Suite à nos précédentes remarques, on peut
affirmer que la stabilité des finances publiques des États est un
élément crucial pour la stabilité économique et
financière. Mais aussi elle est une des principales sources d'inflation.
De plus, aussi longtemps qu'une situation budgétaire intenable
perdurera, les tentatives de retour à la stabilité en Europe
seront illusionnées.
64
La plus grande urgence à l'heure actuelle est que les
États membres de la zone euro réduisent leur niveau d'endettement
et engagent des mesures durables et économiquement soutenables dans
cette voie. Cela passera par des politiques dites de rigueur. Notons qu'on ne
discutera pas là la légitimité de telles politiques, nous
nous tenons à exposer la marche qui est actuellement
préconisée par les institutions européennes.
Mais encore, il semble bien évident que la politique
monétaire ait aussi un rôle important à jouer dans cet
assainissement budgétaire en permettant aux États de pouvoir
continuer à se financer à des coûts
modérés.
Ici, l'arbitrage entre assistance et neutralité est
difficile pour la banque centrale puisque sa crédibilité est en
jeu et il faut absolument éviter que la coordination entre les deux
politiques ne soit assimilée à de la dominance budgétaire.
(Cf. définition I.)
Mais aussi, l'engagement des États à lutter
activement contre leur surendettement va être crucial et les
agents économiques ajustent leurs décisions en fonction de la
crédibilité qu'ils accordent à cet engagement.
Les gouvernements devront alors déterminer un programme de
désendettement précis et sur plusieurs années.
C'est cette question de la coordination que nous cherchons
à traiter ici sur la base de récents travaux qui ont fait suite
à la crise des dettes souveraines.
Nous pouvons résumer ce thème en deux
différents débats :
? Comment approcher les conditions d'arbitrage par la
banque centrale entre coûts du sauvetage et coûts du défaut
souverain ? Cette question peut aussi s'interpréter en termes
de choix entre l'adoption d'une dominance monétaire dite «
douce » comme aux États-Unis ou au Japon et l'adoption
d'une dominance monétaire « dure » comme en Europe (Cf. O.
Jeanne)
? Face à la crise des dettes souveraines, la
banque centrale doit-elle agir immédiatement pour assurer le maintien du
financement des États ou au contraire doit - elle agir sous condition
que les gouvernements aient sérieusement entrepris des politiques de
réduction des déficits ?
Différents auteurs tels que N. Kocherlakota, T.
Hellebrandt, A. Posen, M. Tolle, Leigh et O. Jeanne étudient ces
questions et leurs travaux permettent déjà d'avoir quelques
éléments de réponses à ces questions.
En ce qui concerne la deuxième question, les
principaux arguments discutés sont les suivants :
? O. Jeanne soulève le fait que,
malgré des niveaux de dettes plus importants au Japon et aux
États-Unis qu'en Europe, ces premiers n'ont pas directement
été frappés par une crise de confiance sur la valeur de
leur dette souveraine tandis que, en Europe les turbulences sont encore fortes
et persistantes. L'adoption d'une politique monétaire
65
plus douce dans ces premiers pays pourrait alors en être
la cause ou du moins une des causes.
? Selon T. Hellebrandt, A. Posen, et M.
Tolle, entre autres, la probabilité de succès de
l'assainissement budgétaire et sa crédibilité aux yeux des
agents économiques (dont le marché) augmentent avec l'engagement
ex-ante de la politique monétaire à accompagner la mise en oeuvre
de la politique de rigueur. i.e. avec l'assouplissement ex-ante de la politique
monétaire.
? Leigh et al. (2010) prouvent à
partir d'une étude statistique que la probabilité de
réussite de l'assainissement dépend du degré
d'accompagnement des politiques en début du programme, soit une fois
celui-ci établi et engagé.
? Certains auteurs pensent au contraire que la politique
monétaire ne doit pas agir ex-ante mais ex-post car cela aurait pour
effets :
- De réduire la pression sur les États afin
qu'ils engagent sérieusement les politiques de rigueur
nécessaires.
- Qu'une fois engagée dans l'accompagnement des
États, la politique monétaire perde momentanément sa
capacité à ancrer les anticipations et cela tant que les
politiques d'assainissement n'auront pas fait leurs preuves aux yeux du public.
Par extension, la perte de crédibilité aurait une influence
directe sur la stabilité des prix et sur le niveau de marché des
taux obligataires.
- Les conséquences d'un engagement fragile des
gouvernements ex-post seraient désastreuses.
2. Démonstration de T. Hellebrandt, A. S. Posen et M.
Tolle (2012)
L'objectif de l'étude :
Ces auteurs étudient plus en détail les
résultats des interactions possibles entre la politique monétaire
et la politique budgétaire en fonction du degré d'accompagnement
des politiques d'assainissement par la banque centrale. Leurs analyses
s'étendent sur deux périodes et concernent des pays où la
banque centrale est indépendante et donc crédible.
La méthode retenue:
? Afin de juger de l'impact des politiques monétaires
sur la probabilité de réussite des politiques de rigueur
en fonction de la date de début de l'accompagnement, les
auteurs calculent : les variations moyennes des taux d'intérêt
directeurs des banques centrales sur l'année d'assainissement et sur
l'année précédent l'assainissement. Puis ils
66
comparent ces valeurs entre elles au regard des cas de
réussite de l'assainissement et des cas d'échecs.
? Afin de juger de l'impact des politiques
monétaires d'accompagnement sur le degré de
crédibilité des politiques de rigueur, les auteurs
observent les différences entre les taux de rendements sur les
obligations des États concernés par l'assainissement et les taux
de rendement d'actifs considérés comme exemptés de
risque.
Les résultats :
? Concernant le lien entre l'assouplissement
monétaire ex-ante et la probabilité des politiques de rigueur
:
Lorsque le programme d'assainissement est d'une certaine
ampleur, les résultats montrent que la réussite de ces programmes
semble être en grande partie déterminée par le degré
d'accompagnement ex - ante de l'Etat par la politique monétaire i.e.
dès l'année précédente ou dès la mise en
place du programme.
