Droits des patients en fin de vie et euthanasie passive en RDCpar Jules-Alphonse VARONDI Université Catholique de Bukavu - Licence 2021 |
CONCLUSION« Jadis, La Fontaine écrivait dans la fable `'La mort et le bucheron'' : `'Plutôt souffrir que mourir, c'est la devise des hommes`'. Aujourd'hui, lorsque la vie devient synonyme de souffrance, un droit à la mort est de plus en plus revendiqué.151(*) » Cette citation du philosophe ALEXANDRE LUNEL conclut le présent travail de mémoire ayant porté grosso modo sur les droits des patients en fin de vie et l'euthanasie passive en Droit positif congolais, dans un contexte où la RDC s'est dotée d'une nouvelle loi relative à la santé publique. Cette loi consacre entre autres des droits des malades et des obligations des médecins. Le travail a particulièrement porté sur les avancées de la loi en terme de reconnaissance du cas particulier du patient en fin de vie et de leur droit aux soins, au réconfort et au soulagement. Ces nouvelles notions introduites par la loi ont attiré notre curiosité dans la mesure où elles ont ouvert une brèche à la reconnaissance d'un « droit de mourir dans la dignité » ; un droit dont l'exercice semble parfois prêté à confusion avec une autre pratique fortement réprimé en RDC : l'euthanasie. La loi de 2018 relative à la santé publique n'a-t-elle pas reconnu implicitement un droit à l'euthanasie dans sa forme passive ? Telle est la question principale à laquelle ce travail a apporté une réponse. L'euthanasie passive est une pratique consistant à interrompre le traitement curatif et à le substituer par un traitement palliatif ou encore à « débrancher » le patient des appareils maintenant artificiellement sa vie à sa demande, dans le but de privilégier son soulagement à sa survie. Cette question principale en a soulevé d'autres, relatives notamment aux droits du patient en fin de vie et aux obligations du professionnel de santé y relatives, au consentement du patient au traitement à lui appliquer, à la personne habilitée à choisir en lieu et place du patient dans l'hypothèse où ce dernier ne serait pas capable de discernement, et à la responsabilité du médecin. Pour répondre à toutes les interrogations soulevées dans ce travail, l'emploi de la méthode juridique dans son approche exégétique, la méthode analytique, la méthode comparative et la méthode sociologique furent nécessaire. Elles ont nécessité le recours à la technique documentaire, la technique d'entretiens et la technique d'échantillonnage théorique. Le travail est subdivisé en deux chapitres de deux sections chacun. Le premier chapitre présente dans sa première section les droits du patient en fin de vie et les obligations du médecin face à un tel patient. Ce sont notamment, en plus d'autres droits, le droit aux soins, le droit au réconfort et le droit au soulagement. Le droit aux soins suppose un droit aux soins appropriés, adaptées à la pathologie du patient qu'il fait valoir par lui-même ou par toute personne interposée. Ce droit inclut le droit aux traitements palliatifs s'il le souhaite ou si sa situation l'exige. Le droit au réconfort suppose le droit à une assistance morale de la part du professionnel de santé et des proches du patient, le droit de voir ses besoins psychologique, affectifs et psychosociaux comblés. Le droit au soulagement quant à lui suppose l'amélioration de la qualité de vie et du confort du patient, par le recours notamment à des traitements palliatifs envisagés dans une approche globale prenant en compte tous les aspects de la vie du patient : biologique, psychologique, sociaux, spirituels, etc. Les obligations du médecin face au patient en fin de vie sont l'obligation d'informer le patient de son état de santé, des traitements et interventions possibles, leurs bénéfices et leurs risques éventuels. Il doit aussi s'assurer que le patient a reçu et a bien compris toutes ces informations. Cette information est nécessaire au choix de la thérapeutique à adopter. A ce niveau, se pose le problème du discernement du patient. En effet, la loi ne définit pas ce qu'il faut entendre par patient capable de discernement. Elle ne prévoit pas non plus de procédure à suivre dans le choix de la thérapeutique dans l'hypothèse où le patient ne serait pas capable de discernement, en dehors du cas de la désignation anticipée d'un mandataire. Pour le mineur, les personnes habilitées à faire ce choix sont ses père et mère ou la personne exerçant l'autorité