? Concernant le lien entre l'assouplissement
monétaire et la crédibilité des politiques
d'assainissement :
Les auteurs remarquent que les politiques budgétaires
jugées comme étant les plus crédibles sont souvent
accompagnées de politiques monétaires très engagées
durant l'année d'assainissement. Il semblerait même que plus
l'accompagnement est prononcé, plus l'implication des politiques
budgétaires dans les programmes est forte voire plus ambitieuse.
Les conclusions des auteurs :
En plus de ces observations, il semble clair que l'heure est
à la coordination entre politique monétaire et budgétaire
en ces moments difficiles. Le soutien qu'apporteront les autorités
monétaires aux gouvernements sera un élément
déterminant pour la sortie de crise.
La BCE a d'ailleurs engagé une marche dans ce sens
lorsqu'on considère ses récentes décisions.
Il faudra toutefois réaliser de plus amples
études en ce qui est des avantages que l'on pourrait tirer du maintien
d'une politique monétaire stricte en terme d'incitation à la mise
en place de politiques de rigueur crédibles.
Enfin, cette étude ne fait pas état de l'impact
que peut avoir l'ampleur des chocs sur cette dynamique de collaboration comme
l'implication d'interactions négatives entre les deux politiques ou
l'existence de non linéarité dans les réactions du
marché.
67
3. Présentation du modèle proposé par O.
Jeanne (2012) : Une approche intéressante des arbitrages potentiels
entre défaut et assistance
L'objectif de l'étude :
O. Jeanne cherche à simuler les conséquences de
l'arbitrage par la politique monétaire entre laisser les États
faire défaut et les assister (i.e. monétisation de la dette
publique).
Cette question peut aussi s'interpréter en termes de
choix entre l'adoption d'une dominance monétaire dite «
douce » (ou préventive) comme aux États-Unis ou au
Japon et l'adoption d'une dominance monétaire « dure » comme
en Europe. L'auteur définit la première comme une politique
visant à responsabiliser les gouvernements dans la gestion de leurs
finances et la deuxième comme une politique monétaire qui dans
les cas extrêmes autoriserait le défaut de l'État.
Observations historiques (recadrage de
l'étude) et considérations théoriques :
? L'observation de données empiriques :
L'auteur constate d'abord en comparant les ratios de dette des
États par rapport à leur PIB, que la situation des finances
publiques aux États-Unis, au Japon et au Royaume-Uni est à
l'origine bien plus mauvaise que la moyenne des pays européens et est
à peu près équivalente à celle de la Grèce,
du Portugal ou de l'Irlande.
? Classement des pays par type de politique :
en second lieu il met l'accent sur la différence de politiques
monétaires entre ces premiers pays d'une part et celle retenue par la
BCE en notant que cette dernière est caractérisée par un
très fort engagement dans la recherche d'une dominance monétaire
maximale. De ce point de vue, celle-ci aurait donc tendance à
tolérer plus facilement le défaut que ses homologues Anglo-Saxons
ou Nippons qui adoptent des politiques monétaires plus flexibles en
fonction de l'ampleur des chocs frappant l'économie.
? A propos de l'effet des taux d'intérêt
sur la dette publique :
- La thèse « nordiste » soutient que ces
écarts de taux d'intérêt sur les dettes à risque
sont positifs et même souhaitables dans la mesure où ils incitent
les gouvernements à la prudence dans la gestion de leurs finances.
- La thèse « sudiste » soutient que ces
« spreads » sont au contraire négatifs et conduisent à
l'aggravation de la situation budgétaire des États
déjà très endettés.
? Les décisions de monétiser
la dette publique par le maintien de taux d'intérêt très
faibles doit être une décision réfléchie et
mesurée sur la base d'un arbitrage entre les avantages et les
inconvénients de cette décision. Pour aider à
réaliser cet arbitrage, les travaux de
68
Davig, Leeper et Walker (2010) permettent de chiffrer les
implications des niveaux d'endettement sur le niveau d'inflation et/ou de
fiscalité.
Le modèle:
· Modèle à deux périodes
représentant le court terme et le long terme.
· La banque centrale définit son taux d'inflation
cible (0% dans le modèle).
· Les agents sont neutres au risque, ce qui implique que
le taux d'intérêt du marché obligataire reste constant.
· L'État cherche à financer ses
dépenses entre les deux périodes mais n'est cependant pas certain
que ses recettes à venir permettront de couvrir sa dette.
· Si le gouvernement est insolvable à la
période 2, la banque centrale a le choix entre le laisser faire
défaut ou le secourir.
· Le public ne connait pas à l'avance le choix
que fera la banque centrale.
· Le public évalue la probabilité que la
banque centrale laisse l'État faire défaut et se sert de cette
évaluation pour formuler leurs anticipations. Soit ì
cette probabilité.
· Les variables expliquées sont l'ajustement
budgétaire, le défaut, et l'inflation. En cas de crise de
solvabilité en période 2, deux situations sont possibles :
· La banque centrale empêche l'État
de faire défaut en monétisant sa dette ce qui crée de
l'inflation
· La banque centrale laisse l'État faire
défaut avec une probabilité calculée en fonction des
niveaux de son solde budgétaire et l'inflation reste nulle
Les résultats du modèle concernant
l'arbitrage entre défaut et inflation :
L'auteur fait varier l'équilibre de son modèle
en réajustant la valeur du paramètre ì
(probabilité d'abandon) et trouve des valeurs probables
d'équilibre pour les variables ajustement budgétaire,
défaut, et d'inflation.
L'auteur montre que la domination monétaire dure peut
réduire la probabilité d'ajustement budgétaire en rendant
sa réalisation moins probable. De plus, il semble d'après les
estimations
69
du modèle, qu'une telle politique serait associable, et
contrairement à ce à quoi on pourrait s'attendre, à une
plus forte probabilité d'inflation.
L'approche soutient par ailleurs que l'assistance des
autorités monétaires permettrait dans une certaine mesure une
meilleure soutenabilité de la politique de rigueur et donc influencerait
sa réussite.
L'auteur conclue que ces travaux peuvent servir de base cognitive
mais doivent être encore beaucoup approfondis dans les années
à venir.
4. Mots de conclusion
Jusqu'à présent, et comme nous avons pu le
montrer en PARTIE I- TITRE 2, les anticipations d'inflation en zone euro et aux
Etats-Unis sont restées stables malgré l'activisme des banques
centrales. Il semble que les agents économiques comprennent la
nécessité d'adopter des politiques extraordinaires pour
stabiliser l'économie et semblent aussi comprendre l'enjeu que
représente le surendettement des Etats.
Cependant, les études et les discussions actuelles
mettent en avant le danger que représenterait le financement de
politiques budgétaires dont les entreprises d'assainissement sont
fragiles et peu crédibles.
Les études ont aussi montré que cet
accompagnement des politiques budgétaires par la politique
monétaire était une condition très importante pour leur
réussite.
Enfin, il faut conclure qu'il y a de grandes chances que la
crise persistante que connait l'Europe depuis 2008 perdurera, voir s'aggravera,
tant qu'une politique efficace de gestion des dettes publiques n'aura pas
été trouvée.
70
TITRE 3 : Vers un modèle
amélioré de politique monétaire : La sous -
optimalité de la règle de Taylor pour conduire une politique
monétaire optimale
De nombreux économistes, notamment ceux issus du
courant des nouveaux keynésiens soutiennent que le cadre de
décisions retenu par les banques centrales est très incomplet ce
qui explique leur incapacité à faire face aux
déséquilibres graves qui affectent les marchés. Selon
certains d'entre eux, la « grande modération » de ces
dernières années est plus due à des facteurs réels
qu'à l'optimalité des règles de politique
monétaire. Au contraire, une règle jugée trop
écartée des grandes variables de l'économie réelle
a engagé dès les débuts de l'adoption du ciblage de
l'inflation, des travaux théoriques critiques qui ont retrouvé
aujourd'hui de leur intérêt.
Peu importe ce qui se dit, ces travaux s'entendent cependant
tous à placer parmi les missions principales de la banque centrale celle
de la recherche de la stabilité des prix, condition cruciale du
bien-être économique. Les divergences se font dans le choix des
autres objectifs à prendre en compte et notamment dans la reformulation
de la règle de Taylor afin de l'augmenter de certaines variables
explicatives et de la reconnecter ainsi avec la réalité des
dynamiques macroéconomiques.
De nombreux modèles tentent d'analyser
l'efficacité d'une telle modification de la règle de
décision sur le choix des agents et l'équilibre
macroéconomique et attirent tout au moins l'attention surtout dans ce
contexte difficile avec les incertitudes qu'il soulève.
Nous allons présenter dans cette partie les
différentes critiques adressées à la politique
monétaire, leurs fondements et les propositions d'évolution du
modèle de référence retenu jusqu'alors par les banques
centrales.
Il s'agira dans une première partie de présenter
les critiques sur la position qu'assignent les banques centrales aux variables
économiques dans l'échelle d'importance à la base de leurs
décisions.
Dans une deuxième partie, nous présenterons
certaines analyses qui remettent en question certaines des hypothèses
servant de base à l'orientation des politiques monétaires.
Enfin, dans une dernière partie nous
présenterons brièvement les quelques modèles
macroéconomiques récents qui permettent de donner des pistes pour
l'élargissement du mandat des banques centrales
71
I. Les grands « oublis » de la politique
monétaire
1. L'absence de la microéconomie bancaire dans
l'analyse du canal du crédit
Les banques sont le complément nécessaire des
marchés de capitaux. Comme nous avons pu le voir
précédemment, elles permettent le financement des agents ne
pouvant pas avoir recours au marché, elles aident à minimiser les
problèmes d'aléa moral, elles sécurisent l'épargne
publique, elles financent les Etats entre autres. Cela fait d'elles un
élément important dans le processus de transmission de la
politique monétaire.
Pourtant, l'analyse microéconomique des banques a perdu
beaucoup de sont intérêt dans les modèles macro
économiques depuis une trentaine d'années. Les banques sont
résumées à leur fonction de prêteur avec une
activité suivant une marche linaire laquelle consiste à accorder
des prêts sous contrainte de capital, de taux de refinancement et de
volume des dépôts. La légitimité du canal du
crédit a par ailleurs souvent faire l'objet de critique ces
dernières décennie. Ces considérations limitatives du
secteur bancaire s'expliquent par la prédominance des marchés
financiers dans le financement de l'économie, lesquels ont connu un
développement explosif depuis les années 30. Les volumes de
capitaux qui s'y échangent sont énormes en comparaison des
capitaux qu'engage l'activité bancaire. La pensée prévoit
même la disparition progressive des banques avec l'augmentation de
l'efficience à venir des marchés financiers.
Cependant, la récente crise relance les discussions sur
à ce sujet. Et l'Europe réaffirme sa dépendance au secteur
bancaire qui reste une des sources principales de financement des
économies. Avec les deux crises quasi-simultanées qui ont
frappé l'Europe, le canal du crédit a été et est
encore très défaillant. La politique monétaire de la BCE,
malgré son fort engagement, ne parvient pas à rouvrir les vannes
du crédit.
Une des raisons de ce blocage est, comme non l'avons
précisé dans notre développement (PARTIE 1 - II - 4.),
dû en partie au surendettement des agents privés. Mais il n'y a
pas que cela, de nombreux intellectuels s'accordent à dire que le
comportement microéconomique des banque à été trop
longtemps ignoré et que cela aura eu une part de responsabilité
importante dans l'ampleur de la récente crise et dans sa persistance.
Afin de traiter le sujet du rôle de la
microéconomie bancaire dans l'ajustement macroéconomique, il nous
faut comprendre entre autres comment les décisions des banques ont
évolué en considération de l'expansion des marchés
financiers, mais aussi dans quelles mesures ces stratégies
différent en fonction des caractéristiques de chaque banque et
enfin quels sont aujourd'hui les liens entre la politique monétaire et
les décisions bancaires.
Au final, la question sera de savoir comment
réintroduire la dynamique décisionnelle des banques dans les
modèles DGSE servant de base à la décision des
autorités monétaires, mais aussi prudentielle.
72
1.1. La structure du canal du
crédit
Une première distinction importante à faire
entre les activités d'intermédiation financière est de
considérer qu'il existe en réalité deux types de canal
crédit communément appelé « the narrow credit channel
» (canal stricte du crédit) et « the broad credit channel
» (canal large du crédit).
Les effets qu'aura la politique monétaire sur le volume
des crédits octroyée vont dépendre de l'importance
relative des canaux.
? Le « narrow credit channel »
correspond aux activités traditionnelles des banques.