parentale sur lui. Outre cette obligation d'information, le professionnel de santé s'oblige à administrer des soins de santé de qualité, adaptés à la situation du patient et à ses besoins. Le deuxième chapitre est centré sur l'euthanasie passive en RDC. Il est subdivisé en deux sections. La première porte sur le régime juridique de l'euthanasie passive en RDC, qui est préconisée non pas comme une atteinte à la vie du patient mais plutôt comme l'exercice de ce dernier à son droit au soulagement. Elle nait du principe de liberté gouvernant la relation de soins, la liberté du patient de choisir le traitement qui lui convient et la liberté de prescriptions médicales du médecin. Le fait de débrancher le patient des appareils maintenant sa vie de façon artificielle pose cependant un problème si ce dernier n'est pas en mesure d'exprimer sa volonté. Il est difficile d'établir la responsabilité pénale du professionnel de santé pour des actes d'euthanasie passive, étant donné qu'ils ne tombent sous le coup d'aucune infraction et qu'ils ne sont en aucun cas caractérisé par une intention criminelle. Dans une deuxième section, la pratique médicale des professionnels de santé confrontés aux lacunes de la loi a été présenté. Face aux lacunes de la loi, les professionnels de santé ont trouvé plusieurs astuces. En effet, la loi ne définit pas ce qu'il faut entendre par « patient capable de discernement ». Elle ne prévoit pas non plus de procédure à suivre dans le choix d'une thérapeutique à adopter lorsque le patient est incapable de discernement. Face à ces lacunes, certains professionnels de santé ont instauré un système de décision collégiale entre eux et les proches du patient, prééminence accordée aux parents et au conjoint. D'autres par contre considère qu'en pareille hypothèse, il faut considérer le patient comme en cas d'urgence et maintenir le traitement à l'appréciation discrétionnaire du professionnel de santé dans l'intérêt du malade. En cas de refus de soins, il existe dans la pratique un système de note rédigée par le patient dans lequel il atteste avoir décidé délibérément de renoncer aux soins. Cette note est annexée à son dossier médical. Vu les lacunes de la loi sur la question de la fin de vie, la RDC devrait se doter d'une loi qui permette de respecter à la fois d'un côté la volonté du patient, les notions de soins palliatifs, la dignité humaine du mourant et de sa famille, la qualité de fin de vie, et d'un autre côté les principes de la responsabilité et de la sécurité juridique des professionnels de santé152(*), en s'inspirant des recommandations de l'OMS sur les soins palliatifs. Brièvement, les recommandations suivantes peuvent être été formulées : encadrer davantage la fin de vie de manière à renforcer le droit au soulagement, le droit à une mort digne, le droit à l'euthanasie dans sa forme passive reconnu aux patients en fin de vie sans pour autant dépénaliser l'euthanasie dans sa forme active. Le législateur devrait consacrer légalement la procédure collégiale entre la famille du patient en fin de vie et le professionnel de santé dans le choix de la thérapeutique à adopter. Il devrait aussi fixer de manière explicite les limites d'un acharnement thérapeutique, pour garantir aux patients dont la guérison n'est plus possible un accompagnement paisible et adéquat dans les derniers instants de sa vie. Et, d'adopter les recommandations de l'OMS relative aux soins palliatifs contenues dans la résolution 67.19 de 2014 de l'assemblée générale de la santé. Au regard des développements faits, les hypothèses émises ont effectivement été vérifiées. Ce modeste travail n'étant pas une fin en lui-même, il serait intéressant dans la continuité de cette recherche, de mener une étude sur la problématique de l'acharnement thérapeutique en RDC, ou encore sur la responsabilité de l'Etat face à la défaillance ou aux carences de son système de santé vis-à-vis de ses citoyens. * 151 A. LUNEL, « La fin de vie d'hier et d'aujourd'hui », in Les Cahiers de la Justice,N°3, pp. 403 à 411,La fin de vie, qui en décide ?, Paris, Dalloz, 2017, p. 403. * 152 S. M. MARCHESINI, « Le suicide assisté : La nouvelle `'peine de mort'' induite par la société contemporaine ? Une analyse à la frontière entre Droit et Psychanalyse », In Revue de la Société de Thanatologie, n° 141, pp. 37 à 53,Etudes sur la mort, Bordeaux, L'Esprit du temps, 2012, p. 38. |
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