L'influence que pourra avoir la politique monétaire sur l'offre de
crédit dépendra surtout du niveau des taux d'intérêt
directeurs, des réserves règlementaires exigées et du prix
de ces réserves. En cas de durcicement de la politique monétaire,
l'offre de crédit diminue ou les taux des crédits augmentent et
influence la demande de crédit à la baisse. Les banques peuvent
se refinancer sur les marchés obligataires mais à coût plus
élevé.
Par extension, la contraction du crédit met à
mal la consommation et l'équilibre financier des entreprises etc.
L'efficacité de ce canal de transmission est
limitée et discutable pour trois principales raisons qui auront pour
effet de limiter l'influence des politiques monétaires :
- La non-substituabilité des dépôts
bancaires et des actifs obligataires (certificats de dépôt) n'est
pas vérifiée. Kashyap et Stein (94) précise notamment que
seules les
banques de petites tailles peuvent transmettre la politique
monétaire via ce canal.
- La non-substituabilité des prêts bancaire et du
marché n'est pas toujours vérifiée
- Ce canal néglige l'ampleur des interactions à
l'heure actuelle entre les banques et les marchés
? Le « broad credit chanel » Le
canal large du crédit n'engage pas que les banques mais aussi tout les
activités visant à octroyer du crédit au secteur
privé. Le fonctionnement de ce canal à été
largement étudié dans la littérature avec les travaux
d'auteurs comme Bernanke, Meyer, Gertler, ou Jensen et Meckling. L'idée
est que les décisions de financement des entreprises ne se base pas
majoritairement sur la qualité de l'emprunteur laquelle est juger en
fonction de ses résultat économique, du niveau de leur fonds
propres, de la cotations boursière de ces fonds et des primes de risque
appliqué sur les obligations qu'il émet, de la valeurs des
garanties qu'ils proposent. Ce financement est d'autre par soumis à des
problèmes d'asymétrie d'information lesquels impliquent des
coûts de contrôle plus ou moins importants. Alors, la
manière dont fonctionnent ce canal est à peu prêt la
même que celle du canal des bilans (cf. PARTIE, II). La politique
monétaire va influencer le volume de crédit accorder en impactant
la valeur des bilans des agents économique de telle sorte qu'une hausse
des taux d'intérêt fera par exemple baisser la
73
valeur de l'actifs des emprunteurs qui devront se financer
à plus haut coût. C'est dernier feront alors un arbitrage dans le
sens d'un financement interne plutôt qu'externe si cela est possible.
Ainsi le volume de crédit diminue.
1.2. Le rôle du capital bancaire dans les
décisions de financement
Le capital bancaire est une variable déterminante du
comportement des banques, surtout en période d'instabilité durant
lesquelles les exigences des régulateurs et des créanciers sont
plus contraignante.
Le capital bancaire constitue un signal pour les investisseurs
sur la santé de la banque et est donc un des déterminants du prix
du risque conditionnant les échanges entre la banque et le marché
(ex : augmentation en capital, emprunts, émission de produits
financiers). Cela implique que pour les banques les plus petites ou les moins
capitalisées, l'accès aux fonds financiers reste très
limité. Et c'est ces contraintes qui incitent ces dernières
à financer des projets plus risqués en échange d'un taux
élevé de rémunération, à adopter des leviers
de dépôt plus important que les autres banques ou à prendre
des positions plus risquées sur les marchés financier. Mais le
cas des banques contraintes peut être généralisé
à l'ensemble des intermédiaires financiers soumis à
régulation prudentielle. De nombreux travaux ont été
réalisés en la matière et rejoignent le sujet de savoir
dans quelles proportions les banques soumises à réglementation
peuvent-elles participer à la formation de crises financière et
à leur contagion. Ces travaux réintroduisent la
microéconomie bancaire et replace les banques comme gestionnaire de
portefeuille dont le but principal est de maximiser leur profit sous contrainte
de coûts. Les récents modèles proposés permettent
aussi d'intégrer les apports de la théorie sur les choix
d'investissement. On peut citer parmi les travaux récents
réalisé sur ce sujet, les modèles de Holmstrom B. et
Tirole J. (97) et de Rochet (2004).
Cette approche de la microéconomie bancaire nous
intéresse dans le cadre de ce mémoire car elle permet de rendre
compte de la complexité de la dynamique de décisions des banques
et replacent alors les décisions de la politique monétaire parmi
d'autres variable explicatives du comportement de crédit des banques.
Par ailleurs, ils ont l'avantage de prendre en compte les activités de
placements financiers des banques.
Chocs exogènes sur les marchés, contraintes
en capital des banques et activité de crédit :
- Le cout du capital est encore plus élevé en
période d'incertitude. C'est en partie pourquoi l'effet des politiques
de quantitative easing sur la relance du crédit reste limité. Le
cout du capital réglementaire relatif aux nouveaux prêt est trop
élevé comparé au bénéfice attendu de son
utilisation, surtout en période de taux d'intérêt faible et
de faible demande pour les crédits.
De nombreuses études théoriques et empiriques
démontrent l'existence du lien entre la réglementation en capital
et la sensibilité de l'offre de crédit aux chocs exogènes.
Les études
74
actuelles tendent à décrire et à
modéliser le comportement de crédit des banques en période
d'instabilité en retenant comme variable explicative la contrainte
réglementaire, l'évolution du prix des actifs, la taille de la
banque, et le degré de concurrence sur le secteurs bancaire.
1.3. Développement des marché financiers
et nouveau modèle de gestion bancaire
Dans une autre mesure, la politique monétaire doit
prendre en compte dans son analyse des canaux de transmission le fait que les
banques soit aujourd'hui très intégrés et active sur les
marchés financiers de telle sorte que leur activité primaire soit
relativement moins importante qu'auparavant mais aussi que ces dernières
présentent la même sensibilité aux chocs financiers que les
autres participants au marché sinon une plus grande sensibilité
du fait qu'elle soit en plus contrainte sur ses réserves. Dans la PARTIE
II -I, nous avons pu donner plus de précision sur ce
phénomène d'interdépendance entre le secteur bancaire et
financier. Il faudrait alors préciser la politique monétaire en
fonction de ces considérations.
1.3. Conclusion
La politique monétaire, autant que l'analyse strictement
économique, doit revoir leur façon d'intégrer le secteur
bancaire dans les modèles macro-économiques afin de rendre compte
des grands changements stratégiques des banques depuis la « boom
» des marchés financiers. Des travaux récents comme ceux de
Hale et Santos ou de Marques Ibanez et Scheicher (2010) peuvent
compléter ces observations.
Des propositions là encore se tourne vers la
détermination d'une règle de Taylor « augmentée) qui
prendrait en compte pour évaluer l'efficacité à un moment
donné du canal du crédit sur la base du calcule des leviers
d'endettement privé par rapport au PIB ou encore l'évolution des
prix de l'immobilier entre autres.
Aussi, Goodhart (2007) pose l'intérêt de
réaliser des études statistiques et empiriques sur visant
à évaluer les effets des variations des taux
d'intérêt directeur sur le comportement de prise de risque des
banques.
2. L'importance cruciale des frictions sur le marché
du travail dans la transmission des politiques économiques
On peut aisément citer comme une des causes du blocage
économique depuis 2008, le fait que l'envolée du chômage
induit par la crise des subprimes mais aussi des dettes souveraines en Europe a
largement fait reculer le niveau de la demande dans tous les secteurs
d'activité et a
75
donc entrainé le cercle vicieux de la
désinflation avec les risque de déflation au bout du tunnel.
On a souvent tendance à voir le chômage comme une
conséquence de la récession plutôt que comme une cause.
L'analyse des nouveaux keynésiens redonne au marché du travail
une importance capitale dans la formation de l'équilibre
économique et en font un outil majeur de sa performance.
Les études visent à intégrer dans la
règle de politique monétaire, la pleine considération des
conséquences économiques de l'occurrence de «
frictions » sur le marché du travail, cela afin
d'optimiser la règle de décision.
La Fed à d'ors et déjà, et cela depuis
2012 ajouté de façon explicite à ses objectifs celui de la
lutte contre « l'écart de chômage » au lieu de l'output
gap. En Septembre 2012, le FOMC déclare que les politiques de
quantitative-easing ne s'arrêteront pas temps que les perspectives en ce
qui concerne le marché du travail ne se seront pas
améliorées.
La grande innovation que représenterait la prise en
compte du fonctionnement du marché du travail aux cotés de
l'inflation dans une même règle serait bien sûr celle de
donner des moyens d'intervention directs à la politique monétaire
sur la formation de l'équilibre macroéconomique. Politique
monétaire et économie réelle seraient alors «
réconciliés ».
Les partisans de cette approche considèrent le
marché du travail comme l'une des principales sources d'inflation et de
formation des anticipations. Cela représenterait donc une avancée
économique majeure.
Notre approche consistera d'abord à présenter le
fonctionnement du modèle DMP (Diamond, Mortensen et Pissarides) et de
ses extensions afin de comprendre l'importance des frictions sur le
marché du travail dans la formation de l'équilibre
macroéconomique. Dans un second temps, nous préciserons la
relation entre dynamique du marché du travail et inflation, enfin, nous
nous intéresserons aux résultats obtenus par Ravenna et Walsh
(2009) sur la base de leur modèle DSGE augmenté du marché
du travail.
Parmi les auteurs ayant travaillé sur ce sujet on peut
citer : Blanchard et Galí (2007, 2010) ; Trigari, (2004) ; Moyen et
Sahuc (2005) ; Christoffel et Linzert (2010) ; Christoffel et al. (2006) ;
Gertler et al. (2008). Tous ces auteurs s'accordent sur un point qui est celui
de reconnaître l'importance des frictions et des rigidités
salariales comme variables explicatives de la propagation des chocs ainsi que
des modes de négociation des salaires.
2.1. Les fondamentaux d'une approche NK -DMP (nouveaux
keynésiens - DMP) :
? Des frictions peuvent naître sur le marché du
travail, qui engendrent à la fois une augmentation du taux de
chômage mais également des emplois vacants. Cela
implique
76
qu'une simple évaluation du taux de chômage est
insuffisante à rendre compte de l'état effectif du marché
du travail. Une mesure du ratio postes vacants/chômage
identifie l'ampleur de ce phénomène. Ainsi, on peut
constater selon l'étude de Walsh (2014) que ce ratio a fortement
diminué depuis le début de la crise des subprimes. La forte
augmentation du chômage n'a pas donné lieu à une
augmentation de postes vacants (faillite, fermetures, délocalisations
...).
? Le taux d'intérêt a un effet direct sur
la demande de travail. En effet, sans passer par les canaux
usuellement considérés, il existe un canal par lequel une baisse
du taux d'intérêt a un effet sur la valeur actualisée des
bénéfices attendus par les entreprises pour un certain nombre
d'employés. Dans le cas d'une baisse des taux, cette valeur va augmenter
et inciter l'entrepreneur à embaucher plus de main d'oeuvre puisque
celle-ci est relativement moins couteuse.
? La consommation est une fonction croissante de la baisse des
frictions sur le marché du travail : cela est vrai si l'on
considère non seulement l'augmentation des revenus distribués aux
ménages, mais aussi le fait que les ménages prennent en
considération dans leurs décisions l'état de la
conjoncture sur le marché du travail et anticipent son évolution.
La santé de ce marché (existence de frictions) est alors une
variable explicative de la fonction du bien-être social.
? La courbe de Phillips est croissante
? Les prix et les salaires sont considérés comme
fixes à court terme (voire à moyen terme) dans ces
modèles, ce qui va être la cause de certaines frictions que nous
verrons un peu plus bas.
? Les conditions de la négociation salariale jouent un
rôle déterminant dans l'équilibre
macroéconomique.
2.2. Un modèle d'appariement du marché
du travail (DMP) inséré dans un modèle DSGE
néo-keynésien (NK - DMP) :
Le modèle de base DMP permet de comprendre l'effet des
frictions dit « d'appariement » sur le salaire et le chômage
d'équilibre. Ces frictions naissent de l'imperfection informationnelle
sur ce marché qui implique que la demande et l'offre de travail sont en
partie déconnectées c'est pourquoi la pleine utilisation des
capacités productives est rarement assurée. Ces imperfections
peuvent avoir différentes origines comme les coûts à la
mobilité, l'absence de T.I.C efficace, la congestion entre les acteurs
etc. Cela explique la persistance du chômage et d'emplois vacants.
77
Une hypothèse importante de ces modèles
est qu'il existe des coûts d'appariement autant pour les employeurs que
pour les offreurs de telle sorte qu'un arbitrage bénéfices -
coût intervient à un moment donné. Il s'agit des
coûts d'appariement (ex : entretiens, carburants, communication,
formation de rappel etc.)
La résolution du modèle DMP nous donne les
salaires et taux de chômage d'équilibre en fonction des conditions
spécifiques au marché étudié. La dynamique
d'équilibre fait dépendre le nombre de travailleurs de la
période 2 à celle de la période 1, ainsi qu'à la
destruction d'emplois à la période 1 et des appariements pour la
même période. Notons que la valeur de chaque variable
dépend des arbitrages coût - profitabilité
mentionnés plus haut.
Une des évolutions proposées à ce
modèle est celle de Hall (2005) d'y introduire le degré de
rigidité des salaires en fonction de la force de négociation des
parties au contrat de travail. Une telle proposition sous-entend que, sauf en
cas d'indexation des salaires nominaux sur l'inflation, il n'est pas toujours
vérifié que les salaires réels restent constants dans le
temps. Ce qui remet en cause l'approche conventionnelle retenue pour les
modèle DSGE.
2.3. Dynamique du marché du travail et
inflation
Mis à part les interprétations traditionnelles
de la courbe de Phillips, quelques précisions ont été
faites sur la relation entre marché du travail et inflation. En voici
quelques-unes.
L'étude de Blanchard et Gali (2007) s'intéresse
à l'influence des rigidités des salaires réels sur le
niveau d'inflation. Leur principale conclusion est la suivante : la
rigidité des salaires réels complique les problèmes
d'arbitrage de la banque centrale entre stabilisation de l'inflation et de
l'écart de production potentielle. Cela est dû au fait que ces
rigidités rendent l'inflation partiellement inerte ce qui a dès
lors pour effet d'accentuer les effets inflationnistes et
déflationnistes, ou du moins de les ancrer. De telles rigidités
peuvent être la conséquence de politique d'indexation des
salaires.
Dans la même idée, Ravenna et Walsh (2009)
trouvent que la volatilité de l'inflation et de l'output gap sont
diminuées lorsque le marché du travail est plus flexible.
Ces derniers arrivent à construire un modèle qui
permet de résumer dans une relation entre inflation et
écart de chômage (chômage effectif - chômage
potentiel) le fonctionnement traditionnel des modèles
néo-keynésiens standards avec existence d'un marché du
travail caractérisé par des frictions de type DMP.
78
2.4. Efficacités des modèles NK-DSGE
pour la conduite de la politique monétaire : Résultats des
simulations du modèle Ravenna et Walsh (2009)
? La non-prise en compte des frictions sur le marché du
travail dans les décisions de politique monétaire (dans les
modèles DSGE utilisés) implique des politiques sous-
optimales et des pertes potentielles pouvant être grandes
en termes de bien-être social.
? Le marché du travail ne doit pas être
administré.
? Les pertes en bien-être social dépendent de
l'écart du chômage de telle sorte qu'un marché du travail
trop réglementé ou soumis à de nombreuses frictions est un
effet négatif sur les ménages.
? La volatilité de la consommation est en partie
expliquée par le climat d'incertitude créé par une
augmentation de l'écart de chômage.
? La présence de frictions sur le marché du
travail rend les agents neutres au genre de politique monétaire,
discrétionnaire ou ancrée.
D'autres modèles dans la même lignée sont
attribuables entre autres à : Sala, Söderström, et Trigari
(2008) ; Blanchard et Galí (2008) et Thomas (2008).
3. L'existence de fortes non-linéarités dans les
réactions des agents
Les réactions des agents ne sont en
réalité ni homogènes ni linéaires. Les
modèles macroéconomiques courants peinent notamment à
décrire les non-linéarités qui peuvent subvenir dans des
périodes de crise et d'instabilité. Pourtant, en ce qui concerne
les comportements de consommation ou d'investissement notamment, il semble
évident que ces derniers ne répondent pas, dans la crise que nous
traversons, à une logique purement linéaire. Ces
non-linéarités comportementales s'appliquent aussi bien, comme
nous l'avons vu précédemment, aux banques et aux agents du
secteur financier...
C'est alors, qu'un important travail reste à faire pour
identifier les déterminants de cette volatilité des
agrégats économiques, cela sûrement par l'utilisation de
modèles dynamiques et de techniques de simulation. Ces modifications
imprévisibles de la structure de décision sont importantes
à prendre en compte dans le cadre de la politique monétaire dans
la mesure où cela permettra à la politique monétaire
d'avoir une meilleure compréhension de la cognition des
différents types d'intervenants sur les marchés et ainsi
d'optimaliser sa règle de décision. Ainsi, sa prise en charge des
crises sera plus efficace mais aussi le retour à la stabilité
économique sera plus durable.
79
Keynes mentionnait ce qu'il appelle des « instincts
animaux » pour invoquer des décisions irrationnelles et
déconnectées des réalités économiques prises
par les agents dans certaines situations.
La principale explication de ces dérives
comportementales est à chercher dans l'impact psychologique de
l'incertitude sur les agents (incertitude quant à l'avenir, aux prix
futurs des actifs, aux niveaux des salaires, à la reprise
économique etc.). Par exemple, les banques centrales ont rendu les
conditions d'investissement bien plus profitables à l'heure actuelle
qu'avant le déclenchement de la crise. Le résultat attendu
conformément aux modèles de base retenus était un retour
plus ou moins rapide des activités économiques. Pourtant, il
semble que la structure décisionnelle des investisseurs s'est
modifiée avec l'incertitude générée par la crise de
telle sorte que l'ordre de priorité des variables qu'ils retiennent pour
leurs décisions semble avoir changé. La question est alors de
savoir dans quelle mesure.
Une autre dimension importante à prendre en compte
concerne l'interaction entre les agents économiques. Ces états de
doute sont contagieux puisque les agents sont intimement liés entre eux.
Dans le cas de la finance par exemple, la cession par un agent de taille
importante d'un grand volume d'actifs influence tous les investisseurs qui
voient un signal négatif dans cette action, sans pour autant que ces
craintes soient justifiées. Mais encore, la chute des cours, qui tombent
souvent en dessous de leur valeur fondamentale, approfondit le climat
d'incertitude, la recrudescence des problèmes d'asymétrie
informationnelle, le blocage des financements et par extension le recul de
l'activité réelle sans pour cela, qu'à aucun moment,
l'excès de panique n'ait été justifié.
Une chose qui semble peu contestable en ce qui est de
l'analyse des comportements des agents financiers, est que l'hypothèse
d'efficience des marchés financiers souvent retenue par les
modèles DSGE doit être rejetée au profit de tentatives de
modélisation des problèmes liés à l'inefficience
informationnelle. De très nombreux travaux sont déjà
disponibles sur ce sujet en ce qui concerne les marchés mais aussi la
structure de décision des banques et des entreprises en fonction des
questions d'asymétrie informationnelle. Faut-il encore arriver à
en faire un bilan exploitable dans les modèles DSGE.
F.Mishkin précise que puisque le principal objectif
final de la politique monétaire est celui de maximiser le
bien-être social, elle se doit alors d'évoluer avec la structure
des préférences des agents économiques.
Les travaux entre autres de Gertler et Karadi (2009) et Curdia
et Woodford (2009) donnent quelques précisions sur ce sujet.
80
II. Autres considérations sur la pertinence des
fondamentaux de la politique monétaire
1. Discussions autour du ciblage de l'inflation : Quel taux ?
Quelle cible ?
1.1. Le ciblage de l'inflation
La récente crise nous a montré que le
problème du "zero lower bond", qui, à force de la mise en oeuvre
des politique non conventionnelles, pouvait être un problème
sérieux en ce sens qu'il implique un fort interventionnisme des banques
centrales (voir développement partie 1-II - 4. et Partie 2, I. 3.).
Certains économiste se demande s'il ne serait pas plus sage de revoir
à la hausse la cible d'inflation afin d'éviter que ce
problème ne contraigne la politique monétaire à l'avenir.
Ainsi, par exemple, Blanchard, Dell, Ariccia et Mauro (2010) proposent
d'augmenter cette cible de 2 à 4 % pour l'Europe.
L'idée derrière cette proposition est qu'en cas
de nouvelles instabilités, les anticipations d'inflation ancrées
sur un niveau plus élevé, laissent une plus grande marge de
manoeuvre aux banques centrales afin de contrer l'endiguement d'une crise
potentielle ou d'un choc de demande par exemple, en influençant les taux
d'intérêt réels de long terme voire en les rendant
négatif en cas de nécessité. Par extension, ces critiques
impliquent que la politique monétaire doit être stricte sur une
cible d'inflation supérieure très proche des 2% si elle ne change
pas cette cible à la hausse. Les discussions entre participants du FOMC
semblent aussi tendre vers une révision à la hausse des cibles
d'inflation.
Paul Samuelson et Robert Solow proposent même de
tolérer le dépassement de cette cible jusqu'au seuil de 5%.
Cependant, différentes critiques peuvent
être formulées contre cette proposition :
- Une cible à 4 % pourrait affecter négativement
les décisions des ménages et des entreprises. Comme le soutient
l'organisation Greenspan, afin de ne pas affecter les comportements
fondamentaux des agents, la cible ne doit pas dépasser le niveau des 3
%.
- L'augmentation engendrerait une perte mesurable de la
crédibilité et de l'utilité même de la mission des
banques centrales dont le comportement serait même assimilable à
un comportement discrétionnaire.
- Une cible d'inflation plus haute engage un plus grand risque
de réalisation d'une spirale inflationniste.
81
- Une telle mesure ne serait
bénéfique qu'en cas de crises économiques graves qui sont
par expérience très peu fréquentes. Tandis que les
coûts d'une telle mesure pourraient se mesurer jour après jour.
1.2. Le ciblage du niveau des prix
De nombreux travaux actuels reviennent sur le choix de la
cible d'inflation de la politique monétaire. Ces travaux
soulèvent la question de savoir si une cible de niveau des prix ne
présenterait pas plus de bénéfices qu'une cible
d'inflation en ce sens qu'elle permettrait de mieux ancrer les anticipations
d'inflation des agents et aussi éviter les coûts potentiels
liés au phénomène de « dérive du niveau des
prix » sur une période longe. Notre objectif est de faire un bilan
des bénéfices et des désavantages qui pourraient
résulter du ciblage du niveau des prix plutôt que de celui de
l'inflation. Cela sur la base des récentes études
réalisées sur ce sujet.
Qu'est -ce que le ciblage du niveau des prix ?
La banque centrale base sa cible sur la définition d'un
sentier de croissance du niveau des prix correspondant à une moyenne
corrigé des observations passées. Sa mission sera alors de
maintenir le niveau des prix sur cette cible en réagissant de
façon ex-post à ses variation sur l'année en faisant
modifiant sa cible d'inflation de façon à annuler les effets des
écart sur l'année échue.. La grande différence avec
le ciblage actuel de l'inflation, c'est que cette dernière adopte une
approche prospective. Elle vise à ce que l'inflation moyenne de long
terme ne dépasse pas un certain seuil et elle ne réagira pas pour
corriger les écarts d'inflation effective d'une année à
l'autre.
Avantages du ciblage du niveau des prix
? Une des premières remarques que nous pouvons faire
est que la cible du niveau des prix diminue les incertitudes sur les prix
futurs et permet donc un meilleur ancrage des anticipations de l'ensemble des
agents économiques (syndicats, entreprises, investisseurs). Elle diminue
donc les frictions pouvant exister sur le marché du travail et celles
liées à la déconnection dans la fixation des prix ex -
ante par les entreprises.
? De plus, elle permet d'éviter la perte
éventuelle de richesse liée aux fluctuations imprévisibles
du niveau d'inflation.
? Aussi, un grand avantage du ciblage du niveau des prix
réside dans le fait qu'il sécurise les termes des contrats
conclus pour un long terme de telle sorte à ce que les valeurs
réelles anticipées du prix du contrat soient toujours
égales à leur valeur actuelle. D'autre part, elle permet aux
parties d'un contrat d'avoir recours de manière moins fréquente
à des produits d'assurance et autres produits financiers de
couverture.
82
Howitt (2001) affirme d'ailleurs que l'effet des incertitudes
entourant les prix est déterminant dans la formation de l'inflation via
ce canal des contrats.
? Svensson, Woodford, Gavin et Prescott entre autres soutiennent
que ce type de ciblage a pour effet de produire moins de volatilité du
PI3 que la cible d'inflation
Inconvénients du ciblage du niveau des prix
I.Fisher en 94 et d'autres études sur le sujet,
soulèvent les aspects négatifs que peuvent avoir ce type de
ciblage :
? Pourrait produire une volatilité plus grande du PI3 que
la cible d'inflation en cas d'occurrence de chocs inattendus sur les prix
? Rendrait l'utilisation des politiques monétaires non
conventionnelles inutilisables en cas d'atteinte du « zero lower bond
» pendant un choc
? Le fait de maîtriser plus fermement les niveaux des prix
pourrait non seulement les déconnecter de leur évolution
naturelle avec la dynamique du PIB dans le temps
? Mais aussi, faire perdre au prix leur fonction d'indicateur sur
le marché
Il semblerait alors que le ciblage du niveau des prix
présente bien des intérêts, cependant un arbitrage doit
être fait entre ses bénéfices et ses coûts en
comparaison à ceux de la cible d'inflation.
La banque du Canada, dans une publication sur le sujet en
Septembre 2009, sur la base de l'analyse de S. Ambler, précise les
avantages et les inconvénients du recours au ciblage du niveau des prix
dans le tableau qui suit :
83
Source : S. Ambler - Banque du
Canada
2. Le retour de la théorie discrétionnaire de la
politique monétaire
La politique discrétionnaire vise à fixer le taux
d'intérêt période après période en fonction
de la conjoncture économique. Cela implique que la banque centrale
réagit « sur le tas » et librement.
Elle ne s'engage pas à suivre une cible d'inflation
quantifiée pour l'avenir. Il n'y a donc pas d'ancrage ou de pilotage des
anticipations sous les formes qu'on expérimente depuis la mise en place
de la politique monétaire actuelle.
84
La politique dite soumise à une règle ou «
commitment » est celle de la politique actuelle. Elle est
prévisible puisqu'elle fixe le niveau des taux d'intérêt en
suivant une règle précise (la règle de Taylor). Elle
permet ainsi une grande maîtrise des anticipations d'inflation des agents
économiques.
Ce qui a justifié jusqu'alors l'ancrage de la politique
monétaire sur une règle ainsi que la grande transparence des
orientations stratégiques, c'est le souci du maintien de la
crédibilité de la banque centrale. Cette
crédibilité est jugée indispensable afin de garder la
confiance des agents économiques, de piloter les croyances des agents et
donc de garantir la stabilité des prix, et par extension de
l'activité économique.
Les deux politiques ont leurs arguments.
Les nouveaux Keynésiens, qui ont toujours
prôné l'approche discrétionnaire, profitent de cette
période d'instabilité et de l'échec des impulsions de la
politique monétaire actuelle, pour réengager le débat sur
l'intérêt de chaque approche avec en tête la croyance
qu'une politique de type discrétionnaire bien formulée
permet d'obtenir de meilleurs résultats en terme de bien-être
social sans pour autant perdre en crédibilité. Il est
donc intéressant dans le cadre de ce mémoire et au vu du biais
d'inefficacité avéré de la politique monétaire en
Europe, de nous pencher sur cette approche.
Notons que, sans pour autant s'auto-qualifier de politique
discrétionnaire, la Fed et la banque d'Angleterre agissent pourtant en
tant que tel lorsqu'elle décide d'intervenir directement dans la
politique budgétaire en achetant des bons du trésor ou encore en
fixant clairement un conditionnement de leur politique sur des objectifs autres
que l'inflation comme celui du niveau du PIB ou celui du de chômage.
Selon l'approche de Clarida, Gali et Gertler (99), qui est
partagée par tous les auteurs de ce courant, la principale critique
formulée contre la politique discrétionnaire qui est celle de sa
crédibilité ne tient pas : Une politique
discrétionnaire n'est pas moins crédible qu'une politique
engagée si elle est menée selon une marche logique et
modérée.
En effet, l'idée étant que les anticipations des
agents, au lieu d'être solidement ancrées par la règle,
vont s'établir dans la même logique économique que celle de
la banque centrale. Donc les agents seront aussi capable d'anticiper assez
justement, au regard de la conjoncture économique, les réactions
de la banque centrale qui choisi d'adopter une politique
discrétionnaire. On parlera de « time consistent equilibrium
».
Pour aller encore plus loin, les travaux récents de
l'école des nouveaux Keynésiens permettent dans ce cadre de
formuler des modèles de prévision macroéconomique
détaillés et certains planchent sur l'élaboration d'une
nouvelle règle de politique monétaire qui serait sensible
à la conjoncture. Ce courant réaffirme l'importance d'adapter la
politique monétaire aux défis économiques. L'idée
derrière cette intention sera celle de formuler un « mode
d'emploi
85
normatif » pour la politique monétaire
contenant sûrement des valeurs probables des paramètres
du modèle différents en fonction des défis à
surmonter.
Y aurait-il des modèles de politiques
monétaires de crise et des modèles de politiques
monétaires de stabilité par exemple ?
Les travaux doivent encore être approfondis dans ces
domaines. Cependant, on peut noter que cette approche n'est pas
dénuée de sens au regard à la fois de l'utilisation
d'instruments inédits pour contrer la crise récente et la rude
bataille que mènent encore les autorités monétaires pour
stabiliser les économies à leur niveau potentiel.
Le cadre réglementaire dans lequel la politique
discrétionnaire doit évoluer est défini comme suit
:
? La politique monétaire ne doit pas chercher à
fixer le niveau de l'output au-delà de son niveau potentiel au risque
d'engendrer une forte inflation et une perte notable du bien-être social.
Cette leçon peut être tirée des erreurs du
keynésianisme ancien.
? Lorsque la banque centrale affirme la prédominance de
l'objectif d'inflation et bénéficie d'un statut
indépendant, le biais inflationniste lié à la politique
discrétionnaire diminue.
Aussi, certaines simulations menées par ces trois
auteurs ainsi que par des auteurs comme Walsh et Ravenna (2009) entre autres,
permettent d'évaluer les bénéfices à tirer de
l'adoption d'une politique discrétionnaire en termes de rapport entre
bien-être social et la perte sociale.
86
|